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ISSN 1991-8631
RÉSUMÉ
Ricinodendron heudelotii est une essence endémique des forêts tropicales humides d’Afrique, très
prisée pour ses graines comestibles. Sa régénération naturelle reste difficile à cause principalement de la
dormance tégumentaire de ses graines. Elle possède de nombreuses vertus ethnobotaniques et d’opportunités
agroforestières pour les peuples des forêts du bassin du Congo. Au nombre de ces vertus, on cite des propriétés
médicinales, agroalimentaires, agronomiques, écologiques et industrielles. Des programmes de domestication
de R. heudelotii sont en cours dans les stations du Centre Mondial de l’Agroforesterie (CMAF) au Cameroun.
L’essentiel des travaux déjà réalisés sur cette essence a porté sur ses propriétés ethnobotaniques, l’analyse de la
composition chimique de l’huile des graines et sa domestication. Les tentatives de domestication de R.
heudelotii se heurtent par ailleurs à diverses contraintes phytosanitaires encore à identifier. Sur la base des
observations réalisées en forêts, dans les pépinières et au laboratoire, les dégâts observés seraient d’origine
fongique et entomologique. À ce jour, aucun programme de lutte ou d’amélioration génétique n’est envisagé.
Pourtant, l’existence de deux sous-espèces (heudelotii et africanum) chez R. heudelotii et d’une espèce
apparentée (R. rautanenii) constitue un atout exploitable pour d’éventuels travaux d’amélioration génétique.
Cette étude suggère que R. heudelotii pourrait être considérée comme une essence modèle d’avenir pour
l’agroforesterie au Cameroun, avec au premier plan un moyen de lutte prometteur contre la pauvreté, et
propose quelques pistes de recherche en vue de contribuer au succès des programmes de domestication de
l’espèce.
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des agriculteurs, des responsables des forêts symbioses avec des champignons
communautaires (cas de la Forêt modèle de endomycorhiziens arbusculaires (Högberg,
Dja et Mpomo à Lomié) ont été utiles pour 1982). L’écorce des tiges et des branches
appréhender l’importance agroforestière hébergent de nombreux Bryophytes et
locale de cette espèce. Enfin, un essai en Thallophytes parmi lesquelles les lichens, les
pépinière a été conduit afin d’inventorier les algues appartenant aux genres Pleurococcus,
contraintes phytosanitaires de production ou Clorococcum et Physolinum, des
de domestication de cette essence. La Cyanobactéries (fixateurs d’azote) et autres
littérature associée a été tirée des bases de bactéries du genre Bacillus (Lubini, 1982,
données Web of Science, Science Direct, Food 1995; Akinsoji, 1991). En plus de ce rôle
Science and Technology et CAB International écologique, R. heudelotii constitue l’une des
en utilisant les mots clés suivants : R. essences forestières d’Afrique tropicale
heudelotii, forêts tropicales, forêts utilisée comme modèle d’étude des variations
équatoriales, forêts modèles, produits saisonnières du phloème secondaire des arbres
forestiers non ligneux, déforestation, poussant dans des zones instables à forte
agroforesterie et sylviculture. activité anthropique ou à des perturbations
naturelles comme les feux de brousse
Intérêt écologique, agronomique et (Lawton, 1972; Davies et Unam, 1999; Denis
ethnobotanique de R. heudelotii et al., 2001). C’est donc un véritable
Les feuilles de R. heudelotii ont la indicateur biologique. Enfin, plusieurs
capacité de conserver une forte quantité de enquêtes de terrain réalisées auprès des
nutriments après leur abscission (Oyefesobi, populations d’Afrique centrale et occidentale
1983). Ceci rend la litière sous l’arbre riche en ont mis en exergue l’existence de diverses
éléments minéraux mobiles (ex. azote, propriétés ethnobotaniques, écologiques et
potassium et phosphore) et immobiles (ex. agronomiques chez R. heudelotii (Tableau 1).
