Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Naoyo Furukawa
Furukawa Naoyo. Cet animal construit des barrages : le SN générique et ses modes de référence. In: L'Information
Grammaticale, N. 47, 1990. pp. 3-10.
doi : 10.3406/igram.1990.1917
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/igram_0222-9838_1990_num_47_1_1917
CET ANIMAL CONSTRUIT DES BARRAGES :
LE SN GÉNÉRIQUE ET SES MODES DE RÉFÉRENCE
Naoyo FURUKAWA
3. Pour l'interprétation non spécifique (comme dans Je veux attraper un 4. Nous avons montré dans Furukawa (1989) que le comportement de
castor), on pourra donner un schéma comme « un (INDIVIDU qui est) un N générique dans sa reprise pronominale est dû à son double caractère,
CASTOR ». référentiel et non référentiel.
Tout ce qui précède nous permet d'avancer que d'une être repris qu'avec une certaine réticence par le pronom
part, les SN génériques le(s) castor(s) réfèrent a l'espèce neutre ça :
« castor » de façon immédiate et que d'autre part, le SN un (27) ? Cet animal, ça construit des barrages.
castor dit générique y réfère de façon médiate.
L'étrangeté de (27) provient, semble-t-il, de ce que le pro
On remarquera enfin que dans le cas des SN le (s) nom neutre ça ici n'a pas clairement de raison d'être.
castor(s), les deux lectures, générique et non générique, Remarquons que si l'on remplace ça par //, la phrase de
se séparent de manière discontinue l'une de l'autre et que vient parfaitement acceptable :
par contre, dans le cas du SN un castor c'est tout simple (28) Cet animal, il construit des barrages.
mentla différence de degré de rapport de force entre les
éléments individu (ou INDIVIDU) et castor (ou CASTOR) qui Nous avons avancé ailleurs (Furukawa, 1989) que le pro
entraîne la prétendue triple ambiguïté de l'interprétation : nom neutre ça dans les phrases du type le/les/un
générique, spécifique et non spécifique. En d'autres te castor(s), ça construit des barrages n'est pas un simple
rmes, ces trois interprétations ne s'opposent pas de man pronom de reprise et que son rôle premier dans ce type de
ière exclusive, dans la mesure où les éléments compos construction consiste à annuler la lecture référentielle ou
antsindividu (INDIVIDU) et castor (CASTOR) restent fo non générique du SN détaché ; autrement dit, son rôle
ndamentalement identiques. La vérité semble consister à premier, fonctionnel par excellence, est d'indiquer de fa
dire que la forme un castor est une forme susceptible de çon négative qu'il ne désigne pas un (des) castor(s)
s'adapter soit au contexte prédicatif générique, soit au particulier (s). Revenant à la phrase (27), nous faisons
contexte prédicatif spécifique, soit au contexte prédicatif remarquer que le pronom neutre ça, marque de « déréfé-
non spécifique. Le débat, bien connu, sur l'existence ou la renciation » en l'occurrence, n'a pas d'objet sur lequel
non-existence de la lecture non spécifique pourrait s'expl s'exercer. Ceci, parce que le réfèrent direct du SN cet
iquerpar cette situation propre au SN indéfini. Notre ana animal, à savoir l'objet spécifique en présence du locuteur,
lyse rejoint ainsi celle de F. Corblin (1987 et 1989) selon n'est pas à écarter même dans l'interprétation générique
laquelle la forme un N n'est pas ambiguë mais sous-déter de la phrase. C'est dire que les deux referents, objet spéci
minée alors que la dualité des interprétations des formes fique en présence du locuteur et son espèce, coexistent
le (s) N ressortit elle à l'ambiguïté, comme c'est le cas du même dans l'interprétation générique bien que ce soit la
verbe voler qui peut signifier ou dérober ou se mouvoir notion d'espèce qui occupe le statut thématique. En effet,
dans les airs. et c'est évident interprétativement, le SN cet animal, par
l'intermédiaire de son réfèrent direct, objet spécifique en
3.1.2. Le type cet animal: double réfèrent présence du locuteur, arrive à référer à l'espèce à laquelle
appartient cet objet particulier. Quel est le mécanisme qui
Au § 3.1. 1., nous avons posé que le SN dit générique un le rend possible ? C'est là un problème intéressant qui va
castorréfère à l'espèce « castor » de façon médiate. Cette être désormais considéré.
