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RapportBanque OXFAM v5-1
RapportBanque OXFAM v5-1
A
lors que s’ouvre les Climate Finance Days à Paris le 29 octobre 2020, Oxfam France
lève le voile sur l'empreinte carbone colossale des banques françaises, qui repré-
sente près de 8 fois les émissions de gaz à effet de serre de la France entière1. Les
émissions de gaz à effet de serre issues des activités de financement et d’investis-
sement des six principales banques françaises – BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Géné-
rale, BPCE2, Crédit Mutuel et la Banque Postale – atteignent 3,3 milliards de tonnes équivalent
CO2 par an. Chacune des deux premières banques françaises a, à elle seule, une empreinte car-
bone deux fois supérieure à celle du territoire français. Ces nouvelles données montrent aussi
que des choix de financement différents sont possibles : pour un euro investi, la Banque Pos-
tale contribue deux fois moins aux changements climatiques que Société Générale.
Oxfam France a évalué l’impact climatique de notre argent selon la banque française à la-
quelle on appartient. Et les résultats sont édifiants : si l’on considère que les Français ont en
moyenne 25 000 euros sur leurs comptes3, nous polluons encore plus via ce que finance notre
argent que par notre propre consommation. Notre argent représente donc notre premier poste
d’émissions de CO2. Si nous prenions en compte les émissions de gaz à effet de serre de notre
argent, notre empreinte carbone serait donc deux fois plus élevée.
La réalité est qu’avec nos fonds, les banques françaises continuent de soutenir une économie
carbonée qui compromet l’objectif de contenir le réchauffement global en-dessous d’1,5°C d’ici
à la fin du siècle. A ce rythme, si les 6 banques françaises continuaient de financer l’écono-
mie comme elles le font à ce jour, cela conduirait à un réchauffement de plus de 4°C d’ici à
2100, loin de l’objectif de 1,5°C encouragé par les scientifiques.
Le changement de logiciel doit donc passer par le législateur. Les simples « appels » d’Emma-
nuel Macron à « arrêter de financer à l’extérieur des projets d’infrastructures carbonés par
souci de cohérence »10 ou Bruno Le Maire, le 1er Octobre 2020, qui disait que « sur la question
de la finance verte, (…) je pense que les banques doivent pouvoir faire mieux »11, n’ont pas
porté leurs fruits jusqu’à présent. Alors que le plan d’action pour la finance durable européen
lancé en 2018 ou la loi de Transition énergétique
pour la Croissance verte française de 2015 sont
À ce rythme, si les 6 banques certainement des pas en avant, ils ne sont que
françaises continuaient de financer la première étape vers le verdissement du sys-
l’économie comme elles le font tème financier. La régulation du système finan-
cier repose trop souvent sur une logique de
à ce jour, cela conduirait
transparence, alors qu’il devrait passer à une
à un réchauffement de plus
logique d'engagement et d’exclusion avec les
de 4°C d’ici à 2100. entreprises. Au niveau français, cinq ans après
l’Accord de Paris, les obligations de transpa-
rence ne prévoient toujours pas la publication de la part brune et des montants des soutiens
financiers accordés aux énergies fossiles.
Le cadre règlementaire européen encore flou ne doit pas annihiler toute volonté de régulation
et de souveraineté de l’Etat français sur ses banques nationales. Oxfam France recommande
de créer urgemment un label « en transition » permettant de définir le degré d’alignement
d’un portefeuille avec l’Accord de Paris. Pour être crédible, ce label ne pourra définir une
banque « en transition » uniquement si :
> elle exclut de son portefeuille toute entreprise d’une « liste noire » commune, qui inclut les
entreprises qui développent des projets incompatibles avec l’objectif 1,5°C, tels que dans le
secteur des énergies fossiles, ou qui n’auraient pas de plans de transition climatique juste.
> elle a une trajectoire de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre crédible, qui in-
tègre notamment une réduction de son empreinte carbone complète de 15% d’ici à 2023.
Les autorités publiques doivent être les garants du label selon trois principes : contraignant,
contrôlable et suivie d’une sanction financière en cas de non-respect.
