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Avant-propos :
Cette introduction est bien sûr marquée par des choix subjectifs. L’Europe et la
culture occidentale y tiennent une place prédominante. Outre les philosophes,
les scientifiques sont bien représentés, mais avec une nette préférence pour les
sciences sociales (et parmi elles, pour l’histoire et la sociologie). Les sciences
naturelles se limitent surtout à la révolution astronomique du 17ème siècle et au
darwinisme. Parmi les thématiques historiques, l’histoire politique occupe le
devant de la scène.
La Révolution française arrivant dès la page 850 (sur 3094), on peut également
souligner que c’est l’histoire de la période contemporaine qui est privilégiée.
« Il y a sans doute une chaîne des pensées des hommes depuis l'origine du
monde jusqu'à nous ; chaîne qui n'est ni moins mystérieuse ni moins grande que
celle des êtres physiques. Les siècles ont influé sur les siècles, les nations sur les
nations, les vérités sur les erreurs, les erreurs sur les vérités. Tout se tient dans
l'univers ; mais qui pourrait tracer la ligne ? » -Antoine Léonard Thomas,
Éloge de René Descartes (1765).
« Nous reconnaîtrons que les illustres fondateurs des saintes doctrines sont nés
pour nous, qu'ils ont préparé notre vie. Progresser vers les vérités suprêmes
tirées des ténèbres, vers la lumière, c'est être guidé par le labeur d'un autre.
Aucun siècle ne nous est interdit : ils nous sont tous ouverts, et si par la
grandeur de nos aspirations nous tendons au-delà des petitesses humaines, un
1
grand espace de temps est à notre disposition. » -Sénèque, De Brevitate vitae
(La Brièveté de la vie).
« Nous y tirons des ténèbres profondes où ils étaient restés ensevelis, des
hommes et des faits remarquables, qui ont puissamment influé sur le cours des
choses humaines. » -Giambattista Vico, Principes de la Philosophie de
l’Histoire (titre d’origine : Cinq Livres sur les principes d’une Science nouvelle,
relative à la nature commune des nations, 1744).
« On tirerait profit […] à s’intéresser aux vies de tous les penseurs, non pas sur
le mode de dévoilement de la vie intime […] mais sur celui d’une enquête sur les
points de rencontre entre vie et œuvre qui éclairent la réflexion philosophique. »
-Marie Gaille, Machiavel et la tradition philosophique.
« Les conditions d'existence des philosophes sont tout autant nécessaires que
leurs textes, si l'on veut comprendre leurs théories et éviter de déformer le sens
des mots par un regard exclusivement dirigé sur le papier. L'histoire et les aléas
d'une vie révèlent une portion du cadre social et historique, indispensable à
l'intelligence complète d'une philosophie. » -Pascal Charbonnat, Histoire des
philosophies matérialistes, Paris, Éditions Kimé, 2103, 706 pages, p.103.
Hominisation : https://www.amazon.fr/cerveau-lhominisation-primate-lhomme-
conscience/dp/2951798717/ref=sr_1_5?ie=UTF8&qid=1462284584&sr=8-
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« Au cours de la rude période de nomadisation du paléolithique, la première
résidence fixe dont nous retrouvons la trace est celle des morts: une faille dans
la roche, un monticule de pierres, un tumulus communautaire. Les vivants
revenaient vers ces points de repères pour évoquer l'âme des ancêtres ou leur
apporter les offrandes qui apaiseraient leur courroux. L'occupation permanente
d'un seul site n'était pas facilement conciliable avec les exigences de la chasse et
de la cueillette, mais l'appel immatériel des morts lui donnait toute son
importance. Les peuples juifs ont revendiqué comme leur, pendant des siècles,
une terre qui renfermait les cendres de leurs ancêtres ; et il s'agit là, semble-t-il,
de la plus originaire des revendications. La cité des morts est antérieure à la
cité des vivants. » (p.7)
http://www.amazon.fr/Quest-ce-que-Pr%C3%A9histoire%C2%A0-Beaune-
Sophie/dp/207046783X/ref=sr_1_32?s=books&ie=UTF8&qid=1459770696&sr
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https://www.amazon.fr/What-happened-history-Gordon-
Childe/dp/B009LKAKVE/ref=sr_1_fkmr0_1?s=books&ie=UTF8&qid=148822
2545&sr=1-1-
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Evolution/dp/0393092240/ref=pd_sim_14_1/164-3323186-
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pr%C3%A9histoire/dp/227108895X/ref=sr_1_22?s=books&ie=UTF8&qid=145
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Clottes/dp/2070444708/ref=pd_sim_14_7?ie=UTF8&dpID=4126R-
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hi%C3%A9rarchie-
Pr%C3%A9histoire/dp/2271076269/ref=sr_1_68?s=books&ie=UTF8&qid=145
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KEELEY/dp/226202989X/ref=pd_sim_14_8?ie=UTF8&dpID=51rgM6VNE0L
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A9ologie
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Testart/dp/2877722775/ref=pd_sim_14_1?ie=UTF8&dpID=516dytHeLAL&dp
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soci%C3%A9t%C3%A9s-Alain-
Testart/dp/2877723003/ref=pd_sim_14_4?ie=UTF8&dpID=41fJxBjpaAL&dpSr
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http://www.amazon.com/Evolution-Prehistoric-State-J-Haas/dp/023105338X
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Cycle de l’Euphrate et du Nil : "Ainsi la culture céréalière, l'invention de la
charrue, le tour du potier, la navigation à voile, le métier à tisser, l'usage du
cuivre, l'abstraction mathématique, l'observation des astres, le calendrier,
l'écriture et autres procédés de fixation de la parole, toutes ces découvertes
seraient presque contemporaines, et nous pouvons les situer, peu ou prou, aux
environs du troisième millénaire avant l'ère chrétienne. A l'exception de Jéricho,
les plus anciens vestiges urbains qui nous soient connus appartiennent à cette
même période. L'étonnante fécondité de cette expansion technologique ne fut
égalée qu'à l'époque moderne. Dans l'un et l'autre cas, on a pu voir des
hommes, poussés par leur idéal, réaliser une œuvre surhumaine, sans tenir
compte des faiblesses et des limitations de leur propre nature, et sans
s'apercevoir peut-être que l'œuvre d'une foi orgueilleuse pouvait avoir des
conséquences néfastes ou criminelles." (p.40)
http://hydra.forumactif.org/t1809-ian-kuijt-life-in-neolithic-farming-
communities-social-organization-identity-and-differentiation#2492
https://www.amazon.fr/Histoire-civilisation-notre-h%C3%A9ritage-
oriental/dp/B0000DWUV1/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1510257793&
sr=1-1&keywords=Will+Durant
Sumer : « [On peut] tenir les Sumériens pour les inventeurs de ce qui est
apparemment -avec, et peut-être avant le système hiéroglyphique égyptien- la
première véritable écriture connue. Aussi, l'Histoire proprement dite ne se
faisant qu'au moyen de documents écrits, pouvait-on poser dès lors qu'elle
"commence à Sumer". » (p.XVII)
« Lorsque le Sémite Sargon d'Akkad -qui donnera leur nom d'Akkadiens à ses
compatriotes et celui d'akkadien à leur langue sémitique- prend le pouvoir, peu
après 2350, regroupe sous sa poigne les petites principautés sumériennes,
sémitiques, ou suméro-sémitiques qui avaient jusqu'alors vécu côte à côte en
paix ou en guerre les unes contre les autres, et fonde ainsi le Premier Empire
mésopotamien, il ouvre l'avenir aux Akkadiens et sonne le glas des Sumériens. »
(p.XIX)
« A Sumer, un bon millénaire avant que les Hébreux n'écrivirent les premiers
livres de leur Bible et les Grecs leur Iliade et leur Odyssée, nous trouvons déjà
toute une littérature florissante comprenant des mythes et des épopées, des
hymnes et des lamentations, et de nombreuses collections de proverbes, de
fables et d'essais. » (p.12)
"Les scribes avaient pour pères les citoyens les plus riches des communautés
urbaines." (p.26)
"Quelques documents, peu nombreux -il faut le préciser-, signalent des scribes
de sexe féminin, mais les femmes n'ont pas joué un rôle important dans les
écoles de Sumer et d'Akkad. Et s'il y eut des lettrées, comme la fille de Sargon le
Grand, Enheduanna, elles avaient dû recevoir un enseignement privé dont nous
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n'avons pas connaissance. [...] A l'époque babylonienne, au contraire, et par
exemple à Mari vers 1800 avant notre ère, on rencontre des femmes scribes et
secrétaires, prototypes, si l'on peut dire, de nos dactylos." (p.26)
-Samuel Noah Kramer, L'histoire commence à Sumer, Flammarion, coll. Champ
histoire, 2015 (1957 pour la première édition française), 316 pages.
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leschatologie/dp/2844857280/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1461261607&sr=8-
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u+combat+%C3%A0+l%27eschatologie
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V%C3%A9ronique/dp/2070396053/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1464
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Mesopotamie
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Zarathoustra/dp/222622047X/ref=pd_sim_14_2?ie=UTF8&dpID=51bWYMFR
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Cycle de l’Égypte :
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sexualit%C3%A9-
pharaonique/dp/2268033783/ref=sr_1_12?s=books&ie=UTF8&qid=145520648
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http://www.amazon.fr/Tradition-primordiale-lEgypte-ancienne-
Pyramides/dp/2266090127/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1447240747&
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es
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2780-330/dp/2738405029/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1464560274&sr=8-
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« Les Perses sont les premiers à avoir pensé l'histoire en grand. » -Friedrich
Nietzsche, Œuvres philosophiques complètes, X, Fragments posthumes.
Printemps-automne 1844, Gallimard, NRF, 1982, 386 pages, Printemps 1884.
25 [148], p.65.
Cycle de la Grèce Antique : « Pour les Grecs, ce n'étaient pas les dieux qui
avaient créé le monde, mais l'inverse : l'univers avait créé les dieux. » -Edith
12
Hamilton, La Mythologie, 1978 (1942 pour la première édition américaine),
Éditions Marabout, coll. "Marabout université", 414 pages, p.16.
« L'adoration de la nature humaine par les Hellènes se refléta dans leur art
plastique et fut la cause de leur supériorité dans le domaine artistique. » -Élie
Metchnikoff, Études sur la nature humaine - Essai de philosophie optimiste,
Paris, Masson & cie éditeurs, 1903, 418 pages, p.6.
« Au début du premier millénaire avant notre ère, l’invasion des Doriens, qui
avait depuis un siècle déstabilisé la civilisation mycénienne, allait transformer
tous les domaines de la vie sociale du monde grec. L’apparition de la tyrannie
va souvent de pair avec l’évolution institutionnelle des cités où l’autorité des
rois s’est dégradée face au pouvoir montant des aristocraties foncières qui, à
leur tour, vont être confrontées aux marchands et aux entrepreneurs enrichis
aspirant à tenir les rênes de la politique. Les tyrannies amenées par de tels
troubles sociaux sont de courte durée, et finissent souvent par aboutir,
paradoxalement, à des régimes démocratiques. L’histoire des cités grecques,
dont la constitution remonte à la fin du IXe siècle, s’achève à l’aube du IIe
siècle avec l’ingérence de Rome dans les affaires du monde hellénique, prélude
à la conquête. Cette longue histoire se partage conventionnellement en trois
périodes : l’époque archaïque (IXe-VIe siècle), l’époque classique (Ve-Ive) et
l’époque hellénistique (IIIe-Ier). » (p.37-38)
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World/dp/071561701X/ref=sr_1_2?ie=UTF8&qid=1473369580&sr=8-
2&keywords=The+Class+Struggle+in+the+Ancient+Greek+World
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structures-
production/dp/2200265042/ref=sr_1_8?ie=UTF8&qid=1493651545&sr=8-
8&keywords=Alain+Bresson
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Ier-
si%C3%A8cle/dp/2200353588/ref=sr_1_6?ie=UTF8&qid=1493651545&sr=8-
6&keywords=Alain+Bresson
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30/dp/202060387X/ref=pd_sim_14_37?_encoding=UTF8&psc=1&refRID=T49
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classique/dp/2228887056/ref=la_B001HD2XG8_1_10?s=books&ie=UTF8&qid
=1448573050&sr=1-10
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F8&qid=1448573050&sr=1-2
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citoyennet/dp/2757806335/ref=dp_ob_title_bk
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C/dp/2847349243/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1453651229&sr=1-
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15
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4&keywords=Jacob-Burckhardt-Histoire-de-la-civilisation-grecque
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1-7
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-6&keywords=Les+Dieux+de+la+Gr%C3%A8ce
« Homère est pour moi la plus grande victoire sur le Christianisme et les
cultures chrétiennes. » (Printemps 1884. 25 [293], p.101)
-Friedrich Nietzsche, Œuvres philosophiques complètes, X, Fragments
posthumes. Printemps-automne 1884, Gallimard, NRF, 1982, 386 pages.
16
« Dans l'Iliade, au contraire, Zeus puisait au hasard dans deux jarres les biens
et les maux qu'il distribuait aux mortels ; c'est le pessimisme homérique. » -Paul
Veynes, L'Empire gréco-romain, Seuil, coll. Points, 2005, 1058 pages, p.554.
« Le véritable sujet de l'Iliade, c'est l'emprise de la guerre sur les guerriers, et,
par leur intermédiaire, sur tous les humains ; nul ne sait pourquoi chacun se
sacrifie, et sacrifie tous les siens, à une guerre meurtrière et sans objet, et c'est
pourquoi, tout au long du poème, c'est aux dieux qu'est attribuée l'influence
mystérieuse qui fait échec aux pourparlers de paix, rallume sans cesse les
hostilités, ramène les combattants qu'un éclair de raison pousse à abandonner
la lutte. » -Simone Weil, Réflexion sur les causes de la liberté et de l’oppression
sociale, 1934, p.40.
"Déjà l'Odyssée corrigeait l'Iliade: si les deux œuvres sont du même auteur, il
faut admettre que le vieil Homère, tempérant le pessimisme de sa jeunesse,
voulait croire à la sollicitude des Dieux pour les hommes de bien, à la justice du
Destin. Et cet optimisme se retrouve dans les trilogies d'Eschyle, préparant
l'idéalisme platonicien. Tandis qu'Euripide fait le procès de l'homme victime de
ses passions, les philosophes élaborent une sagesse faite de mesure et
d'acceptation, aux yeux de laquelle la conscience tragique avec son exigence
d'absolu n'est que folie." (p.336)
-Gilberte Ronnet, "Le sentiment du tragique chez les Grecs", Revue des Études
Grecques, Année 1963, 76-361-363, pp. 327-336.
http://hydra.forumactif.org/t388-homere-oeuvres?highlight=Hom%C3%A8re
https://www.amazon.fr/LOdyss%C3%A9e-
Hom%C3%A8re/dp/2081229137/ref=pd_sim_14_13?_encoding=UTF8&psc=1
&refRID=7R3RPJKAZ0MAFSRC31VJ
http://www.amazon.fr/Les-larmes-dAchille-souffrance-
Hom%C3%A8re/dp/2866457218/ref=pd_sim_14_9?ie=UTF8&dpID=517fyKS
E33L&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR104%2C160_&refRID=1PZZ64G
8A99949D2M7BG
http://www.amazon.fr/Paix-%C3%A0-Ithaque-Sandor-
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17
tGL&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR99%2C160_&refRID=1T1CX68EY
55QXKH8AGP9
https://www.persee.fr/doc/antiq_0770-2817_2000_num_69_1_2420
« Philémon, dans ses Adelphes, nous informe que ce fut Solon, soucieux de
calmer les ardeurs des jeunes gens, qui prit l’initiative d’ouvrir des maisons de
passe et d’y installer des jeunes femmes achetées. Nicandre de Colophon ne dit
pas autre chose dans le troisième livre de son Histoire de Colophon, ajoutant que
Solon fit édifier un temple d'Aphrodite Pandémos avec l’argent des impôts
perçus sur les maquerelles dirigeant les bordels. Mais revenons à Philémon, il dit
: « Toi, Solon, tu as fait là une loi d’utilité publique, car c’est toi, qui, le
premier, dit-on, compris la nécessité de cette institution démocratique et
18
bienfaitrice, Zeus m'en est témoin ! Il est important que je dise cela. Notre ville
fourmillait de pauvre garçons que la nature contraignait durement, si bien
qu’ils s’égaraient sur des chemins néfastes : pour eux, tu as acheté, puis installé
en divers endroits des femmes fort bien équipées et prêtes à l’emploi. Elles se
montrent nues : ainsi, elles ne peuvent tromper sur la marchandise ; jette un
coup d'œil à tout. Peut-être es-tu un peu morose ? Il y des choses qui t'affligent.
Mais la porte est grande ouverte. Prix : une obole; laisse-toi faire ! Pas de
chichis ! Tu en auras pour ton argent, comme tu veux et de la manière que tu
veux. Tu sors. Dis-lui d'aller se faire voir ailleurs : elle n'est rien pour toi »
(Philémon, dans ses Adelphes). » -Athénée de Naucratis, De l’Amour, Livre XIII
des Deipnosophistes, rédigé à Rome vers 228 après J. C.
« Si la pensée rationnelle est apparue dans les cités grecques d’Asie Mineure
comme Milet, c’est parce que les règles du jeu politique dans le cadre de la cité
–le débat public argumenté, librement contradictoire- étaient devenues aussi la
règle du jeu intellectuel. Cela implique à nos yeux que pour le rationalisme la
notion de débat, d’argumentations contradictoires constitue une condition
fondamentale. Il n’est de rationalisme que si l’on accepte que toutes les
questions, que tous les problèmes soient livrés à une discussion ouverte,
publique, contradictoire. » -Jean-Pierre Vernant, Religions, histoires, raisons,
Paris, Maspero, 1979, p.100-101.
« Les Grecs ont crée les types de philosophes : que l’on pense à une
communauté d’individus si divers, celle de Pythagore, Héraclite, Parménide,
19
Démocrite, Protagoras, Socrate. Cette inventivité différencie les Grecs de tous
les autres peuples : habituellement, un peuple ne produit qu’un seul type de
philosophe destiné à durer. » -Friedrich Nietzsche, « La passion de la vérité »,
in Cinq préfaces à cinq livres qui n’ont pas été écrits.
« Thalès, originaire de Milet sur la côte ionienne, appartient à cette classe qui
s'est enrichie durant la révolution économique. Il semble être d'abord un homme
actif, à la recherche de la transaction commerciale fructueuse, et intriguant
dans le jeu des alliances politiques entre les cités ioniennes pour faire face aux
invasions perses. Les rares témoignages qui rapportent des anecdotes sur sa vie
ne donnent pas de lui l'image d'un pur esprit, occupé à spéculer dans les plus
hautes sphères, loin de son monde et de ses contemporains. Il est au cœur des
préoccupations des membres de la classe dominante du VIème siècle avant J.C.
Aristote (Politique, I) rapporte la façon dont il a joué sur les pénuries du
marché de l'olive, pour accroître sa fortune. Anticipant une récolte abondante, il
loue tous les pressoirs à bas prix, avant les producteurs d'huile. Il peut leur
sous-louer au moment crucial, à un prix qui lui permet de réaliser un bénéfice
confortable.
Mais l'homme n'a rien du commerçant borné, pour qui la vie est seulement un
effort tendu vers l'accumulation inlassable de capitaux. Il fait de nombreux
voyages, dans lesquels l'intérêt commercial doit se mêler à la curiosité
scientifique. Il aurait rapporté la géométrie d'Égypte et des expéditions au
Proche-Orient lui auraient donné accès aux connaissances astronomiques des
mésopotamiens. Il représente un certain type d'homme de son époque, aux
ambitions larges, tant économiques, politiques que scientifiques, partant à la
conquête du monde méditerranéen. Il est probable que ces individus, à l'origine
de la transformation en économie esclavagiste, soient le fondement de la
puissance et du rayonnement grec. Thalès exprime sur le plan philosophique la
naissance et les aspirations de cette classe sociale.
En effet, le point commun à tous les témoignages sur la pensée de Thalès réside
dans cet esprit "physicien", qui s'applique à comprendre la nature par elle-
même, et seulement par elle-même. Il entreprend de débarrasser le cerveau des
vieilleries de l'antiquité profonde, de balayer mythes et dieux, et d'inaugurer une
ébauche de rationalisme. Cette volonté n'est justement pas tombée du ciel, mais
procède de raisons propres à l'histoire et à la société grecques. Étant donné le
24
peu de sources dont nous disposons, il faut seulement supposer que cette
rationalité nouvelle et les aspirations de la classe montante du monde égéen
participent d'un même mouvement. En même temps que ces hommes conquièrent
un monde, ils élaborent des théories, qui, à la fois, expliquent ce monde et
encouragent ce mouvement d'expansion.
Or, la puissance de cette classe ne repose pas sur une centralisation des
pouvoirs, comme pour les empires égyptiens ou mésopotamiens, mais sur un
éclatement qui a suscité une plus grande répartition des richesses. Cette
prospérité est en quelque sorte mieux partagée dans la cité grecque que dans les
empires hiérarchisés d'Orient, c'est-à-dire qu'une couche étendue d'individus
profite du commerce et des esclaves en Grèce, alors que les immenses richesses
des empires coloniaux sont concentrées dans quelques mains, qui ne se soucient
pas autant de les faire fructifier. Cet éclatement de la richesse, vecteur d'une
volonté d'expansion et de conquête, se traduit par des réalisations brillantes
dans tous les domaines, y compris celui qui nous intéresse, la philosophie de la
nature.
Ces hommes ne sont pas écrasés par une autorité mi-humaine, mi-divine. Au
contraire, ils ne cessent pas de se battre et de comploter avec leurs semblables,
pour obtenir le contrôle politique d'une cité. Il semble presque naturel que leur
philosophie de la nature exprime cette situation. Au fond, l'explication de la
nature par la nature elle-même, sans recours à une quelconque entité
supérieure, est la conséquence des rapports sociaux de la cité grecque entre le
VIIIème et le Vème siècle avant J.C. Qu'ils soient aristocrates, commerçants ou
artisans, ils sont en lutte pour conserver ou accroître leurs possessions. Ce
combat est mené dans la cité, à l'échelle de rapports entre individus. Les
anciens dieux et les vieux mythes, hérités des siècles passés, ne sont plus
conformes aux nouveaux rapports sociaux : pour la classe dominante, durant
cette époque de conquête, la richesse s'obtient désormais par l'activité humaine,
par les ressources de chacun, non par ce que la tradition a fixé quand à la
propriété des terres. Et pour une part importante de cette classe (celle qui vient
de parvenir à la richesse), il est sans doute indispensable de condamner cette
tradition, avec son cortège mythico-religieux, afin d'affirmer et d'assurer la
nouvelle position acquise. Thalès exprime probablement cette nouveauté en
termes philosophiques." (p.57-58)
"Le rationalisme de Thalès peut donc trouver sa raison dans cette tension des
forces sociales de son époque. Mais en même temps il recèle une limite
25
inhérente aux possibilités de son époque. Deux contraintes insurmontables
conduisent ce rationalisme, malgré ses efforts, à retourner vers la figure du
mythe. Primo, le faible développement des connaissances, essentiellement
héritées de l'Égypte et de Mésopotamie, conduit à mêler l'explication de
l'origine des choses avec celle de leur commencement spatio-temporel. Cette
identité empêche de dépasser le plan des principes et de la plus grande
généralité. L'eau est l'élément essentiel selon Thalès, mais il n'y a pas trace de
théorie sur la façon dont cet élément interagit avec les choses pour les créer,
autrement dit, il n'y a pas de système. Secundo, Thalès et la plupart des
prédémocritéens sont tour à tour philosophe, géomètre, astronome,
commerçant, législateur, etc. Ils ne sont donc pas spécialisés dans un domaine
particulier, malgré l'étendue imposante de leur savoir, et recourent
inévitablement à des abstractions pour statuer sur des questions où ils manquent
d'éléments concrets. C'est pourquoi Thalès parle "d'âme" ou de "démons" dans
les textes qui nous sont restés de lui. Il est bien sûr hors de question d'en faire
reproche au philosophe grec, mais cela explique une indétermination que l'on
trouve dans les restes de sa philosophie, ainsi que chez les autres
prédémocritéens." (p.60-61)
« Aussi quand un homme vint dire qu’il y avait dans la nature, comme dans les
animaux, une intelligence qui est la cause de l’arrangement et de l’ordre de
l’univers, cet homme parut seul avoir conservé sa raison au milieu des folies de
26
ses devanciers. Or, nous savons avec certitude qu’Anaxagore entra le premier
dans ce point de vue. » -Aristote, Métaphysique, Livre I, Chapitre 3.
« Malgré bien des incertitudes sur les dates de la vie d’Anaxagore, il apparaît
que le philosophe naquit vers 500 av. J.-C. à Clazomènes, une ville qui faisait
alors partie de l’empire perse, qu’il vint à Athènes vers 480 et y exerça son
activité de savant pendant une trentaine d’années, jusqu’à ce qu’il soit exilé à la
suite d’un procès pour impiété. La date de ce procès est toutefois incertaine :
environ 450 av. J.-C. si l’on suit le récit de Satyrus , 433-432 av. J.-C. si l’on
admet les données de Plutarque. Il eut comme élèves Périclès, son exact
contemporain, qui lui permit de fuir pour échapper à la condamnation à mort, le
philosophe Archélaos, qui fut le maître de Socrate, ainsi que le tragique
Euripide. Il finit ses jours à Lampsaque vers 428. Il paraît presque certain que
son influence à Athènes fut plus grande autour de 450 que dans les années
précédant la guerre du Péloponnèse. » -Emmanuel Golfin, « Thucydide et
Anaxagore ou une origine philosophique à la pensée de l'historien ? », Dialogues
d'histoire ancienne 2/2007 (33/2) , p. 35-56.
27
-Pascal Charbonnat, Histoire des philosophies matérialistes, Paris, Éditions
Kimé, 2103, 706 pages.
« Anaxagore n’avait-il point déterminé cette vérité que la lune était de beaucoup
plus grosse que le Péloponnèse, si petite qu’elle parût dans le ciel ? » -Isaiah
Berlin, « La recherche de l’idéal », 1988, in Le bois tordu de l’humanité.
Romantisme, nationalisme et totalitarisme, Albin Michel, coll. Idées, 1992
(1990 pour la première édition britannique), 258 pages, p.18.
https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89vh%C3%A9m%C3%A8re
http://www.amazon.com/Ancient-Economy-Sather-Classical-
Lectures/dp/0520219465
http://www.amazon.fr/Essai-histoire-raisonn%C3%A9e-philosophie-
pa%C3%AFenne/dp/2070747255/ref=pd_sim_14_28?ie=UTF8&refRID=14XN
Z9HCJ4QA8TD6C15S
http://www.amazon.fr/Essai-histoire-raisonn%C3%A9e-philosophie-
pa%C3%AFenne/dp/2070747263/ref=la_B001ITTLJS_1_14?s=books&ie=UTF
8&qid=1432919384&sr=1-14
http://www.amazon.fr/Essai-histoire-raisonn%C3%A9e-philosophie-
pa%C3%AFenne/dp/2070747271/ref=pd_sim_14_1?ie=UTF8&refRID=19EDR
JJ2WGP8D793EMW6
http://www.lesbelleslettres.com/livre/?GCOI=22510100175830
http://www.lesbelleslettres.com/livre/?GCOI=22510100770900
http://www.lesbelleslettres.com/livre/?GCOI=22510100356270
http://www.lesbelleslettres.com/livre/?GCOI=22510100908450
On trouve la même idée d’un ordre résultant d’une contestation entre éléments
égaux dans la cosmographie d’Anaximandre, où la terre occupe le centre de
l’univers, à égale distance des corps ignés de la voûte céleste. Encore une fois,
l’univers demeure stable sans que rien d’extérieur n’ait besoin de le régler. Cet
équilibre est le fruit non seulement de l’égalité de distance entre les corps, mais
aussi de l’égalité des forces opposées, et cela vaut en particulier pour la terre,
centre humide et froid, entouré du ciel chaud et sec. De plus, comme les
spécialistes de l’Antiquité l’ont souvent remarqué, cette politique cosmique qui
donne à la terre sa place dans l’univers rappelle l’ordre spatial de la polis
démocratique, où, au centre des quartiers d’habitations se trouvait l’agora où
les intérêts de chacun entraient en collision avant de s’harmoniser.
« Ce monde, le même pour tous, n’a été créé par aucun dieu et aucun homme. Il
a toujours existé, existe et existera toujours, feu éternellement vivant, s’allumant
avec mesure et s’éteignant avec mesure. » -Héraclite d’Éphèse, Fragments.
29
« La chose comme elle vit aime à se cacher. » (Fragment 123, p.336)
-Héraclite d'Éphèse, Fragments, in Jean Bollack et Heinz Wismann, Héraclite
ou la séparation, Les Éditions de minuit, coll. Le sens commun, 1972, 405
pages.
« Ce qui a été établi par les hommes n’est jamais constant. » -Héraclite
d’Ephèse.
« J’ai déjà eu l’occasion d’indiquer qu’au point de vue scientifique, l’œuvre que
laissa Héraclite fut loin de marquer un progrès. »
« Il préfère insister sur le flux perpétuel des choses, dont aucune n’échappe à la
transformation incessante ; sur la lutte permanente entre les formes diverses de
la substance unique, lutte à laquelle préside l’intelligence divine et qui fait
l’harmonie du monde. »
Plus Héraclite méprise les opinions des autres, plus il estime les siennes, qu’il
sait conserver comme l’absolue vérité ; mais, ce qui marque surtout son
caractère de « théologue », n’essayez pas de lui parler de la science ; ce n’est
point elle qui forme l’intelligence (fr. 14) ; elle n’est qu’une vaine curiosité, le
chemin de l’erreur inévitable. Vous cherchez la grandeur du soleil ; eh quoi !
n’a-t-il pas ce qu’il vous paraît avoir, un pied de large (9) ? Qu’allez-vous vous
inquiéter davantage ?
Depuis longtemps déjà s’étaient introduits sur le sol hellène des rites singuliers,
des mythes étranges, dont la connaissance était interdite au profane. L’âge était
venu où un penseur, méditant sur la vérité que cachaient ces symboles, pouvait
essayer de l’en dégager. C’est ce que tenta Héraclite, c’est là que réside le
caractère tout spécial de son œuvre ; c’est ce qui explique le succès qu’elle
obtint et l’influence considérable qu’elle exerça sur le développement ultérieur
de la philosophie hellène.
31
Le dogme du flux perpétuel des choses attire d’ordinaire avant tout l’attention
qui se porte sur l’Éphésien ; mais il n’y faut pas voir sa véritable originalité ; en
fait, formule à part, ce dogme est contenu dans la thèse d’Anaximène. Malle
part au contraire, avant Héraclite, nous ne voyons rejeter au second plan les
questions scientifiques, l’explication mécanique de l’univers pour mettre en
lumière le côté divin des choses, le rôle de l’intelligence dans la nature. Il
entrouvre le sanctuaire où Pythagore s’était enfermé ; après le Samien, c’est lui
qui, le premier, fait école et cette école est libre ; c’est lui qui lègue aux
philosophes et les problèmes dont on fera honneur à Anaxagore ou à Socrate, et
cette allure mystique qui s’imposera plus ou moins à tous ceux qui tenteront
d’agiter ces problèmes.
Obscurcie un moment par l’éclat que jetteront Platon et Aristote, son œuvre
reparaîtra bientôt pour former le fonds essentiel de la doctrine du Portique. Les
stoïciens élaboreront son concept du logos et, à l’aurore des temps nouveaux, il
se trouvera mûr pour être adopté par le christianisme. »
Quant à ce qu'il percevait dans cet oracle, il le tenait pour la sagesse immortelle
et éternellement digne d'interprétation, d'un effet illimité dans le lointain avenir,
33
à l'exemple des discours prophétiques de la Sibylle. Il y en a suffisamment pour
l'humanité la plus tard venue : pourvu qu'elle veuille seulement interpréter
comme une sentence d'oracle ce que lui « n'exprime ni ne cache » tel le dieu
delphique. Et encore qu'il l'annonce « sans sourire, sans ornement ni parfum »
mais bien plutôt avec « une bouche écumante », il faut que cela parvienne
jusqu'aux millénaires de l'avenir. Car le monde a éternellement besoin de la
vérité, il a donc éternellement besoin d'Héraclite : quoiqu'Héraclite n'en ait
point besoin lui-même. Que lui importe sa gloire?
La gloire chez « les mortels qui sans cesse s'écoulent! » s'est-il écrié avec ironie.
Sa gloire intéresse sans doute les humains, elle ne l'intéresse pas lui-même;
l'immortalité des humains a besoin de lui, et non pas lui-même de l'immortalité
de l'homme Héraclite. Ce qu'il a vu, la doctrine de la loi dans le devenir et du
jeu dans la nécessité, doit dès maintenant être vu éternellement : il a levé le
rideau sur le plus grand de tous les spectacles. » -Friedrich Nietzsche, La
philosophie à l'époque tragique des Grecs, 1873.
http://www.amazon.fr/H%C3%A9raclite-philosophie-K-
Axelos/dp/2707302953/ref=sr_1_15?ie=UTF8&qid=1453650349&sr=8-
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=8-1&keywords=g%C3%A9rard+mairet
Xénophane (-570 à -475) : « Les dieux n’ont pas révélé aux mortels les choses
cachées dès le commencement, mais en cherchant, ceux-ci avec le temps
trouvent le meilleur. » -Xénophane.
Parménide d’Élée (fin du VIe siècle av. J.-C. et mort au milieu du Ve siècle
av. J.-C) : « Parménide affirmait l'éternité de l'être qu'il assimilait au cosmos.
Pour lui, le cosmos, l'être premier, donc l'être dans le temps avait toujours
existé, ce qui impliquait l'éternité du temps. Le temps n'a ni commencement ni
fin. » -Pierre Chaunu, Histoire et Décadence, Paris, Perrin, 1981, 360 pages,
p.50.
Démocrite d’Abdère (-460/-370) : « Rien n'arrive sans cause, mais tout a une
raison déterminée et est dû à la nécessité. » -Leuccipe, le maître de Démocrite.
36
« La nature et l'éducation sont proches l'une de l'autre. Car l'éducation
transforme l'homme, mais par cette transformation, elle lui crée une seconde
nature. » (33)
« Celui qui commet l'injustice est plus malheureux que celui qui la subit. » (45)
« Beaucoup de gens, sans avoir appris ce qui est raisonnable, vivent néanmoins
selon la raison. » (53)
« Il ne vaut pas la peine de vivre, si l'on n'a pas un bon ami. » (p.99)
« Une vie sans fêtes est une longue route sans hôtellerie. » (230)
« Les lois n’interdiraient pas à chacun de vivre selon son penchant si les gens
ne se faisaient pas tort mutuellement. »
« Celui qui se contente de se prouver à soi-même non par mépris des autres,
mais pour l’aise et le contentement qu’il en a en sa conscience, montre que la
Raison vit en lui, et il s’accoutume alors à prendre plaisir de lui-même. »
« La Terre s’ouvre toute entière à l’âme de valeur, car la patrie du sage, c'est
l'univers. »
« Le corps est mû par l’âme, mais l’âme est quelque chose de corporel »
« Ne t'autorise pas du fait que personne ne connaîtra ta conduite à plus mal agir
que si ton action était connue de tous. C'est devant soi-même que l'on doit
manifester le plus de respect, et il faut instituer ce principe dans ton cœur: n'y
37
laisse rien pénétrer de malhonnête. » -Démocrite d’Abdère, Fragments in Jean
Voilquin, Les penseurs grecs avant Socrate, de Thalès de Milet à Prodicos,
Garnier Frères © 1964 - GF Flammarion # 31, pp. 169-190.
« Leucippe et son ami Démocrite disent que les éléments primitifs sont le plein
et le vide, qu’ils appellent l’être et le non être ; le plein ou le solide, c’est l’être ;
le vide ou le rare, c’est le non-être ; c’est pourquoi ils disent que l’être n’existe
pas plus que le non-être, parce que le corps n’existe pas plus que le vide : telles
sont, sous le point de vue de la matière, les causes des êtres. De même que ceux
qui posent comme principe une substance unique, expliquent tout le reste par les
modifications de cette substance – en donnant pour principe à ces modifications
le rare et le dense – ainsi ces philosophes placent dans les différences les causes
de toutes choses. Ces différences sont au nombre de trois : la forme, l’ordre et
la position. Ils disent, en effet, que les différences de l’être viennent de la
configuration, de l’arrangement et de la tournure, Or, la configuration c’est la
forme, l’arrangement l’ordre, et la tournure la position. Ainsi, A diffère de N
par la forme, AN de NA par l’ordre, et Z de N par la position. Quant au
mouvement, à ses lois et à sa cause, ils ont traité cette question avec beaucoup
de négligence, comme les autres philosophes. » -Aristote, Métaphysique, Livre
I, Chapitre 3.
« Démocrite dit par exemple: le vide n'existe pas moins que les corps. [...] Le
vide existe donc, puisqu'il doit exister dès lors que nous constatons que les corps
sont capables de mouvement. »
« La matière est dans le vide, et le vide est dans la matière. Il n'y a pas de
séparation radicale entre les deux. » -Étienne Klein, De quoi le vide est-il plein
?, 8 mars 2017.
38
« Quel sage a jamais vécu et fait une œuvre égale à celle de Démocrite.... le
meilleur de tous les philosophes. » -Diogène Laerce, Vie des Philosophes
Illustres.
« Ils enviaient tant son bon renom qu’ils ont brûlé tous les livres si
glorieusement publiés par lui. » -Spinoza, à Hugo Boxel, à propos des
platoniciens.
39
mais ce fut l’atomistique la première qui donna à cette pensée une forme
parfaitement nette et en fit la pierre angulaire d’une conception strictement
mécanique de l’univers. A cela il fallait joindre l’axiome de la nécessité de tout
ce qui arrive. »
"Démocrite est l'un des plus grands intellectuels de son temps, de par l'ampleur
d'une œuvre qui couvre presque tous les domaines. Marx dit de lui qu'il est "le
premier cerveau encyclopédique parmi les grecs" [...]. Cette envergure le place
à la hauteur d'un Platon ou d'un Aristote, mais dont le temps n'a
malheureusement rien conservé du contenu effectif de son travail. Seuls
quelques témoignages nous indiquent, comme des ombres, la taille imposante de
ce savoir encyclopédique. Dans les Vies [...] Diogène reproduit le catalogue des
livres de Démocrite établi par Thrasylle. La liste comporte une soixantaine de
titres, traitant de tous les sujets. [...] La haine que lui voue Platon est
significative, car elle montre qu'il est un concurrent redoutable." (p.77)
"Cette période est [...] capitale pour la question philosophique qui nous occupe.
Elle voit l'explication et la mise à nu des deux tendances en germe chez les
prédémocritéens. Démocrite est l'auteur central, car il expose et explicite le
premier le point de vue matérialiste de façon complète. C'est pourquoi nous
parlons de "prédémocritéens". Mais si l'on se place du point de vue de la
40
transcendance, on dit "présocratique" pour qualifier ces penseurs et faire de
Socrate le pivot de la philosophie grecque. " (p.78)
"La voie choisie par Démocrite est celle de l'atome. C'est par ce concept que
son matérialisme trouve un fondement, ou une réponse nouvelle à la question de
l'origine des choses et à celle du commencement du monde. L'atome devient
l'outil de la première théorie matérialiste, parce qu'il balaye les derniers
vestiges mythiques et religieux, en les remplaçant par des phénomènes naturels.
Mais surtout, l'atome permet de scinder le principe d'intelligibilité présent dans
chaque chose, de la survenue effective du monde. Autrement dit, il effectue la
distinction entre l'origine et le commencement." (p.79)
« L'atome n'est pas comparable aux principes éléments des milésiens, car il n'est
pas une partie du monde. Il est présent partout et il est dans toutes choses, mais
à une échelle différente que celle des phénomènes directement visibles à l'œil nu.
L'eau, chez Thalès, est une partie de la nature qui explique la totalité. Ici les
atomes sont toutes la nature, et toute sa raison. » (p.79)
« Connaître, c’est connaître par des causes : voilà le grand pari de Démocrite. » -
Juan Pedro Garcia del Campo, « Déviations et rencontres : un matérialisme
aléatoire », in Alain Gigandet (dir.), Lucrèce et la modernité : le vingtième
siècle, Armand Colin, 2013.
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41
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Il rapporte les faits sans les juger, mais il n'omet aucune des circonstances
propres à nous en faire juger nous-mêmes. Il met tout ce qu'il raconte sous les
yeux du lecteur; loin de s'interposer entre les événements et les lecteurs, il se
dérobe; on ne croit plus lire, on croit voir. » -Jean-Jacques Rousseau, Émile ou
de l’éducation, Livre IV, 1762.
44
« [Le génie de Thucydide] a fait de la guerre du Péloponnèse la guerre la plus
intelligible de l'histoire, toute guerre s'y retrouve et s'y révèle, par parallèle ou
contraste, en quelque sorte illuminée. » -Henri-Irénée Marrou, De la
connaissance historique, Éditions du Seuil, coll. Points, 1954, 318 pages, p.276.
« Les autres vous en veulent non pas pour ce qu'ils disent mais parce que vous
avez cette puissance. Donc on ne peut pas éviter la guerre. »
45
Pourtant, trente ans plus tôt, au début de la guerre, Athènes se trouve au
sommet de sa puissance et paraît très supérieure à Sparte. C'est la démocratie
impérialiste triomphante de Périclès qui n'a plus même d'adversaire à l'intérieur
de la cité : le parti oligarchique est alors impuissant, à la suite de l'ostracisme
de son chef (Thucydide, fils de Mélésias).
Mais tandis que la démocratie devient extrême et s'enfonce dans une guerre
qu'elle paraît de moins en moins certaine d'emporter, le mouvement
oligarchique se raffermit à nouveau. L'affaire de la mutilation des Hermès en
témoigne ainsi, bien sûr, que le coup d'État de 411 (de mai à septembre),
favorisé par les défaites militaires successives que connaît alors la cité. Suite à
une série d'assassinats, cette petite oligarchie réussit à faire voter par
l'Assemblée l'abandon des institutions démocratiques. La mission d'instaurer
une nouvelle organisation des pouvoirs est confiée à un Conseil de quatre cents
citoyens. Mais ceux-ci (les « Quatre Cents ») se les arrogent tous et retardent
l'établissement de la liste des cinq mille citoyens appelés à participer à la vie
politique. Le pouvoir revient finalement aux Cinq Mille, après une nouvelle
défaite militaire et grâce à l'intervention des marins de la flotte basée à Samos
et d'Alcibiade pourtant soupçonné d'avoir à l'origine comploté pour le compte
de l'oligarchie. Ce régime ne dure que quelques mois et le retour aux pratiques
démocratiques se fait sans heurt. Cette première crise aura certes des
conséquences importantes, dont le retour triomphal d'Alcibiade, jusque-là exilé,
mais elle n'est rien au regard du second coup de force oligarchique, quelques
années plus tard : celui des Trente.
Ce fut sans aucun doute le pire régime qu'ait connu Athènes. Ce fut, en tout cas,
celui qui marqua le plus les mémoires : le gouvernement des Quatre Cents,
quoique fondé lui aussi sur la force, n'était que rarement considéré comme une
« tyrannie ». En effet, ses promoteurs pouvaient s'assurer l'adhésion d'un
secteur assez large de la population et ils ne commirent pas de crimes
comparables à ceux de leurs successeurs. Il s'agissait, en somme, d'une «
véritable » oligarchie ; en 404, au contraire, Critias fait éliminer Théramène et
ses partisans oligarques « modérés » , qui voulaient s'appuyer sur les riches
citoyens pour gouverner : pour lui, le pouvoir des Trente ne pouvait être qu'une
tyrannie fonctionnant au profit de ses seuls membres.
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57CS71
http://www.lesbelleslettres.com/livre/?GCOI=22510100368280
47
Hippias, Prodicus, Gorgias et une longue liste d’hommes moins célèbres,
connus principalement par les écrits de Platon, parcoururent bientôt les villes
de la Grèce, enseignant et discutant. Quelques-uns d’entre eux acquirent de
grandes richesses. Partout ils attiraient à eux les jeunes gens les plus distingués
par le talent. Leur enseignement fut bientôt à la mode ; leurs doctrines et leurs
discours devinrent l’objet des conversations quotidiennes dans les classes
élevées de la société ; leur célébrité se répandit avec une incroyable
promptitude.
Nous ne sommes pas loin de l’époque où l’on ne connaissait que les côtés
faibles de la sophistique. Les railleries d’Aristophane, l’austère gravité de
Platon, les innombrables anecdotes philosophiques des périodes subséquentes
finirent par accumuler sur le nom de la sophistique tout ce qu’on put imaginer
de charlatanisme, de dialectique vénale et d’immoralité systématique.
Sophistique est devenu synonyme de toute fausse philosophie ; et, depuis
longtemps, la réhabilitation d’Épicure et des épicuriens était ratifiée par les
savants, alors que le nom de sophiste résumait encore toutes les hontes et l’on
continuait de regarder, comme la plus insoluble des énigmes, le fait d’un
Aristophane représentant Socrate comme le chef des sophistes. »
« Les grands sophistes étaient ravis de leurs succès pratiques. Leur relativisme
illimité, la vague admission d’une morale civile sans principe à sa base, la
souplesse d’un individualisme qui s’arroge partout le droit de nier ou de tolérer
suivant les convenances du moment, constituaient une excellente méthode pour
48
former ces « hommes d’État pratiques », frappés au coin connu, qui dans tous
les pays, depuis l’antiquité jusqu’à nos jours, ont eu en vue surtout le succès
extérieur. Il ne faut donc pas s’étonner de voir les sophistes passer de plus en
plus de la philosophie à la politique, de la dialectique à la rhétorique ! Bien
plus, chez Gorgias, la philosophie est déjà sciemment ravalée au simple rôle
d’école préparatoire à la vie pratique. » -Friedrich-Albert Lange, Histoire du
matérialisme et de son importance à notre époque, volume I, 1877.
Euripide (-480/-406): "Euripide ne fut, lui aussi, qu’un masque : la divinité qui
parlait par sa bouche n’était pas Dionysos, non plus Apollon, mais un démon
qui venait d’apparaître, appelé Socrate. Tel est le nouvel antagonisme :
l’instinct dionysiaque et l’esprit socratique ; et par lui périt l’œuvre d’art de la
tragédie grecque." (p.112)
"Après avoir reconnu qu’Euripide ne put réussir à donner au drame une base
exclusivement apollinienne, et que sa tendance anti-dionysienne s’est bien plutôt
fourvoyée dans un naturalisme anti-artistique, nous pouvons examiner de plus
près la nature du socratisme esthétique. Son dogme suprême est à peu près ceci
: « Tout doit être conforme à la raison pour être beau », argument parallèle à
l’axiome socratique : « Celui-là seul est vertueux, qui possède la connaissance.
» Armé de cet étalon, Euripide mesura tous les éléments de la tragédie, la
langue, les caractères, la construction dramaturgique, la musique du chœur, et
il les corrigea d’après ce principe. Ce que nous avons si fréquemment considéré
chez Euripide, en comparant son œuvre avec la tragédie de Sophocle, comme un
signe de pauvreté et d’infériorité poétiques, est le plus souvent le résultat de
l’intrusion de cet esprit critique et aveuglément rationnel. Le prologue
d’Euripide nous servira d’exemple pour montrer les conséquences de cette
méthode rationaliste. Il n’y a rien de plus opposé à notre conception de la
technique dramaturgique que le prologue dans le drame d’Euripide. Qu’un seul
personnage, au commencement de la pièce, s’avance et raconte qui il est, ce qui
précède immédiatement l’action, ce qui s’est passé antérieurement et même ce
qui doit arriver au cours du drame, c’est là un procédé qui paraîtrait
impardonnable à un poète de théâtre moderne, et qui équivaudrait pour lui à
renoncer de propos délibéré à toute surprise, à tout effet. Si l’on sait d’avance
tout ce qui doit arriver, qui voudra attendre que cela arrive vraiment ? —
puisqu’il ne s’agit d’ailleurs ici en aucune façon d’un rêve prophétique qui
laisserait entiers l’intérêt et l’émotion de sa réalisation future. Euripide pensait
tout autrement. Dans son esprit, l’effet produit par la tragédie n’avait jamais
49
pour cause l’anxiété épique, l’attrait de l’incertitude au sujet des péripéties
éventuelles, mais bien ces grandes scènes, pleines d’un lyrisme rhétorique, où la
passion et la dialectique du héros principal s’étalaient et se gonflaient comme la
crue puissante d’un large fleuve. Tout devait préparer non pas à l’action, mais
au pathétique, et ce qui ne préparait pas au pathétique était à rejeter. Le plus
grand obstacle à un abandon entier, au plaisir sans mélange à de telles scènes,
c’est l’absence d’un élément nécessaire au préalable à l’auditeur, une lacune
dans la trame des évènements préliminaires. Aussi longtemps que le spectateur
est obligé de supputer avec attention l’importance ou la qualité de tel ou tel
personnage, les causes de tel ou tel conflit des sentiments ou des volontés, il ne
peut pas être absorbé complètement par les actions et les malheurs des héros
principaux, et il lui est impossible encore de compatir, haletant, à leurs
souffrances et à leurs terreurs. La tragédie d’Eschyle et de Sophocle employait
les moyens artistiques les plus ingénieux pour donner à l’auditeur, dès les
premières scènes et comme par hasard, toutes les indications nécessaires à
l’intelligence de l’intrigue : procédé par lequel s’affirme cette noble maîtrise
artistique qui, tout à la fois, masque ce qui est matériellement indispensable et
le révèle sous la forme d’incidents inopinés. Cependant Euripide croyait avoir
remarqué que, pendant ces premières scènes, le spectateur semblait en proie à
une inquiétude particulière, préoccupé qu’il était de résoudre le problème des
événements antérieurs, de sorte que les beautés poétiques et le pathétique de
l’exposition étaient perdus pour lui. C’est pourquoi, avant l’exposition, il plaça
le prologue et le fit réciter par un personnage en qui on pouvait avoir confiance
: un dieu devait souvent se porter, pour ainsi dire, garant devant le public des
événements de la tragédie et lever tous les doutes sur la réalité du mythe ;
procédé analogue à celui à l’aide duquel Descartes arrivait à prouver la réalité
du monde empirique, en en appelant uniquement à la véracité de Dieu incapable
de mentir. Cette véracité divine, Euripide l’emploie encore une fois à la fin de
son drame, pour informer le public, en toute certitude, des destinées futures de
ses héros ; ceci est le rôle du fameux deus ex machina." (p.115-118)
50
« Il est le seul devant qui j’ai honte. » (p.167)
« Passons à sa conduite au combat ; car, sur ce point aussi, il faut lui rendre
justice. Lors du combat à la suite duquel les généraux me décernèrent le prix de
courage, je n’ai dû mon salut à personne d’autre qu’à cet homme. J’étais blessé,
et il refusa de m’abandonner ; et il réussit à sauver tout à la fois mes armes et
moi-même. Et c’est alors, Socrate, que je recommandai aux généraux de te
décerner le prix de courage ; et là-dessus tu ne pourrais me faire de reproche
ou dire que je mens. Eh bien non, comme les généraux considéraient ma
situation sociale et qu’ils souhaitaient me donner le prix de courage, tu montras
plus d’empressement qu’eux pour ce que ce soit moi qui reçoive ce prix à ta
place. » (p.174)
51
point à Alcibiade ni à Ménon ni à quelqu'un de ces brillants messieurs, mais à
l'esclave qui portait les manteaux. Ainsi Socrate cherchait son semblable, et
l'appelait dans cette solitude des êtres que la société accomplit. Il formait donc
cette autre société, de ses semblables; il les invitait, il les poursuivait, mais il ne
pouvait les forcer; il ne pouvait ni ne voulait. Celui qui imite par force m'est
aussi étranger qu'un singe; celui qui imite pour plaire ne vaut guère mieux. Ce
qu'attend Socrate, c'est que l'autre soit enfin lui-même, par intérieur
gouvernement, et ne croie personne, et ne flatte personne, attentif seulement à
l'idée universelle. À ce point, ils se reconnaissent et se décrètent égaux. Une
autre société se montre. » -Alain, Saisons de l'esprit, 1937, NRF, Gallimard, p.
229.
« Il part de l’homme pour expliquer le monde, non des lois de la nature pour
expliquer l’homme. Il présuppose, par conséquent, dans les phénomènes de la
52
nature, la même opposition entre les pensées et les actes, entre le plan et
l’exécution matérielle, que nous rencontrons dans notre propre conscience,
Partout nous apercevons une activité semblable à celle de l’homme. Il faut
d’abord qu’il existe un plan, un but ; puis apparaissent la matière et la force qui
doit la mettre en mouvement. On voit ici combien, en réalité, Aristote était
encore socratique avec son opposition de la forme et de la matière, avec sa
prédominance des causes finales. Sans jamais disserter sur la physique, Socrate
a pourtant, au fond, tracé à cette science la voie dans laquelle elle devait
marcher plus tard avec une si persévérante ténacité ! Mais le véritable principe
de sa conception de l’univers est la théologie. Il faut que l’architecte des
mondes soit une personne que l’homme puisse concevoir et se figurer, dût-il ne
pas en comprendre tous les actes. Même cette expression en apparence
impersonnelle : « la raison » a tout fait, reçoit immédiatement son cachet
religieux de l’anthropomorphisme absolu sous lequel est envisagé le travail de
cette raison. Aussi trouvons-nous même chez le Socrate de Platon, — et ce détail
doit être authentique, — les mots raison et Dieu pris souvent comme tout à fait
synonymes. » -Friedrich-Albert Lange, Histoire du matérialisme et de son
importance à notre époque, volume I, 1877.
« C’est parce que Socrate mit tous les esprits à la recherche de la solution du
bonheur qu’il fut déclaré par l’oracle de Delphes le plus sage des hommes. Sa
célèbre devise se rapporte au bonheur : Connais-toi, afin de te conduire et
d’être heureux. L’initiative glorieuse qu’on lui reconnaît, et qui a fait dire que
les écoles philosophiques sortirent de Socrate, n’a pas d’autre origine. » -Pierre
Leroux, Philosophie. — Du Bonheur, Revue des Deux Mondes, Période Initiale,
tome 5, 1836 (pp. 421-482), p.441.
« Il semble que les Athéniens n'aient pas pardonné à Socrate ses fréquentations.
Il est donc fort probable que le véritable fondement de son procès soit son
opposition à la démocratie et ses relations avec des personnages aussi
malfaisants qu'un traître à Athènes comme Alcibiade, et des comploteurs qui
déclenchèrent une guerre civile comme Critias et Charmide. » -Luc Brisson,
Platon, Paris, Cerf, 2017, p. 32.
http://www.amazon.fr/Socrate-Jacques-
Mazel/dp/2213593655/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1450272311&sr=8-
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53
https://www.amazon.fr/Socrate-dissident-sources-%C3%A9thique-lindividu-
citoyen/dp/274278781X/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1464119729&sr=8-
1&keywords=Socrate+dissident.+Aux+sources+d%E2%80%99une+%C3%A9t
hique+pour+l%E2%80%99individu-citoyen
« L'État, le gouvernement, les lois qui tiennent le premier rang pour l'excellence
sont ceux où l'on pratique le plus strictement, dans toutes les parties de l'État, le
vieux dicton, que tout est véritablement commun entre amis. Si donc il arrive
quelque part à présent, ou s'il doit arriver un jour que les femmes soient
communes, les enfants communs et tous les biens communs, qu'on s'applique par
tous les moyens à retrancher du commerce de la vie ce qu'on appelle la
propriété individuelle, qu'on parvienne à rendre communs en quelque manière
et dans la mesure du possible même les choses que la nature a données en
propre à chaque homme, comme les yeux, les oreilles et les mains, et que tous
les citoyens s'imaginent qu'ils voient, qu'ils entendent, qu'ils agissent en
commun, qu'ils soient, autant qu'il se peut, unanimes à louer ou blâmer les
mêmes choses, d qu'ils se réjouissent ou s'affligent pour les mêmes motifs, enfin
que les lois établissent dans l'État la plus parfaite unité qui se puisse réaliser,
jamais personne ne posera de règle plus juste et meilleure que celle-là pour
atteindre le plus haut degré de vertu. Dans une telle cité, qu'elle soit habitée par
des dieux ou des enfants de dieux qui soient plusieurs ensemble, ils passeront
leur existence dans la joie. C'est pourquoi il ne faut point chercher ailleurs un
modèle de gouvernement, mais s'attacher à celui-là, et chercher par tous les
moyens à réaliser celui qui lui ressemblera le plus. » -Platon, Les Lois, V, 10.
54
« À moins que, dis-je, les philosophes n'arrivent à régner dans les cités, ou à
moins que ceux qui à présent sont appelés rois et dynastes ne philosophent de
manière authentique et satisfaisante et que viennent à coïncider l'un avec l'autre
pouvoir politique et philosophie ; à moins que les naturels nombreux de ceux
qui à présent se tournent séparément vers l'un ou vers l'autre n'en soient
empêchés de force, il n'y aura pas, mon ami Glaucon, de terme aux maux des
cités ni, il me semble, à ceux du genre humain. Et d'ici que cela se produise,
cette constitution politique que nous avons exposée dans le dialogue que nous
entretenons maintenant ne pourra jamais se développer pleinement, ni voir la
lumière du soleil. C'est justement cela qui suscite en moi depuis longtemps une
hésitation à parler, puisque je vois bien à quel point ce discours ira contre
l'opinion. » -Platon, La République, V.
« [Les hommes] prennent pour des objets réels les ombres qu'ils voient. »
« [C'est] à ce but que les vrais philosophes, et eux seuls, aspirent ardemment et
constamment ... [le philosophe] s’entraîne à vivre dans un état aussi voisin que
possible de la mort. » -Platon, Phédon.
« Le plus sage des hommes, [Platon] comprit sans mal que la seule et unique
voie vers le bien-être de tous résidait dans l’absolue égalité des biens. Je doute
que cette égalité puisse être atteinte là où la propriété est entre les mains des
individus. » -Thomas More, L'Utopie.
55
« Platon, en opposant comme stables les idées générales au monde fugitif des
phénomènes, se vit plus tard entraîné à la faute grave d’attribuer une existence
distincte au général qu’il avait séparé du particulier. Le beau n’existe pas
seulement dans les belles choses, le bien n’existe pas seulement dans les
hommes de bien ; mais le beau, le bien, pris abstractivement, sont des êtres,
existant par eux-mêmes. » -Friedrich-Albert Lange, Histoire du matérialisme et
de son importance à notre époque, volume I, 1877.
« Aristoxène (Souvenirs historiques) dit que Platon voulut brûler tous les
ouvrages de Démocrite qu’il pouvait trouver, mais qu’il en fut empêché par
56
Amyclas et Clinias, disciples de Pythagore, qui lui dirent que ce serait un acte
inutile, puisque quantité de gens possédaient déjà ces livres. Cette tradition est
exacte, car Platon, qui a cité tous les philosophes anciens, n’a parlé nulle part
de Démocrite, même là où il aurait eu occasion de le contredire, car il savait
bien qu’il s’attaquerait alors au meilleur de tous les philosophes. » -Diogène
Laërce, Vie des philosophes illustres, Démocrite.
"En quelques lignes [du Gorgias], Platon met en présence toutes les catégories
que l'on retrouve à longueur de lecture des textes de philosophie morale. On
peut citer pêle-mêle l’utilité, le désir, la distinction entre bien et plaisir, la
réalité d’une fin antécédente à l’agir, la rétribution et la peine pour l’agir bon
57
et mauvais, la possibilité de la conceptualisation du bien moral et donc
l'existence d’une science morale, quelles qu’en soient l'origine et la spécificité
par ailleurs." (p.21)
"C’est bien parce que l’action est mauvaise qu’elle nous conduit à la
condamnation dans l’autre monde, et non parce que l’action est condamnable a
posteriori qu’elle est mauvaise. Sans doute le recours aux idées peut-il sauver
une telle conception du bien et c’est là justement l’un des axes de la discussion
que nous entamons. La critique principal que nous adressons à cette vision des
choses, c’est qu'elle ne montre pas la relation entre l'harmonie rationnelle et le
bonheur. Seul le recours à un ordre divin, plus idéal que cosmique d'ailleurs,
permet à Platon de sortir la tête haute de ce combat, mais c’est en
ayant abandonné le terrain du monde des hommes aux appétits des Calliclès de
toute espèce. Cette vision du monde moral espère une justice de rétribution
comme Kant en espérera une à son tour. Ce dernier ayant banni la quête du
bonheur individuel du champ immédiat des maximes morales, espère qu'un Dieu
–postulé par une raison morale incertaine spéculativement de l’existence de ce
suprême juge– sera au ciel pour apporter la récompense des actes vertueux..."
(p.25)
-Renaud de Sainte Marie. Élaboration d’une éthique téléologique. Philosophie.
Université de Lorraine,2014. Français. NNT: 2014LORR0327�. �tel-01751952
58
https://www.amazon.fr/Protagoras-Euthyd%C3%A8me-Gorgias-
M%C3%A9nex%C3%A8ne-
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1-1
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VI/dp/2080710591/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1467284003&sr=1-
1&keywords=platon+les+lois
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XII/dp/2080712578/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1467284249&sr=1-
1&keywords=platon+les+lois+livre+VII
https://www.amazon.fr/Th%C3%A9%C3%A9t%C3%A8te-
Platon/dp/2081386704/ref=sr_1_5?s=books&ie=UTF8&qid=1467283208&sr=1
-5
https://www.amazon.fr/Hippias-mineur-hippias-majeur-
Platon/dp/2080708708/ref=sr_1_39?s=books&ie=UTF8&qid=1467283356&sr=
1-39
https://www.amazon.fr/Cratyle-
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1-40
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Platon/dp/2081209713/ref=pd_sim_0_7?_encoding=UTF8&psc=1&refRID=SE
6Y1TZPF8YHXX6ZYDT5
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1-50
59
https://www.amazon.fr/Charmide-Lysis-
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1-55
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http://www.amazon.fr/Platon-Abel-
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http://www.amazon.fr/Platos-Ethics-Terence-Irwin/dp/0195086457
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Platon/dp/2711626148/ref=pd_sim_14_2?ie=UTF8&dpID=616AnqUkzML&dp
Src=sims&preST=_AC_UL160_SR102%2C160_&refRID=1NG2QCK00P450
KRZ1YCQ
http://www.amazon.fr/Lectures-Platon-Anissa-Castel-
Bouchouchi/dp/2729875441/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1457434336
&sr=1-1&keywords=Anissa-Bouchouchi-Castel-Platon
http://www.amazon.fr/Sur-politique-Platon-Corn%C3%A9lius-
Castoriadis/dp/2020365707/ref=sr_1_6?ie=UTF8&qid=1451161996&sr=8-
6&keywords=platon+politiquo
http://www.amazon.fr/Savoir-gouverner-science-politique-
platonicienne/dp/2711625869/ref=pd_sim_sbs_14_4?ie=UTF8&dpID=51DjfY5
zUYL&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR99%2C160_&refRID=06STYTD
81K8DK5MEXF26
http://www.amazon.fr/Trouble-odre-chez-platon-
xenophon/dp/2711618439/ref=asap_bc?ie=UTF8
https://www.amazon.fr/Platonisme-politique-th%C3%A9orie-droit-
naturel/dp/9068317687/ref=sr_1_4?s=english-
books&ie=UTF8&qid=1463497180&sr=1-4&keywords=A.+Neschke
60
Alcibiade (-450/-404): « Ébranler la nation pour raffermir le trône ; savoir
susciter une guerre ; ce fut le conseil d’Alcibiade à Périclès. » -Denis Diderot,
Principes de politique des souverains (1774).
http://www.amazon.fr/Sacril%C3%A8ges-trahisons-Ath%C3%A8nes-Claude-
Moss%C3%A9/dp/2035836964/ref=sr_1_71?s=books&ie=UTF8&qid=1445176
299&sr=1-71&keywords=trahison
http://www.le sbelleslettres.com/livre/?GCOI=22510100395450
Xénophon (-430/-355) : « Que celui qui aime la vie tâche de vaincre, car le
vainqueur tue, le vaincu est tué. » -Xénophon, Anabase.
http://hydra.forumactif.org/t1442-xenophon-oeuvres-
completes?highlight=X%C3%A9nophon
http://www.amazon.fr/OEuvres-Compl%C3%A8tes-LEconomique-
R%C3%A9publique-
Lac%C3%A9d%C3%A9moniens/dp/B005H52HNG/ref=sr_1_11?ie=UTF8&qi
d=1450271801&sr=8-11&keywords=x%C3%A9nophon+%C3%A9conomique
https://www.amazon.fr/M%C3%A9morables-
X%C3%A9nophon/dp/2251200517/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1473889525&sr
=8-1&keywords=x%C3%A9nophon+m%C3%A9morables
http://www.amazon.fr/tyrannie-Tyrannie-sagesse-dAlexandre-
X%C3%A9nophon/dp/2070258866/ref=sr_1_23?ie=UTF8&qid=1444500476&
sr=8-23&keywords=X%C3%A9nophon
http://www.amazon.fr/X%C3%A9nophon-rh%C3%A9torique-Pierre-
Pontier/dp/2840509245/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1450272382&sr=8-
1&keywords=pierre+pontier
http://www.amazon.fr/LAutre-Socrate-%C3%89tudes-socratiques-
X%C3%A9nophon/dp/2251420495/ref=sr_1_9?s=books&ie=UTF8&qid=14519
42377&sr=1-9&keywords=X%C3%A9nophon+et+Socrate
61
Aristote (-382/-322): « Il semble d’un philosophe de ne rien dire par conjecture
et sans raison. » -Aristote, Éthique à Eudème.
« On prend fort peu de soin de ce qui est commun à un très grand nombre: les
individus en effet s'occupent principalement de ce qui leur est propre et moins
de ce qui est commun, ou seulement dans la mesure où chacun est concerné. Et
outre ces différents raisons, on néglige plus ce qui est commun parce qu'on a
l'impression que quelqu'un d'autre d'en s'occupe, comme c'est le cas dans les
travaux domestiques où les serviteurs font parfois moins bien leur travail quand
ils sont en grand nombre qu'en nombre plus réduit. C'est donc mille fils
qu'acquiert chaque citoyen, et ils ne sont pas à lui individuellement, mais le
premier enfant venu est également le fils du premier venu, de sorte que tous les
parents négligeront également tous les enfants. » -Aristote, Les Politiques, Livre
II, trad. Pierre Pellegrin, Paris, GF-Flammarion, 2015, 591 pages, p.158.
Il voit de plus que le rapport de valeur qui confient cette expression de valeur
suppose, de son côté, que la maison est déclarée égale au lit au point de vue de
la qualité, et que ces objets, sensiblement différents, ne pourraient se comparer
entre eux comme des grandeurs commensurables sans cette égalité d'essence. «
L'échange, dit-il, ne peut avoir lieu sans l'égalité, ni l'égalité sans la
commensurabilité » [...]. Mais ici il hésite et renonce à l'analyse de la forme
valeur. « Il est, ajoute-t-il, impossible en vérité [...] que des choses si
dissemblables soient commensurables entre elles », c'est-à-dire de qualité égale.
L'affirmation de leur égalité ne peut être que contraire à la nature des choses ;
« on y a seulement recours pour le besoin pratique ».
63
Ainsi, Aristote nous dit lui-même où son analyse vient échouer, — contre
l'insuffisance de son concept de valeur. Quel est le « je ne sais quoi » d’égal,
c'est-à-dire la substance commune que représente la maison pour le lit dans
l'expression de la valeur de ce dernier ? «Pareille chose, dit Aristote, ne peut en
vérité exister. » Pourquoi ? La maison représente vis-à-vis du lit quelque chose
d'égal, en tant qu’elle représente ce qu'il y a de réellement égal dans tous les
deux. Quoi donc ? Le travail humain.
Ce qui empêchait Aristote de lire dans la forme valeur des marchandises, que
tous les travaux sont exprimés ici comme travail humain indistinct et par
conséquent égaux, c'est que la société grecque reposait sur le travail des
esclaves et avait pour base naturelle l'inégalité des hommes et de leurs forces de
travail. Le secret de l'expression de la valeur, l'égalité et l'équivalence de tous
les travaux, parce que et en tant qu'ils sont du travail humain, ne peut être
déchiffré que lorsque l'idée de l'égalité humaine a déjà acquis la ténacité d'un
préjugé populaire. Mais cela n'a lieu que dans une société où la forme
marchandise est devenue la forme générale des produits du travail, où, par
conséquent, le rapport des hommes entre eux comme producteurs et échangistes
de marchandises est le rapport social dominant. Ce qui montre le génie
d'Aristote c'est qu'il a découvert dans l'expression de la valeur des
marchandises un rapport d'égalité. L'état particulier de la société dans laquelle
il vivait l'a seul empêché de trouver quel était le contenu réel de ce rapport. »
"There's only one philosopher whose influence i admit -and proudly- and that is
Aristotle." -Ayn Rand, Answers, New American Library, 2005, 241 pages,
p.163.
64
"Aristotle's philosophy was the intellect's Declaration of Independance.
Aristotle, the father of logic, should be given the title of the world's first
intellectual, in the purest and noblest sense of that word. No matter what
remnants of Platonism did exist in Aristotle's system, his incomparable
achievement lay in the fact that he defined the basic principles of a rational view
of existence and of man's consciousness: that there is only one reality, the one
which man perceives -that it exists as an objective absolute (which means:
independently of the consciousness, the wishes or the feeling of any perceiver) -
that the task of man's consciousness is to perceive, not to create, reality -that
abstractions are man's method of integrating his sensory material -that man's
mind is his only tool of knowledge -that A is A.
If we consider the fact that to this day everything that make us civilized beings,
every rational value that we possess -including the birth of science, the
industrial revolution, the creation of the United States, even the structure of our
language- us the result of Aristotle's influence, of the degree to which, explicitly
or implicitly, men accepted his epistemological principles, we would have to
say: never have so many owed so much to one man." -Ayn Rand, For the new
intellectual, Signet, 1963 (1961 pour la première édition américaine), 216 pages,
p.17-18.
“Aristote pensait en fait que les êtres humains étaient libres en un sens absolu. »
-Bernard Williams, L'Éthique et les limites de la philosophie, Gallimard, nrf
essais, 1990 (1985 pour la première édition britannique), 243 pages, p.47.
« L’art de la guerre est un art naturel d’acquisition, car l’art de la chasse est
une partie de cet [art] : nous devons y avoir recours à l’égard des bêtes et de
ceux des hommes qui étant nés pour être commandés n’y consentent pas, parce
que cette guerre-là est juste par nature.
Ainsi y-a-t-il une espèce de l’art d’acquérir qui naturellement est une partie de
l’administration familiale : elle doit tenir à la disposition de ceux qui
administrent la maison, ou leur donner les moyens de se procurer les biens qu’il
faut mettre en réserve, et qui sont indispensables à la vie, et avantageux à une
communauté politique ou familiale. Et il semble que ce soit de ces biens-là
qu’on tire la véritable richesse, car la [quantité] suffisante d’une telle propriété
en vue d’une vie heureuse n’est pas illimitée comme Solon le prétend dans son
poème : « Pour la richesse aucun terme n’a été donné aux hommes ». »
65
-Aristote, Politiques, Livre I, chapitre 8.
« Selon le paradigme aristotélicien, l'oikos reste quoi qu'il arrive une structure
essentiellement "monarchique". » -Giorgio Agamben, Le Règne et la Gloire.
Pour une généalogie théologique de l'économie et du gouvernement. Homo
Sacer, II, 2. Éditions du Seuil, coll. « L’ordre philosophique », septembre 2008
(2007 pour la première édition italienne), 443 pages, p. 78.
« Nous pensons qu’il y a une continuité d’Aristote aux développements les plus
récents de la métaphysique analytique, ce qui est confirmé par le renouveau
extraordinaire des études aristotéliciennes dans les vingt dernières années. »
(p.103)
« Aristote est extrêmement discret sur la forme que prend l’expérience du divin
[…] et il se pourrait qu’il adhère à l’idée d’une expérience spécifiquement
philosophique qui ne prendrait pas les formes traditionnelles (comme
l’initiation ou les mystères) que par ailleurs il n’éprouve pas le besoin de
critiquer. La position d’Aristote sur la théologie (qui est chez les Grecs l’affaire
des poètes –Hésiode, Homère…-) est complexe. Il rejette certains aspects
zoomorphes ou anthropomorphes des dieux, mais reconnaît l’existence de ceux-
ci, épurés jusqu’à être simplement des vivants immortels, jouissant de la félicité
[…]. Il admet la bienveillance gracieuse des dieux. Il reconnaît même aux
mythes une fonction politique ou éthique fondatrice et estime que la sagesse
ancienne est liée nécessairement à des mythes, qu’il refuse cependant de
justifier par la science ou même d’interpréter en détail, comme certains
philosophes grecs plus tardifs, à l’instar de Platon. » (p.241-242)
68
pour distinguer la pensée ontologique de l’être en tant qu’être et la pensée de la
substance immatérielle séparée. » (p.254-255)
« Aristote vient non seulement après les Lumières, mais après la plus formidable
réaction contre les Lumières, organisée par le plus grand philosophe qui ait
jamais existé, Platon. » -Cornelius Castoriadis, Fait et à faire, Seuil, coll.
Points, 1997, 336 pages, p.25.
« [Pour Aristote] le droit naturel est une dimension substantielle de l'être parce
que la nature (Physis) a, par soi, c'est-à-dire, indépendamment de toute espèce
de convention (Nomos), la dimension et la vocation d'une norme. » -Simone
Goyard-Fabre, Les embarras philosophiques du droit naturel, Paris, Librairie
philosophique J. Vrin, coll. Histoire des idées et des doctrines, 2002, p.29.
« [La Politique] est resté pratiquement inconnu pendant des siècles, et cela dès
la mort d’Aristote. » -Pierre Thillet, Aristote conseiller politique d'Alexandre
vainqueur des Perses ?, Revue des Études Grecques, Année 1972 85-406-408
pp. 527-542 p.535.
70
attribuer une position déterminée dans l'espace. La matière sensible
individualise les substances concrètes, c'est-à-dire composées, en deux sens: en
premier lieu, elle fixe leurs coordonnées spatiales et temporelles ; en second
lieu, elle permet l'inhérence des accidents individuels [...] dans la substance.
C'est précisément à ce stade que se pose un nouveau problème d'intelligibilité.
La matière première est inconnaissable. La matière sensible est seulement
connaissable dans sa frange universelle. Mais la matière sensible
individualisante n'est pas objet de science puisqu'elle est seulement le support
d'inhérence des accidents individuels qui sont purement contingents. Et
l'individu ne peut pas être connu non plus par la totalité de ses prédicats. Or,
Aristote ne cesse de le répéter, il n'y a de science que de l'universel et du
nécessaire. L'aporie est inévitable: ontologiquement premier, l'individu
représente dans le système aristotélicien, l'horizon de non-intelligibilité. "Et la
raison pour laquelle des substances sensibles individuelles il n'y a ni définition
ni démonstration, c'est que ces substances ont une matière dont la nature est de
pouvoir et être et n'être pas ; et c'est pourquoi toutes celles qui parmi les
substances sensibles sont individuelles, sont corruptibles" [Aristote,
Métaphysique, 1039b 28-30]. Le cercle est bouclé autour du dilemme qui
constitue l'enjeu décisif de tout l'édifice aristotélicien. L'incarnation de la forme
dans la matière permet d'échapper aux contradictions platoniciennes. Elle
autorise également l'introduction d'un élément de permanence dans le devenir,
ce qui rend pensable le changement substantiel et sauve l'intelligibilité même du
monde. Ces succès spéculatifs ont cependant leur tribut et ce prix prend chez
Aristote un tour paradoxal: la prééminence ontologique de l'individu qui avait
permis de résoudre les plus hautes problèmes spéculatifs, dont l'intelligibilité du
changement substantiel est, dans la mise en place de toute l'édifice conceptuel,
devenue l'énigme la plus profonde la métaphysique. » -Phillipe Caspar, Le
problème de l'individu chez Aristote, Revue Philosophique de Louvain, Année
1986, 62, pp. 173-186, p.179-180.
"Aristote déclare que la poésie est plus philosophique que l'histoire. La poésie
ramasse l'action, effectue un remembrement des événements en tant qu'ils ont
une fin commune ; ainsi elle échappe au disparate auquel est vouée l'histoire.
Ce rapprochement est légitimité par un passage du chapitre 23 où Aristote,
rappelant la nécessité pour le mythe de tourner au resserrement dramatique
comme dans les tragédies, pose que ces "synthèses" doivent différer des récits
historiques, lesquels ne se centrent pas sur une seule action, mais visent
71
simplement "un temps identique". L"histoire écrit des "chroniques", c'est-à-dire
que l'unité qu'elle est capable de fournir est seulement celle du temps, à
l'intérieur duquel les événements peuvent très bien se produire sans lien,
puisque le voisinage chronologique n'implique pas forcément la relation
causale, ou la communauté téléologique. [...] Le rassemblement organisé que
l'art introduit dans les faits éparpillés en les promouvant à la hauteur du mythe
tragique est véritablement démiurgique car il crée, en s'arrachant à l'histoire,
une chose "une et entière comme un vivant". Au cours de ce rassemblement, il
dégage l'essence, et c'est pourquoi le poète est plus proche de la philosophie que
l'enquêteur." (p.35)
"Pour Aristote […] la pensée s'exerce sur un être déjà existant ; dans la
connaissance c'est la chose qui a la priorité, et non l'inverse ; l'homme
connaissant intervient dans un monde déjà là et debout par lui-même. Avant
toute perception et toute pensée l'univers se dresse et par sa présence permet
précisément qu'on y pense ; subordonner comme Protagoras l'être à son
apparaître c'est s'exposer à dire que "rien n'a été ni ne sera n'ayant été pensé au
préalable par personne". Cette dépendance de l'être du monde à ce qui
deviendra le sujet est encore affirmée d'une autre manière, pour le compte de
Protagoras, par Aristote. Tout ce qui apparaît est vrai, pose Protagoras ; or,
souligne Aristote, ce "qui apparaît apparaît à quelqu'un", et ce quelqu'un est
bien par suite le siège de la vérité. Par voie de conséquence l'être des choses
n'est plus un être existant "lui-même par lui-même", mais une simple relation à
celui à qui il apparaît ; même en surimposant toutes ces relations aux différents
percevant, nous n'obtiendrons qu'un faisceau de relations, un amalgame de
rapports, et non une véritable chose. On peut donc conclure que Protagoras
"fait de toutes choses des relations". Cette relations de l'homme et des choses,
Aristote pour son compte ne la nie évidemment pas, mais elle constitue pour lui
la connaissance de la chose, non son être." (pp.61-62)
"Le plaisir qui est un véritable plaisir est donc celui qui apparaît être tel à
l'homme valeureux (spoudaîos). Aristote esquive le relativisme du sophiste tout
en faisant l'économie du recours à une norme transcendante pour la
détermination des plaisirs bons ou mauvais: le spoudaîos est la norme
incarnée." (p.64)
"Quand Perdiccas monte sur le trône, c'est-à-dire en 365, seulement deux ans
après le départ d'Aristote, Platon lui envoie comme conseiller son élève
Euphraios d'Orée." (p.102)
"La République et les Lois sont une utopie politique parce qu'elles sont le mime
de la reconquête du pouvoir par une noblesse qui l'a définitivement perdu.
Aristote semble l'avoir perçu." (p.108)
-Gilbert Romeyer-Dherbey, Les choses mêmes: la pensée du réel chez Aristote,
Éditions L'Age d'Homme, coll. Dialectica, 1983, 401 pages.
« [Pour Aristote] L'art est précieux en ce qu'il oblige à décomposer les quatre
causes de tout changement physique, que la nature, elle, ignore, en tant que
moments séparés. Mais avec son inventivité propre, la poiésis peine pour imiter
la génération naturelle, et doit s'ordonner à des formes qu'elle n'a pas créées. »
-Yves Schwartz, "La technique", in Denis Kambouchner (dir.), Notions de
philosophie, II, Gallimard, coll Folio essais, 1995, 696 pages, pp.223-283,
p.254.
(1) Marie-Hélène Gauthier-Muzellec, compte rendu de Annick Jaulin, Eidos et Ousia. De l'unité
théorique de la « Métaphysique » d'Aristote et Annick Stevens, L'ontologie d'Aristote au carrefour du
logique et du réel (forumactif.org)
http://www.amazon.fr/politique-dAristote-d%C3%A9mocratie-
l%C3%A9preuve-
73
division/dp/2711626369/ref=sr_1_10?ie=UTF8&qid=1450277110&sr=8-
10&keywords=aristote+politique
https://www.amazon.fr/Go%C3%BBt-du-bonheur-
Vanier/dp/2856167489/ref=sr_1_341?s=books&ie=UTF8&qid=1466450604&sr
=1-341&keywords=%C3%A9volution+de+l%27humanit%C3%A9
http://www.amazon.fr/Essai-M%C3%A9taphysique-dAristote-Maxence-
Caron/dp/2204080470/ref=sr_1_20?s=books&ie=UTF8&qid=1450614489&sr=
1-20&keywords=aristote+m%C3%A9taphysique
https://www.amazon.fr/Cours-Philosophie-Le%C3%A7ons-sur-
Aristote/dp/2340014034/ref=sr_1_5?ie=UTF8&qid=1474708776&sr=8-
5&keywords=la+le%C3%A7on+de+philosophie
http://www.amazon.fr/Metaphysique-Daristote-Perspectives-
Contemporaines/dp/2870601182/ref=sr_1_33?s=books&ie=UTF8&qid=145061
4512&sr=1-33&keywords=aristote+m%C3%A9taphysique
http://www.amazon.fr/m%C3%A9taphysique-Louise-Marie-
Antoniotti/dp/2360402056/ref=sr_1_105?s=books&ie=UTF8&qid=1457459451
&sr=1-105&keywords=m%C3%A9taphysique
https://www.amazon.fr/Aristotle-Political-Enmity-Disease-
Inquiry/dp/0791446824/ref=sr_1_cc_3?s=aps&ie=UTF8&qid=1471031222&sr
=1-3-catcorr&keywords=kostas+kalimtzis
http://www.amazon.fr/Platon-Aristote-Dialectique-m%C3%A9taphysique-
Tsimbidaros/dp/2870601115/ref=sr_1_35?s=books&ie=UTF8&qid=145061451
2&sr=1-35&keywords=aristote+m%C3%A9taphysique
https://www.amazon.fr/Aristote-ses-devanciers-
successeurs/dp/2711623998/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1463143733&sr=8-
1&keywords=Jan-Patocka-Aristote-ses-devanciers-ses-successeurs
http://www.amazon.com/Aristotelian-Philosophy-Politics-Aristotle-
MacIntyre/dp/0745619770
Athènes : https://www.amazon.fr/Fall-Athenian-Empire-Donald-
Kagan/dp/0801499844/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1464627468&sr=8-
1&keywords=The+Athenian+Empire
74
Sparte : "Au Ve siècle, presque toutes les cités possèdent des murs d'enceinte.
Seuls les Spartiates rejettent par principe les fortifications et soutiennent qu'une
cité n'est véritablement fortifiée que si elle est tenue par des hommes braves
(Plutarque, Lycurgue, XIX, 12 ; Plutarque, Apophthegmes laconiens, 228e) : ce
sont eux, les murs, et la vertu des habitants fournit une fortification suffisante.
Ibid., 210e : « On demandait à Agésilas pour quelle raison Sparte n'avait pas de
murailles. Il répondit : "Ce n'est pas avec des pierres et des planches que l'on
entoure une ville de remparts, mais plutôt à même les vertus de ses habitants" ».
Pour eux, les cités fortifiées sont des places où se cachent les femmes
(Plutarque, Apophthegmes de rois et de généraux."
"La cité lacédémonienne interdisait, pour des raisons morales, toute activité
commerciale à ses citoyens."
75
courage convenable. Tous les aspects de la vie auraient été contrôlés, de telle
sorte que l'Etat soit mieux servi par ses citoyens.
La société idéale, celle qui engendre (et entretient) le philosophe-roi, est décrite
avec une minutieuse précision. Il s'agirait d'un véritable tour de force de
l'imagination, si une telle société n'existait pas déjà, au moins dans ses principes
fondamentaux. Car ce que Platon décrit est, pour sa plus grande part, l'Etat
totalitaire des Spartiates. Lorsque l'on sait que pendant presque tout le début de
la vie de Platon, Sparte était l'ennemie d'Athènes, cela nous en dit long sur la
tolérance qui régnait dans cette ville, puisqu'il y eut le loisir d'exalter un tel
mode de vie et de le présenter comme un modèle de perfection.
Dans son texte, Platon brode et embellit les choses, mais on ne peut s'y tromper
: son modèle de base est la vie spartiate. La censure, l'interdiction du luxe, la
rudesse des conditions de vie : tout est là. Même chose pour les "éphores"
chargés de faire la police des lois. A Sparte, comme dans la République de
Platon, les citoyens sont censés vivre, dans le moindre détail, la vie que l'Etat a
décrétée pour eux. Sparte existait depuis plusieurs générations lorsque Platon
s'avisa de lui offrir le brillant d'une justification intellectuelle. En pratique, ses
règles étaient censées gouverner et diriger la vie des citoyens bien avant que
Platon n'en eût analysé le fonctionnement et fait une théorie. La pratique était
donc première, et c'est la théorie qui a suivi. Ce qu'avait fait Platon, c'était
traduire au niveau théorique la forme essentielle d'une société qui existait déjà,
76
et qu'il trouvait à son goût. Sparte était sans doute brutale, ses citoyens frustes
et mal léchés, mais on y pratiquait ce que Platon considérait comme de simples
vertus, pas encore corrompues par le luxe, comme l'était Athènes, et elle gagnait
les guerres. En fait, toute la société était organisée dans ce seul but. Tout ce que
l'on peut considérer comme spécifiquement humain, y compris les arts, la
science et la recherche intellectuelle, était subordonné à cette fin, et Platon
approuvait ce choix, jugeant que le culte de la vertu devait largement suffire à
satisfaire les plus hautes aspirations humaines. » -Madsen Pirie, La
Micropolitique. Comment faire une politique qui gagne, p.43-45.
-Cornelius Castoriadis, Fait et à faire, Seuil, coll. Points, 1997, 336 pages, p.75.
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conqu%C3%AAte/dp/2020324539/ref=pd_sim_14_7?ie=UTF8&dpID=51q1U4
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JPEHY3MF06NMJ3
L’Art grec: « Rien n'a, comme l'argent, suscité parmi les hommes de mauvaises
lois et de mauvaises mœurs ; c'est lui qui met la discussion dans les villes et
chasse les habitants de leurs demeures; c'est lui qui détourne les âmes les plus
belles vers tout ce qu'il y a de honteux et de funeste à l'homme et leur apprend à
extraire de chaque chose le mal et l'impiété. » -Sophocle, Antigone. Cité par
Karl Marx, Le Capital, Livre I, 1867.
https://www.amazon.fr/Th%C3%A9%C3%A2tre-soci%C3%A9t%C3%A9-
dans-Gr%C3%A8ce-
antique/dp/2253905852/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1480180216&sr=8-
1&keywords=moretti+th%C3%A9atre+et+soci%C3%A9t%C3%A9
https://www.amazon.fr/qu-te-du-sens-Yves-
Barel/dp/2020097672/ref=tmm_pap_swatch_0?_encoding=UTF8&qid=146323
7733&sr=8-1
http://livre.fnac.com/a1590690/Johann-Joachim-Winckelmann-Histoire-de-l-art-
dans-l-antiquite
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« De tous les êtres humains c'est la femme qui a le sort le plus malheureux. Si le
bonheur sourit à l'homme, il est vainqueur et acquiert de la gloire sur le champ
de bataille ; si les Dieux l'ont voué au malheur, il tombe, le premier des siens,
dans la belle mort. Mais le bonheur de la femme est bien étroit : elle est toujours
78
soumise au choix des autres, souvent à celui d'étrangers, et quand la ruine
s'abat sur sa maison, le vainqueur l'emmène loin des débris fumants, à travers le
sang de ses morts bien-aimés ». » -August Bebel, La femme et le socialisme,
1891.
http://www.amazon.fr/Gr%C3%A8ce-au-f%C3%A9minin-Nicole-
Loraux/dp/2251380485/ref=la_B001HD2XG8_1_16?s=books&ie=UTF8&qid=
1448573050&sr=1-16
http://www.lesbelleslettres.com/livre/?GCOI=22510100583690
Épicure (-342 ou -341/-270) : « L'absence de trouble dans l'âme, […] c'est cela
la fin de la vie bienheureuse. » -Épicure, Lettre à Ménécée, §127-129, trad. P.-
M. Morel, p. 100.
80
d'un développement inédit, entre en contradiction au IVème avec les puissances
émergentes, annonçant la fin de la cité.
Épicure produit sa théorie au début de cette période de déclin, ce qui explique
pourquoi il est le second et dernier philosophe grec matérialiste à proposer une
réponse à la question de l'origine. Ses héritiers et la tradition philosophique qui
lui succède, sont nombreux et s'étendent jusqu'à la fin de l'empire romain.
Aucun ne propose une théorie vraiment différente ou novatrice: ils font
simplement œuvre d'interprète et d'exégète. Il semble donc que les possibilités
de développement de la philosophie matérialiste, à cette époque, se soient taries
avec le déclin de la cité grecque. Le monde romain n'a pas offert de nouvelles
théories sur la question, à l'image de l'absorption de la culture grecque par
l'élite romaine, qui s'est déroulée sans qu'elle ne créé de spécificités
marquantes. Le monde antique paraît avoir atteint un seuil autour du IVème
siècle, où les possibilités de la philosophie matérialiste (comme celles de sa
rivale, avec Aristote) sont portées à leur maximum, en même temps que la cité
grecque a exploré les dernières limites de ses capacités. Les feux se sont éteints
; les Lumières ne sont plus que des veilleuses, alors que l'empire vient au monde
; le christianisme ne peut avoir de meilleur exorde." (p.102)
82
« Diogène raconte qu'Épicure serait venu à la philosophie en raison de
l'incapacité de ses maîtres à expliquer le passage concernant le chaos chez
Hésiode. » (p.122)
« Épicure ne conteste pas l'ordre social incarné par les religieux. Son éthique
est un repli vers une sagesse individuelle. Ou bien n'est-ce qu'un masque pour
Épicure, qui lui évite la répression et le bannissement. Une opposition publique
aux cultes vaudrait une condamnation sévère de l'ordre aristocratique. » (p.128)
In a letter to William Short sent in 1819, Thomas Jefferson writes "I too am an
Epicurean. I consider the genuine (not the imputed) doctrines of Epicurus as
containing everything rational in moral philosophy which Greece and Rome
have left us." But what's also interesting is that our friends the Marxists also
thought Epicurus was a great philosopher. […]
Epicurus had reacted against the Platonic concepts of Reason with a capital R,
the Good, the Beautiful, Duty, and other absolute concepts existing in
themselves in some supernatural world. For Epicurus, what is moral is what
brings pleasures to individuals in a context where there is no social strife. The
83
Epicurean wise man will keep the covenant and not harm others not because he
wishes to comply with some moral injunction being imposed from above, but
simply because that's the best way to pursue his happiness and keep his
tranquility of mind.
Mises says the same thing when he repeats his adherence to utilitarianism,
which looks upon the rules of morality not as absolutes, but as means for
attaining an individual's desired ends through social cooperation. In his book
Socialism, he writes: "The ethical valuation 'good' and 'evil' can be applied only
in respect of ends towards which action strives. As Epicurus said […] Vice
without injurious consequences would not be vice. Since action is never its own
end, but rather the means to an end, we call an action good or evil only in
respect of the consequences of the action." To Mises, Epicureanism inaugurated
the emancipation of mankind precisely because it led to utilitarianism.
The very basis of praxeology, the logic of human action, rests on Epicurean
concepts. Epicurus says that nature compels all living beings to search for
pleasures and to avoid pain. When they reach their goal, they are in a state of
contentment and rest that we can call happiness or tranquility of mind. Ataraxia
is the term used by Epicurus to describe a perfect state of contentment, free or
all uneasiness.” -Martin Masse, The Epicurean roots of some classical liberal
and misesian concepts, March 18, 2005.
“Rand also shares Epicurus’ view that virtues are wholly instrumental.” -Ray
Shelton, Epicurus and Rand, Objectivity, volume 2, numéro 3, 1995.
84
qualitative : la richesse devient mauvaise quand sa recherche suscite angoisse
et sentiment de privation.
« Epicure […] se trouve être le seul philosophe dont les positions trouvent grâce
aux yeux de Spinoza, du moins dans l’Ethique » -Jean-Pierre Vandeuren,
Pourquoi philosopher et pourquoi principalement avec Spinoza ?,
vivrespinoza.wordpress.com, 7 mars 2012.
« Quand la meilleure époque de la Grèce eut pris fin vinrent les philosophes de
la morale: à partir de Socrate, en effet, tous les philosophes grecs sont avant
tout et au plus profond d'eux-mêmes des philosophes de la morale. Cela veut
dire qu'ils cherchent le bonheur -et il est déjà fâcheux qu'ils aient eu à le
chercher ! La philosophie, c'est, à partir de Socrate, cette forme suprême de
l'intelligence infaillible dans les questions du bonheur personnel. En ont-ils eux-
85
mêmes profité, au moins ? [...]
Et Épicure: quelle était sa jouissance à lui sinon la cessation de la douleur ? -
c'est le bonheur d'un homme souffrant et sans doute malade aussi. » (Printemps
1884. 25 [17], p.26)
-Friedrich Nietzsche, Œuvres philosophiques complètes, X, Fragments
posthumes. Printemps-automne 1844, Gallimard, NRF, 1982, 386 pages.
Gilles Deleuze :
Ce n'est pas parce qu'il cite en bonne part Epicure ou Lucrèce qu'on fera de
Deleuze un épicurien. A ce compte, il faudrait plutôt le voir spinoziste ou
bergsonien. D'ailleurs, si Deleuze admire Epicure ou Lucrèce, c'est parce que,
comme Spinoza d'ailleurs, ils sont à la pointe d'une tradition de penseurs qui ont
pour visée de libérer l'homme de la tyrannie de la peur et des passions tristes
dont les religions sont trop souvent les vecteurs. Il y a plus, Lucrèce et Epicure
se distinguent parce qu'ils sont les premiers à "tenter de penser le divers comme
divers" (Logique du sens, UGE) et qu'"avec Epicure et Lucrèce commencent les
vrais actes de noblesse du pluralisme en philosophie" (ibid.). Leur atomisme
permet en effet de comprendre la nature des choses comme "coordinations et
disjonctions" provisoires, et le fameux clinamen comme la "pluralité
irréductible des causes ou des séries causales". Deleuze, critique des
totalisations toujours plus ou moins totalitaires, penseur des différences, de la
sérialité créatrice, ne pouvait qu'être sensible à cet aspect du naturalisme
épicurien. » -Jean Montenot, Quelle postérité pour Epicure ?, L’Express.fr,
17/11/2010.
-Pierre Hadot, Études de philosophie ancienne, Les Belles Lettres, coll. L’âne
d’or, 2010 (1998 pour la première édition), 384 pages.
88
« Le divin Epicure. » -Georg Büchner, La mort de Danton, Paris, L’Arche,
2004, p. 12.
https://www.amazon.com/Epicureanism-Origins-Modernity-Catherine-
Wilson/dp/0199595550/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1502989491&sr=
1-1&keywords=Epicureanism+at+the+Origins+of+Modernity
http://www.amazon.fr/%C3%89picure-Julie-
Giovacchini/dp/2251760628/ref=sr_1_14?s=books&ie=UTF8&qid=145875065
4&sr=1-14&keywords=Figures+du+savoir
http://www.amazon.fr/Lire-Epicure-%C3%A9picuriens-Alain-
Gigandet/dp/2130564763/ref=pd_sim_14_47?ie=UTF8&dpID=41FIIFVPPCL&
dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR116%2C160_&refRID=0Q8FR3FWT4M
ZRCY596E4
89
http://www.amazon.fr/%C3%89picure-son-%C3%A9cole-Genevi%C3%A8ve-
Rodis-
Lewis/dp/2070327833/ref=pd_sim_14_6?ie=UTF8&dpID=418JR92RCML&dp
Src=sims&preST=_AC_UL160_SR98%2C160_&refRID=1SPH5HS0NAT6RZ
Z3HEPP
90
Puis, à partir du Ier siècle av. J.C., avec la ruine de la plupart des institutions
philosophiques d’Athènes, provoquée par les dévastations de Sylla, avec la
formation de nombreuses institutions philosophiques dans l’ensemble du Bassin
méditerranéen, une seconde phase de l’histoire de la philosophie postsocratique
se développe. Les quatre tendances doctrinales fondamentales subsistent, mais
elles ne sont plus supportées par l’institution athénienne créée par les
fondateurs. Pour affirmer leur fidélité au fondateur, les quatre écoles
philosophiques, répandues dans différentes villes d’Orient et d’Occident, ne
peuvent plus s’appuyer sur l’institution qu’il a créée, ni sur la tradition orale
intérieure à l’école, mais uniquement sur les textes du fondateur. Les cours de
philosophie consisteront donc avant tout dans des commentaires de texte.
Enfin une troisième phase commence avec le IIIe siècle ap. J.C. et continue
jusqu’à la fin de l’Antiquité. L’exégèse joue toujours un rôle prépondérent dans
l’enseignement, mais des éléments religieux, rituels, « théurgiques », s’insèrent
dans la vie et l’enseignement philosophique. » (p.28-29)
« A partir du Ier siècle av. J.C., il n’y a que six philosophies possibles, celles
des quatre grandes écoles : le platonisme (lié au pythagorisme), l’aristotélism,
le stoïcisme, l’épicurisme, et, en outre, le cynisme (issu de Socrate et de
Diogène) et le scepticisme (issu de Pyrrhon). A partir du IIIe siècle ap. J.C.,
platonisme et aristotélisme vont se fusionner, constituer un système commun,
absorber certains éléments stoïciens ; et les autres écoles, sauf le cynisme, vont
disparaître à peu près complètement. » (p.38)
-Pierre Hadot, Études de philosophie ancienne, Les Belles Lettres, coll. L’âne
d’or, 2010 (1998 pour la première édition), 384 pages.
"Non seulement les maîtres hellénistiques ont à l'occasion recueilli à leur usage
des éléments pris aux présocratiques, non seulement ils sont les héritiers des
sophistes et d'autres courants de pensée qui nous apparaissent submergés à la
période classique, mais l'activité philosophique, l'exercice soutenu par des
générations de penseurs de l'enquête rationnelle, doit avoir par lui-même nourri
l'individualisme, car la raison, si elle est universelle en principe, œuvre en
pratique à travers la personne particulière qui l'exerce, et prend le premier rang
sur toutes choses, au moins implicitement." (p.41)
91
-Louis Dumont, Essais sur l'individualisme. Une perspective anthropologique
sur l'idéologie moderne, Paris, Le Seuil, coll. Point, 1985 (1983 pour la
première édition), 314 pages.
Démosthène (-384/-322) :
https://www.amazon.fr/D%C3%A9mosth%C3%A8ne-Rh%C3%A9torique-
corruption-Patrice-
Brun/dp/2200602669/ref=pd_sim_14_13?_encoding=UTF8&psc=1&refRID=W
0D1D18NP1HNK22KHBV6
« Par ses paroles, ses actes et par son œuvre d’éducation, on verra qu’il fut en
vérité un philosophe. […]
Quand Alexandre eût civilisé l’Asie, Homère était couramment lu, et les enfants
des Perses, des Susiens et des Gédrosiens apprenaient à déclamer les tragédies
de Sophocle et d’Euripide… Il fonda plus de soixante-dix cités parmi les peuples
sauvages et persema l’Asie de lois grecques, et vainquit ainsi leur mode de vie
de non-civilisés, proche de celui des animaux sauvages… […] Ainsi, des peuples
conquis par Alexandre, il est plus juste de dire qu’ils n’auraient pas connu la
civilisation s’ils n’avaient pas été soumis par la force. » -Plutarque, Sur le destin
d’Alexandre.
« Les éléments dont Alexandre opéra la fusion furent, dans leurs formes
suprêmes, la vitalité ardente de la Grèce qui aspirait à trouver un corps, et les
masses inertes de l’Asie qui aspiraient à trouver une âme. » -G. Droyssen,
Alexandre le Grand, 1833.
92
« Nous demanderons au héros macédonien une leçon de colonisation qui, pour
être vieille de plus de deux mille ans, est néanmoins, pour nous, aujourd’hui,
d’une brûlante actualité. » -Commandant Reynaud, « Alexandre le Grand
colonisateur », La revue hebdomadaire, 11 avril 1914.
« Alexandre est le plus grand conquérant et génie militaire de tous les temps. »
http://hydra.forumactif.org/t1510-john-gunther-alexander-the-great#2169
https://www.amazon.fr/Alexandre-Grand-Jacques-Benoist-
Mechin/dp/2262028419/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1465396766&sr=
1-1&keywords=Alexandre+le+Grand
https://www.amazon.fr/Alexandre-Grand-songe-Valerio-
Manfredi/dp/2266100041/ref=sr_1_29?s=books&ie=UTF8&qid=1465396799&
sr=1-29&keywords=Alexandre+le+Grand
https://www.amazon.fr/SUCCESSEURS-DALEXANDRE-Fran%C3%A7ois-
Widemann/dp/2914214715/ref=sr_1_fkmr0_1?ie=UTF8&qid=1467218579&sr=
8-1-
fkmr0&keywords=Fran%C3%A7ois+Widemann%2C+Les+successeurs+d%27
Alexandre+en+Asie+centrale+et+leur+h%C3%A9ritage+culturel
http://www.amazon.fr/DAlexandre-%C3%A0-Actium-Peter-
Green/dp/2221084713/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1446896746&sr=1
-1&keywords=D%27Alexandre+%C3%A0+Actium
Han-Fei-tse : https://www.amazon.fr/Han-Fei-tse-ou-tao-du-
prince/dp/2020293722/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1465396227&sr=8-
1&keywords=Han-Fei-tse+ou+Le+Tao+du+Prince
« Johan Gustav Droysen fut le premier à proposer une synthèse qui faisait de la
conquête d’Alexandre le début d’une ère nouvelle dans son ouvrage Geschichte
des Hellenismus (1833-1843), réédité en 1877-1878 et traduit en français dès
1883-1885 sous le titre Histoire de l’Hellénisme par une équipe dirigée par
l’historien Auguste Bouché-Leclercq (1842-1923). » (p.5)
« Il n’y eut jamais un monde hellénistique uni, qu’une frontière continue aurait
protégé de ses voisins. La diversité l’emportait tant pour les traditions des
peuples que pour les formes de pouvoir en place. A côté des royautés qui
s’étaient partagé l’héritage perse, en Égypte, en Asie et en Anatolie, les
monarchies différaient les unes des autres en Europe, de la royauté
94
macédonienne aux tyrannies de Sicile. En Grèce, des systèmes politiques
s’adaptèrent ou se perfectionnèrent pour tenter de contrer les ambitions
hégémoniques des rois, en créant des alliances et des koina (Etats régionaux
regroupant des cités et/ou des peuples, au singulier = koinon). Dans l’ensemble
du monde hellénistique, cette période fut celle de l’âge d’or des cités dont le
nombre se multiplia et qui connurent une stabilité institutionnelle étonnante. »
(p.6)
Dans la perspective d’une histoire universelle dont le principe aurait été établi au
IVe siècle par Ephore de Kymé, Polybe veut écrire une histoire « pragmatique »
ou événementielle de son temps, à partir de ses voyages, de ses enquêtes sur le
terrain et de ses recherches. Comme chez Thucydide, la raison est au centre de
sa vision du monde. » (p.7)
95
monnayages (koina achaien et thessalien, Athènes, cités du Péloponnèse,
cistophores des cités d’Asie Mineure, Thasos, Maronée, etc.) se sont poursuivis
très longtemps, jusqu’au Ier siècle av. n. è. Et parfois au-delà. Il est vrai que l’on
gagnerait à insister sur les différences régionales : la rupture se ferait plutôt en
188 en Orient, en 192, puis en 167 en Grèce. » (p.23)
L’ordre macédonien mis en place par Philippe en 337 avait été maintenu par la
force. En dépit de leur rébellion, les Spartiates, alliés des Perses, crurent trouver
en 331 une occasion favorable pour rétablir leur position dans le Péloponnèse.
Ce fut un échec. Après la mort de leur roi Agis III devant Mégalopolis
(printemps 330), Antipater leur imposa d’entrer dans la Ligue de Corinthe et de
livrer 50 otages. » (p.32-33)
Les Athéniens tentèrent de conduire une guerre […] que les historiens modernes
appellent « guerre Lamiaque » (323-322), en raison du sièg de Lamia, cité
fortifiée de Malide en Thessalie, dans laquelle s’était refugié Antipater. Outre
Diodora de Sicile, notre principale source est l’orateur athénien anti-macédonien
Hypéride (390-322), auteur de l’oraison funèbre des morts à la guerre, dont
faisait partie le stratège Léosthénès […] Les Athéniens et leurs alliés furent
défaits sur mer devant l’île d’Amorgos dans les Cyclades (juin 322) –défaite qui
marqua la fin de l’aventure maritime athénienne ; sur terre, les alliés grecs furent
vaincus à Crannon en Thessalie (septembre 322). » (p.44-45)
97
dénonçaient son caractère oligarchique. Démade et Phocion revinrent au pouvoir
jusqu’au printemps 318 où la démocratie fut brièvement rétablie après la mort
d’Antipaper, sous la protection de son successeur Polyperchôn. Dès la défaite de
ce dernier un an plus tard, un cens de 1000 drachmes fut rétabli et le philosophe
aristotélicien Démétrios de Phalère, citoyen athénien, fut placé à la tête de la cité
par le nouvel homme fort en Macédoine, Cassandre. […] Démétrios réforma la
cité dans un sens oligarchique et favorable aux richeses, en conformité avec les
idées aristotéliciennes du temps. […] Il supprima […] les indemnités (misthoi)
versées aux citoyens qui exerçaient des responsabilités publiques (cela affectait
les plus pauvres). […] Occupée par les Macédoniens, la cité fut pendant dix ans
sous l’autorité d’un homme impopulaire : le régime « était oligarchique de nom,
mais monarchique de fait » (Plutarque, Démétrios, 10, 2). » (p.45-46)
En 315, à Tyr, Antigone réunit une assemblée de l’armée […] pour faire
condamner Cassandre à mort par contumace pour ses crimes et en particulier le
meurtre d’Olympias. Il se posa en seul protecteur du jeune Alexandre IV […] Il
proclama les cités grecques libres, autonomes et exemptes de garnisons […]
Les Athéniens prirent l’habitude d’honorer […] les souverains et leur entourage.
Antigone restitua aux Athéniens les îles d’Imbros et de Lemnos et Démétrios
98
leur offrit de l’argent, une quantité très importante de blé et du bois de
construction pour 100 navires de guerre (ils n’avaient plus de flotte depuis 322).
Les fortifications d’Athènes et du Pirée ainsi que les « Longs Murs » entre les
deux villes furent remis en état en 5 ans. Athènes n’était toutefois pas
indépendante : elle avait changé de maître et dut lutter à ses côtés contre
Cassandre. » (p.48-49)
« A l’été 301, à Ipsos en Phrygie, les Antigonides durent faire face à la coalition
de Lysimaque et de Séleucos, dont les éléphants fournis par l’Indien
Tchandragoupta et son fils Démétrios Poliorcète dut quitter l’Asie. […]
Cassandre pouvait croire assurée sa victoire en Grèce ; Séleucos réclama à
Ptolémée la Syrie méridionale (dont la riche Phénicie) que celui-ci venait
d’occuper systématiquement pendant que ses alliés combattaient Antigone, sans
obtenir satisfaction et il dut se contenter de la Syrie du Nord. Lysimaque enfin
s’empara de l’Asie Mineure jusqu’au Taurus. […]
De ces années de guerres entre Diadoques émergèrent les dynasties des Lagides,
des Séleucides et des Antigonides, alors que la maison de Lysimaque disparut
avec lui en 281. » (p.52)
« En 301, après Ipsos, Ptolémée, fils de Lagos, était à la tête d’un royaume bien
géré, d’une marine et d’une armée puissantes. La stabilisation du royaume
lagide, étonamment précoce, s’explique par l’intelligence politique de Ptolémée,
et en particulier par les bonnes relations instituées avec les élites indigènes, dès
son installation comme satrape. Reçu en libérateur par les Égyptiens comme
Alexandre l’avait été lui-même, il sut se concilier les faveurs du clergé en
multipliant les actes de bienveillance. Très tôt, il put se constituer une armée où
furent enrôlés des Égyptiens (ou machimoi pour l’infanterie légère), à côté des
Macédoniens, des Grecs et des Juifs. Il eut ainsi les moyens d’aider les Rhodiens
en les ravitaillant pendant l’année de siège (305/4) que leur fit subir Démétrios.
Après 301, la suprématie de la marine lagide ne fut guère contestée.
99
Salamine, il nomma stratège de l’île son frère Ménélaos avec le commandement
de toutes les forces lagides stationnées en Méditerranée […]
Dans ses relations avec les cités grecques, Ptolémée accepta les honneurs
qu’elles lui concédaient. Pour le remercier de l’assistance qu’il leur avait
fournie, les Rhodiens, lui accordèrent dès 304 –après consultation de l’oracle de
Siwah- des honneurs divins et lui donnèrent sans doute –comme les Athéniens
l’avaient accordé aux Antigonides en 307- le titre de sauveur (soter), qu’il fit
graver au droit de ses pièces d’or et d’argent après la victoire d’Ipsos. » (p.52-
53)
« Après Ipsos (301), Lysimaque ajouta la plus grande partie de l’Asie Mineure à
ses possessions thraces. Il était l’allié des Lagides par son mariage avec Arsinoé
en 300, fille de Ptolémée et de Bérénice, qui lui a donné trois fils. Dans les
années 286-282, il est également l’allié des Messéniens contre Sparte, étendant
son influence jusqu’au cœur du Péloponnèse. En 286/5, le roi Lysimaque était
parvenu au faite de sa puissance. Son royaume avait un pied en Europe, l’autre
en Asie. Comprenant la Thrace jusqu’au Danube (sans Byzance), la Macédoine
et la Thessalie (sauf Démétrias), plus l’Asie Mineure, à l’exception des
Royaumes du Pont, de la Bithynie et des principautés paphlagoniennes, le
domaine de Lysimaque occupait une position stratégique de premier plan. […]
En 281, quatre ans plus tard, il ne restait rien de la maison de Lysimaque […]
100
l’avoir perdue. Pour marquer son esprit d’indépendance, il choisit cette date
comme début de l’ère séleucide […]
Avant de partir pour l’Europe, il confia la garde de l’Asie à son fils aîné
Antiochos qu’il avait eu la sagesse d’associer au pouvoir dès 294, assurant ainsi
l’avenir de la dynastie. En 281, en franchissant l’Hellespont à plus de 70 ans, le
Macédonien Séleucos prouvait qu’il n’avait pas renoncé au désir de revoir sa
patrie et à l’ambition d’agrandir son territoire. » (p.55-56)
Après la prise du titre royal en 306, l’attitude des Antigonides s’était en effet
modifiée. En 304, après avoir secouru Athènes assiégée par Cassandre,
Démétrios séjourna dans la cité : la conduite débauchée du roi y fit scandale,
comme l’exigence de recevoir l’initiation aux Mystères d’Éleusis sans respecter
les trois degrés habituels. Démétrios Poliorcète, fils d’Antigone le Borgne, sans
royaume depuis 301, devint roi des Macédoniens en faisant assassiner la
101
descendance de Cassandre dont il prétendit s’instituer l’héritier légitime en
raison de son mariage avec sa sœur Phila. L’armée le proclama roi en
Macédoine à l’automne 294. Démétrios était un grand stratège, dont la
réputation avait été consacrée par le surnom « poliocète » que lui avait valu le
siège de Rhodes, et par sa victoire sur les Lagides à Salamine de Chypre, que
Poséidon, dieu de la mer, très présent sur ses monnaies, devait rappeler à tous.
Pour autant il ne fut jamais populaire auprès des Macédoniens. Pendant ses sept
années de règne, on lui reprocha son luxe, son arrogance, et le choix de
Démétrias comme résidence à la place de Pella, Démétrias qu’il avait fondée en
Thessalie sur le golfe Pagasétique. Au lieu de se concentrer sur le gouvernement
de la Macédoine, Démétrios poursuivit son activité militaire en Grèce centrale.
Tour à tour brutal et démagogue envers les cités et en particulier avec les
Athéniens qu’il avait affamés en 294, il installa des garnisons pour entraver la
Grèce et mobilisa pendant l’hiver 289-288 des forces terrestres et navales telles
que se forma contre lui une coalition composée de Séleucos, de Ptolémée, de
Lysimaque et de Pyrrhos (288). Abandonné de ses hommes, il quitta l’Europe
pour passer en Asie où après une course-poursuite dans les montagnes du
Taurus, il se rendit à Séleucos (286). Il mourut en captivité trois ans plus tard à
Apamée sur l’Oronte. » (p.58-59)
Entre 283 et 281, toute une génération disparut : Ptolémée, fils de Lagos ;
Démétrios Poliorcète ; Lysimaque ; Séleucos. […] L’accord conclu entre 279 et
276 entre Antigone Gonatas et Antiochos prouvait une reconnaissance mutuelle
de leurs possessions, qui en excluant toute tentative de réunir sous une seule
autorité l’Europe et l’Asie, signifiait le renoncement à l’héritage d’Alexandre. »
(p.60)
« En raison des fondations de cités par les diadoques et les rois, le nombre des
cités s’est accru. […] Même pour les petites cités, la période hellénistique paraît
« un siècle d’or », selon une heureuse formule de Philippe Gauthier. Quant aux
koina, fondés sur l’association de peuples (ethnè) et/ou de cités, ils sont
parvenus grâce à leurs institutions fédérales, à unir les Grecs au nom de la
liberté et à faire jeu égal avec les rois et Rome. » (p.61)
« Les royautés sont réglées par le respect de la tradition, tandis que la tyrannie,
assimilée au despotisme, est caractérisée par l’arbitraire. Nul se s’affirme tyran
alors que le titre de roi est source de gloire et de renommée. » (p.61)
« Une cité pouvait exister tout en étant soumise totalement ou en partie à une
autre cité, à un koinon ou à un Roi. Des cités ont été ainsi privées de toute
initiative en politique étrangère sans cesser pour autant d’exister en tant que cité
par le fonctionnement de leurs institutions. […]
103
« La vente du droit de cité fut une mesure exceptionnelle tant par le nombre des
cités connues pour l’avoir pratiquée (Phasélis, Byzance, Dymé, Tritaia, Éphèse,
Aspendos, Thasos), que par le nombre de personnes concernées dans chacun des
cas. […]
Quand le droit de cité fut accordé à un grand nombre, ce fut –comme à l’époque
classique- principalement pour des raisons militaires : une cité se sentant
menacée cherchait à accroître son armée. La sympolitie permettait
l’incorporation de nouveaux citoyens par fusion de deux communautés, la plus
puissante annexant la plus faible. Vers 175, Milet absorba la petite ville carienne
de Pidasa à l’est de son territoire pour pouvoir contrôler la forteresse et y
envoyer une garnison. Quand dans le cadre de leurs réformes, les rois spartiates
Agis (243-241) et Cléomène (235-222) voulurent reconstituer le potentiel
militaire de leur cité, ils donnèrent la citoyenneté à des périèques et à des
étrangers […] A Milet, une série d’inscriptions octroya la politeia d’abord en
234/3 puis en 229/8 à environ un millier de soldats qui résidaient déjà avec leur
famille sur le territoire de la cité. » (p.80-81)
« Les cités n’ont jamais renoncé à leur liberté. C’est pour répondre à cette
aspiration que le Diadoque Antigone le Borgne avait affirmé en 315, dans le
manifeste appelé « la Proclamation de Tyr », que les cités devaient être libres,
autonomes et exemptes de garnisons. » (p.83)
« L’installation d’une garnison dans une cité pouvait signifier l’enjeu stratégique
du site qu’elle représentait. » (p.83)
104
Issos et la prise de Tyr en 332, après un siège de sept mois, chassent les Perses
et soumettent la Syrie. La période macédonienne, marquée par de nombreuses
révoltes, introduit les mœurs grecques et développe l’hellénisation du pays par
la fondation de nombreuses cités. La mort d’Alexandre à Babylone attribue la
Syrie à l’un de ses lieutenants, Seleucus, qui crée un état séleucide s’étendant du
Golfe arabe jusqu’à la mer Noire. Antioche devient la capitale tandis que les
villes de Damas et Tadmar (Palmyre) s’imposent comme les grands centres de
l’intérieur. Mais le royaume séleucide, après avoir connu une brillante
civilisation grâce à l’essor économique et culturel de ses cités
méditerranéennes, se désagrège au bout de deux siècles sous les coups de
conflits d’ordre interne et sous les attaques des Egyptiens et surtout des Parthes
venus de la Haute Asie.
« Rome […] regardait les nations sur le mode où les Etats européens, au siècle
dernier, regardaient les populations d’Afrique ou d’Asie. » -Paul Vayne, Y a-t-il
eu un impérialisme romain ?, Mélanges de l'Ecole française de Rome. Antiquité,
Année 1975, Volume 87, Numéro 2, pp. 793-855, 823.
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de-la-chute-de-lempire-romain?highlight=Edward+Gibbon
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romain/dp/222111731X/ref=pd_sim_sbs_14_5?_encoding=UTF8&psc=1&refR
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romaine#1756
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109
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« Les romains sont organisés en gentes, des gros clans. Cent gentes vont former
une tribu, et il va y avoir trois grandes tribus romaines, qui vont former ce qu'on
appelle le populus romanus, c'est le vieux peuple romain. Pour faire partie du
peuple, il faut être membre d'une tribu. Les terres appartiennent à une tribu,
c'est encore une propriété collective, et les citoyens sont organisés à travers des
assemblées démocratiques populaires, qui vont élire un Sénat. [...]
Progressivement, les Sénateurs vont être élus à partir des mêmes familles dans
les gentes. [...] C'est eux qu'on va appeler les patriciens, qui vont devenir la
première classe dirigeante de la Rome antique. »
110
nombre d’esclaves. C’est donc la recherche d’esclaves qui va devenir la force
motrice de l’expansion de la République. […] L’Etat va utiliser les surplus de
l’esclavage pour nourrir [à ses frais] les masses urbaines [de paysans
lumpenprolérisés]. […] Alors que le prolétariat ancien vit aux dépens de la
société, la société moderne vit aux dépends du prolétariat. » -Vincent R.
Beaudoin, La lutte des classes dans la République romaine.
https://www.amazon.fr/FONDATION-ROME-R%C3%A9flexion-sur-
lhistoire/dp/2012788203/ref=la_B004MZQAFS_1_2?s=books&ie=UTF8&qid=
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Georges/dp/2070269620/ref=tmm_pap_swatch_0?_encoding=UTF8&qid=1459
773417&sr=1-1
112
tous points les côtes italiennes. C’est ainsi que cette guerre devait devenir un
duel à mort et la plus grande guerre navale de l’Antiquité ; Rome, s’adaptant à
l’arme nouvelle, allait devenir elle-même la plus grande puissance navale que
l’Antiquité tout entière devait connaître : les Grecs, au siècle suivant,
craindront peut-être moins les légions que le souvenir de ses flottes. » (p.832)
http://www.amazon.fr/Carthage-Serge-
Lancel/dp/2213028389/ref=sr_1_2?ie=UTF8&qid=1459772510&sr=8-
2&keywords=histoire+de+carthage
http://www.amazon.fr/Les-Guerres-puniques-
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146/dp/B00G68N7RI/ref=pd_sim_sbs_14_3?ie=UTF8&dpID=513HzdgwuxL&
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G1R3TNQ07
http://www.amazon.fr/Hannibal-Zakya-
DAOUD/dp/2262036640/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1455718721&sr
=1-1&keywords=Zakya-Daoud-Hannibal
« [Rome] s’engage beaucoup plus en Orient dans les années qui suivent la fin de
la guerre contre Hannibal, avec la deuxième guerre de Macédoine (200-196),
ainsi que la guerre Antiochos III de Syrie (192-188), la troisième guerre de
Macédoine (172-168) et la guerre contre la ligue achéenne (146 : prise et
destruction de Corinthe). Les guerres contre Mithridate, au Ier siècle, sans
compter le legs du roi Attale III en 133 de son royaume de Pergame, lui
113
permettent d’augmenter très sensiblement ses possessions et son influence en
Orient. […]
Les principaux bénéficiaires de ces conquêtes sont les membres de l’élite, qui
s’enrichissent de façon spectaculaire. » (p.23)
« Tout est politique dans [l’affaire des Bacchanales], il n’y a rien de religieux. »
(pp.23-24)
« L’analyse de Beard [1999 ; voir aussi Beard, North et Price, 2006] est
semblable : il s’agit de supprimer son identité de groupe indépendant car
certains sénateurs ont conscience que le danger de ce culte est dans sa fonction
de religion alternative et de groupe social à l’extérieur du contrôle des autorités
religieuses et politiques traditionnelles de la cité. Il en va de même pour les
efforts des autorités romaines qui cherchent à assurer le contrôle du culte d’Isis
[…] et de la pratique de la magie et de l’astrologie, les astrologues étant des
experts qui n’appartiennent pas aux groupes sacerdotaux traditionnels, qui
peuvent donc être dangereux et qui sont périodiquement chassés, ainsi que les
magiciens [Martin, 2007]. Scheid [1981] souligne que ce n’est pas l’astrologie
en tant que telle qui est accusée, mais les aspects séditieux que peut comporter
sa pratique ; de même, la pratique de la magie peut engendrer des crimes de
droit commun comme les empoisonnements. » (p.24)
-Catherine Wolff et all, Religion et pouvoir. Monde romain 218 av. J.C. - 235
ap. J.-C., Atlande, 2019, 399 pages.
« On commença à concevoir que le droit existant, matérialisé par les lois et les
coutumes, n'est que l'image imparfaite (donc perfectible) d'un droit naturel
d'origine divine, en ce sens qu'il tient à la nature même de la création et
appartient à l'ordre du monde. Des facultés que possède l'être humain, il en est
une, la raison, qui le met à même de comprendre ce plan de la création, et le
droit, comme la morale, doit donc être fondé en raison : à la limite, tout le droit
est déductible a priori de principes abstraits, que dégage la philosophie. Ce qui
entraîne immédiatement une grave conséquence : la raison, faculté humaine par
excellence, est universelle, et le droit, s'il en émane, doit lui aussi être universel
dans ses applications comme dans ses principes. Il cesse d'être lié à une cité
particulière, à tel ou tel groupe d'hommes, pour s'étendre à l'humanité entière.
Au regard de la raison, il n'y a plus ni citoyens, ni pérégrins, ni hommes libres,
ni esclaves, mais des êtres ayant des exigences semblables. » -Pierre Grimal, La
civilisation romaine, 1960.
« La République romaine, alors même qu’elle est emportée par les conflits
extérieurs et les guerres civiles, avant de s’effondrer dans le régime impérial,
connaît une révolution intellectuelle sous l’emblème de la Raison. La vérité de
cette époque troublée n’est pas seulement dans les armes, mais aussi dans son
esprit de rationalité. » (p.13)
116
« Les Romains avaient conscience qu’ils vivaient un âge de progrès : plus de
connaissances, plus d’esprit critique, plus de livres, plus de lumières en
somme. » (p.21)
« Pour les Romains de la fin de la République, il ne faisait pas de doute que leur
cité traversait depuis un sicèle la plus grave crise de leur histoire. « Voici la
cinquième guerre civile –et toutes ont eu lieu en notre temps ! » s’écrie Cicéron,
en 43, tandis que Marc Antoine menace à son tour l’autorité du Sénat et la
liberté du peuple romain. Mais le siècle n’est pas fini : et Cicéron, qui va bientôt
périr assassiné, ne verra pas la dernière des luttes fratricides, celle qui
opposera Antoine et Octave et s’achèvera par la bataille d’Actium en 31.
L’espace de trois générations : un siècle de crise, une « révolution » qui s’ouvre
par l’assassinat, en 133, du tribun de la plèbe Tiberius Sempronius Gracchus et
de ses partisans. Au terme de ce séisme, à l’heure où Auguste instaure la Paix
romain, célébrée par l’inauguration de l’autel de la Paix sur le Champ de Mars,
par la fermeture hautement symbolique du temple de Janus et par la
restauration du temple de la Concorde, le calcul est impossible de dégâts et de
victimes. Que reste-il de la res publica après tant de violence ? Après les
proscriptions, les confications de biens, la pression des armes jusqu’au Forum
et jusqu’au Capitole ? Après la guerre italique, les révoltes serviles, la
conjuration de Catilina et les troubles fomentés par Clodius, les affrontements
entre Sylla et Marius, entre Pompée et César, entre Octave et Marc Antoine ?
Dans le prologue de son grand poème, publié en 55-54, Lucrèce évoque les
« temps tragiques que connaît la patrie » (patriae tempore iniquo) et voit les
hommes comme des « errants, cherchant au hasard le chemin de la vie ». […]
Au-delà des combats et des dérèglements en tous genres, derrière le bruit des
armes, un monde s’écroule et se disloque, un univers se fissure : l’homme
romain est perdu dans sa cité. « Nous étions errants dans notre cité », écrira à
son tour Cicéron quelques années plus tard. L’époque vit des changements
institutionnels, des « révolutions civiles », qui sont autant de secousses
auxquelles la pensée se trouve confrontée. Le passage de la République à
l’Empire ne se sera pas fait de manière douce et insensible : il aura été brutal. »
(p.25-26)
« Les Romains n’ont jamais tant réfléchi qu’à cette époque sur les passions, sur
les peurs et sur les moyens de les juguler. » (p.44)
117
« A l’époque impériale, des Sénèque, des Tacite, des Pline se retourneront avec
nostalgie sur l’immense liberté que connut cette époque où la liberté fut en si
grand danger. La tyrannie, dont Cicéron voyait le spectre menacer la respublica
dès les années 50, l’avait emporté finalement et, avec elle, l’esprit ancien
semblait avoir succombé. C’est pourquoi un Cremutius Cordus put écrire sous
Tibère que les assassins du tyran César, Cassius et Brutus, étaient les derniers
des Romains : il le paya de sa vie. » (p.53)
https://www.amazon.fr/R%C3%A9publique-romaine-Christophe-
Badel/dp/2130583377?ie=UTF8&ref_=asap_bc
118
restait soumise à la volonté du Sénat. Après la troisième guerre de Macédoine
cependant, quand il apparut que plus aucune puissance ne pouvait inquiéter
Rome, l'idée se fit jour, puissamment développée en tout cas par Caton l'Ancien
à partir de 153, que cette cité, qui s'enrichissait à nouveau, pourrait un jour
chercher à prendre sa revanche. Sa disparition fut décidée. Malgré une
résistance héroïque de deux ans, la ville fut prise en 146 par Scipion Émilien."
(pp.66-67)
« [Il contribua] à mettre en place un thème idéologique qui devint vite récurrent
dans la pensée politique romaine, qui faisait du luxe une menace pour la cité,
puis la cause de sa décadence. » (p.85)
« Il réaffirmait le droit de la cité à disposer des gains faits lors des conquêtes, il
proclamait la subordination des intérêts privés des magistrats à l’ordre et à
l’équilibre publics et il tentait de faire en sorte que le prestige de certains ne
vînt pas fausser les conditions de la compétition aristocratique. » (p.87)
https://www.amazon.fr/Caton-ou-citoyen-Jean-No%C3%ABl-
Robert/dp/2251442057/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1466440967&sr=8-
1&keywords=Caton+ou+le+citoyen
119
suspecte. Cette méfiance naissante fut nourrie par les rapports et les
dénonciations de certains Achaiens hostiles aux dirigeants du moment et
partisans d'une soumission inconditionnelle aux exigences des Romains. Ces
hommes, menés par Callicratès, accusèrent les gens au pouvoir d'être
d'intelligence avec Persée. Polybe lui-même avait su se faire apprécier par les
généraux et les officiers supérieurs romains qui servaient en Grèce, mais le
Sénat fut bientôt résolu à en finir avec le parti des patriotes achaiens, auquel
appartenait le fils de Lycortas. C'est ainsi qu'après la défaite de Persée (168),
lorsque Callicratès eut dressé une liste d'un millier de notables achaiens
suspects de déloyauté envers Rome, il exigea que ces hommes, parmi lesquels
figurait Polybe, fussent traduits en justice. Comme il n'existait contre eux
aucune charge qui pût les faire condamner par un tribunal achaien, il décida de
les faire emmener à Rome pour y être jugés. Une fois arrivés en Italie, ceux-ci
ne passèrent naturellement pas en jugement, mais ils furent retenus loin du
Péloponnèse pendant près de dix-sept ans. Callicratès et ses amis purent dès
lors, sans opposition dangereuse, gérer les affaires de la Confédération en
conformité avec les volontés du Sénat.
Déporté en Italie en 167 comme suspect d'hostilité à l'égard de Rome, Polybe
rentra en Grèce en 150 avec la réputation, qu'il allait bientôt justifier par des
actes, d'être un des plus sûrs amis des Romains. Lorsqu'il dut quitter la Grèce, il
avait dépassé la quarantaine. Il n'était donc pas de ces adolescents malléables,
héritiers de quelque trône ou fils de grandes familles, que les Romains
retenaient pendant des années parmi eux comme otages et qu'ils s'efforçaient de
dresser à la soumission. Il n'appartenaient pas non plus, on s'en convaincra en
lisant son Histoire, à l'espèce dont on fait les "collaborateurs". Il resta ce qu'il
avait été jusque-là, avec son caractère aux lignes fortement dessinées, avec ses
principes et ses idées solidement ancrés, mais il apprit à connaître des hommes,
une cité, des institutions, des façons de penser et d'agir, tout un monde nouveau
pour lui. Sa réflexion en fut fortement stimulée et sortit des limites assez étroites
dans lesquelles elle était restée cantonnée jusqu'alors. Gardons-nous de parler
de reniement ou de revirement intéressé. C'est au contraire dans cet effort pour
élever sa pensée à la hauteur d'une expérience bouleversante que se trouve la
grandeur de Polybe. Il lui fallut réviser ou plutôt élargir à l'échelle du monde vu
de Rome toutes les conceptions acquises dans son petit Péloponnèse natal sur
les hommes, sur les régimes politiques, sur la puissance et sur la guerre. Il ne
rejoignit pas pour autant les rangs de ces insipides citoyens du monde, de ces
plats rhéteurs cosmopolites qui pullulaient alors. Il ne chercha pas à discourir
120
mais à comprendre. Il ne devint pas un de ces Graeculi que les Romains
écoutaient avec amusement, tout en les méprisant. Il sut au contraire, en restant
un vrai Grec, un Achaien et un Mégalopolitain, forcer leur estime et leur respect
par la dignité de son caractère, par le sérieux de ses préoccupations et par la
gravité de ses réflexions." (pp.41-42)
"Aux yeux du vieux Caton, qui, on peut le croire, fit forte impression sur Polybe,
Rome devait se contenter d'être la première cité d'Italie et, tout en profitant des
avantages matériels que lui valaient ses victoires, éviter de se dénaturer en
cherchant à prendre, en Grèce et en Orient, la succession des grandes
monarchies hellénistiques. Elle avait fait la guerre pour mettre son domaine
italien à l'abri des ambitions d'autrui. Elle l'avait emporté grâce à la qualité de
ses institutions et aux vertus de son peuple. Elle pouvait maintenant laisser les
autres croupir dans leurs vices. Elle n'avait pas charge d'âmes étrangères. Il lui
suffirait désormais de veiller à ce que nulle part, en Afrique, en Grèce ou en
Asie, quelque Etat ne pût amasser de ressources suffisantes pour défier la
puissance de Rome. Mais Caton ne voulait pas que, fascinée par les prestiges
d'un hellénisme décadent, sa patrie en vînt à laisser la culture romaine se noyer
dans les eaux troubles de la civilisation hellénistique.
Il n'est pas douteux que Polybe, patriote archaien, ait été sensible à de telles
conceptions, et cela d'autant plus qu'il avait appris à admirer les institutions
ainsi que les qualités spécifiques (avec les défauts et les limites qui en étaient
l'envers) de la nation romaine. De fait, il est permis d'éprouver plus de
sympathie pour le genre "vieux Romain" incarné par Caton que pour la
brillante personnalité du grand Scipion et celle -moins brillante- de son petit-fils
adoptif, Scipion Aemilien. Mais Polybe, malgré tout, était grec, c'est-à-dire que
tout républicain et achaien qu'il était, l'idée d'une domination universelle sur le
genre humain lui était familière, sans qu'il faille voir là l'effet de quelque
adhésion à la doctrine stoïcienne. Cette idée, qui ne s'accompagne chez lui
d'aucun mysticisme, avait été empruntée aux Perses par Alexandre et elle était
maintenant fort répandue dans le monde hellénistique." (p.46-47)
« On sait que Polybe a été aussi le théoricien et, dans sa vie politique, le
praticien de la « collaboration » avec le vainqueur romain ; cele ne surprend
guère de la part du notable, propriétaire et homme d’ordre, qu’en bon Achaïen
il fut, mais cela pose un problème capital : comment une hégémonie finit-elle
par se légitimer dans le cœur des vaincus ? Comment un maître étranger cesse-
t-il d’être senti comme étranger pour devenir ni plus, ni moins étranger que tout
gouvernement, même national, l’est par rapport aux gouvernés ? Comment une
hégémonie devient-elle Etat multinational ? » (p.855)
Les Gracques : (1) Claude Nicolet + Jean-Michel David, Claude Nicolet - Le métier de citoyen et
Les structures de l’Italie romaine + Les Gracques. Crise agraire et révolution à Rome (forumactif.org)
Gaius Blossius de Cume : « Le stoïcien latin, Blossius de Cuma, après avoir été
le maître des Gracques et notamment de Tiberius Gracchus, aurait participé, à
Pergame, à la révolte d'Aristonique contre l'impérialisme avec un programme
de libération totale des esclaves. » -Denis Collin et Marie-Pierre Frondziak, La
Force de la Morale. Comment nous devenons humains, R&N Éditions, 2020,
311 pages, p.114.
(pp.128-140)
124
-Jean-Michel David, La République romaine. De la deuxième guerre punique à
la bataille d'Actium (218-31 av. J.C.). Crise d'une aristocratie, Nouvelle histoire
de l'Antiquité, tome 7, Éditions du Seuil, coll. Points, 2000, 304 pages.
En 123 av. J.-C., la vestale Licinia, fille du Licinius Crassus qui tenta le
premier de faire passer la réforme de la désignation des prêtres en 145 av.
J.-C., choisit de consacrer à Bona Dea un petit autel à côté de son temple
sur l’Aventin. Face à cette entreprise, le préteur Sextus Julius réagit en faisant
un rapport au sénat et le grand pontife Scaevola annule la décision de Licinia en
vertu de la lex Papiria de dedicationibus (très difficile à dater) qui stipule que
l’on ne peut dédier un sanctuaire sans le vote du peuple. Il y a ici un enjeu
politique mais qui a parfois été interprété étrangement comme acte conservateur,
du fait de l’absence de consultation du peuple. Pourtant, Licinia était la fille de
Licinius Crassus, et, dans le contexte des années 120 où l’opposition entre
popularis et optimates se construit dans la violence, elle a plus
vraisemblablement porté des idées proches de celles de son père. En réalité, un
tel acte était profondément inscrit dans une défense de la plèbe : L’Aventin était
le lieu des auspices de Rémus, or Rémus est selon Meghan Diluzio depuis le IVe
siècle une référence plébéienne. On trouvait sur l’Aventin le temple de Cérès où
les édiles plébéiens gardaient leurs registres. Le culte de Bona Dea était
largement fréquenté par la plèbe. Il y a une cohérence, au contraire, à voir dans
l’acte de défiance de Licinia un soutien aux positions anti-conservatrices. On
notera d’ailleurs que dix ans plus tard, la vestale est condamnée à mort pour
avoir manqué à son serment de chasteté, ce qui laisse penser que le personnage
était fort peu consensuel.
Caius Marius (-157/-86) : "C'était dans ce contexte que Caius Marius s'efforçait
de parvenir au sommet de la cité. Il était originaire d'une famille de rang
équestre d'Arpinium, un municipe du pays volsque qui avait reçu la citoyenneté
complète en 188. Sa famille était de rang équestre et appartenait ainsi à une
aristocratie municipale, intégrée à Rome depuis plusieurs générations, mais qui
125
n'avait d'autres liens avec les milieux dirigeants que ceux de la dépendance
clientélaire. Il avait commencé sa carrière sous les ordres de Scipion Émilien au
siège de Numance. Le grand général l'avait alors remarqué et l'avait désigné aux
jeunes nobles dédaigneux qui composaient son état-major comme celui qui,
peut-être, saurait l'égaler. Le jeune Italien en avait conçu une ambition et une
rage de s'imposer qui, si l'on en croit Plutarque, furent le moteur de toute son
action.
Les témoignages des premiers temps de sa carrière donnent ainsi de lui l'image
d'un individu ferme et déterminé, désireux surtout de s'émanciper des rapports
de domination aristocratique. En 119, alors qu'il était tribun de la plèbe, il
proposa une nouvelle loi sur les procédures de vote qui avait pour conséquence
d'en renforcer le secret. Comme à la demande du consul L. Aurelius Cotta le
Sénat s'opposait à sa proposition, il n'hésita pas à menacer Cotta de le mettre en
prison. Marius appartenait à la clientèle des Metelli. Cotta fit donc appel à l'autre
consul L. Caecilius Metellus Delmaticus pour le contraindre à abandonner son
projet. Loin de s'incliner, Marius menaça de l'incarcérer lui aussi et le Sénat
renonça à ses objections. Par ce geste, il se donnait la réputation d'un homme
politique résolu sur lequel le peuple pourrait compter.
Au point où en était la vie politique romaine, il était assuré alors d'une certaine
popularité. A examiner en effet les divers aspects de sa personnalité, il
constituait une figure tout à la fois classique et marginale de la représentation
politique qui répondait aux attentes d'une grande partie du corps civique. Il était
d'abord un homme nouveau qui avait construit son image et sa carrière sur sa
compétence de soldat et sur ces qualités de courage, d'intelligence et de ténacité
qui correspondaient au modèle traditionnel de la valeur romaine tel que l'avaient
incarné les Scipions. Faisant de son extraction vertu, il affectait la plus grande
distance à l'égard de l'hellénisme. Il reprenait ainsi des traits catoniens qui lui
permettaient de revendiquer une légitimité face à une oligarchie qui aurait failli
et de se donner l'apparence d'une plus grande authenticité dans l'incarnation de
ces vieilles qualités italiques fondatrices et garantes de la force de Rome. Il
représentait ainsi un espoir pour toutes les catégories de citoyens que les
événements de ces dernières années avaient exaspérés et qui pouvaient
s'identifier à lui: les chevaliers et les membres de ces aristocraties municipales
qui avaient été touchés par les massacres de négociants commis en Afrique et
qui souhaitaient une victoire rapide, et d'autre part les milieux populaires qui
pouvaient attendre de lui une reprise de la politique gracquienne.
En 108, alors qu'il avait atteint le moment où il pouvait se présenter au consulat,
126
il combattait Jugurtha comme légat sous les ordres de Q. Caecilius Metellus et il
avait besoin de l'autorisation de son chef pour se rendre à Rome. [...] Marius se
serait alors déchaîné contre [l'oligarchie] lorsqu'il se présenta aux comices. En
tout cas, il fut élu très largement au consulat de 107.
Ce fut à ce moment que se noua une première alliance entre les tribuns de la
plèbe et le nouveau consul. Pendant que l'un d'entre eux, C. Coelius Caldus,
introduisait le vote secret dans les procès populaires de haute trahison et
poursuivait un légat de Cassius Longinus qui s'était rendu aux Tigurins, un autre,
T. Manlius Mancinus, faisait voter une loi qui retirait le commandement contre
Jugurtha à Metellus et le confiait à Marius. Celui-ci, enfin, introduisait une
innovation extrêmement importante dans le recrutement des soldats. Il en mena
les opérations (dilectus) de telle sorte que les citoyens étaient mobilisés dans
l'ordre où ils se présentaient et non plus en suivant la hiérarchie des classes
censitaires. C'était s'appuyer sur le volontariat et favoriser massivement
l'engagement de prolétaires, attirés par les gains que le prestige du nouveau
général permettait d'escompter.
Muni d'une telle armée qui avait placé en lui toutes ses espérances, Marius put
reprendre une offensive énergique contre Jugurtha. Les opérations de Metellus
l'avaient repoussé à la frontière de la Maurétanie et il n'espérait son salut que
dans l'alliance qu'il avait passée avec Bocchus, le roi de ce pays. La campagne
dura encore deux ans, marquée par le succès. En 105 enfin, il vainquit
définitivement Jugurtha, mais ne dut sa capture qu'à son questeur de 107, L.
Cornelius Sulla, qui, combattant sous ses ordres, n'en cherchait pas moins à
acquérir pour lui-même quelque titre de gloire.
Le 1er janvier 104, Marius triomphait, poussant Jugurtha et ses deux fils devant
son char. La situation pourtant était grave. Les Cimbres et les Teutons,
vainqueurs de Mallius Maximus et de Servilius Caepio, approchaient. Personne
d'autre que Marius ne semblait pouvoir faire face à une telle menace. Le Peuple
l'avait élu consul pour la deuxième fois alors qu'il était encore en Afrique et le
Sénat lui avait confié le commandement contre les Barbares. Ce fut alors qu'il
trouva des appuis parmi des hommes politiques populares avec lesquels il put
s'allier jusqu'en 100. Une sorte d'association marianiste faite d'une communauté
d'intérêts et d'accords personnels se constituait, qui reprenait certaines
propositions du programme gracquien. Elle mobilisait tous ceux qui se
reconnaissait dans la personne du grand homme et s'attachaient à lui, ou encore
ceux qui contestaient la domination des quelques familles qui contrôlaient les
magistratures et le Sénat, et cherchaient à se faire une place à la tête de la cité.
127
Grâce à cette coalition, Marius fut, malgré la loi, réélu consul sans même parfois
devoir se présenter devant les comices (en 105, 104 et 102). Il obtint puis
conserva ainsi le commandement contre les Cimbres et les Teutons. Jamais
encore aucun Romain n'avait bénéficié d'une telle confiance ni d'un tel pouvoir.
Il les mit à profit. Au cours des deux premières années (104 et 103), il
réorganisa l'armée profitant de ce que les Cimbres s'étaient tournés vers
l'Espagne. L'année 102 fut celle du premier choc. Il vainquit les Teutons aux
environs d'Aix et les massacra. En 101 enfin, il rejoignit les Cimbres qui étaient
passés en Transalpine par les Alpes du Nord et avec Q. Lutatius Catulus, l'autre
consul de 102, il les détruisit à la bataille de Verceil. Il triomphait alors pour la
deuxième fois.
Il s'était hissé à un niveau de gloire qui égalait et sans doute surpassait celui de
tous les grands vainqueurs précédents: il avait sauvé Rome et l'Italie de
l'invasion barbare, certains n'hésitaient pas à faire de lui un nouveau Romulus, et
le Sénat décida de remercier les dieux de sa victoire par cinq jours de prières
officielles (supplicationes). Il avait réussi aussi à établir avec ses hommes un
rapport privilégié. Les conditions de leur recrutement, la longue durée des
opérations qui favorisait l'attachement, son courage et son énergie en campagne
ainsi que l'attention particulière qu'il leur y avait accordée, avaient créé une
familiarité qui contrastait avec le type de rapports qu'un magistrat romain avait
eu jusque-là avec des soldats. Marius n'hésitait pas non plus à mettre en scène
des formes singulière de supériorité. Il se faisait accompagner d'une prophétesse
syrienne qui le favorisait de ses inspirations. Et, après ses triomphes, il innova
par divers comportements qui devaient signifier aux yeux de tous la position
qu'il avait prise: se rendre au Sénat en costume triomphal, ou boire dans un
canthare à l'image de Bacchus qui lui aussi avait vaincu en Inde les Barbares du
bout du monde. Il avait acquis, avec ses hommes, un potentiel de fidélité et, avec
ses victoires, un capital de charisme inédits, supérieurs en tout cas à ceux de tous
ses adversaires, et entendait bien en tirer profit.
L'alliance avec les populares n'en avait pas moins été indispensable et le
demeurait. Ses principaux partenaires furent L. Appuleius Saturninus qui fut
tribun en 103 et en 100, et C. Servilius Glaucia qui fut sans doute tribun en 104
et préteur en 100. Il avait favorisé leur élection en 101 par le vote de ses
vétérans alors qu'eux avaient permis ses réélections successives au consulat.
Leur politique consista dans un premier temps à accuser les responsables des
défaites des années précédentes et à les faire condamner. Q. Servilius Caepio, le
vaincu d'Orange, fut la principale cible de leurs attaques. En 106, lors de son
128
consulat, il avait réussi à faire modifier la composition des jurys des quaestiones
en en rendant de nouveau le contrôle aux sénateurs. Il était surtout accusé d'avoir
fait disparaître le trésor pris aux Volques Tectosages. Il fut privé de son
imperium par un vote du peuple dès 105 -ce qui constituait une innovation
importante-, soumis à une procédure d'enquête spéciale sur l'or de Toulouse et
condamné en 103, dans un procès comicial. Cn. Mallius Maximus, l'autre vaincu
d'Orange, subit le même sort. M. Iunius Silanus, le consul de 109, et M.
Aemilius Scaurus, le censeur de la même année, qui avait participé aux
négociations avec Jugurtha, furent accusés en 104 devant le Peuple par le tribun
Cn. Domitius Ahenobarbus. Mais tous les deux furent acquittés.
Les tribuns populares reprirent également à leur compte les principes
démocratiques du programme gracquien. En 104, Cn. Domitius Ahenobarbus fit
attribuer aux comices l'élection d'une partie des prêtres de la cité, et L. Cassius
Longinus fit décider que les magistrats qui avaient été condamnés ou privés de
leur imperium seraient exclus du Sénat. Ces mesures sanctionnaient les
condamnations qui venaient d'être prononcées et renforçaient le pouvoir du
peuple sur ses dirigeants. En 104 probablement, C. Servilius Glaucia rendit aux
chevaliers romains le jury de la quaestio de repetundis. Sans doute en 100, L.
Appuleius Saturninus fit adopter une nouvelle loi frumentaire et institua surtout
une nouvelle quaestio perpetua contre quiconque aurait porté atteinte à la
majesté du peuple romain, c'est-à-dire à son pouvoir ou à son autorité ; cela
revenait à offrir à un jury composé lui aussi de membres de l'ordre équestre la
possibilité d'évaluer et de sanctionner tout acte commis par un magistrat romain.
Les propositions agraires réapparaissaient également. Mais la fonction s'en
modifiait. Les projets de distribution de terres concernaient moins désormais les
milieux populaires italiens que les vétérans de Marius qui étaient sans doute
issus largement de la population rurale et qui attendaient de ces concessions une
récompense de leurs années d'engagement. On comprend ainsi l'importance que
revêtait pour leur chef la collaboration des tribuns de la plèbe qui pouvaient faire
adopter de telles mesures. Déjà en 103, Appuleius Saturninus avait fait assigner
des lots de terre de 100 jugères (25 ha) à des vétérans qui avaient été installés en
Afrique. Les lois qu'il fit voter en 100 grâce à la mobilisation des bénéficiaires
étaient plus ambitieuses encore. Elles prévoyaient, d'une part, des fondations de
colonies en Sicile, Achaïe, Macédoine et, d'autre part, la distribution de l'ager
publicus qui avait été acquis dans la guerre contre les Cimbres et les Teutons.
Cette dernière loi contraignait même les membres du Sénat à s'engager par
serment à la respecter. Et Metellus Numidicus, qui refusa de se soumettre à une
129
telle condition, dut partir en exil.
Toute cette activité n'alla cependant pas sans provoquer la résistance de
l'oligarchie. En 102, le même Metellus Numidicus, qui était censeur, marqua
Appuleius Saturninus et Servilius Glaucia d'infamie, mais sans que cela eût
d'effet politique. En outre, comme cela avait déjà été le cas lors des tribunats des
Gracques, il se trouva, peut-être en 105 et en tout cas en 103, d'autres tribuns de
la plèbe pour s'opposer aux mesures populares. Cette fois, cependant, la réponse
fut expéditive que ne l'avait été celle que Tiberius Gracchus avait opposée à M.
Octavius. Ces individus furent chassés du Forum, comme si le fait que ces
mesures étaient prises dans l'intérêt du peuple devait l'emporter sur le droit.
En 101 et en 100, la violence s'aggrava encore. En 101, un candidat au tribunat,
qui venait d'être élu, fut assassiné pour permettre à Appuleius Saturnius de
l'emporter. En 100, ce fut le tour d'un candidat au consulat qui barrait la route à
Servilius Glaucia. L'indignation que provoqua ce dernier crime, associée à celle
qu'avait suscitée l'exil de Caecilius Numidicus, fit basculer la situation. Le Sénat
prit un sénatus-consulte ultime qui imposait aux consuls de prendre des mesures
de répression contre les fauteurs de troubles. Cette disposition était devenue le
seul recours juridique qui pût permettre d'opposer la violence à la violence.
Marius hésita puis, contraint sans doute par le rôle que la magistrature qu'il
gérait lui imposait de jouer, soucieux aussi de préserver la position qu'il avait
acquise dans la cité, il se rallia aux conservateurs et fit assassiner Appuleius
Saturninus, Servilius Glaucia et leurs partisans. Ce renversement d'alliance
apaisait la cité pour dix ans." (pp.154-160)
"Ces années qui virent la montée en puissance de Caius Marius et son alliance
avec des tribuns populares avaient ainsi été l'occasion d'innovations
importantes dans les mécanismes de la vie politique romaine qui déterminaient
à leur tour les pratiques à venir.
Même s'il en avait emprunté certains traits à de grands précédents comme les
deux Scipions l'Africain et Émilien, Marius avait défini une nouvelle figure de
chef militaire. Il était victorieux d'ennemis redoutables qui avaient vaincu les
armées romaines et menaçaient l'existence même de la cité. Il avait bénéficié
d'une aide particulière des dieux qui se manifestait par des miracles ou des
oracles exceptionnels. Il avait porté l'Empire de Rome et sa propre gloire à des
niveaux qui n'avaient encore été atteints par personne. Il avait géré le consulat
six fois: en 107 et de 104 à 100. Un modèle était ainsi en place, mais qui invitait
à la surenchère, car, pour être grand désormais, il faudrait l'être plus que le
130
vainqueur de Jugurtha, des Cimbres et des Teutons.
L'armée qui lui avait permis de remporter ces succès avait en partie changé de
nature. Le recrutement de prolétaires auquel il avait procédé achevait certes
une évolution qui avait commencé au cours de la deuxième guerre punique puis
s'était poursuivie sous les Gracques: le niveau censitaire du recrutement avait
été abaissé et, en échange, la cité avait commencé à fournir aux hommes leur
armement puis leur équipement. Mais, avec cette réforme, les citoyens démunis
qui étaient mobilisés allaient attendre avec encore plus d'intérêt les
récompenses qui reconnaîtraient leur courage et amélioreraient leur situation.
Le recrutement avait tendance à se faire dans les zones rurales,
particulièrement dans celles qui étaient sans doute le plus affectées par les
phénomènes d'exode rural. Ces soldats qui avaient conservé leurs racines
paysannes auraient désormais sous les yeux le précédent que constituaient les
concessions de terres dont avaient bénéficié les vétérans de Marius. Une
relation particulière enfin s'était mise en place entre les hommes et ce chef
victorieux qui les entraînait dans des campagnes de plusieurs années et qui les
grandissait de ses propres victoires. L'exemple n'était pas perdu, et Sylla,
Pompée et César sauraient s'en emparer pour se gagner l'attachement
d'hommes qui attendraient d'eux la rémunération de leur valeur et en échange
les soutiendraient contre leurs adversaires.
L'association avec des tribuns populares avait créé une autre série de
précédents. Marius avait eu besoin de leur aide afin d'obtenir pour lui les
grands commandements et pour ses hommes les colonies et les distributions de
terres. Ses partenaires, en contre-partie, avaient bénéficié de la caution de son
prestige et du vote de ses vétérans. Il apparaissait alors qu'il ne pourrait y avoir
à l'avenir de pouvoir à la hauteur de celui qu'avait exercé Marius sans la
reconnaissance populaire d'une supériorité ni sans une alliance de ce genre
entre magistrats qui permettait d'obtenir les commandements exceptionnels. La
gestion et la promotion de la supériorité au niveau où elle était désormais
placée passaient par une concentration ou par une mise en commun des
ressources politiques. Une telle puissance cependant ne pouvait plus être
régulée par aucune disposition constitutionnelle. Placée en quelque sorte hors
des cadres de contrôle de la cité, elle ne pouvait plus être maîtrisée ni par
l'opposition du Sénat, ni par l'intervention des autres magistrats. La seule
réponse possible résidait dans la violence." (pp.161-162)
131
"Le déclenchement des deux guerres sociales et de Mithridate avait provoqué un
appauvrissement brutal de l'Etat romain et des particuliers. Les régions et les
provinces insurgées ne rapportaient plus ni impôts, ni taxes, ni loyers, ni intérêts.
Les capitaux qui y avaient été investis étaient apparemment perdus. Ceci
provoqua une brusque tension sur le crédit et ouvrit la question des dettes. Bien
des débiteurs, et parmi eux des membres de l'aristocratie sénatoriale et équestre,
se trouvaient incapables de rembourser des créanciers qui réclamaient leur dû
avec d'autant plus d'acharnement que la banqueroute les menaçait aussi. Le péril
était lourd de conséquences, car, à Rome, la faillite entraînait l'infamie et, bien
entendu, l'exclusion des ordres supérieurs. Le problème apparut brutalement en
89 quand le préteur A. Sempronius Asellio, qui avait redonné vigueur à une
vieille disposition protégeant les débiteurs, fut assassiné en plein Forum par les
usuriers exaspérés. Il fut ensuite au coeur de toutes les tensions qui marquèrent
les années suivantes.
Dès 90, l'intégration des nouveaux citoyens dans les cadres civiques romains
ouvrit une autre série de difficultés. Ce n'était pas leur inscription dans la
hiérarchie des classes censitaires qui inquiétait puisqu'elle reproduisait l'ordre
social, mais celle de leur répartition dans les tribus. Leur nombre était tel qu'ils y
changeaient la majorité. Les premières solutions envisagées furent donc soit de
créer pour eux deux tribus nouvelles, soit de les cantonner dans 8 ou 10 tribus
qui leur seraient abandonnées, de telle sorte en tout cas qu'ils ne menacent pas
l'ensemble des 35. Ils protestèrent évidemment, et leur agitation contribua à
intensifier les conflits politiques.
Toutes ces questions constituèrent le fondement de l'action que le tribun de la
plèbe P. Sulpicius Rufus mena en 88. Il fit d'abord voter une loi qui imposait une
limite de 2000 deniers aux dettes que les sénateurs pouvaient contracter. Il
proposa surtout que les nouveaux citoyens fussent répartis dans les 35 tribus.
L'entreprise était audacieuse. Elle avait sans doute pour objectif de lui gagner la
reconnaissance des Italiens ; ce qui l'aurait mis à un niveau de pouvoir
extraordinaire. Mais elle provoqua aussitôt l'opposition des anciens citoyens qui
perdaient là leur propre influence. Par la violence cependant, il parvint à ses fins.
Il fit surtout attribuer le commandement de la guerre contre Mithridate à Marius
avec lequel il s'était associé et qui désirait ardemment renouveler son prestige et
sa fortune par une campagne à la hauteur de son statut de sauveur de Rome. Et
ce fut cette dernière mesure qui déclencha la guerre civile.
L'un des deux consuls de 88, en effet, était L. Cornelius Sylla, l'ancien questeur
132
puis légat de Marius. A la différence de ce dernier, Sylla appartenait à
l'aristocratie sénatoriale la plus ancienne -il était patricien- et la plus reconnue.
Ses ancêtres immédiats, son arrière-grand-père, son grand-père et son père
n'avaient pas pu atteindre le consulat. Sa famille ne comptait pas non plus parmi
les plus riches. Mais lui-même en enrayait le déclin. Il avait tiré gloire de la
capture de Jugurtha et avait participé avec éclat aux campagnes contre les
Cimbres et les Teutons puis de la guerre sociale. En 88, précisément, il avait
obtenu l'alliance des Metelli en épousant Caecilia Metella, la fille de L.
Caecilius Metellus Delmaticus, le consul de 119, et la nièce de Q. Caecilius
Metellus Numidicus, le consul de 109. Actif, général reconnu, il était alors
certainement un des espoirs des familles dominant le Sénat.
C'était lui qui avait reçu ce commandement que la loi de Sulpicius lui retirait et
il entendait d'autant moins y renoncer que cette abrogation constituait une
innovation sans précédent comparable. Son imperium s'étendait sur tous les
territoires perdus et s'annonçait comme le plus ambitieux et le plus fructueux qui
ait été confié à un général romain depuis les grandes conquêtes du IIe siècle. Il
avait déjà recruté ses troupes qui étaient cantonnées en Campanie. Elles aussi
attendaient beaucoup de cette campagne dont le butin apparaissait prometteur. Il
réagit alors de façon totalement inédite à ce qui apparaissait comme une tyrannie
tribunicienne absolument insupportable. Il prit ses troupes en main et marcha sur
Rome. Un tel acte était d'une gravité inouïe, puisqu'il contrevenait à tous les
principes religieux et juridiques qui interdisaient l'entrée d'une troupe à
l'intérieur de la Ville. Il balaya rapidement les résistances et prit les mesures qui
lui semblaient pouvoir rétablir la situation.
Il fit déclarer ses adversaires ennemis publics par le Sénat puis fit voter une loi
qui autorisait n'importe qui à s'emparer d'eux et à les tuer. Le tribun Sulpicius
Rufus fut pris et exécuté alors que d'autres, comme Marius, réussirent à s'enfuir.
Il fit abroger les plébiscites de Sulpicius Rufus, rétablir un contrôle préalable du
Sénat sur les décisions populaires et confier le vote des lois aux comice
centuriates ; ce qui aurait eu pour double effet d'ôter une partie de leurs pouvoirs
aux tribuns de la plèbe et de dédramatiser la question de la répartition des
nouveaux citoyens. Il reprit à son compte la mesure de Livius Drusus d'un
élargissement de l'ordre sénatorial à 300 chevaliers et atténua le poids des dettes
par une limitation des intérêts. Puis il partit en campagne contre Mithridate.
La période qui s'ouvrit alors fut une des premières où la cité fut divisée. Pendant
que Sylla guerroyait en Orient, les marianistes reprenaient le pouvoir à Rome et
133
y menaient leur propre politique. Marius avait survécu aux recherches de ses
ennemis. Après une longue errance en Campanie, en Sicile et en Afrique, il
revenait en Italie, ivre de vengeance. Les deux consuls de 87 s'étaient
immédiatement affrontés à leur tour sur la question des nouveaux citoyens. L.
Cornelius Cinna, qui les favorisait, avait été chassé de Rome et mobilisait une
armée dans les villes d'Italie. Il fut rejoint par Marius. Les deux hommes
entrèrent dans Rome, massacrèrent à leur tour leurs adversaires, firent déclarer
ennemis publics ceux qui, comme Sylla, leur échappaient, abrogèrent les lois
qu'il avait fait adopter et imposèrent leur domination.
De 87 à 82, les marianistes gouvernèrent alors sans partage. Marius obtint pour
86 le septième consulat que des présages lui avaient annoncé, pour mourut.
Cornelius Cinna fut consul en 86, 85 et 84, l'année de sa mort. D'autres les
assistèrent ou leur succédèrent, parmi lesquels Cn. Papirius Carbo consul en 85,
84 et 82, et le fils de Marius, consul en 82. La politique qu'ils menèrent reprenait
certains aspects habituels des propositions populares. C'est ainsi qu'en 83 le
tribun M. Iunius Brutus fit voter la fondation d'une colonie à Capoue." (pp.168-
171)
« [Marius revêt] plusieurs fois de suite (de 104) à 100 le consulat, alors que c’est
en principe interdit depuis 151. Sa gloire est à son comble après ses victoires sur
les Cimbres et les Teutons en 102 et 101 et le peuple lui offre des libations
devant l’autel des Lares (Valère Maxime, VIII, 15). Même si le geste est fort, il
ne s’agit que d’une manifestation privée et temporaire […]. C’est au cours de
cette guerre civile, en 87, que le flamine de Jupiter, Lucius Cornelius Merula, se
suicide dans le temple de Jupiter Capitolin, au moment où Marius et ses
partisans s’emparent de Rome. Il est remplacé par César, mais son élection est
cassée par Sylla, ce qu’il peut faire dans la mesure où César n’a pas été inauguré
formellement, et ce n’est qu’en 11 av. J.C. que le sacerdoce est à nouveau
pourvu. Les rites dont il est chargé sont accomplis par le collège des pontifes
(Tacite, Ann., III, 58). Le temple de Jupiter Capitolin est incendié en 83 ; les
Livres sibyllins, qui s’y trouvent, brûlent également. Le grand pontife Quintus
Mucius Scaevola est assassiné en 82. » (p.28)
134
-Catherine Wolff et all, Religion et pouvoir. Monde romain 218 av. J.C. - 235
ap. J.-C., Atlande, 2019, 399 pages.
"Le temple de Jupiter Capitolin, qui avait été détruit en 83 dans un incendie, fut
reconstruit. [...]
Sylla conclut son action en abdiquant la dictature en 80 alors même qu'il était
consul cette année-là. En 79, il se retira dans sa villa près de Pouzzoles, en
Campanie, où il mourut peu après, en 78. Cet abandon du pouvoir était
cohérent avec cette ambition qu'il avait manifestée de restaurer les principes
aristocratiques du fonctionnement de la cité." (p.180)
138
-Jean-Michel David, La République romaine. De la deuxième guerre punique à
la bataille d'Actium (218-31 av. J.C.). Crise d'une aristocratie, Nouvelle histoire
de l'Antiquité, tome 7, Éditions du Seuil, coll. Points, 2000, 304 pages.
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La fin de la République:
"[Pompée] voulait le triomphe sur les pirates et sur Mithridate, la ratification
des mesures qu'il avait prises en Orient et des concessions de terres à ses
vétérans. [...] Accéder aux des autres en revanche était tout à la fois légitimer ce
rôle de souverain hellénistique qu'il avait joué en Orient et lui garantir l'appui
clientélaire de ses vétérans qui se trouveraient grâce à lui pourvus de terres.
L'opposition vint en 60 de ses ennemis personnels, de Q. Caecilius Metellus
Celer qui était consul cette année-là, de L. Licinius Lucullus qui avait été frustré
de sa victoire sur Mithridate et de Caton qui défendait les principes de la
république aristocratique. Le tribun L. Flavius, qui était un partisan de Pompée
et qui, précisément, présentait la loi agraire qui aurait permis la distribution des
terres à ses vétérans, reprit le vieux geste popularis qui consistait à mettre le
consul en prison pour signifier que ce dernier contrariait la puissance
tribunicienne et les intérêts du Peuple. L'échecs fut total. Metellus y convoqua le
Sénat, et Pompée, isolé, comprit que le blocage serait difficilement surmontable.
Ce fut alors qu'il trouva deux alliés.
Le premier était César. Il revenait de son gouvernement d'Espagne ultérieure
d'où, en 61, il avait mené campagne contre les Callaïques et les Lusitaniens en
circulant sur l'Océan ; ce que personne n'avait fait auparavant. Lui aussi
réclamait le triomphe. La règle lui imposait dans ce cas de rester hors de la
Ville en attendant la décision du Sénat. Il demandait donc l'autorisation d'être
139
candidat au consulat in abstentia. Le Sénat était prêt à céder, mais Caton, par
des manoeuvres d'obstruction, bloqua la décision. César renonça et se présenta
en personne devant les comices. Sans doute, dès ce moment, obtint-il l'appui de
Pompée. En tout cas, il l'emporta. La coalition conservatrice au Sénat
réussissait cependant à faire élire contre lui un adversaire: M. Calpurnius
Bibulus.
Le second était Crassus, le vainqueur de Spartacus, qui avait été autrefois
l'ennemi de Pompée et qui le jalousait toujours, mais qui se heurtait de la même
façon à l'opposition de ces sénateurs devenus si sourcilleux des règles quand il
s'agissait du prestige et du pouvoir d'autrui. Crassus défendait les intérêts de la
plus puissante des compagnies de publicains, celle qui avait pris à ferme les
impôts de la province d'Asie et qui ne tirait pas de cette concession les revenus
qu'elle avait escomptés en répondant à l'appel d'offres. Là encore, l'opposition
était menée par Caton, indigné d'un tel manquement aux engagements.
Ce fut César qui prit l'initiative du rapprochement entre Crassus et Pompée.
[...] Comme ils cumulaient le consulat de César, la fortune de Crassus, le
prestige et les clientèles de Pompée, rien ne pouvait plus s'opposer à leur
volonté. Le triumvirat était né dont Caton annonçait déjà qu'il provoquerait la
fin de la République puisque, en détruisant l'équilibre aristocratique, il ne
laissait plus d'autres issue que la lutte pour la monarchie. [...]
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140
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9X7VS1B4TFYJE98
"Aucune opération de cens n'avait eu lieu depuis 86. En 70, deux censeurs
furent élus. Ce même souci qui dominait alors de restaurer la vertu sénatoriale
pour éviter de trop grands troubles les conduisit à marquer 64 sénateurs
d'infamie. Mais l'essentiel de leur action fut de recenser plus de 900 000
citoyens. Le corps civique avait ainsi doublé depuis la guerre sociale ; ce qui
modifiait nécessairement les conditions de la vie politique." (p.189)
"En 68, l'audace des pirates et l'insécurité étaient telles que certains d'entre eux
réussirent à s'emparer de deux préteurs. L'émotion à Rome fut considérable. En
67, un tribun de la plèbe partisan de Pompée, A. Gabinius, proposa une loi qui
lui donnait pour trois ans au moins un imperium consulaire qui s'étendait sur
toute la Méditerranéen et sur toute la Méditerranée et sur une bande côtière de
50 milles (75 km environ), à égalité avec les gouverneurs. Il pouvait 24 légats,
armer 500 navires auprès des alliés et utiliser autant de fonds et lever autant de
soldats qu'il voulait. Sous bien des aspects, de telles dispositions étaient
142
exceptionnelles. La plupart des sénateurs y étaient hostiles, car elles donnaient
trop de pouvoir et d'importance à un homme qu'ils ne souhaitaient pas voir
grandir à ce point. Un tribun, Trebellius, s'opposa à la loi. Sa résistance fut vite
vaincue par Gabinius qui, pour le faire plier, engagea contre lui cette même
procédure de déposition que Tiberius Gracchus avait autrefois inaugurée contre
Octavius ; comme si empêcher la collation de tels pouvoirs à Pompée eût été
agir contre les intérêts du Peuple. Le jour même où la loi fut votée, le prix du
blé baissait.
L'action de Pompée fut efficace. Il définit 13 secteurs côtiers qu'il attribua à
certains de ses légats avec mission de combattre ou de s'emparer de tous les
pirates qui s'y réfugieraient. [...]
A la fin de l'été 67, la piraterie était éradiquée. Pompée recevait à nouveau le
titre d'imperator. [...]
Une autre mission l'attendait. [...] A la tête de l'armée qu'il avait reprise à
Lucullus et de contingents asiatiques, il battit Mithridate qui se réfugia dans ses
possessions de Crimée [...] Toute l'Anatolie passait sous domination romaine."
(pp.190-11)
"En 64, Pompée poussa encore plus loin. Il passa en Syrie et en fit une province.
Prenant parti dans le conflit entre les prétendants au royaume de Judée, il fit le
siège et s'empara de Jérusalem et de son temple." (pp.191-192)
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W3TGQE29AP
« [C. Iulius Caesar dit César] appartenait à une vieille famille patricienne qui
n'avait cependant retrouvé une place importante qu'avec son grand-oncle, C.
Iulius Caesar Strabo, édile en 90. Sa tante avait été mariée à Marius, et lui-
même avait épousé la fille de Cornelius Cinna qui avait été consul de 87 à 84.
Son père avait été préteur, mais l'avait laissé orphelin alors qu'il n'avait qu'une
quinzaine d'années. Mal placé au sein de l'oligarchie syllanienne, il avait fondé
l'essentiel de sa carrière sur la munificence dont il avait fait preuve dans la
quête des clientèles et la volonté dont il avait témoigné, lors de son édilité en 65,
de restaurer le souvenir de Marius en faisant rétablir ses trophées et ses images.
Puis il avait profité de la présidence de la quaestio de sicariis qu'il avait exercée
en 64, pour faire condamner certains assassins des marianistes proscrits par
144
Sylla et acquérir ainsi la reconnaissance et l'adhésion de leurs descendants. A
l'automne 63, il était préteur désigné et surtout grand pontife, ce qui lui donnait
une place très élevée dans la hiérarchie des prêtrises. Il profita alors du débat
sur le sort des complices de Catalina pour réaffirmer ses positions populares en
s'opposant à leur exécution. » (pp.197-198)
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GALLO/dp/226614765X/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1466440749&sr
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https://www.amazon.fr/Jules-C%C3%A9sar-dictateur-Luciano-
Canfora/dp/2081290448/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1466440808&sr=
1-1&keywords=Luciano-Canfora-Jules-Cesar
Marcus Junius Brutus Caepio (-85/-42): « Ce m'est une très grande joie, en
cet instant, de constater que je n'ai été trahi par aucun de mes amis. Si j'avais
des reproches à faire, je n'en ferais qu'à la Fortune. Non pour moi, mais pour
ma patrie. Car je m'estime, pour ma part, plus heureux que nos vainqueurs.
Dans le passé comme aujourd'hui, oui, je suis plus heureux qu'ils ne le seront
jamais. Je laisserai au moins une réputation de vertu. De cela, ils ne
triompheront jamais par les armes. Et tout leur argent ne parviendra pas à la
ternir cette vertu. Ils ne pourront empêcher la postérité de voir en eux des
individus méchants et injustes, qui auront mis à mort des hommes de bien,
loyaux et justes, dans le but d'usurper un pouvoir auquel ils n'avaient aucun
droit. Quant à vous, vous avez tenté la Fortune. S'il vous reste une chance de
faire la paix avec nos ennemis, saisissez-la et pensez à vous conserver. Allez-
vous-en, maintenant. » -Dernier discours de Marcus Junius Brutus à ses troupes.
https://www.amazon.fr/Brutus-assassin-id%C3%A9al-Anne-
Bernet/dp/2262016143/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1480801000&sr=8-
1&keywords=Brutus%2C+assassin+par+id%C3%A9al
145
C'était un personnage ambitieux et brillant parfaitement capable de conforter,
voire de promouvoir, le rang d'une famille. Sa fortune n'était pas considérable,
mais ses clientèles et relations étaient puissantes et étendues. Sa carrière avait
failli s'arrêter en 61. A la fin de 62, il avait commis un grave sacrilège. Profitant
de la cérémonie des Damia qui se déroulait exclusivement entre matrones dans
la maison de César, le grand pontife, il s'était déguisé en femme pour rejoindre
l'épouse de celui-ci. Il fut surpris. César divorça, mais Clodius fut poursuivi. Les
témoignages étaient accablants, celui de Cicéron surtout qui détruisit tous ses
alibis. Il aurait été condamné si Crassus n'avait acheté les juges. Ce fut cet
épisode qui inspira à Clodius cette haine violente contre Cicéron et les autres
membres de l'aristocratie qui firent de lui un des principaux acteurs de la
violence politique dès lors qu'il réussit au cours des années cinquante à se
gagner une position forte dans le jeu des factions.
Coupé de l'oligarchie conservatrice, trop jeune pour espérer un grand
commandement, sans doute désireux aussi de se donner les moyens d'une action
autonome, il chercha en effet à s'appuyer sur le petit peuple de Rome [...] Pour
cela, le tribunat de la plèbe lui était nécessaire alors même que son statut de
patricien l'empêchait de l'obtenir. En 59, il trouva le soutien des triumvirs qui
comptaient sans doute l'utiliser pour contrer l'opposition de certains sénateurs,
de Cicéron notamment qui se montrait rétif. Et ce fut grâce à eux qu'il put se
faire adopter par un plébéien puis élire au tribunat sans autre difficulté.
Le tribunat de Clodius en 58 marqua en quelque sorte le sommet de l'agitation
démocratique [...] Il commença par faire rétablir par une loi les collèges de
quartiers et d'artisans qu'un sénatus-consulte avait interdits quelques années
auparavant, parce qu'ils étaient un instrument de mobilisation populaire. Puis il
les utilisa pour organiser ses partisans en bandes hiérarchisées qui pouvaient
agir partout où le Peuple pouvait faire entendre sa voix: aux comices et
aux contiones certes, mais aussi au théâtre et sur le Forum lui-même. Il donnait
ainsi à la population de Rome une puissance qu'elle n'avait encore jamais eue.
[...]
Il s'assura la complicité des consuls, L. Calpurnius Piso Caesoninus et A.
Gabinius, par la concession de provinces avantageuses qu'ils iraient gouverner
l'année suivante. Le premier reçut la Macédoine et le second, la Cilicie puis la
Syrie qui présentait cet intérêt d'être voisine des Parthes et d'offrir ainsi
l'opportunité de quelque belle campagne.
Il se débarrassa aussi de ses adversaires. Caton, qui faisait d'un stoïcisme
vertueux la source de tout son prestige, reçut du peuple l'honorable mission de
146
reconduire des exilés à Byzance, de réduire en province Chypre qui par la même
occasion était confisquée à son roi Ptolémée, frère du roi d'Égypte. Cela devait
bien l'occuper pendant deux ans sans qu'il pût tirer trop d'avantages de ces
fonctions limitées. Cicéron surtout dut subir les effets de sa haine. Clodius fit
voter l'interdiction de l'eau et du feu -ce qui revenait à la mort civile- de
quiconque aurait fait exécuter un citoyen sans jugement. C'était bien entendu
réaffirmer la vieille garantie que la provocatio offrait aux citoyens. Mais c'était
aussi viser directement le consul de 63 qui n'avait pas hésité à procéder de la
sorte contre les complices de Catilina. Abandonné de la plupart de ses soutiens
et notamment de Pompée, Cicéron prit le chemin de l'exil. Une seconde loi qui
le désignait nommément vint alors confirmer sa peine.
Parallèlement, Clodius reprenait à son compte la tradition popularis d'une
réduction des pouvoirs des magistrats. Il faisait voter la restriction de ce droit
que Bibulus notamment avait utilisé contre César de s'opposer à des décisions
législatives par l'observation de signes défavorables. Il imposait aussi la
subordination à une procédure judiciaire de ce pouvoir dont disposaient les
censeurs de noter d'infamie les citoyens. Mais la mesure la plus importante qu'il
fit voter fut celle qui institua la gratuité des distributions de blé ; ce qui allait
bien au-delà de la vente à prix limité que Caius Gracchus avait introduite.
Clodius s'était gagné l'appui des masses urbaines et un réseau considérable de
partisans. Mais sa magistrature ne dépassait pas l'année. L'année 57 fut donc
pour lui pour celle du reflux: ses adversaires relevèrent la tête et réussirent à
imposer le retour de Cicéron." (pp.202-205)
"Cicéron tenta de prouver quelques années plus tard que le délit de Clodius
avait "pris corps" grâce à un prodige interprété par les haruspices : il
conviendrait que la communauté l'assumât désormais. Sa demande resta sans
effet." (p.133)
-John Scheid, "Le délit religieux dans la Rome tardo-républicaine",
1981: https://www.persee.fr/doc/efr_0000-0000_1981_act_48_1_1360
https://www.amazon.fr/Patrician-Tribune-Publius-Clodius-
Pulcher/dp/0807872067
147
Caton d'Utique (Marcus Porcius Cato Uticencis), ou Caton le Jeune (-95 / -
46) : « Caton [d'Utique] était l'arrière-petit-fils du censeur de 184. En 63, il
n'avait encore géré que la questure, mais s'y était distingué par la rigueur avec
laquelle il avait géré les comptes de la cité. Reprenant le modèle de son ancêtre,
il se donnait l'image d'un défenseur de l'équilibre civique traditionnel. Et alors
même qu'il n'occupait qu'un rang modeste parmi les sénateurs, ce fut son avis
qui l'emporta. » (pp.197-198)
Cicéron (-106/-43): « Cedant arma togae, concedat laurea linguae. » (« Que les
armes cèdent à la toge, les lauriers à l'éloquence ») -Cicéron, De officiis (Des
devoirs), I, 22.
148
« Nul ne peut être citoyen de deux cités. » -Cicéron, Pro Balbo.
« Les anciennes prophéties fatidiques sont contenues dans les livres des devins
d’Apollon et l’expiation des prodiges dans la doctrine des Étrusques, doctrine
d’une telle valeur, en vérité, que, de nos jours, d’abord les funestes
commencements de la guerre italique, puis la perturbation presque fatale du
temps de Sylla et de Cinna, enfin cette récente conjuration destinée à incendier
la ville et à détruire l’empire nous ont été prédits par eux sans obscurité peu de
temps auparavant. […] Ce n’est pas par le nombre que nous avons surpassé les
Espagnols […] ni par les arts les Grecs, ni enfin par ce bons sens naturel et
inné propre à cette race et à cette terre les Italiens eux-mêmes et les Latins,
mais c’est par la piété et la religion. » (Cicéron, Sur la réponse aux haruspices,
IX).
« Voyez comme avec ces changements, quelque légers qu’ils soient bien que les
mots et les pensées restent les mêmes, les phrases se réduisent à rien, parce que
l’harmonie en est détruite. » -Cicéron, L’orateur.
"VI. Pendant mon absence, la république n'avait pas moins que moi besoin d'être
rétablie. Le sénat était sans pouvoir; l'impunité régnait pour tous les crimes; les
tribunaux n'existaient plus; la force et le fer dominaient dans le forum; les
citoyens ne trouvaient qu'à l'abri de leurs murs une sûreté que les lois ne leur
garantissaient plus; sous vos yeux, les tribuns du peuple étaient couverts de
blessures; des brigands, le fer et la torche à la main, attaquaient les maisons des
magistrats; on brisait les faisceaux des consuls; on livrait aux flammes les
temples des dieux: je jugeai que la république n'était plus. Je ne crus pas que ma
place pût être dans Rome, quand la république en avait été bannie; et je ne
doutai pas que, si elle était rétablie, elle ne m'y ramenât avec elle. Dans la
certitude où j'étais que l'année suivante elle aurait pour consul P. Lentulus, qui
fut édile pendant les orages de mon consulat, et qui s'associa toujours à mes
conseils et à mes dangers, pouvais-je douter que sa main consulaire ne guérît les
maux que les consuls m'avaient faits? Il embrassa le premier ma défense: son
collègue, après quelque hésitation, se joignit à lui; presque tous les autres
magistrats le suivirent. Je dois surtout rendre hommage au noble caractère, au
courage, à la générosité de Milon et de Sextius; leur bienveillance et leur zèle
éclatèrent d'une manière admirable. Sur la proposition de Lentulus, comme aussi
d'après le rapport de son collègue, tous les sénateurs, à la réserve d'un seul, et
149
sans l'opposition d'aucun tribun, donnèrent à ma conduite les éloges les plus
honorables, et recommandèrent mon salut à vous, aux municipes et aux colonies.
Ainsi les consuls, les préteurs, les tribuns, le sénat, l'Italie entière, me tenant lieu
de parents et d'alliés, n'ont point cessé de solliciter pour moi; en un mot, tous
ceux que vous aviez comblés de vos plus grands bienfaits, produits devant vous
par le même Lentulus, non seulement parlèrent en ma faveur, mais se firent un
devoir de rapporter, d'attester et de célébrer tout ce que j'avais fait pour la patrie.
VII. A la tête de mes nobles défenseurs était Pompée, le premier des hommes de
ce siècle et même de tous les siècles passés et futurs, par la vertu, la sagesse et la
gloire. Je dois à sa généreuse amitié les mêmes biens qu'il a donnés à toute la
république, la vie, le repos et l'honneur. Il vous rappela, dans la première partie
de son discours, que la patrie avait été sauvée par mes conseils, et que ma cause
était inséparablement liée au salut publie. Il vous exhorta ensuite à défendre le
décret du sénat, la tranquillité de Rome, et la fortune d'un citoyen qui avait bien
mérité de la patrie."
"Romains, je lui dois tout ce qu'il est possible qu'un homme doive à son
semblable. Guidés par ses conseils, et vous conformant aux avis de Lentulus et
au décret du sénat, vous m'avez replacé au rang où les suffrages de ces mêmes
centuries m'avaient autrefois élevé. Dans le même temps vous avez entendu les
hommes les plus imposants, les chefs de l'État, tous les anciens consuls, tous les
anciens préteurs attester à cette même tribune que la république a été sauvée par
moi seul. Lorsque Servilius, respectable par son caractère autant que par ses
dignités, eut dit que, si la liberté avait été transmise pure et entière aux
magistrats qui me succédaient, on le devait à mes soins, tous les autres le
répétèrent dans les mêmes termes. Vous avez entendu non seulement l'opinion,
mais aussi le témoignage précis et authentique de Gellius, qui, présent au danger
qu'avait couru la flotte, lorsque les conjurés essayèrent de la corrompre, vous a
déclaré que, si dans cette circonstance je n'avais pas été consul, la république
aurait été anéantie.
Si l'on pense que ma volonté soit changée, ma vertu affaiblie, mon courage
épuisé, on se trompe. Tout ce que la violence, tout ce que l'injustice et la fureur
des scélérats ont pu m'arracher, m'a été enlevé, a été pillé, a été dissipé: ce qu'on
ne peut ravir à une âme forte m'est resté, et me restera toujours. J'ai vu le grand
Marius, mon compatriote, et, par je ne sais quelle fatalité, réduit comme moi à
lutter non seulement contre les factieux qui voulaient tout détruire, mais aussi
contre la fortune; je l'ai vu, dans un âge très avancé, loin de succomber sous le
poids du malheur, se roidir et s'armer d'un nouveau courage."
Oui, Romains, vous que j'honore et que je révère à l'égal des dieux immortels,
oui, mon vœu le plus ardent, le premier besoin de mon cœur sera toujours de
paraître à vos yeux, aux yeux de votre postérité et de toutes les nations, digne
d'une cité qui, par ses unanimes suffrages, a déclaré qu'elle ne se croirait rétablie
dans sa majesté que lorsqu'elle m'aurait rétablie moi-même dans tous mes
droits. » -Cicéron, discours au Peuple romain, au lendemain de son retour d'exil.
« Tous les philosophes sont d’accord et moi-même j’ai évoqué la question, pour
dire que celui qui possède une vertu les a toutes, comme s’il était impossible de
151
séparer justice et sagesse : quelqu’un qui n’est pas sage ne peut être juste. » -
Cicéron, De officis, II 9,10.
« Salus populi suprema lex est. » -Cicéron, De Legibus, livre III, chapitre III,
alinéa VIII.
« Il existe une loi vraie, la droite raison, conforme à la nature, répandue dans
tous les êtres, toujours en accord avec elle-même, éternelle. C’est elle qui par
ses commandements nous porte à accomplir notre devoir, et par ses défenses
nous détourne de mal faire. Aux bons ce n’est jamais en vain qu’elle commande
ou défend, mais ses commandements et ses défenses laissent les méchants
indifférents. On ne saurait admettre aucun amendement ni aucune dérogation à
cette loi ; il est encore moins permis de l’abroger. Ni le Sénat, ni le peuple n’ont
le pouvoir de nous dispenser de lui obéir, et il n’est point besoin de faire appel
aux lumières d’un Sextus Aelius pour l’expliquer ou l’interpréter. Elle n’est
point autre à Athènes et autre à Rome, point autre aujourd’hui et autre demain.
Mais c’est une seule et même loi, éternelle, immuable, qui est en vigueur en tous
temps et chez tous les peuples, car c’est aussi un seul et même Dieu, maître
commun et souverain de tous les êtres, qui en est l’auteur, l’a publiée et
promulguée. Quiconque n’obéit pas à cette loi se fuit lui-même, et parce qu’il
méprise sa propre nature d’homme, il subira le plus grand châtiment, même s’il
échappe à tout ce qu’on appelle ordinairement supplice. » -Cicéron, De
Republica, L. III, § 22.
« Lorsqu'au sortir de mon consulat, je pus déclarer avec serment, devant Rome
assemblée, que j'avais sauvé la république, alors que le peuple entier répéta
mon serment, j'éprouvai assez de bonheur pour être dédommagé à la fois de
toutes les injustices et de toutes les infortunes. Cependant j'ai trouvé dans mes
malheurs mêmes plus d'honneur que de peine, moins d'amertume que de gloire;
et les regrets des gens de bien ont plus réjoui mon cœur que la joie des méchants
ne l'avait attristé. Mais, je le répète, si ma disgrâce avait eu un dénouement
moins heureux, de quoi pourrais-je me plaindre ? J'avais tout prévu, et je
n'attendais pas moins pour prix de mes services. Quelle avait été ma conduite ?
La vie privée m'offrait plus de charmes qu'à tout autre, car je cultivais depuis
152
mon enfance les études libérales, si variées, si délicieuses pour l'esprit: qu'une
grande calamité vînt à nous frapper tous, du moins ne m'eût-elle pas plus
particulièrement atteint, le sort commun eût été mon partage: eh bien! je n'avais
pas hésité à affronter les plus terribles tempêtes, et, si je l'ose dire, la foudre
elle-même, pour sauver mes concitoyens, et à dévouer ma tête pour le repos et la
liberté de mon pays. Car notre patrie ne nous a point donné les trésors de la vie
et de l'éducation pour ne point en attendre un jour les fruits, pour servir sans
retour nos propres intérêts, protéger notre repos et abriter nos paisibles
puissances ; mais pour avoir un titre sacré sur toutes les meilleures facultés de
notre âme, de notre esprit, de notre raison, les employer à la servir elle-même,
et ne nous en abandonner l'usage qu'après en avoir tiré tout le parti que ses
besoins réclament.
Ceux qui veulent jouir sans discussion d'un repos inaltérable recourent à des
excuses qui ne méritent pas d'être écoutées: Le plus souvent, disent-ils, les
affaires publiques sont envahies par des hommes indignes, à la société desquels
il serait honteux de se trouver mêlé, avec qui il serait triste et dangereux de
lutter, surtout quand les passions populaires sont en jeu; c'est donc une folie que
de vouloir gouverner les hommes, puisqu'on ne peut dompter les emportements
aveugles et terribles de la multitude; et c'est se dégrader que de descendre dans
l'arène avec des adversaires sortis de la fange, qui n'ont pour toutes armes que
les injures, et tout cet arsenal d'outrages qu'un sage ne doit pas supporter.
Comme si les hommes de bien, ceux qui ont un beau caractère et un grand cœur
pouvaient jamais ambitionner le pouvoir dans un but plus légitime que celui de
secouer le joug des méchants, et ne point souffrir qu'ils mettent en pièces la
république, qu'un jour les honnêtes gens voudraient enfin, mais vainement,
relever de ses ruines. »
"Réinstaurer les formes d'un dialogue rationnel [...] une pensée en commun."
"[Cicéron] a eu a affronter une tentative de coup d'Etat. [...] [Catilina] n'a pas
obtenu l'élection au consul [auquel il était candidat]. [...] Il réunit une
conjuration assez hétéroclite pour assassiner les consuls."
"[L'exil] c'est le grand drame de sa vie. [...] Il perd son statut de sénateur, il
perd ses biens, il perd le droit de résider non seulement à Rome mais en Italie
[sous peine de mort]. [...] Il est obligé de se réfugier en Grèce."
"C'est quelqu'un qui avait une fragilité et une fragilité revendiquée. [...] Il
pourra se moquer des prétentions à l'insensibilité des stoïciens. [...] Il sait que
l'Homme est fait d'affects, et que c'est aussi comme ça qu'on est excellent."
"Cicéron a divorcé. [...] Il s'est remarié avec une femme beaucoup plus jeune
que lui, mais ce mariage [...] n'a duré qu'un an."
154
"[Après la proscription qui fait de lui un homme mort] une forme de lassitude
s'empare de lui. [Il refuse de fuir en Grèce]."
"Il veut faire le bien du peuple malgré lui. Il aura passé toute sa vie à ça."
(CICÉRON (106 43 av J-C) - Une vie, une œuvre ).
"Cicéron, lorsqu'il fut édile, dut à ses amis siciliens d'obtenir pour la ville de
Rome du blé à des conditions avantageuses qui accrurent sa popularité. [...] Ces
clientèles relayaient en somme la puissance d'un individu et l'étendaient à
l'intérieur de l'Italie et de l'Empire." (p.45)
« Pour qu’un objet soit sacré, il faut qu’il ait été dédié et consacré sur ordre du
peuple et par un magistrat assisté d’un pontife […] Ainsi Cicéron peut-il obtenir
que la chapelle de la Liberté construite sur l’emplacement de sa maison soit
démolie : la consécration a été faite par Clodius, alors tribun de la plèbe, et un
pontife inexpérimenté et elle ne l’a pas été selon les règles ; la chapelle n’est
donc pas sacrée. » (p.15)
-Catherine Wolff et all, Religion et pouvoir. Monde romain 218 av. J.C. - 235
ap. J.-C., Atlande, 2019, 399 pages.
157
nouveau librement au Sénat. » -Jean-Louis Ferrary, "Quelques réflexions sur
le De officiis", Vita Latina, Année 1990, 117, pp. 2-6, p.2.
« Il est vrai que la tradition de la liberté prend déjà naissance dans la Grèce
antique avec l’apparition de la notion d’isonomie (égalité de tous devant la loi)
qui est, étymologiquement et philosophiquement, le concept fondateur de l’Etat
de droit. C’est malheureusement une parenthèse qui se ferme assez vite après le
siècle d’or de Périclès. La période romaine classique voit renaître cette
tradition par la consécration du premier système vraiment abouti de droit privé.
