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Maître/valet chez Hegel : alternative à la lecture kojévienne

Author(s): Gwendoline Jarczyk and Pierre-Jean Labarrière


Source: Le Cahier (Collège international de philosophie) , octobre 1985, No. 1 (octobre
1985), pp. 108-110
Published by: Presses Universitaires de France

Stable URL: https://www.jstor.org/stable/40972365

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Maître/valet
chez Hegel :
Gwendoline Jarczyk
alternative à la
et Pierre-Jean Labarrière
lecture
kojévienne
Un diagnostic sur la situation de notre temps : la réflexion philo-
sophique y connaîtrait une sorte de dysfonctionnement, balottée
qu'elle est, en alternance lassante, entre les extrêmes que sont la
gestion des discours - marqués d'une propension vers un univer-
sel abstrait - et l'attention à la singularité des différences, qu'il
s'agisse d'éléments du langage ou d'événements de l'histoire. D'un
côté, pense-t-on, le concept et le système, décidément voués à
l'abstraction ; de l'autre, et rebelle à toute compréhension unifiante,
la prise en compte du discontinu, de l'éclaté, de l'irréconciliable.
Mais est-il vrai que nous soyons contraints à un choix qui procé-
derait par exclusion de l'une ou de l'autre de ces dimensions du
connaître ? Il n'est d'acte philosophique, en fait, qui puisse se satis-
faire d'une telle mutilation, et un effort doit s'engager pour qu'une
compréhension nouvelle, tant du discours que de la différence -
des différences - permette d'honorer d'un même mouvement ces
deux moments, l'un et l'autre et l'un par l'autre. Voici bientôt deux
cents ans que la « Grande Dialectique » - terme décrié, mais qui
n'a point encore livré tous ses secrets - a tenté ce pari nécessaire
et impossible. Tâche tôt mise à l'épreuve de son irréalisme ; car le
dépeçage de la pensée hégélienne, puisque c'est d'elle essentiellement
qu'il s'agit, a donné lieu à une dissociation nouvelle entre l'universel
et le singulier, entre la quiétude - supposée telle ! - des analyses
conceptuelles et le tragique de l'événement. Peut-on encore penser
après Auschwitz ? Mais au fait, qu'est-ce que « penser »?
Was heisst denken ? Heidegger, ainsi que l'on sait, a osé engager
à nouveaux frais cette question. Hegel, avant lui, avait renouvelé
cette analyse. Et si son « échec » historique met en cause la pleine
validité des formulations auxquelles il crut pouvoir se tenir, nul n'est
en droit d'affirmer qu'une lecture nouvelle de son œuvre, dûment
lestée des questions qu'elle engendra - adhésions et refus, tentatives
nouvelles et trop simples condamnations - ne puisse délivrer
quelques perspectives grâce auxquelles nous serions en mesure
d'aborder en liberté la figure de notre temps. En liberté, - c'est-à
dire dans un essai nouveau pour articuler en vérité le discours et
les différences.