façon de référer à l'espèce intéresse le SN sujet dans :
Rappelons la phrase en question :
(24) Cet animal construit des barrages, (au zoo)
(29) Cet animal construit des barrages, (au zoo)
Le SN cet animal peut bel et bien renvoyer à l'espèce
« castor ». En effet, la phrase (24) accepte l'adjonction Le fait que le SN cet animal, par l'intermédiaire de l'objet
des adverbes de quantification générique qui portent sur spécifique en présence du locuteur, arrive à référer à son
les SN : espèce, semble s'expliquer par une espèce d'inférence,
mécanisme qui intervient dans l'interprétation du SN.
(25) En général/Généralement, cet animal construit des
barrages. Pour mettre ce mécanisme en lumière, nous invoquerons
ici une analyse de la description démonstrative de forme
D'ailleurs, il est compatible avec un prédicat de classe : ce N, celle faite dans G. Kleiber (1984). Kleiber a montré
(26) Cet animal abonde dans cette région. de façon convaincante que ce N correspond à une struc
tureclassificatoire abrégée présupposée du type « ce +
Les données ci-dessus suffisent à montrer que l'on a bien est -i- un/du N ». Le recours à cette étude nous permet
affaire à un SN qui peut renvoyer à une espèce (5).
d'analyser le SN cet animal comme correspondant à la
Il n'empêche, bien entendu, que le SN cet animal réfère en structure présupposée suivante :
même temps à un objet spécifique qui se trouve en pré (30) Ce + est + un animal
sence du locuteur. Cet aspect référentiellement spécifique
du SN en cause se confirme par le fait que celui-ci ne peut Justement, cette structure sous-jacente provoque une
espèce d'inférence lors de l'interprétation. Ceci, à cause
de l'infime quantité d'information qu'elle véhicule. Le con
tenu « c'est un animal » est en effet lui-même peu informa-
5. Ici l'interprétation non générique n'est pas prise en compte. Il est vrai tif, puisque l'objet désigné se trouve sous les yeux de
que le statut thématique peut être accordé, selon les besoins du discours, à l'allocutaire. Ainsi, l'interprétant est invité à chercher lui-
un objet spécifique en présence du locuteur, comme le montre la
paraphrase : Cet animal, Il construit des barrages. Disposez donc son terrain même un réfèrent visé, réfèrent qui se situe, dans la hié
de jeux en conséquence. rarchie extensionnelle, entre l'individu désigné par le
démonstratif ce et le genre (animal) exprimé par N : en Ou bien, dans la mesure où une équivalence sémantique,
l'occurrence, l'espèce « castor ». quelle qu'elle soit, n'est jamais totale, on peut adopter une
explication plus souple, explication ayant recours au trait
On voit que ce mécanisme n'est possible que si N dans la « non nommé » de ça. On peut considérer ainsi que c'est
forme ce N est un hyperonyme (comme animal) par rap le trait « non nommé » qui déclenche le mécanisme infé
port à l'espèce qu'est le réfèrent visé. Ainsi, la phrase rentiel :
suivante ne reçoit pas la même interprétation que la
phrase (29) : (37) « objet non nommé » Quel est l'objet non
nommé ? -» « castor »
(31) Ce castor construit des barrages.
Quel que soit le mode d'explication adopté, l'essentiel
Le SN ce castor ne peut pas désigner l'espèce « castor », reste le même : le fait qu'un mécanisme inférentiel est à
cela va de soi ; il renvoie soit à une sous-espèce, et dans l'oeuvre, ici encore.
ce cas le même mécanisme entre en jeu, soit à un individu.
