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Transition 

: Alors comment l’art nous émeut-il, comment parvient-il à manifester


l’intérieur à l’extérieur, à exprimer des sentiments ?

3 Comment l’art nous émeut-il ?


On pourrait commencer par répondre comme Daniel Arasse (critique d’art) qu’il n’y a
pas de règle dans le domaine : chacun est plus ou moins sensible à un type d’œuvre. A titre
d’exemple, pour lui, ce qui l’attire c’est que « dans cette œuvre-là, il y a quelque chose qui
pense » « certaines peintures m’attirent, me fixent, me parlent comme si elles avaient
quelque chose à me dire » Histoires de peinture, 2004.
Il prend l’exemple de Le verrou, Fragonard, 1774 (projeter) : c’est la moitié gauche,
vide, « occupée par rien », qui l’a fasciné. Pourquoi ? Car dans ces plis, il y a « l’explication de
ce qui se passe à droite : à la fois le passé et le futur ». Sans doute une représentation du
désir amoureux.

On peut toutefois chercher des règles. La question : « comment l’art exprime-t-il les
passions » devient alors : quelles sont les formes d’art qui réussissent à exprimer l’âme
humaine, les sentiments ? Qu’est-ce qui les caractérise ? Quand l’art est-il réussi ? Recueillir
des propositions d’élèves : quand l’artiste maîtrise sa technique, quand il a lui-même vécu ce
dont il parle…
Hegel propose une idée originale dans ses cours d’esthétique : l’art exprime la vérité
sur l’homme, il est donc comparable à la religion, ou à la philosophie. Sa particularité, c’est
qu’il est l’expression de l’âme humaine dans le sensible (équilibre d’intériorité et
d’extériorité). Donc l’art réussi est celui qui parvient à cette expression = qui trouve la
bonne forme sensible pour exprimer l’âme, l’esprit = celui ou le contenu (l’idée) est bien
exprimé par la forme (le sensible).
Ce critère permet un classement des différentes formes d’art, et permet en même
temps de comprendre l’histoire de l’art. Chaque œuvre est porteuse de la vérité de son
époque, mais au cours de l’histoire, la succession des œuvres (l’art lui-même) conduit à la
révélation d’une vérité supérieure. A travers l’art, les hommes se comprennent eux-mêmes
progressivement. Les hommes prennent conscience par degré de ce qu’ils sont
essentiellement : des esprits, des libertés. L’art participe de la phénoménologie de l’Esprit.
Ce critère permet de penser un système des formes d’arts à la fois historique et
logique. L’histoire de l’art s’explique par l’analyse des « différents rapports entre forme et
contenu » Esthétique. Il s’articule en 3 moments :
- Art symbolique (antiquité égyptienne) : l’esprit a du mal à bien se représenter
lui-même, il se reconnaît d’abord dans des formes démesurées, et des idées
trop abstraites. C’est l’architecture orientale. Ex : dans le temple égyptien, le
nombre des Memnon (sculptures monumentales à forme humaine) est
toujours en rapport avec des phénomènes cosmiques (le nombre de jours dans
l’année, ou de signes du zodiaque). Le problème de l’art symbolique est qu’il
représente l’homme encore mêlé à la nature. Ex : le sphinx, ou les dieux
égyptiens.

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L’art symbolique approche parfois l’idée que c’est l’homme qu’il faut
représenter, mais alors c’est un corps mort qu’il sacralise Ex : les pyramides
sont des tombeaux. Le contenu de l’art reste inadéquat à la forme.
- Art classique (Grèce antique) : l’art trouve enfin une forme et un contenu
adéquat, l’homme se représente comme belle individualité, sujet libre, l’unité
parfaite entre un corps humain et la liberté intérieure. C’est la manifestation de
l’esprit dans la matière. Ex : la liberté sereine des dieux dans la sculpture
grecque. « Rien de plus beau ne s’est vu et ne se verra » « L’art a atteint son
plus haut point de perfection ». Toutefois, cette idée est représentée dans
l’élément encore extérieur de la pierre.
- Art romantique (à partir de la renaissance) : il représente ce qu’il y a de plus
proprement humain : c’est l’homme comme intériorité. Ex : les sentiments et
finalement les intentions, les motifs de l’action humaine. L’homme est celui qui
a la conscience subjective de son intériorité. La forme devient plus apte à
décrire l’infinité de ces sentiments intérieurs car elle est de moins en moins
matérielle (l’art renonce à la tridimensionnalité). Ex : La peinture montre mieux
les caractères des personnes que la sculpture, la musique montre mieux les
sentiments, et surtout le théâtre explique mieux les motivations. Mais à ce
moment, l’art est débordé par son contenu : trop riche pour le sensible. Il faut
passer à la religion pour expliquer l’homme.