Tacite et – surtout – Cicéron s’inscrivent dans cette tradition de liberté selon le
droit et l’esprit des lois générales (leges legum). Cette époque classique
correspond à une période de complète liberté économique. Malheureusement, à
partir du IIème siècle après Jésus-Christ, Rome sombre dans le socialisme
étatique qui culmine sous Constantin. » -Corentin de Salle, La Tradition de la
Liberté. Synthèse détaillée de textes majeurs de la tradition libérale, Tome I,
p.12.
158
Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1962, p.332). » -Roxane
Khodabandehlou, Nietzsche et la conception cartésienne du bonheur, 2014-
2015.
"Agir malgré des auspices contraires constituait à un délit grave [...] Dans
son traité des Lois [De Legibus, 2, 21] propose même de rendre responsable de
sa tête celui qui n'obéirait pas aux volontés des augures." (p.143)
-John Scheid, "Le délit religieux dans la Rome tardo-républicaine",
1981: https://www.persee.fr/doc/efr_0000-0000_1981_act_48_1_1360
159
développe aussi le commerce des œuvres d’art. A la manière de ce que feront les
princes de la Renaissance, Cicéron fait encastrer des fragments antiques dans
ses murs. » (p.147)
« Le droit positif doit se fonder sur la natura et sur la raison du sage, que
Cicéron oppose ailleurs à l’opinion et à la coutume. Proposition dont les
conséquences sont énormes : dans le domaine de la morale, bien avant Kant,
Cicéron fera ainsi la différence entre, d’une part, agir par devoir, en fonction de
la loi naturelle, de l’idée de justice inscrite en soi et du respect de l’homme ; et
d’autre part, agir conformément au devoir, sous la pression d’une cause
extérieure (peur du châtiment, respect de lois…) ; dans le domaine de la
politique, la définition du bien public sera soumise au respect de normes
morales avant tout –c’est-à-dire là encore à la raison du sage. » (p.166)
« Cicéron se livre, contre son frère Quintus qui, stoïcien, défend la divination, à
une attaque en règle de toute croyance aux signes divins : les prodiges
n’existent que dans l’imagination des hommes ; « c’est l’ignorance des causes
naturelles qui y fait croire ». » (p.174)
« Cicéron n’incite-il pas en fait à une réforme spirituelle de la tradition, lui qui
appelle par ailleurs à « une religion conforme à la connaissance de la
nature » ? » (p.177)
160
« Posant la question de savoir quelle est la forme de vie humaine la meilleure,
question héritée de la philosophie grecque, Cicéron prend le contre-pied de la
philosophie grecque en déclarant que la vie publique l’emporte de loin sur le
loisir et la vie privée, ce qui revient à dire que la compagnie des citoyens
l’emporte de bien loin sur la solitude. Ce que Cicéron entend par solitude ici
c’est la situation de celui qui se retire des affaires publiques que ce soit pour se
livrer à la philosophie ou pour se soucier de ses biens de famille. »
« Dépouiller les citoyens de leur propriété au nom du salut public est injuste car
la propriété privée est ce en quoi réside avant tout le privé et si le salut public
passe avant tout, il s’arrête aux res privatae car la Res publica repose autant
sur la propriété privée que sur la justice. Priver des citoyens de leur propriété,
c’est leur ôter leur statut d’homme. La Res publica est indissociable de la
propriété privée qui assure à chaque citoyen sa place dans la communauté et
dans le monde. C’est pourquoi porter atteinte à cette place, c’est détruire la
communauté politique. » -François Loiret, Strasbourg-Colmar, 2011, site de
l’auteur.
« L'enseignement stoïcien est fondé sur l'existence d'une providence divine et sur
une téléologie anthropocentrique. Dans le De natura deorum, Cicéron soumet
cette doctrine théologico-téléologique à une critique sévère d'où il ressort
qu'elle ne peut nous offrir davantage, à ses yeux, qu'une apparence
approximative de vérité. De même, il accepte dans le De legibus la doctrine
stoïcienne de la divinatio (élément de la conception stoïcienne de la providence)
alors qu'il l'attaque dans le second livre de son De divinatione. [...] Il était un
sceptique de l'Académie, et non un Stoïcien. Et le penseur dont il se réclamait et
qu'il admirait le plus, c'est Platon lui-même, le fondateur de l'Académie. » -Leo
Strauss, Droit naturel et histoire, Flammarion, Champ.essais, 1986 (1954 pour
la première édition française, 1953 pour la première édition états-unienne), 324
pages, p.142
"Le problème, tel qu'il le conçoit, revient à concilier, ou plutôt à fondre comme
un alliage, tradition romaine et spéculation grecque. L'indéniable réussite
matérielle de Rome, la solidité longtemps inébranlable de la res publica romana,
qui faisait un siècle plus tôt l'admiration de Polybe et que venait de
compromettre César, pouvaient être retrouvées, restaurées si l'on acceptait de
justifier en raison les antiques maximes, les conduites traditionnelles." (p.3)
161
"Ce n'est pas un ouvrage de spéculation pure, mais un code raisonné, d'action.
Cicéron, ici, parle en père, attitude romaine par excellence." (p.3)
"L'homme politique romain décrit avec tristesse, mais aussi avec la volonté de
réagir, le processus de dégradation qui fait qu'à la perfection des maiores ont
succédé la violence et la division profonde de la cité." (p.11)
"Les Épicuriens, qui s'appuient sur l'observation des enfants pour affirmer que
la nature nous enjoint de rechercher le plaisir, proposent un souverain bien,
l'absence totale de douleur, qui, pour Cicéron, est dans son essence même
différent du plaisir. Quant aux Stoïciens ils sont accusés par lui d'avoir oublié
en route les biens du corps: ils prétendent que l'homme recherche dès sa
naissance tout ce qui lui permet de préserver son être, mais lorsqu'il s'agit de
définir le telos, ils ne mentionnent plus que l'honestum, comme s'il s'agissait
d'un être désincarné. Seuls les Péripatéticiens sont d'une rigueur formelle
impeccable car, considérant que l'homme est fait d'une âme et d'un corps, ils
définissent un souverain bien mixte, dans lequel les biens spirituels, reconnus
comme supérieurs, se trouvent associés à des biens corporels. Leur philosophie
est-elle pour autant parfaitement satisfaisante ? Non, car en accordant une
importance, si petite soit-elle, aux biens du corps, ils font dépendre le bonheur
humain de quelque chose qui ne dépend pas de l'homme. Le De finibus dresse
donc le constat d'échec du naturalisme moral hellénistique: aucun des systèmes
162
naturalistes n'a pu tenir son pari de déduire la formule du bonheur à partir des
"premières incitations de la nature"." (p.13)
"Prétendre comme le font les Stoïciens que rien ne s'oppose à ce que l'homme
connaisse un bonheur parfait, c'est confondre le monde du devenir et celui de
l'être, c'est également se rendre coupable d'une incroyable présomption en
confondant l'humain et le divin." (p.14)
-Carlos Lévy, "Le De offîciis dans l'œuvre philosophique de Cicéron", Vita
Latina Année 1989 116 pp. 11-16.
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164
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"Cet ami intime de Cicéron était un chevalier romain dont les réseaux d'amitié
et la fortune valaient largement ceux d'un sénateur. Il refusa pourtant toutes les
magistratures et les fonctions qui l'auraient conduit à s'engager dans les conflits
165
de la vie politique. Il faisait partie de ceux qui pouvaient [...] se permettre de
renoncer pour eux-mêmes et pour leurs descendants à toute progression dans la
hiérarchie civique. Atticus vécut ainsi très honorablement tout en s'abstenant de
la moindre ambition. Le plus significatif, cependant, de la crise des valeurs et de
l'identité que connaissait l'aristocratie romaine fut que l'historien Cornelius
Nepos fit de lui une biographie qui le donnait en exemple. Qu'il devînt ainsi un
modèle révélait ce fait désespérant qu'il semblait ne plus y avoir d'action
politique possible sans compromission ni crime." (pp.222-223)
-Jean-Michel David, La République romaine. De la deuxième guerre punique à
la bataille d'Actium (218-31 av. J.C.). Crise d'une aristocratie, Nouvelle histoire
de l'Antiquité, tome 7, Éditions du Seuil, coll. Points, 2000, 304 pages.
« Et lui se comportait de manière à paraître sans hauteur avec les petits et sans
bassesse avec les grands. Aussi lui décerna-t-on tous les honneurs publics
possibles et voulut-on le faire citoyen d’Athènes. Mais lui refusa ce privilège, ce
que certains expliquent en disant qu’il ne voulait pas renoncer au titre de
citoyen romain » : Atticus dut, en effet, renoncer à la citoyenneté athénienne, à
cause de l’impossibilité à Rome de la double citoyenneté, principe qui ne connut
d’assouplissement que dans les années 40-30 av. J.‑C. » -Christel Müller, « Le
prestige peut-il s’acheter ? Réflexions sur la vente de la citoyenneté et des
honneurs dans les cités grecques aux époques hellénistique et romaine », Le
Prestige à Rome à la fin de la République et au début du Principat, Baudry R. et
Hurlet F., éd., 2016, p. 281-294, p.283.
166
"Les épicuriens sont d'abord des intellectuels, liés aux couches dominantes,
nullement subversifs, dont les activités et l'idéal ne tournent pas autour
d'ambitions politiques ou sociales. Ils sont avant tout dépendants des subsides
de leurs mécènes, qui, par leur appartenance sociale, fournissent un cadre
quelque peu obligé à leur pensée politique." (p.130)
"De rerum natura est l'œuvre la plus intacte et la plus riche de tout le
matérialisme antique. La vie de son auteur est peu connue. Il est l'un des
premiers romains à défendre la philosophie épicurienne, au moment où l'empire
commence sa lente décadence, au début du Ier siècle avant J.C. Il est lié au
milieu aristocratique par au moins une relation d'amitié avec Memmius, proche
de César. C'est un homme cultivé qui a sans doute écrit plusieurs poèmes, et qui
doit certainement entretenir des relations avec Cicéron." (p.131)
-Pascal Charbonnat, Histoire des philosophies matérialistes, Paris, Éditions
Kimé, 2103, 706 pages.
« Plus radical que tous, Lucrèce propose aussi une solution personnelle à la
crise : devenir épicurien et se détourner de la vie politique. » (p.46)
http://hydra.forumactif.org/t3019-duncan-f-kennedy-the-political-epistemology-
of-infinity#3798
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168
http://www.amazon.fr/Lucr%C3%A8ce-lExp%C3%A9rience-Marcel-
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=1-21&keywords=lucr%C3%A8ce
-Pierre Cosme, Auguste, Perrin, coll. Tempus, 2009 (2005 pour la première
édition), 345 pages.
http://www.amazon.fr/Cl%C3%A9op%C3%A2tre-d%C3%A9esse-reine-
Christian-Georges-
Schwentzel/dp/2228911488/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1455717979
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Bernand/dp/2213592365/ref=sr_1_10?s=books&ie=UTF8&qid=1455717645&s
r=1-10
169
Tite-Live (-59/-17) : « Aurai-je lieu de m’applaudir de ce que j’ai voulu faire, si
j’entreprends d’écrire l’histoire du peuple romain depuis son origine ? Je
l’ignore ; et si je le savais, je n’oserais le dire, surtout quand je considère
combien les faits sont loin de nous, combien ils sont connus, grâce à cette foule
d’écrivains sans cesse renaissants, qui se flattent, ou de les présenter avec plus
de certitude, ou d’effacer, par la supériorité de leur style, l’âpre simplicité de
nos premiers historiens. Quoi qu’il en soit, j’aurai du moins le plaisir d’avoir
aidé, pour ma part, à perpétuer la mémoire des grandes choses accomplies par
le premier peuple de la terre ; et si parmi tant d’écrivains mon nom se trouve
perdu, l’éclat et la grandeur de ceux qui m’auront éclipsé serviront à me
consoler. C’est d’ailleurs un ouvrage immense que celui qui, embrassant une
période de plus de sept cents années, et prenant pour point de départ les plus
faibles commencements de Rome, la suit dans ses progrès jusqu’à cette dernière
époque où elle commence à plier sous le faix de sa propre grandeur : je crains
encore que les origines de Rome et les temps les plus voisins de sa naissance
n’offrent que peu d’attraits à la plupart des lecteurs, impatients d’arriver à ces
derniers temps, où cette puissance, dès longtemps souveraine, tourne ses forces
contre elle-même. Pour moi, je tirerai de ce travail un grand avantage ; celui de
distraire un instant du spectacle des maux dont notre époque a été si longtemps
le témoin, mon esprit occupé tout entier de l’étude de cette vieille histoire, et
délivré de ces craintes qui, sans détourner un écrivain de la vérité, ne laissent
pas d’être pour lui une source d’inquiétudes.
Au reste, qu’on rejette ou qu’on accueille cette tradition, cela n’est pas à mes
yeux d’une grande importance. Mais ce qui importe, et doit occuper surtout
l’attention de chacun, c’est de connaître la vie et les mœurs des premiers
Romains, de savoir quels sont les hommes, quels sont les arts qui, dans la paix
comme dans la guerre, ont fondé notre puissance et l’ont agrandie ; de suivre
170
enfin, par la pensée, l’affaiblissement insensible de la discipline et ce premier
relâchement dans les mœurs qui, bientôt entraînées sur une pente tous les jours
plus rapide, précipitèrent leur chute jusqu’à ces derniers temps, où le remède
est devenu aussi insupportable que le mal. Le principal et le plus salutaire
avantage de l’histoire, c’est d’exposer à vos regards, dans un cadre lumineux,
des enseignements de toute nature qui semblent vous dire : Voici ce que tu dois
faire dans ton intérêt, dans celui de la république ; ce que tu dois éviter, car il y
a honte à le concevoir, honte à l’accomplir. Au reste, ou je m’abuse sur mon
ouvrage, ou jamais république ne fut plus grande, plus sainte, plus féconde en
bons exemple : aucune n’est restée plus longtemps fermée au luxe et à la soif
des richesses, plus longtemps fidèle au culte de la tempérance et de la pauvreté,
tant elle savait mesurer ses désirs à sa fortune. Ce n’est que de nos jours que les
richesses ont engendré l’avarice, le débordement des plaisirs, et je ne sais
quelle fureur de se perdre et d’abîmer l’état avec soi dans le luxe et la
débauche.
Mais ces plaintes ne blesseront que trop, peut-être, quand elles seront
nécessaires ; ne commençons donc pas par là ce grand ouvrage. Il conviendrait
mieux, si l’historien avait le privilège du poète, de commencer sous les auspices
des dieux et des déesses, afin d’obtenir d’eux, à force de vœux et de prières,
l’heureux succès d’une si vaste entreprise. » -Tite-Live, préface à l’Histoire
romaine, Traduction par Désiré Nisard, Firmin Didot frères, 1864 (1, p. 29-30).
"Si la liberté fut accueillie avec joie, l’orgueil du dernier roi en avait été la
cause, car ses prédécesseurs avaient régné de telle sorte, que dans la suite on
les regarda tous, avec justice, comme les fondateurs de ces parties de la ville
qu’ils assignèrent pour demeure à la multitude, augmentée sous leur règne ; et
l’on ne saurait douter que ce même Brutus, qui mérita tant de gloire, par
l’expulsion de Tarquin le Superbe, n’eut fait le plus grand tort à l’état, si, dans
le désir d’une liberté prématurée, il eût arraché le sceptre à l’un des rois
précédents. En effet, que serait-il arrivé, si ce rassemblement de bergers et
d’hommes de toutes les contrées, fuyant leur patrie, et ayant obtenu, sous la
protection d’un temple inviolable, sinon la liberté, du moins l’impunité, une
fois délivré de la crainte du pouvoir royal, eût commencé à être agité par les
tempêtes tribunitiennes ; et si, dans une ville qui lui était encore étrangère, il
eût engagé la lutte contre les patriciens, avant que les liens du mariage, de la
paternité, et l’amour du sol même, auquel le temps seul nous attache,
n’eussent réuni tous les esprits par des intérêts communs. L’état encore sans
171
vigueur eût été anéanti par la discorde ; tandis que l’influence tranquille d’un
pouvoir modéré développa tellement ses forces, que, parvenue à la maturité,
cette plante féconde put porter les fruits généreux de la liberté."
-Tite-Live, Histoire romaine, Traduction par Désiré Nisard, Firmin Didot frères,
1864 (Livre II, p.83-84).
"C'est chez lui qu'on trouve la première uchronie. [...] Que ce serait-il passé si
Alexandre avait tourné son regard vers l'Occident ? [...] Et sa réponse, en gros,
est qu'il aurait été battu par les romains."
"Il avait le même âge que l'Empereur Auguste [...] avec lequel il semble avoir eu
des rapports de confiance."
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1/dp/2070102785/ref=pd_sim_14_1?_encoding=UTF8&psc=1&refRID=JJ6YE
83FTGV2K4S3NXG8
173
Jusqu'en 476, jusqu'à la chute de l'Empire d'Occident, la vie de la Gaule s'est
confondue avec celle de Rome. » (p.17-18)
« Il est probable que, sans les Romains, la Gaule eût été germanisée. Il y avait,
au-delà du Rhin, comme un inépuisable réservoir d'hommes. Des bandes s'en
écoulaient par intervalles, poussées par le besoin, par la soif du pillage ou par
d'autres migrations. Après avoir été des envahisseurs, les Gaulois furent à leur
tour envahis. Livré à eux-mêmes, eussent-ils résisté ? C'est douteux. Déjà, en
102 avant Jésus-Christ, il avait fallu les légions de Marius pour affranchir la
Gaule des Teutons descendus jusqu'au Rhône. Contre ceux qu'on appelait les
Barbares, un immense service était rendu aux Gaulois: il aida puissamment la
pénétration romaine. L'occasion de la première campagne de César, en 58,
avait été une invasion germanique. César s'était présenté comme un protecteur.
Sa conquête avait commencé par ce que nous appellerions une intervention
armée. » (p.19)
"Les Celtes, loin d'être unis, sont divisés en plusieurs groupes ethno-
linguistiques parmi lesquels se trouvent les Gaulois [...] Redoutables guerriers,
ils ont à plusieurs reprises menacés la puissance romaine, en particulier en 390
av. J.C., lorsqu'ils ont réussi à pénétrer dans Rome et à la saccager, provoquant
un immense traumatisme chez les Romains qui redouteront toujours cette
menace gauloise." (p.25)
"Dans son ouvrage La Guerre des Gaules, César fait une opposition très nette
entre les Gaulois d'une part et les Germains d'autre part, et fixe la "frontière"
entre ces deux peuples au niveau du Rhin: ainsi, d'après César, la frontière
entre la Gaule et la Germanie est "naturellement" le Rhin. Ce choix est pourtant
une décision purement arbitraire et personnelle de César qui a ainsi, selon
l'heureuse expression de l'historien C. Goudineau, "inventé la Gaule" dans la
mesure où il est le premier à délimiter un territoire gaulois et à l'opposer à une
Germanie. Cette "invention" est en quelque sorte une ruse politique voire
politicienne de César: en fin politique qu'il était, il savait que ses succès
militaires auraient un impact considérable à Rome, où il n'a pas renoncé à ses
ambitions politiques face à son ennemi de toujours, Pompée ; en fixant cette
frontière au niveau du fleuve, il masque ainsi ses échecs à conquérir les peuples
174
situés au-delà du Rhin et présente ses conquêtes comme formant un ensemble
cohérent. Cette séparation artificielle entre une Gaule et une Germanie, outre
qu'elle donne l'image -fausse- de deux ensembles homogènes, ne se justifie pas
ni du point de vue topographique (certes, le Rhin créé une discontinuité spatiale,
mais qui n'est pas majeure) ni du point de vue culturel voire ethnique, Gaulois
et Germains appartenant à l'aire culturelle celte avec un certain nombre de
traits caractéristiques communs. Même si on l'a longtemps écrit et enseigné, au
moins jusqu'aux années 1960-1970, il n'est plus possible aujourd'hui de
considérer la Gaule comme l'ancêtre de la France, ni les Gaulois comme "nos
ancêtres".
Quoi qu'il en soit, cette frontière césarienne s'impose rapidement, et, dans le
cadre de la domination romaine, devient la frontière administrative entre les
provinces gauloises d'une part et les provinces germaniques d'autre part."
(p.26)
"Les Celtes ont [...] bien avant l'arrivée des Romains, édifié les premières
structures urbaines qu'historiens et archéologues considèrent aujourd'hui
comme les villes les plus anciennes d'Europe: il s'agit des oppida (oppidium au
singulier), comme Bibracte, Gergovie, Alésia ou bien encore Entremont à
proximité d'Aix-en-Province. Les Romains ont poursuivis et amplifié le
processus d'urbanisation du territoire gaulois, en édifiant de nouveaux espaces
urbains, appelés désormais cités, par exemple Arles fondée par César en 46. av.
J.C., ou en réaménageant les anciens oppida celtes. Il est symptomatique de
constater aujourd'hui que non seulement la majorité des villes françaises sont
d'origine antique mais qu'en plus, à l'échelle intra-urbaine, l'organisation de la
ville reprend en partie celle de l'époque antique (centre historique qui
correspond à la ville antique même si la strate médiévale l'a souvent fait
disparaître, principaux axes qui reprennent en partie le tracé des anciens axes
gallo-romains, etc.)." (p.26-27)
"Les Celtes ont également aménagé un premier réseau routier, qui est ensuite
complété et densifié par les Romains. Ceux-ci ont en effet besoin d'un réseau
viaire (les viae sont les voies romaines) solide, reliant les différentes cités entre
elles mais aussi la Gaule aux autres provinces de l'Empire, provinces
espagnoles et germaniques en particulier) et à l'Italie, à la fois dans un but
stratégique et militaire (faciliter la circulation des soldats à l'intérieur des
provinces et vers les frontières de l'Empire), dans un but administratif au sens
175
large (permettre une circulation efficace des nombreux fonctionnaires, de la
correspondance officielle et plus largement de l'information) et dans un objectif
économique (encourager les circulations des marchandises et des
commerçants). Si l'on compare une carte des réseaux routiers de la Gaule
romaine avec une carte des réseaux actuels, on constate aisément une
continuité: les grands axes de transports d'aujourd'hui reprennent les tracés de
l'époque romaine, par exemple en vallé du Rhône ou le long de la Méditerranée
vers l'Espagne (avec la célèbre via Domitia, qui longe l'actuelle autoroute A9)."
(p.27)
http://hydra.forumactif.org/t5149-jean-louis-brunaux-nos-ancetres-les-
gaulois#6141
https://www.amazon.fr/Celtes-Henri-
Hubert/dp/2226122605/ref=sr_1_128?s=books&ie=UTF8&qid=1466450170&sr
=1-128&keywords=%C3%A9volution+de+l%27humanit%C3%A9
http://www.amazon.fr/Amour-sexualit%C3%A9-Celtes-Jean-
Markale/dp/2914916647/ref=sr_1_31?s=books&ie=UTF8&qid=1455206675&s
r=1-31&keywords=amour+antiquit%C3%A9
« Aux yeux des Romains eux-mêmes, l’Empire était en quelque manière le seul
Etat existant et le seul possible ; durant les quatre siècles qu’il a duré, bien des
gouverneurs, bien des généraux se sont soulevés pour usurper le trône
impérial ; aucun ne l’a fait pour séparer sa province de l’Empire. » -Paul
Vayne, Y a-t-il eu un impérialisme romain ?, Mélanges de l'Ecole française de
Rome. Antiquité, Année 1975, Volume 87, Numéro 2, pp. 793-855, p.854.
-Pierre Hadot, Études de philosophie ancienne, Les Belles Lettres, coll. L’âne
d’or, 2010 (1998 pour la première édition), 384 pages.
https://www.amazon.fr/Histoire-g%C3%A9n%C3%A9rale-lEmpire-romain-J-
C-
161/dp/2020049694/ref=pd_sim_14_68?_encoding=UTF8&psc=1&refRID=FW
ESP3XZP2MKDXF1KF87
https://www.amazon.fr/Histoire-g%C3%A9n%C3%A9rale-derniers-Antonins-
Diocl%C3%A9tien/dp/2020049708/ref=pd_sim_14_1?_encoding=UTF8&psc=
1&refRID=VVG7KNKTCWG3YBFX9TMR
https://www.amazon.fr/Histoire-g%C3%A9n%C3%A9rale-lEmpire-Bas-
Empire-284-
395/dp/2020049716/ref=pd_sim_14_2?_encoding=UTF8&psc=1&refRID=VV
G7KNKTCWG3YBFX9TMR
https://www.amazon.fr/Nouvelle-Histoire-lAntiquit%C3%A9-mutation-
Constantin/dp/2020258196/ref=pd_sim_14_2?_encoding=UTF8&psc=1&refRI
D=EPY20EY5GX0DPDD5KVV1
https://www.amazon.fr/Celse-contre-Chr%C3%A9tiens-r%C3%A9action-
pa%C3%AFenne/dp/2859840052/ref=sr_1_4?s=books&ie=UTF8&qid=146853
3864&sr=1-4
179
l’honneur de son père assassiné, permet d’affirmer que César a pris place parmi
les dieux et il est divinisé officiellement en 42 par la lex Rufrena, le Sénat lui
ayant accordé des honneurs divins dès mars 44 (Pline l’Ancien, HN, II, 23, 94 ;
Suétone, 88, 1-2 ; Dion Cassius, XLV, 7, 1). Il a déjà eu le droit, de son vivant,
d’avoir un flamen, ses images figurent parmi celles des dieux dans les
processions, sa maison est ornée d’un fronton, comme les temples […] C’est
Marc Antoine qui est le flamine du culte à partir de 40. La dédicace du temple
de diuus Iulius a lieu en 29. Octavien devient diui filius, fils du divinisé, et prend
bien soin de faire figurer cela sur les monnaies. […]
« En 29, les portes du temple de Janus sont fermées (elles le sont à nouveau en
25 et en 10 av. J.C.), ce qui ne peut se produire que quand la paix règne. Elles ne
l’ont été que deux fois avant. Le symbole est particulièrement fort : Octavien se
présente comme celui qui a ramené la paix après des années de guerres civiles
meurtrières. Un autre symbole de cette paix retrouvée est l’Ara Pacis Augustae,
l’Autel de la Paix Auguste, dédicacé en 9 av. J.C., le jour de l’anniversaire de
Livie (30 janvier). […] L’empereur est représenté en tant que grand pontife […]
ce qui est une façon de sous-entendre sa relation particulière avec le divin. »
(p.32)
« Toujours en 29, le nom d’Octavien est introduit dans les hymnes des saliens
[prêtres chargés d’ouvrir et fermer le temps de la guerre en Mars et en Octobre],
à côté de celui des dieux. […] Une statue de la Victoire est aussi placée dans la
curie, avec un autel […] les sénateurs font une libation chaque fois qu’ils entrent
dans la curie. Un an plus tard, des jeux votifs quadriennaux pour son salut sont
instaurés : ils célèbrent sa victoire sur l’Égypte.
Parallèlement, Octavien a soin de revêtir le consulat tous les ans […] En 28, les
pouvoirs censoriaux qu’il reçoit, avec Agrippa, lui permettent d’effectuer le
recensement de la population et de réviser l’album sénatorial, donc d’éliminer
un certain nombre de ses opposants ; il devient princeps senatus […] le dernier
[…] ayant été Cicéron en 43. […] Il abandonne le consulat à partir de 23 et, pour
compenser la perte de l’imperium domi, reçoit la puissance tribunicienne
complète à vie (même si elle est renouvelée tous les ans), valable aussi bien à
Rome que dans l’ensemble de l’Empire. Il peut également franchir le pomerium
sans perdre son imperium militiae, ce qui est en principe impossible. » (p.33)
« Auguste a pourtant été gêné, jusqu’en 12 av. J.C., par le fait que le grand
pontife était Lépide, l’ancien triumvir élu à ce poste en 44 av. J.C. Or le grand
pontife préside le collège pontifical et aucune décision ne peut être prise s’il
n’est pas là. C’est lui qui convoque les réunions du collège, fixe l’ordre du jour,
conduit les débats et dialogue avec le Sénat ou les magistrats. Lépide a été élu
par les pontifes, comme au IIIe siècle, et non pas [par] le peuple, sur décision de
Marc Antoine et avec l’accord du Sénat. Il est certes en exil dans la baie de
Naples, mais il n’en occupe pas moins la fonction et revient périodiquement à
Rome quand sa présence est absolument nécessaire. Le peuple offre bien le
grand pontificat à Octavien en 36, mais ce dernier refuse car il est impossible
d’enlever la charge à un homme en vie. Le Sénat a décrété début 44 que le fils
de César lui succéderait au grand pontificat, mais aucune loi n’a confirmé le
caractère héréditaire du poste [Taylor, 1942]. Dès la mort de Lépide, Auguste
s’est fait élire au grand pontificat, le 6 mars 12, et tous les empereurs ont fait de
même et attendent le mois de mars pour prendre la charge. Lors du règne
conjoint de Marc Aurèle et de Lucius Verus, en 161-169, seul Marc Aurèle est
181
grand pontife, ce qui indique la position prédominante qu’il occupe par rapport à
Lucius Verus. Ce n’est qu’avec Balbin et Pupien, en 238, que le grand pontificat
est pour la première fois partagé entre les deux empereurs. » (p.34)
« C’est enfin sous le règne d’Auguste qu’est mis en place le culte impérial à
Rome et dans les provinces, « la seule religion à vocation universelle » pour les
Romains, même si les façons de le pratiquer sont différentes […] A Rome, les
citoyens doivent prêter serment sur son Genius et effectuer une libation […] lors
des banquets dès 30, le même privilège ayant été accordé en 44 à César […] en
13, son genius [personnification de la puissance d’action d’un être, d’une chose
ou d’un lieu. Toute personne reçoit un Genius à sa naissance] figure parmi les
divinités prises à témoin lors des serments […] Si l’on ajoute le titre de Père de
la patrie qu’il reçoit en 2 av. J.C., on voit que la figure qui domine ici est celle
du pater familias dont l’autorité sur les membres de la domus est absolue. »
(p.38)
« C’est à son Numen [volonté, puissance, force agissante] qu’est dédié l’autel de
Narbonne en 11 ap. J.C. En Orient, l’empereur est qualifié de theos mais le culte
qui lui est rendu n’est pas le même que celui qui est rendu aux divinités. Et s’il
arrive que l’on fasse des sacrifices à l’empereur, on fait beaucoup plus souvent
des sacrifices aux dieux pour l’empereur ou pour le salut de l’empereur […]
Après sa mort, Auguste est divinisé par le Sénat qui vote son apothéose, un
temple doit lui être construit, des fêtes sont prévues et des prêtres sont créés
182
pour son culte à Rome : les sodales Augustales et un flamen Augustalis. Un
temple lui est construit dès 15 à Tarragone, alors que le temple à diius Augustus
sur le Palatin n’est dédicacé qu’en 37. Le même schéma est reproduit lors de la
divinisation des empereurs suivants, Claude étant le seul des Julio-Claudiens à
avoir été divinisé, en 54. » (pp.38-39)
-Catherine Wolff et all, Religion et pouvoir. Monde romain 218 av. J.C. - 235
ap. J.-C., Atlande, 2019, 399 pages.
http://hydra.forumactif.org/t341-horace-oeuvres?highlight=horace
« C’est chez Virgile qu’on trouve pour la première fois, associé à une horreur
viscérale de la guerre et à un mépris sans concessions pour la gloria militaris,
un appel à vivre dans l’indifférence absolue aux « affaires de Rome » et à la res
publica sous tous ses aspects.
183
Mais ce qui est surtout intéressant, c’est que cet appel allait être entendu, et que
la génération suivante, celle des « élégiaques », devait être tout entière
imprégnée de cet idéal virgilien. On l’a souvent fait observer, au siècle
d’Auguste, l’esprit civique et l’idéal cicéronien apparaissent comme ayant été
frappés d’un coup mortel à la fois par les guerres de conquête et par les guerres
civiles. De là découle l’idéal de vie élégiaque […] Les trois composantes de cet
idéal sont en effet le refus de l’argent, paupertas, le refus de l’engagement
politique et militaire, inertia, et le refus de la gloire, infamia. Le refus de la
guerre est du reste lié à celui de l’argent, pour la simple raison que les guerres
impérialistes sont considérées par les élégiaques, de même que par Virgile,
comme des entreprises de lucre. » -René Martin, La littérature latine «
subversive », Bulletin de l'Association Guillaume Budé, Année 1978, Volume 1,
Numéro 2, pp. 153-179, p.164.
https://www.amazon.fr/LEneide-
Virgile/dp/2253186066/ref=sr_1_3?ie=UTF8&qid=1478957569&sr=8-
3&keywords=la+religion+de+virgile
https://www.amazon.fr/lAmour-Amours-daimer-Rem%C3%A8des-
lamour/dp/2251445889/ref=sr_1_15?ie=UTF8&qid=1485031138&sr=8-
15&keywords=ovide
184
Tibulle : « Aussi Tibulle refuse-il d’accompagner son ami et protecteur
Messalla, qui part guerroyer en Orient… » -René Martin, La littérature latine «
subversive », Bulletin de l'Association Guillaume Budé, Année 1978, Volume 1,
Numéro 2, pp. 153-179, p.165.
http://hydra.forumactif.org/t2954-tibulle-oeuvre#3722
https://www.amazon.fr/Caligula-Pierre-
RENUCCI/dp/2262035423/ref=sr_1_3?s=books&ie=UTF8&qid=1466440501&
sr=1-3&keywords=caligula
185
Bretagne qui devint une nouvelle province sans frontière précise au nord dans
un premier temps.
https://www.amazon.fr/Claude-Pierre-
RENUCCI/dp/2262037795/ref=pd_sim_14_48?_encoding=UTF8&psc=1&refR
ID=186FVXM5FS5MVHMX2FNS
Perse : http://hydra.forumactif.org/t2955-perse-satires#3723
Sénèque (1-65): « Dieu a envers les hommes de bien l'âme d'un père ; il les
aime sans faiblesse: "Qu'ils soient stimulés, dit-il, par le travail, la douleur, les
privations, afin d'acquérir une force véritable". Les animaux trop nourris
s'affaiblissent dans l'inaction ; non seulement le travail, mais le mouvement et
même leur propre poids les épuisent. Un bonheur sans atteinte ne supporte pas
le moindre coup. Mais dès qu'on à lutter sans trêve contre les malheurs, on
s'endurcit à leur rigueur, et l'on ne cède pas au mal ; et même si l'on tombe, on
combat encore un genou en terre. »
« C'est quelquefois un plaisir pour nous de voir un jeune homme à l'âme ferme
supporter, l'épieu à la main, le choc d'une bête fauve, et soutenir sans effroi
l'attaque d'un lion, et le spectacle est d'autant plus à notre gré que le jeune
homme est plus distingué. » -Sénèque, De la providence.
« [Chez Sénèque], comme déjà chez Virgile, c’est l’impérialisme romain qui est
implicitement dénoncé. » -René Martin, La littérature latine « subversive »,
Bulletin de l'Association Guillaume Budé, Année 1978, Volume 1, Numéro 2,
pp. 153-179, p.167.
« Sénèque est convaincu que le viel ordre égalitaire est non seulement perdu,
mais qu’il est nécessairement perdu. Au cours des siècles, les hommes sont
devenus vicieux ; c’est ce qui a fait de la propriété privée, du gouvernement
coercitif, de la différence de statut social, et même de l’esclavage, des
188
institutions non seulement inévitables mais nécessaires ; non seulement ces
institutions découlent de la corruption de la nature humaine, elles sont aussi des
remèdes destinés à la pallier. C’est sous cette forme et avec ces restrictions, que
les Pères de l’Église adoptèrent la notion de l’état de nature égalitaire et
l’incorporèrent à la théorie politique de l’Église. » -Norman Cohn, Les
fanatiques de l’Apocalypse. Courants millénaristes révolutionnaires du XIème
au XVIème siècle, Bruxelles, Editions Aden, coll. « Opium du peuple », 2011
(1957 pour la première édition anglaise), 469 pages, p.272.
« Tuer un esclave n'était pas, à Rome, une chose honteuse. Même dans Sénèque,
on voit qu'il loue la grandeur d'âme du maître qui n'use pas de cruauté vis-à-vis
de ses esclaves, comme si cela n'allait pas de soi. » -Simone Weil, Leçons de
philosophie, [Roanne 1933-1934]. Transcrites et présentées par Anne Reynaud-
Guérithault. Paris: Union Générale d’Éditions, 1959, 308 pages. D'après "Les
classiques des sciences sociales", p.181.
« Qui moins que Sénèque accumulant une fortune colossale lors de son passage
au consulat pourrait paraître désintéressé ? Qu’il se soit enrichi par des prêts à
usure ou par les dons de Néron, par l’abus de son propre pouvoir ou par les
dépouilles des proscrits, aucune fortune ne saurait être propre sous un régime
basé sur la rapine et la spoliation. Qui moins que Sénèque, devenu homme de
paille servile du plus tyrannique des tyrans, pourrait revendiquer
l’indépendance nécessaire à l’ambition philosophique ? Il fait beau dire qu’« on
est philosophe ou stoïcien dans toute la rigueur du terme, lorsqu’on sait dire
comme le jeune Spartiate : “ Je ne serai point esclave ” ». La place du
philosophe stoïcien au cœur de l’appareil d’État néronien fait de lui tout à la
fois le plus puissant, le plus coupable et le plus vil des esclaves du despote. Qui
moins que Sénèque, tout occupé qu’il fut à étouffer les scandales parricides de
la famille impériale, pourrait se prétendre l’ami de la vérité ? Le précepteur de
Néron semble avoir passé ses leçons à flatter les goûts pervers de son élève
devenu son maître, sous le prétexte d’en prévenir de plus vicieux encore. Quant
au ministre, il semble avoir dédié son effort à dissimuler l’horreur dans lequel
baignait son gouvernement, aux yeux d’autrui comme aux siens propres. Et dès
lors, au vu de tout ce qui précède, qui moins que Sénèque, philosophe stoïcien
dans ses livres, laquais du tyran dans ses actes, pourrait revendiquer de la
conséquence entre ses discours et sa conduite ? »
189
« Je commencerai par relever ce qui apparaît comme une choquante
inconséquence de la part de Diderot, à propos de l’attitude à adopter face à la
calomnie. Dans une lettre à Falconet datée du 6 septembre 1768, Diderot
s’affirme en effet résolu à ne jamais entrer en querelle publique contre son
ancien ami:
Que s’est-il donc passé entre septembre 1768 et la publication de l’Essai sur la
vie de Sénèque qui rompt le silence en 1778 en un paragraphe bientôt développé
sur une dizaine de pages dans la réédition de 1782 sous le titre Essai sur les
règnes de Claude et de Néron ? Comment Diderot a-t-il pu trouver bon de «
donner au public le scandaleux spectacle de deux amis qui se déchirent » et de
s’« engager dans cette misérable querelle » dont il avait prévu tous les écueils
dix ans auparavant ? […]
190
existence même, cet exemple accuse le parti philosophique d’hypocrisie et de
prostitution courtisane ; son témoignage de martyre constitue une calomnie
incarnée contre l’entreprise de justice et d’émancipation à laquelle Diderot a
consacré sa vie ; il faut donc de toute urgence dégonfler la baudruche de cette
Vertu-faite-chair, même si cela doit nous exposer à tous les risques d’une aussi
misérable querelle.
Néron (37-9 juin 68) : « Néron n’avait que dix-sept ans le 13 octobre 54, quand
il fut acclamé par prétoriens. On a tout écrit sur le règne de l’élève de Sénèque,
le meurtre de sa mère, son goût immodéré du spectacle, ses frénésies d’aurige,
ses prétentions d’artiste chanteur, l’incendie de Rome en juillet 64 et la
persécution des chrétiens. A l’image de Caligula, il n’avait aucune expérience
militaire et devant les réticences face à ses choix ou ses initiatives il devint vite
191
soupçonneux et craintif. L’entente recherchée au départ avec le Sénat qu’un
temps. Libéré de l’influence de Sénèque et du préfêt du prétoire Burus, il se
laissa aller à sa mégalomanie d’artiste fasciné par l’héllénisme et l’Orient : la
maison dorée, le nouvel urbanisme mis en place après le grand incendie
traduiraient une conception esthétique du pouvoir et du monde. La dévaluation
de la monnaie d’or (aureus) et de la monnaie d’argent (le denier ou denarius)
signale, autant que les préoccupations d’une administration soucieuse de
diriger malgré les frasques impériales, la recherche continuelle de moyens
financiers. Payée au prix fort par les nobles et les provinciaux pressurés
d’impôts, elle entraîna conjurations et révoltes. Celle de Vindex devait mettre
fin au règne et à la dynastie julio-claudienne. » -Patrick Leroux, Nouvelle
histoire de l'Antiquité: le Haut-Empire romain en Occident, Seuil, 1998, p.98-
99.
http://www.amazon.fr/N%C3%A9ron-Monstre-sanguinaire-empereur-
visionnaire/dp/203585055X/ref=sr_1_sc_1?s=books&ie=UTF8&qid=14547670
38&sr=1-1-spell&keywords=Schmitd+n%C3%A9ron
« Au début du mois de juin 68, Néron est poussé au suicide par l’opposition de
certains gouverneurs de province. Sa succession n’est pas prévue. Avec lui
disparaît le dernier représentant de la maison d’Auguste. Qui peut remplacer
cet empereur dont le règne avait commencé sous les meilleurs auspices et s’est
achevé dans la pire des incuries ?
Le pouvoir impérial devenu vacant, quatre candidats ont tenté leur chance et
levé des troupes pour s’en emparer. Galba d’abord, fort du soutien des légions
basées dans la péninsule Ibérique, est propulsé sur le devant de la scène. Issu
d’une prestigieuse lignée, il a pu s’imposer en utilisant les moyens de
communication de l’époque et notamment la poste impériale pour marquer son
avènement. Galba est aussi le premier empereur assassiné sur ordre de son
successeur. Il inaugure une longue tradition. C’est Othon qui a décidé de sa
mort, en profitant de l’appui de prétoriens fidèles à la mémoire de Néron.
Vitellius qui s’engage contre lui cherche ailleurs ses soutiens. Il croit les trouver
sur le Rhin où les légions stationnées dans la lutte contre les Germains font
masse. Si bien que le sort de l’Empire ne pourra se régler que par l’intervention
d’une nouvelle puissance militaire à travers la coalition formée par l’armée
193
d’Orient et celle du Danube. Ce sont elles qui portent Vespasien au pouvoir. »
(p.9-10)
-Pierre Cosme, L'année des quatre empereurs, 2012, Fayard, 344 pages.
« L. Sulpicius Galba est alors âgé de 73 ans et de son prestige est grand. Quand
il est reconnu comme empereur il est encore en Espagne. Dès son arrivée à
Rome il se trouve face à de graves difficultés dues, en premier lieu, à un Trésor
sans argent ; il est obligé de refuser un donativum aux prétoriens. Il pratique
une politique très violente à l’égard de ceux qui avaient soutenu Néron jusqu’au
bout, permettant des exécutions sans véritables procès. Les rancunes
s’accumulent très vite, d’autant que dans les provinces la situation reste peu
claire ; le légat de la IIIe légion Auguste, en Afrique, ne reconnaît pas Galba
mais il est assez vite écarté. Galba est aussi obligé de changer les légats des
deux Germanies. Cependant, le 1er janvier 69, deux légions en Germanie
refusent le serment de fidélité.
Sentant son pouvoir mal assuré et conscient de son âge, Galba décide de
désigner son successeur (ce serait le « choix du meilleur ») et de le faire
reconnaître publiquement. Ce choix n’est pas une réussite pour l’opinion
romaine ; en effet, l’homme désigné, L. Calpurnius Piso Licinianus, descendant
d’illustres familles sénatoriales, a à peine 30 ans et il s’est jusqu’alors surtout
fait remarquer par son austérité et sa sévérité. Néanmoins, le 10 janvier, Galba
le présente au peuple et aux prétoriens. Seuls les sénateurs lui font bon accueil.
Le 15 janvier, les prétoriens proclament M. Salvius Otho, un ancien favori de
Néron, empereur. Galba et Pison sont assassinés. » (p.217)
« Othon se trouve très vite à de graves difficultés provoquées par les légions en
Germanie ; en effet, dès le 2 janvier elles avaient proclamé leur légat A.
Vitellius empereur. Ce dernier, ambitieux et sûr de lui, fait marcher ses troupes
sur l’Italie. Toutes les provinces occidentales se rallient à lui ; Othon se
retrouve avec des forces affaiblies et inférieures en nombre. La bataille décisive
a lieu à Bédriac, près de Vérone, le 14 avril 69. Les partisans d’Othon sont
écrasés et le 15, ce dernier préfère se suicider après seulement trois mois de
principat. Pour la première fois un empereur (même s’il n’en porte pas les titres
encore) est fait hors de Rome, puis accepté par tous dans la Ville. Vitellius
194
n’arrive à Rome qu’au début du mois de juillet après avoir laissé ses troupes
répandre pillage et terreur en Italie dans l’indiscipline. Vitellius se donne de
nouvelles cohortes prétoriennes et gouverne dans le souvenir de Néron,
dépensant sans compter pour lui et pour ses plaisirs.
Le succès par les armes est la preuve de capacités militaires supérieures, mais
aussi de la protection des dieux qui ont choisi le vainqueur. C’est en grande
partie ainsi que Vespasien et bon nombre de ses contemporains se sont
représenté les choses. » (p.217-218)
« Le premier problème important fut posé par l’insurrection batave qui avait été
favorisée par la guerre civile. En effet, profitant des événements, un citoyen
romain d’origine batave, Julius Civilis avait suscité une rébellion à laquelle
s’étaient unis des Frisons et des Canninéfates (en 69). Des Gaulois se joignirent
à lui, profitant d’un certain vide du pouvoir romain, le Lingon Julius Sabinus et
les Trévires Julius Classicus et Julius Tutor. Parmi eux certains pensaient à un
retour à l’indépendance et à la formation d’un empire gallo-germanique. Les
premières offensives furent victorieuses et les camps de Xanten, de Bonn, de
Mayence et enfin de Cologne tombèrent aux mains des révoltés. Mais, devant la
situation générale qui paraissait très défavorable à Rome, beaucoup de Gaulois
195
refusèrent, malgré de nombreuses pressions, de se joindre à la rébellion. Les
Rèmes, qui n’avaient jamais trahi Rome, convoquèrent une assemblée des
délégués des cités de Gaule intéressées à Reims (Durocortorum). Cette
assemblée scella définitivement le sort des Gaules ; la majorité, entraînée par
les Rèmes, refusa de soutenir l’insurrection et, à par là même, proclama son
intégration au monde romain. Les rebelles, sans autre soutien, furent écrasés
par les armées romaines dans le courant de 70 ; Civilis, Classicus et Tutor se
réfugièrent en Germanie indépendante ; Sabinus se cacha de nombreuses
années avant d’être pris en exécuté en 79. » (p.223-224)
-Pierre Cosme, L'année des quatre empereurs, 2012, Fayard, 344 pages.
196
fermes appuis. Une active politique aux frontières ne pouvait que rassurer les
armées. La censure de 73/74, revêtue à la manière républicaine et augustéenne,
fut l’instrument essentiel du reclassement social. Le Sénat et l’ordre équestre
furent profondément renouvelés : Espagnols et Cisalpins principalement, mais
aussi provinciaux de Narbonnaise, fournirent les recrues sénatoriales. Le 23
juin 79, deux mois environ avant l’éruption du Vésuve qui emporta Pompéi et
Herculanum, il mourut respecté et laissa à son fils Titus un pouvoir rétabli.
Celui-ci, lors de son règne trop bref, fit mieux qu’inaugurer l’amphithéâtre
flavien, le Colisée, et venir au secours de la Campanie. Dès le 13 septembre 81,
à quarante ans, la mort l’emporta.
Son frère Domitien ne mérita pas la divinisation. Il n’aurait été qu’un « Néron
chauve » pour le Sénat. Face à ce que les sources considèrent comme des excès
et des abus de pouvoir, le même scénario se produisit. Bien qu’il n’ait pas
manqué d’expérience militaire, ni dédaigné les expéditions, la révolte de
Saturninus et des soldats de Mayence en 88 fut une surprise. Elle engendra une
méfiance redoublée envers sénateurs et rivaux possibles, sans qu’on doive
conclure à une détérioration généralisée des rapports avec le Sénat. A partir de
92, l’atmosphère romaine devint plus étouffante et conduisit au complot du 18
septembre 96 qui vint le frapper au cœur du palais. […]
« Vespasien reçut tous les pouvoirs par une loi, la lex de imperio qui les
énumère et qui nous est parvenue en partie. Elle ne faisait certainement que
197
reprendre ce qui avait déjà été accordé à Auguste et renouvelé à ses
successeurs. Mais Vespasien n’était pas patricien et descendait d’une famille de
simples notables italiens ; là était une grande différence par rapport aux Julio-
Claudiens. L’empereur affirma immédiatement le principe de l’hérédité pour sa
succession en plaçant au premier plan ses deux fils ; il est vrai que l’un et
l’autre avaient participé à son arrivée au pouvoir et étaient considérés comme
ayant été protégés par les dieux à l’égal de Vespasien.
Titus avait achevé victorieusement la campagne contre les Juifs ; Domitien avait
été présent et agissant à Rome durant la crise et avait été salué César avant
l’arrivée de son père dans la Ville.
Titus, né en 39, prit une part active au gouvernement de son père ; dès son
retour de Judée, après la prise de Jérusalem, il fut associé au triomphe célébré
en 71. Il avait été appelé César, avait reçu l’appelation de prince de la jeunesse
dès 69. Il fut sept fois consul durant le principat de son père, et toujours associé
à lui dans cette magistrature. Il possédait la puissance tribunicienne et il exerça
la censure en 73/74 ; il fut même préfet du prétoire de 71 à 79 alors que cette
charge était normalement exercée par un chevalier. Par cette dernière fonction
il était le vrai garde de son père et son chef d’état-major. Sans le titre d’Auguste
il fut cependant un véritable co-régent et son influence fut certainement forte
dans la plupart des décisions prises par Vespasien.
« En Bretagne le nord de l’île n’était toujours pas pacifié et les peuples qui y
vivaient, dont les Calédoniens, étaient une menace permanente pour les
possessions romaines. Vespasien décida de tenter la conquête de ces régions ;
plusieurs légats entreprirent, successivement, des campagnes militaires qui les
conduisirent au nord ; la flotte romaine contourna l’île. Le plus connu de ces
légats fut Cn. Julius Agricola, le beau-père de Tacite, qui mena plusieurs
campagnes victorieuses mais sans conquête durable à la suite. Cependant, ces
campagnes permirent à Rome de renforcer et de stabiliser sa ligne défensive au
centre de la Bretagne avec des forts avancés reliés entre eux par des routes
stratégiques. Eburacum (York), Deva (Chester) et Isca (Caervon) devinrent les
camps légionnaires les plus importants. Un tel dispositif permettait une réplique
plus efficace en cas d’attaque ; mais le nord de l’île était toujours le territoire
de peuples indépendants.
Sur le Danube la situation était plus menaçante pour les Romains car des
peuples belliqueux pouvaient se montrer dangereux, les Sarmates, les Alains, les
Quades, les Marcomans et, surtout, les Daces. Sept légions, des corps
auxiliaires, une flotte fluviale appuyés sur un réseau de forts, garantissaient la
présence romaine. Mais les ambitions du roi des Daces, Décébale, troublèrent
ce bon ordre. Plusieurs campagnes furent nécessaires pour le contenir en 85/86,
en 88. Domitien vint lui-même, à la tête de son armée, en 89 ; il conclut alors un
199
accord qui plaçait, très théoriquement, les Daces dans la mouvance romaine. En
92, Domitien fut obligé d’intervenir contre les Iazyges et les Marcomans. Aussi,
comme dans la région rhénane, les Flaviens entreprirent de renforcer les
défenses en procédant à la construction de nouveaux forts et de routes
stratégiques. A la mort de Domitien la situation était stabilisée, mais le danger
dace demeurait. » (p.224)
https://www.amazon.fr/Vespasien-Barbara-
Levick/dp/288474200X/ref=pd_sim_14_3?_encoding=UTF8&psc=1&refRID=8
79QP9PSQJQNBX4YF4EQ
Domitien (51-96):
https://www.amazon.fr/Emperor-Domitian-Brian-
Jones/dp/0415101956/ref=sr_1_cc_1?s=aps&ie=UTF8&qid=1509734593&sr=1
-1-catcorr&keywords=Brian+W.+Jones%2C+The+Emperor+Domitian
https://www.amazon.fr/J%C3%A9rusalem-contre-Rome-Mireille-Hadas-
Lebel/dp/2271073030/ref=pd_sim_14_59?_encoding=UTF8&psc=1&refRID=
W79HRRPA8BHT2NRB7J5P
http://www.amazon.fr/Introduction-au-Talmud-Adin-
Steinsaltz/dp/2226135669/ref=pd_sim_14_2?ie=UTF8&dpID=510vu%2BdjYa
L&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR98%2C160_&refRID=13W2W9EBP
BC6T39WYECH
200
http://www.amazon.fr/Talmud-
Cohen/dp/2228896004/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1457454736&sr=1
-1&keywords=talmud
14 et ce n'est pas Adam qui a été séduit : c'est la femme qui, séduite, est tombée
dans la transgression.
« La "Bonne nouvelle" fut suivie de près par la pire de toutes : celle de saint
Paul. En saint Paul s’incarne le type opposé à la "Bonne nouvelle", le génie
dans la haine, dans la vision de la haine, dans l’implacable logique de la haine.
» -Friedrich Nietzsche, L’Antéchrist.
https://www.youtube.com/watch?v=_dsFvVHb2rM
http://hydra.forumactif.org/t1112-marie-francoise-baslez-chretiens-
persecuteurs#1746
https://www.amazon.fr/pain-cirque-Paul-
Veyne/dp/2020254638/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1467117105&sr=1
-1&keywords=Paul-Veyne-Le-Pain-et-le-cirque
https://www.amazon.fr/Quand-notre-monde-devenu-
chr%C3%A9tien/dp/2253129992/ref=pd_sim_14_6?ie=UTF8&dpID=51p1L%2
B8AX%2BL&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR99%2C160_&refRID=5PB
S1R0A0VA0GHKD8Y2F
https://www.amazon.fr/Christianisme-paganisme-Ramsay-
MACMULLEN/dp/226203401X/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1467117
063&sr=1-1&keywords=Christianisme+et+paganisme
203
https://www.amazon.fr/Chronique-disparition-paganisme-Constantin-
Justinien/dp/2251380973/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1467117284&sr
=1-1&keywords=Chronique+des+derniers+pa%C3%AFens
https://www.amazon.fr/Pol%C3%A9miques-entre-pa%C3%AFens-
chr%C3%A9tiens-
St%C3%A9phane/dp/2251381120/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=146711
7234&sr=1-
1&keywords=Pol%C3%A9miques+entre+pa%C3%AFens+et+chr%C3%A9tien
s
http://hydra.forumactif.org/t1123-ramsay-macmullen-oeuvres#1757
Tacite (58-120): « J'ai besoin d'une indulgence que je n'eusse pas demandée, si
je n'avais à parcourir des temps si cruels et si funestes aux vertus. » -Tacite, Vie
d'Agricola, 98 ap. J.C.
En tout cas, Tacite s’est efforcé de défendre Rome, qui lui confia de hautes
fonctions. Il présida en 88, étant préteur sous Domitien, aux cérémonies qui
rappelaient la fondation de la cité. Déjà il méditait sur l’histoire, sa grandeur et
ses misères. Il fut consul en 97 sous Nerva, puis proconsul d’Asie sous Trajan
qui avait conquis la réalité du pouvoir. Il joua un rôle important dans le sénat
impérial. Il connaissait les fautes de Rome et des princes qui la gouvernaient.
Mais il discernait aussi les dangers que courait la civilisation venue des Grecs
et de l’Urbs. Il fut donc pour elle un loyal serviteur, sans accepter de dissimuler
les fautes d’un pouvoir qu’il ne voulait pas sauver par le mensonge ou la vaine
flatterie. » (p.144)
« Il est parfois possible de résister aux mauvais princes. Les philosophes, depuis
Cicéron et les Grecs, avaient proclamé le droit de révolte, qui existe lorsque les
princes manquent à la justice et à la sagesse, qui seraient pourtant leur seule
justification. Tacite, moins soumis que Socrate, a sans doute accepté de telles
solutions à propos de Domitien, de Néron et même de Tibère. Mais il sait aussi
que le philosophe, lorsqu’il est seul, doit commencer par l’acceptation de la
mort. Elle ne se confondra pas avec une intempestiua sapientia, qui pourrait
être considérée comme provocation de l’orgueil. Elle mettra les dieux de son
côté. Ils étaient aux balcons du ciel lors de la nuit terrible où Néron fit
assassiner sa mère (Annales XVI, 5-6). Ils ne l’ont pas puni tout de suite, ils ont
attendu ses erreurs. Mais on savait désormais qu’elles étaient inévitables. […]
https://www.amazon.fr/Tacite-Pierre-
Grimal/dp/2213024979/ref=sr_1_7?ie=UTF8&qid=1468925721&sr=8-
7&keywords=tacite
https://www.amazon.fr/Oeuvres-compl%C3%A8tes-
TACITE/dp/2221132998/ref=sr_1_3?ie=UTF8&qid=1468925721&sr=8-
3&keywords=tacite
« Sur le mérite des femmes, Cléa, nous ne sommes pas de l’avis de Thucydide.
En effet c’est celle dont on parle le moins hors de chez elle, en mal ou en bien,
que pour sa part il déclare parfaite, car il estime qu’à l’instar de sa personne, le
nom de la femme honnête doit être ainsi mis sous clé et ne pas sortir de chez
206
elle. Gorgias nous paraît plus nuancé, quand il enjoint de faire largement
connaître non le physique de la femme, mais sa réputation. Parfaite nous semble
la coutume romaine, qui au nom de l’État rend aux femmes aussi, comme aux
hommes, après leur décès, les éloges appropriées… J’ai rédigé pour toi le
complément de nos propos sur la rigoureuse identité du mérite (arété) chez
l’homme et chez la femme, complément où l’histoire sert de démonstration sans
être arrangée pour le plaisir de l’oreille… Il n’est pas de meilleur moyen
d’apprendre en quoi se ressemblent et se distinguent le mérite (arété) féminin et
le mérite masculin que de mettre des vies en face de vies et des actions en face
d’actions, comme des œuvres d’un grand art, tout en examinant si le goût de
Sémiramis pour la grandeur (megalopragmosuné) a le même caractère et la
même marque que celui de Sésostris, ou l’intelligence (sunesis) de Tanaquil que
celle du roi Servius, ou la noblesse (phronema) de Porcia que celle de Brutus,
ou celle de Timocléia que celle de Pélopidas, en prenant la notion de mérite
dans son sens le plus général. » -Plutarque, Moralia, 242 e-f, 243.
https://www.amazon.fr/Hadrien-lempereur-virtuose-Yves-
Roman/dp/222890337X/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1488912805&sr=
1-1&keywords=Yves+Roman%2C+Hadrien%2C+l%27empereur+virtuose
« [Les passions] Voilà ce qui amène les troubles, les agitations, les infortunes,
les calamités, les chagrins, les lamentations, la malignité (...) » -Épictète,
Entretiens, chapitre 2, livre III, traduction Joseph Souilhé, Gallimard, collection
Tel, Paris, p.191.
https://www.amazon.fr/Epict%C3%A8te-sagesse-sto%C3%AFcienne-Jean-
Jo%C3%ABl-
Duhot/dp/2226136320/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1476041755&sr=8-
1&keywords=J-J-Duhot-Epictete-et-la-sagesse-stoicienne
http://www.amazon.com/Free-Will-Origins-Ancient-Thought/dp/0520272668
208
macédoniennes, etc.), interrompant ces récits conformes aux schémas de
l’histoire militaire par cinq livres sur les « guerres civiles » — des Gracques à
Auguste. On a souvent médit, mais à tort, de son métier d’historien ; malgré des
erreurs, des bévues inévitables dans toute œuvre, malgré les déformations de
son optique grecque, il reste, pour nous, irremplaçable. » -Claude Nicolet, Les
Gracques. Crise agraire et révolution à Rome, Gallimard, 2014 (1967 pour la
première édition).
http://hydra.forumactif.org/t1449-appien-d-alexandrie-histoire-des-guerres-
civiles-de-la-republique-romaine#2100
http://www.amazon.fr/OEuvres-compl%C3%A8tes-Lucien-DE-
SAMOSATE/dp/2221109023/ref=pd_sim_14_37?ie=UTF8&dpID=51EOKXFu
nVL&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR107%2C160_&refRID=0BNW855
A96Q0413PMPHW
Marc Aurèle (121-180) : « C’est à [Rusticus], enfin, que je dois d’avoir lu les
Entretiens d’Epictète, qu’il avait dans sa bibliothèque et qu’il m’a prêtés. »
(p.16)
« Ne jamais consulter, si peu que ce soit, autre chose que la raison […] rester
toujours le même au milieu des plus vives douleurs. » (p.17)
« J’ai eu l’idée d’un gouvernement fondé sur la loi et sur un droit égal pour tous
à la parole, d’un Etat respectueux avant tout de la liberté des sujets. » (p.18)
« Il faut enfin que tu comprennes quel est cet univers dont tu fais partie ; quel est
ce gouverneur de l’univers dont tu es une émanation. » (p.26-27)
210
peu digne d’un philosophe, puisque tu peux, au moment où tu le veux, te retirer
en toi-même. Nulle part l’homme ne trouve une retraite plus calme et plus de
repos que dans son âme, surtout celui qui possède en soi tous ces biens sur
lesquels il suffit de porter son attention pour retrouver toute sa sérénité ; je veux
dire par sérénité l’état d’une âme bien réglée. Procure-toi donc sans cesse à toi-
même cette retraite, et renouvelle-toi. Aie à ta disposition quelques maximes
concises et élémentaires qui, s’offrant à ton esprit, suffiront à t’affranchir de tout
chagrin et à te renvoyer sans irritation dans le milieu où tu retournes. » (p.44)
« La raison qui nous prescrit ce qu’il faut faire ou ne pas faire nous est aussi
commune. Si cela est vrai, nous sommes concitoyens ; si cela est vrai, nous
sommes membres d’un même Etat ; et si cela est vrai, le monde est comme une
cité. » (p.45)
« Passe le reste de ta vie comme si tu avais fait aux dieux un abandon absolu de
toi-même, sans vouloir te faire ni le tyran ni l’esclave d’aucun homme. » (p.51)
Selon moi, c’est un des faits les plus tragiques de l’histoire. » -John Stuart
Mill, De la liberté, 1860 (1859 pour la première édition anglaise), 309 pages.
https://www.amazon.fr/Droiture-m%C3%A9lancolie-%C3%A9crits-Marc-
Aur%C3%A8le/dp/286432864X/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1471611764&sr=8
-
1&keywords=Droiture+et+m%C3%A9lancolie.+Sur+les+%C3%A9crits+de+M
arc+Aur%C3%A8le
Gaius: http://www.amazon.fr/Institutes-
Gaius/dp/2251010963/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1455714529&sr=8-
1&keywords=Institutes+de+Ga%C3%AFus
https://www.amazon.fr/Contre-professeurs-bilingue-grec-fran%C3%A7ais-
Empiricus/dp/2020485214/ref=pd_sim_14_1?ie=UTF8&psc=1&refRID=3ADN
978EQCPP1ST0M7SP
212
Athénagore d'Athènes :
http://remacle.org/bloodwolf/eglise/athanagore/apologie.htm
Origène d’Alexandrie (185-253) : « Origène fit valoir contre Celsus que les
lois positives qui contredisent la loi naturelle ne méritent pas le nom de lois […]
ce qui justifiait les chrétiens dans leur refus de rendre un culte à l'empereur ou
de tuer à son service. » -Louis Dumont, Essais sur l'individualisme. Une
perspective anthropologique sur l'idéologie moderne, Paris, Le Seuil, coll.
Point, 1985 (1983 pour la première édition), 314 pages, p.49.
« ...vous avez deviné ma sympathie pour Plotin -sympathie dont je n'ai jamais eu
l'occasion de parler dans mes livres-, mais que les auditeurs de mes cours
connaissent bien. » -Henri Bergson, cité dans A H.-M Kallen, Mélanges, p.1192.
http://hydra.forumactif.org/t1870-plotin-les-enneades#2555
Constantin Ier (272-306) : « L’Église parvint à un tel état que non seulement
les grandes familles, mais encore les dirigeants romains, qui gouvernent le
monde entier, embrassèrent la foi du Christ et recoururent aux sacrements de la
foi. Parmi eux, le très pieux Constantin, le premier ouvertement attaché à la
vérité, donna l’autorisation à ceux qui vivaient sous sa domination, par tout
l’univers, non seulement de devenir chrétiens, mais d’édifier des églises, et il
décida de lui attribuer des domaines. Enfin, le susdit prince fit à l’Église des
dons immenses, et il commença la construction du temps qui fut la première
213
basilique de Saint-Pierre, allant jusqu’à céder sa résidence impériale, jusqu’à
l’abandonner à Saint Pierre et à l’usage de ses successeurs. » -Le pape
Melchiade, d’après Lorenzo Valla (La Prétendue Donation de Constantin), cité
par Jean-Christophe Saladin, Bibliothèque humaniste idéale, Les Belles Lettres,
2008, 467 pages, p. 97.
https://www.amazon.fr/Constantin-empereur-chr%C3%A9tien-Vincent-
Puech/dp/2729866701/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1488911097&sr=8-
1&keywords=Constantin%2C+le+premier+empereur+chr%C3%A9tien
Eusèbe de Césarée:
« Depuis que le polythéisme est aboli par les lois, en sommes-nous plus
honnêtes gens ? Julien apostat valait-il moins que chrétien ? En était-il moins
un grand homme et le meilleur des princes ? » -Julien Offray de La Mettrie,
Discours préliminaire (1750), in Œuvres philosophiques, Éditions Coda, 2004,
425 pages, p.16.
214
éternelle » de la mythologie grecque et son accord constant « avec les résultats
de la recherche scientifique ». L’empereur Julien appartenait lui aussi encore à
cette tendance, qui croyait faire disparaître l’esprit du temps dont l’aube se
levait, en se bouchant les yeux pour ne pas le voir. » -Karl Marx, L’éditorial du
n° 179 de la « Gazette de Cologne », Gazette rhénane n° 191, 193 et 195 des 10,
12 et 14 juillet 1842.
http://www.amazon.fr/Julien-dit-lApostat-naturelle-Bas-
Empire/dp/2847347461/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1446669117&sr=8-
1&keywords=Julien+l%27Apostat
http://www.amazon.fr/Julien-Gore-
Vidal/dp/2757803905/ref=pd_sim_14_7?ie=UTF8&dpID=51xO-
EoJxhL&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR99%2C160_&refRID=1ZBF00
FQM86JKCMA1ASC
http://www.amazon.fr/Julien-Empereur-partie-Discours-
C%C3%A9sar/dp/2251001832/ref=pd_sim_sbs_14_1?ie=UTF8&dpID=31DDp
si4M%2BL&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR104%2C160_&refRID=0E0
CD9J9Y1FC8Z7AP4FD
http://www.amazon.fr/Oeuvres-compl%C3%A8tes-I-2-LEmpereur-
Julien/dp/2251001840/ref=sr_1_fkmr3_2?s=books&ie=UTF8&qid=144666960
9&sr=8-2-
fkmr3&keywords=empereur+Julien+%C5%92uvres+compl%C3%A8tes+tome+
1+J.+Bidez
http://www.amazon.fr/Oeuvres-compl%C3%A8tes-1re-partie-
lEmpereur/dp/2251001859/ref=sr_1_fkmr3_1?s=books&ie=UTF8&qid=144666
9609&sr=8-1-
215
fkmr3&keywords=empereur+Julien+%C5%92uvres+compl%C3%A8tes+tome+
1+J.+Bidez
http://www.amazon.fr/Julien-lEmpereur-partie-H%C3%A9lios-Roi-
Misopogon/dp/2251001867/ref=pd_sim_sbs_14_1?ie=UTF8&dpID=41MbyKm
J2NL&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR106%2C160_&refRID=1VQD1C
RVVAMZ9A54NQM6
https://www.amazon.fr/Oeuvres-1-Rapt-Proserpine-
Claudien/dp/2251013563/ref=sr_1_2?s=books&ie=UTF8&qid=1522061103&sr
=1-2&keywords=Le+Rapt+de+Proserpine
« On ne s'étonnera point des guerres faites par Moïse, on n'en aura point
horreur, attendu qu'en cela, il n'a fait que suivre les ordres mêmes de Dieu. Il
n'a point cédé à la cruauté, mais à l'obéissance. Quant à Dieu, en donnant de
tels ordres, il ne se montrait point cruel, il ne faisait que traiter ces hommes et
les effrayer comme ils le méritaient. En effet, que trouve-t-on à blâmer dans la
guerre ? Est-ce parce qu'on y tue des hommes qui doivent mourir un jour, pour
en soumettre qui doivent ensuite vivre en paix? Faire à la guerre de semblables
reproches serait le propre d'hommes pusillanimes, non point d'hommes
religieux. » -Saint Augustin, Contre Faustus.
« Il y a une persécution injuste, celle que font les impies à l'église du Christ ; et
il y a une persécution juste, celle que font les églises du Christ aux impies. (...)
l'église persécute par amour et les impies par cruauté. » -Augustin d’Hippone,
Lettre 185 de l'année 417.
216
« Le malheur qui est venu fondre sur Rome, n'est [...] pas une destruction mais
un châtiment dont Dieu se servit pour la convertir. » -Augustin d'Hippone, De la
Ruine de Rome, chapitre VII.
« La tribulation est venue fondre sur Rome, pour purifier et délivrer l'homme
juste, et pour y frapper l'impie du châtiment qu'il méritait. » -Augustin
d'Hippone, De la Ruine de Rome, chapitre VIII.
« Tous les hommes ne veulent donc pas être heureux, car il en est qui, refusant
de se réjouir en [Dieu], seule vie bienheureuse, refusent leur félicité. » -
Augustin d’Hippone, Les Confessions.
« Chaque méchant est l'auteur de ses méfaits. [...] C'est la justice de Dieu qui
punit les mauvaises actions. Or elles ne seraient pas punies avec justice, si elles
n'étaient volontaires. » -Augustin d'Hippone, Traité du Libre-arbitre, Livre
Premier, Chapitre premier "Dieu est-il l'auteur de quelque mal ? ".
« Il n’en est pas de Dieu comme d’un architecte : la maison achevée, celui-ci
s’en va, et même lorsqu’il cesse d’agir et qu’il s’en est allé, l’œuvre subsiste ;
au contraire, le monde ne pourrait subsister, fût-ce l’instant d’un clin d’œil, si
Dieu lui retirait son gouvernement. » -Augustin d’Hippone, De genesi ad
litteram, Cité par Giorgio Agamben, in Le Règne et la Gloire. Pour une
généalogie théologique de l'économie et du gouvernement. Homo Sacer, II, 2.
Éditions du Seuil, coll. « L’ordre philosophique », septembre 2008 (2007 pour la
première édition italienne), 443 pages, p. 145.
217
philosophique, Faculté de philosophie, Université Laval, vol. 64, no 2, 8 août
2008, p. 305-325, p.308.
« Pour les chrétiens, seul l'individu était immortel et rien d'autre dans ce monde
-ni l'humanité considérée comme un tout ni la terre elle-même et moins encore
l'artifice humain. C'est seulement en transcendant ce monde que l'on pouvait
accomplir des activités atteignant à l'immortalité et la seule institution qui pût
s'en trouver justifiée à l'intérieur du domaine séculier était l'Église, la Civitas
Dei sur terre, à laquelle avait incombé la charge de la responsabilité politique
et à laquelle pouvaient être remises toutes les tendances purement politiques.
Que cette transformation du christianisme et de ses tendances auparavant
apolitiques en une institution politique grande et stable ait été possible sans une
complète trahison de l'Évangile est presque entièrement dû à Saint Augustin qui,
bien qu'il ne soit pas le père de notre concept de l'histoire, est probablement le
père spirituel et certainement le plus grand théoricien de la politique chrétienne.
Ce qui fut décisif à cet égard est qu'il put, se trouvant encore fermement ancré
dans la tradition romaine, ajouter à la notion chrétienne d'une vie éternelle
l'idée d'une civitas future, Civitas Dei où les hommes continueraient à vivre en
communauté dans l'au-delà. Sans cette reformulation des pensées chrétiennes
par Augustin, la politique chrétienne aurait pu rester ce qu'elle avait été dans
les premiers siècles, une contradiction dans les termes. » -Hannah Arendt, Le
concept d'Histoire: antique et moderne, in La Crise de la Culture. Huit exercices
de pensée politique, 1961, repris dans Hannah Arendt. L'Humaine Condition,
Gallimard, coll. Quarto, 2012, 1050 pages, p.655-656.
« Saint Augustin, le plus grand philosophe que les romains eurent jamais. »
« Il n’est pas excessif de dire que c’est seulement avec Saint Augustin que le moi
fait irruption dans la pensée philosophique. Cette subjectivité, dont on peut
soutenir, par conséquent, qu’elle est d’invention chrétienne, ou plus exactement
judéo-chrétienne, est posée en même temps en relation avec ce qui la dépasse
infiniment : la transcendance et la perfection divine. » -Christian Godin, La
philosophie pour les nuls, p.192.
218
« Augustin (Aurelius Augustinus) est né à Thagaste (aujourd’hui Souk-Ahras)
dans la province romaine de Numidie, alors que l’Empire romain montrait les
premiers signes de décadence. Saint Augustin, docteur et père de l’Église,
devenu évêque d’Hippone en 395, mourra dans cette ville lors du siège des
Vandales (Rome s’était écroulée sous l’assaut des Wisigoths en 410). La
dévastation de cet Empire qu’on avait cru perpétuel, tant il avait été puissant,
sera pour lui un grand sujet de réflexion : il méditera entre autres sur les
fondements de la société, sur la justice et sur le pouvoir politique. Augustin était
convaincu que le culte des faux dieux avait été la cause fondamentale de la
chute de l’Empire de Rome. » (p.219)
« Il faut obéir aux rois justes tout autant qu’aux méchants tyrans, car ceux-ci
autant que ceux-là sont les représentants de Dieu. » (p.221)
« Saint Augustin avait […] fustigé les manichéens qui, eux, condamnaient toute
guerre comme un mal absolu. » -Jean-Pierre Azéma, « La guerre », chapitre in
Réné Rémond (dir.), Pour une histoire politique, Seuil, coll. L’Univers
historique, 1998, 400 pages, pp.345-376, p.350.
219
« Si nous considérons sa culture d’un point de vue très général, la chose est
simple, saint Augustin est beaucoup plus près de Dante que de Cicéron. […] [Il]
se rattache à la civilisation médiévale. » (p.152)
« [Saint Augustin] ne s’est pas réjoui de cet événement [le sac de Rome], et s’est
aussi refusé d’y voir la fin du monde, car selon lui l’Empire romain allait
survivre à cette crise. » -François Dosse, Le Pari biographique. Écrire une vie,
Paris, Éditions La Découverte, 2005, 480 pages, p.311.
220
réalisation de la Cité de Dieu, à savoir du règne de Dieu. » (p.6)
-Lan Li. Raymond Aron. De la philosophie critique de l’histoire à l’analyse
politique. Philosophie.Ecole normale supérieure de lyon - ENS LYON, 2012.
Français. <NNT: 2012ENSL0798>. <tel-00787035>
"Le mensonge et l'erreur peuvent être utiles à quelques individus ; il leur est
quelquefois avantageux d'être trompés et ceux qui les trompent peuvent être des
bienfaiteurs pour eux. Celui qui trompe ou qui ment pour sauver sa patrie, ses
parents, son ami, est un citoyen estimable, un homme utile et vertueux ; il ne
peut être condamné qu'au tribunal d'un insensé." (p.18)
"St. Augustin a décidé qu'il n'est pas permis de mentir, quand même il s'agirait
du salut du monde entier. Cet exemple suffit pour nous faire voir les idées que
les oracles du christianisme ont eut de la morale. S'il était possible qu'un
mensonge fut vraiment utile au monde, il deviendrait dès lors une vertu ; la
vertu ne peut consister que dans l'utilité générale." (p.18)
http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/augustin/trinite/index.htm
http://jesusmarie.free.fr/augustin.html
https://www.amazon.fr/Saint-Augustin-fin-culture-
antique/dp/2701800064/ref=asap_bc?ie=UTF8
https://www.amazon.fr/Saint-Augustin-Serge-
Lancel/dp/2213602824/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1461869260&sr=8-
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221
http://www.amazon.fr/Le-vocabulaire-Saint-Augustin-Christian-
Nadeau/dp/2729841857/ref=pd_sim_14_66?ie=UTF8&refRID=14W9B3EN0Y
8ZH5RDNBWC
http://hydra.forumactif.org/t2086-emmanuel-bermon-le-cogito-dans-la-pensee-
de-saint-augustin#2797
http://hydra.forumactif.org/t1650-saint-augustin-oeuvres-completes#2327
https://www.amazon.fr/Introduction-%C3%A0-l%C3%A9tude-saint-
Augustin/dp/2711620271/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1461869352&sr=8-
1&keywords=Introduction-a-l-etude-de-saint-Augustin
http://www.amazon.fr/m%C3%A9tamorphoses-cit%C3%A9-Dieu-Etienne-
Gilson/dp/2711617408/ref=pd_sim_14_4?ie=UTF8&dpID=418HVR8ZRWL&d
pSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR101%2C160_&refRID=0WHJHF312DAD
3G2S7DMX
https://www.amazon.fr/cogito-dans-pensee-Saint-
Augustin/dp/2711615286/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1461869307&sr=8-
1&keywords=le+cogito+dans+la+pens%C3%A9e+de+saint+augustin
http://www.amazon.fr/Ordo-amoris-Conflits-terrestres-
bonheurs/dp/2251420517/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1453578150&sr=8-
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Proclos : http://www.amazon.fr/ELOGE-DUN-PHILOSOPHE-RESTE-
PAIEN/dp/2738473067/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1453578293&sr=8-
1&keywords=proclos+%C3%A9loge+d%27un+philosophe
« [Rome] compte environ 800 000 habitants jusqu'en 408-410. Après le sac de
410 par Alaric, elle fut réduite de moitié. Au Ve siècle, elle tomba à quelque 80
000 habitants. » -Daniel Cohen, Homo Economicus, prophète (égaré) des temps
nouveaux, Albin Michel, Le livre de poche, 2012, 217 pages, p.80.
223
Machiavel, Le Prince, GF-Flammarion, trad. Yves Lévy, Paris, 1992 (1532 pour
la première édition italienne), 220 pages, p.126.
“Rome grew great in its period of freedom, as a republic, and collapsed after it
changed into an empire, with the growth of government controls (including a
welfare state, known by the slogan "bread and circuses"). The growth of
taxation and government control destroyed the Roman economy and caused the
collapse of Rome, which allowed the barbarians to take over. The same thing is
happening today.” -Ayn Rand, Answers, New American Library, 2005, 241
pages, p.5.
« Les marxistes ne parlent jamais de ces siècles perdus [Ve-XIIe siècle ap. J.C.].
Lorsqu'ils mentionnent le "progrès technique pendant le Moyen Age", ils
entendent en fait les XIIe, XIIIe ou XIVe siècles. [...] Ce qui importe est que
nous observons dans ce cas non pas un "accident" ou une "variation
saisonnière", mais une période historique extrêmement longue pendant laquelle,
même s'il y a eu des changements progressifs sur quelques points spécifiques
(par exemple, le remplacement de la charrue légère par la charrue lourde), si
l'on considère l'édifice social dans son ensemble la plupart des réalisations de
la période précédente ont été perdues. Cela montre que la technique ne
progresse pas nécessairement de manière ininterrompue, et que son évolution
n'est "autonome" en aucun sens, même le plus lâche, de ce terme. » -Cornelius
Castoriadis, "Marxisme et théorie révolutionnaire", publié dans Socialisme ou
barbarie d'avril 1964 à juin 1965, repris L'institution imaginaire de la société,
Éditions du Seuil, coll Essais. Points, 1975, 538 pages, p.13-170, p.55.
224
« Au début du Manifeste communiste [...] Marx dit que la guerre des classes
"finissait toujours soit par une transformation révolutionnaire de la société tout
entière, soit par la destruction des deux classes en lutte", alternative que semble
bien illustrer la chute de l'Empire romain, submergé par l'invasion de peuples
barbares. » -Jean-Louis Prat, Introduction à Castoriadis, Éditions La
Découverte, coll. Repères, Paris, 2007, p.18.
« Marx et Engels expliquaient que la lutte des classes se termine soit par la
victoire de l’une des classes, soit par la ruine commune des classes
antagoniques. Le sort de la société romaine est l’exemple le plus évident du
second cas de figure. La défaite des esclaves a directement mené à la ruine de
l’Etat romain. En l’absence d’une paysannerie libre, l’Etat était obligé de
recourir à des armées de mercenaires pour mener ses guerres. L’impasse dans
la lutte des classes a produit une situation équivalente au phénomène moderne
du Bonapartisme. La version antique du Bonapartisme était ce qui est connu
sous le nom de Césarisme.
Toute une série d’aventuriers militaires ont fait leur apparition : Marius,
Crassus, Pompey, et finalement Jules César, qui était un général brillant, un
politicien avisé, un homme d’affaire de premier ordre, et qui a effectivement mis
fin à la République - tout en s’en proclamant le défenseur. Ses victoires en
Gaulle, en Espagne et en Bretagne on renforcé son prestige, et il a peu à peu
concentré tout le pouvoir entre ses mains. Bien qu’une fraction conservatrice
qui voulait maintenir la République l’ait assassiné, le vieux régime était
condamné.
Dans sa pièce Jules César, Shakespeare dit de Brutus : « C’était le plus noble
de tous les Romains ». Certes, Brutus et ceux qui ont conspiré contre César ne
225
manquaient pas de courage, et leurs motifs étaient peut-être nobles. Mais ils
étaient d’irrécupérables utopistes. La République qu’ils voulaient défendre
n’était depuis longtemps qu’un corps pourrissant. Certes, après la victoire du
triumvirat sur Brutus et ses compagnons, la République était quand même
formellement reconnue, et le premier Empereur, Augustus, n’est pas revenu là-
dessus. Mais le titre d’« Empereur » - imperator en latin - est un titre militaire
qui a été inventé pour éviter celui de « roi », lequel aurait trop agressé les
oreilles républicaines. Cependant, il s’agissait bel et bien d’un roi.
Les formes de l’ancienne République ont longtemps survécu. Mais ces formes
n’avaient plus de contenu, et n’étaient rien d’autre qu’une enveloppe vide qui,
sur la fin, pouvait être balayée d’un coup de vent. Le Sénat n’avait quasiment ni
pouvoir, ni autorité. Jules César avait choqué la respectable opinion publique
en introduisant un Gaulois au Sénat. Caligula a considérablement amélioré ce
procédé en donnant le titre de sénateur à son cheval. Nul n’y a vu le moindre
inconvénient - ou, tout au moins, n’a osé formuler une objection.
226
envahie par différentes sectes venues de l’Est. Le Christianisme n’était que l’une
d’entre elles, et bien qu’elle l’ait emporté, elle avait alors de nombreuses
rivales, comme par exemple le culte de Mithras.
Lorsque les gens sentent que le monde dans lequel ils vivent est en train de
chanceler, qu’ils ont perdu tout contrôle sur leur existence - alors s’ouvre un
espace pour l’émergence de tendances mystiques et irrationnelles. Les gens
s’imaginent que la fin du monde est proche. Les premiers chrétiens le croyaient
passionnément, mais de nombreuses personnes le suspectaient. En réalité, ce
qui allait à sa fin, ce n’était pas le monde mais seulement une forme particulière
de société - la société fondée sur l’esclavage. Le succès du Christianisme
reposait sur sa connexion avec l’humeur générale de la société. Le monde était
un enfer plein de vice. Il était nécessaire de tourner le dos au monde et à ce qui
s’y passait pour se consoler dans la croyance d’une vie après la mort.
Lors des invasions barbares, toute la structure sociale romaine était déjà sur le
point de s’écrouler, non seulement sur le plan économique, mais aussi sur les
plans moral et spirituel. Ce n’est pas par hasard que les Barbares ont été
accueillis en libérateurs par les esclaves et les sections les plus pauvres de la
société romaine. Les Barbares ont complété un travail qui avait commencé bien
avant leur arrivée. Les invasions barbares étaient un accident historique qui a
servi à exprimer une nécessité historique. »
227
bruyante campagne des « Amis de la Société Barbare », il est impossible d’en
douter, et cela peut-être aisément démontré par des faits et des chiffres. Les
invasions barbares ont eu pour première conséquence de rejeter en arrière, et
pour un millénaire, la civilisation et la pensée humaines.
Saint Jérôme décrit en ces termes les résultats de ces dévastations : « Rien, dans
ces paysages désertiques, n’a été laissé sinon la terre et le ciel. Après la
destruction des villes et l’extirpation de la race humaine, les terres étaient
recouvertes d’épaisses forêts et d’inextricables ronces ; la désolation universelle
annoncée par le prophète Zephaniah fut réalisée dans la pénurie de bêtes,
d’oiseaux et même de poissons ».
Ces lignes ont été écrites vingt ans après la mort de l’empereur Valens, lorsque
les invasions barbares ont commencé. Elles décrivent la situation dans la
province native de St. Jérôme, Pannonia (l’actuelle Hongrie) où des vagues
successives d’envahisseurs ont semé la mort et la destruction à une échelle
inimaginable. Finalement, Pannonia s’est complètement vidée de ses habitants.
Plus tard, les Huns s’y sont installés, puis enfin les Magyars. Ces dévastations et
pillages ont continué pendant des siècles, laissant derrière eux l’héritage d’une
terrible arriération - en fait, de la barbarie. C’était l’« Age des ténèbres ». Juste
une citation :
« L’Age des ténèbres portait bien son nom. Les famines et les épidémies, qui
ont culminé avec la Peste Noire et ses pandémies récurrentes, décimaient les
populations. La sous-alimentation frappait les survivants. De brusques
changements climatiques provoquaient des orages et des pluies dont les
228
conséquences étaient désastreuses, étant donné que le système de drainage de
l’Empire - comme la plupart de ses autres infrastructures - ne fonctionnait plus.
On comprend mieux ce qu’était le Moyen Age lorsqu’on sait qu’en 1500, après
un millénaire de négligences, les routes construites par les romains étaient
toujours les meilleures du continent. La plupart des autres étaient devenues
impraticables. La même chose peut-être dite des ports européens jusqu’au
XVIIIème siècle, lorsque le commerce a commencé à repartir. Parmi les métiers
perdus figurait la maçonnerie en briques. En Allemagne, en Angleterre, en
Hollande et en Scandinavie, il n’y eut, en dix siècles, presque aucun monument
en pierre de construit - exceptées les cathédrales. Pour leur travail agricole, les
serfs disposaient essentiellement de pioches, fourches, râteaux, faux et faucilles
à manche. Dans la mesure où il y avait très peu de fer, il n’y avait pas de charrue
à roues et à soc métallique. L’absence de charrues ne posait pas de problème
majeur dans le sud, où les paysans pouvaient pulvériser la terre
méditerranéenne, mais la terre plus lourde de l’Europe du nord devait être
découpée, soulevée et retournée à la main. Il y avait des chevaux et des bœufs,
mais ils étaient d’un usage limité. Harnais et étriers ne firent leur apparition
qu’aux alentours de 900 après JC. Par conséquent, les attelages en tandem
n’existaient pas. Les paysans travaillaient très dur et mouraient plus souvent de
fatigue que leurs animaux ». (William Manchester, A World Lit Only by Fire,
pp. 5-6).
« [La Chute de l'Empire romain] nous enseigne que le progrès n'est ni fatal ni
continu. Elle nous enseigne encore la fragilité de la civilisation, exposé à subir
de longues éclipses ou même à périr lorsqu'elle perd son assise matérielle,
l'ordre, l'autorité, les institutions politiques sur lesquelles elle est établie. » -
Jacques Bainville, Histoire de France, Éditions Perrin, coll. tempus, 2014 (1924
pour la première édition), 552 pages, p.20.
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230
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231
Cycle du Moyen-âge (mort du dernier empereur romain d’Occident en 476-
chute de Constantinople le 29 mai 1453 et fin de la Guerre de Cent ans avec
la Bataille de Castillon le 17 juillet 1453 –prise de Grenade et découverte de
l’Amérique par Colomb en 1492) : « Dans cette époque désastreuse, nous
verrons l'esprit humain descendre rapidement de la hauteur où il s'était élevé, et
l'ignorance traîner après elle, ici la férocité, ailleurs une cruauté raffinée,
partout la corruption et la perfidie. A peine quelques éclairs de talents, quelques
traits de grandeur d'âme ou de bonté, peuvent-ils percer à travers cette nuit
profonde. Des rêveries théologiques, des impostures superstitieuses, sont le seul
génie des hommes : l'intolérance religieuse est leur seule morale ; et l'Europe,
comprimée entre la tyrannie sacerdotale et le despotisme militaire, attend dans
le sang et dans les larmes le moment où de nouvelles lumières lui permettront de
renaître à la liberté, à l'humanité et aux vertus. » -Nicolas de Condorcet,
Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain, "Les classiques
des sciences sociales", 1793, p.108.
— Le Moyen Âge, mon enfant, c’était une immense église comme on n’en verra
plus jusqu’à ce que Dieu revienne sur terre, — un lieu de prières aussi vaste que
tout l’Occident et bâti sur dix siècles d’extase qui font penser aux Dix
Commandements du Sabaoth ! C’était l’agenouillement universel dans
l’adoration ou dans la terreur. Les blasphémateurs eux-mêmes et les
sanguinaires étaient à genoux, parce qu’il n’y avait pas d’autre attitude en la
présence du Crucifié redoutable qui devait juger tous les hommes… Au dehors,
il n’y avait que les ténèbres pleines de dragons et de cérémonies infernales. On
était toujours à la Mort du Christ et le soleil ne se montrait pas. Les pauvres gens
des campagnes labouraient le sol en tremblant, comme s’ils avaient craint
d’éveiller les trépassés avant l’heure. Les chevaliers et leurs serviteurs de guerre
chevauchaient silencieusement au loin, sur les horizons, dans le crépuscule. Tout
le monde pleurait en demandant grâce. Quelquefois une rafale subite ouvrait les
portes, poussant les sombres figures de l’extérieur jusqu’au fond du sanctuaire,
dont tous les flambeaux s’éteignaient, et on n’entendait plus qu’un très long cri
d’épouvante répercuté dans les deux mondes angéliques, en attendant que le
Vicaire du Rédempteur eût élevé ses terribles Mains conjuratrices. Les mille ans
232
du Moyen Âge ont été la durée du grand deuil chrétien, de votre patronne sainte
Clotilde à Christophe Colomb, qui emporta l’enthousiasme de la charité dans
son cercueil, — car il n’y a que les Saints ou les antagonistes des Saints capables
de délimiter l’histoire. » -Léon Bloy, La Femme pauvre, 1897, p.150-151.
« Les Francs ont été vaincus près de Cologne par Aurélien, alors tribun de la
VIe légion Gallicana, en 240, et auraient participé à son triomphe à Rome,
exhibés en compagnie de Sarmates, Suèves et autres Vandales.
Ainsi, à cette époque, avaient commencé les invasions, qui allaient se succéder
et se déchaîner sur les Gaules.
La Paix romaine avait duré plus de deux siècles. Puis dès le IIIe siècle, par
vagues répétées, les Barbares ont envahi les Gaules. Il ne s'agit pas d'une nation
partant vers l'ouest à la recherche d'un abri ou de terres meilleures. Ce sont des
peuples variés, tous d'origine germanique, mais généralement hostiles les uns
aux autres et chez qui n'existe d'autre cohésion que celle du clan prêt à se jeter
sur le clan voisin.
Depuis l'époque où Tacite les décrivait, on ne constate guère chez ces Barbares
de progrès notable, mais plutôt une lente dégradation. Sans cesse en état de
guerre civile, des ethnies entières, affaiblies ou massacrées, finissent par
disparaître avec leur nom. Ce sont moins des peuples jeunes que des bandes
guerrières qui peu à peu ont perdu leurs racines, leur attachement à une terre,
et même leurs croyances et leurs rites.
L'idée du bon barbare à la Rousseau, venant apporter du sang neuf à un peuple
dépravé par les vices de Rome, est une sinistre farce.
Un Salvien, puritain avant l'heure, qui ne voyait autour de lui que pécheurs ou
femmes impudiques, tenté de justifier l'irrésistible invasion des Barbares par la
punition de Dieu. » (p.25-26)
https://www.amazon.fr/civilisation-lOccident-m%C3%A9di%C3%A9val-
Jacques-
Goff/dp/2081212943/ref=pd_sim_14_1?_encoding=UTF8&psc=1&refRID=PY
XS2X96QDJ6Y8ZP1WRB
https://www.amazon.fr/Naissance-noblesse-Karl-Ferdinand-
Werner/dp/2818502217/ref=pd_sim_14_5?_encoding=UTF8&psc=1&refRID=
YBVT9SNMH9V9ZMJD8XG9
http://www.amazon.fr/naissance-France-royaume-
Francs/dp/2701182786/ref=sr_1_11?s=books&ie=UTF8&qid=1453578467&sr=
1-11&keywords=la+naissance+de+la+France
https://www.amazon.fr/naissance-lindividu-dans-lEurope-
m%C3%A9di%C3%A9vale/dp/2020124297/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=146273
0082&sr=8-
1&keywords=A.+J.+Gourevitch%2C+la+naissance+de+l%27individu
http://www.amazon.fr/Servir-l%C3%A9tat-barbare-Gaule-
franque/dp/B00A6NXKT4/ref=sr_1_73?s=books&ie=UTF8&qid=1449502194
&sr=1-73&keywords=miroir+des+princes
http://www.amazon.fr/Naissance-nation-France-Colette-
Beaune/dp/2070703894/ref=pd_sim_14_55?ie=UTF8&dpID=41PGZPDWVQL
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W3ZJ31FVR
https://www.amazon.fr/LEurope-barbares-Germains-slaves-
h%C3%A9ritiers/dp/270072349X/ref=sr_1_3?ie=UTF8&qid=1481401311&sr=
8-3&keywords=L%27Europe+des+barbares
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lAm%C3%A9rique/dp/2081223910/ref=pd_sim_14_1?_encoding=UTF8&psc=
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Libera/dp/2020299712/ref=pd_sim_14_15?ie=UTF8&dpID=51fPlbejuZL&dpSr
238
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Dock%C3%A8s/dp/2082111229/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1475970265&sr=8
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Renaissance/dp/0631186522
https://www.amazon.fr/Class-Conflict-Crisis-Feudalism-
Medieval/dp/0860919986/ref=tmm_pap_swatch_0?_encoding=UTF8&qid=147
5971107&sr=8-1
https://www.amazon.fr/Brenner-Debate-Structure-Development-Pre-
industrial/dp/0521349338/ref=tmm_pap_swatch_0?_encoding=UTF8&qid=&sr
=
http://www.amazon.fr/Po%C3%A8tes-romanciers-du-Moyen-Age-
Collectifs/dp/207010429X/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1447281739&s
r=1-1&keywords=Po%C3%A8tes+et+romanciers+du+Moyen-Age
http://www.amazon.fr/F%C3%A9odalit%C3%A9-Duby-
Georges/dp/2070737586/ref=sr_1_sc_1?s=books&ie=UTF8&qid=1453578670
&sr=1-1-spell&keywords=george+dubuy+f%C3%A9odalit%C3%A9
http://hydra.forumactif.org/t1125-georges-duby-oeuvres#1759
http://www.amazon.fr/Histoire-intellectuelle-lOccident-
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Jacques/dp/2200016492/ref=sr_1_4?ie=UTF8&qid=1456966003&sr=8-
4&keywords=Histoire+intellectuel+du+Moyen+%C3%82ge
http://www.amazon.fr/L%C3%A9conomie-m%C3%A9di%C3%A9vale-
Philippe-
Contamine/dp/2200266111/ref=sr_1_98?s=books&ie=UTF8&qid=1459243351
&sr=1-98&keywords=histoire+de+l%27%C3%A9conomie
http://www.amazon.fr/travail-au-Moyen-
Age/dp/2818502748/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1456965915&sr=8-
1&keywords=Robert+Fossier%2C+Le+Travail+au+Moyen+%C3%82ge
239
http://hydra.forumactif.org/t1127-sylvie-joye-l-europe-barbare-476-714#1761
« Héritier grec de Rome, Byzance était, bien plus que l’Empire allemand, le
véritable empire du temps. Etat centralisé, doté d’une administration complexe,
entouré d’ennemis, dépecé en 1204 par les Latins mais toujours auréolé de
grandeur, il constituait un réservoir d’idées et de pratiques pour ceux qui
voulaient bâtir un pouvoir fort et intimidant. La cour des rois normands de
Sicile fut imprégnée d’un « byrantinisme idéologique ». » -Sylvain
Gouguenheim, Frédéric II. Un empereur de légendes, Perrin, 2015, 428 pages,
p.114.
https://www.amazon.fr/Pourquoi-Byzance-empire-onze-
si%C3%A8cles/dp/2070341003/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1481128464&sr=8-
1&keywords=pourquoi+byzance
240
https://www.amazon.fr/monde-byzantin-LEmpire-641-
1204/dp/2130520073/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1481119863&sr=8-
1&keywords=Cecile-Morrisson-Le-monde-byzantin
http://hydra.forumactif.org/t1128-jean-claude-cheynet-byzance-l-empire-
romain-d-orient-pouvoir-et-contestations-a-byzance-963-1210#1762
http://www.amazon.com/Immortal-Emperor-Legend-Constantine-
Palaiologos/dp/0521894093/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1429636371
&sr=1-1&keywords=The+Immortal+Emperor
"Lorsque, à Tolbiac (496), [Clovis] fit voeu de recevoir le baptême s'il était
vainqueur, l'ennemi était l'Allemand. Non seulement Clovis était devenu
chrétien, mais il avait chassé au-delà du Rhin l'ennemi héréditaire. Dès lors, il
était irrésistible pour la Gaule romanisée.
On peut dire que la France commence à ce moment-là." (p.24)
"Il n'y a donc pas lieu de parler d'une conquête ni d'un asservissement de la
Gaule par les Francs, mais plutôt d'une protection et d'une alliance, suivies
d'une fusion rapide." (p.28)
"Des généraux gallo-romains commandèrent des armées franques. Les lois, les
impôts furent les mêmes pour tous. La population se mêla spontanément par les
mariages et le latin devint la langue officielle des Francs qui oublièrent la leur,
tandis que se formait la langue populaire, le roman, qui, à son tour, a donné
naissance au français.
Les Gallo-Romains furent si peu asservis que la plupart des emplois restèrent
entre leurs mains dans la nouvelle administration qui continua l'administration
impériale." (p.29)
"L'usage des Francs était que le domaine royal fût partagé à l'exclusion des
filles, entre les fils du roi défunt. Appliquée à la Gaule et aux conquêtes si
récentes de Clovis, cette règle barbare et grossière était encore plus absurde.
Elle fut pourtant observée. Sur ce point la coutume franque ne cède pas. Les
quatre fils de Clovis se partagèrent sa succession. Il faudra attendre les
Capétiens pour que monarchie et unité deviennent synonymes." (p.29-30)
"L'ainé des fils de Clovis, Thierry, reçut, avec l'Austrasie ou pays de l'Est, la
majeure partie de l'Empire franc: Metz en était la capitale. C'en était aussi la
partie la plus exposée aux retours offensifs des Allemands, des Burgondes et des
Goths, et Thierry fut avantagé parce qu'étant arrivé à l'âge d'homme c'était le
plus capable de défendre le territoire. Ses frères adolescents s'étaient partagé la
Neustrie ou pays de l'Ouest, les pays uniquement gallo-romains. On voit tout de
suite que le roi d'Austrasie devait être le plus influent parce qu'il conservait un
point d'appui chez les Francs eux-mêmes et dans la terre d'origine des
Mérovingiens. Ayant un pied sur les deux rives du Rhin, il protégeait la Gaule
contre les invasions germaniques. [...]
Mais, à la mort de Théodebald, fils de Thierry, de terribles dissentiments
éclatèrent dans la descendance de Clovis. Austrasiens et Neustriens se battirent
243
pour la prééminence. Il s'agissait de savoir qui commanderaient. Les luttes
dramatiques de Chilpéric et de Sigebert, l'interminable rivalité de Frédégonde
et de Brunehaut, n'eurent pas d'autre cause. C'étaient des partis qui se
déchiraient et toute idée de nationalité était absente de ces conflits.
Après cette longue guerre civile, l'Empire des Francs se trouva de nouveau
réuni dans une seule main, celle de Clotaire II." (p.30-31)
« En l'an 466, le roi Childéric et la reine Basine viennent d'avoir un fils. Un fils
! Pour tous les Francs du petit royaume, où les filles comptent pour rien dans la
succession, c'est un événement considérable.
Il est prénommé Clovis en l'honneur du grand-père Clodion, grand roi s'il en
fut.
En réalité, il ne s'appelle pas encore Clovis, nom bien trop simple pour un
Barbare, mais Chlodoweig, que l'on romanisera Chlodovecus et qui signifie, dit-
on, "Célèbre Combat", non en effet prédestiné. A l'époque carolingienne, il
deviendra Hlodovecus, puis, comme nous l'explique de Marolles, distingué
historien du Grand Siècle, l'aspiration de ce h étant "trop rude pour notre
244
usage", on le simplifiera en Looïs ou Loeïs. C'est au XVII siècle que l'on arrive
au compromis Clovis, nouvelle forme ni tout à fait germanique, ni tout à fait
latine, de Louis. » (p.17)
-Michèle Laforest, Clovis. Un Roi de légende, Éditions Albin Michel, 1996, 238
pages.
https://www.amazon.fr/Clovis-Michel-
Rouche/dp/2818503167/ref=pd_sim_14_7?_encoding=UTF8&psc=1&refRID=
24MQPZXW8RK6CHM6038Y
Boèce (480-524) : « Boethius' texts, including the key passages from Porphyry
and Aristotle he translated, constitute the historical origin and source of all
subsequent discussion of individuation until the translation from Arabic begin to
appear in the latter part of the twelfth century. » (p.13)
« Il est pour moi évident que le haut Moyen Age latin est une
période philosophique. Sa philosophie, certes particulière, est probablement
unique, très certainement différente. Cette époque n'est ni celle des écoles
philosophiques de l'Antiquité ni celle des universités de l'autre Moyen Age. La
variété des oeuvres accessibles ne connaît ni la richesse moderne ni même celle
du XIIIe siècle. Mais de ces circonstances et du génie de quelques hommes est
née une pensée propre, originale, et d'un grand intérêt. Et si la théologie occupe
une place prépondérante dans la réflexion altomédiévale, elle n'en épuise pas le
champ et peut même, comme nous le verrons, constituer une expérience de
pensée philosophique. » -Christophe Erismann, L'Homme commun. La génèse
du réalisme ontologique durant le haut Moyen Age, Paris, Librairie
philosophique J. Vrin, Sic et non, 2011, 459 pages, p.XIV.
245
rétablie, le pouvoir puissant. Une ère nouvelle s'était ouverte, celle des
descendants de Charles Martel, les Carolingiens. » -Jacques Bainville, Histoire
de France, Éditions Perrin, coll. tempus, 2014 (1924 pour la première édition),
552 pages, p.35-36.
https://www.amazon.fr/Charles-Martel-Jean-
Deviosse/dp/2847342702/ref=sr_1_2?s=books&ie=UTF8&qid=1480530304&sr
=1-2&keywords=Charles+Martel
« Dès qu'il fut le seul maître, en 771, Charlemagne se mit à l’œuvre. Son but ?
Continuer Rome, refaire l'Empire. En Italie, il bat le roi des Lombards et lui
prendra la couronne de fer. Il passa à l'Espagne: c'est son seul échec. Mais le
désastre de Roncevaux, le cor de Roland, servent sa gloire et sa légende: son
épopée devient nationale. Surtout, sa grande idée était d'en finir avec la
Germanie, de dompter et de civiliser ces barbares, de leur imposer la paix
romaine. Sur les cinquante-trois campagnes de son règne, dix-huit eurent pour
objet de soumettre les Saxons. Charlemagne alla plus loin que les légions, les
consuls et les empereurs de Rome n'étaient jamais allés. Il atteignit jusqu'à
l'Elbe. "Nous avons, disait-il fièrement, réduit le pays en province selon
l'antique coutume romaine." Il fut ainsi pour l'Allemagne ce que César avait été
pour la Gaule. Mais la matière était ingrate et rebelle. Witikind fut peut-être le
héros de l'indépendance germanique, comme Vercingétorix avait été le héros de
l'indépendance gauloise. Le résultat fut bien différent. On ne vit pas chez les
Germains cet empressement à adopter les mœurs du vainqueur qui avait fait la
Gaule romaine. Leurs idoles furent brisées, mais ils gardèrent leur langue et,
avec leur langue, leur esprit. Il fallut imposer aux Saxons la civilisation et le
baptême sous peine de mort tandis que les Gaulois s'étaient latinisés par goût et
convertis au christianisme par amour. La Germanie a été civilisée et
christianisée malgré elle et le succès de Charlemagne fut plus apparent que
profond. Pour la "Francie", les peuples d'outre-Rhin, réfractaires à la latinité,
restaient des voisins dangereux, toujours poussés aux invasions. L'Allemagne
revendique Charlemagne comme le premier de ses grands souverains nationaux.
C'est un énorme contresens. Ses faux Césars n'ont jamais suivi l'idée maîtresse,
l'idée romaine de Charlemagne: une chrétienté unie. » -Jacques Bainville,
246
Histoire de France, Éditions Perrin, coll. tempus, 2014 (1924 pour la première
édition), 552 pages, p.39-40.
https://www.amazon.fr/Charlemagne-Georges-
MINOIS/dp/2262043744/ref=pd_sim_14_95?_encoding=UTF8&psc=1&refRID
=186FVXM5FS5MVHMX2FNS
247
l'Allemagne un territoire contesté, et à la limite du Rhin était perdue pour la
Gaule. De ce jour, la vieille lutte des deux peuples prenait une forme nouvelle.
La France aurait à reconquérir ses anciennes frontières, à refouler la pression
germanique: après plus de milles ans et des guerres sans nombre, elle n'y a pas
encore réussi. » -Jacques Bainville, Histoire de France, Éditions Perrin, coll.
tempus, 2014 (1924 pour la première édition), 552 pages, p.43.
https://www.amazon.fr/Charles-Chauve-Janet-L-
Nelson/dp/2700722612/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1503161370&sr=
1-1&keywords=Charles+le+Chauve
https://www.amazon.fr/Histoire-Carolingiens-VIIIe-Xe-Marie-C%C3%A9line-
Isa%C3%AFa/dp/2757839594/ref=pd_sim_14_10?_encoding=UTF8&psc=1&r
efRID=2FWSSDF82VTRNFE9KXS2
http://hydra.forumactif.org/t2736-maxime-rodinson-mahomet#3491
http://hydra.forumactif.org/t1360-jean-louis-michon-le-coran-en-francais#2009
http://www.amazon.fr/Le-Coran-Malek-
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39WYECH
https://www.amazon.fr/sujet-mamelouk-Esclavage-pouvoir-
religion/dp/2755500395/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1479230447&sr=8-
1&keywords=Le+sujet+et+le+mamelouk.+Esclavage%2C+pouvoir+et+religion
+dans+le+monde+arabe
http://www.amazon.fr/Mahomet-Histoire-Arabe-invention-
proph%C3%A8te/dp/2830914503/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=145519
6017&sr=1-1&keywords=nagel+mahomet
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1&keywords=Qu%27est-ce+que+la+philosophie+islamique
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C160_
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28&keywords=philosophie+de+la+connaissance
http://www.amazon.fr/Opinions-habitants-cit%C3%A9-vertueuse-al-
ara/dp/284161512X/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1449504036&sr=8-
1&keywords=La+cit%C3%A9+vertueuse+d%27Alfarabi
http://www.amazon.fr/Fondation-philosophie-politique-Islam-
vertueuse/dp/2080800485/ref=sr_1_3?ie=UTF8&qid=1449503506&sr=8-
3&keywords=La+cit%C3%A9+vertueuse+d%27Alfarabi
http://www.amazon.fr/Le-Livre-du-r%C3%A9gime-
politique/dp/2251181148/ref=pd_sim_14_3?ie=UTF8&dpID=31m-
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http://www.amazon.fr/La-politique-civile-principes-
existants/dp/2841615324/ref=pd_sim_14_2?ie=UTF8&dpID=41Upm6Tkv2L&
250
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NH2Z5EWXP
http://www.amazon.fr/Epitre-sur-lintellect-al-risala-fi-l-
aql/dp/274751501X/ref=pd_sim_14_1?ie=UTF8&dpID=51ALqWVqhML&dpS
rc=sims&preST=_AC_UL160_SR101%2C160_&refRID=0GPTVW44FSANH
2Z5EWXP
http://www.amazon.fr/Al-Milla-religion-Ab%C3%BB-Nasr-AL-
F%C3%82R%C3%82B%C3%8E/dp/2841615537/ref=pd_sim_14_1?ie=UTF8&
dpID=41kNh1JbpUL&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR112%2C160_&ref
RID=1J7WRYCE420K0E0KEQF7
Ibn Sïna, dit Avicenne (980-1037): "La philosophie n'est pas morte en 529
avec la fermeture de la dernière école philosophique païenne par l'empereur
romain d'Orient Justinien, elle a entamé un long transfert, une longue
migration (translatio) vers l'Orient musulman d'abord, vers l'Occident chrétien
ensuite. Dans ces voyages successifs où s'égrènent les capitales du savoir et les
centres d'études (studia) d'Athènes à Bagbad, de Bagdad à Cordoue, de
Cordoue à Tolède, puis à Paris, à Oxford, à Cologne ou à Prague, la
philosophie grecque a, de traduction en traduction, parlé arabe et latin ;
quelque chose a demeuré, beaucoup de choses se sont perdues, d'autres sont
venues qui n'avaient jamais été dites." (p.11)
« Tout ce qui est intelligent peut bien avoir été déjà pensé sept fois. Mais,
repensé chaque fois dans un temps et une situation autres, ce n’est plus la même
chose. Non seulement le penseur, mais aussi et surtout la chose à penser a
changé entre-temps. L’intelligence doit y faire de nouveau ses preuves, et la
preuve de sa propre nouveauté. Ce fut le cas, avec des conséquences
particulièrement importantes, chez les grands penseurs orientaux. Ils ont tout à
la fois sauvé et métamorphosé la lumière grecque. » (p.7)
251
« Il y a une ligne qui, d’Aristote, conduit non pas à Thomas d’Aquin et à l’esprit
de l’au-delà, mais à Giordano Bruno et à la floraison du Tout-Matière.
Avicenne est précisément, sur cette ligne, l’un des premiers et des plus
importants jalons, en compagnie d’Averroès. » (p.9)
« La société arabe eut ses Venise et ses Milan avec cinq cents ans d’avance. »
(p.10)
http://www.amazon.fr/Livre-Science-
Avicenne/dp/2251356061/ref=pd_sim_sbs_14_1?ie=UTF8&dpID=316Sq4FzS3
L&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR106%2C160_&refRID=1BF2B4TRSF
63FCN9Z5D8
http://www.amazon.fr/livre-directives-remarques-
Avicenne/dp/2711600394/ref=sr_1_7?s=books&ie=UTF8&qid=1459262054&s
r=1-7&keywords=Avicenne
L'évolution de l'équilibre des forces en présence fit pourtant que le souverain lui
pardonna après un temps, et qu'il put rentrer et rejoindre la cour.
Toute recherche approfondie sur l'histoire d'Ibn Rushd doit absolument prendre
en compte le fait suivant : c'est l'opposition d'ordre politique et intellectuel entre
uen grande partie des masses populaires, qui ont à leur tête des religieux
fanatiques, et les intellectuels et libres penseurs pour lesquels la raison est une
donnée essentielle, qui détermine la situation politique et intellectuelle à
l'époque d'Ibn Rushd.
Les souverains oscillent entre ces deux tendances majeures. Si cette opposition a
bien imprimé sa marque sur l'évolution intellectuelle en al-Andalus, elle a par-
là contribué à y rendre extrêmement compliqué le cheminement de la
philosophie et de la pensée.
Ibn Rushd, comme avant lui Ibn Bajja, fut touché de plein fouet par les salves
des littéralistes et des fanatiques.
On n'a donc pas le droit, cette réalité historique étant, d'attendre des penseurs
de cette époque qu'ils aient effectivement dit tout ce qu'ils voulaient dire. Le
style allégorique dans l'écriture et l'équivoque occupent une place importante
dans leurs écrits (…).
En réalité, c'est la mentalité (l'idéologie) féodale qui domine alors sur le plan de
la vie publique la plus large. Cette mentalité se caractérise par le littéralisme,
l'immobilisme, et l'obscurantisme eschatologique dans le domaine de la pensée
et de la raison.
Lorsque nous observons qu'Ibn Rushd, et d'autres avant lui, comme Ibn Tufayl,
accordent une moindre valeur à la foule qu'aux philosophes ou aux intellectuels
en général, il faut assurer qu'il s'agit là de défendre la philosophie et la pensée
rationnelle, et de disputer à cette mentalité féodale la maîtrise de la philosophie
et de la raison.
Ceci montre que la thèse des « deux vérités », une vérité philosophique et
rationnelle et une vérité religieuse et fidéiste, telle qu'elle existe chez certains
philosophes musulmans dont Ibn Rushd lui-même, n'est en réalité que la
sublimation et la condensation de la réalité conflictuelle existant entre les
philosophes et les masses fanatiques d'alors.
254
-Tayyeb Tizini, Projet pour une nouvelle vision de la pensée arabe au Moyen-
Âge, 1971.
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« Les chinois n’ont jamais gagné une seule guerre de leurs vies. Jamais. […]
Les Mongols, les Mansoues, tous les peuples asiatiques les ont envahis. » -Eric
de la Maisonneuve, Sur la Chine, conférence au cercle Aristote, 2014.
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259
Bibliothèque, 2003 (1999 pour la première parution américaine), 94 pages, p.33-
34.
-Raymond Aron, Essai sur les libertés, Hachette Littérature, coll. Pluriel, 1998
(1965 pour la première édition), 251 pages.
260
l'usure-, se glissant finalement dans ses rangs et alors s'y perdant. Mais d'autres
bourgeois sont là pour remonter à l'assaut, pour recommencer la même lutte.
Parasitisme en somme de longue durée: la bourgeoisie n'en finit pas de détruire
la classe dominante pour s'en nourrir. Mais sa montée a été lente, patiente,
l'ambition reportée sans fin sur les enfants et petits-enfants. Ainsi de suite.
Une société de ce type, dérivant d'une société féodale, féodale elle-même encore
à demi, est une société où la propriété, les privilèges sociaux, sont relativement
à l'abri, où les familles peuvent en jouir dans une relative tranquillité, la
propriété étant, se voulant, sacro-sainte, où chacun reste en gros à sa place. Or
il faut ces eaux socialistes calmes ou relativement calmes pour que
l'accumulation s'opère, pour que poussent et se maintiennent les lignages, pour
que, l'économie monétaire aidant, le capitalisme enfin émerge. Il détruit, ce
faisant, certains bastions de la haute société, mais pour en reconstruire d'autres
à son profit, aussi solides, aussi durables.
Ces longues gestations de fortunes familiales, aboutissant un beau jour à des
réussites spectaculaires, nous sont si familières, dans le passé ou dans le temps
présent, qu'il nous est difficile de nous rendre compte qu'il s'agit là, en fait,
d'une caractéristique essentielle des sociétés d'Occident. Nous ne l'apercevons,
au vrai, qu'en nous dépaysant, en regardant le spectacle différent qu'offrent les
sociétés hors de l'Europe. Dans ces sociétés-là, ce que nous appelons, ou
pouvons appeler, le capitalisme rencontre en général des obstacles sociaux peu
faciles ou impossibles à franchir. Ce sont ces obstacles qui nous mettent, par
contraste, sur la voie d'une explication générale.
Nous laisserons de côté la société japonaise, où le processus est en gros le
même qu'en Europe: une société féodale s'y détériore lentement, une société
capitaliste finit par s'en dégager ; le Japon étant le pays où les dynastiques
marchandes ont eu la plus longue durée: certaines, nées au XVIIe siècle,
prospèrent encore aujourd'hui. Mais les sociétés occidentales et japonaises sont
les seuls exemples que puisse retenir l'histoire comparative de sociétés passant
presque d'elles-mêmes de l'ordre féodal à l'ordre de l'argent. » -Fernand
Braudel, La dynamique du capitalisme, Flammarion, coll. Champ.Histoire, 2008
(1985 pour la première édition), 122 pages, p.73-75.
Les bourgeois […] une fois résolus de mettre fin au pouvoir de leur évêque,
étaient fort capables de l’assassiner, d’incendier sa cathédrale et d’écarter
manu militari tous les vassaux qui se seraient avisés de vouloir le venger. Même
si, dans ce cas, leurs objectifs demeuraient strictement limités et exclusivement
matériels, il n’est pas étonnant que certains de ces soulèvements aient été
accompagnés d’une levée de boucliers contre les prêtres indignes. Lorsque les
couches inférieures de la population entraient en jeu, ces récriminations
n’allaient pas sans une certaine âpreté. » -Norman Cohn, Les fanatiques de
l’Apocalypse. Courants millénaristes révolutionnaires du XIème au XVIème
siècle, Bruxelles, Editions Aden, coll. « Opium du peuple », 2011 (1957 pour la
première édition anglaise), 469 pages, p.55-56.
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1480588717&sr=8-1
Hugues Capet (940-996): « Hugues Capet, premier roi de France, est couronné
en 987. Pour Georges Duby, c'est l'acte de naissance du pays. » -Pascal
Gauchon, Géopolitique de la France. Plaidoyer pour la puissance, PUF, coll.
"Major", 2012, 189 pages, p.13.
266
développer, ce qui se fit de la manière la plus simple du monde. Hugues Capet
ayant tout de suite associé au trône son fils aîné, l'élection du successeur eut
lieu du vivant du roi. [...]
La succession de mâle en mâle par ordre de primogéniture, conquête inaperçue
des contemporains, allait permettre de refaire la France. [...]
Il semble que les Capétiens aient eu devant les yeux les fautes de leurs
prédécesseurs pour ne pas les recommencer. Les descendants de Charlemagne,
de Charles le Chauve à Lothaire, s'étaient épuisés à reconstituer l'Empire. Ce
fut également la manie des empereurs germaniques. Les Capétiens étaient des
réalistes. Ils se rendaient un compte exact de leurs forces. Ils se gardèrent à
leurs débuts d'inquiéter personne.
La race de Hugues Capet, après avoir mis trois générations à prendre la
couronne, régnera pendant huit siècles. L'avenir de la France est assuré par
l'avènement de la monarchie nationale. A cette date de 987, véritablement la
plus importante de notre histoire, il y a déjà plus de mille ans que César a
conquis la Gaule. Entre la conquête romaine et la fondation de la monarchie
française, il s'est écoulé plus de temps, il s'est passé peut-être plus d'événements
que de 987 à nos jours. Au cours de ces mille années, nous avons vu que la
France a failli plusieurs fois disparaître. Comme il s'en est fallu de peau que
nous ne fussions pas français ! » (p.52)
https://www.amazon.fr/Hugues-Capet-Naissance-dune-
dynastie/dp/2213019193/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1480530589&sr
=1-1&keywords=Hugues+Capet
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Barth%C3%A9lemy/dp/275785285X/ref=pd_sim_14_4?_encoding=UTF8&psc
=1&refRID=KCET9H26G1CMAE6V1XZR
267
fois dans cette période de notre histoire: le conquérant fut assimilé par sa
conquête. En peu de temps, les nouveaux ducs de Normandie et leurs
compagnons cessèrent d'être des pirates. Ils se firent chrétiens, prirent femme
dans le pays, en parlèrent la langue, et, comme ils avaient l'habitude de
l'autorité et de discipline, gouvernèrent fort bien ; le nouveau duché devint
vigoureux et prospère. Les Normands ajoutèrent un élément nouveau, un
principe actif, à notre caractère national. Toujours enclins aux aventures
lointaines, ils s'en allèrent fonder un royaume dans l'Italie méridionale et en
Sicile, portant au loin le nom français. Mais, tout près d'eux, une autre
Conquête s'offrait aux Normands, celle de l'Angleterre, où déjà leur influence
avait pénétré. Une seule bataille, celle d'Hastings, livra l'île à Guillaume le
Conquérant en 1066. L'Angleterre, qui jusqu'alors ne comptait pas, qui était un
pauvre pays encore primitif, peu peuplé, entre dans l'histoire et va
singulièrement compliquer la nôtre. » -Jacques Bainville, Histoire de France,
Éditions Perrin, coll. tempus, 2014 (1924 pour la première édition), 552 pages,
p.56-57.
https://www.amazon.fr/Guillaume-Conqu%C3%A9rant-Paul-
Zumthor/dp/2020612607/ref=sr_1_3?s=books&ie=UTF8&qid=1488316471&sr
=1-3&keywords=Paul+Zumthor
L’Angleterre au Moyen-Âge :
268
https://www.amazon.fr/Origins-English-Individualism-Property-
Transition/dp/0631127615/ref=tmm_pap_swatch_0?_encoding=UTF8&qid=&sr
=
Les Croisades : « Si vous désirez savoir ce qu’on a fait des ennemis trouvés à
Jérusalem, sachez que dans le portique de Salomon et dans le temple, les nôtres
chevauchaient dans le sang immonde des Sarrasins et que leurs montures en
avaient jusqu’aux genoux. » -Lettre au Pape Urbain II, après la prise de
Jérusalem, 15 juillet 1099. Signée par Godefroy de Bouillon, Raymond de Saint-
Gilles, comte de Toulouse et Adhémar de Monteil, légat du pape.
http://www.amazon.fr/La-guerre-sainte-formation-
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269
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Zhu Xi : http://www.amazon.com/Chu-Hsi-Neo-Confucianism-Wing-Tsit-
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1&keywords=Chu+Hsi+and+Neo-Confucianism
270
"À l’orée du XIIe siècle, toutefois, le roi ne semblait guère plus qu’un seigneur
châtelain, acculé par ses puissants voisins dans un étroit domaine royal, qu’il ne
dominait d’ailleurs que partiellement : les princes rivaux ne se déplaçaient plus
pour lui rendre hommage ou assister à son sacre, les seigneurs châtelains de
l’Île-de-France défiaient son autorité.
« Les villes sont petites en Occident entre 1100 et 1400, seules 5 ou 6 d’entre
elles dépassent 50 000 habitants, une soixantaine ont plus de 10 000
habitants. » (p.29)
« [Innocent III] encore qui réforme l’appareil d’Etat en menant une politique
plus systématique […] et en s’appuyant sur le Liber censuum du camérier
Cencius Camerarius établi en 1192 […] Cette compilation d’actes attestant les
droits censitaires et vassaliques de la papauté dans les Etats de l’Église est
achevée par le futur Hornorius III (1216-1227) […] Grégoire IX (1227-1241),
quant à lui, prend la relève de la lutte anti-hérétique portée à incandescence par
Innocent III lors de la croisade albigeoise de 1209 menée sur les terres du
comte de Toulouse Raymond VII. L’exclusion de ceux qui contestaient la
puissance cléricale ou l’autorité absolue du pape était en effet inévitable et «
l’avènement de la monarchie pontificale fut [donc] aussi celui de la société
persécutrice » […] Non seulement Grégoire IX crée l’Inquisition par une série
de bulles en 1231 et 1233, mais il excommunie Frédéric II à deux reprises […]
Cette accusation inouïe dévoile l’ambition d’un souverain pontife désireux de
gouverner la chrétienté au plan spirituel comme temporel […] Son successeur
Innocent IV (1243-1254), brillant canoniste qui contribue à enrichir la doctrine
de l’absolutisme pontifical, fait carrément déposer l’empereur lors du concile
œcuménique réuni à Lyon en 1254 […] Sa lettre Eger cui lenia conçoit la
papauté comme seule source d’autorité sur terre et rejette même la distinction
entre les deux pouvoirs. » (p.67)
272
juridiction du pontife romain et qui semblait pourtant à portée de main après la
victoire définitive sur les héritiers de Frédéric II à Tagliacozzo (1268). » (p.70)
http://academienouvelle.forumactif.org/t6683-renaissance-du-xiie-siecle#7831
273
de 1150, secrétaire de Théobald, archevêque de Canterbury, et à sa mort, en 1
161, secrétaire de son successeur, Thomas Becket. Il le suivit dans son exil en
France pendant l'opposition de Henri II l'Angevin aux coutumes de l'Eglise.
Thomas et Jean retournèrent à Canterbury en 1170 et Jean assista au meurtre
de Thomas par les chevaliers normands. Jean devint évêque de Chartres en
1176. Les lettres de Jean apportent une compréhension du conflit
constitutionnel entre Henri II et Thomas Becket. Le Policraticus constitua un
lien entre la révolution grégorienne et la Magna Carla, la Grande Charte
imposée en 1215 au successeur de Henri Il, le roi Jean ("Sans Terre") par un
nouvel archevêque de Canterbury, Stephen Langton. Berman remarque à
propos de Jean de Salisbury que "Par sa conception d'une loi suprême
s'imposant au gouvernant le plus élevé, il était le précurseur de la suprématie
judiciaire formulée par Sir Edward Coke; et sa doctrine selon laquelle, dans la
mesure où les hommes rejettent le péché et vivent uniquement par la grâce, ils
n'ont pas besoin de gouvernement" anticipait sur des écrivains chrétiens
postérieurs. La pensée politique de Saint Thomas d'Aquin adjoignait (en 1266)
la Politique d'Aristote, récemment traduite de l'arabe (1260), à Jean de
Salisbury. » -Leonard P. Liggio, préface à Harold J. Berman, Droit et révolution,
Librairie de l'Université d'Aix en Provence, trad. Raoul Audouin, 2002 (1983
pour la première édition états-unienne), 684 pages, p.IX-X.
http://www.amazon.fr/Jean-Salisbury-renaissance-m%C3%A9di%C3%A9vale-
scepticisme/dp/2251381228/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1459263076
&sr=1-1&keywords=Jean+de+Salisbury
http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/bonaventure/divers/043.htm
Lorsqu’en 1095 […] [Urbain II] lança son célèbre appel à Clermont, son
dessein primordial était encore de fournir aux byzanthins les renforts
nécessaires pour chasser l’infidèle d’Asie mineure. Il espérait qu’en retour
l’Église d’Orient reconnaîtrait la suprématie papale, de façon à ce que fût
274
restaurée l’unité du monde chrétien. Il se souciait, d’autre part, de fournir aux
nobles, et notamment à cette noblesse française d’où il était issu, un exutoire : le
pays ne cessait d’être dévasté par leurs incessants conflits. […]
« Dans l’esprit du pape, l’armée ne devait grouper que les chevaliers et leurs
serviteurs, tous hommes aguerris et équipés de pied en cap. De fait, la plupart
des nobles qui répondirent à son appel se préparèrent avec réalisme et sang-
froid à cette longue campagne. Mais les hordes surgies dans le sillage des
prophètes rassemblaient des hommes dont le manque de qualification militaire
n’avait d’égal que l’impétuosité. Le fait est que rien ne les retenait et que tout
les poussait à partir au plus tôt. Pauvres, à quelques exceptions près, ils
venaient de régions surpeuplées où les pauvres étaient soumis à une insécurité
de tous les instants. De plus, les années 1085-1095 avaient été plus rudes encore
que de coutume. Le Nord de la France et l’Allemagne occidentale, notamment,
avaient subi une série presque ininterrompue d’inondations, de sécheresses et
de famines. Depuis 1089, la population vivait dans la hantise d’une forme
particulièrement maligne de peste qui s’abattait brusquement et sans raison
apparente sur une ville ou un village, livrant la plupart de leurs habitants aux
affres de la mort. Les masses avaient réagi de façon traditionnelle, face à cette
275
calamité. Le peuple, groupé au sein d’associations dévotionnelles et
pénitentielles, autour d’ermites et de saints hommes, s’était lancé dans une
quête collctive de salut. L’apparition soudaine des prophètes, qui prêchaient la
croisade, donna à ces masses affligées l’occasion de constituer des groupes
salutistes d’une toute autre envergure et de fuir des contrées où la vie était
désormais impossible. Hommes et femmes se joignaient en hâte à ce nouveau
mouvement. Ils se déplaçaient souvent par familles entières, entassant leurs
enfants et leurs biens sur des charettes. Au fur et à mesure, leurs rangs se
grossissaient de toutes sortes d’aventuriers sans feu ni lieu, moines renégats,
femmes déguisées en hommes, voleurs et brigands, par milliers.
La croisade rêvetait pour ces hordes une signification très différente de celle
que lui attribuait le pape. Les pauperes, comme disent les chroniqueurs,
n’avaient cure des chrétiens de Byzance, mais ils brûlaient d’atteindre
Jérusalem et de l’investir. Cette cité –la ville sainte du monde chrétien- était aux
mains des musulmans depuis plus de 450 ans. Bien qu’à l’origine, la possibilité
de reprendre Jérusalem ne semble pas être entrée pour beaucoup dans les plans
d’Urbain, ce fut cette perspective qui enivra la masse des pauvres. A leurs yeux,
la croisade était un pèlerinage armé et militant, le plus noble des pélerinages. »
(p.67-68)
276
https://www.amazon.fr/premi%C3%A8re-croisade-Jacques-
HEERS/dp/2262018685/ref=pd_sim_14_11?_encoding=UTF8&psc=1&refRID
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Croisades : https://www.amazon.fr/Histoire-croisades-GROUSSET-
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278
de la majesté divine. » -Le pape Innocent III, justifiant la purge. Cité par
Michèle Ressi, L’histoire de France en 1000 citations.
« [Les troubadours] frappent sur l'Église avec la même rudesse que sur les
seigneurs séculiers et sur les légistes; ils lui reprochent sans détour les abus et
les crimes dont s'irritaient alors les âmes les plus pures, la simonie, la rapine, le
parjure, l'hypocrisie, contre Rome, les prêtres et les moines, ils lancent des
couplets terribles qui font penser aux malédictions de Dante ; et quand enfin la
longue croisade de l'Albigeois, sous Philippe-Auguste et Louis VIII, a passé sur
Béziers, Carcassonne, Avignon et Toulouse, et que le Midi, brûlé et tout
sanglant, a perdu sa civilisation avec ses libertés, c'est encore le cri des poètes
qui retentit, et la muse provençale proteste par la voix de Guillaume Figuieras
et de Pierre Cardinal contre l'œuvre d'Innocent III. »
« Ce pays avait grandi trop vite, et, de même qu'il s'était en partie affranchi de
la tutelle féodale, il se détachait visiblement, à la fin du XIIème siècle, non
seulement de l'Église, mais du christianisme. Du même coup, il s'isolait de la
chrétienté tout entière. » -Émile Gebhart, Les Origines de la Renaissance en
Italie, 1879.
280
« L’hérésie était l’équivalent de la « théologie de la libération » pour le
prolétariat médiéval. Elle fournissait un cadre aux revendications de rénovation
spirituelle et de justice sociale populaires, défiant à la fois l’Église et l’autorité
séculière au nom d’une vérité supérieure. Elle dénonçait les hiérarchies
sociales, la propriété privée et l’accumulation de richesse, et elle propageait
une conception nouvelle, révolutionnaire, de la société qui, pour la première
fois au Moyen Âge, redéfinissait tous les aspects de la vie quotidienne (travail,
propriété, reproduction sexuelle, et la position des femmes), posant la question
de l’émancipation dans en termes vraiment universels.
À la racine de l’hérésie populaire, on trouve l’idée que Dieu ne parlait plus par
la bouche du clergé, du fait de sa cupidité, de sa corruption et de son
comportement scandaleux. Les deux principales sectes se présentaient ainsi
comme les « véritables églises ». Mais le défi des hérétiques était en premier lieu
un défi politique, puisque défier l’Église, c’était affronter à la fois le pilier
idéologique du pouvoir féodal, le plus grand propriétaire foncier en Europe, et
une des institutions portant la plus grande responsabilité dans l’exploitation
quotidienne de la paysannerie. À partir du xie siècle, l’Église était devenue un
pouvoir despotique qui se servait de sa prétendue investiture divine pour
gouverner avec une poigne de fer et remplir ses coffres par des moyens
d’extorsion illimités. Vendre des absolutions, des indulgences et des offices
religieux, appeler les fidèles à l’église uniquement pour leur prêcher la sainteté
de la dîme, et faire commerce de tous les sacrements, c’étaient là des pratiques
courantes depuis le pape jusqu’au curé du village, à tel point que la corruption
des clercs devint proverbiale dans toute la chrétienté. Les choses dégénérèrent à
tel point que le clergé ne voulait plus enterrer un mort, baptiser ou donner
l’absolution des péchés à moins de recevoir une rémunération. »
281
« La secte hérétique qui eut le plus d’influence, les cathares, était aussi unique
dans l’histoire des mouvements sociaux européens du fait de son aversion pour
la guerre (y compris les croisades), sa condamnation de la peine capitale (qui
provoqua la première déclaration explicite de l’Église en faveur de la peine de
mort ) et leur tolérance à l’égard des autres religions. Le sud de la France, leur
bastion avant la croisade contre les albigeois, « était un havre sûr pour les Juifs
alors que l’antisémitisme montait en Europe ; [là] une fusion de la pensée
cathare et de la pensée juive engendra la kabbale, la tradition du mysticisme juif
». Les cathares rejetaient aussi le mariage et la procréation et étaient
strictement végétariens, à la fois parce qu’ils refusaient de tuer des animaux et
parce qu’ils voulaient éviter toute nourriture, comme les œufs ou les viandes,
résultant de la génération sexuelle. » -Silvia Federici, Caliban et la sorcière.
Femmes, corps et accumulation primitive, Éditions Entremonde, 2014, Chapitre
d'Introduction.
https://www.amazon.fr/cathare-religions-m%C3%A9di%C3%A9vales-
expressions-m%C3%A9ridionales/dp/2757861107
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si%C3%A8cle/dp/2012355420/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1496071374&sr=8-
282
1&keywords=La+vie+quotidienne+des+Cathares+du+Languedoc+au+XIIIe+si
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J8YQ7888MH
« Joachim de Flore, moine cistercien calabrais du XIIe siècle […] Dans son
Exposition de l’Apocalypse, il révélait son système théologique. Il y divisait le
gouvernement du monde en trois règnes : celui du père, celui du fils, puis le
troisième, lequel était annoncé par l’action de saint Benoît. A ces trois phases
correspondaient trois états de l’humanité : celui des conjoints – créé pour la
propagation de l’espèce –, celui des clercs – dont la vocation principale était la
diffusion de la parole divine – et celui des moines, annonçant le couronnement
de la destinée humaine devant déboucher sur la manifestation prochaine de
Dieu. S’il est clair que la pensée de Joachim de Flore était emprunte d’une idée
de progrès, il est impossible d’affirmer qu’elle eut un impact déterminant dans
la pensée médiévale. » -Mathilde Herrero, Histoire de l’idée de progrès de
l’Antiquité au XVIIe siècle, https://www.nonfiction.fr, 24 janvier 2013.
283
ultime, âge de « liberté, où les hommes seront délivrés une fois pour toutes de
toute subordination et de toute contrainte. Cette conception de l’histoire fut
largement répandue et diversement exposée chez les philosophes du XVIIIème et
XIXème siècles ; avant Marx, elle avait été éloquemment exposée par Lessing,
Schelling et Auguste Comte, par exemple. Son origine est cependant bien
antérieure, et Lessing, qui fut le premier à en donner une version modernisée,
savait qu’il reprenait une tradition prophétique instaurée par Joachim de
Flore. » -Norman Cohn, Les fanatiques de l’Apocalypse. Courants millénaristes
révolutionnaires du XIème au XVIème siècle, Bruxelles, Editions Aden, coll.
« Opium du peuple », 2011 (1957 pour la première édition anglaise), 469 pages,
p.418.
https://www.amazon.fr/post%C3%A9rit%C3%A9-spirituelle-Joachim-Flore-
jours/dp/220410129X/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1472758825&sr=8-
1&keywords=Henri+De+Lubac%2C+La+Post%C3%A9rit%C3%A9+spirituelle
+de+Joachim+de+Flore
284
apply a certain name, a certain word, to a number of particulars as a matter of
subjective convenience. But that’s what is –subjective- with no objective
common denominators, no real universals uniting particulars in reality.
Well to take just one example, what happens to original sin ? The idea of the
Church was that in Adam’s sin, we were all supposed to have become infected ;
in effect, in Adam’s sin, human nature as such –the universal manness- was
corrupted, and therefore all the particular men. And that was the metaphysical
explanation of how you could inherit somebody else’s sin. But if the are no
universal –if Adam is just one individual, and each of us is a separate, distinct
individual with nothing in common with him –then of course the inheritance of
original sin becomes unintelligible, so nominalism too has to go.
The third position, and the one was finally dominant in this period, was offered
as a kind f mediation between Planotic realism and nominalism, and its major
author is Abelard, the one famous for his relations with Héloïse. His dates are
1079-1142. And he performed a very great achievement for this early period, at
a time when nothing about Aristotle’s theory was known –he worked out a view
roughly similar to Aristotle’s, even if very, very primitive. And his view if often
called “moderate realism”, which is a foolish name because it sounds like
Aristotelianism is a compromise between Plato and the nominalists.
In very brief form, Abelard’s view was that the nominalists are right in one
respect –only particulars exists- but that human beings, by a process of
abstraction, are able to discover a common nature in a number of particulars,
and that the universal, while it therefore existed in one sense only in the mind as
285
an abstraction from particulars, nevertheless is not a subjective fiction as
Roscelin had said, because in fact, individual things do have common properties
which form an objective basis for our abstractions. Now this position is
essentially the view that Aristotle took in the ancient world, so I won’t say any
more about it here. As worked out by Abelard, and later much more fully by
Thomas Aquinas, it has all the main virtues and problems that Aristotle’s own
statement of it had.” -Ayn Rand Institute, History of Philosophy, lesson 27, The
Dark Ages, Medieval Scholasticism and the Rediscovery of Aristotle.
286
fait. » En intitulant leur mouvement la via moderna, l'opposant ainsi à la via
antiqua représentant le réalisme, ces philosophes nominalistes étaient
conscients d'être porteurs d'une modernité jugée jusqu'alors inexprimée.
Le point de départ de ce qui aurait pu n'être qu'une réforme, mais qui, par les
conséquences immenses sur l'évolution du savoir, fut bien une révolution, était
une divergence ponctuelle purement philosophique. C'est sur le terrain de la
théorie de la connaissance que le conflit prit corps. Pour les réalistes, la science
ne devait porter que sur le général: elle se voulait abstraite, spéculative et
universelle. Au contraire, pour le nominalisme, la science ne portait que sur le
particulier: pour lui, l'universel n'étant qu'un nom (d'où l'appellation de
nominaliste) dépourvu de réalité, l'appréhension de la réalité et de ses
phénomènes concrets ne pouvait être faite que par une approche de l'objet
individuel. Toutefois, le véritable enjeu du débat théorique entre l'universalisme
et l'individualisme était la place de la théologie dans la connaissance. Le
réaliste affirmait que la science ne peut être qu'universelle, car il posait au
préalable de toute connaissance l'acceptation d'une fin unique et permanente
d'origine divine, qui animait chacun des êtres et des choses. Pour lui, le réel
perceptible par les sens étant divers, mouvant et accidentel, il échappait à la
connaissance vraie; seule la recherche de la fin, donnant au réel sa véritable
signification, devait être l'objet de la science. Ainsi, par exemple, une approche
réaliste de l'étude du mouvement des corps ne se posait pas en terme de savoir «
Comment un objet jeté au ciel retombe sur terre ? », mais « Pourquoi retombe-t-
il ? » Se dégageant de tout empirisme, la connaissance du général ne pouvait
être que du domaine du révélé, et la science réaliste tombait ainsi tout entière
dans le giron de la théologie.
Le nominaliste s'élevait avec vigueur contre cette thèse. Pour lui, l'étude du
particulier constituait la connaissance en soi. II n'y avait rien à rechercher au-
delà de l'apparence des choses. Connaître un homme, un arbre, une pierre,
c'était en définir un certain nombre de variables les caractérisant, comme le
poids, la taille, etc., et établir entre ces variables des relations d'ordre comme le
mouvement, la luminosité, etc. Mais, derrière ces trois individualités, il n'y avait
aucune fin transcendante explicative de leur existence. La connaissance, selon
cette démarche, ne pouvait donc être qu'expérimentale, empirique, rationnelle,
et être nettement distincte de la foi. Cela ne voulait pas dire que le nominalisme
rejetait la religion. Guillaume d'Occam et ses disciples, Jean Buridan ou
Nicolas Oresme, étaient, c'est indubitable, bons chrétiens. Mais, s'ils
287
soumettaient la science à la foi, ils les mettaient (et cela constituait leur apport)
sur deux plans nettement différenciés. […]
Mais cette volonté de révolution scientifique était aussi doublée d'une volonté de
réussir une révolution sociale. Le nominalisme occamien annonce l'humanisme
anglais de John Locke et de David Hume. Outre un savant philosophe, il faut
bien voir en Guillaume d'Occam un militant engagé dans un combat politique
actif contre le pape et l'ordre théocratique. Aux yeux des occamiens, les
thomistes apparaissaient comme étant les défenseurs des institutions et de
l'ordre féodal établi. [...] Pour le nominalisme, la fin de l'homme n'était pas en
Dieu, mais en lui-même. L'être humain était une réalité en soi, il était un
individu. Ainsi, sur le plan social, il n'a pas de guide religieux pour le conduire
vers la béatitude, mais un simple prince, homme commun désigné par la
communauté et doté d'un pouvoir temporaire de gestion de la chose publique
(res publica). Ainsi, si Thomas d'Aquin et Nicolas Oresme furent deux
ecclésiastiques proches du pouvoir royal, leur attitude face à la royauté était
radicalement différente. Thomas d'Aquin se pose en ecclésiastique gardien du
pouvoir temporel de l'ordre religieux. Un siècle plus tard, Nicolas Oresme, bien
que revêtu de la même robe ecclésiastique, se présentait non plus comme un
émissaire de Rome mais comme un serviteur du pouvoir royal, prenant la
défense de son prince contre le pape lui-même. Au XIVe siècle, la notion d'Etat
laïque et souverain apparut, et de là émergèrent les concepts de nation et de
nationalité. » -Claude Dupuy, avant-propos à Traité des monnaies et autres
écrits monétaires du XIVème siècle.
« The classic starting point of nominalism has been the edict issued by Louis XI
in 1474 commanding that realism alone (as contained in scholars such as
Averroes, Albert the Great, Aquinas, Duns Scotus and Bonaventure) be taught at
the University of Paris, and ordering that the books of various 'renovating
scholars', including Ockham, Gregory of Rimini, Buridan and Peter of Ailly be
removed. The edict used the word 'nominalist' to describe those students at Paris
who 'are not afraid to imitate' the renovators. These students then made a reply
288
to Louis XI, defending nominalism as a movement going back to Ockham,
which had been persecuted repeatedly, but which in fact represents the truer
philosophy.” –Wikipédia, “Nominalism”, note n°16.
« Nous avons donc devant nous, aux XIVe et XVe siècles, une génération
d’hommes à l’esprit froid et sobre, qui ont perdu l’enthousiasme religieux qui
animait les générations des grandes croisades, et qui ont acquis, dans la
diplomatie compliquée qu’exige à cette époque la moindre affaire, cet esprit net
et positif qui caractérise leur doctrine. Car nous voyons alors tomber, sous les
coups des nominalistes, toute cette machinerie métaphysique que nous avons vu
s’élever au XIIIe siècle. Le nominalisme de cette époque est tout autre chose
qu’une solution particulière du problème spécial des universaux : c’est un esprit
nouveau qui déclare fictives toutes ces réalités métaphysiques que croyaient
avoir découvertes les péripatéticiens et les platoniciens, qui se tient aussi près
que possible de l’expérience et qui rejette dans le domaine de la foi pure,
inaccessible à toute communication avec la raison, les affirmations de la
religion. » (p.478)
-Émile Bréhier, Histoire de la philosophie, "Les classiques des sciences
sociales" (à partir de Librairie Félix Alcan, Paris, 1928, 788 pages).
289
concept de droits de l'homme, Master 2 à l’Université catholique de Lyon, 2006,
introduction, p. 8.
« Il n'y a rien d'universel dans le monde, en dehors des dénominations ; car les
choses nommées sont toutes individuelles et singulières. » -Thomas Hobbes.
290
« Les peuples n'existent qu'in abstracto ; les individus sont ce qui est réel »
-Arthur Schopenhauer.
« Le fait est qu'une personne morale, qu'on la baptise parti populaire, Peuple ou
encore « le Seigneur », n'est nullement une personne, mais un fantôme. » -Max
Stirner.
291
qui sont considérés comme des êtres purement spirituels. Il faudrait alors dire,
comme l'a fait par exemple Thomas d'Aquin [...], que chaque ange est une
espèce différente. De plus, les êtres dépourvus de traits accidentels, tel Dieu qui
est éternel et immuable, ne sauraient non plus être individuels. Dieu semble être
une sorte de nature générale, sui generis. Une telle idée de la nature divine
allait à l'encontre de l'intuition de maints penseurs médiévaux. Abélard fut l'un
des premiers à critiquer la conception aristotélicienne au plan de sa logique
interne. Il objecta, entre autres, que la matière ne saurait guère être le principe
de l'individuation puisque tous les êtres corporels ont en commun leur
corporéité. Les accidents ne sauraient davantage servir de principe
d'individuation, car dans ce cas, ce qui fait que Socrate est Socrate serait une
particularité qui peut ou non appartenir au même être, bref un accidens, alors
que ce même être ne saurait être Socrate puisqu'il s'agirait de l'homme en
général.
Avec Abélard se fait jour une intuition proprement médiévale, qui considère la
réalité comme étant foncièrement individuelle, et non plus comme un amalgame
d'essences générales rendu concret ou "individuel" par sa mise-en-corps.
Gilbert de Poitiers, contemporain d'Abélard, formule une conception semblable,
déclarant que "tout ce qui existe est singulier". Au début du XIIème siècle,
apparaît une formulation encore plus radicale de cette position (trop extrême
même pour Abélard qui pourtant incline en sa faveur): toutes choses -tant
matérielles que non matérielles, tant substances secondes qu'accidents- sont
foncièrement individuelles. [...]
Deux siècles plus tard, Guillaume d'Ockham reprend maintes idées d'Abélard et
les utilise pour forger sa théorie dite "nominaliste", laquelle est fort proche de
la position radicale du XIIème mentionnée ci-dessus. D'après Ockham, toute
chose est individuelle. Les substances secondes ou les formes substantielles
génériques (comme la corporéité) ne correspondent pas aux traits réels qui se
trouvent dans les choses. Ces substances ou formes sont les concepts que forme
l'esprit dans son appréhension du réel. Ainsi l'idée fort répandue que certaines
choses sont les mêmes ou ne le sont pas se justifie par la supposition que le
fondement de la comparaison et de l'identification se situe exclusivement au
niveau mental. [...] Une telle explication coupe toute possibilité de
communication entre l'esprit et la réalité et, loin de nous aider, empêche de
comprendre le miracle que représentent le savoir et l'intelligence humaine.
D'Abélard à Ockham, nous voyons comment la notion d'individualité, qui trouve
292
ses origines au Moyen Age, a pu être radicalisée au point de devenir aussi
invraisemblable que la conception aristotélicienne -dont elle est, pour ainsi dire,
l'image renversée. » -Nico den Bok, « Richard de Saint-Victor et la quête de
l’individualité essentielle », Brigitte Miriam Bedos-Rezak & Dominique Iogna-
Prat (dir), L'Individu au Moyen Age. Individuation et individualisation avant la
modernité, Mayenne, Éditions Flammarion, Aubier, 2005, 380 pages, 126-128.
http://hydra.forumactif.org/t2339-tom-marshall-modernity-as-event-
nominalism-community-and-the-political-in-international-relations-theory#3069
https://www.amazon.fr/Individuation-Scholasticism-Later-Middle-Counter-
Reformation/dp/079141860X/ref=sr_1_fkmr0_1?ie=UTF8&qid=1462730259&s
r=8-1-fkmr0&keywords=Jorge+J.+Garcia+individuation+in+scholasticism
https://www.amazon.fr/Individuation-Identity-Early-Modern-
Philoso/dp/0791419681/ref=sr_1_fkmr0_3?ie=UTF8&qid=1462730313&sr=8-
3-fkmr0&keywords=Jorge+J.+Garcia+individuation+in+scholasticism
http://www.amazon.fr/Theological-Origins-Modernity-Michael-
Gillespie/dp/0226293467/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1454101726&sr=8-
1&keywords=The+Theological+Origins+of+Modernity
http://www.amazon.com/Inventing-Individual-Origins-Western-
Liberalism/dp/0674417534
http://www.amazon.fr/LOccident-chr%C3%A9tien-fin-mythe-
Prom%C3%A9th%C3%A9e/dp/2296092829/ref=sr_1_217?ie=UTF8&qid=145
5562537&sr=8-217&keywords=th%C3%A9ologie+m%C3%A9di%C3%A9vale
http://hydra.forumactif.org/t2320-francois-picavet-roscelin-philosophe-et-
theologien#3048
« Les mêmes mots ont été employés dans des sens différents par des auteurs
différents. »
293
« Les Écritures canoniques de l’Ancien et du Nouveau Testament sont des
documents dans lesquels il serait hérétique d’affirmer que la moindre chose
s’écarte de la vérité. »
"Il est sans doute difficile de trouver une solution à ces problèmes si on ne les a
pas, à plusieurs reprises, examinés. Douter de chaque point particulier n’est pas
inutile."
« Vainement Abélard, aux premières années du XIIème siècle, souffle sur les
chimères du réalisme et dépose dans le berceau de l'Université de Paris les
germes du rationalisme de Descartes et de la critique de Kant. » -Émile
Gebhart, Les Origines de la Renaissance en Italie, 1879.
294
« La foi doit être dirigée par la lumière naturelle : car la marque d’un esprit
léger est de croire trop facilement. Or, celui-là croit trop facilement, qui fait
marcher la foi avant la raison. De quoi sert-il, en effet, de professer ce qu’on ne
peut expliquer, et d’enseigner une doctrine qu’on n’est pas en état de rendre
sensible à ceux qui nous écoutent ? ». » -Lutz Geldsetzer, « Sic et non » sive «
Sic aut non » La méthode des questions chez Abélard et la stratégie de la
recherche, in Jean Jolivet et Henri Habrias (dir.), Pierre Abélard, Colloque
international de Nantes, Presse Universitaire de Rennes, 2003.
« C’est un document humain d’une richesse et d’une beauté telles, qu’on peut à
bon droit le ranger parmi les plus émouvants de la littérature universelle. » -
Étienne Gilson, Héloise et Abélard, Paris, Librairie philosophique J. Vrin, p.14.
295
« "L'horrible comparaison du sceau de bronze, de l'espèce et du genre pour
traiter de la Trinité": tel est le titre d'un des articles figurant sur la liste des
hérésies attribuées à Abélard et pour lesquelles il fut condamné au concile de
Sens (juin 1140). Ainsi, parmi les nombreux chocs causés par Abélard, il en est
un qui a peu attiré l'attention des historiens modernes. Et pour cause. Il s'agit
moins de séduction romantique ou de dialectique audacieuse que d'une
métaphore mal venue, ou plutôt mal reçue. Le recours à la métaphore sigillaire
pour décrire la Trinité revient à maintes reprises chez Abélard. Le sceau lui
permet d'articuler l'unité divine en dotant chacune des trois personnes
d'attributions spéciales mais aux implications non réciproques. De même que le
sceau (équivalent métaphorique de l'espèce) vient du bronze (équivalent du
genre), mais pas inversement, de même le Fils vient du Père, mais l'inverse n'est
pas vrai. Guillaume de Saint-Thierry et Bernard de Clairvaux reprochent à cette
comparaison un double sabotage de l'unité divine. D'abord, elle introduit un
différentiel, genre/matière, matière/fait-de-matière. Ensuite, en soulignant que
le sceau n'est qu'une portion du bronze, elle implique l'inégalité du Père et du
Fils. » -Brigitte Miriam Bedos-Rezak, « Signes d’identité et principes d’altérité
au XIIème siècle », in Brigitte Miriam Bedos-Rezak & Dominique Iogna-Prat
(dir), L'Individu au Moyen Age. Individuation et individualisation avant la
modernité, Mayenne, Éditions Flammarion, Aubier, 2005, 380 pages, p.49-50.
“Conceptualism. The conceptualists hold that the only universals are human
abstractions or concepts. While concepts are human creations, the process of
concept-formation is one of abstraction from the actual features of particular
entities, and therefore concepts (in general) contain nothing that does not exist
in reality. On this view, there are no universal entities: universals exist neither
in a separate realm nor in particular entities. However, human concepts are
296
based on abstraction from particular entities, so that the names we give to
things are neither arbitrary nor subjective, but directly grounded in the features
of entities. Thus both existence and consciousness contribute to the process of
concept-formation: reality contributes the particular entities and their features,
while human cognition contributes the abstractions that unite those entities and
features into universal concepts.
[…] it is clear that both Abelard and Rand are conceptualists.” -Peter Saint-
André, “Conceptualism in Abelard and Rand”, First published in the Journal of
Ayn Rand Studies, Volume 4, Number 1 (Fall 2002), pp. 123-140.
http://hydra.forumactif.org/t2319-iwakuma-yuko-pierre-abelard-et-guillaume-
de-champeaux-dans-les-premieres-annees-du-xii-siecle-une-etude-
preliminaire#3047
http://www.amazon.fr/Abelard-Medieval-Michael-T-
Clanchy/dp/0631214445/ref=sr_1_2?ie=UTF8&qid=1450220558&sr=8-
2&keywords=Michael+Clanchy%2C+Ab%C3%A9lard
http://www.amazon.fr/H%C3%A9lo%C3%AFse-Lamour-savoir-Lobrichon-
Guy/dp/2070772225/ref=sr_1_68?ie=UTF8&qid=1454784855&sr=8-
68&keywords=amour+moyen-%C3%A2ge
http://www.amazon.fr/Conf%C3%A9rences-Dialogue-philosophe-
chr%C3%A9tien-Connais-
toi/dp/2204047600/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1450219948&sr=8-
1&keywords=Conf%C3%A9rences+%28Dialogue+d%27un+philosophe+avec+
un+juif+et+un+chr%C3%A9tien%29.
http://www.amazon.fr/Trait%C3%A9-intellections-Pierre-
Ab%C3%A9lard/dp/2711611663/ref=pd_sim_sbs_14_3?ie=UTF8&dpID=41M
OygoT5RL&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR103%2C160_&refRID=102
QW6GNSWJNEWKWQP09
http://www.amazon.fr/Ab%C3%A9lard-Theologia-Introduction-traduction-
M%C3%A9di%C3%A9vales/dp/B006QML4LU/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=14
43698486&sr=8-
1&keywords=Ab%C3%A9lard%2C+Du+Bien+Supr%C3%AAme
297
http://www.amazon.com/Philosophy-Peter-Abelard-John-
Marenbon/dp/0521663997
http://www.amazon.fr/Cambridge-Companion-Abelard-Jeffrey-
Brower/dp/0521775965/ref=tmm_pap_title_0?ie=UTF8&qid=1450221125&sr=
8-1
http://www.amazon.fr/Correspondance-dAb%C3%A9lard-H%C3%A9loise-
Ab%C3%A9lard/dp/2070415287/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1443698732&sr=8
-
1&keywords=%C3%89tienne+Gilson%2C+H%C3%A9lo%C3%AFse+et+Ab%
C3%A9lard
http://www.amazon.fr/Ab%C3%A9lard-ou-Philosophie-dans-
langage/dp/2204050083/ref=sr_1_18?ie=UTF8&qid=1450220872&sr=8-
18&keywords=Ab%C3%A9lard
http://www.amazon.fr/Pierre-Ab%C3%A9lard-Colloque-international-
Nantes/dp/2868477771/ref=tmm_pap_title_0?ie=UTF8&qid=1450220724&sr=
8-1
http://www.amazon.fr/si%C3%A8cle-saint-Bernard-
Ab%C3%A9lard/dp/2262025819/ref=sr_1_8?ie=UTF8&qid=1443698552&sr=8
-8&keywords=Ab%C3%A9lard+et+son+temps
C'était un homme pour qui les leçons de l'expérience n'étaient pas perdues et il
ne voulait pas s'exposer à créer une autre féodalité. Aussi choisit-il pour
fonctionnaires de petites gens qui fussent bien à lui et qu'il changeait souvent de
place. A sa suite, les rois de France s'entoureront de roturiers bons comptables
et bons légistes. Son homme de confiance, Suger, un simple moine, sera le
ministre type de la royauté.
Voilà comment, par la force des choses, les Capétiens, issus du régime féodal,
en devinrent les destructeurs. Ils devaient le soumettre ou être mangés par lui. »
(p.60-61)
298
« Quelle erreur de croire que ce siècle lui-même ait été celui de la foi docile et
de l'obéissance au maître ! Ce fut le siècle d'Abélard, de sa fabuleuse célébrité,
des controverses philosophiques, des audaces de l'esprit. Les hérésies
reparaissaient et elles trouvèrent saint Bernard pour les combattre. La croisade
contre les Albigeois était proche. Il y avait aussi des bouillonnements
d'indiscipline et, pendant sa régence, il faudra que Suger ait la main lourde. Les
hommes de ce temps-là ont eu les mêmes passions que nous. » (p.62)
https://www.amazon.fr/Louis-VI-Gros-Eric-
Bournazel/dp/2213634238/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1503416020&s
r=1-1&keywords=Louis+VI
Louis VII (1120-1180) : « Louis VII s'était très bien marié. Il avait épousé
Éléonore de Guyenne, dont la dot était tout le Sud-Ouest. Par ce mariage, la
France, d'un seul coup, s'étendait jusqu'aux Pyrénées. Les deux époux ne
s'entendirent pas et Louis VII paraît avoir eu de sérieux griefs contre la reine ;
la France aussi a eu son "nez de Cléopâtre" qui a failli changer son destin.
Toutefois cette union orageuse ne fut annulée qu'après quinze ans, lorsque
Suger, le bon conseiller, eut disparu. Ce divorce fut une catastrophe. Bien
qu'Éléonore ne fût plus jeune, elle ne manqua pas de prétendants et elle porte sa
dot à Henri Plantagenêt, comte d'Anjou. C'était une des pires conséquences du
démembrement de l'Etat par le régime féodal que le territoire suivît le titulaire
du fief homme ou femme, comme une propriété. Dans ce cas, la conséquence fut
une gravité sans pareille. Le hasard voulut, en outre, que le comte d'Anjou
héritât presque tout de suite de la couronne d'Angleterre (1154). Le Plantagenêt
se trouvait à la tête d'un royaume qui comprenait, avec son domaine angevin, la
Grande-Bretagne et la Normandie et, par Éléonore de Guyenne, l'Auvergne,
l'Aquitaine. Serré entre cet Etat et l'empire germanique, que deviendrait le
royaume de France ? C'est miracle qu'il n'ait pas été écrasé. La fin du règne de
Louis VII se passa à écarter la tenaille et à défendre les provinces du Midi
contre l'envahissement anglo-normand. Une grande lutte avait commencé. Elle
ne devait avoir de trêve qu'avec saint Louis. Ce fut la première guerre de cent
ans. » -Jacques Bainville, Histoire de France, Éditions Perrin, coll. tempus,
2014 (1924 pour la première édition), 552 pages, p.63.
299
https://www.amazon.fr/Louis-VII-Yves-
Sassier/dp/2213027862/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1503574108&sr=
1-1&keywords=Louis+VII
Roi d’un véritable empire qui réunit les terres des Pyrénées au sud, à la
frontière de l’Écosse au nord, Henri II accomplit de grandes réformes. La
décennie 1160 en particulier est une phase d’activité législative intense […] et
les « assises » ou actes législatifs se multiplient […] Ces assises constituent la
Common Law, loi qui s’applique à tout le royaume au détriment des coutumes
locales et seigneuriales […] Sous le règne de Richard Cœur de Lion, successeur
d’Henri II, le chancelier d’Angleterre, Hubert Walter […] archevêque de
Canterbury, entreprend des réformes administratives importantes, ordonnant
par exemple l’archivage des documents de la chancellerie royale. » (p.44)
Vivement condamnée par le pape, cette révolution est aussitôt rejetée par Jean
qui poursuit ses déprédations. A l’appel des barons, Louis de France (futur Louis
VIII), fils de Philippe Auguste, marié à Blanche de Castille, petite-fille d’Henri
II, arrive à Londres en 1216 pour y être couronné. Mais finalement, à la mort de
Jean sans Terre, les barons optent pour le fils de ce dernier, Henri III (1216-
1272), âge de 9 ans. Fidèle parmi les fidèles, Guillaume le Maréchal (1146-
1219) puis le justicier Hubert de Burgh exercent la régence jusqu’en 1227 sous
l’œil du légat du pape, Guala Bicchieri. Lorsqu’il accède au pouvoir en 1228,
Henri III a déjà vu trois fois renouvelée la promulgation de la Grande Charte,
c’est dire la pression baronniale.
Pour Henri III, l’échec de deux expéditions pour reprendre la Normandie (en
1230 et en 1242, défaite de Taillebourg), l’appui sur un entourage
principalement continental (la Savoie, dont est issue son épouse Éléanore de
Provence, ou les Lusignan poitevins à nouveau) et, en constante rivalité avec le
302
roi de France, une politique étrangère disproportionnée (tentant de placer son
second fils sur le trône de Sicile et son frère Richard de Cornouaille à la tête de
l’Empire) s’ajoutent aux troubles gallois. Ces « aventures » mènent à la ruine, à
de continuelles levées de taxes proportionnelles aux biens et revenus […]
Exigence quasi permanente, cette invention d’une fiscalité « moderne » essuie
de nombreux refus des barons. Leur réaction d’opposition menée par le comte
de Leicester, Simon de Montfort (marié depuis 1139 à la propre sœur d’Henri
III, il est le fils cadet du combattant contre les Albigeois), aboutit à imposer les
Provisions d’Oxford (1258) : par cette série de statuts, le roi se voit obligé de
gouverner avec un conseil élu de 15 membres contrôlé par une cour élargie (le
Parlement) siégeant de manière fixe trois fois par an pour discuter des affaires
du royaume, et une commission législative de 12 barons également élus. Les
actes réformateurs sont alors multipliés : Ordonnance des sheriffs, Provisions
des barons, ou encore Provisions de Westminster touchant aux prérogatives des
barons qu’à son tour la gentry, les chevaliers ou bacheliers locaux, qui se voient
confier les charges de sheriff dans les comtés (shires), entendent contrôler… »
(pp.75-77)
https://www.amazon.fr/Philippe-Auguste-G%C3%A9rard-
Siv%C3%A9ry/dp/2259026990/ref=tmm_pap_title_0?_encoding=UTF8&qid=1
504365298&sr=8-5
http://hydra.forumactif.org/t3496-achille-luchaire-philippe-auguste-et-son-
temps-1137-1226#4329
Louis IX (Saint Louis, 1214-1270) : "En 1226, lorsque Louis VIII mourut, son
fils ainé avait onze ans. Les minorités ont toujours été un péril. Celle-là compte
parmi les plus orageuses. Le règne de saint Louis a commencé, comme celui de
Louis XIV, par une Fronde, une Fronde encore plus dangereuse, car ceux qui la
conduisaient étaient de puissants féodaux. Les vaincus de Bouvines étaient
avides de prendre leur revanche et d'en finir avec l'unificateur capétien. Les
conjurés contestaient la régence de Blanche de Castille." (p.68)
"Il mettait le "Parlement" au-dessus des autres juridictions. C'est sous son règne
que cette cour d'appel et de justice reçoit ses attributions principales. Et le
Parlement jouera un grand rôle dans notre histoire. En unifiant le droit, il unira
la nation. Il renforcera l'État en éliminant peu à peu les justices féodales,
jusqu'au jour où le Parlement lui-même, devenu pouvoir politique, sera un
danger pour la monarchie." (p.72)
"Sous son règne [...] la France était devenue plus prospère, la vie plus douce,
plus sûre, plus humaine." (p.72-73)
-Jacques Bainville, Histoire de France, Éditions Perrin, coll. tempus, 2014
(1924 pour la première édition), 552 pages.
http://www.amazon.fr/Le-Trait%C3%A9-flux-Tractatus-
causatorum/dp/2251183140/ref=pd_sim_sbs_14_1?ie=UTF8&dpID=31VFiDGl
hFL&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR103%2C160_&refRID=0HHX3FS
Y493BB13PQ36A
http://www.amazon.fr/Livre-sur-nature-lorigine-
l%C3%A2me/dp/2296099483/ref=sr_1_10?s=books&ie=UTF8&qid=14592631
56&sr=1-10&keywords=Alain-De-Libera-Albert-le-Grand-et-la-philosophie
« Que le monde ait commencé est un objet de foi, ce n’est pas un objet de
démonstration, ni de science. » -Thomas d’Aquin, Somme théologique, Ia. Q.
46, 2 ad Resp.
« Quelquefois aussi elle ne vient pas de Dieu, mais des convoitises perverses de
l’homme, qui s’empare du pouvoir par ambition, ou de quelque autre manière
illicite. » -Thomas d’Aquin, Commentaire de l’épître de saint Paul aux
Romains, Chapitre XIII, Romains 13, 1 à 7.
« L’homme est tenu d’obéir aux princes séculiers dans les limites où l’ordre de
la justice le requiert. Il suit de là que s’ils n’ont pas un pouvoir juste mais
usurpé, ou s’ils commandent d’une façon injuste, les sujets ne sont pas tenus de
leur obéir ; si ce n’est peut-être accidentellement, en raison d’un scandale ou
d’un péril à éviter. » -Thomas d’Aquin st, ST IIa IIae q 104 a 6.
309
-Giorgio Agamben, Le Règne et la Gloire. Pour une généalogie théologique de
l'économie et du gouvernement. Homo Sacer, II, 2. Éditions du Seuil, coll. «
L’ordre philosophique », septembre 2008 (2007 pour la première édition
italienne), 443 pages, p.138-142.
« Thomas d’Aquin n’a pas laissé de traité métaphysique. […] Au moins trois
séries de textes peuvent faciliter l’accès à la conception thomasienne (on risque
ce néologisme un peu précieux pour ne pas susciter la confusion avec le
thomisme institutionnel ou scolaire) : les textes de commentaires de la
Métaphysique d’Aristote qui permettent de déterminer avec précision la position
propre de Thomas […] et des textes de la Somme contre les gentils (notamment
III, 25), où l’on peut saisir la totalité de l’enjeu de la métaphysique
310
thomasienne. Enfin le petit opuscule De l’être et de l’essence (De ente et
essentia) contient des rudiments précieux d’ontologie. » (p.283-284)
« More than any other single factor, it is the Aristotelianism of Thomas Aquinas
that oponed the door of the Renaissance. » -Ayn Rand Institute, History of
Philosophy, lesson 27, The Dark Ages, Medieval Scholasticism and the
Rediscovery of Aristotle.
“Il existe chez Saint Thomas des passions rationnelles, et donc un appétit
rationnel. » -Roger Pouivet, Quelle anthropologie pour l'épistémologie des
vertus ?, Conférence au Collège de France, 16.03.2016, 48ème minute.
« Tommaso d’Aquino (dans le Latium, non loin de Cassino) fait ses études à
Paris et à Cologne sous la férule d’Albert le Grand, dont il poursuit et achève le
travail d’adaptation de l’aristotélisme à la théologie catholique. Ses ouvrages
les plus importants, qui traitent de la tyrannie et du tyrannicide, sont la Somme
théologique, composée vers 1267-1273, le Commentaire à la Politique
d’Aristote, le Commentaire à l’Éthique d’Aristote, le Commentaire aux
sentences de Pierre Lombard, composé vers 1254-1257, et le traité inachevé sur
La politique des princes (le De regimine principum, ou De rege et regno, est
traduit de différentes façons : Du royaume, Du gouvernement de princes, La
politique des princes, etc.) composé vers 1265-1267. » (p.267)
http://www.amazon.fr/Le-vocabulaire-saint-Thomas-
dAquin/dp/2729841806/ref=pd_sim_14_18?ie=UTF8&refRID=1YCY06F88G6
XJM9QJW8R
http://www.amazon.fr/Lanthropologie-politique-Thomas-dAquin-
Cattin/dp/2747518051/ref=sr_1_25?ie=UTF8&qid=1458330833&sr=8-
25&keywords=anthropologie+philosophique
http://www.amazon.fr/Penser-politique-Thomas-
dAquin/dp/224715543X/ref=sr_1_87?s=books&ie=UTF8&qid=1455735326&sr
=1-87&keywords=philosophie+politique
http://www.amazon.fr/Du-politique-chez-Thomas-
dAquin/dp/2711625974/ref=pd_sim_14_1?ie=UTF8&dpID=41hFM0vsP-
L&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR107%2C160_&refRID=1H40Z84CKJ
5EWX6F1P60
http://www.amazon.fr/Lhumanisme-politique-saint-Thomas-
dAquin/dp/2930788003/ref=pd_sim_14_19?ie=UTF8&dpID=41%2Bp1P2b5HL
&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR108%2C160_&refRID=0V7Y109AKX
MD8DM4DWPZ
http://www.amazon.fr/Lanthropologie-politique-Thomas-dAquin-
Cattin/dp/2747518051/ref=sr_1_19?s=books&ie=UTF8&qid=1455491545&sr=
1-19&keywords=anthropologie+philosophique
http://www.amazon.com/Ethics-Aquinas-Moral-
Traditions/dp/0878408886/ref=sr_1_36?s=books&ie=UTF8&qid=1448735782
&sr=1-36&keywords=Guillaume+d%27Ockham
http://www.amazon.com/Aquinass-Theory-Natural-Law-
Reconstruction/dp/0198269676/ref=pd_sim_14_4?ie=UTF8&dpID=41tGlXivD
312
ML&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR102%2C160_&refRID=0WF89RN1
D9Z97FAXESS6
http://www.amazon.com/The-Natural-Reader-Jacqueline-
Laing/dp/1444333216/ref=pd_sim_14_1?ie=UTF8&dpID=61xbpRYbIfL&dpSr
c=sims&preST=_AC_UL160_SR111%2C160_&refRID=0TT76914D6ZZAQQ
2ZHRA
http://www.amazon.com/Natural-Law-Rights-Clarendon-
Series/dp/0199599149/ref=pd_sim_14_9?ie=UTF8&dpID=51zW92rO7BL&dp
Src=sims&preST=_AC_UL160_SR104%2C160_&refRID=0TT76914D6ZZAQ
Q2ZHRA
http://www.amazon.com/St-Thomas-Aquinas-Natural-
Tradition/dp/0813213991/ref=pd_sim_14_24?ie=UTF8&dpID=41Rpgs4Q92L&
dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR106%2C160_&refRID=0TT76914D6ZZ
AQQ2ZHRA
http://www.amazon.fr/thomisme-Etienne-
Gilson/dp/2711602974/ref=sr_1_sc_1?ie=UTF8&qid=1433973382&sr=8-1-
spell&keywords=etienne+gislon+le+thomisme
https://www.amazon.fr/philosophie-bon-sens-m%C3%A9taphysique-
thomiste/dp/2363921666/ref=sr_1_15?ie=UTF8&qid=1504372519&sr=8-
15&keywords=cours+de+philosophie+thomiste
Le XIVème siècle : « L’Occident de la fin du Moyen Age est bouleversé par une
crise longue, dont la manifestation la plus marquante est une chute
démographique spectaculaire, attestée par les sources fiscales, et qui dure
jusqu’au milieu du XVe siècle. La population diminue de 50% en moyenne (70%
en Catalogne) ; l’Angleterre passe d’environ 3 millions d’habitants au début du
siècle à 2.1 millions en 1400. Choquantes, les mortalités dues à la famine et aux
épidémies sont évoquées dans de nombreux textes contemporains […]
313
disparaît et, tout au long du siècle, des résurgences plus ou moins violentes
(1360) empêchent toute récupération. […]
Les violences, destructions et pillages nés de la guerre de Cent Ans qui oppose
France et Angleterre (1337-1453) dévastent la Normandie et le Bordelais.
Partout, le financement des armées entraîne une crue fiscale, d’autant plus
lourde que la population imposable a fortement diminué. » (pp.95-96)
314
réunit dès avril, à Paris, dans l'église Notre-Dame. Nobles, bourgeois, clergé
même, tous approuvèrent la résistance de Philippe le Bel au pape. Le roi de
France "ne reconnaissait point de supérieur sur la terre". [...]
Boniface VIII, qui avait une grande force de caractère, n'était pas homme à
céder. Il maintint sa prétention de convoquer à Rome un concile pour juger le
Capétien et "aviser à la réforme du royaume". Philippe le Bel était menacé
d'excommunication s'il refusait de laisser partir pour Rome les prélats français.
Toutefois, il chercha à négocier. Sa nature le portait à épuiser les moyens de
conciliation avant de recourir aux grands remèdes. C'est seulement quand il vit
que le pape était résolu à l'excommunier et à user contre lui de ses forces
spirituelles, ce qui eût peut-être amené un déchirement de la France, que
Philippe prit le parti de prévenir l'attaque et de frapper un grand coup. Il était
temps, car déjà la parole pontificale agissait et le clergé, les ordres religieux,
les Templiers surtout, hésitaient à suivre le roi et à donner tort à la papauté.
C'est alors que le chancelier Guillaume de Nogaret se rendit à Rome, trouva
Boniface VIII à Anagni et s'empara de sa personne. Délivré, le pape mourut
d'émotion quelques jours plus tard (1303). [...]
Les bulles de Boniface VIII étaient annulées. Le roi de France était maître chez
lui. Il avait joué gros jeu pour sauver son autorité et l'unité morale du royaume.
Le signe de sa victoire, ce fut que Clément V, ancien archevêque de Bordeaux,
passa pour un pape français et s'établit à Avignon. Pendant trois quarts de
siècle, les papes y resteront sous la protection de la monarchie française. »
(p.79-81)
315
« Philippe le Bel réunit à la France la Champagne, la Marche et Angoulême,
Lyon et le Vivarais, [...] il maria son second fils, Philippe le Long, à l'héritière
de Bougogne [...] il garda, de la dure entreprise de Flandre, Lille, Douai et
Orchies. C'était, au milieu des pires difficultés, un des plus grands efforts
d'expansion que la France eût accomplis depuis le premier Capétien. » (p.82-
83)
-Jacques Bainville, Histoire de France, Éditions Perrin, coll. tempus, 2014
(1924 pour la première édition), 552 pages.
316
« que la population regrette très amèrement leur départ » (p. 277). Autre
preuve, pour l’auteure, de l’invalidité de l’hypothèse : aucune violence n’a
accompagné l’expulsion des juifs.
« S’il y avait seulement une épée dans l’Église, c’est-à-dire l’épée spirituelle, ce
qui doit être accompli par le gouvernement des hommes ne se déroulerait pas
aussi bien parce que l’épée spirituelle devrait omettre ses tâches dans la sphère
spirituelle pour pouvoir s’occuper des choses matérielles. […] C’est pourquoi
la deuxième épée n’a pas été instituée à cause de l’impuissance de l’épée
spirituelle, mais pour le bon ordre et pour la convenance. […] Si la seconde
épée a été instituée, ce n’est pas en raison de l’impuissance de la première, mais
pour le bénéfice de l’exécution, dès lors que l’épée spirituelle ne pouvait pas
exécuter aussi bien et de manière aussi avantageuse ses missions si elle n’avait
pas le secours de l’épée matérielle… » -Gilles de Rome, Traité de la puissance
ecclésiastique.
317
à fond Aristote, appelait lui aussi le prince le "Gardien de la Justice" et le
définissait comme "l'organe et l'instrument de la Loi juste". [...]
Dans cette description des relations mutuelles entre Loi et Prince, nous trouvons
une antithèse entre un roi animé et une Loi inanimée qui, en dernière analyse,
remonte à la Politique de Platon ; et, de même, la supériorité du roi vivant sur
la rigidité de la Loi inanimée a ses antécédents. Les définitions d'Aegidius furent
répétées à maintes reprises, et sa conclusion supplémentaire, selon laquelle "il
vaut mieux être gouverné par un roi que par la Loi", fut finalement résumée par
les juristes dans la maxime Melius est bonus rex quam bona lex -renversement
total de ce qu'Aristote avait dit et voulait dire." (p.758-759)
-Ernst Kantorowicz, Les deux corps du Roi. Essai sur la théologie politique au
Moyen Age, in Œuvres, Gallimard, coll. Quarto, 2000, 1369 pages, pp.643-1222.
http://hydra.forumactif.org/t2048-jean-de-paris#2755
Pierre de Jean Olivi (1248-1298) : “Peter John Olivi [...] the moral and
intellectual inspiration for so many of the Franciscan Spirituals.” -Arthur
Stephen McGrade, The Political Thought of William of Ockham, Cambridge
University Press, 2002 (1974 pour la première édition), 269 pages, p.13.
« Nous avons affaire ici à une innovation conceptuelle de premier plan puisque
dans l’examen de l’usage de l’argent, Olivi va établir la première théorie du
capital connue. Il l’établit dans le livre II de la Théorie des contrats en
répondant à la question : « si pour un prêt qui a été fait, recevoir davantage que
ce qui a été prêté est contraire au droit naturel et divin ». Il s’agit de savoir si
tout usage de l’argent qui ne consiste pas à acheter et vendre des marchandises
est un usage usuraire. […] Contre Thomas d’Aquin, Olivi soutient ici que de
l’argent peut être vendu et que cette vente de l’argent génère un profit qui est
tout à fait licite. Il y a donc des cas où celui qui prête l’argent peut en attendre
légitimement le paiement d’un intérêt et ces cas échappent totalement à
l’usure. » -François Loiret, La première théorie connue du capital : Olivi, 2013,
site de l’auteur.
http://www.amazon.fr/Pierre-Olivi-1248-1298-Alain-Boureau/dp/2711613984
L’Amour au Moyen-âge :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Assag
http://www.amazon.fr/Chemin-amours-barbares-m%C3%A9di%C3%A9vale-
europ%C3%A9enne/dp/2262020108/ref=sr_1_102?ie=UTF8&qid=1454785169
&sr=8-102&keywords=amour+moyen-%C3%A2ge
http://www.amazon.fr/n%C3%A9ant-joie-bilingue-fran%C3%A7ais-
occitan/dp/2857922159/ref=sr_1_fkmr0_1?ie=UTF8&qid=1454768802&sr=8-
1-
fkmr0&keywords=Guillaume+IX+d%27Aquitaine+le+n%C3%A9ant+et+la+joi
e
319
http://www.amazon.fr/La-Finamor-
Collectif/dp/2020327155/ref=pd_sim_14_4?ie=UTF8&dpID=51XWMXME5Y
L&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR97%2C160_&refRID=1E35E7TNKT
20WCQ7ZYQD
http://www.amazon.fr/LAmour-courtois-ou-couple-
infernal/dp/2902702396/ref=pd_sim_14_4?ie=UTF8&dpID=51BWr97B0hL&d
pSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR98%2C160_&refRID=062FJH68E9DP5K
65K1FM
http://www.amazon.fr/Lamour-Moyen-Age-courtois-
licencieux/dp/2845211171/ref=sr_1_4?ie=UTF8&qid=1454782620&sr=8-
4&keywords=amour+courtois
http://www.amazon.fr/Trait%C3%A9-lamour-courtois-Andr%C3%A9-
Chapelain/dp/2252016477/ref=sr_1_14?ie=UTF8&qid=1454782620&sr=8-
14&keywords=amour+courtois
http://www.amazon.fr/L%C3%A9rotisme-Moyen-Age-corps-d%C3%A9sir-
lamour/dp/B00BK1LFM0/ref=sr_1_2?ie=UTF8&qid=1454783869&sr=8-
2&keywords=amour+moyen-%C3%A2ge
http://www.amazon.fr/Amours-plurielles-Doctrines-
m%C3%A9di%C3%A9vales-italien-
fran%C3%A7ais/dp/2020557088/ref=sr_1_47?ie=UTF8&qid=1454784554&sr=
8-47&keywords=amour+moyen-%C3%A2ge
http://www.amazon.fr/Lamour-Moyen-Age-Jean-
VERDON/dp/2262022585/ref=sr_1_8?ie=UTF8&qid=1454783869&sr=8-
8&keywords=amour+moyen-%C3%A2ge
http://www.amazon.fr/Pour-lhistoire-probl%C3%A8me-lamour-
Moyen/dp/2711606686/ref=sr_1_11?ie=UTF8&qid=1454783869&sr=8-
11&keywords=amour+moyen-%C3%A2ge
http://www.amazon.fr/Pari-amoureux-
Scavino/dp/270712463X/ref=sr_1_56?s=books&ie=UTF8&qid=1454954972&s
r=1-56&keywords=guillaume+d+ockham
320
http://www.amazon.fr/Amours-v%C3%A9nales-prostitution-Occident-XIIe-
XVIe/dp/2700703960/ref=tmm_pap_title_0?ie=UTF8&qid=1454954252&sr=1-
19
http://www.amazon.fr/Lamour-sexualit%C3%A9-lInquisition-expressions-
dInquisition/dp/2916488162/ref=sr_1_224?ie=UTF8&qid=1454785696&sr=8-
224&keywords=amour+moyen-%C3%A2ge
https://www.amazon.fr/Language-Sex-Voices-Northern-
France/dp/0226036146/ref=asap_bc?ie=UTF8
http://www.amazon.fr/Nouvelles-courtoises-
Anonyme/dp/2253066613/ref=pd_sim_14_14?ie=UTF8&dpID=41TnCD-
BxQL&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR99%2C160_&refRID=0D42G1C
P87QSCMKSH2RJ
http://www.amazon.fr/Fabliaux-%C3%A9rotiques-
Collective/dp/2253060011/ref=pd_sim_14_5?ie=UTF8&dpID=41pTyuw5J0L&
dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR98%2C160_&refRID=0PSSMJFGJHDV
PPQP6N9J
http://www.amazon.fr/Esth%C3%A9tique-lamour-Tristan-Claude-
Sahel/dp/2738475043/ref=sr_1_301?ie=UTF8&qid=1454785995&sr=8-
301&keywords=amour+moyen-%C3%A2ge
http://www.amazon.fr/Fier-Baiser-sources-lamour-
chevaleresque/dp/2909698629/ref=sr_1_196?ie=UTF8&qid=1454785638&sr=8
-196&keywords=amour+moyen-%C3%A2ge
http://www.amazon.fr/Lintelligence-lamour-dOvide-Dante-
daimer/dp/2271063248/ref=sr_1_69?ie=UTF8&qid=1454784855&sr=8-
69&keywords=amour+moyen-%C3%A2ge
http://www.amazon.fr/Er%C3%B4s-Moyen-Age-d%C3%A9lectation-
morose/dp/2204061069/ref=sr_1_9?ie=UTF8&qid=1454783869&sr=8-
9&keywords=amour+moyen-%C3%A2ge
http://www.amazon.fr/Le-plaisir-au-Moyen-
Age/dp/2262032203/ref=pd_sim_14_5?ie=UTF8&dpID=51Z92hsqS7L&dpSrc
=sims&preST=_AC_UL160_SR96%2C160_&refRID=0DPVW498QEF8BH7D
FNPS
321
http://www.amazon.fr/M%C3%A2le-Moyen-Age-lamour-
autres/dp/2081329832/ref=pd_sim_sbs_14_1?ie=UTF8&dpID=51eLen9EtlL&d
pSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR95%2C160_&refRID=1NB97BHTRWRV
3705ZYG6
http://www.amazon.fr/Aventure-discours-dans-lamour-
courtois/dp/270567022X/ref=sr_1_11?ie=UTF8&qid=1454782620&sr=8-
11&keywords=amour+courtois
http://www.amazon.fr/Les-Troubadours-Henri-Ir%C3%A9n%C3%A9e-
Marrou/dp/2020006502/ref=pd_sim_14_2?ie=UTF8&dpID=51jshwXqxGL&dp
Src=sims&preST=_AC_UL160_SR102%2C160_&refRID=06B3B3F6DZD9G0
AJK0PY
http://www.amazon.fr/Po%C3%A9sie-troubadours-Henri-
Gougaud/dp/2757814249/ref=pd_sim_14_1?ie=UTF8&dpID=418seGJ8BDL&d
pSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR96%2C160_&refRID=1E35E7TNKT20W
CQ7ZYQD
http://www.amazon.fr/Chevalier-son-d%C3%A9sir-litt%C3%A9raire-1064-
1154/dp/2908212234/ref=sr_1_29?ie=UTF8&qid=1454782681&sr=8-
29&keywords=amour+courtois
http://www.amazon.fr/Amour-Trinitaire-Son-Refus-
Modernite/dp/2747586669/ref=tmm_pap_title_0?ie=UTF8&qid=1454783196&
sr=8-2
http://www.amazon.fr/Eros-volubile-M%C3%A9tamorphoses-lamour-Moyen-
%C3%82ge/dp/2843210259/ref=sr_1_168?ie=UTF8&qid=1454785426&sr=8-
168&keywords=amour+moyen-%C3%A2ge
322
Guillaume de Lorris : http://www.amazon.fr/Le-Roman-Rose-Guillaume-
Lorris/dp/2253060798/ref=pd_sim_14_4?ie=UTF8&dpID=51FIGz37K3L&dpS
rc=sims&preST=_AC_UL160_SR96%2C160_&refRID=07NH18XBW4AXBP
XHCRN3
Cercamon : http://www.amazon.fr/Oeuvre-po%C3%A9tique-bilingue-
fran%C3%A7ais-occitan-
Cercamon/dp/2745318225/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1454769078&s
r=1-1&keywords=Cercamon
323
http://www.amazon.fr/Ali%C3%A9nor-dAquitaine-insoumise-Jean-
Flori/dp/2228898295/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1457454288&sr=8-
1&keywords=Ali%C3%A9nor+d%E2%80%99Aquitaine.+La+reine+insoumise
Jean Duns Scot (1266-1308) : « Ces deux hommes, Duns Scot et Guillaume
d’Occam, sont à coup sûr les plus grands esprits spéculatifs du Moyen Age,
ainsi que les plus profonds métaphysiciens qui aient jamais existé. » -C. S.
Peirce, Œuvres, I, p.110.
« Duns Scot ne rentre dans aucun des courants que nous avons suivis : à ceux
qui en font un augustinien, l’on doit objecter la critique très vive qu’il fait des
théories les plus chères à l’école : celle de la connaissance intellectuelle comme
illumination, celle des raisons séminales contenues dans la matière et des
connaissances innées contenues dans l’âme. Mais il est encore moins thomiste :
ses doctrines les plus célèbres, l’existence actuelle de la matière, l’individuation
par la forme (haeccéité), la priorité de la volonté, sont en opposition consciente
et voulue avec celles de saint Thomas. » (p.471)
324
« Tout au long du XIIIème siècle, la question s’est posée de savoir si l’objet de
la métaphysique était l’être (ou l’étant : esse ou ens) ou Dieu. En gros, ceux qui
optaient pour la première solution avaient besoin d’une théorie de l’analogie
[Thomas d’Aquin], tandis que les seconds [Duns Scot] choisissaient la thèse de
l’univocité, car il est beaucoup plus logique de soutenir que l’objet de la
métaphysique est l’être (en transformant virtuellement du même coup la
métaphysique en ontologie), si l’être peut être dit de manière univoque de Dieu
et des étants finis. » (p.325)
« Il ne faut pas considérer que la messe est dite quand on a opposé Thomas
d’Aquin et Duns Scot, analogie et univocité. Il y a toute une gamme de positions
intermédiaires et la position nominaliste d’Occam est tout à fait originale, dans
son refus implicite de prendre position sur le débat : Dieu ou l’être comme objet
de la métaphysique. La question est en effet déplacée par Occam dans la mesure
où pour lui une science ne se définit pas par son objet, car n’importe quel objet
peut être considéré par plusieurs sciences, la conséquence étant radicale pour
la métaphysique :
http://www.amazon.fr/John-Duns-Scotus-Political-
Philosophy/dp/1576591727/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1454096950&sr=8-
1&keywords=John+Duns+Scotus.+Political+and+Economic+Philosophy
http://www.amazon.fr/Ethical-Theory-John-Duns-Scotus-
ebook/dp/B00EA2HB6U/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1454097045&sr=8-
1&keywords=The+Ethical+Theory+of+John+Duns+Scotus
http://www.amazon.fr/Le-principe-dindividuation-principio-
individuationis/dp/2711617602/ref=pd_sim_14_13?ie=UTF8&dpID=41Q1PJ0D
KBL&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR100%2C160_&refRID=1WM4K5J
0WHEPEQAV3HP7
http://www.amazon.fr/Lire-Principe-dindividuation-Duns-Scot/dp/271162594X
http://www.amazon.fr/Trait%C3%A9-premier-principe-Tractatus-
principio/dp/2711614786/ref=pd_sim_14_7?ie=UTF8&dpID=41ai1HkwVDL&
dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR101%2C160_&refRID=0C9TCGRTPTP1
W32GD6E4
https://www.amazon.fr/Sur-connaissance-Dieu-lunivocit%C3%A9-
l%C3%A9tant/dp/2130587992/ref=sr_1_fkmr0_2?ie=UTF8&qid=1461956136
&sr=8-2-fkmr0&keywords=Duns+Scot%2C+la+rigueur+de+la+charit%C3%A9
http://www.amazon.fr/Limage-Duns-
Scot/dp/2711611787/ref=pd_sim_14_4?ie=UTF8&dpID=51llUeBZWFL&dpSr
c=sims&preST=_AC_UL160_SR101%2C160_&refRID=0C9TCGRTPTP1W32
GD6E4
http://www.amazon.fr/Signification-verit%C3%A9-Questions-hermeneias-
dAristote/dp/2711621626/ref=pd_sim_14_1?ie=UTF8&dpID=41MCIQvbgwL
&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR100%2C160_&refRID=07FTBGF4XY
Q9SD68FS8Q
http://www.amazon.fr/Cause-vouloir-suivi-lobjet-
jouissance/dp/2251181083/ref=pd_sim_14_3?ie=UTF8&dpID=31w1Km9CLD
L&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR101%2C160_&refRID=07FTBGF4X
YQ9SD68FS8Q
326
http://www.amazon.fr/Sur-connaissance-Dieu-lunivocit%C3%A9-
l%C3%A9tant/dp/2130587992/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1454096492&sr=8-
1&keywords=duns+scot
http://www.amazon.fr/theologie-comme-science-
pratique/dp/2711612899/ref=sr_1_16?ie=UTF8&qid=1454096492&sr=8-
16&keywords=duns+scot
https://www.amazon.fr/%C3%8Atre-repr%C3%A9sentation-
g%C3%A9n%C3%A9alogie-m%C3%A9thaphysique-
moderne/dp/2130504566?ie=UTF8&qid=1462194501&ref_=tmm_pap_swatch_
0&sr=8-2
http://www.amazon.fr/Duns-Scot-La-m%C3%A9taphysique-
singularit%C3%A9/dp/2711617297/ref=pd_sim_14_1?ie=UTF8&dpID=41RT8
CR5FGL&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR101%2C160_&refRID=0C9T
CGRTPTP1W32GD6E4
http://www.amazon.fr/%C3%8Atre-repr%C3%A9sentation-
g%C3%A9n%C3%A9alogie-m%C3%A9thaphysique-
moderne/dp/2130504566/ref=pd_sim_14_1?ie=UTF8&dpID=41ATKPA50AL
&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR111%2C160_&refRID=0HKSC9K140
V28MNJ8M05
327
https://www.amazon.fr/Marsile-Padoue-Gianluca-
Briguglia/dp/2812434295/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1463145954&sr
=1-1&keywords=marsile+de+padoue
https://www.amazon.fr/Defensor-Pacis-Marsilius-Alan-
Gewirth/dp/0231123558/ref=sr_1_cc_1?s=aps&ie=UTF8&qid=1463145906&sr
=1-1-catcorr&keywords=A.+Gewirth%2C+Marsilius+of+Padua
http://www.amazon.fr/Croire-savoir-principes-connaissance-
dAutr%C3%A9court/dp/2711617351/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1443701773&
sr=8-
1&keywords=Croire+et+savoir%3A+les+principes+de+la+connaissance+selon
+Nicolas+d%27Autr%C3%A9court
https://www.amazon.fr/Universal-Treatise-Nicholas-Autrec-
Autrecou/dp/B01AMHL1YY/ref=sr_1_2?ie=UTF8&qid=1467309302&sr=8-
2&keywords=The+universal+treatise
Selon l'analyse que l'un des plus grands historiens mondiaux de la philosophie,
le P. Coppleston, fait de l'ouvrage d'Ockham intitulé Opus nonaginta dierum, le
franciscain d'Oxford pose explicitement que « l'individu a son droit naturel à la
propriété. Dieu a donné à l'homme le pouvoir de disposer des biens sur la terre
selon un mode dicté par la droite raison et, depuis la Chute, la droite raison
montre que l'appropriation individuelle des biens temporels est nécessaire. Le
droit de propriété privée est ainsi un droit naturel voulu par Dieu et il est donc
inviolable, au sens que personne ne peut être dépouillé de ce droit par un
331
pouvoir terrestre » (A history of philosophy). » -Alain Laurent, Histoire de
l’individualisme.
