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Webinaire : Les défis d'attractivité des IDE pour la Tunisie

Hager TRABELSI CHAÏBI

La pandémie de COVID-19 a pesé – et pèse encore ; de nombreux risques subsistent,


notamment l’incertitude et le manque de communication autour de/ quant aux nouvelles
vagues de contagion sanitaire) (mutation et génération de nouvelles variantes) , des
séquelles économiques (les canaux de transmission des effets du Covid-19 e ne sont pas
difficiles à retracer), et la recrudescence des tensions commerciales.

A cela s’ajoutent, pour les pays en développement (surtout d’Afrique) le changement


climatique, la fragilité, les conflits et le sous-développement des marchés alimentaires.

Afin de créer une nouvelle donne économique, environnementale et sociale face à la


crise sanitaire, les élites du Forum de Davos plaident pour un « Great Reset ».

Les pays sont appelés à retracer de nouvelles voies, remodeler les réseaux de production
mondiaux et à réinitialiser la coopération multilatérale.
Au niveau national, les pouvoirs publics devaient prendre des mesures de riposte pour
réduire la vulnérabilité, accroître la résilience et favoriser le développement industriel,
notamment des mesures de soutien pour la reprise des entreprises et des ménages des
secteurs qui ont été fortement touchées par la crise (le tourisme et le transport des
personnes) sans pour autant peser sur les finances publiques.

Dans ces conditions de resserrement budgétaire, l’IDE parait comme la solution la plus
recommandée, d’ailleurs il a toujours été la forme de capitaux la plus courtisée.

Toutefois, les IDE n’échappent pas aux effets de la pandémie, ils sont plus marqués que
ceux des crises antérieures subis (vécues) : « L’économie mondiale est secouée par un
choc négatif sans précédent provoqué par la Covid-19. La baisse drastique de la
confiance des investisseurs internationaux que cette dernière a engendrée a fortement
resserré les conditions des financements extérieurs pour les pays sur toute l’échelle des
revenus. La pandémie perturbe les échanges commerciaux, les chaînes
d’approvisionnement et les flux d’investissement »1.

1
Banque Mondiale (2020) « Réunions de printemps 2020 de la Banque mondiale et du FMI : Communiqué
du Comité du développement », 17 avril 2020
Les flux d’IDE ont atteint en 2020, un niveau bas, aussi bas que celui observé pour la
dernière fois dans les années 90 et est inférieur de plus de 30% à la baisse des
investissements qui a suivi la crise financière mondiale de 2008-2009 2.
Malgré que ce soit le type de flux internationaux / transactions internationales qui a fait
preuve de résilience aux chocs, / est le moins volatile aux chocs, les IDE ont été bel et
bien impactés par la pandémie COVID-19 : une contraction de 30% à 40% en 2020 et
2021, selon les estimations de la CNUCED, contre une baisse entre 13% et 32% du
commerce internationale selon les prévisions de l’OMC.

Le contexte international après la COVID, a imposé une réorganisation des chaînes de


valeur mondiales (CVM) et a accru le besoin de financement. Ce qui a rendu la
concurrence pour augmenter le niveau des entrées d'IDE plus rude et de ce fait, a
intensifié les pressions sur les gouvernements.

Ces derniers s’emploient à réexaminer leurs stratégies en matière d’investissement


étranger afin de le stimuler : identifier des projets appropriés auxquels devaient être
canalisé l’IDE, attirer les investisseurs et les convaincre de rester et de se
développer.
Différentes alternatives seront envisagées, entre restructuration, révision du cadre
d’incitations, concentration des efforts sur la façon de mieux saisir les opportunités dans
des secteurs spécifiques dans lesquels le pays a un avantage concurrentiel.

Il est cependant clair que tous les gouvernements devront recentrer leurs priorités
marchés et secteurs d'IDE pour qu'ils s'alignent sur leurs priorités de développement
durable.