Conclusion  : L’art symbolique « cherche » l’unité de la forme et du contenu, l’art


classique « trouve », l’art romantique « dépasse ». De plus, l’art a un rôle historique, donc il
a un début et une fin. Hegel pense que l’art est maintenant pour nous quelque chose du
passé, c’est la « mort de l’art ». C’est la religion qui prend le relai pour représenter le
spirituel (son élément n’est plus le sensible mais la représentation). Ex : one se représente
Dieu comme celui qui donne des lois = l’esprit est une puissance législatrice). Puis la
philosophie (le concept).

CONCLUSION
L’expression de la sensibilité est donc possible par l’art, mais reste limitée par la
difficulté de trouver une forme adéquate.
C’est aussi la singularité des sentiments qui empêche de les dire adéquatement (Bergson et
le mot qui écrase cette singularité). Au fond, on pourrait dire que c’est la singularité de
chaque individu humain, son unicité (ce qui le différencie des autres) qui complique cette
communication. Mais cela suppose que l’identité de chaque individu le sépare radicalement
des autres êtres humains. C’est ce que nous allons examiner dans le prochain chapitre.

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Séquence : Objet : La recherche de soi (romantisme – XXème) Entrée : Les métamorphoses
du moi
Semestre : 1 Série : Terminale Repère :
Objectifs : Aborder le problème de l’identité, et du rapport entre Matériel :
l’individu et la société. Vidéoprojecteur
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CHAPITRE 3 : Les métamorphoses du moi

Introduction
NB : Il y a une redondance entre le programme Humanité et le programme de
Philosophie en terminale = le problème de la connaissance de soi est à aborder dans les 2.
Nous allons surtout étudier de nouveaux texte, et prolonger les problèmes.
Commençons par une histoire : Citizen Kane, Orson Welles, 1941. Le film raconte
l’histoire de Charles Foster Kane, une biographie. La question est donc de savoir qui était cet
homme, quelle était son identité. Le montage procède de la manière suivante : la scène
inaugurale représente Kane sur son lit de mort, dans le château de Xanadu où il s’est retiré.
On l’entend prononcer son dernier mot : « Rosebud ». Le reste du film est un ensemble de
flashback : un reporter enquête pour comprendre le sens de ce dernier mot = comprendre
qui était vraiment Kane. La narration nous fait passer par toutes sortes de témoignanges de
personnes qui ont connu Kane, autant de définitions de Kane qui correspondent aux étapes
de sa vie : enfant abandonné ou riche héritier ? Entrepreneur génial, ou politicien
ambitieux ? Communiste ou fasciste ? Amoureux sincère, ou manipulateur ? Homme accablé
par les échecs ou solitaire volontaire ?
Or au cours de cette enquête, personne ne ment, mais il semble qu’on ne saisisse pas
la vérité sur Kane. Le jeu de perspectives garde intacte l’énigme de son identité profonde,
réelle, jusqu’au plan final. Projeter : Un plan, un film, Citizen Kane. Qui était Kane ? Peut-être
finalement un homme épris de liberté mais qui n’a jamais pu retrouver la liberté de son
enfance. Un homme brisé par cette perte comme la boule de neige se brise au début du film,
parce que condamné à des formes successives d’enfermement comme le montre l’analyse
de la scène de l’enfance.
Mais peut-être ce dernier plan ne livre-t-il pas encore le secret : juste avant, le
journaliste enquêteur du film dit « Je ne crois pas qu’un seul mot puisse décrire la vie d’un
homme ». Et le dernier plan de Kane dans le film le montre passant entre 2 miroirs et de
démultipliant à l’infini : son identité est fragmentée.