« [Louis Dumont] met l'accent sur les effets à long terme du nominalisme et,
tout spécialement, de l'œuvre de Guillaume d'Ockham (1285-1347), qui
marquerait le passage de l'uniuersitas médiévale à la societas moderne (ou
prémoderne). Ockham est amené à prendre ses distances par rapport à la
double référence traditionnelle entre (1) l'homme comme tout vivant, individu
privé en relation directe avec son créateur et (2) l'homme, membre de la
communauté, partie du corps social. Ce n'est pas tant que la distinction ne soit
pas acceptable en elle-même ; c'est plutôt la façon de caractériser cette
distinction en termes de substances qui gêne Ockham ; à Thomas d'Aquin, qui
différenciait des "substances premières" (les êtres particuliers, Pierre ou Paul)
et des "substances secondes" (genres, espèces, catégories, classes d'êtres),
Ockham et le nominalisme opposent qu'il n'existe pas de "substances secondes"
mais un simple phénomène de réification, c'est-à-dire l'emploi de termes
généraux et arbitraires qui trouvent leur fondement et leur raison d'être dans la
réalité empirique mais qui ne signifient rien en eux-mêmes. Cette prise de
position marque la naissance de l'individualisme dans la philosophie et dans le
droit, car elle pose qu'il n'y a rien d'ontologiquement réel au-delà de l'être
particulier (ou substance première), "que les entités sociales n'ont pas de
réalité" sinon "fictionnelles" (au sens où l'on parle de la "fiction" du droit), "en
dehors des êtres humains individuels qui les composent" ; ce faisant, Ockham
étend la liberté de l'individu, traditionnelle dans le christianisme, du plan de la
332
vie personnelle à celui de la vie en société. Ce tournant marquerait le passage
du religieux (l'Église comme Tout de la société) au politique (l'Etat comme tout
social) ; de ce point de vue, Dumont rejoint une ligne de réflexion ancienne,
revivifiée dans les années 1980, qui s'emploie à conjoindre la naissance de
l'individu à celle de l'Etat moderne. » -Brigitte Miriam Bedos-Rezak &
Dominique Iogna-Prat (dir), L'Individu au Moyen Age. Individuation et
individualisation avant la modernité, Mayenne, Éditions Flammarion, Aubier,
2005, 380 pages, p.17.
« Il ne faut pas considérer que la messe est dite quand on a opposé Thomas
d’Aquin et Duns Scot, analogie et univocité. Il y a toute une gamme de positions
intermédiaires et la position nominaliste d’Occam est tout à fait originale, dans
son refus implicite de prendre position sur le débat : Dieu ou l’être comme objet
de la métaphysique. La question est en effet déplacée par Occam dans la mesure
où pour lui une science ne se définit pas par son objet, car n’importe quel objet
peut être considéré par plusieurs sciences, la conséquence étant radicale pour
la métaphysique :
333
« Heidegger sous-estime constamment l’importance d’Occam et du nominalisme
en particulier, probablement parce qu’il juge qu’il n’y a pas de métaphysique
ou d’ontologie occamiste, ce qui est faux. » (p.328)
"Although i have explored the relations between Ockham's political works and
his nominalist speculative writings, i am certain that further detailed
investigation in this area, too, would be rewarding." (p.IX)
"Ockham seems not only unavoidable but also enigmatic. He has been seen as
the destroyer of the high scholastic synthesis of faith and reason, yet his
personal orthodoxy has seldom been questioned in recent times, and the avowed
target of his critical attacks was the "common opinion of the moderns" rather
than traditional theological systems. He was involved in a literacy war with the
popes at Avignon that rivaled in length and bitterness any previous contest
beteen empire and papacy, yet he has also been described as "a constitutional
liberal... not an anti-papal zealot"." (p.1)
334
required in any virtuous act." (p.3)
"It is commonly held that nominalism was the death of scholasticism and that
Ockham's political ideas were destructive of the medieval social order. Hence, it
is important to recognize that at the beginning of his career Ockham was very
much a part of the religious and academic establishment. In his early work at
Oxford he explicity disagreed with such figures as St Thomas and Duns Scotus,
but he discussed their views, especially those of Scotus, in detail and with
respect. [...] Especially on the point which most sharply divides nominales from
reales, the issue of realism itself, Ockham claimed to proceed constructively, for
he held that it was realism, not nominalism, that destroyed the possibility of
genuine knowledge. To posit non-singular things outside the mind was, he said,
not only absurd, but it destroyed the whole of Aristotle's philosophy and all
science, truth, and reason." (p.5)
"In 1324, after teaching at Oxford for some years but apparently before
receiving the doctorate, Ockham was summoned to the papal court at Avignon
to answer charges of heresy brought against some of his doctrines by a former
Chancellor of the university, John Lutterell. [...] Out of fifty-one articles
considered in 1324-5, the examiners found many to be erroneous but not one
heretical. The commission was then set to work on a second inquiry, this one
resulting in a finding of heresy in connection with ten articles. We can only
speculate as to whether John XXII's recent and continuing attacks on the
Spiritual Franciscans were important in stimulating a second and harsher
examinations of the order's most brillant theologian. [...] Both reports have
been critized for dealing with Ockham's views on the basis of snippets taken out
of context and badly understood at that. [...] No further action had been taken,
as far as we know, by the time Ockham fled from Avignon nearly two years
later. [...] In a letter to the king of Bohemia, the pope was willing to brand
Ockham a heresiarch for the ideas on which he had been examinated at
Avignon, but his excommunication was based on his having fled the papal curia
with Michael of Cesena, not on the results of Lutterell's process against him.
The objective orthodoxy of Ockham's doctrine of justification is still in dispute,
but there is no doubt that the manner in which his teaching was examined would
have strained even a patient man's confidence in the established system of
justice. All in all, that process appears to have been a needless humiliation of an
original but very cautious theologian. Although there are no direct references to
335
it in his later writings, such an ordeal must surely have reinforced the other,
more important grounds for dissatisfaction with the papal government which
were becoming evident to him at the same time.
John XXII thought at first that Ockham had fled the curia because of a bad
conscience about the hérésies for which he had been delated there, but he soon
learned of Ockham's association with the Franciscans' minister general,
Michael of Cesena. Early in May, 1328, Michael, Ockham, and a few other
friars secretly left Avignon and took refuge with Ludwig of Bavaria, first in Italy
then, for the rest of Ockham's life, in Munich. The reason for Ockham's flight
was his duty, as he saw it, to defend Franciscan devotion to poverty as a
Christian ideal against no less a danger than a papal heresy." (p.7-9)
"Peter John Olivi [...] the moral and intellectual inspiration for so many of the
Franciscan Spirituals." (p.13)
"The issue of Franciscan poverty was for Ockham not merely a matter of the
friar's subjective renunciation of possessions (perhaps only a frame of mind) but
also a matter of objective disengagement from the legal order, not as being out-
laws, of course, but has having no legal recourse." (p.16)
"Ockham has not wanted to believe that a person holding the papal office would
promulgate hérésies as catholic truth. On reading John XXII's constitutions,
however, he concluded that just this had occurred." (p.17)
"It is agreed that the year 1337 was a turning point in Ockham's career as a
publicist. It was in the Contra Benedictum, written at this time, that he first
attempted to determine the limits of the power of even an orthodox pope, a
problem henceforth never far from his mind and one which was indubitably
political in every sense of the term. The central difficulty was to form an
adequate conception of the distinctive "fullness of power" -plenitudo potestatis-
traditionally attributed to the pope. After raising this problem in the Contra
Benedictum, Ockham treated it intensively in each of the important works which
followed: III Dialogus, the Octo Quaestiones, and the Breviloquium ; he
presented his views finally and more concisely in the De Imperatorum et
Pontificum Potestate." (p.20-21)
336
"In the decade after 1337, then, Ockham "went political" in various ways: by
treating questions of Church government in a partly political style, by
supporting particular courses of action in secular affairs, and by explicity
considering basic questions of political theory." (p.25)
"In Book 5 [of I Dialogus] he had asked who could be tainted with heretical
depravity. His answer was, very nearly everyone. The faith will endure until the
end of the world. Christ's promise assure it. But this promise is fulfilled if there
is even one catholic Christian. Certainly the pope can become a heretic, and so
can the college of cardinals, as for that matter can a general Council, or even
all the clergy. Indeed, all Christian men can fall into heresy. One could even
imagine the Christian faith being preserved only in the soul of a single baptized
infant." (p.48)
"The problem of papal heresy was not a new one in theory. [...] By Ockham's
time one common opinion held that a heretical pope was automatically deprived
of all ecclesiastical authority -just as a dead man is not a man, so a pope Fallen
into heresy is not a pope and is ipso facto deposed. [...] For all its theological
value, however, this idea provided little help in doing anything about a heretic
actually occupying the papal throne." (p.52)
337
"The greatest political problem, as he saw it, was to induce men to act from
regard to Christian truth rather than illusory political practicality." (p.6)
"Before Ockham, the tendancy of medieval political thinkers was to suppose that
persons in authority held places in a divinely ordained structure whose intrinsic
value prohibited protest or change except throught channels provided by the
structure itself. For Ockham, on the other hand, everyone is potentially active in
matters concerning the government of the church, at least in the extreme case of
pape heresy. [...] In the special or irregular situation in which Ockham made his
appeal, he asked individuals to rise above the social categories normally
defining them. To be sure, the appeal was made only in an extraordinary
situation, and its basis was the other individuals, those in positions of authority,
had Fallen short of the demands of their offices (the traditional distinction), and
yet Ockham did not support an alternative ideology in which some other office
was superior to the papacy. This was the path of those royal and imperial
political theories which used the sacral character of the king's office or the lay
ruler's protective function as tutor ecclesiae to make him, rather than the pope,
the foundation of ecclesiastical order. Such a path was closed to Ockham by the
fallibilism defended in I Dialogus 5. Since no part of the chruch can be
identified with the whole church, no part can lay claim to the inerrancy which
has been promised to the whole church. Hence, there can be no "fail-safe"
ecclesiastical constitution, no purely constitutional solution to so radical a crisis
as papal heresy. Accordingly, although Ockham made systematic reference to
the officia or doctor, rex, princeps, praelatus, and so on, in the course of
insisting upon action against the heretical pope, his ultimate appeal was for the
individual to act in spite of his position, not because of it." (p.73)
"It is clear that his opposition to the individual popes of his times was far from
conventional." (p.74)
"Ockham did eliminate the specifically religious basis for secular power, not
338
only within the medieval societas Christiana, but in broader contexts as well.
This desacralization of secular power was part of Ockham's larger effort to
resolve the institutional conflits of his age, and its ultimate motive was religious.
Nevertheless, the immediate effect was a reinterpretation of certain
longstanding ecclesiastical traditions, a reinterpretation which in all but the
most abnormal conditions deprived them of political substance." (p.85)
"Ockham differed from both Marsilius and the papalists in construing the
individual's freedom as an absence of interference from government, not in
terms of a positive relation to government (as either an efficient cause in
legislation or as an ordened part of the corporate whole)." (p.119)
"He asserts that the quality of a form of government dépends on the quality of its
subjects: the better the subjects, the better the regime. Since free men are better
than unfree, the "best" regime will be over the former. Hence, it is repugnant to
the best regime to be entirely over servi. In this argument, Ockham once again
differs from Plato and Augustine, for whom the best regime is that in which the
best element is dominant. For this tradition, the quality of a community thus
dépends on the quality of its rulers. For Ockham the reverse is the case." (p.121)
340
"Ockham believed that there was reasonable cause for establishing systems of
property and even, on occasion, for imposing the yoke of servitude on men who
are by nature free. Nevertheless, his defense of Franciscan poverty and
emphasis on personal liberty cannot be viewed simply as expressions of pious
sentiment or subjective, personal aspiration. In the former case, to be sure, the
ideal natural "right" to be poor was defended only for a select minority, not
used as the basis for a new social order." (p.181)
"Ockham's work signals the end of political Augustinism and the hierocratically
inspired descending thesis of government with its resulting program of moulding
society from above." (p.221)
"Every individual has a natural right to the necessities of life which justifies
using the property of another in case of extreme need even without the other's
consent." (p.222)
-Arthur Stephen McGrade, The Political Thought of William of Ockham,
Cambridge University Press, 2002 (1974 pour la première édition), 269 pages.
http://hydra.forumactif.org/t2397-takashi-shogimen-ockham-and-political-
discourse-in-the-late-middle-ages#3135
341
http://hydra.forumactif.org/t2399-jonathan-robinson-william-of-ockham-s-early-
theory-of-property-rights-in-context#3137
http://hydra.forumactif.org/t2402-siegfried-van-duffel-jonathan-robinson-
ockham-s-theory-of-natural-rights#3140
http://hydra.forumactif.org/t2403-jurgen-miethke-the-concept-of-liberty-in-
william-of-ockham#3141
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philosophy-volume-iii-ockham-to-suarez#3138
http://hydra.forumactif.org/t2398-gordon-leff-william-of-ockham-the-
metamorphosis-of-scholastic-discourse#3136
http://hydra.forumactif.org/t2401-paul-vincent-spade-the-cambridge-
companion-to-ockham#3139
http://www.amazon.fr/Guillaume-dOckham-singulier-Pierre-
Alf%C3%A9ri/dp/2707312002/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=14515654
58&sr=1-1&keywords=guillaume+d%27ockham+le+singulier
http://www.amazon.fr/Nominalisme-
Michon/dp/2711612031/ref=sr_1_2?s=books&ie=UTF8&qid=1451564995&sr=
1-2&keywords=Nominalisme
http://www.amazon.com/History-Philosophy-III-Ockham-
Suarez/dp/0809100673/ref=sr_1_21?s=books&ie=UTF8&qid=1448735835&sr=
1-21&keywords=Ockham
https://www.amazon.fr/Trait%C3%A9-sur-quantit%C3%A9-corps-
Christ/dp/2251183159/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1462896948&sr=8-
1&keywords=Guillaume-D-ockham-Traite-sur-la-quantite-et-traite-sur-le-corps-
du-Christ
https://www.amazon.fr/Intuition-abstraction-Guillaume-
dOckham/dp/2711618064/ref=pd_sim_sbs_14_2?ie=UTF8&dpID=41KERDR4
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dOckham/dp/2711618811/ref=pd_sim_14_3?ie=UTF8&dpID=415Bf3yzhEL&d
342
pSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR98%2C160_&refRID=5X7Q2HA1TH5RY
KWB5KCN
https://www.amazon.fr/Philosophie-Theologie-chez-Guillaume-
dOckham/dp/B01BLIMPY8/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1462896667&sr=8-
1&keywords=R.+Guelluy%2C+philosophie+et+th%C3%A9ologie+chez+Guilla
ume+d%27Ockham
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Roques/dp/2711626709/ref=pd_sim_sbs_14_1?ie=UTF8&dpID=41WaHlsq0PL
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HTQ8Y33PN2
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Angleterre/dp/2130518192/ref=sr_1_53?s=books&ie=UTF8&qid=1454954972
&sr=1-53&keywords=guillaume+d+ockham
http://www.amazon.fr/Linvention-soci%C3%A9t%C3%A9-Nominalisme-
politique-
sociale/dp/2713218187/ref=sr_1_7?s=books&ie=UTF8&qid=1451565132&sr=
1-7&keywords=Nominalisme
343
Jean Froissart (1337-1410) : « Pour vous informer de la vérité, je commençais
jeune, dès l'âge de vingt ans : et si suis venu au monde avec les faits et les
aventures, et si y ai pris grand plaisance plus que à tout autre chose. Et si Dieu
m’a donné tant de grâce que j’ai été bien de toutes les parties et des hôtels des
rois et par espécial de l‘hôtel du roi Édouard d’Angleterre et de la noble reine
sa femme, madame Philippa de Hainaut, … à laquelle en ma jeunesse je fus
clerc, et la servais de beaux dits et traités amoureux. Et pour l’amour du service
de la noble et vaillante dame à qui j’étais, tous les seigneurs, rois, ducs, comtes,
barons et chevaliers, de quelque nation qu’ils fussent, m’aimaient, oyaient
[écoutaient] et voyaient volontiers, et en faisaient grand profit. Ainsi, au titre de
la bonne dame et de ses coûtages [frais], et aux coûtages des hauts seigneurs en
mon temps, je cherchais la plus grande partie de la chrétienté ; et partout où je
venais, je faisais enquête aux anciens chevaliers et écuyers qui avaient été en
faits d’armes, et qui proprement en savaient parler, et aussi à aucuns hérauts...,
pour vérifier et justifier toutes matières. » (FROISSART, Chroniques, liv. IV.
ch. 1, éd. Kervyn, t. XIV1).
« Nulle œuvre n'est plus éloignée de la tradition classique que celle de Jean
Froissart (1337-1410 ?) Ce fils d’un bourgeois de Valenciennes, qui fut clerc —
curé et chanoine — pour vivre plus commodément, ne s‘intéressait qu’aux
prouesses et mœurs de chevalerie. Il ne faut chercher rien de plus dans ses
Chroniques. Mais celles-ci sont incomparables de couleur et de vie. Froissart a
été non pas un érudit occupe à compulser des documents d’archives, mais ce
qu'on appelle aujourd'hui un « reporter », le plus curieux et le plus infatigable
qui fut, sans cesse sur les routes pour s’informer auprès des uns et des autres,
prendre des « interviews », noter avidement ce qu’on lui racontait, pourvu que
ce fut récit d'aventures. » -Albert Malet & Jules Isaac, XIVe-XVe-XVIe siècles,
Cours complet d’histoire à l’usage de l’enseignement secondaire, classe de
troisième, Paris, Hachette, 1927 (programme 1925), pp.164-165.
(1) Jean Froissart, Chroniques (forumactif.org)
La Guerre de Cent Ans (1337-1453) : « Au XIVe siècle, tandis que, dans les
affres de la guerre de Cent Ans, naît l’idée de nationalité qui va écarter pour
toujours l’idée d’une unité politique de la chrétienté, la représentation de
l’univers se disloque. N’est il pas vrai d’ailleurs que les éléments que les
penseurs dit XIIIe siècle avaient reçus dans leur construction travaillaient
sourdement à la miner ? Platonisme, aristotélisme, expérience, mathématiques,
traditions antiques, toutes ces forces qui nous ont apparu momentanément
participant à la construction d’un système de pensée chrétienne vont se faire
voir maintenant sous leur véritable jour comme des forces complètement
indépendantes de la croyance chrétienne à une destinée surnaturelle. » -Émile
Bréhier, Histoire de la philosophie, "Les classiques des sciences sociales" (à
partir de Librairie Félix Alcan, Paris, 1928, 788 pages), p.470.
346
« Pendant la guerre de Cent Ans, c'est sous forme de résistance à l'occupant, et
après des décennies d'hésitation, qu'apparaît une conscience nationale. » -Gil
Delannoi, Sociologie de la nation: Fondements théoriques et expériences
historiques, Armand Colin, Paris, 1999.
« Un peu partout dans le royaume, des attitudes se firent jour attestant une
réaction de méfiance, de peur et de haine à l’égard des Anglais, ressentis
comme des envahisseurs et non comme des héritiers légitimes cherchant à
récupérer leur bien. La monarchie des Valois, dans la mesure de ses moyens, ne
manqua pas de favoriser ces tendances. »
https://www.amazon.fr/Guerre-Cent-Ans-Georges-
MINOIS/dp/2262032297/ref=pd_sim_14_11?_encoding=UTF8&psc=1&refRID
=ZCS7PQHAFHPEV2A0H9B0
https://www.amazon.fr/guerre-Cent-Ans-LAngleterre-1300-
1450/dp/2757854291/ref=sr_1_3?s=books&ie=UTF8&qid=1463302662&sr=1-
3&keywords=guerre+de+cent+ans
« Le roi Jean, délivré, vécut encore quatre ans qu'il passa à nettoyer le pays des
brigands qui l'infestaient. Quand son fils Charles lui succéda (1364), il s'en
fallait de beaucoup que cet ouvrage fût fini. » (p.100)
-Jacques Bainville, Histoire de France, Éditions Perrin, coll. tempus, 2014
(1924 pour la première édition), 552 pages.
https://www.amazon.fr/Jean-Bon-
Deviosse/dp/2213015589/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1486561388&sr=8-
1&keywords=Jean+Deviosse%2C+Jean+le+Bon
352
Nicolas Oresme (se prononce Aurème) (1320/1322-1382): « Nicolas Oresme,
qui étudiait la théologie à Paris en 1348 et mourut en 1382 évêque de Lisieux,
fut un de ceux qui propagèrent la nouvelle mécanique céleste. Dans son
Commentaire aux livres du Ciel et du monde (qu’il écrivit en langue vulgaire
ainsi que nombre de ses autres œuvres), il montre que nulle expérience et nulle
raison ne prouvent le mouvement du ciel et il indique « plusieurs belles
persuasions à montrer que la terre est mue de mouvement journal et le ciel non
» ; et il n’oublie pas de conclure que « telles considérations sont profitables
pour la défense de notre Foy. » C’est le même Nicolas Oresme qui invente,
avant Descartes, l’emploi des coordonnés du géomètre ; c’est lui qui, avant
Galilée, trouve l’exacte formule de l’espace parcouru par un corps dans une
chute en mouvement uniformément accéléré. » -Émile Bréhier, Histoire de la
philosophie, "Les classiques des sciences sociales" (à partir de Librairie Félix
Alcan, Paris, 1928, 788 pages), p.484.
« Oresme partage donc la position d’Aristote, qui n’admet la sédition que sous
certaines conditions ; mais, pas plus qu’Aristote, Oresme ne fournit d’éléments
pour expliciter ces conditions. » (p.307)
http://hydra.forumactif.org/t2205-nicolas-oresme-traite-de-l-origine-du-droit-et-
de-la-mutation-de-la-monnaie#2918
http://hydra.forumactif.org/t2204-jorg-guido-hulsmann-nicholas-oresme-and-
the-first-monetary-treatise
354
conditions nécessaires: une armée d'abord, une marine ensuite. D'armée,
Charles V n'en a pas. Il est si loin d'en avoir une que son célèbre et fidèle
connétable, Du Guesclin, n'a été d'abord que le capitaine d'une de ces bandes
qui guerroient un peu partout. Le roi s'attache Du Guesclin, rallie par lui
quelques-unes des grandes compagnies, en forme peu à peu des troupes
régulières. Les Navarrais, toujours poussés en avant par l'Angleterre, sont
battus à Cocherel: petite victoire, grandes conséquences. Le roi de Navarre
comprend qu'il n'a plus rien à espérer, que l'ordre revient que le temps des
troubles est fini. Charles le Sage transige avec Charles le Mauvais, en attendant
mieux. [...]
Pour libérer le territoire, il n'y avait qu'un moyen et Charles V, sage et savant
homme de la réflexion et des livres, le comprit. C'était que l'Anglais ne fût plus
maître de la mer. Dès que les communications entre l'île et le continent
cesseraient d'être assurés, les armées anglaises, dans un pays hostile et qui
supportait mal leur domination, seraient perdues. Créer une marine: œuvre de
longue haleine, qui veut de la suite, de l'argent, et il a toujours été difficile
d'intéresser le Français terrien aux choses de la mer. Charles V prépara de loin
notre renaissance maritime et comptait, en attendant, sur la flotte de ses alliés
d'Espagne. » (p.100-101)
« Alors, ayant noué des alliances de terre et de mer, Charles V écouta l'appel
des populations cédées et dénonça le traité de Brétigny. La campagne, menée
par Du Guesclin, consistait à user l'ennemi, usure qui devint plus rapide quand
la flotte anglaise eut été battue et détruite par les Espagnols devant La Rochelle.
Les conditions de la lutte changeaient. Des corsaires français ou à la solde de la
France inquiétaient les convois et parfois les ports de l'ennemi. Édouard III,
alarmé, voulut frapper un coup, mais il lui fallut un an pour envoyer en France
une nouvelle armée. La consigne fut de lui refuser partout le combat, de ne pas
retomber dans les fautes de Crécy et de Poitiers. Cette armée anglaise allait à
l'aventure, cherchant un adversaire qui se dérobait. Elle alla finir, exténuée,
presque ridicule, à Bordeaux, tandis que château par château, ville après ville,
les provinces du Sud-Ouest étaient délivrées. Charles V eut d'ailleurs soin
d'entretenir leur patriotisme par l'octroi de nombreux privilèges. [...]
Édouard III, découragé, finit par accepter des pourparlers de paix. Charles V
voulait l'évacuation complète du territoire, sans oublier Calais. L'Angleterre
refusa et la guerre reprit. » (p.101-102)
355
« Si Charles V avait vécu dix ans de plus, il est probable que Jeanne d'Arc eût
été inutile: il n'y aurait plus eu d'Anglais en France. A la fin de son règne, les
rôles étaient renversés. Nos escadres, commandées par l'amiral Jean devienne,
émule sur mer du Du Guesclin, ravageaient librement les côtes anglaises. Nos
alliés espagnols entraient jusque dans la Tamise. En France, les Anglais ne
possédaient plus que Bayonne, Bordeaux et Calais. Leur expulsion complète
n'était plus qu'une question de temps, car leurs affaires intérieures allaient mal.
Édouard III et le Prince Noir étaient morts. Richard II avait treize ans et sa
minorité devait être tumultueuse: déjà Wyclif avait annoncé la Réforme, le
commerce souffrait et une Jacquerie, plus terrible que celle qu'on avait vue chez
nous, allait venir. Mais il semblait que la fortune fût lasse d'être fidèle à la
France, comme elle l'avait été pendant trois cents ans. Par la mort de Charles le
Sage (1380), nous allions retomber dans les faiblesses d'une minorité suivie
d'une catastrophe, épargnée jusque-là à la monarchie capétienne: à peine
majeur, le roi deviendrait fou. » (p.103)
-Jacques Bainville, Histoire de France, Éditions Perrin, coll. tempus, 2014
(1924 pour la première édition), 552 pages.
https://www.amazon.fr/Charles-V-Sage-Fran%C3%A7oise-
Autrand/dp/2213027692/ref=pd_sim_14_1?_encoding=UTF8&psc=1&refRID=
Z6E27925FABEA2WK1J01
http://www.amazon.fr/Du-Guesclin-Thierry-
LASSABAT%C3%88RE/dp/2262041784/ref=sr_1_fkmr0_1?s=books&ie=UTF
8&qid=1459417687&sr=1-1-
fkmr0&keywords=Thierry+Lassabat%C3%A8re%2C+Du+Guesclin.+Vie+et+fa
brique+d%27un+h%C3%A9ros+m%C3%A9di%C3%A9val
356
http://www.amazon.fr/Jacquerie-Entre-m%C3%A9moire-oubli-1358-1958-
2008/dp/2360580078/ref=sr_1_10?ie=UTF8&qid=1454095744&sr=8-
10&keywords=Jacquerie
http://www.amazon.fr/Charles-VI-La-folie-
roi/dp/2213017034/ref=pd_sim_14_1?ie=UTF8&dpID=51WGddup5eL&dpSrc
=sims&preST=_AC_UL160_SR100%2C160_&refRID=0X4E3NK20BJHRGZ9
BV8T
https://www.amazon.fr/Armagnacs-Bourguignons-Bertrand-
Schnerb/dp/2262027323/ref=asap_bc?ie=UTF8
Charles VII (1403-1461) : « C’est avec beaucoup de raison, Sire, que le siècle
du Roi Charles VII a esté appellé le plus fameux de tous les siècles : en effet, on
n’avoit jamais veu l’Estat attaqué par de si puissans ennemis, et divisé par tant
362
de partis differents ; tout ce royaume n’estoit qu’un champ de bataille et un
théatre d’horreur et de cruauté. Mais, Sire, ce grand prince, appuyé de la
justice de sa cause, a combattu et défait ses redoutables ennemis, ruiné ces
partis dangereux, et enfin terminé heureusement cette sanglante guerre. » -
Denys Godefroy, dédicace à Louis XIV, in Charles VII, roi de France, imprimé
en 1661 à Paris.
(1) Contamine - Philippe Contamine, Charles VII. Une vie, une politique (forumactif.org)
http://www.amazon.fr/Charles-VII-Georges-
MINOIS/dp/2262021279/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1446894371&sr
=1-1&keywords=Charles+VII
Jeanne d’Arc (1412-1431) : « Celui qui croit en moi fera, lui aussi, les œuvres
que je fais, et il en fera même de plus grandes. » (Jean, 14, 12).
« Notre histoire n’est-elle pas remplie du souvenir de gens qui tout d’un coup se
sont montrés capables de grandes choses, quand la veille personne ne savait
même leur existence ? » -Paul Lanjalley et Paul Corriez, cité par Marc Cerf, in
Edouard Moreau, l'âme du Comité Central de la Commune, Denoël, Dossiers
des Lettres Nouvelles, 1971.
« Les grandes guerres des Valois contre les Anglais, cette lutte terrible d’où
notre nationalité est sortie triomphante, fut la première victoire populaire.
Toutes les classes de la nation y ont concouru avec la même ardeur ; le même
patriotisme a embrassé la noblesse féodale, la bourgeoisie, les paysans. Comme
le remarque un historien moderne [François Guizot], quand il n’y aurait, pour
montrer le caractère populaire de cet événement, que l’histoire de l’héroïne de
Vaucouleurs, elle en serait une preuve plus que suffisante. Jeanne d’Arc est
sortie du peuple ; c’est par les sentiments, par les croyances, par les passions du
peuple, qu’elle a été inspirée, soutenue. Elle a été vue avec méfiance, avec
363
ironie, avec inimitié même par les chefs de l’armée ; elle a eu constamment pour
elle les soldats, le peuple ; ce sont les paysans de la Lorraine qui l’ont envoyée
au secours des bourgeois d’Orléans. Aucun événement ne fait éclater davantage
le caractère populaire de cette guerre et le sentiment qu’y portait le pays tout
entier. » -Pierre-Eugène Flotard, La France démocratique, 1850.
http://www.amazon.fr/Jeanne-dite-dArc-Henri-
Guillemin/dp/286819740X/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1454956506&
sr=1-1&keywords=jeanne+dite+jeanne+d%27arc
364
http://www.amazon.fr/Jeanne-dArc-Biographie-Olivier-
Hanne/dp/2758700867/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1454956461&sr=1
-1&keywords=Olivier+Hanne+jeanne+d%27arc
http://livre.fnac.com/a2937321/Christine-de-Pizan-Le-Dit-de-Jeanne-d-
Arc#st=jeanne%20dite%20jea&ct=Livre&t=p
https://www.amazon.fr/Gilles-Rais-Jacques-
HEERS/dp/2262023263/ref=pd_sim_14_2?_encoding=UTF8&psc=1&refRID=
TRKMM219FQER7TRP160A
http://hydra.forumactif.org/t2033-emmanuel-faye-philosophie-et-perfection-de-
l-homme-de-la-renaissance-a-descartes#2739
“L’histoire des universités du XVe siècle est surtout l’histoire de la lutte des
anciens et des modernes. L’occamisme se répand en particulier en Allemagne
où il trouva un vulgarisateur sans originalité mais fidèle en la personne de
Gabriel Biel qui enseigna en 1484 à l’Université de Tübingen et mourut en 1495
; ce furent des élèves de Biel, des Gabrielistes, Staupitz et Nathin, qui, au
couvent des Augustins, initièrent Luther à cette théologie nominaliste, dont le
Dieu ressemble plutôt à un Jéhovah capricieux et arbitraire qu’à un Dieu qui
soumet sa volonté à la loi de l’ordre et du bien conçue par son entendement. » -
Émile Bréhier, Histoire de la philosophie, "Les classiques des sciences sociales"
(à partir de Librairie Félix Alcan, Paris, 1928, 788 pages), p.485.
365
http://www.amazon.fr/Harvest-Medieval-Theology-Gabriel-
Nominalism/dp/0801020379/ref=sr_1_2?ie=UTF8&qid=1449921006&sr=8-
2&keywords=Gabriel+Biel
366
les comptoirs étaient aux mains des Portugais qui avaient initié l'exploration
dès les années 1440. Il restait le passage de l'Ouest. Puisque la terre est ronde,
on voulait rejoindre les côtes de l'Asie par cette voie. En outre, se fiant aux
mesures établies par Ératosthène au IIIe siècle avant Jésus-Christ, on croyait le
chemin nettement plus rapide que par le contournement de l'Afrique. » -Gabriel
Privat, La nation française, nation universelle ?, 25 juin 2015.
https://www.amazon.fr/End-Byzantium-Jonathan-
Harris/dp/0300187912/ref=tmm_pap_swatch_0?_encoding=UTF8&qid=150920
6674&sr=1-1
https://www.amazon.fr/Byzantium-Venice-Diplomatic-Cultural-
Relations/dp/0521428947/ref=sr_1_cc_1?s=aps&ie=UTF8&qid=1509206414&s
r=1-1-
catcorr&keywords=Byzantium+and+Venice.+A+Study+in+Diplomatic+and+Cu
ltural+Relations
Cycle de la Renaissance: « Marcel Ficin voit dans son propre temps un nouvel
âge d’or qui a ramené à la lumière les arts libéraux presque engloutis dans les
ténèbres […] Le carnaval de 1513 à Florence représente sur son dernier char
Le triomphe de l’âge d’or ; le sens du spectacle est donné par un phénix qui
renaît de ses cendres pour prendre un nouvel essor, symbole de l’idée que se fait
de sa propre originalité cette époque qui voit son univers naître de la
combustion d’un âge de fer et prendre paradoxalement conscience de sa
modernité en se retournant vers un passé idéal, en jetant un regard
d’admiration sur l’archétype de sa perfection que l’Antiquité a déjà réalisé
avant elle et qu’elle croit ne pouvoir atteindre à nouveau, voire peut-être
surpasser un jour qu’en l’imitant. » -Hans Robert Jauss, Pour une esthétique de
la réception, 1990, 336 pages, p.174.
367
la nature. » -Dorian Astor, Nietzsche. La détresse du présent, Gallimard, coll.
Folio essais, 2014, 654 pages, p.149.
"The Renaissance -the rebirth of man's mind." -Ayn Rand, For the new
intellectual, Signet, 1963 (1961 pour la première édition américaine), 216 pages,
p.19.
« La nouveauté passe aussi par la redécouverte des auteurs antiques, des païens
à qui l'on fait confiance pour donner le véritable accès au savoir. Cette
renaissance d'intérêt pour la culture gréco-latine révèle une quête de savoirs
nouveaux et le délaissement du carcan scolastique. La redécouverte des textes
anciens dans les milieux cultivés marque ainsi un dégoût et une perte de
confiance dans l'Église catholique. Les rivalités de pouvoir dans la haute
hiérarchie, le goût du luxe, la recherche toujours plus grande de revenus
monétaires, les mœurs décadentes de certains membres du clergé, conduisent à
une désaffection du catholicisme chez certains intellectuels. » (p.180)
373
-Pascal Charbonnat, Histoire des philosophies matérialistes, Paris, Éditions
Kimé, 2103, 706 pages.
"L’histoire des universités du XVe siècle est surtout l’histoire de la lutte des
anciens et des modernes. L’occamisme se répand en particulier en Allemagne
où il trouva un vulgarisateur sans originalité mais fidèle en la personne de
Gabriel Biel qui enseigna en 1484 à l’Université de Tübingen et mourut en 1495
; ce furent des élèves de Biel, des Gabrielistes, Staupitz et Nathin, qui, au
couvent des Augustins, initièrent Luther à cette théologie nominaliste, dont le
Dieu ressemble plutôt à un Jéhovah capricieux et arbitraire qu’à un Dieu qui
soumet sa volonté à la loi de l’ordre et du bien conçue par son entendement."
(p.485)
"Dans les milieux humanistes du XVe siècle, si différents des Universités, sous
la protection des princes ou des papes, se réunissent indifféremment laïques et
ecclésiastiques, à l’Académie platonicienne dans la Florence de Laurent le
Magnifique, comme à l’Académie aldine à Venise. En ces milieux nouveaux, il
n’est aucune considération pratique qui puisse prévaloir sur le désir du savoir
comme tel ; l’esprit, tout à fait libéré, n’est plus asservi, comme dans les
Universités, à la nécessité d’un enseignement qui forme des clercs. Au siècle
suivant est fondé le Collège de France qui, distinct de l’Université, est fait non
pour classer le savoir acquis et traditionnel, mais pour promouvoir les
connaissances nouvelles.
Cette liberté produit un pullulement de doctrines et de pensées, que nous
voyions poindre pendant tout le Moyen âge, mais qui, jusque là, avaient pu être
refoulées ; ce mélange confus, que l’on peut appeler naturalisme, parce que,
d’une manière générale, il ne soumet l’univers ni la conduite à aucune règle
transcendante, mais en recherche seulement les lois immanentes, contient, à
côté des pensées les plus viables et les plus fécondes, les pires monstruosités ;
avant tout, on affecte de tourner le dos à tout ce qui s’est fait jusqu’ici : «
Laurent Valla (écrit le Pogge aussi humaniste et épicurien que l’était son ami)
blâme la physique d’Aristote, il trouve barbare le latin de Boèce, il détruit la
religion, professe des idées hérétiques, méprise la Bible... Et n’a t il pas professé
que la religion chrétienne ne repose point sur des preuves, mais sur la croyance,
qui serait supérieure à toute preuve ! » . Or le Pogge est un fonctionnaire de la
Curie romaine ; quant à Laurent Valla, le cardinal de Cuse, en 1450, le
recommandait au pape et voulait l’y faire entrer.
374
Ce désir intense d’une vie autre, nouvelle et dangereuse, est provoqué ou du
moins accentué par l’énorme accroissement de l’expérience et des techniques
qui, en un siècle, change les conditions de la vie matérielle et intellectuelle de
l’Europe. Accroissement de l’expérience dans le passé, grâce aux humanistes
qui lisaient les textes grecs, et qui, au XVIe siècle, s’initièrent aux langues
orientales ; l’important est moins encore la découverte de nouveaux textes que
la manière dont on les lit ; c’est le même De officiis de Cicéron que connaissent
saint Ambroise et Érasme ; saint Ambroise y cherche des règles pour ses clercs ;
Érasme y trouve une morale autonome et indépendante du christianisme ; il ne
s’agit plus maintenant d’accommoder ces textes à l’explication des Écritures,
mais de les comprendre en eux mêmes. Accroissement de l’expérience dans
l’espace, lorsque, dépassant les bornes de l’οι̉κουμένη, où la chrétienté, après
l’antiquité, avait tracé les limites de la terre habitable, l’on découvre non
seulement de nouvelles terres, qui détournent les regards du bassin de la
Méditerranée, mais de nouveaux types d’humanité dont la religion et les mœurs
sont inconnues. Accroissement des techniques, non seulement par la boussole, la
poudre à canon et l’imprimerie, mais par des inventions industrielles ou
mécaniques dont plusieurs sont dues à des artistes italiens qui étaient en même
temps des artisans. Les hommes de cette époque, même attachés à la tradition,
ont l’impression que la vie, longtemps suspendue, reprend, que la destinée de
l’humanité recommence : « Nous voyons partout, écrit le Cardinal de Cuse vers
1433, les esprits des hommes les plus adonnés à l’étude des arts libéraux et
mécaniques, retourner à l’antiquité, et avec une extrême avidité, comme si l’on
s’attendait à voir s’accomplir bientôt le cercle entier d’une révolution » .
Les esprits étaient naturellement portés à confronter avec cette expérience
accrue les conceptions traditionnelles de l’homme et de la vie, fondées sur une
expérience bien plus restreinte. Malgré toutes les divergences et toutes les
diversités, il n’y a eu, durant le Moyen âge tout entier, qu’une seule image ou, si
l’on veut, un seul schème dans lequel viennent naturellement s’encadrer toutes
les images possibles de l’univers : c’est ce que nous avons appelé le
théocentrisme : de Dieu comme principe à Dieu comme fin et consommation, en
passant par les êtres finis, voilà une formule qui peut convenir à la plus
orthodoxe des Sommes comme à la plus hétérodoxe des mystiques, tant l’ordre
de la nature et l’ordre de la conduite humaine viennent se placer avec une sorte
de nécessité entre ce principe et cette fin.
Une pareille synthèse n’était possible que grâce à une doctrine qui concevait
toutes les choses de l’univers par référence à cette origine ou à cette fin, tous les
375
êtres finis comme des créatures ou des manifestations de Dieu, tous les esprits
finis comme en train de s’approcher ou de s’éloigner de Dieu. Or c’est cette
référence qui, de plus en plus, devient impossible : déjà, au XIIe siècle, nous
avons vu comment s’ébauchait un naturalisme humaniste qui étudiait en elles
mêmes la structure et les forces de la nature et de la société ; plus encore, au
XIVe siècle, laissant délibérément tout ce qui regarde l’origine et la fin des
choses, démontrant même que c’est par erreur qu’on a cru saisir dans
l’opposition du ciel immuable et de la région sublunaire quelque chose du plan
divin, les occasions étudient la nature en et pour elle même. Mais, aux deux
siècles suivants, que de raisons nouvelles de s’écarter du théocentrisme ! Les
étranges et mystérieuses profondeurs que l’on soupçonnait à peine dans
l’histoire et dans la nature commencent à apparaître ; la philologie, d’une part,
la physique expérimentale, d’autre part, donnent sur l’homme et sur les choses
des enseignements nouveaux ; le drame chrétien, avec ses moments historiques,
création, péché, rédemption ne peut décidément servir de cadre à une nature
dont les lois lui sont tout à fait indifférentes, à une humanité dont une partie
l’ignore complètement, à une époque où les peuples chrétiens eux mêmes, se
rendant indépendants du pouvoir spirituel, font prévaloir dans leur politique des
buts tout à fait étrangers aux fins surnaturelles de la vie chrétienne, ou même
délibéré¬ment contraires à l’idée de l’unité de la chrétienté.
Un changement si vital a une infinité de répercussions. La plus importante pour
nous est de mettre au premier plan les hommes de pratique, hommes d’action,
artistes et artisans, techniciens en tout genre aux dépens des méditatifs et des
spéculatifs ; la conception nouvelle de l’homme et de la nature est une
conception que l’on réalise plutôt qu’on ne la pense ; les noms des philosophes
proprement dits, de Nicolas de Cuse à Campanella ont alors bien peu d’éclat à
côté de ceux des grands capitaines et des grands artistes ; tout ce qui compte est
alors technicien en quelque sens que ce soit ; le type achevé est Léonard de
Vinci, à la fois peintre, ingénieur, mathématicien et physicien ; mais il n’est
guère de philosophe qui ne soit en même temps médecin, ou tout au moins
astrologue et occultiste ; la politique de Machiavel est une technique destinée
aux princes italiens ; les humanistes, avant d’être des penseurs, sont des
praticiens de la philologie, soucieux des méthodes qui leur permettront de
restituer les formes et les pensées des anciens.
Pourtant, et c’est peut être là le grand paradoxe de l’époque, les philosophes de
la Renaissance, depuis Nicolas de Cuse jusqu’à Campanella, s’efforcent
d’organiser leur pensée autour de l’ancien schème de l’univers ; le retour au
376
platonisme, tel qu’on le constate chez beaucoup d’entre eux, loin de les conduire
à des idées neuves, ne fait que les persuader davantage que la grande tâche de
la philosophie est d’ordonner les choses et les esprits entre Dieu comme
principe et Dieu comme fin. Le contraste entre ce schème vieilli et la nouvelle
philosophie de la nature qu’ils intègrent en leur système fait, nous le verrons, la
grosse difficulté de leur doctrine." (p.491-493)
-Émile Bréhier, Histoire de la philosophie, "Les classiques des sciences
sociales" (à partir de Librairie Félix Alcan, Paris, 1928, 788 pages).
« [Dans les Cités de la Renaissance] […] tous les citoyens adultes mâles
avaient le droit de vote mais […] près de neuf dixièmes des résidents n'étaient
pas citoyens. » -Antony de Jasay, L’Etat – La logique du pouvoir politique, Les
Belles Lettres, coll. Laissez faire, 1994 (1985 pour la première édition anglaise),
500 pages, p.183.
« Quels sont les hommes qui, les premiers, parlèrent de leur temps avec espoir
et satisfaction ? Ni les poètes, ni les penseurs religieux, ni les hommes d’État,
mais les érudits et les humanistes. C'est la gloire d'avoir retrouvé la sagesse
antique qui arracha d'abord aux hommes des cris de joie à propos de leur temps
: c'est un triomphe intellectuel. » (p.32)
377
« Une étude impartiale de la Renaissance nous y fait découvrir une persistance
du moyen-âge. L'Arioste, Rabelais, Marguerite de Navarre, Castiglione ainsi
que toute la peinture, en ce qui concerne la pensée et la forme, sont pleins
d'éléments médiévaux. Et pourtant, nous ne pouvons nous passer de l'antithèse
moyen-âge, Renaissance qui représente pour nous un contraste entre deux
époques, contraste essentiel bien que malaisé à définir. » (p.251)
378
À la sortie du Moyen-Âge, la nouvelle science représente une révolution
intellectuelle à un double titre. Tout d'abord, c'est une nouvelle démarche
intellectuelle qui s'affirme et qui, par sa nature même, est beaucoup plus
dynamique que celle qui avait dominé durant tout le Moyen-Âge. La
connaissance scientifique se fonde en effet sur des théories toujours
contestables, sur des lois dont la certitude n'est jamais acquise, bref sur un
savoir que l'on considère toujours comme incomplet et par conséquent en
constante et nécessaire évolution.
« Cette vaste période de trois siècles (disons, pour faire vite, du milieu du
XVème au dernier quart du XVIIIème siècle) correspond à la mise en place des
valeurs essentielles de la modernité. Les grandes révolutions sont culturelles :
dans les arts, dans les sciences, en théologie, en philosophie et dans la pensée
politique. Au niveau économique et politique, cette période se distingue aussi
nettement de la précédente et de la suivante. Elle correspond à « l’ancien
régime », qui met fin au système féodal médiéval, et qui voit apparaître la figure
de l’État monarchique moderne, centralisé et bureaucratique. C’est aussi
l’époque où les nations s’individualisent culturellement et linguistiquement. Au
plan économique apparaît une nouvelle classe sociale : la bourgeoisie
marchande, qui profite de l’extension mondiale du commerce. F. Braudel
souligne lui-même l’unité du système économique qui couvre la période du
XIVème (un peu avant la Renaissance) jusqu’en 1750 : c’est le « capitalisme
marchand », auquel fera suite le capitalisme industriel. Sur le plan économique,
le XVème siècle correspond à une période de croissance significative, tout
comme au plan démographique. On observe une poussée d’urbanisation durant
cette période. Il s’en suit une première étape dans le procès d’individualisation :
379
la famille commence à se restreindre et à s’autonomiser au sein des lignées et
des groupes sociaux . Sur le plan politique et sur celui des relations
internationales, cette période est marquée par la prise de Constantinople par les
Turcs en 1453, c’est-à-dire la fin de l’empire romain d’orient, et par la
découverte de l’Amérique par Colomb en 1492. Ces deux dates sont
habituellement retenues pour les périodisations, auxquelles on peut ajouter une
troisième : l’invention de l’imprimerie par Gutenberg en 1450, qui aura de
grandes conséquences sur la diffusion des connaissances, de la culture antique,
et donc sur la Renaissance.
Bref, sur tous les plans, cette périodisation a une unité et donc une cohérence
historique. Mais ce qui demeure le plus significatif dans cette unité de trois
siècles, c’est la révolution culturelle qui marquera le passage du monde Ancien
au monde Moderne. La première modernité est donc essentiellement une
modernité des élites (artistes, savants, théologiens, philosophes), il faudra
attendre la seconde puis la troisième pour que son mouvement s’étende à toutes
les couches de la société. »
380
Modernité et la possibilité de la liberté (universalisme et individualisme) », Le
Philosophoire, 2005/2 (n° 25), p. 35-76.
http://hydra.forumactif.org/t2245-jean-pierre-dedieu-gilbert-larguier-jean-paul-
le-flem-le-monarque-les-fondements-theoriques-de-la-monarchie#2958
Les Condottieres. Capitaines, princes et mécènes en Italie (XIIIe-XVIe siècle) XIIIème-XIVème siècles -
broché - Sophie Cassagnes-Brouquet, Bernard Doumerc - Achat Livre | fnac
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1&keywords=hans+baron
381
http://www.amazon.fr/Renaissances-italiennes-1380-1500-Elisabeth-Crouzet-
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rc=sims&preST=_AC_UL160_SR104%2C160_&refRID=0G35QZ44W57VF7
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pSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR104%2C160_&refRID=1F6CE1D8X0GS
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Renaissance/dp/2707306487/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1449244782&sr=8-
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de+la+Renaissance
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Renaissance/dp/2818504333/ref=sr_1_12?ie=UTF8&qid=1449247304&sr=8-
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2&refinements=p_27%3AHilde+de+Ridder-Symoens
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48&sr=1-1&keywords=Andr%C3%A9+Chastel
382
http://www.amazon.fr/philosophie-Renaissance-Ernst-
Bloch/dp/2228901628/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1454167019&sr=8-
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1&keywords=the+economy+of+renaissance+florence
http://www.amazon.fr/Lhumanisme-italien-Eugenio-
Garin/dp/2226142428/ref=pd_sim_14_11?ie=UTF8&dpID=411BQHBTACL&
dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR108%2C160_&refRID=0CSA1CZ56H9Q
26SSFPZ5
http://www.amazon.fr/R%C3%A9publicanismes-droit-naturel-humanistes-
r%C3%A9volutions/dp/2841744809/ref=sr_1_7?ie=UTF8&qid=1454166595&s
r=8-7&keywords=r%C3%A9publicanisme
http://www.amazon.fr/Gouvernement-mixte-politique-constitutionnel-XIIIe-
XVIIe/dp/2862723630/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1454166886&sr=8-
1&keywords=le+gouvernement+mixte
http://www.amazon.fr/Soci%C3%A9t%C3%A9-princes-Lucien-
B%C3%A9ly/dp/2213599734/ref=sr_1_2?s=books&ie=UTF8&qid=145984227
7&sr=1-2&keywords=La+Soci%C3%A9t%C3%A9+des+princes
http://www.amazon.com/Jews-Renaissance-Cecil-
Roth/dp/0827601034/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1429637479&sr=1-
1&keywords=The+Jews+in+the+Renaissance
http://hydra.forumactif.org/t2277-james-hankins-renaissance-civic-
humanism#2997
http://www.amazon.fr/Renaissance-Italienne-Philosophie-
Lhistoire/dp/0554912899/ref=asap_bc?ie=UTF8
383
https://www.amazon.fr/Histoire-Sienne-Vol-Politique-
Republique/dp/0259830348/ref=sr_1_fkmr1_1?ie=UTF8&qid=1496074382&sr
=8-1-fkmr1&keywords=Robert+Langton+Douglas%2C+Histoire+de+Sienne
http://www.amazon.fr/Renaissance-italienne-1460-1500-Chastel-
Andr%C3%A9/dp/2070753336/ref=sr_1_3?ie=UTF8&qid=1454166961&sr=8-
3&keywords=la+renaissance+italienne
http://www.amazon.fr/Essais-diconologie-Th%C3%A8mes-humanistes-
Renaissance/dp/2070248879/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1446499921&sr=8-
1&keywords=Essais+d%E2%80%99iconologie+%3A+th%C3%A8mes+humani
stes+dans+l%27art+de+la+Renaissance
385
Charles/dp/2020555271/ref=pd_sim_14_91?_encoding=UTF8&psc=1&refRID
=90S7PGMZB5XCRWSTR0PV
« Nous avons choisi parmi tous les autres le royaume de Sicile comme notre
bien propre et nous avons élu le royaume entier comme domicile et séjour de
notre vie, si bien que, alors que l’éclat du titre de César nous illumine, nous ne
jugeons pas indigne d’être appelé « un homme d’Apulie », et lorsque, appelés
par les troubles de l’empire nous naviguons en tous lieux loin des portes et des
ports de Sicile nous avons tout le temps le sentiment d’être un pèlerin éloigné de
sa demeure. » -Frédéric II, en 1238.
http://academienouvelle.forumactif.org/t4313-ernst-h-kantorowicz-
oeuvres#7909
Orphelin à quatre ans, roi de droit mais soumis à une régence, il fut élevé à la
cour de Palerme, et devint le jouet des hommes qui se disputaient le pouvoir,
pendant que le Sicile plongeait dans la guerre civile. » (p.15)
« Excommunié une première fois en 1227 pour ne pas être parti en croisade à
temps, puis, après le rétablissement de la paix avec le pape (traité de San
Germano en juillet-août 1230), une seconde fois en mars 1239, l’empereur fut
jugé en 1245 au concile de Lyon I. Déclaré parjure, hérétique et criminel, il fut
déposé par Innocent IV le 17 juillet. Il dénonça alors vivement la richesse de
387
l’Eglise, en appela à la solidarité des rois et des princes, tandis que le pape,
habillant de religion sa politique, faisait prêcher la croisade contre lui. » (p.18)
« Règne tumultueux, sans cesse secoué par des conflits, à l’image d’un empire à
la vérité ingouvernable. L’espace politique sur lequel Frédéric II devait régner
était en effet constitué de trois entités : le regnum teutonicum, c’est-à-dire
l’Allemagne, et les royaumes d’Arles et d’Italie du Nord. On n’oubliera pas
qu’une partie non négligeable de la France relevait dans ces conditions de
l’empire : Alsace et Lorraine, vallée du Rhône, Provence ; Lyon était d’empire,
de même que Marseille. Frédéric II gouverna encore deux autres royaumes,
celui de Sicile, puis à partir de 1225, celui de Jérusalem, acquis à la suite de
son mariage avec l’héritière du trône, Isabelle de Brienne.
Cet ensemble émietté était hétérogène dans son peuplement et ses composantes
linguistiques, les distances telles que l’empereur réagissait nécessairement avec
retard aux nouvelles ; sa politique devait courir après le temps. La
centralisation était, à l’échelle de l’empire, impossible, sauf à faire disparaître
ses frontières internes et les royaumes qui le constituaient. » (p.18-19)
« Son refus de laisser à l’Église une autre place que celle de la diffusion de la
foi et de l’encadrement moral des fidèles ouvrait la voie d’un Etat laïc, seul
responsabe du destin de ses sujets. » (p.21)
« [Le roi] détient les droits régaliens, les regalia, dont la liste fut fixée à la diète
de Roncaglia en 1158 : frappe de la monnaie, exercice de la haute justice,
fondation de marchés, installation de péages. » (p.28)
388
directement. Les rois de Germanie investissaient les évêques et les abbés de
leurs droits séculiers, ils pouvaient nommer ou défaire les ducs mais n’avaient
pas les moyens d’annexer un bien princier au domaine de la Couronne, du
moins sans l’accord des princes. Depuis les Ottoniens, ils déléguaient les
regalia, accordaient des fonctions d’autorité à tel ou tel prince, aux évêques, aux
margraves en charge des territoires frontaliers. Ils avaient ainsi contribué à la
formation progressive des vastes principautés ecclésiastiques et laïques
constituant le tissu du royaume (Bavière, Bohême, Brandenbourg, Saxe,
Thuringe…). Cette générosité faisait la solidité de leur pouvoir tout en
empêchant une concentration à leur profit. L’Allemagne était déjà sur la voie u
fédéralisme… » (p.29)
« L’union de la Sicile à l’empire [sous Henri VI, père de Frédéric II] mettait la
papauté aux abois, et sapait une autorité sur la péninsule que les papes
prétendaient détenir en vertu de la donation de Constantin. » (p.31)
« Le royaume se fractionna en plusieurs camps opposés les uns aux autres dans
un enchevêtrement de retournements d’alliance, de trahisons, de coup de force
où l’opportunisme l’emportait sur le souci du bien commun. […] La lutte pour
le pouvoir laissa le champ libre à la noblesse de Sicile qui usurpa biens et
châteaux du domaine royal à travers l’ensemble des provinces. Parler
d’anarchie serait exagéré mais le rapport de force tournait de toute évidence à
l’avantage des barons. […] Les années 1201-1208 furent donc des années de
« faide », de guerres privées et d’affaiblissement du pouvoir royal. La jeunesse
de Frédéric-Roger se déroula au milieu de ce tourbillon politique et guerrier,
balottée entre les divers prétendants à la régence. » (p.34-35)
« En mars 1212, il quitta la Sicile. La durée de son absence –huit ans- montre
tout le sérieux qu’il mit dans la reprise en main de l’héritage des Staufen, voire
l’intensité précoce de son ambition impériale. » (p.39)
389
La victoire de Philippe Auguste à Bouvines, le 27 juillet 1214, […] scella le sort
de la guerre ; Otton ne pesait plus rien. Le Capétien offrit à Frédéric II l’aigle
royal, insigne du pouvoir. Bouvines était le jugement de Dieu, dont Frédéric
était l’élu. » (p.43)
« Frédéric II n’imite en rien les Capétiens, qui surent faire primer leurs droits
sur ceux des féodaux. » (p.67)
« En février 1237, à Vienne, il obtient des onze princes présents (dont le roi de
Bohême, le duc de Bavière et les archevêques de Mayence, Trêves et Salzbourg)
l’élection de son fils Conrad IV (qui n’avait que neuf ans) « rois des Romains et
futur empereur » sans rien leur offrir en échange ; autrement dit, ils avaient
admis le principe héréditaire. On est loin du marchandage de 1220. […]
390
Vienne, laissant l’Autriche sous la tutelle de l’évêque de Bamberg. Le 27
novembre de cette même année 1237, il remportait contre les Milanais la
victoire de Cortuenuova, seule grande bataille livrée lors de son règne –les
Milanais y laissèrent dix milles hommes, mors ou captifs. Il était au sommet de
sa puissance et de sa gloire. » (p.98)
« Héritier grec de Rome, Byzance était, bien plus que l’Empire allemand, le
véritable empire du temps. Etat centralisé, doté d’une administration complexe,
entouré d’ennemis, dépecé en 1204 par les Latins mais toujours auréolé de
grandeur, il constituait un réservoir d’idées et de pratiques pour ceux qui
voulaient bâtir un pouvoir fort et intimidant. La cour des rois normands de
Sicile fut imprégnée d’un « byrantinisme idéologique ». » (p.144)
392
« L’une des caractéristiques du XIIIème siècle est la construction de ce que l’on
appelle parfois la « monarchie pontificale ». En prenant appui sur les acquis de
la réforme grégorienne –les Dictatus Papae de 1075 affirment qu’il est « permis
au pape de déposer les empereurs » ou encore qu’ « il peut délier du serment de
fidélité prêté à des injustes »-, les souverains pontifes successifs, d’Innocent III
à Innocent IV, ont bâti une doctrine et des institutions d’une redoutable
efficacité. Le pape n’est plus seulement le successeur de saint Pierre, fonction
qui fait de lui le garant de l’orthodoxie et du salut des fidèles, il est devenu le
« vicaire du Christ », celui qui gouverne l’Église à la place du Seigneur. Sa
mission eschatologique justifie ses décisions, quelles qu’elles soient.
"Ce furent à la fois des causes d'« en haut » et des causes d'« en bas », qui
provoquèrent 1a décadence du Saint Empire Romain et, plus généralement, du
principe de la vraie souveraineté. Au nombre des premières, figurent la
sécularisation et la matérialisation progressive de l'idée politique. Déjà chez un
Frédéric II, la lutte contre l'Eglise, bien qu'entreprise pour défendre le
caractère surnaturel de l'empire, laisse apparaître l'amorce d'une évolution de
ce genre, qui se traduit, d'une part, par l'humanisme, le libéralisme et le
rationalisme naissant de la cour sicilienne, la constitution d'un corps de juges
laïques et d'employés administratifs, l'importance prise par les legistae et
les decretistae et par ceux qu'un juste rigorisme religieux, en allumant des
autodafés et des bûchers savonaroliens pour les premiers produits de la «
culture » et de la « libre pensée », qualifiait avec mépris de theologi
philosophantes et, d'autre part, par la tendance centralisatrice et déjà anti-
féodale de certaines nouvelles institutions impériales. Or, au moment où un
empire cesse d'être sacré, il commence à ne plus être un Empire."
395
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Il arrive que les pouvoirs communaux prennent seuls l’initiative au XIVe siècle.
Ainsi, dix écoles d’arts libéraux sont fondées par des villes entre 1334 et 1374
dans le royaume de Valence. […]
En Italie au XIVe siècle, Paul Grendler montre que si 10% d’entre elles sont
directement financées par les communes, 90% sont indépendantes, en quelque
sorte privées […] Émerge ainsi une éducation séculière, plus tôt et de manière
plus ample qu’ailleurs en Europe. […] A Florence, la commune intervient peu.
En revanche, à Sienne, le gouvernement communal, dès la seconde moitié du
XIIIe siècle, prend en charge une bonne partie des écoles qui deviennent
publiques, dans leur organisation comme dans le soutien financier qu’elles
reçoivent. » (p.129)
« A côté des petites écoles où les élèves apprennent à lire et à écrire le latin,
naissent des écoles de type plus professionnel. Ce sont, en Italie, attestées à
partir de la fin du XIIIe siècle, les écoles d’abaque (ou botteghe d’abacco) où
l’arithmétique est enseignée aux futurs marchands. » (p.130)
« A rebours de l’image d’une ville pieuse ou marquée par la papauté, Rome est
en fait une véritable cité marchande, où les familles nobles s’adonnent au
commerce et au prêt à intérêt, y compris auprès des papes. Ce sont ces familles,
et non le peuple comme on l’a longtemps cru, qui, en 1143, restaurent le Sénat
(composé de 56 membres élus pour un an). A l’exception de cette institution,
397
dans laquelle il faut à l’évidence voir la volonté de restaurer l’héritage antique,
et de l’absence de consuls, la commune de Rome est une commune « normale »
[…] Ses principales dynamiques –conquête d’un contado et opposition à
l’évêque (en l’occurrence le pape, qui est avant tout évêque de Rome-
ressemblent au schéma des autres communes italiennes apparues à la même
période. » (p.478)
398
Après la chute de ce tribun, le popolo joue un rôle de plus en plus important,
non seulement dans les conflits de factions qui déchirent les familles
baronniales, mais aussi dans l’instauration d’un régime original –celui des Sept
Réformateurs, établi en 1358 et doté d’un sénateur étranger à la cité qui
s’appuie sur une milice de 3000 hommes recrutés dans le peuple- qui dure
quelques décennies, avant de s’achever en juillet 1398. A cette date, la
commune remet en effet son pouvoir aux mains de la papauté (revenue
s’installer dans l’Urbs en 1337), dont la domination sur Rome et sa région sera
désormais absolue. […]
« Dans le contexte des divisions qui déchirent les cités, singulièrement Florence,
l'éloge du « bien commun » prend une portée politique. Ainsi, Giordano da Pisa
(1260-1311), dans ses prédications, invoque l'amour du « bien commun de tous
», de même que le dominicain florentin Remigio dei Girolami (1246/1247-
399
1319). Inspiré par la Bible et Thomas d'Aquin, mais aussi par Aristote et
Cicéron, l'auteur de De bono comuni défend ces « Romains vertueux » qui «
s’exposaient très souvent à la mort en défense de la chose publique, c'est-à-dire
du bien commun du peuple », car « plus que de leur propre bien ils s'occupaient
en effet du bien commun ». Remigio dei Girolami sera lu par des humanistes
florentins et contribuera à l'avènement du discours républicain. Une de ses
expressions les plus marquantes vient de Matteo Palmieri {1406-1475), penseur
et acteur politique, en tant que gonfalonier de justice, ambassadeur et capitaine.
Son traité, Della vita civile, écrit vers 1430 et édité en 1529, se nourrit de Platon,
Aristote et Cicéron. Fidèle aux idéaux républicains, il préconise la recherche de
l'utilité non de ceux qui gouvernent, mais des gouvernés. En introduction, il
entend « démontrer quels doivent être les mœurs (costumi) et les vertus (virtù)
d'un citoyen parfait durant toute sa vie mortelle ». Le livre II précise que le «
citoyen privé » dans la République doit viser la paix, les « choses tranquilles et
honnêtes » et « toujours faire prévaloir l'honneur, l'utile et le bien de la patrie sur
ses commodités propres ». Tout l'ouvrage détaille la manière dont la vie des
hommes peut devenir « civile » grâce à la justice et autres vertus politiques : le
meilleur citoyen doit vivre selon les vertus de prudence, de tempérance et de
force (fortezza), en respectant les lois. L'objectif est de maintenir la paix et la
concorde, d'éviter les conflits déchirant Florence. Le propos, qui exalte le règne
des lois, prend aussi une tonalité moderne dans sa justification de l'utile, facteur
de prospérité de la cité. Ainsi rompt-il avec les apologies de la vie ascétique,
préférant célébrer l'activité humaine ici-bas. » (pp.15-16)
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402
son cœur un sentiment qui ne faiblira jamais. Cette célébration printanière aux
allures de bacchanales est une trêve momentanée dans les luttes fratricides qui
opposent les partisans du pape à ceux de l'empereur. Ce climat implacable de
guerre civile fera de Dante un éternel exilé, parcourant sans cesse ce pays qu'il
rêve de voir uni. Mais le miracle de l'amour s'est accompli, qui -au-delà de la
vie et de la mort- mènera le poète aux portes du Paradis... »
« Trop souvent, Dante sait que le pain qu'on lui offre est souillé du sang des
Justes... »
« Oh, si je pouvais saisir ses tresses qui ont été pour moi et le fouet et la hart, je
ne les lâcherais plus de la troisième heure jusque tard dans la nuit et ne serais
pour elle ni compatissant ni tendre mais jouerais d'elle avec la cruauté d'un
fauve. Et si l'amour m'a torturé jusqu'au sang, je me vengerai d'elle mille fois
plus. Et dans ses yeux qui ont réduit mon cœur en cendre, je plongerai mon
regard avide. J'assouvirais d'abord le tourment par la souffrance, puis l'amour
par l'amour. » -Dante Alighieri, à propos de Donna Pietra.
« Cette proposition est digne d'être accueillie par un éclat de rire ! Est-ce ainsi
que devrait rentrer dans sa patrie, après un exil de quinze années, Dante
Alighieri ? Est-ce là ce qu'à mérité son innocence, à tous manifeste, et un labeur
infini à la sueur de son front ? Non, ainsi ne s'humiliera pas un homme qui à le
sens de la sagesse. Il n'acceptera pas la grâce de ceux qui l'ont offensé, comme
s'ils étaient ses bienfaiteurs. Si c'est là pour moi le seul moyen de retourner à
403
Florence, jamais je n'y retournerai ! Et puis qu'importe ? Est-ce que partout je
ne verrai pas le soleil et les étoiles ; Est-ce que sous tous les cieux je ne
contemplerai pas les plus douces vérités, sans me vouer à la honte de mes
concitoyens florentins ? Et partout je trouverai bien un morceau de pain. » -
Dante, à propos de la proposition de Florence de réintégrer le poète contre
amende.
« L’amour pour Béatrix fit de Dante un poète. Un tel amour, quelque pur et
idéal qu’il soit, est en contradiction avec la nature et même avec la doctrine
expresse du catholicisme. « N’aime pas l’homme pour lui-même, mais Dieu en
lui. », dit un saint. » -Ludwig Feuerbach, La religion (1864 pour l’édition
française).
« Nous verrons plus tard les poèmes de Dante être d’autant plus passionnés et
« réalistes » dans leurs images que Béatrice s’élèvera davantage dans une
hiérarchie d’abstractions mystiques, figurant d’abord la philosophie, puis la
Science, puis la Science sacrée. » -Denis de Rougemont, L’amour et l’Occident,
Livre II « Les origines religieuses du Mythe », Plon, Bibliothèque 10/18, 1972,
445 pages, p.107.
« En revanche à partir du XIIIe siècle les écoles (studia) des ordres mendiants
prospèrent ; en principe réservées aux religieux qui doivent y acquérir les
connaissances nécessaires à la prédication, elles peuvent aussi accueillir de
jeunes laïcs: c'est au studium dominicain de S. Maria Novella de Florence, puis
surtout à celui des Franciscains de S. Croce, auprès du célèbre Pierre de Jean
Olieu, que vers 1293 Dante acquerra des connaissances théologiques, à près de
trente ans, alors qu'il est déjà marié, père de famille et poète reconnu.
Ce genre de formation reste cependant marginal pour un laïc. » -François
Menant, L'Italie des communes (1100-1350), Paris, Éditions Belin, 2005, 398
pages, p.219.
« Le poète, lui aussi, concevait l'Italia una comme le centre de l'Empire romain,
comme la province des provinces, non seulement comme le pays des Césars,
mais aussi comme une Italie nationale. Alors que Frédéric avait voulu réveiller
le peuple mort des Romains, Dante faisait appel au peuple italien lui-même, ce
peuple que Frédéric avait, il est vrai, soumis pendant dix ans à l'expérience de
l'Etat impérial italien. » -Ernst Kantorowicz, L'Empereur Frédéric II,
in Œuvres, Gallimard, coll. Quarto, 2000, 1369 pages, pp.9-641, p.428.
Les relations entre les hommes font apparaître des nuances nouvelles et le
monde ne semble plus régi par la simple loi de l’opposition et de l’affrontement.
Des rapports pacifiques sont désormais possibles et Nicolas de Vérone fait
l’apologie d’un système politique que l’on n’a pas l’habitude de penser
médiéval, et qui s’inspire par certains traits de la République romaine : la voix
du peuple est sacrée et l’organisation hiérarchique verticale n’est plus de
rigueur. L’univers n’est plus régi par de strictes lois de soumission et de
sujétion mais par un consentement mutuel qui donne à la volonté individuelle
toute sa place." -Chloé Lelong, « Chloé Lelong, L’Œuvre de Nicolas de Vérone
: intertextualité et création dans la littérature épique franco-italienne du xive
siècle », Perspectives médiévales [En ligne], 34 | 2012, mis en ligne le 16
septembre 2012, consulté le 06 novembre 2020. URL
405
: http://journals.openedition.org/peme/1700 ; DOI
: https://doi.org/10.4000/peme.1700
« Pétrarque, après tout, n'a peut-être d'autre mérite que d'avoir écrit des
bagatelles sans génie dans un temps où ces amusements étaient fort estimés
parce qu'ils étaient rares. » -Voltaire, Lettre aux auteurs de la Gazette littéraire,
6 juin 1764.
« Pétrarque est une lumière dans son temps, et c’est une belle chose qu’une
lumière qui vient de l’amour. Il aima une femme et il charma le monde.
Pétrarque est une sorte de Platon de la poésie ; il a ce qu'on pourrait appeler la
subtilité du cœur, et en même temps la profondeur de l’esprit ; cet amant est un
penseur, ce poète est un philosophe. Pétrarque en somme est une âme éclatante.
Pétrarque est un des rares exemples du poète heureux. Il fut compris de son
vivant, privilège que n’eurent ni Homère, ni Eschyle, ni Shakespeare. Il n'a été
ni calomnié, ni hué, ni lapidé. Pétrarque a eu sur cette terre toutes les
splendeurs, le respect des papes, l’enthousiasme des peuples, les pluies de fleurs
sur son passage dans les rues, le laurier d'or au front comme un empereur, le
Capitole comme un dieu. » -Victor Hugo, Lettre autographe conservée au musée
Pétrarque, 18 juillet 1874.
406
double généalogie qui attire l'attention. Il est d'abord, pour l'histoire littéraire,
un des jalons bien connus de la "naissance de l'auteur", à la fois par sa pratique
et par son discours. Il veille avec un soin maniaque à la publication de son
œuvre propre, reprenant ses textes, les recopiant, les corrigeant, préparant de
véritables "éditions autorisées", et donnant par sa pratique un sens fort à la
notion d'auctor du texte, lequel ne se limite pas à sa rédaction mais s'étend aussi
à sa production publique. Cependant, ce travail d'édition n'est pas qu'une manie
philogique, il correspond à une réflexion formelle sur l'organisation de l'œuvre
littéraire, dont la construction du Canzoniere donne un exemple frappant.
Pétrarque se regarde dans son œuvre comme dans un miroir, pour s'y créer une
image idéale, un portrait de soi en écrivain appuyé sur une "idéologie de
l'auteur", et son écriture est habituée par le désir d'être un auteur. » (189-190)
En effet, les textes intimes de Pétrarque sont aussi le lieu d'une spiritualité à
laquelle les historiens de la religion ne prêtent souvent pas attention, mais qui
place Pétrarque parmi les précurseurs de la devotio moderna. Par ce terme, les
historiens repèrent une transformation des pratiques religieuses à partir du
XIVème siècle, qui se caractérisait par une spiritualité plus individuelle, plus
intérieure, dans laquelle la méditation et la prière joueraient un rôle primordial.
407
Ce mouvement est souvent considéré comme une étape dans le "temps des
réformes", sur a route d'une individualisation très forte du christianisme qui
trouverait son aboutissement dans les protestantismes du XVIème siècle, ce qui
en fait souvent un jalon dans une histoire de la production de l'individu
occidental par la matrice chrétienne.
Le premier aspect par lequel Pétrarque s'inscrit dans cette mouvance est sa
critique des institutions de l'Église. Cette facette est bien connue: sa littérature
est l'occasion d'une contestation virulente de l'Église, et en particulier de la
papauté. C'est le thème fameux de la comparaison entre Avignon et Babylone,
qui s'alimente de l'exil hors de Rome. Ces diatribes ne sont pas seulement
politiques et nationales, elles ont également un sens proprement religieux.
Pétrarque dénonce l'Église devenue un Etat, qui a délaissée les préoccupations
spirituelles pour se vouer à la politique, se rapprochant ainsi de beaucoup de
contestataires évangéliques de la fin du Moyen Age. De cette critique
institutionnelle de l'Église, à laquelle Pétrarque oppose le mythe de l'Église des
origines, émerge justement une pratique religieuse recentrée sur l'individu
caractéristique de la devotio moderna.
Les écrits intimes de Pétrarque mettent en scène à plusieurs reprises les formes
de sa pratique religieuse. Or, sur des centaines de pages consacrées à sa vie,
dans lesquelles la spiritualité tient une place de premier plan, il n'y a jamais
aucune allusion à la pratique religieuse normée par l'Église. La spiritualité de
Pétrarque se déploie hors de l'institution, dans un rapport personnel avec Dieu,
fondateur de la conscience individuelle qu'il a de lui-même. Pour lui, la foi est
un acte individuel qui passe par la méditation et la prière. » (p.193-194)
409
« Le problème de Pétrarque est de concilier prière et écriture sans rien céder
sur l'une ou l'autre. Notre hypothèse est que le partage entre dévotion et
création esquissé dans l'œuvre de Pétrarque est lié à son rapport avec Dieu et la
théologie. [...] Il affirme "qu'il est inutile de chercher à s'élever par soi-même",
et que la seule condition du Salut est de "recevoir l'aide de Dieu", puisque
"notre mérite en est incapable", et que "sa grâce est seule à le pouvoir". [...]
Les positions théologiques de Pétrarque renforcent son inscription dans les
courants évangélistes et réformistes critiques de l'Église à la fin du Moyen Age,
et préfigurent le discours protestant sur la grâce. Or cette théologie de la grâce
est à l'articulation entre la soif de réussite littéraire et l'aspiration à la vie
éternelle. En effet, les œuvres terrestres ne servent pas au Salut, donné par la
seule grâce, et les individus peuvent donc, sous réserve, bien sûr, d'une vie
vertueuse, développer une activité proprement terrestre. » (p.203-204)
« Ce qui doit étonner chez Pétrarque : cette inoubliable passion animant pour la
première fois les symboles des troubadours d’un souffle parfaitement païen, et
non plus du tout hérétique ! On est aux antipodes de Dante, mais aussi des
rhéteurs qu’il attaquait. […] Le langage de l’Amour est enfin devenu la
rhétorique du cœur humain. » (p.199)
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411
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Bourgouin/dp/2600015469/ref=sr_1_38?s=books&ie=UTF8&qid=1451169163
&sr=1-38
413
exemple de récit autobiographique. » -Didier Lechat, « Histoire collective et
histoire individuelle dans L’Advision Cristine », in Brigitte Miriam Bedos-
Rezak & Dominique Iogna-Prat (dir), L'Individu au Moyen Age. Individuation et
individualisation avant la modernité, Mayenne, Éditions Flammarion, Aubier,
2005, 380 pages, p.212.
"La très aristocratique Christine de Pisan dit des pauvres: "Puisqu'ils ne sont
rien, c'est tout ordure - Povreté est celle nommée - Qui de nulle gent n'est
aimée." Et elle conclut éloquemment: "De tel gent, ce n'est que merdaille" (le
Livre de la musacion de Fortune, cité in P. Sassier, Du bon usage des pauvres,
Paris, Fayard, 1990, p.90)." (p.68)
-Robert Castel, Les métamorphoses de la question sociale. Une chronique du
salariat, Folio-Gallimard, Paris, 2000 (1995 pour la première édition), 813
pages.
http://www.amazon.fr/Christine-Pizan-Fran%C3%A7oise-
Autrand/dp/2213636427/ref=pd_sim_14_3?ie=UTF8&dpID=51DUuRqFP1L&d
pSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR99%2C160_&refRID=1JRMWV1J73CMJ
ZGJHR9H
« En 1461, à l’avènement de Louis XI, la France féodale reste celle que le traité
de Verdun a, en 843, découpée dans l’ensemble carolingien. Au nord l’Escaut la
sépare du Saint-Empire. A l’est, la Meuse, la Saône et le Rhône la délimitent, de
façon moins précise, de l’ancienne Lotharingie. A l’ouest et au sud-ouest seul
l’océan constitue une barrière naturelle ; les faîtes pyrénééens n’empêchent pas
le roi de France d’englober dans sa suzeraineté une partie de la Navarre et de
la Catalogne. » -Denis Richet, Le royaume de France au XVIème siècle, in
Denis Richet, De la Réforme à la Révolution. Études sur la France moderne,
Aubier, 1991, 584 pages, pages 343-387, p.343.
« Louis XI, beaucoup plus encore que ses prédécesseurs, s’efforce de favoriser
le développement du commerce, d’introduire en France des industries de luxe. Il
obéit déjà à une conception « mercantiliste », car il considère que l’achat
d’étoffes précieuses à l’étranger diminue le stock monétaire du royaume ; c’est
la raison essentielle pour laquelle il tenta d’implanter l’industrie de la soie à
Lyon, malgré la répugnance des habitants, qui firent échouer son projet, puis à
Tours, où elle prospéra dès son règne. On voit déjà que la grande industrie, en
415
France, pendant longtemps, ne produira guère que des objets de luxe, qu’elle
devra son existence à l’initiative et aux encouragements de l’État. C’est un fait
significatif que Louis XI ait voulu créer une grande compagnie de commerce
privilégiée, une « Compagnie du Levant », annonçant ainsi les créations de
Colbert. » -Henri Sée, Les origines du capitalisme moderne, Armand Collin,
1926, 206 pages, p.21.
416
« D’un côté, le Proesme du livre VI, rédigé à l’occasion de l’avènement de
Louis XI, représente sans doute l’acmé rhétorique et théorique de
la Chronique de Chastelain, une somme rhétorique des styles (p.274), le texte-
seuil d’une réflexion de l’écrivain sur son art et la Grande Rhétorique, centre
d’équilibrage et de transcendance du réel, à la fois art poétique et somme. D’un
autre côté, entre 1461 (La Mort du roy Charles VII) et 1468 (La Mort du duc
Philippe), il se produit un changement patent : le livre VI est un « espace de
destruction des figures fondamentales de la Chronique» ; Louis XI remplace
l’Anglais comme figure de l’Antéchrist. » -Jean Dufournet, « La grandeur de
George Chastelain [*] », Le Moyen Âge, 2005/3 (Tome CXI), p. 595-603. DOI :
10.3917/rma.113.0595. URL : https://www.cairn-int.info/revue-le-moyen-age-
2005-3-page-595.htm
« De « père des pauvres », comme l'on dit au xiiie siècle, le roi devient père du
peuple, en charge de la prospérité commune et non du seul secours à des pauvres
dont la perception se durcit aux xive et xve siècles. Auparavant, sous l'influence
des ordres mendiants, le devoir d'assistance est constamment rappelé au prince,
l'avarice est condamnée : Claude de Seyssel fait encore reproche à Louis XI
d'avoir thésaurisé au lieu de soulager le peuple à la différence de Louis XII. La
fiscalité royale en plein développement permet et justifie une forme de
redistribution qui garantit à la fois le salut du souverain et la stabilité de son
royaume. Mais la sollicitude royale n'a vraiment de valeur que lorsqu'elle
engage le trésor particulier du monarque, non les ressources ponctionnées sur les
contribuables dont la pauvreté doit justement l'incliner à la modération
fiscale. […] Louis XI institue en effet un pauvre à ses couleurs en 1472 à Saint-
Martin de Tours pour se tenir aux portes de l'église et rappeler pour ainsi dire
officiellement que le soulagement des pauperes est consubstantiel à la royauté. »
-« Lectures critiques », Revue Française d'Histoire des Idées Politiques, 2010/1
417
(N° 31), p. 191-198. DOI : 10.3917/rfhip.031.0191. URL : https://www.cairn-
int.info/revue-francaise-d-histoire-des-idees-politiques1-2010-1-page-191.htm
Jan van den Driessche / Jehan de la Driesche, un fonctionnaire flamand au service de Louis XI |
Cairn.info
Les vies successives d'un roi : la postérité politique de Louis XI à l'époque moderne | Cairn.info
Figures mythiques médiévales aux XIXe et XXe siècles + Isabelle Durand-Le Guern, Louis XI entre
mythe et histoire (forumactif.org)
http://hydra.forumactif.org/t4750-jacques-heers-louis-xi-le-metier-de-roi#5689
« Commynes était certainement séduit par l’ouvrage immense que son maître
accomplissait à travers tant de difficultés et de déboires, en abattant, au profit
de l’unité nationale et de la sécurité des peuples, cette féodalité apanagère qui
démembrait et déchirait le pays, et qui, sans autre but que de satisfaire
l’ambition, la cupidité et la haine, y nourrissait l’inextinguible incendie de la
guerre civile et de la guerre étrangère. À force d’entrer dans les vues de Louis
XI, il entre dans son esprit ; à force de se pénétrer de son esprit, il sympathise
avec son caractère. Le succès est si nécessaire, qu’il y mesure tout ; les nuances
s’effacent, et il permet la perfidie à l’habileté. L’avenir est si grand qu’il voit
Dieu même dans tout ce qui le prépare. Il y avait d’ailleurs en ce temps-là un
relâchement général dans la croyance, dans les mœurs, et une révolution
religieuse était à la porte qui demandait la proie du siècle. » (p.617)
https://www.amazon.fr/Philippe-Commynes-Jo%C3%ABl-
Blanchard/dp/221362853X/ref=sr_1_2?s=books&ie=UTF8&qid=1517068509&
sr=1-2&keywords=Philippe+de+Commynes
Charles VIII (1470-1498) : "[Le Chancelier :] Feuilletez les histoires des rois
de France, et je vous défie d'en présenter un seul à notre mémoire qui, quoique
d'un âge avancé, ait pris possession d'un royaume et de domaines aussi étendus,
avec une paix aussi parfaite et au milieu des acclamations générales. Rendons
420
mille grâce à Dieu et au roi défunt, qui ne nous ont pas laissés sans chef,
puisque nous en avons un, modèle de toute vertu, lequel nous devons à leur
munificence, qui qui a hérité et d'un trône et de la gloire d'une paix longue et
durable. C'est elle que si longtemps, et avec des peines infinies, nous avons
souhaitée, demandée, cherchée, comme le plus agréable des biens de ce monde
et plus précieux que l'or et l'argent." (p.45)
-Jehan Masselin, Journal des États généraux de France tenus à Tours en 1484
sous le règne de Charles VIII.
(Philippe Pot cite alors le cas du conflit entre Philippe VI de Valois et Edouard
III d’Angleterre, celui de la captivité de Jean II le Bon, et celui de la minorité de
Charles VI).
421
Après des autorités si positives, douterez-vous encore de vos droits ? Et puisque
par la forme de votre serment, vous vous êtes ici rassemblés pour faire et
conseiller ce que selon Dieu et votre conscience, vous jugere le plus utile à
l’état, pouvez-vous négligez le point fondamental de tous vos règlements ? …
En un mot, la raison vous prouve que vous avez le droit de régler
l’administration et la forme du conseil ; un grand nombre d’exemples vous le
démontrent, le roi vous l’ordonne, les princes y consentent, la patrie vous y
exhorte par la bouche de son premier magistrat. Si des raisons si fortes ne
peuvent vous ébranler, n’imputez désormais qu’à votre lâcheté tous les maux qui
affligent l’Etat ; et vous qui conservez encore des cœurs français, ne souffre pas
que la nation vous accuse d’avoir trahi sa confiance, et qu’un jour la postérité
vous reproche de ne lui avoir pas transmis le dépôt de la liberté publique, tel que
vous l’avez reçu de vos pères. Sauvez vos noms de cet opprobre.
https://www.amazon.fr/Charles-VIII-Didier-
FUR/dp/2262022739/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1466436277&sr=1-
1&keywords=Charles+VIII
https://www.amazon.fr/Richard-III-Paul-Murray-
Kendall/dp/2213007462/ref=pd_sbs_14_5?_encoding=UTF8&psc=1&refRID=
GYF5NEKQC52RQ0KF7MN1
https://www.amazon.fr/LAngleterre-au-temps-guerre-Deux-
Roses/dp/2213013918/ref=pd_sim_14_1?_encoding=UTF8&psc=1&refRID=M
FFS6A36DBW10GY03NME
423
"Tandis que celui qui oppose les Bouillon aux Noailles reste « dans la norme »
de l’époque, en dépit de sa virulence inhabituelle, celui opposant les Bouillon
aux Bourbons se révèle « hors normes »."
424
Sperone Speroni : http://www.amazon.fr/Dialogue-langues-Dialogo-delle-
lingue/dp/2251730311/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1451224918&sr=8-
1&keywords=Sperone+Speroni
[…] Alors que l’édification ou l’art urbain théorisé par Alberti met en œuvre
des règles et des principes génératifs permettant la production d’espaces
indéfiniement différents, l’urbanisme théorisé par Cerda et ses successeurs, vise,
sous l’influence de la pensée utopique, l’établissement de modèles spatiaux,
dotés d’une valeur universelle de vérité et, ainsi, statiquement appelés à une
indéfinie reproduction. » -Pierre Merlin, article « Urbanisme », in P. Merlin et F.
Choay, Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement, Presse Universitaires
de France, 2013, p.797-802.
426
patrie est le bien le plus précieux car elle est un bien éternel. Leon Battista
Alberti, dans ses Libri della famiglia, dit que servir la république n’est pas une
forme de servitude mais le devoir le plus noble de toutes les activités parce qu’il
permet de vivre libre.
https://www.amazon.fr/LArt-d%C3%A9difier-Leon-Battista-
Alberti/dp/2020121646/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1505849857&sr=
1-1&keywords=L%27Art+d%27%C3%A9difier
https://www.amazon.fr/Momus-ou-Prince-Fable-
politique/dp/225144629X/ref=pd_rhf_dp_s_cp_6?_encoding=UTF8&pd_rd_i=2
25144629X&pd_rd_r=VV7B71JPSSZMZ2M9064Y&pd_rd_w=KzDFT&pd_rd
_wg=Xumzo&psc=1&refRID=VV7B71JPSSZMZ2M9064Y
http://www.amazon.fr/Famille-Leon-Battista-
Alberti/dp/2251339728/ref=sr_1_4?ie=UTF8&qid=1451220072&sr=8-
4&keywords=Leon+Battista+Alberti
427
Marsile Ficin (1433-1499) : http://www.amazon.fr/Marsile-ficin-platonismes-
renaissance-
Collectif/dp/2711614921/ref=sr_1_4?ie=UTF8&qid=1446818072&sr=8-
4&keywords=Marsile+Ficin
http://www.amazon.fr/Trait%C3%A9-limmortalit%C3%A9-Tractatus-
immortalitate-
428
anim%C3%A6/dp/2251801278/ref=sr_1_3?ie=UTF8&qid=1446817861&sr=8-
3&keywords=La+philosophie+de+Pietro+Pomponazzi
Nous aimons les choses par nous estimées bonnes, les ayant en notre puissance :
et, à faute de les avoir, les désirons : tellement que le désir précède l’amour, et
après que la chose désirée nous est octroyée, l’amour commence et le désir
prend fin. […]
Ne vois-tu que, étant malades, nous désirons la santé laquelle nous défaut ? et
qui est-ce qui dirait que nous l’aimons alors ? Vois-tu aussi que, soudain qu’elle
nous est rendue, nous l’aimons, toutefois ne la désirons plus. Les joyaux,
héritages et autres richesses, avant qu’être possédées, sont affectionnément
désirées, mais non encore aimées : puis, tombées entre les mains de celui qui les
désirait, le désir cessant, curieusement aimées. […]
C’est improprement parlé, dire que vouloir avoir une chose signifie aimer : car
ce, vouloir avoir, n’est autre chose que le désir : pour ce que l’amour est assis en
la même chose aimée, à laquelle le désir, quand on ne l’a, aspire seulement ;
donc, à mon jugement, l’amour et le désir ne peuvent demeurer ensemble. […]
L’amant a ce qu’il aime, et celui qui désire n’est encore possesseur de son bien
désiré. Quel exemple plus familier se peut offrir que des enfants ? Lesquels, de
qui ne les a, ne peuvent être aimés, mais bien sont désirés : ni, de qui les a,
peuvent être désirés, toutefois sont aimés. » (p.55-56)
« [Sophie] : L’amour ne reçoit pour son sujet que les choses qui sont, et le désir,
celles qui ne sont point. […]
« [Philon] : Nous ne pouvons désirer chose qui ne soit réellement, pour ce que
notre désir ne s’étend qu’aux choses lesquelles la connaissance nous fait juger
être bonnes. Et à cet occasion définit un grand philosophe [Aristote], cela être
bon qui est désiré de chacun, puisque la connaissance est de choses ayant
essence. […]
429
La connaissance de la chose, soit aimée, soit désirée, précède et l’amour et le
désir, j’entends cette connaissance qui persuade et imprime un jugement de
bonté : autrement telle connaissance ferait haïr et avoir en horreur la chose
connue, et non pas aimer ou désirer. Or donc, l’amour et le désir, l’un comme
l’autre, présupposent l’essence de la chose tant en effet qu’en connaissance. »
(p.59)
http://www.amazon.fr/Beau-lAmour-Pulchro-Amore-
Livre/dp/2251345205/ref=sr_1_3?ie=UTF8&qid=1449788208&sr=8-
3&keywords=Agostino+Nifo
« C’est sans doute l’Italien Lorenzo Valla qui a accrédité l’association des mots
« gothique » et « barbare », appliquée au langage dans lequel s’exprimaient ses
prédécesseurs. Il a utilisé ces termes dans la préface du troisième livre d’un
ouvrage qui a connu un succès extraordinaire en France, les Elegantiarum
latinae lingua libri sex (1441) ; c’est l’un des premiers livres imprimés au début
430
des années 1470 sur les presses de l’atelier de la Sorbonne. Comme le titre
l’indique, il initie tous ceux qui se piquent de bien écrire aux « élégances »
oubliées de la langue latine. » -Arlette Jouanna, La France de la Renaissance,
Perrin, coll. Tempus, 2009 (2001 pour la première édition), 759 pages, p.23-24.
https://www.amazon.fr/Sur-Plaisir-Lorenzo-
Valla/dp/2909422844/ref=sr_1_2?ie=UTF8&qid=1474545524&sr=8-
2&keywords=Lorenzo+Valla
https://www.amazon.fr/Rise-Decline-Medici-Bank-1397-
1494/dp/1893122328/ref=sr_1_48?ie=UTF8&qid=1483108194&sr=8-
48&keywords=finance+m%C3%A9di%C3%A9vale
« [Machiavel] : Ce livre m’a fait une renommée fatale, je le sais : il m’a rendu
responsable de toutes les tyrannies ; il m’a attiré la malédiction des peuples qui
ont personnifié en moi leur haine pour le despotisme ; il a empoisonné mes
derniers jours, et la réprobation de la postérité semble m’avoir suivi jusqu’ici.
Qu’ai-je fait pourtant ? Pendant quinze ans j’ai servi ma patrie qui était une
République ; j’ai conspiré pour son indépendance, et je l’ai défendue sans
relâche contre Louis XII, contre les Espagnols, contre Jules II, contre Borgia
lui-même qui, sans moi, l’eût étouffée. Je l’ai protégée contre les intrigues
sanglantes qui se croisaient dans tous les sens autour d’elle, combattant par la
diplomatie comme un autre eût combattu par l’épée ; traitant, négociant, nouant
ou rompant les fils suivant les intérêts de la République, qui se trouvait alors
écrasée entre les grandes puissances, et que la guerre ballottait comme un
431
esquif. Et ce n’était pas un gouvernement oppresseur ou autocratique que nous
soutenions à Florence ; c’étaient des institutions populaires. Étais-je de ceux
que l’on a vus changer avec la fortune ? Les bourreaux des Médicis ont su me
trouver après la chute de Soderini. Élevé avec la liberté, j’ai succombé avec elle
; j’ai vécu dans la proscription sans que le regard d’un prince daignât se
tourner vers moi. Je suis mort pauvre et oublié. Voilà ma vie, et voilà les crimes
qui m’ont valu l’ingratitude de ma patrie, la haine de la postérité. » -Maurice
Joly, Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu, La Bibliothèque
électronique du Québec, Collection Philosophie, Volume 14 : version 1.0, 473
pages. (première édition: Bruxelles, A. Mertens et fils, 1864), p.13-14.
« Vous devez donc savoir qu’il y a deux manières de combattre : l’une avec les
lois, l’autre avec la force. La première est le propre de l’homme, la seconde
celui des bêtes ; mais comme souvent la première ne suffit pas, il convient de
faire appel à la seconde. Aussi est-il nécessaire à un prince de savoir user de la
bête et de l’homme. C’est ce que les écrivains anciens ont enseigné aux princes
à mots couverts. Ils écrivent qu’Achille et de nombreux autres princes furent
placés chez le centaure Chiron afin qu’il leur enseigna la discipline. Or, avoir
un précepteur moitié homme moitié bête ne signifie rien d’autre sinon qu’il faut
que le prince sache bien user de l’une et l’autre nature, car l’une sans l’autre ne
peut durer. » -Nicolas Machiavel, Le Prince, chapitre XVIII. Cité dans Thierry
Ménissier, Machiavel ou la politique du centaure, Hermann Éditeurs, coll.
Hermann Philosophie, 2010, 547 pages, p. 7.
« Quoique l’homme par sa nature envieuse ait toujours rendu la découverte des
méthodes et des systèmes nouveaux aussi périlleuse que la recherche des terres
et des mers inconnues, attendu que son essence le rend toujours plus prompt à
432
blâmer qu’à louer les actions d’autrui ; toutefois, excité par ce désir naturel qui
me porta toujours à entreprendre ce que je crois avantageux au public, sans me
laisser retenir par aucune considération, j’ai formé le dessein de m’élancer
dans une route qui n’a pas encore été frayée ; et s’il est vrai que je doive y
rencontrer bien des ennuis et des difficultés, j’espère y trouver aussi ma
récompense dans l’approbation de ceux qui jetteront sur mon entreprise un
regard favorable. » -Nicolas Machiavel, Discours sur la première décade de
Tite-Live, Livre premier, 1512-1517.
« On doit regarder comme un bien que chacun puisse proposer tout ce qu’il
regarde comme utile au bien public, et qu’il est bon également qu’il soit permis
de dire librement son avis sur ce que l’on propose, afin que le peuple, éclairé
par cette discussion, puisse adopter le parti qu’il regarde comme le meilleur. »
« Un peuple qui commande, sous l’empire d’une bonne constitution, sera aussi
stable, aussi prudent, aussi reconnaissant qu’un prince ; que dis-je ? il le sera
plus encore que le prince le plus estimé pour sa sagesse. […] Et l’on verra
combien la vertu et la gloire des peuples l’emportent sur celles des princes. »
« On sent aisément d’où naît chez les peuples l’amour de la liberté, parce que
l’expérience nous prouve que les cités n’ont accru leur puissance et leurs
richesses que pendant qu’elles ont vécu libres. […] Il est évident que l’intérêt
commun n’est respecté que dans les républiques : tout ce qui peut tourner à
l’avantage de tous s’exécute sans obstacle ; et s’il arrivait qu’une mesure pût
être nuisible à tel ou tel particulier, ceux qu’elle favorise sont en si grand
nombre, qu’on parviendra toujours à la faire prévaloir, quels que soient les
433
obstacles que pourraient opposer le petit nombre de ceux qu’elle peut blesser.
»
« Cette morale nouvelle [le christianisme] a rendu les hommes plus faibles, et a
livré le monde aux scélérats audacieux. Ils ont senti qu’ils pouvaient sans
crainte exercer leur tyrannie, en voyant l’universalité des hommes disposés,
dans l’espoir du paradis, à souffrir tous leurs outrages plutôt qu’à s’en
venger. »
« Il est nécessaire de changer avec les temps, si l’on veut toujours avoir la
fortune propice. […] Deux raisons s’opposent à ce que nous puissions ainsi
changer : l’une est que nous ne pouvons vaincre les penchants auxquels la
nature nous entraîne ; l’autre, que quand une manière d’agir a souvent réussi à
un homme, il est impossible de lui persuader qu’il sera également heureux en
suivant une marche opposée. De là naît que la fortune d’un homme varie, parce
que la fortune change les temps, et que lui ne change point de conduite. »
« Les tyrans que favorise la multitude, et qui n’ont d’ennemis que la noblesse,
jouissent d’une bien plus grande sécurité, parce que leur violence est soutenue
par de plus grandes forces que ceux qui n’ont d’appui contre l’inimitié du
peuple que l’amitié de la noblesse. »
434
« Il considère les forces existantes comme étant toujours vivantes, actives,
calcule les chances de succès avec la puissance et l’autorité du génie, et ne
cherche ni à se tromper lui-même, ni à tromper les autres. On ne trouve chez lui
pas la moindre trace de vanité ou de suffisance […]. Chez lui, le danger de
suivre une mauvaise voie ne vient jamais d’une fausse prétention au génie ou de
ce qu’il se trompe dans ses déductions, mais de ce qu’il est entraîné par une
imagination ardente, qu’il ne gouverne qu’avec peine. Sans doute son
objectivité politique est parfois effrayante dans sa sincérité, mais elle est née à
une de ces époques de crises dangereuses où les hommes ne croient plus guère
au droit et ne peuvent plus supposer la justice. […] Machiavel était du moins
capable de s’oublier lui-même dans les faits. […] Quelque léger qu’il fût, à
l’exemple de la plupart de ses contemporains, dans sa conduite et dans son
discours, le salut de l’Etat n’en était pas moins sa pensée dominante. » -Jacob
Burckhardt.
« Avec Machiavel, nous sommes vraiment dans un autre monde. Le Moyen Age
est mort ; bien plus, c’est comme s’il n’avait jamais existé. Tous ses problèmes :
Dieu, salut, rapports de l’au-delà et de l’ici-bas, justice, fondement divin de la
puissance, rien de tout cela n’existe pour Machiavel. Il n’y a qu’une réalité,
celle de l’Etat, il y a un fait, celui du pouvoir. Et un problème : comment
s’affirme et se conserve le pouvoir de l’Etat. L’immoralisme de Machiavel, c’est
seulement de la logique. Du point de vue où il s’est placé, la religion et la
morale ne sont que des facteurs sociaux. Ce sont des faits qu’il faut savoir
utiliser, avec lesquels il faut compter. C’est tout. » -Alexandre Koyré, Etudes
d’histoire de la pensée scientifique, Paris, P.U.F., 1966, p. 11.
435
veut du sang, cela veut du fer, » comme le chimiste, pour pousser la
comparaison, déclare, sans s’en réjouir ni s’en affliger : « Ceci est du vitriol, »
ou : « Ceci est du sucre. » En Machiavel, aucune hypocrisie ; il n’a de
scandaleux, et de presque effrayant parfois, que sa sincérité. » -Charles Benoist,
Machiavel et le Machiavélisme (1906).
« Le style de Machiavel n'est pas celui d'un écrivain qui écrit un traité en forme
de système, comme en connaissaient le Moyen Age et l'Humanisme, bien au
contraire. C'est le style d'un homme d'action, de quelqu'un qui veut pousser à
l'action, c'est le style propre au « manifeste » d'un parti. […] On peut donc
penser que Machiavel a en vue ceux « qui ne savent pas », qu'il entend faire
l'éducation politique de ceux « qui ne savent pas », non pas l'éducation politique
négative des hommes qui haïssent les tyrans, comme semblerait l'entendre
Foscolo, mais l'éducation positive de ceux qui doivent reconnaître comme
nécessaire l'emploi de moyens déterminés, même s'ils appartiennent aux tyrans,
parce qu'ils veulent des fins déterminées.
[…] Qui est-ce donc « qui ne sait pas ? » La classe révolutionnaire du temps, le
« peuple » et la « nation » italienne, la démocratie des villes. […]Le
machiavélisme a servi à améliorer la technique politique traditionnelle des
groupes dirigeants conservateurs, aussi bien que la politique de la philosophie
de la praxis ; cela ne doit pas dissimuler son caractère essentiellement
révolutionnaire, qui est senti aujourd'hui encore, et qui explique tout l'anti-
machiavélisme. » -Antonio Gramsci, Carnets de Prison.
436
« [La réinscription du geste politique dans la contingence du devenir
historique] confère à la pensée machiavélienne une dimension tragique.
« Nier le fait que Machiavel délivre un message plus que préoccupant, car
moralement scandaleux et métaphysiquement angoissant, serait aller contre le
bon sens. » (p.31)
437
religion". Le caractère dramatique de ce contexte conduit les deux auteurs à se
tourner vers les sources anciennes dans un double but: (1) y puiser des modes
d'intelligence de la politique, (2) y découvrir un modèle pour une vie commune
renouvelée, en interrogeant la possibilité de la concorde ou de la vie commune
harmonieuse souvent vantées par les Anciens." (p.36-37)
Mais pour que le nouveau puisse naître, il faut faire mourir l’ancien afin de
sauver ce qu’il a fait éclore. Entre la descente des armées de Charles VIII en
Italie (1494) et le sac de Rome par les troupes de Charles Quint (1527), c’est le
féodalisme qui va s’effondrer, et avec lui les communes libres d’Italie, laissant
place aux grands Etats centralisés et à l’absolutisme…sauf dans la povera Italia.
Pour l’histoire italienne, c’est le moment où les choses sont perdues. Du point
de vue de Machiavel comme de ses contemporains, il y a un ante res perditas et
un post res perditas. A Florence, la rupture s’opère en 1512, moment du retour
441
des Médicis et de la fin de la République florentine, qui contraindra Machiavel
à se retirer de la politique active, le poussant à rédiger ses grandes œuvres.
L’homme d’action se fait théoricien. La conscience, en effet vient toujours après
coup. Et trop tard. »
« Machiavel […] n’emploie jamais le langage des droits ; il s’en tient toujours à
décrire la jouissance de la liberté individuelle comme l’un des profits ou
bénéfices qui découlera de la vie sous un gouvernement bien ordonné. » -
Quentin Skinner, La liberté avant le libéralisme, Seuil, coll. Liber, 2000 (1998
pour la première édition anglaise), 131 pages, p.22.
« Machiavel pose l’idée que l’homme ne peut se réaliser pleinement qu’en tant
que citoyen d’une république. Aimer sa patrie plus que son âme veut dire être
prêt à perdre son âme par les canons de la cause de Dieu afin de s’accomplir
pleinement comme homme dans la société particulière. » -Jean Leca, in
L’exception dans tous ses états, Éditions Parenthèses, coll. « Savoir à l’œuvre »,
p.90.
Mais ce n’est pas tout. Machiavel a aussi, selon le mot de Pierre Manent, fait «
tomber le mur théologico-politique ». Cela signifie que la Cité, c’est-à-dire la
sphère politique, a depuis l’Antiquité été perçue comme le seul lieu dans lequel
l’homme peut accomplir ses vertus, civiques et morales. Que c’est dans la Cité
que l’homme peut manifester son excellence.
Saint Thomas d’Aquin, en « redécouvrant » Aristote quinze siècles plus tard, fait
de la pensée antique le bras armé de Dieu. Thomas prolonge Aristote. Si la Cité
incarne le bien commun, dit-il, alors le bien qu’apporte l’Église est d’une nature
supérieure, vient se surajouter et s’imposer à la Cité. Le bien « civil » de la Cité
est en quelque sorte subordonné au bien ontologique de l’Église. À la Cité «
civile », l’Église apporte la Cité de Dieu.
« Aujourd’hui, nous avons mille raisons de le lire, bien que nous soyons loin de
Florence et de la Renaissance. Nous aussi vivons dans le tumulte et les
désordres, les fragmentations, les conflits, le chaos politique. Nous aussi
traversons des temps incertains sans être assurés qu’existe un horizon de
l’Histoire ou même une issue de secours. Nous aussi avons sous les yeux des
bandes armées, des fanatiques, des dirigeants falots, des conflits d’intérêts
innombrables. Autant de motifs de retrouver, à notre tour, sous les légendes du
« machiavélisme », le fin tranchant de Machiavel. » -Roger-Pol Droit,
Machiavel. L’art de la manipulation, Le Point, n°2182, jeudi 10 juillet 2014,
p.42-49.
444
contient ni théorie politique nouvelle ni nouvelle philosophie de l’histoire. On le
blâme comme particulièrement immoral à cause de quelques lignes sur la
nécessité politique de violer des traités et d’affecter la piété. Mais même cette
« immoralité » n’est pas ostentatoire et ne se prétend pas moralement
signifiante. Elle reste modeste et objective, sans rien d’enthousiaste ni de
prophétique comme l’immoralisme de Nietzsche. […] Son naturel littéraire ne
fait qu’exprimer un intérêt non dissimulé pour le sujet, intérêt qui amène cet
homme à voir politiquement les choses politiques, sans pathos moraliste, ni
affectation d’immoralisme. » -Carl Schmitt, « Machiavelli » (1927), in Staat,
Grobraum, Nomos.
« Ce ne sont point Hippocrate ni Machiavel qui ont introduit les maladies, l’un
dans le corps humain, l’autre dans le gouvernement : elles existaient avant eux ;
mais lorsqu’on voit qu’ils ne font que les découvrir, on est forcé de convenir que
tout ce qu’ils ont fait ne tend pas à les augmenter, mais à les guérir ; ce qui est
le véritable but de ces deux auteurs. » -James Harrington, Aphorismes
politiques, Chapitre X, De l’administration du Gouvernement, ou de la raison
d’Etat, principe 22.
« Ce qui fait qu'on ne comprend pas Machiavel, c'est qu'il unit le sentiment le
plus aigu de la contingence ou de l'irrationnel dans le monde avec le goût de la
conscience ou de la liberté dans l'homme. Considérant cette histoire où il y a
tant de désordres, tant d'oppressions, tant d'inattendu et de retournements, il ne
voit rien qui la prédestine à une consonance finale. Il évoque l'idée d'un hasard
fondamental, d'une adversité qui la déroberait aux prises des plus intelligents et
des plus forts. Et s'il exorcise finalement ce malin génie, ce n'est par aucun
principe transcendant, mais par un simple recours aux données de notre
condition. Il écarte du même geste l'espoir et le désespoir. S'il y a une adversité,
445
elle est sans nom, sans intentions, nous ne pouvons trouver nulle part d'obstacle
que nous n'ayons contribué à faire par nos erreurs ou nos fautes nous ne
pouvons limiter nulle part notre pouvoir. Quelles que soient les surprises de
l'événement, nous ne pouvons pas plus nous défaire de la prévision et de la
conscience que de notre corps. " Comme nous avons un libre arbitre, il faut, il
me semble, reconnaître que le hasard gouverne la moitié ou un peu plus de la
moitié de nos actions, et que nous dirigeons le reste. " Même si nous venons à
supposer dans les choses un principe hostile, comme nous ne savons pas ses
plans, il est pour nous comme rien: " Les hommes ne doivent jamais
s'abandonner; puisqu'ils ne savent pas leur fin et qu'elle vient par des voies
obliques et inconnues, ils ont toujours lieu d'espérer, et, espérant, ne doivent
jamais s'abandonner, en quelque fortune et en quelque péril qu'ils se trouvent. "
Le hasard ne prend figure que lorsque nous renonçons à comprendre et à
vouloir. (. . .)
« Machiavel était sans aucun doute un grand génie ; mais comme il borna son
étude aux gouvernements violents et tyranniques de l’Antiquité, ou aux petites
principautés de l’Italie alors en proie au désordre, ses raisonnements se sont
montrés fautifs à l’extrême, surtout quand ils touchent au gouvernement
monarchique, et l’on ne trouve presque aucune maxime dans son Prince qui
446
n’ait été entièrement réfutée par l’expérience ultérieure. » -David Hume, De la
liberté civile, 1741, in Essais moraux, politiques et littéraires, et autres essais,
PUF, coll. « Perspectives anglo-saxonnes », trad. Gilles Robel, 2001, 874 pages,
p.227.
« Dans Le Prince il s’agit, en quelque sorte, de fonder une Italie unifiée, et forte.
Il ne faut pas oublier les circonstances dans lesquels écrits Machiavel, c’est-à-
dire les déchirements, les divisions de l’Italie dans des tas de petites
principautés ; conflits de pouvoir, des violences absolument extraordinaires. Et
Machiavel essaye ici de fonder une Italie libre, unifiée et forte. Donc on peut
dire que Le Prince, c’est le livre, je dirais, de la fondation politique. Et
Machiavel n’ignore pas que le moment de la fondation politique est un moment
qui est très souvent entaché de violence. » -Myriam Revault d'Allonnes, in
Nicolas Machiavel, storico, comico e tragico, France culture, 10 avril 2008.
447
l'agonie de la féodalité. » -Pascal Charbonnat, Histoire des philosophies
matérialistes, Paris, Éditions Kimé, 2103, 706 pages, p.221.
« Marx n’est pas un bon auteur pour former le jugement ; Machiavel vaut
infiniment mieux. » -Simone Weil, Œuvres complètes. Écrits historiques et
politiques, t.II, vol 3 Vers la guerre (1937-1947), p.77.
« Il est faux que l'ordre social, comme le penseront Machiavel ou Hobbes, soit
un artefact, qu'on ne puisse maintenir la paix sociale que par la contrainte et
une organisation délibérée. » -Philippe Nemo, "Les sources du libéralisme dans
la pensée antique et médiévale", chapitre in Philippe Nemo et Jean Petitot (dir.),
Histoire du libéralisme en Europe, Paris, Quadrige/PUF, 2006, 1427 pages,
pp.65-111, p.74.
448
Pour Machiavel, les hommes ne sont ni bons, ni mauvais : ils aspirent à la
sécurité et à la réalisation personnelle, des objectifs qui ne peuvent être atteints
que par l’union de tous. Le seul intérêt naturel est le bien privé – l’intérêt
public, ou bien commun, la res publica, est une construction politique. Cette
construction varie selon qu’il existe un fondateur, représenté par la figure du
Prince que Machiavel décrit de façon idéale dans « La vie de Castruccio
Castracani », selon que le régime politique est une monarchie ou une
république–qui bâtit les institutions permettant au bien commun d’exister ou
selon qu’il existe un leader politique qui agira comme un refondateur lorsque la
république et le peuple se seront corrompus et ne pourront plus exister. Les
habitudes qui consistent à être bon ne sont pas naturelles, mais doivent être
créées par des institutions instaurées par un fondateur. Machiavel admirait des
fondateurs tels que Lycurgue, qui a apporté à Sparte des institutions de qualité
et stables. Mais il a aussi fait l’éloge de la fondation de la république à Rome,
qui a été créée pas à pas par les luttes entre les nobles patriciens et la plèbe
(Discours, I – VI)."
"Machiavel nous dit que l’on peut instituer une bonne société par la virtù du
dirigeant mais que cela suppose le partage de valeurs civiques par le peuple
(Discours, I XII). Les institutions sont nécessaires pour éduquer aux valeurs
civiques et pour la poursuite de l’idéal de la bonne société lorsque ces valeurs
ne sont plus présentes dans l’esprit du dirigeant et du peuple. « Le Peuple »
(popolo) n’existe qu’en tant qu’ensemble instruit sur le plan politique sous la
direction d’un Prince, un homme à l’intelligence rare qui a l’autorité nécessaire
à la poursuite du bien commun, motivée par la vertu morale, même si (et c’est là
l’héritage de Machiavel le plus souvent mal interprété) il est poussé par son
désir égoïste naturel d’inscrire sa gloire dans l’histoire.
"Dans le contexte d’un monde en évolution, les observateurs politiques ont été
désappointés, actant de leur incapacité à prévoir le cours des événements (lettre
à Vettori, 09.04.1513). Louis XII, le Roi de France, a échoué dans sa tentative
italienne car victime de l’incertitude. En conséquence, la politique a besoin
450
d’une pratique professionnelle qui pourra s’adapter à l’incertitude : la politique
devient un arte dello stato – dont Machiavel déclare qu’il s’agissait de son
unique métier -, une profession organisée, similaire à l’organisation florentine
des tisserands de la laine, l’arte della lana (lettre à Vettori, 10.12.1513)."
"Il doit y avoir rotation parmi les agents de l’État afin d’équilibrer le bien
commun du petit nombre et celui du grand nombre grâce à l’activité civique
directe."
« Machiavel se contente de dire ce qui est, c'est-à-dire quelles sont "les ruses
des tyrans", mais il ne prescrit nullement à l'homme politique de devenir un
tyran ! Ce qui doit guider le politique, en toutes circonstances, c'est le bien
commun et non la recherche de ses propres avantages. » -Denis Collin et Marie-
Pierre Frondziak, La Force de la Morale. Comment nous devenons humains,
R&N Éditions, 2020, 311 pages, p.59
http://hydra.forumactif.org/t835-nicolas-machiavel-oeuvres-completes
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5570&sr=1-11
https://www.amazon.fr/Vie-Machiavel-Roberto-
Ridolfi/dp/2251448985/ref=sr_1_1?__mk_fr_FR=%C3%85M%C3%85%C5%B
D%C3%95%C3%91&keywords=Roberto+Ridolfi&qid=1554296032&s=gatew
ay&sr=8-1
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Weibel/dp/2729872337/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1458593735&sr=
1-1&keywords=Ernest-Weibel-Machiavel
454
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Machiavel/dp/2221065565/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1475249780&sr=8-
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moderne/dp/2226187138/ref=asap_bc?ie=UTF8
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pouvoir/dp/2213593264/ref=sr_1_1?__mk_fr_FR=%C3%85M%C3%85%C5%
BD%C3%95%C3%91&dchild=1&keywords=Le+prince+apprivois%C3%A9.+
De+l%27ambivalence+du+pouvoir&qid=1593808151&sr=8-1
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R%C3%A9volution/dp/2296031935/ref=sr_1_3?s=books&ie=UTF8&qid=1458
593907&sr=1-3&keywords=Lecons+sur+Machiavel
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Skinner/dp/202048191X/ref=pd_sim_14_72?_encoding=UTF8&psc=1&refRID
=FWESP3XZP2MKDXF1KF87
http://www.amazon.fr/v%C3%A9rit%C3%A9-chez-Machiavel-G%C3%A9rald-
Sfez/dp/2354570961/ref=sr_1_79?ie=UTF8&qid=1457460480&sr=8-
79&keywords=v%C3%A9rit%C3%A9+philosophie
http://www.amazon.fr/Tumultes-indignation-Conflit-multitude-
Machiavel/dp/2354800665/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1447241348&
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https://www.amazon.fr/Machiavel-vie-libre-Emmanuel-
Roux/dp/2912107717/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1471030767&sr=1-
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455
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books&ie=UTF8&qid=1464534835&sr=1-
1&keywords=Machiavel+et+le+Machiav%C3%A9lisme
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Literary/dp/0300087977/ref=sr_1_3?s=english-
books&ie=UTF8&qid=1464535641&sr=1-3&keywords=Vickie+Sullivan
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R%C3%A9volution/dp/2296031935/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1471
030955&sr=1-1&keywords=machiavel+en+france
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Charles/dp/8857527336/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1458593836&sr=
1-1&keywords=Yves-Charles-Zarka-Machiavel
http://www.amazon.com/Hume-Machiavelli-Political-Realism-
Liberal/dp/0739106317
http://www.amazon.com/Visions-Politics-Regarding-Method-
Volume/dp/0521589266
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Virtues/dp/0521589258/ref=pd_sim_b_1?ie=UTF8&refRID=0AS96FZ3BPC9X
YVP5ATX
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http://www.amazon.com/Fortune-Is-Woman-Machiavelli-
Afterword/dp/0226669920
http://hydra.forumactif.org/t827-serge-audier-machiavel-conflit-et-
liberte?highlight=serge+audier
http://www.amazon.fr/Consid%C3%A9rations-discours-Machiavel-
premi%C3%A8re-Tite-
Live/dp/2738453341/ref=sr_1_4?s=books&ie=UTF8&qid=1449787728&sr=1-
4&keywords=Francesco+Guicciardini
http://www.amazon.fr/Histoire-dItalie-1492-1513-Francesco-
Guicciardini/dp/2221065182/ref=sr_1_3?s=books&ie=UTF8&qid=1449787728
&sr=1-3&keywords=Francesco+Guicciardini
http://www.amazon.fr/Histoire-dItalie-1492-1534-Francesco-
Guicciardini/dp/2221083148/ref=sr_1_2?s=books&ie=UTF8&qid=1449787728
&sr=1-2&keywords=Francesco+Guicciardini
http://www.amazon.fr/grammaire-R%C3%A9publique-politique-Francesco-
Guicciardini/dp/2600012923/ref=sr_1_32?s=books&ie=UTF8&qid=144978776
6&sr=1-32&keywords=Francesco+Guicciardini
457
César Borgia (1475-1507) et Jean des Bandes Noires (1498-1526) :
http://hydra.forumactif.org/t342-pierre-gauthiez-jean-des-bandes-noires#684
https://www.amazon.fr/OEuvres-philosophiques-Jean-Pic-
Mirandole/dp/2130543804?ie=UTF8&ref_=asap_bc
« [Le christianisme] finit même par gâter jusqu'à la figure de l'artiste: il fait
passer sur Raphaël l'hypocrisie des timides. » (Été 1884. 26 [513], p.166)
-Friedrich Nietzsche, Œuvres philosophiques complètes, X, Fragments
posthumes. Printemps-automne 1884, Gallimard, NRF, 1982, 386 pages.
https://www.amazon.fr/theorie-arts-Italie-1450-
1600/dp/B003WRY194/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1505671605&sr=
1-1&keywords=La+Th%C3%A9orie+des+arts+en+Italie%2C+1450-1600
« Les associations de crédit qui furent fondées aux XII° et XIV° siècles à Venise
et à Génes eurent pour but d'affranchir le commerce maritime et le commerce de
gros de la domination des usuriers et de ceux qui monopolisaient le commerce
d'argent. Si les banques qui furent crées dans ces républiques furent en même
temps des institutions de crédit public faisant des avances à l'État sur ses
impôts, il convient de ne pas perdre de vue que les négociants qui établirent ces
associations étaient les citoyens les plus importants de leur pays, ayant autant
d'intérêt à soustraire leur gouvernement qu'eux-mêmes à l'usure et trouvant
dans l'institution qu'ils créaient le moyen de dominer plus complètement et plus
sûrement l'État. » -Karl Marx, Le Capital, Livre III, Section V.
« Les pays du Nord n'ont fait que prendre la place occupée longtemps et
brillamment avant eux par les vieux centres capitalistes de la Méditerranée. Ils
n'ont rien inventé, ni dans la technique, ni dans le maniement des affaires.
Amsterdam copie Venise, comme Londres copiera Amsterdam, comme New York
copiera Londres. Ce qui est en jeu, chaque fois, c'est le déplacement du centre
459
de gravité de l'économie mondiale, pour des raisons économiques, et qui ne
touchent pas à la nature propre ou secrète du capitalisme. Ce glissement
définitif, à l'extrême fin du XVIe siècle, de la Méditerranée aux mers du Nord,
est le triomphe d'un pays neuf sur un vieux pays. Et c'est aussi un vaste
changement d'échelle. A la faveur de la montée nouvelle de l'Atlantique, il y a
élargissement de l'économie en général, des échanges, du stock monétaire, et, là
encore, c'est le progrès vif de l'économie de marché qui, fidèle au rendez-vous
d'Amsterdam, portera sur son dos les constructions amplifiées du capitalisme.
Finalement, l'erreur de Max Weber me paraît dériver essentiellement, au départ,
d'une exagération du rôle du capitalisme comme promoteur du monde
moderne. » -Fernand Braudel, La dynamique du capitalisme, Flammarion, coll.
Champ.Histoire, 2008 (1985 pour la première édition), 122 pages, p.69-70.
Il faut le souligner tant cette fausse évidence envahit les copies des étudiants ou,
pis, les écrits des économistes, ce ne sont nullement les tristes cités protestantes
issues de la Réforme –dont Genève est l’archétype- qui ont inventé le
capitalisme moderne, mais bien, et cela des siècles plus tôt, les joyeuses cités
catholiques et médiévales dont Venise est la plus sublime.
Comment Max Weber a-t-il pu se tromper à ce point dans son essai sur
L’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme ? »
« Jusqu’au XIXème siècle, Venise fut un Etat souverain. Aux XVème et XVIème
siècles, la République était, et de loin, la première puissance navale de
Méditerranée, l’exemple le plus achevé de ce qu’on appelle la
« thalassocratie », la cité qui domine la mer. Chaque année, le jour de
l’Ascension, son chef d’Etat, le doge, à l’avant de la galère d’apparat nommée
Le Bucentaure, jetait un anneau dans les flots en s’écriant : « Nous t’épousons,
ô Mer, en signe de véritable et perpétuelle possession. »
Car pendant cinq siècles, de 1100 à 1600, Venise demeura ce que fut la Grande-
Bretagne au XIXème siècle, la reine du commerce, et une reine redoutable.
460
De fait, elle dominait un grand empire. » -Jean-Claude Barreau, Un capitalisme
à visage humain : le modèle vénitien, 2011.
« Un nouveau nom mythique fit son entrée dans la grande politique mondiale :
pendant près d’un demi-millénaire, la République de Venise symbolisa la
domination des mers, la richesse fondée sur le commerce maritime et ce tour de
force qui concilia les exigences d’une haute politique avec « la création la plus
étrange de l’histoire économique de tous les temps ». Tout ce que les
anglophiles ont admiré dans l’Angleterre, du XVIIIème au XXème siècle, fit déjà
le renom de Venise : la grande richesse, la supériorité diplomatique par
laquelle la puissance maritime exploitait les rivalités entre puissances
continentales et faisait mener ses guerres par d’autres, l’aristocratisme qui
semblait avoir résolu le problème de l’ordre politique intérieur, la tolérance
religieuse et philosophique, l’asile donné aux idées libérales et à l’émigration
politique. A cela s’ajoute la séduction exercée par des fêtes somptueuses et par
la beauté artistique. […]
461
« A Venise, le principal texte -en-dehors d'une Chronique des doges de
Venise qui s'arrête en 1178- est le célèbre récit de Martin da Canal, Les
Estoires de Venise, qui entreprend de raconter l'histoire de la ville depuis ses
origines mais s'attarde en fait surtout sur les années pendant lesquelles il écrit,
de 1267 à 1275. Martin, dont nous ne savons rien, doit être un maître d'école ou
un notaire, et écrit en français. » (p.254)
-François Menant, L'Italie des communes (1100-1350), Paris, Éditions Belin,
2005, 398 pages.
Tant que Venise fut une cité à l'économie florissante et un grand centre de
commerce, elle attira des flots d'artisans et d'entrepreneurs de toutes sortes.
Lorsqu'elle a décliné, confrontée aux nouvelles routes du commerce et à la
montée des autres centres européens de négoce, le flux s'est inversé. Les
artisans sont partis, emportant avec eux leurs compétences et leurs
technologies, ainsi que la conception développée de la propriété industrielle, qui
était devenue relativement banale à Venise. »
« Les Vénitiens ayant mis à mort plusieurs de leurs ducs pour leur tyrannie, et
s’étant assemblés en si grand nombre qu’ils étaient incapables de débats
réguliers, érigèrent au-dessus d’eux trente gentilshommes qui furent appelés
pregadi, de ce qu’on les priait de se retirer à part pour débattre entre eux de ce
qu’exigeait la république, et proposer ensuite à l’assemblée générale ce qu’ils
estimaient convenable ; c’est la première origine du sénat de Venise. On appelle
encore ceux-ci pregadi, et celle-là le grand conseil, c’est-à-dire le sénat et
l’assemblée populaire de Venise : et de tous deux sortit cet ordre de république
admirable dans toutes ses parties. » -James Harrington, Aphorismes politiques,
Chapitre dernier, principe 79.
« Ici, les maisons, les cours, les rues ont chassé l’herbe et les arbres. Un
paysage urbain inouï se dévoile : une ville qui n’est faite que de pierres et
d’hommes. » (p.17)
463
rapidement, dans le plat pays surtout ; tout le territoire entre le Tagliamento et
l’Isonzo est vite investi. Vérone et Vicence tombent. Mais la plupart des villes –
Oderzo, Padoue, Crémone…- trop fortes militairement, ne sont pas prises
durant cette première phase des opérations. L’invasion gagne toute l’Italie du
Nord, même si Pavie, la future capitale, ne se rend qu’en 572. Entre Aquilée et
Condorcia, partout où les Lombards arrivent à proximité de la lagune, paysans
et citadins abandonnent la Terre ferme pour le refuge des îles et des cordons
littoraux. Les Byzanthins, qui concentrent la défense autour de Ravenne, et qui,
traditionnellement, contre les vagues successives de Barbares, comptent sur leur
flotte pour résister, favorisent peut-être ce repli. » (p.23)
« Les uniques défenses sont élevées aux limites avec le monde extérieur : une
tour à Mestre, avant que l’expansion territoriale vénitienne ne parte à la
conquête de la Terre Ferme, de petits bastions à San Nicolo du Lido, pour
défendre, côté mer, la principale passe littorale. Venise est la cité dont les
murailles sont faites d’eau salée. » (p.30)
https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34798627m
https://www.amazon.fr/Renaissances-italiennes-1380-1500-Élisabeth-Crouzet-
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484d-aed8-
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4961-ae51-
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lvise+ZORZI&s=books&sr=1-5&text=Alvise+ZORZI
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Norwich/dp/2228141208/ref=sr_1_11?ie=UTF8&qid=1450873256&sr=8-
11&keywords=Histoire+de+Venise
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02/dp/B01K2X18ZU/ref=la_B001KHNSI8_1_2?s=books&ie=UTF8&qid=1487
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466
http://www.amazon.fr/Histoire-R%C3%A9publique-Venise-coffret-
volumes/dp/2221913612/ref=sr_1_13?ie=UTF8&qid=1457546267&sr=8-
13&keywords=venise+histoire
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Venise/dp/2262005060/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1450873175&sr=8-
1&keywords=Histoire+de+Venise+%3A+la+R%C3%A9publique+du+Lion
Haute Renaissance : "Le XVIe siècle fut aussi le témoin de certains infractions
notables au code chevaleresque. Les guerres de Religion virent ainsi les codes
de la reddition remis en cause à plusieurs reprises. Condé est exécuté de sang-
froid à Jarnac. Le maréchal de Saint-André à Dreux (1562) et l'amiral de
Villars à Doullens (1595) connaissent le même sort. Plusieurs facteurs peuvent
expliquer ces entorses aux règles chevaleresques. Anne-Marie Cocula y voit
notamment, dans le cas de Condé, les conséquences de la "vendetta des
Grands". Les dimensions religieuses et politiques propres à cette guerre civile
sont également à prendre en compte. Il ne faut cependant pas, selon Myriam
Gilet, exagérer "la spécificité moderne" de ces exécutions infamantes. Au moins
peut-on souligner qu'elles témoignent, pour cette période, d'une véritable crise
des valeurs nobiliaires."
https://www.amazon.fr/Haute-Renaissance-Mani%C3%A9risme-Linda-
Murray/dp/2878110986/ref=pd_sim_14_3?_encoding=UTF8&psc=1&refRID=
F0KG756QAZSPJDJ4E54P
468
architectes. Le biographe Vasari reprend à son compte la notion antique de Vies
(Vita) dans une perspective évolutionniste portée par l’idée de progrès de cette
époque de la Renaissance. Sa juxtaposition des peintres s’effectue selon une
logique diachronique sous-tendue par l’idée d’une progression vers toujours
davantage de perfection, selon une conception téléologique. A partir des
techniques et grâce à un enrichissement progressif, la création est portée vers
une réalisation plus aboutie de la beauté. […] Vasari, qui a côtoyé Michel-Ange
à Florence, voit en lui l’illustration parfaite de la conception qu’il défend d’une
vision globalisante de l’activité artistique. » -François Dosse, Le Pari
biographique. Écrire une vie, Paris, Éditions La Découverte, 2005, 480 pages,
p.200-201.
« Pour Vasari [...] le message de l'Antiquité a bien été oublié, et les modernes
renouent avec lui, mais ils sont capables de faire mieux. Le retour aux sources
est un dépassement ; ce qui était cercle devient spirale ascendante. » -Antoine
Prost, Douze leçons sur l'histoire, Seuil, 2010 (1996 pour la première édition),
389 pages, p.109.
https://www.amazon.fr/Paolo-Sarpi-Politique-religion-
Europe/dp/2812401249/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1487836988&sr=
1-1&keywords=Paolo+Sarpi
http://hydra.forumactif.org/t2606-guido-giglioni-the-first-of-the-moderns-or-the-
last-of-the-ancients-bernardino-telesio-on-nature-and-sentience#3353
http://www.amazon.fr/cite-heureuse-Adelin-Charles-
Fiorato/dp/274750915X/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1446926301&sr=8-
1&keywords=La+cit%C3%A9+heureuse+Francesco+Patrizi
469
passé en futur, l’identification au Tasse permettant ainsi une vision ou une
prophétie détournée : non pas celle du devenir du Tasse dont les romantiques
connaissent déjà la fortune littéraire, mais celle de leur destin propre. […]
470
Platoniciens la nomment forgeron du monde. Ce forgeron, disent-ils, procède du
monde supérieur, qui est tout unité, au monde sensible, qui est multiple et où
règne, non seulement l'amitié, mais aussi la discorde, grâce à la séparation des
parties. Cette intelligence, insérant et apportant du sien dans la matière,
demeurant elle-même quiète et immobile, produit tout. Les Mages la disent très
féconde en semences, ou plutôt, le semeur, parce que c'est lui qui imprègne la
matière de toutes les formes et qui, suivant leur destination ou leur condition,
les figure, les forme, les combine dans des plans si admirables qu'on ne les peut
attribuer si au hasard, ni à aucun principe qui ne sait pas distinguer et
ordonner. Orphée l'appelle l'oeil du monde, parce qu'il voit à l'intérieur et à
l'extérieur de toutes les choses naturelles, afin que tout, aussi bien
intrinsèquement q'extrinsèquement, se produise et se maintienne dans ses
propres proportions... Plotin le dit père et générateur, parce qu'il distribue les
semences dans le champ de la nature et qu'il est le plus proche dispensateur des
formes. Pour nous, il s'appelle l'artiste interne, parce qu'il forme la matière et la
figure du dedans, comme du dedans du germe ou de la racine, il fait sortir et
développe le tronc, du tronc, les premières branches, des premières branches les
branches dérivées, de celles-ci les bourgeons... » -Giordano Bruno.
« Italian philosopher Giordano Bruno derived from Lucretius (an author whom
he cites and closely copies in many of his works) the atomistic doctrine of the
“infinite worlds,” originally advanced by Epicurus. Bruno reformulated the idea
of a plurality of worlds in his work De l'infinito universo et mondi (1584) where,
in light of his Copernicanism, he posited that every fixed star was a sun
surrounded by planets. As we know, this view was to greatly influence
subsequent popular literature, before its experimental counterpart emerged in
20th century astronomy. Bruno’s materialism is especially reflected in his
“active” conception of matter, which he saw in opposition to the Aristotelian
scheme where activity is linked to form and passivity to matter. Bruno is
fascinated by the fact that matter contains in itself the potential to produce and
develop new forms, and ended up arguing that matter is the real essence of
things, as all forms are produced from it. Yet, we could criticize the incorrect
understanding that Bruno had of the original Aristotelian notion of the
hylemorphic composition of matter and form. When speaking of matter, Bruno
471
unconsciously talks of it as it were informed matter, in the Aristotelian sense.
And Aristotle had already argued as well that form is educed, that is, almost
“extracted” from matter, albeit it is up to form to determine the new material
entity. Thomas Aquinas understood this Aristotelian perspective and referred to
it in some of his works (cf. De Spiritualibus creaturis, a. 2, ad 9um; De Potentia
q. 3, a. 8, ad 11um). » -Giuseppe Tanzella-Nitti, Materialism, 2008.
http://www.amazon.fr/Giordano-Bruno-Philosopher-Ingrid-
Rowland/dp/0226730247/ref=pd_sim_14_1?ie=UTF8&dpID=4156yMQaDSL&
dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR107%2C160_&refRID=08PAJQ7SMRC8
EGNS48TN
http://www.amazon.fr/Unit%C3%A9-l%C3%AAtre-dialectique-philosophie-
naturelle/dp/2711614131/ref=pd_sim_14_3?ie=UTF8&dpID=411F7BSM22L&
dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR107%2C160_&refRID=085CZHZC8PH7
X4H0EPD6
http://www.amazon.fr/Nature-puissance-Giordano-Bruno-
Spinoza/dp/2841743896/ref=pd_sim_14_34?ie=UTF8&dpID=4183EST1LXL&
dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR110%2C160_&refRID=0KJ0VDBWN55
WG8YAF6TS
http://www.amazon.fr/OEuvres-compl%C3%A8tes-Tome-IV-
linfinito/dp/2251344551/ref=pd_sim_14_3?ie=UTF8&dpID=31xhMQfCkCL&d
pSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR107%2C160_&refRID=1NM2MZPNPMP
ZNTJE47FN
http://www.amazon.fr/OEuvres-compl%C3%A8tes-Tome-VII-
h%C3%A9ro%C3%AFques/dp/2251344926/ref=pd_sim_14_4?ie=UTF8&dpID
=51q32W0bL5L&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR100%2C160_&refRID
=0FXM8T2R488J9JVKSQXH
472
ses véritables opinions, et à faire parler ce contradicteur de la façon la plus
convaincante et la plus solide ; par contre à lui présenter, comme réfutation des
objections frivoles et des arguments boiteux ; après quoi il fait semblant de
conclure d’un air triomphant, tanquam re benè gesta, comptant sur la malice et
la pénétration du lecteur. Par cette ruse il a même trompé la savante Sorbonne,
qui, prenant toutes ses hardiesses pour de l’or en barres, apposa naïvement son
permis d’imprimer sur des ouvrages athées. D’autant plus douce fut la joie de
ces docteurs, lorsque, trois ans plus tard, ils le virent brûler vif, après qu’on lui
eût préalablement coupé cette langue qui avait blasphémé contre Dieu. On sait
à la vérité que c’est là le seul argument puissant des théologiens, et depuis
qu’on les en a privés, les choses marchent pour eux tout à fait à reculons. » -
Arthur Schopenhauer, Essai sur le libre-arbitre, 1839 pour la première édition,
Traduction de Salomon Reinach (1894), Numérisation et mise en page par Guy
Heff & David Buffo (Mai 2013), 184 pages, p.127.
http://hydra.forumactif.org/t3468-giulio-cesare-vanini#4301
Les officiers règlent le bon exercice des vertus qui sont répertoriées. Il y a des
informateurs et les condamnés s'autocritiquent comme chez Staline.
473
Comme nombre de ses contemporains Campanella croyait à l'imminence de la
fin du monde et du Jugement dernier. Il redouta l'année 1600 comme une date
fatidique parce que 16 est la somme de 7 + 9.
http://hydra.forumactif.org/t4785-tommaso-campanella-la-cite-du-soleil#5725
474
Tellart/dp/2213031657/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1490021222&sr=8-
1&keywords=Roger+Tellart.+Claudio+Monteverdi
http://www.amazon.fr/Erasme-Une-intelligence-service-
paix/dp/2249622051/ref=sr_1_1?s=english-
books&ie=UTF8&qid=1459342514&sr=8-1&keywords=Aime-Richardt-
Erasme
http://www.amazon.fr/Eloge-folie-
%C3%89rasmus/dp/2080700367/ref=pd_sim_14_1?ie=UTF8&dpID=51y9Tb1-
mgL&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR97%2C160_&refRID=1P413P90A
KVZQYXN5MHE
475
Ivan le terrible (1530-1584) : http://www.amazon.fr/Ivan-terrible-ou-
m%C3%A9tier-
tyran/dp/B00C7IV1O2/ref=pd_sim_14_9?ie=UTF8&dpID=511M8UhmGqL&d
pSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR108%2C160_&refRID=0MJQZX6V563T
WY4V77Q4
François Ier (1494-1547) : « Je suis votre roi et votre prince. Je suis délibéré
de vivre et mourir avec vous. Voici la fin de notre voyage, car tout sera gagné
ou perdu. »
http://www.amazon.fr/prince-Renaissance-Fran%C3%A7ois-Ier-
royaume/dp/2213600856/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1448279392&sr=8-
1&keywords=Un+Prince+de+la+Renaissance+%3A+Fran%C3%A7ois+Ier+et+
son+royaume
476
Catherine de Médicis (1519-1589) : « Je lis les histoires de ce royaume et j’y
trouve que de tous les temps, les putains ont dirigé les affaires des rois ! » -
Catherine de Médicis, à Diane de Poitiers.
« Dieu m’a laissée avec trois enfants petits et un royaume tout divisé, n’y ayant
aucun à qui je puisse entièrement me fier. » -Catherine de Médicis, Lettre à sa
fille Élisabeth, janvier 1561. Cité dans Louis Batiffol, Le Siècle de la
Renaissance (1909).
https://www.amazon.fr/Catherine-M%C3%A9dicis-Reine-Rapha%C3%ABl-
Dargent/dp/2733911422/ref=pd_sim_14_16?_encoding=UTF8&psc=1&refRID
=9XA4B748YZQNV9G72ECW
Thomas More (1478-1535): « Le plus sage des hommes, [Platon] comprit sans
mal que la seule et unique voie vers le bien-être de tous résidait dans l’absolue
égalité des biens. Je doute que cette égalité puisse être atteinte là où la
propriété est entre les mains des individus. » -Thomas More, L'Utopie.
« Les institutions que propose Thomas More sont très nettement autoritaires. La
démocratie d’Utopie est surveillée. En politique intérieure, il y a certes un sénat
élu, même s’il n’est pas très clair que tous les habitants soient électeurs, ou
simplement les chefs des familles citadines. Mais il y a aussi un Prince, Lord
Protecteur à vie. Le travail est réglé d’en haut avec pour les déviants la menace
de l’esclavage. Pour augmenter les capacités productives, on importe des
esclaves ou, faute de mieux, des travailleurs non-citoyens. Sortir de sa province
sans autorisation du sénat est sévèrement puni. Tavernes et jeux de hasard sont
supprimés, à leur place des jeux de calcul et du sport militaire.
En politique extérieure, Utopie domine ses alliés par des gouvernants tirés de
son sein et par des prêts judicieux, elle conquiert les sauvages qui ne mettent
pas leur terre en valeur et qui donc méritent de la perdre, elle écrase par tous
les moyens ceux qui touchent à ses marchands. Elles corrompt leurs dirigeants,
elles fomente terrorisme et révolte, et pour finir, elle envoie se battre des
montagnards voisins, un peu arriérés – merci aux Écossais – ou ses alliés,
épargnant ainsi le précieux sang des citoyens utopiens.
477
Partout une saine autorité, celle des hommes sur les femmes, des vieux sur les
jeunes : « Le plus ancien membre d’une famille en est le chef »… Les femmes
servent leurs maris, les enfants leurs pères et mères, les plus jeunes servent les
plus anciens … les esclaves sont chargés des travaux de cuisine les plus
pénibles ou bien « les maris châtient leurs femmes, les pères et mères leurs
enfants, à moins que la gravité du délit n’exige une réparation publique », ou
encore « les jours de Finifête (la fin de chaque mois), avant d’aller au temple,
les femmes se jettent aux pieds de leurs maris, les enfants aux pieds de leurs
parents ; ainsi prosternés, ils avouent leurs péchés d’action ou ceux de
négligence dans l’accomplissement de leurs devoirs, puis ils demandent le
pardon de leurs erreurs ». À plat-ventre donc.
Vient alors le passage célèbre qui a depuis longtemps frappé les illustrateurs :
« Au reste les Utopiens ne se marient pas en aveugles … Une dame honnête et
grave fait voir au futur sa fiancée, fille ou veuve, à l’état de nudité complète et
réciproquement un homme d’une probité éprouvée montre à la jeune fille son
fiancé nu ». Cette nudité n’est évidemment pas pratiquée par plaisir, mais est
justifiée par l’analogie de la marchandise : « Lorsque vous achetez un bidet,
affaire de quelques écus, vous prenez des précautions infinies : l’animal est
presque nu, cependant vous lui ôtez la selle et le harnais de peur que ces faibles
enveloppes ne cachent quelque ulcère ; et quand il s’agit de choisir une femme
... vous y mettez la plus profonde incurie … Et vous ne craignez pas de
rencontrer après cela quelque difformité secrète qui vous force à maudire cette
union aventureuse ! ». Les métaphores sont rarement innocentes : dans l’achat
du bidet, la symétrie prétendue entre l’homme et la femme est oubliée, c’est la
femme qu’on expose et qu’on achète, et l’homme en veut pour son argent.
478
Lorsque Thomas revient sur l’adultère, c’est pour en augmenter la peine :
« L’adultère est puni du plus dur esclavage… La récidive est punie de mort ».
Le flirt et la galanterie ne sont pas mieux traités : « La simple sollicitation à la
débauche est passible de la même peine que le viol accompli ». Toujours le
point de vue de l’homme. […]
http://www.amazon.fr/LUtopie-trait%C3%A9-meilleure-forme-
gouvernement/dp/2080704605/ref=pd_sim_14_4?ie=UTF8&dpID=51-
MVJCEJqL&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR98%2C160_&refRID=0H0
VNZTJB9S395V6FSGP
http://hydra.forumactif.org/t1138-bernard-cottret-thomas-more#1772
http://livre.fnac.com/a1133029/Yolande-Dilas-Rocherieux-L-utopie-ou-la-
memoire-du-futur
http://www.amazon.fr/Les-Amours-bless%C3%A9es-Jeanne-
Bourin/dp/2070381196/ref=pd_sim_14_71?ie=UTF8&dpID=51pdxdu62TL&dp
Src=sims&preST=_AC_UL160_SR94%2C160_&refRID=05TEWZCWP50D7
BDXQ5VW
http://www.amazon.fr/Rabelais-Mireille-
Huchon/dp/2070735443/ref=pd_sim_14_7?ie=UTF8&dpID=51y%2BRGl12YL
&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR109%2C160_&refRID=0ZVREXQXA
F0FN2WXV2MH
http://www.amazon.fr/Rabelais-compl%C3%A8tes-Gargantua-Pantagruel-
Cinquiesme/dp/207011340X/ref=pd_sim_14_6?ie=UTF8&dpID=31XkwLVjD
WL&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR99%2C160_&refRID=0ZVREXQX
AF0FN2WXV2MH
480
http://www.amazon.fr/Loeuvre-Fran%C3%A7ois-Rabelais-populaire-
Renaissance/dp/2070234045/ref=pd_sim_14_1?ie=UTF8&dpID=41XjDoJehaL
&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR106%2C160_&refRID=0W600MZE2K
KMQ0HYJ1BM
https://www.amazon.fr/Si%C3%A8cle-lEspagne-Apog%C3%A9e-
d%C3%A9clin-1492-
1598/dp/B00HLXB9ZY/ref=pd_sim_14_9?ie=UTF8&dpID=51clahe5C1L&dp
Src=sims&preST=_AC_UL160_SR114%2C160_&refRID=2R1ACM0FZ7VM
G1A05BVY
https://www.amazon.fr/d%C3%A9couverte-lAm%C3%A9rique-Christophe-
COLOMB/dp/2707183423/ref=pd_sim_14_19?_encoding=UTF8&psc=1&refRI
D=B4TCB0BQVGMMPB354DJ5
482
Fernand de Magellan (1480-1521) : « Jamais le monde n'a été aussi grand
qu'au lendemain du périple de Magellan. » -Pierre Chaunu, Conquête et
exploitation des nouveaux mondes, PUF, Nouvelle Clio, 1969, p. 267.
https://www.amazon.fr/Conqu%C3%AAte-exploitation-nouveaux-mondes-
Pierre/dp/213058246X/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1499849684&sr=1
-1&keywords=Conqu%C3%AAte+et+exploitation+des+nouveaux+mondes
https://www.amazon.fr/Inca-Empire-Formation-Disintegration-Pre-
Capitalist/dp/0854963480/ref=sr_1_9?s=english-
books&ie=UTF8&qid=1485191494&sr=1-9
https://www.amazon.fr/DAm-rique-Europe-Indiens-d-couvraient-1493-
1892/dp/2271081149/ref=tmm_pap_swatch_0?_encoding=UTF8&qid=1485191
968&sr=1-1
Dites-moi, quel droit et quelle justice vous autorisent à maintenir les Indiens
dans une aussi affreuse servitude ? Au nom de quelle autorité avez-vous engagé
de telles détestables guerres contre ces peuples qui vivaient dans leurs terres
d'une manière douce et pacifique, où un nombre considérable d'entre eux ont été
détruits par vous et sont morts d'une manière encore jamais vue tant elle est
atroce ? Comment les maintenez-vous opprimés et accablés, sans leur donner à
manger, sans les soigner dans leurs maladies qui leur viennent de travaux
excessifs dont vous les accablez et dont ils meurent ? Pour parler plus
exactement, vous les tuez pour obtenir chaque jour un peu plus d'or.
Ne sont-ils pas des hommes ? Ne sont-ils pas des êtres humains ? Ne devez-vous
pas les aimer comme vous-mêmes ?
Soyez certains qu'en agissant ainsi, vous ne pouvez pas plus vous sauver que les
Maures et les Turcs qui refusent la foi en Jésus-Christ. » -Antonio de
484
Montesinos, Sermon de décembre 1511 à Saint-Domingue, rapporté par
Bartolomé de Las Casas, Histoire des Indes, volume III, traduit par Jean-Pierre
Clément et Jean-Marie Saint-Lu, Paris, Seuil, 2002, pages 26-27.
"Bellarmin pense, comme saint Thomas, que le pouvoir vient de Dieu, mais par
l'intermédiaire du consentement populaire, mediante consensu hominum […]
485
Donc il n'existe aucun « droit divin » au sens où l'entendent les absolutistes
français ou anglais, qui mettrait les souverains au dessus de tout jugement
humain et interdirait de les déposer pour de justes motifs." (p.178)
"Un troisième livre de jésuite est brûlé à Paris le 26 juin 1614, la Difensio Fidei
de Francisco Suarez, un des plus grands penseurs du XVIe siècle." (p.179)
Les auteurs de l'École vont tous attaquer les luthériens et les partisans
machiavéliens de la Raison d'Etat, donc en fait combattre dans l'œuf, avant
même qu'elles aient atteint tout leur développement, les doctrines absolutistes."
(p.180)
"Bellarmin, dans son traité sur Les Membres de l'Eglise, dit - anticipant donc de
façon frappante la célèbre formule dont usera Grotius dans les Prolégomènes
du Droit de la Guerre et de la Paix - que « même si par impossible l'homme
n'était pas créé par Dieu », il serait encore capable d'interpréter la loi de
nature, puisqu'il « serait encore une créature rationnelle ». Le droit naturel et la
raison naturelle sont donc les fondements indubitables de la construction d'un
ordre politique universel, et toute politique, tout État peuvent et doivent être
jugés à cette aune." (p.183)
"Vitoria fonde toutes ces thèses sur saint Thomas. On ne peut justifier la
conquête par la perspective de l'évangélisation, car il est dit dans la Somme
[…] qu'il est absurde et impie de forcer quelqu'un à croire, et saint Thomas a
même ajouté qu'on ne pouvait baptiser les enfants des juifs ou des infidèles sans
le consentement de leurs parents." (p.185)
"Les thomistes prennent pour cible à cet égard ce qu'on peut appeler le
patriarcalisme, c'est-à-dire la thèse selon laquelle, puisque, toute l'humanité
sort d'Adam, la monarchie serait le régime primitif et légitime. Cette thèse est
fausse, car le pouvoir paternel d'Adam n'a rien à voir avec un pouvoir royal,
c'est-à-dire politique." (p.186)
"La décision des hommes d'abandonner leur liberté naturelle est le fruit d'un
calcul d'intérêts. Il est « préférable » de changer notre condition, « simplement
du point de vue de notre bien-être ». Il est de notre intérêt d'accepter la
formation d'une communauté politique, afin de « créer quelque autorité
publique dont le rôle sera de maintenir et de promouvoir le bien commun ». […]
486
[Pour Suarez], Ce sont les hérétiques protestants qui disent que les Etats sont
établis directement par Dieu. Cette thèse revient à prendre Dieu comme cause à
la fois efficiente et matérielle de la société politique, alors qu'il est faux que
Dieu crée la société politique par un acte spécial, distinct de la Création tout
court. La vérité est que Dieu crée des hommes capables de créer à leur tour des
sociétés politiques. Il leur donne des facultés telles, et les place dans une
situation telle, qu'il leur est, ensuite, à la fois possible et nécessaire de créer
eux-mêmes les sociétés politiques désirées." (p.188)
« Their work deeply influenced the 17th century founders of the northern natural
law school, Hugo Grotius (1583-1645) and Samuel Pufendorf (1632-1694) who
disseminated their conclusions through northern Europe, paradoxically, at the
very time that Aristotelian and Thomistic philosophy was falling out of
fashion. » -James Gordley, Foundations of Private Law: Property, Tort,
Contract, Unjust Enrichment, 2006.
"A systematic theoretical foundation for both international law and universal
human rights emerged in Catholic thought at least as early as the sixteenth
487
century in the work of Francisco de Vitoria and his contemporaries in
Salamanca, Spain. The classical natural law account characteristic of the
Catholic intellectual tradition has consistently understood the paradigmatic
definition of law to be tied to the good of the human person through law’s
proper orientation to the common good. Out of his deep reflections on the
Spanish encounter with the peoples of the New World, Vitoria expanded the
Thomistic notion of the common good to incorporate into it the ius gentium, the
law of nations. Vitoria analogized the whole world to a single commonwealth, in
which all of the human family shares in a single common good. Synthesizing the
juridical concepts of rights drawn from the canon law with the philosophical
tradition of natural law, Vitoria and his followers also vigorously and
systematically defended the rights of the American Indians to ownership of their
lands, to equality, and to sovereignty, principally on the basis that the natural
rights of the Indians were grounded in their creation as rational beings in God’s
image. The School of Salamanca thus represents an early and lucid example of
Catholic human rights discourse." -Carozza, Paolo G. and Philpott, Daniel, "The
Catholic Church, Human Rights, and Democracy: Convergence and Conflict
with the Modern State" (2012). Scholarly Works. Paper 882, p.17-18.
« Bien que Thomas d’Aquin emploi le plus souvent droit (ius) dans un sens
objectif et ne développe à proprement parler une théorie des droits individuels,
490
il y a de nombreuses instances lors desquelles d’Aquin use le terme dans un sens
subjectif ou individuel, en parlant de droits particuliers. »
Les œuvres de Vitoria peuvent être divisés en deux groupes : (1) ses
commentaires extensifs des écrits de Thomas d’Aquin, et (2) ses relectiones.
Pendant les vingt années de la période où Vitoria occupa la chaire principale de
théologie à Salamanque, il dispensa des lectures formelles annuelles à
l’ensemble du corps étudiant de l’Université, sur des sujets d’une importance
particulière ou en phase à l’actualité, en accord avec les statuts de l’université.
En raison de problèmes de santé dans ses dernières années, Vitoria ne fut pas
toujours capable de remplir cette obligation, et ses relectiones cessèrent à un
total de quinze, dont treize ont été préservées. Quoi qu’il ne publia pas
personnellement ces cours, il laissa d’abondantes notes et ses étudiants
491
retranscrivaient souvent ses conférences, ce qui facilita la publication de ses
relectiones en 1557. Plusieurs des relectiones devinrent célèbres, tout
particulière De indis et De iure belli hispanorum in barbaros, qui traitent toutes
deux des questions légales et éthiques relatives à la colonisation espagnole de
l’Amérique. Bien que de première importance pour le développement de la
pensée légale et politique dans l’Europe continentale, les écrits de Vitoria sont
relativement inconnu dans le monde de langue anglaise, et ses œuvres politiques
ne furent traduites et publiées en anglais qu’en 1991.
Dans l’importante troisième partie, Vitoria affirme que les Indiens ont un
droit de propriété (dominium) sur leurs possessions et leurs terres, et qu’ils les
possédaient légitiment avant que les Espagnols n’arrivent. Le concept de
dominium forme le pivot de l’argumentation générale de Vitoria sur les
Indiens, puisque la capacité à la possession morale et juridique distingue un
sujet moralement pertinent à qui est due la justice. Résumant les arguments
opposés, Vitoria statua que seuls quatre fondement pouvaient potentiellement
être utilisés pour dénier aux Indiens le statut de sujets de droits naturels : soit
parce qu’ils étaient pêcheurs, ou infidèles, ou simples d’esprits, ou irrationnels.
Vitoria réfute tous ces arguments, l’un après l’autre. Il souligne que le
dominium est basé sur la création de l’homme que le pêché n’oblitère pas, et
qu’il n’est pas altéré par l’acceptation ou le refus de la foi chrétienne par
quelqu’un, et qu’ainsi ni l’infidélité ni les autres péchés mortels ne privent les
Indiens de leurs droits de propriété.
En ce qui concerne les deux autres arguments selon lesquels les Indiens seraient
des simples d’esprit ou dénués de raison, Vitoria admet que des créatures
irrationnelles ne peuvent avoir des droits de propriété. Vitoria répète
l’argument thomiste selon lequel les êtres humains diffèrent fondamentalement
des animaux irrationnels, en cela que les êtres humains n’existent pas au profit
d’autrui, comme les animaux, mais pour eux-mêmes, un argument central dans
la compréhension contemporaine des droits naturels par l’Église. Plus encore,
comme les animaux irrationnels ne peuvent souffrir d’injustice, ils ne peuvent
pas être des sujets de droits.
Les Indiens sont clairement rationnel, puisque qu’ils ont une société ordonnée,
des villes, le mariage, des magistrats, des lois, des artisans et des marchés,
toutes choses qui nécessitent le recours à la raison. Comme la caractéristique
distinctive de l’humain est la raison, les Indiens sont des êtres humains et nul
n’a le droit de les déposséder de leurs propriétés. Vitoria ajoute en plus un point
important d’après lequel les droits ne résident pas dans l’exercice de la raison,
mais dans la possession d’une nature rationnelle, en conséquence de quoi même
les enfants n’ayant pas encore parvenus à faire usage de leur raison étaient
capable de propriété.
493
Dans la quatrième partie de sa relectio, Vitoria procède à l’énumération et à la
réfutation systématique de ce qu’il nomme les revendications illégitimes selon
lesquelles les barbares du Nouveau Monde pourraient être assujettis à la loi
espagnole. Basant ses arguments sur la section précédente dans lequel il
établissait la légitimée du titre de propriété des Indiens sur leurs biens et leurs
terres, rejeta huit revendications telles que la supposé domination de l’empereur
sur l’ensemble du monde, la gouvernance temporelle universelle du pape, la
condition pécheresse des Indiens et leur refus d’accepter la foi du Christ. Même
si ces revendications étaient vraies, écrit Vitoria, les Espagnols n’auraient
toujours aucun droit d’occuper ces provinces, de déposer leurs dirigeants, ou de
les dépouiller de leurs propriétés. Dans la cinquième partie de De Indis, Vitoria
présente ensuite ce qu’il considère être les revendications légitimes des
Espagnols, concernant les transactions avec les natifs du Nouveau Monde. Il
formula ce qu’il appelle le « droit naturel de société et de communication »
(naturalis societis et communicationis), avec un droit corollaire de migration et
de libre-commerce et négociations entre tous les peuples. Vitoria ajouta à cela
un droit de prêcher le Gospel sans empêchement dans les provinces du Nouveau
Monde –laissant l’acceptation ou le rejet de la foi chrétienne aux auditeurs- tout
comme à la protection des innocents contre la tyrannie, si la situation venait à
se présenter.
Dans son épilogue, Vitoria dit que dans la présente situation, la Couronne
espagnole ne devait pas abandonner tout contact avec le Nouveau Monde, car il
en résulterait d’intolérable dommage aux Espagnoles, bien que, notait-il, les
Portugais avaient tiré grand bénéfice de leur intense commerce avec des
peuples similaires sans recourir à la guerre. » -Thomas D. Williams, Francisco
de Vitoria and the Pre-Hobbesian Roots of Natural Rights Theory, Alpha Omega
7, n°1, 2004, 47-59.
494
http://hydra.forumactif.org/t2386-jean-francois-courtine-nature-et-empire-de-la-
loi-etudes-suareziennes#3123
http://hydra.forumactif.org/t2385-antonio-truyol-y-serra-la-conception-de-la-
paix-chez-vitoria
http://www.amazon.fr/loi-Commentaire-th%C3%A9ologique-Ia-IIae-90-
108/dp/220410003X/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1454953391&sr=8-
1&keywords=Francisco+de+Vitoria
http://www.amazon.fr/justice-Francisco-
Vitoria/dp/2247136397/ref=sr_1_70?ie=UTF8&qid=1448537196&sr=8-
70&keywords=Biblioth%C3%A8que+dalloz
http://www.amazon.fr/Francisco-Vitoria-Indiens-Hernandez-
octobre/dp/B010IP0YG6/ref=sr_1_2?s=books&ie=UTF8&qid=1453305304&sr
=1-2&keywords=Francisco+de+Vitoria+et+la+Le%C3%A7on+sur+les+Indiens
http://www.amazon.fr/Soci%C3%A9t%C3%A9-%C3%A9conomie-lEspagne-
XVIe-
si%C3%A8cle/dp/2730214763/ref=sr_1_40?s=books&ie=UTF8&qid=1454953
590&sr=1-40&keywords=l%E2%80%99%C3%89cole+de+Salamanque
« Dans le corpus thomiste, il n'y a pas de place pour le volontarisme dont Duns
Scot et surtout Suárez se feront les défenseurs. » (p.55)
http://hydra.forumactif.org/t701-francisco-suarez-la-distinction-de-l-etant-fini-
et-de-son-etre-des-lois-et-du-dieu-legislateur#1295
496
Ignace de Loyola (1491-1556) :
http://hydra.forumactif.org/t3539-armelle-enders-nouvelle-histoire-du-
bresil#4374
https://www.amazon.fr/Cortes-Christian-
Duverger/dp/2213609020/ref=pd_sbs_14_3?_encoding=UTF8&psc=1&refRID
=3DNTBXSHCBY3WQ93ZQH1
https://www.amazon.fr/conqu%C3%AAte-Mexique-Bernal-Diaz-
Castillo/dp/274278277X/ref=pd_sim_14_1?_encoding=UTF8&psc=1&refRID=
9NWK1NFASD96NA8M07RH
« Nous croyons, en effet, que Dieu sait et ordonne tout par avance, et qu'il ne
peut faillir ni se laisser arrêter par rien dans (...) sa prédestination ; si donc
nous croyons que rien n'arrive sans sa volonté, (...), il ne peut y avoir de libre
arbitre ni chez l'homme, ni chez l'ange, ni chez aucune créature. De même, si
nous croyons que Satan est le prince de ce monde et qu'il combat le règne du
Christ de toutes ses forces et de toute sa ruse, retenant les hommes actifs aussi
longtemps que l'Esprit de Dieu ne les lui arrache pas, il est encore une fois très
évident que le libre arbitre ne peut exister. » -Martin Luther, Du serf arbitre
(1524).
497
« Il n'existe sur Terre, parmi tous les périls, rien de plus dangereux qu'une
raison adroite et bien pourvue, surtout si elle s'occupe de questions spirituelles
qui touchent à l'âme et à Dieu » -Luther.
"La Réforme [...] dut une bonne partie de son succès au capitalisme de
l'imprimé. Avant l'âge de l'imprimerie, Rome triompha sans mal de toutes les
hérésies en Europe occidentale parce qu'elle avait toujours eu de meilleures
voies de communication internes que ses adversaires. Mais lorsqu'en 1517
Martin Luther cloua ses thèses sur la porte de la chapelle des augustins de
Wittenberg, elles furent imprimées en traduction allemande: "En une quinzaine
de jours, elles sont connues partout". Entre 1520 et 1540, il y eut trois fois plus
de livres publiés en allemand que dans les deux premières décennies du siècle:
transformation stupéfiante dans laquelle Luther joua un rôle absolument
central. Ses œuvres ne représentent pas moins d'un tiers de tous les livres de
langue allemande vendus entre 1518 et 1525. Entre 1522 et 1546, il y eu au
498
total 430 éditions (intégrales ou partielles) de ses traductions de la Bible [...] En
fait, Luther fut le premier auteur de best-seller connu comme tel." (p.51)
-Benedict Anderson, L'imaginaire national. Réflexions sur l'origine et l'essor du
nationalisme, Paris, Éditions La Découverte & Syros, 2002 (1983 pour la
première édition américaine), 211 pages.
Quant à nous, nous trouvons déjà le socialisme inclus dans la doctrine et les
écrits de Luther, nous avons le droit de dire que le socialisme allemand est
intimement lié et rattaché aux premiers fondements de l'Allemagne. »
« Tout chrétien est prêtre. Lorsqu'à une époque récente le suffrage universel fut
décrété en France, beaucoup trouvèrent cette politique trop téméraire et comme
monstrueuse. Combien Luther était plus audacieux, lui qui décrétait le
sacerdoce universel ! »
« Dès les premières prédications de Luther, le peuple allemand tout entier, toute
la plus misérable populace de l'Allemagne se prit ardemment à désirer et à
espérer l'avènement d'une justice parfaite même sur la terre. Elle frappait
surtout de sa haine farouche les usuriers. Luther avaient envoyé à tous ses
porteurs son libellé sur les usures, afin que partout ils condamnassent le prêt à
intérêt et invitassent les usuriers à la restitution. » -Jean Jaurès, Les origines du
499
socialisme allemand, traduction par Adrien Veber de la thèse latine, in Revue
Socialiste (de Benoît Malon), 1892.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Des_Juifs_et_de_leurs_mensonges
https://www.amazon.fr/Martin-Luther-Rebelle-rupture-
biographie/dp/2706711841/ref=pd_sim_14_6?_encoding=UTF8&psc=1&refRI
D=2GCNW8YRKTPECEC4ADG3
https://www.amazon.fr/grands-%C3%A9crits-r%C3%A9formateurs-
chr%C3%A9tienne-
allemande/dp/2080706616/ref=pd_sim_14_3?_encoding=UTF8&psc=1&refRI
D=PCEQKH961EBRJ4DSSZ0K
https://www.amazon.fr/Histoire-R%C3%A9forme-protestante-Bernard-
Cottret/dp/2262032327/ref=pd_sim_14_4?_encoding=UTF8&psc=1&refRID=A
QX9C63C7MXRVR9VJVDV
500
https://www.amazon.fr/M%C3%BCntzer-contre-Luther-Schaub-
Marianne/dp/B00511HFX8/ref=sr_1_fkmr0_1?s=books&ie=UTF8&qid=14848
33049&sr=1-1-
fkmr0&keywords=M%C3%BCntzer+contre+Luther+%3A+le+droit+divin+cont
re+l%E2%80%99absolutisme+princier
« Quand Calvin dédia à François Ier son Institution chrétienne, ce ne fut pas
simple opportunisme. Plus ouvert que Luther aux finalités de ce monde, Calvin
ne cessa de recommander l’obéissance aux magistrats, même à ceux qui
exerçaient leurs pouvoirs de façon tyrnnique et violentaient les consciences. La
Réforme, du moins avant d’être prise en charge par des factions politiques et
des ambitions sociales, renforça les precriptions traditionnelles de l’Église. » -
Denis Richet, Le royaume de France au XVIème siècle, in Denis Richet, De la
Réforme à la Révolution. Études sur la France moderne, Aubier, 1991, 584
pages, pages 343-387, p.364.
"Calvin croit suivre Luther, et cependant il produit une doctrine différente. Cela
nous invite à partir de son caractère ou tempérament particulier. Comme
Troeltsch le dit, Calvin a une conception très singulière de Dieu. Cette
conception correspond précisément à l'inclination de Calvin, et en général il
projette partout son inspiration personnelle profonde. Calvin n'est pas un
tempérament contemplatif, c'est un penseur rigoureux dont la pensée est tournée
vers l'action. De fait, il a régné sur Genève en homme d'État éprouvé, et il y a en
lui une pente légaliste. Il aime promulguer des règles et soumettre à leur
discipline lui-même et les autres. Il est possédé par la volonté d'agir dans le
monde et il écarte par des raisonnements cohérents les idées reçues qui l'en
empêcheraient." (p.73)
501
"Pour Luther, Dieu était encore accessible à la conscience individuelle par la
foi, l'amour et, dans une certaine mesure, par la raison. Chez Calvin, l'amour
tombe à l'arrière-plan, et la raison ne s'applique qu'à ce monde. En même
temps, le Dieu de Calvin est l'archétype de la volonté, où l'on peut voir
l'affirmation indirecte de l'homme lui-même comme volonté, et, au-delà,
l'affirmation la plus forte de l'individu, au besoin en tant qu'opposé, ou
supérieur, à la raison. Bien sûr, l'accent sur la volonté est central dans l'histoire
de toute la civilisation chrétienne, de saint Augustin à la philosophie allemande
moderne, pour ne rien dire de la liberté en général et du lien avec le
nominalisme (Occam)." (p.74)
http://www.amazon.fr/Calvin-R%C3%A9forme-modernit%C3%A9-
Fran%C3%A7ois-
Clavairoly/dp/2130576656/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1455724082&
sr=1-1&keywords=Francois-Clavairoly+modernit%C3%A9
http://www.amazon.fr/Jean-Calvin-Thomas-Hobbes-
Naissance/dp/2830914554/ref=sr_1_101?s=books&ie=UTF8&qid=1455723872
&sr=1-101&keywords=la+modernit%C3%A9
https://www.amazon.fr/Beginning-Ideology-Consciousness-Society-
Reformation/dp/0521274834?ie=UTF8&ref_=asap_bc
http://hydra.forumactif.org/t1518-bernard-cottret-calvin#2177
http://hydra.forumactif.org/t1519-olivier-millet-calvin-et-la-france#2178
http://hydra.forumactif.org/t1139-ernst-troeltsch-protestantism-and-
progress#1773
http://monarchomaque.org/2011/05/20/desobeissance-legitime/
Les guerres de religion : « Denis Crouzet observe que ces violences, violences
de possession, sont le résultat de la saturation des imaginaires au XVe et au
début du XVIe siècle par une rhétorique et une prédication eschatologiques
annonçant le Millenium. Les chrétiens, à l’orée des Réformes, auraient été en
proie à des peurs et des angoisses paniques ; la violence et la destruction de
502
l’hérétique, de l’ennemi de foi, seraient la possibilité d’une purgation
désangoissante des imaginaires des fidèles de l’Eglise pré-tridentine.
« Les déchirures et les traumatismes occasionnés par les guerres au sein des
topographies et des imaginaires urbains, la nécessité fonctionnelle de vivre avec
l’ennemi absolu furent sans doute un des plus puissants vecteurs de
monopolisation de la violence par les États, maîtrisant, rationalisant dans le
cadre urbain pulsions et passions destructrices des ennemis d’hier. Le jeu
politique entre les villes et l’État se noue dès lors sur la question de l’extinction
de la violence. »
https://www.amazon.fr/guerriers-Dieu-violence-troubles-
religion/dp/2876734303/ref=sr_1_9?s=books&ie=UTF8&qid=1484829956&sr=
1-9
504
Jean Bodin (1530-1596) : « L’abondance d’or et d’argent a fait enchérir toutes
choses dix fois plus qu’elles n’étaient il y a cent ans. » -Jean Bodin, La Réponse
de Maître Jean Bodin au paradoxe de M. de Malestroit, touchant
l’enchérissement de toutes choses, et le moyen d’y remédier (1568).
« Quant au droit de battre monnaie, il est de la même nature que la loi, et il n'y
a que celui qui a puissance de faire la loi, qui puisse donner loi aux monnaies.
En toute République bien ordonnée, seul le Prince souverain a cette
puissance. » -Jean Bodin, Les Six Livres de la République.
« Bodin, comme Aristote et saint Thomas, conçoit [...] le monde comme un tout
ordonné, hiérarchisé et finalisé. » -Simone Goyard-Fabre, Les embarras
philosophiques du droit naturel, Paris, Librairie philosophique J. Vrin, coll.
Histoire des idées et des doctrines, 2002, p.62.
« Alors que Bodin justifie encore l’Inquisition avec passion, ce moyen disparaît
chez Hobbes. Le deuxième droit fondamental du Léviathan découle également
du principe du règne de la loi et de la séparation stricte du droit et de la morale
: est permis ce que la loi n’interdit pas. Cela aussi est nouveau, et en rupture
avec la tradition de la vieille Europe, qui faisait de la vertu civique un devoir
légal, même là où n’existait pas de loi. Ainsi est contenu là, in nuce, le droit
subjectif de la liberté personnelle, et Hobbes a fortement accentué cette
dimension bourgeoise, liée à la propriété, du droit de liberté. »
http://hydra.forumactif.org/t1473-jean-bodin-les-six-livres-de-la-
republique#2126
https://www.amazon.fr/deux-souverainet%C3%A9s-leur-destin-Bodin-
Althusius/dp/2204095176/ref=pd_sim_14_1?ie=UTF8&dpID=41IE1aqdXCL&
dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR98%2C160_&refRID=NV7SHSNMD96
RFC5FDQ9R
http://www.amazon.fr/raison-dEtat-1589-1598-Giovanni-
Botero/dp/2070135845/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1446928581&sr=8-
1&keywords=de+la+raison+d%27%C3%A9tat+Giovanni+Botero
507
http://www.amazon.fr/L%C3%A9tat-monde-Giovanni-Botero-
g%C3%A9opolitique/dp/2600011900
http://livre.fnac.com/a4191879/Stephane-Bonnet-Droit-et-raison-d-Etat
http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=RMM_033_0311
http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=LEPH_033_0315
http://www.amazon.fr/Raison-pens%C3%A9e-politique-l%C3%A9poque-
Richelieu/dp/2226116656/ref=sr_1_5?ie=UTF8&qid=1446928542&sr=8-
5&keywords=de+la+raison+d%27%C3%A9tat
https://www.amazon.fr/Soliman-Magnifique-Andr%C3%A9-
Clot/dp/2213012601/ref=pd_sim_14_13?_encoding=UTF8&psc=1&refRID=8N
STSJE7M0GWSK8PAFZ0
https://www.amazon.fr/LEmpire-ottoman-Fr%C3%A9d%C3%A9ric-
Hitzel/dp/2251410163/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1479232017&sr=1
-1&keywords=l%E2%80%99empire+ottoman
https://www.amazon.fr/Empire-ottoman-d%C3%A9clin-chute-
leffacement/dp/2866456017/ref=sr_1_41?s=books&ie=UTF8&qid=1479232125
&sr=1-41&keywords=l%E2%80%99empire+ottoman
508
https://www.amazon.com/Useful-Enemies-Ottoman-Political-1450-
1750/dp/0198830130
https://www.amazon.fr/Histoire-Turquie-lEmpire-nos-
jours/dp/B00QHZ4PGM/ref=pd_sbs_14_4?_encoding=UTF8&psc=1&refRID=
Z24W4J9HCVW9MCDS1GPJ
« Le premier Français qui ait osé penser. » -La Mettrie, à propos de Montaigne.
http://hydra.forumactif.org/t3366-pierre-villey-les-sources-d-idees-au-xvie-
siecle#4185
http://www.amazon.fr/Montaigne-son-temps-%C3%A9v%C3%A9nements-
Essais/dp/2070728412/ref=pd_sim_14_26?ie=UTF8&dpID=41P9H4YCAHL&
dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR105%2C160_&refRID=151PFDGF0TE1
V9HYHQFV
http://www.amazon.fr/Essais-en-fran%C3%A7ais-
moderne/dp/2070122425/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1449243933&sr=8-
1&keywords=michel+de+montaigne+gallimard
http://www.amazon.fr/Montaigne-vie-sans-Pierre-
Manent/dp/2081270420/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1450287065&sr=8-
1&keywords=Montaigne+%3A+la+vie+sans+loi
509
http://www.amazon.fr/Montaigne-splendeur-libert%C3%A9-Christophe-
Bardyn/dp/2081251612/ref=sr_1_21?s=books&ie=UTF8&qid=1450609314&sr
=1-21&keywords=libert%C3%A9
« La Boétie est bien l'un des précurseurs directs de la doctrine des droits de
l'Homme et surtout du principe de l'inviolabilité de la conscience, dans une
société de citoyens égaux et fraternels. » (p.13)
-Danièle Letocha, Étienne de La Boétie précurseur des Lumières ?
510
http://www.amazon.fr/Discours-servitude-volontaire-Etienne-
Bo%C3%A9tie/dp/2081366673/ref=sr_1_4?ie=UTF8&qid=1449242735&sr=8-
4&keywords=%C3%89tienne+de+La+Bo%C3%A9tie
https://www.amazon.fr/Henri-II-Ivan-
Cloulas/dp/2213013322/ref=pd_sim_14_26?_encoding=UTF8&psc=1&refRID
=9XA4B748YZQNV9G72ECW
Henri IV (1553–1610) : « Un peuple, c’est une bête qui se laisse mener par le
nez, principalement les Parisiens. » -Henri IV, septembre 1594. Cité par
Hardouin de Péréfixe, Histoire de Henri-le-grand, roi de France et de Navarre
(1664).
« Je veux que ceux de la religion vivent en mon royaume. Il est temps que nous
tous, saouls de guerre, devenions sages à nos dépens. » -Henri IV, à propos de
l’édit de Nantes signé le 13 avril 1598.
https://www.amazon.fr/Henri-IV-passionn%C3%A9-Andr%C3%A9-
Castelot/dp/2262013683/ref=sr_1_11?s=books&ie=UTF8&qid=1482358043&sr
=1-11&keywords=andr%C3%A9+castelot
https://www.amazon.fr/Henri-IV-Jean-Pierre-
Babelon/dp/2213644020/ref=sr_1_2?s=books&ie=UTF8&qid=1478107048&sr
=1-2&keywords=henri+iv
https://www.amazon.fr/Oeuvres-compl%C3%A8tes-Correspondance-Lettres-1-
205/dp/2204081507/ref=la_B001JP3EZS_1_4?s=books&ie=UTF8&qid=14781
06864&sr=1-4
513
François Hotman (1524-1590) : « En 1574, François Hotman dans son
ouvrage Francogallia est l’un des premiers à affirmer que les Germains ont
asservi les Gaulois au moment des invasions barbares du Vème siècle, et que la
noblesse française descend de ces vainqueurs d’origine franque. » -Catherine
Valenti, « L’Action française et le Cercle Fustel de Coulanges à l’école de
l’Antiquité (première moitié du xxe siècle) », Anabases [En ligne], 4 | 2006, mis
en ligne le 01 janvier 2012, consulté le 04 décembre 2015.
http://www.amazon.fr/Gaule-fran%C3%A7aise-Fran%C3%A7ois-
Hotman/dp/2213026556/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1449248163&sr=8-
1&keywords=Fran%C3%A7ois+Hotman
https://www.amazon.fr/Tragiques-Agrippa-d-
Aubign%C3%A9/dp/2070737241/ref=pd_sim_sbs_14_1?ie=UTF8&dpID=41Fq
0nuVMvL&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR97%2C160_&refRID=V3K5
A0GTRRWDJ600KBJA
https://www.amazon.fr/Henri-VIII-Georges-
Minois/dp/2213023158/ref=pd_sim_14_2?_encoding=UTF8&psc=1&refRID=
GGTB7EF7Z908R9MCP18G
515
nouveau obligatoire le serment au souverain. Comme les évêques refusent de
prêter serment, on remplace d'un coup tout l'épiscopat. Les nouveaux évêques,
dont le chef est Parker, fixent la doctrine à suivre : la Convocation de Londres
de 1563, ratifiée de nouveau en 1571, établit XXXIX Articles qui marquent
l'adhésion quasi complète de l'Eglise d'Angleterre au calvinisme, sauf les
apparences extérieures et l'organisation interne (qui reste épiscopale).
Mais tous les Réformés anglais n'acceptent pas la formule élaborée par
Elisabeth et ses conseillers.
On appelle « Puritains » ces mécontents. Ils rejettent l'Église anglicane, soit
qu'ils la trouvent encore trop ressemblante au catholicisme par les aspects
extérieurs (les vêtements sacerdotaux par exemple), soit pour des raisons
touchant à la doctrine. Au début, ils ne sont pas organisés, mais ils vont l'être à
mesure que, réfugiés en Suisse, en Allemagne, aux Provinces-Unies, ils
mûrissent leurs doctrines au contact des mouvements réformés radicaux.
Il y a d'abord les Presbytériens, dont un des principaux leaders est Thomas
Cartwright. Ils s'implantent dans les comtés du Sud-Est. » (p.254)
https://www.amazon.fr/Elisabeth-1ère-dAngleterre-pouvoir-
séduction/dp/2213028400/ref=tmm_hrd_swatch_0?_encoding=UTF8&qid=148
9417208&sr=8-1
516
William Shakespeare (1564-1616): « The drama of Shakespeare and his
contemporaries is regarded by modern audiences as one of the supreme artistic
achievements in literary history; in its own day, however, it was viewed by many
as a scandal and an outrage—a hotly contested and controversial phenomenon
that religious and civic authorities strenuously sought to outlaw. In 1572, in
fact, players were defined as vagabonds—criminals subject to arrest, whipping,
and branding unless they were “liveried” servants of an aristocratic household.
Burbage’s company and others used this loophole in the law to their advantage
by persuading various lords to lend their names (and often little more) to the
companies, which thus became the Lord Chamberlain’s or the Lord Strange’s
Men. Furthermore, “popular” drama, performed by professional acting
companies for anyone who could afford the price of admission, was perceived as
too vulgar in its appeal to be considered a form of art. » -Steven Mullaney,
"Shakespeare and the Liberties", Encyclopædia Britannica:
https://www.britannica.com/topic/Shakespeare-and-the-Liberties-1086252
« Élisabeth considérait cette pièce avec les sentiments les plus hostiles. [...]
Richard II resta une pièce politique. Elle fut interdite pendant le règne de
Charles II, dans les années 1680. La pièce illustrait peut-être de façon trop
évidente les très récents événements de l'histoire révolutionnaire de l'Angleterre,
le "Jour du Martyr du Bienheureux Roi Charles Ier", tel qu'il était commémoré
à l'époque dans le Rituel de l'Église anglicane. La restauration évitait ces
souvenirs, et d'autres du même ordre, et n'aimait pas cette tragédie qui était
centrée, non seulement sur l'idée d'un roi martyr semblable au Christ, mais
aussi sur cette idée, des plus déplaisantes, d'une séparation violente des Deux
Corps du Roi. » -Ernst Kantorowicz, Les deux corps du Roi. Essai sur la
théologie politique au Moyen Age, in Œuvres, Gallimard, coll. Quarto, 2000,
1369 pages, pp.643-1222, p.687.
« J'ai associé le nom de Rembrandt à celui de Luther ; il faut placer à côté d'eux
W. Shakespeare. Shakespeare, c'est l'art dramatique, c'est la littérature qui se
fait contemporaine, populaire, de grecque et latine, homérique, biblique et
académique qu'elle était restée [...]
520
À la fin, alors, La liberté de Shakespeare semble marquer un tournant
fondamental dans le travail de Stephen Greenblatt."
-Paul A. Cantor, "Shakespeare à la liberté", The American conservative:
https://bi.americanconservativeparty.com/26726-shakespeare-at-liberty.html
"La plupart des tragiques grecs n’étaient pas traduits en anglais à la fin du
XVIe siècle et au début du XVIIe siècle. Ensuite, parce que, selon les célèbres
mots de Ben Jonson, Shakespeare aurait été piètre latiniste et ignorait le grec. Il
n’en reste pas moins que sur le plan générique et anthropologique, les
comparaisons sont non seulement possibles mais souvent très fructueuses. Au
début du XVIIIe siècle, l’éditeur de Shakespeare, le poète et dramaturge
Nicholas Rowe, soulignait les parallèles entre le Hamlet de Shakespeare et
l’Electre de Sophocle. Au XXe siècle, Jan Kott a montré la proximité entre
Hamlet et les tragédies d’Oreste (dans les versions qu’en donnent Euripide,
Sophocle et Eschyle). Plus récemment, Louise Schleiner affirmait que les
Élisabéthains pouvaient avoir accès au théâtre antique à travers des éditions de
certaines tragédies en grec mais aussi, plus vraisemblablement, à travers à des
traductions latines, des commentaires, et des résumés des pièces en anglais. Elle
défend l’idée que Shakespeare fait renaître la tragédie antique deux mille ans
après son apparition à Athènes au Ve siècle."
"Si Hamlet tarde à passer à l’acte, c’est non seulement parce qu’il est assailli
par les doutes concernant la nature du fantôme, mais encore aussi parce qu’il
s’interroge sur la validité morale de la vengeance –sur ce point encore Hamlet
se distingue des vengeurs traditionnels."
521
monologues, où le héros montre une conscience très aiguë des différents
chemins qui s’offrent à lui, sont la plus claire manifestation de cette liberté.
D’autre part, sur le plan dramatique, le texte de Shakespeare révèle un héros
déterminé à déjouer les tentatives d’enfermement dont il est sans cesse victime,
dans ce royaume qu’il considère comme une « prison » (II, ii, v. 238a) – le «
Danemark étant l’une des pires » (v. 240-241) – afin, sans nul doute, d’exercer
sa liberté. De ce point de vue, le monologue sur lequel se clôt l’acte II, scène ii
n’est pas seulement réflexif, il montre aussi un personnage qui refuse de jouer
les rôles qu’on voudrait lui faire interpréter et qui cherche à être maître de sa
destinée."
It’s true that their charter stopped short of demanding votes for women, but in
due course, the Suffragettes recruited Shakespeare too, and in 1909, they
stormed into Stratford. Outside the office of the NUWSS (National Union of
Women's Suffrage Societies), they hung a yellow and black 'to be or not to be'
banner, referring of course to women's suffrage. And the annual Shakespeare
parade that year – a legacy of Garrick's Jubilee, and one which continues to this
day – was commandeered as a rally for votes for women. Two years later, in
1911, the great actress Ellen Terry explicitly argued in London that Shakespeare
was 'one of the pioneers of women’s emancipation' and that 'Portia, Beatrice,
Rosalind, Volumnia have more in common with our modern revolutionaries
than the fragile ornaments of the early Victorian period'. Shakespeare's franchise
of lively characters extended to women and this gave grounds for protesting
against a political system that had yet to catch up.
"Audiences see in Julius Caesar the political message that they most desire,
whether it is the story of a great man torn down by envious detractors, a
stalwart defence of republicanism, or a morality tale about the fickleness of
public opinion and the dangers of democracy."
-Sarah Neville, "Why Shakespeare’s Julius Caesar Makes Conservatives Mad",
The Walrus, Updated 10:03, May. 7, 2020 | Published 13:10, Jun. 19, 2017:
https://thewalrus.ca/why-shakespeares-julius-caesar-makes-conservatives-mad/
http://hydra.forumactif.org/t243-william-shakespeare-oeuvre#6388
524
voile que l’ignorance recouvre ; c’est l’émerveillement qui incite l’esprit à
rechercher les causes et à apprendre les effets qu’elles produisent. Ce type de
connaissance constituait l’origine de la philosophie, et la vérité que l’on en
arrive à connaître par ce biais. » -Antonio Serra, Breve Trattato (1613).
http://www.amazon.com/Treatise-Wealth-Poverty-Nations-
Economic/dp/085728973X
« Jamais siècle n’a eu, moins que le XVIIe siècle, confiance dans les forces
spontanées d’une nature abandonnée à elle-même : l’homme naturel, celui qui
est livré sans règle au conflit des passions, où en trouver plus misérable
peinture que chez les politiques et moralistes du siècle ? Hobbes s’accorde là-
dessus avec La Rochefoucauld, et La Rochefoucauld avec le janséniste Nicole ;
pour Hobbes, les sinistres bêtes de proie que sont les hommes à l’état de nature
ne peuvent être matés que par un souverain absolu ; et les jansénistes ne
sauraient admettre que nul mouvement de charité et d’amour vienne d’ailleurs
que de la grâce divine chez l’homme livré, par le péché, à la concupiscence.
Aussi bien, le XVIIe siècle est celui de la contre-réforme et de l’absolutisme
royal. La contre-réforme met fin au paganisme de la Renaissance ; c’est
l’épanouissement d’un catholicisme qui voit une tâche nécessaire dans la
direction des intelligences et des âmes ; l’ordre des Jésuites fournit des
éducateurs, des directeurs de conscience, des missionnaires ; il a en France plus
de deux cents écoles ; le thomisme, sous la forme qu’il prend chez le jésuite
Suarez, est partout enseigné et arrive à supplanter, même dans les universités
des pays protestants, la doctrine de Mélanchthon. La contre-réforme est un
mouvement qui vient de Rome, et dont le succès est assuré par des initiatives
525
privées : la royauté, elle, est, en France, gallicane, en Angleterre, anglicane.
Pourtant c’est le pouvoir royal même qui, en France, ne recule pas devant des
moyens violents pour assurer l’unité religieuse, jusqu’à ce que la révocation de
l’édit de Nantes supprime purement et simplement le protestantisme.
L’absolutisme du roi n’est pas le pouvoir d’un individu fort, capable, par son
prestige personnel ou par des moyens violents, de retenir ses sujets dans
l’obéissance ; c’est une fonction sociale, indépendante de la personne qui
l’exerce, et qui persiste, alors même que, pendant de longues minorités, de tout-
puissants ministres exercent le pouvoir au nom du prince ; cette fonction
sociale, d’origine divine, impose des devoirs plus encore que des droits ; et le
roi absolu de droit divin, mais asservi le premier à sa tâche par l’élection de
Dieu, est aux antipodes du tyran de la Renaissance.
Donc ces disciplines, religieuses ou politiques, sont des disciplines admises,
consenties, dont la nécessité est comprise autant que les bienfaits. La rigidité de
la règle n’est point esclavage, mais armature, sans laquelle l’homme tombe,
désarticulé, incertain comme le Montaigne des Essais. Le cérémonial le guide
dans les relations sociales, comme le rituel à l’église.