2
L’EMPREINTE CARBONE INDIVIDUELLE
DE NOTRE COMPTE BANCAIRE
page 31
3
RÉGULATION DES BANQUES :
OÙ EN EST-ON ?
page 43
RECOMMANDATIONS | page 5
MÉTHODOLOGIE | page 5
ANNEXES | page 5
E
n décembre 2015, l’Accord de Paris sur le climat fixait l’objectif de limiter le réchauffe-
ment global de la planète en-deçà de +2 °C par rapport aux niveaux préindustriels, et
sommait les Etats de tout mettre en oeuvre pour ne pas dépasser +1,5 °C12. Afin de s’y
conformer, les États s’engageaient également dans ce texte à rendre les flux financiers
compatibles avec une telle trajectoire de réduction des gaz à effet de serre.
La situation est urgente. Depuis la période pré-industrielle, la planète s’est déjà réchauffée de
1°C, entraînant la multiplication et l’intensification des événements climatiques extrêmes : cani-
cules et records de chaleur ; incendies et feux de forêts ; sécheresse ; inondations ; montée des
eaux. Les populations les plus pauvres sont en première ligne de ces impacts. Sans action cli-
matique ambitieuse, 100 millions de personnes pourraient basculer dans l’extrême pauvreté d’ici
203013. Le nombre de personnes souffrant de la faim risque d’augmenter de 10 à 20 % d’ici 2050
en raison des changements climatiques14. Les femmes sont susceptibles d’être les plus dure-
ment touchées, car non seulement elles sont surreprésentées dans les catégories les plus
pauvres, mais aussi parce que leur source de revenus provient surtout des ressources naturelles
qui sont menacées de disparition.
Pour limiter au maximum l’impact des changements climatiques sur les individus et leur environ-
nement, il est nécessaire d’opérer au plus vite une transition profonde de notre modèle écono-
mique.
Cependant, le changement de paradigme que suppose l’Accord de Paris n’a pas eu lieu : la res-
ponsabilité de cette situation incombe aux acteurs publics, mais également aux acteurs privés
et parmi eux, les banques. Au cœur de l’économie, les six plus grosses banques françaises, qui
possèdent des actifs équivalents à 3 fois le PIB de la France15, ont donc leur rôle à jouer. Elles
doivent cesser de soutenir les projets climaticides et réorienter leurs flux financiers vers une
transition écologique socialement juste.
Alors que les grands acteurs de la finance internationale se réunissent à Paris le 29 octobre 2020,
dans le cadre des Climate Finance Days, Oxfam dresse un bilan de l’empreinte carbone et de la
trajectoire climatique des grandes banques multinationales françaises : BNP Paribas, Crédit Agri-
cole, Société Générale, BPCE, La Banque Postale et Crédit Mutuel. L’analyse de leurs financements
mais aussi de leurs investissements sur les marchés financiers doit appeler au changement.
Les grandes annonces du secteur bancaire ne suffisent plus. Pour respecter l’Accord de Paris,
les banques doivent assumer leur part de responsabilité et redresser la barre sur leurs soutiens
financiers pour prendre le virage de la transition écologique. Même si les banques françaises se
sont sérieusement mises en ordre de marche sur le charbon par exemple, il a fallu attendre cinq
ans après l’Accord de Paris pour que ce soit enclenché. Cette inertie, renforcée par un cadre rè-
glementaire français et européen encore flou, illustre l'ampleur du défi de la transition écolo-
gique.
Si nos décideurs politiques veulent véritablement nous faire basculer dans le monde d’après, le
temps est venu pour l’Etat français de contraindre chaque banque à publier une feuille de route
climatique transparente, crédible et opposable.
bnp
paribas
société
générale
crédit
agricole
crédit groupe
mutuel bpce
La Banque
Postale
7,9 x
En un an, les émissions de gaz à effet
de serre issues des activités de
financement et d’investissement des
six principales banques françaises – tonnes équivalent CO2 en une année16.
BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Au-delà de l’empreinte carbone, l’analyse
Générale, BPCE, La Banque Postale et montre que les soutiens « verts » sont biens
inférieurs aux soutiens d’activités carbonées.