En outre, ce mécanisme ne se met à l'oeuvre, bien enten Par ailleurs, on observera que ce phénomène inférentiel
du,que si le prédicat le favorise. Evidemment, le prédicat ne se produit que dans une situation particulière. En fait,
événementiel interdit l'interprétation générique de la forme nous avons affaire là à la neutralisation d'une opposition
ce N: individu/espèce ou, si l'on emprunte les termes de Jackend
(32) Cet animal vient d'arriver ici. off (1983), occurrence/type. Jackendoff (1983, p. 92)
donne un exemple significatif à cet égard, bien qu'il ne dise
Le SN cet animal en (32) renvoie à un individu. On obser pas explicitement qu'il s'agit là d'un cas de neutralisation
vera à ce propos que le remplacement de l'hyperonyme de l'opposition occurrence/type :
par son hyponyme n'entraîne guère de changement de (38) Those (pointing to a single Cadillac) are expensive.
sens :
(33) Ce castor vient d'arriver ici. La situation est claire. Une voiture-occurrence se confond
facilement, on le voit, avec une marque à laquelle elle
Il est à rappeler que ce n'est pas le cas de la relation qu'il y appartient, dans la mesure où elle est censée qualitativ
a entre (29) et (31). ement être dépourvue d'individualité. On aura remarqué
L'analyse qui précède nous permet de schématiser le que la situation est analogue dans le cas de l'espèce
mécanisme inférentiel qu'entraîne le SN cet animal en (29) « castor » qu'évoque le SN cet animal dans la phrase en
comme suit : cause. En effet, les animaux du zoo sont là en tant que
représentants de leurs espèces. Leurs individualités sont
(34) Ce + est + un animal -» Quel animal ? -* « castor » donc plus ou moins effacées aux yeux des visiteurs du
Le réfèrent visé du SN cet animal n'est pas l'individu expl zoo.
icitement désigné par le démonstratif ce mais l'hyponyme Revenons au problème du mode de référence du SN cet
«c castor » qui se trouve au point d'arrivée du processus animal. L'analyse qui précède nous conduit à affirmer que
inférentiel (6). le SN cet animal dans la phrase Cet animal construit des
Dans le même ordre d'idées, il est intéressant d'observer barrages réfère à l'espèce « castor », de même que le SN
que l'interprétation générique est possible aussi pour le un castor, de façon médiate ; de façon médiate, parce que
démonstratif ça : l'espèce « castor » qu'est le réfèrent visé, n'est obtenue
(35) Ça, ça construit des barrages. que par l'intermédiaire d'un processus inférentiel.
Comment cela est-il possible ? Le mécanisme inférentiel 4. RÉFÉRENCE INTÉGRALE ET RÉFÉRENCE NON
signalé ci-dessus est-il valide ou non dans ce cas ? Nous INTÉGRALE
pensons que le même processus intervient ici aussi. On
peut invoquer à ce propos l'analyse de G. Kleiber (1987) Dans les sections qui précèdent, nous avons établi une
sur le mot chose et le démonstratif ça. Kleiber a montré distinction concernant la façon de référer à l'espèce (ou la
judicieusement que le mot chose et le démonstratif neutre classe ouverte) : distinction entre référence immédiate et
ça partagent une propriété en ce qu'ils s'appliquent aux référence médiate. Dans la présente section s'impose une
entités « non nommées » ou « non classifiées ». Cette nouvelle distinction, distinction entre les références que
analyse nous permettra de poser que ça équivaut séman nous étiquetterons respectivement comme « intégrale » et
tiquement à peu près à cette.chose. Si cette équivalence « non intégrale ».
sémantique est correcte, on pourra avancer qu'un méca Or, le SN cet animal n'a été considéré jusqu'ici que dans
nisme inférentiel du genre suivant est en jeu : une de ses interprétations possibles. Cette interprétation
(36) Ce + est + une chose -? Quelle chose ? -? « castor » concernait en effet ce qu'on appelle la référence situation-
nelle ou exophorique, car la situation y était telle que le
locuteur se trouvait devant un réfèrent-individu. En fait, il y
a une autre interprétation possible. Celle-ci concerne cette
6. Ce qui a été dit du SN cet animal, pourrait s'appliquer, mutatis mutand fois-ci ce qu'on appelle la référence contextuelle ou endo-
is,aux séquences du type l'animal que j'ai acheté hier. phorique.