Il y a des résistances pourtant, et nombreuses ; en Angleterre, l’absolutisme de
droit divin se heurte par deux fois à la volonté commune, et il succombe ; en
France l’unité religieuse n’est établie qu’au prix de persécutions ; la Hollande,
pendant tout le XVIIe siècle, sert d’abri aux persécutés de tous les pays, aux
juifs d’Espagne et de Portugal, aux sociniens de Pologne, plus tard aux
protestants de France ; abri précaire d’ailleurs où ils sont souvent menacés ; la
religion catholique est elle-même minée, dans son pays d’élection, en France,
par la querelle du jansénisme et du molinisme, et, à la fin du siècle, par l’affaire
du mysticisme de Mme Guyon. Derrière ces faits, qui éclatent au jour, se cache
un travail de pensée qui se traduit par des milliers d’incidents, des milliers de
livres ou de libelles aujourd’hui oubliés. Les réclamations en faveur de la
liberté et de la tolérance n’ont pas commencé au XVIIIe siècle ; elles n’ont cessé
de se faire entendre tout au long du XVIIe siècle, en Angleterre et en Hollande
surtout, et le siècle s’achève sur l’âpre discussion entre Bossuet, qui soutient le
droit divin des rois, et le ministre protestant Jurieu qui défend la souveraineté
du peuple. » (p.13-14)
« Rien n’est analogue, dans le passé, à cet effort collectif, continu, tenace, vers
une vérité d’ordre universel et pourtant humaine. Les trente années qui
s’écoulent de 1620 à 1650 sont des années décisives pour l’histoire de ce
mouvement ; Bacon fait paraître le Novum organum (1620) et le De dignitate et
augmentis scientiarum (1623) ; Galilée écrit son Dialogo (1632) et ses Discorsi
(1638) ; Descartes publie le Discours de la méthode (1637), les Méditations
(1641) et les Principes (1644) ; la philosophie du droit et la philosophie
politique font l’objet des travaux de Grotius (De jure belli ac pacis, 1623) et de
Hobbes (De cive, 1642). Tous ces travaux indiquent que l’ère de l’humanisme
de la Renaissance, qui a toujours plus ou moins confondu l’érudition avec la
philosophie, est décidément close ; et un rationalisme commence qui prend pour
tâche de considérer la raison humaine non pas dans son origine divine, mais
dans son activité effective. » (p.24-25)
-Émile Bréhier, Histoire de la philosophie, Tome 2 "La philosophie moderne",
"Les classiques des sciences sociales" (à partir de Librairie Félix Alcan, Paris,
1929-1930-1932, 1184 pages).
Dans le cas de l'Europe et des zones qu'elle s'annexe, un centrage s'est opéré
vers les années 1380, au bénéfice de Venise. Vers 1500, il y a une saute brusque
et gigantesque de Venise à Anvers, puis, vers 1550-1560, un retour à la
Méditerranée, mais en faveur de Gênes, cette fois ; enfin, vers 1590-1610, un
transfert à Amsterdam, où le centre économique de la zone européenne se
stabilisera pour presque deux siècles. Entre 1780 et 1815, il se déplacera vers
Londres. » (p.90)
"Écrits de témoins "engagés" dans les luttes religieuses et civiles ? Ce sont les
moins éclairants. Dans leur rage à s'attribuer l'approbation des "gens de bien et
d'honneur", des "personnages notables", et à reprocher à leurs adversaires le
soutien de la populace, "ceste beste qui porte un million de testes, se mutine et
accoure en désordre", huguenots et ligueurs, mazarinistes et frondeurs ne
faisaient que témoigner de leur accord profond sur les valeurs essentielles. Les
situations conflictuelles, propres au monde dirigeant, ne sont guère favorables à
un diagnostic lucide des frontières qui séparent civilisation et barbarie.
Frontière signifie ici exclusion systématique de tous ceux à qui est
théoriquement interdit l'espérance d'accéder à la respectabilité. Il s'agit, on s'en
convaincre, d'une double exclusive: la ville rejette de son univers mental le plat
pays dont elle se nourrit, et, dans la ville même les artisans et "gens
mécaniques" sont appréhendés comme des étrangers.
Il peut paraître surprenant qu'une société à idéal nobiliaire ait exprimé son
mépris pour les campagnes. D'Olivier de Serres aux Physiocrates, certains ne
cessèrent d'exalter la résidence et les distractions rustiques. Mais de quelle
campagne s'agit-il ? [...] L'horticulture, les jardins, les occupations du
propriétaire champêtre ne sont que projection, hors des murs de la cité, d'un
monde issu de la ville, y puisant sa sève, y renouvelant ses goûts, fasciné par ce
qu'exprime le mot "civilisation". Globalement, le mépris du laboureur l'emporte
sur les nostalgies rustiques, et transparaît dans les dictionnaires de Richelet et
de Furetière. [...]
La ville, ce sont les bourgeois: titre auquel les notables eux-mêmes ont aspiré
528
dans la mesure où il signifie lieu d'habitation et exclut "artisans ou gens
exerçans les Arts mécaniques". Examinant les cinq conditions requises pour
accéder à la noblesse, la Roque [Traité de la Noblesse, 1678] insiste sur la
nécessité de "n'avoir exercé aucun art mécanique", et distingue parmi les non-
nobles, les honorables, les vulgaires, les vils et abjects. [...] Même
condamnation sans appel chez Denis Godefroy: "Nous appellons ordinairement
mechanique tout ce qui est vil et abject". L'opinion éclairée, lors même qu'elle
exalte le productivisme et flétrit l' "oysiveté" de nos voisins espagnols, rejette de
son idéal social tout ce qui est lié au travail manuel.
Alors finit par s'élargir, à partir de cette double exclusive, la notion de noblesse,
qui ne se confond plus avec sa définition juridique, et inclut de larges cercles de
la société urbaine. Regardons le tableau de la société que nous propose, en
1685 [dans Les diverses espèces de noblesse], le père Ménestrier, de la
Compagnie de Jésus: "Disons donc que la première noblesse a esté celle qui
faisoit la condition des libres, distinguez des serfs ou esclaves, et qu'enfin il s'est
fait depuis deux autres ordres de Noblesse, l'une Militaire et l'autre Patricienne,
que nous appellons encore aujourd'hui Noblesse d'Épée, et de Robe. On a
estably ces deux ordres pour se distinguer du peuple, et qui pour estre libre,
n'est pas censé noble, faisant profession des Arts mechaniques et du trafic.
Cependant, les Marchands et les Bourgeois ayant voulu se distinguer des
Artisans et du Menu peuple qui demeuroient avec eux dans les villes, ou qui
habitoient à la campagne firent comme un nouvel Ordre de Noblesse Civile,
donnant le nom de Roturiers et de Vilains à ceux qui faisoient des professions
basses, et pour se distinguer d'eux, ils s'establirent seuls capables de tenir des
Dignitez Populaires et municipale, se firent chefs des Mestiers, de la Milice
bourgeoise, des Magistratures civiles, demandèrent mesme quelque fois la
chevalerie à leurs Seigneurs, et comme d'ailleurs ils prenoient la qualité de
Nobles et d'Escuyers par la tolérance des Princes, les Princes et les Seigneurs
avoient aussi quelque fois la complaisance de prendre la qualité des Citoyens et
de Bourgeois". Admirable description d'une élite en perpétuel élargissement !
Au delà des querelles de préséances, des confrontations de mérites, des conflits
réels, c'est une société ouverte qui s'esquisse en se distinguant toujours des bas
étages." (p.5-7)
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r=1-120&keywords=xviiie+si%C3%A8cle
« La science doit être tirée de la lumière de la nature, elle ne doit pas être
retirée de l'obscurité de l'Antiquité. Ce qui importe n'est pas ce qui a été fait. Il
faut voir ce qui reste à faire. » -Francis Bacon, Novum Organum, 1620, Livre I,
CXXII.
« Ce dont nous avons le plus besoin, c'est d'étudier les principes de la justice
naturelle et ceux de l'utilité publique afin de dégager un idéal théorique de
législation qui puisse servir d'étalon permettant de juger de l'excellence relative
des différents codes législatifs afin de suggérer des pistes qui permettent de les
corriger et les améliorer. » - Francis Bacon, The Advancement of Learning, book
viii, ch. Iii.
532
« Des mécènes, il y en avait en Angleterre comme dans le nord de l’Italie.
Coucher Oxford ou Cambridge sur son testament, faire des dons de son vivant,
n’était pas inhabituel chez les riches marchands ; la classe moyenne avait déjà
admis que ses liens avec les recherches scientifiques, et sa dette à leur égard,
allaient être de plus en plus grands. Il n’était pas mauvais d’investir dans les
sciences. Ceux que déjà le XIVème siècle appelait des « mathématiciens »,
parce qu’ils savaient utiliser l’astrolabe, et que la Renaissance préfère appeler
« astronomes » ou « cosmographes » (ce qui en général renvoie à une
connaissance de la règle de Mercator) sont des personnages que les armateurs
savent, mieux que les universités, apprécier et aider. » (p.XIV)
« L’Etat est l’instance de la longue durée. Le progrès n’est pas ce qui se fait
« dans l’heure que mesure le sablier d’une vie humaine », mais dans la suite des
générations. Or l'effort privé comme le talent individuel sont circonscrits dans le
bref espace qu’est une vie. Il ne peut donc y avoir de progrès scientifique sans
une instance qui organise le temps long dans lequel le progrès peut avoir lieu et
qui installe, dans des institutions elles aussi durables, les différents éléments
nécessaires à ce que les modifications des sciences soient un progrès. Par
exemple, il ne peut y avoir progrès sans conservation de ce qui est acquis, sinon
l’on repartirait toujours à zéro. Il faut donc des bibliothèques. Il faut que les
savants puissent coordonner leurs travaux, par conséquent il faut créer des
« lieux » de savoir dotés également d’une certaine permanence. » (p.XXI)
« Dès les premières pages de l’ouvrage, le lecteur comprend que c’est d’une
sorte d’engloutissement ou de refoulement socio-historique que souffre le
savoir : en droit nous pourrions connaître toute chose, depuis longtemps, depuis
toujours. » (p.XXXVI)
533
« Comme le texte anglais n’a pas été retraduit en français depuis Maugars et que
la version latine est expurgée, j’ai l’immense fierté de présenter pour la première
fois à un public français la pensée de Bacon non censurée. » (p.XLII)
« Les trances qui nous sont parvenues indiquent des relations de confiance entre
les deux personnages [Bacon et Galilée]. […] On ne le mesure peut-être pas
bien aujourd’hui, mais Du Progrès a dû constituer pendant longtemps pour les
savants un formidable soutien moral. » (p.LVII)
« Pour beaucoup de critiques, et ils ne sont pas tous en Angleterre, Bacon est un
génie créateur, un philosophe du premier ordre ; le vainqueur d’Aristote, l’égal
de Descartes, le maître de Newton ; il est le prophète de l’esprit nouveau,
l’inventeur de la vraie méthode, en un mot, le père de la philosophie moderne.
D’autres ne veulent voir en lui qu’un écrivain ingénieux et brillant, un bel esprit
534
très ambitieux et assez superficiel, dont la grandeur factice et la gloire usurpée
sont l’ouvrage de Voltaire et de ses amis de l’Encyclopédie. Tout au plus
resterait-il au chancelier trop préconisé l’honneur équivoque de marcher à la
tête de cette armée de zélateurs de l’empirisme qui déploie ses phalanges à
travers deux grands siècles, depuis l’auteur du Léviathan jusqu’aux disciples
d’Auguste Comte et de Feuerbach.
« Toute autorité, mais surtout celle de l’Église, doit s’opposer aux nouveautés,
sans se laisser effrayer par le danger de retarder la découverte de quelques
vérités, inconvénient passager et tout à fait nul, comparé à celui d’ébranler les
institutions et les opinions reçues. » -Joseph de Maistre, Examen de la
philosophie de Bacon.
535
« Le véritable ancêtre du matérialisme anglais et de toute science expérimentale
moderne, c’est Bacon. La science basée sur l’expérience de la nature constitue à
ses yeux la vraie science, et la physique sensible en est la partie la plus noble. Il
se réfère souvent à Anaxagore et ses homoioméries, ainsi qu’à Démocrite et ses
atomes. D’après sa doctrine, les sens sont infaillibles et la source de toutes les
connaissances. La science est la science de l’expérience et consiste dans
l’application d’une méthode rationnelle au donné sensible. Induction, analyse,
comparaison, observation, expérimentation, telles sont les conditions
principales d’une méthode rationnelle. Parmi les propriétés innées de la
matière, le mouvement est la première et la plus éminente, non seulement en tant
que mouvement mécanique et mathématique, mais plus encore comme instinct,
esprit vital, force expansive, tourment de la matière (pour employer l’expression
de Jacob Boehme). Les formes primitives de la matière sont des forces
essentielles vivantes, individualisantes, inhérentes à elle, et ce sont elles qui
produisent les différences spécifiques. Chez Bacon, son fondateur, le
matérialisme recèle encore, de naïve façon, les germes d’un développement
multiple. La matière sourit à l’homme total dans l’éclat de sa poétique
sensualité ; par contre, la doctrine aphoristique, elle, fourmille encore
d’inconséquences théologiques. » -Karl Marx, La Sainte Famille.
« La notion du travail considéré comme une valeur humaine est sans doute
l'unique conquête spirituelle qu'ait faite la pensée humaine depuis le miracle
grec ; c'était peut-être là la seule lacune à l'idéal de vie humaine que la Grèce a
537
élaboré et qu'elle a laissé après elle comme un héritage impérissable. Bacon est
le premier qui ait fait apparaître cette notion. À l'antique et désespérante
malédiction de la Genèse, qui faisait apparaître le monde comme un bagne et le
travail comme la marque de l'esclavage et de l'abjection des hommes, il a
substitué dans un éclair de génie la véritable charte des rapports de l'homme
avec le monde : « L'homme commande à la nature en lui obéissant. » Cette
formule si simple devrait constituer à elle seule la Bible de notre époque. Elle
suffit pour définir le travail véritable, celui qui fait les hommes libres, et cela
dans la mesure même où il est un acte de soumission consciente à la nécessité. »
http://academienouvelle.forumactif.org/t5690-charlie-dunbar-broad-the-
philosophy-of-francis-bacon#6738
http://www.amazon.fr/Francis-Bacon-Lhumaniste-magicien-
ling%C3%A9nieur/dp/2130570119/ref=sr_1_26?s=books&ie=UTF8&qid=1458
652445&sr=1-26&keywords=francis+bacon
https://www.amazon.fr/Lh%C3%A9ritage-baconien-XVIIe-XVIIIe-
si%C3%A8cles/dp/2841742075/ref=sr_1_fkmr0_1?s=books&ie=UTF8&qid=14
73506981&sr=1-1-
fkmr0&keywords=L%27h%C3%A9ritage+baconien+aux+XVIIe+et+au+XVIII
e+si%C3%A8cles
Galilée (1564-1642) : « Tout d'abord, ami Galilée, je voudrais que vous soyez
bien convaincu du plaisir de l'âme avec lequel j'embrasse votre opinion en
astronomie, sur le système de Copernic. Les barrières d'un monde assurément
vulgaire sont brisées. L'esprit libéré erre à travers l'immensité de l'espace. Peut-
être conviendrait-il que vous publiiez votre travail. En le cachant vous feriez
une grave injure aux lettres et à ceux qui s'adonnent aux sciences les plus
divines… Si une résolution bien arrêtée, ou la destinée, vous imposent une
réserve telle que vous ne puissiez même pas communiquer par lettre à vos amis
ce que vous avez conçu, faites une exception pour moi. Laissez-moi espérer ou
vous demander d'être votre correspondant. » -Pierre Gassendi, lettre du 20
juillet 1625.
538
« Alors qu'auparavant l'espace était un espace hiérarchisé et non homogène, et
le temps avant tout un durée, Galilée conçoit donc les espaces parcourus par un
mobile comme tous équivalents. » (p.146)
539
réussites des régimes de production de savoirs que constituent les sciences
modernes. Ce que l’on stigmatise, c’est l’effet collatéral de l’enthousiasme pour
ce mythe fondateur, qui défend comme exclusif et monopolistique ce mode de
lisibilité à l’égard de la « nature », et du monde vivant, alors même que dans le
champ des sciences, différents types de savoirs, fiables et puissants bien que non
mathématisés ni mathématisables, subsistent (que l’on pense par exemple à
l’histoire évolutive, l’éthologie, la botanique et ses concepts anexacts…). On
retrouve ici une expression puissante du grand partage de l’enchantement. » -
Estelle Zhong Mengual & Baptiste Morizot, « L’illisibilité du paysage. Enquête
sur la crise écologique comme crise de la sensibilité », Nouvelle revue
d’esthétique, 2018/2 (n° 22), p. 87-96. DOI : 10.3917/nre.022.0087. URL
: https://www.cairn-int.info/revue-nouvelle-revue-d-esthetique-2018-2-page-
87.htm
540
« Le temps relatif, apparent et vulgaire, est une mesure quelconque, sensible et
externe de la durée par le mouvement (qu’elle soit précise ou imprécise) dont le
vulgaire se sert ordinairement à la place du temps vrai : tels, l’heure, le jour, le
mois, l’année. »
L'ancienne loi ne s'en écarte point; elle nomme le droit du Prince le pouvoir de
traiter ses Sujets en Esclaves, de s'emparer du bien des uns pour en gratifier
d'autres: ce n'est pas que la conduite d'un tel Prince soit juste & droite; car la
loi divine lui trace une route opposée, en lui défendant d'appesantir le joug de
ses Sujets, & de ne se point approprier les meubles, les chevaux, &c. mais c'est
pour graver dans le cœur de ses Sujets cette leçon, qu'il n'est pas permis de se
révolter. Chez les Romains, on reconnaissait que le Préteur rendait la justice au
moment même qu'il prononçait une Sentence injuste; & il est dit aussi, à
l'occasion d'un Roi injuste, désigné de Dieu: « Qui sera innocent d'avoir osé
lever la main sur l'Oint du Seigneur ? »" -Hugo Grotius, Traité du pouvoir du
magistrat politique sur les choses sacrées (1647).
« Grotius écrivait bien, au début du XVIIe siècle, que le droit [naturel] serait ce
qu'il est "même si Dieu n'existait pas". » -Simone Goyard-Fabre, Les embarras
philosophiques du droit naturel, Paris, Librairie philosophique J. Vrin, coll.
Histoire des idées et des doctrines, 2002, p.24.
541
-Philippe Nemo, "Les sources du libéralisme dans la pensée antique et
médiévale", chapitre in Philippe Nemo et Jean Petitot (dir.), Histoire du
libéralisme en Europe, Paris, Quadrige/PUF, 2006, 1427 pages, pp.65-111.
« Les Hollandais plaident avec Grotius la liberté des mers face à des Anglais
qui s’appuient sur John Selden pour défendre à l’inverse l’idée de
territorialisation de la mer. De fait, diverses mers côtières connaissent des
processus de territorialisation avec l’interdiction de fait à des populations
étrangères d’y pêcher. […] Aujourd’hui, la majorité des litiges frontaliers sont
marins. » -Philippe Sierra (dir.), Frontières, Ellipses Édition, 2020, 261 pages,
p.18.
http://www.amazon.fr/Hugo-Grotius-Miracle-Holland-Political/dp/0882296248
« Et si j’écris en français, qui est la langue de mon pays, plutôt qu’en latin, qui
est celle de mes précepteurs, c’est à cause que j’espère que ceux qui ne se
543
servent que de leur raison naturelle toute pure jugeront mieux de mes opinions
que ceux qui ne croient qu’aux livres anciens. » -René Descartes, Discours de la
Méthode, sixième partie, 1637.
« Il faut toujours préférer les intérêts du tout, dont on est partie, à ceux de sa
personne en particulier. […] Si on rapportait tout à soi-même, on ne craindrait
pas de nuire beaucoup aux autres hommes, lorsqu’on croirait en retirer quelque
petite commodité, et on n’aurait aucun vraie amitié, ni aucune fidélité, ni
généralement aucune vertu ; au lieu qu’en se considérant comme une partie du
public, on prend plaisir à faire du bien à tout le monde, et même on ne craint
pas d’exposer sa vie pour le service d’autrui, lorsque l’occasion s’en présente ;
voire on voudrait perde son âme, s’il se pouvait, pour sauver les autres. »
« Je ne suis point de ces philosophes cruels qui veulent que leur sage soit
insensible. » -René Descartes, Lettre à la princesse Élisabeth, 18 mai 1645.
544
« Descartes, mort […] en exil à Stockholm, s’était attiré les foudres de l’Église
pour des positions jugées peu orthodoxes. » -Line Cottegnies, « Le
« renouveau » de l’épicurisme en Angleterre au milieu du dix-septième siècle de
Walter Charleton à Margaret Cavendish – une histoire franco-britannique »,
Études Épistémè [En ligne], 14 | 2008.
545
« C'est donc seulement maintenant que nous entrons dans la philosophie
proprement dite depuis l'école néoplatonicienne et ce qui s'y rattache. C'est un
recommencement de la philosophie. » (p.1380)
Pour Kant, l’ego du cogito est soumis à l’empirie, postulat qui rompt
complètement avec les prétentions de la psychologie rationnelle. Pour Kant,
l’existence du Je (sous la forme du moi empirique) ne se révèle que dans le
temps, forme a priori de la sensibilité. En aucune manière, les considérations
sur l’ego ne nous permettent d’accéder à un en soi. […]
Pour Kant, l’assimilation d’une chose et d’une pensée est une démarche
philosophiquement irrecevable. […] Le cogito de Descartes voit son existence
indubitable reléguée au rang d’illusion. La pensée de moi pensant ne me permet
pas de trancher de l’existence réelle du moi. » -Matthieu Giroux, « Kant :
critique du cogito cartésien », Philitt, 3 octobre 2012.
548
1961, repris dans Hannah Arendt. L'Humaine Condition, Gallimard, coll.
Quarto, 2012, 1050 pages, p.623.
« L’idéal de la science, tel qu’il a été posé par Descartes, a contribué d’une
manière essentielle à la conception a priori de la philosophie, telle que a été
développée par la suite dans l’idéalisme allemand. » -Ernest Grassi, Humanisme
et Marxisme, L'Age d'Homme, 1978, p.31.
« Tout comme Locke, Descartes pose d'emblée une différence de nature entre la
matière et la pensée. Ses Méditations métaphysiques (1641) entreprennent de
légitimer ce dualisme, en le fondant sur le sujet pensant et en l'étendant à tout le
réel. La seconde méditation énonce le premier objet de connaissance, accessible
en toute certitude à l'homme: son esprit ou sa faculté de penser, avant
l'expérience sensible. Descartes commence donc par poser une différence
ontologique entre les corps et la pensée, au moyen d'un critère de certitude: le
sujet est sûr de l'existence de ses pensées, à l'inverse de ses sensations. Le terme
du cheminement méditatif aboutit, à la sixième méditation, à répéter, sous forme
de conclusion assurée, la différence ontologique corps/pensée. Le sujet parvient
à avoir une idée distincte de la chose pensante et une autre de la chose étendue.
La distinction entre l'âme et le corps clôt l'exposé. Ainsi, tout le réel se divise
selon une matière inanimée et la pensée non étendue.
549
Cette dualité impose un créationnisme strict, là aussi comme chez Locke.
L'irréductibilité de la chose pensante oblige à la considérer comme le fruit d'une
entité extérieure à la matière inanimée. [...]
Mettant son espérance dans la postérité pour conduire à terme les déductions de
la philosophie rationnelle qu'l avait conscience d'inaugurer, Descartes savait
parfaitement qu'il faisait œuvre, non de réformateur, mais de révolutionnaire : «
Je ne veux pas être de ces petits artisans, qui ne s'emploient qu'à raccommoder
les vieux ouvrages, parce qu'ils se rendent incapables d'en entreprendre de
nouveaux », écrit-il de la façon la plus claire qui soit dans la Recherche de la
vérité.
La confiance dans la raison, dans les vertus du progrès des sciences et des
techniques, dans la maîtrise de la nature et de la société, comptent, on le sait,
parmi les traits distinctifs de la philosophie des Lumières. Il y a un esprit du
siècle : esprit de rupture et de commencement, esprit rationaliste, qu'incarne la
Révolution française, et qui vient de Descartes. Turgot, Condorcet, Sieyès,
Robespierre peuvent, sans nul doute, être considérés, avec Helvétius et
Bentham, comme les « neveux » de Descartes.
551
Descartes. N'est-ce pas la méthode de Descartes qui s'exprime en cette seule et
terrible recommandation : « Il faut toujours en revenir aux principes simples »
[Qu'est-ce que le Tiers Etat ? Librairie Droz, Genève, 1970, p. 178] Et que dire
du lien évident qui unit le rationalisme cartésien à la science sociale de
Condorcet ou encore au projet utilitariste de réforme de la morale et de la
législation, formulé par Helvétius et Bentham ?
552
-Michel Terestchenko, La pensée politique de Descartes et sa postérité (II), 22
février 2013.
« Descartes est l'un des plus grands penseurs français et l'un des plus grands
génies que la France ait donnés à l'humanité. » -Georges Politzer, "Le
tricentenaire du Discours de la Méthode".
553
« Parmi toutes les idoles qu’il nous importe d’abattre, il n’en est aucune dont il
soit plus urgent de nous débarrasser que de Descartes qu’on a voulu nous
représenter comme le représentant définitif du génie français : il faut le faire
passer par la fenêtre. » -Abel Bonnard, ministre de l’Éducation nationale du
régime de Vichy, extrait de l’Éloge de l’ignorance, 1942.
« La Renaissance avait donné le signal d’un essor prodigieux dans tous les
domaines de l’esprit. Descartes incarnera les ambitions et les audaces
intellectuelles de la bourgeoisie montante et progressiste, laborieuse et hardie,
riche de talents et impatiente de conquêtes… C’est le désir de voir clair dans ses
pensées et ses actions qui fait de Descartes un philosophe, et c’est le désir
d’améliorer les conditions matérielles de l’existence humaine qui a fait de lui un
auteur. » -Maurice Thorez, Discours au grand amphithéâtre de la Sorbonne, 2
mai 1946.
En effet, une fois découvert le cogito, il faut à René Descartes tout le détour
visant à prouver l’existence de Dieu pour échapper au doute et s’assurer de
retrouver l’objet perdu, et non seulement l’objet, mais le monde et aussi son
propre corps mis en doute auparavant pour les besoins de la démonstration.
Disons qu’il reste des séquelles de cette fondation philosophique du sujet et de
la modernité, il reste définitivement un soupçon ontologique qui pèse sur
l’existence du reste du monde, ce piège logique lié à la démonstration
cartésienne, c’est le piège du solipsisme, l’hypostase du sujet individuel.
554
L’ordonnancement cosmologique d’un monde religieusement garanti se dégrade
alors en simple étendue, en une réalité contingente scientifiquement exploitable.
Il faut comprendre que cette rupture ontologique a a fortiori des conséquences
sociologiques profondes. S’il est difficile pour le sujet de se mettre en rapport
avec les objets, que dire alors de la difficulté de se mettre en rapport avec autrui
? » -Stéphane Hampartzoumian, « La mélancolie au creux de la
modernité », Sociétés 4/2004 (no 86), p. 21-35.
"From the start of the post-Renaissance period, philosophy -released from its
bondage as handmaiden of theology- went seeking a new form of servitude, like
a frightened slave, broken in spirit, who recoils from the responsability of
freedrom. Descartes set the direction of the retreat [...] While promising a
philosophical system as rational, demonstrable and scientific as mathematics,
Descartes began with the basic epistemological premise of every Witch Doctor
(a premise he shared explicitly with Augustine): "the prior certainty of
consciousness", the belief that the existence of an external world is not self-
evident, but must be proved by deduction from the contents of one's
consciousness -which means: the concept of consciousness as some facultry
other than the facultry of perception -which means: the indiscriminate contents
of one's consciousness as the irreductible primacy and absolute, to which reality
has to conform. What followed was the grotesquely tragic spectacle of
philosophers struggling to prove the existence of an external world." -Ayn
Rand, For the new intellectual, Signet, 1963 (1961 pour la première édition
américaine), 216 pages, p.25.
« Pour Descartes, c'est le propre des "âmes basses" qu'on ne peut les inciter à
prendre de la peine pour autrui qu'en leur faisant voir qu'elles en retireront
quelque profit. Pour que la béatitude que vise notre philosophe soit au rendez-
vous, il faut que le contentement jaillisse spontanément de l'acte vertueux, ou
que celui-ci soit à lui-même sa propre récompense. » -Philippe Simonnot, 39
leçons d'économie contemporaine, Gallimard, coll. folio.essais, 1998, 551
pages, p.74.
C’est dans la postérité longue de son œuvre que se trouvent les bases de sa
grandeur, et cela implique de prendre en considération ce que François Azouvi
distingue comme les divers « cercles » de lecture du cartésianisme, qui
appartiennent à des mondes culturels dont Descartes ne pouvait avoir la
moindre idée, car les enjeux se sont déplacés au fil d’un temps qui n’est plus le
sien. » -François Dosse, Le Pari biographique. Écrire une vie, Paris, Éditions La
Découverte, 2005, 480 pages, p.437-438.
http://hydra.forumactif.org/t2705-josiane-boulad-ayoub-paule-monique-vernes-
la-revolution-cartesienne#3459
http://hydra.forumactif.org/t3920-francisque-bouillier-histoire-de-la-
philosophie-cartesienne#4767
557
http://www.amazon.com/Descartes-Biography-Desmond-M-
Clarke/dp/1107601460/ref=sr_1_fkmr0_1?s=books&ie=UTF8&qid=145856511
0&sr=1-1-fkmr0&keywords=Evidence+and+Reality+in+Descartes
http://www.amazon.com/Descartes-Intellectual-Biography-Stephen-
Gaukroger/dp/0198239947/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1450980234&
sr=1-1&keywords=Descartes%3A+an+intellectual+biography
https://www.amazon.fr/gp/product/2130516130/ref=pd_sim_14_12?ie=UTF8&
psc=1&refRID=BATX0Z0HV3VGYH7KRG7E
558
que les « atomes » se combinent infiniment pour créer les différentes formes ;
mais là s’arrête leur rôle. Le point de désaccord le plus important entre
Gassendi et Épicure porte sur la notion de Providence que Gassendi avance,
alors qu’il n’y a pas de prévoyance des atomes. »
Vivre selon la nature, c’est donc tâcher d’effacer les effets pervers de la
coutume, en termes de vêtement, d’alimentation, de modes de vie, de passions,
mais encore et surtout, ces différents us étant sans importance, contempler la
nature comme création de Dieu. On observe ici une assimilation entre le sage
épicurien et l’ascète chrétien. »
« Gassendi, atomiste sur certains points, mais chrétien sur d’autres, refuse
d’admettre au nom de la foi les prémisses qu’il pose au nom de la philosophie
alors que pour la physique, il refuse au nom du réel les dogmes de la foi. La
séparation radicale des deux domaines évoque des thèmes pascaliens. » -Sylvie
559
Taussig, « Gassendi et Lucrèce dans les Lettres latines », Dix-septième siècle
3/2002 (n° 216), p. 527-543.
http://www.amazon.fr/Gassendi-Atomist-Advocate-History-
Science/dp/0521522390/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1458677652&sr=8-
1&keywords=Gassendi+the+Atomist%3A+Advocate+of+History+in+an+Age+
of+Science
http://www.amazon.fr/Vie-moeurs-dEpicure-I-
II/dp/2251799834/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1457429850&sr=8-
1&keywords=gassendi
http://www.amazon.fr/philosophie-Gassendi-Nominalisme-
Mat%C3%A9rialisme-
M%C3%A9taphysique/dp/9024750350/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1458677448
&sr=8-
1&keywords=La+philosophie+de+Gassendi.+Nominalisme%2C+mat%C3%A9
rialisme+et+m%C3%A9taphysique
http://www.amazon.fr/Gassendis-Ethics-Freedom-Mechanistic-
Universe/dp/0801429471/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1458677581&sr=8-
1&keywords=Gassendi%27s+Ethics%3A+Freedom+in+a+Mechanistic+Univers
e
https://www.amazon.fr/Espace-m%C3%A9taphysique-Gassendi-Kant-
Anthologie/dp/2705687890/ref=sr_1_13?ie=UTF8&qid=1476633412&sr=8-
13&keywords=gassendi
560
Jakob Böhme (1575-1624): http://www.amazon.fr/Confessions-Jacob-
Boehme/dp/2213009864/ref=sr_1_3?s=books&ie=UTF8&qid=1454955661&sr
=1-3&keywords=Jacob+B%C3%B6hme
http://www.amazon.fr/signature-choses-Jacob-
Boehme/dp/2246505313/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1454955661&sr
=1-1&keywords=Jacob+B%C3%B6hme
https://www.amazon.fr/Philosophie-Boehme-origines-m%C3%A9taphysique-
allemande/dp/2711604454/ref=sr_1_3?ie=UTF8&qid=1476633658&sr=8-
3&keywords=La+Philosophie+de+Jacob+Boehme
http://www.amazon.fr/disciples-anglais-boehme-xviii%C2%B0-
si%C3%A8cles/dp/B0000DTCOV/ref=sr_1_16?s=books&ie=UTF8&qid=1454
955661&sr=1-16&keywords=Jacob+B%C3%B6hme
Les Révolutions Anglaises : « C’est à une Révolution qu[e les Anglais] doivent
chaque parcelle de la Liberté civile et religieuse dont il leur est permis de jouir,
et […] c’est à une Révolution qu’ils seront finalement contraints de recourir si
tous les autres moyens légaux d’obtenir Justice leur sont déniés. » -Henry
White, Independent Whig, 27 juillet 1817.
561
modèles, non seulement quant au temps, mais aussi quant au contenu. » -Karl
Marx, La bourgeoisie et la contre-révolution, La Nouvelle Gazette Rhénane, n°
165, 10 décembre 1848.
« Les crises qui secouent l'Angleterre à partir des années 1640 transforment le
pays en un laboratoire dans lequel s'élaborent toutes sortes de théories
politiques. Rappelons en effet qu'en moins d'un demi-siècle, l'Angleterre voit la
chute de la monarchie et l'exécution du roi, l'établissement d'une république
transformée bien vite en dictature militaire, puis une restauration monarchique
qui débouchera finalement sur la première monarchie parlementaire de
l'histoire. Avec sa succession de bouleversements politiques et institutionnels,
l'Angleterre du XVIIe siècle apparaît comme un fabuleux terrain
d'expérimentation d'où surgissent les grands modes de pensée de l'époque
moderne. A cette période de l'histoire, philosophes et acteurs politiques tentent
de penser, avec une acuité particulière liée aux événements, les tensions
inhérentes à la fondation du corps politique, entre ordre et désordre, entre
guerre et paix civiles, entre diversité et unité, entre licence et contraire, entre
liberté et empire, entre passions et raison. La puissance qui est l'attribut de ce
corps est tout à la fois perçue comme contraignante, démesurée et libératrice.
1642-1688. Ces quarante années sont bornées par deux épisodes qui
marquèrent la conscience politique de l'Angleterre. L'année 1642 marque le
déclenchement des hostilités entre les partisans du roi et ceux du Parlement. En
1688 a lieu la Glorieuse Révolution ainsi nommée par l'historiographie whig
parce qu'elle accomplissait ce que la Grande Rébellion de 1642 n'avait pu
accomplir: un bouleversement politique opéré sans faire couler de sang. La
période de caractérise par une série de ruptures constitutionnelles. En 1649, au
terme de la guerre civile entre les partisans du pouvoir royal et ceux du
Parlement, on destitue puis on exécute le roi Charles Ier. Est alors instaurée
562
une forme de régime républicain: le Commonwealth. Une assemblée expurgée
que ses opposants affublent du nom de "Parlement croupion" (Rump
Parliamant) rassemble les pouvoirs législatifs et exécutifs. Bientôt, la
République se transforme en règne personnel, le Protectorat d'Olivier
Cromwell, alors que ce qui restait du Parlement est dissous. En 1660, la
monarchie est restaurée, et le fils de Charles Ier, Charles II, monte sur le trône.
Moins de trente ans plus tard, le Parlement dépose son frère, le catholique
Jacques II, soupçonné de vouloir rétablir une monarchie de type absolutiste.
Marie, la fille de Jacques II, issue de son premier mariage avec une protestante,
et son époux (et cousin), Guillaume d'Orange, lui succèdent, non sans avoir
accepté les principes d'une monarchie constitutionnelle. On qualifie ce
processus de "Glorieuse Révolution".
Les théoriciens n'eurent alors de cesse de comprendre les causes et les
mécanismes de la guerre civile anglaise, perçue comme une maladie qui s'était
emparé de tout le corps politique. Qu"ils fussent de simples observateurs comme
Thomas Hobbes ou qu'ils aient assumé des fonctions politiques, comme James
Harrington, Algernon Sidney et John Locke, ils poursuivaient un même but:
permettre à l'Angleterre de prévenir tout nouvel épisode de ce genre, et garantir
sa stabilité, sa prospérité et sa gloire. » -Myriam-Isabelle Ducrocq, Aux sources
de la démocratie anglaise: De Thomas Hobbes à John Locke, Presses
Universitaires du Septentrion, 2012.
« Jacques 1er monte sur le trône en 1603, inaugurant, après celle des Tudors, la
dynastie des Stuarts. Son fils Charles 1er lui succède en 1625. Parce que tous
deux entendent renforcer l'absolutisme, ils se heurtent au Parlement. D'autre
part, en tant que chefs de l'Eglise anglicane, ils entrent également en conflit
avec les Puritains. Les deux problèmes vont s'additionner jusqu'à créer un
insoluble conflit.
Nous savons que Jacques 1" est un roi docteur », un intellectuel. En 1599, alors
qu'il n'était encore que roi d'Ecosse, il avait écrit un traité, The Trew Law of
Pree Monarchies, où il affirmait la nécessité d'une source unique d'autorité et la
légitimité du droit de vie et de mort du roi sur les sujets. C'est lui encore qui
polémique avec les ultramontains comme Suarez pour défendre les thèses
absolutistes […] Il croit que les rois sont des personnages quasi divins, que les
opposants sont des pécheurs. Il dit à son fils Charles de se souvenir que « Dieu
a fait [de lui] un petit dieu ». Il s'adresse au Parlement sur un ton paternaliste
qui montre bien qu'il se considère comme situé au-dessus de cette institution. Il
563
fait savoir au Parlement, en 1609, que « c'est le fait de sujets séditieux de
discuter de ce qu'un roi peut faire dans la plénitude de son autorité : mais des
rois justes seront toujours disposés à dire ce qu'ils ont l'intention de faire, s'ils
ne veulent pas encourir la malédiction divine. Je serai toujours fort mécontent
de voir discuter mon pouvoir : mais je serai toujours prêt à faire apparaître la
raison de mes actes » (cité par Marx, p. 124). Jacques 1" prend comme proches
conseillers Salisbury, puis Francis Bacon, partisan de l'absolutisme (le jeune
Hobbes sera son secrétaire), puis, après 1615, Buckingham.
Son fils Charles Ier, est moins original. Il est absolutiste parce que les rois le
sont à son époque. » (p.256)
« L'agitation antianglicane, qui va bien plus loin qu'au temps d'Elisabeth, est
particulièrement nette dans les milieux des classes moyennes et de la gentry,
milieux de commerçants et de manufacturiers, gens fiers et habitués à gérer eux-
mêmes leurs affaires, qui supportent mal l'autoritarisme du gouvernement. Les
régions les plus touchées par le puritanisme sont d'ailleurs les régions de plus
grand dynamisme économique. » (p.259)
« Le roi est finalement livré à Cromwell par les Écossais dont il n'a pu payer
l'armée. Retenu prisonnier pendant deux ans, au long desquels il tente encore de
négocier, il est finalement, à la demande du Conseil des Officiers de l'armée,
jugé et, le 30 janvier 1649, exécuté. […]
565
La force appartient à l'armée, qui épure le Parlement le 6 décembre 1648 (il
avait été progressivement privé, de toute façon, dès 1642, de ses éléments les
plus royalistes, en particulier les lords temporels et spirituels ; il Y avait eu des
élections partielles en 1646 et c'est ce Parlement-Croupion., (Rump-Parliamem)
de 60 membres ayant survécu aux épurations successives qui vote le procès du
roi. » (p.261)
Olivier Cromwell est nommé Lord Protecteur. Il a alors 54 ans. Il a été député
aux Communes depuis 1628. Il est un représentant typique de la gentry
puritaine. Entre 1649 et 1653, il a réprimé très durement une révolte des
Irlandais, puis il a vaincu les derniers partisans écossais de Charles l''. Sur le
plan religieux, c'est un protestant convaincu et même mystique, acquis aux idées
millénaristes, néanmoins tolérant, très « puritain » sur le plan des mœurs qu'il
essaie de surveiller et de réformer. Il comprend et encourage le commerce, il est
partisan d'une politique extérieure vigoureuse. Tout cela lui vaut le soutien d'une
majorité du peuple anglais.
Pour obtenir du Protecteur plus de respect de leur institution - plus précisément,
un accroissement de l'autonomie de la Chambre et l'instauration d'une régularité
(triennale) des sessions - les parlementaires finissent par offrir à Cromwell le
titre royal et le droit de désigner son successeur. Pressé par ses officiers,
Cromwell doit refuser le titre de roi, mais il accepte le caractère héréditaire de la
charge de Lord Protecteur.
- Après la mort d'Olivier Cromwell en 1658, son fils Richard lui succède donc,
mais il n'a pas l'autorité de son père et doit céder la place quelques mois plus
566
tard. On assiste alors à la rivalité de deux généraux, Lambert et Monk. Ce
dernier fait finalement rappeler Charles II -le fils de Charles 1er, réfugié en
France depuis 1640 - qui fait son entrée à Londres le 29 mai 1660, restaurant la
monarchie traditionnelle. » (p.262)
« La tolérance est défendue tant par les catholiques anglais comme William
Allen et Robert Persons persécutés par les protestants, que par les puritains
persécutés par l'épiscopalisme anglican, qu'il s'agisse des presbytériens (Thomas
Cartwright), des Indépendants (Robert Browne, Henry Barrowe, Robert
Harrison), des Levellers (Walwyn, Overton), ou des baptistes (Roger Williams).
» (p.272)
http://www.amazon.fr/r%C3%A9volution-anglaise-1603-1660-Bernard-
Cottret/dp/226203639X/ref=pd_sim_14_7?ie=UTF8&dpID=51MbQ-
1ebGL&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR102%2C160_&refRID=1PYS83
VV80HEE84CHZ4G
http://www.amazon.fr/Histoire-R%C3%A9volution-dAngleterre-1625-1660-
Fran%C3%A7ois/dp/2221068149/ref=sr_1_225?ie=UTF8&qid=1459799376&s
r=8-225&keywords=r%C3%A9volution+histoire
https://www.amazon.fr/Intellectual-Origins-English-Revolution-
Revisited/dp/0199246475/ref=tmm_pap_swatch_0?_encoding=UTF8&qid=146
2565626&sr=8-4
https://www.amazon.fr/causes-r%C3%A9volution-anglaise-Lawrence-
Stone/dp/2082108023/ref=la_B00DPEYFPE_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=152
4488507&sr=1-1
https://www.amazon.fr/World-Turned-Upside-Down-
Revolution/dp/0140137327/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1471624807&sr=8-
1&keywords=Christopher+Hill%2C+The+World+Turned+Upside+Down
567
autant des « modernisateurs » que les Américains. Par modernisation de l’État,
j’entends en effet l’effort conscient et délibéré de se transformer d’une manière
profonde. Habituellement, cela inclut un effort de centralisation et de
bureaucratisation de l’autorité politique, d’amélioration technologique et
organisationnelle des forces armées, un programme pour accélérer la
croissance économique et transformer la société à l’aide de la puissance
publique, et la mise en place par l’État d’un système de collecte d’information
sur toute activité politique et sociale. Les modernisateurs utilisent presque
toujours la même rhétorique, en général plutôt associée aux épisodes
révolutionnaires, celle d’une ère nouvelle ou d’un nouveau départ, insistant sur
la rupture fondamentale opérée avec les modes de gouvernance précédents."
568
"Pour le whig John Toland, la création de la banque d’Angleterre indique
l’émergence de l’Angleterre comme puissance économique de tout premier
ordre. Selon lui, ceci ne fut possible que parce que les Anglais avaient
radicalement modifié leur politique et leur attitude vis-à-vis de leur propre
économie. La banque d’Angleterre fut la conséquence d’une révolution
antérieure en économie politique, une transformation que Toland considérait
comme centrale dans le programme des révolutionnaires de 1688-1689."
"Jacques II avait fait cause commune avec Josiah Child et sa compagnie, tant
sur le plan politique qu’idéologique. Ils étaient tous deux persuadés que le
commerce était un jeu à somme nulle, qu’un empire territorial était nécessaire,
et que l’ennemi principal de l’Angleterre était la Hollande. Ensemble, ils
obtinrent la confirmation du droit qu’avait le roi d’octroyer des monopoles
commerciaux. Tout ceci a clairement contrarié de grands secteurs de la
communauté marchande : non seulement Child avait perdu l’appui de ses
anciens alliés au sein de l’East India Company, comme Thomas Papillon ou
Samuel Barnardiston, mais la complicité qu’il entretenait avec le régime de
Jacques II lui aliéna le soutien de beaucoup d’autres marchands. Du fait de la
nature exclusive des privilèges commerciaux que Child et Jacques II
distribuaient, de nombreux marchands, ainsi que la communauté juive tout
569
entière, se trouvaient exclus du marché indien. Il n’est donc pas étonnant que
les marchands whigs se soient si spectaculairement opposés au régime de
Jacques II, qu’ils remplirent les coffres de Guillaume d’Orange en 1688. Il n’est
pas étonnant non plus que les marchands, et les marchands whigs en particulier,
aient été si prompts à soutenir financièrement le nouveau régime dès les
premiers jours de 1689.
571
anglaises. Les pétitions adressées à la Chambre des communes affluaient de
toute part, dénonçant les effets délétères des monopoles commerciaux."
"Étant donné ces différences idéologiques fortes entre whigs et tories des années
1680 et 1690, les sociologues ou politistes « néo-whig » ont tort d’imaginer un
consensus politique post-révolutionnaire qui aurait permis la création
d’institutions vouées à garantir les droits de propriétés. Il n’y eut pas de
nouvelles garanties constitutionnelles : le whig Colley Cibber avait raison de
dire que les événements de 1688-1689 ne créèrent aucuns droits ni garanties
constitutionnelles nouveaux, mais rendirent simplement effectifs ceux qui
existaient déjà en principe. En effet, concernant la sécurité du droit à la
propriété, la Déclaration des droits de 1689 n’ajoute rien aux textes promulgués
lors de l’instauration du Protectorat de Cromwell en décembre 1653 (on peut à
ce titre faire un parallèle entre l’Instrument de Gouvernement et la Déclaration
des droits, tous deux issus de la déposition d’un roi à la politique jugée
irresponsable). Ce qui distingue plutôt les deux révolutions, c’est le soutien des
whigs et des marchands à la guerre contre la France : dans les années 1650 en
effet, Cromwell n’avait pas eu l’appui de la communauté marchande pour
mener la guerre contre l’Espagne. Ce qui distingue encore les deux décennies
révolutionnaires fut aussi l’existence, à la fin du siècle, d’un parti capable
d’établir les institutions permettant de financer la guerre extérieure. La
révolution financière anglaise fut donc le produit de querelles partisanes, et non
d’un consensus politique ou d’une négociation raisonnée.
"Les whigs imposèrent leurs vues dans l’ensemble, mais sans jamais atteindre
une hégémonie complète. Les tenants de l’économie politique tory n’ont en effet
jamais disparu. En réalité, on pourrait même soutenir qu’ils regagnèrent la
main dans les années 1760 et 1770, créant les conditions d’une autre
transformation révolutionnaire des îles britanniques."
-Steve Pincus, « La Révolution anglaise de 1688 : économie politique et
transformation radicale », Revue d’histoire moderne & contemporaine, 2011/1
(n° 58-1), p. 7-52. DOI : 10.3917/rhmc.581.0007. URL :
https://www.cairn.info/revue-d-histoire-moderne-et-contemporaine-2011-1-
page-7.htm
573
« Les Levellers se recrutent parmi les petits commerçants, les artisans et les
paysans et sont nombreux parmi les soldats de l'année de Cromwell.
Les Levellers sont, comme leur nom l'indique, des « niveleurs » : ils
revendiquent l'égalité politique, mais entendue au sens d'une égalité en droits,
non d'une égalité des conditions (celle-ci sera réclamée par une de leurs
branches dissidentes, les Diggers, dont nous parlerons lorsque nous aborderons
l'histoire des doctrines socialistes). Ils pensent que tous les hommes étant fils
d'Adam, et ayant hérité de lui une nature identique, ils sont égaux et doivent
également bénéficier de la liberté et du droit de propriété. Les rangs sociaux
actuels n'ont pas de raison d'être : les nobles n'ont pas plus de droits que les
roturiers. » (p.275)
« Pour les Levellers, au contraire, dès lors que nul homme n'est censé obéir à
une loi à l'élaboration de laquelle il n'a pas participé par lui-même ou par ses
représentants, il ne peut y avoir qu'une seule Chambre représentant le peuple, et
qui sera élue selon le strict principe « un homme, une voix ». L'assemblée
représente une nation conçue comme une masse d'individus libres, et non plus
comme un ensemble organique d'ordres et d'états. […]
Le Parlement, pour les Levellers, devra être élu tous les deux ans ; on
supprimera' le système des « bourgs pourris », c'est-à-dire des circonscriptions
électorales inégales, par une réforme électorale immédiate. » (p.277)
"Pendant toute la période qui va des premières précisions données, au cours des
débats de Putney, sur la portée du suffrage envisagée, au dernier manifeste du
mouvement animé par les Niveleurs, ceux-ci n'ont cessé d'exclure
systématiquement de leurs propositions de suffrage deux catégories importantes
de citoyens: les serviteurs et les indigents." (p.183-184)
"Ne pas signaler ces restrictions, c'est donner à penser que les Niveleurs
réclamaient le suffrage universel masculin. Or cela est faux. Mentionner
quelques cas où ils excluent du suffrage serviteurs et indigents, sans poser le
problème de la cohérence de leurs revendications, c'est laisser entendre à ceux
de nos contemporains qu'une telle restriction ne saurait laisser indifférents, que
les classes exclues étaient numériquement insignifiantes. Or, ici encore, la
réalité est bien différente." (p.187)
"Les discussions qui ont eu lieu entre les Niveleurs et leurs adversaires du
Parlement ou de l'armée ont porté, apparemment ou en fait, sur quatre type de
suffrages, qui peuvent se caractériser de la manière suivante:
A. Le suffrage limité aux francs-tenanciers jouissant d'un revenu annuel d'au
moins 40 shillings et aux bourgeois des corporations urbaines. C'est le suffrage
dont Cromwell et Ireton se sont constamment faits les avocats, et que les
Niveleurs n'ont cessé d'attaquer. Nous le nommons suffrage des propriétaires
(freeholder franchise). A l'époque, il écarte du droit de vote les fermiers censiers
(copyholders) et les affermataires (leaseholders), tous les artisans, commerçants
et négociants qui ne sont ni propriétaires fonciers ni bourgeois d'une
corporation, et, enfin, tous les domestiques et tous les indigents.
575
C'est le suffrage qu'a établi Henri VI en 1430 (par le statut 8 Henri VI, c. 7) et
qui est encore en vigueur au XVIIe siècle." (p.190-191)
"Dans les années 1640, ce suffrage concerne environ 212 000 citoyens." (p.193)
"D. Le suffrage pour tous les hommes, ou plutôt pour tous ceux qui ne sont
coupables ni de délits ni de crimes. C'est celui qu'on peut, à proprement parler,
qualifier de suffrage universel masculin (manhood franchise). Il arrive aux
Niveleurs de le réclamer, en apparence tout au moins, avant et pendant les
débats de Putney. Ce suffrage concerne environ 1 170 000 citoyens, avant
déduction des criminels et des délinquants dont le nombre est difficile à
calculer." (p.196)
"Les Niveleurs veulent créer un corps électoral deux fois plus important que
celui auquel songent leurs adversaires." (p.199)
"La ligne de démarcation, que les Niveleurs tracent entre les hommes libres et
ceux qui ne le sont pas, n'est pas celle qui sépare la richesse de la pauvreté,
mais celle qui permet de distinguer entre dépendance et indépendance." (p.225)
576
"En affirmant que le droit de propriété individuel constitue un droit naturel,
antérieur à l'établissement d'un gouvernement, les Niveleurs n'ont pas recours à
un argument de circonstance […] [Il leur sert] à revendiquer les libertés civiles
et religieuses, et à exiger que l'exercice du pouvoir soit fondé sur le
consentement des gouvernés. Leur postulat fondamental est le suivant: tout
homme est naturellement propriétaire de sa propre personne.
C'est dans certains tracts d'Overton que ce postulat se trouve énoncé de la
manière la plus frappante. Dans son pamphlet du 12 octobre 1646, Une flèche
visant tous les tyrants (An Arrow against all Tyrants), où il développe une thèse
énoncée par Lilburne quelques mois auparavant, et à nouveau dans son Appel
de juillet 1647, Overton expose une théorie du droit naturel qui aura, plus tard,
un prodigieux retentissement. Il considère que les droits civils et politiques
découlent du droit naturel, qui découle lui-même de ce que tout homme est
naturellement propriétaire de sa propre personne, cette propriété de soi-même
découlant de la nature instinctive de l'homme telle que Dieu l'a créée." (pp.233-
234)
"Les droits économiques que les Niveleurs réclament se déduisent des mêmes
postulats. Dans ce domaine, l'essentiel c'est, bien entendu, le droit pour tout
individu de posséder des biens et des terres, par quoi il faut entendre aussi le
droit, pour lui, de les acquérir par le libre exercice de ses forces et de ses
facultés. La liberté d'acheter, de vendre, de produire, de commercer, sans
licence, sans monopole et sans règlements ou fiscalité arbitraires, qu'exigent les
Niveleurs n'est que le corollaire évident de ce principe." (p.240)
578
Oliver Cromwell (1599-1658): « Les soldats de Cromwell songèrent à
introduire dans l'Etat la démocratie, la souveraineté du peuple, et surtout la
notion de l'autonomie individuelle.
Le pacte populaire de 1647 demeurera à l'état de projet. » -Henry Michel, L'idée
de l'Etat: essai critique sur les théories sociales et politique en France depuis la
Révolution, Paris, Librairie Hachette et Cie, 1896, 666 pages, p.31.
http://www.amazon.fr/Cromwell-Bernard-
Cottret/dp/2213029512/ref=pd_sim_14_7?ie=UTF8&dpID=516C7FF2BZL&dp
Src=sims&preST=_AC_UL160_SR99%2C160_&refRID=19FAA6MD5AMFR
8YGRB1W
579
William Penn (1644-1718): "In 1681, Charles II granted the region between
Maryland and New York to his friend William Penn, a prominent Quaker. Penn
held the colony as a personal proprietorship, one that earned profits for his
descendants until the American Revolution. Penn saw his province as a haven
for persecuted coreligionists. Penn offered land to settlers on liberal terms,
promising religious toleration, although only Christian men could vote;
guaranteeing English liberties, and pledging to establish a representative
assembly. He also publicized the availability of land in Pennsylvania through
promotional tracts in German, French, and Dutch.
By mid-1683, more than three thousand people—among them Welsh, Irish,
Dutch, and Germans—had moved to Pennsylvania, and within five years the
population reached twelve thousand. Philadelphia, sited on the easily navigable
Delaware River, drew merchants and artisans from throughout the English-
speaking world. From mainland and Caribbean colonies alike came Quakers
who brought experience on American soil and trading connections.
Pennsylvania’s fertile lands enabled residents to export surplus flour and other
foodstuffs to the West Indies. Philadelphia rapidly acquired more than two
thousand citizens and challenged Boston’s commercial dominance.
Penn attempted to treat native peoples fairly. He learned to speak the language
of the Delawares (or Lenapes), from whom he purchased land to sell to
European settlers. Penn also established strict trade regulations and forbade the
sale of alcohol to Indians. His policies attracted native peoples who moved to
Pennsylvania in the late seventeenth century to escape clashes with English
colonists in Maryland, Virginia, and North Carolina. Ironically, however, the
same toleration that attracted Native Americans also brought non-Quaker
Europeans—Scots-Irish, Germans, and Swiss— who showed little respect for
Indian land claims and would clash repeatedly with them." (p.60)
-Mary Beth Norton, Fredrik Logevall et all, A People & A Nation. A History of
the United States, Brief Ninth Edition, Volume I: To 1877, 2012, 497 pages.
http://hydra.forumactif.org/t4993-william-penn#5955
581
"De Locke, voici [déjà chez Overton] la thèse centrale : la seule autorité
politique légitime est celle qui provient d'une délégation de pouvoir consentie
par les individus ; personne n'ayant le droit de se faire du mal, personne ne peut
non plus transmettre ce droit à autrui." -Crawford B. Macpherson, La théorie
politique de l'individualisme possessif, Gallimard, coll. Folio essais, 2004 (1962
pour la première édition anglaise), 606 pages, p.237.
http://hydra.forumactif.org/t1499-richard-overton-an-arrow-against-all-tyrants-
a-remonstrance-of-many-thousand-citizens#2157
« La vie humaine peut être comparée à une course [...] Mais nous devons
supposer que dans cette course on n'a pas d'autre but et d'autre récompense que
de devancer ses concurrents. » -Thomas Hobbes, De la Nature humaine, 1640.
« C’est à partir des éléments dont chaque chose est composée qu’on en acquiert
la meilleure connaissance. » -Thomas Hobbes, préface de 1643 à De Cive.
« En la recherche du droit de l’état & du devoir des sujets, bien qu’il ne faille
pas rompre la société civile, il la faut pourtant considérer comme si elle étoit
dissoute, c’est-à-dire, il faut bien entendre quel est le naturel des hommes,
qu’est-ce qui les rend propres ou incapables à former des cités & comment c’est
que doivent disposés ceux qui veulent s’assembler en un corps de république. »
-Thomas Hobbes, De Cive. Cité par Giorgio Agamben, exergue à Homo Sacer I.
Le pouvoir souverain et la vie nue, Éditions du Seuil, coll. « L’ordre
philosophique », février 1997 (1995 pour la première édition italienne), 216
pages.
582
« Si toutes les choses étaient au même niveau chez tous les hommes, rien
n'aurait de prix. » -Thomas Hobbes, Léviathan. Traité de la matière, de la forme
et du pouvoir de la république ecclésiastique et civile (1651).
« L’essence n’est donc pas une chose créée ou incréée, mais une dénomination
fabriquée artificiellement. » -Hobbes, Léviathan, XLVI.
« Il existe certains droits tels qu'on ne peut concevoir qu’aucun homme les ait
abandonnés ou transmis ... un homme ne peut pas se dessaisir du droit de
résister à ceux qui l'attaquent de vive force pour lui enlever la vie: car on ne
saurait concevoir qu'il vise par là quelque bien pour lui-même. » -Thomas
Hobbes, Leviathan, ch. XIV (p. 191-192 de l'édition Penguin, et p. 131-132 de
l'édition Sirey).
« Hobbes veut fonder la science morale et politique sur le modèle (la méthode)
des Éléments de géométrie d’Euclide, en commençant par énoncer des
définitions, pour en déduire des théorèmes. En même temps, étant atomiste en
physique, il transpose cette physique dans le monde humain, en postulant que
celui-ci n’est fait que d’atomes humains. L’unique réalité, c’est l’atome, dans la
nature et dans la société. Dans les deux cas, le problème est alors de construire
méthodiquement la réalité à partir de cet élément. Si c’est le clinamen qui
explique la rencontre des atomes en physique, il n’y aura pourtant pas de
clinamen social, mais son équivalent, le désir, en tant qu’il rapporte chacun à
l’autre. Le clinamen fait que les atomes s’entrechoquent, et par là s’associent au
hasard. Le désir, qui est désir de puissance, désir illimité de l’emporter sur
autrui, fait que les individus se rencontrent, ou plutôt se rapportent
nécessairement l’un à l’autre, dans un rapport dont la modalité naturelle est la
violence. C’est sans doute ce postulat individualiste qui fait que la question de
la violence est devenue première pour Hobbes, comme problème des rapports
entre atomes. Si les atomes ne peuvent se rencontrer que sur le mode du choc,
les individus ne le peuvent, dans l’état de nature, que sur le mode de la violence.
[…] Le problème est de savoir comment vaincre cette violence pour fonder la
société. Les rencontres relevant du seul désir naturel ressortissent de la violence
et ne permettent la formation d’aucune société. Il faudra l’intervention de la
raison pour que celle-ci vienne au jour. De par le postulat atomiste, le problème
de la guerre et de la paix entre individus (puis entre Etats) devient capital, et
l’Etat est compris comme passage des multiples à l’Un, à l’unité politique.
« L’homme n’est pas en société par nature, mais pas volonté, il est capable de
faire société. Par sa raison et sa volonté, il est capable de faire société. »
(p.140)
« Dans une théorie atomiste de l’Etat, l’individu est l’origine et la fin de lui-
même et de l’Etat : il veut l’Etat parce qu’il veut sauver son individualité, avec
son bonheur privé. La vie dans l’Etat est comprise comme un événement, comme
un résultat salutaire et contingent mais surtout comme constituant une perte de
liberté individuelle. Y vivre, c’est consentir à restreindre son pouvoir naturel,
son désir illimité de puissance et de domination, donc à limiter sa liberté.
L’individu s’y résout en calculant que, par cette perte, il va néanmoins « rendre
à jamais sûre la route de son désir futur » : il va pouvoir vivre en paix et en
sécurité, comme un particulier parmi ses semblables.
Dans l’état de nature n’existait que la possession, et le jus in omnia y était cause
de guerre. Pour parvenir à la paix il faut la propriété privée : que chacun
renonce à pouvoir tout posséder et se contente de pouvoir avoir des biens en
propre, limités et déterminés, en sachant reconnu par autrui et protégé par
l’Etat ce qui est sien. Il n’y a de propriété que dans et par l’Etat. » (p.145)
585
« Mon frère Thomas Hobbes. » -Carl Schmitt, Glossarium. Journal des années
1947-1951, 1991.
« L’un des plus anciens économistes de l’Angleterre, l’un des philosophes les
plus originaux. » -Karl Marx, à propos de Hobbes, Salaire, prix et plus-value
(1865), dans Œuvres, Économie, Paris, Gallimard (Pléiade), 1963, vol. I, p. 509.
« La dimension contractuelle du lien social fait que Hobbes ne pense plus l’État
comme seulement garant de l’ordre public, mais comme fondateur de ce que
l’on peut nommer un ordre contractuel. Il ne s’agit plus d’un État qui assure la
paix et l’ordre seulement pour eux-mêmes, d’une puissance publique en quelque
sorte autoréférentielle et qui se devrait de faire régner son ordre, fût-ce au prix
d’une dose plus ou moins conséquente d’arbitraire. Il s’agit non seulement de
sortir l’homme d’un état de terreur face au risque de mort violente, mais aussi,
moins tragiquement, de rendre possible la coordination entre individus, de
garantir la propriété et les contrats pour permettre l’industry ainsi que l’activité
artistique et intellectuelle, et finalement le progrès humain. »
« Faut jamais oublier que ce qu'on appelle le Léviathan chez Hobbes n'est que
la contrepartie du Béhémoth. Le Béhémoth c'est le monstre terrestre de la
division interne. De la guerre entre frères. » -Pierre-Yves Rougeyron,
Conférence Stasis - Penser le chaos.
588
"La doctrine de Hobbes est la première à réclamer clairement et nécessairement
une société complètement "affranchie", c'est-à-dire areligieuse ou athée, pour
résoudre le problème politique ou social." (p.178)
« Comme l'a souligné Leo Strauss, Hobbes était parfaitement conscient que
l'état de nature ne devait pas être nécessairement considéré comme une époque
réelle, mais plutôt comme un principe interne à l'Etat qui se révèle au moment
où on le considère "comme s'il était dissous". » -Giorgio Agamben, Homo Sacer
I. Le pouvoir souverain et la vie nue, Éditions du Seuil, coll. « L’ordre
philosophique », février 1997 (1995 pour la première édition italienne), 216
pages, p.44-45.
« Hobbes est […] avant la lettre pour une dictature et un Etat totalitaire. »
(p.58) -Jacques Mantoy, Précis d'histoire de la philosophie, Paris, Éditions de
l'École, 1965, 124 pages.
« Il avait fallu trois siècles pour que Hobbes, ce grand adorateur du Succès,
puisse enfin triompher. La Révolution française en avait été pour une part
589
responsable, qui, avec sa conception de l'homme comme législateur et comme
citoyen, avait failli réussir à empêcher la bourgeoisie de développer pleinement
sa notion de l'histoire comme processus nécessaire. Cela résultait également des
implications révolutionnaires de la République, de sa rupture farouche avec la
tradition occidentale, que Hobbes n'avait pas manqué de souligner. Tout
homme, toute pensée qui n'œuvrent ni ne se conforment au but ultime d'une
machine, dont le seul but est la génération et l'accumulation du pouvoir, sont
dangereusement gênants. Hobbes estimait que les livres des "Grecs et des
Romains de l'Antiquité" étaient aussi "nuisibles" que l'enseignement chrétien
d'un "Summum bonum [...] tel qu'[il] est dit dans les Livres des anciens
Moralistes", ou que la doctrine du "quoi qu'un homme fasse contre sa
Conscience est Péché", ou que "Les Lois sont les Règles du Juste et de l'Injuste".
La profonde méfiance de Hobbes à l'égard de toute la tradition de la pensée
politique occidentale ne nous surprendra pas si nous nous souvenons seulement
qu'il souhaitait ni plus ni moins la justification de la Tyrannie, qui, pour s'être
exercée à plusieurs reprises au cours de l'histoire de l'Occident, n'a jamais
cependant connu les honneurs d'un fondement philosophique. Hobbes est fier de
reconnaître que le Léviathan se résume en fin de compte à un gouvernement
permanent de la tyrannie: "le nom de Tyrannie ne signifie pas autre chose que le
nom de Souveraineté..." ; "pour moi, tolérer une haine déclarée de la Tyrannie,
c'est tolérer la haine de la République en général..."
590
"Le penseur qui a le plus contribué à détruire la thèse d'une communauté ou
d'une sociabilité originaires de l'espèce humaine est aussi celui qui a fait de la
représentation l'élément constitutif de l'unité politique. [...] Hobbes est le
penseur d'une tristesse universelle puisque c'est à une passion triste (la peur de
la mort violente) qu'il délègue le soin de contraindre les hommes à s'unir sous
des lois et sous un commandement communs. L'identification de l'état de nature
à un état de guerre généralisé ruine totalement le principe des consolations
classiques fondées sur l'ordre naturel comme lieu d'une appartenance pacifique.
[...]
Le génie de Hobbes est d'élargir cette "destruction" de la nature comme norme
morale à l'idée de communauté. L'être-ensemble n'est rien de donné, c'est-à-dire
rien à quoi l'on puisse se référer comme à une évidence pour consoler des
tourments de la vie. Le monde d'avant la politique est un lieu de désolation."
(p.200-201)
591
« Hobbes mena l'idée de Bacon de "l'homme interprète de la nature" jusqu'à sa
conclusion logique, le matérialisme athée. Et il mena la réfutation de l'idée
d'une sanction divine des gouvernements jusqu'à sa conclusion logique, c'est-à-
dire la thèse que l'autorité de l'Etat se fonde sur la possession des moyens
matériels de coercition. » -Maurice Cornforth, L'idéologie anglaise. De
l'empirisme au positivisme logique, Éditions Delga, 2010 (traduction de la
première partie de Marxism and the Linguistic Philosophy, 1965 pour la
première édition anglaise), 221 pages, p.34.
"[Pour Hobbes] le seul critère de la valeur d'une chose est son prix sur le
marché." (p.112)
"Parmi toutes les raisons qu'il avance, dans Behemoth, pour expliquer
l'abandon du roi et le début de la Guerre civile, on trouve celle-ci: le "peuple en
général" (par quoi il entend les gens qui possèdent au moins quelque chose, car
"parmi les gens du commun, bien peu se souciaient des parties en présence:
l'appât du gain ou de la rapine eût suffi à les faire presque tous passer dans
n'importe quel camp") s'est mis à croire que tout individu "était tellement maître
de ce qu'il pouvait posséder, qu'on n'avait pas le droit de l'en déposséder sans
son consentement, même sous prétexte de sécurité publique". Hobbes saisit très
bien que cette croyance est totalement étrangère à la conception féodale de la
propriété qui prévalait naguère ; s'il la rend responsable de la Guerre civile,
c'est qu'elle s'est tellement répandue qu'on peut légitimement lui attribuer une
influence décisive dans les troubles de l'époque. Il fait aussi remarquer que,
pour ces hommes attachés à cette nouveauté que constitue la notion d'un droit
inconditionnel de propriété individuelle, les ordres anciens ne sont que des
moyens qu'ils utilisent pour favoriser leurs nouveaux desseins: "Le titre de Roi,
pensaient-ils, n'était que l'honneur le plus élevé, et ceux de gentilhomme,
chevalier, baron, comte et duc, qu'autant de degrés permettant de s'y élever avec
l'aide de la richesse".
Hobbes attribue la Guerre civile à la force nouvelle que manifestent la morale
du marché et la richesse née du marché. Cette guerre lui paraît être une
tentative pour détruire l'ancienne constitution et la remplacer par une nouvelle
qui soit plus favorable aux nouveaux intérêts qui s'affrontent sur le marché. Les
592
ennemis du roi, dit-il, "qui prétendaient réclamer l'allègement des impôts pour
le peuple, et tant d'autres mesures spécieuses, tenaient les cordons de la bourse
de la cité de Londres, et la plupart des autres cités et municipalités d'Angleterre,
et, en outre, celle de maints particuliers".
Le peuple, quant à lui, est entraîné dans le mouvement sous l'effet des nouvelles
doctrines religieuses (dont l'une des plus importantes, la presbytérienne, fut bien
accueillie pour la raison, entre autres, qu'elle "ne fulminait pas contre les vices
lucratifs des commerçants et des artisans […] au grand soulagement de
l'ensemble des citoyens et des habitants des bougs") et de sa croyance nouvelle
au droit inconditionnel de propriété. Que le peuple ait été séduit de la sorte, que
les marchands aient disposé de l'argent nécessaire à l'entretien d'une armée, ce
sont là, pour Hobbes, deux considérations qui suffisent à expliquer la Guerre
civile." (p.114-116)
"Hobbes postule une double égalité entre les hommes: l'égalité des capacités et
un espoir égal pour tous de satisfaire leurs besoins. D'où une égalité des droits
redoublée. La première égalité, Hobbes considère que l'expérience et
l'observation suffisent à la prouver. Certes, les aptitudes respectives des
hommes ne sont pas tout à fait égales, mais elles le sont en ce sens que l'homme
le plus faible peut aisément tuer l'homme le plus fort, ce qui implique l'égalité
morale de tous les hommes." (p.129)
"Hobbes est le premier penseur qui ait été capable de se passer de postulats
théologiques ou téléologiques." (p.152)
"S'il a aussi bien saisi que nous le prétendons les rapports essentiels qui
caractérisent la société de son temps, et s'il en a tiré toutes les conséquences
logiques, comment se fait-il que ses conclusions n'aient pas même été acceptées
par les hommes de la classe ascendante au milieu du XVIIe siècle et, plus tard,
par tous ceux qui se sont réjouis de la généralisation, dans la société anglaise,
des rapports fondés sur le marché ? Le fait qu'au XVIIe siècle ni les royalistes,
593
ni les parlementaires, ni les tenants de la tradition, ni les républicains radicaux,
ni les Whigs ni les Tories n'ont réussi à diriger ses théories. Parmi ses critiques
les plus acharnés, nombreux sont ceux qui rejettent tout à la fois ses prémisses
et ses conclusions. Mais même ceux qui, à peu de chose près, souscrivent à son
analyse de la nature humaine et tiennent, comme lui, la société pour un marché
-au nombre desquels il faut ranger Harrington et même Locke- repoussent ses
conclusions en ce qu'elles ont d'extrême." (p.157)
"Le cas du pouvoir absolu hobbien est tout différent. Ce n'est plus un être tout-
puissant qui donne l'existence, et le sens de son existence au pouvoir absolu qui
le représente, ce sont au contraire des êtres impuissants qui le créent pour
remédier précisément à leur faiblesse. Le pouvoir absolu n'est plus
594
"représentant" de Dieu, mais "représentant" des hommes ; sa "transcendance"
n'a plus origine dans la force de Dieu mais dans la faiblesse de l'homme." (p.72-
73)
"La règle d'or est celle-ci: que chacun considère comme le meilleur régime celui
sous lequel il vit ; ou mieux, qu'il ne se pose même pas cette question oiseuse, et
qu'il obéisse en toute candeur de conscience à tout ce que lui ordonne le
souverain." (p.75)
"Pour Locke et Rousseau, l'ennemi principal, celui contre lequel d'abord ils
construisent leur doctrine politique, n'est plus le pouvoir politique de la
religion, mais un phénomène qui semble strictement politique, à savoir
l'absolutisme, et même, dans le cas de Rousseau, outre l'absolutisme, une réalité
à la fois sociale, politique et morale: l'inégalité. Locke et Rousseau paraissent
bien se tourner contre Hobbes. Il faut bien comprendre le sens de leur
opposition.
Qu'ils critiquent Hobbes pour avoir donné des arguments à l'absolutisme ne
signifie pas qu'ils ne partagent pas l'intention qui a conduit Hobbes à construire
son Léviathan. Simplement ils constatent que l'absolutisme réel, effectif, au lieu
d'accomplir l'intention de Hobbes, l'entrave décisivement, puisque c'est par
l'absolutisme, par son influence sur l'absolutisme et par la protection que ce
dernier lui accorde, que la religion conserve ce qu'elle conserve de pouvoir
politique. Ils critiquent donc la doctrine de Hobbes pour mieux accomplir son
intention." (p.87)
-Pierre Manent, Histoire intellectuelle du libéralisme, Fayard/Pluriel, 2012
(1987 pour la première édition), 250 pages.
« Autrefois la force physique était un titre pour être admis parmi les aristoi.
Mais depuis que l’invention de la poudre a armé le plus faible, aussi bien que le
plus robuste, des mêmes moyens d’envoyer la mort, la force corporelle n’est
plus qu’un moyen auxiliaire de se distinguer, comme la beauté, la bonne
humeur, la politesse, et d’autres mérites secondaires. » -Thomas Jefferson, lettre
du 28 octobre 1813 à John Adams.
« [Les individus acceptent l'autorité du Léviathan] parce qu'il est censé protéger
leurs vies ; évidemment [...] le Léviathan ne s'aurait [donc] réclamer d'eux
596
qu'ils la sacrifient à quelque cause que ce soit. » -Olivier Rey, "L'idolâtrie de la
vie", conférence au Cercle Aristote, 8 novembre 2020.
http://www.amazon.fr/Hobbes-Biography-A-P-
Martinich/dp/0521039347/ref=pd_sim_14_5?ie=UTF8&dpID=41hg3mGaXoL
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C8EGNS48TN
https://www.amazon.fr/Hobbes-Vies-philosophe-Jean-
Terrel/dp/2753506760?ie=UTF8&ref_=asap_bc
https://www.amazon.fr/El%C3%A9ments-loi-Thomas-
Hobbes/dp/2844851940/ref=pd_sim_sbs_14_1?ie=UTF8&dpID=318GQRTK5E
L&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR103%2C160_&refRID=ZA359JDZ0X
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politique/dp/2711621146/ref=pd_sim_sbs_14_2?ie=UTF8&dpID=41gNU7pmb
WL&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR100%2C160_&refRID=0EGKKDF
A0E0HV71W02H7
https://www.amazon.fr/gp/product/2070752259/ref=pd_sim_14_22?ie=UTF8&
psc=1&refRID=8XJENKSWZ98TTQV55AB3
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RR4L&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR100%2C160_&refRID=0EGKKD
FA0E0HV71W02H7
http://www.amazon.fr/Questions-concernant-n%C3%A9cessit%C3%A9-
controverse-
compl%C3%A8tes/dp/2711621243/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1450273017&sr
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politique/dp/213042791X/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1447163721&sr
=1-
1&keywords=Thomas+Hobbes%2C+philosophie+premi%C3%A8re%2C+th%C
3%A9orie+de+la+science+et+politique
597
https://www.amazon.fr/vocabulaire-Hobbes-Jean-
Terrel/dp/2729817204?ie=UTF8&ref_=asap_bc
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Skinner/dp/2226187103/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1466193383&sr=
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Hobbes-
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2&keywords=nicolas+dubos%2C+hobbes
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Hobbes-
Machiavel/dp/2812450290/ref=sr_1_3?ie=UTF8&qid=1475867354&sr=8-
3&keywords=Gianfranco+borrelli
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Politique/dp/2841743861/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1473774303&sr=8-
1&keywords=Anne+Herla%2C+Hobbes+ou+le+d%C3%A9clin
598
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1&keywords=eric+marquer%2C+l%C3%A9viathan+et+la+loi+des+marchands
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5&keywords=oakeshott
http://www.amazon.fr/Hobbes-toute-puissance-Dieu-Luc-
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classique/dp/2859447741/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1450272762&sr=8-
1&keywords=nicolas+dubos%2C+hobbes
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Berthier/dp/2373610426/ref=sr_1_8?s=books&ie=UTF8&qid=1466453277&sr
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lectures/dp/2867814812/ref=sr_1_3?s=books&ie=UTF8&qid=1466453882&sr=
1-3
http://www.amazon.fr/Hobbes-France-XVIIIe-si%C3%A8cle-
Glaziou/dp/2130449611/ref=sr_1_9?ie=UTF8&qid=1450272967&sr=8-
9&keywords=hobbes%2C+questions
http://www.amazon.fr/Hobbes-materialisme-politique-Jean-
Terrel/dp/2711611973/ref=sr_1_83?ie=UTF8&qid=1457386524&sr=8-
83&keywords=mat%C3%A9rialisme
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politique/dp/2707122734/ref=sr_1_5?ie=UTF8&qid=1477311374&sr=8-
5&keywords=Robert+Boyle
Le livre de Sidney, qui réfute Filmer page par page, réaffirme le droit de
résistance à l'oppression et la légitimité du tyrannicide. Il manifeste un
attachement profond aux modèles républicains antiques : « Tout ce qui fut
jamais désirable ou digne de louange et d'imitation dans Rome venait de sa
liberté. » Sidney reprend les idées déjà traditionnelles des républicains, à savoir
que « tous les p'euples ont un droit naturel à se gouverner eux-mêmes ; qu'ils
peuvent choisir leurs dirigeants ; que le gouvernement dérive son pouvoir du
peuple, existe pour la sauvegarde et le bien-être de celui-ci et peut en être tenu
pour responsable » (Sabine). Sidney insiste, comme Milton ou Harrington, sur
la supériorité du système des élection. Il pense que l'élection révèle les
supériorités naturelles des best men, et il soutient que les cours sont a contrario
emplies d'hommes dépravés qui n'ont atteint le degré de pouvoir où on les voit
que par la faveur des princes et par l'intrigue.
Sidney, héros et martyr du parti whig, aura une image de légende au long du
XVIIIe siècle, et ses oeuvres, plus accessibles que celles de Harrington,
exerceront une grande influence. » (p.302)
http://www.amazon.fr/Lesprit-republicain-naturels-civique-
Algernon/dp/2812403446/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1450387900&sr=8-
1&keywords=Christopher+Hamel%2C+L%E2%80%99esprit+r%C3%A9public
ain
http://www.amazon.co.uk/The-Porcupine-Life-Algernon-Sidney/dp/0719546842
600
Francis Osborne: « Francis Osborne s’accorde à dire que tous les princes sont
des « monstres au pouvoir » et « généralement mauvais » ; même la Reine
Élisabeth était un tyran. […] « Ce qui me stupéfia le plus fut de voir ceux de cet
âge héroïque et instruit, non seulement ne pas s’élever vers des pensées de
liberté, mais au lieu de cela retourner stupidement leurs esprits et leurs épées
contre eux-mêmes pour soutenir ceux dont ils sont les esclaves. » -Quentin
Skinner, La liberté avant le libéralisme, Seuil, coll. Liber, 2000 (1998 pour la
première édition anglaise), 131 pages, p.40.
« Lorsque parmi plusieurs frères l’ainé n’a qu’une portion égale à celle des
autres, ou au moins si peu inégale que cette différence n’oblige pas les autres à
avoir besoin de lui pour subsister, une telle famille existe comme si elle formait
une république. » (Chapitre II, principe 6).
« Ce ne sont point Hippocrate ni Machiavel qui ont introduit les maladies, l’un
dans le corps humain, l’autre dans le gouvernement : elles existaient avant eux ;
mais lorsqu’on voit qu’ils ne font que les découvrir, on est forcé de convenir que
tout ce qu’ils ont fait ne tend pas à les augmenter, mais à les guérir ; ce qui est
le véritable but de ces deux auteurs. » (Chapitre X, De l’administration du
Gouvernement, ou de la raison d’Etat, principe 22)
« Les Vénitiens ayant mis à mort plusieurs de leurs ducs pour leur tyrannie, et
s’étant assemblés en si grand nombre qu’ils étaient incapables de débats
réguliers, érigèrent au-dessus d’eux trente gentilshommes qui furent appelés
pregadi, de ce qu’on les priait de se retirer à part pour débattre entre eux de ce
qu’exigeait la république, et proposer ensuite à l’assemblée générale ce qu’ils
601
estimaient convenable ; c’est la première origine du sénat de Venise. On appelle
encore ceux-ci pregadi, et celle-là le grand conseil, c’est-à-dire le sénat et
l’assemblée populaire de Venise : et de tous deux sortit cet ordre de république
admirable dans toutes ses parties. » (Chapitre dernier, principe 79)
« James Harrington, auteur qui est sans doute le plus original et le plus influent
de tous les traités anglais sur les Etats libres. » (p.21)
-Quentin Skinner, La liberté avant le libéralisme, Seuil, coll. Liber, 2000 (1998
pour la première édition anglaise), 131 pages.
« Né en 1611, Harririgton est issu de la gentry. Il fait des études à Oxford et,
brièvement, au Middle Temple. Il voyage ensuite aux Provinces-Unies, puis,
semble-t-il, au Danemark, en Allemagne, en France et en Italie. Les années
suivantes sont mal connues. Mais il semble qu'il ait été, à partir de fin 1646,
gentilhomme attaché à la maison de Charles 1er, auquel l'aurait lié une certaine
sympathie, cette situation durant jusqu'au début 1649. L'Oeéana, peut-être
commencée avant la mort de Charles 1er, est publiée en 1656, au moment où,
parmi certains officiers, une vive opposition à Cromwell, soupçonné de vouloir
instaurer une tyrannie, se fait jour, inspirée soit par le républicanisme, soit par
l'apocalyptisme des hommes de la Cinquième Monarchie. Harrington écrit
ensuite The Prerogative of Popular Govemment (1657), The Art of Lawgiving
(1659), A System of Polities (1661). Harrington est brièvement emprisonné lors
de la Restauration. Il meurt en 1677. » (p.291)
602
Moyle, Trenchard, Toland [The Militia Riformed, 1698] et Fletcher [Discourses
concerning Militias, 1697]). Pourquoi l'Angleterre conserve-t-elle une armée
alors qu'a été conclue la paix de Ryswick avec la France ? Les armées
permanentes coûtent cher, justifient une fiscalité élevée et agmentent le pouvoir
royal. Ces « soldats mercenaires » sont à l'opposé de l'armée populaire de
conscrits voulue par les républicains. » (p.303)
« Hobbes avait fuit dès 1640 pour éviter de la connaître [la guerre civile].
Harrington, en revanche, a vécu toute la période au cœur du débat, collectant
des fonds pour l’armée parlementaire, puis servant le roi comme
gentilhomme de compagnie. Le retour de Hobbes au moment de la publication
de Leviathan lui valut bien des critiques et des sarcasmes, voire des menaces de
mort, mais c’est à partir de là qu’on peut comparer le contexte de son œuvre
tardive à celui de Harrington, car les deux hommes vivaient dans l’Angleterre
du Commonwealth et du Protectorat, un moment d’ébullition théorique et
d’expérimentation constitutionnelle.
Oceana était une utopie, par sa forme littéraire. Les noms de personnes
et de lieux y étaient fictifs, renvoyant pourtant de façon transparente à
604
l’histoire européenne, les institutions étaient parées de noms astronomiques,
mais aussi de noms issus de l’Antiquité ou des institutions locales anglaises
traditionnelles. Harrington y défend les principes de liberté du peuple, de
croissance du corps civique de la république, de perpétuité de la constitution et
de répartition des terres. Pour lui, la république est là pour garantir et
épanouir la liberté des citoyens et non pour la brider.
Mais au terme de polémiques dans lesquelles on ne peut guère dire qu’il ait
brillé, comme dans The Prerogative of Popular Government, tout en
s’essayant à une satire dialoguée, Politicaster,et à un dialogue,Valerius and
Publicola, il passe graduellement à un mode aphoristique d’écriture
philosophique.
L’utopie n’a pas convaincu, les traités polémiques l’ont ridiculisé, donc il
lui faut construire des séquences logiques. Aphorisms Political sort en deux
éditions en 1659, et on trouve le manuscrit de A System of Politics dans ses
papiers lors de son arrestation en décembre 1661, un an et demi après la
Restauration de la monarchie. » (p.27-28)
« On peut maintenir le rapprochement avec Locke si l’on s’en tient à l’idée d’un
droit de révolte contre le tyran. » (p.31)
"Si la gentry monte, c'est donc bien parce qu'elle remplit le vide politique créé
par le déclin de la noblesse." (pp.288-289)
"Voyez ce qu'il dit de l'Irlande. Les Anglais l'ont colonisée ? Très bien. Son seul
regret, c'est qu'elle ne fournisse pas à l'Angleterre le revenu que celle-ci
pourrait en espérer. Il propose donc un plan de repeuplement de l'Irlande,
l'implantation dans ce pays d'un peuple plus industrieux, plus entreprenant que
les autochtones. En l'occurrence, les Juifs lui semblent tout à fait propres à en
améliorer l'agriculture et le commerce. Son plan doit permettre à l'Irlande de
produire chaque année quatre millions de livres sterling de "rentes sèches",
c'est-à-dire de bénéfices nets, déductions faites des salaires payés par les
entreprises et des profits réalisés par elles. De ces bénéfices (à quoi il ajoute des
droits de douane destinés à l'entretien d'une armée locale), il propose
généreusement que l'Angleterre touche la moitié comme tribut. L'originalité de
son plan réside en ce qu'il implique la concession des terres conquises à un tiers
en échange d'un tribut annuel. Harrington justifie cette curieuse mesure par une
théorie du climat irlandais: celui-ci produirait une langueur particulière qui
rendrait les Irlandais irrémédiablement paresseux, mais amollirait également
les Anglais établis en Irlande. A maux exceptionnels, remèdes exceptionnels:
606
c'est la seule mesure qui permette à l'Angleterre d'espérer tirer de l'Irlande des
ressources raisonnables." (pp.299-301)
« Même si l'on laissait souiller sur la terre tous les vents des doctrines
contraires (Eph 4, 14), dès lors que la vérité aussi se trouve parmi elles, on
aurait grand tort de permettre et d'interdire, car cela reviendrait à jeter un
doute sur la force propre de la vérité. Laissez-la s'empoigner avec l'erreur. Qui
a jamais vu la vérité avoir le dessous dans une controverse libre et ouverte ?
Réfutèr librement l'erreur est le plus sûr moyen de la détruire [...]. Lorsqu'un
homme a creusé la profonde mine des connaissances humaines, lorsqu'il en a
extrait les découvertes qu'il veut mettre au grand jour, il arme ses
raisonnements pour leur défense ; il éclaircit et discute les objections. Ensuite, il
appelle son adversaire dans la plaine, et lui offre l'avantage du lieu, du vent et
du soleil. Car se cacher, tendre des embûches, s'établir sur le pont étroit de la
censure, où l'agresseur est nécessairement obligé de passer, quoique toutes ces
précautions puissent s'accorder avec la valeur militaire, c'est toujours un signe
de faiblesse et de couardise dans la guerre de la vérité. »
« John Milton naît en 1608. Il fait ses études à Cambridge. Dès 1637, il publie
un texte littéraire où il critique'l'Eglise anglicane. Il voyage en Italie, où il
rencontre Galilée. Au début de la Révolution, il soutient les presbytériens, avec
607
lesquels il rompt ensuite pour se rapprocher des Indépendants. En 1644, il écrit,
contre la censure exercée par les presbytériens, l'Areopagitica (ce qui n'est pas
sans rapports avec le fait que son livre en faveur du divorce n'a pas été
autorisé).
« Je veux toutefois porter mon attention sur ceux qui s’attachent aux idées néo-
romaines après le régicide de 1649 et la proclamation officielle de l’Angleterre
comme « Commonwealth et Etat libre ». Nous décelons la présence de la théorie
néo-romaine au cœur de la propagande commandée par le nouveau
gouvernement pour sa propre défense. Marchamont Nedham, directeur du
journal officiel Mercurius Politicus, publie une série d’éditoriaux entre
septembre 1651 et août 1652 avec pour intention expresse d’apprendre à ses
concitoyens ce qu’être « installé dans un Etat de liberté » veut dire. Les
éditoriaux de Nedham sont autorisés et supervisés par John Milton, qui a été
nommé au secrétariat du Conseil d’Etat nouvellement crée en mars 1649. On
demande également à Milton de placer son éloquence au service du nouveau
régime, et il s’inspire largement des idées classiques sur la liberté dans les
tracts qu’il publie pour défendre le commonwealth entre 1649 et 1651, en
particulier dans la seconde édition de son Eikonoklastes en 1650. » (p.20)
« Les espoirs immédiats des républicains anglais expirent dans un dernier élan
d’éloquence lorsque John Milton publie The Readie and Easie Way to Establish
a Free Commonwealth, dont la seconde édition paraît en avril 1660, alors que
les préparatifs pour fêter le retour de Charles II battent déjà leur plein. » (p.21)
« Milton reconnaît que, pour être reconnu comme peuple libre, nous ne devons
nous soumettre qu’à « des lois que nous choisirons nous-mêmes ». » (p.28)
609
-Quentin Skinner, La liberté avant le libéralisme, Seuil, coll. Liber, 2000 (1998
pour la première édition anglaise), 131 pages.
-Pierre Manent, Les Libéraux, Gallimard, coll. Tel, 2001 (1986 pour la première
édition), 891 pages.
https://www.amazon.fr/John-Milton-Life-Work-
Thought/dp/0199591032/ref=tmm_pap_swatch_0?_encoding=UTF8&qid=1576
852791&sr=1-1
John Selden (1584-1654): "The chief of learned men reputed in this land." –
John Milton, Aeropagitica ou Discours pour la liberté d’imprimer sans
autorisation ni censure, 1644.
« Il s'agissait d'établir le droit égal que chacun a à sa liberté, et qui fait que
personne n'est sujet à la volonté ou à l'autorité d'un autre homme. »
« Le travail, qui est mien, mettant ces choses hors de l'état commun où elles
étaient, les a fixées et me les a appropriées. »
« La suprême puissance n'a point le droit de se saisir d'aucune partie des biens
propres d'un particulier, sans son consentement. »
« La raison […] enseigne à tous les hommes, s'ils veulent bien la consulter,
qu'étant tous égaux et indépendants, nul ne doit nuire à un autre, par rapport à
sa vie, à sa santé, à sa liberté, à son bien. » -John Locke, Traité du
gouvernement civil (1690).
611
La première question qu’il faut considérer, c’est si l’on peut régler par une loi
le prix à payer pour le loyer de la monnaie. Et l’on peut, je pense, dire que
d’une façon générale la chose est manifestement impossible. » (p.5)
« Il ne serait guère plus raisonnable d’espérer fixer par une loi le prix du loyer
des maisons, ou des navires, que celui de la monnaie. » (p.15)
« Les intérêts des particuliers ne devraient pas être ainsi négligés, ou sacrifiés à
quoi que ce soit, sinon lorsqu’il est manifeste que c’est pour l’intérêt général. »
(p.17)
« On peut raisonnablement penser que lorsque le risque est élevé pour un gain
très bas (comme c’est le cas en Angleterre, lorsqu’il s’agit de prêter à un faible
intérêt), nombreux sont ceux qui préfèreront garder leur monnaie plutôt que de
la risquer hors de chez eux dans ces conditions. » (p.17)
« L’or et l’argent ne servent guère aux commodités de la vie ; ils sont cependant
nécessaires pour les obtenir, et c’est donc dans leur abondance que réside la
richesse. » (p.17)
« Pour un pays dépourvu de mines, il n’y a que deux façons de s’enrichir, qui
sont la conquête ou le commerce. Les Romains par la première se rendirent
maîtres des richesses du monde ; mais je pense que dans notre situation présente,
612
nul n’a la vanité de croire que nos épées nous rendront maîtres des richesses du
monde, et que nous pourrons grâce aux dépouilles et au tribut des nations
vaincues subvenir aux dépenses du gouvernement, avec encore un surplus pour
les besoins des gens, et aussi pour le luxe avide et les modes vaines.
Le commerce est par conséquent la seule voie qu’il nous reste, qu’il s’agisse de
richesse ou de subsistance ; et les avantages que nous donne notre situation,
s’ajoutant à l’activité et à l’inclination de notre peuple de marins habiles et
hardis, nous y poussent naturellement. C’est de là que l’Angleterre a jusqu’à
présent tiré ses ressources ; le commerce, sans presque rien d’autre que les
avantages naturels évoqués plus haut, nous a apporté l’abondance et la richesse
et a mis ce royaume au même niveau que les nations voisines, sinon au-dessus.
Les choses se seraient sans doute poursuivies de la sorte si les progrès de la
navigation, et l’intérêt pour un commerce plus large et mieux compris, ne nous
avaient donné de nombreux rivaux. Certains règnes passés suscitèrent aussi, par
une politique étonnante, de nombreux concurrents à notre maîtrise des mers ; ces
derniers n’hésiteront pas à s’emparer pour leur compte de chaque portion du
commerce que notre mauvaise administration, ou notre manque de monnaie,
laisseront échapper ; et une fois perdu, il sera vain d’espérer s’en ressaisir
aisément par des soins tardifs. […]
« Si nous dépensons plus que nous ne pouvons payer avec le fruit de nos
récoltes et le produit de nos manufactures, cela nous conduit à la pauvreté, et la
pauvreté à l’emprunt. » (p.25)
« Les hommes ont en effet convenu de donner à l’or et à l’argent, pour ce qu’ils
étaient durables, rares et peu sujets à être contrefaits, une valeur imaginaire, et
ils servent aussi par le consentement général pour les gages ordinaires, en
échange desquels on est assuré de recevoir des objets de même valeur que les
objets que l’on a donnés contre une certaine quantité de ces métaux. » (p.35)
613
« Nulle loi ne peut donner aux effets la valeur intrinsèque que le consentement
universel des hommes attache à l’argent et à l’or. » (p.37)
« Je me conterai d’affirmer avec certitude que l’intérêt de chaque pays est que
toute la monnaie qui y cours soit faite d’un seul et même métal ; que les diverses
espèces soient faites du même alliage, mais aucune des mélange plus vil ; et
qu’une fois le titre et le poids arrêtés, ils demeurent fixes et immuables en toute
perpétuité. Car chaque fois qu’on les altère, quelle que soit la raison avancée, le
public ne peut qu’y perdre. » -John Locke, Écrits monétaires [Several papers
relating to money, interest and trade], 1696. Dans la traduction française par
Florence Briozzo, Paris, Classique Garnier, 2011, 379 pages.
614
« Le secrétaire d’Etat prête la plus grande attention aux propos de l’homme qui
lui fait face et qui lui confesse avoir pris part à un complot ayant pour but
d’assassiner le roi. Il lui décrit aussi les activités de plusieurs autres individus
qui projettent de déclencher une insurrection dans toute l’Angleterre. Dans les
heures qui suivent ces aveux, John Locke s’enfuit précipitamment de Londres,
emportant avec lui le manuscrit inachevé des Deux traités du gouvernement. Ce
sont alors six années de clandestinité, pendant lesquelles il mènera l’existence
d’un réfugié politique en Hollande, qui attendait l’auteur d’un des classiques de
la littérature politique occidentale. Dans ce livre, je me propose de mettre à jour
quelques-uns des liens qui unissent ces deux événements et de montrer
l’importance de ces liens pour notre compréhension de la théorie politique de
Locke en général et des Deux traités du gouvernement en particulier. » (p.1)
« Selon moi, une théorie politique est un ensemble de structures signifiantes qui
ne sont compréhensibles qu’à condition d’être rapportées à un contexte
spécifique, à l’intérieur duquel les concepts, la terminologie et jusqu’à la
structure interne de la théorie elle-même sont envisagés dans leur rapport à un
ordonnancement global des éléments constitutifs de la vie sociale. » (p.3)
« En tant que parti politique, les Whigs se définissaient comme les adversaires
idéologiques de l’absolutisme monarchique et comme les défenseurs de
l’expansion commerciale et des intérêts marchands de l’Angleterre. Ce qu’ils ne
percevaient pas, et qui par suite ne faisait pas partie de leur conscience
politique, c’était la relation causale qui existait entre la croissance de l’activité
commerciale et celle de l’absolutisme de Charles II. Le revenu douanier que
percevait le roi augmentait au fur et à mesure que le commerce anglais
prospérait, et cette croissance de son revenu tendait à le libérer de sa
dépendance vis-à-vis des sommes d’argent qui lui étaient accordées par
décision du parlement. Pourtant, ce n’est que lorsque Jacques II s’est emparé
615
avec précipitation de cette source de revenu après la mort de son frère que le
lien entre l’absolutisme et le revenu douanier commença d’apparaître à la
conscience politique des Whigs. […] Les Whigs constataient une disposition
croissante de la part de Charles à se passer du parlement, tendance qu’ils
expliquaient par ce qu’ils soupçonnaient être des négociations financières
secrètes avec Louis XIV. Leurs soupçons étaient fondés, mais nous savons
maintenant que les sommes d’argent données à Charles II par le roi de France
ne permettaient pas du tout de le libérer de sa dépendance vis-à-vis du
parlement. » (p.13)
« En 1670, par une morne journée de décembre, une petite troupe d’hommes
apposent leurs signatures à un document qui va lancer l’Angleterre dans une
aventure périlleuse. Ils viennent de conclure un traité d’alliance entre
l’Angleterre et la France, mais les apparences sont trompeuses. Derrière la
façade d’intentions honnêtes, c’est une intrigue de cour que Charles II est en
train de mettre en place. Pour la plupart des dignitaires présents, c’est la
deuxième fois en neuf mois qu’ils assistent à la cérémonie de signature d’un
traité. Le premier traité de Douvres a été une affaire entourée du plus grand
secret, pour de très solides raisons. Ce document contient en effet des clauses
par lesquelles Charles II s’engage à proclamer son adhésion à la religion
catholique romaine. Le paiement de deux cent mille livres et l’envoi de six mille
soldats français par Louis XIV doivent aider le souverain britannique à
accomplir cette spectaculaire conversion. Même si Charles affiche sa certitude
que ses sujets ne « manqueront pas de témoigner à leur souverain l’obéissance
qui lui est due », néanmoins, puisqu’ « il existe toujours de ces esprits
instables » qui menacent la paix du royaume, la décision du moment où cette
profession de foi si lourde de conséquences devra être rendue publique est
laissée à l’appréciation du roi d’Angleterre. » (p.18)
« Charles est persuadé que son cousin, Louis XIV, connaît les règles du
pouvoir : il voit en lui l’image même d’un roi qui exige –et obtient- une
obéissance absolue de la part de ses sujets. A l’évidence, une partie de sa
616
réussite paraît être la conséquence de l’appui qu’il reçoit des doctrines et des
pratiques du catholicisme. Dès le plus jeune âge, éducateurs et prêtres
inculquent aux individus des habitudes de soumission à l’autorité d’un
monarque absolu. Pourtant, Charles sait bien que ni le catholicisme ni une
soumission aveugle à l’autorité civile ne sont fermement enracinés en
Angleterre.
« C’est cette conviction d’être les opposants à une conspiration et les défenseurs
de la constitution primitive contre ses ennemis occultes dans le pays comme à
l’étranger qui fournit l’essentiel de la justification des lignes de conduite et des
pratiques politiques des radicaux dans la décennie qui précède la Glorieuse
Révolution. » (p.22)
« En juillet 1669, Charles II, dans une proclamation contre les dissidents, les
menace d’une application plus stricte des châtiments légaux qui punissent le
non-conformisme. » (p.25)
« En 1685, le frère de Charles II, le duc d'York, lui succède sous le nom de
Jacques II. Or il est catholique et il est immédiatement soupçonné de vouloir
rétablir en Angleterre, en même temps que le catholicisme, l'absolutisme. Il
prend, de fait, dès son avènement, des mesures autoritaires, dont les Anglais
étaient déshabitués depuis la première révolution. Beaucoup songent à le
déposer en rompant avec l'ordre normal de succession. En 1688, certains
d'entre eux font appel à Guillaume d'Orange, le « stadthouder » des Provinces-
617
Unies, qui avait épousé Marie, la fille de Jacques II'. Guillaume débarque avec
une armée, et Jacques II, sans combattre, renonce au trône (c'est le fait qu'il n'y
ait pratiquement pas eu de violences qui vaut à cet événement d'être appelé par
les Anglais la « Glorieuse Révolution »). Guillaume et Marie deviennent alors
roi et reine!, à la suite d'un vote des deux chambres du Parlement (13 février
1689).
Le Parlement leur fait approuver un texte fondamental, le Bill of Rights (1689),
qui renferme les principes du régime nouveau : reconnaissance de certains
droits fondamentaux et nature constitutionnelle- du régime. » (p.305)
« Alors que Sidney fut exécuté, Locke, qui écrivait dans le même sens, put
échapper à la répression parce qu'il vivait aux Pays-Bas (refuge d'ailleurs
imparfait, puisqu'il faillit y être assassiné par la police secrète anglaise). Les
arguments de Locke pour réfuter Filmer sont classiques. Il se réfère à la
distinction, fonnulée par Aristote et connue de tous les scolastiques médiévaux
et modernes, entre pouvoir politique et pouvoir domestique. Le pouvoir du père
sur les enfants est domestique, non politique ; donc le pouvoir politique des rois
ne saurait se déduire du pouvoir paternel d'Adam. De toute façon, le pouvoir
paternel n'est pas absolu. Donc la monarchie absolue n'est pas fondée en droit
naturel. » (note 1 p.308)
« Pour Locke (qui, là encore, s'aligne sur la vieille tradition venant d'Aristote,
saint Thomas, De Soto, Suarez ou Grotius ... ), l'état de nature est déjà un état
social (même s'il n'est pas un état civique ou politique). Déjà, à l'état de nature,
les hommes sont obligés de fa ire ou de ne pas faire certaines choses les uns à
l'égard des autres, alors même qu'il n'y a eu entre eux aucune convention
expresse. » (p.310)
« Pas de guerres de conquêtes ou pour assurer les intérêts dynastiques des rois.
Et, à l'intérieur, l'Etat ne sera pas fondé à user de coercition pour faire advenir
618
des prétendues « finalités collectives », de « grands desseins » justifiant le
mépris des finalités individuelles. L'association a pour seule fin de créer un
cadre dans lequel les individus puissent poursuivre pacifiquement leurs propres
fins. » (p.320)
« La tradition libérale, dont le philosophe John Locke est réputé avoir tracé les
fondements théoriques. » -Paul Mathias, Des libertés numériques. Notre liberté
est-elle menacée par l’Internet ?, PUF, coll. Intervention philosophique, 2008,
185 pages, p. 42.
620
« Locke, l’adversaire de Hobbes. » -Carl Schmitt, Le Léviathan dans la doctrine
de l’Etat de Thomas Hobbes. Sens et échec d’un symbole politique, Seuil, coll.
« L’ordre philosophique », 2002 (1938 pour la première édition allemande), 247
pages, p.90.
"Hume was a hard determinist and Locke a soft determinist, but despite this
divergence, neither of them held the slightest belief in metaphysical free will."
(p.3)
« Locke ruine l’innéisme tout en conservant l’immanence ; dès lors, les idées ne
peuvent venir que des sens. » -Olivier Bloch & Charles Porset, « Le
matérialisme au siècle des Lumières », Dix-Huitième Siècle, Année 1992, n° 24,
pp. 5-10, p.5.
M. Locke, et tous ceux qui ont adopté son système si démontré, ou l’axiome
d’Aristote, auraient dû en conclure que tous les êtres merveilleux dont la
théologie s’occupe sont de pures chimères ; que l’esprit ou la substance
inétendue et immatérielle, n’est qu’une absence d’idées ; enfin ils auraient dû
sentir que cette intelligence ineffable que l’on place au gouvernail du monde et
dont nos sens ne peuvent constater ni l’existence ni les qualités, est un être de
raison. Les moralistes auraient dû, par la même raison, conclure que ce qu’ils
nomment sentiment moral, instinct moral, idées innées de la vertu antérieures à
toute expérience ou aux effets bons ou mauvais qui en résultent pour nous, sont
des notions chimériques, qui, comme bien d’autres, n’ont que la théologie pour
garant et pour base. Avant de juger il faut sentir, il faut comparer avant de
622
pouvoir distinguer le bien du mal. » -Paul Henri Dietrich, baron d'Holbach,
Système de la nature ou des lois du monde physique et du monde moral, 1770,
"Les classiques des sciences sociales", p.128.
« Depuis les serments d'allégeance des temps féodaux jusqu'à Thomas Hobbes
et la nécessité de contrôler la bête chez l'homme, en passant par le pouvoir de
droit divin, toutes les rationalisations étaient à portée de main pour les
gouvernants en quête de pouvoir absolu. Avec les idées de Locke, l'initiative
intellectuelle passait de l'autre côté. Locke proposait des arguments
soigneusement pesés et développés, déduits de principes fondamentaux qui
niaient la légitimité du pouvoir absolu. Dans le système de Locke, il fallait non
seulement contrôler le pouvoir, mais le diviser pour le mieux contenir. En outre,
les lois devaient reconnaître sa place à la dissidence, voir à la résistance, qui
auraient en d'autres temps passé pour un véritable outrage au représentant de
Dieu ou pour la trahison d'un serment solennel. Après Locke, résister devint un
choix justifiable en cas de rupture de ses engagements par le souverain.
Cependant, Locke était comme Platon : il décrivait dans ses principes quelque
chose qui existait déjà, ne faisant que fournir un cadre intellectuel pour le
justifier. La théorie du pouvoir absolu pouvait bien être la doctrine officielle
sous la monarchie des Stuart, les Anglais n'avaient pas attendu les
"scribouillards" pour lui régler son compte. Car la "Glorieuse Révolution"
s'était déjà produite au moment où Locke écrivit son traité. Il existait déjà une
monarchie constitutionnelle, acceptant que l'on oppose des limites à son
pouvoir, et dont la mise en place avait succédé au renversement d'un souverain
légitime que l'on jugeait avoir abusé de ses prérogatives.
Locke ne faisait donc que rationaliser par la théorie ce que la pratique avait
déjà réalisé. Les Anglais avaient réussi leur Révolution, et voilà que Locke se
faisait son théoricien et porte-parole. Il fournit les concepts et les argumentaires
nécessaires pour justifier ce qui était déjà achevé. En glorifiant Locke, les
véritables acteurs se justifiaient eux-mêmes. Ce qui aurait pu être interprété
comme l'intérêt personnel d'une classe sans légitimité particulière devenait ainsi
la défense d'un grand principe, assis sur la nature morale de l'homme et les
fondements de la société civile. » -Madsen Pirie, La Micropolitique. Comment
faire une politique qui gagne, p.46-47.
« John Locke est perçu comme le penseur qui initia le libéralisme, mais sa
vision du travail est commune aussi bien au capitalisme qu’au communisme : la
récompense est matérielle. Descartes et Locke façonnent une nouvelle
623
conception du travail. Ce dernier n’est plus conçu comme une réparation du
péché originel, mais comme un moyen de participer à l’élaboration du paradis
sur Terre (bien commun), en particulier du nôtre. » -Joaquim Defghi, Comment
le travail devint l’instrument du salut terrestre.
"Along with Francis Bacon, Locke believed that knowledge was a power to
improve the conditions of life for generations to come, and that the cooperative
search for and sharing of knowledge would facilitate its advance in the world."
(p.528)
"Locke also could be a generous and humane benefactor to those who needed
and deserved encouragement. Lady Damaris Cudworth Mashom, perhaps the
person who knew Locke best, wrote of her dear friend: He was naturally
compassionate and exceedingly charitable to those in want. But his charity was
always directed to encourage working, laborious, industrious people, and not to
relieve idle beggars, to whom he never gave anything.... People who had been
industrious, but were through age or infirmity passed labour, he was very
bountiful to...[believing not] that they should be kept from starving or extreme
misery...[but that] they had, he said, a right to live comfortably in the world."
(p.529)
624
"It is not stretching things to say Locke devoted his entire life to patriotic service
and the welfare of his country." (p.533)
"The market rate of interest, he declared, should float as freely as the rate
fetched by any other market commodity, such as land. The taking of interest and
the taking of rent, he maintained, are morally equivalent and just. Therefore,
public interference in the market’s allowance for interest taking or rent taking is
a denial of justice." (p.536)
"Because for Locke all political reasoning proceeds from the premise of human
equality—that is, every individual being born with inherent, indefeasible
rights—the principles of liberty and property apply for all. It is not that all men
are equal in their native capacities." (p.536)
"A government that can legitimately redistribute a single dollar, ducat, pence,
pound, or parcel of land can, in principle, redistribute all the wealth in the
world. This tendency is precisely what Locke’s philosophy of government and
Shaftesbury’s resistance movement had to resist." (p.538)
-Jerome Huyler, Was Locke a Liberal ?, The Independent Review, Vol 1, n°4,
spring 1997, pp.523-542.
« Cette liberté lockienne n’est cependant pas sans limites. Dans La lettre sur la
tolérance, il exclut ainsi les athées et les catholiques ; les premiers parce que
leur parole ne serait point fiable puisqu’ils ne craignent aucune autorité divine,
les seconds parce qu’ils proposent eux-mêmes l’intolérance. » -Jean-Herman
Guay , « Libéralisme et médias : entre l’ordre et le désordre », Éthique publique
[En ligne], vol. 15, n° 1 | 2013, mis en ligne le 02 septembre 2013, consulté le
25 août 2018.
« As the renowned historian of slavery David Brion Davis stresses, Locke was
“the last major philosopher to seek a justification for absolute and perpetual
slavery.”. » -Domenico Losurdo, The tangled paradox of liberalism, Between
liberty and slavery.
625
"Ce que Locke nous dit sur cet état et sur la loi de la nature est, dans l'ensemble,
peu original ; c'est une répétition des doctrines scholastiques médiévales."
(p.712)
A cela j'ajouterai que, quiconque s'approprie des terres par son travail ne
diminue pas les ressources communes de l'humanité, mais les accroît. En effet,
les provisions qui servent à l'entretien de la vie humaine et que produit un acre
de terre enclose et cultivée atteignent dix fois à peu de chose près la quantité
produite par un acre d'une terre aussi riche, mais commune et laissée en friche.
Quand quelqu'un enclot des terres et tire de dix acres une plus grande abondance
de commodités de la vie qu'il ne ferait de cent acres laissés à la nature, on peut
dire de lui qu'il donne réellement quatre-vingt-dix acres à l'humanité.
Désormais, grâce à son travail, dix acres lui donnent autant de fruits que cent
acres de terres communes.
Ce qui revient à dire qu'on peut certes s'approprier désormais toutes les terres
qu'on veut, même si ce qui reste ne suffit aux autres ni en quantité ni en qualité,
mais surtout que l'accroissement de la productivité des terres appropriées
compense, et même au-delà, le manque de terres dont souffrent les autres. Pour
pouvoir le dire, il faut bien entendu postuler que l'accroissement du produit
total est réparti au bénéfice de ceux qui manquent de terre, ou, à tout le moins,
que cette répartition est faite de manière à ne pas leur porter préjudice. Or, c'est
626
précisément ce que fait Locke: pour lui, même le journalier qui ne possède rien
obtient le minimum, et ce minimum vital, dans un pays où toutes les terres sont
appropriées et pleinement exploitées, entraîne un niveau de vie plus élevé que
celui de n'importe quel membre d'une société dans laquelle cette appropriation
et cette exploitation ne se sont pas produites ; et Locke de préciser que chez
"diverses nations américaines", "le roi d'un territoire vaste et productif se
nourrit, se loge et s'habille plus mal qu'un travailleur à la journée en
Angleterre". Ainsi, l'appropriation privée a pour effet réel d'accroître le montant
total de ce qui reste pour les autres. […] Or, la notion fondamentale qui a
d'abord permis à Locke de déduire le droit qu'ont les hommes de s'approprier la
terre, c'est précisément le droit de tout être humain à jouir des moyens
d'existence. C'est peu de dire qu'après l'appropriation de toutes les terres les
moyens d'existence laissés aux autres sont aussi bons qu'avant ; en fait, c'est
grâce à cette appropriation elle-même qu'ils peuvent jouir d'un niveau de vie
supérieur. Tant et si bien qu'à la juger au nom des fins fondamentales (fournir à
autrui les moyens d'existence) plutôt qu'au nom des moyens (laisser aux autres
assez de terre pour qu'ils puissent en tirer leur subsistance), on finit par
découvrir que, loin d'être un mal auquel on devrait se résigner, l'appropriation
illimitée est un bien qu'on doit rechercher." (pp.350-352)
"Il estime qu'il faut encourager les directeurs d'asiles de pauvres ("maisons de
correction") à transformer les établissements dont ils ont la charge en
manufactures destinées à l'exploitation intensive de la main-d'œuvre, et inciter
les juges de paix à en faire des camps de travail forcé. "Dès qu'ils ont dépassé
l'âge de trois ans", précise-t-il, les enfants de chômeurs constituent pour la
nation un fardeau inutile: on doit donc les faire travailler, car ils sont en mesure
à cet âge de rapporter plus qu'ils ne coûtent. Locke justifie explicitement ces
mesures en soulignant que le chômage n'a pas de causes économiques: il est dû
à la dépravation de l'homme. En tant que membre du très officiel Bureau du
Travail, Locke écrit en 1697 que l'accroissement du nombre des chômeurs "n'a
627
d'autre cause que le relâchement de la discipline et la corruption des mœurs".
Dans son esprit, il n'est pas un instant question de traiter les chômeurs comme
des membres libres, à part entière, de la communauté politique ; en revanche, il
ne fait pas de doute pour lui qu'ils sont totalement soumis à l'autorité de l'Etat."
(p.368-369)
"Rien de plus facile pour lui que de convertir certains des attributs de la société
et de l'homme de son temps en attributs naturels de la société présociale et de
l'homme en soi." (p.379)
"Le postulat de l'égalité naturelle des aptitudes est loin d'être indifférent chez
Locke: il lui permet en effet d'éviter les affres de la mauvaise conscience et de
réconcilier les grandes inégalités qu'il observe dans les sociétés existantes et le
principe de l'égalité naturelle des droits. Si, par nature, les hommes sont
également capables de se tirer d'affaire tout seuls, ceux qui se sont laissé
irrémédiablement distancer dans la course à l'acquisition des biens n'ont, tout
compte fait, qu'à s'en prendre à eux-mêmes. Ce même présupposé explique que
Locke puisse trouver équitable de les abandonner à eux-mêmes et de les laisser
s'affronter les uns les autres sur le marché, en les privant des multiples
protections que l'ancienne doctrine du droit naturel édictait. Postuler cette
égalité, c'est donc se donner le moyen de réconcilier la justice du marché et les
notions traditionnelles de justice commutative et distributive." (p.403-404)
"En dernière analyse, ce qui est ambigu et contradictoire chez Locke, c'est la
manière dont il comprend la société de son temps. Ambiguïtés et contradictions
difficilement évitables d'ailleurs: car elles sont le reflet assez fidèle de
l'ambivalence d'une société bourgeoise en pleine gestation, qui réclame l'égalité
628
formelle des droits tout en exigeant une inégalité substantielle de ces mêmes
droits. Les classes dirigeantes, comme vient de le prouver l'accueil glacial
qu'elles ont unaniment réservé à la doctrine de Hobbes, ne tiennent absolument
pas à abandonner la tradition de la loi morale au profit d'une théorie purement
matérialiste et utilitaire. A tort ou à raison, elles considèrent qu'accepter cette
dernière risquerait d'ébranler les structures mêmes de la société. Elles refusent
ce risque, mais du même coup elles sont prises dans le dilemme d'une double
nécessité: professer l'égalité naturelle de tous les hommes et la fonder sur la loi
naturelle d'une part, mais, de l'autre, trouver une justification naturelle à
l'inégalité. A la satisfaction de ses lecteurs, Locke réconcilie ces deux exigences
opposées." (p.406-407)
http://hydra.forumactif.org/t2019-philippe-hamou-lopinion-de-locke-sur-la-
matiere-pensante#2723
629
une ville très riche, exceptionnellement riche, et cette richesse est fondée sur le
commerce. » -Maxime Rovere, « Avoir commerce : Spinoza et les modes de
l’échange », Astérion [En ligne], 5 | 2007, mis en ligne le 16 avril 2007, consulté
le 30 octobre 2017.
630
Compagnies néerlandaises d'Orient furent regroupées au sein d'une entreprise
de plus grande taille, la Compagnie néerlandaise des Indes orientales (la VOC),
première multinationale de l'histoire ainsi que la plus grande puissance d'Asie.
La VOC était financée par des actions émises à la Bourse d'Amsterdam et gérée
par un conseil d'administration de dix-sept membres connu sous le nom de
Conseil des Dix-Sept. Les Etats Généraux néerlandais lui attribuèrent le
monopole du commerce en Asie et, en échange, elle devait y assumer défense et
justice. En 1621, fut fondée également une Compagnie des Indes occidentales
(la WIC) dotée pour la zone atlantique d'une charte comparable.
Le système des compagnies présentait l'avantage de ne pas faire supporter les
frais de gestion à l'Etat mais aux négociants, qui faisaient les bénéfices. En
Angleterre, diverses entreprises commerciales d'outre-mer avaient déjà été
crées dans les années 1560 et, en 1600, une East India Compagny (EIC) y vit
également le jour. » (p.33)
« En fait, les débats hollandais du XVIIe siècle, y compris les publications des
auteurs radicaux, étaient profondément inscrits dans la réalité historique et
politique de la jeune république hollandaise : ils cherchaient avant tout à
résoudre des questions qui se posaient dans le contexte néerlandais, en
particulier la coexistence religieuse et la question de la souveraineté. De même,
c’est le contexte hollandais, notamment la guerre avec la France, qui explique
qu’à partir de 1672, les radicaux aient été largement sur la défensive, face au
courant modéré, plus consensuel, avant d’être proprement exclus de la mémoire
nationale, jusqu’aux années 1980. C’est enfin l’agenda proprement néerlandais
qui explique que les Lumières hollandaises aient eu très peu d’influence dans le
reste de l’Europe, à l’exception de Spinoza, mais celui-ci étant justement coupé
de ses racines hollandaises et en quelque sorte « universalisé » pour les besoins
de la controverse. Bayle, par exemple, ne cite aucun autre auteur hollandais
dans son Dictionnaire et ne fait presque aucune place aux grandes controverses
des Lumières hollandaises. Si bien qu’au XVIIIe siècle, les Pays-Bas
apparaissaient aux yeux des principaux protagonistes de la scène philosophique
comme n’appartenant pas de plain-pied à l’espace européen des Lumières, si ce
n’est comme lieu de publication, comme entrepôt des richesses intellectuelles
produites ailleurs. Diderot peut alors écrire : « La nation est superstitieuse,
ennemie de la philosophie et de la liberté de penser en matière de religion. » En
fait, dès la fin du XVIIe siècle, les Lumières radicales hollandaises avaient été
exclues de la scène intellectuelle internationale, à la fois pour des raisons
politiques, mais surtout à cause du caractère profondément hollandais des
débats qui les avaient agitées. » -Antoine Lilti, « Comment écrit-on l'histoire
intellectuelle des Lumières ? Spinozisme, radicalisme et philosophie », Annales.
Histoire, Sciences Sociales, 2009/1 (64e année), p. 171-206.
https://www.amazon.com/Dutch-Republic-Greatness-1477-1806-
History/dp/0198207344/ref=pd_sim_14_35?_encoding=UTF8&pd_rd_i=01982
633
07344&pd_rd_r=9WWVZC7TDGRVNFQ8KY72&pd_rd_w=iCEgy&pd_rd_w
g=SdX0T&psc=1&refRID=9WWVZC7TDGRVNFQ8KY72
https://www.amazon.com/Embarrassment-Riches-Interpretation-Culture-
Golden/dp/0679781242/ref=pd_sim_14_11?_encoding=UTF8&pd_rd_i=06797
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g=MzUbj&psc=1&refRID=2DX1NKR3XQ8EW0XJW5JA
634
dizaines d’écrivains à travers le continent, de l’Irlande à la Russie et de la
Suède à la péninsule ibérique ? On peut soutenir que oui. » -Jonathan Israel, Les
Lumières radicales : La philosophie, Spinoza et la naissance de la modernité
(1650-1750).
« Aux amis pour qui j’écris : ne vous étonner pas de ces nouveautés, car il vous
est très bien connu qu’une chose ne cesse pas d’être vraie parce qu’elle n’est
pas acceptée par beaucoup d’hommes. » -Baruch Spinoza, Court Traité, in
Œuvres I, GF Flammarion, 443 pages, p.156-157.
« Un homme parfait sera mû par la nécessité seule ; sans autre cause, à aider
ses prochains, et, par suite, il se trouve obligé à aider les plus abandonnés de
Dieu. D’autant plus qu’il voit en eux un plus grand besoin et une plus grande
misère. » -Baruch Spinoza, Court Traité.
« Il n’est point douteux que, s’il dépendait aussi bien de nous de vivre selon les
préceptes de la raison que d’être conduits par l’aveugle désir, tous les hommes
se confieraient à la raison et régleraient sagement leur vie, et c’est ce qui
n’arrive pas. » -Baruch Spinoza, Traité politique.
« Une Cité dont la paix dépend de l’inertie de sujets conduits comme du bétail
pour n’apprendre rien que l’esclavage mérite le nom de solitude plus encore
que celui de Cité.» -Spinoza, Traité politique, V, 4.
« Quant aux contrats ou aux lois par lesquelles la multitude transfère son droit
propre aux mains d’une assemblée ou d’un homme, il n’est pas douteux qu’on
ne doive les violer, quand il y va du salut commun ; mais dans quel cas le salut
commun demande-t-il qu’on viole les lois ou qu’on les observe ? c’est une
question que nul particulier n’a le droit de résoudre (par l’article 3 du présent
chapitre) ; ce droit n’appartient qu’à celui qui tient le pouvoir et qui seul est
l’interprète des lois. Ajoutez que nul particulier ne peut à bon droit revendiquer
ces lois, d’où il suit qu’elles n’obligent pas celui qui tient le pouvoir. Que si,
toutefois, elles sont d’une telle nature qu’on ne puisse les violer sans énerver du
même coup la force de l’État, c’est-à-dire sans substituer l’indignation à la
crainte dans le cœur de la plupart des citoyens, dès lors par le fait de leur
violation l’État est dissous, le contrat cesse et le droit de la guerre remplace le
droit civil. » -Spinoza, Traité politique, p.20.
635
« Comme la crainte de la solitude est inhérente à tous les hommes, parce que
nul, dans la solitude, n’a de forces suffisantes pour se défendre, ni pour se
procurer les choses indispensables à la vie, c’est une conséquence nécessaire
que les hommes désirent naturellement l’état de société, et il ne peut se faire
qu’ils le brisent jamais entièrement. » -Spinoza, Traité politique, p.23.
« Si la nature humaine était ainsi faite que les hommes désirassent par-dessus
tout ce qui leur est par-dessus tout utile, il n’y aurait besoin d’aucun art pour
établir la concorde et la bonne foi. » -Spinoza, Traité politique, p.23.
« Nul n’est tenu, selon le droit de nature, de vivre au gré d’un autre, mais
chacun est le protecteur né de sa propre liberté. » -Spinoza, Traité Théologico-
Politique, préface.
« Rien ne nous est plus insupportable que d’être asservis à nos semblables et de
vivre sous leur loi. »
« On pense en effet que l’esclave est celui qui agit par commandement et
l’homme libre celui qui agit selon son caprice. Cela cependant n’est pas
absolument vrai ; car en réalité, celui qui est captif de son plaisir, incapable de
voir et de faire ce qui lui est utile, est le plus grand des esclaves, et seul est libre
celui qui vit, de toute son âme, sous la seule conduite de la raison. » -Spinoza,
Traité théologico-politique, 1670.
« Il n’y a rien de plus funeste à la fois à la religion et à l’État que de confier aux
ministres du culte le droit de porter des décrets ou d’administrer les affaires
publiques » -Spinoza, Traité Théologico-Politique, Chapitre XVIII.
« Dans un état libre, chacun a le droit de penser ce qu’il veut et de dire ce qu’il
pense. » -Spinoza, Traité Théologico-Politique, Chapitre XX.
636
« Pour montrer que la nature n’a pas de fin qui lui soit prescrite, et que toutes
les causes finales ne sont que des fictions humaines, il n’est pas besoin de
beaucoup. » -Spinoza, Éthique, I, Appendice.
« Dans l’état de nature la faute ne peut se concevoir, mais elle peut l’être dans
l’état de société, où il est décidé, par consentement commun de ce qui est bon ou
de ce qui est mauvais et où chacun est tenu d’obéir à l’Etat. » -Spinoza, Ethique,
IV, proposition 37, scholie 2.
« Agir par vertu n’est autre chose en nous qu’agir et vivre, conduits par la
raison, et conserver son être, et d’après ce fondement de la vertu qu’il faut
rechercher sa propre utilité. » -Spinoza, Éthique, IV, 24, 1677.
« Tout désir qui naît de la Raison ne peut être sujet à l'excès » -Spinoza,
Éthique, IV, proposition LXI, 1677.
« Jarig Jellesz était lui aussi négociant en épices et fruits secs ; au moment –
incertain – de sa rencontre avec Spinoza, il fait partie du cercle des Collégiants,
qui rassemble des hommes rejetant tout dogme théologique, tout rituel religieux,
au profit d’une expérience intérieure de Dieu. Parmi eux, Spinoza rencontra ses
amis intimes, Peter Balling (autre marchand), Simon de Vries (marchand
encore), et l’imprimeur Jan Rieuwertsz qui publiera le Traité théologico-
politique et les Opera posthuma. Il est possible que Van den Enden, qui bientôt
accueille Spinoza dans son école, et l’initie au latin et à la philosophie
cartésienne, lui ait été présenté par leur intermédiaire. Les informations
manquent pour suivre dans le détail le mouvement qui mène le marchand juif,
637
par ses relations avec les marchands, à devenir l’ami de ces hommes versés par
ailleurs dans les choses de l’esprit, puis à vouloir se dégager lui-même de toute
confession (l’excommunication est prononcée en 1656), puis du commerce, pour
se consacrer à l’étude. Outre le rôle d’exemple qu’a pu jouer Jarig Jellesz, qui
dès 1653 avait renoncé aux affaires, il semble nécessaire de distinguer, comme
des degrés, la tolérance et l’indifférence à l’égard des signes. Dès avant son
excommunication, Spinoza a pu faire au sein des institutions commerciales
l’expérience de la tolérance religieuse. Mais ses amis ne font pas seulement
qu’appartenir par profession à l’espace de tolérance que constitue la Bourse :
c’est une intime indifférence aux signes extérieurs de la religion qui les anime.
En somme, du fait qu’ils sont marchands, ils n’ont pas coutume de discriminer
les hommes selon leurs croyances ; et du fait qu’ils sont membres de la secte des
Collégiants, ils usent de leur liberté de marchands pour s’abstenir d’adhérer à
une quelconque Église. Ils réalisent ainsi d’emblée ce que Spinoza, dans le
Traité théologico-politique, va proposer d’étendre à la société tout entière : un
espace d’échanges externe au religieux. […]
Il est très significatif qu’au moment d’illustrer la liberté politique de dire ce que
l’on pense, Spinoza prenne pour exemple le fait que les convictions religieuses
n’interfèrent pas dans les relations d’argent. C’est que la liberté que le texte se
propose de défendre est d’abord une liberté illimitée de philosopher. Pour les
opinions directement politiques, le même chapitre admet la nécessité d’une
limite : il y a bien des discours séditieux. Mais plus encore, si Spinoza ne prend
pas l’exemple d’opinions de cette sorte, c’est que le commerce n’est nullement,
pour lui, extérieur au champ politique. À la limite, le fait même de commercer
est une participation active à la vie de l’État. Considérée absolument, cette
activité constitue, si l’on veut, une sorte d’opinion performative qui témoigne de
la loyauté du marchand à l’égard du souverain. L’exemple fait ainsi ricochet :
638
la liberté n’est pas seulement propice au commerce, le commerce est aussi
propice à l’État ; donc la liberté est propice à l’État. »
« La république qui a ses préférences est une démocratie libérale. [Spinoza] fut
le premier philosophe à être à la fois démocrate et libéral. Il fut le philosophe
qui fonda la démocratie libérale, le régime spécifiquement moderne. A la fois
directement et par l’intermédiaire de son influence sur Rousseau, qui donna
l’impulsion décisive à Kant, Spinoza devint l’initiateur du républicanisme
moderne. » (p.348)
640
« Spinoza a mis dans le mille avec sa proposition paradoxale : Dieu est un être
étendu, c’est-à-dire matériel. Pour son époque du moins, il a trouvé l’expression
philosophique vraie de la tendance matérialiste ; il l’a légitimée et sanctionnée :
Dieu lui-même est matérialiste. La philosophie de Spinoza était une religion ;
lui-même était une personnalité. Chez lui le matérialiste n’entrait pas comme
chez tant d’autres en contradiction avec la représentation d’un Dieu immatériel
et antimatérialiste qui transforme logiquement en devoir de l’homme ses seules
tendances et occupations antimatérialistes et célestes, car Dieu n’est rien
d’autre que l’archétype et l’idéal de l’homme. Être semblable à Dieu et être ce
qu’est Dieu, voilà ce que l’homme doit être, voilà ce qu’il veut être, voilà du
moins ce qu’il souhaite devenir un jour. Mais le caractère, la vérité, et la
religion n’existent qu’à la seule condition que la théorie ne nie pas la pratique,
ni la pratique la théorie. Spinoza est le Moïse des libres-penseurs et des
matérialistes modernes. » -Ludwig Feuerbach, Principes de la philosophie de
l’avenir, paragraphe 15.
« Spinoza n’a pas défini l’essence spécifique de l’homme. […] En toute rigueur
et théoriquement, il ne sait pas ce que c’est que l’homme, et il s’en passe très
bien : il n’a pas besoin de le savoir pour édifier son système. » -Alexandre
Matheron, « L’Anthropologie spinoziste ? », Anthropologie et politique au
XVIIe siècle, Vrin, 1986, p. 21.
641
pourtant, elle est sans précédent dans le champ de la philosophie rationaliste
(champ auquel n'appartient pas Machiavel). Il s’agit en effet de construire une
philosophie politique à la fois descriptive et prescriptive qui ne doive rien à une
quelconque transcendance, qu’il s’agisse de celle de Dieu, de celle de la
souveraineté politique, de celle du droit et du contrat. La question est alors de
savoir comment faire coexister les volontés individuelles, et, mieux encore,
comment faire agir ensemble des hommes que leurs intérêts paraît séparer sinon
opposer, sans assujettir les individus à une quelconque transcendance devant
laquelle ils devraient s’incliner. L’enjeu de cette recherche, on le pressent, est
donc une certaine idée de la liberté individuelle et collective, que paraît résumer
la célèbre formule : multitudinis potentia, que l’on traduit par « la puissance du
grand nombre », ou celle « de la masse », ou celle « de la multitude ». A elle
seule, la multitude constituerait une puissance valable comme principe d’une
souveraineté sur laquelle pourraient s’établir la société et l’Etat. Il est donc
capital de déterminer comment une telle puissance est capable de se substituer
aux transcendances admises par la tradition philosophique. On verra que la
réponse à la question est notamment inscrite dans la définition spinoziste de
l’activité philosophique comme tentative de compréhension de la nature, et, bien
entendu, dans la définition de la nature elle-même. Dieu, la nature et les
substances individuelles sont également caractérisés par le penseur hollandais
comme des formes de la potentia. Ainsi sommes-nous conduits à nous demander
quels liens existent entre les dimensions métaphysique et politique de l’œuvre
spinoziste. La promesse délivrée par cette dernière est de donner accès à une
théorie politique moniste, dont les effets permettent ce qu’on pourrait nommer
un matérialisme non réducteur, capable par exemple de donner à comprendre
l’effectivité des jeux de pouvoir issus de l’imagination des hommes."
« Rien n’est moins grec que de faire, comme un solitaire, du tissage de toiles
d’araignées avec des idées, amor intellectualis dei à la façon de Spinoza. »
« Quant aux non propriétaires, Spinoza est le seul auteur du xvii et xviii siècle
qui les inclut dans son modèle de démocratie. » -Maria José Villaverde,
Rousseau, Spinoza, deux visions opposées de la démocratie.
« Sous une apparente convergence de vues, Spinoza, non sans ironie, n'en est
pas moins l'adversaire déclaré de Hobbes. » -Simone Goyard-Fabre, Les
embarras philosophiques du droit naturel, Paris, Librairie philosophique J. Vrin,
coll. Histoire des idées et des doctrines, 2002, p.101.
645
« Une causalité limitée n’est plus du tout une causalité, comme le merveilleux
Spinoza l’a montré avec toute sa perspicacité.. » -Albert Einstein, Lettre à Eric
Gutkind, 1954.
« Le plus logique et le plus cohérent de tous les athées – je veux dire de tous
ceux qui nient la persistance indéfinie dans l'avenir de la conscience
individuelle – et en même temps le plus pieux d'entre eux : Spinoza, a consacré
la cinquième et dernière partie de son Éthique à expliquer la route qui conduit à
la liberté, et à préciser le concept de béatitude. Le concept ! Le concept ; non
pas le sentiment ! Pour Spinoza, qui fut un intellectualiste redoutable, la
béatitude (beatitudo) est un concept, et l'amour que nous avons pour Dieu est un
amour tout intellectuel. Après avoir établi, à la proposition 21 de cette
cinquième partie, que « l'esprit ne peut s'imaginer quelque chose ou se souvenir
des choses passées que tant que le corps dure » - ce qui équivaut à nier
l'immortalité de l'âme, puisqu'une âme qui ne se souvient plus de son passé une
fois séparée du corps au sein duquel elle vivait, n'est ni immortelle, ni une âme –
il en vient à nous dire dans la proposition 23 que « l'esprit humain ne peut être
absolument détruit avec le corps, mais qu'il en reste quelque chose, qui est
éternel », et cette éternité de l'esprit est une certaine manière de penser. Mais ne
vous laissez pas abuser ; il n'y a pas une semblable éternité pour l'esprit
individuel. Tout cela est sub aeternitatis specie, autrement dit : pure duperie.
Rien n'est plus triste, plus désolant, plus antivital que cette béatitude, cette
beatitudo spinozienne, qui est un amour intellectuel pour Dieu, lequel amour
n'est au fond que celui de Dieu, l'amour par lequel Dieu s'aime lui-même
(proposition 36). Notre béatitude, autrement dit : notre liberté, réside dans
l'amour constant et éternel de Dieu vis-à-vis des hommes. C'est ce que dit le
scolie de cette proposition 36. Et tout cela pour en venir à conclure dans la
646
proposition finale qui couronne toute l'Éthique, que le bonheur n'est pas la
récompense de la vertu, mais la vertu elle-même. Et cela vaut pour tout le
monde ! » -Miguel de Unamuno, Du Sentiment tragique de la vie chez les
hommes et chez les peuples (1913).
« Et, sur cette ligne mélodique de la variation continue constituée par l’affect,
Spinoza va assigner deux pôles, joie-tristesse, qui seront pour lui les passions
fondamentales, et la tristesse ce sera toute passion, n’importe quelle passion
enveloppant une diminution de ma puissance d’agir, et joie sera toute passion
enveloppant une augmentation de ma puissance d’agir. Ce qui permettra à
Spinoza de s’ouvrir par exemple sur un problème moral et politique très
fondamental, qui sera sa manière à lui de poser le problème politique: comment
se fait-il que les gens qui ont le pouvoir, dans n’importe quel domaine, ont
besoin de nous affecter d’une manière triste? Les passions tristes comme
nécessaires. Inspirer des passions tristes est nécessaire à l’exercice du pouvoir.
Et Spinoza dit, dans le Traité théologico-politique, que c’est cela le lien profond
entre le despote et le prêtre, ils ont besoin de la tristesse de leurs sujets. Là,
vous comprenez bien qu’il ne prend pas tristesse dans un sens vague, il prend
tristesse au sens rigoureux qu’il a su lui donner: la tristesse c’est l’affect en tant
qu’il enveloppe la diminution de la puissance d’agir. »
647
que un de vos rapports subordonnés ou que votre rapports constituant est, ou
bien menacé ou compromis, ou bien même détruit. »
« Spinoza ne fait pas de la morale, pour une raison toute simple: jamais il ne se
demande ce que nous devons, il se demande tout le temps de quoi nous sommes
capables, qu’est-ce qui est en notre puissance ; l’éthique c’est un problème de
puissance, c’est jamais un problème de devoir. En ce sens Spinoza est
profondément immoral. Le problème moral, le bien et le mal, il a une heureuse
nature parce qu’il ne comprend même pas ce que ça veut dire. Ce qu’il
comprend, c’est les bonnes rencontres, les mauvaises rencontres, les
augmentations et les diminutions de puissance. Là, il fait une éthique et pas du
tout une morale. C’est pourquoi il a tant marqué Nietzsche. »
« Il n’y a rien de plus opposé à l’hypothèse de Spinoza que de soutenir que tous
les corps ne se touchent point ; et jamais deux systèmes n’ont été plus opposés
que le sien et celui des atomistes. Il est d’accord avec Épicure en ce qui regarde
la réjection de la Providence, mais dans tout le reste leurs systèmes sont comme
le feu et l’eau. » -Article Spinoza du Dictionnaire historique et critique de Pierre
Bayle.
« Chez Spinoza, il y a des valeurs suprêmes. La preuve, c’est qu’il écrit une
éthique. Une éthique, c’est un itinéraire pour aller vers la vie bonne. Donc, s’il
y a de la vie bonne, c’est qu’il y a des vies qui le sont moins. Y a des degrés de
perfections qui sont supérieurs. Et qu’il faut viser. Bon. C’est ça l’objet d’une
éthique. Mais ça va donc dire qu’il y a cette valeur suprême, cette valeur de la
libération, la béatitude. […] La chose qui reçoit la valeur suprême, chez
648
Spinoza, c’est la Raison, puisque la Raison est le véhicule qui nous mène vers
ça. […] Qu’est-ce que c’est que la Raison chez Spinoza, c’est tout ce qui nous
permet d’avoir une plus haute conscience de nous, de Dieu et des choses. […]
Elle procède par des voies qui ne sont pas nécessairement celle de la raison
analytique. […] S’il y avait une valeur absolue d’une œuvre [d’art], ça serait
dans son degré d’apparentement à la connaissance du troisième genre, c’est-à-
dire dans sa capacité à nous donner une plus haute conscience de nous-même,
de Dieu et des choses. » -Frédéric Lordon, Entretien avec Fabien Danesi, 22
février 2013.
Thus although Spinoza did not wish churches to wield any political power, he
did not defend the separation of church and state, as we now understand that
expression. Rather, he argued that churches should be subservient to the state,
and that religious believers should obey all state demands regarding rites and
ceremonies, however personally offensive they may be.
We thus see how Spinoza was a mixed bag from a libertarian perspective. True,
he believed that a sovereign should be rational, which means that a sovereign
should impose only those restrictions on freedom necessary to maintain peace
650
and social order—a society in which individuals can pursue their own interests
without coercive interference. But Spinoza also believed that the vast majority of
people are irrational, that they are guided by their passions instead of by their
reason—this, after all, is why they need a government to restrain their actions—
but he had no grounds for defending the superior rationality of rulers, who are
as likely as anyone else to succumb to their lusts and other irrational desires.
The only restraint on a ruler is his own preservation and welfare, so a rational
ruler will not push oppressive laws to the point where citizens become so
outraged that they attempt to overthrow him. But in Spinoza’s scheme, there is
no moral principle of individual rights that would render anything a ruler
attempts to do unjust in the libertarian understanding of that term. For Spinoza,
therefore, there is no right to resist (or even to disobey) oppressive laws, much
less a right to overthrow tyrannical governments.”
“Spinoza repeatedly observed that most people are governed by their passions,
not by their reason, yet he also argued that in an ideal government rulers will
self-limit their powers according to rational calculations of utility. Rational
rulers will understand that tyrannical measures will ultimately diminish their
power and are therefore detrimental to their own self-interest. But why should
we assume that rulers are, or will be, more rational than the many irrational
people they rule? If history proves anything, it proves the exact opposite. Many
rulers throughout history would have been leading candidates for the first
available vacancy in a lunatic asylum. Spinoza’s rational rulers smack of
Plato’s philosopher-kings; both ideas are dangerously naïve.”
"Spinoza est le seul grand philosophe de la tradition, si l'on excepte Épicure, qui
développe ouvertement un matérialisme original, certes, mais net." (p.6)
652
"La relation d'utilité ou d'usage avec l' "autre" naturel et avec "autrui" ne se
conclut pour Spinoza que si la logique de la force immédiate (les gros poissons
mangent les petits ; les puissants asservissent les faibles) se traduit et se
détermine, sans rupture de continuité, en rapports d'association avec les corps
de même essence, tels que chaque corps puisse se développer dans le respect de
la puissance infinie des choses. Spinoza espère une traduction des rapports de
force en rapports d'échange et de communication." (p.27)
-André Tosel, Du matérialisme de Spinoza, Éditions Kimé, 1994, 215 pages.
« Il y a des choses qui sont correctes, ou bonnes, pour tous les êtres humains. Et
ce, parce que nous partageons une certaine nature, en tant qu’êtres humains, et
qu’il y a des actions qui contribuent naturellement et objectivement à la
conservation et à l’effort de cette nature. De telles actions seront « vertueuses »
dans un sens général, et seront accomplies par une personne vertueuse. »
« L’action bienveillante envers autrui peut naître aussi bien de la pitié que de la
vertu, autrement dit d’une motivation émotionnelle aussi bien que d’un désir
guidé par la connaissance de ce qui nous est véritablement utile ; et il
semblerait que cela ne fasse aucune différence au regard de la qualité morale
de l’action elle-même. Elle reste bonne, droite, dans la mesure où elle est dans
l’intérêt de celui qui l’accomplit. »
653
« Selon l’éthique ordinaire, tuer ou voler quelqu’un est une mauvaise chose ;
faire l’aumône et traiter les autres avec justice est une bonne chose. Ce que
Spinoza répond à Blyenbergh est que le caractère bon et mauvais de ces actions
ne réside pas dans les actions « considérées seules », indépendamment de leurs
motivations – puisque dans cette perspective elles sont « également parfaites »,
c’est-à-dire contiennent la même quantité de réalité ; mais ce caractère bon ou
mauvais réside dans le fait que l’une dérive d’idées adéquates et l’autre de
l’ignorance, et donc, que l’une consiste en un accroissement de la puissance de
l’agent et l’autre, en une diminution de cette puissance. » -Steven Nadler, «
Acte et motivation dans la philosophie morale de Spinoza », Philonsorbonne
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Alqui%C3%A9/dp/2130438571/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1466439
883&sr=1-1&keywords=Ferdinand-Alquie-Le-Rationalisme-de-Spinoza
http://www.amazon.fr/Spinoza-pens%C3%A9e-moderne-Constitutions-
lobjectivit%C3%A9/dp/2738462774/ref=sr_1_5?s=books&ie=UTF8&qid=1454
185146&sr=1-
5&keywords=De+la+responsabilit%C3%A9.+Ses+fondements+ontiques
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locale/dp/2130579663/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1477151910&sr=8-
1&keywords=Vivre+ici.+Spinoza%2C+%C3%A9thique+locale
https://www.amazon.fr/Esthetique-Dejardin-Philosophique-Servitude-
Culturelle/dp/2296963234/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1466439701&s
r=1-1&keywords=Bertrand-Dejardin-Ethique-et-esthetique-chez-Spinoza
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r%C3%A9sistance-Spinoza/dp/2711612724/ref=asap_bc?ie=UTF8
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spinozisme/dp/2711621685/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1466439722&
sr=1-1&keywords=Tristan-Dagron-Toland-et-Leibniz-l-invention-du-neo-
spinozisme
Li Zhi : http://www.amazon.com/Confucianism-Virtue-Chinese-Philosophy-
Culture/dp/1438439261/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1431017889&sr=
1-1&keywords=Li+Zhi%2C+Confucianism%2C+and+the+Virtue+of+Desire
658
Tang Zhen : http://www.amazon.fr/%C3%89crits-dun-sage-encore-
inconnu/dp/2070724409/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1454760524&sr=
1-1&keywords=Tang+Zhen
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Ji Yun : http://www.amazon.fr/Passe-temps-dun-%C3%A9t%C3%A9-
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Luanyang/dp/2070754286/ref=pd_sim_sbs_14_2?ie=UTF8&dpID=519E1Z2K
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+1661-1789
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661
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%89tat%2C+Contr%C3%B4le+de+la+soci%C3%A9t%C3%A9
Louis XIII (1601-1643) : « Merci ! Grand merci à vous ! A cette heure, je suis
roi ! » -Louis XIII, à ses partisans, après l’assassinat de Concino Concini au
Louvre, le 24 avril 1617.
« C’est le plus grand serviteur que jamais la France ait eu. » -Louis XIII,
défendant Richelieu contre sa mère au lendemain de la Journée des dupes, 11
novembre 1630. Cité par Louis Batiffol, Richelieu et le Roi Louis XIII (1934).
Les grands fiefs du XVème siècle ont, entre-temps, disparu. » -Denis Richet, Le
royaume de France au XVIème siècle, in Denis Richet, De la Réforme à la
Révolution. Études sur la France moderne, Aubier, 1991, 584 pages, pages 343-
387, p.346.
« A Louis XIII
Roi très chrétien des Francs et de Navarre. » (p.3)
"Vous ne faites aucune violence aux consciences pensant autrement que vous
sur les choses de la religion." (p.4)
"Il est grand, ce royaume qui est à vous et qui s'étend, de l'une à l'autre mer, à
travers de si vastes espaces de contrées prospères ; mais vous avez un Empire
plus grand que ce royaume: c'est que vous ne convoitez pas les royaumes
d'autrui !" (p.4)
-Hugo Grotius, Le droit de la guerre et de la paix, trad. P. Pradier-Fodéré, PUF,
2012 (1625 pour la première édition en latin), 868 pages.
662
« Louis, l'un de nos plus grands princes, sinon le plus grand, le saint de la
monarchie capétienne. » -Robert Brasillach, Corneille, Fayard, 2006 (1938 pour
la première édition), 355 pages, p.69.
« Richelieu avait foudroyé plutôt que gouverné les humains. » -Cardinal de Retz,
Mémoires (1671-1675).
http://hydra.forumactif.org/t1140-arnaud-teyssier-richelieu#1774
664
https://www.amazon.fr/Richelieu-foi-dans-France-
Gallo/dp/2266268252/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1500541716&sr=1-
1&keywords=richelieu+max+gallo
http://www.amazon.fr/RICHELIEU-Lambition-pouvoir-Michel-
Carmona/dp/2213012741/ref=pd_sim_14_2?ie=UTF8&dpID=41QlAi8Tm%2B
L&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR100%2C160_&refRID=1XZ8MKR4C
G0K50ZEHJJF
https://www.amazon.fr/Testament-politique-
RICHELIEU/dp/226203592X/ref=sr_1_9?ie=UTF8&qid=1488802422&sr=8-
9&keywords=Arnaud+Teyssier
http://www.amazon.fr/Br%C3%A9viaire-politiciens-Jules-
Mazarin/dp/2869597703
http://www.amazon.fr/Cardinal-Retz-Conjuration-Jean-Louis-
Appendices/dp/2070110281/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1450117477
&sr=1-1&keywords=oeuvres+du+cardinal+de+retz
665
Pierre Corneille (1606-1684) : « Je satisfais ensemble et peuple et courtisans,
« Corneille, qui fait mieux parler les Grecs que les Grecs, les Romains que les
Romains, les Carthaginois que les citoyens de Carthage ne parloient eux-mêmes
; Corneille, qui, presque seul, a le bon goût de l’antiquité, a eu le malheur de ne
plaire pas à notre siècle, pour être entré dans le génie de ces nations, et avoir
conservé à la fille d’Asdrubal son véritable caractère.
Ainsi, à la honte de nos jugements, celui qui a surpassé tous nos auteurs, et qui
s’est peut-être ici surpassé lui-même, à rendre à ces grands noms tout ce qui
leur étoit dû, n’a pu nous obliger à lui rendre tout ce que nous lui devions,
asservis par la coutume aux choses que nous voyons en usage, et peu disposés
par la raison à estimer des qualités et des sentiments qui ne s’accommodent pas
aux nôtres.
J’ai cru jusques ici que l’amour étoit une passion trop chargée de foiblesse,
pour être la dominante, dans une pièce héroïque : j’aime qu’elle y serve
d’ornement, et non pas de corps ; et que les grandes âmes ne la laissent agir
qu’autant qu’elle est compatible avec de plus nobles impressions. » -Lettre de
666
M. de Corneille à M. de Saint-Évremond, pour le remercier des louanges qu’il
lui avoit données, dans la dissertation sur l’Alexandre de Racine (1668), in
Œuvres mêlées de Saint-Évremond, 3 volumes, Troisième Partie, Texte établi
par Charles Giraud, J. Léon Techener fils, 1865, 440 pages, p.311-312.
« Je vous puis répondre que jamais réputation n’a été si bien établie que la
vôtre, en Angleterre et en Hollande. […] Je crois que l’influence du mauvais
goût s’en va passer ; et la première pièce que vous donnerez au public fera voir,
par le retour de ses applaudissements, le recouvrement du bon sens et le
rétablissement de la raison. » -Charles de Saint-Évremond, Réponse de M. de
Évremond à M. de Corneille, in Œuvres mêlées de Saint-Évremond, 3 volumes,
Troisième Partie, Texte établi par Charles Giraud, J. Léon Techener fils, 1865,
440 pages, p.313 et 315.
« Il faut relire le Cid. Ou plutôt il faut le lire pour la première fois, et nous-
mêmes d’un regard inhabitué. L’amour de Chimène et de Rodrigue pour
l’honneur est une des nourritures les plus profondes de leur propre amour. Et
leur amour est une nourriture profonde et une offrande perpétuelle qu’ils font à
667
l’honneur. Et l’honneur qu’ils rendent à l’amour est encore une nourriture de
leur amour. » (p.169)
« C'est en cette même année 1636 que l'auteur déjà illustre de Médée et de
L'Illusion tira d'un poète espagnol, Guilhen de Castro, l'œuvre qui lui donna
d'un coup non plus la célébrité, mais la gloire: Le Cid. Avec Le Cid, Pierre
Corneille, à trente ans, épouse la Gloire […]
[Les critiques] s'acharnèrent sur Le Cid, et l'Académie naissante inaugura une
éclatante carrière d'erreurs en présentant tout aussitôt sur le jeune chef-d'œuvre
les Observations imbéciles que l'on connaît. » (p.97-98)
"Le Cid est de 1636, c'est-à-dire de l'année même où nous avons vaincu les
Espagnols à Corbie, et Le Cid est tout empli de la plus généreuse passion pour
l'Espagne. Certes, c'est bien le symbole d'un temps où les guerres, guerres de
chevaliers, n'engageaient point toute l'idéologie de la nation." (p.103)
-Robert Brasillach, Corneille, Fayard, 2006 (1938 pour la première édition), 355
pages.
http://hydra.forumactif.org/t252-pierre-corneille-le-cid-poesies-diverses#512
668
l'élection de Jean Racine. » -Robert Brasillach, Corneille, Fayard, 2006 (1938
pour la première édition), 355 pages, p.331.
« Tous les hommes recherchent d’être heureux. Cela est sans exception,
quelques différents moyens qu’ils y emploient. Ils tendent tous à ce but. Ce qui
fait que les hommes vont à la guerre et que les autres n’y vont pas est ce même
désir qui est dans tous les deux accompagné de différentes vues. La volonté ne
fait jamais la moindre démarche que vers cet objet. C’est le motif de toutes les
actions de tous les hommes, jusqu’à ceux qui vont se pendre. » -Blaise Pascal,
Pensées, 138, édition Michel Le Guern (1670 pour la première édition).
Ils confessent que la justice n’est pas dans ces coutumes, mais qu’elle réside
dans les lois naturelles communes en tout pays. Certainement ils le
soutiendraient opiniâtrement si la témérité du hasard qui a semé les lois
humaines en avait rencontré au moins une qui fût universelle. Mais la
plaisanterie est telle que le caprice des hommes s’est si bien diversifié qu’il n’y
en a point.
669
Le larcin, l’inceste, le meurtre des enfants et des pères, tout a eu sa place entre
les actions vertueuses. Se peut‑il rien de plus plaisant qu’un homme ait droit de
me tuer parce qu’il demeure au‑delà de l’eau et que son prince a querelle contre
le mien, quoique je n’en aie aucune avec lui ?
Il y a sans doute des lois naturelles, mais cette belle raison corrompue a tout
corrompu. Nihil amplius nostrum est, quod nostrum dicimus artis est. Ex
senatusconsultis et plebiscitis crimina exercentur. Ut olim vitiis sic nunc legibus
laboramus.
De cette confusion arrive que l’un dit que l’essence de la justice est l’autorité du
législateur, l’autre la commodité du souverain, l’autre la coutume présente. Et
c’est le plus sûr. Rien, suivant la seule raison, n’est juste de soi, tout branle avec
le temps. La coutume fait toute l’équité, par cette seule raison qu’elle est reçue.
C’est le fondement mystique de son autorité, qui la ramènera à son principe
l’anéantit. Rien n’est si fautif que ces lois qui redressent les fautes. Qui leur
obéit parce qu’elles sont justes, obéit à la justice qu’il imagine, mais non pas à
l’essence de la loi, elle est toute ramassée en soi. Elle est loi et rien davantage.
Qui voudra en examiner le motif le trouvera si faible et si léger que s’il n’est
accoutumé à contempler les prodiges de l’imagination humaine, il admirera
qu’un siècle lui ait tant acquis de pompe et de révérence. L’art de fronder,
bouleverser les États est d’ébranler les coutumes établies en sondant jusque dans
leur source pour marquer leur défaut d’autorité et de justice. Il faut, dit‑on,
recourir aux lois fondamentales et primitives de l’État qu’une coutume injuste a
abolies. C’est un jeu sûr pour tout perdre, rien ne sera juste à cette balance.
Cependant le peuple prête aisément l’oreille à ces discours. Ils secouent le joug
dès qu’ils le reconnaissent. Et les Grands en profitent à sa ruine et à celle de ces
curieux examinateurs des coutumes reçues. C’est pourquoi le plus sage des
législateurs disait que pour le bien des hommes il faut souvent les piper. Et un
autre bon politique, Cum veritatem qua liberetur ignoret, expedit quod fallatur. Il
ne faut pas qu’il sente la vérité de l’usurpation. Elle a été introduite autrefois
sans raison, elle est devenue raisonnable. Il faut la faire regarder comme
authentique, éternelle et en cacher le commencement si on ne veut qu’elle ne
prenne bientôt fin. » -Blaise Pascal, Fragment Misère n° 9 / 24.
http://hydra.forumactif.org/t266-blaise-pascal-oeuvres#530
https://www.amazon.fr/Pascal-Andr%C3%A9-
Gall/dp/2080676075/ref=sr_1_45?s=books&ie=UTF8&qid=1468854047&sr=1-
45&keywords=blaise+pascal
671
http://www.amazon.fr/Pascal-saint-Augustin-Philippe-
Sellier/dp/2226076239/ref=pd_sim_14_8?ie=UTF8&dpID=416UZCiMKCL&d
pSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR104%2C160_&refRID=1KH2XN686P0A
NAC2WV5A
https://www.amazon.fr/Conversion-souverain-bien-Blaise-
Pascal/dp/2296993273/ref=tmm_pap_swatch_0?_encoding=UTF8&qid=146885
3901&sr=1-8
https://www.amazon.fr/Dialectique-mis%C3%A8re-grandeur-blaise-
pascal/dp/2747504115/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1468853873&sr=1
-1&keywords=Jean-Louis-Bischoff-Dialectique-de-la-misere-de-la-grandeur-
chez-Blaise-Pascal
https://www.amazon.fr/Pascal-d%C3%A9tours-retournements-G%C3%A9rard-
Lebrun/dp/2701022355/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1477348859&sr=
1-1&keywords=G%C3%A9rard+Lebrun
Nicolas Malebranche (1631-1715) : « Rien n’est bon à notre égard s’il n’est
capable de nous rendre plus heureux et plus parfaits (...) on ne peut rien aimer
que par rapport à soi ou que par amour de soi-même, car je ne parle point ici
d’une espèce de bonté qui consiste dans la perfection de chaque chose. » -
Malebranche, 3e lettre au R.P. Lamy, OC 14, 85.
« Le plaisir est toujours un bien, et la douleur toujours un mal ; mais il n’est pas
toujours avantageux de jouir du plaisir, et il est quelquefois avantageux de
souffrir la douleur. » -Nicolas Malebranche, Apologie ou les véritables
mémoires de Maria Mancini.
672
Sacer, II, 2. Éditions du Seuil, coll. « L’ordre philosophique », septembre 2008
(2007 pour la première édition italienne), 443 pages, p. 396.
http://hydra.forumactif.org/t3509-nicolas-malebranche-traite-de-morale#4344
http://www.amazon.fr/Malebranche-Claire-
Schwartz/dp/2251760830/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1458750654&sr
=1-1&keywords=Figures+du+savoir
http://www.amazon.fr/Nicolas-Malebranche-Genevi%C3%A8ve-Rodis-
Lewis/dp/B00DP8ZGO4/ref=sr_1_2?ie=UTF8&qid=1443699059&sr=8-
2&keywords=Genevi%C3%A8ve+Rodis-Lewis+nicolas+malebranche
Samuel von Pufendorf (1632-1694) : « J’avoue que les textes sacrés nous
fournissent de grandes lumières pour connaître plus certainement les principes
du Droit naturel. Mais cela n’empêche pas qu’on ne puisse découvrir et
démontrer solidement ces principes […] par les seules forces de la Raison
naturelle. » -Samuel PUFENDORF. Le Droit de la nature ...• op. cit .• vol. 1. p.
231.
673
la loi naturelle voulue par Dieu, a charge d'accomplir volontairement et
librement afin que son humanité le distingue des autres créatures. » -Simone
Goyard-Fabre, Les embarras philosophiques du droit naturel, Paris, Librairie
philosophique J. Vrin, coll. Histoire des idées et des doctrines, 2002, p.87.
http://hydra.forumactif.org/t1784-samuel-von-pufendorf-le-droit-de-la-nature-et-
des-gens-les-devoirs-de-l-homme-et-du-citoyen-tels-qu-ils-lui-sont-prescrits-
par-la-loi-naturelle#2467
https://www.amazon.fr/Histoire-du-libertinage-Didier-
FOUCAULT/dp/2262032173/ref=pd_sim_sbs_14_1?ie=UTF8&dpID=51DBt0-
RnCL&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR98%2C160_&refRID=RBJT5KG
6JDYYT6C4Q37C
http://www.amazon.fr/LAmour-temps-libertins-Patrick-
LASOWSKI/dp/2754018867/ref=tmm_pap_title_0?ie=UTF8&qid=1455308357
&sr=1-290
http://www.amazon.fr/Lharmonie-plaisirs-mani%C3%A8res-
lav%C3%A8nement-
674
sexologie/dp/2081238462/ref=pd_sim_14_5?ie=UTF8&dpID=51NQZtbQzjL&
dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR93%2C160_&refRID=01JVV8SXMTP3
RVGNW28W
Louis XIV (1638-1715): « Il faut que les intentions des Grands soient comme
les mystères de la foi. Il n’appartient pas aux hommes d’y pénétrer. On doit les
révérer et croire qu’elles ne sont jamais que pour le bien et le salut de la
patrie. » -Mademoiselle de Montpensier, dite la Grande Mademoiselle,
Mémoires de Mademoiselle de Montpensier, petite fille de Henri IV, collationnés
sur le manuscrit autographe par A. Chéruel, Paris, sd. II, p.22. Année 1652.
On peut dire que c'est justement pour avoir été une des premières à initier un tel
bouleversement que la France, en donnant un caractère centralisateur et
nationaliste à l'idée d'État, eut à subir la première l'écroulement du régime
monarchique et l'avènement de la République, au sens d'une arrivée au pouvoir,
résolue et déclarée, du Tiers-État, à tel point qu'elle apparut aux yeux des
nations européennes comme le principal foyer de ferment révolutionnaire et de
la mentalité laïque, nationaliste, illuministe, et donc mortelle pour les dernières
survivances de la Tradition. » -Julius Evola, Révolte contre le monde moderne
(1934).
« Mon petit pays, par exemple, à cheval sur le Cantal et l’Aveyron constituait au
Moyen-Age la comté de Carladez. En 1643, Louis XIV donne ce territoire
autour de Mur de Barrez aux Grimaldi, princes de Monaco. » -Jacques Serieys,
« La Révolution française et la Nation », 20 novembre 2020.
675
« Le Roy très-chrétien restituera au royaume et à la Reine de la G. B. pour les
posséder en plein droit et à perpétuité, la baye et le détroit d’Hudson, avec
toutes les terres, mers, rivages, fleuves et lieux qui en dépendent, et qui y sont
situés, sans rien excepter de l’étendue desdites terres et mers possédées
présentement par les François, le tout aussi bien que tous les édifices et forts
construits, tant avant que depuis que les François s’en sont rendus maîtres,
seront délivrés de bonne foy en leur entier, et en l’état où ils sont présentement
sans en rien démolir, avec toute l’artillerie, boulets, la quantité de poudre,
proportionnée à celle des boulets (si elle s’y trouve), et autres choses servant à
l’artillerie, à ceux des sujets de la Reine de la G. B., munis de ses commissions
pour les demander et recevoir, dans l’espace de six mois, à compter du jour de
la ratification de présent Traité, ou plus tôt si faire se peut, à condition toutefois
qu’il sera permis à la compagnie du Québec et à tous autres sujets quelconques
du Roy T. C. de se retirer desdites terres et détroits, par terre ou par mer, avec
tous leurs biens, marchandises, armes, meubles et effets de quelque nature ou
espèce qu’ils soient, à la réserve de ce qui a été excepté cy dessus. Quant aux
limites entre la baye d’Hudson et les lieux appartenant à la France, on est
convenu qu’il sera nommé incessamment des commissaires de part et d’autre,
qui les détermineront dans le terme d’un an, et il ne sera pas permis aux sujets
des deux nations de passer lesdites limites pour aller les uns aux autres, ni par
mer, ni par terre. Les mêmes commissaires auront le pouvoir de régler
pareillement les limites entre les autres colonies françaises et britanniques de
ces païs là. » -Traité d’Utrecht, article 10, 1713.
« Louis XIV racontait à l'une de ses maîtresses combien son confesseur avait
tranquillisé sa conscience, alarmée de l'oppression et de l'épuisement de son
peuple, en l'assurant qu'il était le maître de tout ce que possédaient ses sujets.
Voir Gordon, Discours politiques sur Tacite. » -Paul-Henri Thiry d’Holbach,
Système social ou Principes naturels de la Morale & de la Politique avec un
Examen de l’Influence du Gouvernement sur les Mœurs, 1773 in Œuvres
philosophiques (1773-1790), Éditions coda, 2004, 842 pages, pp.5-314, p.25.
« Sous Louis XIV, sous le règne de ce roi qui a porté si haut, dit-on, la gloire et
la puissance de la France, quelle était la condition du peuple ? Était-il
supérieure à celle du peuple de nos jours ? Tout le monde connaît le passage
célèbre de la Dixme royale de Vauban, dans lequel cet illustre homme de bien
caractérisait en des termes navrants l’état de la France.
676
“Il est certain, disait-il, que le mal est poussé à l’excès, et si l’on n’y remédie, le
menu peuple tombera dans une extrémité dont il ne se relèvera jamais; les grand
chemins des campagnes et les rues des villes et des bourgs étant pleins de
mendiants que la faim et la nudité chassent de chez eux.
“Par toutes les recherches que j’ai pu faire depuis plusieurs années que je m’y
applique, j’ai fort bien remarqué que, dans ces derniers temps, près de la
dixième partie du peuple est réduite à la mendicité, et mendie effectivement; que
des neufs autres parties, il y en a cinq qui ne sont pas en état de faire l’aumône à
celle-ça, parce qu’eux-mêmes sont réduits, à très-peu de chose près, à cette
malheureuse condition; que des quatre autres parties qui restent, trois sont fort
malaisées et embarrassées de dettes et de procès, et que dans la dixième, où je
mets tous les gens d’épée, de robe, eccléstiastiques et laïques, toute la noblesse
haute, la noblesse distinguée, et les gens en charge militarire et civile, les bons
marchands, les bourgeois rentés et les plus accommodées, on ne peut pas
compter sur cent mille familles; et je ne croirais pas mentir quand je dirais qu’il
n’y a pas de dix mille familles petites ou grandes qu’on puisse dire fort à leur
aise. » -Gustave de Molinari, Journal des Économistes Tome XX, N° 82. – 15
juin 1848 (p. 328-332).
677
bientôt « l’ancien régime », ce composé de vieilleries inutiles ou funestes, de
décors en lambeaux, de droits sans devoirs devenus des abus, ces ruines d’un
long passé au-dessus desquelles se dresse solitaire une toute-puissance, qui se
refuse à préparer un avenir, il ne serait pas juste de l’imputer au seul Louis
XIV ; mais il l’a porté au plus haut degré d’imperfection et marqué pour la
mort. » -Alexandre de Ségur, A. Rebelliau, P. Sagnac et Ernest Lavisse, Histoire
de France, Tome VIII « Louis XIV et la fin du règne (1685-175) », 190
« Louis XIV, après la mort du dauphin et d’un de ses fils, se trouve confronté à
une situation risquée, puisque l’héritier est un enfant en très bas âge dont la
survie est aléatoire ; l’autre fils survivant du dauphin a renoncé au trône de
France pour celui d’Espagne. Mais le roi ne peut pas inscrire dans la
succession au trône ses fils bâtards, même légitimés et compétents. » -Yannick
Mével & Nicole Tutiaux-Guillon, Didactique et enseignement de l'histoire-
géographie au collège et au lycée, Éditions Publibook, Paris, 2013, 291 pages,
note 1 p.48.
"Au Siam, Louis XIV voulait installer le commerce français, et répandre la vraie
foi. On amorça des échanges: en 1684, les Parisiens virent arriver des
mandarins siamois, grande merveille ; en 1685, une mission française se rendit
au Siam ; en 1686, une nouvelle mission siamoise vint en France ; en 1687, une
seconde mission française renouvela la tentative. Alors parurent des relations
écrites par les savants ecclésiastiques et par les diplomates mêlés à l’affaire.
D’où la curiosité du public. D’où, par un mécanisme psychologique qui ne
change pas, l’image embellie des Siamois, pieux, sages, éclairés. Par exemple,
on raconte que lorsqu’on a proposé au Roi de Siam de se convertir, il a répondu
que si la Providence divine avait voulu qu'une seule religion régnât sur le
monde, rien ne lui aurait été plus facile que d’exécuter ce dessein ; mais puisque
Dieu avait toléré une foule de religions dissemblables, on devait conclure qu’il
préférait être glorifié par une prodigieuse quantité de créatures le louant
chacune à sa manière. En rapportant ces propos, on s’émerveille: eh quoi ! ce
prince de Siam, qui pourtant ignore les sciences de l’Europe, a exposé avec une
force et une netteté remarquables la raison la plus plausible de la philosophie
païenne contre la seule vraie religion ! ... Les conclusions qu’on tire de tout cela
678
tournent à l’hétérodoxie. Les Siamois souffrent toute sorte de religions, et leur
Roi permet à des missionnaires chrétiens de prêcher librement dans leurs villes:
les Européens sont-ils aussi larges, aussi tolérants ? Et que diraient-ils, si les
Talapoins, c’est le nom des prêtres de là-bas, s’avisaient de venir en France
pour y prêcher leur foi ? — Les Siamois ont une religion parfaitement ridicule ;
ils adorent un Dieu extravagant qui s’appelle Sommonokhodom ; et cependant,
leurs mœurs sont pures et même austères ; un chrétien n’a rien à redire à la
conduite de leur vie. Morale et religion ne sont donc pas nécessairement liées ?"
(p.19-20)
-Paul Hazard, La Crise de la conscience européenne (1680-1715), "Les
classiques des sciences sociales", 2005, 359 pages, à partir de Le livre de Poche,
collection références, Paris, 1994 (1935 pour la première édition).
"Fut poursuivie - surtout par Louis XI et Louis XIV - la lutte contre la noblesse
féodale, lutte qui ne dédaignait pas l'appui de la bourgeoisie et tolérait même,
pour atteindre son but, l'esprit de révolte de couches sociales encore plus basses
; c'est lui qui favorisa déjà une culture antitraditionnelle, grâce à ses « légistes
» qui furent, avant les humanistes de la Renaissance, les véritables précurseurs
du laïcisme moderne. S'il est significatif que ce soit un prêtre - le cardinal de
Richelieu - qui ait affirmé, contre la noblesse, le principe de la centralisation, en
préparant le remplacement des structures féodales par binôme nivellateur
moderne du gouvernement et de la nation, il est incontestable que Louis XIV, en
façonnant les pouvoirs publics, en développant systématiquement l'unité
nationale, et en la renforçant sur le plan politique, militaire et économique, a
pour ainsi dire, préparé un corps pour l'incarnation d'un nouveau principe,
celui du peuple, de la nation conçue comme simple collectivité bourgeoise ou
plébéienne. Ainsi, l'oeuvre anti-aristocratique entreprise par les rois de France,
dont on a déjà souligné l'opposition constante contre le Saint Empire, devait
logiquement, avec un Mirabeau, se retourner contre eux et les chasser
finalement du trône contaminé. On peut affirmer que c'est précisément pour
s'être engagée la première dans cette voie et avoir, de ce fait, sans cesse accru
le caractère centralisateur et nationaliste de la notion d'Etat, que la France
connut la première l'écroulement du régime monarchique et, d'une façon précise
et ouverte, avec l'avènement du régime républicain, le passage du pouvoir entre
les mains du Tiers Etat. Elle devint ainsi, au sein des nations européennes, le
principal foyer de ce ferment révolutionnaire et de cette mentalité laïque et
rationaliste, qui devaient détruire les derniers vestiges de la traditionnalité."
679
-Julius Evola, Révolte contre le monde moderne, chapitre 12 "Déclin de
l’oecumène médiéval - Les nations", Les Éditions de L'Homme Ltée, Copyright,
Ottawa, 1972 (1934 pour la première édition italienne), 479 pages.
https://www.france-histoire-esperance.com/12-juin-1709-louis-xiv-publier-
lettre-dappel-a-laide-a-sujets/
https://www.amazon.fr/Louis-XIV-vingt-millions-
Fran%C3%A7ais/dp/2818500060/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1538399629&sr=
8-1&keywords=Louis+XIV+et+vingt+millions+de+Fran%C3%A7ais
https://www.amazon.fr/arm%C3%A9es-Roi-chantier-XVIIe-XVIIIe-
si%C3%A8cle/dp/2200614152/ref=pd_sim_14_1?_encoding=UTF8&psc=1&re
fRID=HM5VDRTE0D4RTAW4TQ9H
http://www.amazon.fr/Les-guerres-Louis-John-
LYNN/dp/2262047553/ref=pd_sim_14_53?ie=UTF8&dpID=51MHvk5F-
XL&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR99%2C160_&refRID=0B9HWRQR
G1GTP5TZB4VS
https://www.amazon.fr/Utopie-r%C3%A9volte-sous-Louis-
XIV/dp/2707805009/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1502828067&sr=1-
1&keywords=utopie+et+r%C3%A9volte+sous+louis
« Colbert, après avoir fait preuve de libéralisme dans le tarif douanier de 1664,
cède aux doléances des manufacturiers et, dans le tarif de 1667, inaugure, si
l’on peut dire, le protectionnisme national en France. Les droits de douane,
plutôt fiscaux que protecteurs, établis en 1664, sont remplacés par 700 droits de
sortie, 900 droits d’entrée, destinés cette fois ouvertement à protéger l’industrie
nationale : les Anglais et les Hollandais répondent en élevant les droits sur les
produits français et en particulier en prohibant nos vins et eaux-de-vie,
principal objet de nos exportations. Les intérêts économiques étant ainsi
heurtés, la guerre était inévitable. Elle éclate avec la Hollande en 1672. La paix
de Nimègue entraîne renonciation au tarif de 1667 et liberté réciproque du
commerce des deux pays. Quant à l’Angleterre, elle prohibe momentanément
tout commerce avec la France « comme nuisible à l’État ».
680
Les successeurs de Colbert ne font qu’exagérer son système ; la même cause a
les mêmes effets. En 1688, nouvelle guerre avec la Hollande ; le traité de
Ryswick en 1697 amène la promulgation, deux ans après, de nouveaux tarifs qui
font bénéficier les produits hollandais de taxes privilégiées. Contre l’Angleterre,
nous élevons en 1687 nos droits sur les étoffes de laine, principal objet de ses
exportations. En 1696 elle nous répond en frappant à perpétuité nos produits de
taxes d’importation de 25% plus élevées que ceux des autres nations. En 1701 la
France, par arrêt du Conseil, prohibe un grand nombre de marchandises
anglaises, élève les droits sur certaines autres et cherche à atteindre la marine
anglaise par des surtaxes de pavillon. En 1703, l’Angleterre passe avec le
Portugal le traité de Méthuen qui assure aux vins portugais l’avantage sur les
nôtres d’une taxe trois fois moins élevée. Une pièce de Champagne paye alors
en Angleterre 475 francs de droits, une pièce de Bourgogne 750 francs.
682
https://www.amazon.fr/Colbert-Fran%C3%A7ois-
DAUBERT/dp/2262048258/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1468853681
&sr=1-1&keywords=Francois-D-Aubert-Colbert
683
d'embarras. » -Louis-Armand de Lom d'Arce, Supplément aux voyages du
baron de La Hontan, 1703.
« Tous les grands écrivains du XVIIème siècle furent avec Boileau, quand éclata
la querelle des anciens et des modernes, tandis que Perraut était un infatigable
défenseur des mauvais auteurs que Boileau a tués : Chapelain, Cotin, Saint-
Amant. » (p.50)
-Georges Sorel, Les illusions du progrès, L'Age d'Homme, coll. "Les classiques
de la politique", 2007 (1908 pour la première édition).
https://www.amazon.fr/Querelle-Anciens-Modernes-17e-18e-
si%C3%A8cles/dp/2070387526/ref=pd_rhf_dp_s_cp_4?ie=UTF8&dpID=51dd
C6H3T1L&dpSrc=sims&preST=_SL500_SR82%2C135_&refRID=9P5CB5KQ
WV9700G66MGZ
Jean de La Fontaine (1621-1695) : "Mais un fripon d’enfant, cet âge est sans
pitié,
684
Notre prince a des dépendants
D'étonnement et d'épouvante.
685
De votre Empereur et du nôtre. » -Jean de La Fontaine, Livre I, Fable XII « Le
Dragon à plusieurs têtes et le Dragon à plusieurs queues. »
http://hydra.forumactif.org/t4347-moliere-1622-1673#5226
https://www.amazon.fr/Moli%C3%A8re-Mory-
Christophe/dp/2070319628/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1468853514&
sr=1-1&keywords=Christophe-Mory-Moliere
Jean-Baptiste Dubos (1670-1742) : « Tous les artistes le lisent avec fruit. C’est
le livre le plus utile qu’on ait jamais écrit sur ces matières chez aucune des
nations de l’Europe. Ce qui fait la bonté de cet ouvrage, c’est qu’il n’y a que
peu d’erreurs et beaucoup de réflexions vraies, nouvelles et profondes. Ce n’est
686
pas un livre méthodique ; mais l’auteur pense, et fait penser. Il ne savait
pourtant pas la musique ; Il n’avait jamais pu faire de vers, et n’avait pas un
tableau ; mais il avait beaucoup lu, vu, entendu et réfléchi. » -Voltaire, Le Siècle
de Louis XIV, 1751.
« Selon Bossuet [...] aucun excès de pouvoir, pour démesuré qu'il soit, ne justifie
le recours du peuple à la force, et que l'unique remède offert aux maux des
citoyens, "en quelque nombre qu'ils soient", c'est "les prières et la patience
contre la puissance publique". » -Henry Michel, L'idée de l'Etat: essai critique
sur les théories sociales et politique en France depuis la Révolution, Paris,
Librairie Hachette et Cie, 1896, 666 pages, p.7.
« Les philosophes, qui ont pris Dieu pour guide directeur de l'histoire, partagent
cette infatuation ; ils s'imaginent que ce Dieu, créateur de l'univers et de
l'humanité, ne peut s'intéresser à autre chose qu'à leur patrie, religion et
politique. Le Discours sur l'Histoire universelle, de Bossuet, est un des
échantillons les mieux réussis du genre : les peuples païens s'exterminent pour
préparer la venue du christianisme, sa religion, et les nations chrétiennes
s'entretuent pour assurer la grandeur de la France, sa patrie, et la gloire de
Louis XIV, son maître. » -Paul Lafargue, Le déterminisme économique de Karl
Marx. Recherches sur l'origine et l'évolution des idées de justice, du bien, de
l'âme et de dieu, 1909.
https://www.amazon.fr/Bossuet-conscience-lEglise-France-
Richardt/dp/2755405740/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1468853352&sr
=1-1&keywords=Aime-Richardt-Bossuet-la-conscience-de-l-Eglise-de-France
687
François de Salignac de La Mothe-Fénélon (1651-1715) : « Il faut être
toujours prêt à faire la guerre, pour n’être jamais réduit au malheur de la
faire. » -Fénélon, Les Aventures de Télémaque, fils d’Ulysse (1699).
« Au moment même où le roi le plus absolu peut-être qui ait jamais existé, Louis
XIV, étouffait les derniers vestiges des libertés locales et mettait en vente les
offices des magistrats municipaux, les idées de liberté générale prenaient
naissance et se montraient parées des couleurs les plus séduisantes sous la
plume enchanteresse du vertueux archevêque de Cambrai. […]
Fénélon le premier osa proclamer en face des souverains absolus le droit qu’a
le peuple de participer au pouvoir. Le Télémaque parut aux uns une théorie
d’économie politique, aux autres une satire contre le système suivi par Louis
XIV ; pour tous il fut une magnifique protestation en faveur des droits du
peuple, une éloquente et vertueuse exposition des devoirs du souverain.
688
C’est un bon présage pour la démocratie que la première voix qui s’élevait en
sa faveur, fut celle du chrétien le plus pieux, le plus vertueux, le plus éclairé que
la France ait jamais produit. »
http://hydra.forumactif.org/t3643-francois-de-salignac-de-la-mothe-fenelon-
essai-philosophique-sur-le-gouvernement-civil#4481
http://www.amazon.fr/F%C3%A9nelon-Sabine-MELCHIOR-
BONNET/dp/226202071X/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1446893386&
sr=1-1&keywords=F%C3%A9nelon+sabine+melchior
http://www.amazon.fr/Vauvenargues-s%C3%A9ditieux-entre-Pascal-
Spinoza/dp/2745329669/ref=sr_1_3?ie=UTF8&qid=1457973407&sr=8-
3&keywords=Laurent+Bove
« 305. L'intérêt que l'on accuse de tous nos crimes mérite souvent d'être loué de
nos bonnes actions. »
« Il n’y a presque point d’homme qui veuille, en toutes choses, se laisser voir tel
qu’il est. » -François de La Rochefoucauld, Réflexions morales in Réflexions ou
Sentences et Maximes morales.
« Quoiqu’il n’y ait presque qu’une vérité dans ce livre, qui est que l’amour-
propre est le mobile de tout, cependant cette pensée se présente sous tant
d’aspects variés qu’elle est presque toujours piquante. » -Voltaire, à propos des
Maximes de La Rochefoucauld, dans Le Siècle de Louis XIV.
http://hydra.forumactif.org/t651-francois-de-la-rochefoucauld-maximes-et-
reflexions-morales?highlight=La+Rochefoucauld
https://www.amazon.fr/Rochefoucauld-Oeuvres-compl%C3%A8tes-
Fran%C3%A7ois/dp/2070103013/ref=sr_1_6?s=books&ie=UTF8&qid=146885
3239&sr=1-6&keywords=Fran%C3%A7ois+de+La+Rochefoucauld
690
Cycle du Siècle des Lumières (XVIIIe siècle): « Le XVIIIème siècle ouest-
européen marque l'aube de l'âge du nationalisme, mais aussi le crépuscule des
formes de pensée religieuses. Le siècle des Lumières, du sécularisme
rationaliste, n'alla pas sans ses ténèbres propres. Avec le reflux de la croyance
religieuse, la souffrance qui en était une composante n'a pas disparu pour
autant. Désintégration du paradis: rien ne rend la fatalité plus arbitraire.
Absurdité du salut: rien ne rend plus nécessaire une continuité d'un autre style.
Ainsi s'imposa alors une transformation séculière de la fatalité en continuité, de
la contingence en signification. Peu de choses, nous le verrons, s'y prêtaient (s'y
prêtent) mieux que l'idée de nation. S'il est largement reconnu que les Etats-
nations sont "nouveaux" et "historiques", les nations auxquelles ils donnent une
expression politique paraissent surgir d'un passé immémorial et, surtout,
semblent promises à un avenir illimité. » -Benedict Anderson, L'imaginaire
national. Réflexions sur l'origine et l'essor du nationalisme, Paris, Éditions La
Découverte & Syros, 2002 (1983 pour la première édition américaine), 211
pages, p.25.
« L'esprit du temps tend vers le dépérissement des pays dans l'Europe des
Lumières ; un européisme unificateur, niveleur des individualités, une
acculturation essentiellement française se diffusent en un cosmopolitisme affadi
que Rousseau rejette très vivement. » -Jean-Jacques Guinchard, "Le national et
le rationnel", Communications (numéro thématique : Éléments pour une théorie
de la nation), Année 1987, 45, pp. 17-49, p.37-38.
« Je crois que l’une des rares choses qui nous sépare d’une descente accélérée
vers les ténèbres est l’ensemble de valeurs héritées du siècle des Lumières. Cette
vision n’est pas très à la mode en ce moment, où les Lumières peuvent être
rejetées pour toute sorte de raisons, qu’on les tienne pour superficielles et
intellectuellement naïves ou pour une conspiration d’hommes blancs morts
portant perruque qui visait à fournir une assise intellectuelle à l’impérialisme
occidental. Que tout cela soit vrai ou pas, les Lumières sont aussi l’unique
fondement des aspirations à construire des sociétés propices à la vie de tous les
êtres humains partout sur cette Terre, et de l’affirmation de leurs droits en tant
que personnes. Le progrès de la civilité qui s’est produit entre le XVIIIème
691
siècle et le début du XXème s’est accompli dans une très grande mesure ou
entièrement sous l’influence des Lumières, mené par des gouvernements dirigés
par ce que l’on appelle encore, dans l’intérêt des étudiants en histoire, des
« despotes éclairés », par des révolutionnaires et des réformateurs, des libéraux,
des socialistes, des communistes, qui tous appartenaient à la même famille
intellectuelle. » -Eric J. Hobsbawm, Marx et l’histoire, Éditions Demopolis, coll.
Pluriel, 2008, 204 pages, p.5-6.
« Avant tout -le fait est trop constant pour qu'on y insiste- le XVIIIe siècle est
une réaction contre l'époque de Louis XIV, contre l'absolutisme religieux et
politique du grand roi. Avant sa mort déjà, les esprits tendent à s'émanciper ;
sitôt qu'il a disparu, nous avons la Régence et ses débauches de toute espèce.
Les idées qui ont prévalu en Angleterre en 1688 excitent la faveur et
l'enthousiasme et c'est sous leur influence que se fait sentir, dès la première
moitié du XVIIIe siècle, un double mouvement de réaction. Le nom de Voltaire
en matière de religion, celui de Montesquieu dans le domaine de la politique,
sont ceux en qui s'affirmèrent le plus brillamment ces tendances. L'un aboutit au
déisme, ou au delà ; l'autre a une préférence marquée pour la monarchie
constitutionnelle et admire la démocratie. Après 1750, se produit la seconde
phase, comme la seconde vague du libre examen. L'athéisme de d'Holbach est
au déisme de Voltaire ce que la politique de Rousseau est à celle de
Montesquieu. Ces écrivains de la deuxième génération ne font, d'ailleurs, en
général, que développer et exprimer sous une forme plus précise les idées qui
étaient en germe chez les premiers.
Tous les grands noms du XVIIIe siècle se groupent autour de ces deux questions
de la religion et du gouvernement. Ce sont elles qui, sans contredit, tiennent le
premier plan. La lutte de la morale naturelle contre le catholicisme et celle des
droits de la liberté contre le despotisme remplissent presque toute l'histoire
intellectuelle du XVIIIe siècle. Si donc, dans notre étude, nous avons à parler de
bien des écrivains illustres, nous pouvons être assurés, dès maintenant, que les
idées que nous aurons à relever ne tiennent chez eux qu'une place restreinte, et
dépendent de celles qu'ils émettent sur les questions pour eux importantes et à
l'ordre du jour.
Étant données ces tendances dominantes du XVIIIe siècle, comment du
socialisme put-il s'y produire ? Pour le concevoir, il est nécessaire de se
rappeler quelle forme prit la réaction politique et religieuse. » (p.2)
692
« Par réaction contre l'artificiel, le convenu, la gêne des villes et des sociétés
policées, le goût de la nature fut à la mode dans la littérature. On louait la
campagne, la tranquillité des champs, la solitude des forêts, la vie simple et
innocente. La ville et le voisinage de la société disposent au mal, la nature est
bonne et la vertu s'est réfugiée dans les déserts. Ce sentiment s'ajoutant aux
regrets de l'état de nature, l'idée du bon sauvage naquit. On en trouva les
germes dans les écrits de quelques voyageurs enthousiastes. Les relations de
ceux qui suivirent, imbues de ces dispositions nouvelles, furent pleines d'éloges
attendris du sauvage et le représentèrent volontiers comme un être
exceptionnellement innocent, bon et heureux: bref comme l'homme de la nature.
Alors on acheva tout à fait d'oublier que l'état de nature n'était qu'une
abstraction logique, on en fit un modèle de société et on en montra avec
enthousiasme la supériorité sur celui où la propriété et les lois ont tout
corrompu. » (p.6)
« Ce serait une erreur de s'imaginer que la bourgeoisie dans son ensemble était
réformatrice, l’aristocratie foncièrement opposée à toute réforme. Il y avait, au
contraire, un certain nombre de groupes bourgeois faciles à délimiter qui
s'opposaient avec opiniâtreté à toutes les tentatives sérieuses de réforme, et dont
l'existence dépendait du maintien de l' "Ancien Régime" sous sa forme
traditionnelle. En faisaient partie la majorité des hauts fonctionnaires, la
"noblesse de robe", dont les charges étaient propriétés de famille au même titre
que nos jours des usines ou des entreprises commerciales ; en faisaient partie
aussi les corporations et un nombre important de fermiers généraux et de
financiers. L'échec de la réforme, l'éclatement des structures sociales de l'
"Ancien Régime" sous le poids des inégalités, ont eu pour cause principale la
résistance de ces groupes bourgeois contre toute idée de réforme. » (p.92)
-Norbert Elias, La Civilisation des mœurs, Calmann-Lévy, coll. Agora, 1973
(1939 pour la parution du premier tome de Über den Prozess der Zivilisation),
507 pages.
695
« Dans le sens précis, concret, de la décadence, non plus d'une famille, d'une
maison, d'un homme mais d'un Etat, d'une civilisation, [décadence] date du
XVIIIe siècle, à la rigueur, du XVIIe siècle, quand il s'applique à un royaume,
aux destins des Empires, du XVIIIe siècle quand il renvoie à une civilisation, à
une culture. "Civilisation" apparaît, en anglais et en français, simultanément, au
milieu du XVIIIe siècle. En un mot, la notion de décadence est contemporaine,
elle est indissociable du progrès. Il n'y a pas de progrès, à la rigueur, sans le
risque de décadence. C'est en France et en Angleterre qu'apparaissent,
ensemble, les notions de civilisation, de progrès et de décadence. Et c'est à
Rome, en fonction de ce lieu de notre mémoire, de cet endroit combien de fois
privilégié de notre passé, que se situe le point d'insertion du concept de
décadence. » -Pierre Chaunu, Histoire et Décadence, Paris, Perrin, 1981, 360
pages, p.14.
"Qui auraient-ils été [les contempteurs des Lumières], quelle autre liberté que
celle de se taire et de se soumettre auraient-ils connue, avant que les
"philosophes" et les révolutionnaires leur aient donné le sentiment de leur droit
et l'énergie de le faire valoir ?" -Elisabeth de Fontenay, Diderot ou le
matérialisme enchanté, Éditions Grasset et Fasquelle, 1981.
« Nous ne pouvons aujourd'hui "retourner" aux Lumières : leur monde n'est pas
le nôtre. Mais nous ne devons pas pour autant les renier, comme ont voulu le
696
faire les révolutionnaires et les anti-humanistes du siècle dernier. C'est plutôt
d'une refondation des Lumières que nous avons besoin, qui préserve l'héritage
du passé mais en le soumettant à un examen critique, comme les Lumières nous
ont appris à le faire, en les confrontant lucidement à leurs conséquences
désirables et indésirables : en critiquant les Lumières nous leur restons fidèles
et mettons en œuvre leur propre enseignement. Nous avons besoin de cette
pensée en action car, répétons-le, contrairement à ce qu'espéraient certains de
leurs représentants, l'humanité n'a pas atteint, depuis, l'âge de la majorité. Pire,
nous savons maintenant qu'elle ne le fera jamais mais pourra seulement y
aspirer. Là encore, ce n'est pas une révélation. Quand on demandait à Kant si
nous vivions déjà dans l'époque des lumières, une époque vraiment éclairée, il
répondait : "Non, mais dans une époque en voie d'éclairement." Telle semble
être la vocation de notre espèce : recommencer tous les jours ce labeur, tout en
sachant qu'il est interminable. » -Tzvetan Todorov.