Alors, peut-on définir l’identité d’une personne humaine ? Cette question a plusieurs
dimensions :
1 Le programme indique qu’il s’agit de la connaissance de soi, donc avant tout de
nous-même et pas d’autrui (≠ Kane). La question devient alors : quelles informations

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pouvons-nous obtenir par nous-mêmes sur nous-même ? Sont-elles suffisantes pour nous
permettre de dire qui nous sommes, de définir notre identité, notre moi ? Cela ouvre aussi
par opposition à l’idée que nous ne sommes peut-être pas les mieux placés pour nous
connaître : autrui me connait-il mieux que moi-même ?

2 L’évaluation de ces informations ouvre sur la question de savoir si ce que nous


cherchons existe vraiment : Y a-t-il en nous quelque chose qui ne change pas, de l’enfance à
la mort, ou bien toutes les composantes de notre personne sont-elles remplacées
progressivement ? Le moi est-il réel, ou bien n’est-il qu’une fiction ?

3 Dernier problème : ce qui me définit (mon identité) est-il bien de l’ordre de la


singularité ? La connaissance de soi me fait-elle me découvrir comme un individu
fondamentalement différent des autres, ou bien comme un individu ressemblant
essentiellement aux autres ? Mes pensées, mes actes émanent-il de moi, ou bien de la
société ? Le moi est-il individuel ou social ?

Définitions :
- Le moi = mon identité, qui je suis, ce qui suppose un ensemble de caractéristiques
permanentes. NB : la modernité a beaucoup insisté sur l’idée que le moi ne se définit
plus avant tout par le groupe, (Ex : Je suis français, je suis lycéen, je suis chrétien.)
mais par sa singularité, ce qui le distingue du groupe. Ex : ce que je pense (mes
opinions), que j’aime (mes goûts), que je fais (mes loisirs), et qui me rend différent
des autres.
- Les métamorphoses = le changement de forme (méta= après, succéder, aller au-delà
+ morphé = forme). La question de savoir si ce qui change reste le même, ou devient
autre.

I Peut-on parvenir à une certaine connaissance de soi ?

1 La connaissance de soi par introspection


La connaissance de soi par soi (= introspection) ne semble pas problématique. Preuve :
Le simple fait de pouvoir raconter sa vie (autobiographie) montre qu’elle est possible, que
nous nous connaissons nous-mêmes. En quoi consiste-t-elle ? Qu’est-ce que je connais de
moi ?
J’ai accès à ce qui se passe dans ma conscience, à l’intérieur de mon esprit. Ex : Je sais
que je suis en train de penser aux cadeaux que je vais offrir à Noël. Or cette partie de moi est
cachée aux autres. Ex : Vous ne savez pas à quoi je pense maintenant. Chaque homme est
donc une conscience réflexive, a une faculté qui permet, non pas simplement de penser à
quelque chose, mais de savoir qu’on y pense.
Historiquement, Descartes insiste sur cette faculté. Cogito = je pense et je sais que je
pense. Je suis donc le mieux placé pour me connaître. Chacun peut donc se connaître en
regardant en lui-même, avec cet œil de l’esprit qu’est la pensée. La connaissance de soi est
alors directe. Mais ça n’est pas la seule modalité de la connaissance de soi. Comment peut-
on encore se connaître ?
TEXTE 1 : HEGEL, Cours d’Esthétique, 1832
Thèse : L’homme peut se connaître théoriquement et pratiquement.
§1 : Rappel de la définition cartésienne de l’homme comme « conscience » = chose « qui

