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DOSSIER PREPARATOIRE au DS

Notion : la nature

DESCARTES : Discours de la méthode, 1637

À l'opposé d'une pensée purement théorique, Descartes veut promouvoir les connaissances pratiques, c'est-à-dire
« utiles à la vie ». Et c'est par le développement des sciences physiques qu'il espère l'essor d'applications concrètes,
techniques et médicales notamment. Pour cela, l’homme doit se rendre « comme maître et possesseur de la nature. »

« Il est possible de parvenir à des connaissances qui soient fort utiles à la vie, et […] au lieu de cette philosophie
spéculative (1) qu'on enseigne dans les écoles, on en peut trouver une pratique, par laquelle, connaissant la force et
les actions du feu, de l'eau, de l'air, des astres, des cieux et de tous les autres corps qui nous environnent, (…) nous
les pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres, et ainsi nous rendre comme
maîtres et possesseurs de la Nature. Ce qui n'est pas seulement à désirer pour l'invention d'une infinité d'artifices,
qui feraient qu'on jouirait, sans aucune peine, des fruits de la terre et de toutes les commodités qui s'y trouvent, mais
principalement aussi pour la conservation de la santé, laquelle est sans doute le premier bien et le fondement de
tous les autres biens de cette vie… »
1. Spéculative = abstraite, théorique.

Approche de KANT : article du CAIRN, 2010

« Y a-t-il quelque chose dont l'existence a, en soi-même, une valeur absolue ? Quelque chose qui est, en principe, fin en
soi? Oui, dit Kant : l'homme. Pour lui, l'homme, et en général tout être raisonnable, existe comme fin en soi, et non pas
simplement comme un moyen. Ainsi, même dans les actions humaines où il est utilisé comme moyen, il faut qu'il soit
aussi considéré en même temps comme fin.
Impératif pratique de Kant : "Agis de telle sorte que tu traites l'humanité comme une fin, et jamais simplement comme
un moyen."
Cet impératif est la conséquence directe de la définition kantienne de l'homme. L'homme se représente nécessairement
sa propre existence comme fin en soi. C'est donc un principe objectif valable pour tout homme. Mais, en plus, c'est un
principe subjectif. Je dois régler mon action sur ce principe, car ce qui vaut pour tout être raisonnable vaut aussi pour
moi; et ce qui s'applique dans ma personne s'applique aussi dans la personne de tout autre.
En conséquence :
- je ne peux disposer en rien de l'homme, soit pour le mutiler, soit pour le dégrader, soit pour le tuer.
- je ne peux porter atteinte à la liberté ou à la propriété d'autrui.
Pour Kant, si les personnes sont par nature des fins en soi, les choses, elles, n'ont qu'une valeur relative, celle d'un moyen.
Elles ont une valeur circonstancielle, pas objective. On peut les remplacer par d’autres, ce qui n’est pas le cas des
personnes. »

1
Le parasite et le symbiote selon Michel SERRES in Le Contrat naturel
Michel Serres distingue deux rapports antagonistes de l’homme envers la nature : celui du parasite et celui du symbiote.
Un organisme parasite vit aux dépens de son hôte sans avoir l’intention de le tuer (ce n’est pas un prédateur) mais il
l’épuise continuellement en consommant ses ressources vitales et peut devenir une cause de son décès. Michel Serres
propose, lui, l’adoption d’un contrat qui lierait les hommes à la nature de manière symbiotique, c’est-à-dire dans une
association organique réciproque.

"Retour donc à la nature ! Cela signifie : au contrat exclusivement social ajouter la passation d'un contrat naturel de
symbiose et de réciprocité où notre rapport aux choses laisserait maîtrise et possession pour l'écoute admirative, la
réciprocité, la contemplation et le respect, où la connaissance ne supposerait plus la propriété ni l'action ni la maîtrise.
Contrat d'armistice dans la guerre objective, contrat de symbiose : le symbiote admet le droit de l'hôte, alors que le
parasite - notre statut actuel condamne à mort celui qu'il pille et qu'il habite sans prendre conscience qu'à terme il se
condamne lui-même à disparaître.
Le parasite prend tout et ne donne rien ; l'hôte donne tout et ne prend rien. Le droit de maîtrise et de propriété se réduit
au parasitisme. Au contraire, le doit de symbiose se définit par la responsabilité : autant la nature donne à l'homme,
autant celui-ci doit rendre à celle-là, devenue sujet de droit.
Que rendons-nous, par exemple, aux objets de notre science, à qui nous prenons la connaissance ? Alors que le
cultivateur, autrefois, rendait en beauté, par son entretien, ce qu'il devait à la terre, à qui son travail arrachait quelques
fruits. Que devons-nous rendre au monde ? Qu'écrire dans le programme des restitutions ?"