Crédit Mutuel – ont atteint plus de 3,3
En comparant les émissions économisées et
milliards de tonnes équivalent CO2, soit les émissions induites, on constate que cha-
7,9 fois les émissions de la France16. cune des banques étudiées économise
moins de 0,1 tonne de CO2 lorsqu’elle finance
Ce chiffre élevé témoigne non seulement de une tonne de CO2 induite17.
la dépendance des banques à des secteurs Sans surprise, plus le poids financier d’une
d’activités très carbonés, mais aussi du rôle banque est important, plus les émissions
moteur qu’elles continuent à jouer pour en- qu’elle génère sont élevées. Parmi les
traîner le système vers des émissions de gaz banques étudiées par Oxfam, BNP Paribas oc-
à effet de serre incontrôlées. De telles émis- cupe ainsi la tête du classement, suivie par
sions sont également rendues possibles par Société Générale. Chacune des deux pre-
le soutien financier des banques à des entre- mières banques françaises a, à elle seule,
prises, Etats et projets sur l’ensemble de la une empreinte carbone deux fois supérieure
planète. à celle du territoire français.
Ces nouveaux chiffres complètent l’étude
d’Oxfam France et des Amis de la Terre France Lorsque les émissions de gaz à effet de serre
réalisée en 2019, qui ne s’intéressait qu’à des banques sont comparées en fonction de
l’empreinte carbone des banques dans le leur taille – volume de leurs activités –18,
secteur des énergies fossiles, alors que ce alors le profil évolue : Société Générale est la
rapport analyse l’ensemble des secteurs plus polluante par million d’euros injecté
d’activités. L’étude précédente montrait que dans l’économie, suivi de près par BNP Pari-
les émissions issues des financements et in- bas. Pour un euro investi, Société Générale
vestissements à l’industrie des énergies fos- pollue deux fois plus que La Banque Postale.
siles par les quatre plus grandes banques Ces différences majeures témoignent des
françaises atteignaient plus de 2 milliards de modèles économiques des banques, qui sont
bnp
paribas 1147
35
société 927
générale
70 crédit 723
groupe agricole 64
bpce
crédit 288 377
mutuel
18 23
La Banque
52
Postale
4
émissions induites
émissions économisées
historiquement plus ou moins tournés vers Les banques ont dès lors une responsabilité
des secteurs d’activités émetteurs, en pre- et un rôle crucial à jouer dans la transition,
mier lieu desquels les entreprises actives tant leurs financements et leurs investisse-
dans les énergies fossiles (cf Annexe 2). Elles ments contribuent aux émissions de gaz à
montrent aussi que les émissions de banques, effet de serre mondiales. Ces volumes sont
comme la Banque Postale ou Crédit Mutuel, révélateurs de leurs fortes expositions aux
sont moins importantes lorsqu’elles sont loca- entreprises carbonées. En effet, en moyenne,
lisées sur le territoire français plutôt qu’à l’in- pour les banques françaises, 81% de leurs
ternational. Les écarts prouvent enfin que émissions de CO2éq résultent de leurs finan-
d’autres modèles sont possibles : la marge de cements ou investissements dans les entre-
progression est immense pour des banques prises19.
comme Société Générale et BNP Paribas.
crédit
agricole groupe crédit
bpce mutuel La Banque
Postale
652 601
444
379 379 353
4°C
groupe bpce en France, deviendrait la norme pour les étés parisiens22.
Plus de 17,1 millions de personnes – soit environ un français
crédit mutuel
La Banque Postale 3°C sur quatre – sont déjà exposées aux inondations par
débordement de cours d’eau. D’ici la fin du siècle, ce risque
sera bien plus important dans les villes côtières en raison de
la montée du niveau de la mer et de tempêtes violentes.
Même dans un scénario de réchauffement plus optimiste de
2°C, les inondations deviendraient la norme et pourraient
survenir une à deux fois par an à Brest, contre une fois tous
les 100 ans aujourd'hui. Dans un scénario à 4°C, les
inondations surviendraient plus de cinq fois par an à Nantes,
Bayonne et Dieppe23.