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67&pd_rd_r=W59XQ1SSSSDCJ7XD008S&pd_rd_w=NR7td&pd_rd_wg=iDJZ
e&psc=1&refRID=W59XQ1SSSSDCJ7XD008S
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r=0F6WC2W744AE9B7XBSJ4
https://www.amazon.com/French-Enlightenment-Jews-Arthur-
Hertzberg/dp/0231073852
The English Republican Tradition and Eighteenth-Century France: Between the Ancients and the
Moderns (Studies in Early Modern European History): Amazon.co.uk: Rachel Hammersley:
9780719079320: Books
697
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croyances/dp/2251200142
Pierre Bayle (1647-1706) : « Qu’on ne dise donc plus que la théologie est une
reine, dont la philosophie n’est que la servante : car les théologiens eux-mêmes
témoignent par leur conduite qu’ils regardent la philosophie comme reine, et la
théologie comme une servante : et de là viennent les efforts, et les contorsions,
qu’ils livrent à leur esprit, pour éviter qu’on ne les accuse d’être contraires à la
698
bonne philosophie. Plutôt que de s’exposer à cela, ils changent les principes de
la philosophie ; dégradant celle-ci ou celle-là, selon qu’ils y trouvent leur
compte. » -Pierre Bayle, Commentaire philosophique sur ces paroles de Jésus-
Christ : "Contrains-les d'entrer", 1688.
« Le sage Bayle, connu pour tel par tant de gens dignes de foi aujourd’hui
vivants. » -Julien Offray de La Mettrie, Discours préliminaire (1750), in Œuvres
philosophiques, Éditions Coda, 2004, 425 pages, p.23.
Selon le mot d'un auteur français, Pierre Bayle a été « le dernier des
métaphysiciens au sens du XVIIe siècle » et le « premier des philosophes au
sens du XVIIIe ». » -Karl Marx et Friedrich Engels, La Sainte Famille, « La
Critique critique absolue » ou « la Critique critique » personnifiée par Mr.
Bruno.
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699
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Bayle/dp/2843210658/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1468852905&sr=8-
1&keywords=Pierre-Bayle-Pensees-sur-l-atheisme
https://www.amazon.fr/tol-rance-Commentaire-philosophique-BAYLE-
Pierre/dp/2745328719/ref=tmm_pap_swatch_0?_encoding=UTF8&qid=147732
1375&sr=8-1
« Il est contre le droit naturel, de punir qvelqv’un parce qv’il est d’une opinion
qvelle qv’elle puisse estre, mais bien pour des actions. » -Leibniz, Lettre à
Ernest de Hesse-Rheinfels du 4/14 août 1683.
700
« Marx avait une grande admiration pour Leibniz, mais ne nous a pas laissé de
texte très explicite sur la nature de cette admiration. » -Denis Collin, Nécessité,
déterminisme et possibilité chez Marx, site de l’auteur, 27 mai 2009.
« Rien n’est plus odieux à Leibniz que la pensée d’un Dieu-Nature à la façon de
Spinoza […] Mais un Dieu créateur des vérités éternelles à la manière de
Descartes ne vaut guère davantage : en effet, si sa volonté ne suit plus son
entendement, elle n’a pas le bien pour motif, elle ne choisit plus, elle agit en
aveugle, ce n’est plus une volonté ; et son entendement, ne fondant plus le vrai,
devient du même coup une chimère. » (p.242)
-Yvon Belaval, Leibniz. Initiation à sa philosophie, Vrin, Paris, 2005 (1952 pour
la première édition), 352 pages.
« Dans ces Lettres de 1704, Toland avait proposé une sorte de synthèse entre
Leibniz et Spinoza ; elles ne furent traduites en français qu'en 1768 par
d'Holbach et Naigeon. » -Annie Ibrahim, Diderot: un matérialisme éclectique,
Librairie philosophique Vrin, 2010, 241 pages, p.24.
http://hydra.forumactif.org/t4376-john-toland#5259
701
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« Thomas Gordon est connu aujourd’hui pour ses Cato’s Letters, rédigées entre
1720 et 1723 en collaboration avec John Trenchard et qui allaient constituer
une source fondamentale de la Commonwealthman tradition puis des
révolutionnaires américains d’Adams à Jefferson. Souvent minorée, l’influence
de ses œuvres en France au XVIIIe siècle mérite pourtant de faire l’objet d’une
lecture renouvelée.
La vie de Thomas Gordon est mal connue. Un Thomas Gordon aurait été
diplômé du King’s College en 1713, et on a également retrouvé un Thomas
Gordon soumettant une thèse en droit devant l’université d’Edimbourg en 1716.
Mais s’agit-il bien de notre auteur ? Gordon se fait connaître comme
collaborateur de John Trenchard en tant que rédacteur principal de
l’hebdomadaire The Independant Whig dont les articles vont être rassemblés en
un volume en 1721 et connaître plusieurs éditions successives. L’ouvrage, animé
par un fort anticléricalisme, est une attaque en règle du High Church Party et
des prétentions exorbitantes du clergé proche des conservateurs. Cet ouvrage
sera d’ailleurs traduit en français par le Baron d’Holbach.
Dans le même temps, Gordon commence avec Trenchard que l’on peut
considérer comme son mentor la rédaction de la série des Cent quarante-quatre
Lettres sur Caton qui s’achèvent avec la mort de John Trenchard en 17238. Ce
dernier, membre du Parlement depuis les années 1690 s’était notamment illustré
avec Walter Moyle lors de la controverse autour de la standing army. Le rejet
d’une armée permanente et soldée étant l’une des antiennes du républicanisme
702
anglais. Certains historiens estiment que Trenchard et Gordon appartiennent à
cette époque au courant des Real Whigs, qui considèrent que les libertés
anglaises et le libre gouvernement sont menacés par certaines pratiques dont
notamment la corruption.
703
La lecture républicaine faite par Gordon de l’œuvre de Tacite a pu ainsi séduire
les opposants français à l’absolutisme monarchique. Et s’ils ne constituent pas
un « programme républicain » à proprement parler, les Discours, selon les
propres mots de l’auteur dans l’introduction de son ouvrage, ont bien été
composés pour « défendre la liberté publique contre les violences du
gouvernement et les injustices de ceux qui ont l’autorité. » Ce n’est donc pas un
hasard si un arrêt du Parlement de Toulouse du 26 août 1751 ordonne que le «
livre intitulé Discours historiques, critiques et politiques sur Tacite sera lacéré et
brûlé par la main de l’exécuteur de la Haute-Justice. » Mais l’œuvre de Thomas
Gordon s’inscrit également au XVIIIe siècle dans un mouvement intellectuel
plus large qui remet l’histoire romaine à l’honneur, thème dont étaient
particulièrement férus les lettrés français de l’époque. La France des Lumières
est alors en pleine querelle entre germanistes et romanistes. Cette « prégnance
de Rome », qui confine à l’obsession chez les auteurs français, s’accompagne
d’une véritable mode en faveur de Tacite et de Salluste, dont les préceptes
moraux pouvaient nourrir une véritable réflexion politique. »
707
« Pour que la société soit heureuse, il est nécessaire qu’un grand nombre du
peuple en soi ignorant aussi bien que pauvre. […] Le travail des pauvres […]
est la seule source de toutes les douceurs de l’existence. »
« Il est évident que Mandeville était infiniment plus audacieux et honnête que les
philistins apologistes de la société bourgeoise. » -Karl Marx, cité in Bernard
Mandeville, La fable des abeilles, Introduction, traduction, index et notes par
Lucien et Paulette Carrive, Vrin, Paris, 1985, p.13-14.
http://www.amazon.fr/Pensees-religion-leglise-bonheur-
national/dp/2745303058/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1452805025&sr=
1-
1&keywords=Pens%C3%A9es+libres+sur+la+religion%2C+sur+l%27%C3%89
glise%2C+et+sur+le+bonheur+national
http://hydra.forumactif.org/t1830-george-berkeley-oeuvres-completes#2513
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708
http://www.amazon.com/Berkeley-An-introduction-Jonathan-
Dancy/dp/0631155090
« Lorsque les citoyens des démocraties ne considèrent plus que leurs intérêts
particuliers, et que, pour atteindre ce but, ils tournent les forces nationales à la
ruine de leur patrie, alors il s’élève un seul homme. »
« Vico déjà –qui non sans raison a été redécouvert récemment et retient
l’attention des historiens –avait décrit les déclins périodiques et inévitables des
civilisations dans les termes qui devaient bientôt devenir familiers chez les
rousseauistes et chez les critiques romantiques de la modernité : la disparition
des autorités et des mythes, la décomposition de la solidarité tribale spontanée,
l’absorption exclusive de chacun par ses intérêts privés, etc. » -Leszek
Kolakowski, Le Village introuvable, Éditions complexe, 1986, p.9.
« Il n’est pas étonnant que Karl Marx, dans une célèbre lettre à Lassalle, ait dit
que Vico avait des instants de génie lorsqu’il écrivait sur l’évolution sociale.
[…]
Jules Michelet, qui se considérait comme son disciple, avait raison : Vico est
bien le précurseur oublié de l’école historique allemande, le premier et, à
certains égards, le plus formidable opposant aux doctrines anhistoriques de la
loi naturelle. » (p.73)
709
« Pour Vico, il n’existe pas de progrès véritable dans les arts : le génie d’une
époque ne peut se comparer à celui d’une autre. Il eût trouvé vain de se
demander si Sophocle était meilleur poète que Virgile ou Virgile que Racine. »
(p.77)
http://www.amazon.fr/Lantique-sagesse-lItalie-Giambattista-
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Vico/dp/2070731340/ref=pd_sim_sbs_14_2?ie=UTF8&dpID=41SPXK8RE4L
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RCM7BGJRN
http://www.amazon.fr/Vie-mort-Nations-nouvelle-
Giambattista/dp/2070147762/ref=sr_1_86?ie=UTF8&qid=1459770169&sr=8-
86&keywords=philosophie+de+la+vie
710
http://www.amazon.fr/Louis-XV-Jean-Christian-
Petitfils/dp/2262029881/ref=pd_sim_14_29?ie=UTF8&dpID=41Q68bh-
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http://www.amazon.fr/Pain-peuple-roi-bataille-
lib%C3%A9ralisme/dp/2262003998/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1454095589&s
r=8-
1&keywords=Le+pain%2C+le+peuple%2C+le+roi+%3A+la+bataille+du+lib%
C3%A9ralisme+sous+Louis+XV
711
Les empires coloniaux européens (1815-1919), Éditions Gallimard, 2009, 554
pages, p.38.
http://www.amazon.fr/La-guerre-Sept-Ans-1756-
1763/dp/2262035296/ref=pd_sim_14_5?ie=UTF8&dpID=51r652rj9iL&dpSrc=s
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49M
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CLARK/dp/2262047464/ref=pd_sim_14_8?ie=UTF8&dpID=51h7i%2BFVDnL
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C8F04JYZVN
« Être patriote, c'est souhaiter que sa ville s'enrichisse par commerce, et soit
puissante par les armes. Il est clair qu'un pays ne peut gagner sans que l'autre
perde, et qu'il ne peut vaincre sans faire des malheureux.
Telle est donc la condition humaine, que, souhaiter la grandeur de son pays,
c'est souhaiter du mal à ses voisins. » -Voltaire, Dictionnaire philosophique.
712
« Il est à propos que le peuple soit guidé, et non pas qu'il soit instruit ; il n'est
pas digne de l'être. » -Voltaire, « Lettre à d'Amilaville » (19 mars 1766),
Œuvres, éd. Hachette, 1862, t. 31, p. 164.
« La race des Nègres est une espèce d’hommes différente de la nôtre [...] on
peut dire que si leur intelligence n’est pas d’une autre espèce que notre
entendement, elle est très inférieure. Ils ne sont pas capables d’une grande
attention, ils combinent peu et ne paraissent faits ni pour les avantages, ni pour
les abus de notre philosophie. Ils sont originaires de cette partie de l’Afrique
comme les éléphants et les singes ; ils se croient nés en Guinée pour être vendus
aux Blancs et pour les servir. » -Voltaire, Essais sur les mœurs et l'esprit des
nations (1756), Genève, 1755, t. XVI, pp. 269-270.
713
parler et se mouvoir en toute indépendance: Voltaire n'en demandera pas
davantage pour s’accommoder de la société de son temps." (p.12)
"Ses héros sont, on le sait, Louis XIV, Frédéric II, Catherine de Russie. S'il y a
quelque chose de frappant dans les Lettres sur les Anglais, c'est le peu de place
que l'écrivain y accorde à l'étude des institutions parlementaires." (p.13)
-Henry Michel, L'idée de l'Etat: essai critique sur les théories sociales et
politique en France depuis la Révolution, Paris, Librairie Hachette et Cie, 1896,
666 pages.
"Il y a de mauvais exemples qui sont pires que les crimes, et plus d’États ont
péri parce qu’on a violé les mœurs, que parce qu’on a violé les lois."
"Le gouvernement d’Angleterre est plus sage, parce qu’il y a un corps qui
l’examine continuellement, et qui s’examine continuellement lui-même, et telles
sont ses erreurs qu’elles ne sont jamais longues, et que, par l’esprit d’attention
qu’elles donnent à la Nation, elles sont souvent utiles."
714
"Lorsque la domination de Rome était bornée dans l’Italie, la République
pouvait facilement subsister. Tout soldat était également citoyen : chaque consul
levait une armée, et d’autres citoyens allaient à la guerre sous celui qui
succédait. Le nombre des troupes n’étant pas excessif, on avait attention à ne
recevoir dans la milice que des gens qui eussent assez de bien pour avoir intérêt
à la conservation de la ville. Enfin le Sénat voyait de près la conduite des
généraux et leur ôtait la pensée de rien faire contre leur devoir.
Mais, lorsque les légions passèrent les Alpes et la mer, les gens de guerre, qu’on
était obligé de laisser pendant plusieurs campagnes dans les pays que l’on
soumettait, perdirent peu à peu l’esprit de citoyens, et les généraux, qui
disposèrent des armées et des royaumes, sentirent leur force et ne purent plus
obéir.
Les soldats commencèrent donc à ne reconnaître que leur général, à fonder sur
lui toutes leurs espérances, et à voir de plus loin la ville[3]. Ce ne furent plus les
soldats de la République, mais de Sylla, de Marius, de Pompée, de César. Rome
ne put plus savoir si celui qui était à la tête d’une armée, dans une province,
était son général ou son ennemi."
"Ce qui fait que les États libres durent moins que les autres, c’est que les
malheurs et les succès qui leur arrivent, leur font presque toujours perdre la
liberté ; au lieu que les succès et les malheurs d’un État où le peuple est soumis,
confirment également sa servitude. Une république sage ne doit rien hasarder
qui l’expose à la bonne ou à la mauvaise fortune : le seul bien auquel elle doit
aspirer, c’est à la perpétuité de son État."
"Rome ne fut plus cette ville dont le peuple n’avait eu qu’un même esprit, un
même amour pour la liberté, une même haine pour la tyrannie, où cette jalousie
du pouvoir du sénat et des prérogatives des grands, toujours mêlée de respect,
n’était qu’un amour de l’égalité. Les peuples d’Italie étant devenus ses citoyens,
chaque ville y apporta son génie, ses intérêts particuliers, et sa dépendance de
quelque grand protecteur. La ville, déchirée, ne forma plus un tout ensemble, et,
comme on n’en était citoyen que par une espèce de fiction, qu’on n’avait plus
les mêmes magistrats, les mêmes murailles, les mêmes dieux, les mêmes temples,
les mêmes sépultures, on ne vit plus Rome des mêmes yeux, on n’eut plus le
même amour pour la patrie, et les sentiments romains ne furent plus.
715
Les ambitieux firent venir à Rome des villes et des nations entières pour troubler
les suffrages ou se les faire donner ; les assemblées furent de véritables
conjurations ; on appela comices une troupe de quelques séditieux ; l’autorité
du peuple, ses lois, lui-même, devinrent des choses chimériques, et l’anarchie
fut telle qu’on ne put plus savoir si le peuple avait fait une ordonnance, ou s’il
ne l’avait point faite."
"Il y a des gens qui ont regardé le gouvernement de Rome comme vicieux, parce
qu’il était un mélange de la monarchie, de l’aristocratie et de l’état populaire.
Mais la perfection d’un gouvernement ne consiste pas à se rapporter à une des
espèces de police qui se trouvent dans les livres des politiques, mais à répondre
aux vues que tout législateur doit avoir, qui sont la grandeur d’un peuple ou sa
félicité."
"Rome, épuisée par tant de guerres civiles et étrangères, se fit tant de nouveaux
citoyens, ou par brigue, ou par raison, qu’à peine pouvait-elle se reconnaître
elle-même parmi tant d’étrangers qu’elle avait naturalisés. Le sénat se
remplissait de barbares ; le sang romain se mêlait ; l’amour de la patrie, par
lequel Rome s’était élevée au-dessus de tous les peuples du monde, n’était pas
naturel à ces citoyens venus de dehors ; et les autres se gâtaient par le mélange.
[...] Les grands ambitieux et les misérables qui n’ont rien à perdre aiment
toujours le changement. Ces deux genres de citoyens prévalaient dans Rome ; et
l’état mitoyen, qui seul tient tout en balance dans les états populaires, étant le
plus faible, il fallait que la république tombât."
"Je crois que la secte d’Épicure, qui s’introduisit à Rome sur la fin de la
République, contribua beaucoup à gâter le cœur et l’esprit des Romains. [...]
Ceux qui avaient d’abord été corrompus par leurs richesses le furent ensuite par
leur pauvreté ; avec des biens au-dessus d’une condition privée, il fut difficile
d’être un bon citoyen ; avec les désirs et les regrets d’une grande fortune
ruinée, on fut prêt à tous les attentats ; et, comme dit Salluste[7], on vit une
génération de gens qui ne pouvaient avoir de patrimoine, ni souffrir que
d’autres en eussent. [...]
Les citoyens romains regardaient le commerce et les arts comme des
occupations d’esclaves : ils ne les exerçaient point."
716
« C'est une expérience éternelle, que tout homme qui a du pouvoir est porté à en
abuser ; il va jusqu'à ce qu'il trouve des limites. » -Montesquieu, De l'Esprit des
lois, 1748.
« Il serait certes tout à fait excessif de prétendre, comme le faisait Émile Faguet,
que Benjamin Constant fût l’inventeur du libéralisme en France. Ce serait bien
évidemment oublier un peu trop facilement Montesquieu. » -Guillaume Bacot,
« Les Idéologues et le groupe de Coppet. », Revue Française d'Histoire des
Idées Politiques 2/2003 (N° 18), p. 227-231.
717
« L’originalité de Montesquieu, c’est qu’il cherche à faire de la philosophie
politique sans transcendance : ni celle des théologiens, ni celle, rationaliste et
abstraite, des théoriciens du droit naturel, Hobbes et Locke en tête. Qu’on ait
aussitôt taxé cette démarche rigoureusement immanente de « spinozisme » et
mis le livre à l’Index n’a guère de quoi étonner. »
Il apparaît évident que la perspective politique, selon L’Esprit des lois, se refuse
à voir dans la tolérance un principe éthique, une vérité éternelle, un droit
naturel attaché à chaque individu, constitutif de son inaliénable humanité, une
exigence imprescriptible de la conscience, une face cruciale de la liberté
(Locke). Tolérer ou pas est un pur calcul circonstanciel des rapports de force,
de la puissance raisonnée de faire ou ne pas faire la guerre à une croyance.
C’est, comme la guerre et la paix, une exclusive affaire d’État, aucunement un
principe par soi positif et extensible, émané de la nature humaine : tel État
concède ou pas ce droit à telle religion, à tel moment, sous telles conditions,
pour ses raisons propres, par essence collectives. »
"Pour établir l'égalité, le législateur établira le partage égal des terres. Pour le
maintenir, on règlera les dots, les donations, les successions." (p.88)
"Il est donc certain qu'on peut légitimement le ranger parmi les partisans d'un
régime socialiste, sans que d'ailleurs il le juge toujours praticable." (p.90)
720
"Dans le chapitre 29 du livre XXIII, intitulé: Des hôpitaux, il établit le droit de
tous à la subsistance." (p.91)
http://hydra.forumactif.org/t1144-vanessa-de-senarclens-montesquieu-historien-
de-rome#1778
"Que faire ? Il n'y a qu'un remède. Meslier n'hésite pas à l'indiquer: il faut un
bouleversement complet de la société et une révolution qui détruise tout ce qui
existe. [...] Son œuvre, incomplètement connue au XVIIIe siècle, est
certainement une de ses productions les plus remarquables." (p.81-83)
723
https://www.amazon.fr/Meslier-r%C3%A9volutionnaire-Introduction-
mesli%C3%A9risme-
extraits/dp/2930402504/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1467748892&sr=8-
1&keywords=jean+meslier+œuvres
https://www.amazon.fr/Testament-Jean-
Meslier/dp/2930718722/ref=pd_sim_14_1?ie=UTF8&dpID=51YL8xnMozL&d
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YG1X9YHQJ5QVA
Mais il est faux que, dans les échanges, on donne valeur égale pour valeur
égale. Au contraire, chacun des contractans en donne toujours une moindre
pour une plus grande. On le reconnoîtroit si on se faisoit des idées exactes, et on
peut déjà le comprendre d’après ce que j’ai dit.
Une femme de ma connoissance, ayant acheté une terre, comptoit l’argent pour
la payer, et disoit : Cependant on est bienheureux d’avoir une terre pour cela. Il
y a, dans cette naïveté, un raisonnement bien juste. On voit qu’elle attachoit peu
de valeur à l’argent qu’elle conservoit dans son coffre ; et que, par conséquent,
elle donnoit une valeur moindre pour une plus grande. D’un autre côté, celui
qui vendoit la terre étoit dans le même cas, et il disoit : Je l’ai bien vendue. En
effet, il l’avoit vendue au denier trente ou trente-cinq. Il comptoit donc avoir
aussi donné moins pour plus. Voilà où en sont tous ceux qui font des échanges.
En effet, si on échangeoit toujours valeur égale pour valeur égale, il n’y auroit
de gain à faire pour aucun des contractans. Or tous deux en font, ou en doivent
faire. Pourquoi ? C’est que, les choses n’ayant qu’une valeur relative à nos
besoins, ce qui est plus pour l’un est moins pour l’autre, et réciproquement. »
(p.69-70)
« Dans la seconde partie, j’ai réduit le raisonnement à une simple narration. J’y
démontre les avantages d’une liberté entière et permanente : je fais connoître
724
les causes qui peuvent y porter atteinte : j’en fais sentir les suites ; je ne cache
pas les fautes des gouvernements, et je confirme les principes que j’ai établis
dans la première partie. Je n’ai cependant relevé que les principaux abus. Il
étoit d’autant plus inutile de m’appésantir sur d’autres, qu’il y a un moyen de
les détruire tous, c’est d’accorder au commerce une liberté pleine, entière et
permanente. » (p.600-601)
-Étienne Bonnot de Condillac, Le Commerce et le gouvernement considérés
relativement l’un à l’autre, 1776, 602 pages.
https://www.amazon.fr/lorigine-connaissances-humaines-larch%C3%A9ologie-
frivole/dp/2718600098/ref=sr_1_2?ie=UTF8&qid=1467746497&sr=8-
2&keywords=Jacques-Derrida-L-archeologie-du-frivole
https://www.amazon.fr/Empirisme-m%C3%A9taphysique-Andr%C3%A9-
Charrak/dp/2711616045/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1467746629&sr=8-
1&keywords=Andre-Charrak-Empirisme-et-metaphysique
725
Claude-Adrien Helvétius (1715-1771) : « La raison souvent n'éclaire que les
naufrages. »
« Helvétius avait ramené l’amitié à l’amour de soi : chacun attend de l’ami qu’il
comble un manque et en entrant dans un système d’échange on ne fait que
rechercher son propre intérêt, alors que pour Schiller, bienveillance et intérêt
personnel s’excluent. Helvétius a, selon lui, dégradé un principe métaphysique
par une élucidation psychologique qui se retourne contre son auteur : il a été
incapable de comprendre la vraie nature de la sympathie. Il devient ainsi le
modèle de ces penseurs matérialistes qui portent atteinte à la dignité de la
726
nature humaine. » -Roland Krebs, « Le jeune Schiller face au matérialisme
français », Revue germanique internationale [En ligne], 22 | 2004.
"Du 10 août 1758 à avril 1759, le livre est condamné par le Conseil du Roi, le
Pape Clément XIII, le Parlement de Paris. Il est brûlé et lacéré au Palais de
Justice. Ces violentes condamnations conduisent Helvétius à se rétracter
publiquement trois fois, écrivant même « je reconnais ma faute dans toute son
étendue, et je l'expie par le plus amer repentir. » Et pourtant, en choisissant de
publier, à titre posthume, De l'Homme, pour se prémunir « de la persécution »,
Helvétius ne retire rien." (p.111)
728
cas des matérialistes français du XVIII° siècle, Thèse de science politique, 2011,
325 pages.
" "M. Helvétius est le premier qui ait fondé la morale sur la base inébranlable
de l'intérêt personnel" [...] Saint-Lambert compte parmi les rares
contemporains qui n'en font pas un grief ; bien au contraire, il loue l'ouvrage
De l'Esprit pour cette nouveauté." (p.36)
-Jacques Domenech, L'éthique des Lumières: les fondements de la morale dans
la philosophie française du XVIIIème siècle, Paris, Librairie philosophique J.
Vrin, 1989, 271 pages.
"Qu'est toute la philosophie morale allemande depuis Kant, avec toutes ses
ramifications françaises, anglaises et italiennes ? Un attentat quasi théologique
contre Helvétius, un désaveu formel de la liberté du regard, lentement et
péniblement conquise, de l'indication du bon chemin qu'Helvétius avait fini par
exprimer et résumer de la façon qu'il fallait."(§216 p.636)
-Friedrich Nietzsche, Le Voyageur et son Ombre, in Humain, trop humain, trad.
Angèle Kremer-Marietti, Librairie Générale Française, 1995 (1878 pour la
première édition allemande), 768 pages.
http://hydra.forumactif.org/t558-claude-adrien-helvetius-de-l-homme-de-
lesprit#1112
https://www.amazon.fr/Lumi%C3%A8res-p%C3%A9ril-b%C3%BBcher-
Helv%C3%A9tius-
dHolbach/dp/2213642672/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1524907810&s
r=1-1&keywords=guy-chaussinand-nogaret
http://www.amazon.fr/Anthropologie-histoire-au-si%C3%A8cle-
Lumi%C3%A8res/dp/222607872X/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1457820646&sr
=8-
1&keywords=Anthropologie+et+histoire+au+si%C3%A8cle+des+Lumi%C3%
A8res
729
une fonction familiale. » -Pascal Charbonnat, Histoire des philosophies
matérialistes, Paris, Éditions Kimé, 2013, 706 pages, p.280.
http://hydra.forumactif.org/t1934-etienne-gabriel-morelly-le-prince-les-delices-
des-coeurs-ou-traite-des-qualites-d-un-grand-roi-et-systeme-general-d-un-sage-
gouvernement
https://www.amazon.fr/Oeuvres-philosophiques-compl%C3%A8tes-Etienne-
Gabriel-
Morelly/dp/2849670111/ref=sr_1_2?ie=UTF8&qid=1467740904&sr=8-
2&keywords=morelly
Gabriel Bonnot de Mably (1709-1785): « Nous autres Anglais [...] nous avons
jusqu’à présent des idées trop peu nettes sur la puissance royale, et sous le nom
de prérogative nous laissons au prince une autorité trop étendue, pour pouvoir
en un jour élever une République parfaite sur les ruines de la Royauté: nous ne
sommes pas dignes de nous gouverner comme les Romains. » (Mably, Des droits
et des devoirs du citoyen, 1788, introduit et annoté par Jean-Louis Lecercle,
Paris, Librairie Marcel Didier, 1972, p. 44).
« La raison dont la nature nous a doués, la liberté dans laquelle elle nous a
créés, et ce désir invincible de bonheur qu’elle a placé dans notre âme, sont
trois titres que tout homme peut faire valoir contre le gouvernement
injuste sous lequel il vit. » (DDC, 27)
« Notre siècle se glorifie de ses lumières ; la philosophie, dit-on, fait tous les
jours des progrès considérables, et nous regardons avec dédain l’ignorance de
nos pères ; mais cette philosophie et ces lumières dont nous sommes si fiers,
nous éclairent-elles sur nos devoirs d’hommes et de citoyens ? Quand quelques
philosophes bien différents des sophistes qui nous trompent, et qui croient que
toute la sagesse consiste à n’avoir aucune religion, nous montreraient les
vérités morales, quels en seraient les effets ? Les lumières viennent trop tard,
730
quand les mœurs sont corrompues. » (Mably, Observations sur l’histoire de
France, dans Œuvres complètes, Paris, Guillaume Arnoux, 1794-95, t. III, p.
301.
« Le texte dans lequel l’influence lockéenne est la plus évidente est sans conteste
Des droits et des devoirs du citoyen, probablement écrit autour de 1758,
mais qui ne sera publié par les exécuteurs testamentaires de Mably qu’en
1788, trois ans après la mort de l’auteur. La teneur explosive du message
politique de l’ouvrage est la cause manifeste de cette prudence. Présentée sous
forme d’un dialogue, rapporté par lettres, entre un Commonwealthman
anglais, Milord Stanhope, et un Français, auteur présumé des missives, la
réflexion examine les moyens politiques les plus audacieux pour mettre fin
aux injustices et aux maux du royaume et se protéger du danger de
despotisme. L’abolition de la propriété privée d’une part, de la monarchie de
l’autre, seront tour-à-tour envisagées, avant d’être finalement rejetées au profit
de la promotion d’une « révolution ménagée » (DDC,161), qui sera inaugurée
par une convocation des Etats-Généraux, devant elle-même servir de prélude à
l’instauration d’une assemblée législative régulière, composée des
représentants des trois ordres de la Nation. »
731
-Stéphanie Roza, L’héritage paradoxal de John Locke dans Des droits et des
devoirs du citoyen de Mably, Philosophical Enquiries: revue des philosophies
anglophones –décembre 2013, n° 2 – « Locke (I) ».
« Mably avait rencontré Rousseau en 1742, était devenu son ami, avant leur
brouille. On retrouve chez lui un culte républicain de l'Antiquité, surtout de
Sparte, une critique de l'économie libérale et du luxe, une apologie des mœurs
vertueuses. » -Serge Audier, Les théories de la république, Paris, Éditions La
Découverte, coll. Repères, 2015 (2004 pour la première édition), 125 pages,
p.37.
« Mably est un socialiste beaucoup plus net que Rousseau et beaucoup plus
maître de ses idées, parce qu'il en a moins. C'est un pur communiste. » -Émile
Faguet, Le socialisme en 1907, Paris, Librarie Lecène, 1907, 372 pages, p.16.
732
https://www.amazon.fr/Lanarchie-Mably-%C3%A0-Proudhon-1750-
1850/dp/2902126840/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1524829940&sr=1-
1&keywords=Marc+Deleplace%2C+L%27anarchie+de+Mably+%C3%A0+Pro
udhon%2C+1750-1850
734
pourront jamais remonter son infinité. Si le monde a été créé, là aussi aucune
expérience ne peut nous décrire ce moment initial, dont il n'y a aucune trace. »
(p.324)
"Lorsque Diderot écrit, dans l'Essai sur les règnes de Claude et de Néron, que
La Mettrie est "un écrivain qui n'a pas les premières idées des vrais fondements
de la morale", il professe la plus grave accusation qui soit à l'encontre d'un
philosophe des Lumières. Comme le pense aussi d'Holbach, Diderot juge La
Mettrie coupable d'immoralisme et Diderot traduit son courroux envers La
Mettrie en proclamant l'ignorance de l'accusé quand à la question du fondement
de la morale." (p.9)
« La Mettrie est un pur matérialiste ; et il n’a même pas, dans l’exposition des
doctrines matérialistes, le talent et la science que possède d’Holbach. Il n’a
aucune métaphysique ; tout son système se réduit à une morale, et toute sa
morale à l’idée du plaisir. » -René Worms, La Morale de Spinoza, 1892.
http://hydra.forumactif.org/t3157-julien-offray-de-la-mettrie-oeuvres-
philosophiques#3940
http://hydra.forumactif.org/t2504-charles-t-wolfe-epicuro-cartesianism-la-
mettries-materialist-transformation-of-early-modern-philosophy
« Tout ce qui étonne l’âme, tout ce qui imprime un sentiment de terreur conduit
au sublime. […] La clarté est bonne pour convaincre ; elle ne vaut rien pour
émouvoir. La clarté, de quelque manière qu’on l’entende, nuit à
l’enthousiasme. » -Denis Diderot, Le Salon de 1767 (IV, 633).
« Une des œuvres les plus remarquables de Diderot ; un chef-d’œuvre dans l’art
de mener un raisonnement philosophique sur un mode parfaitement narratif,
parfaitement divertissant et d’une manière cependant décisive pour le fonds,
avec au surplus le talent de peindre une scène réelle. » -Wilhelm von Humboldt,
à propos de l’Entretien d’un Père avec ses Enfants. Cité dans Roland Mortier,
Diderot en Allemagne, Slatkine Reprints, Genève-Paris, 1986, p. 11.
736
« Diderot ne considère [...] pas l'atomisme d'Épicure comme son seul mérite. Il
préfère retenir l'ensemble de la démarche, notamment la généralisation du
principe "il ne se fait rien de rien" à tout phénomène. Contrairement à
Gassendi, Diderot affirme que l'atomisme d'Épicure implique la négation du
créationnisme et la corporéité de l'âme. » (p.349)
« Condamnés par l’Église et détestés par la Cour, Holbach et Diderot ont été
les guides de la libre pensée et ont directement inspiré les pères fondateurs de
l’Amérique. Il est vraisemblable que Franklin ait participé à leurs dîners et aux
discussions qui s’ensuivaient ; Jefferson, dont la bibliothèque personnelle
témoigne encore de ses centres d’intérêt, lisait et admirait Diderot, Holbach,
Helvétius et Raynal, ainsi que leurs prédécesseurs intellectuels. Pour la
déclaration d’indépendance, il a changé la formulation de Locke pour la
préservation de la vie, de la santé, de la liberté et de la propriété en « recherche
du bonheur », tournure épicurienne et diderotienne plus appropriée.
Et pourtant, ces philosophes des Lumières radicaux ont été poussés dans les
marges de la mémoire et dans les notes de bas de page de l’histoire des idées. Il
est couramment admis que les Lumières sont l’histoire d’un culte de la raison
dont les grands prêtres étaient Emmanuel Kant et Voltaire, et non l’immense
révolution intellectuelle de Diderot et ses amis. Leur relative obscurité n’est pas
un mystère insolvable si on compare leur pensée à celle de Voltaire et Rousseau
qui critiquaient les excès absolutistes, mais pas le pouvoir autoritaire de
quelques-uns sur le plus grand nombre ; ils attaquaient l’Église mais chantaient
les louanges de l’Être Suprême (« le grand horloger ») ; leurs vues étaient
solidement déistes, autoritaires et ont poussé certains à justifier le pouvoir
d’une nouvelle politique post-révolutionnaire. Robespierre a fait de Rousseau le
Saint Patron du nouvel État, l’a couvert d’éloges et il avait fait sculpter un buste
de lui dans une pierre de la Bastille.
Holbach et Diderot avaient une vision très différente de la nature humaine. […]
737
Ces vues étaient l’anathème pour absolument tous ceux qui cherchaient à
conserver ou à gagner du pouvoir, depuis l’aristocratie jusqu’aux dictateurs de
la Révolution comme Maximilien de Robespierre et Napoléon, tout cela
jusqu’au retour du catholique qui a suivi. « Les hommes ne seront pas libres
tant que le dernier roi ne sera pas étranglé avec les tripes du dernier prêtre »,
écrivait Diderot — pas le genre de message qui puisse plaire à la bourgeoisie
du dix-neuvième siècle. […]
738
« Diderot fut le seul des philosophes français [au 18e siècle] à ne pas être
hostile aux Juifs. » -Hannah Arendt, Sur l’antisémitisme, Calmann-Lévy, 1973,
p.63.
739
« D’une certaine manière, on assiste là à un renversement capital : ce ne sont
plus les législations qui découlent du droit naturel, mais le droit naturel qui
découle des différentes législations. » -Stéphane Pujol, « Vers une « crise du
droit naturel » ? », Cultura, Vol. 34 | 2015, 31-45.
« Il s’ensuit alors que les hommes ont dû, doivent et devront toujours se réunir
en société contre la nature. Dès lors, l’état social est une condition à la fois
primordiale et perpétuelle pour l’espèce humaine. Cela n’exclut pas que son
état varie géographiquement et en fonction du cours du temps dans lequel
chaque société marche d’une allure différente. Ainsi, comme nous y reviendrons
un peu plus loin, Diderot se demandera comment faire advenir effectivement ce
qui est de jure à partir de conditions de facto variables – une telle attitude sera
sous-jacente à sa conception de la révolution comme constituant une des issues
de la civilisation.
http://hydra.forumactif.org/t645-denis-diderot-oeuvres?highlight=Denis+Diderot
http://hydra.forumactif.org/t2534-charles-avezac-lavigne-diderot-et-la-societe-
du-baron-dholbach#3275
http://www.amazon.fr/Diderot-Gerhardt-
STENGER/dp/2262036330/ref=sr_1_1_twi_pap_2?ie=UTF8&qid=1450461603
&sr=8-1&keywords=Gerhardt+Stenger%2C+Diderot.
http://www.amazon.fr/Diderot-Du-mat%C3%A9rialisme-%C3%A0-
politique/dp/2271076587/ref=sr_1_20?ie=UTF8&qid=1457386389&sr=8-
20&keywords=mat%C3%A9rialisme
https://www.amazon.fr/Diderot-affirmations-fondamentales-
mat%C3%A9rialisme-
Lefebvre/dp/2851810286/ref=sr_1_31?s=books&ie=UTF8&qid=1476352756&s
r=1-31
« C’est Diderot lui-même qui présenta Naigeon à d’Holbach et les deux hommes
très vite « firent pleuvoir des bombes dans la maison du Seigneur ». » (p.26)
... Comme Diderot prêtait facilement, et sans s’en apercevoir, son esprit, son
imagination et ses connaissances à ceux avec lesquels il s’entretenait, et qu’il
745
supposait à tous les hommes des principes de probité selon lesquels il se
conduisait, M. d’Holbach lui disait : « Vous êtes l’homme le plus heureux que je
connaisse ; vous n’avez jamais trouvé ni un sot ni un fripon ; et vous n’avez
jamais lu un mauvais livre, car à mesure que vous le lisez vous le refaites....
... Réparer les maux sans nombre que la superstition a faites à l’espèce humaine
; rendre à la raison opprimée sous le sceptre doublement meurtrier des Prêtres et
des Tyrans tous ses droits trop longtemps méconnus et violés, tels sont, en
partie, les devoirs des représentants de la Nation... » (p.29)
« Naigeon conçoit, en outre, qu’un État idéal puisse exister ailleurs qu’en
Europe. Ce qui condamne toute légitimité politique et morale de l’entreprise
coloniale. » (p.31)
746
« Le premier tome de la Philosophie ancienne et moderne fut publié durant l’été
1791. Un an plus tôt avait été votée la constitution civile du clergé que le Pape
avait condamnée quelques mois plus tard. Naigeon stigmatise dans son texte
l’attitude des prêtres réfractaires et des religieux qui se rangèrent du côté de la
papauté et provoquèrent un schisme d’ordre national. Les philosophes des
Lumières, Diderot comme Voltaire, ont considéré la Saint-Barthélemy comme
l’un des actes indélébiles de l’histoire de l’Église catholique, l’Infâme par
excellence. La référence à la Saint-Barhélemy s’inscrit dans le courant
anticlérical et matérialiste des Lumières. Naigeon exploite cette tradition
philosophique à des fins politiques. Il agite le sceptre des guerres de religion en
accusant les catholiques contre-révolutionnaires de vouloir préparer le
massacre de leurs adversaires. C’était certes plausible mais en 1791, ce sont les
prêtres réfractaires que l’on commence à pourchasser et qui seront
emprisonnés, déportés et parfois massacrés. » (p.11)
Naigeon estime devoir arracher Diderot des mains des babouvistes. Et s’il
comprend la méprise d’un homme ignorant comme Babeuf, il ne pardonne pas
aux hommes de lettres, particulièrement Fontanes et La Harpe, champions de la
réaction catholique, d’alléguer les déclarations de Babeuf pour mieux attaquer
Diderot. » (p.38)
« Le Naigeon du Directoire s’est bien assagi et s’il garde ses convictions athées,
il n’aime pas trop qu’on en fasse publicité. C’est qu’il espère entamer une
carrière politique. » (p.40)
747
-Pascale Pellerin, « Naigeon : une certaine image de Diderot sous la Révolution
», Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie [En ligne], 29 | 2000, mis en
ligne le 18 juin 2006, consulté le 30 septembre 2016.
http://hydra.forumactif.org/t3464-jacques-andre-naigeon-le-militaire-
philosophe#4297
« Pour peu que l’on consulte la raison, elle prouvera que les constituants
peuvent en tout temps démentir, désavouer et révoquer les représentants qui les
trahissent, abusent de leurs pleins pouvoirs contre eux-mêmes, ou qui renoncent
pour eux à des droits inhérents à leur essence. » -Le Baron d’Holbach,
L’Encyclopédie, article « Représentants ».
Dans les convulsions terribles qui agitent quelquefois les sociétés politiques, et
qui produisent souvent le renversement d’un empire, il n’y a pas une seule
action, une seule parole, une seule pensée, une seule volonté, une seule passion
dans les agents qui concourent à la révolution comme destructeurs ou comme
victimes, qui ne soit nécessaire, qui n’agisse comme elle doit agir, qui n’opère
infailliblement les effets qu’elle doit opérer, suivant la place qu’occupent ces
agents dans ce tourbillon moral. Cela paraîtrait évident pour une intelligence
qui serait en état de saisir et d’apprécier toutes les actions et réactions des
esprits et des corps de ceux qui contribuent à cette révolution. » (p.41-42)
748
« Si l’homme d’après sa nature, est forcé de désirer son bien-être, il est forcé
d’en aimer les moyens; il serait inutile et peut-être injuste de demander à un
homme d’être vertueux s’il ne peut l’être sans se rendre malheureux. » (p.116)
-Paul Henri Thiry, baron d'Holbach, Système de la nature ou des lois du monde
physique et du monde moral, 1770, "Les classiques des sciences sociales".
« L’accueil peu favorable que rencontrent dans un monde frivole ou pervers les
vérités les plus utiles ne doit pourtant pas décourager les citoyens fortements
animés par la passion du bien public. » (p.12)
« L’autorité, pour être juste, ne peut être fondée que sur le bien qu’on fait aux
hommes. » (p.15)
750
les saintes règles de la morale, la démocratie dégénère en une tyrannie qui
travaille à sa propre ruine. » (p.16)
« L’histoire du monde nous prouve que les vices et les passions des souverains
et des peuples furent toujours la vraie cause de la ruine des sociétés, et que la
vertu peut seule les soutenir et les rendre heureuses. » (p.16)
« Si tant de souverain ont abusé de leur pouvoir, c’est qu’ils n’ont pas connu la
manière d’en bien user pour leur propre bonheur, toujours lié à celui de leurs
peuples, c’est que les chefs des nations n’ont pas senti que, pour leur propre
intérêt, ils devraient se soumettre à des règles […]
« Pour que le souverain, en garde contre les mensonges et les flatteries des
courtisans qui l’entourent, puisse entendre distinctement la voix libre des
citoyens, les lois fondamentales doivent établir d’une façon stable un corps de
représentants choisis parmi les citoyens les plus intègres, les plus éclairés, les
plus intéressés au bien public et chargés de stipuler les intérêts qui leur sont
communs avec leurs concitoyens.
751
Pour prévenir l’infidélité de ces représentants, les lois fondamentales doivent
empêcher que les élections ne se fassent par la brigue, par l’intrigue, par la
vénalité, au milieu du tumulte. Tout homme convaincu d’avoir obtenu sa place
par ces routes indignes mérite d’être exclus pour jamais du droit de stipuler les
intérêts de son pays. Le scrutin paraît la voie la plus sûre pour rendre les
élections tranquilles. La loi fondamentale devrait conférer aux représentants le
droit immuable de s’assembler sans attendre la convocation du prince, que des
ministres et des flatteurs peuvent souvent détourner d’entendre les plaintes les
plus justes et les plus pressantes de son peuple. » (p.19)
« C’est dans les conseils des représentants de la nation que les lois doivent se
faire, se discuter, se corriger, s’abroger. Alors toute la nation concourt à la
formation des règles qu’elle doit suivre, des impôts qu’elle doit payer, des
guerres qu’elle doit entreprendre ou terminer, des sacrifices qu’elle doit faire
pour sa propre sûreté, des dettes qu’elle peut contracter. » (p.20)
« La liberté […] est le droit de faire pour son propre bonheur ou pour son intérêt
tout ce qui n’est pas contraire au bonheur ou aux intérêts des autres. » (p.21)
« Les mêmes lois doivent procurer à tout citoyen la sûreté pour sa personne tant
qu’il est juste, ou tant qu’il ne se rend pas nuisible à la société. » (p.22)
« On n’est pas vraiment libre quand on n’a pas des lois qui préviennent le
désordre et les crimes. » (p.23)
« Ce sont les bonnes mœurs qui font les bons citoyens, c’est-à-dire des hommes
capables de faire un bon usage de la liberté, incapables d’en abuser. Une
éducation morale et nationale peut seule former à l’Etat des sujets honnêtes et
dignes de la liberté. Ainsi l’Éducation publique, si honteusement négligée,
devrait être l’un des principaux soins d’un bon gouvernement ; juste lui-même,
il doit former des citoyens qui lui ressemblent. » (p.23)
752
« La justice est le plus pressant besoin des peuples. On ne peut sans crime en
suspendre l’exercice ; elle doit étendre également son pouvoir sur tous les
citoyens, qui sont égaux à ses yeux. » (p.23)
« La confection d’un cadastre qui fixerait les possessions des citoyens avec
autant d’exactitude qu’il serait possible, serait le moyen le plus sûr pour faire
disparaître l’arbitraire et pour rendre l’impôt territorial plus égal et plus juste.
Chaque village ou district ne pourrait-il pas, à peu de frais, former son propre
cadastre sous les yeux d’un magistrat et d’un ingénieur ? » (p.25)
753
félicité sociale à des espérances incertaines ou à des craintes peu fondées. »
(p.26-27)
« Rien n’est plus affligeant pour un peuple que de se voir dans la misère pour
subvenir au faste insultant d’un despote orgueilleux et au luxe de sa cour. »
(p.27)
« Le prince se souviendra qu’il doit une justice égale à tous ses sujets, et que les
provinces les plus lointaines ont autant de droit à sa protection que sa capitale ou
sa cour. » (p.35)
Ces vices et ces abus se montrent surtout dans les monarchies, où les rangs et les
richesses mettent une trop grande inégalité entre les hommes. C’est donc là
surtout que dans la justice du gouvernement et des lois devraient réprimer les
attentats de la grandeur et châtier les insolences des riches. Dans les Etats
républicains et libres, où les hommes sont moins inégaux, l’homme du peuple,
exempt de crainte, s’estime davantage parce qu’il sait que la loi le protégera. Ce
devrait être sans doute sa fonction en tout pays : l’équité doit partout défendre le
754
faible, le pauvre, le petit, contre les entreprises du puissant, des riches et des
grands, à qui la protection des lois est bien moins nécessaire. Un bon roi n’est
pas celui qui favorise les grands, c’est celui qui prend en main les intérêts du
peuple, que l’opulence et la grandeur s’efforcent d’opprimer toutes les fois que
l’autorité souveraine néglige de les contenir. » (p.88-89)
« La vie est remplie des joies les plus pures lorsqu’on connaît le plaisir de faire
du bien. » (p.103-104)
« C’est ordinairement par leur faute que les puissants de la Terre sont détestés de
leurs inférieurs. » (p.104)
« Quelques gouvernements ont cru devoir forcer les citoyens de venir au secours
des malheureux ; on a vu mettre quelquefois des impôts énormes sur des nations
sans parvenir à diminuer le nombre des pauvres qui, au contraire, s’accroissait
tous les jours. » (p.106)
755
Tels sont, ô vertueux Turgot ! les effets que doit attendre de ta sagesse et de ta
probité un grand empire dont un monarque équitable te confie la fortune. »
(p.109)
« On s’est plaint sans cesse des effets et jamais on n’en cherche les causes. »
(p.7)
« Un homme est bon, raisonnable, vertueux, non lorsqu’il n’a pas de passions
mais lorsque ses passions sont utiles à lui-même et aux êtres avec lesquels il se
trouve associé. » (p.12)
« Le méchant est un mauvais calculateur qui est à tout instant la dupe de son
ignorance, de son imprudence et de ses préjugés. Plus notre esprit s’éclaire, et
plus nous apprenons à calculer avec justesse et à préférer la plus grande somme
de biens à la moindre. » (p.16-17)
« La vérité est la conformité de nos idées avec la nature des choses. » (p.17)
756
« La vérité est nécessaire à l’homme parce que l’homme a besoin pour être
heureux de démêler la route qui peut l’y conduire. » (p.17)
« La vertu n’est aimable que parce qu’elle est utile ; elle n’est utile que parce
qu’elle contribue au bien durable des habitants de ce monde. » (p.19)
« Pour rendre les hommes meilleurs, il faut les porter à la recherche de la vérité,
leur faire cultiver la raison, leur mettre des expériences sous les yeux, leur
montrer les effets dangereux du vice, leur faire sentir les avantages de la vertu.
Tel est l’objet de la morale. Pour rendre les hommes plus heureux, il faut les
unir d’intérêts, resserer entre eux les liens de la société, les inviter et les forcer à
faire le bien et à s’abstenir du mal. Voilà l’objet de tout gouvernement, qui n’est
que le pouvoir de la société déposé dans les mains d’un ou plusieurs citoyens
pour obliger tous ses membres à pratiquer les règles de la morale. » (p.20)
« Des prêtres adulateurs ont eu le front de mettre les tyrans même sous la
sauvegarde du Ciel ! Ils eurent la bassesse de sanctifier leurs usurpations, de leur
attribuer des droits divins, de priver les nations de la juste défense d’elles-
mêmes, droit que la Nature donne pourtant à tout homme. D’après de tels
principes, les peuples, enchaînés par l’opinion, furent livrés aux caprices de
leurs chefs. Ceux-ci n’ayant rien à craindre des hommes, exercèrent impunément
la licence et n’eurent plus aucuns motifs réels pour contenir leurs passions, qui
devinrent bientôt la source la plus féconde de la corruption des peuples et la
vraie cause de leurs misères. » (p.24)
« Les Spartiates n’ont été que des moines armés par un fanatisme politique.
Admirerons-nous à plus juste titre les vertus des Romains ? Hélas ! Chez eux le
nom de vertu se donnait par excellence à la valeur guerrière, qui trop souvent est
totalement incompatible avec l’équité, la raison et l’humanité. L’amour de la
patrie, qui faisait le caractère du citoyen de Rome, n’était-il pas une haine jurée
contre toutes les autres nations et ne consistait-il pas à tout sacrifier à une idole
injuste et déraisonnable ? » (p.29)
« On est forcés de soupçonner que les Grecs et les Romains devaient avoir bien
peu d’idées de l’humanité, à juger de leurs sentiments par la façon dont ils
traitaient leurs esclaves. » (p.30)
757
« Comme les hommes furent en tout temps disposés à mépriser le simple et le
naturel pour courir après le merveilleux, on préféra les notions mystiques de ces
sages [Pythagore, Socrate, Platon] aux idées simples et faciles d’Épicure, dont la
morale fondée sur la Nature fut décriée et rejetée comme dangereuse. » (p.30)
« Nous n’apportons en naissant pas plus les idées de vice et de vertu que celles
de cercle ou de triangle. » (p.34)
« La science des mœurs doit être puisée sur la terre et non pas dans les cieux, il
faut la chercher dans le cœur de l’homme et non pas dans le sein de la divinité.
Elle doit avoir des principes simples, évidents, invariables. En vain prétendrait-
on la fonder sur les oracles obscurs de la religion, qui varient dans chaque
contrée de la terre. » (p.37)
« La vraie morale est une ; elle doit être la même pour tous les habitants de notre
globe. […] En partant de l’homme lui-même, on trouvera facilement la morale
qui lui convient. » (p.38)
« Le bonheur n’est que plaisir continué. Nous ne pouvons douter que l’homme
ne le cherche dans tous les instants de sa durée ; d’où il suit que le bonheur le
plus durable, le plus solide, est celui qui convient le plus à l’homme. La morale
[…] est faite pour lui indiquer le bonheur ou le plaisir le plus durable, le plus
réel, le plus vrai, et lui montrer qu’il doit le préférer à celui qui n’est que
passager, apparent et trompeur. […]
758
L’homme pour se conserver et pour jouir du bonheur, vit en société avec des
hommes qui ont les mêmes désirs et les mêmes aversions que lui. La morale lui
montrera que pour se rendre heureux lui-même, il est obligé de s’occuper du
bonheur de ceux dont il a besoin pour son propre bonheur. Elle lui prouvera que
de tous les êtres, le plus nécessaire à l’homme, c’est l’homme. » (p.39)
« La morale ne doit avoir pour objet que de faire connaître aux hommes leurs
véritables intérêts. » (p.40)
« Ce n’est que son propre bonheur que l’homme peut envisager dans toutes ses
actions, ses pensées, ses désirs, ses passions. Ce n’est que lui-même qu’il peut
aimer dans les objets qu’il aime, ce n’est que lui-même qu’il peut affectionner
dans les êtres de son espèce. » (p.41)
« « Le moi est haïssable », suivant Pascal. […] Mais le moi est naturel quand il
se satisfait sans faire de tort à personne, il est très estimable quand il se contente
en faisant ce qui est utile ou agréable à d’autres. […] Celui qui aime les autres
en vue de s’attirer leur amour est l’ami du genre humain. » (p.41)
« C’est la propriété qui fait le citoyen ; tout homme qui possède dans l’Etat, est
intéressé au bien de l’Etat […] c’est toujours comme propriétaire, c’est en
raison de ses possessions qu’il doit parler, ou qu’il acquiert le droit de se faire
représenter. » -Paul Henri Thiry d'Holbach, l’Encyclopédie.
« M. D’Holbach eut pour amis les hommes les plus célèbres de ce pays-ci, tels
que MM. Helvétius, Diderot, d’Alembert, Condillac, Turgot, Buffon, Rousseau,
et plusieurs étrangers dignes de leur être associés, tels que MM. Hume, Garrick,
l’abbé Galiani, etc. » -Correspondance littéraire, Paris, 1813, IIIème Partie, t. 5
(chronique d’ « août 1789 »), p. 213.
"Paul Thiry, seigneur de Heese et de Léende, plus connu sous le nom de baron
d'Holbach, parut l'homme formé par la nature et la fortune pour centraliser
l'action intellectuelle de son siècle." (p.58)
759
"Membre des académies de Manheim, de Berlin, de Pétersbourg, ses rapports
avec les savans de ces pays donnaient par là un immense rayonnement aux
lumières dont sa maison était le foyer." (p.59)
-François Théodore Claudon, Le Baron d'Holbach, tome 1, Paris, C. Allardin,
1835.
« Le Système social, trop déprécié, contient une exposition magistrale, dont les
utilitaires anglais ont par la suite largement tiré parti. Les imitateurs français
de ces philosophes ne se sont pas aperçus que leurs maîtres n'avaient été eux-
mêmes que les élèves ou les plagiaires de la pensée française du XVIIIe siècle. »
-Henry Michel, L'idée de l'Etat: essai critique sur les théories sociales et
politique en France depuis la Révolution, Paris, Librairie Hachette et Cie, 1896,
666 pages, p.15.
760
permet de se consacrer exclusivement à ses activités intellectuelles. Il se marie
en 1754 avec sa cousine, Charlotte d'Aine.
Il traduit des ouvrages de Hobbes, de Stahl et de Swift, tout en étudiant la
chimie et la minéralogie. A partir de 1751, il participe à l'Encyclopédie pour
laquelle il rédige plus de trois cents articles, couvrant des domaines aussi variés
que la philosophie, la chimie ou la métallurgie. Surnommé "le maître d'hôtel de
la philosophie", il invite à sa table les grands hommes de lettres de son temps.
Dans son hôtel particulier parisien, il reçoit, entre autres, Diderot, Buffon,
Helvétius, Smith, Grimm, Beccaria ou encore Priestley. Son salon devient un
haut lieu de rencontre des grandes figures intellectuelles du XVIIIème siècle.
Par ailleurs, il devient l'ami de Benjamin Franklin, et prend le parti des
insurgés américains contre la monarchie anglaise.
Il rencontre un certain succès dans ses publications à caractère scientifique, qui
sont essentiellement des traductions de traités de chimie et de géologie. Les
académies de Berlin (1752), de Mannheim (1766) et de Saint-Pétersbourg
(1780) lui rendent successivement hommage. En revanche, il dissimule son
identité dans ses œuvres philosophiques. Virulentes à l'encontre de la religion
chrétienne, elles ne paraissent qu'anonymement ou sous des pseudonymes. Sa
Théologie portative (1758) est éditée sous le nom de l'abbé Bernier ; le Système
de la Nature (1770) porte le nom de Mirabaud, académicien mort en 1760 ;
l'Essai sur les préjugés (1770) indique "par Dumarsais", mort en 1756 ; La
politique naturelle (1773) fait figurer la mention "par un ancient magistrat".
La prudence de d'Holbach n'est pas excessive au regard des scandales causés
par ces écrits. Le Système ne la nature est condamné au bûcher dès sa parution,
et lacéré en place publique le 20 août 1770. Le bon sens (1772) est lui brûlé, au
Palais de justice de Paris, en 1774, en même temps que De l'homme de
Helvétius. Ou encore, le Système social (1773), qui paraît à Londres, est mis à
l'Index en 1775 et est à nouveau interdit par la police en 1822. A la veille de la
révolution, la censure ne désarme pas. Au contraire, elle tente de contenir le
courant d'idées nouvelles. » (p.366-367)
« Diderot relit et corrige les textes du baron, dont le français n'est pas toujours
irréprochable. Il est difficile de dire lequel des deux a le plus influencé l'autre. »
(p.373-374)
-Pascal Charbonnat, Histoire des philosophies matérialistes, Paris, Éditions
Kimé, 2103, 706 pages.
761
« Le communisme développé a directement pour origine le matérialisme
français. » -Karl Marx & Friedrich Engels, La Sainte Famille, ou critique de la
Critique critique. Contre Bruno Bauer et consorts, Paris, Ed. sociales, 1972, p.
158.
« Pour le baron d’Holbach […] les Juifs n’étaient pas irrémédiablement perdus
pour l’humanité éclairée : il leur suffisait de rejeter leurs croyances et leurs
traditions. » -Pierre-André Taguieff, La Judéophobie des Modernes : Des
Lumières au Jihad mondial, Odile Jacob, 2008, p.96.
« Le scandale qui fit son Système de la Nature détermina une rupture avec
Voltaire. […]
763
"De la Mettrie avait principalement effrayé l’Allemagne. Le Système de la
nature effraya la France. Si l’insuccès de de la Mettrie en Allemagne fut en
partie dû à sa frivolité, qui est souverainement antipathique aux Allemands, le
ton grave et didactique du livre de d’Holbach eut certainement sa part dans la
répulsion qu’il inspira en France. Une grande différence aussi résulta de
l’époque où les deux livres parurent, vu l’état des esprits chez les deux nations
respectives. La France approchait de sa révolution, tandis que l’Allemagne
allait entrer dans la période de floraison de sa littérature et de sa philosophie.
Dans le Système de la nature, nous sentons déjà le souffle impétueux de la
Révolution.
"Le droit des peuples à faire une révolution, quand leur situation devient
intolérable, est un axiome à ses yeux." (p.404)
"D’Holbach mourut le 21 juin 1789, peu de jours après que les députés du tiers
État se furent constitués en assemblée nationale. La révolution, qui fit repartir
son ami Grimm pour l’Allemagne et mit souvent en danger la vie de Lagrange,
allait commencer réellement, lorsque mourut l’homme, qui lui avait si
puissamment frayé la voie." (p.410)
"D’Holbach qui, à cause de son radicalisme, était pour ainsi dire exclu des
spirituels salons de l’aristocratie parisienne, ne partage pas les contradictions
765
de plusieurs écrivains de cette époque, qui travaillaient de toutes leurs forces au
renversement de l’ordre de choses existant et se posaient cependant comme
aristocrates, méprisaient les stupides paysans et voulaient au besoin leur
imaginer un dieu, afin d’avoir un épouvantail qui les maintînt dans la crainte.
D’Holbach part du principe que la vérité ne peut jamais nuire." (p.427)
-Friedrich-Albert Lange, Histoire du matérialisme et de son importance à notre
époque, volume I, 1877.
"Les réformes qu'il [d'Holbach] conseille [dans Éthocratie] ne vont guère au-
delà de l'égalité civile et reproduisent à peu près celles du Système Social.
Il se plaint de la partialité des lois envers les riches." (p.267)
766
« L'on saluera pourtant la réédition d'un ouvrage [Système de la Nature] publié
en français pour la dernière fois en 1822, devenu introuvable aujourd'hui. » -
Ferland, M. (1992). Paul-Henri Thiry D’Holbach, Le Système de la nature, ou
des lois du monde physique et du monde moral, éd. Fayard, 1990, 2 t., 387
pages et 448 pages. Texte revu et notice par Josiane Boulad-Ayoub.,
Philosophiques, 19 (1),145–146.
« Il y a une ironie de l’histoire littéraire à voir une figure comme celle du baron
d’Holbach, dont les œuvres ont suscité en leur temps tant d’émoi et de frayeur,
plonger dans un oubli dont les tentatives réitérées de réévaluation ne
parviennent pas à le sortir. » -Alain Sandrier, Le style philosophique du baron
d’Holbach, Éditions Champion, 2004, 589 pages, p.13.
"Il est vrai que les aspirations sociales et morales de l'athéisme d'un Holbach et
d'un Diderot furent tributaires, sans bien s'en rendre compte, des aspirations de
classes vouées au principe de propriété et à la mainmise sur le travail d'autrui
qui en découle ; mais il n'en est pas moins vrai qu'ils érigeaient ce principe en
rempart de l'homme contre le despotisme clérical et monarchique alors régnant,
contre les privilèges du sang, contre les cruautés sociales aveugles."
"C'est aussi à Leyde que l'oncle envoya le jeune homme étudier en 1744, alors
qu'il avait vingt et un ans."
"Le séjour dans cette vieille Université fut certainement très fécond pour lui.
C'était l'un des lieux les plus éclairés où pouvait s'instruire la jeunesse
européenne. En pays hollandais, dans l'atmosphère érudite et tolérante du
protestantisme, se retrouvaient des jeunes hommes venus de France, des Pays-
Bas, d'Angleterre, des Pays Rhénans, de Scandinavie. C'est à Leyde que le futur
baron d'Holbach noua quelques amitiés, auxquelles il fut fidèle plus tard, et
qu'il reçut l'influence de l'Angleterre, par l'intermédiaire du groupe de jeunes
gens avec lesquels il vécut amicalement."
"John Wilkes était de quatre ans plus jeune que Paul Thiry, étant né en 1727.
Après avoir étudié à Hertford, il avait été envoyé à Leyde. D'Holbach ne devait
cesser de s'intéresser à lui, en particulier lorsque le héros de la réforme
parlementaire passa trois ans sur le continent après sa fuite d'Angleterre, en
1764."
"C'est lors de son retour à Paris, après la guerre, en 1749, que Paul Thiry
d'Holbach retrouva sa cousine, et un an plus tard, il épousa l'aînée de ses deux
filles, Basile-Genevièvre. Ainsi, à l'age de vingt-sept ans, le futur philosophe
commence à vivre, comme il le fera toute sa vie, dans le milieu familial des
d'Aine -c'est à dire dans sa propre famille- entre Paris, où il acheta bientôt un
hôtel rue Saint-Roch, et le Grandval, propriété proche de Sucy, qui appartenait
à Mme d'Aine. Ici et là, il commencera à réunir les esprits les plus représentatifs
du siècle, et bientôt entrera lui-même dans la carrière singulière d'écrivain
clandestin, de philosophe de coulisses, et n'en mettra pas moins debout l’œuvre
la plus profonde et la plus significative.
C'est le 3 février 1750, à la moitié du siècle, que Paul-Thiry d'Holbach épousa
Basile-Geneviève-Suzanne d'Aine, qu'il aimait tendrement et dont tous ceux qui
l'ont connue -Diderot, Grimm, Rousseau entre autres- ont dépeint le charme et
la gentillesse."
768
"Quant à Rousseau, à peine introduit chez d'Holbahc, en 1751, il s'y sentira mal
à l'aise et déjà persécuté, mais ce n'est que huit à dix ans plus tard que la
rupture deviendra publique et définitive."
"Diderot serait incomplet sans d'Holbach. D'Holbach exposa et affirma bien des
idées que Diderot ne fit qu'effleurer."
"Jusqu'en 1760, c'est-à-dire pendant huit ans, le baron est tout à la besogne de
traduction et d'élaboration. Il rédige près de 400 articles pour l'Encyclopédie."
"D'Holbach a fait beaucoup plus que Diderot pour le progrès des sciences
historiques, et il n'y est parvenu que par sa passion pour élucider le mystère des
origines de toute religion."
"Hume, comme nous l'avons vu, était en relations étroites avec le baron. Au
moment de sa nomination comme secrétaire de l'ambassade d'Angleterre à
Paris en 1763, lorsque la guerre de Sept ans fut terminée, il jouissait déjà d'une
renommée considérable. Ses Essais sur l'Entendement humain avaient paru en
1748, son Histoire d'Angleterre était terminée en 1761. Fêté et reçu par tout ce
que Paris comptait d'illustre et de distingué, il vit de plus près les
Encyclopédistes. [...] Quelques jours après son arrivée à Paris, il écrivait à
Adam Smith: "Le baron d'Holbach... m'a dit qu'il surveillait la traduction de
votre Théorie des sentiments moraux, et m'a prié de vous en informer"."
"L'anglomanie ne sera jamais son fait ; toute sa sympathie est acquise aux
Insurgents d'Amérique, et sur ses vieux jours, Franklin deviendra son ami.
Trente ans se sont écoulés depuis les Lettres enthousiastes de Voltaire ! En
1765, ce n'est plus le régime anglais -corrompu et corrupteur- qui peut servir de
modèle à la monarchie française décrépite. Du coup, les réflexions du baron
prendront un tour plus révolutionnaire -et plus utopique- qui le conduiront à
769
L'Éthocratie et à La Politique naturelle".
"Si d'Holbach était protégé par sa position dans la société, rien ne garantissait
absolument son repos. Voltaire s'était établi, par raison de sûreté, à la frontière
; Rousseau en fut chassé."
« D’Holbach suit Hobbes quand il explique que les idées que l’homme peut
avoir viennent de l’expérience. »
770
« En plein accord avec l’Ethique spinozienne, qui figurait dans sa riche
bibliothèque, et que sûrement le baron a compulsé plus qu’on ne pourrait le
penser si l’on ne s’en tenait qu’aux citation explicites du philosophe hollandais,
d’Holbach, pour ériger sa « science des mœurs », part du principe
d’autoconservation inhérent à tout être et de la nature désirante propre à
chaque individus. »
« S’ils ne furent jamais isolés et solitaires, les hommes furent toujours inégaux.
[…]De l’inégalité entre les hommes découlent l’autorité et le pouvoir, qui sont
toutefois légitimes, lorsqu’ils se fondent sur la faculté de faire du bien, de
protéger, de guider, de procurer le bonheur. » -Tomaso Cavallo, «
Méconnaissance » et « reconnaissance » dans l’œuvre philosophique de
d’Holbach, http://www.consecutio.org, 31 ottobre 2016.
"La politique radicale du baron d'Holbach n'est pas une politique démocrate,
mais bien une politique républicaine. Il demeure des inégalités, même en termes
de droits politiques, qui sont réservés aux citoyens qui possèdent des terres. Il
tente d'élargir la définition de citoyenneté, et de trouver un mode de
gouvernement qui résiste le mieux aux corruptions de la morale. Le
gouvernement républicain n'est pas une solution définitive ; d'Holbach, lecteur
de Machiavel, sait bien que le danger du despotisme, ou de la corruption, est bel
et bien présent dans toutes les républiques. Mais celles-ci offrent les meilleures
conditions pour une politique du peuple souverain et pour minimiser les
inégalités sociales." (p.7)
"D'Holbach suit Aristote et Épicure, deux penseurs grecs qu'il admire beaucoup,
et qui affirmaient que l'être humain cherche toujours son propre bonheur."
(p.11)
"C'est l'un des champs de bataille entre modérés et radicaux, nous dit Israel,
que de voir l'opposition entre la tolérance limitée des uns (celle de Locke, par
exemple, qui exclut les athées et les catholiques), et la tolérance absolue des
autres, qui veulent permettre toute expression de croyance. D'Holbach se place
fermement dans le camp des radicaux. Il ne demande pas simplement la
tolérance de l'athéisme -même un athée intolérant l'aurait demandée à l'époque-
mais bien une tolérance de toutes les croyances. Seuls les actes politiques, qui
772
violent les lois de la chose publique, peuvent être sanctionnés, mais non les
opinions et leur expression." (p.13-14)
"Si la métaphore du contrat est acceptée par le baron, il n'accepte pas celle de
l'état de nature. Hobbes et Locke avaient admis la possibilité de l'existence
historique de cet état de nature, et bien que Rousseau reste sceptique, la note J
de son Discours sur les origines de l'inégalité montre qu'il n'avait pas tranché
sur le sujet. Mais d'Holbach est fermement attaché à une vision du contrat sans
état de nature. Il ne faut pas spéculer sur les origines de l'humanité pour établir
la liste des devoirs et des droits en société." (p.14-15)
"Si d'Holbach veut un abandon complet de l'idée de Dieu, elle doit aussi être
purgée de la politique. Son athéisme, en particulier, le pousse vers un
questionnement du concept des lois de la nature. [...] Ce n'est pas Dieu, mais
bien la sociabilité des hommes qui les pousse vers des devoirs communs. C'est le
même raisonnement qui pousse d'Holbach à se différencier de la théorie de la
propriété chez Locke. Non seulement, pour d'Holbach, la propriété est
considérée comme une propriété terrienne, et non seulement comme le fruit du
labeur humain, mais elle ne peut être justifiée comme le fait Locke -ou rejetée
comme le fait Rousseau. Si nous avons un droit à jouir du fruit de notre labeur,
ce que d'Holbach concède à Locke, ce n'est pas parce que nous possédons notre
propre personne. La propriété est avant tout sociale -Rousseau l'avait dit avant
lui- elle est une forme d'exclusion. Si l'on possède une terre, on prive les autres
de ses fruits. C'est donc bien une relation sociale, et non une relation entre les
hommes et Dieu, qui est à la source de la propriété." (p.16)
773
de Maistre et les origines du totalitarisme », 1960 pour la première version, in Le
bois tordu de l’humanité. Romantisme, nationalisme et totalitarisme, Albin
Michel, coll. Idées, 1992 (1990 pour la première édition britannique), 258 pages,
p.116.
http://hydra.forumactif.org/t627-paul-henri-dietrich-baron-d-holbach-systeme-
de-la-nature-ou-des-loix-du-monde-physique-et-du-monde-moral-autres#1199
https://www.amazon.fr/Oeuvres-philosophiques-1773-1790-Paul-Henri-
Holbach/dp/2849670154/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1524829925&sr
=1-1&keywords=Paul-
Henri+Thiry+d%27Holbach%2C+oeuvres+philosophiques
https://archive.org/stream/barondholbachast05621gut/7bdho10.txt
"Tout ce qu'on sait de lui confirme qu'il fut un caractère honnête en même temps
qu'un écrivain soucieux de moralisation. Dans les mois qui suivent Les Liaisons
dangereuses, il séduit à La Rochelle une jeune fille de bonne famille, Marie-
Soulange Duperré ; il en a un enfant. Mais dans l'affaire, il se conduit comme
un Saint-Preux -séducteur aussi de sa Julie-, non comme son Valmont. Le
ministère l'avait informé qu'il devait se tenir prêt à rejoindre son régiment à
Brest. Il lui était facile de provoquer cet ordre. Mais au lieu d'abandonner sa
maîtresse et son fils, il s'applique à rester à La Rochelle (sous le prétexte d'y
construire une médiocre bâtisse, l'Arsenal). Il s'emploie à surmonter les
obstacles, pour épouser, au bout de trois ans, Marie-Soulange, en reconnaissant
leur fils. On sait comment ensuite, mieux partagé que Saint-Preux (et que
Rousseau), il a vécu toute sa vie dans la félicité conjugale et familiale. [...]
Il reste qu'en dépit de ses protestations on n'a cessé de mettre en doute l'effet
moral de son roman." (p.31-32)
« Il ne faut point confondre le bonheur avec la vertu. Il est certain que faire le
bien pour le bien, c’est le faire pour soi, pour notre propre intérêt, puisqu’il
donne à l’âme une satisfaction intérieure, un contentement d’elle-même sans
lequel il n’y a point de vrai bonheur. Il est sûr encore que les méchants sont tous
misérables, quel que soit leur sort apparent, parce que le bonheur s’empoisonne
dans une âme corrompue, comme le plaisir des sens dans un corps malsain.
Mais il est faux que les bons soient tous heureux dès ce monde, et comme il ne
suffit pas au corps d’être en santé pour avoir de quoi se nourrir, il ne suffit pas
non plus à l’âme d’être saine pour obtenir tous les biens dont elle a besoin.
Quoiqu’il n’y ait que les gens de bien qui puissent vivre contents, ce n’est pas à
dire que tout homme de bien vive content. La vertu ne donne pas le bonheur,
mais elle seule apprend à en jouir quand on l’a : la vertu ne garantit pas des
maux de cette vie et n’en procure pas les biens ; c’est ce que ne fait pas non plus
le vice avec toutes ses ruses ; mais la vertu fait porter plus patiemment les uns et
goûter plus délicieusement les autres. Nous avons donc, en tout état de cause, un
véritable intérêt à la cultiver, et nous faisons bien de travailler pour cet intérêt,
quoiqu’il y ait des cas où il serait insuffisant par lui-même, sans l’attente d’une
vie à venir. » -Jean-Jacques Rousseau, Lettre à M. d’Offreville, 1761.
776
gloire de l’Opéra : après mon Discours sur l’inégalité, j’étois athée &
misanthrope : après la lettre à M. D’Alembert, j’étois le défenseur de la morale
chrétienne : après l’Héloïse, j’étois tendre & doucereux ; maintenant je suis un
impie ; bientôt peut-être serai-je un dévot.
Ainsi va flottant le sot public sur mon compte, sachant aussi peu pourquoi il
m’abhorre, que pourquoi il m’aimoit auparavant. Pour moi, je suis toujours
demeuré le même ; plus ardent qu’éclairé dans mes recherches, mais sincere en
tout, même contre moi ; simple & bon, mais sensible & foible ; faisant souvent
le mal & toujours aimant le bien ; lié par l’amitié, jamais par les choses, &
tenant plus à mes sentimens qu’à mes intérêts ; n’exigeant rien des hommes &
n’en voulant point dépendre, ne cédant pas plus à leurs préjugés qu’à leurs
volontés, & gardant la mienne aussi libre que ma raison : craignant Dieu sans
peur de l’enfer, raisonnant sur la Religion sans libertinage, n’aimant ni
l’impiété ni le fanatisme, mais haïssant les intolérans encore plus que les
esprits-forts ; ne voulant cacher mes façons de penser à personne, sans fard,
sans artifice en toute chose, disant mes fautes à mes amis, mes sentimens à tout
le monde, au public ses vérités sans flatterie & sans fiel, & me souciant tout
aussi peu de le fâcher que de lui plaire. Voilà mes crimes, & voilà mes vertus. »
-Jean-Jacques Rousseau, Lettre à Christophe de Beaumont, 18 Novembre 1762,
in Collection complète des œuvres de J. J. Rousseau, 1782 (Tome 6 : Mélanges
(1), pp. 3-118, p.7-8.
« Je vous avoue cependant que je n'entends pas bien le conseil qu'il me donne de
ne pas me mettre à dos M de Voltaire, c'est comme si l'on conseilloit à un
passant attaqué dans un grand chemin de ne pas se mettre à dos le brigand qui
l'assassine. Qu'ai je fais pour m'attirer les persécutions de M de Voltaire et
qu'ai je à craindre de pire de sa part ? M de Buffon veut il que je fléchisse ce
tigre altéré de mon sang ? Il sait bien que rien n'apaise ni ne fléchit jamais la
fureur des tigres. Si je rampois devant Voltaire il en triompheroit sans doute
mais il ne m'en égorgeroit pas moins. Des bassesses me déshonoreroient et ne
me sauveroient pas. Monsieur je sais souffrir j'espère apprendre à mourir et qui
sait cela n'a jamais d’être lâche. Il a fait jouer les pantins de Berne à l'aide de
son ame damnée le jésuite Bertrand, il joue à présent le même jeu en Hollande.
Toutes les puissances plient sous l'ami des ministres tant politiques que
presbytériens. A cela que puis je faire je ne doute presque pas du sort qui
m'attend sur le canton de Berne si j'y mets les pieds cependant j'en aurai le cœur
777
net et je veux voir jusqu où dans ce siècle aussi doux qu'éclairé la philosophie et
l'humanité seront poussées. Quand l'inquisiteur Voltaire m'aura fait brûler cela
ne sera pas plaisant pour moi je l'avoue mais avouez aussi que pour la chose
cela ne sauroit l'être plus. » -Jean-Jacques Rousseau, Lettre à Madame de V, 3
février 1765.
« En vain, vous prétendriez détruire les sources du mal ; en vain vous ôteriez les
aliments de la vanité, de l’oisiveté et du luxe ; en vain même, vous ramèneriez
les hommes à cette première égalité conservatrice de l’innonce et source de
toute vertu : leurs cœurs, une fois gâtés, le seront pour toujours. Il n’y a plus de
remède, à moins de quelque grande révolution presque aussi à craindre que le
mal qu’elle pourrait guérir, et qu’il est blâmable de désirer et impossible de
prévoir. » -Jean-Jacques Rousseau, Lettre au roi de Pologne.
« Voici, dans mes vieilles idées, le grand problème en politique que je compare
à celui de la quadruple du cercle en géométrie et à celui des longitudes en
astronomie : Trouver une forme de gouvernement qui mette la loi au-dessus de
l’homme. Si cette forme est trouvable, cherchons-là et tâchons de l’établir. Vous
prétendez, messieurs, trouver cette loi dominante dans l’évidence des autres.
Vous prouvez trop ; car cette évidence a dû être dans tous les gouvernements,
ou ne sera jamais dans aucun. Si malheureusement cette forme n’est pas
trouvable, et j’avoue ingénument que je crois qu’elle ne l’est pas, mon avis est
qu’il faut passer à l’autre extrémité et mettre tout d’un coup l’homme autant au-
dessus de la loi qu’il peut l’être, par conséquent établir le despotisme arbitraire
et le plus arbitraire possible : je voudrais que le despote pût être Dieu. En un
mot, je ne vois pas de milieu supportable entre la plus austère démocracie et le
hobbisme le plus parfait. » -Jean-Jacques Rousseau, à Mirabeau, Lettre du 26
juillet 1767, in Œuvres complètes de Rousseau, tome XVI, Paris, 1829, p.401-
402.
778
« C'est bien la civilisation française tout entière qui est en question dans l'échec
de la Révolution [française]. Le brillant de la société de cour a pour
contrepartie l'insincérité générale dans les rapports humains, et cette fausseté,
qui est le fruit de l'effort du pouvoir royal pour dominer la société, a fini par
corrompre le pouvoir politique lui-même jusqu'au moment où la "raison d'Etat"
s'est confondue avec le règne de l'intrigue. Le résultat de cette sociabilité
totalement artificielle a été l'apparition de l'exigence tout aussi antipolitique
d'une refondation complète de l'ordre social et politique sur la base "naturelle"
de la sincérité et de la récusation générale de toutes les conventions sur
lesquelles reposent les institutions. Mais cette passion nouvelle de la sincérité,
dont l'œuvre de Rousseau est l'expression la plus puissante, n'a pu produire tous
ses effets que parce qu'elle s'est greffé sur l'opposition entre la bonté naturelle
du peuple misérable et la corruption des classes dirigeantes. » -Philippe
Raynaud, "Le Monde, l'Action, la Pensée", préface à Hannah Arendt.
L'Humaine Condition, Gallimard, coll. Quarto, 2012, 1050 pages, p.29.
Rousseau pense ici avec son époque contre son époque, et retourne le concept
d’individu contre le libéralisme triomphant. Il en va de même lorsqu’il fait
l’histoire sociale de la propriété, montrant que l’histoire de la société est aussi
celle de la propriété, parce que la propriété s’enracine dans la division du
travail, et conduit à l’inégalité civile. Chez Rousseau comme chez Marx « tout se
rapporte dans son principe aux moyens de pourvoir à la subsistance »
(J.J. Rousseau, Essai sur l’origine des langues, O.C. V Paris, Gallimard, 1995,
coll. « la Pléiade », p. 400). Tout, c’est-à-dire la structure de la société et son
histoire : l’accumulation de la propriété va catalyser la concentration de la
780
richesse et du pouvoir. Le riche est « le vrai fondateur de la société civile »
(Discours sur l’inégalité, O.C. III Paris, Gallimard, 1964, 2e partie, début),
celui-là même qui, après s’être fait proclamer chef, deviendra despote. » -Luc
Vincenti, Ce que le marxisme doit à Jean-Jacques Rousseau, www.humanite.fr,
Jeudi 28 Juin 2012.
« Je sentais avec satisfaction la différence qu’il y a des goûts sains & des
plaisirs naturels à ceux que fait naître l’opulence, & qui ne sont guère que des
plaisirs de moquerie & des goûts exclusifs engendrés par le mépris. » -Jean-
Jacques Rousseau, Les Rêveries du promeneur solitaire.
« Tous les rapports entre les hommes seront clairs pour chacun. » -Nicolas
Boukharine, à propos de la société communiste, La théorie du matérialisme
historique, 1921.
[...] La faiblesse de la volonté propre, qui n'a pas su mener jusqu'à l'abolition
des distinctions, donne la nostalgie d'un pouvoir franchement despotique qui, en
arrachant la psyché à un monde où elle mesure douloureusement sa
dépendance, restaurerait son autonomie par l'excès d'une tyrannie forçant au
repli sur soi. C'est que l'âme gnostique, pas plus qu'elle ne peut s'abîmer dans la
Nature, ne peut se contraindre à l'anachoresis. Elle appelle donc de ses vœux la
poigne de fer qui la contraindra à mener une vie de claustration. Elle-même se
sent incapable d'une telle fermeté. »
« On sait combien Jean-Jacques loua Sparte [...] La place publique est à la fois
la source et la fin ultime de l'association politique. Ce n'est pas tant le lieu où le
peuple délibère que celui où il se régénère. [...] Sur la place publique les
membres de l'Etat sentent qu'ils sont indissolublement liés, comme l'étaient les
Spartiates et les Romains. C'est la vie de la place publique qui empêche la
particularisation des volontés: se retrouvant souvent ensemble, tantôt pour de
solennelles cérémonies, tantôt pour des fêtes, les citoyens participent à une sorte
de communion politique qui leur fait sentir la vie du corps dont ils sont les
membres et oublier les besoins de leur corps physique qui les conduit à la mort.
Sans un tel espace politique, les volontés des citoyens, au lieu de se fondre en
une volonté générale, s'atomisent en une multitude chaotique de volontés
particulières.
La volonté générale n'est pas la somme des volontés particulières, car celles-ci
ne peuvent maintenir l'Etat en vie. Un assemblage de volontés particulières ne
forme pas vraiment un Etat mais une "multitudo dissoluta". La vraie vie
politique commence là où la volonté générale trouve, puis pénètre un groupe
humain qu'elle informe, comme l'âme informe le corps. Cette matérialisation de
la force propre à mouvoir droitement les hommes ne peut pas se produire là où
ils se divisent en sectes et en partis. Et la volonté générale n'existe pas non plus
là où les hommes doivent se faire représenter, parce que "la souveraineté,
précise Jean-Jacques, ne peut être représentée". Pour sentir la volonté générale
les citoyens doivent se taire, se recueillir, et la laisser venir à eux. Alors, l'un
d'entre eux prend la parole et exprime, simplement, en quelques mots, ce que
tous ressentent et veulent faire. "Le premier qui propose les lois ne fait que dire
ce que tous ont déjà senti, et il n'est question ni de brigues ni d'éloquence pour
faire passer en loi ce que chacun à déjà résolu de faire." La volonté générale
n'est donc pas issue d'une série de conflits entre des volontés particulières, série
au terme de laquelle on trouverait soit un compromis, soit une volonté unique
qui s'imposerait à toutes les autres. Un peuple doit être passif pour recevoir la
783
volonté générale un peu comme on reçoit la volonté de Dieu. » -Jan Marejko,
Jean-Jacques Rousseau et la dérive totalitaire, Éditions L'Age d'Homme, 1984.
« L’idée de volonté générale, telle qu’elle est formulée par Rousseau, peut donc
être vue comme une tentative d’étendre à la vie d’une nation entière le modèle,
puissant et admirable, mais baignant aussi dans une atmosphère parfois
étouffante et répressive, d’une petite ville culturellement homogène. » -Anatol
Lieven, Le nouveau nationalisme américain, Gallimard, 2005 (2004 pour la
première édition états-unienne), 489 pages. p.256.
784
« Le socialiste descend de Rousseau. » -Albert Thibaudet, Les Idées politiques
de la France, Librairie Stock, Paris, 1932, 264 pages, p.184.
"Malon pense que Rousseau est, avant tout, l'ancêtre des Jacobins." (p.130)
"Partout [Rousseau] voit la société divisée en deux parties, les riches et les
pauvres, et faite pour les premiers contre les seconds. Il remarque chez lui-
même dans l'Émile "une orgueilleuse misanthropie, une certaine aigreur contre
les riches et les heureux du monde, comme s'ils eussent été à mes dépens et que
leur prétendu bonheur eût été usurpé sur le mien". Il semble que ce sentiment se
réveille en lui chaque fois qu'il parle de la richesse et des riches. Les riches sont
mauvais et inhumains. Il choisit son élève, Émile, dans cette classe, car, en
l'élevant bien, "nous serons sûrs au moins d'avoir fait un homme de plus ; au
lieu qu'un pauvre peut devenir homme de lui-même". Les fonctions du riche
dans la société sont déplorables. A quelqu'un qui lui dit: "Je veux m'enrichir
pour secourir les malheureux", il répond: "Comment si le premier bien n'était
pas de ne point faire de mal ! Comment est-il possible de s'enrichir sans
contribuer à appauvrir autrui, et que dirait-on d'un homme charitable qui
commencerait par dépouiller tous ses voisins, pour avoir ensuite le plaisir de
leur faire l'aumône ?" (p.148)
"Dans sa Lettre à d'Alembert, est célébrée "cette Sparte que je n'aurai jamais
assez citée pour l'exemple que nous devrions en tirer". La République de Platon
en est la seule émule: il trouve même parfois que Platon épure le cœur de
l'homme que Lycurgue a dénaturé ; mais c'est cependant ce dernier qui a ses
préférences." (p.153)
"Il semble, d'après une lettre de Mme d'Houdetot de l'hiver de 1758, qu'il
s'intéressa au roman de Morelly, la Basiliade. [...] Plus tard, il écrit de Motiers
à Duschene pour lui réclamer des livres, entre autres: "l'Utopie de Th. Morus et
l'Histoire des Sévarambes"." (p.154)
785
"Il semble que vers 1764, ils aient eu quelques rapports plus amicaux. Au livre
IX des Confessions, Rousseau raconte que c'est sur l'avis de Mably qu'il
entreprit de résumer les idées de l'abbé de Saint-Pierre." (p.155)
« En 1764 les œuvres de Rousseau furent interdites dans tous les territoires
dépendant de la Couronne d’Espagne. Bien entendu, cela leur fit une excellente
propagande. » -Salvador de Madariaga, Le déclin de l’Empire espagnol
d’Amérique, Albin Michel, 1986 (1958 pour la première éditionfrançaise, 1947
pour la première édition anglaise), 522 pages, p.283.
786
« J'ai montré que tous les vices qu'on impute au cœur de l'homme ne lui sont pas
naturels: j'ai dit la manière dont ils naissent, j'en ai, pour ainsi dire, suivi la
généalogie et j'en fais voir comment, par l'altération successive de leur bonté
originelle, les hommes deviennent enfin ce qu'ils sont. » -Rousseau, Lettre à
Monseigneur de Beaumont.
« Rousseau: je le répudie ; cette tête fêlée n'est pas française, et nous nous
fussions fort bien passés de ses leçons. C'est justement à lui que commencent à
notre romantisme et notre absurde démocratie. » -Pierre-Joseph Proudhon, Du
principe de l’art et de sa destination sociale, 1865.
787
cette manière, doit naturellement parcourir dans son gouvernement, tous les
degrés du cercle des passions des hommes, puisqu'il ne renferme aucune règle
fixe pour montrer ce qui est droit et ce qui n'est pas droit, ce qui est licence, et
ce qui n'est pas licence. »
« Il tombe [...] dans une autre [erreur], en commettant le plus grand de tous les
crimes politiques, qui est de sacrifier le bonheur individuel de la saine minorité
à la tyrannie d'une majorité oppressive, qui ne peut jamais avoir d'autre droit
pour le faire, que le droit du plus fort qui, même dans les ténèbres des forêts,
donne le droit à trois brigands armés d'assassiner un homme de bien désarmé et
sans défense ; ce droit exécrable que Rousseau lui-même a la justice de
condamner dans son chapitre du droit du plus fort. Peut-on avancer une pareille
théorie et la contredire ainsi dans les moyens d'exécution qu'on offre ? Peut-on
accorder au peuple, c'est-à-dire, à la majorité le pouvoir de faire le mal, après
qu'on a démontré toute l'horreur du droit du plus fort ? »
« Avec Voltaire, c’est un monde qui finit. Avec Rousseau, c’est un monde qui
commence. » -Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832), cité dans
Encyclopædia Universalis, article « Voltaire ».
« Ma théorie a pour elle l'autorité du plus grand des moralistes modernes : car
tel est assurément le rang qui revient à J.-J. Rousseau, à celui qui a connu si à
788
fond le cœur humain, à celui qui puisa sa sagesse, non dans des livres, mais
dans la vie ; qui produisit sa doctrine non pour la chaire, mais pour l'humanité ;
à cet ennemi des préjugés, à ce nourrisson de la nature, qui tient de sa mère le
don de moraliser sans ennuyer, parce qu'il possède la vérité, et qu'il émeut les
cœurs. » -Arthur Schopenhauer, Le Fondement de la morale, Paris, Aubier-
Montaigne, 1978, p. 162.
789
d’arrêter la crise de foi du xviii siècle et d’empêcher le retrait de Dieu de la
pensée des Lumières. Et de ce fait son combat contre les matérialistes et les
athées le rapproche, malgré lui, des papistes comme l’Abbé Bergier. » -Maria
José Villaverde, Rousseau, Spinoza, deux visions opposées de la démocratie.
790
"La notion très incomplète et mal éclairée du Romantisme, que retiennent
encore nombre de bons esprits, vient de ce que ce phénomène n'a été baptisé de
son nom qu'à l'occasion d'une de ses manifestations déjà tardives, la plus
retentissante, il est vrai, mais non pas, tant s'en faut, la plus proche de son
essence profonde. Je veux dire: la jeune littérature de 1830. Le Romantisme
enveloppe bien autre chose qu'une mode littéraire. Il est une révolution générale
de l'âme humaine. Cependant, longtemps avant l'apparition de ce substantif,
dont la forme annonce bien une sorte de nouveauté systématique, l'adjectif avait
joui, et particulièrement chez Rousseau lui-même, d'une certaine fortune
obscure et comme hésitante. "Romantique" se dit dans les Rêveries d'un
promeneur solitaire, et pareillement dans Obermann, d'un paysage de
montagnes où rien ne montre la main de l'homme, ni ne donne lieu à son
passage, et de la défaillance voluptueuse ou de l'exaltation vaine que ce
spectacle, selon qu'il est calme ou agité, communique, en se prolongeant, à une
sensibilité lyrique ; ces émotions, au dire de Senancour comme de Rousseau,
reportant celui qui sait les éprouver en deçà de la civilisation et le replaçant
dans la véritable disposition intellectuelle et morale de l'homme primitif." (p.15)
"Le Romantisme est primitivement maladie. Cette maladie pourrit jusqu'au fond
la sensibilité, la volonté et l'intelligence de Jean-Jacques Rousseau." (p.18)
791
l'éducation. Parce que certains maîtres, en se servant trop du ressort de la
crainte, rendent les enfants dissimulés, "les mensonges des enfants sont tous
l'ouvrage des maîtres". Parce que c'est l'art le plus rare que de savoir mettre un
principe à la portée du jeune âge, il ne faut lui inculquer aucun principe." (p.68)
-Pierre Lasserre, Le Romantisme français. Essai sur la révolution dans les
sentiments et les idées au XIXème siècle, Thèse présentée à la Faculté des lettres
de l'université de Paris, Paris, Société du Mercure de France, 1907, 547 pages.
« Rousseau est l'auteur clé dans la genèse du romantisme français, car déjà au
milieu du XVIIIème siècle il a su articuler toute la vision du monde
romantique. » (p.78)
« Une forme de radicalisation des Lumières existe chez celui qui est
probablement le plus grand auteur romantique -de par la valeur et l'influence de
son œuvre- de cette époque des origines. Et il illustre en même temps la
juxtaposition des perspectives, car il y a des textes de Rousseau qui relèvent
surtout des Lumières. » (p.82)
792
son empreinte quelques-uns des principaux mouvements de révolte culturelle du
XXème siècle, comme l’expressionisme, le surréalisme et le situationnisme.
Certes, les maux – la propriété et l’inégalité – sont anciens, mais jamais ils
n’ont atteint de telles proportions avant la société « civilisé » moderne. Même
s’il parle d’ « origine », c’est bien sa propre époque -celle où le capitalisme fait
de l’inégalité entre riches et pauvres l’axe central de la hiérarchie sociale– qu’il
dénonce avec une rage qui n’a rien perdu de son actualité deux siècles et demi
plus tard : « Telle fut, ou dut être, l’origine de la société et des lois, qui
donnèrent de nouvelles entraves au faibles et de nouvelles forces aux riches,
détruisirent sans retour la liberté naturelle, fixèrent pour jamais la loi de la
propriété et de l’inégalité, d’une adroite usurpation firent un droit irrévocable, et
pour le profit de quelques ambitieux assujettirent désormais tout le genre
humain au travail, à la servitude et à misère. » Plus explicite encore, en termes
de modernité, est la note IX qui s’attaque à la naissante industrie minière et
chimique, aux « métiers malsain qui abrègent les jours ou détruisent le
tempérament ; tels que sont les travaux des mines, les diverses préparations des
métaux, des minéraux, surtout du plomb, du cuivre, du mercure, du cobalt, de
l’arsenic, du réalgar ; ces autres métiers périlleux qui coûtent tous les jours la
vie à quantité d’ouvriers, les uns couvreurs, d’autres charpentiers, d’autres
maçons, d’autres travaillant aux carrières. » Ce qui importe, dans cette
production, c’est le prix, le profit, le lucre: « Du même principe on peut tirer
cette règle, qu’en général les arts sont lucratifs en raison inverse de leur utilité et
que les plus nécessaires doivent enfin devenir les plus négligés. Par où l’on voit
793
ce qu’il faut penser des vrais avantages de l’industrie et de l’effet réel qui résulte
de ses progrès ». La dernière phrase du Discours est elle aussi sans équivoque :
il s’agit de l’inégalité qui règne -en 1755– « parmi tous les peuples policés » : «
une poignée de gens regorge de superfluités, tandis que la multitude affamée
manque de nécessaire ».
794
Il n’est pas question, explique la note IX, de « retourner vivre dans les forêts
avec les ours ». S’il refuse une impossible régression, le Discours de 1755 ne
propose pas, pour autant, une alternative. Il est cependant intéressant de noter
que dans certains passages, il se réfère à la démocratie comme la forme de
gouvernement des peuples « qui s’étaient le moins éloignés de l’état de nature »
et où l’inégalité des fortunes était moindre. Ce n’est pas le cas de la monarchie
ou de l’aristocratie. « Le temps vérifia laquelle de ces formes était la plus
avantageuse. Les uns restèrent uniquement soumis aux lois, les autres obéirent
bientôt à des maîtres. (…) en un mot, d’un côté furent les richesses et les
conquêtes, et de l’autre le bonheur et la vertu ». Ce clair plaidoyer pour la
démocratie était assez rare en 1755 et sans doute (implicitement)
révolutionnaire dans le contexte absolutiste de l’époque.
Il n’est pas question, bien entendu, d’une révolution dans le Discours sur
l’origine de l’inégalité ; ce qui est révolutionnaire dans ce document c’est, avant
tout, la critique impitoyable de l’inégalité sociale, et du pouvoir exorbitant de
l’oligarchie des riches. Les révolutionnaires de 1789-94 ne se sont pas trompés,
qui ont fait de Jean-Jacques leur héros, leur inspirateur et leur prophète.
795
négligeable le courant de la Haskalah, les Lumières juives. Sa conclusion
témoigne d’une profonde intelligence géo-politique et d’une grande honnêteté :
pour entendre la parole des juifs, encore faut-il qu’ils puissent la prendre
librement dans des états dominés par la religion chrétienne. Ce que Rousseau
juge impossible :
La solution préconisée est la constitution d’un état juif qui mettrait ses habitants
à l’abri des persécutions :
« Je ne croirai jamais avoir bien entendu les raisons des Juifs, qu’ils n’aient un
Etat libre, des écoles, des universités où ils puissent parler et disputer sans
risques. Alors, seulement, nous pourrons savoir ce qu’ils ont à dire. »
« La grande âme du législateur est le vrai miracle qui doit prouver sa mission.
De vains prestiges forment un lien passager, il n’y a que la sagesse qui le rende
durable. La loi judaïque toujours subsistante, celle de l’enfant d’Ismaël qui
depuis dix siècles régit la moitié du monde, annoncent encore aujourd’hui les
grands hommes qui les ont dictées ; et tandis que l’orgueilleuse philosophie ou
l’aveugle esprit de parti ne voit en eux que d’heureux imposteurs, le vrai
politique admire dans leurs institutions ce grand et puissant génie qui préside
aux établissements durables.
Il ne faut pas de tout ceci conclure […] que la politique et la religion aient parmi
nous un objet commun, mais que dans l’origine des nations l’une sert
d’instrument à l’autre. » […]
796
Dans les Fragments politiques publiés en partie par Streckeisen-Moultou en
1861, dont Robert Derathé a donné une édition plus complète dans la Pléiade,
Rousseau ne cache pas sa profonde admiration pour le peuple juif qui offre ce «
spectacle étonnant et vraiment unique d’un peuple expatrié n’ayant plus ni lieu
ni terre depuis près de deux mille ans, un peuple altéré, chargé, mêlé d’étrangers
depuis plus de temps encore, […] un peuple épars, dispersé sur la terre, asservi,
persécuté, méprisé de toutes les nations, conserver pourtant ses coutumes, ses
lois, ses moeurs, son amour patriotique et sa première union sociale quand tous
les liens en paraissent rompus. [...] Quelle doit être la force d’une législation
capable d’opérer de pareils prodiges ». Dans le chapitre « De la religion civile
», au livre IV du Contrat contredisant une fois de plus Voltaire qui n’a de cesse
de pourfendre le fanatisme juif, Rousseau affirme la tolérance du peuple hébreu
à l’égard de ses voisins :
« Que si l’on me demande comment dans le paganisme où chaque Etat avait son
culte et ses Dieux il n’y avait point de guerres de Religion ? Je réponds que
c’était par cela-même que chaque Etat ayant son culte propre aussi bien que son
Gouvernement, ne distinguait point ses Dieux de ses lois. La guerre politique
était aussi Théologique : les départements des Dieux étaient, pour ainsi dire,
fixés par les bornes des Nations. Les Dieux des payens n’étaient point des Dieux
jaloux ; ils partageaient entre eux l’empire du monde : Moïse et le Peuple
Hébreu se prêtaient quelquefois à cette idée en parlant du Dieu d’Israël. Ils
regardaient, il est vrai, comme nuls les Dieux des Cananéens, peuples proscrits,
voués à la destruction […] ; mais voyez comment ils parlaient des divinités des
peuples voisins qu’il leur était défendu d’attaquer ! La possession de ce qui
appartient à Chamos votre Dieu, disait Jephté aux Ammonites, ne vous-est-elle
pas légitimement due ? Nous possédons au même titre les terres que notre Dieu
vainqueur s’est acquises. ». » […]
Par delà son sentiment religieux, Rousseau porte un vif intérêt à l’histoire des
Hébreux considérée sous un angle politique. » - Pascale Pellerin, Rousseau et la
question juive sous l’Occupation, http://rousseaustudies.free.fr, p.7-9.
« Rousseau, qui connaissait le TTP et dont la parenté avec Spinoza va bien au-
delà de quelques idées fondamentales. » -Manfred Walther, La doctrine
797
politique de Spinoza. La (re)découverte de la philosophie politique de Spinoza
par Adolf Menzel, in André Tosel, Pierre-François Moreau et Jean Salem (dir.),
Spinoza au XIXème siècle, Éditions de la Sorbonne, 2008, 494 pages.
« «L'homme est né libre, et partout il est dans les fers.» Selon cette conception
romantique de la liberté, chaque être humain est doté d'un Soi pur et
authentique, et il suffit de le déployer pour réaliser pleinement son potentiel.
Pour Rousseau, l'homme, quand il n'est pas perverti par la société, peut devenir
un sujet responsable, libre et moral. » -Carlo Strenger, Entretien avec Alexandre
Devecchio, http://www.lefigaro.fr, 20/02/2018.
"Le Contrat social en particulier s'appuie sur les bases établies dans le Discours
sur l'inégalité." -Leo Strauss, Droit naturel et histoire, Flammarion,
Champ.essais, 1986 (1954 pour la première édition française, 1953 pour la
première édition états-unienne), 324 pages, p.229.
"La haute culture moderne repose [...] sur un principe si fragile qu'il fut
fatalement appelé à destituer l'idéal ancien tout en croyant le reconduire. En
effet, tandis que l'esprit à proprement parler classique se définissait par la
subordination de la matière à la forme ou à la règle, on peut déceler dans la
reprise du même idéal une tendance qui, dès le XVIe siècle, a progressivement
déréglé l'idéal de haute culture. Dans l'esprit rigoureusement classique, la
subjectivité se subordonne elle-même à la règle et à la recherche des formes ;
dans le cadre des oeuvres de l'esprit, l'auteur et le "récepteur" de l'oeuvre (le
lecteur, le spectacteur, l'auditeur) acceptent temporairement la rude discipline
que leur impose le travail de l'oeuvre. En revanche, l'esprit moderne a
subordonné cette discipline à la "culture de soi", les oeuvres de l'esprit étant
supposées révéler ou nourrir la subjectivité de leur auteur ou de leurs
récepteurs. Paradoxalement, l'émergence de la subjectivité dans le processus du
travail culturel peut apparaître à la fois comme un principe par lesquels l'idéal
ancien de haute culture s'est acclimaté au monde moderne, et une des causes de
sa destruction. On le voit avec l'oeuvre de Rousseau, qu'il est intéressant
d'ajouter à celle de Machiavel et de Montaigne pour saisir la relation entre
classicisme et anticlassicisme qui se trouve au coeur de la culture européenne.
Le penseur genevois a en effet infléchi la culture des classiques dans le sens de
l'éveil de la subjectivité à sa propre sensibilité, ainsi qu'on le voit nettement
dans Émile: le traité de pédagogie repose sur une anthropologie qui
subordonne l'acquisition des règles et la discipline imposée par les oeuvres aux
798
poussées de la nature et au "développement personnel". Il a donc tourné vers
quelque chose de purement subjectif ce qui ne se concevait pas auparavant de
cette manière ; à ce titre, Rousseau est un des précurseurs de la "culture de soi",
typique de la Modernité, qui a en quelque sorte attaqué de l'intérieur l'idéal de
la culture classique." (p.62-63)
"L’œuvre de Plutarque n'a pas été composée dans le but d'éveiller Émile à sa
propre subjectivité, ni pour qu'il réussisse à vivre heureux en fonction de sa
sensibilité, mais en vue de donner à comprendre ce qu'est une idéal de grandeur
civique et éthique. Or c'est bien dans une telle perspective que Rousseau en
recommande la lecture à Émile." (p.64-65)
-Thierry Ménissier, Machiavel ou la politique du centaure, Hermann Éditeurs,
coll. Hermann Philosophie, 2010, 547 pages.
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799
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800
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Le Préromantisme : https://www.amazon.fr/preromantisme-fran%C3%A7ais-
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6&keywords=pr%C3%A9romantisme
802
« Je ne puis accepter le sens que vous donnez au mot naturel. Il est fondé sur les
causes finales, ce qui est une considération qui me paraît assez incertaine et peu
philosophique. Car, je vous prie, quelle est la fin de l’homme ? Est-il crée pour
la vertu ou pour le bonheur ? Pour cette vie ou pour la suivante ? Pour lui-
même ou pour son auteur ? Votre définition du mot naturel dépend de la
solution de ces questions qui sont sans issue et hors de mon dessein. » -David
Hume, Lettre à Hutcheson, 17 septembre 1739.
« Si une passion ne se fonde pas sur une fausse supposition et si elle ne choisit
pas des moyens impropres à atteindre la fin, l’entendement ne peut ni la
justifier, ni la condamner. Il n’est pas contraire à la raison de préférer la
destruction du monde entier à une égratignure de mon petit doigt ; Il n’est pas
contraire à la raison que je choisisse de me ruiner complètement pour prévenir
le moindre malaise d’un Indien ou d’une personne complètement inconnue de
moi. Il est aussi peu contraire à la raison de préférer à mon plus grand bien
propre un bien reconnu moindre et d’aimer plus ardemment celui-ci que celui-
là. Un bien banal peut, en raison de certaines circonstances, produire un désir
supérieur à celui qui naît du plaisir le plus grand et le plus estimable ; et il n’y a
là rien de plus extraordinaire que de voir, en mécanique, un poids d’une livre en
soulever un autre de cent livres grâce à l’avantage de sa situation. … Bref, une
passion doit s’accompagner de quelque faux jugement pour être déraisonnable ;
mais alors ce n’est pas la passion qui est déraisonnable, c’est le jugement. » -
David Hume, Traité de la nature humaine, Tome I, 1739, p.526.
« Pour ce qui est de mes opinions, vous savez que je ne défends aucune d’entre
elles de manière absolue ; je propose seulement mes doutes, là où je suis assez
infortuné pour ne pas partager la même conviction que le reste de l’humanité. »
-David Hume, Lettre à Millar, 3 septembre 1757.
« Nous devons chercher les règles qui sont, dans l'ensemble, les plus utiles et les
plus bénéfiques [...] le point ultime vers lequel ces règles doivent toutes tendre,
c'est l'intérêt et le bonheur de la société [...] même dans la vie de tous les jours,
nous avons recours constamment au principe d'utilité publique. » -David Hume,
803
An Enquiry Concerning the Principles of Morals, 1751, dans Enquiries,
Clarendon-Oxford University Press, Oxford, 1992, p. 195, 198 et 203.
« Même dans des cas d'urgence moins pressante, l'autorité publique ouvre les
greniers sans le consentement des propriétaires, supposant à juste titre que
l'autorité des magistrats peut, en toute équité, s'étendre jusque-là. » (ibidem, pp.
186-187).
« L’esprit du peuple doit être stimulé souvent pour réfréner les ambitions de la
cour, et la seule crainte qu’il ne soit pas stimulé doit être entretenue pour
prévenir de telles ambitions. Rien ne remplit mieux ce rôle qu’une presse libre,
grâce à laquelle tout le savoir, tout l’esprit et tout le génie de notre nation
peuvent être mis au service de la liberté, et chacun s’employer à sa défense.
Tant que l’élément républicain de notre gouvernement saura se maintenir contre
l’élement monarchique, il veillera donc naturellement à encourager la liberté de
la presse, si essentiellle à sa propre préservation. » (De la liberté de la presse,
p.123)
« Rien ne paraît plus surprenant à ceux qui observent les affaires humaines d’un
œil philosophique que la facilité avec laquelle le grand nombre est gouverné par
le petit, et la soumission tacite avec laquelle les hommes sacrifient leurs propres
sentiments et leurs propres passions à celles de leurs chefs. Si l’on cherche
comment de tels prodigues s’accomplissent, on trouve que puisque la force est
toujours du côté des gouvernés, les gouvernents ne peuvent s’appuyer sur rien
d’autre que l’opinion. C’est donc sur l’opinion seule que se fonde le
gouvernement. Une telle maxime s’applique tant aux gouvernements les plus
despotiques et les plus militaires qu’aux gouvernements les plus libres et les
plus populaires. » (Des principes premiers du gouvernement, 1741) (p.147)
« Avant le siècle dernier, le commerce n’était jamais tenu pour une affaire
d’Etat : c’est à peine si l’on trouve un seul auteur politique de l’Antiquité qui en
fasse mention. » (De la liberté civile, 1741) (p.228)
805
populaires par leur douceur et par leur stabilité, ils ne les égalent pas encore. »
(p.234-235)
[…] Que décèle-t-on dans tous ces événements, sinon la force et la violence ?
Où donc est l’accord mutuel et l’association volontaire dont on parle tant ? »
(Du contrat originel, 1748) (p.367-368)
« Mon intention ici n’est pas de nier que le consentement populaire puisse
constituer l’un des fondements légitimes du gouvernement, quand il est exercé :
c’est sûrement le meilleur et le plus sacré d’entre tous. J’avance simplement
qu’il n’est exercé que fort rarement à un degré quelconque et presque jamais de
façon complète, et qu’il faut donc admettre que le gouvernement puisse avoir un
autre fondement.
806
mais cet état de perfection est là encore bien supérieur à la nature humaine. »
(p.370-371)
« Un gouvernement établi possède un avantage infini par cela même qu’il est
établi, car le gros de l’humanité est gouverné par l’autorité plus que par la
raison, et ne reconnaît d’autorité qu’à ce qui se recommande de l’ancienneté.
C’est pourquoi le rôle d’un sage magistrat ne sera jamais d’interférer dans ces
matières, ni de tenter des expériences sur la seule foi d’arguments supposés ou
d’une prétendue philosophie ; il s’inclinera au contraire devant ce qui porte
l’empreinte du temps, et s’il peut essayer d’introduire certaines améliorations
pour le bien public, il ajustera toujours ses innovations, autant que faire se peut,
à l’ancien édifice, et conservera dans leur intégrité les principaux piliers et
fondements de la constitution. » (p.640-641)
« Le gouvernement que l’on qualifie communément de libre est celui qui admet
une division du pouvoir entre plusieurs organes dont l’autorité conjointe n’est
pas moindre que celle d’un monarque –et la surpasse même communément-
mais qui doit, dans le cours ordinaire de l’administration, agir par des lois
générales et égales, connues par avance de tous ces organes et de tous leurs
sujets. En ce sens, il faut avouer que la liberté est la perfection de la société
civile, tout en reconnaissant que l’autorité est essentielle à son existence. » (De
l’origine du gouvernement, 1777) (p.740)
807
dans son genre, de manière à transformer la constitution ou la forme de
gouvernement existants et de les rapprocher de cette perfection par des réformes
et des modifications progressives qui ne provoquent pas de trop grandes
perturbations. » -David Hume, « Idea of a Perfect Commonwealth », dans
Essays, Moral Political and Literary, Liberty Fund, Indianapolis, 1987, p. 513-
514.
« Hume (auteur par trop négligé au nom d’une sotte conception mélioriste de
l’histoire de la philosophie qui réduit le rôle de Hume à celui d’éveilleur de
Kant). » -Michel Kail et Richard Sobel, « Le marxisme est un humanisme », Les
Temps Modernes 4/2005 (n° 632-633-634), p. 505-521.
« D. Hume, plus âgé que Smith, plus occupé de philosophie que d’économie
politique, lui sert de mentor, l’encourage au travail, lui fournit les documents
qu’il n’a pas le temps d’utiliser lui-même, discute avec lui et forme
véritablement son esprit. Nous étudierons donc ensemble Hume et Smith en les
complétant l’un par l’autre. La similitude parfaite de leurs deux systèmes est
incontestable et n’a pas lieu de surprendre : A. Smith a mis en forme et
développé, comme elle le méritait, l’œuvre économique ébauchée par Hume. »
« Il peut être permis d’ajouter qu’à nous aussi le point de vue de Hume [sur la
causalité] semble être le seul qui puisse résister à toutes les attaques de la
critique. » -Moritz Schlick, Naturphilosophie, 1925.
“He is a very profound and great philosopher, in spite of his sophistry.” -G. E.
M. Anscombe, Modern Moral Philosophy, Philosophy 33, No. 124 (January
1958).
"If it were possible for an animal to describe the content of his consciousness,
the result would be a transcript of Hume's philosophy. Hume's conclusions
would be the conclusions of a consciousness limited to the perceptual level of
awareness, passively reacting to the experience of immediate concretes, with no
capacity to form abstractions, to integrate perceptions into concepts, waiting in
vain for the appearance of an object labeled "causality" (except that such a
consciousness would not be able to draw conclusions)." -Ayn Rand, For the new
808
intellectual, Signet, 1963 (1961 pour la première édition américaine), 216 pages,
p.26.
"La tendance de Hume à faire intervenir l'Etat dans les relations économiques a
été justement notée par Espinas, Histoire des doctrines économiques." (note 1
p.24)
-Henry Michel, L'idée de l'Etat: essai critique sur les théories sociales et
politique en France depuis la Révolution, Paris, Librairie Hachette et Cie, 1896,
666 pages.
"C'est à dissiper ces incohérences de Berkeley que s'attachait David Hume dans
son Traité de la nature humaine." (p.51)
« Avec Hume naissait une attitude parfaitement satisfaite de l’ordre social tel
qu’il existait. » (p.72)
“As to the Original Contract… this chimera [has] been demolished by Mr.
Hume. I think we hear not so much of it now as formerly.” –Jeremy Bentham,
Comment on the Commentaries and A Fragment on Government, ed J. H. Burns
and H. L. A. Hart, London, 1977 (The Collected Works of Jeremy Bentham),
ch. 1, § 36, p.439.
809
"La "vrai métaphysique" de Hume, c'est-à-dire sa critique de l'entendement est
désespérément simpliste pour ne pas dire grossière."(p.21)
« Dans les moments où Hume parvient à être un peu conséquent, il tombe dans
le paradoxe. » -Bertrand Russell, Histoire de la philosophie occidentale, en
relation avec les événements politiques et sociaux de l'Antiquité jusqu'à nos
jours, Livre Troisième, Paris, Les Belles Lettres, 2011 (1945 pour la première
édition américaine), 1006 pages, p.701.
http://academienouvelle.forumactif.org/t562-david-hume-oeuvres-
completes#6765
http://hydra.forumactif.org/t1145-jean-pierre-clero-hume-une-philosophie-des-
contradictions-regards-sur-l-individu#1779
https://www.amazon.fr/TRAITE-NATURE-HUMAINE-Livre-
morale/dp/2080707027/ref=pd_sim_14_4?ie=UTF8&dpID=51J4CK8HR4L&dp
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811
Adam Smith (1723-1790): «Toutes les institutions de la société [ail
constitutions of government] ... sont jugées uniquement par le degré avec lequel
elles tendent à promouvoir le bonheur de ceux qui vivent sous leur juridiction.
C'est là leur seul usage et leur unique but [This is their sole use and end]. » -
Adam SMITH, The Theory of Moral Sentiments, The Glasgow Edition, Oxford,
1976, p. 185 (p. 259 de l’édition PUF, 1999), souligné par nous.
« Les propriétaires, comme tous les autres hommes, aiment à recueillir là où ils
n'ont pas semé. » -Adam Smith, Recherches sur la nature et les causes de la
richesse des nations, 1776.
« La plus sacrée et la plus inviolable de toutes les propriétés est celle de son
propre travail, parce qu’elle est la source originaire de toutes les autres
propriétés. Le patrimoine du pauvre est dans sa force et dans l’adresse de ses
mains ; et l’empêcher d’employer cette force et cette adresse de la manière qu’il
juge la plus convenable, tant qu’il ne porte de dommage à personne, est une
violation manifeste de cette propriété primitive. » -Adam Smith, La Richesse des
nations, tome 1, trad. G. Garnier, Paris, GF, 1991, p.198.
« L'amitié de Smith pour Hume l'a empêché d'être chrétien. Il croyait Hume sur
parole, Hume lui aurait dit que la lune est un fromage vert qu'il l'aurait cru.
C'est pourquoi il a cru aussi sur parole qu'il n'y avait ni Dieu ni miracle... Dans
ses principes politiques il frisait le républicanisme. » -James Anderson, The Bee,
1791-93. Cité par Karl Marx dans Le Capital, Livre I.
812
« Adam Smith se situe, dans tous les cas de conflits d'intérêts entre les pauvres
et les riches, entre les forts et les faibles, sans exception du côté de ces derniers.
J'emploie le mot "sans exception" de façon bien réfléchie, car il ne se trouve pas
un seul endroit dans les œuvres de Smith où il défend les intérêts des riches et
des puissants contre les pauvres et les faibles. » -Carl Menger, Recherches sur
la méthode des sciences sociales et de l'économie politique en particulier, 1883.
« Le travail, ne variant jamais dans sa valeur propre, est la seule mesure réelle
et définitive qui puisse servir, dans tous les temps et dans tous les lieux, à
apprécier et à comparer la valeur de toutes les marchandises. Il est leur prix
réel ; l’argent n’est que leur prix nominal. » (chapitre V, page 42)
« Il paraît donc évident que le travail est la seule mesure universelle, aussi bien
que la seule exacte, des valeurs, le seul étalon qui puisse nous servir à comparer
les valeurs de différentes marchandises à toutes les époques et dans tous les
lieux. On sait que nous ne pouvons pas apprécier les valeurs réelles de
différentes marchandises, d’un siècle à un autre, d’après les quantités d’argent
qu’on a données pour elles. Nous ne pouvons pas les apprécier non plus, d’une
année à l’autre, d’après les quantités de blé qu’elles ont coûté. Mais, d’après les
quantités de travail, nous pou-vons apprécier ces valeurs avec la plus grande
exactitude, soit d’un siècle à un autre, soit d’une année à l’autre. »
813
double de ce qui est ordinairement le produit d’un jour ou d’une heure de
travail. » (chapitre VI) -Adam Smith, Recherche sur la nature et les causes de la
richesse des nations, 1776.
« Puisque chaque individu tâche, le plus qu’il peut, 1° d’employer son capital à
faire valoir l’industrie nationale, et 2° de diriger cette industrie de manière à lui
faire produire la plus grande valeur possible, chaque individu travaille
nécessairement à rendre aussi grand que possible le revenu annuel de la
société. À la vérité, son intention, en général, n’est pas en cela de servir l’intérêt
public, et il ne sait même pas jusqu’à quel point il peut être utile à la société. En
préférant le succès de l’industrie nationale à celui de l’industrie étrangère, il ne
pense qu’à se donner personnellement une plus grande sûreté ; et en dirigeant
cette industrie de manière à ce que son produit ait le plus de valeur possible, il
ne pense qu’à son propre gain ; en cela, comme dans beaucoup d’autres cas, il
est conduit par une main invisible à remplir une fin qui n’entre nullement dans
ses intentions ; et ce n’est pas toujours ce qu’il y a de plus mal pour la société,
que cette fin n’entre pour rien dans ses intentions. Tout en ne cherchant que son
intérêt personnel, il travaille souvent d’une manière bien plus efficace pour
l’intérêt de la société, que s’il avait réellement pour but d’y travailler. »
-Adam Smith, Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations
(1776).
« Pour Smith, la question des fins, du bien de l'homme et du bien public, oriente
le projet scientifique de l'économie politique. L'économie politique est une
science. Mais, loin d'être une science de la nature, elle est une science morale et
politique, qui vise un certain nombre d'objectifs humains et fait intervenir des
valeurs. » -Pierre Le Masne, La rupture de Carl Menger avec l’économie
classique, L'Économie politique 2/2002 (no 14), p. 96-112.
"Pour John Locke, société civile et société politique sont deux termes
interchangeables." (p.65)
"C'est Adam Smith qui sera le premier, bien avant Hegel, à comprendre
économiquement la société civile. Il faut pourtant noter qu'il n'emploie jamais le
terme de société civile dans la Richesse des nations. Il parle plus généralement
de société, tout court. Ce problème de vocabulaire ne doit pas nous arrêter.
Pour Smith, en effet, la notion de société civile est définitivement acquise,
comme pour toute la philosophie anglaise depuis près d'un siècle. Il faut donc
814
lire société civile lorsqu'il écrit société. Mais il emploie en fait assez rarement
ce terme. En revanche, il parle sans cesse de la nation; la nation et la société
civile sont deux réalités identiques pour Smith.
On peut néanmoins se demander ce qui justifie chez lui cet écart par rapport au
langage dominant. La réponse est simple : Smith se sert du terme de nation pour
faire passer la société civile d'un sens juridico-politique à un sens économique.
C'est pour éviter les équivoques qu'il parle ainsi de nation, le sens de société
civile étant très précis dans l'esprit de ses contemporains. Le terme de nation
est, au contraire, encore très vague au XVIIème siècle; c'est en outre un mot
relativement peu usité." (p.68)
"Les fonctionnaires et les militaires, les prêtres et les juges étaient choqués
d'être considérés économiquement comme des farceurs ou des domestiques et de
n'apparaitre que comme les parasites des véritables producteurs. Marx se fera
sur ce point le défenseur de Smith et il ne cachera pas dans ses Théories sur la
plus-value son accord avec le côté radical de l'analyse de Smith.
La société de marché renverse les préséances et les distinctions sociales
établies." (p.80)
"L'entretien de colonies est donc à ses yeux une redoutable erreur politique et
économique. Les nations européennes paient très cher le fait de maintenir en
temps de paix, et de défendre en temps de guerre, la « puissance oppressive»
(l'expression est de Smith) qu'elles se sont arrogée sur les colonies." (p.93)
815
Un travail qui a été louangé d'une telle façon par d'éminents auteurs ne doit pas
être abandonné sur les étagères des bibliothèques à la seule lecture des
spécialistes et des historiens. Au moins ses plus importants chapitres doivent
être lus par tous ceux qui sont désireux d'apprendre quelque chose sur le passé.
Il est difficilement possible de trouver un autre livre qui puisse mieux initier
quelqu'un à l'étude de l'histoire des idées modernes et de la prospérité créée par
l'industrialisation. Sa date de publication — 1776, année de la Déclaration
d'indépendance américaine — marque l'aube de la liberté à la fois politique et
économique. Il n'existe pas de nation occidentale qui n'ait bénéficié des
politiques inspirées par les idées qui reçurent leur formulation classique dans ce
traité unique." -Ludwig von Mises, "Pourquoi lire Adam Smith aujourd'hui ?",
1953, article in Liberté économique et interventionnisme, posthume, 1990.
« Alors que pour Hobbes, la rupture fondatrice est la formation politique du lien
social par un contrat social, pour Smith la rupture fondatrice est la formation de
la division du travail et le lien social est tissé par l’échange. » -Pierre Dockès, «
816
Hobbes et le pouvoir. », Cahiers d'économie Politique / Papers in Political
Economy, 1/2006 (n° 50), p. 7-25.
Est-ce là l’idée de Smith, idée dont lui-même n’apercevrait pas toute la portée ?
Il est bien difficile de l’admettre. Il faut d’abord supposer chez lui un illogisme
complet, puisqu’il sera précisément un des fondateurs et un des plus ardents
défenseurs d’un système de répartition libre. De plus, cette proposition évidente
est, ainsi entendue, évidemment fausse, car il faudrait admettre, suivant la juste
remarque de M. de Böhm-Bawerk, qu’une grenouille ou un papillon rares
attrapés en dix jours vaudraient dix cerfs. Elle est aussi en contradiction formelle
avec deux textes au moins de la Richesse des nations, celui où il est dit que «
dans un pays civilisé, il n’y a que très peu de marchandises dont la valeur
échangeable procède du travail seul », et celui dans lequel Smith attribue au
travail de la nature une valeur, bien qu’il ne coûte aucune dépense. Enfin Smith
explique lui-même comme un phénomène constant et normal que, de toutes les
valeurs, celle du travail est celle qui change le plus, non seulement à des
époques ou dans des pays différents comme toutes les autres, mais aussi dans un
même lieu et un même temps, en raison de l’habileté des ouvriers ou de la
générosité des maîtres. Comment la plus variable des valeurs peut-elle, de façon
stable, déterminer et mesurer la valeur ? » (p.75)
817
« Faut-il ajouter que ces principes, non plus qu’aucun autre, ne sont absolus ?
Ce fut le tort de quelques « médecins spéculatifs » [les physiocrates] de croire
que la santé du corps social ne pouvait se maintenir que par un régime précis
dont on ne saurait s’écarter sans occasionner nécessairement un degré
quelconque de maladie ou de dérangement proportionné au degré de cette
erreur de régime. C’est méconnaître la force interne de conservation qui corrige
ces erreurs ou ces écarts parfois nécessaires, qui permet, dans certains cas, de
faire échec aux principes, en retardant sans le compromettre le progrès naturel
vers l’opulence. Et A.Smith en multiplie les exemples : protection de l’industrie
nationale par une mesure telle que l’Act de Navigation de Cromwell, nuisible à
l’enrichissement de la nation, mais nécessaire pour sa défense ; droits
compensateurs, atteignant les produits étrangers dont les similaires sont dans le
pays frappés d’un impôt ; représailles douanières, si elles peuvent amener la
révocation de droits prohibitifs établis par une autre nation ; tempéraments
qu’il convient d’apporter à l’établissement du libre-échange dans un pays
jusque-là protectionniste ; taxes à l’exportation sur la laine, en tant
qu’excellente matière imposable ; subventions aux compagnies de colonisation ;
marques, comme garanties contre la fraude ; établissement d’un maximum légal
du taux de l’intérêt, pour diriger les capitaux vers les emplois les plus productifs
; d’une manière générale même, la restriction légale de la liberté de quelques
individus qui pourraient compromettre la sûreté générale de la société, principe
dangereux que Smith formule incidemment, à propos des coupures de billets de
banque et en signalant les dangers possibles d’une émission surabondante de
papier-monnaie.
Il y a donc une certaine dose d’opportunisme dans les préceptes que conduit à
formuler le système de liberté naturelle. » (p.85-86)
« Toutes sortes d'activités n'y relèvent pas [dans La Richesse des nations] du
laissez-faire: la défense nationale, certes, mais aussi la navigation au long
cours qui doit être subventionnée, les routes, les ponts, les ports, la poste, la
818
construction des murs coupe-feu, la conservation des hypothèques, l'exportation
de blé, etc. D'autre part, Adam Smith continue à prôner un plafonnage à 5% des
taux d'intérêts, alors qu'à la même époque les Français Turgot et Cantillon,
qu'il connaît, plaident pour une déréglementation du marché de l'argent. » -
Philippe Simonnot, 39 leçons d'économie contemporaine, Gallimard, coll.
folio.essais, 1998, 551 pages, 65.
http://www.amazon.fr/Essai-lhistoire-civilisation-civile-
Ferguson/dp/2847882154/ref=pd_sim_14_3?ie=UTF8&dpID=41MuYXfThyL&
dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR103%2C160_&refRID=0ESM0R5P597K
3CB3Z785
820
-Frédéric Nef, Qu’est-ce que la métaphysique ?, Gallimard, coll. Folio essais,
2004, 1062 pages.
« Si Wolff a été l’éducateur et le « maître des Allemands », il fut très tôt aussi
celui de Hegel. […] Dans ses Leçons sur l’histoire de la philosophie, Hegel
reconnaît à Wolff finalement surtout le mérite immortel d’avoir développé en
Allemagne la culture de l’entendement, d’avoir donné une division systématique
à la philosophie et avant tout d’avoir écrit en allemand, bref, d’avoir vraiment
fait de la philosophie une affaire allemande. » -Jean-Marie Lardic, « Hegel et la
métaphysique wolffienne », Archives de Philosophie, 2002/1 (Tome 65), p. 15-
34.
Emmanuel Kant (1724-1804) : « [L’homme moral] ne vit plus que par devoir,
non parce qu’il trouve le moindre agrément à vivre. »
« Devoir ! nom sublime et grand, toi qui ne renfermes rien en toi d’agréable,
rien qui implique insinuation, mais qui réclame la soumission. » -Emmanuel
Kant, Critique de la raison pratique.
« Le temps n’est pas quelque chose qui existe en soi, ou qui soit inhérent aux
choses comme une détermination objective, et qui, par conséquent, subsiste, si
l’on fait abstraction de toutes les conditions subjectives de leur intuition ; dans
821
le premier cas, en effet, il faudrait qu’il fût quelque chose qui existât réellement
sans objet réel. Mais dans le second cas, en qualité de détermination ou d’ordre
inhérent aux choses elles-mêmes, il ne pourrait être donné avant les objets
comme leur condition, ni être connu et intuitionné a priori (…) ; ce qui devient
facile, au contraire, si le temps n’est que la condition subjective sous laquelle
peuvent trouver place en nous toutes les intuitions. Alors en effet cette forme de
l’intuition interne peut être représentée avant les objets, et par suite, a priori. »
« Une action accomplie par devoir tire sa valeur morale non pas du but qui doit
être atteint par elle, mais de la maxime par laquelle elle est décidée » (p.65).
"Il est [...] coupable de soulever le peuple pour abolir ce qui présentement
existe." (p.218)
« Il serait très dangereux qu’un officier à qui un ordre a été donné par son
supérieur voulût raisonner dans son service sur l’opportunité ou l’utilité de cet
ordre ; il doit obéir » -Emmanuel Kant, Doctrine du droit.
« L'enfant né en dehors du mariage est né hors la loi (qui est le mariage) et par
conséquent aussi en dehors de sa protection. Il s'est, pour ainsi dire, glissé dans
la république (comme une marchandise interdite) ; de telle sorte que (puisque
822
légitimement il n'aurait pas dû exister de cette manière) l'État peut ignorer son
existence et par conséquent aussi l'acte qui le fait disparaître. » -Kant, Doctrine
du droit, à propos du meurtre d’un enfant né hors mariage.
« Les Nègres d’Afrique n’ont reçu de la nature aucun sentiment qui s’élève au-
dessus de la niaiserie (...) Les Noirs (...) sont si bavards qu’il faut les séparer et
les disperser à coups de bâton ».
« Les gens de Palestine qui vivent parmi nous se sont fait depuis leur exil, la
plupart d'entre eux du moins, par leur inclinaison à l'usure, une réputation de
trompeurs qui n'est que trop méritée. » -Kant, Anthropologie d'un point de vue
pragmatique, faiblesses et maladies de l'âme, note.
« Kant est le Moïse de notre nation. » -Friedrich Hölderlin, Lettre à Karl Gock,
1er janvier 1799.
« Toute la philosophie de langue allemande […] est une réponse à Kant ou une
discussion de ses thèses. » (p.138)
« Les trois grandes vérités, Dieu, la liberté, la vie future, il les posa comme
certaines, indiscutables, à titre de postulats de la morale. » -V. Ermoni,
Nécessité de la métaphysique, Revue Philosophique de Louvain, Année 1906,
pp. 229-245, p.242.
« Selon Kant, il est des conceptions de l’esprit qui ne peuvent être considérées
comme le résultat pur de l’expérience ; elles ne se développeraient pas dans
l’esprit sans l’expérience, il est vrai, mais elles n’en viennent d’aucune manière,
ni comme abstractions, ni comme généralisations, ni comme conclusions, ni
comme combinaisons ; sous ce rapport (et Kant n’a jamais prétendu autre
chose), elles sont indépendantes de l’expérience, et méritent le nom de
conceptions a priori. Il y a plus : non seulement elles ne dépendent pas de
l’expérience, mais l’expérience en dépend essentiellement. Il n’est pas de notion
empirique qui puisse se former sans le secours d’une conception a priori : ainsi,
la représentation sensible d’un corps implique l’idée d’espace, tandis que l’idée
d’espace ne suppose pas la notion de corps. Même rapport entre les autres
notions sensibles et les conceptions pures qui leur correspondent. Loin donc que
la raison se confonde avec la sensibilité, comme le veulent les empiriques, la
sensibilité n’existe que par la raison, car c’est la raison seule qui donne une
forme aux impressions vagues et indéterminées des sens, et les convertit en
images et en notions intelligibles. Il est vrai, d’un autre côté, que, sans
l’intervention de la sensibilité, les conceptions pures seraient vides de matière et
par suite de réalité, et ne pourraient constituer la connaissance : ainsi, tout acte
intellectuel, selon Kant, participe à la fois de l’expérience et de la raison : il
reçoit de l’une sa matière, et de l’autre sa forme. L’existence et le rôle des
conceptions pures de la raison établis, Kant les classe et les rapporte à
certaines lois, qu’il appelle catégories, ou formes de l’esprit ; il en décrit la
nature, le mode de génération, l’histoire ; il en fixe le nombre. Transposant
ensuite ces catégories de la spéculation dans la pratique, il les pose comme
principe généraux de morale, de politique, de jurisprudence et d’esthétique ; il
fixe l’existence de ces sciences en les scellant du sceau de la psychologie. »
« A côté des fautes morales qui relèvent toutes de l’égoïsme, il existe chez Kant
des fautes de goût tout aussi graves que les premières : elles consistent à
déclarer beau ce qui n’est que joli, plaisant ou simplement agréable. […]
L’esthétique, tout comme l’éthique, implique donc une certaine abnégation : la
beauté n’a pas plus à faire avec la jouissance de la vie que le devoir moral. […]
Si le bien moral pour un individu, ne mérite ce nom que s’il correspond au bien
de l’humanité, la beauté d’un objet n’est reconnue comme telle que si elle
correspond à cette même exigence. Le beau n’existe que s’il est une valeur
commune ; la beauté est culturelle en ce qu’elle favorise la réalisation effective
d’un bien commun à l’humanité à travers des œuvres dont l’accomplissement
suppose une finalité inaliénable et déterminante. » (p.36-37)
827
« Ce n’est pas à l’artiste de définir le bien moral qu’il doit cependant
symboliser. Pour que l’univers culturel se constitue de manière architectonique,
selon les finalités d’un sujet transcendantal et non selon une mécanique sans
finalité, il faut que le goût soit subjectivement encadré. […] Pour Kant, la
culture par laquelle l’être humain se soustrait à l’état de nature et au
déterminisme mécanique suppose que la liberté du goût soit orientée vers une
fin spirituelle et vers nulle autre, ce qui implique qu’un maître à penser officie
de telle sorte que la liberté esthétique ne dérive pas vers la licence. » (p.39)
828
Une ligne facile à reconnaître conduit de la conception mystique du devoir de
Kant et de l'idolâtrie de l'État de Hegel à la pensée socialiste. Quand à Fichte,
c'est déjà un socialiste. »
« Le seul intérêt moral possible est un intérêt pour la loi morale. L'agent moral
a néanmoins conscience qu'en agissant moralement, il se rend digne du
bonheur, car le point de vue moral, selon Kant, implique de croire que seul le
vertueux mérite d'être heureux et que le méchant (celui qui veut le mal donc) ne
le mérite pas. L'agent moral prend intérêt à mériter le bonheur, non par fatuité
ou orgueil mais seulement parce qu'il reconnaît la valeur de la loi morale
comme ce qui a la plus haute valeur.
[…] Pourquoi la moralité intéresse, voilà qui ne peut être expliqué et qui n'est
qu'un fait qu'on doit supposer si on veut penser la possibilité pour la raison de
devenir effectivement pratique. » -Claire Etchegaray, Concepts fondamentaux de
l’époque classique et moderne, Cours « Éthique et Société », L3 de philosophie
(parcours philo renforcée), Université Paris 10 Nanterre La Défense, 2015.
829
« Les philosophes allemands, comme Kant, Fichte, qui ont vécu et écrit à la fin
du XVIIIème siècle se sont efforcés de concilier deux cités idéales pour ainsi
dire contradictoires, dont l'une dérivait de la philosophie française, et l'autre de
la monarchie prussienne elle-même. »
« Kant est loin d'être un pur Aufklärer. Les postulats de l'existence de Dieu et de
l'immortalité de l'âme, le refus de la Révolution [...] montrent combien chez lui
830
l'audace théorique se marie à l'obéissance devant l'institué et le respect de
l'Obrigkeit. » -Cornelius Castoriadis, Fait et à faire, Seuil, coll. Points, 1997,
336 pages, p.68.
« On n'a pas le droit de s'insurger contre "un abus, même ressenti comme
insupportable, du pouvoir suprême" (D[octrine du] D[droit], 203). » -Otfried
Höffe, Introduction à la philosophie pratique de Kant, Paris, Librairie
Philosophique J. Vrin, 1993 (1985 pour la première édition), 337 pages, p.226.
« Eichmann soupçonnait bien que dans toute cette affaire son cas n'était pas
simplement celui du soldat qui exécute des ordres criminels dans leur nature
comme dans leur intention, que c'était plus compliqué que cela. Il le sentait
confusément. L'on s'en aperçut pour la première fois lorsque au cours de
l'interrogatoire de la police, Eichmann déclara soudain, en appuyant sur les
mots, qu'il avait vécu toute sa vie selon les préceptes moraux de Kant, et
particulièrement selon la définition que donne Kant du devoir. A première vue,
c'était faire outrage à Kant. C'était aussi incompréhensible : la philosophie
morale de Kant est, en effet, étroitement liée à la faculté de jugement que
possède l'homme, et qui exclut l'obéissance aveugle. Le policier n'insista pas,
mais le juge Raveh, intrigué ou indigné de ce qu'Eichmann osât invoquer le nom
de Kant en liaison avec ses crimes, décida d'interroger l'accusé. C'est alors qu'à
831
la stupéfaction générale, Eichmann produisit une définition approximative, mais
correcte, de l'impératif catégorique : " Je voulais dire à propos de Kant, que le
principe de ma volonté doit toujours être tel qu'il puisse devenir le principe des
lois générales." (Ce qui n'est pas le cas pour le vol, ou le meurtre, par exemple :
car il est inconcevable que le voleur, ou le meurtrier, puisse avoir envie de vivre
sous un système de lois qui donnerait à autrui le droit de le voler ou de
l'assassiner, lui.) Interrogé plus longuement, Eichmann ajouta qu'il avait lu La
critique de la Raison pratique de Kant. Il expliqua ensuite qu'à partir du moment
où il avait été chargé de mettre en œuvre la Solution finale, il avait cessé de
vivre selon les principes de Kant; qu'il l'avait reconnu à l'époque; et qu'il s'était
consolé en pensant qu'il n'était plus " maître de ses actes ", qu'il ne pouvait "
rien changer ". Mais il ne dit pas au tribunal qu'à cette " époque où le crime
était légalisé par l'État " (comme il disait lui-même), il n'avait pas simplement
écarté la formule kantienne, il l'avait déformée. De sorte qu'elle disait
maintenant : " Agissez comme si le principe de vos actes était le même que celui
des législateurs ou des lois du pays. " Cette déformation correspondait
d'ailleurs à celle de Hans Franck, auteur d'une formulation de " l'impératif
catégorique dans le Troisième Reich " qu'Eichmann connaissait peut-être : "
Agissez de telle manière que le Führer, s'il avait connaissance de vos actes, les
approuverait . " Certes, Kant n'a jamais rien voulu dire de tel. Au contraire, tout
homme, selon lui, devient législateur dès qu'il commence à agir; en utilisant sa "
raison pratique ", l'homme découvre les principes de la loi. Mais la déformation
inconsciente qu'Eichmann avait fait subir à la pensée de Kant correspondait à
une adaptation de Kant " à l'usage domestique du petit homme ", comme disait
l'accusé. Cette adaptation faite, restait-il quelque chose de Kant ? Oui : l'idée
que l'homme doit faire plus qu'obéir à la loi, qu'il doit aller au-delà des
impératifs de l'obéissance et identifier sa propre volonté au principe de la loi, à
la source de toute loi.
Cette source, dans la philosophie de Kant, est la raison pratique; dans l'usage
qu'en faisait Eichmann, c'était la volonté du Führer. Et il existe en effet une
notion étrange, fort répandue en Allemagne, selon laquelle " respecter la loi "
signifie non seulement " obéir à la loi ", mais aussi " agir comme si l'on était le
législateur de la loi à laquelle on obéit ". D'où la conviction que chaque homme
doit faire plus que son devoir. Ce qui explique en partie que la Solution finale
ait été appliquée avec un tel souci de perfection. L'observateur, frappé par cette
832
affreuse manie du " travail fait à fond ", la considère en général comme
typiquement allemande, ou encore : typiquement bureaucratique.
« Kant, après avoir employé une longue vie d’homme à décrasser son manteau
philosophique de toutes sortes de préjugés qui le souillaient, l’a
ignominieusement sali de la tâche honteuse du mal radical, afin que les
chrétiens eux aussi se sentent engagés à en baiser le bord. » -Goethe, Lettre à
Herder, 7 juin 1793.
“I recommend Kant's Critique of Pure Reason. Read it and observe how often
Kant rewrites reality.” (p.153)
"Kant's expressly stated purpose was to save the morality of self-abnegation and
self-sacrifice." (p.27)
"An action is moral, said Kant, only if one has no desire to perform it, but
performs it out of a sense of duty and derives no benefit from it of any sort,
neither material nor spiritual ; a benefit destroys the moral value of an action."
(p.29)
"If one finds the present state of the world unintelligible and inexplicable, one
can begin to understand it by realizing that the dominant intellectual influence
today is still Kant's -and that all the leading modern schools of philosophy are
derived from a Kantian base." (p.29)
-Ayn Rand, For the new intellectual, Signet, 1963 (1961 pour la première
édition américaine), 216 pages.
« Je lis avec un plaisir intense ce bon vieux Kant, et ne me laisse troubler par
rien d'autre. Cela me rend heureuse. » -Hannah Arendt, Lettre à Ludwig Greve,
834
20 juillet 1975. Cité dans Elisabeth Young-Bruehl, Hannah Arendt. Biographie,
p.612.
“We find again in Kant the characteristic form which liberalism, based on real
class interests, assumed in Germany. Neither he, nor the German burghers,
whose whitewashing spokesman he was, noticed that these theoretical ideas of
the bourgeoisie had as their basis material interests and a will that was
conditioned and determined by the material relations of production. Kant,
therefore, separated this theoretical expression from the interests it expressed;
he made the materially motivated determinations of the will of the French
bourgeois into pure self1determinations of "free will", of the will in and for
itself, of the human will, and so converted it into purely ideological
determinations and moral postulates.” -K. Marx and F. Engels, The German
Ideology, edited and abridged by C. J. Arthur (London: Lawrence and Wishart,
1970), p. 99.
« Les doctrines se jugent surtout par leurs produits, c’est-à-dire par l’esprit des
doctrines qu’elles suscitent : or, du kantisme, sont sorties l’éthique de Fichte,
qui est déjà imprégnée de socialisme, et la philosophie de Hegel dont Marx fut
le disciple. » -Émile Durkheim, L’individualisme et les intellectuels, La Revue
des deux mondes (juillet 1898).
835
« Kant et après lui le jeune Fichte déplacent l'idée de nature humaine et pensent
l'unité de l'humanité en termes de destination: les Droits de l'Homme ne sont pas
des droits originaires. Il est cependant possible d'arguer que la rationalité et la
liberté, la capacité d'arrachement aux déterminations naturelles, caractérisent
bien une sorte paradoxale de nature, mais dont l'ouverture, la perfectibilité la
distingue de toute essence immuable et implique la "discutabilité" des
propositions éthiques et politiques. En tout état de cause, le recours à la Nature
n'est guère satisfaisant, puisqu'il paraît possible de lui faire dire à peu près ce
que l'on veut, comme le montre l'exemple du séduisant Calliclès. Le fondement
du Droit ne peut qu'être lui-même de l'ordre de la convention, du discutable,
même s'il s'agit d'une norme supérieure (universalisable), en ce sens qu'elle
permet de critiquer les lois positives. » -Alain Boyer, "Justice et égalité, in
Denis Kambouchner (dir.), Notions de philosophie, III, Gallimard, coll Folio
essais, 1995, 736 pages, pp.9-83, p.30.
http://hydra.forumactif.org/t2100-emile-maurial-le-scepticisme-combattu-dans-
ses-principes-analyse-et-discussion-des-principes-du-scepticisme-de-kant#2811
Anne Robert Jacques Turgot (1727-1781) : « Aucun religion n’a droit à être
protégée par l’Etat. » -Turgot, Lettre sur la tolérance adressée au Grand
vicaire, 1754.
"La liberté économique dont doit bénéficier l'individu de l'échange est, à la fois,
la conséquence de la jouissance de ses droits naturels, et ce qui soutient
concrètement l'exercice de ceux-ci. L'évidence de cette étroite connexion dément
totalement la fable colportée par Michel Foucault [...] dans sa Naissance de la
biopolitique [...]
La pensée de Turgot se fonde sur l'affirmation d'une nécessaire réciprocité de
perspective entre la logique de la liberté économique et celle, d'ordre juridico-
politique, de la liberté de l'individu selon le jusnaturalisme moderne." (p.317)
http://www.amazon.fr/Formation-distribution-richesses-Anne-Robert-Jacques-
Turgot/dp/2081311453/ref=pd_sim_14_17?ie=UTF8&dpID=511uIJysY7L&dp
Src=sims&preST=_AC_UL160_SR98%2C160_&refRID=0HA7WWEZQMEN
FV1A12AZ
http://hydra.forumactif.org/t1681-anne-robert-jacques-turgot-oeuvres#2358
838
Jacques Necker (1732-1804) : « Arrêtez-vous de l’admirer, car vos enfants un
jour le maudiront. Emprunter sans imposer, c’est rejeter sur les générations à
venir le poids des iniquités d’un ministre qui ne voit que sa gloire personnelle et
ses succès présents [...] sont autant de vers rongeurs qui énervent nos forces
présentes, qui anéantissent nos forces prochaines, qui ne nous laissent pour
l’avenir que l’affligeante alternative d’une banqueroute désastreuse ou d’impôts
devenus excessifs pour avoir été retardés contre tous les principes d’une
administration éclairée et prévoyante, et par une complaisance incroyable pour
le charlatanisme inouï du banquier directeur. » -Le Comte de Mirabeau, à
propos de Necker.
http://www.amazon.fr/Physiocratie-Fran%C3%A7ois-
Quesnay/dp/2081211270/ref=pd_sim_14_12?ie=UTF8&dpID=51u4hSVeZLL&
dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR95%2C160_&refRID=0HA7WWEZQM
ENFV1A12AZ
« S’il y a quelque bénéfice à retirer d’une entreprise, alors elle n’a pas besoin
d’encouragement; s’il n’y a point de bénéfice à en retirer, alors elle ne mérite
pas d’être encouragée. »
840
« Les vraies colonies d’un peuple commerçant, ce sont les peuples indépendants
de toutes les parties du monde. (…) Ces peuples alors deviennent pour vous des
amis utiles, et qui ne vous obligent pas de leur accorder des monopoles onéreux,
ni d’entretenir à grands frais des administrations, une marine et des
établissements militaires aux bornes du monde. Un temps viendra où l’on sera
honteux de tant de sottises, et où les colonies n’auront plus d’autres défenseurs
que ceux à qui elles offrent des places lucratives à donner et à recevoir, le tout
au dépens des peuples. » -Jean-Baptiste Say, Traité d’économie politique.
« Un objet manufacturé n’a pas une valeur parce qu’il a coûté de la peine. Il en
a parce qu’il est utile. C’est cette utilité que l’on paie quand il a fallu qu’on la
créât. Là où elle ne se trouve pas, il n’y a point eu de valeur produite, quelque
peine qu’on ait jugé à propos de se donner… Tous les auteurs qui ont voulu
former des systèmes économiques sans les fonder sur la valeur échangeable des
choses, se sont jetés dans des divagations. De là l’importance à fixer nos idées
relativement à la valeur… Ces principes élémentaires ne reposent point sur des
discussions métaphysiques, mais sur des faits. »
« L'influence de Malebranche sur Quesnay a été bien établie [...] et, de façon
plus générale, l'influence du modèle de l'ordre providentiel sur la pensée des
841
physiocrates n'a pas besoin d'être prouvée. »-Giorgio Agamben, Le Règne et la
Gloire. Pour une généalogie théologique de l'économie et du gouvernement.
Homo Sacer, II, 2. Éditions du Seuil, coll. « L’ordre philosophique », septembre
2008 (2007 pour la première édition italienne), 443 pages, p.413.
« Les économistes ont eu moins d’éclat dans l’histoire que les philosophes ;
moins qu’eux ils ont contribué peut-être à l’avènement de la Révolution ; je
crois pourtant que c’est surtout dans leurs écrits qu’on peut le mieux étudier son
vrai naturel. […] Toutes les institutions que la Révolution devait abolir sans
retour ont été l’objet particulier de leurs attaques ; aucune n’a trouvé grâce à
leurs yeux. Toutes celles, au contraire, qui peuvent passer pour son œuvre
propre ont été annoncées par eux à l’avance et préconisées avec ardeur ; on en
citerait à peine une seule dont le germe n’ait été déposé dans quelques-uns de
leurs écrits ; on trouve en eux tout ce qu’il y a de plus substantiel en elle. »
http://hydra.forumactif.org/t2558-jean-baptise-say-oeuvres-completes#3302
http://www.amazon.com/Republicanism-French-Revolution-Intellectual-Jean-
Baptiste-
ebook/dp/B000RRQRWG/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1429792271&s
r=1-
842
1&keywords=Republicanism+and+the+French+Revolution%3A+An+Intellectu
al+History+of+Jean+Baptiste+Say%E2%80%99s+Political+Economy
https://www.amazon.fr/R%C3%A9volution-am%C3%A9ricaine-Bernard-
COTTRET/dp/2262022429/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1465306023&sr=8-
1&keywords=Bernard-Cottret-La-revolution-americaine
https://www.amazon.fr/Nous-peuple-origines-nationalisme-
am%C3%A9ricain/dp/2070713016/ref=sr_1_31?s=books&ie=UTF8&qid=1478
796223&sr=1-31&keywords=nationalisme
844
https://www.amazon.fr/Histoire-Am%C3%A9ricains-Daniel-
Boorstin/dp/2221067983/ref=sr_1_3?ie=UTF8&qid=1465305749&sr=8-
3&keywords=Boorstin
"Jefferson, who actually read the Dialogues [of Plato], discovered in them only
the "sophisms, futilities, and incomprehensibilities" of a "foggy mind"."
-Bernard Bailyn, The Ideological Origins of the American Revolution,
Cambridge (Massachusetts), Harvard University Press, 1992 (1967 pour la
première édition états-unienne), 396 pages, p.24.
"If i had to choose one [of the Founding Fathers], i would say Thomas Jefferson
-for the Declaration of Independance, which is probably the greatest document
in human history, both philosophically and literarily.” -Ayn Rand, Answers,
New American Library, 2005, 241 pages, p.1.
845
de la félicité publique, il fut un partisan de l'instruction publique et de la
tolérance religieuse. Sa plus grande originalité par rapport à Hamilton et
Madison tient à deux éléments indissociables. D'abord, il se méfiait de la
centralisation du modèle fédéral et prônait un auto-gouvernement démocratique
ancré dans les communautés locales. Ensuite, la liberté républicaine supposait
selon lui l'indépendance des petits propriétaires et fermiers : hostile à la
civilisation urbaine et industrielle, il prônait un modèle agricole en lien avec la
nature et préservant les citoyens de toute corruption morale. » -Serge
Audier, Les théories de la république, Paris, Éditions La Découverte, coll.
Repères, 2015 (2004 pour la première édition), 125 pages. p.43.
http://www.amazon.fr/%C3%89crits-politiques-Thomas-
Jefferson/dp/2251390421/ref=sr_1_33?s=books&ie=UTF8&qid=1450609794&
sr=1-33&keywords=libert%C3%A9+politiquo
James Madison (1751-1836): “In Europe, charters of liberty have been granted
by power. America has set the example and France has followed it, of charters
of power granted by liberty. This revolution in the practice of the world may,
with an honest praise, be pronounced the most triumphant epoch of its history
and the most consoling presage of its happiness.” –James Madison, 1792.
846
« Au milieu du XIXe siècle, le mouvement nativiste des « know nothing » rêvait
de revenir à l’Amérique protestante des débuts, débarrassée des catholiques
irlandais et du capitalisme émergent. » (p.209)
« Les autres éléments qui ont façonné au cours du temps la tradition populiste-
nationaliste en Amérique sont l’expérience sudiste de l’esclavage, les traditions
culturelles et historiques propres aux protestants écossais d’Irlande qui
dominèrent la frontière sud, ainsi qu’une culture de groupe profondément
influencée par le protestantisme évangélique. » (p.218)
847
s’exprime dans les écrits d’Adolphe Thiers et de Mathieu de Dombasle. List
exporte ce modèle économique française aux Etats-Unis, et contribue ainsi
fortement à l’élaboration des futures politiques protectionnistes américaines. »
(p.33)
« En 1828, les taux de tarifs douaniers dépassent 40%, contre 16% en 1816.
[…] Leur balance de commerce extérieur passe de 230 à 762 millions de dollars
entre 1830 et 1860. Leurs tarifs douaniers financent la part la plus substantielle
de leur trésor public (jusqu’en 1890). Les subsides de cette politique ne profitent
majoritairement qu’aux Etats du Nord républicains, alors que le Sud démocrate
subit plus fortment la hausse des produits manufacturés. […] Cette frustration
économique liée à des arts de vivre très différents va mener à la guerre de
Sécession. » (p.33)
« Les plus hauts tarifs protectionnistes parmi les nations industrialisées. Le tarif
Dingley est adopté en 1897. La moyenne du taux ad valorem sur les
marchandises importées imposables reste de 49%, mais le pourcentage des
importations imposables passe de 44% à 56%. » (p.34)
« Les individus, à beaucoup d’égards, sont mieux placés pour évaluer et réaliser
ce qui leur convient que les magistrats, en tant que tels, ne peuvent l’être. »
(Ibid, VI, p.64)
« [Tout pays] qui est sujet à la législature d’un autre pays dans lequel il n’a pas
voix au chapitre, et sur lequel il n’a pas de contrôle, ne peut être dit gouverné
par sa propre volonté. Un tel pays est, par conséquent, dans un état
d’esclavage. » -Richard Price, Two Tracts on Civil Liberty, 1778.
848
http://hydra.forumactif.org/t4591-richard-price-a-discourse-on-the-love-of-our-
country#5511
« Celui qui voudrait préserver sa liberté doit garder même ses ennemis de
l'oppression ; car s'il viole ce devoir il établit un précédent qui se retournera
contre lui. » -Thomas Paine.
« L’homme n’est point entré en société pour être pire qu’il était auparavant, ni
pour avoir moins de droits qu’il n’en avait, mais pour que ces droits lui fussent
mieux assurés. » -Thomas Paine, Les Droits de l’Homme.
http://www.amazon.fr/Thomas-Paine-Ou-Religion-
libert%C3%A9/dp/2700726359/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1457630318&sr=8-
1&keywords=Vincent-Bernard-Thomas-Paine
849
http://www.amazon.fr/droits-lhomme-Thomas-
Paine/dp/2701151694/ref=asap_bc?ie=UTF8
http://hydra.forumactif.org/t635-thomas-paine-oeuvres
"Tout âme abattue, brisée, tout cœur d'homme ou de nation, n'a, pour se relever,
qu'à regarder là: c'est un miroir où chaque fois que l'humanité se voit, elle se
retrouve héroïque, magnanime, désintéressée [...] Ce sont les jours sacrés du
monde, jours bienheureux pour l'Histoire." (p.54)
-Jules Michelet, préface de 1847 à l'Histoire de la Révolution française, tome I,
Paris, Alphonse Lemerre éditeur, 1847, 514 pages.
« Messieurs, qu’est-ce qui a brisé toutes ces entraves qui de tous côtés
arrêtaient le libre mouvement des personnes, des biens, des idées ? Qu’est-ce
qui a restitué à l’homme sa grandeur individuelle, qui est sa vraie grandeur, qui
? La révolution française elle-même. » (p.543)
« [La Révolution française] a été plus entière que celle de l'Amérique, et par
conséquent moins paisible dans l'intérieur, parce que les Américains, contents
des lois civiles et criminelles qu'ils avaient reçues de l'Angleterre ; n'ayant point
à réformer un système vicieux d'impositions ; n'ayant à détruire ni tyrannies
féodales, ni distinctions héréditaires, ni corporations privilégiées, riches ou
puissantes, ni un système d'intolérance religieuse, se bornèrent à établir de
nouveaux pouvoirs, à les substituer à ceux que la nation britannique avait
jusqu'alors exercés sur eux. Rien, dans ces innovations, n'atteignait la masse du
peuple ; rien ne changeait les relations qui s'étaient formées entre les individus.
En France, par la raison contraire, la révolution devait embrasser l'économie
tout entière de la société, changer toutes les relations sociales, et pénétrer jus-
qu'aux derniers anneaux de la chaîne politique ; jusqu'aux individus qui, vivant
en paix de leurs biens ou de leur industrie, ne tiennent aux mouvements publics
ni par leurs opinions, ni par leurs occupations, ni par des intérêts de fortune,
d'ambition ou de gloire. » -Nicolas de Condorcet, Esquisse d'un tableau
historique des progrès de l'esprit humain, "Les classiques des sciences sociales",
1793, p.169.
« Cet événement [la Révolution française] est trop important, trop mêlé aux
intérêts de l'humanité, et d'une influence trop vaste sur toutes les parties du
monde, pour ne pas devoir être remis en mémoire aux peuples à l'occasion de
circonstances favorables, et rappelé lors de la reprise de nouvelles tentatives de
ce genre. » -Emmanuel Kant, Le conflit des facultés, 1798 in Opuscule sur
l'histoire, GF Flammarion, Paris, 1990, 245 pages, p.215.
851
« La Révolution française […] couronna le peuple. » -Victor Hugo, Les
Misérables, tome 2, p. 207.
« Quel autre but se propose ou doit se proposer le gouvernement, que d'unir les
hommes par les liens de la fraternité ? Et comment atteindre ce but, si ce n'est
par des assemblées fréquentes ou ils délibèrent ? Le meilleur gouvernement sera
donc celui qui donnera toute la publicité possible aux actions des individus ; et
il n'y a que ce moyen d'établir le règne de la volonté, de la liberté, de la loi, de
l'amour, expressions qui, dans la sagesse primitive des langues, dérivent de la
même racine et signifient la même chose. Espérons que dans les nouveaux
progrès de la révolution la sagesse collective des hommes brisera enfin le joug
de fer de la propriété, et rendra à nos enfants le bonheur de l'age d'or, l'héritage
commun de la terre, la communauté illimitée des jouissances !
Cette perspective éloignée est la seule chose qui réjouisse mon cœur, au milieu
de la corruption de la société ; elle seule verse dans mon sein le baume de la
consolation, parmi les soins rongeurs qui consument mon existence. » -John
Oswald, Le Gouvernement du Peuple, ou Plan de constitution pour la
République universelle, 1793.
852
la France contemporaine », introduction à L’Ancien Régime (1876), Les
Origines de la France contemporaine, t.1, Paris, Laffont, 1986, p.XXXI.
« La Révolution française s’est posée comme une réaction contre les principes
religieux et les formes sociales du moyen-âge. Elle a remplacé le dogme
chrétien de l’autorité par le dogme païen de la liberté, la foi par la raison, la
grâce arbitraire par la justice, l’obéissance par le droit, la résignation par la
lutte, la hiérarchie par la légalité. » -Louis Ménard, Lettres d’un mort. Opinions
d’un païen sur la société moderne (1895).
On peut dire que c'est justement pour avoir été une des premières à initier un tel
bouleversement que la France, en donnant un caractère centralisateur et
nationaliste à l'idée d'État, eut à subir la première l'écroulement du régime
monarchique et l'avènement de la République, au sens d'une arrivée au pouvoir,
résolue et déclarée, du Tiers-État, à tel point qu'elle apparut aux yeux des
nations européennes comme le principal foyer de ferment révolutionnaire et de
la mentalité laïque, nationaliste, illuministe, et donc mortelle pour les dernières
survivances de la Tradition. » -Julius Evola, Révolte contre le monde moderne
(1934).
"De la Régence au règne de Louis XVI s'est crée un déficit des finances royales
dû à un constant accroissement des dépenses et à un phénomène général
d'inflation. La hausse des prix entraînant celle des traitements y a sa part de
responsabilité. Le budget de la guerre ne cesse de se gonfler: 60 millions en
853
1740, 106 en 1788. C'est que les dernières opérations ont été le plus souvent
maritimes ou lointaines provoquant des dépenses considérables. La guerre
d'Amérique à elle seule aurait coûté près de deux milliards.
Un secteur contesté: les dépenses de la cour. Elles ne représentent en réalité
que 6%. Atteignant 27 millions, le chiffre des pensions concerne surtout
d'anciens soldats ou serviteurs de l'Etat et les grosses allocations sont peu
nombreuses. Mais leur impopularité, depuis que Necker en a révélé le montant,
est grande.
En revanche, on oublie dans la critique des finances royales le service des
intérêts des emprunts: 318 millions en 1788, soit 50% des dépenses. Trop
d'emprunts ont été émis. Le fardeau en est maintenant particulièrement lourd."
(p.18)
"A son tour, l'assemblée du clergé, réunie du 5 mai au 5 juin 1788, se déclarait
solidaire du Parlement de Paris, refusait le don gratuit et réclamait la
convocation des états généraux. L'agitation touchait aussi bien la Bretagne que
le Béarn, Dijon et Toulouse étaient gagnés. Partout les intendants, quelque peu
dépassés, renonçaient à maintenir l'ordre.
C'est en Dauphiné qu'eurent lieu les troubles les plus graves. Quand, l'intendant
Caze de la Bove voulut exiler le Parlement de Grenoble, en révolte contre
l'autorité royale, les Grenoblois prirent parti pour les conseillers et
bombardèrent du haut des toits les soldats du roi: ce fut, le 7 juin, la journée des
tuiles. Il fallut céder et réinstaller le Parlement. [...]
La révolte venait à l'origine des parlementaires et masquait, derrière des idées
démagogiques qui abusaient le peuple, la défense des privilèges." (p.23
"Lorsqu'en avril 1792, par exemple, les Girondins firent déclarer la guerre à
l'Autriche, les raisons qu'ils avaient d'agir ainsi sont aujourd'hui sans
ambiguïté. L'Assemblée constituante avait conjuré la banqueroute, à l'automne
1789, en confisquant les biens du clergé estimés à quelque trois milliards et
demi ; à l'automne 1791, deux milliards, ou presque, d’assignats étaient déjà en
circulation ; leur gage, constitué par ces "biens" devenus "nationaux,
s'amenuisait ; commençait la dépréciation de ce papier-monnaie ; autrement dit
la banqueroute de l'Etat redevenait menaçante et il fallait à tout prix se
procurer de l'argent frais. Où en trouver ? Pas de problème. Les riches
provinces autrichiennes, de l'autre côté de la frontière, au nord et à l'est, quelles
belles proies ! Narbonne, le ministre de la Guerre, est explicite à souhait, le 14
décembre ; une nécessité pour nous, dit-il, la guerre à l'Autriche: "le sort des
créanciers de l'Etat en dépend". Le prix du pain, d'autre part, n'a pas été
étranger à la facilité avec laquelle les opérateurs bourgeois ont pu se servir, le
14 juillet 1789, contre leurs rivaux aristocrates, du bélier populaire. Après une
baisse en 1790, le pain redevenait cher et l'agitation reprenait chez les exploités
des campagnes et des manufactures ; ils parlaient dangereusement de
"maximum", c'est-à-dire d'une fixation, par les autorités, du prix de vente que ne
devrait pas dépasser la "miche" -le pain de quatre livres, nourriture de base des
travailleurs. Les Girondins s'opposent absolument au "maximum". "Tout ce que
peut et doit faire l'Etat en matière économique, professait Roland, c'est déclarer
qu'il ne saurait, en aucun cas, intervenir". Liberté d'abord ; et nul n'ignore quelle
passion pour la liberté animait les Girondins. La liberté économique -le
"libéralisme"- était pour eux un dogme. Les marges bénéficiaires sont sacrées.
En mars 1792, une émeute d'affamés éclate à Étampes ; le maire (un industriel,
un tanneur) est tué. Il n'y a plus une minute à perdre pour cette diversion
nationale dont la guerre fournit le bienfait. C'est ce qu'avait indiqué Brissot, dès
le 29 décembre 1791, lorsqu'il s'était écrié, limpide: "La guerre est
indispensable à nos finances et à la tranquillité intérieure". [...]
La guerre de 1792, cette guerre d'agression, combattue en vain par
Robespierre, fut donc, et ouvertement, décidée pour des motifs de politique
intérieure." (p.9-10)
855
-Henri Guillemin, Nationalistes et "nationaux" (1870-1940), Gallimard, coll.
Idées, 1974, 476 pages.
"La France du XVIIIe siècle a donc, elle aussi, ses "intellectuels aliénés".
Avocats sans causes et écrivains sans position ont organisé leur existence
sociale à partir d'une représentation périmée de la valeur des titres
universitaires ou de l'évidence du talent. Saturées ou confisquées, les places
qu'ils espéraient sont devenus hors de leur portée, les contraignant à accepter
des emplois moins prestigieux et moins rémunérateurs, voire même, parfois,
pour les seconds, des tâches sans honneur. Les uns et les autres ont joué un rôle
décisif dans le processus prérévolutionnaire: les écrivains en multipliant
pamphlets et libelles, les avocats en encadrant la campagne du parti patriote et
la consultation préparant les Etats généraux." (p.272)
857
"Pour Baker, comme pour le Furet de Penser la Révolution, l'inéluctabilité de la
Terreur est virtuellement présente dans les décisions constitutionnelles de
l'automne 89 et, par-delà, dans la théorie de la volonté générale élaborée par
Rousseau, Mably et les plus radicaux des propagandistes parlementaires."
(p.293)
859
« La conscience nationale, l'exigence de la nationalité n'existent pas avant la
période révolutionnaire, ou du moins ne peuvent y être décelées que grâce à une
extrapolation rétroactive. » (p.122)
"Rousseau est, avec Locke, l'auteur le plus fréquemment cité par les constituants
français." (p.660)
« C'est en 1791 que la Constitution fixe ce droit: "Sont Français les fils
d'étrangers nés en France et qui vivent dans le royaume". L'Empire revient à une
conception plus stricte: il exige que l'enfant de parents étrangers résidant en
France réclame la nationalité à l'âge adulte. Cette restriction disparaît en 1889:
l'octroi de la nationalité française devient automatique à la majorité. » -Pascal
Gauchon, Géopolitique de la France. Plaidoyer pour la puissance, PUF, coll.
"Major", 2012, 189 pages, p.48.
861
« La Révolution française [...] a non seulement autorisé le divorce, mais aussi
fait disparaître l'homosexualité et l'inceste du Code pénal. C'est seulement au
lendemain de la Première Guerre mondiale qu'ont été adoptées des lois
réprimant l'homosexualité dans le pays qui pourtant avait été la terre d'accueil
d'Oscar Wilde. » -Denis Collin et Marie-Pierre Frondziak, La Force de la
Morale. Comment nous devenons humains, R&N Éditions, 2020, 311 pages,
pp.235-236.
http://hydra.forumactif.org/t3071-alphonse-aulard-histoire-politique-de-la-
revolution-francaise-la-revolution-francaise-et-le-regime-feodal#3851
http://hydra.forumactif.org/t4210-jean-tulard-jean-francois-fayard-alfred-fierro-
histoire-et-dictionnaire-de-la-revolution-francaise?highlight=Jean+Tulard
https://www.amazon.fr/R%C3%A9volution-fran%C3%A7aise-Soboul-
Albert/dp/2070701069/ref=sr_1_8?ie=UTF8&qid=1482839960&sr=8-
8&keywords=histoire+soboul
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Albert-Soboul/dp/2700307437/ref=sr_1_21?ie=UTF8&qid=1482840008&sr=8-
21&keywords=histoire+soboul
https://www.amazon.fr/Sans-culottes-parisiens-lAn-gouvernement-
r%C3%A9volutionnaire/dp/2020052555/ref=sr_1_5?ie=UTF8&qid=148283996
0&sr=8-5&keywords=histoire+soboul
https://www.amazon.fr/R%C3%A9volution-fran%C3%A7aise-Furet-
Fran%C3%A7ois/dp/2070737594/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1482841629&sr=
8-1&keywords=fran%C3%A7ois+furet+quarto
https://www.amazon.fr/Origines-intellectuelles-R%C3%A9volution-
fran%C3%A7aise-1715-
1787/dp/2847346392/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1539449797&sr=1-
1&keywords=daniel+mornet
http://www.amazon.fr/r%C3%A9bellion-fran%C3%A7aise-Mouvements-
populaires-
conscience/dp/2070359719/ref=pd_sim_14_10?ie=UTF8&dpID=51qcbd-
AxiL&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR97%2C160_&refRID=0K8R9FS1
QZJSBX2PKMCZ
862
https://www.amazon.fr/Triomphe-révolution-droits-homme-
citoyen/dp/2849503932
https://www.amazon.fr/Edelstein-Author-Terror-Natural-
Right/dp/B01DHESR82/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1503786720&sr=
1-1&keywords=Dan+Edelstein
http://www.amazon.fr/origines-religieuses-R%C3%A9volution-
fran%C3%A7aise-1560-
1791/dp/2020855097/ref=pd_sim_14_1?ie=UTF8&dpID=51AN7KWV0HL&d
pSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR95%2C160_&refRID=02HR7YQC7CZRQ
1J55H9P
http://www.amazon.fr/L%C3%A9conomie-r%C3%A9volution-
fran%C3%A7aise-Florin-
Aftalion/dp/2251380876/ref=sr_1_5?s=books&ie=UTF8&qid=1450478504&sr
=1-
5&keywords=L%27%C3%89conomie+de+la+R%C3%A9volution+fran%C3%
A7aise
http://www.amazon.fr/LUTTE-CLASSES-PREMIERE-REPUBLIQUE-1793-
1797/dp/B0081SG9RQ/ref=sr_1_35?ie=UTF8&qid=1459775219&sr=8-
35&keywords=lutte+des+classes
https://www.amazon.fr/longue-patience-peuple-naissance-
R%C3%A9publique/dp/2228902772/ref=la_B001JORZ4U_1_13?s=books&ie=
UTF8&qid=1491241881&sr=1-13
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863
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ufacture+d%27Oberkampf
https://fr.wikisource.org/wiki/D%C3%A9claration_de_Louis_XVI_%C3%A0_t
ous_les_Fran%C3%A7ais,_%C3%A0_sa_sortie_de_Paris
http://www.amazon.fr/Dictionnaire-Contre-R%C3%A9volution-
Collectif/dp/2262033706/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1450478374&sr
=1-1&keywords=dictionnaire+de+la+contre-r%C3%A9volution
864
Emmanuel-Joseph Sieyès (1748-1836): http://hydra.forumactif.org/t1447-
emmanuel-joseph-sieyes-oeuvres#2098
https://www.amazon.fr/Siey%C3%A8s-R%C3%A9volution-fran%C3%A7aise-
Jean-Denis-
Bredin/dp/2877060144/ref=sr_1_3?ie=UTF8&qid=1478645899&sr=8-
3&keywords=Siey%C3%A8s
https://www.amazon.fr/Talleyrand-prince-immobile-Emmanuel-
Waresquiel/dp/B00PRU6GUQ/ref=pd_sim_14_10?_encoding=UTF8&psc=1&r
efRID=QGM27BV9C3A00JWT491M
865
nation, et accorder tout aux Juifs comme individus". Une partie de la droite
résiste. L'évêque de Nancy, Lafare, met en garde ses collègues contre le "grand
incendie" que provoquerait en Alsace et en Lorraine le fait d'accorder la
citoyenneté française aux Juifs. L'abbé Grégoire alors intervient: "Cinquante
mille Français se sont levés aujourd'hui esclaves: il dépend de vous qu'ils se
couchent libres".
Finalement, l'émancipation des Juifs de France se fait par étapes. Dans un
premier temps, en janvier 1790, l'Assemblée décrète que "tous les Juifs connus
sous le nom de Juifs portugais, espagnols et avignonnais" accéderont au rang
de citoyens actifs si, par ailleurs, ils répondent aux conditions exigées par la loi
de tous les autres Français. Le parti antijuif, qui compte aussi dans ses rangs
des députés de gauche comme Reubell, s'emploie à retarder l'acte
d'émancipation générale, une campagne de brochures, libelles et pétitions
soutient cette résistance. Après une longue bataille, les opposants ne peuvent
empêcher le vote du décret d'émancipation, le 28 septembre 1791. » -Michel
Winock, Nationalisme, antisémitisme et fascisme en France, Éditions du Seuil,
coll. Points Histoire, 2014, 506 pages, 107-108.
https://www.amazon.fr/LAbb%C3%A9-Gr%C3%A9goire-politique-Rita-
Hermon-
Belot/dp/2020374927/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1480505990&sr=1-
1&keywords=Rita-Hermon-Belot-L-abbe-Gregoire
866
« Même sous la Constitution la plus libre, un peuple ignorant est esclave. » -
Nicolas de Condorcet.
« Le droit d’égalité n’est pas blessé si les propriétaires seuls jouissent du droit
de cité, parce qu’eux seuls possèdent le territoire, parce que leur consentement
seul donne le droit d’y habiter ; mais il est blessé si le droit de cité est partagé
inégalement entre différentes classes de propriétaires parce qu’une telle
distinction ne naît pas de la nature des choses. » -Nicolas de Condorce, Idées
sur le despotisme, 1789.
« Les droits des hommes résultent uniquement de ce qu'ils sont des êtres
sensibles, capables d'acquérir des idées morales et de raisonner sur des idées.
Ainsi les femmes ayant ces mêmes qualités, ont nécessairement des droits égaux.
Ou aucun individu de l'espèce humaine n'a de véritables droits, ou tous ont les
mêmes ; et celui qui vote contre le droit d'un autre, quels que soient sa religion,
sa couleur ou son sexe, a dès lors abjuré les siens. » -Nicolas de Condorcet,
Essai sur l'admission des femmes aux droits de cité, 1790.
« Il n'y a donc aucun cas où l'esclavage, même volontaire, puisse n'être contraire
au Droit naturel. » -Condorcet, Réflexions sur l'esclavage des nègres, in
Oeuvres, Edition O'Connor-Arago, F. Didot Frères, Paris 1847-1849, vol. VII, p.
« La Nation française ne cessera pas de voir un peuple ami dans les habitants
des pays occupés... Ses soldats se conduiront sur une terre étrangère comme ils
se conduiraient sur celle de leur patrie s'ils étaient forcés d'y combattre. Les
maux involontaires que ses troupes auraient fait éprouver aux citoyens seront
867
réparés...Elle présentera au monde le spectacle d'une Nation vraiment libre...,
respectant partout, en tout temps, à l'égard de tous les hommes, les droits qui
sont les mêmes pour tous... Voilà quelle est la guerre que les Français
déclareront à leurs ennemis. » -Nicolas de Condorcet, à l'Assemblée
Législative, 29 décembre 1791.
« Détestons les coupables, éclairons ceux qui sont égarés, restons unis avec des
frères qui, comme nous, veulent l'égalité et la liberté. »
« C'est à cette liberté, c'est à cette égalité que nous avons fait tous les sacrifices
; aucun de nous ne s'occupe plus ni de ses intérêts, ni de sa vie, ni de son
bonheur personnel, ni même de sa gloire.
Assurons-nous donc de laisser à nos enfants ce précieux héritage. » -Condorcet,
Sur la nécessité de l'union entre les citoyens, septembre 1792.
« L'instruction publique n'a pas droit de faire enseigner des opinions comme des
vérités. » -Nicolas de Condorcet, Cinq Mémoires sur l'instruction publique
(1792).
« Tel doit être un peuple éclairé sur ses droits, jaloux de les maintenir, et ceux
qui s'intéressent à sa prospérité n'auraient rien à désirer, si le respect pour la
justice, si la soumission à la loi, si le zèle pour l'ordre public, faisaient
généralement partie de cet esprit général. »
« Etranger à tout parti, m'occupant à juger les choses et les hommes avec ma
raison et non avec mes passions, je continuerai de chercher la vérité et de la
dire.
J'ai toujours pensé qu'une constitution républicaine, ayant l'égalité pour base,
était la seule qui fût conforme à la nature, à la raison et à la justice ; la seule
qui pût conserver la liberté des citoyens et la dignité de l'espèce humaine. Au
moment où la première fuite de Louis XVI a fait tomber le bandeau dont les yeux
d'une grande partie de la nation étaient encore couverts, j'ai cru que le moment
868
était venu d'établir une constitution républicaine, et je l'ai demandée
hautement. » -Nicolas de Condorcet, Ce que les citoyens ont droit d’attendre de
leurs représentants, 1793.
« Le pacte social a pour objet la jouissance égale et entière des droits qui
appartiennent à l’homme ; il est fondé sur la garantie mutuelle de ces droits.
Mais cette garantie cesse à l’égard des individus qui veulent le dissoudre ; ainsi,
quand il est constant qu’il en existe dans une société, on a droit de prendre les
moyens de les connaître, et quand on les connaît, on n’est plus restreint à leur
égard que par les limites du droit de la défense naturelle. De même, si un droit
plus précieux est menacé ; si, pour le conserver, il est nécessaire de sacrifier
l’exercice d’un autre droit moins important, exiger ce sacrifice n’est pas violer
ce dernier droit ; car il cesse alors d’exister, puisqu’il ne serait plus, dans celui
qui le réclamerait, que la liberté de violer dans autrui un droit plus précieux. »
« Si le zèle, même pour la plus juste des causes, devient quelquefois coupable,
songeons aussi que la modération n’est pas toujours sagesse. » -Condorcet, Sur
le sens du mot Révolutionnaire, 1er juin 1793.
« Conserver au peuple son droit de souveraineté, celui de n'obéir qu'à des lois
dont le mode de formation, si elle est confiée à des représentants, ait été légitimé
par son approbation immédiate ; dont si elles blessent ses droits ou ses intérêts,
il puisse toujours obtenir la réforme par un acte régulier de sa volonté
souveraine. » -Nicolas de Condorcet, Esquisse d'un tableau historique des
progrès de l'esprit humain.
« Parmi les progrès de l'esprit humain les plus importants pour le bonheur
général, nous devons compter l'entière destruction des préjugés, qui ont établi
entre les deux sexes une inégalité de droits funeste à celui même qu'elle favorise.
On chercherait en vain des motifs de la justifier par les différences de leur
organisation physique, par celle qu'on voudrait trouver dans la force de leur
intelligence, dans leur sensibilité morale. Cette inégalité n'a eu d'autre origine
que l'abus de la force, et c'est vainement qu'on a essayé depuis de l'excuser par
des sophismes. » -Nicolas de Condorcet, Esquisse d'un tableau historique des
progrès de l'esprit humain, "Les classiques des sciences sociales", 1793, p.211.
"Pour Condorcet, c'est une question tellement importante qu'il propose même de
l'inclure explicitement dans la Déclaration des droits de l'homme de 1789. Ainsi,
dans le projet qu'il rédige, on lit: « La puissance législative ne pourra ni
869
accorder, ni se réserver, sous aucun prétexte, ni aucun monopole de denrée ni
aucun privilège exclusif de fabrication. » " (p.164)
-Francisco Vergara, Les fondements philosophiques du libéralisme. Libéralisme
et éthique, Paris, La Découverte, 2002 (1992 pour la première édition), 220
pages.
"Jefferson had and affinity with Condorcet that stemmed from sharing the same
democratic convictions enhanced by a common faith in the principle of
perfectibility. And, like Jefferson's, Condorcet's ideas on ownership favoured the
development of the concept of representative democracy, reinforced by the belief
that a good administration would accelerate the distribution of property. "Our
871
republic", Condorcet wrote in his last letter to Jefferson (December 1792),
which criticized Lafayette's more moderate tendencies, "founded like yours on
reason, on the laws of nature, on equality, must be your true ally, e should be
nothing less than a single people, we have the same interests, and above all the
one of destroying all anti-natural institutions"." (p.88)
"Jefferson had a deep admiration for his philosophe friend throughout his
remaining years. Although his laicism was distant from Condorcet's
materialism, he appreciated his moral rigour, placing Condorcet's Esquisse
alongside Locke's Two Treatise of Government among the classic texts of
morality." (p.89)
-Manuela Albertone, National Identity and the Agrarian Republic: The
Transatlantic Commerce of Ideas between America and France (1750-1830),
Routledge, 2016 (2014 pour la première édition), 324 pages.
https://www.amazon.fr/Condorcet-Keith-Michael-
Baker/dp/2705660909/ref=sr_1_6?s=books&ie=UTF8&qid=1460498700&sr=1-
6
http://www.amazon.fr/M%C3%A9moires-discours-monnaies-finances-1790-
1792/dp/273842693X/ref=sr_1_80?ie=UTF8&qid=1457957771&sr=8-
80&keywords=condorcet
http://www.amazon.fr/Politique-Condorcet-
Coutel/dp/2228890030/ref=sr_1_8?ie=UTF8&qid=1452856386&sr=8-
8&keywords=politique+de+condorcet
Volney (1757-1820): "Dans la loi naturelle, tous les hommes étant frères et
égaux en droits, elle ne leur conseille à tous que paix et tolérance, même pour
leurs erreurs." (p.8 )
872
-Constantin-François Chassebœuf de La Giraudais, comte Volney, La loi
naturelle, ou Catéchisme du citoyen français, Paris, 1793.
http://hydra.forumactif.org/t3465-constantin-francois-chasseboeuf-de-la-
giraudais-comte-volney-la-loi-naturelle-ou-catechisme-du-citoyen-
francais#4298
Marat (1743- 1793) : « Dans tous pays où les droits du peuple ne sont pas de
vains titres consignés fastueusement dans une simple déclaration, le pillage de
quelques magasins, à la porte desquels on pendrait les accapareurs, mettrait
bientôt fin à ces malversations qui réduisent vingt-cinq millions d’hommes au
désespoir. » -Marat, Journal de la République française, n°133, 25 février 1793.
https://www.amazon.fr/Marat-Olivier-
Coquard/dp/2213030669/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1499365250&sr
=1-1&keywords=Olivier-Coquard-Marat
Georges Jacques Danton (1759-1794): « Danton [...] allant au bout des idées
de Sieyès, trouve dans l’œuvre que Jules César consacra à sa conquête de la
Gaule des arguments de poids pour justifier les frontières qu'il veut donner à la
nouvelle France, celle qui combat les vieilles royautés européennes. "Les limites
de la France sont marquées par la nature. Nous les atteindrons dans leur quatre
points: à l'Océan, au Rhin, aux Alpes et aux Pyrénées", écrit-il. Comme nous le
verrons, ce sont exactement les "limites naturelles" que César, à la suite des
géographes grecs, donne à la Gaule. Chargé d'une mission en Belgique, Danton
plaidera pour l'annexion de celle-ci à la France, ce qui sera chose faite en 1794,
873
après la bataille de Fleurus. » -Jean-Louis Brunaux, Nos ancêtres les Gaulois,
Paris, Éditions du Seuil, coll. Points, 2008, 331 pages, p.27.
https://www.amazon.fr/Danton-g%C3%A9ant-R%C3%A9volution-David-
Lawday/dp/2226243984/ref=tmm_pap_swatch_0?_encoding=UTF8&qid=1499
365122&sr=1-1
http://www.amazon.fr/De-litt%C3%A9rature-Madame-
Sta%C3%ABl/dp/2080706292/ref=pd_sim_14_10?ie=UTF8&dpID=51H826R3
PYL&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR97%2C160_&refRID=1MWF4BR
MSKD5G8KWRM53
http://www.amazon.fr/Corinne-ou-lItalie-Madame-
Stael/dp/207037632X/ref=pd_sim_14_3?ie=UTF8&dpID=51OKfL%2ByZCL&
dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR98%2C160_&refRID=10HSJ9XNDDX8
NHS3XQ85
http://www.amazon.fr/DE-LALLEMAGNE-Tome-1-
Stael/dp/2080701665/ref=pd_sim_14_2?ie=UTF8&dpID=515AMPRTY9L&dp
Src=sims&preST=_AC_UL160_SR95%2C160_&refRID=10HSJ9XNDDX8NH
S3XQ85
http://www.amazon.fr/De-lAllemagne-Madame-Germaine-
Sta%C3%ABl/dp/2080701673/ref=pd_sim_14_1?ie=UTF8&dpID=51VUWGjis
874
dL&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR94%2C160_&refRID=10HSJ9XND
DX8NHS3XQ85
875
Les charmes du printemps, la pompe de l’été,
http://academienouvelle.forumactif.org/t6313-jean-francois-de-saint-lambert-
les-saisons#7434
Jacques Delille (1738-1813): « L’homme rêve à ses maux sans en être attristé,
878
L’entrée en guerre (20 avril 1792) : « Lorsqu'en avril 1792, par exemple, les
Girondins firent déclarer la guerre à l'Autriche, les raisons qu'ils avaient d'agir
ainsi sont aujourd'hui sans ambiguïté. L'Assemblée constituante avait conjuré la
banqueroute, à l'automne 1789, en confisquant les biens du clergé estimés à
quelque trois milliards et demi ; à l'automne 1791, deux milliards, ou presque,
d’assignats étaient déjà en circulation ; leur gage, constitué par ces "biens"
devenus "nationaux, s'amenuisait ; commençait la dépréciation de ce papier-
monnaie ; autrement dit la banqueroute de l'Etat redevenait menaçante et il
fallait à tout prix se procurer de l'argent frais. Où en trouver ? Pas de
problème. Les riches provinces autrichiennes, de l'autre côté de la frontière, au
nord et à l'est, quelles belles proies ! Narbonne, le ministre de la Guerre, est
explicite à souhait, le 14 décembre ; une nécessité pour nous, dit-il, la guerre à
l'Autriche: "le sort des créanciers de l'Etat en dépend". Le prix du pain, d'autre
part, n'a pas été étranger à la facilité avec laquelle les opérateurs bourgeois ont
pu se servir, le 14 juillet 1789, contre leurs rivaux aristocrates, du bélier
populaire. Après une baisse en 1790, le pain redevenait cher et l'agitation
reprenait chez les exploités des campagnes et des manufactures ; ils parlaient
dangereusement de "maximum", c'est-à-dire d'une fixation, par les autorités, du
prix de vente que ne devrait pas dépasser la "miche" -le pain de quatre livres,
nourriture de base des travailleurs. Les Girondins s'opposent absolument au
"maximum". "Tout ce que peut et doit faire l'Etat en matière économique,
professait Roland, c'est déclarer qu'il ne saurait, en aucun cas, intervenir".
Liberté d'abord ; et nul n'ignore quelle passion pour la liberté animait les
Girondins. La liberté économique -le "libéralisme"- était pour eux un dogme.
Les marges bénéficiaires sont sacrées. En mars 1792, une émeute d'affamés
éclate à Étampes ; le maire (un industriel, un tanneur) est tué. Il n'y a plus une
minute à perdre pour cette diversion nationale dont la guerre fournit le bienfait.
C'est ce qu'avait indiqué Brissot, dès le 29 décembre 1791, lorsqu'il s'était écrié,
limpide: "La guerre est indispensable à nos finances et à la tranquillité
intérieure". [...]
La guerre de 1792, cette guerre d'agression, combattue en vain par
Robespierre, fut donc, et ouvertement, décidée pour des motifs de politique
intérieure. » (p.9-10)
879
« Le traité de Westphalie (1648) avait rattaché l’Alsace à la France mais
maintenu les privilèges de princes allemands sur leurs "possessions" :
archevêque de Trêves, archevêque de Cologne, évêque de Spire, évêque de Bâle,
électeur du Palatinat, landgrave de Hesse Darmstadt, prince de Bade, prince de
Wurtemberg, prince de Lowenstein, prince de Hohenlohe.
L’abolition des droits seigneuriaux le 4 août 1789 leur fait perdre ces
privilèges. En mai 1790, l’Assemblée constituante décide de leur proposer un
dédommagement financier important. Les princes refusent et demandent le
soutien de l’empereur d’Autriche Léopold II qui adresse une vigoureuse
protestation auprès de la France. Le 6 août 1791, la Diète de Francfort prend
position en faveur des princes possessionnés d’Alsace, estime que leur défense
relève de l’intérêt général du du Saint-Empire romain germanique et condamne
fermement la France. Les princes interviennent auprès de l’Autriche et de la
Prusse pour obtenir leur entrée en guerre contre la Révolution. » -Jacques
Serieys, « La Révolution française et la Nation », 20 novembre 2020.