Le droit peut-il sauver la nature ?


Devant les multiples dommages causés par les pollutions et le dérèglement climatique, les initiatives juridiques et
citoyennes se multiplient dans le monde, favorisant l’émergence d’une véritable justice environnementale.
C’est une première mondiale dans l’histoire du droit. Coup sur coup, au mois de mars 2017, deux fleuves se sont vu attribuer
une personnalité juridique. En Nouvelle-Zélande, le fleuve Whanganui, troisième plus long cours d’eau du pays, a été reconnu
« entité vivante ayant le statut de personne morale » par le Parlement. À l’instar des personnes mineures, il s’est vu affecter
deux tuteurs légaux qui défendront ses intérêts. En Inde, c’est le Gange et l’un de ses affluents, la rivière Yamuna, tous deux
sacrés, qui sont devenus des sujets de droit. Cette décision prise par la Haute Cour de l’État himalayen de l’Uttarakhand doit
permettre de combattre plus efficacement la pollution provoquée par les rejets industriels et les égouts. […]
Cette idée de nature-personne existe déjà en Amérique latine. La nouvelle Constitution de l’Équateur, adoptée en 2008,
reconnaît la nature comme un sujet de droit : droit d’être respectée, droit d’être restaurée en cas de dommage…[…] La Bolivie
a quant à elle voté en 2011 une loi sur la « Terre Mère », la « Pachamama », qui envisage tous les bénéfices de la nature pour
elle- même et pas seulement pour les services qu’elle rend à l’être humain. […]
Faut-il alors créer des tribunaux ad hoc, qui ne jugeraient que les crimes et délits environnementaux ? C’est déjà le cas en
Inde, mais aussi au Chili où des « tribunales ambientales », des tribunaux environnementaux, ont vu le jour en 2012. Certains
juristes vont plus loin et réclament ni plus ni moins la création d’un Tribunal pénal international pour juger les « écocides »,
les crimes contre l’environnement, à l’image de la Cour pénale internationale de La Haye pour les crimes contre l’humanité.

Laure Cailloce, « Le droit peut-il sauver la nature ? », CNRS Le Journal, mai 2017.

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Truie condamnée à mort, dauphins exorcisés... les étranges procès d'animaux au Moyen Âge

Un podcast France culture à écouter (si vous en avez envie) : https://www.franceculture.fr/histoire/truie-condamnee-a-mort-


dauphins-exorcises-les-etranges-proces-danimaux-au-moyen-age:
Résumé : Un cochon présenté au tribunal, des sangsues condamnées par contumace... Saviez-vous que du XIIIe au XVIIIe
siècle, les animaux pouvaient être traînés devant la justice et condamnés au même titre que les hommes ? Décryptage d'un
système judiciaire qui nous paraît bien étrange aujourd'hui. Revivez quelques-uns des plus étonnants procès d'animaux du
Moyen Âge : bienvenue dans une époque où l'on attendait des bêtes, membres à part entière de "la communauté de Dieu",
qu'elles respectent les mêmes devoirs que les humains.

Illustration représentant une truie et ses porcelets jugés pour le meurtre d'un enfant.
Le procès aurait eu lieu en 1457, la mère étant reconnue coupable et les porcelets acquittés.

Cochons dévoreurs de nouveaux- nés condamnés à l'étranglement, sangsues sommées par la justice de ne plus s'en prendre aux
poissons... Pendant près d'un millénaire en Europe, les bêtes de ferme et autres insectes nuisibles pouvaient être envoyés devant
des tribunaux, et jugés à l'aide de toute une rhétorique constituée de citations latines et d'allusions prétendument historiques.
Excommunications, exorcismes publics, condamnations à mort, jugements par contumace... ces histoires nous semblent
aujourd'hui tellement stupéfiantes, qu'elles sont longtemps passées pour être imaginaires.
An 1386, région de Falaise, en Normandie. A l'époque, les cochons déambulent librement dans les rues, jouant le rôle
d'éboueurs. Un jour, une truie renverse un nouveau-né mal surveillé, et commence à le dévorer au niveau du bras et du visage.
Le nourrisson ne survit pas à ses blessures, et la truie est conduite au tribunal. Ce procès est le mieux documenté de tous les
jugements d'animaux dont on a gardé la trace, notamment grâce aux sommes d’argent dépensées pour cet événement, qui dure
neuf jours. A l'issue du procès, la truie est condamnée à être d’abord traînée sur une claie dans les faubourgs de Falaise, puis
pendue et brûlée.
En 2010 dans l'émission d'Alain Veinstein Du jour au lendemain, l'historien médiéviste Michel Pastoureau, auteur de l'ouvrage
Le Cochon : histoire d'un cousin mal aimé (Gallimard) revenait sur cette incroyable histoire :
« Avant de la pendre, on l’a habillée avec des vêtements de femme, et le juge bailli de Falaise a demandé aux paysans qui
vivaient alentour de venir voir l'exécution de la truie avec leurs cochons pour que ça leur fasse enseignement. Il y a l’idée que
les cochons étaient capables de comprendre et se comporteraient dorénavant beaucoup mieux dans cette région pour ne pas
subir le sort de la truie. »
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Même si ces affaires nous apparaissent aujourd'hui insolites, les procès étaient loin d'être pris à la légère, comme l'expliquait
l'intellectuel Michel Rousseau lors d'une conférence intitulée "Les animaux devant la justice : du châtiment des bêtes à la
responsabilité des hommes":
Ces procès se déroulaient devant la seule justice civile : celle des baillages, des conseils de villes, des échevins, ou celle des
seigneuries ou même des parlements. Cette justice criminelle disposait d’une prison. L’animal qui s’était livré à des coups et
blessures envers des humains était emprisonné et devenait le voisin de quelques brigands arrêtés.