Les sécheresses ont des conséquences désastreuses pour
Source : Carbon4 Finance l’agriculture et les revenus des agriculteurs : la canicule de
Lecture : si les banques françaises l’été 2019 a ainsi entrainé une perte de 10 % des rendements
poursuivaient leurs activités comme dans sur les récoltes de céréales en France. On estime que les
l’année d’analyse, alors la Banque rendements de cultures comme le blé, la betterave ou le maïs
postale, Crédit Mutuel et BPCE se
pourraient chuter de 50 % d’ici 2050. Si rien n’est fait, ces
positionneraient sur un de réchauffement
pertes pourraient même être de l’ordre de 80 % en 2100 selon
entre 3 et 4°C d'ici 2100, tandis que Crédit
Agricole, BNP Paribas et Société Générale l’Agence européenne de l’Environnement24.
se dirigeraient vers un réchauffement
compris entre 4 et 5°C. Calcul : prend en
compte les intensités liées aux
financements et investissements
réalisées par la banque en tonnes de CO2
par millions d’euros de financements,
mais aussi l’évaluation de la stratégie
climat de la banque.
Depuis la signature de l’accord de Paris fin dispensable à la mise en place d’une straté-
2015, la mesure des émissions des gaz à ef- gie climat. La mesure des émissions permet
fet de serre associés aux activités écono- d’identifier non seulement les leviers d’action
miques dans l’industrie fossile, l’agriculture, pour réduire son impact sur le changement
le transport... est de plus en plus mise en évi- climatique, mais aussi les principales oppor-
dence dans le débat public. Derrière ces sec- tunités associées à une économie bas-car-
teurs émetteurs, les banques jouent un rôle bone.
clé en tant que financeur des projets. La L’analyse de la répartition des émissions des
comptabilisation carbone des activités finan- six banques françaises par outil financier
cières est un consensus international. Au- montre une disparité entre les portefeuilles
delà de l’aspect réglementaire, la mesure de de crédits ou d’investissements (cf. Annexe
l’empreinte carbone représente une étape in- 1). Sur l’ensemble de l’échantillon, les émis-
De la même façon qu’une banque a une em- En effet, l’empreinte carbone d'une banque
preinte indirecte via ses financements et inves- résulte essentiellement de ses activités de
tissements, en miroir, nous l’avons également crédit et d'investissement, et les dépôts
en tant que client bancaire. A partir de l’intensi- bancaires font partie des ressources dont
té carbone de chaque banque, Oxfam France a elle dispose pour mener ces opérations. Les
donc évalué l’impact climatique de notre argent dépôts bancaires offrent une source de fi-
selon la banque française à laquelle on appar- nancement plus stable que le financement
tient. Et les résultats sont édifiants : si l’on sur les marchés financiers, volatile et prêt à
considère que les Français ont en moyenne se retirer avec le moindre signe d'instabilité,
25 000 euros sur leurs comptes41, nous polluons au risque de plonger la banque dans une
encore plus via ce que finance notre argent que crise de liquidité. C'est la raison pour laquelle
par notre propre consommation. Notre argent les banques françaises sont tellement atta-
représente donc notre premier poste d’émis- chées au modèle de « banque universelle »,
sions de CO2. Si nous prenions en compte les reliant la gestion des dépôts et les activités
émissions de gaz à effet de serre de notre ar- d'investissement au sein d'un même groupe
gent, notre empreinte carbone serait donc deux bancaire : cette construction apporte de
fois plus élevée. nombreuses garanties implicites aux activi-
Empreinte Pourcentage de
Pour 1 000 euros
carbone (en cette empreinte
détenus à la Banque
tonnes eqCO2) bancaire par
Postale, notre empreinte
en fonction de rapport à
carbone individuelle s’élève
la somme l’empreinte
à 0,35 tonnes de CO2eq,
détenue dans la carbone
soit 3,13 % de l’empreinte