« Pour la première fois, le simple soldat était l’objet d’un culte et non plus
seulement les généraux, les rois ou les princes. » (p.47)
881
assemblées révolutionnaires face aux droits de l’homme et à la souveraineté de
la nation (mai 1789 – juillet 1794), Paris, Éditions des Hautes Études des
sciences sociales, 1999, 583 pages, p.531-532.
https://www.amazon.fr/politique-Terreur-violence-r%C3%A9volutionnaire-
1789-
1794/dp/2070767272/ref=la_B001JOXBF2_1_6?s=books&ie=UTF8&qid=1552
147416&sr=1-6
https://www.amazon.fr/Vend%C3%A9e-g%C3%A9nocide-
m%C3%A9moricide-M%C3%A9canique-
lhumanit%C3%A9/dp/220409580X/ref=pd_sim_14_2?_encoding=UTF8&pd_r
d_i=220409580X&pd_rd_r=bc4cfc6e-71a3-11e8-80b3-
9131ac438cd8&pd_rd_w=lNhJs&pd_rd_wg=quFVc&pf_rd_i=desktop-dp-
sims&pf_rd_m=A1X6FK5RDHNB96&pf_rd_p=8946694021807602816&pf_rd
_r=R9E8RNYAZNSAS95VYBJX&pf_rd_s=desktop-dp-
sims&pf_rd_t=40701&psc=1&refRID=R9E8RNYAZNSAS95VYBJX
https://www.amazon.fr/Femmes-Dans-Guerres-
Vendée/dp/2845612346/ref=sr_1_2?__mk_fr_FR=%C3%85M%C3%85%C5%
BD%C3%95%C3%91&dchild=1&keywords=Des+femmes+dans+la+guerre+de
+Vend%C3%A9e&qid=1593083843&sr=8-2
https://www.amazon.fr/Femmes-oubliées-guerre-Thérèse-
Rouchette/dp/2911253264/ref=sr_1_1?__mk_fr_FR=%C3%85M%C3%85%C5
%BD%C3%95%C3%91&dchild=1&keywords=Femmes+oubli%C3%A9es+de
+la+Guerre+de+Vend%C3%A9e&qid=1593083972&sr=8-1
882
Louis-Michel Lepeletier de Saint-Fargeau (1760-1793): « [Le plan
d’éducation] de Lepeletier de Saint-Fargeau, soutenu par Danton, Saint-Just et
Robespierre et effectivement voté par la Convention montagnarde, qui prévoit
d’enfermer toute la jeunesse française de cinq à douze ans dans des camps de
travail dont on aura banni toute forme d’instruction intellectuelle […], plan
véritablement préfasciste, préfigurant les Jeunesses hiltériennes et autres
organisations communistes de jeunesse. » -Philippe Nemo, "Les Idéologues et le
libéralisme" ", chapitre in Philippe Nemo et Jean Petitot (dir.), Histoire du
libéralisme en Europe, Paris, Quadrige/PUF, 2006, 1427 pages, pp.323-367,
note 1 p.357.
"Il est raisonnable de dire que Saint-Just n'aimait pas la vie. [...] Saint-Just est
par-delà toute mesure. Et ce qui nous révèle son dédain de la vie est chose
étrange et insolite: nous ne voyons pas que Saint-Just se soit jamais attaché à un
être quelconque. [...] Robespierre lui-même ne fut point, comme on le dit,
comme on le croit, l'être aimé de Saint-Just."
-Alexis Philonenko, Essai sur la philosophie de la guerre, Librairie
philosophique J. Vrin, 2003.
883
http://www.amazon.fr/Saint-Just-Bernard-
Vinot/dp/2213013861/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1457952916&sr=1-
1&keywords=Bernard-Vinot-Saint-Just
http://www.amazon.fr/Oeuvres-Louis-Antoine-L%C3%A9on-Saint-
Just/dp/2070422755/ref=pd_sim_14_2?ie=UTF8&dpID=41fsy%2BtKadL&dpS
rc=sims&preST=_AC_UL160_SR96%2C160_&refRID=1MXZR29JQ1BTR8Y
4BZS3
http://www.amazon.fr/Saint-Just-force-choses-Albert-
Ollivier/dp/2070247899/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1457952939&sr=
1-1&keywords=Saint-just-et-la-force-des-choses
http://www.amazon.fr/Echec-au-lib%C3%A9ralisme-Jacobins-
l%C3%89tat/dp/2908212013/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1457953060
&sr=1-1&keywords=Lucien-Jaume-Echec-au-liberalisme-les-Jacobins-et-l-Etat
« La force peut renverser un trône ; la sagesse seule peut fonder une république.
Démêlez les pièges continuels de nos ennemis ; soyez révolutionnaires et
politiques ; soyez terribles aux méchants et secourables aux malheureux ; fuyez
à la fois le cruel modérantisme et l'exagération systématique des faux patriotes :
soyez digne du peuple que vous représentez ; le peuple hait tous les excès ; il ne
veut ni être trompé ni être protégé, il veut qu'on le défende en l'honorant. »
Écoutez la voix de la justice et de la raison : elle nous crie que les jugements
humains ne sont jamais assez certains pour que la société puisse donner la mort
à un homme condamné par d’autres hommes sujets à l’erreur. »
« La vertu, sans laquelle la terreur est funeste ; la terreur, sans laquelle la vertu
est impuissante. La terreur n'est autre chose que la justice prompte, sévère,
885
inflexible ; elle est donc une émanation de la vertu. » -Maximilien Robespierre,
Sur les principes de la moralité politique, 1794.
Tels sont les principes. S’il est impossible de les réclamer sans passer pour un
ambitieux, j’en conclurai que les principes sont proscrits, et que la tyrannie
règne parmi nous, mais non que je doive le taire : car que peut-on objecter à un
homme qui a raison, et qui sait mourir pour son pays ?
Je suis fait pour combattre le crime, non pour le gouverner. Le temps n’est point
arrivé où les hommes de bien peuvent servir impunément la patrie ; les
défenseurs de la liberté ne seront que des proscrits, tant que la horde des
fripons dominera. » -Maximilien Robespierre, Fin de son dernier discours
prononcé à la Convention Nationale, 8 thermidor an II (26 juillet 1794).
886
sous la Révolution. Robespierre s'alarma, frappa et se perdit. [...]
Extraordinaire méprise. Dans ses douze volumes, Louis Blanc prend
Robespierre pour un apôtre et un symbole du socialisme, qu'il frappait et qui le
tua. » -Jules Michelet, Histoire de la Révolution française.
« Soyons juste enfin, et ne craignons plus de le dire : Robespierre est l'un des
plus grands hommes de l'histoire. Ce n'est pas à dire qu'il n'ait eu des fautes,
des erreurs, et par conséquent des crimes à se reprocher ; entraîné sur une
pente rapide, il fut au niveau des malheureuses théories du moment, bien
supérieur à tous les hommes qui les appliquaient. Mais dans quelle carrière
politique orageuse l'histoire nous montrera-t-elle un seul homme pur de quelque
péché mortel contre l'humanité? Sera-ce Richelieu, César, Mahomet, Henri IV,
le maréchal de Saxe, Pierre le Grand, Charlemagne, Frédéric le Grand, etc.,
etc. ? Quel grand ministre, quel grand prince, quel grand capitaine, quel grand
législateur n'a commis des actes qui font frémir la nature et qui révoltent la
conscience? Pourquoi donc Robespierre serait-il le bouc-émissaire de tous les
forfaits qu'engendre ou subit notre malheureuse race dans ses heures de lutte
suprême ! » -George Sand.
« Comme tous ses contemporains, il est également imbu des idées du siècle. Il
connaît Locke. Il a lu Mably. Il admire l’Esprit des lois, et le juridisme de
Montesquieu transparaît souvent dans ses discours. Sa philosophie, on le sait, et
il l’a assez proclamé, tout au long de son existence, est celle de Rousseau, dont
tous les thèmes sont présents chez lui, de la critique sociale, à la souveraineté
populaire et à l’Être suprême. Peut-on, pour autant, parler d’un « corpus », qui
serait sa base arrière et l’armerait dans toutes les situations ? Il ne semble pas
et toute explication de la pratique politique de Robespierre, à partir de ses
supposés principes, apparaît insuffisante, séduisante, mais facile, et, de surcroît,
contradictoire avec l’inouï de la situation. »
« Suivant Robespierre et ses amis, les pauvres étant demeurés plus près de la
nature, la vertu leur est plus facile qu'aux riches ; cette métaphysique singulière
888
se retrouve encore souvent dans des livres contemporains. » -Georges Sorel, La
Décomposition du marxisme, 1re éd. Paris, Librairie de Pages libres, 1908.
https://www.amazon.fr/Robespierre-Jean-Cl%C3%A9ment-
MARTIN/dp/2262074488/ref=pd_cp_14_1?_encoding=UTF8&psc=1&refRID=
7Q7PHT5MZ86E2SZSA0BW
http://www.utovie.com/catalog/histoire/robespierrepolitiqueetmystique-p-
225.html
889
Leonarduzzi/dp/B005TTIATA/ref=sr_1_6?s=books&ie=UTF8&qid=144853407
8&sr=1-6&keywords=Marc-Antoine+Jullien
http://www.amazon.fr/Marc-Antoine-Jullien-Paris-1775-1848-
Theoriser/dp/2747550338/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1448534078&s
r=1-1&keywords=Marc-Antoine+Jullien
http://hydra.forumactif.org/t591-antoine-blanc-de-saint-bonnet
890
« Il n'y a point d'homme dans le monde. J'ai vu dans ma vie des Français, des
Italiens, des Russes; je sais même, grâce à Montesquieu, qu'on peut être Persan;
mais quant à l'homme je déclare ne l'avoir rencontré de ma vie; s'il existe c'est
bien à mon insu. » -Joseph de Maistre, Considérations sur la France (1796).
« Le despotisme, pour telle est nation, est aussi naturelle, aussi légitime que la
démocratie pour telle autre. » -Joseph de Maistre, De la souveraineté du peuple.
Un anti-contrat social, 1794, rééd. PUF, 1992, p.109.
« Toute autorité, mais surtout celle de l’Église, doit s’opposer aux nouveautés,
sans se laisser effrayer par le danger de retarder la découverte de quelques
vérités, inconvénient passager et tout à fait nul, comparé à celui d’ébranler les
institutions et les opinions reçues. » -Joseph de Maistre, Examen de la
philosophie de Bacon.
891
« Joseph de Maistre, qu'il a beaucoup lu. » -Jean Leca, Carl Schmitt, le meilleur
ennemi du libéralisme, Colloque Les discours du politique, 14/11/2001.
« Comme le disait Isaiah Berlin, Maistre est au-delà même des plus grandes
violences, les plus grandes frénésies de Sade et de Saint-Just. » -Jean Leca, "Le
politique comme fondation", Espaces Temps, les Cahiers, Année 2001 76-77 pp.
27-36, p.34.
« Maistre, qui n'a pas une connaissance directe de Herder, montre comment
Condorcet, pour lui le plus odieux des révolutionnaires et le plus fougueux
ennemi du christianisme en même temps qu'ami de la Réforme, savait bien ce
qu'il disait quand il s'émerveillait devant la mise en œuvre du principe de libre
examen : rien ne pouvait résister à cet appel à la raison individuelle. Le
protestantisme a fourni le principe, les hommes des Lumières se sont chargés
des conséquences. [...] Un siècle après Maistre, Maurras reprendra les mêmes
arguments, quasi inchangés. » -Zeev Sternhell, Les anti-Lumières. Une tradition
du XVIIIème siècle à la guerre froide. Saint-Amand, Gallimard, coll. Folio
histoire, 2010, 945 pages, 362.
893
« Le monde du romantisme allemand […] un état de détachement ironique en
même temps que de mécontentement violent, mélancolique et exalté, morcelé,
désespéré et pourtant source de toute vraie pénétration et inspiration, en même
temps destructeur et créateur. » (p.101)
Il suscite les réactions les plus tranchées : pratiquement aucun de ses critiques
ne parvient à cacher ses sentiments. Il est représenté par les conservateurs
comme le paladin, brave mais condamné, d’une cause perdue, par les
démocrates comme une survivance insensée ou odieuse d’une ancienne
génération dépourvue de cœur. Les deux camps s’accordent à dire que son
heure est passée, que son monde n’a rien à voir avec aucune réalité actuelle ou
future. » (p.103)
« Ses idées […] étaient plus audacieuses, plus intéressantes, plus originales,
plus violentes, et, en vérité, plus inquiétantes que tout ce dont pouvait rêver
Bonald dans le carcan de son légitimisme étroit. […] Pour ses contemporains,
peut-être pour lui-même, il semblait observer calmement le passé classique et
féodal, mais ce qu’il perçut encore plus distinctement s’avéra une vision de
l’avenir à vous glacer les sangs. Là résident son intérêt et son importance. »
(p.109)
« Sa famille venait de Nice, et toute sa vie il eut pour la France une admiration
telle qu’on la trouve parfois chez ceux qui vivent dans les provinces
périphériques, ou au-delà de la frontière, d’un pays duquel ils sont attachés par
des liens de sang ou de sentiment et dont leur vie durant ils chérissent une vision
romancée. » (p.110)
895
capitales pour apporter un dernier réconfort aux victimes. Sans doute est-ce là
qu’il faut chercher la raison de son obsession de l’échafaud. » (p.110)
« Son monde avait été ébranlé par les forces sataniques de la raison athée : il ne
pouvait le reconstruire qu’en coupant toutes les têtes aux masques multiples de
l’hydre de la révolution. Deux mondes s’affrontaient en un combat à mort. Il
avait choisi son camp et n’entendait pas faire de quartier. » (p.112)
« Maistre niait le moindre sens à des abstractions telles que la nature et le droit
naturel. » (p.115)
« Sans relâche il insiste sur le fait que la souffrance seule peut garder les
hommes de la chute dans l’abîme sans fond de l’anarchie et de la destruction de
toute valeur. D’un côté l’ignorance, l’entêtement, l’idiotie –voilà les concepts
qui hantent le sombre monde de Maistre. Le peuple –la masse de l’humanité- est
un enfant, un fou, un propriétaire toujours absent, qui plus que tout a besoin
896
d’un gardien, d’un mentor fidèle, d’un directeur spirituel pour contrôler aussi
bien sa vie privée que l’usage de ses biens. Rien qui vaille ne peut être accompli
par des hommes qui sont incurablement corrompus et débiles, à moins qu’ils ne
soient protégés de la tentation de dissiper leur force et leur richesse en des buts
futiles, à moins qu’ils ne soient tenus d’exécuter la tâche qui leur a été attribué
par la vigilance perpétuelle de leurs gardiens. [….]
Ce n’est pas sans raison que Maistre pensait voir, au départ de chaque voie
véritable vers la connaissance et le salut, la haute figure de Platon qui lui
montrait le chemin. Il comptait sur la Compagnie de Jésus pour jouer le rôle
d’élite des Gardiens platoniciens et sauver les Etats européens des fatales
aberrations à la mode de son temps. » (p.121)
« [Pour Maistre] les hommes ne peuvent être sauvés qu’en étant cloués par la
terreur du pouvoir. » (p.122)
« Aux protestants et aux jansénistes, il ajoute à présent les déistes et les athées,
les francs-maçons et les juifs, les scientistes et les démocrates, les jacobins, les
libéraux, les utilitaristes, les anticléricaux, les égalitaristes, les perfectionnistes,
les matérialistes, les idéalistes, les juristes, les journalistes, les réformistes et les
intellectuels de tout poil ; tous ceux qui font appel à ces principes abstraits, qui
se fient à la raison individuelle ou à la conscience individuelle ; ceux qui croient
en la liberté individuelle ou l’organisation rationnelle de la société, les
réformateurs et les révolutionnaires : ceux-là sont l’ennemi de l’ordre établi et
doivent être extirpés à tout prix. C’est « la secte », et elle ne dort jamais, sans
répit elle creuse de l’intérieur. » (p.123)
« Il faut attendre la fin du XIXe siècle pour retrouver une aussi forte insistance
sur des buts irrationnels, une conduite romantique dégagée de l’intérêt ou du
plaisir, des actes mus par la passion du sacrifice et de l’autodestruction. […]
L’action humaine n’est selon lui justifiée que lorsqu’elle découle de cette
tendance chez les êtres humains qui n’est ni tournée vers le bonheur ni vers le
confort, ni vers des schémas de vie clairs et logiquement cohérents, ni vers
l’auto-affirmation et la mise en valeur de soi-même, mais vers la réalisation
d’un insondable dessein divin que les hommes ne peuvent ni ne doivent tenter de
sonder –et qu’ils nient à leur propre péril. Cela peut souvent conduire à des
actes impliquant la souffrance et le massacre, ce qui dans les termes des règles
de la morale petite-bourgeoise sensée et normale peut bien passer pour
897
arrogant et injuste, mais découle néanmoins du centre obscur et rebelle à
l’analyse de toute autorité. » (p.127)
« L’anarchie ne peut être arrêtée que par quelque chose contre quoi il n’y a pas
d’appel. […] Aristote a parfaitement raison : certains hommes sont esclaves par
nature. » (p.128)
« Il fait peu de doute que Maistre a été dans une certaine mesure influencé par
les idées de Burke. » (p.130)
« La foi n’est véritablement la foi que lorsqu’elle est aveugle ; dès lors qu’elle
cherche des justifications, elle est ruinée. Tout ce qui dans l’univers est fort,
permanent et efficace, se situe au-delà et, en un certain sens, à l’encontre de la
raison. La monarchie héréditaire, la guerre, le mariage durent précisément
parce qu’ils ne peuvent être défendus et ne peuvent donc être réfutés. » (p.132)
« Pour les libéraux Maistre représente la plus riche floraison de tout ce à quoi
ils existent pour s’opposer. » (p.136)
http://hydra.forumactif.org/t2679-e-m-cioran-joseph-de-maistre#3432
http://hydra.forumactif.org/t1148-joseph-marie-comte-de-maistre-oeuvres#1782
http://hydra.forumactif.org/t893-philippe-barthelet-joseph-de-maistre
http://hydra.forumactif.org/t996-jean-yves-pranchere-l-autorite-contre-les-
lumieres-la-philosophie-de-joseph-de-maistre#1618
899
« Pour Bonald, la liberté politique n'existe pas. Il n'existe qu'une liberté,
métaphysique, celle de faire le bien, et l'homme ne peut le faire que sous
l'impulsion extérieure de la société. Dès lors, l'individu n'est plus rien:
"L'homme n'existe que pour la société et la société ne le forme que pour elle".
On décèle chez Bonald une confusion entre la nature sociale de l'homme et le
fait que cette sociabilité épuise tout son être. A ce titre, Bonald est en total
désaccord avec la pensée traditionnelle, pour laquelle la fin de l'homme est la
vertu, ou la contemplation de Dieu, s'inscrivant dans une destinée singulière,
propre à chaque être. Réagissant fortement face au postulat individualiste,
Bonald pèche par excès inverse. La société ne saurait former l'homme pour elle,
sans que l'homme fût réduit au rang de moyen. [...] Nous sommes confrontés ici
à un jacobinisme blanc tout à fait inédit. La société est pour Bonald, comme
pour Rousseau, un être animé par une volonté qu'il appelle aussi "volonté
générale". [...] Pire encore, Bonald divinise la société en la comparant à
Dieu. » -François Huguenin, L'Action française. Une histoire intellectuelle,
Perrin, coll. Tempus, 2011 (1998 pour la première édition), 686 pages, p.101.
http://hydra.forumactif.org/t590-oeuvres-completes-de-m-de-bonald
« Nous chérissons nos préjugés parce que ce sont des préjugés. C’est que nous
craignons d’exposer l’homme à vivre et à commercer avec ses semblables en ne
disposant que de son propre fonds de raison, et cela parce que nous
soupçonnons qu’en chacun ce fonds est petit, et que les hommes feraient mieux
d’avoir recours, pour les guider, à la banque générale et au capital constitué
des nations et des siècles. » (p.310)
900
« Burke, avant encore Maistre, lequel sous plusieurs aspects tire son inspiration
du politique et philosophe irlandais, est également un conservateur, partisan de
la monarchie héréditaire et convaincu du rôle de l’aristocratie. » - Stefania
Santalucia, Le jusnaturalisme dans l’idéologie contre-révolutionnaire de E.
Burke, J. de Maistre et L. A. de Bonald, p.9.
"Burke ne nie pas que dans certaines conditions le peuple puisse changer l'ordre
établi. Mais il ne reconnaît ce droit qu'en dernière extrémité. La santé de la
société requiert que la souveraineté dernière du peuple soit presque toujours en
sommeil. Il s'oppose aux théoriciens de la Révolution française parce qu'ils
transforment "un cas de nécessité en une règle de loi" ou parce qu'ils
considèrent valable en temps normal ce qui ne l'est que dans des cas extrêmes."
(p.259)
« O’Neill démontre qu’il [Burke] était non seulement conservateur jusqu’à l’os,
n’ayant combattu pour des causes aimées des libéraux que par des raisons de
conservateur, mais il lève tout doute sur l’impérialisme sans fards de Burke. En
901
fait, lorsqu’on lit les abondantes citations de l’auteur qu’il offre, en des textes
où Burke dit sous toutes les formes et dans tous les tons imaginables qu’il est
partisan de la suprématie impériale de l’Angleterre, qu’il révère l’aristocratie et
les possédants et méprise le peuple et la démocratie, on se demande par quelle
opération chirurgicale des gens intelligents et bardés de diplômes ont pu se
rendre aveugles et sourds à ce point. »
« L’une des thèses les plus fameuses de Burke qui le font considérer comme un
penseur conservateur, c’est celle de la « prescription ». Burke avance que tous
les grands établissements politiques et sociaux reposent historiquement sur des
usurpations et des spoliations, mais qu’à moins de continuellement remettre
toutes choses en question, il convient de jeter un voile pudique sur ces origines
inavouables puisque la durée des siècles apporte la légitimité du temps et de
l’oubli – il y a prescription. Cette idée semble bien propre à protéger les
prérogatives des puissants, mais elle paraît aussi raisonnable. Les droits de la
noblesse anglaise remontent pour beaucoup à la conquête normande qui
occasionna l’expropriation massive de l’élite anglo-saxonne au profit des
compagnons de Guillaume. Mais cela s’était passé en 1066, et il faut laisser les
morts enterrer les morts. Le problème, cependant, c’est l’étrange élasticité du
délai de prescription, car Burke applique la même logique à la conquête de
l’Inde par les Anglais qui se produisit alors qu’il était un homme adulte, et de
laquelle il parle lui-même avec un étonnement orgueilleux comme de quelque
chose qu’un Anglais des années 1720 n’aurait même pas pu concevoir dans ses
plus folles imaginations. En somme, la nécessité de défendre l’empire des Indes
l’amène à vider de son sens l’un des thèmes principiels de sa « pensée » : ce
sont de telles inconséquences qui font qu’on ne peut considérer Burke comme un
philosophe. »
« Ne méritent d’être libres à ses yeux que les membres des sociétés civilisées, à
l’intérieur desquelles la liberté des gens du peuple est heureusement modérée et
disciplinée par le sens du sublime et du beau, tandis que les gens de l’élite – les
seuls de qui Burke se soucie réellement – peuvent jouir de la liberté plénière
donnée par la richesse et le pouvoir. Bien entendu, Burke n’est pas un chantre
de la ploutocratie : seulement, à ses yeux, les riches et les puissants stabilisent
la société, et s’ils sont détruits, le monde descendrait dans la barbarie et la
sauvagerie. C’est cette vision des choses qui lui permet de mettre sur le même
plan les Africains, les Amérindiens et les révolutionnaires français. Pour en
revenir aux esclaves africains, étant des sauvages, ils ne méritent pas d’être
902
libres, puisque la liberté des sauvages ne reconnaît nulle limite et nulle
modération : ils doivent donc être soumis à un processus civilisateur, sous la
tutelle de leurs maîtres. »
« De même que des auteurs indiens comme Mehta ont pris l’ornementalisme de
Burke pour de l’anti-impérialisme, les patriotes américains des années 1770 ont
cru que Burke était de leur côté lorsqu’il attaqua la politique coloniale de Lord
North et de George III – alors que l’obsession de Burke n’était pas de dépouiller
l’Angleterre de ses colonies américaines, mais de les sauver en sacrifiant le
droit – i.e., le droit absolu, à ses yeux, de l’Angleterre de légiférer et de taxer les
colons sans demander leur consentement, en sa qualité de puissance tutélaire de
l’Empire britannique – au nom de la prudence politique, qui recommandait
plutôt, à son avis, une alliance ornementale entre Londres et les élites
coloniales. A cet égard, rien ne parut plus déplorable à Burke que le fait que le
gouvernement anglais se soit permis de se servir, dans la guerre contre les
colons rebelles, de l’alliance avec des tribus amérindiennes (à ses yeux,
d’ailleurs, il s’agissait là moins de tribus que de bandes de brigands sans foi ni
loi) tout en recrutant des Noirs dans les troupes de Sa Majesté. Lorsqu’à la suite
de la Révolution française, les Noirs de Saint-Domingue (Haïti) se soulevèrent
contre leurs maîtres blancs, Burke vit là un résultat aussi bien de la folie
jacobine que de l’erreur fatale d’avoir utilisé des Africains pour combattre les
colons d’Amérique, portant ainsi atteinte à la révérence civilisatrice que de tels
sauvages devaient éprouver à l’égard d’Européens civilisés. Il conseilla, bien
entendu, au gouvernement anglais de voler au secours des esclavagistes
français de Saint-Domingue – ce qui fut fait, sans succès. »
(cf: http://hydra.forumactif.org/t3516-les-manes-de-burke#4351 )
https://www.amazon.fr/R%C3%A9flexions-sur-R%C3%A9volution-en-
France/dp/2251445935/ref=pd_sim_14_24?_encoding=UTF8&psc=1&refRID=
7184WK1MK9NV2MTJPB7Y
903
Revolution Society, lors du banquet annuel de l’association commémorant la
glorieuse révolution de 1688. Price avait développé l’idée que le soutien à la
révolution française n’était pas en contradiction avec le patriotisme anglais ;
qu’il fallait défendre les libertés publiques en Angleterre, non parce qu’elles
étaient anglaises mais parce qu’elles correspondaient au principe universel des
droits de l’homme. » -François Huguenin, Histoire intellectuelles des droites. Le
conservatisme impossible, Perrin, coll. Tempus, 2013 (2006 pour la première
édition), 496 pages, p.88.
http://hydra.forumactif.org/t551-augustin-barruel-memoires-pour-servir-a-l-
histoire-du-jacobinisme
« Dans l'état naturel, tous les hommes sont égaux. Il n'est personne qui ne
convienne de cette vérité. Pour justifier l'extrême inégalité des fortunes dans
l'état de la société, on a dit cependant que, même dans l'état sauvage, tous les
individus ne jouissaient pas rigoureusement d'une égalité absolue, parce que la
nature n'avait point départi à chacun d'eux les mêmes degrés de sensibilité,
d'intelligence, d'imagination, d'industrie, d'activité et de force ; point par
conséquent les mêmes moyens de travailler à leur bonheur, et d'acquérir les
biens qui les procurent. Mais si le pacte social était véritablement fondé sur la
raison, ne devrait-il point tendre à faire disparaître ce que les lois naturelles ont
de défectueux et d'injuste ? » -Gracchus Babeuf, Cadastre perpétuel, 1789.
« Il est bien temps de revenir des préjugés fanatiques qui pendant si longtemps
ont donné lieu à rendre ce peuple pacifique [les Juifs] la victime malheureuse
904
des persécutions de toutes les sectes.» -Babeuf, Correspondance de Londres,
1789.
"Chez deux d'entre eux au moins, Maréchal et Babeuf, on les voit apparaître
avant l'ouverture des Etats-généraux. [...]
L'Almanach des honnêtes gens contient les noms de Campanella, de Rousseau et
de Morus." (p.440)
905
Rousseau, Mably et le pseudo-Diderot agissaient fortement sur son esprit."
(p.442)
"Il fallait l'apparition d'un ordre de choses qui n'existait pas encore au XVIIIe
siècle. Le vrai socialisme ne pouvait naître qu'avec la grande industrie et après
la Révolution française. C'est la réalité, non l'érudition ou la spéculation, qui
suscite les mouvements de réforme." (p.458)
En Picardie, un homme qui n'a pas encore trente ans et qui est déjà gagné à
l'idée communiste a cherché à rallier les assemblées électorales des Etats
généraux à ses convictions démocratiques. Spécialiste du droit féodal, ses
chicanes avec les familles nobles l'ont conduit au bord de la faillite. Il s'appelle
François-Noël-Babeuf ; par la suite, il se baptisera Camille, puis Gracchus.
Dans la foule des parisiens qui se ruent à l'assaut de la Bastille, à la fois prison
et symbole exécré de l'Ancien Régime, un étudiant en droit originaire du Pas-de-
Calais. Il s'appelle Augustin Darthé, il a vingt ans. Il sera blessé dans l'émeute
et obtiendra le titre envié de "Vainqueur de la Bastille".
L'auteur de cette chanson est un poète bègue et timide qui rêve d'un idéal
campagnard communiste. Il a pour nom Sylvain Maréchal.
907
Sur un autre continent, au même moment, en Amérique du Nord, vit un jeune
homme, Robert François Debon. Après avoir vécu en Normandie, il a quitté la
France pour l'Angleterre puis pour Saint-Domingue, avec en tête l'idée de partir
à la recherche de "l'homme de la Nature". Il remonte le Mississipi à la
rencontre des Indiens, chez qui il séjournera et dont il gardera le meilleur
souvenir.
Sept ans plus tard, et au nom de cette Révolution, Babeuf et Darthé seront
guillotinés, Buonarroti condamné à la déportation, Antonelle jeté sur le banc
des accusés, Debon et S. Maréchal proscrits.
Lepeletier inscrit sur la liste des émigrés, lui, le pur révolutionnaire, aussi pur
que ses amis !
En 1796, ces hommes -et c'était là leur seul crime- avaient dirigé en plein reflux
de la Révolution la première tentative communiste, la Conjuration pour
l'Égalité, ce qui est à la fois le "spasme suprême" (J. Jaurès) de la Révolution et
aussi, le début d'une autre épopée humaine, non achevée à ce jour: la lutte pour
l'Égalité. » (pp.7-9)
http://www.amazon.fr/vertu-Pr%C3%A9c%C3%A9d%C3%A9-dune-notice-
%C3%A9crivain/dp/1421200473/ref=sr_1_38?ie=UTF8&qid=1449318185&sr=
8-38&keywords=Sylvain+Mar%C3%A9chal
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k835717.r
908
hommes chargés de la diriger […] des citoyens sages et courageux qui,
fortement épris d’amour pour la patrie et pour l’humanité, ayant longtemps
sondés les causes des mots publics, se sont affranchis des préjugés et des vices
communs, ont devancé les lumières de leurs contemporains, et méprisant l’or et
les grandeurs vulgaires, ont placé leur bonheur à se rendre immortels en
assurant le triomphe de l’égalité. » -Philippe Buonarroti, robespierriste français.
« C’est le seul vœu du Peuple qui doit approuver ou non les lois faites pour le
captiver ; il faut donc [dans les assemblées populaires] qu’il s’y trouve en
masse, sans élection. » -Le Marquis de Sade, Idée sur le mode de la sanction des
lois (1792).
« Ce n’est qu’en étendant la sphère de ses goûts et de ses fantaisies, que ce n’est
qu’en sacrifiant tout à la volupté, que le malheureux individu connu sous le nom
d’homme, et jeté malgré lui sur ce triste univers, peut réussir à semer quelques
roses sur les épines de la vie. » -Donatien Alphonse François de Sade, La
Philosophie dans le boudoir, Tome I, 1795.
"Je viens offrir de grandes idées : on les écoutera, elles seront réfléchies ; si
toutes ne plaisent pas, au moins en restera-t-il quelques-unes ; j'aurai contribué
en quelque chose au progrès des lumières, et j'en serai content." (p.76)
« Adoptez pour base de votre conduite et pour règle de vos mœurs ce qui vous
paraîtra de plus analogue à vos goûts, sans vous inquiéter si cela s’accorde ou
non à nos coutumes, parce qu’il serait injuste que vous vous punissiez, par la
privation de cette chose, de ne pas être née dans le pays où elle se permet.
N’écoutez que ce qui vous flatte ou vous délecte le plus : c’est cela seul qui vous
convient le mieux. Que les modes de vice et de vertu soient nuls à vos regards ;
ces mots n’ont aucune signification réelle, ils sont arbitraires et ne donnent que
des idées purement locales. Encore une fois, croyez que l’infamie se change
bientôt en volupté. Je me souviens d’avoir lu quelque part, dans Tacite, je pense,
que l’infamie était le dernier des plaisirs pour ceux qui se sont blasés sur tous
les autres par l’excès qu’ils en ont fait, plaisir bien dangereux, sans doute,
puisqu’il faut trouver une jouissance, et une jouissance bien vive, à cette espèce
d’abandon de soi-même, à cette sorte de dégradation de sentiments d’où
naissent à la fois tous les vices… » -Donatien Alphonse François de Sade,
Histoire de Juliette, ou les Prospérités du vice, 1797.
910
« Je considère que l’oeuvre littéraire-philosophique du Marquis de Sade (1740-
1814) a été essentiellement soutenu par des thèses conçus par J. O. de La
Mettrie (1709-1751) et E. Condillac (1715-1780). Plus encore, que Sade produit
une sorte de mélange des deux matérialistes du XVIIIe siècle, desquelles, comme
nous le verrons, il diffère aussi. » (p.56-57)
« S’il existe, pour Sade, une loi qui justifie l’action de la raison, c’est celle qui
ordonne la réponse rapide et sans limite à toute inclination sensible. Toutes les
facultés intellectuelles doivent être organisées ensemble, car selon lui, la raison
n’a été créée qu’à cet effet, c’est ce qui justifie son existence.
911
il ôte à la raison toute possibilité d’autocratie, contrairement à ce qui existe un
peu chez La Mettrie et Condillac, et de manière exacerbée chez Kant. Par
conséquent, la raison, en tant que produit de cette sensibilité, oriente la
satisfaction de toute inclination dans toute son intensité, et pratique même le
mal quand il représente le bien de la sensibilité. C’est ainsi le concept
équivalent au « mal radical » de Kant, c’est-à-dire quand la sensibilité guide la
vie de l´homme. » (p.69)
« Les choix opérés par Sade sont bien plus importants pour nous qu’ils ne
l’étaient pour le XIXème siècle. » -Michel Foucault, « Folie, littérature, société »
(décembre 1970), in Dits et écrits, t. I, Gallimard, « Quarto », 2001, p.975.
« Sade ne voit dans la démarche dictée par l'intérêt bien compris qu'un marché
de dupes -c'est du moins ce qu'il prétend redouter- mais surtout Sade,
contrairement à d'Holbach, ne croit pas que les passions puissent être orientées,
dirigées vers la vertu ; il en résulte un divorce entre nature et société, et Sade l'a
bien compris [...] Une telle théorie, diamétralement opposée aux conceptions de
912
d'Holbach, conduit au nihilisme moral que Sade ne se cache pas de professer. »
-Jacques Domenech, L'éthique des Lumières: les fondements de la morale dans
la philosophie française du XVIIIème siècle, Paris, Librairie philosophique J.
Vrin, 1989, 271 pages, p.49.
https://www.amazon.fr/Sade-Oeuvres-1-
Marquis/dp/2070111903/ref=pd_sim_14_10?ie=UTF8&dpID=31hDxS2tE8L&d
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https://www.amazon.fr/Sade-Oeuvres-2-
Marquis/dp/2070113515/ref=pd_sim_14_1?ie=UTF8&dpID=31MAqnYqAkL&
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https://www.amazon.fr/Sade-Oeuvres-3-
Marquis/dp/2070113523/ref=pd_sim_14_2?ie=UTF8&dpID=41HSE300KHL&
dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR124%2C160_&psc=1&refRID=81DMSZ
VXEZNBEM1PG42E
http://www.amazon.fr/Lordre-sadien-narration-dans-
philosophie/dp/2841740684/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1444682672
&sr=1-1&keywords=L%27Ordre+sadien
913
« La période postrévolutionnaire est marquée à la fois par une condamnation de
l’anticléricalisme, pour les besoins de l’ordre, et par une politique de promotion
de la science. Une hypocrisie teinte cette nouvelle ère : l’idéal philosophique
d’une Raison maîtresse d’elle-même est, sinon étouffé, du moins passé sous
silence, tandis que les perspectives concrètes de cette même Raison sont mises
en avant. Une vision purement utilitariste de la connaissance triomphe. Le
conservatisme intellectuel est donc d’abord philosophique. Le courant
matérialiste en est le premier affecté. Il disparaît en même temps que les idéaux
des Lumières. » -Pascal Charbonnat, Histoire des philosophies matérialistes,
Paris, Éditions Kimé, 2103, 706 pages, p.290-291.
915
causes profondes tiennent au système de protection économique suivi par le
Directoire, avec ses mesures vexatoires à l'égard des neutres. » -Ulane Bonnel,
La France, les États-Unis et la guerre de course (1797–1815), Paris, Nouvelles
Éditions Latines, 1961, 495 pages, p.3.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Insurrection_royaliste_du_13_vend%C3%A9miaire
_an_IV
https://www.amazon.fr/R%C3%A9publique-bourgeoise-Thermidor-Brumaire-
1794-
1799/dp/2020676338/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1488316228&sr=1-
1&keywords=La+R%C3%A9publique+bourgeoise
https://www.amazon.fr/R%C3%A9action-thermidorienne-Albert-
Mathiez/dp/2358720127/ref=pd_sim_14_7?_encoding=UTF8&psc=1&refRID=
90B65NN68XVM6GYD50XF
https://www.amazon.fr/Comment-sortir-Terreur-Thermidor-
R%C3%A9volution-
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Thermidor+et+la+R%C3%A9volution
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"Si l’on en croit l’étymologie, le terme fantasy met l’accent sur la production
mentale alors que son acception française s’intéresse plutôt à l’émotion qu’il
suscite."
"Il faut cependant garder à l’esprit que le terme fantasy n’était pas usuel à
l’époque victorienne qui lui préférait l’expression fairy tales."
918
libertines dans cette veine, conservées en des endroits discrets des appartements
royaux.
919
"En puisant dans le mythe arthurien, le merveilleux anglais construit des
fictions de repli, par une a-chronicité lui permettant de conserver un semblant
de permanence dans un monde en mutation. Ronde de fées et fictions cycliques
sont autant de subterfuges qui enracinent l’Angleterre pré-industrielle dans un
éternel monde rural idéalisé."
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920
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921
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s=english-books&sr=1-195
https://www.amazon.fr/Scottish-Irish-Romanticism-Murray-
Pittock/dp/0199692203/ref=tmm_pap_swatch_0?_encoding=UTF8&qid=15916
49400&sr=1-83
https://www.amazon.fr/Fracture-Fragmentation-British-Romanticism-
Alexander/dp/1107411777/ref=tmm_pap_swatch_0?_encoding=UTF8&qid=15
91650576&sr=1-178
https://www.amazon.fr/Poetics-Decline-British-
Romanticism/dp/1108413684/ref=tmm_pap_swatch_0?_encoding=UTF8&qid=
1591651737&sr=1-235
https://www.amazon.fr/Arbitrary-Power-Romanticism-Language-
Politics/dp/0691168008/ref=tmm_pap_swatch_0?_encoding=UTF8&qid=15916
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https://www.amazon.fr/British-Romanticism-Critique-Political-
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922
BD%C3%95%C3%91&dchild=1&keywords=romanticism&qid=1591655531&
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https://www.amazon.fr/Decadent-Romanticism-1780-1914-Kostas-
Boyiopoulos/dp/0367880059/ref=tmm_pap_swatch_0?_encoding=UTF8&qid=1
591652149&sr=1-320
https://www.amazon.fr/What-Victorians-Made-Romanticism-
Artifacts/dp/0691202923/ref=tmm_pap_swatch_0?_encoding=UTF8&qid=1
591651686&sr=1-211
https://www.amazon.fr/Treasury-Fantastic-Romanticism-Twentieth-
Literature/dp/1616960965/ref=sr_1_373?__mk_fr_FR=%C3%85M%C3%85%
C5%BD%C3%95%C3%91&dchild=1&keywords=romanticism&qid=15916531
73&s=english-books&sr=1-373
Percy Bysshe Shelley (1792-1822) : « Shelley, lui aussi, est soulevé d'espoir
dans le destin de l'homme. Déçu par une Eglise et par une Révolution qui ont
menti à leurs promesses, il garde sa foi en un futur âge d'or, qui sera le règne de
Prométhée. » -Jacqueline Duchemin, "Le mythe de Prométhée à travers les
923
âges", Bulletin de l'Association Guillaume Budé, Année 1952, 3, pp. 39-72,
p.71.
https://www.amazon.fr/Shelley-Revolutionary-Sublime-Cian-
Duffy/dp/0521111838/ref=tmm_pap_swatch_0?_encoding=UTF8&qid=159165
0333&sr=1-164
https://www.amazon.fr/Poetry-Politics-Cockney-School-
Shelley/dp/0521631009/ref=sr_1_175?__mk_fr_FR=%C3%85M%C3%85%C5
%BD%C3%95%C3%91&dchild=1&keywords=romanticism&qid=1591650576
&s=english-books&sr=1-175
http://hydra.forumactif.org/t4180-william-godwin-enquiry-concerning-political-
justice-and-its-influence-on-morals-and-happiness#5044
924
Mary Wollstonecraft (1759-1797) : « Mary Wollstonecraft nait le 27 avril
1759 à Londres. Comme Mary Astell, elle est issue d’une famille de la classe
moyenne supérieure qui s’est considérablement appauvrie au fil du temps. Son
père, Edward John Wollstonecraft, est un homme violent qui bat fréquemment
sa femme dans des accès de colère alcoolisés. Dans son enfance, elle s’interpose
souvent pour tenter d’éviter ces agressions. Petit à petit, il dilapide l’argent de
la famille, l’obligeant à déménager plusieurs fois.
Tôt dans sa vie, elle se lie d’amitié avec Jane Arden Gardiner. Les deux femmes
lisent ensemble les livres de la toute nouvelle époque des Lumières et assistent
souvent à des conférences de John Arden, le père de Jane, un érudit en
philosophie naturelle et l’un de ses premiers professeurs.
Malheureuse dans son foyer, elle décide de partir. De la fin des années 1770 au
début des années 1780, elle occupe différents emplois en Angleterre et en
Irlande, notamment comme gouvernante, couturière et enseignante.
À la fin des années 1780, elle se lance dans une carrière d’écrivain, ce qui était
considéré comme un choix extrême pour une femme à cette époque.
En 1787, elle écrit son premier livre, Pensées sur l’éducation des filles, une
sorte de prémice de nos livres de développement personnel. Elle y propose des
conseils sur l’éducation féminine avec des passages sur la morale, l’étiquette et
des fondamentaux de l’éducation des enfants.
En 1788, elle travaille comme traductrice pour l’éditeur Joseph Johnson, qui
publiera plusieurs de ses premières œuvres. Elle se passionne pour la
Révolution française. La publication par le philosophe anglais Edmund Burke
d’un livre intitulé Réflexions sur la Révolution de France qui en contestait les
principes, l’incite à réagir.
En 1790, elle publie A Vindication of the Rights of Men, dans lequel elle
critique le despotisme de l’Ancien Régime français, salue la réforme
révolutionnaire et affirme que les droits naturels de l’humanité doivent être
protégés par un État. Elle y critique aussi la nature arbitraire du pouvoir de
l’État.
925
En 1792, paraît son œuvre la plus connue, A Vindication of the Rights of
Woman. Elle y développe le travail de Mary Astell en soutenant que le système
éducatif rend les femmes frivoles et incapables. Elle observe qu’il n’y a aucune
différence d’ordre mental entre les hommes et les femmes. Selon elle, si on
offrait ) ces dernières les mêmes possibilités d’éducation qu’aux hommes, elles
seraient capables d’exercer de nombreux métiers et de s’élever socialement.
Pour elle, « liberté est mère de vertu ». Inversement, si les femmes étaient tenues
« de par leur constitution même, en esclavage, interdites de respirer l’air frais
et revigorant de la liberté, elles devraient se flétrir à jamais telles des fleurs
exotiques et être considérées comme de beaux ratés de la nature ».
Le cœur brisé après une rupture amoureuse, elle tente deux fois de se suicider.
De retour en Angleterre, elle s’implique activement au sein d’un groupe très
soudé d’intellectuels radicaux comprenant William Godwin, Thomas Paine,
William Blake et William Wordsworth.
926
Joanna Southcott : http://www.amazon.fr/Woman-Deliver-Her-People-
Millenarianism-
ebook/dp/B00KALM5XY/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1459606210&sr=8-
1&keywords=Joanna+Southcott
“By the industrial revolution, I mean the gradual use of machines, the
employment of men and women in factories, the change in this country from a
population mainly of agricultural labourers to a population mainly engaged in
making things in factories and distributing them when they were made.” -
Charles Percy Snow, The Two Cultures, 1959, p.29.
927
"In the nineteenth century, there was suddenly an amazing flowering of human
talent.
The two other brief periods similar in quality were ancient Greece and the
Renaissance. In both cases, men were relatively free and therefore could
exercise their talents openly and independently ; most didn't have to beg for
royal sustenance or risk being imprisoned or exiled or executed for their ideas."
(p.32)
"The industrial revolution completed the task of the Renaissance [...] For the
first time in history, men gained control over physical nature and threw off the
control of men over men -that is: men discovered science and political freedom."
-Ayn Rand, For the new intellectual, Signet, 1963 (1961 pour la première
édition américaine), 216 pages, p.20.
928
« En 1815, quand le Congrès de Vienne fut organisé pour faire triompher
l'ordre, il y avait cinq grandes puissances: l'Autriche ; la Prusse, nouvelle
puissance dirigeante dans le monde allemand ; la Russie, qui était alors plus
que jamais associée aux affaires de l'Europe ; la France, certes vaincues mais
néanmoins grande puissance qui continuerait de jouer un rôle majeur ; et bien
évidemment la Grande-Bretagne, la superpuissance maritime et industrielle par
excellence et le grand vainqueur de Waterloo. Le but du Congrès était de
redessiner la carte politique de l'Europe de façon à atteindre un équilibre des
forces et une stabilité durable. Les hommes d'Etat réunis à Vienne ne portaient
aucun intérêt aux désirs de souveraineté nationale qu'avait fait naître la
Révolution, ni aux sentiments nationalistes stimulés par la volonté de conquête
de Napoléon. Ils appelaient de leurs vœux le calme, l'ordre et l'équilibre
propices à la défense des intérêts des familles souveraines régnantes. [...]
Le concert des nations européennes se maintiendrait grosso modo jusqu'à la
guerre franco-allemande de 1870. La France fut bientôt réadmise au sein du
concert en tant que membre à part entière. [...]
Ce fut donc une période relativement stable sur le plan de la politique
internationale. [...]
Les questions coloniales ne suscitaient que peu d'intérêt. C'est pourquoi la
période allant de 1815 à 1870 a souvent été opposée à l'époque de
l'impérialisme moderne et considérée comme une époque de stagnation
coloniale. Ce qui était vrai jusqu'à un certain point. Quelques-uns des pays qui
joueraient plus tard un rôle majeur en tant que puissances coloniales
n'existaient pas encore et d'autres n'étaient pas encore actifs dans ce domaine.
L'Allemagne et l'Italie ne furent des Etats unifiés qu'en 1870 et la Belgique ne se
sépara des Pays-Bas qu'en 1830. Le Japon n'était pas encore "ouvert" et les
Etats-Unis n'étaient pas encore vraiment unis. Certaines anciennes puissances
coloniales comme l'Espagne et le Portugal déclinaient nettement. Elles avaient
perdu définitivement leurs possessions sud-américaines. L'Empire ottoman était
en déclin. Les Pays-Bas avaient assez de soucis avec les Indes néerlandaises.
Seule la Russie menait une politique expansionniste vigoureuse en Sibérie, en
Asie centrale et dans la direction des Détroits (le Bosphore et les Dardanelles)
et de l'Empire turc. Elle trouva sur son chemin la seule autre grande puissance
de cette époque, la Grande-Bretagne, et elle entra en conflit avec elle à
intervalles réguliers. En Asie, le contexte de tensions qui les opposait s'appelait
"The Great Game" (le Grand Jeu) ; dans le bassin méditerranéen, en revanche,
on parlait de "la question d'Orient". En outre, la Grande-Bretagne était en
929
mesure, grâce à son avance sur le plan industriel et à sa suprématie sur les
océans, de dominer une grande partie du globe sans devoir réellement mobiliser
toutes ses ressources pour y parvenir. Elle étendait parfois son empire de
manière classique, c'est-à-dire en annexant ou en assujettissant des territoires,
mais elle s'y employait plus souvent par un exercice informel de son pouvoir.
Non seulement les Britanniques ne déployaient pas une grande activité sur le
font colonial, mais les débats théoriques étaient dominés par l'école anti-
coloniale dont les origines remontaient aux "philosophes" des Lumières et aux
économistes libéraux classiques. » (p.142-144)
930
“During the nineteenth century the struggle towards nationalism, or
establishment of political union on a basis of nationality, has been a dominant
factor alike in dynastic movements and as an inner motive in the life of masses
of population. That struggle, in external politics, has sometimes taken a
disruptive form, as in the case of Greece, Servia, Roumania, and Bulgaria
breaking from Ottoman rule, and the detachment of North Italy from her
unnatural alliance with the Austrian Empire. In other cases it has been a
unifying or a centralising force, enlarging the area of nationality, as in the case
of Italy and the Pan-Slavist movement in Russia. Sometimes nationality has been
taken as a basis of federation of States, as in United Germany and in North
America.” -John A. Hobson, Imperialism: A Study, New York, James Pott &
Co., 1902, 221 pages, p.7.
« Les livrets furent rétablis par la loi du 12 avril 1803 : l’ouvrier était tenu de le
remettre à son employeur lors de l’embauche, et ce dernier y stipulait les dates
d’embauche et de départ, l’emploi occupé, les avances faites sur salaires, etc.
Regnault de Saint-Jean d’Angely, rapporteur de cette loi, y voyait un moyen de
« garantir les ateliers de la désertion et les contrats de la violation » […]
Jusqu’en 1832, la circulation de l’ouvrier sans son livret de travail est assimilée
au vagabondage et punie comme telle, même si, par un accord de fait avec la
police de la capitale, les ouvriers trouvés dans la rue sans livret de travail
931
échapperont à l’arrestation s’ils peuvent exciper d’un livret d’épargne. […] Un
employeur pourra éviter le départ de ses ouvriers dans une période de pression
à la hausse sur les salaires par le jeu des appréciations sur les livrets. » -
Stéphane Le grand, « Le marxisme oublié de Foucault », Actuel Marx, 2/2004
(n° 36), p. 27-43.
-Fabien Knittel et all, Le travail en Europe occidentale des années 1830 aux
années 1930. Mains-d’œuvre artisanales et industrielles, pratiques et questions
sociales, Ellipses Édition, 2020, 440 pages.
« Avec le travail en usine, (ou en ville) la femme est contrainte de travailler hors
foyer. C'est dans ce passage d'une activité intérieure à un cadre familial vers
une activité extérieure que réside la nouveauté du XIXe siècle. » - Louis-Henri
Parias (dir.), Histoire Générale du Travail, Tome III, Nouvelle Librairie de
France, Paris 1962.
« Le principal déséquilibre territorial, qui est aussi le plus ancien, est celui
entre Paris et la province [...]
Ce déséquilibre est un héritage très ancien, qui a commencé à se former au
932
Moyen Age, lorsque les Capétiens entreprennent aux XIIIe et XIVe siècles une
centralisation du pouvoir politique et économique à Paris dans le cadre d'un
renforcement des prérogatives royales et donc d'une plus grande affirmation de
l'Etat. Durant les siècles suivants, le pouvoir royal poursuit ce processus: qu'il
s'agisse de Paris ou de Versailles, la monarchie française est une monarchie
très centralisée et centralisatrice. La Révolution française renforce le poids
politique et administratif de Paris, par exemple à travers la création des
départements, tandis qu'avec la révolution industrielle du XIXe siècle la région
parisienne devient un puissant centre industriel et la première région
économique du pays, profitant aussi d'une forte croissance démographique qui
provient essentiellement de l'exode rural, de nombreux paysans venant tenter
leur chance à Paris et dans sa banlieue comme ouvriers. A cette époque, Paris
est d'ailleurs, avec Londres, la seule ville millionnaire d'Europe. » (p.38)
-Pierre Merlin, L’Urbanisme, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1991, 124
pages.
934
12]." -François Vatin, « Le travail, la servitude et la vie. Avant Marx et
Polanyi, Eugène », Revue du MAUSS, 2001/2 (no 18), p. 237-280. DOI :
10.3917/rdm.018.0237. URL : https://www.cairn-int.info/revue-du-mauss-2001-
2-page-237.htm
Des gens plus sérieux allèguent que les conditions qui prévalaient pendant la
Révolution Industrielle, en particulier en Angleterre, devraient être
condamnées, par comparaison non pas avec notre niveau de vie actuel, mais
avec des conditions de vie antérieures. C’était là la conviction de nombreux
écrivains anglais de l’époque. Malheureusement, il y en avait peu parmi eux qui
aient eu une vraie connaissance de la vie en Angleterre au siècle précédent : on
peut déduire leur ignorance d’après la description idyllique que donne Engels
de la classe ouvrière anglaise au XVIIIe siècle. […]
Les faits historiques, tout imparfaits qu’ils fussent, semblent indiquer que la
condition des classes ouvrières s’est améliorée au cours du XIXe siècle : le taux
de mortalité s’est réduit ; les économies des ouvriers se sont accrues ; la
consommation par les ouvriers de « denrées de luxe » comme le thé ou le sucre
a augmenté, le nombre d’heures de travail diminué. Ceux qui sont intéressés par
un examen plus long de ce témoignage souhaiteront peut-être lire The Industrial
Revolution de T.S. Ashton ou bien Capitalism and the Historians, publié par F.
A. Hayek.
-David Friedman, Vers une société sans Etat, Les Belles Lettres, 1992, 2e éd.
(1973 pour la première édition états-unienne), 193 pages.
936
« Les citadins avaient vécu dans la familiarité de la mort mais le besoin de la
bannir et de la masquer fut un des facteurs qui, à la fin du XVIIIe siècle, fit
sortir les cimetières du cœur des villes et des enclos des églises. Ce déplacement
accompagnait un changement d’attitude face à l’hygiène et une nouvelle
conception de la mort. » (p.48)
« L’influence du siècle des Lumières, qui voyait dans la mort un repos et non un
passage vers de terribles épreuves, se conjugua avec celle du romantisme. Au
Père-Lachaise [ouvert en 1804, devenant un modèle pour toute l’Europe], la
mort, intégrée à un paysage enchanteur, perdit son dard douloureux. » (p.50)
En France, ce genre [le roman historique] donne deux œuvres majeurs : Notre-
Dame de Paris (1831) et Quatrevint-treize (1874) de Victor Hugo, toutes deux
représentatives des sujets qui retiennent alors l’attention en priorité : l’époque
médiévale que l’on redécouvre et la Révolution française. Cette dernière, ainsi
que son prolongement de l’épopée napoléonienne, inspire en outre des romans
qui ne sont pas toujours classés comme Romans historiques mais en empruntent
bien des tournures : Les Chouans (1829), de Balzac, Les Misérables (1862) de
Hugo, La Chartreuse de Parme (1839) de Stendhal, enfin plus tardivement Les
Dieux ont soifs (1912) d’Anatole France (autour de la figure présente-absente
de Jacques-Louis David). Mais cette imprégnation historisante peut prendre la
figure du Drame, ainsi du Marie Tudor (1833) de Hugo, sans oublier avec plus
de force Hernani (1830) et Ruy Blas (1838), qui suivent l’Espagne de Philippe II
à Philippe IV, de la grandeur à la décadence. » (pp.9-10)
937
-Marc Deleplace, cours « Outils et épistémologie de l’histoire » à Sorbonne
Université, Chapitre Premier - Les pratiques de l’histoire XVIIe-XIXe siècle,
septembre 2020.
« Ce sont les philosophes allemands qui donnent le ton tout au long du siècle. »
-Geneviève Fraisse & Michelle Perrot, "Ordres et libertés", in Geneviève Fraisse
& Michelle Perrot (dir.), Histoire des femmes en Occident, tome 4 "Le XIXe
siècle", Perrin, 2002 (1991 pour la première édition), 765 pages, pp.11-18, p.17.
« Le XIXe siècle fut le siècle des utopies et des ruptures. Il nous rappelle la
nécessité de résister à tout renoncement. […] Où sont-ils aujourd’hui ? Qui,
parmi les artistes de notre temps redonne à l’art ce rôle indispensable de
questionner, de remettre en cause, de dénoncer et de proposer pour aller vers
un monde meilleur ? Qui pour relayer ces créateurs du XIXe siècle qui ont
directement agi sur leur temps ? Qui aujourd’hui donne place, dans son œuvre,
aux milieux populaires ? » -Georges Buisson, « Artiste, la société a besoin de
toi ! », Revue d'histoire du XIXe siècle [En ligne], 47 | 2013, mis en ligne le 31
décembre 2016, consulté le 13 novembre 2020. URL :
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938
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-19&keywords=pauvret%C3%A9+france
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r=1-27&keywords=antoine+prost
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16&keywords=Histoire+du+Commerce
http://academienouvelle.forumactif.org/t6834-genevieve-fraisse-michelle-perrot-
histoire-des-femmes-en-occident-tome-4-le-xixe-siecle-histoire-des-femmes-en-
occident-tome-5-le-xxe-siecle#7991
Napoléon Bonaparte (1769-1821): « Le titre de roi est usé. Il porte avec lui des
idées reçues. Il ferait de moi une sorte d’héritier. Je ne veux l’être de personne.
Celui que je porte est plus grand, il est encore vague, il sert l’imagination. » -
Napoléon, à Mme de Rémusat, une fois l’Empire établi par le Senatus consulte
du 18 mai 1804.
941
concentré ici sur un point, assis sur un cheval, s'étend sur le monde et le
domine. »
« [Napoléon] fut renversé lorsque l'un des partis, la bourgeoisie, fut devenu
suffisamment puissant pour secouer le joug du conquérant qui le gênait. » -Karl
Marx, Friedrich Engels & Joseph Weydemeyer, L'idéologie allemande, trad.
Jean Quétier et Guillaume Fonde, Éditions sociales, GEME, 2014, 497 pages,
p.395.
942
plutôt moins bien gérée et moins recommandable. Or, en 1803, Napoléon lui a
accordé le privilège d'émettre les billets de banque pour une partie de la
France, c'est-à-dire qu'il a interdit dorénavant aux autres banques de le faire,
alors qu'elles n'avaient pas cessé d'émettre des billets dans les meilleures
conditions. Mais Napoléon et sa famille étaient actionnaires de la Banque de
France et ils avaient bien conscience que l'obtention d'un privilège public était
le meilleur moyen d'obtenir des gains privés (aux dépens des autres). » -Pascal
Salin, Libéralisme, éditions Odile Jacob, 2000, 506 pages, p.176.
943
« Le Code pénal, révisé en 1810, interdit les syndicats, la grève et prévoit une
surveillance policière. » -Fabien Knittel et all, Le travail en Europe occidentale
des années 1830 aux années 1930. Mains-d’œuvre artisanales et industrielles,
pratiques et questions sociales, Ellipses Édition, 2020, 440 pages, p.109.
« Les Juifs de France devenaient des citoyens à part entière, même si Napoléon
Ier porte atteinte à cette émancipation. A vrai dire, l'attitude de Napoléon au
regard des Juifs est ambivalente. Ses armées victorieuses exportent à travers
l'Europe les lois françaises et libèrent les Juifs là où elles passent, ce qui lui
vaudra, entre autres, la reconnaissance de Heinrich Heine. [...] Cependant,
pour satisfaire les populations judéophobes d'Alsace, il prend en 1808 un décret
-resté dans la mémoire juive comme le "décret infâme"- qui énonce une série de
restrictions visant les activités juives dans une quarantaine de départements
français, en pleine contradiction avec le principe de l'égalité révolutionnaire.
Ce décret pris pour dix ans était renouvelable: en 1818, Louis XVIII y renonce.
Les derniers résidus de discrimination seront abolis sous la monarchie de
Juillet. La France et la Hollande demeureront les seuls Etats du continent
européen à conserver leur législation égalitaire après la grande réaction de
1815 orchestrée en Europe par le chancelier Metternich. L'émancipation
complète ne sera prononcée en Autriche qu'en 1867, en Allemagne qu'en 1871,
en Angleterre qu'en 1866, l'Italie unifiée proclame l'émancipation des Juifs en
1870. » -Michel Winock, Nationalisme, antisémitisme et fascisme en France,
Éditions du Seuil, coll. Points Histoire, 2014, 506 pages, p.108-109.
944
« Le partisan de la guérilla espagnole de 1808 fut le premier à oser se battre en
irrégulier contre les premières armées régulières modernes. A l'automne de
1808, Napoléon avait vaincu l'armée régulière espagnole ; la guerre de guérilla
espagnole proprement dite ne se déclencha qu'après cette défaite de l'armée
régulière. [...] Selon Clausewitz, c'était souvent la moitié de toute la puissance
de guerre française qui était stationnée en Espagne, la moitié de celle-ci, à
savoir 250 000 à 260 000 hommes étant immobilisée par la lutte contre les
guérilleros, dont Gomez de Arteche évalue le nombre à 50 000, alors que
d'autres l'estiment être bien inférieur. [...]
Un autre élément de cette situation espagnole est que les couches cultivées de la
noblesse, du haut clergé et de la bourgeoisie étaient en grande partie des
afrancesados qui sympathisaient avec le conquérant étranger. Là encore, il y a
des parallèles avec l'Allemagne, où le grand poète allemand Goethe composa
des hymnes à la gloire de Napoléon, et où les milieux cultivés allemands ne
surent jamais de façon certaine et définitive de quel côté il convenait de se
ranger. En Espagne, le guérillero osa la lutte sans issue, un pauvre diable, un
premier cas typique de chair à canons irrégulière dans les conflits de la
politique mondiale. Tout cela rentre, en guise d'ouverture, dans une théorie du
partisan. » -Carl Schmitt, Théorie du partisan.
"Les rois ont fait la France et les empereurs l’ont défaite." (p.6)
"Les cent trente départements du premier Empire étaient une erreur, même et
surtout au point de vue national. Erreur, l’annexion successive de tant de
provinces et de royaumes ! Un pays doit être homogène et cohérent. Ses parties
doivent avoir l’habitude de tenir et de vivre ensemble ; on n’improvise pas cette
difficile habitude pour quinze ou vingt millions d’hommes. Autant il est légitime
que la rayonnante et paisible influence d’une monarchie protectrice et d’une
grande civilisation puisse agglomérer peu à peu autour d’elle de petits pays
attirés par des affinités de langue, de race ou de volonté réfléchie, autant il est
absurde et dangereux de vouloir imposer, l’épée à la main, une manière de vivre
ou de parler, une langue ou une culture." (p.8 )
945
sur imprudences et non-sens sur non-sens. Il ne profita même pas de ses
victoires, ne sut pas briser la dynastie des Hohenzollern ni dépecer
immédiatement son territoire quand il la tenait à sa discrétion. L’ouvrage des
électeurs de Brandebourg et du grand Frédéric pouvait être anéanti après 1806.
Or, Napoléon se contenta de le diminuer et d’humilier Frédéric-Guillaume. Et,
qui plus est, il forma, il arrondit de ses mains, auprès de la Prusse, d’autres
royaumes qui, simplifiant le chaos germanique, devaient, le jour venu, rendre
plus facile l’unité. Telles sont les véritables conséquences que porta la
Révolution en Allemagne." (p.11)
-Charles Maurras, Napoléon avec la France ou contre la France ?, 1932,
Édition électronique réalisée par Maurras.net et l’Association des Amis de la
Maison du Chemin de Paradis, 2009, 55 pages.
"Au XVIIe siècle, la France connaît un second apogée. Elle brise l'encerclement
dont la menaçaient les Hasbourg d'Espagne et d'Autriche, elle atteint le Rhin,
elle bâtit son premier empire colonial dans les îles des Caraïbes, en Inde et en
Amérique du Nord. Ses armées l'emportent sur les tercios espagnols qui
passaient pour les meilleures troupes d'Europe, sa marine rivalise avec les
flottes anglaises et hollandaises, Vauban couvre ses frontières de forteresses
réputées imprenables, Colbert affirma sa puissance économique, le roi lui-même
s'occupe de son soft power en subventionnant les artistes et en multipliant les
constructions. A lui seul le palais de Versailles illustre la puissance, la richesse
et la créativité française.
Trop dominatrice, la France finit par dresser contre elle la plupart des pays
européens en une sorte de répétition générale des coalitions qui se formeront
contre la Révolution et l'Empire. Sauvée au dernier moment par les victoires du
maréchal Villars (nouveau sursaut !) et surtout par les divisions de ses
adversaires, la France sort de cette aventure exsangue. Sous Louis XV elle perd
son premier empire colonial au profit du Royaume-Uni qui apparaît de plus en
plus comme son principal rival. Le règne de Louis XVI constitue une phase de
récupération marquée par l'essor démographique, le progrès technique et
l'innovation militaire avec les canons Gribeauval dont Napoléon saura faire
usage. La marine est reconstituée et se montre efficace lors de la guerre
d'indépendance des Etats-Unis: pour la France, le traité de Paris constitue une
revanche (1783).
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947
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http://hydra.forumactif.org/t3869-jean-etienne-marie-portalis-discours-
preliminaire-du-premier-projet-de-code-civil#4715
948
Horatio Nelson (1758-1805) : https://www.amazon.fr/Nelson-Georges-
Fleury/dp/2080680900/ref=pd_sim_14_38?_encoding=UTF8&psc=1&refRID=
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« Peu d’hommes politiques ont exprimé aussi franchement que Simón Bolívar
l’hostilité conservatrice face au « légalisme » libéral. » - Roberto Gargarella, «
Le cycle tragique du libéralisme latino-américain (1810-1860) », Amérique
Latine Histoire et Mémoire. Les Cahiers ALHIM [En línea], 11 | 2005,
Publicado el 21 septiembre 2007, consultado el 07 febrero 2018.
http://www.amazon.fr/Simon-Bolivar-am%C3%A9ricain-Pierre-
Vayssi%C3%A8re/dp/2228902896/ref=sr_1_2?ie=UTF8&qid=1459416478&sr
=8-2&keywords=Sim%C3%B3n+Bol%C3%ADvar
949
Le romantisme allemand: "Rôle historique du romantisme, comme première
tentative de l'époque moderne de restaurer les liens entre l'homme et la nature.
Par-delà l'émergence de sensibilités nouvelles -esthétiques et spirituelles- pour
la nature, peut-on considérer la protestation romantique comme "pré-
écologique", parce qu'elle avance des idées critiques et une philosophie de la
nature qui constituent un univers culturel hautement favorable au
développement de la réflexion écologiste."
-Julias Bardes, La sensibilité écologique : de la révolte romantique à la crise
écologique contemporaine. Une analyse sociologique comparée du sentiment de
la nature en Occident.
950
population, qui ne sait ou ne peut plus cultiver un jardin, remet son sort
alimentaire dans les mains des experts-industriels.
http://hydra.forumactif.org/t662-alvin-w-gouldner-romanticism-and-classicism-
deep-structures-in-social-science#1243
https://www.amazon.fr/Societe-romantisme-prusse-xviii-
siecle/dp/B0014ZYASS/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1473194558&sr=8-
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+si%C3%A8cle
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https://www.amazon.fr/Romantisme-1-savoir-
romantique/dp/2228886947/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1499363962
&sr=1-1
« Nous devons donc dépasser également l´État ! - Car tout État est obligé de
traiter les hommes libres comme un rouage mécanique ; et c´est ce qu´il ne doit
pas ; il faut donc qu´il arrête. Vous voyez de vous-mêmes qu´ici toutes les idées
de paix éternelle, etc. ne sont que des idées subordonnées à une Idée supérieure.
En même temps je veux consigner ici les principes d´une histoire de l´humanité,
et mettre à nu toute cette misérable œuvre humaine que représentent l´État, la
constitution, le gouvernement, la législation. Enfin viennent les idées d´un
monde moral, de divinité, d´immortalité – renversement de toutes les
superstitions, poursuite, par la raison elle-même, de la prêtrise qui
dernièrement simule la raison. Liberté absolue à tous les esprits qui portent en
eux le monde intellectuel et qui n´ont pas besoin d´aller chercher Dieu ou
l´immortalité en dehors d´eux. » -Premier programme systématique de
l'idéalisme allemand (Hegel, probablement en collaboration avec Hölderlin et
Schelling, 1796).
« Dans la période qui va de 1780 à 1800, Spinoza a occupé une place centrale
dans la philosophie, la littérature et le débat public en Allemagne, au point d’être
considéré désormais comme un classique de la philosophie. L’enjeu essentiel, à
l’époque, était, dans la discussion de la philosophie transcendantale de Kant, de
garantir à la pensée un nouvel accès à l’Être lui-même et de reformuler la
dimension religieuse de la vie humaine dans une forme susceptible de rivaliser
avec les connaissances et les principes de la nouvelle science mathématique de
la nature. En conséquence, on ne retenait dans les œuvres de Spinoza que
l’Éthique et le Traité de la réforme de l’entendement, et, dans l’Éthique,
seulement l’ontologie et la théorie de la connaissance des deux premières
parties, ainsi que la doctrine de l’éternité de l’âme (mens, Geist) dans la
deuxième moitié de la Ve partie. » -Manfred Walther, La doctrine politique de
952
Spinoza. La (re)découverte de la philosophie politique de Spinoza par Adolf
Menzel, in André Tosel, Pierre-François Moreau et Jean Salem (dir.), Spinoza
au XIXème siècle, Éditions de la Sorbonne, 2008, 494 pages.
https://www.amazon.fr/Manuel-lid%C3%A9alisme-allemand-Hans-
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question/dp/2747544605/ref=sr_1_32?s=books&ie=UTF8&qid=1460117011&s
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Baron/dp/2701002478/ref=sr_1_33?s=books&ie=UTF8&qid=1460117037&sr=
1-33&keywords=id%C3%A9alisme+allemand
953
« C'est bien le nationalisme culturel de Herder qui a posé les fondements du
nationalisme politique, et il constitue le premier maillon d'une chaîne qui
conduit jusqu'à [Friedrich] Meinecke. La lecture que fait Meinecke de Herder
avant la Seconde Guerre mondiale, très proche de celle de Gadamer faite en
pleine guerre, le montre fort bien. La coupure telle qu'on aime l'établir
d'ordinaire entre les deux nationalismes et hautement artificielle. » (p.43)
« Herder s'accorde avec Voltaire pour voir dans le Moyen-âge une époque de
barbarie, mais, contrairement à Voltaire, il considère cette barbarie comme une
saine vitalité, et il célèbre le désordre et l'effervescence créateurs de l'époque.
[...] Herder n'a pas inventé le mythe des Barbares libérateurs, mais montre les
Germains venus rajeunir et purifier un monde en déclin. » (p.526)
« Les valeurs, les qualités ne sont pas commensurables : parler d’une échelle
des mérites, qui présupposent l’existence d’un étalon universel, est pour Herder
la preuve d’un aveuglement à ce qui rend humains les hommes. On ne rendra
pas heureux un Allemand en essayant d’en faire un Français de second ordre.
954
[…] Les hommes ne peuvent pleinement développer leurs capacités qu’en
continuant de vivre là où leurs ancêtres et eux sont nés, de parler leur langue,
de vivre leur vie dans le cadre des coutumes de leur société et de leur culture.
Les hommes ne se font pas eux-mêmes : ils appartiennent au flot d’une
tradition. » (p.51)
« Aristote était un grand penseur [dit Herder], mais nous ne pouvons pas
retourner à lui : son monde n’est pas le nôtre. De même, trois quart de siècle
plus tard, on posera que si mes vraies valeurs sont l’expression de ma classe –la
bourgeoisie- et non de la leur –le prolétariat-, alors l’idée de la compatibilité
mutuelle de toutes les valeurs, de toutes les réponses correctes aux questions,
doit être fausse, car mes valeurs entreront inévitablement en conflit avec les
vôtres, parce que les valeurs de ma classe ne sont pas celles de la vôtre. […] Le
concept d’un bien commun, valide pour l’humanité tout entière, repose sur une
erreur cardinale. » (p.54-55)
http://www.amazon.fr/Herder-Olivier-
Dekens/dp/2251760504/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1458753553&sr=
1-1&keywords=Figures+du+savoir+herder
http://www.amazon.fr/Histoire-cultures-Johann-Gottfried-
Herder/dp/2080710567/ref=pd_sim_14_4?ie=UTF8&dpID=51CT35ZS1JL&dp
Src=sims&preST=_AC_UL160_SR97%2C160_&refRID=1FK54HEM8TD9V
N0X7NXV
955
Johann Gottlieb Fichte (1762-1814) : « Le juif, qui, malgré des
retranchements solides, on pourrait même dire infranchissables, qu'il trouve
devant lui, arrive jusqu'à l'amour universel de la justice, des hommes et de la
vérité, est un héros et un saint. Je ne sais pas s'il y en a eu, ou s'il y en a. Je le
croirais dès que je le verrais...Quant à leur donner des droits civils, je ne vois
pour ma part aucun autre moyen que de leur couper la tête à tous une belle nuit,
et d'en mettre à la place une autre, où il n'y ait plus aucune idée juive.
Autrement je ne sache pas de moyen de nous défendre contre eux, sinon de
conquérir pour eux leur terre promise et de les y envoyer tous... » -Fichte,
Considérations sur la Révolution française.
« Hegel procède de Spinoza. Lui aussi ne voit de réel que ce qui est général ; à
lui aussi, le monde apparaît comme la forme et la manifestation d’un principe
qui en est l’essence. Seulement, tandis que la substance infinie de Spinoza n’est
que substance, Hegel la conçoit comme esprit. L’absolu, d’après lui, est de
nature spirituelle. »
956
« L’absolu n’est pas seulement insaisissable, il est contradictoire. Comment le
définit-on en effet ? Par l’absence de la limite. L’absolu est donc une notion
purement négative ; seulement cette notion négative est conçue comme une
affirmation, présentée comme une réalité et une substance. L’absolu, pour qui
regarde derrière les mots, c’est le néant personnifié, c’est-à-dire la
contradiction même. Or l’hégélianisme n’est pas autre chose que la philosophie
de ce néant. »
"La tendance de l'Etat, dont le domaine est renfermé dans les limites les plus
étroites, est de transgresser ces limites, d'envahir le champ des contrats en
général, celui de droit naturel, celui de la conscience.
Viennent alors des pages éloquentes où Fichte proteste contre cette tendance, et
réduit impitoyablement la part de l'Etat. Chacun a le droit de sortir de l'Etat, et
de former des Etats dans l'Etat. Il n'est pas jusqu'aux obligations les plus
simples, et en apparence les plus irréductibles de la vie civile, dont l'individu ne
puisse s'affranchir par un acte de volonté et d'inspiration libre. On comprend
957
que Fichte ait donné quelque part pour but à tout gouvernement "de rendre le
gouvernement superflu"." (p.55)
-Henry Michel, L'idée de l'Etat: essai critique sur les théories sociales et
politique en France depuis la Révolution, Paris, Librairie Hachette et Cie, 1896,
666 pages.
958
"Le fichtéanisme juridico-politique ne tend réellement à l'organicisme qu'après
1804." (p.695)
-Pierre-Philippe Druet, La « politisation » de la métaphysique idéaliste: le cas de
Fichte, Revue Philosophique de Louvain, Année 1974, 16, pp. 678-712
http://hydra.forumactif.org/t2507-arash-abizadeh-was-fichte-an-ethnic-
nationalist#3245
Citons, en vrac, quelques formules qui montrent le contraste entre les deux
auteurs. Pour Kant, « le républicanisme est le principe politique de la séparation
des pouvoirs » (AK VIII, 352) ; « c’est la volonté générale donnée a priori qui
détermine ce qui est de droit parmi les hommes » (AK VIII, 378) ; « la
démocratie est nécessairement un despotisme » (AK VIII, 352) et « le caractère
injuste de la rébellion est évident » (AK VIII, 383). Pour Schlegel, « la
souveraineté [de la communauté politique] ne peut être cédée » [aux
gouvernants] (KFSA VII, 16)."
959
Pour Schlegel, les impératifs transcendantaux imposent de reconnaître à chaque
membre de la communauté la faculté d’exercer l’entièreté de ses prérogatives de
citoyen. Ce qui implique, par exemple, que « la pauvreté et […] la féminité […]
ne sont […] pas des raisons légitimes d’exclure totalement tel ou tel du droit de
vote » (ibid.) – alors que Kant, comme on le sait, soutient que, pour être
électeur, le citoyen majeur doit être son propre maître, c’est-à-dire posséder une
quelconque propriété qui lui permette de vivre , et que « la gens féminine tout
entière » est dépourvue de personnalité civile."
"La volonté majoritaire, dit le texte, est reconnue comme valant pour la volonté
générale par une fictio juris. La fiction juridique, comme on le sait, est un
artifice de technique juridique, un « mensonge de la loi » consistant à supposer
un fait contraire à la réalité en vue de produire un effet de droit. Il y a lieu alors
de se demander quelle est la justification d’une telle fiction. Faire reposer la
décision politique sur la volonté majoritaire, n’est-ce pas abandonner la volonté
générale ? Précisément, on l’a vu, Schlegel parle d’un abîme infranchissable
entre la volonté générale et la volonté empirique. Cette dernière n’est-elle pas
particulière par définition, donc impropre à assurer le caractère républicain du
régime ? À cette objection, Schlegel répond en deux temps. En premier lieu, il
est tout à fait possible que la volonté majoritaire soit despotique et opprime la
minorité. Nous sommes alors dans un cas d’ochlocratie, c’est-à-dire de pouvoir
de la masse. Car, en second lieu, la volonté majoritaire n’est le succédané de la
volonté générale que pour autant qu’elle présente un « esprit républicain »."
Quel modèle Schlegel a-t-il cependant en tête lorsqu’il défend une république
démocratique ? La référence à la Grèce est explicite et centrale."
-Gilles Marmasse, « Le jeune Friedrich Schlegel, un démocrate radical ? »,
Revue de métaphysique et de morale, 2018/4 (N° 100), p. 551-567. DOI :
960
10.3917/rmm.184.0551. URL : https://www.cairn.info/revue-de-metaphysique-
et-de-morale-2018-4-page-551.htm
Novalis (1772-1801): « Mais l’ancien monde touche à sa fin ; ses jardins riants
se flétrissent, les dieux s’en vont avec leur suite, et la nature reste déserte et
sans vie. Le charme de l’existence tombe dans des paroles obscures, comme on
voit la fleur s’en aller en poussière ; la croyance est loin, et avec elle, la vive, la
puissante imagination. » -Novalis, « Hymne à la nuit », 1800.
http://www.amazon.fr/Oeuvres-compl%C3%A8tes-
Novalis/dp/2070284298/ref=pd_cp_14_3?ie=UTF8&refRID=1GZWE15QQF74
8JG8BCB4
De même chez Fichte (cf. La destination du savant, 2ème conférence) qui admet
que l'humanité est encore dans l'enfance, le progrès est à l'infini : l'humanité se
caractérise par sa perfectibilité, et l'on ne voit pas de bornes à cette dernière. »
-Jean-Luc Vieillard-Baron, Le problème du temps, sept études, ch. VII, Vrin,
1995, p. 151-170.
« Ha ! Elle est invincible, la nation française, car elle lutte, elle se bat, elle
combat pour la liberté, pour les droits de l’homme. La liberté l’enthousiasme ;
la liberté lui insuffle du courage ; la liberté trempe ses forces. L’Humanité, dont
la Nation française défend les droits, est à ses côtés et l’aide à vaincre. » -
Johann Benjamin Erhard, « Appel réitéré à la nation allemande », in Du droit du
peuple à faire la révolution et autres écrits de philosophie politique, op. cit. , p.
261.
Cette brève présentation offre dès lors l’occasion de découvrir la pensée d’un
illustre inconnu, médecin, philosophe, théoricien du droit public, auteur entre
autres d’une « Apologie du diable », de « Considération sur le Discours de La
Boétie et sur l’autocratie, d’après les instructions de l’histoire et de l’expérience
». A noter qu’outre Du droit du peuple à faire la révolution, Erhard expose sa
conception de la Révolution dans d’autres travaux comme Recension de
l’ouvrage de Fichte sur la révolution, sans compter toute la propagande
clandestine qui semble perdue à tout jamais. Seul l’Appel réitéré à la nation
allemande est, en effet, porté à notre connaissance.
962
Allemagne, bien qu’il n’explicite pas sa stratégie dans Du droit des peuples à
faire la Révolution. Aussi son exhortation virulente et anonyme à la révolte du
peuple dans son Appel réitéré à la nation allemande confirme-t-elle une
démarche intellectuelle non dénuée de fièvre et de passion. Cette ardeur est
néanmoins tempérée par la répression dont sont victimes les intellectuels
allemands tout aussi engagés qu’Erhard. Dès 1795, dans la crainte de subir le
même sort, Erhard saura ainsi calmer (du moins publiquement) sa fièvre
révolutionnaire et s’écarter du champ des idées politiques. Controversé, il a
tenu à rappeler, vers la fin de sa vie, qu’il n’a jamais voulu promouvoir le droit
du peuple à faire la révolution en tant que droit positif, mais uniquement en tant
que devoir moral conditionné par les circonstances (ce qui est rigoureusement
exact). Cependant, selon l’auteur allemand Haasis, il serait resté un militant
actif jusqu’en 1801, année au cours de laquelle il réalisa, la mort dans l’âme,
que la France ne serait jamais la nation libératrice de l’Allemagne du Sud.
Aussi et bien qu’il s’en soit défendu a posteriori, Erhard fut sans conteste un
auteur radical qui s’autocensurera pour ne pas mettre en péril sa réputation de
notable (il était médecin) et de philosophe. »
Friedrich Schiller (1759-1805) : « Jusque dans notre siècle, il est vrai, se sont
glissés, des siècles précédents, maints restes de barbarie, enfant du hasard et de
la violence, que l'âge de la raison ne devrait pas éterniser. Mais avec quelle
sagesse l'intelligence de l'homme n'a-t-elle pas su diriger vers une fin utile,
même cet héritage barbare de l'antiquité et du moyen-âge ! Combien n'a t'il pas
rendu inoffensif et souvent même salutaire ce qu'il ne pouvait encore se
hasarder à détruire ! Sur la base grossière de l'anarchie féodale a élevé l'édifice
de sa liberté politique et ecclésiastique. Le simulacre d'empereur romain, qui
s'est conservé en-deçà des Apennins, fait aujourd'hui au monde infiniment plus
de bien que son redoutable prototype dans l'ancienne Rome; car il maintient uni
par la concorde un utile système d'Etats, tandis que l'autre comprimait les
forces les plus actives de l'humanité dans une servile uniformité. Notre religion
même, altérée à un tel point par les infidèles mains qui nous l'ont transmise, qui
peut méconnaître en elle l'influence ennoblissante d'une philosophie meilleure ?
Nos Leibniz et nos Locke ont aussi bien mérité du dogme et de la morale du
christianisme, que le pinceau d'un Raphaël et d'un Corrège de l'histoire
sainte. »
« Sur l'indigente existence brille le monde riant des ombres que crée la poésie. »
964
intellectuelle l’a rendu à jamais attentif au corps et à la « sensibilité physique ».
La recherche d’une synthèse entre moralité et sensibilité dans l’éducation
esthétique peut être considérée comme l’aboutissement logique de cette double
influence, idéaliste et matérialiste, allemande et française. » -Roland Krebs, «
Le jeune Schiller face au matérialisme français », Revue germanique
internationale [En ligne], 22 | 2004.
http://hydra.forumactif.org/t1716-ferdinand-canning-scott-schiller-
oeuvres?highlight=Friedrich+von+Schiller
« L’homme est tout de même très étrange et très fascinant ; c’est d’un côté un
cerveau d’une rigueur extraordinaire et d’un autre côté c’est un amoureux
romantique passionné. […] J’ai découvert la vie de cet homme qui a toujours eu
le sentiment de ne pas accéder au niveau auquel son génie le destinait, et qui en
même temps a eu une carrière exceptionnelle pour un petit officier obscur, qui a
approché les grands. […] Il était mal vu par le roi de Prusse, qui le jugeait un
dangereux révolutionnaire, alors que c’était un bon conservateur, mais un
conservateur d’idées libérales. […] Cette personnalité m’a fasciné. »
« Quelle est l’idée centrale, banale, évidente ? C’est que la guerre est en tant
que tel un acte politique. C’est-à-dire qu’on ne fait pas la guerre pour
remporter des victoires, on fait la guerre pour atteindre certains résultats
politiques. Par ailleurs [Clausewitz] définit la guerre par son moyen spécifique,
c’est-à-dire la violence. Or, le fait est qu’à ses yeux, à ses époques, les relations
entre Etats comportaient le risque de guerre. Et ce fait subsiste encore
aujourd’hui. Mais si l’on comprend que l’on ne doit employer la violence
guerrière que dans la mesure nécessaire pour atteindre des fins définis et
limitées, le risque de l’ascension aux extrêmes diminue. Et c’est en ce sens que
l’enseignement de Clausewitz n’est pas un enseignement militariste : c’est tout
le contraire, c’est un appel à l’intelligence des hommes d’Etats, pour savoir
965
limiter la violence, probablement indéracinable, dans les relations entre les
Etats. » -Raymond Aron, à propos de Carl von Clausewitz, Radioscopie,
Entretien entre Jacques Chancel, 1er octobre 1976.
http://www.amazon.com/Clausewitz-Life-Work-Donald-
Stoker/dp/0199357943/ref=pd_sim_14_3?ie=UTF8&dpID=61B8yjaLf%2BL&d
pSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR106%2C160_&refRID=0SQW0SHANFT
W54KH1TSK
http://www.amazon.com/Historical-Political-Writings-Carl-
Clausewitz/dp/0691031924
http://www.amazon.fr/De-guerre-Carl-VON-
CLAUSEWITZ/dp/2262044104/ref=pd_sim_14_16?ie=UTF8&refRID=0YM5
WWDBJT8JR2NE627M
http://www.amazon.fr/Notes-Prusse-dans-grande-
catastrophe/dp/2851840517/ref=pd_sim_sbs_14_5?ie=UTF8&dpID=41R15VS3
966
YEL&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR91%2C160_&refRID=1N3Z3Y6G
4T4VX3HXGP1E
http://www.amazon.fr/R%C3%A9volution-%C3%A0-Restauration-Ecrits-
lettres/dp/B007KIRHPQ/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1446720327&sr=8-
1&keywords=De+la+r%C3%A9volution+%C3%A0+la+restauration.+%C3%89
crits+et+lettres
http://www.amazon.fr/campagne-1812-en-
Russie/dp/2874951900/ref=sr_1_9?s=books&ie=UTF8&qid=1446720339&sr=1
-9
http://www.amazon.fr/Campagne-1815-France-Carl-
Clausewitz/dp/2851841904/ref=sr_1_12?s=books&ie=UTF8&qid=1446720339
&sr=1-12
http://www.amazon.fr/philosophie-guerre-selon-
Clausewitz/dp/2717837523/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1446721610&
sr=1-1&keywords=La+philosophie+de+la+guerre+selon+Clausewitz
http://www.amazon.fr/Clausewitz-Emmanuel-
Terray/dp/2213605025/ref=sr_1_7?s=books&ie=UTF8&qid=1459866827&sr=1
-7
https://www.amazon.fr/Soldats-citoyens-Naissance-service-
militaire/dp/2130536972/ref=sr_1_2?s=books&ie=UTF8&qid=1464550606&sr
=1-2&keywords=citoyens+soldats
« Si l’on jette un coup d’œil sur l’histoire des constitutions d’État, on voit qu’il
serait difficile de limiter avec précision l’étendue que ces derniers ont réservée
à leur action ; car en aucun des cas, on semble avoir suivi en cela un plan
réfléchi, reposant sur des principes simples. » (p.5)
967
« On peut dire sans se tromper que la liberté de la vie privée grandit à mesure
que décroît la liberté publique, tandis que la sûreté suit toujours la même
progression que cette dernière. » (p.6)
« Dans les derniers siècles, ce qui attire surtout notre attention, c’est la rapidité
du progrès, la quantité et la vulgarisation des inventions industrielles, la
grandeur des œuvres fondées. Ce qui nous attire surtout dans l’antiquité, c’est
la grandeur qui s’attache à toutes les actions de la vie d’un seul homme et qui
disparaît avec lui ; c’est l’épanouissement de l’imagination, la profondeur de
l’esprit, la force de la volonté, l’unité de l’existence entière, qui seule donne à
l’homme sa véritable valeur. » (p.6)
« La vraie raison ne peut souhaiter pour l’homme d’autre état que celui où non
seulement chaque individu jouit de la plus entière liberté de se développer de
lui-même et dans sa personnalité propre [...] La raison ne doit s’éloigner de ce
principe que dans la mesure où ceci serait nécessaire pour la conservation
même du principe. Celui-ci doit toujours servir de base dans toute politique. »
(p.10)
-Wilhelm von Humboldt, Essai sur les limites de l’action de l’Etat, Institut
Coppet, Paris, novembre 2011 (1792 pour la première édition allemande), 89
pages.
"Quel est donc le rôle de l'Etat ? Humboldt le réduit à deux choses: au dehors,
protéger l'indépendance nationale ; au dedans, maintenir la paix." (p.52)
http://hydra.forumactif.org/t699-wilhelm-von-humboldt-essai-sur-les-limites-de-
laction-de-letat#1293
http://www.amazon.com/Wilhelm-Humboldt-Paul-Robinson-
Sweet/dp/0814202780/ref=sr_1_6?s=books&ie=UTF8&qid=1449761624&sr=1
-6&keywords=Wilhelm+von+Humboldt
https://www.amazon.fr/gp/product/2020367572/ref=pd_sim_14_58?ie=UTF8&
psc=1&refRID=VG5RYXHWBN0JCWCX0CQG
http://www.amazon.com/Humanist-Without-Portfolio-Anthology-
Writings/dp/B0000BJNIB/ref=sr_1_5_twi_unk_2_twi_pap_2?s=books&ie=UT
F8&qid=1449761672&sr=1-5&keywords=Wilhelm+von+Humboldt
http://www.amazon.fr/lib%C3%A9ralisme-Wilhelm-Von-
Humboldt/dp/2343071616/ref=sr_1_14?s=books&ie=UTF8&qid=1450030343
&sr=1-14&keywords=lib%C3%A9ralisme
http://www.amazon.fr/Lanthropologie-philosophique-Wilhelm-von-
Humboldt/dp/2757408496/ref=sr_1_15?s=books&ie=UTF8&qid=1455491499
&sr=1-15&keywords=anthropologie+philosophique
http://www.amazon.fr/The-Invention-Nature-Alexander-
Humboldts/dp/038535066X/ref=pd_sim_sbs_14_7?ie=UTF8&dpID=516qbIR3s
970
uL&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR107%2C160_&refRID=0V7YZBN5
8BAPZ6YCDQPQ
Goethe: « « Il est des gens qui ont la manie de fronder tout ce qui est grand : ce
sont ceux-là qui se sont attaqués à la Sainte-Alliance ; et pourtant rien n’a été
imaginé de plus auguste et de plus salutaire à l’humanité. » -Goethe, cité par
Victor Hugo, in William Shakespeare, qui ajoutait « Goethe a écrit cela. Qu’on
s’en souvienne, et que personne, parmi les poètes, ne retombe plus dans cette
faute. ».
« Pour les Modernes, la possibilité que la vérité soit triste s'est réalisée dans
l'accumulation des livres. Ceux-ci explorent le monde avec plus de précision
qu'on ne l'a jamais fait auparavant. Mais ils sont devenus si nombreux que
personne ne peut les lire tous, à supposer qu'une connaissance intégrale de ce
genre apporte autre chose que l'ennui. Depuis sa tristesse érudite, Faust
demande davantage au savoir: une transfiguration de lui-même et un retour à la
vie. En s'adressant à la "magie", il espère réactiver les pouvoirs consolants de
la spiritualité à une époque qui les a exclus au profit de la rigueur objective. Il
recherche un savoir qui le console de la science. » -Michaël Fœssel, Le temps de
la consolation, Seuil, coll. "L'ordre philosophique", 2015, 276 pages, p.176.
http://www.amazon.fr/Faust-Johann-Wolfgang-von-
Goethe/dp/2081358689/ref=sr_1_3?ie=UTF8&qid=1458590852&sr=8-
3&keywords=Goethe
http://www.amazon.fr/R%C3%A9volution-lEmpire-%C3%A9crits-
autobiographiques-1798-
971
1815/dp/2841002543/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1458590815&sr=8-
1&keywords=%2FJohann-Wolfgang-Von-Goethe-La-Revolution-et-l-Empire
https://www.amazon.fr/GOETHE-SON-EPOQUE-LUKACS-
GEORGES/dp/B00C22SVK0/ref=tmm_gpb_swatch_0?_encoding=UTF8&qid=
1476353991&sr=1-116
http://www.amazon.fr/%C3%89crits-lart-Johann-Wolfgang-
Goethe/dp/2080708937/ref=sr_1_16?ie=UTF8&qid=1458590852&sr=8-
16&keywords=Goethe
« Le projet politique de Hölderlin [...] se met en place dans de longs débats avec
Hegel sur le christianisme, et demeure assez proche, dans sa problématique
"esthétique", des positions de Schiller. » -Jean-Pierre Lefebvre, préface à
Friedrich Hölderlin, Hypérion ou l'Ermite de Grèce, trad. Jean-Pierre Lefebvre,
GF Flammarion, 2005 (1797-1799 pour la première édition allemande), 281
pages, p.45.
972
http://www.amazon.fr/H%C3%B6lderlin-Oeuvres-
Friedrich/dp/2070102602/ref=sr_1_4?ie=UTF8&qid=1458587474&sr=8-
4&keywords=H%C3%B6lderlin
http://www.amazon.fr/Oeuvres-compl%C3%A8tes-R%C3%A9cit-Heinrich-
Kleist/dp/2070753026/ref=pd_sim_14_1?ie=UTF8&dpID=415KMYVPWGL&
dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR97%2C160_&refRID=1JW532074K6ZF
MECZJFH
http://www.amazon.fr/Th%C3%A9%C3%A2tre-II-Oeuvres-compl%C3%A8tes-
IV/dp/2070765644/ref=pd_sim_sbs_14_2?ie=UTF8&dpID=41DBYTM519L&d
pSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR94%2C160_&refRID=1JJMZ3A3983NHT
0E96AQ
http://www.amazon.fr/Oeuvre-compl%C3%A8tes-Correspondance-
compl%C3%A8te-1793-
1811/dp/2070757498/ref=pd_sim_14_3?ie=UTF8&dpID=415F1XJFP7L&dpSr
c=sims&preST=_AC_UL160_SR95%2C160_&refRID=1JW532074K6ZFMEC
ZJFH
http://www.amazon.fr/Heinrich-von-Kleist-L%C3%A9laboration-
discours/dp/2866457641/ref=pd_sim_14_4?ie=UTF8&dpID=51StRF-
lZTL&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR104%2C160_&refRID=1JW53207
4K6ZFMECZJFH
http://www.amazon.fr/LAllemagne-R%C3%A9volution-Joseph-von-
G%C3%B6rres/dp/201351543X/ref=sr_1_9?s=books&ie=UTF8&qid=1448534
491&sr=1-9&keywords=Joseph+G%C3%B6rres
973
Jacobi/dp/2080712594/ref=pd_sim_14_21?ie=UTF8&dpID=51TxOfKkrqL&dp
Src=sims&preST=_AC_UL160_SR95%2C160_&refRID=04AG276TQF304RC
EKRP8
« Après les moments difficiles de la Terreur, tout rentra assez vite dans l’ordre
au séminaire, l’échec sanglant de la Révolution était patent, la propagande
s’était estompée, et malgré le rêve français qui continuait à séduire Fichte et ses
lecteurs, les armées de libération allaient vite se muer en armées d’occupation.
[…] Il y a toutes chances pour que le récit de la plantation d’un arbre de la
liberté par Hegel et Schelling soit apocryphe. Néanmoins, les jeunes gens
n’étaient pas tout à fait assagis, le régime imposé n’était pas de leur goût, leur
appétit de liberté se retournait contre des professeurs médiocres et routiniers. »
(p.22)
-Hegel, La Raison dans l'Histoire, trad. Kostas Papaioannou, Paris, Plon, coll.
10/18, 1965, 311 pages.
976
« La religion chrétienne est celle de la vérité. » -Hegel, Philosophie de la
religion.
« Hegel voit dans la Société civile, l'inverse d'une société, une société à l'envers,
en tant qu'elle est le lieu où l'individu se représente comme étant le but, la
totalité, et la société comme le simple moyen de ses intérêts. Cela, bien avant
qu'il y ait système du besoin, c'est-à-dire, bien que le mouvement de l'offre et de
la demande, les fluctuations de la valeur du travail et de la marchandise n'est
pas leur origine dans les individus. Il nous paraît que ce que Hegel retient dès le
Système de la vie éthique de l'économie politique, c'est que le système du besoin
se bloque, dans la mesure où il n'aboutit pas au bien-être général, que ses
mécanismes de régulation (corporations) ne suffissent pas à éviter, d'une part,
la concentration de la richesse et de l'autre, le dénuement (il est possible comme
le prétend P. Chamley que Hegel ait repris cela, sans chercher à en expliquer le
processus, chez le mercantiliste Stuart), et que, sans l'Etat proprement dit, la
société civile sous le seul gouvernement du système du besoin, loin d'être
autarcique, risquerait d'aboutir à la destruction du peuple, par la dissolution de
son lien éthique. »
977
1961, repris dans Hannah Arendt. L'Humaine Condition, Gallimard, coll.
Quarto, 2012, 1050 pages, p.623.
978
la subjectivité» qui a pour conséquence que l’Absolu n’est pas principe, mais «
qu’il est essentiellement résultat, qu’il n’est qu’à la fin ce qu’il est en vérité».
« Appointé par l'État en vue de fins politiques, (le philosophe) trouvera bon de
faire l'apothéose de celui-ci, de le regarder comme le sommet de tout effort
humain et de toutes choses. Il transformera ainsi non seulement le cours de
philosophie en une école du plus plat philistinisme, mais finira par aboutir,
comme Hegel, par exemple, à la doctrine révoltante que la destination de
l'homme trouve sa plénitude dans l'État, à peu près comme celle de l'abeille
dans la ruche : ce qui a pour effet de dérober complètement aux yeux le but
élevé de notre existence. » -Arthur Schopenhauer.
979
Traduction de Salomon Reinach (1894), Numérisation et mise en page par Guy
Heff & David Buffo (Mai 2013), 184 pages, p.152-153.
980
ses disciples radicaux que Marx rejoignit en 1837. » -Mikhaïl Lifschitz, La
philosophie de l’art de Karl Marx, 1933, p.19.
982
l'individualisme. Une perspective anthropologique sur l'idéologie moderne,
Paris, Le Seuil, coll. Point, 1985 (1983 pour la première édition), 314 pages,
p.116.
« Hegel est à l'origine de tout ce qui s'est fait de grand en philosophie depuis un
siècle - par exemple du marxisme, de Nietzsche, de la phénoménologie et de
l'existentialisme allemand, de la psychanalyse - : il inaugure la tentative pour
explorer l'irrationnel et l'intégrer à une raison élargie qui reste la tâche de
notre siècle. » -Maurice Merleau-Ponty, Sens et Non-sens, Nagel, 1948, p. 109-
110.
« Il n'y a pas un événement, pas un phénomène, pas un mot ni une pensée dont
le sens ne soit multiple. [...] Hegel voulut ridiculiser le pluralisme, en
l'identifiant à une conscience naïve qui se contenterait de dire "ceci, cela, ici,
maintenant" — comme un enfant bégayant ses humbles besoins [...] Bien plus
encore : qu'est-ce que veut le dialecticien lui-même ? Qu'est-ce qu'elle veut cette
volonté qui veut la dialectique ? Une force épuisée qui n'a pas la force
d'affirmer sa différence, une force qui n'agit plus, mais réagit aux forces qui la
dominent : seule une telle force fait passer l'élément négatif au premier plan
dans son rapport avec l'autre, elle nie tout ce qu'elle n'est pas et fait de cette
négation sa propre essence et le principe de son existence. » -Gilles Deleuze,
Nietzsche et la philosophie, PUF, p. 4-11.
« Il y eut Hegel. C'était un penseur profond et ses écrits sont un trésor d'idées
stimulantes. Mais il œuvrait sous l'emprise d'une illusion : celle que l'Esprit
(Geist), l'Absolu se révélait à travers ses paroles. Rien dans l'univers n'était
caché pour Hegel. Le malheur était que son langage fût si ambigu qu'on pouvait
l'interpréter de diverses manières. Les hégéliens de droite l'interprétaient
comme une adhésion au système prussien de gouvernement autocratique et aux
dogmes de l'Église de Prusse. Les hégéliens de gauche y lisaient l'athéisme,
l'extrémisme révolutionnaire intransigeant, et des doctrines anarchisantes. »
984
« Hegel […] est par excellence l’homme du « système ». Grâce à un nouveau
« premier principe », il prétend dépasser les anciens dualismes, celui du réalisme
et de l’idéalisme, celui de la philosophie et de la théologie. D’après lui, -bien
qu’en un sens nouveau, -ce premier principe doit être appelé « philosophique »
et relève de la « raison ». Aussi est-ce par la seule raison philosophique qu’il
prétend dire ce qu’est Dieu. A ses yeux, c’est même là la tâche principale de la
philosophie. S’en tenir, sur ce point que « Dieu est Dieu », c’est ne rien dire du
tout ; affirmer que Dieu existe, mais que sa nature est inconnaissable, c’est poser
des « limites » à la raison humaine, ce qui selon Hegel est contradictoire. A
l’opposé de Kant, il veut nous rouvrir l’accès à l’Absolu. Ce projet sous-tend
toute son entreprise. » (p.358)
« Dans sa vie infinie, Dieu engendre éternellement son Autre, son Fils, pour
devenir Esprit en se reconnaissant en lui ; au sein de la Trinité, l’altérité, la
différence disparaît immédiatement ; « cette différenciation n’est qu’un
mouvement, un jeu de l’amour avec lui-même, où l’on n’en arrive pas à une
altérité, à une séparation, à une scission sérieuses. » [Philosophie de la religion,
trad. Gibelin, t. IV, p. 96] » (p.363)
« Pour saint Thomas, Dieu est transcendant, le créé est contingent. Pour Hegel,
Dieu implique une altérité (d’abord son Fils, ultérieurement la nature) et la
surmonte par l’Esprit (d’abord en lui-même, ensuite dans l’histoire humaine), ce
qui revient à dire que finalement Dieu n’est pas pleinement Dieu sans l’homme,
ou inversement que l’homme, au lieu d’être purement contingent, se découvre
comme un moment de Dieu, participant à la vie trinitaire. » (p.365-366)
985
« Hegel a horreur de l’individu singulier, il n’a d’estime que pour l’universel
concret, le « nous », la société unissant des individus. » (p.406)
« C’est depuis Hegel que nous savons qu’il faut tenir compte du temps et de
l’historicité si nous voulons définir un phénomène humain quelconque. Si la
temporalité est essentielle, il est dorénavant impossible de se représenter une
pensée a priori, entièrement constituée et achevée qui se choisirait après coup
un mode d’expression adéquat parmi des formes de langage tout aussi
constituées et complètes. […] Tout problème de définition essentielle devient un
problème d’origine et de genèse. » -Louis Van Haecht, Le langage de la
philosophie, Revue Philosophique de Louvain, Année 1960, Volume 58,
Numéro 57, pp. 135-164, p.143.
« Hegel's own response to these difficulties flows from his contrast between
morality (Moralität) and ethical life (Sittlichkeit). The alternative to abstract
morality of the kind represented by Kant, in Hegel's view, is for the formal
principles of morality to be given content thanks to the institutionalized ethical
life represented by Sittlichkeit. Sittlichkeit thus resolves the indeterminacy
inherent in the formal principles of Moralität in a way which is he claims, itself
rational. It can do this because, Hegel believes, customs and social institutions
are themselves products of reason -- reason as embodied in the logic of
historical. development. In other words, institutions are more than just a “tie-
breaker” when the requirements of reason no longer serve to specify a
particular action as right or wrong; they are themselves, in some historical
sense, bearers of rationality. Earlier societies were characterized by a conflict
between individual morality and institutionalized ethical life, but it is a mark of
the fact that reason has completed its historical development, in Hegel's view,
that modern society embodies the principles of Moralität within an
institutionalized form of ethical life that is itself rational.” -Michael Rosen, The
Marxist Critique of Morality and the Theory of Ideology.
986
« Le maquillage de Hegel en libéral anglais ne peut faire oublier que c’est le
penseur de l’Etat total, rouge, brun ou même bleu-blanc-rouge que l’on
souhaite le renverser (Lénine) ou l’appliquer (G. Gentile). Sa pensée et sa
dialectique trop flexible ont servi à couvrir du voile pudique de la logique les
monstruosités les plus inouïes. L’option hégélienne qui est de renoncer au
principe de contradiction au nom de la dialectique a fait long feu. » (p.103)
« Sans aucune hésitation il accepte les droits de l'homme et il fait sien l'héritage
de la Révolution française.
« Pour le député, représenter ne signifie pas être élu par des individus pris
isolément ou par la multitude, mais rendre effectivement présents, par sa
préparation et son expérience, les intérêts de l'une ou l'autre des sphères
987
essentielles de la société, qui ont tous un droit égal à être représentés. Hegel a
de plus le sentiment que le suffrage universel dévalorise en pratique l'individu
en lui révélant « la médiocrité réelle de son influence et de sa volonté
souveraine liée au droit de vote ». » (p.230)
989
« Jamais tentative aussi colossale que la sienne n’avait encore été faite pour
comprendre l’univers et le reproduire par la pensée. Aristote seul peut lui être
comparé, et entre Aristote et Hegel il y a tout l’intervalle qui sépare le monde
ancien du monde moderne, un Alexandre d’un Napoléon. »
« Au sortir de l’université, Hegel, qui était sans fortune, et qui ne paraît avoir eu
aucune velléité d’entrer dans l’église, chercha une place qui lui permît de
continuer ses études. Il devint précepteur dans une famille de Berne, et, trois ans
après, dans une autre famille à Francfort. Les années qu’il passa de la sorte
furent consacrées au travail le plus opiniâtre. À Tubingue, il s’était mis avec
ardeur à l’étude de l’antiquité grecque ; à Berne, ses préoccupations furent
théologiques : il écrivit une vie de Jésus-Christ et s’enfonça dans des recherches
sur les origines du christianisme. À Francfort, son attention se tourna vers la
politique : il lut Adam Smith, composa un écrit sur la constitution du
Wurtemberg, un autre sur l’organisation de l’Allemagne. Il embrassait ainsi
dans ses méditations l’antiquité et les temps modernes, la religion et la société,
tous les problèmes qu’offre le monde ; mais ces problèmes, à leur tour,
l’amenaient à la philosophie comme à leur solution commune, et lorsqu’il quitta
Francfort, il possédait en portefeuille un cours de philosophie complet dans
lequel on trouve déjà très nettement accusées la méthode caractéristique, les
grandes divisions et les données fondamentales du système auquel il a plus tard
attaché son nom. Hegel avait alors trente ans.
« Les événemens de 1806 fondent sur l’Allemagne. Il faut avouer que le moment
était mal choisi pour la publication d’une Phénoménologie de l’Esprit humain :
Austerlitz avait jeté l’Autriche aux pieds de Napoléon ; le vainqueur, dans une
seconde campagne, allait, selon l’expression de Joseph de Maistre, écraser la
Prusse comme une citrouille. Tout cela n’empêche pas Hegel de poursuivre la
formule métaphysique des développemens de l’humanité. La guerre se
rapproche, les armées manœuvrent autour d’Iéna : le penseur n’a pas l’air de
s’en apercevoir ; il est occupé à envoyer les dernières feuilles de son livre à
990
l’imprimeur, et ses lettres expriment plus de craintes sur le sort de son
manuscrit que sur celui de la patrie allemande. Il y a plus : quand il fait allusion
aux événemens qui s’accomplissent sous ses yeux, c’est pour exprimer
l’admiration que lui inspire le général français. Il a vu l’empereur. « Cela fait
une singulière impression, écrit-il, de voir un pareil homme, qui là, sur un point
donné, à cheval, plane sur le monde et le domine. » Il explique les succès des
Français par la supériorité de l’intelligence sur la sottise et la barbarie. Il
ajoute que tout le monde fait des vœux pour eux. Ce dernier trait jette du jour,
sur la situation. M. Haym, en reprochant amèrement ces paroles à Hegel, à
commis un anachronisme : il a confondu 1806 avec 1815 ou 1860. Le
patriotisme allemand, tel qu’il est compris aujourd’hui, n’était pas encore né
alors : c’est Napoléon lui-même qui l’a évoqué à force d’oppression et
d’insultes. »
-Edmond Sherer, Hegel et l’Hégélianisme, Revue des Deux Mondes, T.31, 1861.
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sociologie/dp/2247074324/ref=sr_1_4?ie=UTF8&qid=1461869052&sr=8-
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philosophes/dp/2204075973/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1450566724&sr=8-
1&keywords=Michel+Espagne%2C+En+de%C3%A7%C3%A0+du+Rhin
997
Heinrich Heine (1797-1856): “C’est un poète allemand exilé à Paris, Heinrich
(Henri) Heine, qui célèbre en 1844, contre Dieu, le roi et la « fausse patrie », le
dur labeur et la tenace espérance des tisserands de Silésie : Das Schiffchen
fliegt, der Webstuhl kracht, Wir weben emsig Tag und Nacht, Altdeutschland,
wir weben dein Leichentuch, Wir weben hinein den dreifachen Fluch, Wir
weben, wir weben ! « La navette vole, le métier craque / Et jour et nuit nous
tissons avec ardeur. / Vieille Allemagne, nous tissons ton linceul, / Nous tissons
la triple malédiction, / Nous tissons, nous tissons ! »”. -Philippe Boutry, « Le
monde du travail et ses représentations », Cours d’agrégation, Sorbonne,
Amphithéâtre Richelieu, février 2021.
http://www.amazon.fr/De-lAllemagne-Heinrich-
Heine/dp/2070749827/ref=pd_sim_14_3?ie=UTF8&dpID=410YF44BYBL&dp
Src=sims&preST=_AC_UL160_SR106%2C160_&refRID=1VQ6BHMSYCN8
HVWQDG56
http://www.amazon.fr/De-France-Henri-
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Src=sims&preST=_AC_UL160_SR105%2C160_&refRID=1VQ6BHMSYCN8
HVWQDG56
http://www.amazon.fr/Nouveaux-po%C3%A8mes-Henri-
Heine/dp/2070329410/ref=pd_sim_14_5?ie=UTF8&dpID=41266K98CWL&dp
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KFEY2KM
998
fiscales nécessaires au financement des emprunts contractés pour entretenir la
guerre. » -Gareth Stedman Jones, « De l’histoire sociale au tournant linguistique
et au-delà. Où va l’historiographie britannique ? », Revue d'histoire du XIXe
siècle [En ligne], 33 | 2006, mis en ligne le 01 décembre 2008, consulté le 11
mai 2020.
"Charles Feinstein montre que les revenus réels stagnent jusque dans les années
1830 puis connaissent une croissance fragile avant de se consolider dans les
années 1840 et de connaître une accélération dans la deuxième moitié du siècle.
Mais de tels résultats soulèvent une difficulté. Depuis le début des années 1980
plusieurs travaux importants ont défendu l’idée d’une « révolution de la
consommation » au XVIIIe siècle. Comment réconcilier cette approche avec les
nouvelles données qui montrent que les salaires réels n’augmentent pas
significativement ?
Si les Anglais consomment plus, selon Hans-Joachim Voth, c’est d’abord parce
qu’ils ont un désir plus grand de consommer, ce qui, dans un contexte où les
salaires réels n’augmentent pas, les pousse à travailler plus. Cette « révolution
industrieuse », comme l’appelle Jan de Vries, se distingue de la révolution
industrielle en ce qu’elle est stimulée par la demande et non par l’offre, et
procède d’une situation dans laquelle « les hommes […] sont esclaves de leurs
propres désirs » qui les forcent à travailler. Une telle hypothèse s’écarte de la
perspective naguère proposée par Edward P. Thompson, qui faisait de
l’augmentation du temps de travail le résultat d’une série de mesures
1000
disciplinaires repérables dans les sources littéraires ou les règlements d’usine,
les horaires imposés ou la fin de la « Saint Lundi ». Mais elle témoigne de la
même inventivité dans l’utilisation des sources. Ainsi Hans-Joachim Voth a
étudié les déclarations de plus de 2 800 hommes et femmes de Londres et du
Nord de l’Angleterre appelés comme témoins de crimes devant des tribunaux et
sommés de détailler leurs activités heure par heure le jour du crime. Ces
témoignages permettent de confirmer la thèse d’un allongement global du temps
de travail entre 1760 et 1830, tout en montrant que l’expérience de
l’enfermement et de la discipline n’avait concerné qu’une minorité des
ouvriers."
http://www.amazon.fr/Life-Adventures-William-Cobbett-
ebook/dp/B009FUFA0G/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1458726472&sr=8-
1&keywords=Richard+Ingrams%2C+The+Life+and+Adventures+of+William+
Cobbett
http://www.cse.dmu.ac.uk/~mward/gkc/books/William_Cobbett.txt
James Mill (1773-1836) : « Est-il sérieux de dire que les épicuriens comme
Lucrèce, Horace, Virgile et Jules César, pour ne nommer qu'eux, négligeaient
les plaisirs du goût et des arts de l'imagination ? » -James MILL, A Fragment
on Mackintosh, Longmans, Green Reader and Dyer, Londres, 1870, p. 272.
« Jamais et nulle part un tel lieu commun, une telle trivialité n’a fait l’étalage
d’elle-même avec une telle complaisante arrogante. » -Karl Marx, Le Capital, à
propos de l’utilitarisme de Bentham.
[…] Un aveu qui en dit long sur l'honnêteté du procédé, découvert dans ses
papiers personnels par Elie HALEVY (The Growth of Philosophical Radicalism,
p. 495, cité par Lord ROBBINS, Politics and Economics, 1963, p. 15), nous a
été livré par BENTHAM lui-même. Ne le voit-on pas déclarer, à son corps
défendant :
‘C'est en vain que l'on parle d'ajouter des quantités qui, après cette addition,
continueraient comme devant ; le bonheur d'un homme ne sera jamais le
bonheur d'un autre [...] vous pourriez tout aussi bien feindre d'additionner vingt
pommes avec vingt poires [...] cette additivité des bonheurs de différents sujets
[...] est un postulat sans l'admission duquel tout raisonnement pratique est remis
en cause.’
[…] Si l'on veut bien reconnaître que les utilités des différentes personnes sont
incommensurables, de sorte que l'utilité, le bonheur et le bien-être de personnes
différentes ne peuvent pas être intégrées, on admet ipso facto qu'on n'a
absolument aucun droit d'invoquer une théorie sociale qui partirait de
présupposés utilitaristes pour prouver (sauf dans les cas rares et politiquement
peu significatifs de ‘supériorité au sens de PARETO’) la justesse d'affirmations
prétendant qu'une politique serait 'objectivement supérieure' à une autre.
L'utilitarisme devient alors idéologiquement inutilisable. Dans la mesure où
certaines politiques auraient besoin de justifications intellectuellement solides,
il faudra aller les chercher dans un cadre doctrinal autrement moins commode
ou satisfaisant pour l'esprit.» -Anthony de Jasay, L’Etat, Paris, les Belles lettres,
1993, pp. 142-144.
http://hydra.forumactif.org/t1083-jeremie-bentham-oeuvres#1713
http://www.amazon.fr/Introduction-aux-principes-morale-
l%C3%A9gislation/dp/2711623246/ref=sr_1_2?ie=UTF8&qid=1449348612&sr
=8-2&keywords=bentham
https://www.amazon.fr/Utility-Democracy-Political-Thought-
Bentham/dp/0199563365/ref=tmm_pap_swatch_0?_encoding=UTF8&qid=1504
707439&sr=1-1
http://www.amazon.fr/lontologie-
Bentham/dp/202032332X/ref=sr_1_5?ie=UTF8&qid=1449348612&sr=8-
5&keywords=bentham
http://www.amazon.fr/Bentham-contre-droits-Bertrand-
Binoche/dp/2130558313/ref=sr_1_4?ie=UTF8&qid=1449348612&sr=8-
4&keywords=bentham
1006
http://www.amazon.fr/Jeremy-Bentham-peuple-comme-
fiction/dp/2859447903/ref=pd_sim_sbs_14_5?ie=UTF8&dpID=51romKfXPWL
&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR107%2C160_&refRID=0F6FYK0VVT
QS5NBF3DG8
http://www.amazon.fr/Des-principes-l%C3%A9conomie-politique-
limp%C3%B4t/dp/2080706632/ref=pd_sim_14_2?ie=UTF8&dpID=51dBMwI2
GyL&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR97%2C160_&refRID=0M3PX9F3
6K0EPQK6M3J2
http://www.amazon.fr/Essai-sur-principe-population-
Tome/dp/2080707086/ref=pd_rhf_dp_s_cp_41?ie=UTF8&dpID=51GJ9YDG36
L&dpSrc=sims&preST=_SL500_SR81%2C135_&refRID=0JC7RVA3W8JCG1
FHDJ1C
http://www.amazon.fr/Essai-sur-principe-population-
Tome/dp/2081247879/ref=pd_sim_14_1?ie=UTF8&dpID=51wTnrtASCL&dpS
rc=sims&preST=_AC_UL160_SR97%2C160_&refRID=0M3PX9F36K0EPQK
6M3J2
« Dans les circonstances particulières d'un âge ou d'une nation donnés, il n'y a
pratiquement rien de vraiment important pour l'intérêt général, qu'il ne soit pas
1009
désirable ou même nécessaire que le gouvernement entreprenne, non parce que
les individus ne pourraient pas le faire, mais simplement parce qu'ils ne le font
pas. Dans certains endroits et lieux il n'y aura pas de routes, de docks, de ports,
de canaux, de travaux d'irrigation, d'hôpitaux, d'écoles, de collèges, ni
d'imprimeries à moins que l'État ne les construise. » -J. S. MILL, Princip les of
Political Economy, livre V, ch. XI, § 16.
« Dès la fin du 19ème siècle, Friedrich List (List [1857]) et John Stuart Mill
(Mill [Principles of Political Economy] [1848]) défendent l'idée selon laquelle le
surcoût lié au protectionnisme est légitime lorsqu'il permet l'émergence d'une
industrie nationale. »
« Les femmes sont aussi capables que les hommes d’apprécier et d’administrer
leurs intérêts, et la seule chose qui les en empêche est l’injustice de leur position
sociale actuelle. Tant que la loi comptera dans les biens du mari tout ce que la
femme acquiert, tandis qu’en la forçant à vivre avec lui elle la force à supporter
presque toute la somme d’oppression morale et même physique qu’il lui
convient d’imposer, il y a quelque motif de considérer tout acte fait par la
femme comme un résultat de la contrainte dans laquelle elle vit. » -John Stuart
Mill, Principes d’économie politique avec leurs applications en philosophie
sociale, 1848.
1010
« John Stuart Mill est un épigone du libéralisme classique qui fut plein de piteux
compromis, particulièrement à la fin de sa vie et sous l'influence de sa femme. Il
glissa progressivement vers le socialisme et est à l'origine de la confusion
irréfléchie des idées libérales et socialistes qui conduisit au déclin du
libéralisme anglais et à la diminution du niveau de vie de la population
anglaise.
Sans une étude sérieuse de Mill, il est impossible de comprendre les événements
qu'ont subis les deux dernières générations, car Mill est le grand défenseur du
socialisme. Il a élaboré avec attention et amour tous les arguments pouvant être
avancés en faveur du socialisme. Comparés à Mill, tous les autres auteurs —
même Marx, Engels et Lassalle — ont bien peu d'importance. » -Ludwig von
Mises, Le Socialisme, 1922.
“Social liberal thought originates in the writings of John Stuart Mill and his
successors labeled the New Liberals.” -Edwin van de Haar,
www.libertarianism.org, The Meaning of “Liberalism”, Apr 22, 2015.
« John Stuart Mill dont les idées empiristes et radicales sont officiellement
exclues du Tripos de sciences morales de Cambridge tant que celui-ci reste un
monopole anglican jusqu’en 1871. » -Julien Vincent, « Les « sciences morales »
: de la gloire à l’oubli ? », La revue pour l’histoire du CNRS [En ligne], 18 |
2007, mis en ligne le 03 octobre 2009, consulté le 15 janvier 2021. URL
: http://journals.openedition.org/histoire-cnrs/4551 ; DOI
: https://doi.org/10.4000/histoire-cnrs.4551
« Le principe du plus grand bonheur pour le plus grand nombre n’implique pas
seulement que je me décide moi-même à renoncer parfois à mes propres intérêts
(renoncement dont on vient de voir qu’il fallait, dans le cadre de l’utilitarisme et
en l’absence de l’idée de liberté comme arrachement à soi, l’expliquer par une
logique des sentiments), mais il peut s’accommoder aussi de ce que d’autres me
contraignent à le faire au nom du bien commun. Comme l’a parfaitement
montré John Rawls, l’utilitarisme ne peut éviter de trébucher sur la difficile
1011
question du sacrifice –par où il quitte l’orbite de l’individualisme moderne pour
s’apparenter à une nouvelle forme de « holisme », c’est-à-dire une vision du
monde dans laquelle l’intérêt du plus grand nombre prime sur celui de tel ou tel
individu particulier. » -Luc Ferry, Jean-Didier Vincent, Qu’est-ce que
l’homme ?, Éditions Odile Jacob, 2000.
« Dans l’utilitarisme de Mill, les hommes n’ont pas de droits naturels (comme le
dit Bentham, d’un point de vue utilitariste la notion de droits naturels est « une
absurdité montée sur des échasses »), ils n’ont pas de rapport avec un Dieu
créateur, pas de raison évidente se donner un gouvernement, et pas de principes
intangibles pour agencer celui-ci.
Certes, Mill affirme bien que « La seule raison légitime que puisse avoir une
communauté pour user de force contre un de ses membres, est de l’empêcher de
nuire aux autres », mais il ne nous donne pas de motifs puissants, ancrés dans la
nature humaine, pour accepter ce principe et s’y tenir ; outre le fait qu’il ne
définit pas clairement ce qui peut être considéré comme « nuisible ». » -Aristide
Renou, Vie et mort de la liberté de paroles, Ostracisme, jeudi 2 novembre 2017.
« Even Wendell Phillips, the former abolitionist who would defend unrestricted
Chinese immigration to his dying day, called the Chinese “barbarous”, of an
“alien blood”, and capable of “dragging down the American home to the level
of the houseless street herds of China”. And liberal-thinking John Stuart Mill
worried that Chinese immigration could result in “a permanent harm” to the
“more civilized and improved portion of mankink”. » -Andrew Gyory, Closing
the Gate. Race, Politics, and the Chinese Exclusion Act, University of North
California Press, 1998, 368 pages, p.18.
1012
colonisation, quand à elle, est vantée et préconisée. » -Gilles Manceron, préface
à Jennifer Pitts, Naissance de la bonne conscience coloniale: les libéraux
français et britanniques et la question impériale (1770-1870), Paris, Les
Éditions de l'Atelier/Éditions ouvrières, 2008, p.9.
"Depuis le milieu du XIXe siècle s’est développé une forme de libéralisme qui
prend en compte les limites du capitalisme et qui tend à dépasser le libéralisme
classique de John Locke et Adam Smith pour défendre une forme de libéralisme
social, de libéralisme égalitariste, voire même de socialisme libéral. C’est
précisément à cette famille de théories libérales, que je dénomme globalement
libéralisme moderne, que je me consacre. Deux figures clefs de la philosophie
morale et politique en incarnent les traits les plus saillants. Au XIXe siècle, il
s’agit en particulier de John Stuart Mill qui, tout en s’inscrivant dans la
tradition du libéralisme classique, ouvre la réflexion libérale à une forme de
socialisme, de même qu’à un libéralisme des mœurs cultivant une tolérance
étendue. Au XXe siècle, l’œuvre monumentale de John Rawls s’inscrit dans la
même veine. Cependant, Rawls substitue aux fondements utilitaristes et à
l’empirisme de Mill une approche contractualiste d’inspiration kantienne. Mais,
à l’image de Mill et peut-être même davantage que lui, Rawls reste tout à fait
ouvert à la possibilité d’un régime socialiste, au sens fort du mot." (p.9-10)
1013
-Alain Boyer, Quels fondements éthiques pour quel libéralisme ? Critique et
justification (malgré tout) du libéralisme moderne, Thèse de doctorat présentée à
la Faculté des Lettres de l’Université de Fribourg (Suisse) Genève, août 2007.
« L'économiste Stuart Mill, ce probe savant qu'il est bon de donner en exemple à
tous ses confrères. » -Élisée Reclus, "La peine de mort", Conférence faite à une
réunion convoquée par l’ " Association Ouvrière " de Lausanne (1879).
http://hydra.forumactif.org/t199-john-stuart-mill-de-la-liberte-l-utilitarisme-mes-
memoires-histoire-de-ma-vie-et-mes-idees#431
http://www.amazon.fr/John-Bright-Statesman-Orator-
Agitator/dp/1848859961/ref=tmm_hrd_title_0?ie=UTF8&qid=1447024222&sr=
8-1
http://hydra.forumactif.org/t2150-william-dyer-grampp-the-manchester-school-
of-economics#2863
1014
l’autorité qui voudrait gouverner par le despotisme, que sur les masses qui
réclament le droit d’asservir la minorité à la majorité. » -Benjamin Constant.
« Depuis que l’esprit de l’homme marche en avant /…/ il n’est plus d’invasion
de barbares, plus de coalition d’oppresseurs, plus d’évocation de préjugés, qui
puisse le faire rétrograder. /…/ Il faut que les lumières s’étendent, que l’espèce
humaine s’égalise et s’élève, et que chacune de ces générations successives que
la mort engloutit, laisse du moins une trace brillante qui marque la route de la
vérité. » - Benjamin Constant, Écrits et discours, éd. O. Pozzo di Borgo, Jean-
Jacques Pauvert, 1964, vol. 1, p. 127.
« Loin donc, Messieurs, de renoncer à aucune des deux espèces de liberté dont
je vous ai parlé, il faut, je l’ai démontré, apprendre à les combiner l’une avec
l’autre. » -Benjamin Constant, De la liberté des Anciens comparée à celle des
Modernes, 1819.
1015
« Hayek claimed that the characteristic great liberals of the nineteenth century
were Tocqueville and Lord Acton. In my opinion, if one had to choose a single
fountainhead of liberalism in the century, it would be Benjamin Constant.”
-Ralph Raico, Authentic German Liberalism of the 19th Century, 20 avril 2005.
« Il faut rejeter Godwin dans le camp des utopistes – aussi bien, Constant
renonce-t-il à publier sa traduction de l’Enquête. Pour le dire autrement : il est
faux que le gouvernement soit, comme le prétendait Paine, un « mal nécessaire
» ; il est encore plus faux qu’il soit, comme le prétendait Godwin, un mal
provisoirement nécessaire : en vérité, c’est un bien, à jamais indispensable,
pour autant du moins qu’il exerce son autorité dans l’étendue qui est
naturellement la sienne. » -Bertrand Binoche, « Les deux principes du
libéralisme », Actuel Marx, 2004/2 (n° 36), p. 123-149.
“L’arriviste qu’on nous dépeint présente une curieuse particularité, par rapport
à ceux qui seraient ainsi ses congénères : c’est qu’il n’est jamais, lui, vraiment
parvenu. Qu’il s’est au contraire, souvent, placé volontairement ou naïvement,
comme on voudra, à contre-courant : expulsé du Tribunat pour crime
d’opposition, exilé volontaire aux côtés de Mme de Staël, contraint de gagner
l’Angleterre pour avoir cru faire le bon choix aux Cent-Jours, leader de
l’opposition libérale aux pires heures de la Terreur blanche. Si cela ne
l’exempte pas de ses faiblesses, que cela soit néanmoins la preuve, — sauf à
croire qu’il se trompait à chaque fois dans ses calculs, ce qui ne laisserait pas
d’étonner chez un homme qu’on veut nous faire passer pour plus qu’avisé, —
qu’il plaçait sans aucun doute quelques valeurs réelles plus haut que ses intérêts
personnels. » -Paul Delbouille, « Aux sources de la démocratie libérale :
1016
Benjamin Constant », Revue d'histoire littéraire de la France, 2/2006 (Vol.
106), p. 259-270.
« La critique d’une société basée sur l’intérêt bien entendu est particulièrement
virulente chez Benjamin Constant, dans l’ouvrage qu’il consacre à la religion.
Cf. Constant B. De la religion considérée dans sa source, sa forme et ses
développements. » -Laurence Loeffel, « Aux sources de l'éducation laïque et
libérale : spiritualisme et libéralisme en France au xixe siècle », Les Sciences de
l'éducation - Pour l'Ère nouvelle, 2008/2 (Vol. 41), p. 25-43.
http://www.institutcoppet.org/2014/08/30/benjamin-constant-les-droits-
individuels-plutot-que-le-principe-de-lutilite
http://www.amazon.fr/Benjamin-Constant-muscadin-1795-1799-
Guillemin/dp/2868197558/ref=sr_1_46?ie=UTF8&qid=1450476474&sr=8-
46&keywords=benjamin+constant
http://www.amazon.fr/Benjamin-Constant-d%C3%A9mocratique-T-
Todorov/dp/2253130710/ref=sr_1_32?ie=UTF8&qid=1450476441&sr=8-
32&keywords=benjamin+constant
http://www.amazon.fr/conqu%C3%AAte-lusurpation-rapports-civilisation-
europ%C3%A9enne/dp/2080704567/ref=sr_1_16?ie=UTF8&qid=1450476403
&sr=8-16&keywords=benjamin+constant
1017
http://www.amazon.fr/Benjamin-Constant-gen%C3%A8se-lib%C3%A9ralisme-
moderne/dp/2130457428/ref=sr_1_fkmr3_3?s=books&ie=UTF8&qid=1455197
749&sr=1-3-
fkmr3&keywords=les+sectes+le+lib%C3%A9ralisme+moderne+de+vaux
La plupart des officiers avaient quitté l’armée pour émigrer. Ceux qui n’avaient
point abandonné leur patrie et qui se proposaient de défendre la révolution avec
un dévouement sincère, restaient suspects. M. de Tracy avait eu le bonheur et
1018
l’habileté d’inspirer une confiance affectueuse au régiment de Penthièvre, qu’il
commandait depuis plus de dix ans, et qui, témoin de son constant esprit de
justice envers les sous-officiers et certain de son loyal attachement à la cause
populaire, lui demeurait inébranlablement fidèle. Dans ce temps de péril et de
suspicion, M. de Tracy aurait voulu combattre à sa tête ; mais il ne le put pas.
M. de Narbonne, alors ministre de la guerre et avec lequel il s’était lié d’une
étroite amitié à l’université de Strasbourg, le nomma malgré lui maréchal-de-
camp, et mit sous ses ordres toute la cavalerie de l’armée du nord, que
commandait le général Lafayette.
L’esprit de M. de Tracy, qui avait été trop exigeant pour rester dans l’école de
Buffon, était trop élevé pour s’arrêter dans celle de Lavoisier. Aussi, après avoir
étudié les phénomènes de la matière, il rechercha les lois de l’intelligence, et il
prit pour ses derniers maîtres Locke et Condillac. Mais ce ne fut pas dans sa
tranquille retraite, au sein de sa famille, au milieu de ses amis, qu’il aborda les
grands problèmes du monde moral. Il y avait un peu plus d’un an qu’il s’était
retiré à Auteuil, lorsqu’il fut arraché violemment à ses travaux. Au moment où
la plus sombre terreur se répandait sur la France, où tout ce qui avait distingué
autrefois rendait suspect, où tout homme suspect devenait captif, et où tout
captif semblait marqué d’avance du sceau de la mort, M. de Tracy fut enveloppé
dans la proscription commune. Le 2 novembre 1793, au matin, un détachement
de l’armée révolutionnaire commandé par le fameux général Ronsin entoura sa
maison d’Auteuil, et, après une visite domiciliaire qui ne laissa découvrir que
ses très innocents travaux, il fut conduit à Paris et enfermé à l’Abbaye. Il resta
déposé pendant six longues semaines au réfectoire de cette prison avec trois
cents compagnons de captivité, qui y étaient entassés dans un espace si étroit et
au milieu d’un air si infect, qu’ils pouvaient à peine s’y mouvoir et y respirer.
[…]
Locke se borna d’abord à réhabiliter, dans son Essai sur l’entendement humain,
qui devint l’objet limité de la philosophie, la vieille maxime d’Aristote, qu’il n’y
avait rien dans l’intelligence qui n’y vînt par les sens. Il composa toutefois
l’entendement humain des sens et de la réflexion, qui concouraient également à
la formation des idées. Il ne mutilait pas l’homme spirituel, mais son principe
1020
avait des conséquences qui devaient être tirées, et elles le furent d’une manière
complète, avec l’inexorable logique de la pensée française.
Successeur de Smith, émule de son ami J.-B. Say, il appréciait avec une grande
sagacité la valeur du travail, la théorie des monnaies, la nature et l’influence de
l’impôt, et il exposait toute la science de la richesse sous une forme saisissante,
dans l’enchaînement rigoureux de ses vérités fondamentales. […]
Les sentiments de M. de Tracy étaient droits et hauts comme son ame. Il cachait
un cœur passionné sous des dehors calmes. Il y avait en lui, un désir vrai du
bien, un besoin d’être utile qui passait fort avant la satisfaction d’être applaudi,
une modestie sincère qui ne laissait apercevoir aucun orgueil caché, et la plus
grande envie de ne tromper ni soi ni autrui. Aussi était-il dépourvu
d’exagération, excepté, si on peut dire ainsi, dans son horreur pour le
mensonge, qui lui donnait un air outré vis-à-vis de beaucoup de gens. Son
extrême politesse était mêlée à un certain désir de déplaire à ceux dont il faisait
1021
peu de cas. Autant il savait être aimable, autant il pouvait être sec. On l’a
appelé Têtu de Tracy. Il disait que c’était un excellent nom. Il y avait chez M. de
Tracy un contraste singulier de simplicité démocratique et de manières féodales.
Ayant à la fois reçu l’éducation aristocratique de l’ancien monde et les
principes libéraux du XVIIIe siècle, il était resté dans ses habitudes en arrière
de ses idées. […]
M. de Tracy est du petit nombre de ces hommes rares qui ont donné le beau
spectacle d’une parfaite harmonie entre l’intelligence et le caractère, entre la
raison et la conduite. Il n’a pas agi autrement qu’il n’a pensé, et sa vie a été le
pur reflet d’une longue idée. Pendant quatre-vingt-deux ans, il a eu le même
amour pour la liberté, la même foi dans la vérité, et il a marché avec courage
dans les voies droites où il était d’abord entré, sans autre ambition que celle de
voir la raison triomphante et l’humanité heureuse. Ayant fait partie de cette
généreuse noblesse qui avait coopéré à une révolution d’égalité ; n’ayant pas
voulu quitter le sol de la patrie dans les moments du plus extrême péril ; sans
crainte en prison, sans faiblesse au sénat ; dans ses livres, inspiré par le désir
d’être utile ; au milieu de sa famille, affectueux ; avec ses amis, dévoué ; dans
ses actions, irréprochable, M. de Tracy a été un grand philosophe, un excellent
citoyen et un homme de bien. » -François-Auguste Mignet, La vie et les travaux
de Destutt de Tracy, Revue des Deux Mondes, 4ème série, tome 30, 1842.
"La principale revue des Idéologues a pour titre La Décade philosophique. Elle
est le reflet de leurs activités et de leurs réflexions. Le rédacteurs en chef en est
Jean-Baptise Say." (p.330)
http://hydra.forumactif.org/t773-antoine-louis-destutt-de-tracy-elements-
dideologie-traite-d-economie-politique-autres-œuvres
http://hydra.forumactif.org/t2694-timothy-d-terrell-leconomie-selon-destutt-de-
tracy#3448
http://www.amazon.fr/ANTOINE-DESTUTT-TRACY-LENSEIGNEMENT-
REPUBLICAIN/dp/2905319674/ref=sr_1_13?ie=UTF8&qid=1453562339&sr=
8-13&keywords=Destutt+de+Tracy
1024
https://www.amazon.fr/OEuvres-compl%C3%A8tes-III-did%C3%A9ologie-
proprement/dp/2711621359/ref=sr_1_9?s=books&ie=UTF8&qid=1461787549
&sr=1-9&keywords=destutt+de+tracy
https://www.amazon.fr/OEuvres-compl%C3%A8tes-IV-did%C3%A9ologie-
Grammaire/dp/2711621367/ref=sr_1_15?s=books&ie=UTF8&qid=1461787681
&sr=1-15&keywords=destutt+de+tracy
https://www.amazon.fr/Oeuvres-compl%C3%A8tes-%C3%89l%C3%A9ments-
did%C3%A9ologie-
Troisi%C3%A8me/dp/2711621375/ref=sr_1_16?s=books&ie=UTF8&qid=1461
787681&sr=1-16&keywords=destutt+de+tracy
https://www.amazon.fr/Oeuvres-compl%C3%A8tes-El%C3%A9ments-
did%C3%A9ologie-
volont%C3%A9/dp/2711621383/ref=sr_1_3?s=books&ie=UTF8&qid=1461787
549&sr=1-3&keywords=destutt+de+tracy
https://www.amazon.fr/Oeuvres-compl%C3%A8tes-VII-Commentaires-
Montesquieu/dp/2711621391/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1461787681
&sr=1-1&keywords=destutt+de+tracy
http://www.amazon.fr/Centre-introuvable-politique-doctrinaires-
Restauration/dp/2259203787/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1458149946&sr=8-
1&keywords=Le+centre+introuvable%3A+la+pens%C3%A9e+politique+des+d
octrinaires+sous+la+Restauration
La Charte n’est donc point une plante exotique, un accident fortuit du moment :
c’est le résultat de nos mœurs présentes, c’est un traité de paix signé entre les
1025
deux partis qui ont divisé les François, traité où chacun des deux abandonne
quelue chose de ses prétentions pour concourir à la gloire de la Patrie. » -
François René de Chateaubriand, De la monarchie selon la Charte, 1816.
1026
-Christian Delacroix, François Dosse et Patrick Garcia, Les courants historiques
en France. XIXe – XXe siècle, Gallimard, coll. Folio histoire, 2007 (1999 pour la
première édition), 724 pages.
« Il existe à Paris en 1828 plus de 500 cabinets de lecture pour une population
d’environ 800 000 habitants. » (p.80)
1027
cautionnement ; une obligation d’autorisation préalable pour tout dessin. »
(note 31 p.86)
https://www.amazon.fr/France-Restauration-1814-1830-Limpossible-
retour/dp/2070396819/ref=pd_sbs_14_2?_encoding=UTF8&psc=1&refRID=N1
7WAFG7QJHT7GBFE0JW
Nicolas Bourguinat, La ville, la haute police et la peur : Lyon entre le complot des subsistances et les
manœuvres politiques en 1816-1817 (forumactif.org)
1029
L'histoire du Panthéon, que 1830 enlève une seconde fois (après 1790) au culte
catholique pour l'affecter au culte civique des grands hommes, réunit de façon
hautement significative ces deux premiers aspects de la liberté, l'hommage à 89
et la laïcisation de l'Etat." (pp.18-19)
"C'est une loi du 8 février 1831 qui fit bénéficier le culte israélite du budget des
cultes, le mettant ainsi juridiquement à parité avec le catholique et le réformé.
"Mais lorsque tout change dans l'Etat, depuis les principes et les symboles
jusqu'aux agents du gouvernement dans leur totalité (tous les préfets, par
exemple), lorsque ceux qui étaient ministres vont en prison et que ceux qui
étaient en prison, ou menacés d'y être mis, vont au gouvernement, comment
rejeter le terme de révolution [...] ?" (p.22)
[...] Le peuple dans sa masse ne peut voter parce que, très massivement pauvre,
il serait trop facilement dépendant de qui peut acheter son suffrage, et parce
que, très massivement ignorant, il serait trop facilement entraîné par les
autorités dotées d'une influence séculaire, religieuses principalement. Le
bourgeois de 1830 est en cela l'héritier direct des constituants de 1789 qui ont
inventé le principe du "citoyen actif - citoyen passif". Exclure le pauvre du vote,
c'est encore une façon indirecte d'en écarter le "féodal" et le prêtre, dont les
pauvres subornés multiplieraient abusivement la puissance." (p.23)
"La Révolution de 1848 ne s'est pas tant faite contre l'idéologie de 1830 que
contre la pratique du Guizot des années 40 [qui refusait l'abaissement du cens].
Cela nous aide peut-être à comprendre le prestige considérable [...] dont la
Révolution de Juillet 1830 a joui au cours de la Révolution de 1848." (p.24)
"Avant 1830, il existe des ouvriers, et même organisés, et même des grèves, mais
ils ignorent le socialisme ; il y a aussi des penseurs que l'on peut déjà dire
socialistes (les saint-simoniens, par exemple), mais ils sont tous bourgeois. C'est
1030
à partir de 1830 que s'opéreront les premières conjonctions et que l'on pourra
rencontrer les premiers ouvriers socialistes." (p.26)
https://www.amazon.fr/R%C3%A9volution-juillet-29-1830/dp/2070280772
https://www.amazon.fr/1830-Revolution-France-P-
Pilbeam/dp/0333619986/ref=sr_1_2?__mk_fr_FR=%C3%85M%C3%85%C5%
BD%C3%95%C3%91&dchild=1&keywords=la+R%C3%A9volution+de+1830
+en+France&qid=1605629474&s=books&sr=1-2
[…] Louis-Philippe avait été beau, et, vielli, était resté gracieux ; pas toujours
agrée de la nation, il l’était toujours de la foule ; il plaisait. Il avait ce don, le
charme. La majesté lui faisait défaut ; il ne portait ni la couronne, quoique roi,
1031
ni les cheveux blancs, quoique viellard. Ses manières étaient du vieux régime et
ses habitudes du nouveau, mélange du noble et du bourgeois qui convenait à
1830 ; Louis-Phillipe était la transition régnante […] Il portait l’habit de la
garde nationale comme Charles X, et le cordon de la légion d’honneur comme
Napoléon […].
Disons-le.
Louis-Philippe a été un roi trop père ; cette indubation d’une famille qu’on veut
faire éclore dynastie a peur de tout et n’entend pas être dérangée ; de là des
timidités excessives, importunes au peuple qui a le 14 juillet dans sa tradition
civile et Austerlitz dans sa tradition militaire.
Louis-Philippe a été un roi de plein jour. Lui règnant, la presse a été libre, la
tribune a été libre, la conscience et la parole ont été libres. Les lois de
septembre sont à claire-voie. Bien que sachant le pouvoir rongeur de la lumière
sur les privilèges, il a laissé son trône exposé à la lumière. L’histoire lui tiendra
compte de la loyauté. » -Victor Hugo, Les Misérables, 1862.
"Dès 1830, Bastiat pouvait donc prévoir le maelström de février 1848. Car,
contrairement à ce que suggère Larousse, la monarchie de Juillet ne s'éloignait
pas du libéralisme en vertu de la traditionnelle usure du pouvoir, mais parce
que ceux qui allaient s'imposer auprès de Louis-Philippe et qui avaient déjà
goûté au pouvoir sous la Restauration n'étaient pas philosophiquement libéraux
mais appartenaient à une dissidence historiciste du libéralisme. Le
doctrinarisme part d'une confusion typiquement française entre la modération
1032
en politique et l'éclectisme du juste milieu. Loin de s'appuyer sur les acquis
libéraux de la Révolution, notamment sur la liberté du travail, la politique du
juste milieu consiste à s'opposer à la fois aux principes de la Révolution et aux
traditions de la monarchie d'Ancien Régime, à la souveraineté du peuple et au
droit divin. Dans cet intervalle où l'Etat repose sur du sable, ce sont donc les
intérêts privés qui vont prendre le pas sur l'intérêt général défendu par les
libéraux.
La doctrine protectionniste dominante sous la Restauration est reconduite sous
la monarchie de Juillet. La victoire de juillet 1830 marque donc l'éclatement du
front libéral. L'émergence de l'école de Paris, dans les années 1840, va
confirmer le fossé profond qui se creuse alors entre libéraux de circonstance et
libéraux philosophiques. Ceux-ci sont rejetés à l'extrême gauche de l'échiquier
politique, espace qu'ils partageront avec les sociétés secrètes républicaines
avant que les socialistes ne leur contestent cette position." (p.444)
-Michel Leter, "Éléments pour une étude de l'école de Paris (1803-1852)",
chapitre in Philippe Nemo et Jean Petitot (dir.), Histoire du libéralisme en
Europe, Paris, Quadrige/PUF, 2006, 1427 pages, pp.429-509.
http://hydra.forumactif.org/t892-pierre-de-la-gorce-louis-philippe#1503
https://www.amazon.fr/Trois-jours-qui-%C3%A9branl%C3%A8rent-
monarchie/dp/2035845874/ref=la_B004N2DBZW_1_4?s=books&ie=UTF8&qi
d=1545304837&sr=1-4
1033
d’opérations ; les unes réalisées avec leurs propres deniers ; les autres avec les
deniers de tous. […] Habituer les industries privées aux largesses de l’Etat,
c’est leur rendre un détestable service, c’est tourner leur activité vers l’intrigue,
c’est déplacer le mobile qui les animait. […] Cela durera jusqu’à ce que ce
système périsse par ses excès. » -Louis Reybaud, « Des largesses de l’Etat
envers les industries privées. Primes – Subventions – Prêts d’argent – Garanties
d’un minimum d’intérêt – Indemnités », Journal des économistes, mai 1842,
p.105 et 115.
« Le seul moyen de salut qui reste aux nations, c’est d’organiser le régime
économique de façon que le travail ait la faculté de s’affranchir peu à peu de la
dépendance absolue du capital, en conquérant une part, si minime qu’elle soit,
de la propriété des instruments qu’il emploie. » -Eugène Buret, De la misère des
classes laborieuses en France et en Angleterre, tome 2, 1841, pp.340-341.
1034
Rechercher les causes qui la produisent. »
« Châteaubriand n’est pas toujours loin de reprendre ces thèses, qui voit dans la
Réforme l’anarchie dans la religion, dans la Révolution, l’anarchie dans l’ordre
politique… Et dans le Romantisme, l’anarchie dans les idées ! » -Marc
Deleplace, cours « Outils et épistémologie de l’histoire » à Sorbonne Université,
Chapitre Premier - Les pratiques de l’histoire XVIIe-XIXe siècle, septembre
2020, p.19.
1035
« M. Bédier a prouvé que Chateaubriand en Amérique n'était jamais allé là où il
affirmait avoir été, et qu'il s'était contenté de s'inspirer du journal de route d'un
Père jésuite. » -Jacques Ancel, "Introduction à l'étude de la géographie
humaine", Revue pédagogique, Année 1924, 84-1, pp. 102-111, p.109.
"Le romantisme est né dès le XVIIIe siècle de ce que l'homme désancré de tout
absolu par les révolutions en cours, s'est trouvé démesurément libre, mais d'une
liberté incapable de rejoindre aucune foi, et d'une liberté à qui ne s'offrait guère
pour carrière que la satisfaction de besoins et d'ambitions égoïstes, ceci dans le
cadre de ce que Rousseau appelait la société civile et que nous appellerions
aujourd'hui la société marchande: une société dans laquelle les valeurs
d'échange l'emportent sur les valeurs d'usage. Par conséquent, élans et
retombées, ce couple-clé du romantisme ne relève pas seulement de
particularités psychologiques ou biographiques, mais bien aussi et surtout d'une
situation historique. L'Homme moderne va d'une soif intense et démesurée de
vivre à la douloureuse prise de conscience des difficultés à vivre. Ce degré zéro
du romantisme se trouve déjà dans toute une première littérature romantique,
où les passions, le sentiment, que ne retient plus la morale traditionnelle,
envahissent tout l'être, le dilatent aux dimensions du monde, puis se replient,
amers, creusent, engendrent le doute, développent le goût pour la solitude. Il
fallait, d'abord, cette totale remise de l'Homme à lui-même par les révolutions
bourgeoises, la découverte d'immenses possibilités, pour que s'affirment les
exigences et s'ouvrent les portes de l'imaginaire. Il fallait, ensuite, la découverte
de nouvelles limites, au sein d'un monde cependant renouvelé, révolutionné, la
prise de conscience d'aliénations neuves, pour naisse le dégoût des choses. […]
Avant même que la révolution et ses conséquences ne viennent expliciter les
composantes historiques du mal du siècle, toute une littérature avait exprimé cet
état d'esprit, qui, bien plus que le procès d'individus hypersensisbles ou désaxés,
instruit le procès d'une société à son aurore. La nature, que chacun sent en soi
1036
et dont chacun éprouve la nostalgie ne saurait se reconnaître en cette société
qui se compose et qui s'installe. […] Chateaubriand vient en partie de là ; dès
avant 1789, il a l'idée qu'existe, que peut exister, une nature dont il voudrait
écrire l'épopée, une nature, non pas rugueuse, rompue, brisée par l'égoïsme
social, mais une nature libre et libératrice, alors que la société est
fondamentalement aliénée. Critique simplement passéiste ? Il est des époques où
l'idée de retour est la seule qu'on puisse opposer à un présent de moins en moins
acceptable mais qui a pour lui le seul avenir historique possible." (pp.547-548)
1037
comédies jouées à propos de pallicares » et un philhellénisme religieux, qui
apporte son soutien aux Grecs chrétiens contre les Turcs musulmans. » -
Frédérique Tabaki-Iona, Philhellénisme religieux et mobilisation des Français
pendant la révolution grecque de 1821-1827.
« Y a une Grèce millénaire et il y a une Grèce qui a à peine 150 ans. Et c’est
celle-là qu’on voit quand on arrive. […] C’est dur quatre siècles
d’occupation. […] Je situerais en 1980 le début de la démocratie réelle en
Grèce » -Jacques Lacarrière.
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1038
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« On pourrait dire de l’ère poétique, dont les œuvres se déroulèrent avec tant de
retentissement et d’éclat de 1825 à 1840, ce que Tacite disait d’une période,
égale en longueur, pendant laquelle s’étaient passés, en son temps, les
événements les plus considérables : quinze années peuvent tenir une large place
dans un siècle, Quindecim anni grande ævi spatium.
À quelle époque, en effet, a-t-on pareil essor, éveil plus subit et plus éclairé,
mouvement d’idées plus ardent, plus unanime, lutte d’un plus vif et plus sincère
entraînement contre les vieilleries routinières, rénovation plus complète dans les
choses de l’esprit, refondues toutes, et remaniées sur une base plus fière, avec
une forme de la plus rayonnante hardiesse ?
Sous cette forme peu à peu conquise, près de laquelle l’ancienne, qu’on
délaissait, ne paraissait plus être que lambeaux et haillons, quel infatigable vol,
même dans le ciel des autres — celui de Shakespeare et de Byron, de Schiller et
de Gœthe — vers les splendeurs du plus lumineux idéal, sans que la terre en fût
presque effleurée, si ce n’est dans ce qui la rattache aux choses d’en haut : la
Foi, la Mélancolie et l’Amour !
Les femmes n’y furent pas les dernières. Jamais époque ne vit un plus grand
nombre de ce qu’aux siècles derniers on appelait des dixièmes Muses. Plusieurs
: Élisa Mercœur, Madame Tastu, etc., en méritèrent vraiment le nom.
Les vers semblaient être à ce moment la langue universelle. Aussi ne faut-il pas
être surpris de voirque l’usage n’en était pas étranger à ceux même, tels que
Chateaubriand, Balzac, Soulié, Eugène Sue, Georges Sand, dont on pouvait
penser que la prose était le langage exclusif.
Notre choix, dans cette foule de génies ou de talents, n’a pas été difficile. Nous
l’avons fait aussi large que l’exigeait leur nombre.
La notice sur chacun a été écrite avec autant de soin que possible et contient
assez de détails pour que l’on puisse avoir ainsi, par fragments, l’histoire du
Romantisme et de ses Cénacles : le grand qui siégeait chez Victor Hugo, à la
place Royale ; l’autre, moins magistral, qui faisait son joyeux tapage à
l’impasse du Doyenné, chez Théophile Gautier. C’étaient des écoles irrégulières
: on en faisait partie un jour, on s’en échappait le lendemain, pour y revenir à
sa fantaisie ; et, somme toute, on ne cessait pas d’être indépendant. » -Édouard
Fournier, préface du 29 septembre 1879 aux Souvenirs poétiques de l’école
romantique (1825 à 1840), Laplace, Sanchez et Cie, libraires-éditeurs, 1880.
1042
« 1869, c’est en même temps, la mort de Sainte-Beuve et de Lamartine — ce
dernier, il est vrai, se survivant péniblement à lui-même depuis des décennies —
, et la partition de L’Éducation sentimentale, et des Chants de Maldoror, qui,
loin d’ouvrir à la modernité, sont le parodique tombeau du romantisme. » -
Pierre Laforgue, « Machinisme et industrialisme, ou romantisme, modernité et
mélancolie. Quelques jalons (1840-1870) », Revue d'histoire littéraire de la
France, 2003/1 (Vol. 103), p. 63-92.
"L'aube romantique est rose de tous les espoirs de la jeunesse. Mais aucune
flamme révolutionnaire ne l'incendie. Lisez ces première feuilles où elle
apparaît, ces petites revues qui ne sont pas tout à fait, malgré l'âge de leurs
rédacteurs, des feuilles de collégien, mais plutôt des revues de jeunes où de
grands noms illustres veulent bien se mêler à ceux des débutants, où l'Académie
voisine avec le Lycée. Lisez donc ce Conservateur littéraire, ces tablettes
romantiques, ces annales romantiques où s'exprime l'âme de la jeune école. Quel
sentiment y domine ? Une réaction, non point tant contre le classicisme du
XVIIe siècle que contre l'incrédulité du XVIIIe siècle. C'est Voltaire qui est visé
bien plus que Racine. C'est, comme disait plus tard Musset, le hideux sourire de
l'homme qui sapait de ses mains frêles l'édifice immense de la vieille société.
C'est tout cet anticléricalisme qu'incarne l'humanisme de l'Encyclopédie, c'est le
rationalisme qui prétend, par les clartés de l'intelligence, comprendre toutes
choses. Ce que le romantisme combattit d'abord, c'est en somme l'agnosticisme
de celui qui prétend ne faire dans sa vie à la tradition, au sentiment religieux, et
même au sentiment sans autre épithète, qu'une place tout à fait limitée. C'est un
tel état d'esprit et qui survit chez un critique devenu à la fin de sa vie un ardent
zélateur du romantisme, M. Souday. Voici tout ce que nos jeunes-France
voulaient abattre. Ils avaient du XVIIIe siècle un concept assez sommaire, celui
qu'on leur avait inculqué dans leurs écoles. Le siècle de Voltaire, c'était à leurs
yeux celui de la raillerie, de l'incroyance, de la destruction, de l'intelligence
desséchant. C'était surtout l'ennemi de la religion.
S'il fallait résumer l'idéologie romantique à son aurore, de 1820 à 1827, par
exemple, on pourrait la réduire semble-t-il à trois caractères essentiels. Sur le
plan des idées les romantiques sont essentiellement religieux et chrétiens.
Sur le plan pittoresque et historique, ils sont admirateurs fervents du Moyen Age
; le mot comprend pour eux toute l'histoire de France depuis ses origines
jusqu'à Louis XIII inclusivement. L'anticlassicisme représente donc une
opposition à l'esprit de la Grèce et de Rome dans la mesure où cet esprit a
1043
abouti au rationalisme du XVIIIe siècle. Et une opposition à l'art de la Grèce et
de Rome dans la mesure où il aboutit à la forme desséchante du pseudo-
classicisme, à la poésie sans âme du XVIIIe siècle.
A ce double titre nos jeunes-France nous apparaissent donc moins comme les
fils soumis que comme les fils révoltés de la Révolution.
Mais de cette Révolution ils ont hérité pourtant une idée profonde, qui, peu à
peu, dominera et englobera les deux autres tendances ; cette idée, c'est le culte
de la liberté, l'importance nouvelle accordée au moi, à son développement
intégral, à tout ce qu'on appellera l'égoïsme ou l'égotisme. Le romantisme a fait
refleurir le rameau qui reparaît plus éclatant à certaines périodes de l'histoire,
et qui, de Chateaubriand à Maurice Barrès, parfumera notre littérature
française.
Les écrivains d’Église l'ont bien vu et l'ont, à leur point de vue, justement
dénoncé. Sans doute, ils se sont montrés sensibles aux manifestations de piété de
ces jeunes gens. Ils se sont plû à retrouver les touchants vestiges de l'éducation
maternelle. Mais les plus orthodoxes d'entre eux se méfiaient: ils
reconnaissaient par delà les épanchements du cœur chrétien l'orgueilleuse
influence de Jean-Jacques qui enseigne à se faire un piédestal de ses fautes ; ils
trouvaient que ces cœurs étaient trop incendiaires ; que cette piété sentait trop
le fagot. Et s'ils ont été reconnaissants aux romantiques d'avoir pour un temps
débarrassé la pensée française de Voltaire, ils n'ont pu admettre que la
religiosité de ces jeunes gens fût entièrement conforme aux normes du
catholicisme.
Le crédit qu'ils avaient fait à la nouvelle école, il leur a semblé que celle-ci bien
souvent en abusait. Avec le recul des temps, les orthodoxes ont vu, dans la
floraison romantique, une offensive protestante et même une offensive anglo-
allemande." (p.12-13)
"Le romantisme, c'est la liberté dans l'art. Et celle-ci a pour point d'appui la
liberté dans la nation. Le romantisme étend et sanctionne sur un plan nouveau
la déclaration des droits de l'homme. Le libéralisme, qui est à la base de sa
doctrine, et, ce qui est bien plus important, un premier besoin de ses créateurs,
tout cela le prédispose à favoriser les idées de démocratie. Il croit à la primauté
de la personne humaine et par là rejoint la philosophie de ce XVIIIe siècle qu'il
commence par détester." (p.16)
1044
"Les romantiques accordent au socialisme une pleine adhésion de leur
sensibilité. Trop d'entre eux ont connu la faim, la soif et le taudis pour qu'il en
soit autrement. La vie du jeune étudiant Marius des Misérables, Victor Hugo
lui-même, à vingt ans, l'a vécue plusieurs mois et les autres, ceux qu'on appelle
bien injustement les petits romantiques, un Petrus Borel, un Aloysius Bertrand,
l'ont connue parfois toute leur vie. Force leur fut bien de comprendre que la
pauvreté s'alliait avec la plus grande noblesse de cœur, que la répartition
sociale des richesses n'était ni raisonnable, ni juste, que les plus grands génies
se trouvaient par les iniquités économiques étouffés à leur naissance, et qu'un
élément souci de la dignité humaine commandait l'avènement d'un ordre
nouveau où l'individu pût donner à ses qualités leur pleine expansion, où l'âme
pût librement s'épanouir." (p.19)
"Les Jeunes France, bercés par leurs récits, ont grandi dans une nostalgie de
gloire. Ce que leurs pères avaient vécu, eux ils allaient le chanter. Ils avaient
senti l'odeur de la poudre, ils n'avaient pas senti l'odeur de la mort. Puis ce
cœur qu'une soif d'aventure dévorait, une grande ombre régnait sur lui:
Napoléon. Victor Hugo, Nodier, Deschamps, Lamartine et Gautier nous l'ont
confessé. Les deux dieux de leur jeunesse, ce furent Byron et Napoléon.
Quand on élève au plus profond de soi un autel à une pareille divinité, on ne
saurait avoir contre la guerre une antipathie insurmontable." (p.21)
-Pierre Paraf, "Le Romantisme et la Politique", Revue d'Histoire du XIXe siècle -
1848, Année 1930, 132, pp. 11-25.
« Scinder le mouvement en deux blocs, nés quinze ans avant et après 1800, mène
à inclure Béranger, Nisard et Ponsard, férocement hostiles au romantisme, et à
exclure Delécluze, Lamennais et Nodier, liés à ce qui constitue le cœur de la
sensibilité du mouvement. » (p.113)
1046
« Les auteurs romantiques avaient probablement plus de choses en commun
lorsque le néo-classicisme se présentait nettement comme l'ennemi. Une
camaraderie littéraire aussi étrange que celle du jeune Hugo, de Musset,
Nerval, Vigny et Mérimée était fondée au moins sur un objectif initial: explorer
un nouveau champ de sentiments et de mythes, en opposition avec la stérilité
émotionnelle et esthétique du néo-classicisme. Charles Baudelaire avait
probablement raison quand, en 1846, il remarquait que le Romantisme ne réside
ni dans le choix du sujet ni dans la peinture de la réalité, mais dans la façon de
sentir, une façon de percevoir le monde très différente de l'objectivité,
l'universalisme et la rationalité chers aux "lumières" du XVIIIème siècle. Mais
cet objectif ne pouvait suffire à soutenir un mouvement, mouvement qui n'a
assurément pas survécu à sa victoire, la reconnaissance officielle de 1830, avec
l'entrée de Lamartine à l'Académie. » (p.115)
1047
modalités aussi diverses que la date et le lieu de naissance, la profession du
père, le niveau d’études atteint, la profession exercée au cours de la période
concernée, le volume et la distribution générique des œuvres publiées et la
reconnaissance par les instances littéraires permet de faire apparaître des
rapprochements entre des caractéristiques sociales partagées. En l’occurrence,
elle fait apparaître quatre individus modaux parmi les écrivains romantiques.
Le premier individu modal (par exemple Nodier, Lamartine, Sophie Gay) est un
aristocrate ou un grand bourgeois né en province vers 1780, il a eu un
précepteur, publie des recueils de poésie mais plus souvent encore des ouvrages
historiques, est édité chez Ladvocat, fréquente les académies, reçoit après 1820
le soutien de toutes les instances de consécration, qu’elles soient d’ordre social
(pension royale, légion d’honneur, sinécures) ou littéraire (élection à
l’Académie française et à l’académie des Jeux-Floraux de Toulouse, prix
décernés par ces mêmes académies). Au temps où il fait partie d’un mouvement
romantique encore balbutiant, on le lit dans La Muse française ou, s’il a
quelque accointance libérale, au Mercure de France au dix-neuvième siècle ; on
le rencontre enfin aux « dimanches » de l’Arsenal ou dans les salons
aristocratiques reformés sous la Restauration.
C’est aussi dans les cénacles des années 1827-1832 que se rencontre le
quatrième individu modal. Celui-ci, le moins bien doté en toutes sortes de «
capitaux », se fait remarquer par un investissement fort dans la communauté
émotionnelle romantique. Il appartient à la petite bourgeoisie parisienne, est
plutôt désargenté et publie beaucoup en revue et dans les journaux. Sa
production en volumes est peu abondante, ce malgré son jeune âge d’entrée en
littérature. C’est du profil de ce dernier individu modal que les Jeunes-France
sont le plus proche sans nécessairement se confondre avec lui. Les Jeunes-
France ne sont pas seuls dans ce groupe, mais ils y sont tous. Prenons un
échantillon de dix écrivains qui leur ont été assimilés : Lassailly, Borel, Brot,
Gautier, Maquet, Bouchardy, Dondey, Escousse, Nerval et Esquiros. Sept sur
dix sont nés à Paris, tous (sauf Nerval, fils de médecin) sont enfants de la petite
bourgeoisie intellectuelle ou plus souvent commerçante ; mis à part Maquet,
aucun n’a suivi d’études longues, et l’enseignement artistique concerne trois
d’entre eux. Enfin tous (moins Dondey), feront profession d’homme de lettres
après 1830, pour quelques années du moins. En revanche, entrés très tôt dans le
champ littéraire – au même âge, les Hugo et les Gaspard de Pons étaient déjà
de vraies bêtes à concours poétiques –, ils brillent par leur absence de
distinction institutionnelle : ils n’ont pas reçu de prix (parce qu’ils n’ont pas
concouru), n’ont participé à aucune société savante ou académie. En somme les
Jeunes-France n’existent littérairement que par la publication, dans le meilleur
des cas par Renduel et quelques périodiques comme L’Artiste, La France
littéraire ou Le Cabinet de lecture, et par leur formidable investissement dans le
mouvement romantique et ses cénacles. »
1049
« Le mouvement romantique sécrète, à partir de 1827, une « chapellisation »
qui aura raison de lui. Alors que Nodier avait réuni depuis 1824 les restes du
cénacle de La Muse française, Émile Deschamps rouvre en 1826, rue Ville-
l’Évêque, le cercle que son père avait tenu rue Saint-Florentin. Presque en
même temps, le débutant Alexandre Dumas, devenu l’amant de Mélanie Waldor,
investit le salon des Villenave où il fréquente des classiques libéraux mais règne
sur un petit groupe de romantiques, parmi lesquels Cordellier-Delanoue. Victor
Hugo va de son côté, dans le courant de 1827, constituer son propre cénacle et
progressivement réunir sous sa bannière les branches de La Muse française et
du Globe autrefois séparées. En 1828 ce sera au tour de Vigny d’ouvrir rue
Miromesnil ses « mercredis poétiques ». »
"Le destin des fées et des génies est très étroitement lié à l’origine du
romantisme. L’ignorer, c’est prendre le risque de passer à côté de
questionnements qui ont participé à la structuration du champ des Lettres
pendant le demi-siècle qui a mené du Consulat à la Révolution de 1848 et vu
l’éclosion, en France, d’une déclinaison originale du vaste mouvement
esthétique qui parcourait l’Europe. Ce sont précisément les conditions de ce
qu’on pourrait appeler « l’exception française » qui se trouvent concernées par
le rapport des écrivains à la féerie. C’est en grande partie sur ce terrain que le
pays de Boileau et de Voltaire, comme de Robespierre et de Napoléon, se
distingue de ses voisins. La manière dont les romantiques ont sorti la féerie de
l’impasse esthétique et poétique dans laquelle elle se trouvait au début du siècle,
la manière dont ils ont géré les difficultés insolubles auxquelles elle les
confrontait, jusqu’à lui permettre de renaître de ses cendres, mérite d'être
exposée."
"Qu’un écrivain puisse ne suivre aucun ordre préétabli, qu’il puisse traiter de
sujets graves sur un mode léger et dans une langue familière, en retournant les
pensées communes, voilà ce que ne peuvent aisément accepter les professeurs et
les érudits. Excluant l’essai de leurs ouvrages, tout en relevant parfois, sans s’y
arrêter, sa propagation à l’échelle des littératures européennes, Nisard,
Vapereau, Petit de Julleville et Lanson – pour s’en tenir aux plus connus –
préféreront classer les productions relevant de la prose d’idées par disciplines
du savoir : la critique, la philosophie, la controverse religieuse, l’histoire... Il
1052
faudra attendre les premières décennies du XXe siècle pour voir l’essai
acquérir, non sans difficulté, une légitimité et une visibilité aux yeux des
théoriciens et des critiques
"Boiste, tout comme Hatzfeld et Darmesteter, voit dans l’essai un genre anglais.
De fait, l’essai, dont Montaigne a inauguré la forme en littérature, s’est
développé comme genre en Angleterre, dans la postérité de Bacon. Il y a
emprunté deux voies distinctes, désignant d’abord des ouvrages en forme
d’enquête (Enquiry), ayant un caractère expérimental. Susceptibles d’une
certaine ampleur, affichant en même temps leur modestie, ces essais traitent de
questions relevant souvent de la spéculation philosophique ou de l’investigation
scientifique. S’ils s’approchent parfois du traité, ils restent effectivement en
deçà de son ambition totalisante, ayant un caractère propre que relève Jean
Starobinski : ils se signalent, dit-il, comme des livres « où sont proposées des
idées nouvelles, une interprétation originale d’un problème controversé », des
livres qui font donc attendre au lecteur « un renouvellement des perspectives ».
Ainsi de l’essai Du progrès et de la promotion des savoirs de Bacon ou de
l’Essai sur l’entendement humain de Locke.
L’autre forme empruntée par le genre en Angleterre est celle de l’essai familier
(Familiar Essay), composition en général assez courte, abordant toutes sortes de
matières, en toute liberté, dans un style sans apprêt. Ce genre d’essai, dont la
réflexion alerte adopte une allure souple et ouverte, ne donne pas, lui aussi, au
sujet qu’il traite tous les développements attendus, n’ayant pas la prétention
d’entrer méthodiquement dans les détails. Avec l’essor de la presse au XVIIIe
siècle, il prendra une forme périodique, sous l’impulsion d’Addison et Steele,
puis de leurs imitateurs, et s’ouvrira plus largement sur la réalité sociale, que
les essayistes tenteront d’embrasser sous tous ses aspects dans le but civique
d’instruire et d’édifier les lecteurs."
1053
frontières de la littérature et des disciplines du savoir, destiné par ses origines –
le dialogue entre beaux esprits, l’enquête empirique – à s’adresser au public
dans une langue accessible, permet de débattre de toutes les questions, sans
exclusive : il répond au besoin d’exprimer des vues générales, de mettre en
relation les champs du savoir, ce que le traité ne saurait faire du fait de sa
spécialisation."
-Pierre Glaudes, « Un chantier ouvert : étudier l'essai au XIXe siècle »,
Romantisme, 2014/2 (n° 164), p. 3-14. DOI : 10.3917/rom.164.0003. URL :
https://www.cairn.info/revue-romantisme-2014-2-page-3.htm
Michel Brix, Le Romantisme français - Esthétique platonicienne et modernité littéraire
(forumactif.org)
http://academienouvelle.forumactif.org/t6274-deborah-gutermann-mal-du-
siecle-et-mal-du-sexe-dans-la-premiere-moitie-du-xixe-siecle-les-identites-
sexuees-romantiques-aux-prises-avec-le-reel#7389
http://academienouvelle.forumactif.org/t6275-james-s-allen-y-a-t-il-eu-en-
france-une-generation-romantique-de-1830#7390
http://academienouvelle.forumactif.org/t6276-anthony-glinoer-y-a-t-il-eu-une-
identite-collective-du-romantisme-de-1830
https://www.amazon.fr/Litterature-Fran%C3%A7aise-T13-Romantisme-
1843/dp/2700302567/ref=sr_1_9?ie=UTF8&qid=1546442504&sr=8-
9&keywords=Claude+Pichois+romantisme
https://www.amazon.fr/Romantismes-fran%C3%A7ais-1-Paul-
B%C3%A9nichou/dp/2070768465/ref=pd_sim_14_1?_encoding=UTF8&psc=1
&refRID=CQSM81KBYF4TQ0JEGRXE
https://www.amazon.fr/Romantisme-anglais-vuln%C3%A9rables-dissidences-
bonheur/dp/2810701741/ref=sr_1_4?ie=UTF8&qid=1484951586&sr=8-
4&keywords=Le+romantisme+anglais
http://www.amazon.fr/chair-diable-litt%C3%A9rature-si%C3%A8cle-
romantisme/dp/2070754537/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1455199013
&sr=1-
1&keywords=La+chair+la+mort+et+le+diable+dans+la+litt%C3%A9rature
1054
http://www.amazon.fr/LAme-insurg%C3%A9e-Ecrits-sur-
romantisme/dp/2757823140/ref=pd_rhf_dp_s_cp_6?ie=UTF8&dpID=41IsfSBO
NzL&dpSrc=sims&preST=_SL500_SR81%2C135_&refRID=0CRPVAKHBHF
TDQX1NY4F
« Senancour qui était hostile, lui aussi à la Révolution, parce qu'elle l'avait
ruiné et tenu à l'écart, Senancour a vu clair, lui aussi, dans cette société
nouvelle qui avait exilé les aristocrates, mais qui exilait aussi les pauvres et qui
prétendait avoir donné le dernier mot de tout. » -Pierre Barbéris,
"Chateaubriand et le préromantisme", Annales de Bretagne et des pays de
l'Ouest, Année 1968, 75-3, pp. 547-558, p.554.
« La loi musulmane n’a donc rien qui réduise, comme on l’a cru, les femmes à
un état d’esclavage et d’abjection. Elles héritent, elles possèdent
personnellement comme partout, et en dehors même de l’autorité du mari. Elles
ont le droit de provoquer le divorce pour des motifs réglés par la loi. » - Gérard
de Nerval, Voyage en Orient, chapitre 8 « Les mystères du harem ».
http://hydra.forumactif.org/t463-philothee-o-neddy-feu-et-flamme#935
1056
Alfred de Vigny (1797-1863): « Que Dieu guide à son but la vapeur
foudroyante
[…]
"À quoi bon les Arts s’ils n’étaient que le redoublement et la contre-épreuve de
l’existence ? Eh ! bon Dieu, nous ne voyons que trop autour de nous la triste et
désenchanteresse réalité : la tiédeur insupportable des demi-caractères, des
ébauches de vertus et de vices, des amours irrésolus, des haines mitigées, des
1057
amitiés tremblotantes, des doctrines variables, des fidélités qui ont leur hausse
et leur baisse, des opinions qui s’évaporent ; laissez-nous rêver que parfois ont
paru des hommes plus forts et plus grands, qui furent des bons ou des méchants
plus résolus ; cela fait du bien. Si la pâleur de votre vrai nous poursuit dans
l’Art, nous fermerons ensemble le théâtre et le livre pour ne pas le rencontrer
deux fois."
-Alfred de Vigny, Réflexions sur la vérité dans l’Art, 1827, avant propos à Cinq-
Mars, ou une conjuration sous Louis XIII, Michel Lévy frères, 1863 (1826 pour
la première édition) (p. 1-10).
http://academienouvelle.forumactif.org/t250-alfred-de-vigny-cinq-mars-poemes-
antiques-et-modernes-eloa#510
Delphine de Girardin (1804-1855) : « Monter sur le faîte, non pas pour y voir
de plus haut et de plus loin le destin des hommes, mais pour y languir oisif, pour
s’y pavaner niaisement, c’est une ambition d’infirmes que nous ne pouvons pas
comprendre.
Quoi ! Vous voulez la force, et vous n’avez rien de difficile à accomplir ! Vous
voulez l’éclat, et vous n’avez rien de beau à faire briller au jour ! Vous voulez le
concours de tous et vous n’avez aucune idée généreuse à faire triompher !
1058
"Le féminisme sous la monarchie de Juillet. Les essais de réalisation et les
résultats", Revue d’Histoire Moderne & Contemporaine, Année 1911, 15-2, pp.
153-176, p.164.
Alfred de Musset (1810-1857): « Tous ces enfants étaient des gouttes d’un sang
brûlant qui avait inondé la terre. […] Il y avait pour eux dans ce mot de liberté
quelque chose qui leur faisait battre le cœur à la fois comme un lointain et
terrible souvenir et comme une chère espérance, plus lointaine encore.
[…]Trois éléments partageaient donc la vie qui s’offrait alors aux jeunes gens :
derrière eux un passé à jamais détruit, s’agitant encore sur ses ruines, avec tous
les fossiles des siècles de l’absolutisme ; devant eux l’aurore d’un immense
horizon, les premières clartés de l’avenir ; et entre ces deux mondes… quelque
chose de semblable à l’Océan qui sépare le vieux continent de la jeune
Amérique, je ne sais quoi de vague et de flottant, une mer houleuse et pleine de
naufrages, traversée de temps en temps par quelque blanche voile lointaine ou
par quelque navire soufflant une lourde vapeur ; le siècle présent, en un mot,
qui sépare le passé de l’avenir, qui n’est ni l’un ni l’autre et qui ressemble à
tous deux à la fois, et où l’on ne sait, à chaque pas qu’on fait, si l’on marche sur
une semence ou sur un débris.
Voilà dans quel chaos il fallut choisir alors ; voilà ce qui se présentait à des
enfants pleins de force et d’audace, fils de l’Empire et petits-fils de la
Révolution.
Or, du passé, ils n’en voulaient plus, car la foi en rien ne se donne ; l’avenir, ils
l’aimaient, mais quoi ? comme Pygmalion Galathée ; c’était pour eux comme
une amante de marbre, et ils attendaient qu’elle s’animât, que le sang colorât
ses veines. »
1059
-Alfred de Musset, La Confession d’un enfant du siècle, 1836, 1ère partie, chap
II.
« Bien que les lettres soient maintenant avilies, il fut un temps, monsieur, où
elles florissaient ; il fut un temps où l’on lisait les livres ; et dans nos théâtres,
naguère encore, il fut un temps où l’on sifflait. C’était, si notre mémoire est
bonne, de 1824 à 1829 ; le roi d’alors, le clergé aidant, se préparait à renverser la
charte, et à priver le peuple de ses droits ; et vous n’êtes pas sans vous souvenir
qu’à cette époque il a été grandement question d’une méthode toute nouvelle
qu’on venait d’inventer pour faire des pièces de théâtre, des romans et même des
sonnets. On s’en est fort ocupé ici ; mais nous n’avons jamais pu apprendre
clairement, ni mon ami Cotonet ni moi, ce que c’était que le romantisme. […]
Qu’est-ce donc alors que le romantisme ? Est-ce l’emploi des mots crus ? Est-ce
la haine des périphrases ? […] Sont-ce les néologismes, le néo-christianisme, et,
pour appeler d’un nom nouveau une peste nouvelle, tous les néosophismes de la
terre ? Est-ce de jurer par écrit ? Est-ce de choquer le bon sens et la grammaire ?
Est-ce quelque chose enfin, ou n’est-ce rien qu’un mot sonore et l’orgueil à vide
qui se bat les flancs ? »
« Perfectionner les choses n’est pas nouveau ; rien n’est plus vieux, tout au
contraire, mais aussi rien n’est plus permis, loisible, honnête et salutaire ;
quand on ne perfectionnerait que les allumettes, c’est rendre service au monde
entier, car les briquets s’éteignent sans cesse. Mais s’attaquer aux gens en
personne et s’en venir les perfectionner, oh, oh ! l’affaire est sérieuse, je ne sais
trop qui s’y prêterait, mais ce ne serait pas dans ce pays-ci. Perfectionner un
homme [comme le veulent les humanitaires], d’autorité, par force majeure et
arrêt de la cour, c’est une entreprise neuve de tout point : Lycurgue et Solon
sont ici fort en arrière ; mais croyez-vous qu’on réussira ?
« C'est que la sagesse est un travail, et que pour être seulement raisonnable, il
faut se donner beaucoup de mal, tandis que pour faire des sottises, il n'y a qu'à
se laisser aller. » -Alfred de Musset, Œuvres complètes, Nouvelles et Contes I,
4, p.334.
"Iconoclaste, Musset le fut tout autant que Rimbaud, et à un âge aussi précoce.
Vis-à-vis de Hugo, son aîné de huit ans, il déchaîna l’ironie de sa verve
adolescente dans les Contes d’Espagne et d’Italie, dès 1829, puis dans Un
spectacle dans un fauteuil (vers), trois ans plus tard. Les Orientales, dans les
deux cas, furent la cible favorite de sa verdeur. Vers le même temps, il parodiait
son théâtre, de La Nuit vénitienne à Fantasio, pièce composée à l’automne 1833
et qui multipliait les allusions au Roi s’amuse, à Hernani et à Lucrèce Borgia.
"Alfred lui-même, qui a conçu Mardoche à son image, rechignait à suivre Hugo
lors des fameux pèlerinages aux tours de Notre-Dame, pour contempler au loin
le crépuscule sur la plaine de Montrouge. C’est au cours de ces promenades
rituelles que Hugo a trouvé l’inspiration des « Soleils couchants » qui forment
une section des Feuilles d’automne et dont un premier exemple, « Rêverie », se
trouve dans Les Orientales."
"Nulle part Musset ne s’est plus entièrement livré que dans ces deux poèmes, qui
sont peut-être ses deux premiers chefs-d’œuvre et qui offrent entre eux une
grande parenté. Même affectation de dandysme ici et là : Mardoche se place
sous le signe de George Brummel , tandis que Namouna transporte l’élégance
anglaise dans un Orient de pacotille. Même prise de distance par rapport au
romantisme et à son illustre avantcourrier Jean-Jacques Rousseau. Même
irréligion insolemment affichée au bénéfice du seul plaisir, un plaisir d’ordre
essentiellement sexuel. Même exhibitionnisme enfin d’un autoportrait en pied et,
1062
dans le cas de Namouna, en nu intégral.
Namouna, après Mardoche, pastiche les couchers de soleil romantiques si prisés
de Hugo."
http://hydra.forumactif.org/t169-alfred-de-musset-la-confession-dun-enfant-du-
siecle-suivie-de-la-nuit-de-decembre#388
Georges Sand (1804-1876): « Il portait l’humanité future dans ses entrailles. Ils
le déclarèrent sauvage, misanthrope, parce qu’il méprisait les enivrements de la
vanité et fuyait le théatre des vanités puériles. En un mot, ils furent comme les
pharisiens de tous les âges à la venue des prophètes, et Dieu put dire d’eux
aussi : « Je leur ai envoyé mon fils et ils ne l’ont point connu… » Le temps n’est
pas loin où l’opinion ne fera pas plus le procès à saint Rousseau qu’elle ne le
fait à saint Augustin. Elle le verra d’autant plus grand qu’il est parti de plus bas
et revenu de plus loin, car Rousseau est un chrétien tout aussi orthodoxe pour
l’église de l’avenir que le centenier Mathieu et le persécuteur Paul le sont pour
l’église du passé. » -Georges Sand, Quelques Réflexions sur J. J. Rousseau,
1844.
1063
« Et quoi, tu veux que je cesse d’aimer ? Tu veux que je dise que je me suis
trompée toute ma vie, que l’humanité est méprisable, haïssable, qu’elle a
toujours été, qu’elle sera toujours ainsi ? Et tu me reproches ma douleur comme
une faiblesse, comme le puéril regret d’une illusion perdue ? Tu affirmes que le
peuple a toujours été féroce, le prêtre toujours hypocrite, le bourgeois toujours
lâche, le soldat toujours brigand, le paysan toujours stupide ? Tu dis que tu
savais tout cela dès ta jeunesse et tu te réjouis de n’en avoir jamais douté parce
que l’âge mûr ne t’a apporté aucune déception ; tu n’as donc pas été jeune ?
Ah ! nous différons bien, car je n’ai cessé de l’être si c’est être jeune que
d’aimer toujours… […]
Non, non, on ne s’isole pas, on ne rompt pas les liens du sang, on ne maudit pas,
on ne méprise pas son espèce. L’humanité n’est pas un vain mot. Notre vie est
faite d’amour et ne plus aimer, c’est ne plus vivre. Le peuple, dis-tu ! Le peuple
c’est toi et moi, nous nous en défendrions en vain… […] Le peuple toujours
féroce, dis-tu, moi je te dis : La noblesse toujours sauvage !…
Et toi, ami, tu veux que je voie ces choses avec une stoïque indifférence ? Tu
veux que je te dise : l’homme est ainsi fait ; le crime est son expression,
l’infamie est sa nature ?
Non, cent fois non. L’humanité est indignée en moi et avec moi… »
« Je hais le sang répandu et je ne veux plus de cette thèse : faisons le mal pour
amener le bien ; tuons pour créer. »
Elle ne peut se défaire de son cher rêve de « peuple uni ». C’est pour cela qu’elle
fit partie des opposants à la Commune, mais pas des plus virulents.
1064
Pourtant elle n’abandonne pas son espoir politique d’une République porteuse
d’un monde meilleur socialement. Elle affirme :
« Sachez donc, vous autres, que les républicains avancés sont dans la proportion
de un pour cent, sur la surface du pays entier, et que vous ne sauverez la
République qu’en montrant beaucoup de patience et en tâchant de ramener les
excessifs. »
« Elle (la République) sera très bourgeoise et peu idéale, mais il faut bien
commencer par le commencement. Nous autres artistes, nous n’avons point de
patience. ». » -Georges Buisson, « Artiste, la société a besoin de toi ! », Revue
d'histoire du XIXe siècle [En ligne], 47 | 2013, mis en ligne le 31 décembre
2016, consulté le 13 novembre 2020. URL :
http://journals.openedition.org/rh19/4549 ; DOI :
https://doi.org/10.4000/rh19.4549
« [Goerge Sand] fait très tôt place dans ses romans, non seulement à des
personnages de paysans et de paysannes, mais à des figures de travailleurs et de
travailleuses de l’artisanat et de l’industrie : Geneviève, la fleuriste républicaine
au grand coeur dans André (1835) ; Eugénie, la couturière saintsimonienne et
révoltée dans Horace (1842). Son très romanesque Compagnon du Tour de
France (1840), qui fait la part belle aux rêves d’amour et de fraternité du
menuisier Pierre Huguenin et de son compagnon Amaury le Corinthien, est
directement inspiré du Livre du compagnonnage (1840) du menuisier Agricol
Perdiguier, dit « Avignonnais-la Vertu », que lui a fait connaître et rencontrer
Pierre Leroux ; le roman de George Sand diffuse largement l’idéologie à la fois
égalitaire, revendicative et fraternelle des ouvriers compagnons. Plus tard, après
les désillusions de 1848, George Sand continuera à donner naissance à des
personnages de travailleurs généreux et persévérants dans leurs idées comme
dans leurs amours ; le charbonnier Huriel, de la forêt de Tronçais (Allier), dans
Les Maîtres-Sonneurs (1853) ; ou le jeune ouvrier coutelier Étienne Lavoute, dit
« Sept-Épées », dans La Ville noire (1860), premier véritable « roman ouvrier »
de la littérature française du XIXe siècle, qui évoque le monde des hauts
fourneaux et des ateliers de coutellerie, des prolétaires et des bourgeois, de la «
ville haute » et de la « ville basse » dans la cité industrielle de Thiers (Puy de
Dôme), dans une perspective à la fois romanesque et de réconciliation entre les
1065
classes sociales. George Sand est d’autre part directement impliquée dans
l’effort de promotion des « poètes ouvriers » des années 1840, aux côtés de
Leroux, Perdiguier, ou de Philippe Buchez et de son journal L’Atelier, rédigé et
composé par les typographes. Il s’agit de créer une littérature du peuple par des
écrivains du peuple et une littérature ouvrière par des ouvriers. Dans un
manifeste de 1850 (Maître Adam, menuisier de Nevers), Agricol Perdiguier,
devenu représentant du peuple, écrit : « Que les poètes aux mains calleuses
surgissent de toutes parts et le dédain sera vaincu. Ces poètes, ce sont le
boulanger Reboul, les menuisiers Durand et Rolly, les imprimeurs Hégésippe
Moreau, Lachambeaudie et Voitelin, le tisserand Magu, le potier d’étain
Beuzeville, l’imprimeur sur indiennes Lebreton, le cordonnier Lapointe, le
fabricant de mesures linéaires Vinçard, le maçon Poncy, le vidangeur Ponty, le
serrurier Gilland, la couturière Marie Carré de Dijon, le perruquier Jasmin, et
tant d’autres… Tous ces poètes ne chantent pas comme [d’autres] le chantaient
jadis, le vin et la prostitution ; non, ce qui les inspire, c’est l’amour du travail et
des hommes. » -Philippe Boutry, « Le monde du travail et ses représentations »,
Cours d’agrégation, Sorbonne, Amphithéâtre Richelieu, février 2021.
1066
-Sylvain Milbach, « Alphonse Esquiros, l’inquiétude religieuse d’un démocrate
à l’âge romantique », Romantisme, 2015/1 (n° 167), p. 88-100. DOI :
10.3917/rom.167.0088. URL : https://www.cairn.info/revue-romantisme-2015-
1-page-88.htm
« Trois volumes dépareillés de Racine, ce sont tous les trésors que j’ai gardés
de toi. » -Charles Baudelaire, lettre à sa mère, mars 1852.
« Révélant le « courage » de celui qui n’a pas renoncé à défendre les valeurs de
son art, beauté, vérité, le stigmate de l’infamie se retourne en signe d’élection. Il
devient un titre de gloire. Victor Hugo félicite Baudelaire de sa « flétrissure »
comme d’une des rares « décorations » que le régime actuel peut accorder.
Alors que Baudelaire n’en retient que le versant négatif, la souillure, Hugo en
voit la dimension positive : celle des valeurs à partir desquelles l’écrivain peut à
son tour critiquer, condamner le régime qui les proscrit, et qui fondent un autre
type de responsabilité, dont l’auteur des Misérables, lui-même exilé, banni, est
l’incarnation. » -Gisèle Sapiro, « Aux origines de la modernité littéraire : la
dissociation du Beau, du Vrai et du Bien », Nouvelle revue d’esthétique, 2010/2
(n° 6), p. 13-23. DOI : 10.3917/nre.006.0013. URL :
https://www.cairn.info/revue-nouvelle-revue-d-esthetique-2010-2-page-13.htm
1068
Une poésie urbaine. Né à Paris comme Musset, brûlé jeune comme lui par la vie
de Paris, transposant comme lui ce feu en poisons, Baudelaire a succédé
complètement à Musset comme poète de la vie profonde de Paris, Victor Hugo
restant le poète de ses fêtes, de ses épiphanies. La poésie de Baudelaire suit «
les plis sinueux des vieilles capitales ». Elle donne une voix au péché multiplié
qui y coule, à ses lumières et à ses fards, à ses luxures et à ses secrètes pensées.
Elle ne les « chante » pas, elle les vit. Les Fleurs du Mal les traitent en
profondeur et les exposent en réalité, comme les Méditations ou les
Contemplations ont fait des lacs, des forêts et de la mer, comme Racine a fait de
la cour. Sans Baudelaire, Musset serait aujourd’hui beaucoup plus grand, car
Baudelaire l’a déclassé : le Paris de Musset est devenu le Paris factice que les
étrangers voient au café, le Parisien de Musset est retombé en acteur
romantique, cependant que le cœur mis à nu de Baudelaire devenait, dans Paris,
le cœur même de l’homme moderne.