Certains pays ont déjà incorporé des mesures d’incitations aux IDE dans leurs plans de
relance du COVID-19 : en Azerbaïdjan, des incitations fiscales ont été élargies à
l'investissement dans les parcs industriels et de haute technologie; en Chine, des
processus simplifiés d'approbation des IDE ont été introduits ; en Indonésie, la
législation fiscale et celle du marché du travail ont été révisées, au Pakistan, un nouveau
portail électronique pour faciliter l'investissement a été introduit; en Ouzbékistan, pour
faciliter l’investissement un conseil consultatif présidentiel pour l'investissement fut
établi et un guichet unique « one stop shop » a été créé, au Viet Nam, le gouvernement
a élargi la liste des petites et moyennes entreprises étrangères et nationales éligibles aux
incitations à l’investissement, et au Myanmar, l'un des rares pays de la région, où le
gouvernement a inclut des procédures d'approbation accélérée des investissements dans

2
UNCTAD (2021) « Investment Trends Monitor » Issue 38.
projets à forte intensité de main-d'œuvre et d'infrastructure ainsi qu'une réduction frais
de dossier des investissements. 3

Nous n’allons pas s’attarder, dans ce qui suit sur les données des IDE, qui peuvent être
consultées auprès des sites de la FIPA ou de la BCT. Nous n’allons pas, non plus essayer
d’évaluer la nouvelle réforme de l’investissement, puisqu’il est encore tôt pour se
prononcer sur son efficacité, ce document se veut être un canevas de recommandations
pour s’adapter et envisager l’étape post covid.

Rappelons, toutefois quelques traits/ faits saillants du contexte général de la Tunisie :

1- Les effets de la crise mondiale de 2008 conjugués avec ceux de la révolution du 14


janvier 2010, ont eu un impact négatif sur l’attractivité de la Tunisie en terme d’IDE :
les flux d’IDE n’ont cessé de chuter depuis 2008 ; malgré les prémisses de reprises qui
se furent sentir en 2012, 2015, 2017 et 2018, avec des améliorations « déguisées » :
irrégulières et correspondant à des hausses ponctuelles, relatives particulièrement, soit
à des opérations de privatisation et/ ou de concession soit à la mise en œuvre de certains
projets dans le secteur énergétique.

2- L’IDE en Tunisie (en termes de flux) est marqué par une triple concentration :

i)- au niveau de secteurs: le secteur énergétique se taille la part de lion des flux
ii)- au niveau régional : les IDE se font dans les régions côtières
iii)- au niveau des pays d’origine : les pays européens, exactement la France,
l'Italie, la Grande Bretagne, et l'Allemagne sont les principaux investisseurs.

3- La Tunisie a une ancienne tradition d’ouverture sur l’extérieure (remontant à la fin


des années 60)4, qui s’est consolidée avec les différents gouvernements qui se sont
succédés au pouvoir, œuvrant pour traduire la volonté de l’Etat à s’ouvrir sur l’extérieur,
à créer un environnement propice pour attirer les IDE et lui offrir plus de garantie.

Ainsi, une multitude d’accords bilatéraux et multilatéraux préférentiels ont été signés et
plusieurs réformes réglementaires, ont été entreprises, y compris 5:

3
United Nations- Economic and Social Commission for Asia and the Pacific (2021) “Promoting inward and
outward foreign direct investment in the post-coronavirus-disease era” , seventh session, Bangkok January
2021.
4
La loi 72 relative au régime “offshore” (Loi 72-38 d'avril 1972) est l’illustration suprême quant à la volonté de
l’Etat de drainer les IDE et de s’installer en Tunisie.

5
La liste n’est pas exhaustive, ne sont citées que celles estimées comme les plus importantes.
 Loi n° 2015-36 du 15 septembre 2015, relative à la réorganisation de la concurrence
et des prix.
 L'adoption d'un nouvelle loi sur l'investissement et ses décrets en 2016 et 2017, (ii)
le développement du Cadre de partenariat Public Privé (PPP); et (iii) l'adoption
d'une nouvelle loi sur la concurrence et de ses décrets exécutifs.
 La mise en place d’un Startup Act (2018).
 La loi transversale 2019-47 axée sur l'amélioration du climat des Affaires, où
plusieurs obstacles législatifs ont été allégés par interventions législatives ciblées,
notamment ceux relatives à la gestion de projets PPP à titre d’exemple les mesures
concernant l’investissement dans les Energies Renouvelables et ceux relatives aux
universités étrangères …

Du coté des accords, la Tunisie est signataire d’accords de garantie et de protection des
investissement et de conventions bilatérales d'investissement.
 Elle est signataire de 52 conventions de non-double imposition et 54 accords
bilatéraux de promotion et de protection des investissements.
 Elle est aussi membre du Centre International pour le Règlement des Différends
relatifs aux Investissements (CIRDI) et de l'Agence Multilatérale de Garantie des
Investissements (MIGA)
 Elle a aussi adhéré en 2012 à la Déclaration de l’OCDE sur l’investissement
international et les entreprises multinationales.