calcium et magnésium) disponibles pour les
végétaux de la strate inférieure. Le système Domestication et problématique de
racinaire profond de R. heudelotii constitue un sélection
double avantage : il favorise un meilleur Le processus de domestication
contrôle de l’érosion (stabilité physique du participative tel que proposé par l’ICRAF vise
sol) et évite la compétition avec les racines à impliquer tous les acteurs sociaux et à aider
des plantes adjacentes localisées dans la les paysans à une approche durable de
couche supérieure (Latham, 1999), d’où un l’utilisation des forêts (CMAF, 2009).
regain d’intérêt à l’endroit du njanssang pour L’abondance relative de R. heudelotii
l’agroforesterie. À travers ses larges feuilles et la production de graines sont plus élevées
tri ou penta lobées, il produit un effet en forêt secondaire qu’en forêt mature fermée.
protecteur des cultures (diminution des Ceci suggère la possibilité de son intégration
impacts des pluies violentes, de la grêle et des facile dans les programmes agroforestiers
fortes insolations). C’est une espèce à visant à créer des plantations arboricoles en
croissance rapide peuplant facilement les association avec des cultures (pérennes ou
forêts secondaires et qui peut donc être vivrières) locales dans les zones où la forêt a
utilisée pour remplir les touées d’abattage. été détruite. Cette approche permettrait aux
Dans les forêts dégradées à l’intérieur paysans non seulement de jouir des ventes des
desquelles les cacaoyères ont été installées, récoltes de leurs cultures, mais aussi de celles
l’ombre créée offre un microclimat favorable des graines de njanssang qu’ils trouveront
pour la fructification et la croissance des dans leurs exploitations agricoles. Il existe
plants de cacaoyers (Figure 1). seulement deux espèces du genre
Des études en Tanzanie ont révélé que Ricinodendron, à savoir R. heudelotii et R.
les racines de R. heudelotii réalisent des rautanenii Schinz. L’espèce R. heudelotii est
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Figure 1: Plant âgé de R. heudelotii (flèche) utilisé comme arbre d’ombrage dans les cacaoyères au
Cameroun.
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a b
c d e
Figure 2: Plants de R. heudelotii en âge de production quasiment défoliés en forêt (a) , fruits
infectés (b), enroulements et pourritures foliaires sur sauvageons âgés de 3 mois (c), divers
symptômes de maladies en pépinière (d) et plants flétris âgés de 3 mois (e). L’étiologie de ces maladies
est inconnue à ce jour.
Fruits Consommés par certains animaux en forêt. Les chasseurs Laird et Betafor
en profitent d’ailleurs pour tendre leurs pièges autour des (1997), Kimbu et
arbres ou pour suivre les traces de ces animaux. Kumedjio (1991)
Écorce du Lutte contre les maladies intestinales. Noumi et Yomi
tronc L'extrait d'écorce est utilisé contre la toux, et comme un (2000),
antidote au poison. Les décoctions traitent le rachitisme, Burkill (1994), Laird
le rhumatisme et la filariose lymphatique ou et Betafor (1997)
éléphantiasis. Associé aux écorces d’Eremomastax sp., il
combat l’anémie.
Latex Le latex associé aux feuilles est utilisé comme purgatif et Burkill (1994)
vermifuge. La sève est introduite dans l'œil pour détruire
les filaires et les ophtalmies.
Tronc Utilisé pour la fabrication des mortiers, tamtams (bois Laird et Betafor
très sonore) et en sculpture. Il héberge une flore (1997), Akinsoji
abondante et diversifiée de lichens. (1991)
Bois mort Le bois mort héberge des chenilles et des champignons Latham (1996)
comestibles. Associé aux feuilles, il enrichit le sol en
éléments minéraux mobiles (N, P, K) et immobiles (Ca Oyefesobi (1983)
et Mg).
Racines Les décoctions, à base de racines ou mélangées aux Burkill (1994),
écorces du tronc, sont utilisées comme laxatif et leur Abbiw (1990),
infusion traite la diarrhée, la dysenterie amibienne et les Högberg (1982)
maladies vénériennes. Existence de symbioses
endomycorhiziennes.
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