John Baird Callicott : de la valeur intrinsèque des êtres naturels


"Edwin Pister, un biologiste... a passé une bonne partie de sa vie à tenter de sauver de l'extinction différentes espèces de
poissons vivant dans de petits îlots aquatiques au milieu du désert... Il a pris fait et cause pour le Cyprinodon diabolis menacé
par des agents de l’agrobusiness qui pompaient l’eau du sol à des fins d’irrigation. On lui posait régulièrement la question: à
quoi est-il bon, ce poisson après tout? Cette interrogation présuppose qu'une espèce n'a aucun droit à l'existence, à moins que
ses membres n'aient une certaine utilité, une valeur instrumentale. Longtemps, Pister s'est efforcé de fournir une réponse en
reprenant à son compte la manière dont la question était posée. De toute évidence, des poissons minuscules vivant dans des
flaques d'eau pas plus grandes que des réservoirs sont bien incapable d'approvisionner les fédérations de pêche...De guerre
lasse, Pister finit par trouver un moyen de donner un sens clair au concept de valeur intrinsèque. A la question "à quoi est-il
bon?", il répliquait: "Et vous, à quoi êtes-vous bon?"
Cette réponse invitait celui qui l'interrogeait à prendre conscience du fait qu'il est enclin à considérer que sa propre valeur
globale excède sa valeur instrumentale. Bien des gens se réjouissent d’avoir une valeur instrumentale – ils souhaitent être utiles
à leur famille, à leurs amis et à la société. Mais lors même que nous ne serions bons à rien, nous continuons de croire, en dépit
de cela, que nous avons encore quelque droit à l'existence, à la liberté, à la recherche du bonheur...La dignité humaine et le
respect qu'elle commande - le droit éthique de l'humanité - sont fondés sur le fait que nous revendiquons pour nous-même la
possession d'une valeur intrinsèque".
Ethique de la Terre, « la nature a-t-elle une valeur en elle- même ? » p.109-110.

Présentation du livre La valeur intrinsèque de Catherine Larrère :

Deux articles, publiés au début des années 1970, celui de l’Australien Richard Routley , et celui de l’Américain Holmes
Rolston, ont attiré l’attention sur le besoin d’une éthique nouvelle, d’une éthique écologique, ou environnementale. Tous
deux considéraient que, pour y parvenir, il fallait montrer que la nature, en elle-même, avait une valeur. Ils reprochaient
aux attitudes morales traditionnelles (occidentales plus particulièrement) de n’attribuer qu’une valeur instrumentale aux
entités naturelles, de n’envisager la nature que comme un vaste réservoir de ressources pour les activités humaines.
La nature, dans sa richesse propre, paraissait menacée. La question de la valeur intrinsèque des entités naturelles est
étroitement liée aux alarmes que causent l’érosion de la biodiversité, l’accélération du rythme de la disparition d’espèces
animales et végétales. La destruction de millions d’hectares de forêts tropicales, le développement d’une agriculture
intensive utilisant un petit nombre de variétés et employant massivement engrais et désherbants, la fragmentation des
habitats conduisent à la disparition d’espèces sauvages ou antérieurement cultivées... On estime, généralement, que cette
disparition est massive et sans commune mesure avec celles qui ont pu se produire à d’autres périodes de l’histoire de la
nature. Quels que puissent être les dommages qu’entraînent, pour la vie humaine, cet appauvrissement des ressources
naturelles, l’idée intuitive est qu’il y a là un tort direct fait à la nature, un mal en soi… Une prise de conscience s’impose :
il faut désormais créditer les êtres de la nature d’une valeur en soi, quelle que soit leur utilité ou leur inutilité pour l’être
humain.

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