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2020 ; 21 : 16-20
© R. Juntas Morales et al., publié par EDP Sciences, 2020
Corrélations phénotype-génotype
dans les titinopathies
Raul Juntas-Morales1, 2, Aurélien Perrin1, Mireille Cossée1
Les pathologies dues à des variants pathogènes du pays européens présentant le même phénotype
gène TTN codant la titine ou titinopathies représen- [4-6].
tent un groupe important et très hétérogène de Plus récemment, des formes de dystrophie muscu-
maladies du muscle squelettique. Ce même gène laire tibiale de transmission autosomique récessive
TTN est par ailleurs considéré aujourd’hui comme (AR), d’apparition plus précoce et d’évolution plus
le principal gène impliqué dans les cardiomyopa- rapide, ont été décrites chez des patients hétérozy-
thies dilatées avec une prévalence de 17 % [1]. gotes composés portant le variant FINmaj associé à
Les deux premiers phénotypes de titinopathies à un deuxième variant [9]. Par ailleurs, en 2017, une
avoir été décrits étaient de transmission autoso- étude a rapporté une série de 14 patients d’origine
mique dominante : la dystrophie musculaire tibiale serbe avec un phénotype de myopathie distale por-
(TMD) et la myopathie héréditaire avec atteinte res- teurs du même variant non-sens (c.107635C>T ;
piratoire précoce (HMERF). Étant donné que seule p.Gln35879*) dans l’exon 363 du gène TTN (avec
la région 3’ du gène était initialement étudiée avec un effet fondateur probable dans cette population).
les techniques classiques de séquençage, tous les Trois patients étaient homozygotes et les autres
variants pathogènes responsables de ces premiers étaient hétérozygotes composés avec un deuxième
MISE AU POINT
phénotypes étaient jusqu’ici localisés dans cette variant localisé, dans la plupart des cas, dans la
région. région codant la bande M [10].
Grâce à l’émergence du séquençage à haut débit Par ailleurs, un phénotype sévère de myopathie des
(NGS) et à une analyse exhaustive des 364 exons du ceintures a été décrit (LGMD de type R10 ou ancien-
gène, il a été possible d’identifier de nouveaux phé- nement 2), chez des patients finlandais porteurs de
notypes et de confirmer l’existence de variants la mutation FINmaj à l’état homozygote. Hors de
pathogènes répartis dans d’autres régions du gène. Finlande, des phénotypes similaires ont été décrits.
Cependant le variant FINmaj à l’état hétérozygote
Premières descriptions était associé à un second variant tronquant (une
famille française et une autre chinoise) [11-13].
Dystrophie musculaire tibiale (TMD)
La TMD est une myopathie distale dominante Myopathie héréditaire avec atteinte respiratoire
Raul Juntas Morales
Laboratoire de Génétique d’apparition tardive rapportée initialement de précoce (HMERF)
Moléculaire, EA7402, manière exclusive en Finlande du fait d’un effet fon- La myopathie HMERF débute habituellement dans
Centre Hospitalier
Universitaire de dateur. Dans ce pays, elle représente la forme la la première ou deuxième décennie de vie par un
Montpellier, Université de plus fréquente de myopathie chez les adultes [2]. Le déficit distal des membres inférieurs s’étendant par la
Montpellier, France
Service de Neurologie. déficit moteur reste très localisé au niveau des mus- suite aux muscles proximaux. Un syndrome restrictif
Centre de référence des
Maladies
cles releveurs des pieds et l’évolution de la patho- respiratoire grave se développe systématiquement
Neuromusculaires AOC logie est très lente. La biopsie musculaire, généra- de manière précoce dans l’évolution de cette patho-
(Atlantique-Occitanie-
Caraïbe) Centre lement peu altérée, montre habituellement de la logie. La biopsie montre typiquement la présence de
Hospitalier Universitaire fibrose et des vacuoles bordées [2]. En 2002, une corps cytoplasmiques. Initialement, la plupart des
de Montpellier, France
Aurélien Perrin, délétion/insertion de 11 pb dans le dernier exon du patients partageaient le même variant faux-sens
Mireille Cossée gène (exon 364), a été identifiée chez tous les dans l’exon 344 (c.95134T>C ; p.Cys31712Arg)
Laboratoire de Génétique
Moléculaire, EA7402, patients finlandais diagnostiqués (mutation FINmaj). [7]. Le phénotype clinique a été élargi ces dernières
Centre Hospitalier La conséquence au niveau de la protéine est une années avec un début plus tardif des symptômes (cin-
Universitaire de
Montpellier, Université de substitution de quatre acides aminés [3]. Depuis, quième ou sixième décennie) et une atteinte car-
Montpellier, France d’autres variants pathogènes, majoritairement dans diaque qui peut survenir pendant l’évolution. Sur le
Contact l’exon 364 (mais aussi dans le 363), ont été identi- plan génétique, d’autres variants faux-sens ont été
r-juntasmorales@
chu-montpellier.fr fiés par la suite chez des familles originaires d’autres rapportés, également dans l’exon 344 [8].