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pense » et explication : l’homme existe à 2 niveaux, de 2 manières, façons :
- Il existe comme une chose, comme une pierre existe, il appartient au réel parce
qu’il occupe un certain espace. C’est ce que Hegel appelle « l’en soi » : être ce
qu’on est sans savoir ce qu’on est. Ex : un bébé aussi est en soi (il est un homme
mais ne le sait pas).
- Mais il existe aussi d’une autre manière : il se pense. C’est la conscience réflexive,
la conscience de soi, que Hegel appelle « le pour soi » = il est quelque chose, mais
de plus quelque chose pour lui-même, à ses propres yeux. Ex : Je sais que je suis
élève en terminale.
2ème distinction (du côté du pour soi) : Hegel va montrer ensuite que l’homme peut savoir
qui il est de 2 manière :
§2 : Théoriquement = en se contemplant soi-même, par la simple connaissance directe de
soi = introspection (Augustin, Descartes). NB : à ce stade, les données sont doubles : je
connais directement l’intérieur (pensées) et l’extérieur (sensations).
§ 3 : Pratiquement = par l’action, en agissant sur ce qui est à l’extérieur de lui. Etrange :
quand j’agis, je modifie l’extérieur, mais en quoi cela m’apporte-t-il une connaissance de
moi ?
- Hegel explique : quand j’agis, je laisse une empreinte sur l’extérieur, je le « marque
du sceau de mon intériorité », et finalement, c’est un peu de moi que je retrouve
dans le résultat de mon action. Ex : Le produit de mon travail scolaire me
ressemble, je m’y retrouve.
- Ce processus explique pourquoi l’homme n’est pas un être passif, pourquoi il
manifeste le désir d’agir = de modifier l’extérieur. 2 finalités : Il le fait certainement
pour rendre la nature humaine, moins inquiétante MAIS SURTOUT pour répondre à
ce désir de mieux se connaître. L’exemple de Hegel concerne ce 2 ème aspect : les
enfants ont plaisir à jeter des pierres dans l’eau parce que cela les renseigne sur
eux-mêmes = je suis un être qui peut modifier la nature.
- NB : ce processus individuel est aussi à l’œuvre pour Hegel au niveau de l’espèce :
l’humanité se découvre elle-même dans ses œuvres. Ex : Les productions
artistiques (le cours de Hegel leur est consacré) sont des œuvres par lesquelles
nous comprenons mieux l’homme, le cœur humain. Mais il en est de même pour la
science.
Conclusion  : Nous pouvons nous connaître directement ou indirectement, par les œuvres
que nous faisons.
Autre exemples : nous sommes souvent confrontés à des questions sur nous-mêmes
auxquelles nous tentons de répondre par des œuvres : je ne peux pas clairement savoir si je
suis courageux ou pas, donc je saute à l’élastique. Je peux douter d’être compétent en
mathématiques, mais rendre un bon devoir tranche la question.
Le mythe du nœud Gordien illustre cette idée : celui qui dénouerait le nœud
deviendrait roi de l’Asie = Alexandre pour trancher la question de savoir s’il est bien roi de
l’Asie, ne procède pas introspection (en suis-je digne ?), il tranche le nœud (2 ans plus tard, il
remporte Gaugamèle).
Transition  : Toutefois, la connaissance de soi par soi reste problématique.

2 Les limites de l’introspection


Quelles sont ces limites ? On peut penser à l’inconscient psychique. Mais plus généralement,
à 2 types d’arguments : ceux qui montrent l’impossibilité essentielle de ce genre de

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connaissance, ou toutes ces expériences ou nous découvrons que nous ne sommes pas qui
nous croyions être.

- Cette connaissance serait impossible en raison de sa nature même.