Enfin une poésie critique, la poésie d’un esprit critique. Comme il a compris
Delacroix et Wagner, Baudelaire a compris l’homme de son temps. Il l’a vu en
analyste, et non plus, comme les romantiques, en lyrique généreux. Son
sentiment chrétien de la vie pécheresse est enté sur la clairvoyance dure et sur
la sensualité lucide du XVIIIe siècle. Après Baudelaire il faudra exiger de plus
en plus des poètes non pas des « idées », mais une intelligence critique
révolutionnaire, un non ! plus fort infligé à l’habitude, au conformisme, au tout
fait. » -Albert Thibaudet, Les Romantiques et les Parnassiens de 1870 à 1914,
La Revue de Paris, 1933.
http://hydra.forumactif.org/t5146-marcelin-pleynet-racine-devant-
baudelaire#6138
http://www.langue-francaise.org/conference_Dargaud_100_decembre_2012.pdf
https://www.amazon.fr/Charles-Baudelaire-Jean-
Ziegler/dp/2213597731/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1480506357&sr=
1-1&keywords=Claude+Pichois+et+Jean+Ziegler%2C+Charles+Baudelaire
https://www.amazon.fr/Baudelaire-lexp%C3%A9rience-gouffre-
pr%C3%A9face-
cassou/dp/B0000DNJNS/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1480506185&sr
=1-
1&keywords=Benjamin+Fondane%2C+Baudelaire+et+l%27exp%C3%A9rienc
e+du+gouffre
https://www.amazon.fr/Baudelaire-Walter-
Benjamin/dp/2358720356/ref=sr_1_fkmr0_2?s=books&ie=UTF8&qid=148050
6236&sr=1-2-
fkmr0&keywords=Walter+Benjamin%2C+Charles+Baudelaire.+Un+po%C3%
A8te+lyrique+%C3%A0+l%27apog%C3%A9e+du+capitalisme
1071
Xavier Forneret (1809-1884) : http://hydra.forumactif.org/t465-xavier-
forneret#939
"La façon dont les contemporains ont interprété ce tableau ne fait pas de doute:
pour eux, cette Liberté n'était nullement une figure allégorique, mais une femme
bien réelle (probablement inspirée de l'héroïne Marie Deschamps, dont les
exploits ont donné à Delacroix l'idée du tableau), une femme du peuple,
appartenant au peuple, à l'aise au sein du peuple [...]
1072
Balzac la voyait d'origine paysanne: "la peau sombre, ardente, l'image même du
peuple". Fière et même insolente (toujours selon Balzac), elle représentait
l'exacte antithèse de l'image de la femme dans la société bourgeoise. En outre,
comme ne manquaient jamais de le souligner les contemporains, elle était
sexuellement libérée. Barbier, dont le poème La Curée a certainement été l'une
des sources d'inspiration de Delacroix, va jusqu'à inventer toute l'histoire de
son émancipation sexuelle." (p.5)
« La Liberté de Delacroix n'est pas seule et n'a rien de faible. Bien au contraire,
elle incarne toute la force concentrée du peuple invincible. Mais cela, en tant
qu'être sexuel, ce qui la sépare de la virginale Jeanne d'Arc, par exemple. »
(p.6)
https://www.amazon.fr/Delacroix-Maurice-
S%C3%A9rullaz/dp/2213022631/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1541198389&sr=
8-1&keywords=Maurice+S%C3%A9rullaz%2C+Delacroix
Grégoire XVI (1765-1846) : « C’est [au diable] que le pape Grégoire XVI
attribuait l’invention de la machine à vapeur. » -Eugen Weber, Satan franc-
maçon, 1964.
« L’histoire est ou devrait être ce qu’elle fut ; tandis que le roman doit être le
monde meilleur, a dit madame Necker, un des esprits les plus distingués du
dernier siècle. » (p.26)
1073
-Balzac, Avant-propos à la Comédie Humaine, juillet 1842, in Œuvres
complètes de H. de Balzac, A. Houssiaux, 1855, 1, pp. 17-32.
« Les parents de Balzac l’ont obligé à s’inscrire en droit avec l’idée qu’il
deviendra notaire. Il a dû batailler ferme et sa famille n’a rien fait pour le
laisser donner libre cours à sa vocation. Elle l’a installé dans une misérable
mansarde à Paris en ne lui donnant qu’un an pour faire ses preuves, dans un
dénuement absolu. Là encore, les traces de cette période se retrouvent dans La
Peau du chagrin, roman dans lequel il décrit son lieu de vie comme relevant du
monde carcéral […] Très vite acculé à gagner sa vie par lui-même, Balzac se
met à écrire pour faire face à des dépenses au départ modestes. Son goût du
faste l’entraînera bientôt vers une situation de servitude constante. Il sera
poursuivi toute sa vie par ses créanciers et des tracasseries judiciaires. » (p.99-
100)
"Il apparaît cependant qu’un tel ralliement n’allait pas sans duplicité, puisque
les spécialistes attribuent au romancier un éreintement anonyme d’Hernani
paru, en deux parties, dans le Feuilleton des journaux politiques (les 24 mars et
7 avril 1830). Balzac a-t-il effectivement, pour l’occasion, joué double jeu et
assassiné sous l’anonymat une pièce qu’il était allé soutenir publiquement ?
Était-il effectivement à la première d’Hernani et aussi, quelques mois plus tôt, à
la lecture de Marion de Lorme ? Et l’a-t-on croisé en d’autres occasions encore
chez Hugo, quand se réunissait le cénacle de la rue Notre-Dame-des-Champs ?
Les “certitudes”, en ce dossier, reposent toutes sur le Victor Hugo raconté par
un témoin de sa vie : il s’avère en effet qu’on cherche vainement, sur pareils
points, des confirmations dans les documents laissés par d’autres acteurs de ces
événements.
"A la fin de cette année 1827, Balzac imprima le tome IV des Annales
romantiques, où figuraient notamment des pièces poétiques de Vigny, de Hugo,
ainsi que d’un certain nombre de hugoliens “historiques”, ou de la première
heure, en l’occurrence Gaspard de Pons, Jules de Rességuier et Adolphe de
Saint-Valry, qui avaient été tous les trois, et comme Hugo, liés en 1823-1824 à
la revue La Muse française."
"La seule grande “figure” du romantisme avec qui Balzac se trouve en relation,
au début des années 1830, c’est Nodier, mais encore faut-il préciser que celui-ci
était alors brouillé avec Hugo et ne s’était du reste guère montré au cénacle.
Par contre, Hugo lui-même, Vigny, Sainte-Beuve, Gautier, Nerval et consorts ne
semblent jamais rencontrer Balzac, à l’époque."
"Le début des relations entre celui-ci et Balzac « écrivain » (et non plus
imprimeur) pourrait ainsi devoir être reporté à la fin de 1835 ou au début de
1836, quand Balzac tenta (sans succès) d’obtenir que Hugo collabore à sa
Chronique de Paris. »
« Hugo ne devait pas souhaiter avec moins d’ardeur que l’astre Balzac se mette
enfin à décroître sur l’horizon. On a vu que l’auteur de Notre-Dame de Paris
tonnait en 1832 contre « La Femme de trente ans ». Hugo avait encore à
l’époque la prétention d’être le premier dans tous les genres littéraires, roman,
poésie et théâtre. Ainsi, depuis son entrée dans l’arène des lettres, il avait
successivement publié, dans le créneau de la fiction en prose, Bug-Jargal, Han
d’Islande, Le Dernier Jour d’un condamné et Notre-Dame de Paris, – ce dernier
récit en 1831, c’est-à-dire à l’époque où Balzac se mettait à déployer son génie
dans tous les types de roman : intime, historique, personnel, philosophique,
sentimental, fantastique… On ne pouvait que faire le constat, à chacun des
essais de Balzac, de l’insolente supériorité de celui-ci (ainsi pour Le Lys dans la
vallée, vis-à-vis du Volupté de Sainte-Beuve. Il est tout à fait significatif, dans
cette perspective, d’observer que Hugo renonce au roman, au début des années
1830. Après Notre-Dame de Paris, il nourrit bien plusieurs projets, et la Revue
de Paris de septembre 1832 annonce au demeurant que Hugo va publier au cours
des semaines qui suivent deux romans, La Quiquengrogne et Le Fils de la
bossue. Cette annonce est confirmée par le témoignage d’Adolphe Jullien, qui
affirme avoir vu le traité signé par l’auteur avec Eugène Renduel pour Le Fils de
la bossue (en date du 25 août 1832) et qui indique aussi que La Quiquengrogne
1076
devait porter comme sous-titre « Le Manuscrit de l’évêque ». Mais, comme l’a
signalé Sainte-Beuve, Hugo se montra exaspéré en 1832 par les manifestations
répétées de la fécondité balzacienne. Il rangea sa plume de romancier et ne la
ressortit, dans le secret de son cabinet de travail, qu’au cours des années 1840,
pour préparer « Les Misères », qui deviendront Les Misérables… en 1862
seulement.
Hugo n’est pas, à l’évidence, le seul romancier sur qui Balzac a eu un effet
stérilisateur, parce que la barre avait été – par ses récits – placée trop haut. On
voit ainsi Gautier se mettre à faire des romans uniquement descriptifs, des
transpositions de tableaux, qui sont déjà des espèces de Salammbô avant la
lettre. Nerval, quant à lui, s’essaie au roman historique en 1849, avec Le
Marquis de Fayolle, mais abandonne au milieu du gué. Il est heureux d’ailleurs
pour quelqu’un comme Gérard de Nerval que Balzac ne s’intéressa ni au récit de
voyage ni à l’autobiographie, – soit autant de domaines où il était permis de
produire sans apparaître immédiatement comme inférieur à l'« ogre ». On voit
ainsi tous ces anciens du cénacle, loin de dominer la scène littéraire comme on
pouvait s’y attendre, contraints de se retrancher dans les territoires que Balzac a
délaissés.
"Officiellement, les rapports entre les deux écrivains étaient sans nuage, et on
vit même Hugo s’employer en diverses occasions à rendre service à Balzac,
mais – de façon un peu curieuse – à peu près uniquement dans des combats qui
pouvaient passer pour perdus d’avance : ainsi, on le voit intervenir, en vain,
après la suspension du drame Vautrin, en 1840, puis soutenir les candidatures
successives du romancier à l’Académie, alors que tout Paris savait que la
situation financière de celui-ci lui interdisait en fait de devenir immortel.
On voit aussi accourir Hugo quand Balzac est malade : en juillet 1839, puis,
surtout, au cours de l’été de 1850, au moment de l’agonie. Et, quand survient la
1077
mort du romancier, c’est encore Hugo qui prend les choses en main : il porte le
cercueil, prononce l’éloge funèbre et ne laisse de la sorte à personne d’autre le
soin de refermer la tombe. Le discours qu’il prononce au cimetière, et qui sera
reproduit dans tous les journaux, est limpide : cette brève évocation de
l’ambition qui animait Balzac – l’élan vers une espèce d’œuvre totale, qui
renferme le monde – s’applique également, mot pour mot, à l’entreprise que
Hugo menait de son côté. On ne pouvait avouer plus clairement que la scène
littéraire française était trop petite pour contenir à la fois Balzac et Hugo. Une
fois la tombe refermée, d’ailleurs, celui-ci met à distance le souvenir de celui-là
et décline par exemple l’offre de préfacer les Œuvres complètes de Balzac."
-Michel Brix, « Balzac et le cénacle hugolien. Un point d’histoire du
romantisme », Romantisme, 2016/2 (n° 172), p. 93-105. DOI :
10.3917/rom.172.0093. URL : https://www.cairn.info/revue-romantisme-2016-
2-page-93.htm
1078
Jules Barbey d'Aurevilly (1808-1889): « Ce catholicisme terroriste et théâtral
du haut duquel un autre homme de lettres, Barbey d'Aurevilly, a foudroyé le
XIXe siècle. » -Pierre Lasserre, Le Romantisme français. Essai sur la révolution
dans les sentiments et les idées au XIXème siècle, Thèse présentée à la Faculté
des lettres de l'université de Paris, Paris, Société du Mercure de France, 1907,
547 pages, p.37.
1079
n’est pas seulement du nouveau, caractère par nature relatif. Il possède
maintenant un contenu, qui en fait un absolu.
On voit l’immense portée d’une telle vision des choses. Si l’avant-garde est
l’histoire, l’art qui n’est pas d’avant-garde se trouve exclu de l’histoire. Fait
significatif, il n’a pas de nom : « académique », « bourgeois », « pompier » ou «
kitsch » sont des qualificatifs polémiques et surtout locaux ou conjoncturels. Ils
ne sauraient désigner le phénomène dans sa généralité. Pourtant la survivance de
celui-ci est nécessaire : sans arrière-garde, il ne saurait y avoir d’avant-garde.
Chassé de l’histoire, l’objet se trouve ainsi paradoxalement élevé à la qualité
d’absolu. Auparavant n’existait que des conservateurs, c’est-à-dire des attardés
relativement à l’époque. Tandis que l’artiste qui ignore ou refuse le devoir d’être
absolument moderne, donc d’avant-garde – ce qui n’exclut pas d’être à la mode,
mais ne l’implique pas non plus – peut être qualifié, absolument, de
conservateur. La catégorie est pensable, même si les artistes eux-mêmes
préfèrent généralement se définir comme classiques ou respectueux de la
tradition.
https://www.amazon.fr/Gustave-Courbet-peintre-libert%C3%A9-
Michel/dp/2213615004/ref=sr_1_18?s=books&ie=UTF8&qid=1543410366&sr
=1-18&keywords=Courbet
https://www.amazon.fr/Manet-r%C3%A9volution-symbolique-Cours-
Coll%C3%A8ge/dp/2757863142/ref=sr_1_fkmr0_2?s=books&ie=UTF8&qid=1
543410695&sr=1-2-fkmr0&keywords=Pierre+Bourdieu%2C+Sur+Manet
1082
source d’un destin qui ne peut être que funeste. » -François Dosse, Le Pari
biographique. Écrire une vie, Paris, Éditions La Découverte, 2005, 480 pages,
p.188.
« Guizot évoque très souvent le rôle de la Providence, dont le bras terrestre est
le grand homme, comme Charlemagne (84) ou le roi Alfred (86). Ailleurs il
invoque « le cours naturel des choses », « la loi de l'univers » (52), ou encore «
le mobile supérieur », à savoir « une cause morale qui décide de l'ensemble des
choses » (243). Ce facteur transcendant […] n'est pas sans rappeler parfois le
moteur d'une histoire universelle à la Bossuet. »
nous verrons [...] que le régime féodal a fait ce qu'il devait faire, que sa destinée
a été conforme à sa nature. Les événements peuvent être apportés en preuve de
toutes les conjectures, de toutes les inductions que je viens de tirer de la nature
même de ce régime (117-117) [nous soulignons]
1083
« La formulation employée par Guizot indique clairement qu'il ne se voit pas
appartenir à la famille libérale. [...] S'il faut classer Guizot dans une famille
politique, c'est donc bien, à l'entendre dans celle des "conservateurs". » -Michel
Leter, "Éléments pour une étude de l'école de Paris (1803-1852)", chapitre in
Philippe Nemo et Jean Petitot (dir.), Histoire du libéralisme en Europe, Paris,
Quadrige/PUF, 2006, 1427 pages, pp.429-509, p.483.
1085
de l'Empire et de l'Empereur, et le fait, d'autre part, contre la Charte qui
proclamait la liberté de l'enseignement. » -Nicolas Roussellier, L'Europe des
libéraux, Éditions Complexe, 1991, 225 pages, p.48.
1088
récipiendaire. L’attaque porte sur le fond, c’est-à-dire qu’elle condamne une
interprétation historique enracinée dans le traditionalisme. »
Les deux explications proposées ne sont pas exclusives l’une de l’autre. En fait,
1848 révèle des dissensions qui préexistaient mais qui, dans le cadre de la
monarchie censitaire qui était l’horizon commun, n’avaient pas d’actualité.
L’analyse de l’événement révolutionnaire ne relevait d’aucune nécessité. En
fait, cette pluralité est constitutive du catholicisme libéral, elle est aussi son
ambiguïté et sa faiblesse. Ainsi, peut-on distinguer au moins deux tendances :
une tendance « guizotiste », une autre « traditionaliste ». » -Sylvain Milbach,
« Les catholiques libéraux et la Révolution française autour de 1848 », Annales
historiques de la Révolution française [En ligne], 362 | octobre-décembre 2010,
mis en ligne le 01 décembre 2013, consulté le 01 avril 2019. URL :
http://journals.openedition.org/ahrf/11846 ; DOI : 10.4000/ahrf.11846
1089
un ouvrage de pure polémique et de politique acerbe, » sans aucune
préoccupation économique. Ils comprirent enfin que ce qu’il fallait attaquer,
c’étaient « les passions révolutionnaires, militaires, ambitieuses, dominatrices,
» et que c’était vers « le travail » qu’il fallait diriger l’activité des intelligences.
On voit que la pensée fondamentale du Censeur européen était exactement la
même que celle de Saint-Simon dans les premiers temps. » -Paul Janet, "Le
Fondateur du socialisme moderne - Saint-Simon", Revue des Deux Mondes, 3e
période, tome 14, 1876, pp. 758-786, p.769.
1090
Aujourd’hui, on redécouvre Say ou Bastiat ; mais Comte et Dunoyer restent
oubliés.
3/ – Ils occupent une position charnière dans l’histoire des idées politiques et
économiques modernes. S’ils sont par certains égards les ancêtres des anarcho-
capitalistes anglo-saxons d’aujourd’hui, leur pensée joue aussi un rôle
paradoxal dans la genèse de l’idéologie socialiste en raison de leur association
avec le comte Henri de Saint Simon (période 1814-1817), mais aussi du fait de
leur proximité avec Auguste Comte (le cousin de Charles).
La richesse de la Restauration
Ils font partie d’une génération née juste avant la Révolution française qui,
lorsqu’elle se retrouve au lycée, adhère pleinement aux « principes de 1789 »,
mais reste profondément marquée par les excès jacobins de la Terreur.
Adolescents à l’époque du Directoire, ils absorbent le libéralisme des
philosophes modérés, de Condorcet et des Girondins, mais rejettent le
Rousseauissme et sa variante politique, le Jacobinisme. Lycéens au moment de
l’arrivée de l’Empire, ils bénéficient des réformes du système éducatif français
mises en oeuvre par les « idéologues » et qui incorporent les grands principes
de base du libéralisme, malgré le rejet final de « l’idéologie » par Napoléon.
Etudiants à Paris (où Dunoyer arrive en 1803), ils assimilent la tradition du
1092
droit naturel, selon Pufendorf et Grotius (donc Locke). A l’Athénée, ils suivent
les cours, alors très populaires, de J.B. Say, dont Charles Comte deviendra le
gendre. A Paris, ils fréquentent le salon de cet autre grand « idéologue » qu’est
Destutt de Tracy.
Leur maître à penser est Benjamin Constant, qui termine sa carrière comme
chef de file incontesté du journalisme libéral au début de la Restauration. Leurs
travaux se situent alors dans le «main stream » de la pensée politique libérale
de l’époque. Il s’agit d’imaginer des solutions politiques « constitutionnelles »
permettant d’éviter les excès dictatoriaux que le pays a connu sous l’Empire,
puis sous la Restauration des Bourbons. Leur journal milite pour la liberté
d’expression, la liberté de la presse, la liberté des cultes, la souveraineté de
l’Etat de droit, l’établissement d’une constitution écrite, la reconnaissance des
droits individuels, une justice administrée par des magistrats et des jurés
indépendants, le libre échange, la fin des subventions et des monopoles, une
fiscalité minimale…
A partir de 1817, devant l’échec des efforts déployés pour ‘libéraliser’ les
institutions politiques, leurs analyses deviennent de plus en plus « radicales ».
Ils s’opposent autant aux « conservateurs » à la Guizot ou à la Royer Collard
(constitutionnalistes, mais suspicieux de la démocratie, défenseurs du suffrage
censitaire, et surtout qui acceptent un certain interventionnisme économique de
l’Etat) qu’aux libéraux « indépendants » à la Constant (le « centre gauche » de
1093
l’époque, surtout préoccupés de la liberté de la presse, et de l’affirmation des
droits civiques).
Pour Comte et Dunoyer, la libération des peuples passe par « l’industrie », c’est
à dire par ce que nous appellerions aujourd’hui le marché, le libre échange, le
laissez-faire, ou encore même la mondialisation, car c’est l’essence même de
l’industrie et de la liberté du commerce que de favoriser l’essor de vertus
individuelles (calcul, rationalité, responsabilité, risque, donc précaution)
propices à l’affirmation d’une attitude de liberté. Malheureusement les
croyances et les valeurs n’évoluent pas au même rythme que l’industrie. Alors
que celle-ci se répand et concurrence les anciennes manières de faire, les
attitudes, les valeurs, les institutions, elles, restent liées à l’ancien ordre des
choses (le mercantilisme). C’est dans ce décalage, expliquent-ils, que réside la
source de l’échec des idéaux de l’Encyclopédie et de la Révolution à faire
obstacle au retour du despotisme.
Comment y mettre un terme ? Ce ne sont pas les efforts déployés pour mettre au
point des solutions constitutionnelles qui permettront d’en sortir si les gens
continuent d’adhérer à des valeurs qui leur font accepter volontairement leur
servitude ? Le seul espoir réside dans la poursuite, l’accélération du progrès
industriel lui-même. Autrement dit, c’est le « développement économique » et le
libre-échange, produits de la libération de l’économie des monopoles
mercantilistes, qui doivent libérer les gens de leurs croyances, donc de leur
propre servitude, et ainsi rendre possible la réforme politique. Le
constitutionalisme met la charrue avant les boeufs. Il faut d’abord changer les
1094
structures mentales avant d’avoir des chances d’agir avec succès sur les
structures politiques; et cela seul le développement économique peut permettre
de l’obtenir. (Débat très moderne que l’on a retrouvé dans certains pays de
l’Est avant la chute du mur de Berlin – par exemple en Pologne -, ou qui dure
encore comme en Chine).
Leur analyse se fonde sur une conception « dialectique » de l’histoire qui est
celle d’un processus conçu comme le produit d’une confrontation permanente
entre deux classes, d’un côté celle des dirigeants et oppresseurs, de l’autre celle
des opprimés et exploités. C’est l’approche que développe par exemple Augustin
Thierry dans sa fameuse histoire des révolutions anglaises (1817), ainsi que
dans son histoire de la conquête de l’Angleterre par les Normands (1825, mais
dont les premiers éléments ont été publiés dans le Censeur européen dès 1819).
Un libéralisme radical
1096
journal de la Société (Le Journal des Economistes), ainsi que sous la plume de
Frédéric Bastiat ou de Gustave de Molinari.
C’est cette tradition qui, après une éclipse d’un siècle, nous revient des Etats-
Unis à travers les ouvrages de ceux qu’on appelle « les libertariens », ou «
anarcho-capitalistes ». Ce qu’on nous présente comme une importation anglo-
saxonne, soit disant totalement étrangère à la culture française, a en réalité de
solides racines françaises . Et ce sont des anglo-saxons (les historiens
américains Leonard Liggio et Ralph Raico par exemple, l’Australien Hart) qui
nous font aujourd’hui redécouvrir ce qui fut en son temps une tradition libérale
française fort influente et respectée, mais largement oubliée par la suite.
Mais le plus énorme des paradoxes est bien entendu la filiation qui relie cette
école de pensée « ultra-libérale » à la genèse des idées socialistes, et même
marxistes, qui viendront plus tard.
Dans une large mesure, l’un des actes de fondation du mouvement socialiste est
la grande diatribe que mène Proudhon contre le livre de Comte sur la propriété
(Traité de la Propriété, 1834). Diatribe à laquelle Comte n’a malheureusement
pas pu répondre puisqu’il est mort en 1837, soit trois ans avant la parution des
deux ouvrages de Proudhon sur le sujet.
1098
Derrière leur théorie des classes sociales, on retrouve un schéma qui nous est
aujourd’hui devenu familier : l’idée de la « capture » réglementaire. A savoir
que l’existence d’une réglementation ou d’un contrôle économique quelconque
induit nécessairement l’émergence d’une « classe » de gens pour qui la
jouissance des privilèges liés à leur fonction devient rapidement une fin en soi,
et donc un objectif de pouvoir politique.
Dunoyer note aussi l’étrange transformation qui frappe les individus selon
qu’ils agissent en tant que personnes privées ou membres de communautés
politiques. La majorité des individus, fait-il remarquer, semblent comprendre
que le vol et la violence sont un mal lorsqu’ils sont commis par un individu
contre un autre. Mais dès qu’ils agissent en tant que membre d’une communauté
ou d’un corps politique, ils acceptent le bien fondé de ces mêmes actes au nom
de ce qu’ils sont commis par l’Etat ou ses représentants, contribuant ainsi à leur
propre asservissement. On ne peut atteindre la vraie liberté, conclue Dunoyer,
que si les individus rejettent ce divorce entre morale publique et morale privée,
et s’accordent tous à respecter la propriété ainsi que la liberté personnelle de
tous.
1099
de son développement. Ils ont une façon de penser le politique qui en fait, à bien
des égards, les précurseurs d’auteurs comme James Buchanan et Gordon
Tullock.
Le lien n’est pas purement fortuit. James Buchanan reconnait lui-même que
c’est en Italie, lors d’un séjour sabbatique à Rome, dans les années 1950, qu’il
découvrit les intuitions qui allaient orienter de manière déterminante son champ
de recherche. Or il faut relever que c’est précisément chez les économistes et
universitaires italiens du 19ème siècle que l’école française d’économie
politique a entretenu la postérité la plus féconde et la plus durable lorsque son
influence s’est mise à décliner sérieusement sur le sol français, à partir des
années 1870.
Dans leur vision d’une société libérale et industrielle, souligne David Hart, il
n’y aurait aucun service militaire obligatoire puisqu’on aurait aboli les armées
permanentes, et que l’échange commercial remplacerait la guerre comme forme
normale d’interaction entre les nations. Il n’y aurait aucune obligation de voter
puisque l’Etat serait minimal ou inexistant. Dans une société comme celle
imaginée par Dunoyer, il n’y aurait aucun devoir civique, puisqu’il n’y aurait
aucun Etat ni « civitas » pour imposer l’obéissance. Les seules obligations qui
s’imposeraient aux individus seraient des règles morales choisies par chacun,
1100
qui évolueraient progressivement avec l’émergence de sociétés industrielles,
modifiant ou « perfectionnant » la manière de penser et de faire des gens. Parmi
ces obligations volontaires figurent en premier lieu le devoir de respect mutuel
de la propriété et de la liberté de tous ceux qui participent à l’échange, ainsi
que le renoncement à toute violence.
« Dunoyer [...] ne craint pas de corriger Adam Smith qui admettait que l'Etat
puisse fournir directement un certain nombre de services publics comme
l'éducation. » (p.475)
-Michel Leter, "Éléments pour une étude de l'école de Paris (1803-1852)",
chapitre in Philippe Nemo et Jean Petitot (dir.), Histoire du libéralisme en
Europe, Paris, Quadrige/PUF, 2006, 1427 pages, pp.429-509.
http://hydra.forumactif.org/t770-charles-dunoyer-lindustrie-et-la-morale-
considerees-dans-leurs-rapports-avec-la-liberte-nouveau-traite-d-economie-
sociale-de-la-liberte-du-travail#1381
1101
selon le goût du temps, y produisit une école célèbre qui long-temps domina et
qui domine encore parmi nous, protégée par de vieilles habitudes, niais en
contradiction radicale avec l’esprit nouveau, avec les institutions et les mœurs
issues de la révolution française. Sorti du sein des tempêtes, nourri dans le
berceau d’une révolution, élevé sous la mâle discipline du génie de la guerre, le
XIXe siècle ne peut en vérité contempler son image et retrouver ses instincts
dans une philosophie née à l’ombre des délices de Versailles, admirablement
faite pour la décrépitude d’une monarchie arbitraire, mais non pas pour la vie
laborieuse d’une jeune liberté environnée de périls. » (p.179)
-Victor Cousin, "Du fondement de la morale", Revue des Deux Mondes, période
initiale, tome 13, 1846 (p. 177-188).
« Je peux faire ce que je veux : je peux, si je veux, donner aux pauvres tout ce
que je possède, et devenir pauvre moi-même – si je veux ! – Mais il n’est pas en
mon pouvoir de le vouloir, parce que les motifs opposés ont sur moi beaucoup
trop d’empire. Par contre, si j’avais un autre caractère, et si je poussais
l’abnégation jusqu’à la sainteté, alors je pourrais vouloir pareille chose ; mais
alors aussi je ne pourrais pas m’empêcher de la faire, et je la ferais
nécessairement – Tout cela s’accorde parfaitement avec le témoignage de la
conscience « je peux faire ce que je veux », où aujourd’hui encore quelques
philosophâmes sans cervelle s’imaginent trouver la preuve du libre arbitre, et
qu’ils font valoir en conséquence comme une vérité de fait que la conscience
atteste. Parmi ces derniers se distingue M. Cousin, qui mérite sous ce rapport
une mention honorable, puisque dans son Cours d’Histoire de la Philosophie,
professé en 1819-1820, et publié par Vacherot, 1841, il enseigne que le libre
arbitre est le fait le plus certain dont témoigne la conscience (vol. I, p. 19, 20) ;
et il blâme Kant de n’avoir démontré la liberté que par la loi morale, et de
l’avoir énoncée comme un postulat, tandis qu’en vérité elle est un fait. » -Arthur
Schopenhauer, Essai sur le libre-arbitre, 1839 pour la première édition,
Traduction de Salomon Reinach (1894), Numérisation et mise en page par Guy
Heff & David Buffo (Mai 2013), 184 pages, p.81.
http://hydra.forumactif.org/t678-victor-cousin-du-beau-et-de-lart-et-autres-
textes#1265
Les révoltes des canuts (20-22 novembre 1831) : « Il ne faut rien dissimuler ;
car à quoi bon les feintes et les réticences ? la sédition de Lyon a révélé un
grave secret, celui de la lutte intestine qui a eu lieu dans la société entre la
classe qui possède et celle qui ne possède pas. Notre société commerciale et
industrielle a sa plaie comme toutes les autres sociétés ; cette plaie, ce sont les
ouvriers. Point de fabriques sans ouvriers, et, avec une population d’ouvriers
toujours croissante et toujours nécessiteuse point de repos pour la société…
[…] Chaque fabricant vit dans sa fabrique comme le planteur des colonies au
milieu de ses esclaves, un contre cent ; et la sédition de Lyon est une espèce
d’insurrection de Saint-Domingue.
[…]
1106
mais vers une meilleure fortune ? … Ils sont les plus forts, les plus nombreux ;
vous leur donnez vous-mêmes des armes, et enfin, ils souffrent horriblement de
la misère. Quel courage, quelle vertu il faudrait pour ne pas céder à la
tentation ! Et ces hommes à qui il faudrait tant de modération, tant de réserve,
ce sont des hommes que la société a laissés pendant longtemps sans instruction.
Elle ne leur a pas donné la lecture qui pouvait les éclairer, les instruire, les
civiliser, et elle leur donne des armes !
…Dans cette position, il est nécessaire que la classe moyenne comprenne bien
ses intérets et le devoir qu’elle a à remplir. Il faut qu’elle évite avec un égal soin
d’être dupe ou d’être cruelle ou tyrannique.
D’être dupe, disons-nous ; et elle le serait si, éprise de je ne sais quels principes
démagogiques, elle donnait follement des armes et des droits à ses ennemis, si
elle laissait entrer le flot des prolétaires dans la garde nationale, dans les
institutions municipales, dans les lois électorales, dans tout ce qui est l’Etat…
1107
« L’ordre va régner à Lyon. […] On veut châtier de faim les malheureux
ouvriers. […] On voit dans cette insurrection d’une cité la manifestation partielle
d’un mal généralement senti. Les citoyens, qui devraient être unis dans un
intérêt commun de liberté et de bonheur, sont divisés par des intérêts contraires
de classes et d’individus. La société, par l’action de ses lois, a fait tomber en
bloc aux mains de quelques-uns les richesses qu’elle devait incessamment
morceler, pour qu’une parcelle en arrivât à chacun. Les uns possèdent ; les
autres se résignent à servir ou bien se révoltent. C’est alors une guerre civile.
[…] Le profit du travail doit retourner au travailleur. Plus d’hommes qui servent
d’instruments à un autre homme ! » [Lebon, 1831, p. 2-4].
On reconnaît ici le discours républicain des masses opprimées par les tyrans,
mais ce discours prend un tour social : les masses, ce sont bien les travailleurs,
et les tyrans, plus seulement les rois, mais les possédants. À partir de la fin de
l’année 1831, sous l’influence du publiciste robespierriste Auguste Caunes,
suivi notamment par Lebon et Gaussuron-Despréaux, le recrutement spécifique
d’ouvriers devient un but d’une partie de la Société des Amis du Peuple, plus
radicale, qui grossit jusqu’à devenir, en 1832, la Société des Droits de l’homme,
clairement ouvriériste. » -Samuel Hayat, « Républicains, socialistes et ouvriers
face à l’émancipation des travailleurs (1830-1848) », Revue du MAUSS, 2016/2
(n° 48), p. 135-150. DOI : 10.3917/rdm.048.0135. URL
: https://www.cairn.info/revue-du-mauss-2016-2-page-135.htm
https://www.amazon.fr/r%C3%A9voltes-canuts-1831-1834-Fernand-
RUDE/dp/2707152900/ref=sr_1_2?ie=UTF8&qid=1488894018&sr=8-
2&keywords=Les+r%C3%A9voltes+des+canuts
1108
« Owen a été, parmi les dirigeants modernes de la classe ouvrière, le premier
adversaire du christianisme. » -Karl Polanyi, La Grande Transformation. Aux
origines politiques et économiques de notre temps, Paris, Gallimard, coll. tel,
1983 (1944 pour la première édition états-unienne), 463 pages, p.242.
Mais si ces vices et ces malheurs ne sont pas l’effet de la volonté de la Nature, il
faut donc en chercher la cause ailleurs.
Aucune question n’est évidemment aussi digne d’exister l’intérêt universel ; car
s’il était démontré que les souffrances de l’Humanité fussent un immuable arrêt
du Destin, il faudrait n’y chercher de remède que dans la résignation et la
patience ; tandis que si, au contraire, le mal n’est que la conséquence d’une
mauvaise organisation sociale, et spécialement de l’Inégalité, il ne faut perdre
un moment pour travailler à supprimer ce mal en en supprimant la cause, en
substituant l’Égalité à l’Inégalité.[…]
Sous la forme d’un Roman, le Voyage en Icarie est un véritable traité de morale,
de philosophie, d’économie sociale et politique, fruit de longs travaux,
d’immenses recherches et constantes méditations. Pour le bien connaître, il ne
suffit pas de lire ; il faut le relire, le relire souvent et l’étudier.
Nous ne pouvons sans doute nous flatter de n’avoir commis aucune erreur :
mais notre conscience nous rend ce consolant témoignage que notre œuvre est
l’inspiration du plus pur et du plus ardent amour de l’Humanité.
1110
« Vastes réseaux de correspondance de Considérant ou de Cabet, réseaux qui
couvraient presque toute la France, et dont les membres joueront, au début de
la Révolution de 1848, un rôle dirigeant dans les événements provinciaux. »
« Le grand mérite [de Fourier] est d’avoir énoncé comme objectif ultime
[l’abolition du] mode de production lui-même et son dépassement dans une
forme supérieure. » -Karl Marx, Grundrisse, « Fragment sur les machines »,
1857.
1111
la fourberie par la difficulté des bénéfices. » -Charles Fourier, Le nouveau
monde industriel et sociétaire (1828).
« Les peuples civilisés ne s’accordent que pour déboiser les montagnes, ruiner
les climats, propager les pestes, développer les causes de la guerre universelle.
Plus la civilisation avance, plus elle nous éloigne du bonheur : elle est si
repoussante, dit Fourier, que, malgré ses avantages, elle répugne aux barbares
et aux sauvages. Elle ne fait que réprimer, comprimer, supprimer nos instincts,
elle se réduit à une triple lutte contre la nature, contre l’homme et contre
Dieu. »
« Il est pénible de voir tant d’efforts prodigués dans une œuvre impossible et le
dévouement mis au service de cette duperie gigantesque du phalanstère ;
puisque les fouriéristes semblent toucher à l’heure du réveil, ils doivent se
résoudre à entendre avec calme de franches félicitations sur leur conversion
prochaine, qui sera hâtée par l’anarchie même de l’école. Que les
phalanstériens attaquent les abus, les vices de la société, l’égoïsme des
conservateurs, rien de plus utile. Que les disciples du magicien s’occupent du
sort des ouvriers, de l’organisation du travail, des réformes administratives,
rien de plus juste : de là au phalanstère, il y a la distance de la terre au ciel, du
possible à l’impossible. » -M. Ferrari, Des idées et de l’école de Fourier depuis
1830, Revue des Deux Mondes, T.11, 1845.
« Le féminisme de Bebel n'est peut-être pas sans rapport avec son admiration
pour Fourier, à qui il consacra aussi un livre. » -Eric Hobsbawm, "Sexe,
1114
symboles, vêtements et socialisme", Actes de la Recherche en Sciences Sociales,
Année 1978, 23, pp. 2-18, note 50 p.17.
« Les saint-simoniens ont aussi activement contribué aux débats sur la question
coloniale, qui émerge en particulier au moment de la prise d’Alger. Jean-Louis
Marçot, auteur d’une somme sur le sujet, évoque comment le socialisme
naissant a contribué à la diffusion de l’idée coloniale. Selon lui, et même si leurs
avis ont varié selon les écoles de pensée et à l’intérieur de ces écoles, tous les
premiers socialistes se sont prononcés en faveur de la colonisation de l’Algérie.
Ils proposaient, comme alternative à l’invasion militaire de l’Algérie, une
colonisation civile et pacifique. La colonisation par des armées industrielles
représentait une convergence de vues entre saint-simoniens, fouriéristes et
certains communistes comme Théodore Dézamy sur les moyens à mettre en
œuvre dans une démarche colonisatrice. Car l’Algérie se présentait à leurs yeux
comme un vaste champ disponible pour l’expérimentation de leurs idées. Jean-
Louis Marçot souligne aussi le lien qui unit la question coloniale et la question
sociale, car la colonisation est également perçue comme une des solutions
envisagées pour résoudre un des problèmes majeurs de l’époque, celui du
paupérisme. Les premiers socialistes ne se contentèrent pas d’alimenter les
débats dans la presse et de jouer à l’occasion les conseillers auprès du
gouvernement ou de ses édiles, ils passèrent à l’action et partirent dans les terres
algériennes pour mettre leurs idées en pratique et conquérir les territoires, non
par les armes mais par les idées. Ce faisant, pour Jean-Louis Marçot, ils n’en
sont pas moins des pionniers engagés dans l’idée d’« Algérie française », terme
1115
qui se trouve pour la première fois dans l’ouvrage de Prosper Enfantin, La
colonisation de l’Algérie (1843).
http://hydra.forumactif.org/t1457-etienne-cabet-voyage-en-icarie#2109
http://academienouvelle.forumactif.org/t7009-constantin-pecqueur#8171
http://www.amazon.fr/Fourier-Le-visionnaire-son-
monde/dp/2213031614/ref=pd_sim_14_1?ie=UTF8&dpID=5177HSYN12L&dp
Src=sims&preST=_AC_UL160_SR100%2C160_&refRID=1TREQ1CTGBK41
2B7B359
http://www.amazon.fr/SOCIALISTES-AVANT-MARX-
TOMES/dp/B005UL4DB6/ref=sr_1_5?s=books&ie=UTF8&qid=1448535596&
sr=1-5&keywords=Gian+Mario+Bravo%2C+Les+Socialistes+avant+Marx
https://www.amazon.fr/Aux-origines-mouvement-ouvrier-
fran%C3%A7ais/dp/2251603263
Clarisse Vigoureux (11 juin 1789 - 13 janvier 1865) : « Les articles de femmes
de la Phalange, où, dit avec quelque exagération la Gazette des Femmes, "les
femmes comptent autant que les hommes", et ceux de la Démocratie pacifique
1116
représentent, eux, le socialisme. Les plus importants sont ceux que Clarisse
Vigoureux, belle-mère de Considérant, fit paraître dans ces deux journaux.
Clarisse Vigoureux prend généralement parti contre le gouvernement dans les
plus importantes questions agitées de son temps. Citons en particulier un
chaleureux appel aux Français pour les engager à défendre la Pologne
opprimée (1846). » -Léon Abensour, "Le féminisme sous la monarchie de
Juillet. Les essais de réalisation et les résultats", Revue d’Histoire Moderne &
Contemporaine, Année 1911, 15-2, pp. 153-176, p.165.
http://academienouvelle.forumactif.org/t5631-desiree-gay#6678
http://academienouvelle.forumactif.org/t5632-adele-de-saint-amand-
proclamation-aux-femmes-sur-la-necessite-de-fonder-une-societe-des-droits-de-
la-femme#6679
1117
auteur de La France juive en 1886. » -Michel Winock, Nationalisme,
antisémitisme et fascisme en France, Éditions du Seuil, coll. Points Histoire,
2014, 506 pages, p.109.
https://www.amazon.fr/Textes-politiques-1839-1882-Louis-
Blanc/dp/2356870636/ref=sr_1_15?s=books&ie=UTF8&qid=1474709148&sr=
1-15
La réunion des hommes constitue un véritable ETRE, dont l’existence est plus
ou moins vigoureuse ou chancelante, suivant que ses organes s’acquittent plus
ou moins régulièrement des fonctions qui leur sont confiées.
[…] La politique elle-même, envisagée […] comme une science dont le but est
de procurer la plus grande somme de bonheur à l’espèce humaine, n’est qu’une
physiologie générale pour laquelle les peuples ne sont que des organes
distincts : la réunion de ces organes forme un seul être (L’ESPECE
HUMAINE), à l’accroissement duquel ils sont chargés de contribuer, en
fournissant la part d’action qui dépend de leur nature particulière.
1118
[…] La physiologie est donc la science, non seulement de la vie individuelle,
mais encore de la vie générale, dont les vies des individus ne sont que les
rouages. Dans toute machine, la perfection des résultats dépend du maintien de
l’harmonie primitive établie entre tous les ressorts qui la composent ; chacun
d’eux doit nécessairement fournir son contingent d’action et de réaction ; le
désordre survient promptement quand des causes perturbatrices augmentent
vicieusement l’activité des uns aux dépens de celle des autres.
L’espèce humaine, considérée comme un seul être vivant, est susceptible d’offrir
de semblables irrégularités dans les différentes périodes de son existence. Nous
sommes donc intéressés à étudier la cause de ce dérangement, afin de le
prévenir ou de le faire disparaître si nous avons pu nous opposer à leur
arrivé. » -Saint-Simon, De la physiologie appliquée à l’amélioration des
institutions sociales, 1813.
« L’organisation d’un système bien ordonné […] exige qui les parties soient
fortement liées à l’ensemble et dans sa dépendance. »
« Saint-Simon n’apprécie pas la philosophie de Condorcet qui est fondée sur les
Droits de l’homme et sur des institutions politiques démocratiques. C’est toute
la clé du problème. Pour lui, comme pour Comte, cette philosophie est la cause
des désordres sanglants de la Révolution française. L’un et l’autre veulent à
leur tour « terminer la révolution ». Et donc, cherchant une conception plus
propice à l’ordre auquel ils soupirent, ils trouvent dans l’esquisse sous la notion
de progrès, quelque chose que Condorcet n’y avait pas mis, une théodicée
scientiste, démontrant qu’une évolution naturelle emmenait l’homme, volens
nolens, d’étapes en étapes, vers un nouveau type de société, la société
industrielle. » -Jean-Louis Morgenthaler, « Condorcet, Sieyès, Saint-Simon et
1119
Comte », Socio-logos [En ligne], 2 | 2007, mis en ligne le 17 juin 2007, consulté
le 12 avril 2016. URL : http://socio-logos.revues.org/373.
"La Lettre à messieurs les Ouvriers, très significative, car elle indique le
moment où Saint-Simon a commencé à se tourner vers le prolétariat." (p.761)
Tout autres et profondément différentes dans leur principe sont les idées de
Saint-Simon. Ce n’est pas dans la littérature classique mal entendue, c’est dans
1121
l’économie politique qu’il faut chercher l’origine de son socialisme. Ce sont les
économistes, c’est Adam Smith et Jean-Baptiste Say, dont il se déclare le
disciple, qui lui ont inspiré ses vues sur le rôle prépondérant de l’industrie. Bien
loin de faire la guerre au luxe et à la richesse, c’est au contraire
l’accroissement de la richesse publique qu’il se propose : son idéal n’est pas
une république militaire comme celle de Sparte, c’est une république
industrielle et commerçante, l’agriculture n’étant elle-même à ses yeux qu’une
industrie." (p.766)
"La liberté, selon Saint-Simon, n’est pas un but : « On ne s’associe pas pour
être libres. » Autant vaudrait rester isolés. On s’associe pour la chasse, pour la
guerre, pour une œuvre déterminée. C’est à quoi l’école libérale ne pense pas.
La liberté en réalité n’est ni un but, ni un moyen ; elle est un effet. Elle résulte
du développement progressif de l’humanité ; chacun est plus libre à mesure
qu’il est plus puissant et qu’il a plus de moyens d’action sur la nature." (p.767)
-Paul Janet, "Le Fondateur du socialisme moderne - Saint-Simon", Revue des
Deux Mondes, 3e période, tome 14, 1876, pp. 758-786.
1122
concepts, méthodes, enjeux, débats, Presse Universitaires de Liège, coll.
Situations, 2014, 392 pages, p.269-270.
https://www.amazon.fr/Saint-Simon-lutopie-raison-Olivier-
P%C3%A9tr%C3%A9-
Grenouilleau/dp/2228894338/ref=sr_1_13?s=books&ie=UTF8&qid=152640305
1&sr=1-13&keywords=Saint-Simon
« Le positivisme n’admet que des devoirs, chez tous et envers tous. Car son
point de vue toujours social ne peut comporter aucune notion de droit,
constamment fondée sur l’individualité. Nous naissons chargés d’obligations de
toute espèce, envers nos prédécesseurs, nos successeurs, et nos contemporains.
Elle ne font ensuite que se développer ou s’accumuler avant que nous puissions
rendre aucun service. Sur quel fondement humain pourrait donc s’asseoir l’idée
de droit, qui supposerait raisonnablement une efficacité préalable ? Quels que
puissent être nos efforts, la plus longue vie bien employée ne nous permettra
jamais de rendre qu’une portion imperceptible de ce que nous avons reçu. Ce ne
serait qu’après une restitution complète que nous serions dignement autorisées
à réclamer la réciprocité des nouveaux services. Tout droit humain est donc
absurde autant qu’immoral. Puisqu’il n’existe plus de droits divins, cette notion
doit s’effacer complètement, comme purement relative au régime préliminaire,
et directement incompatible avec l’état final, qui n’admet que des devoirs,
d’après des fonctions. » -Auguste Comte, Catéchisme positiviste, 1852.
"A propos de l'humanité, Comte disait qu'il n'y avait lieu d'établir réellement,
entre elle et l'animalité "aucune différence essentielle que celle du degré plus ou
moins prononcé que peut comporter le développement d'une faculté,
nécessairement commune, par sa nature, à toute vie animale". La "fameuse
définition scolastique de l'homme comme animal raisonnable" était par
1123
conséquent, selon lui, "un véritable non-sens" [A. Comte (1837), Cours de
philosophie positive, t.1, leçon 45, Paris, Hermann, 1998, p.858-859]. […]
Le positivisme comme système entretenait le projet de transformer la
philosophie en une synthèse des sciences." (p.103)
« On sait quel magnifique éloge Auguste Comte fait du XIIIe siècle : âge
organique par excellence qui a réalisé l’unité spirituelle, la véritable catholicité.
Vers ce siècle se tourne le rêve de tous ceux qui jugent impossible toute paix
sociale sans le fondement d’une foi commune qui dirige la pensée et l’action et
se subordonne la philosophie, l’art et la morale. » -Émile Bréhier, Histoire de la
1124
philosophie, "Les classiques des sciences sociales" (à partir de Librairie Félix
Alcan, Paris, 1928, 788 pages), p.424.
« Un de ses plus grands torts est de ne laisser aucune question ouverte. » -John
Stuart Mill, à propos d’Auguste Comte.
« Alors que Condorcet exprimait l’idée que les hommes peuvent s’appuyer sur
une connaissance scientifique de la société pour maîtriser leur présent et leur
avenir, le positivisme exprime l’idée exactement inverse selon laquelle les
hommes n’ont pas de prise sur les lois inéluctables de l’évolution de l’histoire.
D’une vision constructive et humaniste de la science sociale, l’anamorphose de
Saint-Simon, reprise et développée par Auguste Comte, faisait basculer celle-ci
dans le déterminisme historiciste. » -Jean-Louis Morgenthaler, « Condorcet,
Sieyès, Saint-Simon et Comte », Socio-logos [En ligne], 2 | 2007, mis en ligne
le 17 juin 2007, consulté le 12 avril 2016. URL : http://socio-
logos.revues.org/373.
"En somme, les penseurs français de la première moitié du XIXe siècle furent
conduits à considérer l'homme comme un être social, à insister sur les facteurs
sociaux qui constituent la matière première de la personnalité et expliquent en
dernier ressort que la société n'est pas réductible à une construction artificielle
à base d'individus. […] Il y a donc ici, et en particulier dans le surgissement
parallèle et partiellement conjoint de la sociologie et du socialisme en France,
bien davantage et tout autre chose qu'une conséquence de la révolution
industrielle." -Louis Dumont, Essais sur l'individualisme. Une perspective
anthropologique sur l'idéologie moderne, Paris, Le Seuil, coll. Point, 1985
(1983 pour la première édition), 314 pages, p.132.
http://hydra.forumactif.org/t2094-henri-gouhier-la-vie-d-auguste-comte#2805
http://www.amazon.fr/Figures-savoir-num%C3%A9ro-18-
Comte/dp/2251760261/ref=sr_1_82?s=books&ie=UTF8&qid=1458751273&sr=
1-82&keywords=Figures+du+savoir
1127
http://www.amazon.fr/Philosophie-positiviste-Leszek-
Kolakowski/dp/2282301390/ref=sr_1_10?ie=UTF8&qid=1458657662&sr=8-
10&keywords=La+Philosophie+positiviste
http://www.amazon.fr/Auguste-Comte-politique-Juliette-Grange-
ebook/dp/B01D3WQHZS/ref=sr_1_15?ie=UTF8&qid=1458657841&sr=8-
15&keywords=auguste+comte
http://hydra.forumactif.org/t1993-emile-littre-conservation-revolution-et-
positivisme#2696
http://academienouvelle.forumactif.org/t955-antoine-augustin-cournot-traite-de-
l-enchainement-des-idees-fondamentales-dans-les-sciences-et-dans-l-histoire-
essai-sur-les-fondements-de-nos-connaissances-et-sur-les-caracteres-de-la-
critique-philosophique-materialisme-vitalisme-rationalisme#1572
1129
théories papales en tout genre et les théories individualistes de toute espèce sont
également fausses. »
« Vous êtes amené avec Rousseau à penser : « Le souverain peut tout ; il est
omnipotent ; chaque citoyen lui a remis ses pouvoirs » […] Voilà où vous
conduit le sentimet de l’égalité. […] La loi ne sere jamais que l’expression de la
majorité, et un fait de domination de la majorité sur cette minorité. […]
L’homme ne peut remettre aux mains de l’Etat ni sa pensée, ni son amour, ni ses
amitiés, ni la direction de son travail, ni le fruit de son travail, en un mot une
multitude d’actes qui constituent sa personnalité. » -Pierre Leroux, De
l’individualisme et du communisme, 1834.
"Né en 1797, Pierre Leroux était entré en 1821 dans la Charbonnerie, « cette
grande conspiration du libéralisme adolescent ». Puis il prit part à la rédaction
du Globe, qu’il avait fondé en 1824 et qu’il céda aux saint-simoniens après la
révolution de 1830. Mais ce n’est qu’à partir de 1832, après sa rupture avec les
saint-simoniens, qu’il acquit aux yeux de ses contemporains une stature
intellectuelle originale et prit rang parmi les grands apôtres du progrès
démocratique et social : dès lors, de la Revue encyclopédique à l’Encyclopédie
nouvelle, puis à la Revue indépendante et à la Revue sociale, il est aisé de
suivre dans sa continuité le développement de sa pensée. [...]
Le Globe, qui fut l’un des périodiques les plus en vue de la Restauration, est
encore célèbre aujourd’hui pour avoir défendu, en littérature, la cause du
romantisme, vulgarisé en philosophie l’éclectisme de Victor Cousin, soutenu en
politique les principes du libéralisme."
1130
progrès décisifs dans la diffusion des connaissances et des idées. C’est peu de
temps après, si l’on en croit son propre témoignage, qu’il forma un autre projet
: fonder un journal « qui tiendrait ses lecteurs au courant de toutes les
découvertes faites dans les sciences et dans toutes les branches de l’activité
humaine, chez les principales nations ». Il en arrêta dans son esprit le titre —
Le Globe — et, jugeant que l’Angleterre était « le pays qu’il fallait étudier
avant de créer un tel journal », il fit un voyage en Angleterre. A son retour, en
1821, il entra dans une vente de carbonari où il retrouva d’anciens condisciples
du lycée de Rennes : Paul-François Dubois, le docteur Roulin, et le beau-frère
de celui-ci, Alexandre Bertrand, qui devint son ami intime.
"Leroux demanda une entrevue à Lafayette, lui exposa ses vues et sollicita son
soutien : il fut courtoisement éconduit. Un an plus tard (1823), son esprit
travaillant toujours, il était prote chez l’imprimeur Cellot lorsque celui-ci prit
comme associé Alexandre Lachevardière, puis lui céda son fonds.
Lachevardière était un ancien camarade d’apprentissage de Leroux : jeune,
riche, entreprenant, très attentif aux nouveautés lancées par les éditeurs
anglais, il accepta d’engager ses capitaux dans la fondation du Globe Sur ce
qu’il advint alors on dispose de divers témoignages, dont celui de Leroux lui-
même. Mais les récits les plus détaillés se trouvent dans les Souvenirs de Paul-
François Dubois, qui restent en grande partie inédits. « Avec sa promptitude
hasardeuse », écrit Dubois, Leroux passa aussitôt à l’exécution : il s’assura la
collaboration de deux traducteurs — l’un pour l’anglais, l’autre pour
l’allemand — et leur fit faire « un nombre considérable d’extraits et de
nouvelles » tirés des publications étrangères18. Puis, ne sachant trop comment
mettre en œuvre ces matériaux, il alla trouver Paul-François Dubois et lui
demanda son concours.
1131
Professeur de rhétorique, ancien élève de l’Ecole normale, Dubois avait été
chassé de l’Université trois ans plus tôt ; il avait quelque expérience du
journalisme, et, en attendant mieux, vivait de divers travaux de plume : il
accepta, et se chargea de constituer la rédaction du nouveau journal ; mais il
s’en réserva expressément le contrôle et la direction20. Il fit aussitôt appel à ses
amis de l’Université et à quelques jeunes publicistes de sa connaissance, qui
acceptèrent de collaborer à son entreprise. Leroux, de son côté, fit entrer dans
la rédaction son ami Alexandre Bertrand. Le premier numéro du Globe parut le
15 septembre 1824."
"Il serait tout à fait gratuit de supposer, en 1824, une inspiration saint-
simonienne chez Leroux : ce qu’on retrouve bien plutôt dans sa conception
du Globe, c’est l’expérience du typographe, témoin de l’expansion rapide de la
librairie et de la presse depuis 1815, témoin et acteur manqué, si l’on peut dire,
de l’entrée de l’imprimerie dans l’ère industrielle. Cette expansion sans
précédent avait de quoi frapper les imaginations : en multipliant la circulation
des richesses intellectuelles, elle élargissait l’horizon de la pensée. Une ère
nouvelle s’ouvrait ainsi, que l’optimisme libéral saluait avec enthousiasme."
1132
nettement encore après les élections de novembre 1827 et la chute du ministère
Villèle. En août 1828, la nouvelle loi sur la presse lui permit de devenir un
journal « philosophique, politique et littéraire ». Dès lors la partie
documentaire, sans tout à fait disparaître, s’amenuisa encore ; les discussions
parlementaires, les combinaisons ministérielles examinées et commentées dans
l’esprit d’un sage libéralisme, donnèrent au Globe sa couleur et rétrécirent son
horizon à leur mesure : les vastes espérances de Leroux paraissaient
définitivement oubliées."
"Cet homme qui agitait en lui tant de pensées, et qui aurait pu être l’âme du
journal, n’en était que la « cheville ouvrière » : rôle sans doute indispensable
mais évidemment subalterne. [...] Sa pauvreté, son genre de vie et son caractère
l’isolaient des autres rédacteurs ; il n’avait de relations d’amitié qu’avec
certains d’entre eux : Bertrand d’abord, puis à un moindre degré Damiron et
Dubois, plus tard Sainte-Beuve et Roulin ; en revanche, il ne sympathisait guère
avec les doctrinaires — Guizot, Rémusat et leurs amis — qui dominèrent la
rédaction politique du Globe à partir de 1828."
"Leroux accorda une large place, dans la partie documentaire du Globe, aux
questions de l’instruction populaire et de la vulgarisation des résultats des
sciences, conçues comme un instrument essentiel de l’amélioration du sort des
classes laborieuses : nous avons sur ce point un témoignage de Michelet, et
celui de Leroux lui-même, qui, dans sa « profession de foi saint-simonienne »,
évoque les documents qu’il publiait sur « l’instruction primaire aux frais de
l’état » et sur « l’émancipation des artisans ». Leroux fait allusion également à
des études « sur les essais divers de système coopératif et sur une foule d’autres
sujets » : par ces études et par ces documents, précise-t-il, il avait « sourdement
lutté contre les doctrines économiques d’indifférence et de laisser faire
professées dans des colonnes plus officielles ». Mais peut-être a-t-on exagéré
parfois la portée de ce témoignage. [...] Leroux, en 1831, est avant tout soucieux
d’illustrer la « logique » qui l’a conduit à adhérer au saint-simonisme : il insiste
donc sur les « pressentiments » qui l’y avaient secrètement poussé. Mais il a
1133
toujours affirmé que la question sociale, pour lui, ne s’était posée dans toute son
ampleur et dans son « invincible clarté » qu’après la révolution de juillet."
"Dès 1827 Leroux était en relations avec des libéraux belges, notamment avec
Auguste Baron, correspondant du Globe à Bruxelles. Il fit un peu plus tard un
voyage en Belgique, où il se lia avec Charles Rogier, l’un des futurs chefs de la
révolution belge de 1830, et avec d’autres collaborateurs du Politique, journal
libéral de Liège. La date de ce voyage reste incertaine, mais on peut supposer
qu’elle précède de peu la publication, dans Le Globe, des deux articles de
Leroux sur la « crise » des Pays-Bas (novembre-décembre 1828). Par la suite,
Leroux apparaît au Globe comme le spécialiste des affaires belges : en 1829, il
promet d’écrire un article sur le procès fait à Louis De Potter, l’un des chefs de
l’opposition libérale en Belgique, ainsi qu’un compte rendu de deux brochures
politiques dues à ce publiciste. Cette promesse ne semble pas avoir été tenue.
Mais en 1830 Le Globe, devenu journal quotidien, donne de nombreuses
informations sur le conflit qui oppose les libéraux et les catholiques belges au
roi Guillaume."
"On sait qu’il fut entre 1824 et 1829 l’un des organisateurs des banquets
bretons, qui chaque année rassemblaient les bleus de Bretagne habitant Paris,
et entretenaient parmi eux la fidélité aux idées de la Révolution. Certains ont
cru à cette époque que Leroux était d’origine bretonne, ce qui est faux. Mais la
méprise est significative : Leroux restait étranger à la société parisienne, et se
mêlait volontiers à ces provinciaux déracinés. [...] En Bretagne, et plus
généralement dans l’Ouest, la Charbonnerie avait recruté des adeptes
particulièrement nombreux, non seulement dans la « classe moyenne » mais
aussi dans les couches populaires des villes. D’où un vivace esprit « républicain
», qui prolongeait directement la tradition, encore toute récente, des luttes
contre la chouannerie. C’est dire que la Charbonnerie bretonne différait
sensiblement du carbonarisme élitaire, bourgeois, précocement tenté par les
intrigues orléanistes, qui caractérisait les états-majors parisiens.
1134
Si l’on en croit le témoignage d’Ange Guépin, Leroux, au temps où il faisait ses
études au lycée de Rennes, avait fréquenté la maison du tailleur Leperdit, ancien
maire républicain de la ville. Ainsi, dès son adolescence, il avait été marqué par
cette tradition particulière du républicanisme breton, qui maintenait vivant
l’esprit des luttes du « peuple » contre l’ancien régime. C’est cette tradition et
cet esprit que les banquets bretons de Paris, relayant le carbonarisme,
entretinrent jusqu’à la révolution de 1830."
Deux jours plus tard, Le Globe publie un article d’un tout autre ton, dû
vraisemblablement à Leroux où l’on peut lire ceci :
1135
Il faut le dire, une ère nouvelle commence. Le siècle politique est ouvert. Plus de
langueur, plus de criticisme impuissant. Il est des jours où de grands
perfectionnements deviennent tout à coup possibles.
Cet article provoqua au sein de la rédaction une crise que le journal ne put
cacher à ses lecteurs. Dès le 2 août, Dubois écarte ceux qui voudraient «
républicaniser » Le Globe ; et pendant deux semaines, il s’y fait le porte-parole
d’une opinion sagement progressive, applaudit le roi-citoyen, défend contre ce
qu’il nomme les « prétentions républicaines » la cause de la meilleure des
républiques. En fait, il songe surtout à rentrer dans l’Université, et se dispose à
liquider Le Globe. Le 15 août, il abandonne son titre de gérant et se retire, suivi
par la plupart des rédacteurs, qui comme lui estiment que le temps est venu de se
mettre aux affaires. Restent Leroux, Sainte-Beuve, Lerminier, quelques autres,
qui entendent que Le Globe continue à vivre : ils en assurent désormais la
rédaction ; mais ils se heurtent à la majorité des actionnaires, que Dubois et ses
amis contrôlent. Le 20 septembre, après des discussions orageuses, ceux-ci
désignent l’un des leurs pour procéder à la liquidation fictive de la société. Un
mois plus tard les comptes sont établis, et les nouveaux maîtres du Globe sont
aux abois : ils sont mis en demeure de rembourser les actionnaires qui ne
voudront plus participer à leur entreprise. C’est alors qu’ils s’adressent à Prosper
Enfantin, et lui avouent « l’embarras de leur position » : dès le 28 octobre, la
cession du journal aux saint-simoniens est acquise. Mais ce n’est que le 10
novembre que ceux-ci en prennent véritablement la direction : Enfantin avait
jugé bon de ménager une « transition », afin de ne pas effaroucher le public. Et
cette transition, en fait, ne parvint à son terme que le 18 janvier 1831, lorsque Le
Globe devint officiellement le « journal de la doctrine de Saint-Simon ».
Les difficultés financières, on le voit, ont joué un rôle déterminant dans cette
affaire ; et quoi qu’on en ait dit, rien n’indique que Leroux ait été subitement
touché par la grâce."
"Il est probablement l’auteur d’une grande partie des articles politiques qui, en
dehors des nouvelles, forment l’essentiel du journal à cette époque. D’autres
sont dus à Sainte-Beuve. Mais Sainte-Beuve lui-même a précisé qu’il avait, en
ce temps-là, prêté sa plume à Leroux, et qu’il lui servait de « truchement pour la
1136
plupart de ses idées ». Certains articles ont dû être rédigés conjointement par
Leroux et par Sainte-Beuve, de sorte que, comme le notait Jules Troubat dans la
préface des Premiers Lundis, on croit y reconnaître « les idées de l’un, le style
de l’autre ». Nous pouvons donc considérer que les commentaires politiques du
Globe « républicain » expriment, dans leur ensemble, la pensée de Leroux.
"On sait qu’il avait eu une entrevue avec Saint-Simon en 1825, et que cette
rencontre l’avait vivement impressionné [...] Les réserves de Leroux, on le voit,
semblent viser particulièrement l’école saint-simonienne."
"On sait qu’en fait son adhésion à l’école saint-simonienne fut de courte durée,
puisqu’il rompit avec Enfantin en novembre 1831. Du reste, tout semble
indiquer que sa tendance « démocratique et républicaine », à l’époque même où
il était l'ardent propagateur de la doctrine de Saint-Simon, fut loin d’être
étouffée par elle. Et d’autre part, dans les mois qui suivent la révolution de
juillet, Le Globe réalise déjà en partie cet alliage de démocratisme politique et
de réformisme social qui caractérise la pensée de Leroux à partir de 1832."
Il faut tenir compte aussi de son origine ouvrière, et de l’influence que put
exercer sur lui son frère cadet Jules Leroux : ouvrier imprimeur comme l’avait
été Pierre, Jules Leroux semble avoir joué un rôle important dans l’éveil du
mouvement ouvrier après les Trois glorieuses."
"Le Pierre Leroux de 1832 [...] unissait dans un même hommage l’école saint-
simonienne et les républicains."
"Dans le numéro du 9 novembre [1832] (no 260). Le Globe constate que Laffitte
et les hommes du mouvement entrent dans les mêmes voies que ceux qu’ils
viennent de remplacer, et que — excepté quelques « grands citoyens » demeurés
« conséquents avec eux-mêmes » — les députés du côté gauche ont trahi la
cause de la liberté, pour laquelle ils avaient prononcé jadis tant de nobles
discours :
« Ainsi ces paroles qui faisaient battre nos cœurs d’un ardent patriotisme étaient
des paroles d’apparat, des armes de guerre qu’on jette loin de soi après la
victoire ! ainsi l’ennemi que nous détestions avait raison contre nos chefs ! Ainsi
le fond des choses, les principes, la liberté n’étaient réellement rien pour nos
tribuns ; ils voulaient seulement le pouvoir et ils le cherchaient par des luttes de
factieux ! [...] Mais qu’ils le sachent bien, nous avons pris au sérieux ces
questions de liberté dont ils se faisaient un vain jeu. Tandis qu’ils nous
introduisaient à la polémique, qu’ils nous encourageaient aux conspirations, ils
pouvaient bien rire de notre innocence, mais nous nous enflammions de
sentiments généreux et vrais. Avec des caresses et des menaces on n’aura pas si
bon marché de nous. Rentrés dans l’opposition, nous la voulons franche et
ferme. Nous connaissons trop bien les nouveaux ventrus pour n’avoir pas à leur
donner, quoique jeunes, des leçons aussi utiles que sévères ».
1138
Cet article est d’autant plus remarquable qu’à la date où il fut publié, nous
l’avons vu, la « transition » qui devait amener Le Globe à devenir l’organe du
saint-simonisme était déjà largement commencée. Le 10 novembre, Leroux
cédait la direction du journal à Michel Chevalier. Le lendemain, celui-ci
publiait son premier article : il soulignait la nécessité de « sortir graduellement
du négatif, pour arriver à quelque chose de positif », autrement dit de remettre à
leur juste place les luttes politiques et de se consacrer désormais à la recherche
de nouvelles solutions sociales, philosophiques et religieuses (no 262). Le 13
novembre Le Globe se félicitait de voir « au premier rang parmi les
personnages politiques » de « hautes notabilités industrielles », comme les
banquiers Laffitte et Périer (no 264) : qu’était donc devenue l’opposition «
franche et ferme » qu’il annonçait quatre jours plus tôt ?"
"Critiques qu’il adresse, en 1832, à ceux « qui ont pour ainsi dire désespéré de
la politique, qui ont abandonné toutes les traditions de l’histoire pour s’égarer
dans des rêves de sectaires, et quitté la grande route pour de petits oasis
imperceptibles »."
1139
"« Le génial Leroux » (Karl Marx à Ludwig Feuerbach, lettre du 3-X-1843,
in Correspondance, t. I, Editions sociales, 1971, p. 302)."
"Victor Hugo et les poètes du Cénacle, avec lesquels Leroux, sans doute
entraîné par Sainte-Beuve, était entré en relations dès 1827. [...] C’est
vraisemblablement à la même époque que Leroux entra en relations avec Vigny,
lequel, deux ans plus tard, lui adressa un exemplaire du More de Venise, en «
témoignage de haute estime et d’amitié »."
1140
"L’un des foyers de cette divergence, c’est précisément la philosophie de
l’histoire. Qu’appelait-on ainsi avant 1830 ? Disons qu’il s’agissait d’une de
ces nouveautés obscures et séduisantes, importées d’Allemagne, auxquelles
Victor Cousin devait sa réputation de philosophe. Dans les colonnes du Globe,
c’est Cousin qui pour la première fois, en 1826, parle de la « philosophie de
l’histoire » : sur un mode très programmatique, il la définit comme la
connaissance spéculative de l’essence du processus historique, et l’oppose à
l’histoire telle que les historiens la pratiquent, laquelle se trouve ainsi rabaissée
au niveau d’une simple connaissance empirique. Un an plus tard, la traduction
de Vico par Michelet et celle de Herder par Quinet (Quinet et Michelet étaient
alors des disciples fervents de Cousin) illustrent cette nouvelle branche de la
philosophie, qui dès lors est largement reconnue comme telle et qui fournit
au Globe l’intitulé d’une rubrique nouvelle, sous laquelle on relève notamment
des articles de Théodore Jouffroy (t. V, no 19, t. VI, no 9) et de Pierre Leroux (t.
VI, no 1, t. VII, no 50)."
"L’empire turc, explique Leroux, n’est pas une nation : ce n’est qu’un « bizarre
assemblage de nations toutes diverses par leur origine, leur langue, leurs mœurs
et leur religion » (t. I, no 70). De plus, la société y est divisée en classes :
militaires, lettrés, laboureurs et marchands (t. I, no 72). Le gouvernement lui-
même — le sérail — n’est rien d’autre que la « tribu particulière » du sultan, sa
« horde », qui se superpose à la multitude des peuples soumis sans abolir leur
hétérogénéité (t. IV, no 25). Issue de la conquête militaire, cette « organisation »
est demeurée à peu près telle quelle, et n’a pu se perpétuer que par la conquête.
Or les temps de la conquête ont pris fin. Les nations européennes ont gagné en
cohésion et en puissance : elles ont pu ainsi mettre un terme aux pirateries des
Barbaresques. Plus récemment les Russes ont conquis la Crimée ; ils
conquièrent à présent le Caucase, qui avait été longtemps pour l’empire turc une
« pépinière inépuisable d’esclaves ». D’où le marasme croissant de cet empire,
et le déclin rapide de l’autorité du sultan. Ainsi cette forme de gouvernement qui
a duré des siècles, et qui naguère encore « était intacte en apparence, quoique
sourdement minée », est près de s’effondrer : cela non point par l’effet d’une
crise accidentelle, mais « d’elle-même et par la force des choses »"
1141
platitudes ; et s’il est attiré par la philosophie de l’histoire, il n’est pas de ceux
qui la pratiquent comme si l’histoire était terminée."
"Pour ce qui est de l’avenir de l’Asie, il est certain que notre auteur n’est pas
insensible aux « mythes civilisateurs » qui justifiaient l’expansion européenne
dans le monde. Mais à ses yeux c’est en quelque sorte malgré elle, voire par sa
propre négation, que la conquête coloniale, à terme, pourra servir la cause de la
civilisation ; si bien qu’il semble dépasser « prophétiquement » l’horizon même
de cette conquête : ce qu’il espère et croit déjà apercevoir, c’est moins
l’européanisation de l’Asie que la renaissance de l’Asie, grâce au contact de
l’Europe mais au besoin contre elle.
"Une même perspective évolutionniste paraît unir dans sa pensée les sciences de
la nature et les sciences historiques, auxquelles il fait appel conjointement : son
intérêt pour la géologie et pour l’anatomie comparée, son admiration pour
1142
l’œuvre de Geoffroy Saint-Hilaire témoignent que pour lui l’histoire de
l’humanité ne se sépare pas de l’histoire naturelle."
"Ce n’est pas sans inquiétude que Leroux constate le recul, dans les masses
populaires des villes, de la foi religieuse traditionnelle et de la morale qu’elle
inspirait : par quoi remplacer les vieilles croyances et le vieux culte, désormais
privé de vie ? Par les fêtes civiques et patriotiques, répond-il en substance (t. IV,
no 2), ainsi que par « l’étude religieuse des sciences naturelles dans leurs notions
les plus populaires ». Dans les articles où il rend compte des cours donnés aux
ouvriers par Charles Dupin, professeur au Conservatoire des Arts et Métiers, il
insiste constamment sur les effets bienfaisants qu’un tel enseignement peut avoir
sur la moralité des classes laborieuses : « La science, loin de dépraver, comme
disent quelques insensés, élève les classes populaires ; et ce que la morale perd
par le dépérissement de la foi religieuse, les croyances fondées sur la science
peuvent le réparer » (t. IV, no 49). Comme on le voit, il semble que la science,
en prenant la place de la religion, devienne dans l’esprit de Leroux une sorte de
religion ! En définitive, il envisage moins un dépassement de la religion qu’une
mutation interne à la religion elle-même, les vieux dogmes laissant la place à
une « philosophie religieuse » programmatiquement conçue comme le résumé
populaire et le couronnement des acquisitions modernes du savoir.
Si la religion doit ainsi se survivre à elle-même, c’est qu’elle constitue, aux yeux
de Leroux, une forme nécessaire de l’existence sociale : ne fut-elle pas dans le
passé le ciment spirituel des sociétés humaines et le fondement de leur unité
morale, voire de leur organisation politique ? Ainsi en était-il de la chrétienté
médiévale : Leroux est sensible à la puissance de ce lien, de cette « chaîne
mystérieuse » qui, sous l’autorité des papes, « avait réuni tous les peuples dans
une admirable unité »."
"On a pu dire que la vie intellectuelle, dans la France du XIXe siècle, était
dominée par l’opposition de deux « cultures », l’une représentée par Victor
Cousin, l’autre par Auguste Comte : l’originalité de Pierre Leroux se mesure au
fait que son apprentissage intellectuel s’est effectué dans l’entourage de Cousin,
non dans celui de Comte, et qu’à certains égards il est pourtant beaucoup plus
proche de Comte que de Cousin."
1144
suivi les progrès de la vie sociale. Tant que l’esclavage n’a pas été directement
contraire à l’essence de la société, on ne l’a pas traité de crime ».
Ainsi, au lieu de dire que l’esclavage a existé parce que les hommes étaient
aveugles aux principes éternels de la justice, Leroux explique cet aveuglement,
qui aujourd’hui nous semble inconcevable, par le fait que la société était fondée
sur l’esclavage : en d’autres termes, au lieu de vouloir expliquer la manière de
vivre des générations passées par leur manière de penser, il montre que leur
manière de penser s’explique par leur manière de vivre."
"La question de l’esclavage illustre bien cette différence. En 1848, dans son
livre De l’Egalité, Leroux retrace le développement historique du « dogme » de
l’égalité sans se soucier apparemment de rapporter ce développement à
l’évolution sociale objective ; et dès lors l’enseignement du Christ, « législateur
de la Fraternité », lui paraît avoir joué un rôle décisif dans la disparition de
l’esclavage antique : « La prédication de Jésus, écrit-il, a eu pour objet la
destruction des castes et de l’esclavage ». Au lieu qu’en 1827, nous l’avons vu, il
affirme que la destruction de l’esclavage antique est due à un bouleversement de
1145
la « constitution sociale », et non à la soudaine lumière qu’aurait apportée «
l’esprit du christianisme »."
"Qu’en est-il dès lors de cette union des intelligences, de ces nobles sentiments
partagés qui forment véritablement « une nation et une patrie commune » (t. IV,
no 6) ? La vérité est que « les masses languissent » : « Rien ne les appelle à se
voir, à se sentir marchant unies sous les mêmes croyances et les mêmes passions
» (t. IV, no 2) ; et c’est en vain que l’on voudrait dissimuler « le triste égoïsme et
le profond ennui d’une société dont l’enthousiasme n’est jamais excité par un
sentiment unanime »."
"De 1825 à 1848 et au-delà, Leroux est demeuré remarquablement fidèle à lui-
même, et pour l’essentiel sa problématique n’a pas changé : organiser la « vie de
l’égalité », organiser les résultats de la Révolution française, c’est ainsi qu’à ses
yeux se définit la tâche qui incombe à sa génération, la tâche du penseur comme
celle du citoyen et de l’homme politique.
« Le socialisme, pour ses inventeurs, les saint-simoniens puis les fouriéristes, est
d’abord une méthode d’analyse de la société, qui emprunte les mêmes voies que
1147
d’autres écoles de science sociale au même moment. Dans l’article séminal de
Pierre Leroux, où apparaît pour la première fois, en 1834, le mot de socialisme,
l’auteur l’explique bien. » -Samuel Hayat, « Républicains, socialistes et ouvriers
face à l’émancipation des travailleurs (1830-1848) », Revue du MAUSS, 2016/2
(n° 48), p. 135-150. DOI : 10.3917/rdm.048.0135. URL :
https://www.cairn.info/revue-du-mauss-2016-2-page-135.htm
« Pierre Leroux est né à Paris en 1797. Ses parents tenaient un débit de boisson
misérable place des Vosges (l’actuel café « Ma Bourgogne »). Il put néanmoins
faire de solides études secondaires au lycée de Rennes de 1809 à 1814 grâce à
une bourse impériale. Mais il renonça à présenter le concours de l’École
polytechnique pour venir en aide à sa mère et à ses trois frères cadets avec qui
il restera toujours uni, et devint ouvrier typographe. Il fut conspirateur dans le
carbonarisme sous la Restauration, puis fonda le journal libéral Le Globe.
Leroux a neuf enfants après son remariage et ses frères l’accompagnent. Il fut
représentant du peuple de Paris pendant toute la durée de la IIe République.
1148
10.3917/rdm.020.0328. URL : https://www.cairn.info/revue-du-mauss-2002-2-
page-328.htm
« Il n’approuva guère les barricades de juin 48, même s’il se battit tant qu’il le
put à l’Assemblée contre la répression, avant d’en être lui-même victime, plus
tard, à Londres et à Jersey, après le 2 décembre. » -Bruno Viard, « Pierre
Leroux : une critique « socialiste » de la Terreur », Romantisme, Année 1996,
91, pp. 79-88, p.86.
"Le socialisme, -c'est précisément ce qui à mon sens en définit l' "essence", des
sectes romantiques au XXe siècle,- a magnifié, radicalisé, "fatalisé" cette idée
du progrès imperturbable conduisant à brève échéance à un aboutissement, à un
état indépassable, à une fin de l'histoire. [...] Le socialisme est "fatal", expose-t-
on déjà vers 1830, parce qu'il est le seul ordre possible, moralement et
pratiquement concevable au-delà de la gabegie criminelle du capitalisme (c'est
Pierre Leroux qui baptise le système de ce nom)." -Marc Angenot, L'Histoire
des idées. Problématiques, objets, concepts, méthodes, enjeux, débats, Presse
Universitaires de Liège, coll. Situations, 2014, 392 pages, p.137.
1150
représentants. Les funérailles de Pierre Leroux seraient-elles un non-événement,
une cérémonie impossible ?"
"Le témoignage d’Élie Reclus, également présent, est très utile, en dépit de sa
brièveté, car il suggère d’autres interprétations plus favorables aux
communards. Cette diversité des sources demande de considérer l’événement
selon de multiples points de vue – celui du régime politique, des proches du
philosophe, des participants – et selon différentes temporalités, le passé de
1848, le présent de la révolution et l’avenir imaginé du corps et de l’œuvre de
Leroux, autant de perspectives susceptibles de donner un sens différent aux
funérailles."
"L’élément décisif qui convainc les blanquistes est la position de Leroux face
aux massacres de juin 1848. Effectivement, le 28 juin 1848, du haut de la
tribune de l’assemblée et sous les huées des conservateurs, Leroux demande la
1151
clémence pour les insurgés. Le 24 décembre 1849, il récidive. En août 1853, en
exil, il publie Aux États de Jersey, dans lequel il condamne la bourgeoisie pour
son rôle dans la mort de onze mille insurgés de Juin. Leroux s’attaque alors à
un tabou dans le camp républicain. Nombreux sont ceux qui exaltent la modeste
résistance au coup d’État dans la capitale et préfèrent oublier la répression de
l’insurrection de Juin qu’ils ont souvent soutenue."
1152
(n° 683), p. 589-618. DOI : 10.3917/rhis.173.0589. URL :
https://www.cairn.info/revue-historique-2017-3-page-589.htm
1154
« C’est dans ce contexte qu’il écrit Le Dernier jour d’un suicide. Comme le titre
l’indique, la tonalité de cet ouvrage est encore plus lugubre que celle du roman
précédent. L’intrigue est aisée à suivre et elle est pour ainsi dire livrée dès les
premières lignes. Frédéric, un jeune étudiant de vingt-cinq ans, a décidé, la
veille, de se suicider. L’action débute aux premières lueurs du jour fatal et le
héros est en proie à une grande fébrilité. Pour Imberdis, la tâche est difficile car
le suicide en 1835 est une idée rebattue en littérature. Ce mode étrange de
célébrité a été recherché en février 1832 par deux auteurs dramatiques meurtris
par leurs échecs, Escousse et son collaborateur, Auguste Lebras. Leur sacrifice a
été évoqué par Musset en 1833 dans Rolla. Il faudrait encore citer le cas de
Charles Lassailly, l’auteur des Roueries de Trialph, du peintre Léopold Robert
qui s’est donné la mort en 1835, précisément. G. Sand, pour sa part, a raillé cette
manie dans Aldo le rimeur. Imberdis contourne la difficulté en donnant à cette
volonté de mourir une signification politique. Le ton qu’il emploie pour relater
les souffrances de son héros est aussi grandiloquent que dans L’Habit
d’Arlequin, mais ce qu’il faut lire dans ces plaintes, c’est avant tout un
témoignage car Frédéric, lui, a participé aux journées de Juillet. Il a donc connu
de manière intime la déception. Il est victime depuis 1830 du « cancer moral qui
ronge au cœur la pauvre France ». »
« Dans la Préface aux Nuits d’un criminel, son ultime roman publié en 1844,
Imberdis sentira la nécessité de revenir sur les raisons de cette sorte de hargne
sociale qui anime ses personnages. Pour lui, elle n’a rien de gratuit ; elle n’est
pas la conséquence d’une recherche frénétique du spectaculaire. Elle découle
d’une analyse philosophique qu’il résume ainsi : « […] on ne trône pas
éternellement sur une idée fausse, sur un principe sophistique. Les théories ne
triomphent plus à l’aide d’une incompréhensible obscurité, on les ouvre, on les
fouille, on tire les conséquences. Les peuples naissent ou se renouvellent, les
idées aussi. […] Un principe pur demeure toujours vainqueur ». Finalement, le
vice majeur de la Monarchie de Juillet ne réside pas dans le fait que ce régime
est le produit du cynisme politique, mais qu’il a persisté dans cette voie,
ignorant qu’il était vain de vouloir lutter contre tous les « Galilée » modernes. «
L’erreur, le mensonge, confie Imberdis, ont quelquefois d’étranges grands-
prêtres ; le peuple de Dieu plie les genoux devant le veau d’or, mais qu’arrive-t-
il enfin ? interrogez l’histoire ». » -Yves Chastagnaret, « Un romantique
républicain méconnu : André Imberdis », Revue d'histoire littéraire de la
France, 2004/2 (Vol. 104), p. 485-493. DOI : 10.3917/rhlf.042.0485. URL
1155
: https://www.cairn.info/revue-d-histoire-litteraire-de-la-france-2004-2-page-
485.htm
http://academienouvelle.forumactif.org/t7135-gilles-crochemore-armand-carrel-
1800-1836-un-republicain-realiste#8305
"Son combat politique n’était pas dirigé contre les seuls bourgeois mais
exprimait une critique sociale plus large qui était celle du despotisme et de
l’inégalité et d’une société française radicalement divisée en deux camps : « le
premier où siège l’oisiveté, l’orgueil et la richesse ; le second où habitent le
travail et la souffrance, la misère et la vertu ». La vertu : terme sacré dans le
lexique du jacobinisme et qui ouvre la porte à la dimension essentielle de la
pensée politique de Laponneraye."
"Il était actif dans les milieux néo-babouvistes, et son nom fut cité dans
plusieurs conspirations républicaines : il figurait dans la proclamation de la
Société des Saisons, début 1839, comme membre d’un « gouvernement
provisoire » parmi lesquels se retrouvaient également Auguste Blanqui, Marc-
René Voyer d’Argenson et Hugues-Félicité Lamennais. Mais son combat
politique fut surtout mené à travers ses conférences sur l’histoire de la
Révolution française qu’il fonda à Paris, quelques mois après la révolution de
juillet 1830 – d’abord dans une école gratuite pour ouvriers, puis dans le cadre
1156
d’une série de « Cours publics », dispensés à partir de novembre 1831 dans une
salle qui réunissait environ 300 personnes 12 rue Thévenot. Pour atteindre un
public encore plus large, Laponneraye fit distribuer gratuitement ces cours sous
forme de brochures, ce qui attira également l’attention des autorités. Fermé par
la police en décembre, le cours valut à son auteur des poursuites judiciaires :
aux assises de la Seine, pendant son procès du 21 avril 1832, l’un des griefs
essentiels retenus contre Laponneraye fut d’avoir « excité la haine des ouvriers
contre les bourgeois ». Il écopa d’une peine de prison et il ne fut libéré que le 8
mai 1837, soit après cinq ans, trois mois, et dix-huit jours de captivité. Il purgea
la majeure partie de sa peine à Sainte-Pélagie, ce qui ne fit qu’ajouter à sa
célébrité."
"La France avait une vocation particulière (et même unique) dans le monde,
celle d’incarner le progrès ; comme Jules Michelet, Laponneraye ne « séparait
pas l’universalisme révolutionnaire de l’idée de nationalité française »."
"Sa vision du rôle historique de la France était ancrée dans une conception du
patriotisme qui célébrait l’idée de la Grande Nation – célébration qui se
manifestait dans les années 1840 par sa défense de la colonisation algérienne,
et de la « juste et légitime » prééminence de la France dans la Méditerranée."
-Sudhir Hazareesingh & Karma Nabulsi, « Entre Robespierre et Napoléon : les
paradoxes de la mémoire républicaine sous la monarchie de Juillet [*]
», Annales. Histoire, Sciences Sociales, 2010/5 (65e année), p. 1225-1247. DOI :
10.3917/anna.655.1225. URL : https://www.cairn-int.info/revue-annales-2010-
5-page-1225.htm
1159
-Henri Wesseling, Les empires coloniaux européens (1815-1919), Éditions
Gallimard, 2009, 554 pages, pp.170-174.
1160
Henri Beyle dit Stendhal (1783-1842) : « Il n’y a pas de droit naturel… Ce mot
n’est qu’une antique niaiserie, bien digne de l’avocat général qui m’a donné
chasse l’autre jour et dont l’aïeul a été enrichi par une confiscation de Louis
XIV. Il n’y a de droit que lorsqu’il y a une loi pour défendre quelque chose sous
peine de punition. Avant la loi, il n’y a de naturel que la force du lion, ou le
besoin de l’être qui a faim, qui a froid, le besoin, en un mot… » -« Julien
Sorel », in Stendhal, Le Rouge et le Noir. Chronique de 1830, 13 novembre
1830.
« Son style sec, précis, la revendication d'écrire aussi nuement que le Code civil,
écartent de Stendhal tout soupçon de romantisme, si, par romantisme on entend
: voiles gonflées, vents en rafales, orageux aquilons, souffles brûlants de la nuit,
lunes épandues sur les lacs, cœurs en pâmoison, enflures, boursouflures et
tonnerre des grandes orgues. Pourtant, Sainte-Beuve le qualifiait de « hussard
du romantisme », et Racine et Shakespeare, paru en 1825, où il prenait parti
avec véhémence pour Shakespeare contre Racine, pour les sorcières échevelées
de Macbeth contre les perruques de Bérénice, fut considéré comme un manifeste
de la nouvelle école romantique, et même comme le premier manifeste, avant la
préface de Cromwell de Victor Hugo (1827). [En réalité] Stendhal ne livrait pas
bataille pour le romantisme en soi, il émettait l'idée neuve que le goût est
mobile, qu'à chaque siècle correspond une nouvelle sensibilité qui réclame des
œuvres d'un ton nouveau. » -Dominique Fernandez, Dictionnaire amoureux de
Stendhal, Plon-Grasset, 2013, p.614-616.
« Stendhal [...] avec une inintelligence tout à fait indigne de son rare esprit [...]
proscrivait les anciennes formes et n'hésitait pas à condamner par exemple
d'une façon absolue la langue des vers. » -Paul Bourget, Nouveaux essais de
psychologie contemporaine, Paris, Alphonse Lemerre Éditeur, 1886, 306 pages,
p.86.
« Peu après la révolution de 1830, Stendhal écrivait: "Je pense que la Chambre
actuelle nous conduit à la méchante condition de république, condition affreuse
partout ailleurs qu'en Amérique". » -Eugen Weber, L'Action française, Fayard,
coll. Pluriel, 1985 (1962 pour la première édition états-unienne), 685 pages,
p.100.
1161
occasion. Le public vous la demande ? Raison de plus pour que vous ne la lui
donniez pas. Le train de nos jours veut que tout le monde pose devant lui ; la
pose me semble souverainement ridicule, et surtout celle d’un petit homme
comme moi. Quand vous voudrez connaître ma vie, vous la connaîtrez. Après
mon Dieu, ma vie appartient à mes parents et à mes amis ; quant au public, il
n’a rien à faire avec moi, ni moi avec lui. Nos rapports ne seront jamais
bienveillants ; je l’accuse de gâter tout ce qu’il touche, en commençant par lui-
même. Entre lui et moi, il ne peut y avoir d’autres rapports que ceux que Dieu a
établis entre le démon et la femme : l’inimitié. » -Juan Donoso Cortés,
Correspondance, Œuvres (Veuillot éd.), t. II, p. 209.
http://hydra.forumactif.org/t1151-juan-donoso-cortes-oeuvres#1785
1162
Les Révolutions de 1848: « Among the 21 states experiencing revolutionary
turmoil, 20 had been hit by a grain-price shock between 1845 and 1847. » -
Helge Berger & Mark Spoerer, Economic Crises and the European Revolutions
of 1848, The Journal of Economic History, Vol. 61, No. 2 (Jun., 2001), pp. 293-
326, p.315.
« 1848 est, sans contredit, le moment où le peuple allemand s'est le, plus
approché du libéralisme politique au xixe siècle. Il s'en écarte ensuite et suit une
route opposée à celle des démocraties occidentales. » (p.131)
« Le grand fait, c'est la rupture de cette tradition libérale qui s'était affirmée
sous Frédéric II et sous Joseph II, et qui s'était par la suite répandue dans tout
l'empire. Les armées de la réaction eurent plus vite raison des libéraux en
Allemagne qu'en France. Et surtout elles en eurent plus totalement raison. Les
bourgeois libéraux, traqués ou simplement trop attachés à leur idéal pour
pouvoir, subsister sous un régime de censure et de police politique, émigrèrent
en masses. A la veille de la Révolution les mauvaises récoltes avaient amené une
recrudescence de l'émigration qui, depuis longtemps, poussait les artisans et les
paysans à chercher fortune en Amérique. 96 000 d'entre eux s'en allèrent ainsi
en i846, 1 10 000 en 1847. La Révolution, qui éveilla tant d'espoirs, diminua
leur nombre ; il oscilla entre 80 et 90 000 de 1848 à 1850. Puis, en 1851, les
emigrants furent 113 000 ; en 1852, 162 000 ; en 1853, 163 000 ; en 1854, 300
000.
1163
officiers même désertèrent. Valentin estime à 1 100 000, soit le quarantième de
la population, le nombre de ceux qui s'en, allèrent, entre 1849 et 1854. Ils
emportèrent leur fortune, évaluée à
300 millions de thaler au moins, soit 900 millions de mark d'or. Ce n'étaient pas
de pauvres gens, mais une élite, dont la carence devait se faire sentir. » (p.132)
Les deux blocs, dont les libéraux s'inquiètent aujourd'hui, dont ils veulent
empêcher la formation, dont ils voient avec effroi la limite passer de la Vistule à
l'Oder ou de l'Oder à l'Elbe, ces deux blocs se sont formés en 1850, quand
l'unité morale du continent a été brisée par la Révolution internationale de 1848
— et leur limite est sur le Rhin. » (p.134)
http://hydra.forumactif.org/t3825-lajos-kossuth-et-les-revolutions-autrichienne-
et-hongroise-de-1848#4670
1164
République ! Vive la liberté ! Vive saint Marc ! » -Daniele Manin proclame la
République sur la place Saint-Marc de Venise, 22 mars 1848.
1165
de 1789, en s’appuyant sur ceux du Christ qui transcendent la révolution elle-
même, puisque millénaires. » (p.14)
« Manin refuse l’idée d’une Italie résultant de l’élargissement d’un seul État au
détriment des autres, la seule issue possible est pour lui celle d’une adhésion
spontanée de chaque État au sein d’une fédération, l’équilibre entre ses
membres étant fondamental. Cela ne l’empêchera pas de se rallier au Piémont à
partir de 1855 dans le cadre de la Société nationale. Mais en 1848, pour Manin,
la République de Venise est « une des familles italiennes », comme le rappelle le
lion de saint Marc, en haut à gauche sur le champ vert du nouveau drapeau
tricolore commun aux nouvelles républiques révolutionnaires.
-Catherine Brice, Histoire de l’Italie, Hatier, coll. Nations d’Europe, 1992, 495
pages.
1167
« Le congrès de Vienne, guidé par le seul principe de légitimité et bien décidé à
effacer toute trace de la Révolution française, ne tint aucun compte des
aspirations nationales du peuple italien lorsqu’il procéda au redécoupage de la
péninsule. La nouvelle carte de l’Italie manifesta l’influence accrue de
l’Autriche. Lombardie, Vénétie et Valteline, la partie la plus riche et la plus
peuplée de l’Italie, réunies en un Royaume lombard-vénitien, devinrent une
province de l’Empire autrichien. La restauration y fut modérée : les codes
autrichiens se substituèrent aux codes français mais les institutions
administratives ou économiques du précédent Royaume restèrent en place ; on
organisa une police efficace qui traqua les nostalgiques du régime napoléonien,
tandis que l’enseignement primaire et secondaire fut encouragé, de sorte que le
Royaume lombard-vénitien connut bientôt le plus faible taux d’analphabétisme
de toute l’Italie. En Toscane (agrandie des Présides, de Piombino et de l’île
d’Elbe), Ferdinand III de Habsbourg-Lorraine, en digne fils de Pierre-Léopold,
penchait vers le libéralisme ; il conserva les institutions françaises qui avaient
fait leurs preuves et soutint la politique économique du premier ministre
Fossombroni qui s’arracha à développer l’agriculture et les travaux publics (les
routes) et à maintenir la liberté de commercer alors que Livourne retrouvait une
forte activité ; la police quant à elle se montra également libérale concernant les
idées « nouvelles ». L’impératrice Marie-Louise à la tête de Parme, Plaisance et
Guastalla, s’appuyant sur l’autrichien Neipperg qu’elle épousa à la mort de
Napoléon, maintint elle aussi les institutions françaises, assouplit même le code
pénal, se refusa à instaurer une censure, développa l’instruction et l’assistance
publiques, et conféra à son duché la réputation d’être l’Etat le mieux gouverné
de la péninsule et de jouir d’une relative liberté. A Parme comme dans le
Lombard-Vénitien et en Toscane, la subordination de l’Église à l’Etat, héritée de
Joseph II et de Napoléon, perdura et la vente des biens ecclésiastiques fut
confirmée.
1169
« Le Risorgimento italien, ce mouvement de renaissance qui aboutit à la création
d’un royaume d’Italie en 1861, plongeait ses racines dans le XVIIIe siècle des
Lumières et du despotisme éclairé. Il était soutenu par une bourgeoisie et une
partie de l’aristocratie attachée à des réformes politiques, qui espéraient, à terme,
une participation au pouvoir politique et économique, souhaitant la suppression
des contraintes qui pesaient sur les marchés et qui entravaient son
enrichissement. […] A la grande bourgeoisie mercantile se rallia [avec la
Révolution française] la petite bourgeoisie urbaine, voire même les travailleurs
des manufactures ou du commerce qui ne tardèrent pas à déchanter. Les masses
populaires, essentiellement paysannes, ne se sentirent que rarement concernées
par ce mouvement qui ne semblait pas devoir leur profiter. » (p.184)
1172
« Garibaldi et une poignée de volontaires tentèrent en vain de gagner Venise où
Malin avait organisé la résistance contre les Autrichiens qui bombardait la ville
décimée par le choléra. Venise, ultime pôle de la révolution démocratique et
libérale en Europe, capitula le 26 août. » (p.194)
http://hydra.forumactif.org/t3614-paul-ginsborg-daniele-manin-and-the-
venetian-revolution-of-1848-49#4452
« On a fait une révolution sans idée. La Nation française est une nation de
comédiens. » -Proudhon, Carnets, février 1848.
« Ce n'est pas une émeute, c'est la plus terrible de toutes les guerres civiles, la
guerre de classe à classe, de ceux qui n'ont rien contre ceux qui ont. » -Alexis
de Tocqueville, Lettre à Paul Clamorgan, 24 juin 1848.
« Chez l’individu, la passion est souvent mesquine, étroite, parce qu’elle naît de
l’intérêt particulier ; chez les masses, les passions ont leur source dans les plus
nobles instincts ou tout au moins dans l’intérêt général ; elles ont donc toujours
une grandeur, une puissance, une beauté qui sont celles de la nature, de
l’humanité elle-même. » -Pierre-Eugène Flotard, La France démocratique, 1850.
Les chemins de fer vont naître sous Louis-Philippe. Et rien n’illustre mieux, et
en traits plus expliites, l’ « économie » telle que la conçoit l’équipe établie
depuis 1830 à Paris, aux leviers de commande, rien n’est plus admirablement
exemplaire que la loi d’organisation datée du 11 juin 1842 : l’Etat prend à sa
charge les frais d’expropriation pour le passage des lignes (et là même, déjà,
quel champ d’opérations financières avenantes !) et tous les frais de
substructure, comportant ponts et tunnels. La compagnie concessionnaire se
borne à fournir les rails (et à en assurer la pose) ainsi que le matériel roulant.
En échange de ces prestations, tous les bénéfices de l’exploitation lui sont
réservés ; il est prévu en outre que, si la concession n’est pas renouvelée, lui
seront remboursées les sommes qu’elle a engagées dans l’affaire. Type de
contrat, celui que passe l’Etat avec la Compagnie des Chemins de fer du Nord,
fondée par les Rothschlid : apport de l’Etat, 87 millions ; apport de la
Compagnie, 60 millions ; durée de la concession première : quarante ans. Les
bénéfices de la Compagnie seront de 14 millions par an. Autrement dit, les
financiers auront, en moins de cinq ans, récupéré leur capital et continueront
pendant trente-cinq ans, à toucher leurs 14 millions annuels. Qui dit mieux ?
[…]
Entre 1830 et 1848, les salaires ont généralement diminué, parfois de manière
très sensible (dans les filatures, la journée de travail est tombée, en moyenne, de
2.75F à 1.80F), tandis que le prix de la vie connaissait une hausse constante
(17% sur les principaux articles de consommation entre 1826 et 1846). » (p.32-
33)
« Des grèves, cependant, ont lieu. Elles sont interdites et ne s’en multiplient pas
moins ; 44 affaires judiciaires pour délit de grève en 1838 ; 64 en 1839 ; 130 en
1840. La classe possédante commence à s’alarmer. Des rumeurs circulent au
sujet de « sociétés secrètes » qui s’organiseraient dans les profondeurs du
peuple. […] Si les « Icariens » de Cabet, plus ocupés de rêveries que d’action,
permettent à la police d’agiter le spectre rouge du communisme, ce n’est pas là
que se rassemblent les militants. Ni chez les disciples de Considérant, et encore
moins autour de Pierre Leroux, ce cauteleux, ce prudentissime, avec un
penchant, de surcroît, pour la vie d’entretenu. Que fut, au juste, la « Société des
Saisons », qui se serait scindée en 1847 et dont seraient sortis ces corpuscules :
la « Société matérialiste communiste » et la « Société communiste
révolutionnaire » ? A mon sens, si Paris, en 1848, peut compter un millier
d’hommes, tout au plus un millier, résolus à se battre, prêts aux risques
suprêmes, pour renverser, par la violence, un régime d’iniquité, c’est
l’estimation la plus optimiste que l’on puisse avancer des forces
révolutionnaires dans la capitale. Et rien ne prouve que ceux dont les noms
sortiront de l’ombre, en Février, les Lagrange, les Sobrier, les Caussidière aient
été, précédemment, les plus efficaces. Un Philippe Faure ne sera jamais du
1177
premier plan et pourtant je crois deviner en lui d’homme d’action réel. Les
blanquistes aussi, semble-t-il, ont de la consistance. Il y aura beaucoup de
morts, dans les journées de Février, et il n’est pas absurde de supposer que les
meilleurs furent précisément ceux qui disparurent au combat, « témoins »
anonymes mais qui se sont fait tuer.
« Thiers est un arriviste bourgeois, qui hait les pauvres, que le prolétariat
terrifie et qui ne s’affuble du bonnet rouge, pour battre sa caisse, que dans
l’intention de se faire hisser à la cime par ceux-là même qu’il exècre ; il compte
sur ces dupes pour le mettre en mesure, justement, de les empêcher de passer. »
(p.61-62)
« Dès les Journées de Juillet, Lamartine a compris que le problème français était
d’ordre social ; et il lui paraissait, en outre, évident que ce pouvoir royal de
raccroc, attribué au duc d’Orléans par une coterie politicienne et bancaire,
s’écroulerait un jour ou l’autre devant des barricades plus puissantes et vingt fois
plus peuplées de combattants que n’avaient été celles dont des habiles s’étaient
servis pour en faire un marchepied au souverain de leur choix. A date inconnue,
mais inexorable, Lamartine prévoyait le renversement d’un trône vaille que
vaille dressé par la voie d’un escamotage : à la monarchie « légitime », c’est-à-
dire ancestrale, se substituait une monarchie d’usurpation qui tenait la place, par
surcroît, et certainement pour peu d’années, de ce gouvernement du peuple par
le peuple, inscrit d’avance dans les faits. La démocracie, ce vœu du bon sens, le
monde y marchait par son mouvement même. Et Lamartine, avec des
1179
précautions de langage mais distinctement néanmoins, n’avait pas fait mystère
de sa conviction à cet égard dans sa brochure de 1831 : De la politique
rationnelle. Tout son effort, jusqu’en 1842, a été de persuasion : il s’est acharné
à montrer aux « conservateurs » qu’ils perdront tout et la France avec eux, s’ils
ne comprennent pas l’urgence de lois sociales équitables permettant au
prolétariat une vie décente, une vie humaine, la vie tout court. Son minuscule
« parti social » n’a rencontré aucun succès. Il a beau répéter que la compression
est le plus sûr moyen d’aboutir à une explosion, il parle dans le désert. En
décembre 1841, il a voulu en avoir le cœur net et faire le compte de ceux qui, à
la Chambre, commencent, peut-être, grâce à lui, à prendre conscience du
problème, du péril, et de ce qu’il faut faire, de toute nécessité et vite, pour
épargner au pays une convulsion tragique ; il s’est présenté au vote de ses
collègues pour la présidence de l’Assemblée ; le scrutin a eu lieu le 28 décembre
1841 et, sur 309 votants, Lamartine n’a réuni que 64 voix. Les conservateurs lui
ont préféré ce bon Sauzet qui, du moins, n’ennuie personne et ne joue pas les
Cassandre. Dès lors le député de Mâcon modifie sa tactique. « J’ai pris mon
parti, écrit-il à son collègue Cordier, du Jura, je vais combattre au lieu de
conseiller » et, le 22 septembre 1842, il déclare à Pagès (de l’Ariège) : « Dans
quatre ans [il ne se trompe que d’un an], ce sera l’heure des angoisses pour ce
vieux parti composé par tiers d’intriguants, d’imbéciles et d’honnêtes gens
qu’on appelle les hommes de gouvernement depuis 1830. Le pays leur
échappera […] ; nous nous en emparerons avec la force que donnent la lutte et la
popularité de l’opposition et, si Dieu nous assiste, nous le sauverons ».
1180
pas, c’est un « discours » qu’il adresse « à la nation », il y veut « rallumer la
flamme » ; il entend « préparer l’avènement du peuple ». » (p.63-65)
« Qu’il y ait eu, dans l’action qu’il mène depuis 1842, un côté-rempart, un
aspect défensif, c’est certain. Ce châtelain n’est pas exempt d’un réflexe de
classe à l’égard de la plèbe. Incontestable également que Lamartine, avec ce
dédain un peu seigneurial qu’il professe pour les livres, n’a jamais prêté qu’une
attention distraite aux œuvres des théoriciens socialistes. » (p.66)
« Si large que soit, depuis 1837, son recrutement, [la Garde Nationale] reste
formée de citoyens assujettis à la contribution personnelle, et chacun y doit
subvenir lui-même aux frais de son équipement ; c’est dire que les prolétaires
n’y ont point accès. Mais, s’il n’y a pas là d’ouvriers, il y a tout de même pas
mal d’artisans petits patrons, et les boutiquiers s’y sont introduits, lesquels
boutiquiers, dans les quartiers plébéiens, vivent, pour une part, de la clientèle
ouvrière ; ils connaissent, ils comprennent, les revendications de ces misérables.
1181
Et nous savons déjà qu’ailleurs, en dehors des zones « de l’ingence et du
travail », bon nombre de gardes nationaux sont des gens qui s’estiment
parfaitement qualifiés pour ce droit de vote que l’insupportable Guizot s’obstine
à leur interdire. Si bien que l’on assiste, en vingt, en cent endroits, à ce spectacle
révoltant : la garde nationale qui s’interpose entre la troupe et l’émeute, et des
officiers même de la milice bourgeoise qui crient : « Vive la Réforme ! » et qui
empêchent les soldats de tirer. Maxime Du Camp rapporte dans ses Souvenirs
qu’il a eu ce fait sous les yeux, place des Victoires ; il a vu, devant lui, un chef
de bataillon de la garde nationale enlever son shako, et le brandir à la pointe de
son sabre : « A bas Guizot ! », puis conduire vers le Boulevard tous ses hommes,
brusquement mués en protestataires énergiques. […]
Louis-Philippe apprend, vers midi, ce qu’on a voulu d’abord lui cacher mais qui
se vérifie de manière tragique et quasi générale : la défection de sa milice,
l’écroulement de ce rempart tenu pour inviolable, solide comme l’airain, et qui
s’affaissait comme du sable. » (p.84-85)
« La loi du 30 avril 1793 renvoie dans leurs foyers les femmes aventurées aux
armées et leur interdit désormais toute prestation militaire ; il en subsistera
quelques-unes, dissimulées. Mais l'opprobre désormais s'attache à celles qui
s'enrôlent. En 1848, la raillerie salace poursuit les Allemandes, et surtout les
Vésuviennes de Paris, ces femmes du peuple armées, qui avaient l'audace de
revendiquer une "Constitution politique des femmes", le port du costume
masculin et l'accès à tous les emplois publics, "civils, religieux, militaires". » -
Michelle Perrot, "Sortir", in Geneviève Fraisse & Michelle Perrot (dir.), Histoire
des femmes en Occident, tome 4 "Le XIXe siècle", Perrin, 2002 (1991 pour la
première édition), 765 pages, pp.539-574, p.570.
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http://www.amazon.fr/French-Republic-Under-Cavaignac-
Frederick/dp/0691051712/ref=sr_1_1?s=english-
books&ie=UTF8&qid=1429823876&sr=1-
1&keywords=The+French+Republic+under+Cavaignac
http://hydra.forumactif.org/t1812-auguste-jean-marie-vermorel-les-hommes-de-
1848#2495
http://www.contrepoints.org/2015/11/05/227079-les-generaux-de-la-republique-
ii-cavaignac
1183
partage si elle n’était résolue bientôt par la raison, la politique et la charité
sociale. La charité, c’est le socialisme ; l’égoïsme, c’est l’individualisme. »
1184
« La proclamation de la République française n’est un acte d’agression contre
aucune forme de gouvernement dans le monde. Les formes de gouvernement ont
des diversités aussi légitimes que les diversités de caractère, de situation
géographique et de développement intellectuel, moral et matériel chez les
peuples […].
En 1792, la nation n’était pas une. Deux peuples existaient sur un même sol.
Une lutte terrible se prolongeait encore entre les classes dépossédées de leurs
privilèges et les classes qui venaient de conquérir l’égalité et la liberté. […] Il
n’y a plus de classes distinctes et inégales aujourd’hui. L’égalité devant la loi a
tout nivelé. […]
« Quelque chose qu’il arrive, il sera beau dans l’histoire d’avoir tenté la
République. » -Alphonse de Lamartine, Le Moniteur universel, 7 octobre 1848.
1186
Un voyage en Orient (1832-1833) le conforte dans ses convictions : « En
religion, en philosophie, en politique, tout ce qui a horreur de la raison a
horreur de la France. » Il considère que l’Empire turc est voué à la décrépitude
et qu’il convient aux puissances européennes de le coloniser pour lui apporter
« un sang nouveau et des idées nouvelles ». »
http://www.utovie.com/catalog/histoire/lamartineetlaquestionsociale-p-43.html
http://hydra.forumactif.org/t859-alphonse-de-lamartine-oeuvres#1470
1187
https://soundcloud.com/club-44/les-evenements-de-48
Circonstance favorable: à dix lieues [50 Km] du plus grand port de l’Angleterre
[Liverpool sur la côte ouest face à l’Irlande], lequel est le port de l’Europe le
mieux placé pour recevoir sûrement et en peu de temps les matières premières
d’Amérique. A côté, les plus grandes mines de charbon de terre pour faire
marcher à bas prix ses machines. A 25 lieues [125 Km], l’endroit du monde où
on fabrique le mieux ces machines [Birmingham]. Trois canaux et un chemin de
fer pour transporter rapidement dans toute l’Angleterre et sur tous les points du
globe ses produits.
Une plaine ondulée ou, plutôt une réunion de petites collines. Au bas de ces
collines, un fleuve de peu de largeur (l’Irwell), qui coule lentement vers la Mer
d’Irlande. Deux ruisseaux (le Medlock et l’Irk) qui circulent au milieu des
inégalités du sol, et, après mille circuits, viennent se décharger dans le fleuve.
Trois canaux, faits de main d’homme, et qui viennent unir sur ce même point
leurs eaux tranquilles et paresseuses […]
1188
comme au gré des volontés les chétives demeures du pauvre. Entre elles
s’entendent des terrains incultes, qui n’ont plus les charmes de la nature
champêtre […] Ce sont les landes de l’industrie. Les rues qui attachent les uns
aux autres les membres encore mal joints de la grande cité présentent, comme
tout le reste, l’image d’une œuvre hâtive et encore incomplète ; effort passager
d’une population ardente au gain, qui cherche à amasser de l’or, pour avoir d’un
seul coup tout le reste, et, en attendant, méprise les agréments de la vie.
Quelques-unes de ces rues sont pavées, mais le plus grand nombre présente un
terrain inégal et fangeux, dans lequel s’enfonce le pied du passant ou le char du
voyageur. Des tas d’ordures, des débris d’édifices, des flaques d’eau dormantes
et croupies se montrent ça et là le long de la demeure des habitants ou sur la
surface bosselée et trouée des places publiques. Nulle part n’a passé le niveau du
géomètre et le cordeau de l’arpenteur.
Tout autour de cet asile de la misère, l’un des ruisseaux dont j’ai décrit plus haut
le cours, traîne lentement ses eaux fétides et bourbeuses, que les travaux de
l’industrie ont teintées de mille couleurs. Elles ne sont point renfermées dans des
quais ; les maisons se sont élevées au hasard sur ses bords. Souvent du haut de
ses rives escarpées, on l’aperçoit qui semble s’ouvrir péniblement un chemin au
1189
milieu des débris du sol, de demeures ébauchées ou de ruines récentes. C’est le
Styx de ce nouvel enfer.
Levez la tête, et tout autour de cette place, vous verrez s’élever les immenses
palais de l’industrie. Vous entendez le bruit des fourneaux, les sifflements de la
vapeur. Ces vastes demeures empêchent l’air et la lumière de pénétrer dans les
demeures humaines qu’elles dominent ; elles les enveloppent d’un perpétuel
brouillard ; ici est l’esclave, là est le maître ; là, les richesses de quelques-uns ;
ici, la misère du plus grand nombre ; là, les forces organisées d’une multitude
produisent, au profit d’un seul, ce que la société n’avait pas encore su donner ;
ici, la faiblesse individuelle se montre plus débile et plus dépourvue encore
qu’au milieu des déserts ; ici les effets, là les causes.
Une épaisse et noire fumée couvre la cité. Le soleil paraît au travers comme un
disque sans rayons. C’est au milieu de ce jour incomplet que s’agitent sans cesse
300.000 créatures humaines. (…)
« Il y a des gens qui n’ont pas craint de dire qu’un peuple, dans les objets qui
n’intéressaient que lui-même, ne pouvait sortir entièrement des limites de la
justice et de la raison, et qu’ainsi on ne devait pas craindre de donner tout
pouvoir à la majorité qui le représente. Mais c’est là un langage d’esclave.
Qu’est-ce donc qu’une majorité prise collectivement, sinon un individu qui a des
opinions et le plus souvent des intérêts contraires à un autre individu qu’on
nomme la minorité ? Or, si vous admettez qu’un homme revêtu de la toute-
puissance peut en abuser contre ses adversaires, pourquoi n’admettez-vous pas
la même chose pour une majorité ? Les hommes, en se réunissant, ont-ils
1190
changé de caractère ? Sont-ils devenus plus patients dans les obstacles en
devenant plus forts ? Pour moi, je ne saurais le croire ; et le pouvoir de tout
faire, que je refuse à un seul de mes semblables, je ne l’accorderai jamais à
plusieurs. »
« Il est, en effet, difficile de concevoir comment des hommes qui ont entièrement
renoncé à l'habitude de se diriger eux-mêmes pourraient réussir à bien choisir
ceux qui doivent les conduire ; et l'on ne fera point croire qu'un gouvernement
libéral, énergique et sage, puisse jamais sortir des suffrages d'un peuple de
serviteurs. » -Alexis de Tocqueville, De la Démocratie en Amérique, vol II,
Quatrième Partie : Chapitre VI, 1840.
« Ce n’est pas sans y avoir mûrement réfléchi que je me suis déterminé à écrire
ce livre que je publie en ce moment. Je ne me dissimule point ce qu’il y a de
fâcheux dans ma position : elle ne doit m’attirer les sympathies vives de
personne. Les uns trouveront qu’au fond je n’aime point la démocratie et que je
suis sévère envers elle, les autres penseront que je favorise imprudemment son
développement. Ce qu’il y aurait de plus heureux pour moi c’est qu’on ne lût
pas le livre, et c’est un bonheur qui m’arrivera peut-être. » -Tocqueville, Lettre
à Kergolay, janvier 1831.
1191
me parais avoir bien compris les idées générales sur lesquelles repose mon
programme. Ce qui m’a le plus frappé de tout temps dans mon pays, mais
principalement depuis quelques années, ç’a été de voir rangés d’un côté les
hommes qui prisaient la moralité, la religion, l’ordre ; et de l’autre ceux qui
aimaient la liberté, l’égalité des hommes devant la loi. Ce spectacle m’a frappé
comme le plus extraordinaire et le plus déplorable qui ait jamais pu s’offrir aux
regards d’un homme ; car toutes ces choses que nous séparons ainsi sont, j’en
suis certain, unies indissolublement aux yeux de Dieu. Ce sont toutes des choses
saintes, si je puis m’exprimer ainsi, parce que la grandeur et le bonheur de
l’homme dans ce monde ne peuvent résulter que de la réunion de toutes ces
choses à la fois. Dès lors j’ai cru apercevoir que l’une des plus belles
entreprises de notre temps serait de montrer que toutes ces choses ne sont point
incompatibles ; qu’au contraire, elles se tiennent par un lien nécessaire, de telle
sorte que chacune d’elles s’affaiblit en se séparant des autres. Telle est mon
idée générale. Tu la comprends très bien ; tu la partages. Il y a cependant une
nuance déjà entre toi et moi. J’aime la liberté plus vivement, plus sincèrement
que toi. Tu la désires, s’il est possible de l’obtenir sans peine, et tu es prêt à
prendre ton parti de t’en passer. Ainsi d’une multitude d’honnêtes gens en
France. Ce n’est pas là mon sentiment. J’ai toujours aimé la liberté d’instinct, et
toutes mes réflexions me portent à croire qu’il n’y a pas de grandeur morale et
politique longtemps possible sans elle. Je tiens donc à la liberté avec la même
ténacité qu’à la moralité, et je suis prêt à perdre quelque chose de ma
tranquillité pour l’obtenir.
À cette nuance près nous sommes d’accord sur le but. Mais tu prétends que nous
différons prodigieusement sur les moyens : et je crois, en vérité, que c’est ici que
tu ne me comprends qu’incomplètement.
Si je jette, messieurs, un regard attentif sur la classe qui gouverne, sur la classe
qui a des droits et sur celle qui est gouvernée, ce qui s'y passe m'effraie et
m'inquiète. Et pour parler d'abord de ce que j'ai appelé la classe qui gouverne,
et remarquez bien que je ne compose pas cette classe de ce qu'on a appelé
improprement de nos jours la classe moyenne mais de tous ceux qui, dans
quelque position qu'ils soient, qui usent des droits et s'en servent, prenant ces
mots dans l'acception la plus générale, je dis que ce qui existe dans cette classe
m'inquiète et m'effraye. Ce que j'y vois, messieurs, je puis l'exprimer par un mot
: les moeurs publiques s'y altèrent, elles y sont déjà profondément altérées ;
elles s'y altèrent de plus en plus tous les jours ; de plus en plus aux opinions,
aux sentiments aux idées communes, succèdent des intérêts particuliers, des
1194
visées particulières, des points de vue empruntés à la vie et à l'intérêt privés.
[…]
On dit qu'il n'y a point de péril, parce qu'il n'y a pas d'émeute ; on dit que,
comme il n'y a pas de désordre matériel à la surface de la société, les
révolutions sont loin de nous. Messieurs, permettez-moi de vous dire, avec une
sincérité complète, que je crois que vous vous trompez. Sans doute, le désordre
n'est pas dans les faits, mais il est entré bien profondément dans les esprits.
Regardez ce qui se passe au sein de ces classes ouvrières, qui aujourd'hui, je le
reconnais, sont tranquilles. Il est vrai qu'elles ne sont pas tourmentées par les
passions politiques proprement dites, au même degré où elles ont été
tourmentées jadis ; mais ne voyez-vous pas que leurs passions, de politiques,
sont devenues sociales ? Ne voyez-vous pas qu'il se répand peu à peu dans leur
sein des opinions, des idées, qui ne vont point seulement à renverser telles lois,
tel ministère, tel gouvernement, mais la société même, à l'ébranler sur les bases
sur lesquelles elles reposent aujourd'hui ? Ne voyez-vous pas que, peu à peu, il
se dit dans leur sein que tout ce qui se trouve au-dessus d'elles est incapable et
indigne de les gouverner ; que la division des biens faite jusqu'à présent dans le
monde est injuste ; que la propriété y repose sur des bases qui ne sont pas des
bases équitables ? Et ne croyez-vous pas que, quand de telles opinions prennent
racine, quand elles se répandent d'une manière presque générale, quand elles
descendent profondément dans les masses, elles amènent tôt ou tard, je ne sais
pas quand, je ne sais comment, mais elles amènent tôt ou tard les révolutions les
plus redoutables ? Telle est, messieurs, ma conviction profonde ; je crois que
nous nous endormons à l'heure qu'il est sur un volcan. […]
1195
Gardez les lois si vous voulez ; quoique je pense que vous auriez tort de le faire,
gardez-les; gardez même les hommes, si cela vous fait plaisir, je n'y fais aucun
obstacle ; mais, pour Dieu changez l'esprit du gouvernement, car je vous le
répète, cet esprit-là vous conduit à l'abîme ! » -Alexis de Tocqueville, Discours
à la Chambre des députés du 27 janvier 1848.
« Je ne croirais point que cette espèce humaine qui est à la tête de la création
visible soit devenue ce troupeau abâtardi que vous nous dites et qu’il n’y ait
plus qu’à la livrer sans avenir et sans ressource à un petit nombre de bergers
qui, après tout, ne sont pas de meilleurs animaux que nous et souvent en sont de
pires. » -Alexis de Tocqueville, Lettre à Arthur de Gobineau (24 janvier 1857).
« Vous avez changé la face de la philosophie politique, vous avez conduit les
discussions relatives aux tendances de la société moderne, aux causes de celles-
ci et aux influences qui s’associent à des formes particulières de régime
politique et d’organisation sociale à des niveaux de hauteur et de profondeur
que personne n’avait atteint jusqu’ici et d’où toutes les spéculations et les
arguments antérieurs n’apparaissent plus que comme des jeux d’enfants. » -
John Stuart Mill, à Tocqueville, in Correspondance anglaise, Tocqueville,
Œuvres complètes, Gallimard, Tome VI (1), p.328.
On doit dire qu’il n’y a aucun doute quant au jugement moral que Tocqueville
porte sur le sujet. Membre actif au sein de La Société pour l’abolition de
l’esclavage, il condamne ce dernier. »
(https://michaelhereth.wordpress.com/2006/09/18/tocqueville-de-l’abolition-de-
l’esclavage-a-la-colonisation-de-l’algerie/ )
1196
la penchant pour la démocratie l'emporte, Tocqueville exprime également
certains regrets et réserves. » -Olivia Leboyer, Élite et Libéralisme.
1197
restreint aux libertés privées mais doivent également inclure les libertés
politiques nécessaires à leur préservation. » -Laurent de Briey, Le sens du
politique: essai sur l'humanisme démocratique, Éditions Mardaga, 2009, 287
pages, p.56.
« Bien des livres et des articles savants, certains de la plus haute qualité, ont été
écrits pour élucider la conception noble mais énigmatique qu’avait Tocqueville
de la liberté et de la dignité humaine. Nous avons déjà vu que celle-ci n’a
presque rien en commun avec le libéralisme contractualiste de Hobbes ou de
Locke – en fait, elle en contient même une critique radicale – qui posent
l’hypothèse de la liberté et de l’égalité originelle des êtres humains dans un «
état de nature » pré-politique. Les êtres humains échappent aux « inconvénients
» de l’état de nature (les menaces qui pèsent sur la vie, l’intégrité physique,
ainsi que sur la possibilité de « vivre dans l’aisance », et qui résultent de
l’absence d’autorité politique dominante) afin de se procurer la sécurité et ce
que le philosophe politique Léo Strauss a appelé une « préservation confortable.
» Tocqueville appartient à un univers moral et politique entièrement différent.
Dans un célèbre passage du troisième chapitre du livre III de L’Ancien Régime
et la Révolution (« Comment les Français ont voulu des réformes avant de
vouloir des libertés ») Tocqueville avertit que quiconque « cherche dans la
liberté autre chose qu’elle-même est fait pour servir. » Ailleurs, Tocqueville
reconnaît que la doctrine de « l’intérêt bien entendu » est un instrument (ou un
concept) utile pour faire sortir d’eux-mêmes les hommes démocratiques, pour
leur rappeler qu’ils vivent en société et qu’ils ont des obligations envers
d’autres êtres humains. Mais elle est dépourvue de grandeur et elle risque de
transformer la liberté en simple instrument, comme si celle-ci n’avait d’utilité
que pour les biens matériels qu’elle tend à produire sur le long terme.
Tocqueville défendait et, pourrait-on dire, a même incarné personnellement une
conception de la liberté qui met en avant le charme propre de celle-ci, «
indépendant de ses bienfaits. ». -Daniel Mahoney, Les fondements conservateurs
de l’ordre libéral (2011).
« Alexis de Tocqueville est pour moi, depuis longtemps, le plus grand historien
du XIXème siècle. » -Carl Schmitt, Ex Captivitate Salus et autres textes, Paris,
Vrin, 2003, p.136.
1198
« L'aspect du monde actuel, comparé aux prévisions de Tocqueville, donne un
exemple de la manière dont l'œil d'un bon observateur perce à jour la structure
des faits qui s'amoncellent. Son regard s'élance, par-delà les vallées et les
gorges, jusqu'au sommet qui s'esquisse au loin. » -Ernst Jünger, L'État universel
(1960).
"Il est effectivement clair que non seulement les deux patriotismes peuvent
cohabiter mais qu’il est également préférable qu’ils le fassent." (p.9)
"« Pour qu’une confédération subsiste longtemps, il n’est pas moins nécessaire
qu’il y ait homogénéité dans la civilisation que dans les besoins des divers
peuples qui la composent » (Tocqueville, 1986, 258)." […] C’est en plaçant
l’emphase sur cette dualité de la nation que l’on peut comprendre comment
Alexis de Tocqueville concilie le libéralisme politique avec la question
1199
nationale. Il met de l’avant l’intérêt individuel comme consentement à
l’association politique tout en teintant cet intérêt d’une identité nationale. Alors,
on voit que son concept de nation se développe depuis la patrie en fonction des
degrés de liberté et d’égalité au sein de la société. En effet, les deux éléments
doivent se balancer l’un l’autre, entretenant un équilibre entre une entité unie
autour d’une identité historique (l’égalité et sa matérialisation sous le
patriotisme irréfléchi) et maintenue vivante et active via l’exercice de nos droits
(la liberté et sa matérialisation sous le patriotisme réfléchi). Alors, trop de
liberté, ou une patrie sans identité partagée, amènerait une possible rupture de
l’association, à une fin du politique. De la même manière, trop d’égalité, ou une
nation complètement homogénéisée résulterait en une société également
apolitique. Finalement, la question nationale chez Tocqueville semble répondre
à la même logique que tout le reste de sa théorie, soit trouver un point
d’équilibre entre la liberté et l’égalité" (p.11)
"Par ailleurs, et Daniel Jacques l’argumente très bien en utilisant les brouillons
de Tocqueville : « la circulation des idées est à la civilisation ce que la
circulation du sang est au cœur humain » (1995, 33). Il est donc nécessaire
d’éviter des nations trop petites qui entraveraient la circulation des Lumières.
Cependant, il est également important de maintenir un lien identitaire entre les
individus ce que la décentralisation des fédérations permet. Effectivement, elle
permet, d’un côté, la liberté via la participation des individus au sein de petites
entités auxquelles ils peuvent facilement s’identifier et, de l’autre, il offre la
grandeur d’une patrie qui permet la circulation des idées au sein d’un ensemble
commun permettant alors la survie d’une certaine diversité." (p.14)
1201
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Tocqueville/dp/2266133527/ref=sr_1_83?s=books&ie=UTF8&qid=1458838155
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Tocqueville/dp/2070763560/ref=sr_1_34?s=books&ie=UTF8&qid=1458837979
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http://www.amazon.com/Tocquevilles-Political-Economy-Richard-
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http://livre.fnac.com/a88378/Alexis-de-Tocqueville-Correspondance-avec-
Pierre-Paul-Royer-Collard-et-avec-Jean-Jacques-Ampere
http://livre.fnac.com/a3793504/Alexis-de-Tocqueville-euvres-completes-
Correspondance-d-Alexis-de-Tocqueville-et-de-Madame-Swetchine
http://livre.fnac.com/a922084/A-de-Tocqueville-Correspondance-familiale
1202
http://www.amazon.fr/Correspondance-dAlexis-Tocqueville-Louis-
Kergorlay/dp/2070291456/ref=sr_1_29?s=books&ie=UTF8&qid=1458837841
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http://www.amazon.fr/Correspondance-dAlexis-Tocqueville-Gustave-
Beaumont/dp/2070279618/ref=sr_1_19?s=books&ie=UTF8&qid=1458837841
&sr=1-19
http://www.amazon.fr/OEuvres-compl%C3%A8tes-XVI%C2%A0-Tocqueville-
Alexis/dp/2070717445/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1458838067&sr=1
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Manent/dp/2070781216/ref=pd_sim_14_6?ie=UTF8&dpID=41xy1T7cKrL&dp
Src=sims&preST=_AC_UL160_SR103%2C160_&refRID=19P7GRBPC7NW7
2G7C46D
http://hydra.forumactif.org/t1152-pierre-gouirand-tocqueville#1786
http://www.amazon.fr/Tocqueville-aujourdhui-Raymond-
Boudon/dp/2738115497/ref=sr_1_5?s=books&ie=UTF8&qid=1458838187&sr=
1-5&keywords=sociologie+de+tocqueville
1203
intellectuels célèbres qui subirent son influence, on compte Taine, Renan,
Bourget, Albert Sorel et bien sûr Barrès. » -Zeev Sternhell, Maurice Barrès et le
nationalisme français, Éditions complexe, Librairie Armand Colin, 1972, 389
pages, p.13.
http://hydra.forumactif.org/t304-joseph-arthur-de-gobineau-essai-sur-linegalite-
des-races-humaines
« Est-ce que votre ami Ullbach n'a pas honte de prôner comme il fait les
Misérables ? J'ai lu cela. C'est d'un bout à l'autre faux, outré, illogique, dénué
de vraisemblance, dépourvu de sensibilité et de vrai sens moral; des vulgarités,
des turpitudes, des balourdises, sur lesquelles l’auteur a étendu un style
pourpre; au total, un empoisonnement pour le public, Ces réclames monstres me
donnent de la colère, et j’ai presque envie de me faire critique. » -Pierre-Joseph
Proudhon.
« Le Juif est l'ennemi du genre humain. Il faut renvoyer cette race en Asie ou
l'exterminer... Par le fer, par le feu ou par l'expulsion il faut que le Juif
disparaisse. » -Pierre-Joseph Proudhon, décembre 1847.
1204
plus incorruptible de notre conscience, l’acte qui, en définitive, nous honore le
plus devant la création et devant l’Éternel. » -Proudhon, La guerre et la paix.
« J'ai assez de la vile multitude et des démagogues... la classe la plus pauvre est,
par cela même qu'elle est la plus pauvre, la plus ingrate, la plus envieuse, la
plus immorale et la plus lâche ». –Proudhon, Lettre du 26 avril 1852.
1205
Proudhon, De la justice dans la révolution et l’Église, 11e étude, chapitre 2,
1858. Voir aussi Pierre-Joseph Proudhon, Les femmelins. Les grandes figures
romantiques, Nouvelle Librarie nationale, Paris, 1912 (première édition),
présentation de l’ouvrage posthume par Henri Lagrange.
« Rousseau: je le répudie ; cette tête fêlée n'est pas française, et nous nous
fussions fort bien passés de ses leçons. C'est justement à lui que commencent à
notre romantisme et notre absurde démocratie. » -Pierre-Joseph Proudhon, Du
principe de l’art et de sa destination sociale, 1865.
« Les classes ouvrières réunissent, dans les villes et dans les campagnes, toutes
les aptitudes productrices ; elles ont pour elles le nombre et la force ; elles
commencent à avoir la conscience de leur importance sociale. Il faut qu’elles
aient pour elles la science, le droit, la justice, dans son sens le plus rigoureux ;
il faut qu’elles s’élèvent à la notion de légalité, considérée comme principe
d’action régulière, et qu’elles se rendent aptes surtout à la pratique de cette
légalité, transformée en levier intellectuel et moral. À ces conditions, leur
prépondérance est assurée ; à ces conditions, elles ne peuvent manquer d’avoir
pour alliées toute cette partie active, capable, saine, de la bourgeoisie, qui
relève aussi du travail plus que du capital, et toute cette classe de lettrés,
d’artistes, de savants, qui vivent d’idées, inclinent naturellement au progrès, et
forment encore aujourd’hui l’élite de la nation. Le jour où elles se placeront
dans la loi, elles s’approprieront la loi, elles la domineront, elles la feront. La
légitimité de leur pouvoir ne sera plus ni contestable ni contestée. » -Pierre-
Joseph Proudhon, De la Capacité politique des classes ouvrières, 1865.
"Les éloges s'accompagnent souvent de critiques qui sont loin d'être marginales,
en commençant par celles de son principal disciple: Bakounine." (p.31)
1206
"Kropotkine n'a rien d'un "adepte de Stirner". [...] familier de Proudhon qu'il
cite pratiquement dans tous ses livres et toujours d'une manière positive ou
élogieuse." (p.35)
"Si Bakounine et Stirner sont à peu près inconnus avant 1900, tel n'est tout de
même pas le cas de Proudhon." (p.37)
« Nous remercions Proudhon des lumières qu'il nous donna sur la démocratie et
sur les démocrates, sur le libéralisme et sur les libéraux, mais c'est au sens
large que notre ami Louis Dimier, dans un très beau livre, l'a pu nommer «
Maître de la contre-révolution ».
Son chaos ne saurait faire loi parmi nous, et nous nous bornerions à l'utiliser
par lambeaux si ce vaillant Français des Marches de Bourgogne ne nous
revenait tout entier dès que, au lieu de nous en tenir à ce qu'il enseigne, nous
considérons ce qu'il est. De cœur, de chair, de sang, de goût, Proudhon est
débordant de naturel français, et la qualité nationale de son être entier s'est
parfaitement exprimée dans ce sentiment, qu'il a eu si fort, de notre intérêt
national. Patriote, au sens où l'entendirent les hommes de 1840, 1850, 1860, je
ne sais si Proudhon le fut. Mais il était nationaliste comme un Français de 1910.
Abstraction faite de ses idées, Proudhon eut l'instinct de la politique française ;
l'information encyclopédique de cet autodidacte l'avait abondamment pourvu
des moyens de défendre tout ce qu'il sentait là-dessus.
Et, là-dessus, Proudhon est si près de nous que, en tête de son écrasant
réquisitoire contre les hommes de la Révolution et de l'Empire, à la première
page de Bismarck et la France 1, Jacques Bainville a pu inscrire cette dédicace
: « À la mémoire de P.-J. Proudhon qui, dans sa pleine liberté d'esprit, retrouva
la politique des rois de France et combattit le principe des nationalités ; à la
glorieuse mémoire des zouaves pontificaux qui sont tombés sur les champs de
bataille en défendant la cause française contre l'unité italienne à Rome, contre
l'Allemagne à Patay. »
1208
timbre quatre fois répété sur mon édition princeps de La Fédération et l'Unité
en Italie.
« L'Italie », poursuivait Proudhon, votre Italie unie, « va nous tirer aux jambes
et nous pousser la baïonnette dans le ventre, le seul côté par lequel nous soyons
à l'abri. La coalition contre la France a désormais un membre de plus… » Notre
influence en sera diminuée d'autant ; elle diminuera encore « de tout l'avantage
que nous assurait le titre de première puissance catholique, protectrice du Saint
Siège ».
Deux ans après avoir écrit ces lignes, Proudhon expirait ; assez tôt pour ne pas
assister à des vérifications qui devaient faire couler à flots notre sang, mutiler
notre territoire, inaugurer le demi-siècle de l'abaissement national ! Cet «
immense échec » qu'il avait prévu sans parvenir à comprendre, comme il le
disait encore, « l'adhésion donnée par la presse libérale française à cette
irréparable dégradation », confirma point par point ce regard d'une sublime
lucidité. L'unité italienne et l'unité allemande nous ont fait perdre tout à tour la
1209
prépondérance qu'assurait notre force militaire et l'autorité qu'imposait notre
foi. Le cléricalisme a été vaincu, le pape dépouillé, et l'on nous a imposé ce
gouvernement dont la seule idée stable est l'abaissement du Saint-Siège, le
règne de la franc-maçonnerie et de ses grands maîtres divers. Si l'Empereur a
disparu, sa politique dure ; la parti républicain en a été quarante ans légitime et
fidèle héritier.
Certes, et nous l'avons dit, avec Dumont, avec Georges Malet, avec le Junius de
L'Écho de Paris, aux avocats de l'empereur : rien n'efface cette responsabilité
napoléonienne que Napoléon III lui-même rattache à la tradition de Napoléon
Ier ; mais la vérité fondamentale établie, il faut en établir une autre et rappeler
aux hommes de gauche, que leurs aînés, leurs pères, leurs maîtres et, pour les
plus âgés, eux-mêmes, en 1860, ils étaient tout aussi Italiens et Prussiens que
Napoléon III ! Sauf Thiers, en qui s'était réveillé l'ancien ministre de la
monarchie, l'élève de Talleyrand, qui fut l'élève de Choiseul, tous les
républicains et tous les libéraux du dix-neuvième siècle ont été contre le Pape et
contre la France avec l'Empereur des Français. Il faut relire dans Bismarck et
la France ces textes décisifs auxquels nous ramène Bainville ; le ministre
Ollivier développant à la tribune la thèse idéaliste des nationalités et M. Thiers,
traditionnel pour la circonstance, s'écriant : « Nous sommes ici tantôt Italiens,
tantôt Allemands, nous ne sommes jamais Français », toute la gauche
applaudissait qui ? Émile Ollivier ! Guéroult défendait l'unité allemande, Jules
Favre, un des futurs fondateurs de la République, déclarait le 4 juillet 1868 que
nous n'avions « aucun intérêt à ce que les rivalités se continuent entre les deux
parties de l'Allemagne » !
"« Je vois peu de monde et m’éloigne autant que je puis des réunions politiques.
Cabet est ici en ce moment. Ce brave homme me désigne comme son successeur
à l’apostolat; je cède la succession à qui me donnera une tasse de café. Il se
prêche en ce moment je ne sais combien d’évangiles nouveaux, évangile selon
Buchez, évangile selon Pierre Leroux, évangile selon Lammenais, Considérant,
Mme Georges Sand, Mme Flora Tristan, évangile selon Pecqueur et encore bien
d’autres. Je n’ai pas envie d’augmenter le nombre de ces fous » [lettre à M.
Maurice du 27/07/1844, in t. II, p. 130]. Le 4 octobre de la même année,
[Proudhon] déclare toutefois que le « parti socialiste commence à s’organiser »
et s’y cite comme un de ses promoteurs à côté de Pierre Leroux et de Louis
Blanc (qu’il n’avait jusque-là cessé de dénigrer). Cela ne l’empêchera pas de
chercher à se faire reconnaître auprès du groupe des économistes avec lequel il
entretient à cette époque des relations suivies; c’est Guillaumin qui publie en
1847 son Système des contradictions économiques ou Philosophie de la misère."
http://academienouvelle.forumactif.org/t6583-pierre-ancery-1848-le-discours-
radical-de-proudhon-a-l-assemblee#7726
On veut à tout prix des modérés ; on craint les exagérés par-dessus tout ; et
comment juge-t-on à laquelle de ces classes appartient le candidat ? On
n’examine pas ses opinions, mais la place qu’il occupe ; et comme le centre est
bien le milieu entre la droite et la gauche, on en conclut que c’est là qu’est la
modération.
1212
Étaient-ils donc modérés ceux qui votaient chaque année plus d’impôts que la
nation n’en pouvait supporter ? ceux qui ne trouvaient jamais les contributions
assez lourdes, les traitements assez énormes, les sinécures assez nombreuses ? »
-Frédéric Bastiat, « Aux électeurs du département des Landes », 1830, on
Œuvres complètes, t.1, p.219.
« La propriété n'existe pas parce qu'il y a des lois, mais les lois existent parce
que la propriété existe. »
« Ce ne sera jamais d'un changement violent dans les formes ou les dépositaires
du pouvoir que j'attendrai le bonheur de ma patrie ; mais de notre bonne foi à le
seconder dans l'exercice utile de ses attributions essentielles et de notre fermeté
à l'y restreindre. Il faut que le gouvernement soit fort contre les ennemis du
dedans et du dehors, car sa mission est de maintenir la paix intérieure et
extérieure. Mais il faut qu'il abandonne à l'activité privée tout ce qui est de son
domaine. L'ordre et la liberté sont à ce prix. » -Frédéric Bastiat.
« Parmi les auteurs anciens, il convient également de lire les Œuvres complètes
de Frédéric Bastiat (Paris, 1855). Bastiat était un brillant styliste, de sorte que
la lecture de ses écrits constitue un véritable plaisir. Étant données les
fantastiques avancées de la théorie économique depuis sa mort, il n'est pas
surprenant que ses enseignements soient aujourd'hui obsolètes. Cependant, sa
critique de toutes les tendances protectionnistes et assimilables reste encore
aujourd'hui pleinement valide. Les protectionnistes et les interventionnistes
n'ont pas été en mesure d'avancer un seul argument pertinent et n'ont pu donner
aucune réponse objective. Ils ont simplement continué à bégayer : Bastiat est «
superficiel. ». » -Ludwig von Mises, Le Libéralisme, 1927.
1213
« Aux élections générales du mois d'avril, les électeurs des Landes envoyèrent
notre économistes, maintenant illustre, siéger à l'Assemblée nationale. Éloigné
de la tribune par la faiblesse de sa voix, Bastiat n'en participa pas moins
activement aux travaux de l'Assemblée. Il s'était fait inscrire au nombre des
membres du Comité des finances, qui le choisit même pour son vice-président.
On sait quel rôle important ce Comité a joué à l'Assemblée constituante. Il avait
accepté la mission pénible de préserver les finances des embûches que leur
tendaient journellement les socialistes avoués et les socialistes sans le savoir de
l'Assemblée. Il défendait la bourse de la France, cette bourse dans laquelle tout
le monde voulait puiser et que personne ne songeait à remplir. Bastiat fut de
ceux qui contribuèrent le plus efficacement à maintenir les bonnes doctrines au
sein du Comité. Sa voix était d'autant mieux écoutée et respectée, qu'on
connaissait toutes ses sympathies pour les souffrances des masses. On savait
qu'en recommandant l'économie dans les dépenses, en refusant, par exemple, de
voter des millions pour transporter en Algérie de malheureux artisans parisiens,
il n'agissait point par dureté de coeur, mais qu'il obéissait, au contraire, à un
sentiment éclairé de sympathie pour les classes laborieuses. On savait qu'il était
un véritable philanthrope, quoiqu'il repoussât impitoyablement toutes les
mesures que suggérait une superficielle ou hypocrite philanthropie. Il ne put,
sans doute, prévenir toutes les fautes qui furent commises ; il ne réussit pas
toujours à faire goûter à ses collègues cette vérité si simple, mais à laquelle
l'intelligence des législateurs semble répugner instinctivement : "qu'ils ne
pouvaient rien donner aux uns, par une loi, sans être obligés de prendre aux
autres par une autre loi." Cependant, de l'aveu de tous, la présence, au Comité
des finances, de ce républicain-phénomène, qui s'obstinait à vouloir une
république à bon marché, n'en fut pas moins des plus salutaires. […]
« Nul n'a possédé au même degré que Bastiat le secret de rendre la science
accessible et attachante. » -Gustave de Molinari, Frédéric Bastiat, Nécrologie
publiée dans le Journal des économistes.
« Il était en bon rapport avec Lamartine […] en bon rapport avec Victor
Hugo. »
« J’appelle voyager, pénétrer la société qu’on visite, connaître l’état des esprits,
les goûts, les habitudes, les occupations, les plaisirs, les relations des classes, le
niveau moral, intellectuel et artistique, ce qu’on peut en attendre pour
l’avancement de l’humanité. » -Frédéric Bastiat.
« Honnête et malheureux Bastiat, tes idées n’ont jamais séduit qui que ce soit
autant que ta candeur et ton courage me touchent ! »
1215
« Bastiat avait d’avance donné son intelligence en même temps que son cœur à
quelques convictions arrêtées et définies touchant la société, touchant la famille,
touchant la propriété. Sa religion et sa philosophie ne lui interdisaient point
formellement de les mettre en doute et de les scruter : ce fut son génie borné qui
le lui défendit ; le coup de balai de Descartes était au-dessus de ses forces. Au
lieu de refaire la théorie de la propriété pour la théorie de la valeur, il voulut
refaire la théorie de la valeur pour la théorie de la propriété. Il fit de la science
de parti pris en vue d’une morale de sentiment.
"Entre 1841 et 1846, l'école va être principalement engagée sur trois fronts:
a) celui de la critique du "système protecteur", manifestation la plus injuste de
la "spoliation légale" [...]
b) celui de l'anticolonialisme, où l'école met en cause le principe même de la
colonisation de l'Algérie [...]
c) celui du pacifisme, avec pour point d'orgue le congrès des amis de la paix,
qui se tient à Paris, en 1849, sous la présidence de Victor Hugo, et dont l'école
de Paris est la cheville ouvrière." (p.465)
-Michel Leter, "Éléments pour une étude de l'école de Paris (1803-1852)",
chapitre in Philippe Nemo et Jean Petitot (dir.), Histoire du libéralisme en
Europe, Paris, Quadrige/PUF, 2006, 1427 pages, pp.429-509.
http://academienouvelle.forumactif.org/t742-frederic-bastiat-oeuvres-
completes?highlight=bastiat
http://www.amazon.fr/Fr%C3%A9d%C3%A9ric-bastiat-1801-1850-
crois%C3%A9-libre-
%C3%A9change/dp/2747560309/ref=sr_1_12?ie=UTF8&qid=1450286093&sr
=8-12&keywords=Pierre+manent+les+lib%C3%A9raux
http://www.dailymotion.com/video/x9cd8m_la-vie-de-frederic-bastiat_news
1217
Ainsi, dans un pays, c'est par l'impôt qu'on arrache au travailleur, sous prétexte
du bien de l'État, le fruit de ses sueurs ; dans un autre, c'est par les privilèges,
en déclarant le travail objet de concession royale, et en faisant payer cher le
droit de s'y livrer. » -Adolphe Blanqui, Histoire de l'économie politique en
Europe, depuis les anciens jusqu'à nos jours, Vol. 1, Introduction.
1218
système représentatif, ou même les débats théoriques, sont condamnés sans
appel, Blanqui traitant la démocratie de « mot en caoutchouc ».
Le peuple étant, selon lui, inapte à prendre son destin en main, le salut réside
dans l’instruction et par la conduite de la révolution par une petite élite
d’hommes éclairés qu’il appelle les « instituteurs du social ». Rosanvallon note
bien à cet égard que Blanqui rejoint presque, de façon paradoxale, les vues d’un
Guizot (mais, faudrait-il rajouter, dans une perspective politique
diamétralement opposée). » -Geneviève Verdo, « Pierre Rosanvallon,
archéologue de la démocratie », Revue historique, 2002/3 (n°623), p. 693-720.
DOI : 10.3917/rhis.023.0693. URL : https://www.cairn.info/revue-historique-
2002-3-page-693.htm
1219
Hippolyte Castille (1820-1886) : http://hydra.forumactif.org/t3583-hippolyte-
castille-histoire-de-la-seconde-republique-francaise-4-volumes-et-autres-
oeuvres#4419
Ce n’est pas pour rien que la Providence amoncelle tant de forces inactives à
l’orient de l’Europe. Un jour le géant endormi se lèvera, et la force mettra fin
au règne de la parole. En vain alors, l’égalité éperdue rappellera la vieille
aristocratie au secours de la liberté ; l’arme ressaisie trop tard, portée par des
mains trop longtemps inactives, sera devenue impuissante. La société périra
pour s’être fiée à des mots vides de sens ou contradictoires ; alors les trompeurs
échos de l’opinion, les journaux, voulant à tout prix conserver des lecteurs,
pousseront au bouleversement, ne fût-ce qu’afin d’avoir quelque chose à
raconter pendant un mois de plus. Ils tueront la société pour vivre de son
cadavre. » -Astolphe de Custine, La Russie en 1839, Lettre cinquième.
http://hydra.forumactif.org/t2158-astolphe-de-custine-la-russie-en-
1839?highlight=Astolphe+de+Custine
« Vous vous faites des illusions. Le peuple est mis dedans. Il ne bougera pas.
Bonaparte l'emportera. Cette bêtise, la restitution du suffrage universel, attrape
les niais. Bonaparte passe pour un socialiste. [...] Il a pour lui la force, les
canons, l’erreur du peuple et les sottises de l’Assemblée. Les quelques hommes
de la gauche dont vous êtes ne viendront pas à bout du coup d’État. Vous êtes
honnêtes, et il a sur vous cet avantage, qu’il est un coquin. Vous avez des
1220
scrupules, et il a sur vous cet avantage, qu’il n’en a pas. Cessez de résister,
croyez-moi. La situation est sans ressource. Il faut attendre ; mais, en ce
moment, la lutte serait folle. » -Proudhon, à Victor Hugo, cité dans Victor Hugo,
Histoire d’un crime.
https://livre.fnac.com/a1523161/Collectif-Comment-meurt-une-republique
https://www.amazon.fr/second-Empire-Pierre-
MIQUEL/dp/2262028494/ref=pd_sim_14_61?_encoding=UTF8&psc=1&refRI
D=186FVXM5FS5MVHMX2FNS
http://www.amazon.fr/ouvri%C3%A8re-France-sous-second-
empire/dp/B0000DNHD0/ref=sr_1_2?ie=UTF8&qid=1457611497&sr=8-
2&keywords=La+Vie+ouvri%C3%A8re+sous+le+second+empire
https://www.amazon.fr/grande-d%C3%A9faite-Alain-
GOUTTMAN/dp/2262032459/ref=pd_sim_14_37?_encoding=UTF8&psc=1&r
efRID=ZG4FR5YM97WNSAMQJF8M
Victor Dury (1811-1894) : « Le Premier consul avait ouvert les lycées d’État le
1er mai 1802. Destinés à former les cadres de l’administration, ils reprenaient
les principes dune formation toute littéraire et classique, dans laquelle l’histoire
1222
se trouvait noyée. Il faut attendre le second Napoléon pour que son ministre,
Victor Dury, institue les premiers programmes d’un enseignement national
d’histoire dans le secondaire (1865). » (p.27)
« C’est Duruy que nous retrouvons ici, investissant l’université refondée par
l’Empereur en 1808 par l’enseignement de l’histoire, mais surtout donnant à
celle-ci un « sanctuaire », la IVe section de l’EPHE créée en 1868. Enfin, il joue
un rôle décisif par le soutien qu’il apporte à une nouvelle génération, celle de
Lavisse et de Gabriel Monod. » (p.28)
http://academienouvelle.forumactif.org/t6733-victor-duruy-jean-charles-geslot-
victor-duruy-historien-et-ministre-1811-1894#7883
http://www.contrepoints.org/2016/03/27/244268-james-de-rothschild-le-grand-
baron-de-la-finance
Empires et guerres :
http://www.amazon.fr/Sayyid-Jamal-Ad-Din-Al-Afghani-
Political/dp/1597404675
1224
https://www.amazon.fr/Faidherbe-1818-1889-Senegal-larmee-
Nord/dp/2235018882/ref=sr_1_fkmr0_1?s=books&ie=UTF8&qid=1514548993
&sr=1-1-fkmr0&keywords=Alain+Coursier%2C+Faidherbe%2C+1818-
1889+%3A+Du+S%C3%A9n%C3%A9gal+%C3%A0+l%27arm%C3%A9e+du
+Nord
L’insurrection éclata en Chine du Sud qui était depuis toujours le maillon le plus
faible de l’empire chinois et où l’influence du négoce européen et la guerre de
l’opium se faisaient sentir le plus. A l’origine, ce mouvement rebelle était
fortement centralisé mais, après quelque temps, il commença à se désagréger en
groupes de combat indisciplinés sous la houlette de chefs de guerre. Les
Britanniques mirent beaucoup de temps à réprimer la révolte des Taipings et ils
fournirent des efforts colossaux pour en venir à bout. Le général Charles
Gordon, qui deviendrait si célèbre par la suite, et son « Ever Victorious Army »
y contribuèrent dans une large mesure. C’est à cet épisode que ce général dut
son surnom de « Gordon chinois ». Cette insurrection réclama un lourd tribut.
La guerre civile qu’elle alimenta durant des années se solda par une véritable
hécatombe. Selon des estimations datant de cette époque, le nombre de tués
oscillerait entre vingt et trente millions.
L’empire chinois était intérieurement affaibli et c’est à peine s’il pouvait encore
résister aux puissances étrangères. La plus importante d’entre elles était
1225
l’Angleterre qui durant ces années-là mena deux guerres contre la Chine. Le
nom qui fut donné au premier de ces conflits en désigne explicitement l’objet :
la guerre de l’opium. Son enjeu était commercial. Le thé chinois était fort prisé
en Europe. Les Anglais en faisaient le commerce mais n’avaient aucune
marchandise à offrir en échange aux Chinois. L’unique produit apprécié en
Chine était l’opium qui était importé d’Inde. Quand le gouvernement chinois
tenta de limiter ce négoce, l’Angleterre lui déclara la guerre en 1839. Ce conflit
fut éphémère. En 1842, fut conclu le traité de Nankin aux termes duquel la
Chine cédait Hongkong à l’Angleterre.
En 1856, commença une autre guerre, plus importante, menée cette fois
conjointement par l’Angleterre et la France. Sa finalité était d’ouvrir la Chine
aux marchands européens et de placer des diplomates européens à Pékin. Les
deux nations mobilisèrent une armée forte de 17 000 soldats. La capitale, Pékin,
fut occupée et pillée. Il fut mis un terme à la guerre en 1858 par les traités de
T’ien-Tsin. Ces traités instaurèrent le système des ports conventionnels qui était
fondé sur le modèle des capitulations ottomanes. En vertu de ce système, les
Européens se virent attribuer dans quelques villes portuaires importantes, telles
que Shanghai et Canton, ce qu’on appelle des droits extraterritoriaux qui
entraînèrent l’avènement, dans ces cités, de quartiers européens spéciaux où le
droit européen s’appliquait aux Européens, ce qui signifiait que, dans une partie
du pays, l’autorité souveraine du gouvernement chinois avait cessé d’exister.
(p.222-225)
1226
d’autre part, du négoce et de la navigation d’outre-mer. Dans de grandes villes
portuaires telles que Marseille, Nantes et Bordeaux, et dans des cités
industrielles comme Lyon, des chambres du commerce virent le jour.
Élevez vos âmes et vos résolutions à la hauteur des effroyables périls qui
fondent sur la patrie.
Metz a capitulé.
Un général sur qui la France comptait, même après le Mexique, vient d’enlever
à la patrie en danger plus de deux cent mille de ses défenseurs.
1227
Il est temps de nous ressaissir, citoyens, et, sous l’égide de la République que
nous sommes décidés à ne laisser capituler ni au dedans ni au dehors, de puiser
dans l’étendue même de nos malheurs le rajeunissement de notre moralité et de
notre virilité politique et sociale. Oui, quelle que soit l’étendue du désatre, il ne
nous trouve ni consternés ni hésitants.
Nous sommes prêts aux derniers sacrifices, et, en face d’ennemis que tout
favorise, nous jurons de ne jamais nous rendre. Tant qu’il restera un pouce du
sol sacré sous nos semelles, nous tiendrons ferme le glorieux drapeau de la
Révolution française.
Notre cause est celle de la justice et du droit : l’Europe le voit, l’Europe le sent ;
devant tant de malheurs immérités, spontanément, sans avoir reçu de nous ni
invitation, ni adhésion, elle s’est émue, elle s’agite. Pas d’illusions ! Ne nous
laissons ni alanguir ni énerver, et prouvons par des actes que nous voulons, que
nous pouvons tenir de nous-mêmes l’honneur, l’indépendance, l’intégrité, tout
ce qui fait la patrie libre et fière.
« Monsieur,
Vous avez adressé dernièrement trois lettres au peuple italien. Ces lettres, qui
ont paru d’abord dans les journaux de Milan et qui ont été ensuite réunies en
brochure sont un véritable manifeste contre notre nation. Vous avez quitté vos
études historiques pour attaquer la France ; je quitte les miennes pour vous
répondre.
Dans vos deux premières lettres, qui ont été écrites à la fin du mois de juillet,
vous vous êtes surtout efforcé de montrer que la Prusse, malencontreusement
attaquée, ne faisait que se défendre. Il est vrai qu’à cette époque nous
paraissions les agresseurs et qu’il était permis de s’y tromper. Vous n’auriez
pas commis la même méprise deux mois plus tard et surtout vous n’auriez pas
pu répéter que « la Prusse n’avait jamais fait et ne ferait jamais que des guerres
défensives ». Car les rôles ont été si bien intervertis dans l’entrevue de
Ferrières, que c’est manifestement la Prusse qui est devenue l’agresseur et que
son ambition n’a même plus pris la peine de se dissimuler. Du reste, monsieur,
1228
j’admire les nobles sentiments que vous professiez en faveur de la paix et du bon
droit… au mois de juillet.
Votre troisième lettre, écrite à la fin du mois d’août, c’est-à-dire au milieu des
victoires prussiennes, diffère sensiblement des deux premières. Vous ne vous
occupez plus de la défense de votre patrie soi-disant attaquée, mais de son
agrandissement. Il ne s’agit plus pour vous de salut, mais de conquête. Sans le
moindre détour, vous écrivez que la Prusse doit s’emparer de l’Alsace et la
garder.
Ainsi, dès le mois d’août, vous indiquiez avec une perspicacité parfaite le vrai
point qui était en litige entre la France et la Prusse. M. de Bismarck ne s’était
pas encore prononcé. Il n’avait pas encore dit tout haut qu’il nous faisait la
guerre pour mettre la main sur l’Alsace et la Lorraine. Mais déjà, monsieur,
vous étiez bon prophète et vous annonciez les prétentions et le but de la Prusse.
Vou déterminiez nettement quel serait l’objet de cette nouvelle guerre qu’elle
allait entreprendre à son tour contre notre nation. Nul ne peut plus l’ignorer
aujourd’hui : ce qui met aux prises toute la population militaire de l’Allemagne
et toute la population virile de la France, c’est cette question franchement
posée : « l’Alsace sera-t-elle à la France ou à l’Allemagne ? »
La Prusse compte bien résoudre cette question par la force ; mais la force ne lui
suffit pas : elle voudrait bien y joindre le Droit. Aussi, pendant que ses armées
envahissaient l’Alsace et bombardaient Strasbourg, vous vous efforciez de
prouver qu’elle était dans son droit et que l’Alsace et Strasbourg lui
appartenaient légitimement. L’Alsace, à vous en croire, est un pays allemand ;
donc elle doit appartenir à l’Allemagne. Elle en faisait partie autrefois ; vous
concluez de là qu’elle doit lui être rendue. Elle parle allemand, et vous en tirez
cette conséquence que la Prusse peut s’emparer d’elle. En vertu de ces raisons
vous la « revendiquez » ; vous voulez qu’elle vous soit « restituée ». Elle est
vôtre, dites-vous, et vous ajoutez : « Nous voulons prendre tout ce qui est nôtre,
rien de plus, rien de moins. » Vous appelez cela le principe de nationalité.
C’est sur ce point que je tiens à vous répondre. Car il faut que l’on sache bien
s’il est vrai que, dans cet horrible duel, le Droit se trouve du même côté que la
force. Il faut aussi que l’on sache s’il est vrai que l’Alsace ait eu tort en se
défendant et que la Prusse ait eu raison en bombardant Strasbourg.
1229
Vous invoquez le principe de nationalité, mais vous le comprenez autrement que
toute l’Europe. Suivant vous, ce principe autoriserait un État puissant à
s’emparer d’une province par la force, à la seule condition d’affirmer que cette
province est occupée par la même race que cet État. Suivant l’Europe et le bon
sens, il autorise simplement une province ou une population à ne pas obéir
malgré elle à un maître étranger. Je m’explique par un exemple : le principe de
nationalité ne permettait pas au Piémont de conquérir par la force Milan et
Venise ; mais il permettait à Milan et à Venise de s’affranchir de l’Autriche et
de se joindre volontairement au Piémont. Vous voyez la différence. Ce principe
peut bien donner à l’Alsace un droit, mais il ne vous en donne aucun sur elle.
Comprenons-le tel qu’il est compris par le bon sens de l’Europe. Que dit-il
relativement à l’Alsace ? Une seule chose : c’est que l’Alsace ne doit pas être
contrainte d’obéir à l’étranger. Voulez-vous maintenant que nous cherchions
quel est l’étranger pour l’Alsace ? Est-ce la France, ou est-ce l’Allemagne ?
Quelle est la nationalité des Alsaciens, quelle est leur vraie patrie ? Vous
affirmez, monsieur, que l’Alsace est de nationalité allemande. En êtes-vous bien
sûr ? Ne serait-ce pas là une de ces assertions qui reposent sur des mots et sur
des apparences plutôt que sur la réalité ? Je vous prie d’examiner cette question
posément, loyalement : à quoi distinguez-vous la nationalité ? à quoi
reconnaissez-vous la patrie ?
1230
Vous croyez avoir prouvé que l’Alsace est de nationalité allemande parce que sa
population est de race germanique et parce que son langage est l’allemand.
Mais je m’étonne qu’un historien comme vous affecte d’ignorer que ce n’est ni
la race ni la langue qui fait la nationalité.
Ce n’est pas la race : jetez en effet les yeux sur l’Europe et vous verrez bien que
les peuples ne sont presque jamais constitués d’après leur origine primitive. Les
convenances géographiques, les intérêts politiques ou commerciaux sont ce qui
a groupé les populations et fondé les États. Chaque nation s’est ainsi peu à peu
formée, chaque patrie s’est dessinée sans qu’on se soit préoccupé de ces raisons
ethnographiques que vous voudriez mettre à la mode. Si les nations
correspondaient aux races, la Belgique serait à la France, le Portugal à
l’Espagne, la Hollande à la Prusse ; en revanche, l’Ecosse se détacherait de
l’Angleterre, à laquelle elle est si étroitement liée depuis un siècle et demi, la
Russie et l’Autriche se diviseraient en trois ou quatre tronçons, la Suisse se
partagerait en deux, et assurément Posen se séparerait de Berlin. Votre théorie
des races est contraire à tout l’état actuel de l’Europe. Si elle venait à prévaloir,
le monde entier serait à refaire.
Tous les raisonnements du monde n’y changeront rien. Vous avez beau invoquer
l’ethnographie et la philologie. Nous ne sommes pas ici dans un cours
d’université. Nous sommes au milieu des faits et en plein cœur humain. Si vos
raisonnements vous disent que l’Alsace doit avoir le cœur allemand, mes yeux et
mes oreilles m’assurent qu’elle a le cœur français. Vous affirmez, de loin,
« qu’elle garde un esprit d’opposition provinciale contre la France » ; je l’ai
vue de près ; j’ai connu des hommes de toutes les classes, de tous les cultes, de
tous les partis politiques, et je n’ai trouvé cet esprit d’opposition contre la
France nulle part. Vous insinuez qu’elle a une antipathie contre les hommes de
Paris ; je me vante de savoir avec quelle sympathie elle les accueille. Par le
cœur et par l’esprit, l’Alsace est une de nos provinces les plus françaises. Le
Strasbourgeois a, comme chacun de nous, deux patries : sa ville natale d’abord,
puis, au-dessus, la France. Quant à l’Allemagne, il n’a pas même la pensée
qu’elle puisse être en aucune façon sa patrie.
Vous l’avez bien vu depuis deux mois. Le 6 août, la France était vaincue ;
I’Alsace, dégarnie de troupes, était ouverte aux Allemands. Comment les a-t-elle
accueillis ? Les paysanss alsaciens ont pris leurs vieux fusils à pierre et leurs
pioches pour combattre l’étranger. Beaucoup d’entre eux, ne pouvant souffrir la
présence de l’ennemi dans leurs villages, se sont réfugiés dans les montagnes, et
à l’heure qu’il est ils défendent encore pied à pied chaque défilé et chaque
ravin. On a sommé Strasbourg de se rendre, et vous savez comment il a
répondu. Or notez ce point : Strasbourg n’avait pour garnison que 2500 soldats
français et le 6e régiment d’artillerie qui est composé d’Alsaciens. C’est la
population strasbourgeoise qui a résisté aux allemands. C’est un général
alsacien qui commandait la ville. L’évêque, que l’on a si durement repoussé du
camp allemand, était un Alsacien. Ceux qui ont si vaillamment combattu, ceux
qui ont frappé l’ennemi par de si rudes sorties étaient des Alsaciens. Tous ces
hommes-là sans doute parlaient votre langue ; mais ils ne se sentaient
certainement pas vos compatriotes. Et ces soldats allemands qui lançaient des
bombes contre Strasbourg, qui visaient la cathédrale, qui brûlaient le Temple-
Neuf, la bibliothèque, les maisons, 1’hôpital, qui, respectant les remparts et
ménageant la garnison, n’étaient impitoyables que pour les habitants, dites
franchement, la main sur le cœur, se sentaient-ils leurs compatriotes ! Ne parlez
1232
donc plus de nationalité, et surtout gardez-vous bien de dire aux Italiens :
Strasbourg est à nous du même droit que Milan et Venise sont à vous ; car les
Italiens vous répondraient qu’ils n’ont bombardé ni Milan ni Venise. Si l’on
avait pu avoir quelque doute sur la vraie nationalité de Strasbourg et de
l’Alsace, le doute ne serait plus possible aujourd’hui. La cruauté de l’attaque et
l’énergie de la défense ont fait éclater la vérité à tous les yeux. Quelle preuve
plus forte voudriez vous ?
Comme les premiers chrétiens confessaient leur foi, Strasbourg, par le martyre,
a confessé qu’il est Français. Vous êtes, monsieur, un historien éminent. Mais,
quand nous parlons du présent, ne fixons pas trop les yeux sur l’histoire. La
race, c’est de l’histoire, c’est du passé. La langue, c’est encore de l’histoire,
c’est le reste et le signe d’un passé lointain. Ce qui est actuel et vivant, ce sont
les volontés, les idées, les intérêts, les affections. L’histoire vous dit peut-être
que l’Alsace est un pays allemand ; mais le présent vous prouve qu’elle est un
pays français. Il serait puéril de soutenir qu’elle doit retourner à l’Allemagne
parce qu’elle en faisait partie iI y a quelques siècles. Allons-nous rétablir tout
ce qui était autrefois ? Et alors, je vous prie, quelle Europe referons-nous ?
celle du XVIIème siècle, ou celle du XVème, ou bien celle où la vieille Gaule
possédait le Rhin tout entier, et où Strasbourg, Saverne et Colmar étaient des
villes romaines ?
Soyons plutôt de notre temps. Nous avons aujourd’hui quelque chose de mieux
que l’histoire pour nous guider. Nous possédons au XIXe siècle un principe de
droit public qui est infiniment plus clair et plus indiscutable que votre prétendu
principe de nationalité. Notre principe à nous est qu’une population ne peut être
gouvernée que par les institutions qu’elle accepte librement, et qu’elle ne doit
aussi faire partie d’un État que par sa volonté et son consentement libre. Voilà
le principe moderne. Il est aujourd’hui l’unique fondement de l’ordre, et c’est à
lui que doit se rallier quiconque est à la fois ami de la paix et partisan du
progrès de l’humanité. Que la Prusse le veuille ou non, c’est ce principe-là qui
finira par triompher. Si l’Alsace est et reste française, c’est uniquement parce
qu’elle veut l’être. Vous ne la ferez allemande que si elle avait un jour quelques
raisons pour vouloir être allemande.
« L’histoire nous prépare une grande page, et le temps que vous croyez perdu
est le temps qu’elle met à retourner le feuillet. » -Edouard Moreau, Lettre à
Caroline Straus, 16 août 1870.
1235
« On ne saurait trop le répéter, la révolution de Paris ne fut que le contrecoup
du faux combat livré par les hommes du 4 septembre à l’ennemi national. » -
Jules Andrieu, Notes pour servir à l’histoire de la Commune de Paris en 1871,
Payot, 1971, p.107.
"A Sedan, la France a perdu une bataille ; cent mille hommes s'y sont engloutis.
Mais ainsi que le soulignera Foch, quarante ans après, dans son cours professé
à l'École de guerre, la question militaire n'était pas réglée pour autant ; les
ressources de la France restaient immenses, en homme, en argent, en capacité
aussi de construire ou d'acheter le matériel nécessaire. Mais la chute de
l'empire changeait tout. Autant la classe dirigeante avait applaudi à une guerre
menée sous la conduite de l'empereur et destinée à raffermir l'ordre établi,
autant elle repoussait avec horreur et tremblement l'éventualité d'une victoire
que remporterait ce gouvernement républicain une fois de plus reparu à Paris.
Ceux, du reste, qui, le 4 septembre, se sont rués à l'Hôtel de Ville pour y
constituer un gouvernement provisoire, ces représentants de la gauche nantie,
Jules Favre, Jules Simon, Jules Ferry, Ernest Picard, n'éprouvent pas moins
d'aversion pour une République où seraient en péril les structures économiques
et sociales. Ils ont pu, par bonheur, interdire l'accès du pouvoir, à l'extrême-
gauche socialisante et leur unique pensé est d'obtenir, le plus vite possible, des
1236
Allemands un armistice d'où sortira la capitulation. Ainsi tout rentrerait dans
l'ordre et les vainqueurs procéderaient au désarmement de ces prolétaires que
l'empire lui-même, épardu, avait, dans sa fièvre, autorisé -une folie !- à disposer
de fusils. Récidive de 1848. Comme l'écrira si fortement Maurice Barrès en
1897, "la première condition de la paix sociale est que les pauvres aient le
sentiment de leur impuissance". Comment l'auraient-ils, ce "sentiment"
fondamental, s'ils tiennent dans leurs mains des fusils ? Leur enlever ces armes,
c'est la grande urgence ; le seul moyen d'y parvenir, c'est la capitulation.
Pour se faire admettre à la tête de l'Etat dans un Paris bien résolu à se
défendre, les Jules ont baptisé leur équipe "Gouvernement de la Défense
nationale", alors que leur vrai titre eût été Gouvernement de la Défense sociale
; mais voudraient-ils sincèrement se battre, résister, reprendre l'offensive qu'ils
en seraient bien incapables, car les généraux, pour rien au monde, n'entendent
mettre leur épée au service d'un régime exécrable. Les Trochu et les Ducrot, les
Vinoy et les Blanchards, à Paris, à cet égard, sont dans les mêmes dispositions
que les Bazaine, les Bourbaki et les Leboeuf qui commandent, à Metz, cette
puissante armée de 170 000 hommes dont ils vont faire cadeau à l'ennemi. A
cause de ces insupportables Parisiens férus de leur résistance, à cause aussi de
Gambetta qui a pris au sérieux la défense nationale, et qui même, un moment, a
beaucoup inquiété Bismarck (mais Thiers a su arranger cela), les généraux et le
gouvernement de Paris devront attendre trois mois, trois terribles mois
interminables, pour être en mesure, enfin, d'imiter Bazaine. Ils y parviendront
néanmoins et Trochu s'enorgueillira de sa performance: dans une capitale
insensée, dira-t-il, peuplée de frénétiques et des plus redoutables "ennemis de la
société", le gouvernement, à force de souplesse et de ruses, est arrivée à ses fins
sans se faire renverser ; il a atteint, lentement, mais il l'a atteint, le but que, dès
sa formation, il s'était assigné: maintenir l'ordre en attendant que les Allemands
puissent s'en charger eux-mêmes. Notre gouvernement, écrira Trochu avec
fierté, "a sauvé la situation qui [le 4 septembre] était perdue": plus de police, une
plèbe démuselée et en armes, et l'idée républicaine pour incendier les mauvais
esprits. Ah oui, on peut le dire, le Gouvernement de la Défense nationale a fait
des prodiges ; il a réalisé, la Providence aidant, un vrai miracle ; il a su
"empêcher la démagogie [Trochu veut dire la gauche authentique] de prendre la
défense de Paris et de produire [ainsi] dans la France entière un immense
bouleversement social" qui eût été la fin de tout La Politique et le Siège de
Paris, p.191]. L'Alsace et la Lorraine sont perdues ? Soit. Mais l'essentiel est
sauvé. Les Jules ont "dompté" la révolution, ils ont "triomphé d'elle", ils ont
1237
"acquis par là des droits réels à la reconnaissance des honnêtes gens" [Colonel
comte de Meffray, Les Fautes de la Défense de Paris, 1871, p.34]." (p.12-14)
"Thiers tablait avec assurance sur cette consultation du peuple. Les bons
candidats disposeraient, pour se faire élire, d'un argument-massue ; ils seraient
les "candidats de la paix". Voyez-vous les paysans, à qui l'on répétait que les
candidats de gauche, s'ils gagnaient la partie, amèneraient infailliblement chez
eux les Prussiens -gare à vos vaches !-, les imaginez-vous optant pour la reprise
d'une guerre où ils risquaient d'être, eux-mêmes ou leurs fils, mobilisés ? Et
pour quelle cause ? Strasbourg, Metz, que restassent françaises ou non ces
villes lointaines et dont l'existence même leur était inconnue, ils s'en
moquaient bien, les "rustres" de Bretagne et d'Auvergne, du Languedoc ou du
Dauphiné." (p.15)
-Henri Guillemin, Nationalistes et "nationaux" (1870-1940), Gallimard, coll.
Idées, 1974, 476 pages.
1238
tous comme leurs guides et leurs modèles, se sont battus entre eux avec
acharnement. » (p.2)
-Yves Guyot, La Tyrannie socialiste, Ch. Delagrave, 1893, 264 pages, p.196.
[…] La Commune de Paris a été vaincue moins par la force des armes que par
la force de l’habitude. L’exemple pratique le plus scandaleux est le refus de
recourir au canon pour s’emparer de la Banque de France alors que l’argent a
tant manqué. Durant tout le pouvoir de la Commune, la Banque est restée une
enclave versaillaise dans Paris, défendue par quelques fusils et le mythe de la
propriété et du vol. Les autres habitudes idéologiques ont été ruineuses à tous
propos (la résurrection du jacobinisme, la stratégie défaitiste des barricades en
souvenir de 48, etc.). » -Attila Kotànyi, Guy Debord, Raoul Vaneigem, Sur la
Commune, 18 mars 1962.
https://www.amazon.fr/Commune-1870-1871-travers%C3%A9e-mondes-
si%C3%A8cle/dp/2021393720/ref=sr_1_1?__mk_fr_FR=%C3%85M%C3%85
%C5%BD%C3%95%C3%91&dchild=1&keywords=Quentin+Deluermoz+Com
mune%28s%29%2C+1870-1871&qid=1602689240&s=books&sr=1-1
https://www.amazon.fr/Insurgent-Identities-Community-Protest-
Commune/dp/0226305619/ref=sr_1_fkmr0_1?ie=UTF8&qid=1539015095&sr=
8-1-
fkmr0&keywords=Insurgent+Identities.+Class.+Community+and+Protest+in+P
aris+from+1848+to+the+Commune
1241
-Grégoire Chamayou, introduction à Ernst Kapp, Principes d'une philosophie de
la technique, Paris, Librairie philosophique, Vrin, 2007 (1887 pour la première
édition allemande).
Nous prouverons d'abord par des faits incontestables que l'homme transfère
inconsciemment la forme, la relation fonctionnelle et le rapport normal de son
organisation corporelle aux œuvres de sa main et qu'il prend conscience
seulement après coup des rapports d'analogie que celles-ci entretiennent avec
lui-même. » (p.47)
« Ne veuille pas être philosophe par contraste avec l'homme, sois rien d'autre
qu'un homme pensant, ne pense pas comme penseur, savoir dans une faculté
arrachée à la totalité de l'être humain réel, et isolée pour soi ; pense comme un
être vivant, réel, tel que tu es exposé aux vagues vivifiantes et réconfortantes de
l'océan ; pense dans l'existence, dans le monde comme un membre de ce monde,
et non dans le vide de l'abstraction, telle une monade esseulée, tel un monarque
absolu, tel un Dieu indifférent, extraterrestre - et c'est alors que tu peux espérer
que tes idées forment un tout où s'unissent l'être et le penser. » -Ludwig
Feuerbach.
« Les religions règnent seules et sans contrôle aussi longtemps que durent les
circonstances qui les ont fait naître. Quand le milieu chaotique où plongent
leurs racines commence à s'organiser pour des formes supérieures, elles se
trouvent aux prises avec des besoins nouveaux qu'elles sont impuissantes à
satisfaire. La contradiction éclate entre leurs brillantes promesses et le peu
1242
qu'elles sont capables d'en réaliser ; et les plus hardis parmi ceux qui s'en
aperçoivent travaillent à détruire l'illusion universelle, sans crainte de voir
périr le monde par la chute d'une erreur sacrée. Mais leur entreprise est
difficile, et leurs efforts restent longtemps sans résultats, car bien des cœurs
aiment leur illusion, et peu d'esprits se croient trompés ou veulent avouer qu'ils
le sont. » -Feuerbach, L’Essence de la religion.
« [Le désir des chrétiens, comme du marxisme] est un ciel dans lequel toute
limite, toute nécessité de la nature disparaîtront ; dans lequel il n’y aura plus ni
besoins, ni souffrances, ni blessures, ni combats, ni passions, ni changements. »
« L’humanité doit, si elle veut fonder une nouvelle époque, rompre entièrement
avec le passé ; elle doit d’abord poser en fait que ce qui a été jusqu’ici n’est
rien. Ce n’est que par ce moyen qu’elle peut gagner ardeur, énergie et force
pour des créations nouvelles. Tout ce qui se rattacherait à l’état présent des
choses ne ferait que paralyser l’essor de son activité. »
« Hegel débute par l’être, c’est-à-dire par le concept de l’être, ou par l’être
abstrait. Pourquoi ne puis-je débuter par l’être même, c’est-à-dire par l’être
effectif ? » -Ludwig Feuerbach, Contribution à la critique de la philosophie de
Hegel, 1839.
Ce Dieu, qui est esprit, Ludwig Feuerbach l’appelle « notre essence ». Pouvons-
nous accepter cette opposition entre « notre essence » et nous, et admettre notre
division en un moi essentiel et un moi non essentiel ? Ne sommes-nous pas ainsi
de nouveau condamnés à nous voir misérablement bannis de nous-mêmes ?
1243
Pas plus que ce qui est hors de nous. Je ne suis pas plus mon cœur que je ne suis
ma maîtresse, cet « autre moi ». C’est précisément parce que nous ne sommes
pas l’Esprit qui habite en nous que nous étions obligés de projeter cet Esprit
hors de nous : il n’était pas nous, ne faisant qu’un avec nous, aussi ne pouvions-
nous lui accorder d’autre existence que hors de nous, au-delà de nous, dans
l’au-delà.
Bien plus, toujours l’essence suprême a été conçue dans ce double au-delà, au-
delà intérieur et au-delà extérieur ; car, d’après la doctrine chrétienne, «
l’esprit de Dieu » est aussi « notre esprit » et « habite en nous » Il habite le ciel
et habite en nous, nous ne sommes que sa « demeure ».
https://www.marxists.org/reference/archive/feuerbach/index.htm
http://www.amazon.fr/Lessence-du-christianisme-Feuerbach-
Ludwig/dp/2070727238/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1454963084&sr=8-
1&keywords=Ludwig+Feuerbach
http://www.amazon.fr/Pour-r%C3%A9forme-philosophie-Ludwig-
Feuerbach/dp/2842058496/ref=sr_1_5?ie=UTF8&qid=1454963084&sr=8-
5&keywords=Ludwig+Feuerbach
http://www.amazon.fr/Ethique-lEud%C3%A9monisme-myst%C3%A8re-
sacrifice-
1245
Lhomme/dp/2705682643/ref=sr_1_6?ie=UTF8&qid=1454963084&sr=8-
6&keywords=Ludwig+Feuerbach
https://www.amazon.fr/Between-Reform-Revolution-Socialism-
Communism/dp/1571811206?ie=UTF8&qid=1461627001&ref_=tmm_pap_swa
tch_0&sr=8-2
« C’est le parti libéral, en tant que parti du concept, qui réalise des progrès
réels, alors que la philosophie positive est incapable d’aller au-delà des
revendications et des aspirations. » -Karl Marx, Différence de la philosophie de
la nature chez Démocrite et Épicure, 1841, Marx-Engels Gesamtausgabe
(MEGA), vol. I, p. 65.
« Les philosophes ne poussent pas comme les champignons, ils sont les fruits de
leur époque, de leur peuple, dont les humeurs les plus subtiles, les plus
précieuses et les moins visibles circulent dans les idées philosophiques. C’est le
même esprit qui édifie les systèmes philosophiques dans le cerveau des
1246
philosophes et qui construit les chemins de fer avec les mains des ouvriers. La
philosophie n’est pas hors du monde, pas plus que le cerveau n’est extérieur à
l’homme même s’il n’est pas dans son estomac ; mais il est sûr que la
philosophie a pris contact avec le monde par le cerveau avant de toucher le sol
avec ses pieds, tandis que maintes autres sphères humaines ont depuis
longtemps leurs pieds bien plantés sur la terre, et de leurs mains cueillent les
fruits du monde, avant de se douter que la « tête » aussi fait partie de ce monde,
ou que ce monde est celui de la tête.
« À mes yeux le particulier n’est esprit et liberté que s’il est relié au tout, et
nullement s’il est séparé d’avec le tout. » -Karl Marx, Débats sur la liberté de la
presse in Œuvres III, NRF la Pléiade, Paris, 1982, page 192.
« Parmi toutes les qualités inhérentes à la matière, le mouvement est sans doute
la première et la plus insigne, non pas seulement comme mouvement mécanique
et mathématique, mais plus encore comme pulsion, dynamisme, comme tourment
de la matière, pour employer un terme de Jakob Böhme. Les formes primitives
de ces derniers sont des forces essentielles, vivantes, individualisantes,
produisant les différences spécifiques. » -Karl Marx, La Sainte famille, 1845.
« Les sens de l’homme social sont autres que ceux de l’homme non social. »
« La propriété privée nous a rendus tellement sots et bornés qu’un objet est
nôtre uniquement quand nous l’avons, quand il existe donc pour nous comme
capital ou quand il est immédiatement possédé, mangé, bu, porté sur notre
corps, habité par nous, etc., bref quand il est utilisé par nous. […] A la place de
tous les sens physiques et intellectuels est donc apparue la simple aliénation de
tous ces sens, le sens de l’avoir. » -Karl Marx, Manuscrit de 1844, III.
1251
l’ébranlement ininterrompu de toutes les catégories sociales, l’insécurité et le
mouvement éternels, distinguent l’époque bourgeoise de toutes celles qui l’ont
précédée. » -Karl Marx, Manifeste communiste, 1848.
« De même que dans la vie privée, on distingue entre ce qu'un homme dit ou
pense de lui et ce qu'il est et fait réellement, il faut distinguer, encore davantage
dans les luttes historiques, entre la phraséologie et les prétentions des partis et
leur constitution et leurs intérêts véritables, entre ce qu'ils s'imaginent être et ce
qu'ils sont en réalité. »
1252
leur construction, à agir de la manière voulue, comme un automate, n’existe pas
dans la conscience de l’ouvrier, mais agit sur lui à travers la machine comme
une force étrangère, comme une force de la machine elle-même. Dans la
production mécanisée, l’appropriation du travail par le travail objectivé, -
l’appropriation de la force ou de l’activité valorisante par la valeur pour soi-
appropriation qui tient au concept même de capital, est posée comme caractère
du procès de production lui-même, y compris sous le rapport de ses éléments
matériels et de son mouvement matériel. Le procès de production a cessé d’être
procès de travail au sens où le travail est considéré comme l’unité qui le domine
serait le moment qui détermine le reste. Le travail n’apparaît au contraire que
comme organe conscient, placé en de nombreux points du système mécanique,
dans des ouvriers vivants pris un à un ; dispersé, subsumé sous le procès global
de la machinerie elle-même, n’étant lui-même qu’une pièce du système, système
dont l’unité existe, non dans les ouvriers vivants, mais dans la machinerie
vivante (active) qui apparaît face à l’activité isolée insignifiante de cet ouvrier
comme un organisme lui imposant sa violence. »
« Ce n’est plus tant le travail qui apparaît comme inclus dans le procès de
production, mais l’homme plutôt qui se comporte en surveillant et régulateur du
procès de production lui-même. (Ce qui vaut pour la machinerie vaut aussi pour
la combinaison des activités humaines et pour le développement du commerce
des hommes. »
« Le résultat général auquel je parvins, et qui, une fois acquis, servit de fil
conducteur à mes études, peut-être brièvement formulé ainsi : dans la
production sociale de leur existence, les hommes entrent dans des rapports
déterminés, nécessaires et indépendants de leur volonté, rapports de production
qui correspondent à un stade de développement de leurs forces productives
matérielles. L'ensemble de ces rapports de production constitue la structure
économique de la société, la base réelle sur laquelle s'élève une superstructure
juridique et politique et à laquelle correspondent des formes de conscience
sociales déterminées. Le mode de production de la vie matérielle conditionne le
processus de vie social, politique et intellectuel en général. Ce n'est pas la
1253
conscience des hommes qui détermine leur être mais inversement leur être
social qui détermine leur conscience. À un certain stade de leur développement,
les forces productives matérielles de la société entrent en contradiction avec les
rapports de production présents, ou ce qui n’en est qu’une expression juridique,
les rapports de propriété, à l’intérieur desquels elles s’étaient mues jusque-là.
De formes de développement des forces productives qu’ils étaient, ces rapports
se changent en chaînes pour ces dernières. Alors s’ouvre une époque de
révolution sociale. Avec la transformation de la base économique fondamentale
se trouve bouleversée plus ou moins rapidement toute l’énorme superstructure.
» (p.63) -Karl Marx, Préface de la Contribution à la critique de l'économie
politique. Introduction aux Grundrisse (dite de 1857), Les éditions sociales,
2014 (11 juin 1859 pour la première édition allemande), 280 pages.
« [Carey et Bastiat] ont bien compris que l’opposition à l’économie politique –le
socialisme et le communisme- trouve sa présupposition théorique dans les
œuvres de l’économie classique elle-même, et spécialement chez Ricardo qui
doit être considéré comme son expression la plus achevée, ultime. C’est
pourquoi tous deux éprouvent la nécessité d’attaquer et de dénoncer comme une
interprétation erronée l’expression théorique acquise historiquement par la
société bourgeoise dans l’économie moderne, et de démontrer le caractère
harmonieux des rapports de production là où les économistes classiques avaient,
dans leur naïveté, désigné leur caractère antagonique. » (p.26)
« Que disent les économistes : que dans le rapport du salaire au profit, du travail
salarié au capital, le salaire aurait l’avantage de la fixité. Que dit M. Bastiat : que
la fixité, i.e l’un des aspects dans le rapport du salaire au profit, constitue le
fondement historique à partir duquel naît le salariat. » (p.34)
1256
« Dans la production, les membres de la société approprient (élaborent,
façonnent) les produits de la nature aux besoins humains ; la distribution
détermine la proportion dans laquelle l’individu singulier reçoit sa part de ces
produits ; l’échange lui procure les produits particuliers en lesquels il veut
convertir la quote-part qui lui est dévolue par la distribution ; dans la
consommation enfin, les produits deviennent objets de jouissance,
d’appropriation individuelle. La production crée les objets qui répondent aux
besoins ; la distribution les répartit selon des lois sociales ; l’échange répartit de
nouveau ce qui a déjà été réparti, mais selon les besoins individuels ; dans la
consommation enfin, le produit s’évade de ce mouvement social, il devient
directement objet et serviteur du besoin individuel et le satisfait dans la
jouissance. La production apparaît ainsi comme le point de départ, la
consommation comme le point final, la distribution et l’échange comme le
moyen terme, lequel à son tour a un double caractère, la distribution étant le
moment qui a sa source dans la société, et l’échange, le moment qui l’a dans
l’individu. » (p.45)
1257
« La consommation est de manière immédiate également production, de même
que dans la nature la consommation des éléments et des substances chimiques
est production de la plante. Il est évident que dans l’alimentation, par exemple,
qui est une forme particulière de la consommation, l’homme produit son propre
corps. Mais cela vaut également pour tout autre genre de consommation qui,
d’une manière ou d’une autre, produit l’homme d’un certain point de vue.
[…] La production est donc immédiatement consommation, la consommation
immédiatement production. Chacune est immédiatement son contraire. Mais il
s’opère en même temps un mouvement médiateur entre les deux termes. La
production est médiatrice de la consommation, dont elle crée le matériau et à
qui, sans elle, manquerait son objet. Mais la consommation est aussi médiatrice
de la production dans la mesure où c’est seulement elle qui procure aux
produits le sujet pour lequel ils sont des produits. Le produit ne connaît son
ultime achèvement que dans la consommation. Un chemin de fer sur lequel on
ne roule pas, qu’on n’use donc pas, n’est pas consommé, n’est un chemin de fer
que [en puissance] et non dans la réalité. Sans production, pas de
consommation ; mais sans consommation, pas de production non plus, car la
production serait alors sans but. » (p.47)
« La faim est la faim, mais la faim qui se satisfait avec de la viande cuite,
mangée avec fourchette et couteau, est une autre faim que celle qui avale de la
chair crue à l’aide des mains, des ongles et des dents. Ce n’est pas seulement
l’objet de la consommation, mais aussi le mode de consommation qui est produit
par la production, et ceci non seulement d’une manière objective, mais aussi
subjective. La production crée donc le consommateur. […] La production ne
fournit donc pas seulement un matériau au besoin, elle fournit aussi un besoin à
ce matériau. […] L’objet d’art –comme tout autre produit- crée un public apte à
comprendre l’art et à jouir de la beauté. La production ne produit donc pas
seulement un objet pour le sujet, mais aussi un sujet pour l’objet. » (p.48-49)
Le type de pillage est lui-même à son tour déterminé par le type de production. »
(p.54)
« Pour l’art, on sait que des époques déterminées de floraison artistique ne sont
nullement en rapport avec le développement général de la société, ni, par
conséquent, avec celui de sa base matérielle, qui est pour ainsi dire l’ossature de
son organisation. Par exemple, les Grecs comparés aux modernes ou encore
Shakespeare. » (p.67)
« Le charme qu’exerce sur nous leur art [aux Grecs] n’est pas en contradiction
avec le stade social embryonnaire où il a poussé. Il en est au contraire le résultat,
il est au contraire indissolublement lié au fait que les conditions sociales
insuffisamment mûres où cet art est né, et où seulement il pouvait naître, ne
pourront jamais revenir. » (p.68)
« Un homme qui ne dispose d'aucun loisir, dont la vie tout entière, en dehors
des simples interruptions purement physiques pour le sommeil, les repas, etc.,
est accaparée par son travail pour le capitaliste, est moins qu'une bête de
somme. C'est une simple machine à produire de la richesse pour autrui, écrasée
physiquement et abrutie intellectuellement. Et pourtant, toute l'histoire de
l'industrie moderne montre que le capital, si on n'y met pas obstacle, travaille
1259
sans égard ni pitié à abaisser toute la classe ouvrière à ce niveau d'extrême
dégradation. » -Karl Marx, Salaire, prix et profit, 1865.
« Une nation peut et doit tirer un enseignement de l'histoire d'une autre nation.
Lors même qu'une société est arrivée à découvrir la piste de la loi naturelle qui
préside à son mouvement, et le but final de cet ouvrage est de dévoiler la loi
économique du mouvement de la société moderne, elle ne peut ni dépasser d'un
saut ni abolir par des décrets les phases son développement naturel ; mais elle
peut abréger la période de la gestation, et adoucir les maux de leur enfantement.
