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Une rencontre d'écrivains hispano-américains

Par PIERRE KALPON.


Publié le 25 octobre 1969 à 00h00 - Mis à jour le 25 octobre 1969 à 00h00
Temps deLecture 2 min.
Sélections

LA Société des écrivains du Chili a réuni, du 18 août au 6 septembre, trente écrivains venus
d'Argentine, d'Uruguay, de Bolivie, du Pérou, d'Équateur, du Venezuela, du Guatemala et du
Mexique. La rencontre avait pour thème " le problème de la création littéraire dans la société
hispano - américaine actuelle ". De nombreux observateurs étrangers étaient présents ;
parmi eux : le romancier Claude Simon, Roger Caillois (pour l'UNESCO), ainsi que des
éditeurs.

Si l'absence de Borges, Asturias, Carpentier, Fuentes. Cortázar, Garcia Marquez, n'a permis
à aucun moment de considérer cette rencontre comme un " sommet " littéraire de l'Amérique
de langue espagnole, du moins la présence de quelques grands noms - le Péruvien Vargas
Llosa, le Mexicain Juan Rulfo, les Argentins Leopoldo Maréchal et David Viñas, l'Uruguayen
Juan Carlos Onetti - pouvait-elle laisser espérer des échanges de vues intéressants et
fructueux avec les hôtes chiliens, Jorge Edwards, Nicanor Parra, Enrique Lhin, sans parler
du poète national, Pablo Neruda.

Nombreux furent ceux qui eurent d'emblée le sentiment que cette rencontre, appuyée et en
partie financée par le gouvernement démocrate-chrétien chilien, avait une coloration plus
politique que littéraire. On put entendre sous la coupole de la Chambre des députés de
Santiago (où un dialogue avec les parlementaires était prévu) tels écrivains exalter l'action
des guérilleros Tupamaros d'Uruguay ou déplorer en termes vifs la quarantaine dont les
Cubains ont été frappés, et un poète chilien n'hésita pas à dénoncer devant ses confrères
continentaux les " massacres " dont s'étaient rendues coupables, ces derniers mois, les
forces de répression de son pays contre les mouvements étudiants, paysans et ouvriers.

Quand la rencontre se déplaça à Vinal-del-Mar, avant d'aller à Concepcion, ville universitaire


réputée " chaude " et gauchiste, ce fut le ministre des affaires étrangères, M. Gabriel Valdés,
qui, ouvrant les journées de travail et rendant hommage à l'écrivain, " dont la résonance est
plus grande que celle de l'homme politique ", prononça le premier les mots décisifs, en
condamnant, chiffres en main, l'exploitation du continent hispano-américain par "
l'impérialisme des États-Unis ".

À Santiago, une dizaine de " forums ouverts " avaient fait salle comble, et à Vina, station
balnéaire contiguë à Valparaíso, la rencontre se transforma aussitôt en un congrès à huis
clos, au cours duquel le destin de l'Amérique latine fut constamment évoqué.

Au terme de quatre journées de débats, marqués par une intervention unanimement


applaudie de Claude Simon en faveur de Régis Debray (intervention qui fut appuyée par
l'écrivain Montenegro, actuel ministre de la culture en Bolivie), la " Déclaration de
Vina-del-Mar " fut publiée le 26 août. Elle souligne " le rôle d'avant-garde des écrivains
d'Amérique latine dans la lutte pour la libération de leur continent " et s'élève, entre autres,
contre les obstacles mis à la libre circulation des livres à travers les frontières.
PIERRE KALPON.

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