banque annuelle
carbone moyenne
d’un français
LA BANQUE POSTALE 0,35 3,13 %
CRÉDIT MUTUEL 0,38 3,39 %
BPCE 0,38 3,39 %
CRÉDIT AGRICOLE 0,44 3,93 %
1 000 € BNP PARIBAS 0,60 5,36 %
SOCIÉTÉ GÉNÉRALE 0,65 5,80 %
Mode de calcul :
argent détenu dans la banque (compte courant + compte épargne) * intensité carbone de la banque
émissions
eqCO2
25 000 €
bnp paribas
émissions
eqCO2
42
43
émissions
eqCO2
5 000 €
crédit mutuel
44
émissions
eqCO2
moyennes issues
10 000 € de l'alimentaition
d'un français
pendant
45
crédit agricole
2 ans
1 000 € 5 000 €
émissions
eqCO2 émissions
eqCO2
47
46
Alors que les six groupes bancaires français de l’ensemble de leurs portefeuilles. Malheu-
affichent désormais tous leurs ambitions de reusement, aucune banque française ne
s’aligner avec les objectifs de l’Accord de Pa- s’est engagée à réduire son empreinte car-
ris, qu’en est-il véritablement ? Lors de la bone générale, y compris ses émissions de
COP24 en décembre 2018, BNP Paribas et So- scope 3, dès 2021. De même, on ne peut ju-
ciété Générale se sont engagées à « mesurer ger que les quatre plus grandes banques
l’alignement de leurs portefeuilles de crédits françaises - BNP Paribas, Crédit Agricole, So-
avec les objectifs climatiques et à étudier les ciété Générale et BPCE - soient « en transition
moyens de diriger progressivement les flux fi- écologique » lorsqu’elles soutiennent de fa-
nanciers vers les objectifs de l’Accord de Pa- çon continue et accrue l’expansion du pétrole
ris »48. En septembre 2020, les deux banques et du gaz.
ont publié un guide pour accompagner les Publié en mars 2020, le rapport de six ONG,
banques dans l’application de cette métho- soutenu par 226 autres ONG internationales,
dologie49. BNP Paribas a pour objectif de pu- lève le voile sur les financements aux 100 en-
blier un rapport sur son alignement dans le treprises qui prévoient le plus de nouvelles
secteur de l’énergie dans les prochains mois extractions de charbon, de pétrole et de gaz,
et entreprend également des travaux de cal- ainsi que d’infrastructures connexes : ils
cul de son empreinte de scope 3 globale. So- s’élèvent à 73,5 milliards de dollars pour les
ciété Générale prévoit également de publier quatre principales banques françaises. Entre
des objectifs d’alignement dans les mois qui 2018 et 2019, les quatre banques ont toutes
viennent. En 2019, le Crédit Agricole s’est augmenté leurs financements à des entre-
également engagé à « la réallocation pro- prises qui développent des projets d’éner-
gressive de ses portefeuilles de financement gies fossiles52. Une autre étude de mai 2020
et d’investissement en ligne avec l’Accord de des Amis de la Terre et Reclaim Finance dé-
Paris » et indique développer un outil d’éva- montrait que ces quatre acteurs français ont
luation de la dynamique de transition de ses accordé 22 milliards d'euros au secteur du
clients entreprises50. La même année, Natixis pétrole et gaz de schiste américain depuis la
annonçait également se laisser un an pour se COP21, une industrie particulièrement nocive
fixer une trajectoire en ligne avec l'Accord de pour les populations, l’environnement et le
Paris51. Elle a instauré depuis 2017 un système climat53.
de « bonus-malus » appliqué à ses crédits en Du côté des deux autres banques françaises,
fonction de leur impact sur l’environnement. dont la taille est plus petite, les engage-
Si les engagements des banques françaises ments sont plus encourageants. Crédit Mu-
sont notables, notamment sur le charbon (cf. tuel est la seule banque française à publier
Annexe 3), ils sont insuffisants pour per- l’intégralité de l’empreinte carbone de son
mettre d’enclencher la transition écologique portefeuille de crédits, y compris ses émis-
ÉTAT DES LIEUX DES RÉGLEMENTATIONS l'activité de la société et de l'usage des biens
FRANÇAISES ET EUROPÉENNES et services qu'elle produit »57.