8
Considérons l'exemple suivant : donné qu'il ne peut pas constituer à lui seul l'espèce elle-
(39) Le castor est un mammifère rongeur. Cet animal même. Ceci est corroboré par l'existence de contraintes,
construit des barrages. bien connues d'ailleurs, sur le SN générique de forme
un N : son incompatibilité avec un prédicat de classe
On s'aperçoit tout de suite que le mécanisme inférentiel (ex. *Une cigogne est en voie de disparition.), la difficulté
signalé plus haut n'a plus lieu d'entrer en jeu dans l'inte qu'il a d'occurrer en position d'objet direct (ex. *J'aime un
rprétation du SN, car le démonstratif ce ici, contrairement chien). Quant au SN cet animal dans la phrase Cet animal
au cas où il désigne de façon déictique le réfèrent direct en construit des barrages (au zoo), il fonctionne aussi de
présence du locuteur, reprend endo-anaphoriquement le façon non intégrale et médiate. De façon non intégrale,
SN générique (le castor) qui se situe dans le contexte parce que le démonstratif ce ne désigne qu'un individu en
antérieur. Il s'agit là d'un cas de reclassification, dans la présence du locuteur et non l'espèce elle-même. Si le SN
mesure où le N dans la forme ce N (animal) n'est pas cet animal réfère à l'espèce de façon médiate, c'est que le
lexicalement identique au N de l'antécédent (castor) (7). Ce renvoi à l'espèce se fait par l'intermédiaire d'un processus
qu'il importe d'observer ici, c'est que l'emploi d'un hyper- inférentiel que déclenche l'emploi de l'hyperonyme animal.
onyme en (39) est dans une certaine mesure fortuit. En
effet, cet emploi n'est pas une condition nécessaire pour Certes, comme on vient de le voir, la référence non inté
que s'obtienne l'interprétation générique de la forme ce N grale entraîne nécessairement la référence médiate. Ce
dans ce contexte. Ainsi, dans : pendant, l'inverse n'est pas vrai. Justement, c'est le cas
de (39). Il est à rappeler que le SN cet animal en (39)
(40) Le castor est un mammifère rongeur. Ce badin réfère à l'espèce « castor » de façon médiate ; ceci, parce
construit des barrages. que la référence à l'espèce ne se fait, dans ce cas-là,
Le N dans ce N (badin), bien que n'étant pas un hyper- qu'endo-anaphoriquement, c'est-à-dire par l'intermédiaire
onyme, peut bel et bien renvoyer à l'espèce (castor). de son antécédent le castor. On se rendra compte à pré
sent qu'il ne peut s'agir d'un cas de référence non intégrale
Il est à rappeler que dans (29), à la différence du cas mais d'un cas de référence intégrale, dans la mesure où
de (39), l'emploi d'un hyperonyme est une condition né l'antécédent le castor, SN générique, renvoie à l'espèce
cessaire pour que le mécanisme inférentiel soit disponible toute entière.
et qu'ainsi s'obtienne l'interprétation générique de la forme
ce N. Quant au mode de référence du SN cet animal Il n'est pas utile d'ajouter que dans le cas des SN le(s)
en (39), il réfère, de façon médiate, à l'espèce « castor ». castor(s), ceux-ci réfèrent à l'espèce de façon intégrale et
De façon médiate, parce qu'il ne réfère à l'espèce qu'endo- immédiate.
anaphoriquement, c'est-à-dire par l'intermédiaire de son
antécédent. N'y a-t-il pas alors de différence, quant au 5. LE SN GÉNÉRIQUE DISCURSIF ET SON MODE DE
mode de référence, qui sépare (39) de (29) ? Il semble RÉFÉRENCE
exister une grande différence entre eux, différence con
cernant le mode de référence du démonstratif ce. En effet, Considérons enfin le mode de référence d'un SN discursi-
dans (29), rappelons-le, ce désigne de façon déictique un vement générique. Rappelons l'exemple en cause :
individu qui se trouve en présence du locuteur et qui donc (41) Les étudiants de notre Université travaillent sérieu
n'est qu'un membre de l'espèce. Par contre, dans (39), il sement.