4- La FIPA est en train d’entreprendre des campagnes de sensibilisation à


l'investissement ciblant le Canada, la Chine et le Japon, des investisseurs dans
l'automobile, l'aérospatiale et l’externalisation des conseils d’affaires. Ces campagnes
se sont traduites par plusieurs projets d'IDE concrets, tel que la fabrication d’usines par
Sumitomo du Japon et SAIC Moteur de la Chine et des services de technologie de
l'information bureau de Momentum Technologies du Canada

5- Toutefois, et d’un autre coté, la Tunisie est en train de dévaloriser ses variables
usuelles de proximité géographique stratégique, et de capital humain: la qualité des
infrastructures portuaires ainsi que la productivité se sont fortement détériorées.

 Détérioration de l’indice de climat des affaires durant la dernière décennie.


 Baisse de l’indice de la performance de la logistique,
 Perte dans le classement de perception de la corruption, et de l’Indice de
Compétitivité des Talents,
 Perte aussi bien en termes de score que de classement de l’Indice du Commerce
électronique et de l’Indice mondial de l'innovation
La Tunisie n’a pas su maitriser et atténuer l’ampleur des contestations sociales de la
transition post révolution, notamment les grèves, la perte de la productivité, le manque
de stabilité politique,…..

Les tensions sociales et politique pèsent sur l’économique sans pour autant que l’Etat
sache comment pouvoir atténuer l’ampleur des contestations, l’arrêter et détourner cette
situation.

6- En termes de mouvements des IDE ; on note une mutation de raisonnement : d’une


approche « mono/ uni acteur » à une approche Multi/pluri acteurs : Que ce soit le
paradigme OLI (Dunning), où l’IDE répond à une décision de l’entreprise, ou bien
l’approche des avantages comparatifs des territoires (Porter) où les Etats courtise les
IDE en offrant des avantages et des incitations, ils sont fondés sur un principe de mono
acteur. Contrairement à ce qui se passe actuellement où pour réussir l’attractivité il faut
raisonner en termes de win win, et où tous doivent participer et collaborer : Etat, privé,
partie prenante (société civile (associations), les gens), Les pays sont appelés à travailler
dans le cadre du programme d’action mondial qui celui des Objectifs de Développement
Durable et nous sommes ainsi dans une Approche Pluri/ Multi acteurs.

Les Recommandations :

Raisonner selon une approche holistique : un investisseur étranger n’est pas seulement
l’aire/ espace où il va installer son entreprise, mais c’est tout un cadre de vie, le souci de
l’investisseur étranger n’est plus seulement les conditions d’installation/ création et de
survie de son entreprise mais aussi sa vie, la route qui l’amène jusqu’à son entreprise,
son espace de vie, la vie de sa famille, son bien être (activités, espace de jeux, espace
culturels…)

Travailler en coopération/ selon une démarche collaborative pour hisser l’image de


marque de la Tunisie

C’est vrai que la FIPA est en train de faire un travail louable pour cataloguer les Chaines
de Valeurs Mondiales des investisseurs existants, découvrir ce dont ils ont besoin pour
rester en Tunisie, quel soutien est nécessaire pour éviter les interruptions d'activité, ainsi
que pour aider les entreprises trouvent de nouvelles opportunités pour se développer,
diversifier leurs activités ou développer leurs chaînes d'approvisionnement et leur
production locale, toutefois , l’image de la Tunisie à l’extérieur fait défaut, et doit être
travaillée davantage, et nous comptant surtout sur notre diaspora, qui sont des
ambassadeurs / médiateurs pour inciter les entrepreneurs étrangers à s’installer en
Tunisie. Un entrepreneur étranger a intérêt à employer un personnel national qui a
l’habitude à travailler dans un cadre international.
Plaider pour une meilleure synergie au niveau de la coordination entre les différentes
parties prenantes
Pour assurer une coopération multilatérale sur l'investissement et la redynamiser, un
effort vigoureux de coordination doit avoir lieu. Cette coordination suppose qu’un
élément central devait lui être confié cette opération : un seul interlocuteur, unifier les
efforts dans une seule institution : one stop shop one stop store, pour éviter les
externalités négatives liées à la lenteur de la coopération inter institutions.

Il faut songer à avoir une seule institution charger des affaires de tout ce qui est relatif à
l’investissement en Tunisie et de lui accorder tout le pouvoir nécessaire afin de pouvoir
fonctionner avec efficacité : fusionner les agences de promotions de l’Investissement
(APII, APIA) et la TIA.