SUR LA FINANCE DURABLE Publié en 2018, le plan d’action sur la finance
durable de la Commission européenne vise à
L’alinéa VI de l’article 173 de la loi de Transi- réorienter les flux de capitaux vers des inves-
tion énergétique pour la Croissance verte de tissements plus durables, et est un des élé-
2015, votée lors de la mandature précédente, ments clés de la mise en œuvre de l'Accord
impose aux sociétés de gestion et aux inves- de Paris dans l’Union européenne. Pierre an-
tisseurs institutionnels français d’être trans- gulaire de ce plan, la taxonomie vise à définir
parents sur la prise en compte des risques quelles activités financées peuvent être ju-
climatiques dans leurs stratégies d’investis- gées « vertes » ou non. Il s'agit de fournir aux
sement. Ces derniers doivent également indi- entreprises et aux investisseurs « un langage
quer la contribution de leurs investissements commun pour déterminer les activités écono-
à la lutte contre les changements clima- miques qui peuvent être considérées comme
tiques. Alors que les portefeuilles de crédits durables sur le plan environnemental ». Ce
des banques n’étaient pas couverts par la lé- système de classification européen ne sera
gislation de 2015, la législation de 2017 pas appliqué avant 2022 par le secteur finan-
concernant la publication de la déclaration de cier.
performance extra-financière, prévoit que D’autres chantiers sont en cours au niveau
toute banque française doit désormais pu- européen. En premier lieu, la mise à disposi-
blier « des informations relatives aux consé- tion de données extra-financières normali-
quences sur le changement climatique de sées et harmonisées en provenance des
Dès 2021, les autorités publiques françaises doivent labelliser chaque banque française.
Une banque ne pourra être désignée « en transition » que si :
A elle exclut de son portefeuille toute entreprise d’une « liste noire » commune
B elle a une trajectoire de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre crédible
B Une banque ne pourra être jugée « en transition » que si elle dévoile son empreinte carbone
générale et s’est publiquement engagée à la réduire dès 2021, y compris ses émissions de
scope 3, en prenant en compte la notion d’équité entre les pays et régions, et selon le
calendrier suivant :
Agriculture,
foresterie et
alimentation 1,75 % 8,71 % 2,39 % 1,33 % 0,60 % 3,04 %
Transport (aéroport,
autoroutes, ports) 14,62 % 4,98 % 3,62 % 16,77 % 6,62 % 4,91 %
Services publics
(défense,
administratif) 2,29 % 1,57 % 2,96 % 14,22 % 0,00 % 6,71 %
> Manufacture : > Energie : extraction, > Construction : ingénierie, > Autres : santé ; arts ;
production d’automobiles, production, distribution et matériaux de construction et éducation ; publicité ;
d’équipements automobiles, utilisation d’énergies fossiles construction résidentielle. divertissements et loisirs;
de machineries ou de (charbon, pétrole et gaz) et > Transport : compagnies biens de consommation ;
composants électriques. de minerais (or, aluminium, aériennes, services commerce de gros et de
> Industries : acier, cuivre) ; producteurs aéroportuaires, autoroutes, détails ; information et
pharmaceutiques, d’électricités. ports et services maritimes, communication; technologie
biotechnologiques, >Immobiliers : activités compagnies de croisière. et média; dépenses de
chimiques ou de machines. immobilières, matériaux et > Administration : activités personnelles.
> Agriculture, foresterie et produits de construction ; et services administratifs ;
alimentation : produits secteur immobilier aérospatiale et défense.
agricoles, machineries commercial ; développeurs et
agricoles, brasseries, promoteurs immobiliers.
distilleries, tabac,
emballages alimentaires,
produits forestiers,
distributeurs alimentaires,
restauration, aquaculture.
Stratégie
Projets Développeurs Seuil relatif Seuil absolu de sortie
BNP PARIBAS 10 9 2 5 10
CRÉDIT AGRICOLE 10 9 6 0 9
CRÉDIT MUTUEL 10 9 10 10 10
NATIXIS 10 8 9 0 8
SOCIÉTÉ GÉNÉRALE 10 7 6 5 8
LÉGENDE :
> Projets : ce critère note > Seuil relatif : ce critère > Seuil absolu : ce critère > Stratégie de sortie :
l’exclusion des projets de note l’exclusion des note l’exclusion des ce critère note la qualité
mines de charbon, de entreprises sur la base entreprises sur la base de des engagements de sortie
centrales à charbon et de leur part de charbon dans leur production annuelle de du charbon.
d’infrastructure charbon. leurs revenus/production charbon thermique ou leur
> Développeurs : d’électricité. capacité de production
ce critère note l’exclusion d’électricité à partir de
des entreprises développant charbon.
de nouveaux projets
charbon.