reprend son antécédent le castor. On notera que
l'antécédent le castor, repris par le démonstratif ce, ne Le problème de savoir s'il s'agit d'un cas de référence
immédiate ou médiate ne se pose pas ici. Pourquoi cela ?
désigne pas un membre de l'espèce, comme c'est le cas Parce que l'opposition entre les références immédiate/
de (29), mais l'espèce toute entière. Ainsi, nous appelle
rons le mode de référence du cas de (29) « référence non médiate implique de bonne logique l'existence préalable
d'un objet auquel référer ; autrement dit, elle présuppose à
intégrale » et nous nommerons celui du cas de (39) « réfé la fois du côté du locuteur et du côté de l'interlocuteur la
rence intégrale ». connaissance préalable d'un réfèrent. Or, étant donné que
Il faudrait éclaircir ici le rapport entre les références int le SN en cause n'exprime pas une classe préétablie en
égrale/non intégrale et les références immédiate/médiate. langue mais celle construite en discours, le réfèrent qu'est
celle-ci ne vient à la connaissance de l'interlocuteur que
On peut remarquer d'abord que la référence non intégrale lors même de renonciation du SN. Son mode de référence
entraîne nécessairement la référence médiate. Ainsi, le
SN un castor dans la phrase Un castor construit des barra n'est donc ni immédiat, ni médiat, mais neutre à l'égard de
cette opposition. Certes, un SN de forme « un N + Mod. »
gesréfère à l'espèce « castor », de façon non intégrale et
comme dans l'exemple :
médiate. De façon non intégrale, parce qu'il exprime fo
ndamentalement un individu-castor qui ne constitue qu'un (42) Un homme de l'Antiquité est sage
membre de l'espèce. Cet individu-castor n'arrive à dési pourrait nous inciter à considérer que nous avons affaire là
gner l'espèce « castor » que de façon médiate, étant à un cas de référence médiate. Cependant, quand on le
compare avec le SN correspondant non expansé dans :
7. Sur la (reclassification, voir F. Corblin (1983, 1987). (43) Un homme est sage
on se rendra compte qu'il s'agit là, pour ainsi dire, d'un cas ment ; elle s'applique indifféremment aux deux types de
de référence médiate unilatérale en ce sens que cette classe ouverte ; ex. le/les castor(s), cet animal (en situa
référence médiate s'effectue par la présupposition unilaté tionendophorique), les étudiants de notre université, les
rale de la part du locuteur de l'existence d'un objet auquel hommes de l'Antiquité vs un castor, cet animal (en situa
référer. Par ailleurs, on remarquera, et cela s'explique, tiondéictique), un homme de l'Antiquité,
que cette référence médiate unilatérale peut être instable (v) le SN cet animal (en situation déictique) a un statut
en tant que mode de référence. Cela est vérifié par l'exem particulier, du point de vue du mode de référence. Sa
ple que nous avons fourni dans la section 2 : lecture générique s'obtient par une espèce de mécanisme
(44) ?? Un étudiant de notre Université travaille sérieuse inférentiel que déclenche la forme « ce + N hyperonyme »,
ment. mécanisme inférentiel du type : « Ce + est + un animal
Quel animal ? -* « castor » ». Un mécanisme semblable
Ainsi l'opposition entre les références immédiate/médiate est à l'oeuvre dans l'emploi générique du déictique ça dans
au sens strict est-elle inopérante à l'égard des GD. N'y a-t- Ça, ça construit des barrages ; cette fois-ci, c'est le trait
il pas alors de distinction qui s'applique à ceux-ci ? Juste « non-nommé » qui permet à ça, en mettant en jeu le mé
ment, c'est l'opposition entre les références intégrale/non canisme inférentiel, d'atteindre le réfèrent visé qu'est l'e
intégrale qui est opérante dans ce cas-là. Ainsi, la diff spèce « castor ».