TEXTE 2 : AUGUSTE COMTE, Cours de philosophie positive, 1830-1842
Thèse : le paradoxe de Comte : l’introspection ne peut pas être une connaissance
scientifique = purement objective.
Affirmation de la thèse : la connaissance scientifique est possible (Comte n’est pas
sceptique) mais elle commence par l’observation. Or c’est cela qui est problématique dans
l’introspection. Pourquoi ?
- L’observation « des passions » est possible. Ex : Je peux dire que je suis triste, et
trouver la cause de cette tristesse, comme le décès d’un proche. Comment ?
L’explication est physiologique pour Comte : les « organes » qui ressentent et ceux
qui observent sont différents. Ex : On peut dire que c’est le cerveau qui observe le
cœur, ou plutôt une zone réflexive du cerveau qui observe une zone émotionnelle
du cerveau. Toutefois, Comte fait déjà 2 critiques :
o Cette connaissance a peu de valeur scientifique. Elle concerne surtout
l’individu lui-même, son existence, mais ne peut mener qu’à des lois
générales assez pauvres. Ex : Quand un être humain est confronté à un
deuil, il ressent cette émotion qu’on nomme tristesse.
o Cette connaissance a moins de valeur qu’une observation faite de
l’extérieur. Ici, Comte défend l’idée que plus l’intensité su sentiment
augmente, moins le sujet peut lui-même comprendre ce qui lui arrive. Ex :
C’est la même idée que dans la cure psychanalytique, le patient ne peut pas
lui-même comprendre ses désirs refoulés ou ses pulsions. L’hystérique ne
comprend pas ce qui lui arrive.
- Mais l’observation des « phénomènes intellectuels » est impossible, car elle est
contradictoire. Ex : Raisonner. Argument : il y a un moi qui raisonne, et un moi qui
le regarderait raisonner, ce qui est contradictoire. C’est l’identité du sujet et de
l’objet qui pose problème dans cette connaissance. Ou pour reprendre l’explication
physiologique, l’identité de la partie du cerveau qui pense, avec celle qui observe la
pensée.
On retrouve cette idée formulée par Platon dans Le premier Alcibiade : Alcibiade
veut devenir homme politique, mais Socrate l’enjoint à d’abord apprendre à se
connaître lui-même. Comment ? Socrate compare la connaissance avec la vue : le
problème est que l’œil ne se voit pas lui-même (= Comte). La suite du dialogue
montre qu’on ne peut se voir que dans un autre œil (autrui, le dialogue) mais
surtout dans ce miroir parfait que sont les Idées, le réel intelligible (la science).
Conclusion  : Dans l’introspection, l’identité du sujet et de l’objet est une contradiction
insurmontable. La vraie connaissance scientifique est objective, elle suppose une distance
entre sujet et objet.
Cette thèse est assez radicale, et en opposition directe avec Descartes, pour qui
l’introspection est la connaissance la plus assurée. L’argument de Comte a été critiqué très
tôt : JS Mill oppose l’idée qu’on peut observer comment on a pensé après coup, c’est-à-dire
par la médiation de la mémoire.
Mais l’idée de Comte a beaucoup influencé la psychologie contemporaine, qui laisse
moins de place à l’introspection, et davantage à l’expérimentation. Ex : Pour John Watson,

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fondateur du béhaviorisme : « La psychologie telle que le béhavioriste la voit est une
branche purement objective des sciences naturelles. Son but théorique est la prédiction et le
contrôle du comportement. L’introspection ne fait pas partie de ses méthodes essentielles, et
la valeur scientifique de ses données ne dépend pas de la façon dont elles se prêtent à une
interprétation en termes de conscience. »
Transition  : Cette critique mène donc à l’idée qu’un observateur extérieur serait peut-être
mieux placé pour me connaître (voir I, 3).

- L’expérience de l’opacité à soi-même : c’est un des thèmes important des


Confessions de Saint Augustin. Le mot « confession » a 2 sens qu’on retrouve dans le
livre : affirmer sa foi (Ex : la confession d’Augsbourg – texte où Luther fixe la doctrine
protestante) et avouer ses péchés. Dans les 2 cas, on dit qui on est (ce qu’on croit ou
ce qu’on a fait), avec sincérité ; Augustin rencontre donc le problème de l’identité.
Mais il s’aperçoit que l’effort de sincérité butte sur l’obstacle de l’opacité. Exemples :
o Livre IV : « Je suis devenu à moi-même une grande question ». C’est le récit
d’un traumatisme. Augustin raconte qu’après la mort d’un ami d’enfance, il
se met à haïr toute chose. Alors il ne comprend pas pourquoi il est si affecté
par cette perte. On pourrait dire que c’est bien naturel, mais la question
d’Augustin est légitime : qu’est-ce qui fait que les événements ne nous
atteignent pas tous de la même manière. Comment dire cette singularité de
chacun ? Or, Augustin ne sait que répondre. Il fait simplement l’expérience
d’une altérité, d’une aliénation : il est devenu un autre, il ne pensait qu’il
serait autant affecté. Le moi est une énigme.
o Livre X : reprise de la formule, mais à partir d’une autre expérience, celle du
péché (la concupiscence de l’ouïe = recherche du plaisir des sens) : je ne fais
pas ce que je veux, ma raison est impuissante et mes sens semblent diriger
ma volonté. Augustin remarque qu’il est davantage sensible à la mélodie
qu’au sens des paroles quand il chante lors des cérémonies. Il se sent donc
incapable de prier correctement (il faudrait pour cela faire l’inverse).
o Livre X : expérience du souvenir involontaire. Augustin a renoncé aux plaisirs
des sens, mais la nuit, il est encore assailli par des rêves érotiques qui le
ramène à sa vie passée. D’où la question : « Comment se peut-il faire qu’il y
ait une si grande différence entre moi et moi-même ? » = entre moi qui dort
et moi éveillé. Le moi est insaisissable car on ne maîtrise pas l’apparition de
nos idées, je ne suis pas la cause de mes propres pensées, elles surgissent
d’elles-mêmes.
Conclusion  : Pour Augustin, il y a un écart entre le je et le moi : le moi est l’objet d’une
question, plutôt que d’une connaissance. Je suis pour moi une « terre de difficultés ». Celui
qui me connait est Dieu, et pas moi : il est « plus intime que l’intime de moi-même »
Confessions, III.