4,60 %
Pétrole et gaz
4,73 % 34,95 %
Bien et services Voyages et loisirs
industriels
7,49 %
Services aux collectivités
8,04 % 17,76 %
Matières premières Bâtiment et matériaux
de construction
9,38 %
Transport industriel
Source : Crédit Mutuel Alliance Fédérale (2020) Document d’enregistrement universel 2019. Page.106.
https://www.bfcm.creditmutuel.fr/partage/fr/CC/BFCM/telechargements/information-financiere/
CM_Alliance_F%C3%A9d%C3%A9rale_URD_2019.pdf
3 Boursier.com (2014) Les Français ont en moyenne 25 000 euros sur leurs comptes
https://argent.boursier.com/epargne/analyses/les-francais-ont-en-moyenne-25-000-
euros-sur-leurs-comptes-et-livrets-1296.html
5 Ibid
9 Le CIR (Carbon Impact Ratio) est le rapport des émissions économisées sur les émissions
induites. Cet indicateur permet de comparer les contributions des acteurs à la transition
climatique.
13 Banque mondiale (2015) Global Warming Can Add 100 Million Poor People By 2030 :
www.banquemondiale.org/fr/news/opinion/2017/09/14/global-warming-can-add-100-
million-poor-people-by-2030
16 En 2018, les émissions de gaz à effet de serre de la France s’élevaient à 445 Mt de CO2.
Ministère de la Transition écologique et solidaire (2018) Baisse de 4,2 % des émissions de gaz
à effet de serre de la France en 2018 : www.ecologique-solidaire.gouv.fr/baisse-42-des-
emissions-gaz-effet-serre-france-en-2018
17 Oxfam et Les Amis de la Terre France (2019) La colossale empreinte carbone des banques :
une affaire d’Etat. https://www.oxfamfrance.org/wp-content/uploads/2019/11/Rapport-La-
colossale-empreinte-carbone-des-banques-fran%C3%A7aises.pdf
18 Le CIR (Carbon Impact Ratio) est le rapport des émissions économisées sur les émissions
induites. Cet indicateur permet de comparer les contributions des acteurs à la transition
climatique.
19 La taille des banques est exprimée en fonction du total de leurs financements, c’est-à-dire
l’argent mis par la banque dans l’économie (à travers les prêts, les investissements et les
placements immobiliers). C’est une estimation de la taille des bilans des banques.
20 Le reste des émissions de CO2éq est associé aux crédits et investissements dans le secteur
public, et, marginalement, auprès particuliers.
21 Germanwatch (2019) Global Climate Risk Index 2019. Etude portant sur la période 1999-2018.
24 France Inter (2020) Montée des eaux, crues, feux de forêt : l'impact du réchauffement
climatique en France en six cartes
https://www.franceinter.fr/environnement/montee-des-eaux-crues-feux-de-foret-l-impact-
du-rechauffement-climatique-en-france-en-six-cartes
29 The Guardian (2019) Mark Carney tells global banks they cannot ignore climate change
dangers www.theguardian.com/environment/2019/apr/17/mark-carney-tells-global-banks-
they-cannot-ignore-climate-change-dangers
30 Usbek & Rica (2020) Covid-19 : « Réorienter l'économie pour la transition suppose de
sacrifier le court terme »
https://usbeketrica.com/fr/article/covid-19-economie-suppose-sacrifier-court-terme
33 C’est par exemple une recommandation de la TFCD (Task force on climate disclosure), un
groupe de travail mis en place lors de la COP21 par le Conseil de stabilité financière du G20.