érence entre le SN défini les hommes de l'Antiquité et le SN
indéfini un homme de l'Antiquité peut être caractérisée par Naoyo FURUKAWA
l'opposition entre les références intégrale/non intégrale. Ici Université de Tsukuba (Japon)
encore, on voit que l'opposition entre les références imméd
iate/médiate et celle entre les références intégrale/non RÉFÉRENCES
intégrale ne sont pas à confondre. Corblin F., 1983, « Défini et démonstratif dans la reprise
immédiate », dans Le français moderne, 2, pp. 118-
6. CONCLUSION 134.
Corblin F., 1987, Indéfini, défini et démonstratif, construct
Dans le présent article nous avons essayé de démontrer ions linguistiques de la référence, Genève-Paris, Droz.
les points suivants : Corblin F., 1989, « Spécifique-générique : un modèle pour
(i) le SN générique au sens large implique la notion de les indéfinis », dans Modèles linguistiques, XI, 2, pp. 11-
classe ouverte, 35.
(ii) la notion de classe ouverte se laisse diviser en deux Fauconnier G., 1984, Espaces mentaux, aspects de la
types : classe ouverte de langue et classe ouverte de construction du sens dans les langues naturelles, Paris,
discours. La classe ouverte de langue se trouve exprimée Les éditions de minuit.
typiquement dans un SN générique de forme « Dét. -f N » Furukawa N., 1 986, L'article et le problème de la référence
dont le substantif simple N est codé en tant qu'unité de en français, Tokyo, France-Tosho, dépôt chez Nizet,
langue dans le lexique ; ex. le/les/un castor(s), cet animal. Paris.
Il en va de même pour les SN expansés du type le/les/un Furukawa N., 1989, « Le SN générique et les pronoms ça/
castor(s) polaire(s). Par contre, la classe ouverte de dis il(s), sur le statut référentiel des SN génériques », dans
cours est celle qui se construit selon les besoins du dis Modèles linguistiques, XI, 2, pp. 37-57.
cours et s'exprime donc par un SN complexe ; ex. les Jackendoff R., 1983, Semantics and cognition, The MIT
étudiants de notre Université, les hommes de l'Antiquité, Press.
(iii) les SN qui renvoient à une classe ouverte de langue Kleiber G., 1984, « Sur la sémantique des descriptions
constituent des SN génériques que l'on peut appeler démonstratives », dans Linguisticae Investigationes,
« ordinaires » (GO), alors que les SN qui renvoient à une Vlll, 1, pp. 63-85.
classe ouverte de discours forment un groupe homogène Kleiber G. et Lazzaro H., 1987, « Qu'est-ce qu'un syn
de SN génériques qu'il convient d'étiqueter comme tagme nominal générique ? ou Les carottes qui pous
« discursifs » (GD), sentici sont plus grosses que les autres », in G. Kleiber
(éd), Rencontre(s) avec la généricité, Recherches li
(iv) la discrimination entre GO et GD se laisse justifiée par nguistiques, XII, Paris, Klincksieck, pp. 73-111.
la différence du mode de référence qu'il y a entre eux. On Kleiber G., 1989, « Le générique : un massif ? », dans
peut discerner, quant au mode de référence, deux as
pects : aspect de l'immédiateté/médiateté et aspect de Langages, 94, pp. 73-113.
Milner J.-CI., 1982, Ordres et raisons de langue, Paris,
lïntégralité/non-intégralité. La distinction entre les référen Seuil.
ces immédiate/médiate présuppose par définition un objet
préconstruit auquel référer et ne s'applique donc qu'à la Wilmet M., 1986, La détermination nominale, quantifica
tion et caractérisation, Paris, Presses Universitaires de
classe ouverte de langue ; ex. le/les castor(s)vs un castor, France.
cet animal (en situation déictique). D'autre part, la distinc
tionentre les références intégrale/non intégrale est celle
qui concerne le fait de savoir si l'objet de référence qu'est
la classe ouverte est exprimé entièrement ou
10