Les organismes « d’accompagnement de fourniture de services » tels que la SONEDE,


l’ONAS et la STEGE doivent travailler en réseau, le dossier doit être déposer chez une
seule institution et communiquer aux deux autres.

Moderniser et structurer l’infrastructure nationale, composé d’une part des


infrastructures maritimes (ports), terrestres (routières et ferroviaires) & aériennes, et
d’autre part, de la logistique (administrations, douane, autorité portuaire,
professionnels,…), pour pouvoir assurer l’efficacité économique tout en garantissant la
sécurité (par sécurité, il est sous-entendu une confiance, une bonne gouvernance, une
résilience face aux risques de catastrophe naturelle, de terrorisme et de cyber-attaque).

Confrontés à des difficultés liées à l’approvisionnement à partir de certains pays


lointains comme ceux de l’Asie du sud-Est, (en produits de santé) au période de la
pandémie, les pays européens vont réviser leurs comportements en privilégiant la
proximité géographique, il est indispensable pour la Tunisie de savoir tirer profit du
transfert d’une partie des activités des entreprises européennes de l’Asie, vers les pays
du sud de la méditerranée.

Œuvrer en permanence à soutenir l’image du pays et gagner la confiance des


investisseurs étrangers, nous devons passer à un autre palier, autre que les compagnes
de sensibilisation à l’investissement. Il faut bâtir un environnement de Confiance, et ce
en consolider des alliances en faisant des visites de délégations officielles, à l’instar de
la tournée qu’a fait le roi Med 6 du Maroc pour les pays de l’Afrique de l’Est : une
tournée entamée en Octobre 2016 et achevée en mars 2017, où il a été accompagné de
deux conseillers, et six ministres du gouvernement : des Affaires étrangères et ministre
délégué, ministre de l’Intérieur, ministre de l’Agriculture, ministre des Finances, et
ministre des Habous et des affaires islamiques.

Diversifier les stratégies d’attractivité et élaborer des stratégies d’attractivité propre à


chaque région répondant à sa spécificité culturelle, un investisseur américain n’a pas
la même culture que celle d’un européen ou celle de celui des pays du Golfe

Accorder des privilèges à des grandes renommées et viser l’installation des GAFA et
des incubateurs,

Comme le code a accordé des avantages pour orienter les IDE vers des zones spécifiques
et des secteurs spécifiques, il faut penser à compléter cette approche par donner des
privilèges à des firmes possèdent un pouvoir économique et financier considérable,
telles que les quatre des entreprises les plus puissantes du monde à savoir : Google,
Apple, Facebook et Amazon. (GAFA).

En s’appuyer sur l’exemple du satellite 100% tunisien, pour redorer l’image de la


Tunisie en tant que hub pour le développement de software.

L’exemple type à évoquer est celui de l’Inde, qui malgré le manque d’infrastructures, la
lourdeur et la lenteur des procédures administratives. L’Inde est en train d’octroyer des
flux importants d’IDE ; 51 milliards de dollars en 2019 et ce notamment grâce à son
haut degré de spécialisation dans les services notamment les logiciels et le matériel
informatique.

Se concentrer à la fois sur les secteurs traditionnels (Industrie Electrique et

électronique) où la Tunisie possède un avantage comparatif et explorer de nouveaux

sous-secteurs dans des secteurs prioritaires tels que l'aéronautique et l'automobile,

l’énergie renouvelable, l’agriculture (BIO), les industrie de transformation, l’agro-

alimentaire, (lait en fromage, oranges en jus, confitures,….les olives en huiles, dattes et

grenades et leurs dérivés, tomates séchées et conditionnées… ).


Aujourd’hui, la Tunisie se focalise encore sur l’exportation des produits en vrac alors

que la valeur du produit conditionné générera plus de revenu. Tant de fois, quand l’offre

excédait la demande, les agriculteurs ont été amenés à détruire leur surproduction, alors

que ce surplus aurait pu servir autrement s’il était transformé.

Reste à rappeler que tous ces points ne peuvent pas être exécutés/ implémentés dans un

environnement de tensions, il est, donc, impératif de diminuer la polarisation politique

et mettre en œuvre les mesures économiques déjà décidées et non exécutées,

notamment celles relatives au PPP, de réduire (voire inhiber) les tensions sociales

(exercée par les syndicats des travailleurs) afin de rétablir notre productivité et booster

notre investissement local.

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