35 Oxfam France (2018) Banques françaises, les énergies fossiles raflent la mise :
www.oxfamfrance.org/wp-content/uploads/2018/11/
BanquesFrancaises_Fossiles_Nov2018.pdf
36 Oxfam et Les Amis de la Terre France (2019) La colossale empreinte carbone des banques :
une affaire d’Etat. https://www.oxfamfrance.org/wp-content/uploads/2019/11/Rapport-La-
colossale-empreinte-carbone-des-banques-fran%C3%A7aises.pdf
37 En 2018, les émissions de gaz à effet de serre de la France s’élevaient à 445 Mt de CO2.
Ministère de la Transition écologique et solidaire (2018) Baisse de 4,2 % des émissions de gaz
à effet de serre de la France en 2018 : www.ecologique-solidaire.gouv.fr/baisse-42-des-
emissions-gaz-effet-serre-france-en-2018
41 Boursier.com (2014) Les Français ont en moyenne 25 000 euros sur leurs comptes.
https://argent.boursier.com/epargne/analyses/les-francais-ont-en-moyenne-25-000-
euros-sur-leurs-comptes-et-livrets-1296.html
42 Commissariat général au développement durable (2012). Les émissions directes de CO2 des
ménages selon leur localisation :
https://reseauxchaleur.files.wordpress.com/2012/09/lps1371.pdf
Calcul : selon l’hypothèse qu’un appartement chauffé au gaz émet 2,77 tonnes d’équivalent
CO2 par an, 6 appartements émettent donc 16,6 tonnes d’équivalent CO2 par an.
43 Ibid. Calcul : pour une distance estimée à 5 836 km entre Paris et New-York, pour un avion de
220 sièges et en incluant les pollutions liées aux trainées aériennes, 0,881 tonne est émise soit
1,7 tonne pour un aller-retour et 15,3 tonnes pour 9 allers-retours. La construction de l’avion
est exclue du calcul.
45 Carbone 4 (2019). Faire sa part ? Pouvoir et responsabilité des individus, des entreprises et
de l’état face à l’urgence climatique.
http://www.carbone4.com/wp-content/uploads/2019/06/Publication-Carbone-4-Faire-sa-
part-pouvoir-responsabilite-climat.pdf
Calcul : un français dépense en moyenne l’équivalent de 2 tonnes de Co2 pour s’alimenter par an.
47 WWF (2020). L’impact écrasant des SUV sur le budget des ménages.
https://www.wwf.fr/sites/default/files/doc-2020-10/20201005_Etude_L-impact-ecrasant-
des-SUV-sur-le-budget-des-menages_WWF-France.pdf
Calcul : un SUV émet 211g de Co2 par kilomètre parcouru. Ainsi 9 005 km parcouru émet 1,9
tonne de Co2. La distance Lille-Marseille étant de 1001 km, le trajet peut être réalisé 9 fois.
En comparaison, une citadine n’émet que 184g de Co2 par kilomètre.
48 BNP Paribas (2018) COP24 : BNP Paribas et 4 grandes banques s’engagent en faveur des
objectifs climatiques mondiaux https://group.bnpparibas/actualite/cop24-bnp-paribas-4-
grandes-banques-engagent-faveur-objectifs-climatiques-mondiaux
50 Crédit Agricole (2019) Le Crédit Agricole adopte une nouvelle stratégie climat https://
www.credit-agricole.com/chaines-d-infos/toutes-les-chaines-d-info-du-groupe-credit-
agricole/communiques-de-presse/le-credit-agricole-adopte-une-nouvelle-strategie-climat
53 Les Amis de la Terre France (2020) En plein krach pétrolier, la finance épinglée pour ses
soutiens aux pétrole et gaz de schiste
https://www.amisdelaterre.org/krach-petrolier-la-finance-epinglee-pour-ses-soutiens-
aux-petrole-gaz-de-schiste/
56 La Banque Postale (2020) La Banque Postale renforce ses engagements en faveur d’une
finance durable. https://www.groupelaposte.com/fr/article/assises-de-la-banque-et-
de-lassurance-citoyennes-la-banque-postale-renforce-ses-engagements-en-faveur-
dune-finance-durable
58 La Tribune (2019) Le risque climatique mal intégré par les banques et assureurs selon le
superviseur : www.latribune.fr/entreprises-finance/banques-finance/le-risque-
climatique-mal-integre-par-les-banques-et-assureurs-selon-le-superviseur-831731.html