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MAÎTRE/VALET CHEZ HEGEL : ALTERNATIVE À LA LECTURE KOJÉVIENNE 109

Remettre Hegel à l'histoire, ce n'est donc pas d'abord faire œuvre


d'historien, comme s'il s'agissait avant tout de rendre justice, dans
la distance, à sa lettre comme à son esprit. L'acte herméneutique,
ici, prendrait plutôt figure d'une archéologie du savoir, au sens que
Michel Foucault donnait à cette lexie. Il s'agit en effet, situant notre
réflexion résolument dans le présent, de laisser sourdre là une
certaine intuition d'alors, - d'abord sous ses formes logiques, puis
dans la traduction qu'en offre tel ou tel scheme anthropologique.
Ainsi s'organisent les deux séminaires que nous avons donnés dans
le cadre du Collège International de Philosophie, au cours du second
semestre 1983-1984 et du premier semestre 1984-1985, et qui ont
été suivis tous deux par un public de trente à quarante personnes,
- étudiants et professeurs. Le premier était intitulé : Altérité et rela-
tion, le moment hégélien. Il s'est agi là, concrètement, d'une lecture
commune et d'un commentaire pour ainsi dire juxtalinéaire du texte
que Hegel, dans sa Science de la logique, consacre à « La réflexion »
(« La Doctrine de l'Essence », première section, chapitre premier, G).
Notre conviction, exposée dans la traduction que nous avons publiée
de cette œuvre comme aussi dans de nombreux autres écrits, est
en effet que se trouve exposé là, sous sa forme logique la plus
dépouillée, ce qui constitue le dynamisme de toute la pensée de
Hegel, telle que déployée dans l'ensemble de son « système ». « Cellule
rythmique originaire » de cette pensée, ainsi que nous l'écrivions
dès 1972 dans notre texte de « Présentation » de « L'Etre », la
« réflexion » est en effet ce en quoi s'articule, dans leur contradic-
tion structurelle indépassable, l'identité et la différence, l'intériorité
et l'extériorité, l'analyse et la synthèse, ou encore ce que, en lignée
kantienne, l'on nommerait le jugement déterminant et le jugement
réfléchissant. Réflexion posante, réflexion extérieure, réflexion déter-
minante : trois moments coextensifs, articulés autour de la double
« présupposition » qui met définitivement à mal, en « principe », les
points de départ adverses qui accorderaient une pré-éminence indue
soit à l'idée soit à l'effectivité. D'où la possibilité de ce que Hegel
appelle une « pensée concrète », sous la raison d'une Verwirklichung
(« effectuation » qui inscrit la « praxis » dans la « theoria » elle-même,
comme sa nécessaire altérité intérieure), ou encore, selon le con-
cept hégélien le plus précis en l'occurrence, d'une Erweiterung
(« ampliation », en figure nouvelle, du principe par là seulement
reconnu comme principe).
Notre second séminaire a voulu prendre acte de cette clarifica-
tion logique et structurelle pour proposer une lecture nouvelle,
cinquante ans après celle de Kojève, de la fameuse dialectique

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110 LE CAHIER DU COLLÈGE

« Domination et Servitude ». Le titre


tre/valet chez Hegel, alternative à
encore, notre méthode a consisté d
taire précis du texte que Hegel con
rence dans la Phénoménologie de l'Es
sous le A. : scheme logique de la «
maîtrise et servitude. S'agissant de
représente une première étape su
route qui, au-delà du relais que const
à la fin de la « Raison », trouvera s
de F« Esprit », dans le « oui réconcil
agissante et la conscience jugeante
Comme à son habitude, Hegel p
moyen d'une réflexion portant sur l
tive : c'est ainsi que la relation Maîtr
Vautre de ces termes, doit prendre e
relle d'une « résolution » de l'apori
/à. Autrement dit, ni le maître ni le
figure, en sorte que le simple renver
l'un des axes de la lecture de Kojè
importance historique - est absolume
du texte. De même que ne peut être
là une sorte de parabole de la nais
à partir de l'animalité. Comme l'a
nous ne sommes pas encore, à ce
pective d'une histoire effective, m
qui permettront par après - co
« Esprit » - une entrée vraie en hist
que la « Raison » articule l'une à l'a
encore, chacune pour elle-même, l
cience ».
Si possibilité nous est donnée de poursuivre, avec d'autres peut-
être, notre projet d'ensemble, nous voudrions, au cours de prochains
séminaires, poursuivre notre exploration méthodique de telle ou telle
traduction « anthropologique » ou « éthique » du scheme de la
« réflexion-médiation ». D'abord d'une autre figure à la signification
bien actuelle, et qui tant fut mécomprise, celle de la Conscience
malheureuse. Ensuite, s'il est possible, dans une reprise du Hegel
politique, avec ce thème : Y a-t-il une démocratie hégélienne ?

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