16 N 21 JUIN 2020
o
Les cahiers de myologie
https://doi.org/10.1051/myolog/202021003 Cet article est distribué sous licence « Creative Commons » : https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/deed.fr,
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Élargissement du spectre clinique la région codant la bande M (exons 359 et 360) et
des titinopathies les deux autres avaient un variant tronquant et un
faux-sens en trans. Le variant faux-sens
Titinopathie de type « Emery-Dreifuss-like » c.102439T>C ; p.Trp34072Arg d’une des familles
Cette titinopathie a été décrite chez des patients pré- était localisé dans le domaine kinase affectant un
sentant un phénotype de myopathie rétractile résidu très conservé et le variant faux-sens
d’apparition précoce. Les rétractions étaient dif- c.66920T>A ; p.Val22232Glu de la deuxième
fuses mais prédominaient au niveau des biceps bra- famille était situé dans l’exon 316, à la fin de la
chiaux. Une atteinte respiratoire était associée chez bande I, domaine de type fibronectine (Fn3) [16].
tous les patients. Tous les variants étaient localisés Ces variations faux-sens pourraient altérer la stabi-
dans la région du gène codant la bande M [14]. lité des domaines protéiques impactés mais égale-
ment l’interaction avec d’autres protéines muscu-
Par ailleurs, plusieurs phénotypes différents de myo- laires.
pathie congénitale ont été rapportés : la myopathie
précoce avec cardiomyopathie dilatée fatale et la Myopathie de type centronucléaire
myopathie à multiminicores avec atteinte cardiaque Cinq patients avec un phénotype différent et des
ont été décrites notamment par l’équipe d’Ana Fer- anomalies histologiques évocatrices d’une myopa-
reiro à Paris, et plus récemment, des phénotypes de thie de type « centronucléaire » avaient été rapportés
type arthrogrypose multiplex congenita et myopa- en 2013 [17]. Cliniquement, ils présentaient un
thie de type centronucléaire ont été rapportés déficit moteur modéré à prédominance axiale et un
[15-18] Tableau I). syndrome restrictif respiratoire. Aucun patient
n’avait développé de cardiomyopathie. Sur le plan
MISE AU POINT
Myopathie précoce avec cardiomyopathie histologique, un noyau central était visible dans 65
dilatée fatale à 85 % des fibres musculaires, raison pour laquelle
La myopathie précoce avec cardiomyopathie dilatée le diagnostic initialement suspecté était celui d’une
fatale a été décrite chez 5 patients issus de deux myopathie centronucléaire. Tous les patients por-
familles consanguines qui présentaient un déficit taient deux variants TTN prédits pour décaler le
musculaire modéré accompagné d’une pseudo- cadre de lecture. Cependant, à la différence des
hypertrophie des mollets, d’un ptosis bilatéral et autres formes de titinopathie congénitale, les
d’une parésie faciale. La cardiomyopathie, d’appa- variants étaient situés sur différentes régions du gène
rition précoce, a conduit au décès des patients avant et aucun n’était localisé dans la bande M [17].
l’âge de 20 ans. Deux variants homozygotes et déca- Dans le but de mieux caractériser l’histoire naturelle
lant le cadre de lecture (frameshift) ont été identifiés et le phénotype clinique et histologique des myopa-
dans les exons 359 et 361. Ces variants provoquent thies congénitales liées à des variants TTN, une
la perte de la partie C-terminale de la protéine et cohorte internationale de 30 patients impliquant
notamment du site de liaison à la calpaïne 3, dans plusieurs centres experts dans le domaine a été ana-
l’exon 363, ce qui explique l’absence de cette der- lysée et publiée en 2018 [20]. Seuls les patients por-
nière dans les études par western-blot (WB) réalisées teurs de deux variants tronquants avec décalage du
sur les biopsies musculaires de tous les patients étu- cadre de lecture avaient été inclus dans la cohorte.
diés [15]. Du point de vue clinique, il existait une atteinte axiale
et des membres de sévérité légère à modérée dans
Myopathie congénitale à multiminicores la plupart des cas, accompagnée de rétractions mus-
avec cardiomyopathie culaires des membres et paravertébrales. Un ptosis
La myopathie à multiminicores avec atteinte car- uni ou bilatéral, une discrète parésie faciale et un
diaque a été initialement rapportée chez cinq palais ogival étaient souvent présents. Un syndrome
patients appartenant à quatre familles différentes. restrictif respiratoire était retrouvé dans environ 2/3
Le phénotype clinique et histologique était celui des cas. L’atteinte cardiaque était également fré-
d’une myopathie à multiminicores avec la présence quente. Sur le plan histologique, les biopsies mon-
de rétractions au niveau du rachis (rigid spine). La traient principalement une combinaison de trois
particularité était la présence d’une cardiomyopa- types d’anomalies : internalisations nucléaires, ano-
thie, qui n’est habituellement pas présente dans les malies de la taille des fibres, et minicores. Dans
formes classiques de myopathie à multiminicores environ un tiers des cas, le diagnostic anatomopa-
secondaires à des variants des gènes SEPN1 et thologique retenu initialement était celui d’une myo-
RYR1. Sur le plan génétique, deux familles por- pathie centronucléaire. Sur le plan génétique, les dif-
taient un variant tronquant homozygote situé dans férents variants étaient distribués tout le long du
Dystrophie musculaire AD > 35 ans Déficit localisé des Peu altérée • Effet fondateur en Finlande :
tibiale (TMD) Population finlandaise releveurs des pieds Fibrose 11 bp indel dans le dernier exon du
Vacuoles bordées gène : 364 (Mutation FINMaj) [2]
• En dehors de la Finlande
mutations des exons 363 et 364
[4][5][6].