TEXTE 1 : HEGEL, Cours d’Esthétique, 1832


L'homme est un être doué de conscience et qui pense, c'est-à-dire que, de ce qu'il est, quelle que soit sa façon d'être,
il fait un être pour soi. Les choses de la nature n'existent qu'immédiatement et d'une seule façon, tandis que l'homme parce
qu'il est esprit, a une double existence ; il existe, d'une part, au même titre que les choses de la nature, mais d'autre part, il
existe aussi pour soi, il se contemple, se représente à lui-même, se pense et n'est esprit que par cette activité qui constitue
un être pour soi.

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Cette conscience de soi l'homme l'acquiert de deux manières : Primo théoriquement, parce qu'il doit se pencher sur
lui-même pour prendre conscience de tous les mouvements, replis, penchants du cœur humain et d'une manière générale se
contempler, se représenter ce que la pensée peut lui assigner comme essence, enfin se reconnaître exclusivement, aussi bien
dans ce qu'il tire de son propre fond que dans les données qu'il reçoit de l'extérieur.
Deuxièmement, l'homme se constitue pour soi par son activité pratique, parce qu'il est poussé à se trouver lui-
même, à se reconnaître lui-même dans ce qui lui est donné immédiatement, dans ce qui s'offre à lui extérieurement. Il y
parvient en changeant les choses extérieures, qu'il marque du sceau de son intériorité et dans lesquelles il retrouve ses
propres déterminations. L'homme agit ainsi, de par sa liberté de sujet, pour ôter au monde extérieur son caractère
farouchement étranger et pour ne jouir des choses que parce qu'il y retrouve une forme extérieure de sa propre réalité.
Ce besoin de modifier les choses extérieures est déjà inscrit dans les premiers penchants de l'enfant ; le petit garçon
qui jette qui jette des pierres dans le torrent et admire les ronds qui se forment dans l'eau, admire en fait une œuvre où il
bénéficie du spectacle de sa propre activité.

TEXTE 2 : AUGUSTE COMTE, Cours de philosophie positive, 1830-1842


Il est sensible, en effet, que, par une nécessité invincible, l’esprit humain peut observer directement tous les
phénomènes, excepté les siens propres. Car, par qui serait faite l’observation ? On conçoit, relativement aux phénomènes
moraux, que l’homme puisse s’observer lui-même sous le rapport des passions qui l’animent, par cette raison, anatomique,
que les organes qui en sont le siège sont distincts de ceux destinés aux fonctions observatrices. Encore même que chacun
ait eu occasion de faire sur lui de telles remarques, elles ne sauraient évidemment avoir jamais une grande importance
scientifique, et le meilleur moyen de connaître les passions sera-t-il toujours de les observer en dehors ; car tout état de
passion très prononcé, c’est-à-dire précisément celui qu’il serait le plus essentiel d’examiner, est nécessairement
incompatible avec l’état d’observation. Mais, quant à observer de la même manière les phénomènes intellectuels pendant
qu’ils s’exécutent, il y a impossibilité manifeste. L’individu pensant ne saurait se partager en deux dont l’un raisonnerait,
tandis que l’autre regarderait raisonner. L’organe observé et l’organe observateur étant, dans ce cas, identiques, comment
l’observation pourrait-elle avoir lieu ?

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