Dystrophie musculaire AR 20 ans Déficit localisé des Aspect dystrophique • Variant FInMaj associé à un autre
tibiale à début précoce Finlande releveurs des pieds variant [9]
Italie, Espagne • Variant c.107635C>T ;
Serbie p.(Gln35879*) dans l’exon 363
dans la population serbe associé à
un autre variant.
Myopathie des AR < 20 ans Déficit proximal Vacuoles bordées • Patients finlandais avec le variant
ceintures Finlande ceintures pelvienne et FINmaj homozygote [21] ou
LGMDR10/LGMD2J Rares cas ailleurs scapulaire hétérozygote composite avec un
Très évolutive autre variant tronquant [9]
• Une famille française avec un
variant non-sens homozygote dans
l’exon 364 [12]. Une famille
chinoise avec un variant faux-sens
homozygote dans l’exon 364 [13].
Myopathie héréditaire AD > 20 Atteinte distale puis Corps cytoplasmiques • Variant majoritaire :
avec atteinte Rares cas AR proximo-distale Vacuoles bordées c.95134T>C ; p.(Cys31712Arg)
respiratoire précoce Très évolutive dans l’exon 344 [7]
(HMERF) Atteinte respiratoire • Plus rares, d’autres variants
précoce faux-sens dans l’exon 344 [8]
MISE AU POINT
Myopathie Emery AR < 10 ans Déficit des ceintures Corps cytoplasmiques • Variants décalant le cadre de
Dreifuss-like Rétractions d’apparition Vacuoles bordées lecture dans les 3 derniers exons du
précoce Absence de minicores gène [14]
« rigid Spine »
Atteinte respiratoire
Myopathie précoce AR Néonatale Déficit moteur modéré Aspect dystrophique • Deux familles consanguines
avec cardiopathie Ptosis, parésie faciale Minicores portant un variant frameshift
létale (EOMFC) Pseudo-hypertrophie Dépôts basophiles en homozygote dans les exons 358 et
des mollets forme d’étoile. 360 [15]
Cardiomyopathie
dilatée sévère et précoce
Évolution rapide. Décès
< 20 ans
Myopathie AR < 20 ans Déficit à prédominance Minicores • Deux familles avec 2 variants
congénitale à axiale Dépôts basophiles en dans les exons 359 et 360
multiminicores avec Rétractions diffuses avec forme d’étoile entrainant un décalage du cadre de
cardiomyopathie « rigid spine » lecture [16]
• Deux familles avec un variant
tronquant dans l’exon 359 associé
avec un autre variant faux-sens
dans une autre région (exons 28 et
316) [16]
Myopathie AR < 20 ans Déficit axial et proximal Noyaux centraux dans la • Variants frameshift, non-sens ou
« centronucléaire » modéré plupart des fibres d’épissage [17]
Parésie faciale musculaires • Distribution hétérogène sur
Syndrome restrictif Minicores différentes régions du gène [17]
Absence de
cardiomyopathie
Dystrophie musculaire AR Adulte Déficit proximal moins Aspect dystrophique • Une famille italienne et une autre
proximale sévère que LGMD2J finlandaise portant le variant
FINmaj avec un autre variant
faux-sens dans les exons 305 et
340 respectivement [22] [9]
• Une famille roumaine avec deux
variants faux-sens [23]
LGMD avec AD Adulte Cardiomyopathie sévère Minicores • Variant génétique bande A, trois
Tableau I cardiomyopathie et LGMD modéré familles françaises
Phénotypes cliniques,
Myopathie distale des AD Adulte Déficit distal avec Noyaux centraux • Deux familles françaises
histologiques et variants
membres inférieurs à évolution proximale Minicores porteuses d’une délétion des
génétiques identifiées dans prédominance Atteinte des mollets exons 11 à 18 [24] (manuscrit en
les différentes formes de postérieure cours de préparation)
titinopathies.
18 N 21 JUIN 2020
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Les cahiers de myologie
Figure 1
Synthèse des phénotypes identifiés à apparition précoce.
MISE AU POINT
Figure 2
Synthèse des phénotypes identifiés à apparition plus tardive.
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Les cahiers de myologie