Pour éviter des malentendus possibles, encore un mot. Je n'ai pas peint en rose le
capitaliste et le propriétaire foncier. Mais il ne s’agit ici des personnes, qu'autant
qu'elles sont la personnification de catégories économiques, les supports
d'intérêts et de rapports de classes déterminés. Mon point de vue, d'après lequel
le développement de la formation économique de la société est assimilable à la
marche de la nature et à son histoire, peut moins que tout autre rendre l'individu
responsable de rapports dont il reste socialement la créature, quoi qu'il puisse
faire pour s'en dégager.
1262
« La violence est la sage-femme de toute vieille société grosse d’une nouvelle. »
« On dit que la classe ouvrière reçoit une trop faible part de son propre produit
et que cet inconvénient serait pallié dès qu'elle en recevrait une plus grande
part, dès que s'accoiserait en conséquence son salaire, [mais] il suffit de
remarquer que les crises sont chaque fois préparées justement par une période
de hausse générale des salaires, où la classe ouvrière obtient effectivement une
plus grande part de la fraction du produit annuel destinée à la consommation. »
« Si la Russie continue à marcher dans le sentier suivi depuis 1861, elle perdra
la plus belle chance que l’histoire ait jamais offerte à un peuple, pour subir
toutes les péripéties fatales du régime capitaliste. [...] si la Russie tend à devenir
une nation capitaliste à l’instar des nations de l’Europe occidentale, et pendant
ces dernières années elle s’est donnée beaucoup de mal en ce sens, elle n’y
1263
réussira pas sans avoir préalablement transformé une bonne partie de ses
paysans en prolétaires ; et après cela, amenée une fois au giron du régime
capitaliste, elle en subira les lois impitoyables, comme autrefois les peuples
profanes. » -Karl Marx, « Réponse à Mikhaïlovski », novembre 1877.
« Si précieux que soient et que resteront les écrits d’un Owen, d’un Saint-Simon,
d’un Fourier, il était réservé à un Allemand d’atteindre la hauteur d’où l’on
peut voir clairement et panoramiquement le domaine tout entier des rapports
sociaux modernes, de la même façon qu’apparaissent aux yeux du spectateur,
debout sur la plus haute cime, les sites montagneux moins élevés. » -Friedrich
Engels, Sur Le Capital de Marx, article paru dans la Demokratischen
Wochenblatt, Leipzig, 21 mars 1868.
« Une révolution est certainement la chose la plus autoritaire qui soit, c'est
l'acte par lequel une fraction de la population impose sa volonté à l'autre au
moyen de fusils, de baïonnettes et de canons, moyens autoritaires s'il en est; et
le parti victorieux, s'il ne veut pas avoir combattu en vain, doit continuer à
dominer avec la terreur que ses armes inspirent aux réactionnaires. La
Commune de Paris eu-elle pu se maintenir un seul jour si elle n'avait pas usé de
l'autorité d'un peuple en armes contre la bourgeoisie ? Ne faut-il pas, au
contraire, la critiquer de ce qu'elle ait fait trop peu usage de son autorité ? »
« Depuis près de quarante ans, nous avons fait ressortir au premier plan la lutte
de classes comme la force motrice directe de l'histoire, et en particulier, la lutte
de classes entre la bourgeoisie et le prolétariat comme le plus puissant levier de
la révolution sociale. Il nous est par conséquent impossible de marcher de
concert avec des gens qui tendent à rayer du mouvement cette lutte de classes.
En fondant l'Internationale, nous avons lancé en termes clairs son cri de guerre
: « L'émancipation de la classe ouvrière sera l'œuvre de la classe ouvrière elle-
même ». Nous ne pouvons donc pas marcher avec des gens déclarant à cor et à
cri que les ouvriers sont trop peu instruits pour pouvoir s'émanciper eux-mêmes
1264
et qu'ils doivent être affranchis par en haut, par les philanthropes bourgeois et
petits-bourgeois. Si le nouvel organe du parti prend une attitude qui correspond
aux idées de ces messieurs, si cette orientation est bourgeoise et non
prolétarienne, il ne nous restera plus autre chose à faire, si regrettable que ce
soit pour nous, que de nous expliquer là-dessus ouvertement et de rompre la
solidarité dont nous avons fait preuve jusqu'à présent, en qualité de
représentants du parti allemand à l'étranger. Mais, les choses n'iront pas
jusque-là, espérons-le... » -Marx et Engels, Lettre circulaire à A. Bebel, W.
Liebknecht, W. Bracke et autres de septembre 1879.
« Depuis 1845, Marx et moi, nous avons pensé que l'une des conséquences
finales de la future révolution prolétarienne sera l'extinction progressive des
organisations politiques appelées du nom d'État. De tout temps, le but essentiel
de cet organisme a été de maintenir et de garantir, par la violence armée,
l'assujettissement économique de la majorité travailleuse par la stricte minorité
fortunée. Avec la disparition de cette stricte minorité fortunée disparaît aussi la
nécessité d'un pouvoir armé d'oppression, ou État. » -Friedrich Engels, Lettre à
Ph. Van Patten (18 avril 1883).
« Toutes les situations qui se sont succédées dans l'histoire ne sont que des
étapes transitoires dans le développement sans fin de la société humaine
progressant de l'inférieur vers le supérieur. » -Friedrich Engels, Ludwig
Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande, 1888.
« Il n'est pas vrai que la situation économique est la seule cause active et que
tout le reste n'est qu'un effet passif. Mais il y a une action réciproque sur la base
de la nécessité économique qui finit toujours par l'emporter en dernière
instance. [...] Il n'y a donc pas, comme on arrive parfois à se le figurer, une
1265
action automatique de la situation économique ; les hommes font eux-mêmes
leur histoire, mais dans un milieu donné qui les conditionne, sur la base de
rapports réels préexistants, parmi lesquels les rapports économiques, si
influencés qu'ils puissent être par les autres rapports politiques et idéologiques
sont en dernière instance les rapports décisifs et forment le fil conducteur qui
permet seul de la comprendre. » -Friedrich Engels, Lettre à Walter Borgius, 25
janvier 1894.
1267
« La Sainte-Famille contient une section bien connue sur « Le mystère de la
spéculation spéculative » dans laquelle Marx montre que la méthode de Hegel,
qui est à la racine de toutes les découvertes de la « critique critique », est basée
sur une mystification idéaliste. À partir de nombreuses entités réelles le
philosophe construit une notion abstraite qu’il appelle substance (par exemple,
« fruit » est la substance de la poire, la pomme, de l’amande, etc.) Du point de
vue idéaliste, cette notion a une existence réelle, absolue, tandis que les diverses
entités concrètes sont de pures apparences, des modalités de l’existence du fruit.
La dissolution de l’existence matérielle dans le concept général est, quoi qu’il
en soit, une pure abstraction. En reconnaissant cette déficience, l’idéaliste
essaye de renoncer à l’abstraction, mais il le fait d’une « manière spéculative,
mystique ». Il transforme l’abstraction en une essence spirituelle active
générant des variétés multiformes de réalités concrètes, immanentes. » -Mikhaïl
Lifschitz, La philosophie de l’art de Karl Marx, 1933, p.74.
1268
Une question se pose aussitôt: qui est capable de connaître et de dire ce que le
prolétariat est quand les prolétaires eux-mêmes n'ont de cet être qu'une
conscience brouillée ou mystifiée ? Historiquement, la réponse à cette question
est : seul Marx a été capable de connaître et de dire ce que le prolétariat et sa
mission historique sont en vérité. Leur vérité est inscrite dans l'œuvre de Marx.
Celui-ci est l'alpha et l'oméga ; il est le fondateur.
« La première objection que l'on puisse élever contre la critique de Karl Marx
repose sur sa théorie de la valeur, qui est totalement antiscientifique. » -Alfred
Naquet, Socialisme collectiviste et socialisme libéral (1890).
« Marx reprendra chez Ricardo l’idée selon laquelle la valeur des choses
dépend de la quantité de travail nécessaire à les produire ; c’est la pierre
angulaire du socialisme scientifique – sans elle, tout l’édifice s’effondre. »
1269
employés pour y parvenir. » -Tony Judt, Le marxisme et la gauche française.
1830-1981, Hachette, coll. « La Force des idées », 1987 (1986 pour la première
édition britannique), 353 pages, p.194.
1270
« Marx ne dit point "Je fais le socialisme, parce qu'il est une chose juste" [...] il
dit "Le socialisme se fait parce qu'il est dans l'enchaînement des faits
historiques qu'il se fasse.". [...] L'homme subit l'histoire. [...] Les hommes
aiment les causes gagnées ou toutes proches de l'être. [...] Au contraire de ce
Guillaume d'Orange qui n'avait besoin ni d'espérer pour entreprendre ni de
réussir pour persévérer, les hommes aiment à n'entreprendre que ce qui est
presque achevé et à faire réussir ce qui est en plein succès. Le coup de maître de
Karl Marx a donc été de présenter le collectivisme comme une évolution
historique arrivée presque à son terme. » -Émile Faguet, Le socialisme en 1907.
« Marx n'a pu surmonter l'être humain isolé de Feuerbach qu'en ramenant dans
l'histoire sous le nom de société le dieu que Feuerbach en avait éliminé. » -
Simone Weil, Le marxisme, 1934.
1271
de la force du travail) les marchandises nécessaires à la vie de l'ouvrier et de sa
famille, Marx pouvait aboutir à deux conclusions. Si, grâce à l'élévation de la
productivité, les heures de travail nécessaires pour produire les marchandises
représentant la valeur du salaire diminuent, de ce fait, ou bien le taux
d'exploitation doit augmenter ou bien le salaire, sans représenter une valeur
accrue, doit être incarné en une quantité accrue de marchandises. Marx n'a pas
affirmé que le taux de l'exploitation augmentait, il a dit que ce taux demeurait
stable. Il aurait dû reconnaître que la même part de la journée étant consacrée
à produire une valeur équivalente à celle du salaire et la productivité ayant
augmenté, le niveau de vie devait tendre à s'élever ou la pauvreté à s'atténuer.
Pour éviter cette conclusion, Marx a fait intervenir, non pas, comme plusieurs
économistes de son temps, l'effet sur le taux de natalité, donc sur l'offre de
travail, d'une élévation des salaires, mais l'armée de réserve industrielle,
autrement dit la pression qu'exerce en permanence sur le taux des salaires
l'offre des travailleurs sans emploi du fait des transformations techniques.
"Si l’on considère toutes les prédictions effectuées par Marx, bien peu se sont
réalisées. La baisse tendancielle du taux de profit n’a jamais eu lieu : N. Kaldor
a mesuré l’évolution du taux de profit au cours des XIXème et XXème siècles
pour constater que celui-ci est resté constant sur toute la période. De même, la
paupérisation accrue des salariés sous l’effet du machinisme ne s’est pas
produite, et la concentration du capitalisme malgré l’apparition des grandes
entreprises est restée identique. Enfin, alors que Marx prédisait l‘avènement de
1272
la révolution socialiste dans les pays capitalistes avancés, celle-ci a eu lieu dans
des pays fort peu capitalistes, et de dictature du prolétariat a surtout conservé la
dimension “dictature”." ( http://econo.free.fr/scripts/printfaq.php?codefaq=67 ).
1273
« C'est en opposition à la vie politique absorbante du citoyen à part entière
ordinaire de la polis grecque que les philosophes, Aristote, en particulier,
établirent leur idéal de la skholè, du loisir, qui dans l'Antiquité ne signifia
jamais: affranchissement du travail courant, ce qui de toute façon allait de soi,
mais: affranchissement de l'activité politique et des affaires de l'Etat.
Dans la société idéale de Marx, ces deux concepts différents sont étroitement
conjoints: la société sans classes et sans Etat réalise d'une certaine façon le
statut général du loisir dans l'Antiquité, loisir par rapport au travail et, en
même temps, loisir par rapport à la politique. Cela doit se produire quand l'
"administration des choses" aura remplacé le gouvernement et l'action
politique. Ce double loisir par rapport au travail aussi bien que par rapport à la
politique a été pour les philosophes la condition d'un bios théôrètikos, d'une vie
consacrée à la philosophie et à la connaissance au sens le plus large du mot. »
(p.607)
« La philosophie politique de Marx n'était pas fondée sur une analyse de l'action
et des hommes agissants mais, à l'opposé, sur le souci hégélien de l'histoire. [...]
Ce qui distingue la théorie de Marx de toutes les autres où l'idée de "faire
l'histoire" a trouvé place est seulement que lui seul a compris que si l'on
considère l'histoire comme l'objet d'un processus de fabrication, il doit arriver
un moment où cet objet "est" achevé, et que si l'on imagine qu'on peut "faire
1274
l'histoire", on ne peut échapper à cette conséquence qu'il y aura une fin à
l'histoire. » (p.660)
« Est-il utile de souligner que Durkheim comme Weber ont en grande partie
pensé leurs œuvres pour faire pièce à Marx dans le champ du social ? » -Bruno
Pequignot, A propos de quelques sociologues et de la sociologie, Linx, Année
1980, Volume 1, Numéro 1, pp. 107-126.
1275
Bensaïd, Les Annales franco-allemandes ou « le tournant parisien » de Marx,
2000.
1276
permanent, mais aussi sur la perception des contradictions, ou des
discontinuités, qui en résultent. » (p.438-439)
Ces trois lois de la dialectique expriment sous des points différents un même
mouvement. C’est le cycle éternel de la matière en général, ou de l’être, qui
demeure toujours le même et pourtant se transforme sans cesse. La dialectique
matérialiste renoue avec la conception du flux éternel des Grecs anciens, mais
en la fondant sur les résultats empiriques et théoriques des sciences modernes.
1281
« Vers 1845, Marx avait rédigé le plan d'un ouvrage consacré à l'Etat qui n'a
jamais vu le jour, Vers l'abolition de l'Etat et de la société civile. » -Pierre
Bauby, L'Etat-stratège, Éditions ouvrières, 1991, p.43.
« Supposons en effet qu'un historien établisse que, dans une telle société W, tel
changement x dans les techniques de production agricole (par exemple, la
diffusion d'un instrument tel que la charrue) a entraîné plus ou moins
directement telle mutation y dans le régime de la propriété foncière (par
exemple, la généralisation de la propriété privée des terres): on n'est nullement
tenu de considérer x comme une cause première. Il faut bien plutôt se demander
ce qui a fait arriver x. Or les causes de x peuvent elles-mêmes être d'ordre
infrastructurel ou superstructurel ; toutefois, à ces causes elles aussi on
assignera des causes, pouvant elles-mêmes relever ou bien des conditions
techniques et matérielles, ou bien des conditions idéologiques, et ainsi de suite.
Et l'on ne voit pas du tout, dans une série causale où s'enchevêtrent ainsi les
infrastructures et les superstructures, ce qui nous indiquerait que nous devons
1282
tenir tel moment de la série pour la cause première, ou plus première (si cela a
un sens) que les autres.
1283
système d’idées sur le présent et de croyances quant à l’avenir qui, à partir d’un
noyau juste, altérait en partie l’intelligence du réel en altérant la théorie censée
l’éclairer; il organisait de l’intérieur une pratique collective et il cimentait les
différents partis communistes en leur assurant une identité idéologique forte.
Qui ne voit qu’on a eu là tous les ingrédients d’une religion - conception
d’ensemble, croyances, pratique organisée, identité de groupe - et de quoi
répondre au double besoin de certitude et d’appartenance largement répandu
chez les êtres humains et qui les laisse désemparés quand il n’est pas satisfait ?
Les intellectuels communistes n’ont pas fait, pour beaucoup d’entre eux,
exception.
1285
« Dans Marx aux Antipodes, Kevin Anderson montre que Marx a profondément
modifié sa position avec la révolte anticoloniale des Cipayes en Inde en 1857. Il
a abandonné la vision téléologique et étapiste de l’histoire et a développé un
intérêt croissant pour le monde extra-européen et son potentiel
révolutionnaire. » -Benjamin Bürbaumer, « L’économie politique de la question
nationale », avant-propos à Roman Rosdolsky, Friedrich Engels et les « peuples
sans histoire ». La question nationale et la révolution de 1848, Paris, Éditions
Syllepse, 2019.
« [La critique morale de Marx] se déploie sur trois axes. En premier lieu, c'est
la critique de l'aliénation. Dans le mode de production capitaliste, le travailleur
se perd, il devient étranger à lui-même puisque son activité vitale est devenue le
moyen de quelqu'un d'autre, le produit de son travail lui échappe et les moyens
de travail ne sont plus ses moyens de travail, mais c'est lui qui devient le moyen
de ses moyens de travail [...]
En second lieu, l'homme est soumis au fétiche qu'est la marchandise. Les
rapports entre les hommes apparaissent comme des rapports entre les choses. Si
la marchandise n'est rien d'autre que du travail humain coagulé, dans l'échange
marchand le travail humain disparaît et la valeur de la marchandise semble être
une qualité qui lui est propre. Mais, du même coup, la marchandise fétichisée
devient l'objet d'un nouveau culte. La "société de consommation" n'est pas une
société d'abondance, mais une société entièrement soumise au culte de la
marchandise.
Résultat des deux précédentes transformations dues à la généralisation de
l'échange marchand, l'individu est transformé en chose, il est réifié. L'ouvrier
est la chose de la machine, mais l'homme en général devient chose: la
généralisation des procédés de procréation médicalement assistée va jusqu'au
bout de la réification du petit humain.
Les travailleurs salariés sont évidemment les premières victimes de la
domination absolue du capital sur l'ensemble de la vie sociale. Mais ils ne sont
pas les seuls. En réalité, tous les individus sont soumis au règne de la
marchandise. [...]
La culture de la marchandise transforme le monde entier en marchandise à
consommer [...] on ne va pas à Venise, on fait Venise, c'est-à-dire qu'on descend
d'un gigantesque paquebot qui surplombe entièrement San Marco, on se
bouscule pour faire des photos et acheter des gadgets et l'on repart: Venise ?
1286
Fait ! » -Denis Collin et Marie-Pierre Frondziak, La Force de la Morale.
Comment nous devenons humains, R&N Éditions, 2020, 311 pages, pp.109-110.
[…] Comment pouvez-vous vivre d’une vie vraiment sociale, tant qu’il reste en
vous la moindre trace d’exclusivisme, la moindre chose qui n’est que vous et
rien que vous ?
1287
« On me dit que je dois être un homme parmi mes semblables (Marx, La
Question juive, page 60). Je dois respecter en eux mes semblables. Personne
n’est pour moi respectable, pas même mon semblable. Il est uniquement, comme
d’autres êtres, un objet auquel je m’intéresse ou ne m’intéresse pas, un sujet
utilisable ou inutilisable.
S’il peut m’être utile, je vais, bien sûr, m’entendre et m’associer avec lui, afin de
renforcer mon pouvoir et, à l’aide de notre force commune, accomplir
davantage que ne le pourrait chacun de nous isolément. Je ne vois rien d’autre
dans cette communauté qu’une multiplication de ma force et je n’y consens
qu’aussi longtemps que cette multiplication produira ses effets.
« Tout ce qui est grand doit savoir mourir. » -Max Stirner, Le faux principe de
notre éducation, 1842.
1288
comme le demandent les communistes qui ne voient pas de salut hors de l’action
révolutionnaire. Le projet de rendre l’individu à lui-même, comme s’il n’existait
que par son unique initiative, n’a pas de sens : qu’il le veuille ou non, qu’il le
sache ou non, l’individu, dans la mesure où il est qualifié socialement, n’a pas
un sort indépendant de celui de la société, et c’est pourquoi, en faisant
l’impasse sur les problèmes réels qui concernent cette dernière et en se fixant
pour seul objectif la préservation de son identité personnelle unique, donc en se
consacrant entièrement, sur fond de détachement et de réserve mentale, à la
culture de son « propre », il condamne sa tentative d’émancipation à l’échec. »
« Quelques penseurs sentirent néanmoins très bien que Stirner, quoique passant
pour un prédécesseur borné de Nietzsche, était en fait le plus radical des deux.
Ils n'en négligèrent pas moins eux-mêmes de s'expliquer publiquement avec lui.
Edmund Husserl parle par exemple, dans un passage isolé, de la "puissante
tentation" que représente L'Unique –et ne l'évoque pas une seule fois dans ses
écrits. Carl Schmitt, bouleversé par sa lecture lorsqu'il était jeune, n'en dit pas
un mot jusqu'au jour où, en 1947, dans la détresse et l'abandon d'une cellule de
prison, Stirner vient à nouveau le "hanter". » - Bernd A. Laska, Comment Marx
et Nietzsche ont évincé leur collègue Max Stirner et pourquoi il leur a pourtant
survécu, traduit par Pierre Gallissaires, LSR, 30 avril 2001 (cf : http://www.lsr-
projekt.de/poly/frinnuce.html ).
« Il n'est guère pensable que Mushacke n'ait pas parlé à un Nietzsche à la fois
intéressé et compétent de son ami Stirner; qu'il n'ait pas eu « L'Unique » dans
sa bibliothèque et que Nietzsche n'ait pas dévoré là cet ouvrage. Il put y lire,
alors qu'il venait, grâce à la critique de la religion de Feuerbach et peut-être
aussi à la critique des Evangiles de Bauer, de se frayer un chemin jusqu'à
l'athéisme étaient des "gens pieux", pourquoi et comment ils l'étaient. Il put y
lire que Dieu était mort, y entendre parler d'immoralisme, de nihilisme etc. Il y
vit comment quelqu'un s'était placé "au-delà du Bien et du Mal" et avait
"philosophé avec un marteau" -c'était là pour un être hautement sensible comme
1289
Nietzsche une surdose intellectuelle à peine assimilable. A l'ivresse mentale
qu'elle suscita en lui succédèrent un véritable effondrement, l'auto-thérapie, la
crise initiale, la fuite dans la philosophie de Schopenhauer d'une part et, d'autre
part, dans "l'insensibilité stupide ... due à mon travail de bûcheron philologue."
Même si Nietzsche n'a plus jamais parlé par la suite de cette "époque autrefois
admirée d'activité de l'esprit", il n'en a pas moins réalisé le grand projet évoqué,
de manière encore euphorique, dans sa lettre du 19 octobre à E. Mushacke –à
vrai dire de façon inversée. Il n'a pas continué la philosophie des Lumières
athée et radicale préparée par les Jeunes-hégeliens et initiée par Stirner -- il l'a
"dépassée". » -Bernd A. Laska, « La crise initiale de Nietzsche. Un nouvel
éclairage de la question "Nietzsche et Stirner" », paru en allemand dans
Germanic Notes and Reviews, vol. 33, n. 2, fall/Herbst 2002, pp. 109-133 (cf:
http://www.lsr-projekt.de/poly/frnietzsche.html ).
1290
"Même si un standard élevé de moralité ne donne pas d'avantage à un individu
sur un autre de la même tribu, il en donne à une tribu sur une autre, puisque
grâce à lui certains seront prêts à se sacrifier pour le bien commun. Les vertus
valorisées, remarque en outre Darwin, concernent au départ les membres d'une
même tribu alors que les crimes envers ces membres n'en sont pas envers les
étrangers. La morale s'enracine ainsi dans la vie sociale et, plus lointainement
encore, dans la vie animale et l'évolution biologique. Elle n'a pas de fondement
intrinsèque. Elle se donne comme l'expression d'un rapport évolutif, celui des
actions humaines avec l'intérêt social." (p.124)
-Nathalie Bulle, L’école et son double. Essai sur l’évolution pédagogique en
France, Paris, Hermann, coll. Savoir et pensées, 2010, 338 pages.
http://www.amazon.fr/Dans-lumiere-ombres-Darwin-
bouleversement/dp/2757841920/ref=pd_sim_14_69?ie=UTF8&dpID=51-
eHwaTZLL&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR97%2C160_&refRID=1JA0
4B0FG35AT87QEPHS
1291
Jules Michelet (1798-1874) : « Il leur faut un Œdipe qui leur explique leur
propre énigme dont ils n’ont pas eu le sens, qui leur apprenne ce que voulaient
dire leurs paroles, leurs actes, qu’ils n’ont pas compris. » -Jules Michelet,
Œuvres complètes, XXI, p.268, préface au volume 2 (« Jusqu’au 18 brumaire »,
de son Histoire du XIXème siècle.
« C’est à vous que je demanderai secours, mon noble pays ; il faut que vous
nous teniez lieu du Dieu qui nous échappe. » -Jules Michelet, Journal, t.1, 7
août 1831, p.83.
« Les masses font tout […] les grands noms font peu de chose. » -Jules Michelet,
Œuvres Complètes, t.III, Flammarion, 1972, p.335.
« Cela vient de loin, et tient au fond des choses, et non pas à tel accident. Dans
ma Révolution et ma petite Bible, j’ai suivi une ligne religieuse qui n’est pas la
vôtre. En en politique aussi, nous nous sommes trouvés écartés par ces points où
nos ennemis se sont armés de votre livre disant comme Renan : « La Révolution
est une affaire avortée ». » -Jules Michelet, Lettre à Edgar Quinet du 6
septembre 1868.
"Cette œuvre laborieuse d’environ quarante ans fut conçue d’un moment, de
l’éclair de Juillet. Dans ces jours mémorables, une grande lumière se fit, et
j’aperçus la France. [...]
Le premier je la vis comme une âme et une personne." (p.1)
"Plus compliqué encore, plus effrayant était mon problème historique posé
comme résurrection de la vie intégrale, non pas dans ses surfaces, mais dans ses
organismes intérieurs et profonds. Nul homme sage n’y eût songé. Par bonheur,
je ne l’étais pas." (p.4)
"J’avais une belle maladie qui assombrit ma jeunesse, mais bien propre à
l’historien. J’aimais la mort. J’avais vécu neuf ans à la porte du Père-Lachaise,
alors ma seule promenade. Puis j’habitai vers la Bièvre, au milieu de grands
jardins de couvents, autres sépulcres. Je menais une vie que le monde aurait pu
dire enterrée, n’ayant de société que celle du passé, et pour amis les peuples
ensevelis. Refaisant leur légende, je réveillais en eux mille choses évanouies.
1292
Certains chants de nourrice dont j’avais le secret, étaient d’un effet sûr. À
l’accent ils croyaient que j’étais un des leurs. Le don que saint Louis demande
et n’obtient pas, je l’eus : « le don des larmes. »
Don puissant, très-fécond. Tous ceux que j’ai pleurés, peuples et dieux,
revivaient." (p.17-18)
Mais comment ayant eu ce bonheur singulier d’une telle société, ayant longues
années vécu de ta grande âme, n’ai-je pas profité plus en moi ? Ah ! c’est que
pour te refaire tout cela il m’a fallu reprendre ce long cours de misère, de
cruelle aventure, de cent choses morbides et fatales. J’ai bu trop d’amertumes.
J’ai avalé trop de fléaux, trop de vipères et trop de rois.
Eh bien ! ma grande France, s’il a fallu pour retrouver ta vie, qu’un homme se
donnât, passât et repassât tant de fois le fleuve des morts, il s’en console, te
remercie encore. Et son plus grand chagrin, c’est qu’il faut te quitter ici. »
(p.53-54)
1293
L’un était la terrible armée de Napoléon qui ruina l’Europe, en laissant la
France épuisée, desséchée.
Oui, s’écrient les humanitaires, mais heureusement l’autre œil flamboyant fut
celui de la machine de Watt et de la grande armée des ouvriers, instrument
bienfaisant de paix, d’utilité pour tous.
Provisoirement cet instrument de paix aide la guerre par des capitaux infinis,
sert la tyrannie maritime. Il fournit des forces inépuisables pour les guerres de
l’Europe et de l’Inde, d’où le choléra (1817), et mille maux.
« Etre nègre, c’est bien moins une race qu’une véritable maladie ? » -Jules
Michelet, Histoire du XIXe siècle, posthume, tome 3, p.298.
« Quinet, persuadé de la décadence française dans les années qui suivent 1848,
retrouve paradoxalement courage après 1870, lorsque s’installe la République.
Quinet, mais non Michelet, qui, après avoir tant sacrifié à l’éternelle jeunesse
du monde, mourra désespéré ou à peu près en 1874. » -Victor Nguyen, Aux
origines de l’Action française. Intelligence et politique à l’aube du XXe siècle,
Fayard, 1991, 959 pages, p.34.
1294
« S'il est un ancêtre auquel on puisse rattacher le radicalisme français, dans
toutes ses dimensions et avec toutes ses racines, c'est Michelet. » -Albert
Thibaudet, Les Idées politiques de la France, Librairie Stock, Paris, 1932, 264
pages, p.235.
« Michelet, dans son Moyen Age -en tenant compte des rectifications que Fustel
de Coulanges et son école ont apportées sur nos origines-, reste digne d'être lu
et donne en général une impression juste. A partir du seizième siècle, s'il est
gâté par de furieux partis pris, ses vues sont encore parfois pénétrantes: c'est
l'avantage et la supériorité des historiens qui ont du talent, même quand leurs
théories sont contestables. » -Jacques Bainville, Histoire de France, Éditions
Perrin, coll. tempus, 2014 (1924 pour la première édition), 552 pages, p.13.
1295
l’histoire a changé », que « le médiéviste toujours devra être, ou s’efforcer
d’être Michelet ». » (p.211)
« Michelet et son ami Quinet sont des disciples de Herder: ils se sont formés à
l'école du romantisme allemand. » -Georges Gusdorf, "Le cri de Valmy",
Communications, Année 1987, 45, pp.117-155, p.143.
« Le héros des héros de son histoire est sans conteste Jeanne d’Arc. » (p.194)
1296
-François Dosse, Le Pari biographique. Écrire une vie, Paris, Éditions La
Découverte, 2005, 480 pages.
"1830 est le déclencheur de son œuvre. Il est déjà l'auteur de plusieurs ouvrages
scolaires et d'une traduction de Vico (1827), et il prépare une Histoire romaine.
Mais ce n'est qu'après la révolution de Juillet que paraît son texte
programmatique, l'Introduction à l'histoire universelle (avril 1831). Cet essai
lance son œuvre et l'organise, lui donne une orientation, et un centre. Après cela
les volumes de l'Histoire de France pourront se succéder à une bonne cadence.
L'Introduction décrit le vaste schéma d'une histoire universelle allant de l'Orient
vers l'Occident, de la fatalité vers la liberté. La France est à la fois le but, le
meneur et la synecdoque de cette évolution. […]
Elle est le lieu central de l'Occident, et de l'Histoire. Aussi est-ce écrire
l'histoire universelle que de faire l'histoire de France. […]
Suit une apologie de la centralisation réalisée en France par l'action lente de la
monarchie et de l'Église […] Cette centralisation progressive s'accomplit au
prix d'un nivellement, potentiellement révolutionnaires. ("Les libertés
privilégiées doivent périr sous la force centralisante, qui doit tout broyer pour
tout égaler"). Or, à cette apologie de la centralisation et de son pouvoir
d'égalisation succèdent les références précises à la révolution de Juillet, dont on
comprend qu'elle s'inscrit dans le mouvement." (pp.7-8)
« Tout en proposant une analyse « sociologique » avant l’heure des classes, des
rapports sociaux et des formes de domination, Le Peuple est entièrement centré
sur les modes d’existence de la partie « la plus méconnue » et pourtant la « plus
importante » de la société française contemporaine. Ce peuple méconnu est
l’objet du voyage intellectuel de l’historien : en se rendant dans ses lieux
d’existence, en en répertoriant les passions et les élans, les désirs et les utopies,
Michelet souhaite contribuer à la production d’un peuple politique. En d’autres
termes, approfondir, à travers les logiques du savoir, la marche de la
démocratie. » -Federico Tarragoni, « Le peuple et son oracle. Une analyse du
1297
populisme savant à partir de Michelet », Romantisme, 2015/4 (n° 170), p. 113-
126. DOI : 10.3917/rom.170.0113. URL : https://www.cairn.info/revue-
romantisme-2015-4-page-113.htm
Amazon.fr - Jules Michelet, L'Homme histoire - Petitier, Paule - Livres
1298
Il n'est pas dans l'histoire une tache de sang
1301
questions qui ressortissent à la souveraineté collective, la guerre du tout contre
la fraction est insurrection, l'attaque de la fraction contre le tout est émeute ;
selon que les Tuileries contiennent le roi ou contiennent la Convention, elles
sont justement ou injustement attaquées. Le même canon braqué contre la foule
a tort le 10 août et raison le 14 vendémiaire. Apparence semblable, fond
différent ; les suisses défendent le faux, Bonaparte défend le vrai. Ce que le
suffrage universel a fait dans sa liberté et dans sa souveraineté ne peut être
défait par la rue. De même dans les choses de pure civilisation ; l'instinct des
masses, hier clairvoyant, peut demain être trouble. La même furie est légitime
contre Terray et absurde contre Turgot. Les bris de machines, les pillages
d’entrepôts, les ruptures de rails, les démolitions de docks, les fausses routes
des multitudes, les dénis de justice du peuple au progrès, Ramus assassiné par
les écoliers, Rousseau chassé de Suisse à coups de pierres, c'est l'émeute. Israël
contre Moïse, Athènes contre Phocion, Rome contre Scipion, c'est l'émeute ;
Paris contre la Bastille, c'est l’insurrection. » -Victor Hugo, Les Misérables,
1862, Livre dixième : LE 5 JUIN 1832, II « Le fond de la question ».
« Le beau n’est pas dégradé pour avoir servi à la liberté et à l’amélioration des
multitudes humaines. Un peuple affranchi n’est point une mauvaise fin de
strophe. » -Victor Hugo, William Shakespeare, 1864.
« Pour que la croissance humaine soit normale, il faut que la France soit
entière ; une province qui manque à la France, c’est une force qui manque au
progrès, c’est un organe qui manque au genre humain ; c’est pourquoi la
1304
France ne peut rien concéder de la France. Sa mutilation mutile la civilisation »
-Victor Hugo.
« Les nations ont au-dessus d’elles quelque chose qui est en dessous d’elles, les
gouvernements. A de certains moments, ce contresens éclate: la civilisation est
dans les peuples, la barbarie est dans les gouvernants. Cette barbarie est-elle
voulue ? Non. Elle est simplement professionnelle. Ce que le genre humain sait,
les gouvernements l’ignorent. Cela tient à ce que les gouvernements ne voient
rien qu’à travers cette myopie, la raison d’Etat; le genre humain regarde avec
un autre œil, la conscience. »
Versez votre trop-plein dans cette Afrique, et du même coup résolvez vos
questions sociales, changez vos prolétaires en propriétaires. » -Victor Hugo,
lors d'un banquet commémoratif de l’abolition de l’esclavage, 18 mai 1879.
« Victor Hugo, gloire littéraire nationale s’il en fut, a été traîné dans la boue
par toute la presse versaillaise, non pas pour avoir soutenu la Commune, mais
pour s’être indigné des excès de la répression. Victor Hugo échappe à la haine
vulgaire dominante et se désole de la déchirure dans le corps social de la nation
française. » -José Chatroussat, « La haine du prolétariat par les classes
dominantes », Variations [En ligne], 15 | 2011, mis en ligne le 01 février 2012,
consulté le 24 octobre 2017.
1306
« Quand on se figure ce qu’était la poésie française avant qu’il apparût, et quel
rajeunissement elle a subi depuis qu’il est venu ; combien de sentiments
mystérieux et profonds, qui ont été exprimés, seraient restés muets ; combien
d’intelligences il a accouchées, combien d’hommes qui ont rayonné par lui
seraient restés obscurs, il est impossible de ne pas le considérer comme un des
ces esprits rares et providentiels qui opèrent, dans l’ordre littéraire, le salut de
tous, comme d’autres dans l’ordre moral et d’autres dans l’ordre politique. »
"L'un des griefs les plus tenaces de Baudelaire à l'égard de Hugo est sa
prétention à vouloir délivrer un enseignement par la poésie." (p.975)
« Victor Hugo : riche et plus riche en trouvailles pittoresques, avec des yeux de
peintre qui regardent le visible, tout le visible, sans goût ni discipline, de façon
plate et démagogique, sur le ventre, comme un esclave, devant tous les mots qui
sonnent, un flatteur public, avec ce ton d’évangéliste pour défendre tous ceux
qui occupent le bas, les ratés, les opprimés, mais sans la moindre idée ce que
peut être la conscience intellectuelle et la grandeur du petit nombre. Son esprit
agit sur les Français à la manière d’une boisson alcoolique : il enivre et rend
bête. Son bavardage assourdissant vous met tout de plein les oreilles : et l’on
souffre comme dans un train qui traverse un tunnel. » -Nietzsche, Œuvres
philosophiques complètes, volume X, p.300-301.
1307
« Je ne crois pas à la descendance de Victor Hugo. Il emportera le romantisme
avec lui, comme une guenille de pauvre dans laquelle il s'est taillé un manteau
royal. » -Émile Zola.
« Quant à Hugo, vers 1860, il était, avec toute sa gloire, assez généralement
incompris. [...] L'opinion cultivée allait s'écarter d'un poète qu'elle pensait
connaître et à qui les critiques autorisés (Faguet, entre autres) allaient
reprocher, en toute naïveté et par un malentendu portant sur l'essence même de
la poésie, et de n'avoir pas d'idées, ou d'avoir les idées de tout le monde. » -
Marcel Raymond, De Baudelaire au surréalisme. Essai sur le mouvement
poétique contemporain, Paris, Éditions R. -A. Corrêa, 1933, 413 pages, p.15.
« Les lecteurs modernes, en particulier les jeunes, qui ont été élevés avec le
genre de littérature à côté duquel Zola passe pour Romantique en comparaison,
doivent être avertis qu’une première rencontre avec Hugo pourrait être
choquante pour eux : c’est comme sortir d’un souterrain obscur, rempli de
gémissements de semi-cadavres purulents, vers un éclat de soleil aveuglant. […]
Critiquer Hugo sur le fait que ses romans ne traitent pas des lieux communs
quotidiens des vies moyennes, c’est critiquer un chirurgien pour le fait qu’il ne
passe pas son temps à éplucher les pommes de terre. Considérer comme une
1308
défaillance de Hugo le fait que ses personnages soient « plus grands que la vie »
équivaut à considérer comme une défaillance de l’avion le fait qu’il vole. […]
Un grand nombre de choses hors-sujet ont été dites et écrites sur ce roman. Au
moment de sa publication, en 1874, il n’a pas été favorablement accueilli par
l’énorme public de Hugo ou par les critiques. L’explication généralement
donnée par les historiens littéraires est que le public français ne sympathisait
pas avec un roman qui semblait glorifier la première révolution, à une époque
où le sang et les horreurs récentes de la Commune de Paris de 1871 étaient
encore frais dans la mémoire du public. Deux des biographes modernes d’Hugo
se réfèrent au roman comme suit : Matthew Josephson, dans Victor Hugo, le
mentionne comme une « romance historique » avec des « personnages idéalisés
» ; André Maurois, dans Olympio ou la Vie de Victor Hugo, énumère un certain
nombre de relations personnelles de Hugo avec le contexte de l’histoire (comme
le fait que le père de Hugo combattait en Vendée, du côté républicain). […]
Hugo le penseur était un archétypique des vertus et des erreurs fatales du dix-
neuvième siècle. Il croyait en un progrès humain illimité et automatique. Il
croyait que l’ignorance et la pauvreté étaient les seules causes du mal humain.
Sentant une énorme et incohérente bienveillance, il était impatient d’abolir toute
forme de souffrance humaine et il proclamait des fins, sans penser aux moyens :
il voulait abolir la pauvreté, sans aucune idée sur la source de la richesse ; il
voulait que le peuple soit libre, sans aucune idée de ce qui est nécessaire pour
garantir la liberté politique ; il voulait établir la fraternité universelle, sans
aucune idée sur le fait que la force et la terreur ne l’établiraient pas. Il prenait
la raison pour acquise et ne voyait pas la contradiction désastreuse d’essayer de
la combiner avec la foi — bien que sa forme particulière de mysticisme n’était
pas de la variété orientale abjecte, mais était plus proche des fières légendes des
Grecs, et son Dieu était un symbole de la perfection humaine, qu’il adorait avec
une certaine confiance arrogante, presque comme un égal ou un ami personnel.
[…]
1309
Même si aucun autre artiste n’avait jamais projeté un univers aussi
profondément joyeux que le sien, il y a une touche sombre de tragédie dans tous
ses écrits. La plupart de ses romans ont des fins tragiques — comme s’il était
incapable de concrétiser la forme dans laquelle ses héros pourraient triompher
sur terre, et qu’il ne pouvait guère que les laisser mourir au combat, avec une
intégrité inébranlable comme seule affirmation de leur loyauté envers la vie ;
comme si, pour lui, c’était la terre, et non le ciel, qui représentait un objet de
désir, qu’il ne pourrait jamais atteindre ou gagner complètement. […]
Telle était la nature de son conflit : mystique dans ses convictions conscientes, il
était passionnément amoureux de cette terre ; altruiste, il adorait la grandeur de
l’homme, non ses souffrances, ses faiblesses ou ses maux ; avocat avoué du
socialisme, il était un individualiste farouchement intransigeant ; champion de
la doctrine d’après laquelle les émotions sont supérieures à la raison, il a atteint
la grandeur de ses personnages en les rendant tous superbement conscients,
pleinement conscients de leurs motivations et de leurs désirs, entièrement
focalisés sur la réalité et agissant en conséquence — de la paysanne de
Quatrevingt-Treize à Jean Valjean dans Les Misérables. Et c’est le secret de
leur propreté particulière, c’est ce qui donne à un mendiant la stature d’un
géant, cette absence d’irrationalité aveugle, de dérive stupide et floue ; c’est la
marque de tous les personnages de Hugo ; c’est aussi la marque de l’estime de
soi humaine. » -Ayn Rand, préface à une édition américaine de Quatrevingt-
Treize de Victor Hugo, publiée en 1962. Repris en chapitre dans The Romantic
Manifesto.
1310
Les romantiques libéraux ne sont pas à confondre, cependant, avec les libéraux
tout court. Chez ces derniers –par exemple chez un Victor Cousin ou un Paul-
Louis Courier en France, et chez les philosophes de l’ « Utilitarism » comme
Bentham en Angleterre- il manque totalement la dimension critique et la
nostalgie du passé qui caractérisent la vision romantique ; chez eux on trouve
tout simplement une célébration du nouvel ordre bourgeois et de sa victoire sur
les forces du passé. Les romantiques libéraux par contre, représentent une
contradiction étonnante : ils sont à la fois critiques et non-critiques vis-à-vis du
présent. A notre avis ce paradoxe peut s’expliquer par deux facteurs, l’un
historiquement contingent et l’autre essentiel au romantisme. En premier lieu,
ce type contradictoire surgit dans la situation historique du début du XIXème
siècle, et plus particulièrement de la Restauration en France ; dans ce contexte
il pouvait sembler que la source des maux du présent, et donc l’ennemi principal
à combattre, était non pas l’ordre bourgeois mais la réaction aristocratique et
tout ce qui restait de l’Ancien Régime. D’autre part, il manquait encore une
prise claire des nouvelles forces sociales en place, une conscience que le Tiers-
Etat avait éclaté en deux classes antagonistes. » (p.159)
« Malgré le fait qu’il était un véritable Protée politique, et que par certains
côtés il pourrait sembler se rapprocher des « jacobins-démocrates », ou même
d’un socialisme humanitaire, en général l’œuvre de Hugo –après la première
période monarchiste- nous semble correspondre précisément à ce phénomène
du romantisme libéral : lui pour qui l’écrivain devait exprimer pleinement son
époque, l’a exprimée justement par ses deux côtés contradictoires, non
seulement par la révolte mais aussi par l’intégration. » (p.161)
Victor Hugo [...] prône la suppression des droits de douane car il voit dans le
libre-échange un facteur d'amélioration des conditions de vie de la classe
ouvrière. En effet, il espère que l'ouverture des entreprises françaises à la
concurrence entraînera une baisse des prix des produits à la consommation et,
partant, une augmentation du salaire réel des ouvriers. C'est pourquoi il dit:
"Savez-vous ce qui sort de vos lois protectionnistes ... ? La misère !"
1311
Cependant, la baisse des prix liées à l'augmentation de la production et à
l'ouverture sur la concurrence ne peut entraîner une augmentation des salaires
réels que si elle ne provoque pas une baisse des salaires nominaux.
Pour ce faire, Victor Hugo est favorable à la suppression de la fiscalité
indirecte, qui touche à la consommation. "Abolissez en outre ces impôts de
consommation". En effet, la suppression des impôts sur la consommation crée
pour les entreprises une marge supplémentaire qui leur permet de conserver le
même niveau de profits malgré une baisse des prix non compensée par la baisse
des salaires des ouvriers.
La suppression des impôts indirects nécessite évidemment la suppression de
certaines dépenses publiques, ce qui, aux yeux de Victor Hugo, implique une
réduction des budgets militaires par la suppression des armées de métier et leur
remplacement par des milices populaires chargées uniquement de défendre le
territoire. [...]
Pour réduire les dépenses publiques inutiles, Victor Hugo prône aussi la
séparation de l'Eglise et de l'Etat. "Vous pourriez, comme les Etats-Unis
d'Amérique, laisser rétribuer chaque culte par ses fidèles".
Ainsi, Victor Hugo dénonce la mauvaise gestion des budgets publics comme
source de misère et de pauvreté." (p.194-195)
-Pascal Melka, Victor Hugo, un combat pour les opprimés. Étude de son
évolution politique, La Compagnie Littéraire, 2008, 543 pages.
« Navire maudit, proprement infernal, il est l’emblème d’un XIXe siècle qui a
trahi la mission historique qu’il avait reçue de la Révolution française en se
faisant l’agent du mal, en l’occurrence le colonialisme qui est très clairement
dénoncé dans l’entreprise guerrière du Léviathan. Aussi Hugo, dans sa volonté
de sauver l’histoire sans que celle-ci soit entachée par un XIXe siècle qui a failli
à sa mission historique, présente-t-il ce bateau comme un débris du passé, et en
aucune façon comme une image positive du progrès. Littéralement le progrès est
au fond de l’eau. Pour des raisons extrêmement complexes, qui touchent à
l’économie idéologique et politique de La Légende des Siècles, Hugo a fait
naufrager dans ce poème la prophétie euphorique qui était délivrée dans Le
Satyre. L’examen de ces raisons n’entrant pas directement en ligne dans notre
exposé, nous les laisserons de côté, insistant plutôt sur le fait que la révolution
technique des temps modernes se révulse en archaïsme mythologique, au regard
d’un observateur qui se place au XXe siècle pour apprécier l’œuvre du XIXe. La
mythologie ici, à la différence de qui se passait dans Le Rhin ou dans
1313
Melancholia, ne concourt pas seulement à donner une représentation littéraire
d’une réalité que sa nouveauté fait échapper précisément à la représentation,
elle a un enjeu idéologique : elle désigne un régime historique dépassé, celui du
mythe qui ne participe pas de l’histoire, celle que Hugo dans William
Shakespeare appellera « l’histoire réelle » qui relève d’une historicité non-
historique, exactement préhistorique. Il est à nos yeux capital que cette réalité
industrielle et technique soit complètement tournée par Hugo du côté de
l’archaïque, et non pas du moderne. Ce n’est pas du tout, précisons-le, réflexe
passéiste et rétrograde de la part de Hugo face au modernisme ; cela exprime
bien plutôt la conscience des limites d’un tel progrès, mis au service
d’ambitions qui n’ont rien de progressistes. « Ce sinistre vaisseau les aidait
dans leur œuvre », est-il écrit à propos des hommes du XIXe siècle ayant «
imaginé de s’entre-dévorer », en réduisant en esclavage leurs semblables.
Quelle mélancolie est à l’œuvre dans cette vision des choses ? Elle est d’une
nature philosophique, mais pas affective. La mélancolie est dans le regard
amont que porte Hugo sur tout un XIXe siècle technicien et prométhéen, elle est
dans la vision de ruine sur laquelle s’ouvre le poème, et où est offert le tableau
hideux du navire du progrès à l’état d’épave, comme elle est dans le mouvement
final du poème. »
http://academienouvelle.forumactif.org/t6229-myriam-roman-ce-cri-que-nous-
jetons-souvent-le-progres-selon-hugo#7341
http://groupugo.div.jussieu.fr/Groupugo/Textes_et_documents/Laforgue_Politiq
ue%20de%20Hernani.pdf
https://www.amazon.fr/Hugo-Henri-
Guillemin/dp/2020210126/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1499293863&s
r=1-1&keywords=Henri-Guillemin-Hugo
https://www.amazon.fr/Choses-vues-Victor-
Hugo/dp/225316092X/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1499293570&sr=1
-1&keywords=victor+hugo+choses
https://www.amazon.fr/Ecrits-politiques-Victor-
Hugo/dp/2253905879/ref=pd_sim_14_1?_encoding=UTF8&psc=1&refRID=H
W6PHQN9EBPADBF1M7AN
http://www.amazon.fr/Victor-Hugo-philosophe-Charles-
Renouvier/dp/2706815795/ref=sr_1_11?ie=UTF8&qid=1452856133&sr=8-
11&keywords=charles+renouvier
1315
Charles-Augustin Sainte-Beuve (1804-1869): « Je puis goûter une œuvre, mais
il m’est difficile de la juger indépendamment de la connaissance de l’homme
même. » -Sainte-Beuve, Nouveaux Lundis, 22 juillet 1862.
« Que l’humanité est une sale et dégoûtante engeance. Que le peuple est
stupide ! C’est une éternelle race d’esclaves qui ne peut vivre sans bât et sans
joug. »
1316
« Comment l’artiste ne voit-il pas que tous ces hommes voués aux brutalités de
l’action, aux divagations banales, aux rabâchages des mesquines et pitoyables
théories contemporaines ne sont pas pétris du même limon que le sien ? ». »
http://hydra.forumactif.org/t4265-leconte-de-lisle-catechisme-populaire-
republicain-autres-oeuvres#5138
« A-t-il fallu qu'il adorât la Beauté, ce poète englouti dans les ténèbres, pour
l'insulter avec tant de soin, pour s'ingénier, comme il le fait, tout le long de son
livre, à en dénaturer les formules ! » -Léon Bloy, à propos de Lautréamont.
1319
ceux qui fournissaient les lubrifiants et les solvants destinés aux usines
d'armement, aux chemins de fer, aux pièces d'artillerie ou encore aux rouages
des premiers navires de guerre cuirassés. En février 1865, au cours de la
bataille de Welmington (Caroline du Nord), à l'issue de laquelle tomba le
dernier port en eaux profondes contrôlé par les confédérés, l'armée nordiste
était capable de faire pleuvoir une centaine d'obus à la minute. » -Matthieu
Auzanneau, Or Noir. La grande histoire du pétrole, Éditions La
Découverte/Poche, 2016, 881 pages, p.31.
http://hydra.forumactif.org/t2020-karl-marx-oeuvre#4548
http://www.amazon.fr/guerre-S%C3%A9cession-1861-1865-James-
McPherson/dp/2221067428/ref=pd_sim_14_4?ie=UTF8&dpID=51d7Co-
sWbL&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR106%2C160_&refRID=0PKPYB
N9J9C2CKDX65G2
L’ère victorienne (1837-1901) : « The history of the Victorian Age will never
be written; we know too much about it. For ignorance is the first requisite of the
historian--ignorance,which simplifies and clarifies, which selects and omits,
with a placid perfection unattainable by the highest art. Concerning the Age
which has just passed, our fathers and our grandfathers have poured forth and
accumulated so vast a quantity of information that the industry of a Ranke
1324
would be submerged by it, and the perspicacity of a Gibbon would quail before
it. It is not by the direct method of a scrupulous narration that the explorer of
the past can hope to depict that singular epoch. If he is wise, he will adopt a
subtler strategy. He will attack his subject in unexpected places; he will fall
upon the flank, or the rear; he will shoot a sudden, revealing searchlight into
obscure recesses, hitherto undivined. He will row out over that great ocean of
material, and lower down into it, here and there, a little bucket, which will bring
up to the light of day some characteristic specimen, from those far depths, to be
examined with a careful curiosity. » -Lytton Strachey (1880-1932), Preface to
Eminent Victorians, 1918.
“Trop d’entre nous sont enclins à situer notre âge d’or dans le passé… Presque
tout le monde s’accorde dans un consentement commun à dévaluer et insulter le
present. Nous avouons que ne pouvons partager leur deception ni faire écho à
leurs plaintes. Nous considérons le passé avec respect et affection car c’est le
passage qui nous a permis d’atteindre la position élevée et avancée qui est en
fait la nôtre et du Futur, nous espérons la réalisation de ces rêves, presque de
perfection, auxquels une comparaison du Passé avec le Présent nous permet de
nous laisser aller. Mais nous ne voyons aucune raison d’être mécontents du
rythme de nos progrés ni du stade reel auquel nous sommes parvenus […]
Peut-être la meilleure façon de nous render compte […] des progress reels
accomplish au cours du demi-siècle serait-elle de nous imaginer soudainement
transportés en l’an 1800, avec toutes nos habitudes, nos espoirs, nos exigences
et notre niveau de vie reposant sur les superflus et les dispositifs rassemblés
autour de nous en 1850.
Nous trouverions nos lois criminelles dans un état digne de Dracon ; des
executions par douzaines ; le vol de cinq shillings passible de sanctions et puni
aussi aisément que le viol et le meurtre ; l’esclavage et la traite des esclaves
florissant dans leur plus glorieuse atrocité. Nous trouverions la liberté
individuelle à son plus bas ; la liberté de parler et d’écrire entravée par la peur
et souvent par le danger ; les droits religieux foulés aux pieds ; les catholiques
esclaves et non citoyens ; les dissidents toujours exclus et méprisés. Le
Parlement n’était pas réformé ; la corruption flagrante et éhontée ; les
gentlemen buvaient une bouteille quand ils boivent maintenant un verre et
mesuraient leur capacité au nombre de coupes ingurgitées et la médaille de la
temperance était une chose à laquelle nul ne songeait. Finalement, on pensait
bien peu aux gens à cette époque, alors que maintenant ils constituent le
principal sujet de débat et d’action politique ; les bateaux à vapeur étaient
inconnus et une traversée vers l’Amérique prenait huit semaines au lieu de dix
jours ; et tandis qu’en 1850 une population de près de 30 000 000 millions
d’habitants payait 50 000 000 de livres d’impôts, en 1801, une population de
15 000 000 ne payait pas moins de 63 000 000.” -The Economist, 18 janvier
1851, cite dans Alain Jumeau, L’Angleterre victorienne.
"[La Révolution industrielle] a commencé dès le XVIIIe siècle, stimulée par une
série de facteurs favorables.
1326
1.1. Les facteurs techniques.
"La mise au point de la machine à vapeur par l'Écossais James Watt (1736-
1819), qui dépose son premier brevet en 1769 et ne cesse d'améliorer son
invention jusqu'en 1782, révolutionne l'industrie et les transports. L'industrie
textile est la première bénéficiaire de la vapeur, appliquée à la spinning jenny,
la machine à filer inventée, en 1768, par le mécanicien anglais James
Hargreaves (1710-1778). En 1785, Edmund Cartwright (1743-1823) met au
point un métier à tisser mécanique mû par la machine à vapeur de Watt.
La machine à vapeur révolutionne également l'agriculture: la première batteuse
à vapeur apparaît en 1810 et la moissonneuse McCormick en 1826. Dans les
campagnes, la machine à vapeur asservit les hommes, les dépersonnalise,
comme dans les villes industrielles, et contribue également à l'exode rural."
(pp.112-113)
"Une monnaie forte et un système bancaire sans égal. - Le Gold Standard Act de
1816 rend la livre convertible en or. En 1844, deux lois établissent les droits et
devoirs de la Bank of England: le Bank Charter Act lui attribue le monopole de
l'émission de la livre sterling et le Currency Principle Act lui impose d'avoir une
encaisse-or représentant le tiers de la masse monétaire en circulation. Elle doit
donc acheter de l'or quand elle veut émettre de la monnaie papier. Ces règles
contribuent à la grande stabilité de la livre et font de Londres le principal
marché mondial de l'or.
Vers 1820, on compte une centaine de banques privées à Londres et un millier
dans l'ensemble du pays. L'abondance du crédit stimule l'entreprise. Dans la
seconde moitié du XIXe siècle, les Big Eight dominent la City: Midland, Lloyd's,
Barclay's, District, Martins, Westminster, National Provincial, London and
County." (p.118)
1329
"Alors que la France, qui fut la "Chine de l'Europe", sort exsangue des guerres
napoléoniennes et voit sa population stagner au XIXe siècle, le Royaume-Uni
connaît une remarquable expansion démographique, sa population passant de
15.6 millions d'habitants en 1801 à 27.3 millions en 1851 et 41.5 millions en
1901, soit une croissance de 166% en un siècle. Pour l'Angleterre seule, la
croissance atteint même 270%: 8.8 millions d'habitants en 1801 et 32.5 millions
en 1901. […]
La croissance globale de 166% entre 1801 et 1901, est d'autant plus
remarquable que la population est amputée par une très forte émigration,
surtout dans la seconde moitié du XIXe siècle: le nombre des émigrants, qui est
de 500 000 entre 1815 et 1850 passe de 7 millions entre 1850 et 1900. Cette
capacité du Royaume-Uni à envoyer ses enfants peupler le monde est un facteur
essentiel de son hégémonie. De plus, l'économie britannique dispose d'une
main-d'œuvre abondante et d'un marché intérieur considérable, surtout à partir
des années 1850, marquées par un progrès général du niveau de vie." (pp.119-
120)
tableau p.133
"En 1848, l'Angleterre possède 670 000 métiers à tisser mécaniques contre 121
000 à la France. […] En 1870, les quelques 60 000 usines textiles du royaume
emploient encore 2.6 millions d'ouvriers." (p.134)
"Les ports britanniques sont de loin les premiers du monde jusqu'à la fin du
siècle. En 1870, Marseille, avec un trafic de 2 millions de tonnes, vient loin
derrière Londres: 4 millions de tonnes. En 1888, Londres atteint les 13 millions,
mais le trafic de Liverpool est presque aussi considérables." (p.135)
"Le revenu moyen par habitant, qui était de 13 livres en 1801, passe à 52 £ en
1901. En 1860, alors qu'il atteint 33 £, il n'est que de 21 £ en France et 13 £ en
Allemagne. En 1863, Gladstone peut évoquer orgueilleusement "l'étourdissant
accroissement de richesses" de son pays." (p.137)
« Selon Philip Harling et Peter Mandler, l’État libéral est issu non d’une
adaptation mécanique à la nouvelle économie, mais à une volonté politique forte
de restaurer la confiance dans des institutions discréditées. Le passage de l’État
militaro-fiscal à l’État libéral n’est pas le résultat mécanique d’un essor de la
1332
bourgeoisie qui serait venue remplacer les élites traditionnelles : ce sont au
contraire ces dernières qui entamèrent les réformes qui devaient être qualifiées
a posteriori de « libérales », et dont l’objet était de réformer l’État dans la
tradition whig. Ainsi l’abandon des lois sur les grains par Robert Peel en 1846,
qui divisa le parti conservateur et mit fin à la carrière politique de celui-ci, ne
reflétait pas seulement l’influence de la Ligue pour l’abolition des lois sur les
grains (Anti-Corn Law League) de Richard Cobden. Il était motivé d’abord par
le désir de mettre fin à l’un des principaux privilèges hérités de l’État militaro-
fiscal. Les tentatives du Chancelier de l’Échiquier, puis Premier Ministre,
William Gladstone pour éliminer complètement l’impôt sur le revenu reflètent
un même souci de rompre avec la Old Corruption. Colin Matthew en a éclairé
les motivations profondes : limiter l’impôt au maximum en temps de paix, c’est
obliger les gouvernements futurs à justifier devant le Parlement toute nouvelle
augmentation des prélèvements, et donc à en démontrer la nécessité morale. »
« Les études portant sur cette période se sont longtemps focalisées sur deux
thèmes principaux : le déclin relatif de l’économie britannique à partir des
années 1870, et l’essor progressif d’un État social, qui connaît une accélération
rapide à partir de 1906 et pose les bases de l’État-providence ultérieur. Qu’ils
insistent sur l’émergence d’un « collectivisme » économico-législatif
indépendant de tout mouvement d’opinion, sur le déclin des valeurs industrielles
urbaines ou sur l’essor d’un « nouveau libéralisme » influencé par le
travaillisme émergeant et par la philosophie idéaliste, ces travaux s’accordent
pour voir dans cette double évolution la fin d’un âge d’or libéral qui aurait
débuté après l’abolition des lois sur le grain (Corn Laws) en 1846, et aurait
culminé avec l’essor du parti libéral de Gladstone dans les années 1860 et
1870. »
1333
La différence peut se résumer d’une formule. Alors que Karl Polanyi décrivait
la situation des sociétés industrielles et libérales à l’aide du terme «
désencastrement », les historiens évoquent aujourd’hui un « encastrement »
(embeddedness) de l’économie. Au lieu de lire l’histoire anglaise du XIXe siècle
comme celle du projet (impossible) de désencastrement du marché, ils ont
montré que les comportements économiques y étaient tout aussi encastrés dans
les institutions, les relations sociales, les règles juridiques et les normes morales
que dans n’importe quelle autre économie. » -Julien Vincent, « Industrialisation
et libéralisme au XIXe siècle : nouvelles approches de l’histoire économique
britannique », Revue d'histoire du XIXe siècle [En ligne], 37 | 2008, mis en ligne
le 01 décembre 2010, consulté le 10 mai 2020.
"Nombre d'étude ont montré que la majorité des soldats [des armées coloniales]
ne décédait pas à la suite d'actes guerriers mais de maladies. [...]
Pendant la première moitié du XIXe siècle, 6% seulement des soldats de l'armée
coloniale britannique moururent sur le champ de bataille. Tous les autres
moururent après avoir contracté une maladie." (p.81)
"La première grande étude qualitative qui ait tenté d'analyser l'importance
économique de l'Empire britannique a été réalisée par deux historiens
américains: L. Davis et R. Huttenback du California Institute of Technology. Ils
ont collecté une très grande quantité de données et les ont ensuite analysées au
moyen de méthodes statistiques pointues. Leur livre, intitulé Mammon and the
Pursuit of Empire, essaie de répondre à la fameuse question que l'on s'est
toujours posée: "l'Empire a-t-il rapporté ?". Leur réponse, négative, est peut-
être un peu décevante. Après 1880, les marges bénéficiaires effectivement
élevées qui étaient perçues au début sur les investissements coloniaux
commencèrent à diminuer, jusqu'à atteindre des valeurs inférieures au niveau
de recettes comparables tirées d'autres destinations d'outre-mer ou
d'investissements réalisés en Angleterre même. Hobson et Lénine ont donc fait
fausse route lorsqu'ils ont étudié la relation entre les capitaux excédentaires et
la nécessité d'une expansion d'outre-mer." (p.498)
« Le nouveau roi Edouard VII reprend la tradition inaugurée par sa mère : il est
à son tour couronné empereur des Indes lors d’un grand durbar à Delhi, comme
le seront ses successeurs (à commencer par Georges V, couronné à Delhi en
1911 […] C’est également sous son règne, à partir de 1904, que le mai, jour
anniversaire de la naissance de Victoria, devient l’Empire Day. » (p.63)
« Le dernier tiers du XIXe siècle et les premières années du XXe voient une
reconfiguration de la position mondiale du Royaume-Uni. La montée en
puissance d’Etats concurrents (Allemagne et Etats-Unis surtout) remet en cause
la domination sans partage qu’il exerçait jusqu’alors. Ces contestations se
voient dans le domaine économique, avec un déclin relatif de l’économie
britannique, mais aussi diplomatique et militaire. Les années 1900-1914 sont un
moment de cristallisation des contestations du modèle et de la domination
britannique. […]
« Pendant près de quatre siècles, les rois d’Angleterre avaient tenté d’annexer à
leur domaine la France, l’Écosse et l’Irlande. La perte de Calais en 1558
marque la fin des possessions anglaises sur le continent européen (la Couronne
britannique ne renonce néanmoins à ses revendications sur la Couronne de
France qu’en 1801), mais l’ère des Grandes Découvertes ouvre de nouvelles
perspectives dans le sillage des empires portugais, espagnol, hollandais et
1339
français en Amérique. La fin de la guerre anglo-espagnole en 1604 (marquée
auparavant par la défaite de l’Invincible Armada en 1588) permet aux Anglais
de fonder leurs premières colonies en Amérique du Nord, aux Caraïbes et en
Inde. » (p.97)
L’Empire britannique ne résulte […] pas d’un grand dessein fixé à l’avance,
mais d’une succession de politiques plus ou moins cohérentes qui aboutirent à
la constitution d’un ensemble sur lequel « le soleil ne se couche jamais ». »
(p.99)
« Les utilitaristes, tel James Stuart Mill dans son ouvrage History of British
India (1818), estiment que l’Inde est une « ardoise vierge » qui ne demande qu’à
être développée. » (p.102)
1340
des propriétaires indigènes. En dépit des réticences de leur gouvernement,
soucieux de s’épargner de nouvelles dépenses, les colons parviennent à faire
triompher leur cause à Londres, et par le traité de Waitangi (1840) entre la
Couronne britannique et les représentants des populations indigènes maories, la
Nouvelle-Zélande rejoint l’empire et se place sous la souveraineté de la jeune
reine Victoria, qui laisse aux chefs coutumiers leurs rôles locaux. L’agriculture
et l’élevage permettent par la suite à cette nouvelle colonie de prospérer.
Comme l’Australie, elle tire parti de la forte demande de laine induite par la
révolution industrielle, et s’impose comme une colonie de peuplement
britannique dans le Pacifique, au détriment des populations autochtones
réduites à vivoter, étrangères sur leurs propres terres, ou à se retirer vers
l’intérieur. » (p.105)
“By 1914, with nearly a quarter of the earth’s population and land mass the
empire was the largest the world had known.” (p.197)
“The gains to Britain from ruling India (for example) can be measured as the
amount by which Britain benefited from its economic relationship with India
minus the benefits she would have gained if Britain had not ruled India but
merely traded with India.” (p.199)
“West African purchases of British goods quadrupled between 1870 and 1913 at
the same time that British rule spread from a few enclaves to significant
territorial sovereignty.” (p.203)
“Not only was India self-supporting but Indian troops and funds were regularly
used for empire military actions in Africa and Asia. According to Mukerjee
(1972), some £0.4 million c. 1870 and, employing his methods, £4 million c.
1913 were transferred to Britain for (a) unjustified debt service for wars which
an independent India would not have undertaken, (b), military expenditures for
campaigns in Africa and Asia and (c) civil charges for empire operations
outside India.” (p.210)
1342
“The “strong non-imperialist” standard counterfactually assumes that the
empire never came into being, hence a trading (empire-less) Britain would have
had to spend something to make the waters off Asia, Africa and the Americas
safe for commercial activity in the eighteenth and nineteenth centuries. How
much naval expense would have been necessary ?” (p.213)
“Great Britain spent £44.029 billion on the First World War ; the empire spent
£4.494 billion (Bogart 1921: 105). Thus, Great Britain’s direct expenditures
might have been 10.2 per cent higher without empire support. […] More
significantly, Britain lost 744 000 persons in military uniform while the empire
lost 225 000 (Mendershausen 1943: 361). British wartime deaths might
therefore have been 30.2 per cent higher in the absence of empire support.”
(p.215-216)
-Michael Edelstein, “Imperialism: cost and benefit”, Roderick Floud & Donald
mcCloskey (ed.), The Economic History of Britain since 1700, vol 2: 1860-
1939, Cambridge University Press, 1994 (1981 pour la première edition
britannique), 510 pages, pp.197-216.
« Le pétrole anglais puisé en Perse sera commercialisé à partir de 1916 par une
société baptisée British Petroleum (BP). Le Moyen-Orient vient de faire son
apparition sur l'échiquier pétrolier mondial. » (p.120)
« Pour l’Amirauté, il devient évident que la Royal Navy doit disposer de ses
propres sources d’approvisionnement. […] A Westminster, le 17 juin 1914,
Winston Churchill se lève devant le Parlement pour défendre un projet de loi
1343
autorisant le gouvernement à acquérir 51% des parts de l’Anglo-Persian Oil
Company. […] Le projet de loi est adopté à une écrasante majorité. » (p.123)
"There was a drop in the crime rate of nearly fifty percent in the second half of
the 19th century; again in dramatic contrast to the crime rate in our own times
which in the past thirty years has risen ten-fold. The low crime rate was a
reflection of the Victorian virtues – work, temperance, orderliness, and
responsibility.
It was also a reflection of the degree to which this ethos had been internalized.
We tend to think of stigma and sanctions as being externally imposed by society,
by law and coercion. But in fact, what was most characteristic about Victorian
England was the internalization of these sanctions. For the most part they were
accepted by the individual willingly, even unconsciously; they were
incorporated in his superego, as we would now say."
http://hydra.forumactif.org/t3991-patrick-joyce-late-victorian-britain#4841
https://www.amazon.fr/soci%C3%A9t%C3%A9-anglaise-milieu-
si%C3%A8cle-
jours/dp/2020124041/ref=pd_cp_14_1?_encoding=UTF8&psc=1&refRID=BZE
VBMG14JA57PYPMKC7
https://www.amazon.co.uk/Suffer-Still-Women-Victorian-
Age/dp/0253355729/ref=sr_1_1?dchild=1&keywords=Suffer+and+Be+Still+W
omen+in+the+Victorian+Age&qid=1588851756&s=books&sr=1-1
https://www.amazon.fr/Léconomie-Grande-Bretagne-victorienne-François-
Crouzet/dp/2701154677
https://www.amazon.co.uk/Victorians-N-
Wilson/dp/0099451867/ref=bmx_22?_encoding=UTF8&pd_rd_i=0099451867
&pd_rd_r=d27f57db-b708-4cd3-ae22-
ff58f003f8cc&pd_rd_w=FxU60&pd_rd_wg=tmJBu&pf_rd_p=1c67f0c1-d460-
4c49-88d7-
d8384dea5f37&pf_rd_r=XPRZ57A33K4EH2HZFJ9S&psc=1&refRID=XPRZ5
7A33K4EH2HZFJ9S
http://www.amazon.fr/Les-Bas-Fonds-Londres-prostitution-
Victoria/dp/284734425X/ref=pd_sim_14_3?ie=UTF8&dpID=51pyWaduQ-
L&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR103%2C160_&refRID=0Z9NQCAD
XYRN13KGZESZ
https://www.amazon.fr/Visions-People-Industrial-Question-c-1848-
1914/dp/0521447976/ref=tmm_pap_swatch_0?_encoding=UTF8&qid=&sr=
1345
https://www.amazon.fr/famille-ouvri%C3%A8re-dans-lAngleterre-
victorienne/dp/2903528217/ref=sr_1_58?s=books&ie=UTF8&qid=1499293057
&sr=1-58&keywords=victorienne
http://www.amazon.fr/Tender-Passion-Bourgeois-Experience-
Victoria/dp/0393319032/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1452019747&sr=8-
1&keywords=The+Bourgeois+Experience%3A+The+tender+passion
http://www.amazon.com/VICTORIAN-PEOPLE-Reassessment-Persons-
Themes/dp/0140131337/ref=sr_1_2?s=books&ie=UTF8&qid=1429637733&sr=
1-
2&keywords=Victorian+People%3A+A+Reassessment+of+Persons+and+Them
es
http://www.amazon.com/Victorian-Things-Asa-
Briggs/dp/0750933399/ref=pd_sim_sbs_b_1?ie=UTF8&refRID=0EVTGYM2S
3RDVVXSXH47
https://www.amazon.fr/Victorian-Culture-Classical-Antiquity-
Proclamation/dp/0691149844/ref=sr_1_590?__mk_fr_FR=%C3%85M%C3%85
%C5%BD%C3%95%C3%91&dchild=1&keywords=romanticism&qid=159165
3935&s=english-books&sr=1-590
1346
machines, soit par la mise en vigueur des clauses d'apprentissage du Statut des
artisans soit par des actions directes, comme dans le luddisme. Cette attitude
tournée vers le passé se prolongea sous la forme d'un courant souterrain dans
tout le mouvement owénien jusque vers 1850, quand la loi des Dix heures,
l'éclipse du chartisme et le début de l'âge d'or du capitalisme oblitérèrent la
vision du passé. Jusque-là, la classe ouvrière britannique à l'état naissant était
une énigme pour elle-même ; et ce n'est qu'en suivant avec sympathie ses
mouvements à demi conscients qu'il est possible de jauger l'immensité de la
perte que l'Angleterre a subie du fait que sa classe ouvrière a été empêchée de
participer dans l'égalité à la vie de la nation. » -Karl Polanyi, La Grande
Transformation. Aux origines politiques et économiques de notre temps, Paris,
Gallimard, coll. tel, 1983 (1944 pour la première édition états-unienne), 463
pages, p.239.
Pour autant, les formes d’action violente ne furent pas, loin de là, rejetées par le
chartisme. « Par la paix s’il se peut, par la force s’il le faut » : ce slogan est en
soi assez clair. L’un des grands apports de cette étude est d’insister sur la
progressive radicalisation d’un mouvement qui prône le recours aux armes de
manière ouverte. Il y a bien, à plusieurs reprises, un climat insurrectionnel qui
règne sur une partie au moins des militants chartistes. Le mouvement le plus
grave, l’insurrection de Newport (Pays de Galles) en novembre 1839, entraîne la
mort de 22 personnes au moins. M. Chase décrit les formes les plus intéressantes
de cette culture chartiste de l’insurrection : réunion préparatoire dans les
tavernes ; achat ou fabrication d’armes ; élaboration de tactiques d’affrontement
avec les forces de l’ordre ; publication par Francis Macerone des Defensive
Instructions for the People qui ne sont pas sans rappeler les Instructions pour
1347
une prise d’armes de Blanqui. Pourtant, et ce point mériterait d’être davantage
analysé, le bilan humain (nombre de morts ou de blessés) apparaît globalement
très faible. Les affrontements entre chartistes en armes et forces de l’ordre sont
très bien décrits dans leur déroulement : mais autant on saisit bien les stratégies
mises en œuvre de chaque côté, autant on peine à comprendre comment et
pourquoi jamais, en définitive, la guerre des rues ne prit en Grande-Bretagne une
ampleur comparable à celle qu’elle eut dans d’autres pays européens – et pas
seulement en France. Un sentiment s’impose : la description de certaines des
prises d’armes évoquées (ainsi à Halifax en 1842) renvoie à la jacquerie
d’Ancien Régime davantage qu’aux insurrections du XIXe siècle. Effet de
source ou réalité ? De plus, on a parfois le sentiment que la National Charter
Association accompagne le mouvement plus qu’elle ne le dirige.
1348
déportations vers l’Australie ou la Tasmanie, plus rarement condamnations à
mort – jamais suivies d’exécution. »
https://www.amazon.fr/gp/product/2877069532/ref=pd_sim_14_9?ie=UTF8&ps
c=1&refRID=PRANF9TZM54R468772GA
1349
William Ewart Gladstone (1809-1898) et le libéralisme britannique: "A
l'approche de 1860, plusieurs événements d'importance majeure achèvent de
consacrer la montée en puissance politique et intellectuelle du libéralisme
anglais. 1859 est ainsi une année faste à tous égards. Elle voit d'abord
intervenir la naissance officielle d'un liberal party dans lequel se retrouvent
ancien whigs (cette appellation disparaît du coup définitivement de la
toponymie politique) et les radicals. Arborant fièrement et offensivement son
nom, premier du genre à cette échelle en Europe et en tant que parti de
gouvernement, il remporte des élections qui envoient à la Chambre des
communes deux hommes appelés à devenir d'illustres figures du libéralisme
d'outre-Manche, liés d'amitié mais incarnant déjà deux versions distinctes de
l'idée libérale: Lord Acton (1834-1902) et William Gladstone (1809-1898).
Depuis longtemps déjà membre du Parlement, ce dernier redevient d'abord
chancelier de l'Échiquier puis, en 1867, il devient le leader d'un parti qu'il
conduit à la victoire aux élections de 1868, date à laquelle la reine Victoria le
nomme Premier ministre, le premier en outre à pouvoir officiellement porter
l'étiquette "libéral", ce jusqu'en 1874. Par la suite à nouveau locataire à trois
reprises (1880-1885, 1886, 1892-1894) du célèbre 10 Downing Street,
Gladstone va profondément imprimer sa marque en pratiquant un libéralisme
hardiment réformiste en tous domaines. Lord Acton, quant à lui, ne cantonne
pas son activité dans une sphère politique qu'il délaisse vite. Auteur de la si
souvent citée formule "Le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt
absolument", ce grand catholique et historien, professeur à Cambridge, a
manifesté la force de sa fibre libérale au travers d'une oeuvre consacrée à
établir que la liberté est une fin en soi qui donne son sens à toute l'histoire de
l'humanité. Un engagement qui se traduit par la publication à titre posthume de
sa monumentale History of Freedom (1906), où il s'attache en outre à montrer
que l'impératif catégorique de la liberté individuelle implique nécessairement
une claire limitation des pouvoirs et prérogatives de l'Etat. Ce qui le met en
porte à faux avec les nouvelles générations de liberals de plus en plus portés à
préconiser l'intervention croissante des gouvernements en tous domaines.
Mais l'année 1859 est également celle où John Stuart Mill fait paraître On
Liberty, hissé au fil du temps en ouvrage culte de la pensée libérale et placé par
lui sous le patronage moral et intellectuel d'un de ses grands prédécesseurs,
Wilhelm von Humboldt, l'une des plus éminentes figures des Lumières
germaniques." (p.65-66)
-Alain Laurent, "Après Adam Smith, la grande divergence au sein du libéralisme
1350
anglais: figures et évolutions", in Dominique Barjot, Olivier Dard, Frédéric
Fogacci et Jérôme Grondeux (dir.), Histoire de l'Europe libérale. Libéraux et
libéralisme en Europe (XVIIIe - XXIe siècle), Nouveau Monde Éditions, 2016,
359 pages, pp.63-76.
« Le Parti libéral dominait la vie politique britannique depuis les années 1830,
quand il se divisa en 1886 sur la question du gouvernement autonome, ou Home
Rule pour l’Irlande. Après 1886, il dut faire face, d’une part, à un Parti
conservateur revigoré allié aux unionistes libéraux qui refusaient le Home Rule,
d’autre part, à la contestation naissante des socialistes et des syndicalistes. Les
débats historiques autour du Parti libéral de 1886 à 1914 se sont en grande
partie concentrés sur la question de savoir jusqu’à quel point il avait réussi à
contenir ces forces adverses et s’il fallait attribuer son déclin brutal après la
Première Guerre mondiale aux années qui avaient précédé 1914 ou aux
difficultés rencontrées par les libéraux pendant la guerre, en particulier la
scission de 1916 entre les partisans de Herbert Asquith et ceux de David Lloyd
George. L’un des enjeux de ce débat consistait à reconnaître que le libéralisme
n’avait pas été, pendant cette période, un concept statique et qu’il y avait eu
plusieurs tentatives de redéfinition de son programme et de ses orientations.
1352
L’une des plus importantes d’entre elles consista en ce faisceau d’idées qui se fit
connaître sous le nom de Nouveau Libéralisme. »
"Pendant les années 1903-1906, les conservateurs, par exemple, finirent par
abandonner le libre-échange pour se tourner vers une taxation des
importations, ce qu’ils appelaient une « réforme tarifaire » (tariff reform), afin
de stimuler des secteurs vacillants de l’économie et d’encourager la prospérité
nationale et l’unité de l’Empire. Tous les projets visant à accroître
l’intervention de l’État dans l’économie et la société avaient tendance à être
taxés de « socialisme » par ceux à qui ils déplaisaient et qui souhaitaient les
discréditer en les associant au très petit nombre de socialistes engagés qui
avaient commencé à émerger dans les années 1880 au sein d’organisations
comme la Fédération social-démocrate (Social Democratic Federation) ou chez
les Fabiens. Mais il serait plus exact de dire que les socialistes n’étaient eux-
mêmes qu’un symptôme d’une tendance plus générale à ce que l’on pourrait
nommer de manière plus neutre le « collectivisme » dans tous les partis et dans
de nombreux domaines de réflexion, dont l’économie, la sociologie, la
philosophie et la théologie.
"Après le raz de marée libéral lors de l’élection générale de 1906, les rangs des
jeunes députés libéraux comptaient un certain nombre de partisans de la réforme
sociale, notamment Charles F. G. Masterman, un journaliste qui, ayant comme
de nombreux autres nouveaux libéraux mené des enquêtes sociales et pris part à
des actions de terrain, se considérait comme un spécialiste de la question. Afin
de promouvoir leurs opinions, quelques nouveaux libéraux déclarés formèrent
un groupe « collectiviste » de députés de base (backbenchers) rassemblés autour
de leur collègue chevronné sir Charles Dilke. Une analyse des votes libéraux
aux Communes montre qu’il y avait un noyau de vingt-cinq à trente députés
prêts à voter de manière régulière contre leur gouvernement afin de le pousser
plus loin sur le chemin des réformes sociales. Il y avait aussi ceux qui, comme
l’ex-leader du Parti, lord Rosebery, se plaignaient du fait que « le Nouveau
Libéralisme [était] en réalité largement dirigé contre la liberté, alors que le vieux
libéralisme entendait la promouvoir ». Mais, dès 1907, Rosebery, sentant qu’il
était à contre-courant, avait pratiquement rompu ses liens avec le Parti libéral."
"Bon nombre de libéraux n’étaient pas prêts à accepter un fort accroissement des
dépenses, alors même que l’instauration de pensions de vieillesse le rendait
inévitable et que venait s’y ajouter un budget en hausse pour le réarmement
naval. En 1908-1909, le déficit budgétaire atteignait seize millions de livres.
Depuis le milieu des années 1890, les libéraux avaient pris parti en faveur d’une
méthode particulière pour faire face aux dépenses croissantes de l’État, mais ils
n’avaient pas prévu que celles-ci atteindraient de tels niveaux. La méthode en
question reposait sur la « progressivité » de l’impôt direct ; il s’agissait de faire
payer aux plus hauts revenus un plus fort pourcentage de leur richesse qu’à ceux
dont les revenus étaient plus faibles. Cela permettait aux libéraux de ne pas
remettre en cause leur sacro-saint principe de libre-échange, en ne taxant pas les
importations et en faisant supporter les hausses d’impôts au plus petit nombre.
Ce principe avait été appliqué pour la première fois aux droits de succession
dans le budget de 1894. Dans le budget de 1909, il fut également appliqué à
l’impôt sur le revenu et les fortes augmentations des impôts directs progressifs
permirent au gouvernement libéral de financer ses réformes sociales. Mais
comment l’ampleur de ces hausses d’impôts pouvait-elle se justifier aux yeux
des libéraux, dont beaucoup continuaient de croire dans la réduction des
dépenses ? Il aurait été possible de reprendre certains arguments classiques des
nouveaux libéraux, en particulier ceux avancés par John A. Hobson, pour
1356
justifier de telles mesures. En effet, déjà en 1894, Hobson avait suggéré que
l’économie souffrait d’une crise de « sous-consommation ». Les pauvres
n’avaient tout simplement pas assez de revenu disponible pour constituer un
marché destiné aux biens britanniques ; ainsi, leur distribuer davantage de
revenu permettrait de stimuler l’activité économique. Mais alors que cette
théorie économique allait se révéler extrêmement influente dans les années 1920
et 1930, on n’a guère lieu de penser qu’elle fut mise en avant pour défendre le
budget du gouvernement par les dirigeants politiques ou les journalistes libéraux
en 1909-1910."
"L’autre grande initiative des libéraux après les pensions de retraite, la loi sur
l’assurance nationale de 1911. Tous les citoyens gagnant moins de cent soixante
livres par an étaient intégrés à un système administré par l’État, dans lequel,
travailleurs, employeurs et État versaient une contribution hebdomadaire à un
fonds ; en échange, les membres du fonds bénéficiaient d’indemnités de maladie
et d’autres avantages médicaux. En 1913, l’assurance nationale fut étendue à
titre expérimental afin de verser des indemnités de chômage à deux millions et
demi de travailleurs dans les industries où le chômage cyclique ou saisonnier
était fréquent. Ces mesures reçurent, bien sûr, le soutien de John A. Hobson et
Leonard T. Hobhouse, et elles s’accordaient parfaitement avec leur vision d’une
société plus solidaire, avec des droits et des responsabilités mutuels. Mais elles
n’avaient pas fait l’objet d’une large discussion. La plupart des débats sur les
grandes réformes sociales n’étaient pas allés plus loin que le financement des
pensions, tandis que les socialistes et les travaillistes s’étaient davantage
préoccupés de la journée de huit heures et de la législation sur le « droit au
travail » pour aider les chômeurs. Surtout, ni Hobson ni Hobhouse (ou aucun
autre libéral de premier plan) n’avaient évoqué un système semblable à
l’assurance nationale dans leurs écrits. En réalité, les deux auteurs avaient fourni
des arguments généraux et théoriques en faveur de la réforme sociale, mais en
aucune manière les plans détaillés de systèmes spécifiques. L’assurance
nationale était en grande partie l’idée de David Lloyd George, fruit de son
implication dans le pilotage de la réforme sur les pensions de retraite à la
Chambre des Communes en 1908. La popularité et l’envergure de ces
propositions l’amenèrent à voir dans la législation sociale la clé de la réussite du
Parti dans l’avenir, et les pensions devraient servir de précédent pour
promouvoir de nouvelles prestations sociales. David Lloyd George eut donc
l’idée d’un vaste système d’assurance-maladie, mais qui, cette fois, ne serait pas
1357
financé entièrement par les impôts comme les pensions de vieillesse. Il
s’appuierait au contraire sur le principe qui était déjà connu de millions de gens
et sur l’expertise de sociétés d’assurance amies déjà existantes pour administrer
le système. Celui-ci, plus encore que dans le cas des pensions, serait fondé sur
un droit à l’assistance pour ceux qui auraient participé et contribué à un
programme d’assurances. » -Ian Packer et Bruno Poncharal, « Libéralisme et
Nouveau Libéralisme des années 1880 à 1914 », Vingtième Siècle. Revue
d'histoire, 2013/4 (N° 120), p. 15-25. DOI : 10.3917/ving.120.0015. URL :
https://www.cairn.info/revue-vingtieme-siecle-revue-d-histoire-2013-4-page-
15.htm
https://www.amazon.fr/William-Ewart-Gladstone-James-
McCearney/dp/2363711726/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1506025046
&sr=1-1&keywords=James+McCearney%2C+William+Ewart+Gladstone
https://www.amazon.fr/Liberty-Retrenchment-Reform-Liberalism-
Gladstone/dp/0521548861/ref=tmm_pap_swatch_0?_encoding=UTF8&qid=158
9314727&sr=1-1
https://www.amazon.fr/Rise-Liberal-Government-Victorian-
Britain/dp/0300067186/ref=sr_1_1?s=english-
books&ie=UTF8&qid=1506027503&sr=1-
1&keywords=The+Rise+and+Fall+of+Liberal+Government+in+Victorian+Brit
ain
https://www.amazon.co.uk/Downfall-Liberal-Party-1914-1935/dp/0571280218
Albert Venn Dicey (1835-1922): « Dicey, ce libéral éminent […] s'est donné
pour tâche de rechercher les origines de la tendance "anti-laissez-faire", ou,
comme il l'appelle, "collectiviste", dans l'opinion publique anglaise, tendance
dont l'existence est manifeste depuis la fin des années 1860. » -Karl Polanyi, La
Grande Transformation. Aux origines politiques et économiques de notre temps,
Paris, Gallimard, coll. tel, 1983 (1944 pour la première édition états-unienne),
463 pages, p.206.
John Dalberg-Acton, 1st Baron Acton (1834-1902): « J'admets avec vous que
les plus grands dangers intérieurs qui menacent aujourd'hui les Etats du Nord
sont moins l'esclavage que la corruption des institutions démocratiques. [...]
Quant à la politique qui laisse l'esclavage se développer dans toute une portion
1358
de la terre dans laquelle il était jusqu'ici inconnu, j'avouerais, si vous le voulez,
avec vous, que dans l'intérêt particulier et actuel de l'Union, on ne peut faire
autrement que de le laisser ainsi s'étendre. » -Lord Acton, Lettre à T. Sedgwick,
13 avril 1857.
« Les vrais amis de la liberté ont toujours été rares, et l'on ne doit ses triomphes
qu'à des minorités qui l'ont emporté en se donnant des alliés dont les objectifs
différaient souvent des leurs. » -John Dalberg-Acton, 1st Baron Acton, Histoire
de la Liberté dans l’Antiquité, 26 février 1877.
« Lord Acton développe une autre idée selon laquelle la nationalité n'est qu'un
des éléments constitutifs de "détermination des formes de l'Etat" ; elle n'est pas
dans un rapport de fusion avec celui-ci, mais, pourrait-on dire, dans un rapport
de contre-pouvoir ; elle doit avoir pour effet la limitation du pouvoir de l'Etat.
"La présence, dit-il, de diverses nations sous la même souveraineté produit un
effet analogue à celui de l'indépendance de l'Église et de l'Etat. Elle prémunit
contre la servilité qui se développe à l'ombre d'une autorité unique, en
équilibrant les intérêts, en multipliant les associations et en apportant au sujet
la modération et le soutien d'une opinion rassemblée." [...]
C'est donc l'Etat multinational qui présente les meilleures chances de
civilisation: "Un Etat qui n'est pas capable de satisfaire des races différentes se
condamne lui-même ; un Etat qui œuvre à les neutraliser, à les absorber ou à les
exclure détruit sa propre vitalité ; un Etat qui ne les inclut pas dans son système
se prive de la principale base d'un gouvernement libre. » -Michel Winock, Le
XXème siècle idéologique et politique, Éditions Perrin, coll. Tempus, 2009, 540
pages, p.188-189.
Francis Wrigley Hirst (1873-1953): « Dès les années 1930, on assiste [...] en
Grande-Bretagne, à une contre-offensive en faveur du libre marché. Exemplaire
à cet égard est la bataille du journaliste Francis Wrigley Hirst, qui publie en
1359
1935 Liberty and Tyranny, ainsi que Economic Freedom and Private Property. »
-Serge Audier, Néo-libéralisme(s). Une archéologie intellectuelle, Paris,
Éditions Grasset et Fasquelle, 2012, 631 pages, p.329.
1360
d’œuvre artisanales et industrielles, pratiques et questions sociales, Ellipses
Édition, 2020, 440 pages, p.366.
"The quote from the English Prime Minister Lloyd George in Vienna’s Neuen
Freien Press shows how dangerous this possibility appeared to the status of
Versailles: “The steady expansion of communism in Germany represents a
grave danger for the whole of Europe. The War has shown what a powerful
people the Germans are when they are put to the test. That’s why a Communist
Germany would be far more dangerous to the world than Communist Russia… I
cannot imagine any greater danger for Europe, yes, for the whole world, than for
there to be a great Communist state in Central Europe, directed and maintained
by one of the world’s most intelligent and disciplined peoples.” " -Karl Otto
Paetel, The National Bolshevist Manifesto, Berlin, 1933, 83 pages, note 5 p.11.
1361
« Théorie des "sphères" dont Ruskin se fait l'interprète (Of Queen's Gardens,
1864). » -Michelle Perrot, "Sortir", in Geneviève Fraisse & Michelle Perrot
(dir.), Histoire des femmes en Occident, tome 4 "Le XIXe siècle", Perrin, 2002
(1991 pour la première édition), 765 pages, pp.539-574, p.539.
1362
biographique, Carlyle consacre treize années de sa vie et à la publication d’une
monumentale biographie de Frédéric II. » (p.180-181)
« Carlyle est un auteur anglais du XIXe siècle qui passait pour le prototype du
sage à l'époque victorienne. Ce qui ne va pas sans paradoxe, car nul n'a
dénoncé avec plus de persévérance et plus de violence ce qu'il considérait
comme la petitesse matérialiste de son siècle. Il faisait "claquer le fouet destiné
à cingler, entre autres choses, notre Lugubre Science -dismal science" -ladite
science économique. [...] Dès que l'économie est apparue, elle a suscité une
opposition que l'on pourrait dire "romantique". » -Philippe Simonnot, 39 leçons
d'économie contemporaine, Gallimard, coll. folio.essais, 1998, 551 pages, p.13.
1363
Octavia Hill (1838-1912) : « La philanthropie a constitué pour les femmes une
expérience non négligeable qui a modifié leur perception du monde, leur sens
d'elles-mêmes et, jusqu'à un certain point, leur insertion publique. [...] London
Bible Women and Nurses Mission de Ellen R. White en 1859 ou la Charity
Organization Society d'Octavia Hill en 1869. [...] Octavia Hill, femme d'affaires
avisée et membre de très nombreux comités, conçoit la philanthropie comme une
science destinée à promouvoir la responsabilité individuelle ; son livre, Our
Common Land (1877), empreint d'idéologie libérale, exprime une foi optimiste
dans l'initiative privée qu'elle préfère à l'intervention de l'Etat. » (p.541)
http://academienouvelle.forumactif.org/t6838-octavia-hill-our-common-
land?highlight=octavia+hill
« L’homme ultime sera tel que ses exigences privées coïncident avec les
exigences publiques. Il sera ce type d’homme qui, en réalisant spontanément sa
propre nature accomplit incidemment les fonctions d’une unité sociale ; et alors
qu’il lui est donné de réaliser sa nature propre, chacun fait de même. » -Herbert
Spencer, Social Statics, London, John Chapman, 1851, p.410.
“To the same extent that the triumph of might over right is seen in a nation’s
political institutions, it is seen in its domestic ones. Despotism in the state is
necessarily associated with despotism in the family. … [I]n as far as our laws
1364
and customs violate the rights of humanity by giving the richer classes power
over the poorer, in so far do they similarly violate those rights by giving the
stronger sex power over the weaker. … To the same extent that the old leaven of
tyranny shows itself in the transactions of the senate, it will creep out in the
doings of the household. If injustice sways men’s public acts, it will inevitably
sway their private ones also. The mere fact, therefore, that oppression marks the
relationships of out-door life, is ample proof that it exists in the relationships of
the fireside.” -Herbert Spencer, Social Statics: or, The Conditions Essential to
Human Happiness Specified, and the First of Them Developed (New York:
Robert Schalkenbach Foundation, 1970), pp. 143-4.
« Le système de Spencer est tout entier construit sur la base d'une loi supposée
rendre compte de la dynamique d'évolution au sein de la nature: la vie et l'esprit
répondent au principe d'adaptation fondamental, l'ajustement des relations
organiques internes aux relations externes dans l'environnement.
Les idées d'organisme et de milieu, telles que conçues par Comte, sont
rationnelles articulées à l'aide de deux partis pris doctrinaux chez Spencer, l'un
inspiré de la psychologie associationniste, l'autre de la théorie lamarckienne de
l'hérédité des caractères acquis. Selon le philosophe anglais, les "successions
psychologiques" habituelles suscitent des tendances héréditaires aux mêmes
successions qui, sous l'effet de conditions persistantes, deviennent cumulatives
de générations en générations. Les lois de la pensée résulteraient ainsi de
1365
l'expérience adaptative de l'espèce. L'augmentation en complexité de
l'environnement conduit progressivement vie organique et vie de l'esprit à des
ordres de complexité supérieurs. Cette évolution renvoie à une loi de la vie
organique: une structure hétérogène naît de l'homogène et constitue un
perfectionnement de la vie. Le développement de la société suit cette même loi
qui se traduit par l'avancement de la spécialisation des fonctions sociales. »
(p.111)
1367
http://hydra.forumactif.org/t708-thomas-hill-green-prolegomena-to-ethics-
lectures-on-the-principles-of-political-obligation#1303
https://www.amazon.fr/nouveau-lib%C3%A9ralisme-anglais-Maurice-
Chretien/dp/2717837841/ref=sr_1_3?s=books&ie=UTF8&qid=1537292829&sr
=1-3&keywords=Le+Nouveau+lib%C3%A9ralisme+anglais
https://www.amazon.fr/Persistence-Victorian-Liberalism-Politics-1870-
1900/dp/0313313059/ref=tmm_hrd_swatch_0?_encoding=UTF8&qid=&sr=
Ils abordaient ce problème sous des angles variés. Leonard T. Hobhouse, par
exemple, réfutait l’idée selon laquelle la liberté (freedom ou liberty) dans la
société reposait sur la liberté de contrat entre les parties, entre employeurs et
1368
employés par exemple, tenant l’État à l’écart de toute réglementation des
conditions de travail. Hobhouse estimait qu’en réalité « la véritable liberté
postule une égalité effective (substantial) entre les parties. À proportion de la
position dominante d’une partie, cette dernière est en mesure de dicter ses
conditions. Inversement, à proportion de la faiblesse de l’autre partie, cette
dernière est forcée d’accepter des conditions défavorables ». L’État, selon lui,
était donc justifié à intervenir afin d’assurer de meilleures conditions de travail
aux employés, car cela ne faisait que rétablir les conditions d’une négociation
libre et égale incarnant une véritable liberté de contrat : « le vrai consentement
est le libre consentement, et une pleine liberté de consentement implique
l’égalité des deux parties dans la négociation ». Ce genre d’intervention de
l’État restreignait nécessairement la liberté des employeurs, « mais, soutenait
Hobhouse, la fonction de la coercition exercée par l’État est de prévaloir sur la
coercition individuelle… », et cela était nécessaire pour assurer la liberté des
employés au travail, tout comme pour préserver toutes les autres libertés civiles
menacées par des groupes puissants. C’est ainsi que Hobhouse en arrivait à la
conclusion suivante : « dans de nombreux domaines, un contrôle accru est
essentiel à la liberté – par exemple en matière de contrats industriels. Il n’y a,
pour moi, aucune contradiction entre liberté et contrôle public ».
“Le célèbre terme « sociologie » fut inventé par Auguste Comte en 1830 et ce
néologisme fut repris en Grande-Bretagne sous le terme « sociology » par
Herbert Spencer lorsqu’il a élaboré son propre système intellectuel à partir du
milieu du XIXe siècle. Considéré par les puristes en linguistique comme une
combinaison barbare de latin et de grec, le nom que Spencer a donné à ses idées
sur l’évolution de la société fut rejeté par beaucoup de personnes, y compris ses
idées, et ce jusqu’au beau milieu du xxe siècle.
http://hydra.forumactif.org/t710-leonard-trelawny-hobhouse-the-elements-of-
social-justice#1305
1370
http://academienouvelle.forumactif.org/t6976-sociologie-britannique-leonard-
trelawny-hobhouse-social-evolution-and-political-theory-development-and-
purpose-the-material-culture-and-social-institutions-of-the-simpler-peoples-an-
essay-in-correlation#8135
1372
par la révolution prolétarienne et la guerre civile conçues en termes marxistes,
l’État bourgeois et le système capitaliste.
Refusant aussi bien les illusions du progrès bourgeois que celles d’une
restauration réactionnaire, William Morris fonde sa doctrine révolutionnaire sur
une conception étonnamment dialectique du rapport entre l’avenir (post-
capitaliste) et le passé (pré-capitaliste) : « Le développement nouveau retourne à
un point qui représente le principe antérieur élevé à un plan supérieur ; le
principe ancien réapparaît transformé, purifié, affermi et prêt à poursuivre sa
marche tout gonflé de la vie nouvelle qu’il a puisée dans sa mort apparente. »
Le plus célèbre livre de Morris est son roman Nouvelles de Nulle Parti (1890),
qui propose une vision imaginaire de l’Angleterre socialiste de l’an 2102. Avant
d’examiner quelques aspects de ce texte, il est important de rappeler qu’il s’agit
d’une œuvre littéraire et non d’un système utopique fermé, d’un discours
programmatique, ou d’une prévision « scientifique » de l’avenir. Le sous-titre du
livre indique qu’il s’agit de « quelques chapitres d’un roman utopique (utopian
romance) ». Il faut prendre en compte la signification en anglais du mot
romance, d’origine médiévale : conte fantastique, narration de chevaliers
errants. C’est d’ailleurs une des sources du mot « romantisme »… Comme
l’observe si bien Miguel Abensour, l’univers de Morris est celui du merveilleux
utopique, ce qui explique la qualité magique, le climat onirique des paysages et
des scènes du livre. L’esprit libertaire de cette utopie est lié à son caractère
d’œuvre littéraire, ouverte, pluridimensionnelle, dialogique.
Le titre du livre est sans doute un hommage à l’Utopia (1518) de Thomas More.
Mais tandis que l’utopie de More, et de beaucoup de socialistes du xix e siècle,
comme le fouriériste Étienne Cabe, auteur du Voyage en Icarie (1842), situe la
communauté harmonieuse dans un autre espace, chez Morris c’est l’axe
temporel qui prédomine : le Nulle Part (Nowhere) est quelque chose qui n’existe
pas mais qui pourrait bien avoir lieu dans le futur. Le principe moteur du roman
1373
est le Principe Espérance dans le sens que lui donne Ernst Bloch : le rêve éveillé
de ce qui n’existe-pas-encore (Noch-nicht-sein).
Une autre différence importante entre William Morris et les socialistes utopiques
du passé est que l’auteur des News from Nowhere a appris la leçon commune à
Marx et aux anarchistes : l’utopie ne peut pas se réaliser en abandonnant la
société corrompue pour expérimenter une vie harmonieuse dans ses marges : le
défi c’est de transformer la société elle-même, grâce à une action collective des
classes opprimées. En d’autres termes, Morris est un utopiste révolutionnaire et
un marxiste libertaire. D’ailleurs, tout un chapitre du livre, intitulé « Comment
s’est accompli le changement », raconte le « terrible passage de l’esclavage
commercial à la liberté » par une guerre civile entre le communisme et la contre-
révolution, jusqu’à la victoire finale des rebelles.
https://www.amazon.fr/Making-British-Socialism-Mark-
Bevir/dp/0691173729/ref=tmm_pap_swatch_0?_encoding=UTF8&qid=&sr=
https://www.amazon.fr/Socialism-English-Working-Class-1883-
1939/dp/0710812051
« Dès 1813 […] l’East India Compagny a perdu le monopole du commerce avec
les Indes. » (p.46)
L’indépendance ne fait pas partie des revendications exprimées par les insurgés.
De plus la révolte reste limitée géographiquement au Nord et au Centre de
l’Inde. » (p.109)
https://www.amazon.fr/Making-Indian-Working-Class-1880-
1946/dp/0803991878/ref=sr_1_1?s=english-
books&ie=UTF8&qid=1462487033&sr=1-
1&keywords=the+making+of+the+indian+working+class
Alfred Lord Tennyson (1809–1892) :« Man for the field and woman for the
hearth;
1378
"Au moment de la Première Guerre mondiale, Chesterton se met au service de
la propagande anglaise. Dès septembre 1914, il signe le manifeste des
intellectuels anglais intitulé « Sus à l’Allemagne ». Sûr de l’idée que la guerre
est menée au nom de la civilisation et de la religion, pour défendre la
Chrétienté, il publie en 1914 The Barbarism of Berlin – ouvrage traduit en
français en 1915 par Isabelle Rivière et largement diffusé."
« Dès les premiers jours de la querelle du Home Rule [1911-1912], j’ai pensé
que l’Irlande devrait être gouvernée selon les idées irlandaises. Et je continue à
penser ainsi, même après que mes amis les libéraux ont fait la surprenante
découverte que les idées irlandaises ne sont que des idées chrétiennes
ordinaires. » (p.310)
-Gilbert Keith Chesterton, L’homme à la clef d’or. Autobiographie, Paris, Les
Belles Lettres, 2015, p. 149.
« Quant à moi, j’avoue ne pas croire que, sachant ce que valent les bandes qui
nous gouvernent les uns et les autres, il y ait encore des gens pour admettre que
nos cyniques représentants de la politique vieillissante ne veulent étrangler
l’Italie que par pure sympathie pour l’Éthiopie. L’empire qui tient sous sa
lourde patte la moitié de l’Afrique, aurait-il soudain conçu un scrupule en
1379
voyant des hommes blancs attaquer des hommes noirs ? Les maîtres de la
finance américaine qui témoignent rarement de sentiments désintéressés et
chevaleresques à l’égard de leur propre pays, auraient-ils conçu de pareils
sentiments à l’égard de la lointaine Éthiopie. Le fascisme a tort. Mais ses
adversaires ont-ils raison ?" -Gilbert Keith Chesterton, « Le fascisme et ses
ennemis », Sept, Paris, 17 janvier 1936 n°99, p. 2.
https://www.amazon.fr/enqu%C3%AAtes-du-P%C3%A8re-
Brown/dp/2258076080/ref=pd_sim_14_10?_encoding=UTF8&psc=1&refRID=
TKSKHS29NFSSDY85V67S
https://www.amazon.fr/nomm%C3%A9-Jeudi-Un-
cauchemar/dp/2070766683/ref=pd_sim_14_5?_encoding=UTF8&psc=1&refRI
D=TKSKHS29NFSSDY85V67S
https://www.amazon.fr/Plaidoyer-pour-une-propri%C3%A9t%C3%A9-
anticapitaliste/dp/2915988285/ref=pd_sim_14_4?_encoding=UTF8&psc=1&ref
RID=CJK0BKPF9BMFR7JM527B
James Edwin Thorold Rogers (1823-1890) and the English historical school
of economics : « James E. Thorold Rogers […] propose une histoire du travail
en Angleterre à partir du salaire des travailleurs et de leur pouvoir d’achat. » -
Fabien Knittel et all, Le travail en Europe occidentale des années 1830 aux
années 1930. Mains-d’œuvre artisanales et industrielles, pratiques et questions
sociales, Ellipses Édition, 2020, 440 pages, p.7.
http://academienouvelle.forumactif.org/t7001-james-edwin-thorold-rogers-and-
the-english-historical-school-of-economics#8162
1380
l’abolition de la Poor Law et la progression de la doctrine démographique de
Malthus. Les effets néfastes de la guerre, ceux du chômage qui accompagna la
démobilisation et la déflation, la crispation des attitudes envers les déshérités,
tout cela était traité comme faisant partie de la révolution industrielle – et
considéré comme un phénomène purement social. Selon Toynbee, à l’exception
des célèbres inventions de Richard Arkwright et de James Watt, « l’essence de
la révolution industrielle fut le remplacement par la concurrence des
réglementations médiévales qui avaient jusqu’alors régi la production et la
distribution des richesses ». En d’autres termes, Toynbee s’appuyait sur ce que
Carlyle avait décrit comme la substitution du « cash nexus » au « lien humain »
et la « fin des rapports séculaires entre maîtres et serviteurs », mais il ramenait
ce changement aux années 1760 et 1770, à l’époque des écrits d’Adam Smith et
des inventions de Watt. L’historien dissociait le changement économique et
social du contexte politique mouvant dans lequel il se produisait. »
Histoire du Royaume des Pays-Bas (19 avril 1839) et des Indes orientales
néerlandaises :
1382
-Norman Davies, Histoire de la Pologne, Fayard, 1986 (1984 pour l'édition
britannique), 542 pages, p.201.
https://www.amazon.fr/Dosto%C3%AFevski-Tanase-
Virgil/dp/207043902X/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1480506777&sr=8-
1&keywords=Virgil-Tanase-Dostoievski
https://www.amazon.fr/philosophie-trag%C3%A9die-Dosto%C3%AFevski-
Nietzsche/dp/2358730432/ref=pd_sim_14_28?_encoding=UTF8&psc=1&refRI
D=9J3SRGEHKYYEEF9WERGX
1383
Matthieu Auzanneau, Or Noir. La grande histoire du pétrole, Éditions La
Découverte/Poche, 2016, 881 pages, p.69.
[Un économiste attéré a déjà soutenu cette légende. Il n’existe aucune preuve.]
http://hydra.forumactif.org/t805-vilfredo-pareto-manuel-d-economie-politique-
autres-textes?highlight=Vilfredo+Pareto
http://academienouvelle.forumactif.org/t7620-nathaniel-hawthorne-la-lettre-
ecarlate#8826
1385
« Lorsque l'industrie pétrolière vit le jour aux Etats-Unis, l'huile des baleines
était la plus recherchée de ces sources, pour les chandelles et les lampes, les
réverbères et même les phares, ou pour graisser toutes sortes de mécanismes. Le
spermaceti en particulier, une huile très fine extraite de la tête des cachalots,
était considéré comme l' "huile des rois". Il était la plus haute récompense après
laquelle cinglaient tout autour du globe les baleiniers français du Havre ou de
New Bedford en Nouvelle-Angleterre. C'est pour lui que les marins du Pequod
pourchassent Moby Dick, le cachalot blanc, dans le roman d'Herman Melville
publié en 1851. [...]
L'apparition de l'industrie du pétrole a sans doute sauvé les baleines, les
cachalots, les phoques, les éléphants de mer et les autres mammifères marins
étaient déjà contraints d'aller chercher toujours plus loin vers les pôles des
spécimens de moins en moins nombreux. Aux États-Unis, la flotte de baleiniers
atteignit son pic en 1846 et déclina ensuite, à peu près en même temps que la
production d'huile de baleine et de cachalot. La ruée vers le pétrole de
Pennsylvanie accéléra les choses: avec de la chance et au prix d'un
interminable labeur, les baleiniers pouvaient extraire jusqu'à 2000 litres de
spermaceti de l'énorme crâne d'un cachalot ; 3000 litres de brut remontaient
quotidiennement du puits d'Edwin Drake. » -Matthieu Auzanneau, Or Noir. La
grande histoire du pétrole, Éditions La Découverte/Poche, 2016, 881 pages,
p.29-30.
http://hydra.forumactif.org/t5119-herman-melville-bartleby-the-scrivener-a-
story-of-wall-street#6107
https://www.amazon.fr/Nostromo-Joseph-
Conrad/dp/2070385655/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1490736670&sr=8-
1&keywords=Joseph+Conrad+nostromo
https://www.amazon.fr/Miroir-mer-Conrad-
Joseph/dp/2070336700/ref=sr_1_24?ie=UTF8&qid=1490736603&sr=8-
24&keywords=Joseph+Conrad
1386
https://www.amazon.fr/Ligne-dombre-Conrad-
Joseph/dp/2070336697/ref=sr_1_26?ie=UTF8&qid=1490736603&sr=8-
26&keywords=Joseph+Conrad
https://www.amazon.fr/Sous-Yeux-lOccident-Conrad-
Joseph/dp/208134288X/ref=sr_1_30?ie=UTF8&qid=1490736603&sr=8-
30&keywords=Joseph+Conrad
https://www.amazon.fr/Victoire-Conrad-
Joseph/dp/2070412709/ref=sr_1_22?ie=UTF8&qid=1490736603&sr=8-
22&keywords=Joseph+Conrad
« Considérés comme nation, les Juifs sont par excellence les exploiteurs du
travail des autres hommes. » -Bakounine, cité dans Bagatelles pour un
massacre.
« La Révolution française s’est posée comme une réaction contre les principes
religieux et les formes sociales du moyen-âge. Elle a remplacé le dogme
chrétien de l’autorité par le dogme païen de la liberté, la foi par la raison, la
grâce arbitraire par la justice, l’obéissance par le droit, la résignation par la lutte,
la hiérarchie par la légalité. »
1387
« Toutes les promesses de l’avenir ne valent pas pour moi les souvenirs du
passé. » -Louis Ménard, Lettres d’un mort. Opinions d’un païen sur la société
moderne (1895).
http://academienouvelle.forumactif.org/t86-louis-menard-oeuvres
https://www.amazon.fr/Prologue-dune-r%C3%A9volution-F%C3%A9vrier-
juin-1848/dp/2913372694/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1467922552&sr=8-
1&keywords=Louis-Menard-Prologue-d-une-revolution-fevrier-juin-1848
« On a voulu dans ce livre décrire les causes qui ont amené en Allemagne ce fait
très important de l'histoire contemporaine: l'établissement de la monarchie
sociale. Parmi toutes les transformations récentes de l'Allemagne, il n'en est pas
de plus curieuse, car elle tient à des causes intellectuelles. » (p.1)
"Un homme d'Etat allemand sait bien que l'Eglise catholique n'aura jamais des
desseins identiques à ceux de la Russie, que même elle s'unirait aux Turcs plutôt
qu'à elle ; il sait d'autre part, que tout danger d'alliance entre France et Russie
est une menace pour l'Allemagne. S'il peut alors arriver à faire de la France le
foyer et le rempart de l'Eglise catholique, il se trouve avoir pour longtemps
écarté ce danger. Il a, par conséquent, un intérêt à montrer de la haine contre
les catholiques et, par des hostilités de toute nature, à faire de ceux qui
reconnaissent l'autorité du pape une puissance politique passionnée, qui sera
hostile à la politique allemande et naturellement s’amalgamera avec la France,
en qualité d'adversaire de l'Allemagne: il a pour but la catholicisation de la
France aussi nécessairement que Mirabeau voyait dans la décatholicisation le
salut de sa patrie. » -Friedrich Nietzsche, Humain, trop humain, trad. Angèle
1389
Kremer-Marietti, Librairie Générale Française, 1995 (1878 pour la première
édition allemande), 768 pages, §453, p.292.
-Friedrich Nietzsche, Le Crépuscule des idoles, "Ce que les Allemands sont en
train de perdre", trad. Henri Albert, GF-Flammarion, 1985 (1889 pour la
première édition allemande), 250 pages.
1390
https://www.amazon.fr/Bismarck-Jean-Paul-
BLED/dp/2262042748/ref=pd_sbs_14_1?_encoding=UTF8&psc=1&refRID=D
31MGBC94979P2K8SK12
https://www.amazon.fr/Absolute-Destruction-Military-Practices-
Imperial/dp/0801472938/ref=tmm_pap_swatch_0?_encoding=UTF8&qid=1510
610682&sr=1-1-catcorr
https://www.amazon.fr/Industrial-Culture-Bourgeois-Society-
Bureaucracy/dp/1571811982/ref=sr_1_6?s=english-
books&ie=UTF8&qid=1499695476&sr=1-6
http://hydra.forumactif.org/t1208-ralph-raico-la-theorie-liberale-de-la-lutte-de-
classes-classical-liberalism-and-the-austrian-school-authentic-german-
liberalism-of-the-19th-century-new-individualist-review#1844
http://hydra.forumactif.org/t1509-eugen-richter-ou-mene-le-
socialisme?highlight=eugen+richter
1391
Leopold von Ranke (1795-1886) : « On a assigné à l’historien la tâche de
juger le passé, de former ses contemporains et ainsi de cerner l’avenir. Le
présent essai ne s’assigne pas des tâches aussi élevées. Il entend seulement
montrer ce qui s’est réellement passé. » -Leopold von Ranke, Zur Geschichte
der germanischen und romanischen Völker, 1824.
« Le positivisme de Ranke, qui ne fut pas sans influencer Dilthey […] et suscita
les critiques de Simmel, intervenait avant tout en réaction contre la
métaphysique hégélienne de l’histoire : la formule de Ranke, en ce sens,
devenue emblématique d’un réalisme que son auteur lui-même ne défendait pas
sans de fortes nuances. » -Sylvie Mesure, Note 2 de la page 12, p.464, in
Raymond Aron, Introduction à la philosophie de l'histoire. Essai sur les limites
de l'objectivité historique, Gallimard, 1986 (1938 pour la première édition), 521
pages.
« Mourir sans répugnance, mourir volontiers, mourir avec joie est le privilège
de l’homme résigné, de celui qui renonce à la volonté de vivre et la renie. »
« Les processus géologiques ayant précédé toute vie sur la terre se sont
effectués sans aucune conscience; non dans la leur, puisqu'ils n’en ont pas: non
dans une conscience étrangère, parce qu’il n’en existait pas. Ils n’avaient donc
pas, par manque de tout sujet, d’existence objective, c’est-à-dire qu'ils
n’existaient pas du tout. » -Arthur Schopenhauer, Parerga et Paralipomena,
Philosophie et science de la nature.
1393
sauraient être qu’une délivrance à l’égard d’une douleur, d’un besoin (...) Tout
bonheur est négatif, sans rien de positif ; nulle satisfaction, nul contentement,
par suite, ne peut être de durée: au fond ils ne sont que la cessation d’une
douleur ou d’une privation. » -Arthur Schopenhauer, Le Monde comme volonté
et comme représentation, livre IV, chapitre 58, traduction Burdeau revue par
Richard Roos, PUF, Paris, 2004, pp.403-404.
« Kant a déclaré qu'en dehors de l'État il n'y a pas de droit parfait de propriété :
c'est une erreur profonde. (...) même dans l'état de nature, la propriété existe,
accompagnée d'un droit parfait, droit naturel, c'est-à-dire moral, qui ne peut
être violé sans injustice, et qui peut au contraire être défendu sans injustice
jusqu'à la dernière extrémité. » -Arthur Schopenhauer, Le Monde comme
volonté et comme représentation - Livre quatrième - § 62.
« Si les autres parties du monde ont des singes ; l'Europe a des Français. Cela
se compense. » -Arthur Schopenhauer, Caractères des différents peuples.
« Jouisseur désabusé, il a renversé les croyances, les espoirs, les poésies, les
chimères, détruit les aspirations, ravagé la confiance des âmes, tué l’amour,
abattu le culte idéal de la femme, crevé les illusions des cœurs, accompli la plus
1394
gigantesque besogne de sceptique qui ait jamais été faite. Il a tout traversé de sa
moquerie, et tout vidé. » -Guy de Maupassant, Auprès d’un mort.
« Pour Schopenhauer, une action morale est une action accomplie selon
l’unique critère de venir en aide à autrui, sans le moindre motif égoïste. » -
Friedrich Nietzsche, Humain, trop humain, trad. Angèle Kremer-Marietti,
Librairie Générale Française, 1995 (1878 pour la première édition allemande),
768 pages, note 57, p.699.
1395
http://www.amazon.fr/Schopenhauer-Christophe-
Bouriau/dp/2251760741/ref=sr_1_53?ie=UTF8&qid=1454659766&sr=8-
53&keywords=Schopenhauer
http://www.amazon.fr/M%C3%A9taphysique-lamour-mort-Arthur-
SCHOPENHAUER/dp/2264033193/ref=sr_1_5?ie=UTF8&qid=1454659678&s
r=8-5&keywords=Schopenhauer
http://www.amazon.fr/deux-probl%C3%A8mes-fondamentaux-
l%C3%A9thique/dp/2070394220/ref=sr_1_22?ie=UTF8&qid=1454659720&sr=
8-22&keywords=Schopenhauer
http://www.amazon.fr/Schopenhauer-critique-Kant-Alexis-
Philonenko/dp/2251442847/ref=sr_1_204?ie=UTF8&qid=1455488482&sr=8-
204&keywords=po%C3%A9sies+philosophie
http://www.amazon.fr/Wagner-Jacques-De-
Decker/dp/2070346994/ref=pd_sim_14_5?ie=UTF8&dpID=51zDdbIQaQL&dp
Src=sims&preST=_AC_UL160_SR97%2C160_&refRID=0DZR5P9HHJR5G5
H6TAGY
http://www.amazon.fr/Lor-du-Rhin-Richard-
Wagner/dp/2080708171/ref=pd_sim_14_4?ie=UTF8&dpID=51TPX65PXEL&d
pSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR98%2C160_&refRID=020S4YG91BFK2Z
WPF247
http://www.amazon.fr/La-Walkyrie-Richard-
Wagner/dp/2081223309/ref=pd_sim_14_3?ie=UTF8&dpID=51gpAzaybML&d
pSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR96%2C160_&refRID=020S4YG91BFK2Z
WPF247
http://www.amazon.fr/Siegfried-Richard-
Wagner/dp/2081250152/ref=pd_sim_14_14?ie=UTF8&dpID=5180Uhua3HL&
1396
dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR97%2C160_&refRID=0PSCER06TCX84
6TENGKM
http://www.amazon.fr/Le-cr%C3%A9puscule-dieux-Richard-
Wagner/dp/2080708236/ref=pd_sim_14_2?ie=UTF8&dpID=51EECS3FS5L&d
pSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR96%2C160_&refRID=020S4YG91BFK2Z
WPF247
« Les grands hommes sont nécessaires à notre existence, afin que le mouvement
de l’histoire puisse périodiquement se libérer des formes de vie purement
extérieures et mortes, ainsi que du bavardage ratiocinant. » (p.275)
« Selon Carl Burckhardt, Nietzsche se serait "illusionné sur l'admiration que lui
portait ce collègue [Jacob Burckhardt] âgé et célèbre. » -Jacques le Ridier,
Nietzsche en France, de la fin du XIXe siècle au temps présent, PUF, 1999
(première version en allemand, 1997), 279 pages, p.117.
« À l’individu, dès lors qu’il cherche son bonheur on ne doit pas imposer de
prescriptions sur le chemin qui y mène. Car le bonheur individuel procède de
lois propres à chacun et que tous ignorent, il ne peut qu’être empêché et entravé
par des prescriptions venues du dehors. Les prescriptions que l’on appelle
1398
‘morales’ sont en vérité dirigées contre les individus et ne visent pas leur
bonheur. Ces prescriptions se rapportent tout aussi peu au ‘bonheur et au bien-
être de l’humanité’, termes auxquels on ne peut aucunement associer des
concepts rigoureux (...) Il n’est pas vrai que la fin inconsciente du progrès de
tout être conscient (animal, homme, humanité, etc) soit son ‘bonheur suprême’:
au contraire, à tous les degrés du progrès, le bonheur à atteindre est singulier et
incomparable, ni plus élevé ni plus bas, mais justement particulier. Le progrès
ne vise pas le bonheur, mais seulement le progrès, rien de plus. C’est seulement
si l’humanité avait une fin universellement admise qu’on pourrait proposer ‘tu
dois agir de telle ou telle façon’ : en attendant, il n’existe pas de fin de cette
sorte. » -Friedrich Nietzsche, Aurore. Réflexions sur les préjugés moraux, 108,
1881.
-Friedrich Nietzsche, Aurore. Réflexions sur les préjugés moraux, 119, 1881.
« Que signifie vivre. — Vivre — cela signifie : repousser sans cesse quelque
chose qui veut mourir. » -Nietzsche, Le Gai Savoir, 1882.
L’État, c’est le plus froid de tous les monstres froids : il ment froidement et voici
le mensonge qui rampe de sa bouche : « Moi, l’État, je suis le Peuple. »
[…]Voyez donc ces superflus ! Ils sont toujours malades, ils rendent leur bile et
appellent cela des journaux. […]
Voyez donc ces superflus ! Ils acquièrent des richesses et en deviennent plus
pauvres. Ils veulent la puissance et avant tout le levier de la puissance,
beaucoup d’argent, — ces impuissants !
[…] Ils veulent tous s’approcher du trône : c’est leur folie, — comme si le
bonheur était sur le trône ! Souvent la boue est sur le trône — et souvent aussi le
trône est dans la boue.
[…]Là où finit l’État, — regardez donc, mes frères ! Ne voyez-vous pas l’arc-
1400
en-ciel et le pont du Surhumain ? » -Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra,
1883-1885.
« Les morales ne sont aussi qu’un langage figuré des affects. » (§187)
« Les "bien-nés" s’éprouvaient justement comme les "heureux"; ils n’avaient pas
besoin d’abord de se figurer artificiellement leur bonheur par référence à leurs
ennemis, voire de s’en persuader au moyen du mensonge (comme ont coutume
de faire tous les hommes du ressentiment) (...). - tout cela ! étant très opposé au
"bonheur" selon l’échelle des impuissants, des soumis, purulents de sentiments
empoisonnés et hostiles, chez lesquels le bonheur apparaît essentiellement
comme narcose, hébétude, calme, paix, "sabbat", détente de l’esprit et
décontraction du corps, bref comme passivité. » -Friedrich Nietzsche,
Généalogie de la morale. Un écrit polémique, 1er traité, §10, 1887.
« Voir souffrir fait du bien, faire souffrir plus de bien encore – c’est une dure
vérité, mais une vieille, puissante, capitale vérité humaine-trop humaine. »
« Nous ne sommes prêts ni l’un ni l’autre [il s’agit de Peter Gast] de succomber
à la tentation de revenir dans notre chère patrie ; l’esprit borné de ses habitants
me fait rire. […] Je serais encore certainement découvert en France quelques
années plus tôt que dans ma patrie. » -Friedrich Nietzsche, Lettre à sa mère du
30 octobre 1887, cité dans Friedrich Nietzsche, Par-delà bien et mal, traduction
Patrick Wotling, Paris, GF Flammarion, 2000 (1886 pour la première édition
allemande), 385 pages, p.352.
1401
« La question ouvrière –C’est la bêtise, ou plutôt la dégénérescence de l’instinct
que l’on retrouve au fond de toutes les bêtises, qui fait qu’il y ait une question
ouvrière. Il y a certaines choses sur lesquelles on ne se pose pas de questions :
premier impératif de l’instinct. –Je ne vois absolument pas ce qu’on veut faire
de l’ouvrier européen après avoir fait de lui une question. Il se trouve en
beaucoup trop bonne posture pour ne point « questionner » toujours davantage,
et avec toujours plus d’outrecuidance. En fin de compte, il a le grand nombre
pour lui. Il faut complètement renoncer à l’espoir de voir se développer une
espèce d’homme modeste et frugale, une classe qui répondrait au type du
Chinois : et cela eût été raisonnable, et aurait simplement répondu à une
nécessité. Qu’a-t-on fait ? –Tout pour anéantir en son germe la condition même
d’un pareil état de choses, -avec une impardonnable étourderie on a détruit
dans leurs germes les instincts qui rendent les travailleurs possibles comme
classe, qui leur feraient admettre à eux-mêmes cette possibilité. On a rendu
l’ouvrier apte au service militaire, on lui a donné le droit de coalition, le droit
de vote politique : quoi d’étonnant si son existence lui apparaît aujourd’hui déjà
une calamité (pour parler la langue de la morale, comme une injustice-) ? Mais
que veut-on ? je le demande encore. Si l’on veut atteindre un but, on doit en
vouloir aussi les moyens : si l’on veut des esclaves, on est fou de leur accorder
ce qui en fait des maîtres. » -Friedrich Nietzsche, Le Crépuscule des idoles ou
Comment on philosophe avec un marteau, 1888, « La morale en tant que
manifestation contre nature », 40 (p. 159-160 in GF-Flammarion, Paris, 1985).
« Il ne faut pas se méprendre sur le sens du titre que veut prendre l'évangile de
l'avenir. " La Volonté de Puissance. Essai d'une transmutation de toutes les
valeurs " - dans cette formule s'exprime un contre-mouvement, par rapport au
principe et à la tâche; un mouvement qui, dans un avenir quelconque,
remplacera ce nihilisme complet; mais qui en admet la nécessité, logique et
psychologique; et ne peut absolument venir qu'après lui et par lui. Car pourquoi
la venue du nihilisme est-elle dès lors nécessaire ? Parce que ce sont nos
valeurs elles-mêmes, celles qui ont eu cours jusqu'à présent, qui, dans le
nihilisme, tirent leurs dernières conséquences ; parce que le nihilisme est le
dernier aboutissant logique de nos grandes valeurs et de notre idéal ; parce
qu'il nous faut d'abord traverser le nihilisme, pour nous rendre compte de la
vraie valeur de ces " valeurs " dans le passé... Quel que soit ce mouvement, nous
aurons un jour besoin de valeurs nouvelles... » -Nietzsche, La Volonté de
puissance.
1402
« Les antisémites -autre nom des "pauvres d'esprit". » -Nietzsche, La volonté de
puissance.
"Socialism ― or the tyranny of the meanest and the most brainless, ―that is to
say, the superficial, the envious, and the mummers, brought to its zenith [...]
Socialism is on the whole a hopelessly bitter affair: and there is nothing more
amusing than to observe the discord between the poisonous and desperate faces
of present-day socialists―and what wretched and nonsensical feelings does not
their style reveal to us! ―and the childish lamblike happiness of their hopes and
desires." -Nietzsche, The Complete Works Friedrich Nietzsche, Vol XIV: The
Will to Power : An Attempted Transvaluation of All Values, tr. by Anthony M.
Ludovici and edited by Oscar Levy, Edinburgh and London: T.N. Foulis, § 125,
p. 102-103.
« Comprendre que le goût classique, où qu’il soit, exige une dose de froideur, de
lucidité, de dureté: la logique avant tout, le goût de l’intellectualité, les « trois
unités », la concentration, la haine du sentiment, de la bonhomie, du trait
d’esprit ; la haine de ce qui est compliqué, incertain, flottant, mystérieux, ainsi
que la haine de ce qui est bref, pointu, joli, affable. […] Pour être classique, il
faut avoir tous les dons et tous les besoins forts et contradictoires en apparence,
mais les plier tous sous un même joug ; il faut venir à temps pour porter à sa
cime et à son comble un genre littéraire ou artistique ou politique ; il faut
refléter au plus profond de son âme un état collectif, à une époque où cet état
existe encore sans être défiguré par l’imitation de l’étranger. » -Friedrich
Nietzsche, La Volonté de puissance, 2, Paris, Gallimard, 1968, p. 339-340.
1403
« La pensée de Nietzsche a ceci de curieux que deux notions du temps, le
progrès et le retour, y sont défendues avec une égale énergie. » -Ernst Jünger,
Traité du sablier.
"Il y a dans la vie de certaines âmes de brusques voltes-faces, où, prises d’une
haine violente contre l’objet de leur culte, elles brûlent ce qu’elles ont adoré et
adorent ce qu’elles ont brûlé. En pareil cas, l’idole renversée n’est qu’une
occasion qui fait éclater la vraie nature et jaillir du fond de l’homme l’ange ou
le démon. Il y a eu un de ces points tournans dans la vie intime de Nietzsche ; ce
fut sa rupture avec Richard Wagner." (p.777)
"Jamais style plus beau ne fut mis au service d’idées plus meurtrières du
véritable, de l’éternel idéal humain." (p.791)
1406
-Pierre Zaoui, « L'athéisme louche de la pensée française contemporaine
», Esprit, 2007/3-4 (Mars/avril), p. 315-327. DOI : 10.3917/espri.0703.0315.
URL : https://www.cairn.info/revue-esprit-2007-3-page-315.htm
« Quand une œuvre est accaparée et pillée sans vergogne comme celle de
Nietzsche par les nazis, ne convient-il quand même pas de se demander si elle
n'y prêtait pas le flanc ? Le long combat de l'auteur de Par-delà le bien et le mal
contre l'humanisme, l'égalité et la démocratie, en jouant un rôle de premier plan
dans l'éducation de toute une génération d'Allemands, n'a-t-il pas contribué à
ouvrir une brèche qui a permis cette usurpation inacceptable en soi ? Pourquoi
une telle mésaventure n'a-t-elle pu arriver à l'œuvre de Tocqueville ou celle de
Benjamin Constant ? » (p.76)
« Le plus grand ennemi que la pensée des Lumières ait jamais connu est
incontestablement Nietzsche. Sa figure formidable domine le tournant du XXème
siècle. Pourtant, par son antinationalisme violent, par son anti-antisémitisme
intense, par son cosmopolitisme sans faille, par son individualisme
aristocratique, par sa francophilie, Nietzsche occupe une place à part. Il
contribue à nourrir la révolte contre les droits de l'homme, le libéralisme et la
démocratie, il donne le cachet du génie à l'antirationalisme et à l'anti-
universalisme et nul n'a fait plus que lui pour tourner en dérision la prétention à
l'égalité. Il est, contrairement à ce que l'on prétend souvent, très conscient de la
signification politique de son œuvre. Cependant, cet aristocrate de la pensée ne
descend pas dans la rue. La campagne politique sur le terrain sera menée par
les hommes qui prendront sur eux la tâche de traduire en termes de politique
des masses aussi bien le travail de Nietzsche que celui de la génération
précédente. Ils se feront sciemment publicistes, simplificateurs et
vulgarisateurs. » (p.620-621) -Zeev Sternhell, Les anti-Lumières. Une tradition
du XVIIIème siècle à la guerre froide. Saint-Amand, Gallimard, coll. Folio
histoire, 2010, 945 pages.
1407
validité et de signification, l'abandon de tous ces réquisits qui prévalaient
depuis Leibniz et Kant est flagrant dans l'œuvre novatrice de Nietzsche. »
« Si pour Nietzsche, c’est une erreur de penser que le bonheur serait le but réel
de toute vie humaine, il l’est tout autant de penser que le bonheur serait le
résultat d’une conduite vertueuse et conforme à des règles morales. » -Roxane
Khodabandehlou, Nietzsche et la conception cartésienne du bonheur, 2014-
2015.
« Rand first read Nietzsche in 1920, at the age of fifteen, when a cousin told her
that Nietzsche had beaten her to her ideas. “Naturally,” Rand recalled in a 1961
interview, “I was very curious to read him. And I started with Zarathustra, and
my feelings were quite mixed. I very quickly saw that he hadn’t beat me to [my
ideas], and that it wasn’t exactly my ideas; that it was not what I wanted to say,
but I certainly was enthusiastic about the individualist part of it. I had not
expected that there existed anybody who would go that far in praising the
individual.”
However attracted to Nietzsche’s seeming praise of the individual, Rand had her
doubts even then about his philosophy. As she learned more about philosophy
and about Nietzsche’s ideas, she became increasingly disillusioned. “I think I
read all his works; I did not read the smaller letters or epigrams, but everything
that was translated in Russian. And that’s when the disappointment started, more
and more.” The final break came in late 1942, when she removed her favorite
Nietzsche quote (“The noble soul has reverence for itself”) from the title page of
The Fountainhead. By this time, she had concluded that political and ethical
ideas—including individualism—are not fundamental but rest on ideas in
metaphysics and epistemology. And this is where the differences between her
philosophy and that of Nietzsche most fundamentally lie.” -John Ridpath, Ayn
Rand Contra Nietzsche, The Objective Standard, Vol. 12, No. 1, spring 2017.
« Aristocracy, it could be argued, is the sign or the star under which Nietzsche
writes, and the generative principle that gives unity, coherence and force to his
otherwise fragmentary and conceptually confounding work.” -Mikael Hornqvist,
2009, The few and the many : Machiavelli, Tocqueville and Nietzsche on
authority and equality, p.11, Columbia University Academic Commons,
http://hdl.handle.net/10022/AC:P:10033.
« Aujourd'hui, nous disons de quelqu'un qu'il est "nihiliste" pour signifier qu'il
ne croit en rien, qu'il est "cynique", bref qu'il n'a pas d'idéal. Pour Nietzsche,
c'est rigoureusement l'inverse : le nihiliste est justement celui qui est bourré de
"convictions fortes" et hautement morales. C'est celui qui possède des idéaux
supérieurs, quels qu'ils soient : religieux, métaphysiques ou laïques, humanistes
et matérialistes. Pourquoi alors employer ce terme ? Tout simplement parce
qu'aux yeux de Nietzsche les idéaux, toutes les "idoles" comme il les appelle,
reconduisent la structure métaphysico-religieuse de "l'au-delà" opposé à "l'ici-
bas", de ce ciel dont on se sert toujours pour annihiler la terre. » -Luc Ferry.
« Avec Nietzsche apparaît pour la première fois sur les mers de la philosophie
allemande le pavillon noir du corsaire et du pirate : un homme d'une autre
espèce, d'une autre race, une nouvelle sorte d'héroïsme, une philosophie qui ne
se présente plus sous la robe de professeurs et des savants, mais cuirassée et
armée pour la lutte (...) Nietzsche, au contraire, fait irruption dans la
philosophie allemande comme les flibustiers à la fin du XVIe siècle faisaient
leur apparition dans l'empire espagnol -un essaim de desperados sauvages,
téméraires, sans frein, sans nation, sans souverain, sans roi, sans drapeau, sans
domicile ni foyer. Comme eux, il ne conquiert rien pour lui ni pour personne
après lui, ni pour Dieu, ni pour un roi, ni pour une foi ; il lutte pour la joie de la
lutte, car il ne veut rien posséder, rien gagner, rien acquérir. » -Stefan Zweig.
"Le jour, il n'était pas sauvage, et il lui était agréable d'emmener une compagne
dans ses marches d'après-midi. Hélène Zimmern et Meta von Salis-Marschlins
racontaient volontiers ces promenades où elles écoutaient, sans doute, plus
qu'elles ne parlaient. "Sa parole, me dit Hélène Zimmern, c'était un fleuve".
Encore Nietzsche était-capable de s'intéresser à ce que disaient ses compagnes.
Sa courtoisie était sincère, et, dès que sa pensée ne le dominait pas, l'attention à
autrui lui était naturelle. Quand Meta von Salis-Marschlins lui parlait de ses
études de droit, elle ne l'importunait nullement. Reconnaissons ici ce même
Nietzsche qu'Overbeck, l'ami baslois, nous a montré "capable de l'intimité la
plus débordante et toujours enfermé dans la plus inaccessible solitude"." (p.43)
"Nietzsche vivait, depuis 1877, du revenu de cette somme [30 000 francs],
auquel s'ajoutaient 3000 francs de pension que lui servaient la ville et
l'Université de Bâle, où il avait enseigné huit ans. N'oublions pas qu'à cette
époque un professeur gagnait, en France, 4000 francs par an." (pp.64-65)
-Daniel Halévy, "Masques et détours de Frédéric Nietzsche", in Henri Clouard
(dir.), Bilan de Barrès, Paris, Sequana, coll. "Hier et demain", 1943, 175 pages.
1410
« Nietzsche paraît être le seul artiste à avoir tiré les conséquences extrêmes
d’une esthétique de l’Absurde, puisque son ultime message réside dans une
lucidité stérile et conquérante et une négation obstinée de toute consolation
surnaturelle. » -Albert Camus, Le Mythe de Sisyphe. Essai sur l'absurde, 1942.
Repris dans Albert Camus, Œuvre, Gallimard, Coll. Quarto, 2013, 1526 pages,
p.336.
"Nietzsche would certainly have rejected the abstract rationalism and counter-
revolutionary utopianism of the Action Française." -Reino Virtanen, "Nietzsche
and the Action Française: Nietzsche's Significance for French Rightist
Thought", Journal of the History of Ideas, Vol. 11, No. 2 (Apr., 1950), pp. 191-
214, p.214.
« La méfiance est aux yeux de Nietzsche l’une des vertus philosophiques les plus
importantes ; c’est peut-être la vertu la plus essentielle. » -Jacques Bouveresse.
"Chez le tout jeune Nietzsche jusque vers 1868 environ, on trouve un mélange
entre l'influence libérale du Vormärz et une borussophilie conventionnelle. En
1866, la guerre de Bismarck contre l'Autriche suscite son enthousiasme, ainsi
que, de manière générale, la politique d'annexion de la Prusse, qui entend
surmonter l'atomisation de l'Allemagne. Paradoxalement, le nationalisme
1412
unificateur prussien a été pour Nietzsche le premier terreur d'où croîtra sa
revendication d'une entité politique supranationale et européenne. Mais, à cette
époque précoce, le malentendu et les illusions sont encore grands sur la nature
des formations d'unité supérieure. C'est ce que Nietzsche comprend très vite, dès
1869, notamment sous l'influence de son nouveau maître Jacob Burckhardt: le
succès de l'Etat et celui de la culture sont deux choses différentes, et leur
croissance est même inversement proportionnelle, ce qui sera affirmé au début
de la Première Inactuelle. Les années 1870 sont donc marquées pour Nietzsche
par un net primat de la culture sur la politique, par l'opposition alors largement
répandue en Allemagne entre la Kultur et la Zivilisation. [...] Ce qui est certain,
c'est que Nietzsche est largement tributaire d'une idéologie de régénération de
la culture allemande par la résurrection de la grécité, idéal que le classicisme
allemand nourrissait déjà autour de 1800. Conjuguant ce classicisme à
l'influence de Wagner, il articule encore la renaissance de type grec aux espoirs
d'un "esprit allemand". Cette pensée nationale, pourtant, n'est déjà plus
nationaliste et réclame un élargissement au cosmopolitisme, qui sera chez
Nietzsche toujours plus marqué. On voit bien que dans ce second débat intérieur
entre la spécificité allemande (le fameux et fatal SonderbewuBtsein) et le
cosmopolitisme, qui est la conséquence d'un premier débat entre la culture et la
politique, se joue un progressif arrachement à une doxa qui entravait la
dynamique philosophique. Dans cette prise de distance que Nietzsche présente
(et perçoit peut-être lui-même) comme posture apolitique, ce n'est pas le
politique qui est évacué, mais bien le plan doxique dominant où le nationalisme
allemand et le culte de l'Etat cherchent des légitimations métaphysiques,
combinant l'idéalisme ancien à un cynisme nouveau." (p.261-262)
"Il ne faut pas croire que ce soit par ses envolées eugénistes que Nietzsche ait
pensé choquer ses contemporains: l'époque est brutale, et largement convaincue
des bienfaits de la discrimination eugéniste. Ce qui est véritablement
provoquant, c'est sa manière très "inactuelle" de définir les malades qui doivent
être éradiqués: là où ses contemporains stigmatisent les pauvres, les criminels,
les pervers, les handicapées mentaux et physiques, et évidemment les Juifs,
Nietzsche leur parle de platonisme, de christianisme, d'idéalisme, de scientisme,
d'historicisme, de nationalisme, d'antisémitisme, etc. A vrai dire, que signifierait
appliquer à la lettre des mesures d'enfermement, de stérilisation, d'euthanasie
1413
aux sujets atteints de ces "perversions"-là ? Cela n'a pas de sens, ne serait-ce
que parce que les pouvoirs politiques, médicaux, psychiatriques, judiciaires sont
en tant que tels toujours déjà infectés par la décadence que vise Nietzsche,
marqués qu'ils sont par des régimes grégaires ou serviles de "vérité". Le
diagnostic généalogique de Nietzsche est trop redoutablement complexe et
précis pour qu'il ait manqué de voir cette contradiction-là. La question qui
demeure est celle de sa compromission possible avec une certaine vulgarité
odieuse des formes de discours dominants." (p.441)
« Nietzsche partage avec les Allemands et la petite bourgeoisie dont il est issu,
la haine viscérale des Anglais. Il insulte les Anglais comme les Allemands. Cela
l’a dispensé de découvrir Hume, Hobbes.
1414
démocratie qui ne serait plus celle des libertés. » -Thierry Guinhut, Pourquoi un
libéral lit-il Nietzsche ?, 26 février 2012.
Disons-le tout de suite : cette trinité comme cette filiation me paraissent toujours
correspondre à quelque chose de réel, et mon but n'est pas d'en nier totalement le
bien-fondé. Il reste que, de ces deux triades, l'une à peu près synchronique (les
maîtres du soupçon) et l'autre diachronique (disons : les maîtres de la joie),
Nietzsche est le seul élément commun et fait fonction, à ce titre, de pivot ou de
plaque tournante de l'ensemble. C'est l'une des raisons – non certes la seule – qui
explique son exceptionnelle importance pour notre époque. Sa pensée semble
constituer, au moins depuis les années 1970 (et à l'égal de ce que fut Marx dans
la période précédente), l'horizon indépassable de notre temps." (p.321)
"Conatus – que Nietzsche interprète, bien sûr à tort, comme une force purement
défensive et conservatrice." (p.335)
"Je pense qu'à la condition d'opérer une sélection drastique dans ses écrits et de
n'avoir aucune inclination à le considérer comme une autorité, on doit regarder
Nietzsche comme un élément fondamental de toute philosophie morale valable à
1416
venir." (p.XIX)
-Bernard Williams, L'Éthique et les limites de la philosophie, Gallimard, nrf
essais, 1990 (1985 pour la première édition britannique), 243 pages.
« S’il est attesté que le combat « perspectiviste » mené par Nietzsche contre
toute morale fondée sur le ressentiment et le refoulement des instincts est limité
à l’analyse radicale de la superstructure de la société bourgeoise, de sa culture
et de son épistémologie idéaliste, il n’est pas moins acquis que
l’incompréhension voire l’indifférence quasi totale de Nietzsche à l’égard de la
1417
critique de l’économie politique – menée par Marx, Engels et les fondateurs du
socialisme-communisme –, qui est renforcée encore par 1’ « aristocratisme de
l’esprit » du philosophe allemand, a poussé Nietzsche à adopter des positions
très critiques et polémiques face au mouvement ouvrier en général, et au
socialisme/communisme en particulier qui ont pu être interprétées comme une
apologie de l’ordre économique d’une société bourgeoise dont Nietzsche n’a
cessé de vilipender l’ordre moral pendant toute sa vie d’écrivain et de
philosophe. Contradiction énorme dans la pensée d’un philosophe qui demeure
quand même – malgré cette attitude critique et polémique à l’égard des forces
progressistes de son siècle – un rebelle contre l’ordre bourgeois et l’État
(bourgeois). »
« Parler de volonté de puissance, ce serait dire qu’il n’y a que des phénomènes
en conflit avec eux-mêmes et les uns avec les autres, sans chose en soi. La
volonté de puissance nous conduit à un monisme de la force, c’est-à-dire à la
réalité comme interprétation, par laquelle des configurations de forces donnent
formes et sens à d’autres configurations de forces. » -Blaise Benoit, « La réalité
selon Nietzsche », Revue philosophique de la France et de l'étranger, 2006/4
(Tome 131), p. 403-420.
1419
Schopenhauer. » -Jean-Pierre Vandeuren, Nietzsche : une lecture « ontologique
» (10/10), https://vivrespinoza.com, 4 octobre 2018.
« Selon Nietzsche, l’utilisation des concepts généraux repose sur trois illusions
ontologiques. D’une part, le langage est inapte à dire le devenir qui est le fond
du réel : « les moyens d’expressions du langage sont inutilisables pour exprimer
le “devenir” » (FP, XIII, 11(73), p. 234). D’autre part, le langage exprime des
idées générales dont l’universalité, même objectivement restreinte, est
totalement fausse, puisque le réel, étant en vérité constitué d’une multiplicité
d’êtres singuliers, ne contient aucune généralité qui soit essentielle. Enfin, le
langage est par principe subjectivement universel : il s’adresse, virtuellement, à
la totalité des sujets composant l’espèce humaine. C’est là pour Nietzsche une
ultime illusion. En effet, d’un côté, l’humanité se compose d’individus singuliers
irréductibles, du moins pour ce qui importe essentiellement, à des qualités
communes et, d’un autre côté, un style de langage ne peut être compris à la
rigueur que d’un type d’homme. C’est celui dont relèvent l’auteur et
l’interprète, sans plus, s’il est vrai que « les livres pour tout le monde sont
malodorants » (PBM, § 30, p. 69). »
1420
priori), « phénoménalité intégrale de l’expérience » (libérée de tout dualisme
métaphysique), nécessitarisme enfin. »
1421
chaque volonté est engagée qui est, avec le caractère inéluctablement provisoire
d’une domination, le tragique le plus radical. Supposant faussement la
possibilité d’une maîtrise universelle d’un réel neutralisé par le savoir,
notamment des passions, le matérialisme absurdiste peut ainsi prétendre au
confort serein d’un jeu passionnel définitivement calmé pour tout individu, au
moins dans le jardin d’Épicure ou dans la société désaliénée. »
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1423
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1424
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2&keywords=Wolfgang+Harich
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interpretation-of-nietzsche-s-thought#1788
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8-1&keywords=Frances+Nesbitt+Oppel
« Louis Blanc, exilé en Angleterre (où il s’est lié d’amitié avec Mill), qui
défendait déjà en 1848 un socialisme prônant l’union des classes sociales, ne
pouvait qu’être sensible aux mises en garde de Mill. Après l’avoir décrite dans
sa correspondance au quotidien Le Temps, Blanc y consacre une brochure
entière, intitulée De la représentation proportionnelle des minorités. Ces anciens
défenseurs du vote populaire, qui voient dans la représentation proportionnelle
un correctif à ajouter au mécanisme de l’élection, rejoignent alors
paradoxalement les positions d’auteurs orléanistes qui, dans un mouvement
inverse, recherchent les conditions qui rendraient acceptable un suffrage
universel désormais perçu comme inévitable. La page du suffrage censitaire et
de l’exclusivité du pouvoir des « capacités » étant tournée, on se contente de
défendre leur droit à être représentées. C’est ainsi que le libéral Lucien‑Anatole
Prévost-Paradol, dans son œuvre majeure La France Nouvelle, qui donne une
nouvelle vigueur à ce débat en 1868, voit dans le « suffrage accumulé » un
moyen de garantir une représentation proportionnelle aux minorités et donc de
prévenir « la suprématie presque absolue de la classe la plus nombreuse et la
moins éclairée de la nation sur le corps politique. » -Vincent Guillin & Djamel
Souafa, « La réception de Stuart Mill en France », La Vie des idées , 18 mai
2010. ISSN : 2105-3030. URL : http://www.laviedesidees.fr/La-reception-de-
Stuart-Mill-en.html
Adolphe Thiers (1797-1877): « Vous serez dès lors les complices obligés de
toutes les grèves, de toutes les violences essayées envers les maîtres pour les
contraindre à élever les salaires. Si le droit est un vrai droit, non une flatterie
écrite dans une loi pour n'y plus penser ensuite, mais un droit sérieusement
reconnu, et efficacement accordé, vous fournirez à tous les ouvriers un moyen
1427
de ruiner l'industrie par l'élévation factice des salaires. » -Adolphe Tiers, à
propos du droit de grève.
« Ce sont des hommes qui forment, non pas le fond, mais la partie dangereuse
des grandes populations agglomérées ; ce sont ces hommes qui méritent ce titre,
l’un des plus flétris de l’histoire, entendez-vous, le titre de multitude. » (Thiers,
24 mai 1850, à propos de la restriction du droit de vote selon le critère de
domiciliation. A Paris, 60% des habitants perdent le droit de vote).
« De toutes les chimères que j’ai eu à combattre, il n’y en a pas de plus vaine et
de plus dangereuse que celle qui s’est appelée le libre-échange. […] Nous ne
sommes pas dans la voie du libre-échange, et j’espère, je le répète, que la
France n’y entrera jamais. » -Adolphe Thiers, Discours sur le régime
commercial de la France, Paris, Paulun, Lheureux et Cie, 1851, p.4 et p.13.
"M. Thiers [...] montre une prédilection secrète pour le despotisme absolu de
l’État, une admiration instinctive pour les institutions de Crète et de
Lacédémone qui donnaient au législateur le pouvoir de jeter toute la jeunesse
dans le moule, de la frapper, comme une monnaie, à son effigie." -Frédéric
Bastiat, Baccalauréat et Socialisme, 1848, in Sophismes économiques et petits
pamplets II, Guillaumin, 1863, Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, tome 4
(pp. 442-503), p.490.
1428
« Thiers était bien seul, dans sa lucidité, au Corps législatif, réclamant
vainement des éclaircissements : « Je regarde cette guerre comme une
imprudence. » On l’accusa de se faire l’avocat du roi de Prusse. Les crédits
étaient votés par 245 voix contre 10 et 7 abstentions. Même des républicains,
comme Gambetta ou Ferry, s’étaient laissés emporter par l’exaltation
générale. » -Gérard-Michel Thermeau, « La guerre de 1870, il y a 150 ans : une
guerre oubliée », 19 juillet 2020 :
https://www.contrepoints.org/2020/07/19/376115-la-guerre-de-1870-il-y-a-150-
ans-une-guerre-oubliee
http://www.amazon.fr/Adolphe-Thiers-Ou-n%C3%A9cessit%C3%A9-
politique/dp/2213018251/ref=pd_sim_14_3?ie=UTF8&dpID=51H1FEVM0TL
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« Avec l'ordre, nos ateliers se sont rouverts, les bras ont repris leur activité, les
capitaux sont revenus vers nous, le calme a reparu avec le travail et déjà la
France relève la tête, et, chose plus surprenante encore! une forme de
gouvernement, qui d'ordinaire la troublait profondément, commence à entrer
peu à peu dans les habitudes. Les événements ont donné la République, et
remonter à ses causes pour les discuter et pour les juger serait aujourd'hui une
entreprise aussi dangereuse qu'inutile. La République existe, elle sera le
gouvernement légal du pays, vouloir autre chose serait une nouvelle révolution
et la plus redoutable de toutes. Ne perdons pas notre temps à la proclamer, mais
employons-le à lui imprimer ses caractères désirables et nécessaires. Une
commission nommée par vous il y a quelques mois lui donnait le titre de
République conservatrice. Emparons-nous de ce titre et tâchons surtout qu'il
soit mérité. Tout gouvernement doit être conservateur, et nulle société ne
pourrait vivre sous un gouvernement qui ne le serait point. La République sera
conservatrice ou ne sera pas. La France ne peut pas vivre dans de continuelles
alarmes. » -Adolphe Thiers, Message à l'Assemblée des députés, 13 novembre
1873.
« Selon les chiffres cités par Vindt (1996), le salariat représentait en France
30% de la population active en 1881, 40% en 1906, 50% en 1931, plus de 80%
aujourd'hui. » -Luc Boltanski et Ève Chiapello, Le Nouvel esprit du capitalisme,
Paris Gallimard, coll. Tel, 2011 (1999 pour la première édition), 971 pages,
p.748.
« Il n'était pas rare […] sous la troisième République pour une famille
d'industriels de former le fils aîné pour reprendre l'usine ou le haut-fourneau
familial, et le cadet pour devenir député et défendre au Parlement les intérêts de
sa maison. » -Jean-Edouard Colliard, économiste français.
1431
"Au XIXe siècle et dans la première moitié du XXe, [la croissance
démographique française fut] très inférieure à celle des Etats voisins,
notamment l'Allemagne où la population, en dépit d'une forte émigration,
s'accroissait rapidement.
C'est à la demande de l'état-major, pour tenter de pallier l'insuffisance
numérique de l'armée française face à l'armée allemande, qu'est passée en 1890
la loi entraînant la naturalisation automatique des enfants nés en France de
famille immigrée, afin qu'ils accomplissent le service militaire." (p.129)
-Yves Lacoste, Vive la Nation. Destin d'une idée géopolitique, Fayard, 1997,
339 pages.
« Dès le début de la IIIème République, la très bavarde grande muette avait été
le refuge des aristocrates de plus en plus écartés du pouvoir dans toutes les
institutions importantes de la vie civile. En 1898, un bon quart des généraux de
brigade et de division étaient des aristocrates. De surcroît, ce corps d'officiers
dominé par l'aristocratie joua un rôle crucial dans l'impérialisme au XIXème et
au XXème siècle. » -Benedict Anderson, L'imaginaire national. Réflexions sur
l'origine et l'essor du nationalisme, Paris, Éditions La Découverte & Syros,
2002 (1983 pour la première édition américaine), 211 pages, p.156.
« Dès 1885, Jules Guesde avait dit : qu’est-ce que le colonialisme, ça se fait
comment ? Hé bien ça se fait au moyen du sang et de l’argent de la nation, de la
collectivité. On commence par envoyer des soldats, c’est-à-dire les enfants du
peuple, ensuite on envoie un peu d’argent pour les premiers travaux, les routes,
l’aménagement du port, c’est encore l’argent du peuple, et puis après, ce sont
des compagnies privées qui raflent tous les bénéfices. […] Les colonies
coûteront toujours très cher à la Métropole, et ne rapporteront pratiquement
rien à la Métropole, elles rapporteront à des groupes d’intérêts privés. » -Henri
Guillemin, L'autre avant guerre - 1871-1914 - L'occident dévore le monde.
« En France, par exemple, de 1870 à 1987, les salaires en termes réels, c'est-à-
dire une fois défalqué l'effet de la hausse des prix, ont été multipliés par treize.
Dans le même temps, le nombre annuel d'heures travaillées est passé de 2945 à
1432
1543. C'est dire qu'il presque été divisé par deux. Dans le temps d'une active,
comme on l'a fait remarquer récemment, la durée du travail a diminué de
15%. » -Philippe Simonnot, 39 leçons d'économie contemporaine, Gallimard,
coll. folio.essais, 1998, 551 pages, p.371.
"L'année 1885 fut sans aucun doute une année cardinale dans l'histoire de la
IIIe République: les résultats des législatives qui se traduisent par une Chambre
composée de trois tronçons égaux où les crises ministérielles se succèdent et
consacrent un immobilisme qui a toutes les chances de s'éterniser. Les crises de
gouvernement qui expriment les difficultés que rencontre le centre bourgeois au
pouvoir entraînent finalement une crise de régime." (p.29)
-Zeev Sternhell, La droite révolutionnaire: 1885-1914. Les origines françaises
du fascisme, Gallimard, folio.histoire, 1997 (1978 pour la première édition
française), 602 pages.
"La fusillade de Fourmies, le 1er mai 1891, suscite, au-delà des protestation, un
regain d'intérêt pour la question militaire: c'est l'armée nationale qui, mise à
disposition de l'ordre capitaliste, a tiré sur la nation travailleuse." (p.383)
1433
"Les idées exposées jadis par Blanqui sur la "nation armée" sont reprises dans
tous les programmes des partis socialistes. A l'armée permanente et
professionnelle se substitue l'universalisation de l'armement et l'armée défensive
des citoyens. [...]
Ces idées vont être résumées dans un projet de loi que Vaillant, en bon disciple
de Blanqui, dépose à l'Assemblée après les élections de 1893." (p.391)
"A la fin de l'année 1894, Jaurès est frappé de la censure avec exclusion
temporaire de la Chambre, à la suite du débat sur le projet de loi qu'il dépose
tendant à supprimer la peine de mort du code de justice militaire." (p.392)
"Tout enthousiasme a [...] été banni des rangs socialistes au sujet de l'alliance
franco-russe: les esprits se sont partagés entre le "mariage de raison" et
l'hostilité ouverte. Les premiers se recrutent exclusivement dans les rangs des
"indépendants" et des "broussistes" [...] les autres appartiennent aux groupes
plus révolutionnaires qui ont pour chefs Vaillant, Allemane et Guesde." (p.403)
http://hydra.forumactif.org/t5072-rene-remond-la-republique-souveraine-la-vie-
politique-en-france-1879-1939#6040
http://www.amazon.fr/R%C3%A9publique-universitaires-1870-1940-
Christophe-
Charle/dp/2020146029/ref=pd_sim_14_3?ie=UTF8&dpID=41NYSD67F0L&dp
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violences-
1435
banlieue/dp/2915830398/ref=pd_sim_14_2?ie=UTF8&dpID=51bSZ%2BzJQ5L
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Cl%C3%A9menceau/dp/2200266847/ref=sr_1_fkmr0_3?s=books&ie=UTF8&q
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fkmr0&keywords=Jean+Garrigues+grands+discours+parlementaires+de+la+IIIe
me+republique
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R%C3%A9publique/dp/2200267916/ref=pd_sim_14_1?ie=UTF8&dpID=51R3
RNPG3WL&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR108%2C160_&refRID=793
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Le Parnasse :
1436
de Moréas, en date du 18 septembre, donne au mouvement une existence
officielle, et le Traité du Verbe de René Ghil un corps de doctrine, mais encore
de nombreux livres de poèmes, imprégnés de l'esthétique nouvelle, voient alors
le jour. Quelle floraison en effet, en cette année 1886: sans parler de Rimbaud
dont les Illuminations paraissent enfin ; Laforgue publie L'Imitation de Notre-
Dame la Lune et le Concile féérique, Moréas Les Cantilènes, et Régnier
Apaisement. Quatre jeune poètes donnent leur premier livre: Rodenbach avec
La Jeunesse blanche, Mockel avec Poèmes minuscules, Viélé-Griffin avec
Cueille d'avril, enfin Ephraïm Mikhaël avec L'Automne."
(p.71)
En fait, le XIXe siècle montre, tout au long de son déroulement, une tension, un
conflit permanents entre partisans et adversaires de l’idéalisme, et ne se laisse
pas appréhender comme une succession de moments pendant lesquels chacune
de ces tendances aurait, à tour de rôle, régné seule. La publication de Madame
Bovary n’a pas empêché Vigny ou Hugo de continuer à produire, ni Leconte de
Lisle de rendre témoignage de la continuité de l’inspiration idéaliste en
France."
"ll est clair pourtant qu’à l’époque, une même préoccupation de l’Absolu fédère
les acteurs rangés sous la bannière du symbolisme et que tous les textes à valeur
de manifeste poétique contiennent des professions de foi idéalistes. Ces
programmes esthétiques clament chez leurs auteurs la volonté de faire
1437
apparaître, au-delà des apparences matérielles, une Vérité plus haute, qui
découvre l’Idée «immarcescible», pour reprendre une épithète
qu’affectionnaient les écrivains du temps. À l’instar des toiles de Gustave
Moreau, l’œuvre littéraire se doit d’évoquer un monde mystérieux et surnaturel,
invisible ici-bas aux yeux profanes."
"En 1891, Jean Thorel souligne les liens unissant les écrivains français
contemporains – au premier rang desquels il place Villiers de l’Isle-Adam,
récemment disparu, ainsi que Mallarmé – et leurs ancêtres, les romantiques
allemands : aux yeux de Jean Thorel, tous ces auteurs partagent une même
conception du symbole, un système philosophique idéaliste hérité de Fichte et
l’ambition d’exprimer la part invisible du monde."
"Mais Narcisse est aussi stérile. Et le dédain affiché pour la société est tel, chez
les idéalistes fin-de-siècle, que beaucoup de ceux-ci répugnent même à aller au-
delà de la conception d’une œuvre d’art: on pense, mais on ne produit pas,
puisqu’il faudrait alors faire des concessions envers le monde quotidien et
accepter que l’Idée sublime se trouvât comme souillée au contact de la réalité.
Des Esseintes se dit écrivain, mais en fait n’écrit pas; il se contente d’absorber
les œuvres des autres et, pour lui-même, de nourrir des idées d’ouvrages.
Beaucoup de ces artistes se reconnaîtront dans la figure d’Hamlet, l’intellectuel
pur, reclus dans sa chambre-sanctuaire, garrotté par sa cérébralité et
répugnant à toute forme d’action.
L’idéaliste fin-de-siècle entend donc n’avoir à connaître que lui-même; son
esprit constitue à ses yeux la seule instance qui vaille, tout le reste n’étant selon
lui – et par rapport à cette essentielle réalité – qu’illusion voire hallucination."
"De cette idéale forteresse de l’Art étaient évidemment bannies les femmes,
assimilées à des goules ou des vampires, coupables de vouloir ramener l’homme
dans les misères du vouloir-vivre. Les écrivains et les peintres s’autorisent
également de Schopenhauer pour professer comme un dogme l’horreur du
moderne (englué dans la Volonté) et pour diriger tous leurs efforts cognitifs vers
le passé, censé conserver plus purement les lois de l’universelle répétition. Les
idéalistes fin-de-siècle étudient le monde «à rebours» – cette formule définit
aussi un programme intellectuel – et se plongent dans l’Antiquité, dans les
mythes anciens, dans les fables et légendes du Moyen Âge, etc."
-Michel Brix, « L'idéalisme fin-de-siècle », Romantisme, 2004/2 (n° 124), p.
141-154. DOI : 10.3917/rom.124.0141. URL : https://www.cairn.info/revue-
romantisme-2004-2-page-141.htm
https://www.amazon.fr/Crise-valeurs-symbolistes-po%C3%A9sie-
fran%C3%A7aise/dp/2745326864/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=154195
0968&sr=1-1&keywords=La+crise+des+valeurs+symbolistes
1440
expérience en un roman sans me dissimuler que le public, de longue date
habitué au plat et précis terre-à-terre de la littérature immédiate, sera, sans
doute, dérouté par cette tentative. Mais qui sait aussi si quelques-uns ne se
réjouiront pas d’être ainsi arrachés à l’ignoble réalité de leur au jour-le-jour
? » -Gabriel-Albert Aurier, interrogé par Jules Huret dans son Enquête sur
l’évolution littéraire, 1891.
Bien qu’ils n’aient, comme jadis les Parnassiens, ni éditeur commun, ni recueil
à eux, où leur groupe apparaisse nettement délimité, ceux qui s’occupent de vers
savent qui l’on désigne par ce nom ironique de décadents. Baudelaire est leur
père direct, et toute l’école danse et voltige sur le rayon macabre qu’il a ajouté
au ciel de l’art, suivant l’expression de Victor Hugo. » -Chronique de Paul
Bourde sur les Poètes décadents, Le Temps, 6 aout 1885.
1441
Le désespoir décadent n'est donc pas étranger à cette référence à la Rome
décadente. Il prend la forme d'un sentiment d'impuissance face à un monde
finissant, un monde putrescent ; à ce désespoir on réagit en cherchant, dans la
littérature, une échappatoire – Any where out of the world – un refuge, un
moyen de transcender son « taedium vitae » (dégoût de la vie), sa névrose –
version décadente du spleen –, par une esthétique du précieux, du rare, qui
permet de se défendre de la « platitude des temps présents » (Verlaine).
A l'intérieur de ce mouvement qui n'en est pas vraiment un, nous avons choisi de
nous arrêter sur A Rebours de J.K. Huysmans et sur les Moralités Légendaires
de Jules Laforgue. Ces deux œuvres nous paraissent en effet être les plus
représentatives et les plus quintessencielles du désespoir décadent. De plus, si la
réputation et l'autorité en matière littéraire de Huysmans – consacré par ses
contemporains comme le « Pape du décadentisme » – ne sont plus à faire, il n'en
est pas de même pour Laforgue, auteur trop méconnu, à qui nous voudrions ici
rendre justice. »
« Cette fin du 19e siècle est en effet vécue comme l'aboutissement de grandes
transformations tant sociales que politiques, techniques et culturelles. La
Révolution Industrielle – avec son cortège d'innovations techniques – la
République – encore toute jeune dans un siècle de révolutions et d'empires –
l'avènement du positivisme etc. : autant de facteurs de ces changements
radicaux. Avec la révolution industrielle et l'émergence d'une classe ouvrière, la
société change de visage : les campagnes sont désertées et suite à un
mouvement d'exode rural important, les « villes tentaculaires » (Verhaeren)
s'étendent en France. Ce siècle est également celui de l'avènement de la
bourgeoisie (dont Flaubert a tant fustigé la bêtise), et de l'argent en tant que
valeur. Le suffrage universel – bien que certains le considèrent comme
conservateur – choque également les âmes aristocratiques comme celle de
Flaubert, profondément opposé à ce qu'il considère comme le triomphe de la
vulgarité. Huysmans résume parfaitement ce sentiment élitiste de médiocrité de
l'époque en mettant dans la bouche de son héros, le duc Jean des Floressas des
Esseintes, les mots suivants : « un temps de suffrage universel et de lucre ». Les
artistes contemporains se sentent en porte-à-faux avec cette société dominée par
les intérêts économiques.
Dans cette société dominée par l'esprit de lucre et qui semble indiquer la fin
d'une certaine « Grande France », la jeunesse se sent quelque peu étriquée.
L'Empire était l'avènement de tous les possibles (ce que Stendhal montrait assez
bien dans le Rouge et le Noir, ou encore Victor Hugo avec l'anoblissement du
Baron de Pontmercy pour faits d'armes) et la République n'offre plus la
possibilité d'une vie marquée par la gloire et l'ambition noble. Il en résulte pour
la jeunesse artiste de ces années-là un sentiment de faillite qui fait naître une «
désespérance voisine de l'anéantissement » (Baudelaire). En cette fin de siècle
marquée par des idées millénaristes la littérature reflète ce malaise, ce mal de
vivre en même temps qu'un profond besoin d'idéal, de foi, de mystère. »
1443
Esseintes au dernier chapitre, « appelle à l'aide, pour se cicatriser, les
consolantes maximes de Schopenhauer ») comme chez Laforgue. Il y a en effet
chez le philosophe allemand l'idée que l'ennui, aspect « triste, lugubre, du
dégoût et de la douleur » est une valeur aristocratique : « l'ennui est le tourment
des classes supérieures », celles qui peuvent se payer le luxe de s'ennuyer car
elles ne travaillent pas. C'est exactement le cas de des Esseintes qui souffre de
la névrose, mal qu'il considère comme le mal aristocratique par excellence et
réservé aux âmes d'élite. » -Elisabeth Rosa & Leila Slimani, « Réflexions sur le
désespoir moderne », http://www.sens-public.org, 4 octobre 2003.
https://www.amazon.fr/LImaginaire-d%C3%A9cadent-Jean-
Pierot/dp/287775149X/ref=sr_1_fkmr1_1?s=books&ie=UTF8&qid=153537949
8&sr=1-1-
fkmr1&keywords=L%E2%80%99Imaginaire+d%C3%A9cadent+%281880-
1900%29
https://www.amazon.fr/ralliement-L%C3%A9on-XIII-L%C3%A9chec-
pastoral/dp/2204105554/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1510257334&sr=
1445
1-
1&keywords=Le+ralliement+de+L%C3%A9on+XIII+%3A+l%27%C3%A9che
c+d%27un+projet+pastoral
« Qui ils sont ? Ils sont la contrefaçon – et c’est par là qu’ils présentent, pour
les populations rurales, un certain péril – ils sont la contrefaçon de la
démocratie. Ils parlent notre langue, ils parodient nos idées, ils défigurent nos
principes. Pour une certaine démocratie, qui heureusement ne peut être
confondue avec la vraie […] ils sont les premiers démocrates, prêts à faire table
rase de tout ce qui rime avec institutions, à parlement, à constitution, à
légalité. » -Gambetta, Discours prononcé à Auxerre, 1er juin 1874, cité par
Pierre Barral, Les Fondateurs de la République, Paris, Armand Colin, 1968,
p. 101.
« Ceux là sont dupes d’une chimère, qui s’imaginent qu’il est prescrit et qu’il
est possible au gouvernement de faire le bonheur de tous. Le gouvernement ne
doit strictement à tous qu’une chose : la justice. Chacun s’y appartenant, il
convient à chacun de se rendre heureux ou malheureux par le bon ou le mauvais
usage de sa liberté. » -Léon Gambetta, discours aux ouvriers de l’Aveyron, 8
novembre 1878.
« Il pensait –et il n’était pas le seul- que la France pourrait peut-être récupérer
l’Alsace-Lorraine si elle cédait en échange à l’Allemagne un certain nombre de
1446
colonies. Selon ses propres dires, il était même possédé par cette idée. Mais ce
n’était là qu’un aspect de sa pensée coloniale. Gambetta et les gambettistes
considéraient que l’expansion coloniale contribuerait surtout à résoudre la
question sociale. Les colonies étaient un exutoire pour les mauvais éléments de
la société, un terrain de jeu où le peuple pouvait lâcher la bride à ses instincts
martiaux, un moyen de conserver la société existante et de freiner la marche du
socialisme. » -Henri Wesseling, Les empires coloniaux européens (1815-1919),
Éditions Gallimard, 2009, 554 pages, p.257.
« D’après Roger des Fourniels, Gambetta « s’était fait athée » parce qu’il avait
estimé que l’irréligion était « un moyen d’arriver ». » -Jacqueline Lalouette, "De
quelques aspects de l’athéisme en France au XIXe siècle", Cahiers d’histoire.
Revue d’histoire critique [Online], 87 | 2002, Online since 01 April 2005,
connection on 11 February 2021.
URL: http://journals.openedition.org/chrhc/1661; DOI: https://doi.org/10.4000/c
hrhc.1661
https://www.amazon.fr/GAMBETTA-PATRIE-REPUBLIQUE-MAYEUR-
JEAN-
MARIE/dp/B00H9KBM5G/ref=sr_1_2?ie=UTF8&qid=1480611715&sr=8-
2&keywords=L%C3%A9on+Gambetta.+La+Patrie+et+la+R%C3%A9publique
Ernest Renan (1823-1892): « Ne comprenant pas [...] l'inégalité des races, [...]
la France est amenée à concevoir comme la perfection sociale une sorte de
médiocrité universelle. » -Ernest Renan, La Monarchie constitutionnelle en
France, p.242.
1447
« Un pays qui ne colonise pas est infailliblement voué au socialisme. » -Ernest
Renan, Œuvres complètes (10 tomes), Paris, Calmann-Lévy, 1947-1961, tome 1,
p.390.
“Ludwig von Mises himself rallied around this essay [Qu’est-ce qu’une nation
?] as the best expression of classically liberal doctrine.” -Jeffrey A. Tucker, Do
You Know What a Nation Is ?, fee.org, July 03, 2017.
« Il n'est pas vrai qu'on puisse attribuer aux seuls penseurs allemands la théorie
"naturelle", "objective", ou "ethnographique" de la nation. Bien des auteurs
français y ont contribué, à commencer par Renan lui-même, fort entiché de
l'approche racialiste dans les débuts de sa carrière. » -Michel Winock, Le
XXème siècle idéologique et politique, Éditions Perrin, coll. Tempus, 2009, 540
pages, p.181.
« C'est de lui [Renan] qu'on a pu dire à juste titre qu'il voulait garder une
religion pour le peuple. » -Georges Guy-Grand, La philosophie nationaliste,
Paris, Bernard Grasset Éditeur, 1911, 227 pages, p.149.
1449
URL: http://journals.openedition.org/chrhc/1661; DOI: https://doi.org/10.4000/c
hrhc.1661
Jules Ferry (1832-1893) : « Je le dis bien haut, il est juste, il est nécessaire que
le riche paye l'enseignement du pauvre, et c'est par là que la propriété se
légitime. » -Jules Ferry, De l’égalité de l’éducation, 10 avril 1870.
« Ferry est avant tout un homme d'ordre et son action pédagogique s'inscrit
dans une perspective délibérément conservatrice. S'il a œuvré pour le
prolétariat, ce fut, avant tout, par souci de discipline collective, pour améliorer
1451
le fonctionnement de l'organisme social, en un mot et conformément à
l'inspiration positiviste, pour mettre fin à la révolution. » -Louis Legrand,
L'influence du positivisme dans l’œuvre scolaire de Jules Ferry, Rivière, 1961.
"Pour détourner les humbles de la question sociale, rien de tel que le drapeau.
A titre de diversion, Ferry a utilisé d'abord le spectre des Jésuites ; un
républicain pour de bon, le militant de l' "article 7", en juillet 1879, et des
décrets de mars 1880 ; ses lois laïques, son "école sans Dieu", lui valent d'être
appelé indifféremment "Néron", "Satan" ou l' "Antéchrist" par la Droite
cléricale ; un beau brevet, je pense, de fidélité démocratique. Et maintenant il
veut que les écoliers tiennent les yeux fixés sur "la ligne bleue des Vosges". A la
niaise et trompeuse religion des curés, il entend substituer -ce sont ses termes
mêmes- "la religion de la Patrie". En 1882, avec Paul Bert, autre ami de l'ordre,
il crée les "bataillons scolaires" où les enfants, dès la communale, se
prépareront au service armé. [...] On apprend, dans les classes, les Chants du
soldat de Déroulède, et une image d'Épinal, à grand tirage, monte un instituteur
cambré désignant du doigt à ses petits élèves le tableau noir où il a tracé, à la
craie, en grosses lettres, ces mots exaltants: "Tu seras soldat". L'Histoire de
France, cette nouvelle Histoire sainte, conçue, rédigée par Ernest Lavisse, et
dans laquelle les écoliers, sur les pas de Michelet, iront d'émerveillement en
émerveillements, avec la prise de la Bastille, la nuit du 4-Août, la Fédération,
Danton, le triomphe de Valmy, et la République apportant aux peuples d'Europe
la Liberté à la pointe de ses baïonnettes, l'Histoire de France de Lavisse
s'achève sur une exhortation explicite: "La France a perdu sa renommée
militaire pendant la guerre de 1870 [...] Pour reprendre à l'Allemagne ce qu'elle
nous a pris, il faut que nous soyons de bons citoyens et de bons soldats. C'est
pour que vous deveniez de bons soldats que vos maîtres vous apprennent
l'histoire de France [...] C'est à vous, enfants élevés dans nos écoles, qu'il
appartient de venger vos pères vaincus à Sedan et à Metz ; c'est votre devoir, le
grand devoir de votre vie ; vous devez y penser toujours".
Ainsi doit s'embraser dans les écoles de Jules Ferry la ferveur nationale. La
revanche ! La revanche ! Que tous les écoliers brûlent de cette passion. Autant
de gagné pour la paix sociale." (p.27-28)
"Jules Ferry est tout animé par une idée neuve. Comment n'y a-t-il pas songé
plus tôt ? Il découvre, au pouvoir, les vertus multiples du colonialisme. Renan,
son maître à penser, l'avait cependant averti, dès 1871, dans sa Réforme
intellectuelle et morale, médication proposée à la France au lendemain de la
1452
Commune. Renan avait enseigné: "Un pays qui ne colonise pas est voué
infailliblement au socialisme."." (p.29)
-Henri Guillemin, Nationalistes et "nationaux" (1870-1940), Gallimard, coll.
Idées, 1974, 476 pages.
http://www.amazon.fr/Jules-Ferry-Jean-Michel-
Gaillard/dp/2213022763/ref=sr_1_3?ie=UTF8&qid=1448032643&sr=8-
3&keywords=Jules+Ferry
http://www.amazon.fr/Jules-Ferry-fondateur-R%C3%A9publique-
Fran%C3%A7ois/dp/2713208394/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1448032618&sr=
8-1&keywords=Jules+Ferry%2C+fondateur+de+la+R%C3%A9publique
Ernest Lavisse (1842-1922): « Pour tout dire, si l’écolier n’emporte pas avec
lui le vivant souvenir de nos gloires nationales, si l’écolier ne devient pas un
citoyen pénétré de ses devoirs et un soldat qui aime son fusil, l’instituteur aura
perdu son temps. » -Ernest Lavisse, cité in Pierre Nora « Ernest Lavisse : son
1453
rôle dans la formation du sentiment national », Revue historique, 86e année,
t.228, juillet-septembre 1962, p.102.
« Vous voilà devant vos juges pour répondre du plus grand crime de l’Histoire.
Vous allez mentir, car le mensonge vous est congénital. Mais prenez garde ! Car
mentir est gênant quand on sait que ceux qui vous écoutent et vous regardent
savent que vous mentez. » -Ernest Lavisse, parlant des délégués allemands à la
Conférence de Versailles, Le Temps, 2 mai 1919.
http://www.amazon.fr/Histoire-France-Gaule-nos-
jours/dp/2200600151/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1458834150&sr=1-
1&keywords=Ernest-Lavisse-Histoire-de-France
http://hydra.forumactif.org/t1385-alexandre-ribot-discours-politiques-lettres-a-
un-ami-souvenirs-de-ma-vie-politique
http://hydra.forumactif.org/t4864-walter-badier-alexandre-ribot-et-la-
republique-moderee-formation-et-ascension-dun-homme-politique-liberal-1858-
1895#5815
1456
Révolution française. 1789-1799, Éditions Robert Lafont, coll. Bouquins, 2002
(1987 pour la première édition), 1223 pages, p.1156.
"A la fin de 1927, Georges Lefebvre fut élu à la chaire d'histoire contemporaine
de l'université de Strasbourg, à l'instigation des fondateurs des Annales. Il fut
ensuite un collaborateur assez important de la nouvelle revue, avec 43 textes
publiés avant 1938. [...]
L'hypothèse d'une génération des Annales et de ses idées s'illustre assez bien
pour les fondateurs de la revue : héritiers de l'élite universitaire (réussite
scolaire, parisienne et ulmienne), d'âges proches et insérés dans des réseaux de
sociabilité similaires, sinon identiques. Georges Lefebvre, lui, est issu d'un
milieu très modeste, d'une université de province, et n'a été reçu à l'agrégation
qu'à sa troisième tentative. Il a toujours revendiqué son absence de liens avec les
« milieux parisiens ». Si la différence d'âge avec Lucien Febvre est faible (4
ans), Marc Bloch est en revanche de 12 ans son cadet. Il faut laisser de côté
l'hypothèse « générationnelle » pour expliquer la participation de Georges
Lefebvre aux Annales. Du point de vue de la carrière, il apparaît dans une
situation plus difficile que celle des fondateurs de la revue : si l'on entend par
jeunesse l'âge socialement défini par des apprentissages menant à une position
de réussite, par la poursuite d'une trajectoire vers une place reconnue légitime (la
Sorbonne), alors Georges Lefebvre est un vieux jeune, avec, quand il arrive à
Strasbourg à 55 ans, seulement cinq ans de carrière universitaire derrière lui... à
rapprocher d'un âge moyen pour le début d'une carrière universitaire, pour les
historiens, qui était de 37 ans et 5 mois en 1929."
1457
"Contraste singulier aussi, par rapport à l'histoire révolutionnaire déchirée entre
Alphonse Aulard et Albert Mathiez. Tout renouvellement critique est nié par
Lefebvre qui s'inscrit dans la tradition universitaire, présentée dans une unité un
peu artificielle. Il s'agit d'affirmer la continuité de la filiation légitime,
l'Université. Ainsi le marxisme est-il présenté comme « consensuel » chez les
historiens de la Révolution tel Philippe Sagnac, professeur en Sorbonne...
pourtant politiquement libéral pour qui « l'hypothèse de travail » marxiste
signifie avant tout un intérêt pour les bases matérielles de l'action politique et la
pression sociale. [...] Le légitimisme de Lefebvre peut s'interpréter à l'aune de la
faiblesse relative des réseaux et des relais à sa disposition dans la profession."
"Il faut aussi observer ses contributions régulières à des revues incarnant mieux
l'orthodoxie, la tradition de la profession dans la Revue Historique et la Revue
d'histoire moderne, 5 et 9 contributions (soit le tiers des publications de Georges
Lefebvre), entre 1929 et 1931. En étendant le champ d'observation, il paraît que
le rôle des Annales comme espace de publication décroît après 1932 (9,6 % des
publications en revue, de 1932 à 1941) et devient comparable à celui de revues
plus officielles, la Revue historique ou la Revue d'histoire moderne (6,8 %). Et
le fait que Georges Lefebvre soit chargé du bulletin bibliographique de la Revue
historique pour la période de la Révolution et de l'Empire dès 1930 montre la
notoriété déjà acquise.
La déflation des contributions aux Annales après 1932 s'explique d'abord par la
conquête des Annales historiques de la Révolution française. Albert Mathiez
ayant été foudroyé par une attaque en plein milieu d'un cours (février 1932),
Lefebvre, bien que n'ayant que de faibles attaches dans la Société d'études
robespierristes, est choisi comme le seul remplaçant possible : universitaire sans
querelle envers Mathiez, auteur d'une thèse de grande notoriété, et d'histoire
sociale ? alors qu'il était impossible d'élire le titulaire de la chaire en Sorbonne,
Sagnac, choisi par Aulard. Dès lors, Lefebvre publie essentiellement dans « sa »
revue : 79,3 % de ses contributions, soit 22,2 textes par an (!)."
"Cette évolution doit être comparée avec celle des fondateurs, puisque Marc
Bloch tenait lui-même le bulletin pour la période médiévale dans la Revue
historique et dans Le Moyen Age, et que Lucien Febvre était membre fondateur
du comité de rédaction de la Revue d'histoire moderne."
1458
"Il s'agit d'abord de pouvoir écrire du point de vue du peuple, de ses conditions
de vie, de regarder l'histoire par en bas."
"La guerre brise les perspectives de l'historien et en 1946, il est mis à la retraite
de l'enseignement supérieur. Il demeure néanmoins le dirigeant de l'Institut
d'histoire de la Révolution française et de la commission Jaurès. Il professe à la
VIe section des Hautes Études et participe à la création du Centre de Recherches
Historiques de Lucien Febvre, où il supervise en particulier l'édition de sources
(œuvres de Robespierre) ainsi que des dépouillements systématiques sous forme
de fiches types. Cependant le choix d'Ernest Labrousse de succéder à Marc
Bloch plutôt qu'à Georges Lefebvre fut une déception."
-Stéphane Buzzi, « Georges Lefebvre (1874-1959), ou une histoire sociale
possible », Le Mouvement Social, 2002/3 (no 200), p. 177-195. DOI :
10.3917/lms.200.0177. URL : https://www.cairn-int.info/revue-le-mouvement-
social-2002-3-page-177.htm
1459
Émile Boutmy (1835-1906) : http://www.amazon.fr/Emile-Boutmy-Sciences-
Po-Fran%C3%A7ois-
Leblond/dp/284337698X/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1446982181&sr=8-
1&keywords=%C3%89mile+Boutmy
Il est d’une certaine manière l’héritier des Bonaparte par sa combinaison entre
l’appel à l’État fort, la méfiance à l’égard de la représentation et des
médiations, et la fidélité à l’héritage social de la Révolution française.
Anticipant sur les populismes ultérieurs, il s’incarne dans la figure d’un
leader populaire – le général Georges Boulanger (1837-1891) – supposé
représenter la volonté du peuple en court-circuitant les élites, même si, dans son
cas, la médiocrité du personnage a joué un grand rôle dans le délitement du
mouvement.
1460
Rassemblant des hommes issus des courants les plus divers – anciens
communards, républicains jacobins, bonapartistes, orléanistes –, il se
présente comme un mouvement situé au-delà de l’opposition entre la gauche et
la droite, ce qui, comme chacun sait, le situe plutôt à droite et même très à
droite, puisque cette prétention sera plus tard rémanente dans les mouvements
de type fasciste. » -Philippe Raynaud, « Le populisme existe-t-il ? », Questions
internationales, no 83, janvier-février 2017, p.11-12.
1461
composée de conservateurs ; le reste -dont était Barrès, élu à Nancy- allait
siéger à l'extrême gauche, aux côtés de socialistes. Le boulangisme était
retombé, il se morcelait, mais il avait semé une nouvelle graine dans la vie
politique et dans la société française: celle du nationalisme. » -Michel Winock,
Nationalisme, antisémitisme et fascisme en France, Éditions du Seuil, coll.
Points Histoire, 2014, 506 pages, p.348.
http://www.amazon.fr/g%C3%A9n%C3%A9ral-Boulanger-Jean-
Garrigues/dp/2855655498/ref=sr_1_3?s=books&ie=UTF8&qid=1451420913&s
r=1-3&keywords=le+g%C3%A9n%C3%A9ral+boulanger
« Tous les drapeaux ont été tellement souillés de sang et de merde qu’il est
temps de n’en plus avoir du tout. » -Gustave Flaubert, lettre à Georges Sand, 5
juillet 1869.
« Avant Flaubert il n'y avait pas d'artistes. » -Pierre Bourdieu, Entretien avec
Roger Chartier, 1988. Entretien IV: "Le concept de champ et d'habitus".
« Ennuyé par l’idée de République, Flaubert sera effrayé par la Commune, mais
séduit par Louis-Napoléon Bonaparte […] Il est d’ailleurs consacré par le
nouveau régime comme le grand écrivain du Second Empire. » (p.262)
1462
se révolte, ce peuple ! » -Guy de Maupassant, chronique publiée dans Le
Gaulois, 20 août 1881.
« Plus inattendu sans doute est un texte laissé par Guy de Maupassant peu de
temps avant la crise qui le fit définitivement sombrer dans la folie. Voyant dans
les imprécations de l’écrivain contre Dieu « un magnifique et émouvant
blasphème », le journal libre-penseur L’Action les reproduisit dans son «
supplément littéraire » du 1er janvier 1910. » -Jacqueline Lalouette, "De
quelques aspects de l’athéisme en France au XIXe siècle", Cahiers d’histoire.
Revue d’histoire critique [Online], 87 | 2002, Online since 01 April 2005,
connection on 11 February 2021.
URL: http://journals.openedition.org/chrhc/1661; DOI: https://doi.org/10.4000/c
hrhc.1661
« A partir du milieu du siècle [et avec Sainte-Beuve], les portraits laissent place
à des biographies conçues comme un stade préliminaire à toute démarche
scientifique dans son accès à la littérature […]
« Son déterminisme est tel que Sainte-Beuve prendra quelques distances avec
ses thèses. » (p.88)
1463
« Taine a, sans aucun doute, une tendance à embellir l'aristocratie. » -Johan
Huizinga, L'Automne du Moyen Age, Les classiques des sciences sociales, 1948
(1919 pour la première édition néerlandaise), 300 pages, p.62.
« Comme Burke, il croit qu’un droit idéal ne conviendrait qu’à des « automates
abstraits dont on aurait retranché toutes les différences qui séparent un homme
d’un autre ». » -Jacques Droz, Histoire des doctrines politiques en France, éd.
PUF, coll. Que sais-je ?, 1948.
https://www.amazon.fr/Hippolyte-Taine-Jean-Paul-
COINTET/dp/2262033668/ref=pd_sim_14_5?ie=UTF8&dpID=51nz-
tzeq9L&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR107%2C160_&psc=1&refRID=
E47NAG03JHT62DB7398H
https://www.amazon.fr/Origines-France-contemporaine-
NE/dp/2221122186/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1471030317&sr=1-1
https://www.amazon.fr/Philosophie-lart-Hippolyte-
Taine/dp/2705667784/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1471029172&sr=8-
1&keywords=taine+philosophie+de+l%27art
http://hydra.forumactif.org/t644-jean-marie-guyau-oeuvres?highlight=Guyau
1467
En Afrique, les Français, après avoir colonisé l'Algérie, ont établi leur
protectorat sur la Tunisie en 1881 et sur le Maroc en 1912. Ils exercent ainsi
leur influence sur toute l'Afrique du Nord. Celle-ci, voisine de la France et
habitée par beaucoup de Français, est la plus précieuse de nos colonies.
L'empire colonial de la France est vingt fois plus vaste qu'elle et compte
soixante millions d'habitants. Les Français sont en train de le transformer
complètement.
Ils ont partout établi l'ordre et la paix. Ils ont mis fin aux guerres entre tribus
dans l'Afrique du Nord, au trafic des marchands d'esclaves dans l'Afrique
occidentale et aux brigandages des pirates en Indochine.
Ils ont construit des routes, des chemins de fer et des ports, grâce auxquels le
commerce s'est fortement développé, ce qui enrichit à la fois la France et ses
colonies. Ils ont aussi créé des hôpitaux et des écoles*. Les indigènes, Blancs de
l'Afrique du Nord, Noirs de l'Afrique occidentale et de l'Afrique équatoriale,
Jaunes de l'Indochine bénéficient ainsi peu à peu, grâce à la France, des
bienfaits de la civilisation européenne. » -Ernest Lavisse, Histoire de France,
manuel de Certificat d'études, Armand Colin, 1942, p. 318-321.
1468
patriotes torturés, au bout de cet orgueil racial encouragé, de cette lactance
étalée, il y a le poison instillé dans les veines de l'Europe, et le progrès lent,
mais sûr, de l'ensauvagement du continent. » -Aimé Césaire, Discours sur le
colonialisme, 1950.
« Le premier fait qui frappe l’homme sincère dans ses études sur les évolutions
contrastées de l’Homme et de la Terre est l’unité définitive s’accomplissant
dans l’infinie variété des contrées du monde habitable. L’histoire se composait
jadis d’histoires distinctes, locales et partielles, ne convergeant point vers un
centre commun : pour les gens de l’Occident, elles gravitaient autour de
Babylone ou de Jérusalem, d’Athènes ou d’Alexandrie, de Rome ou de Byzance ;
pour les Asiates, elles avaient les foyers distincts de Cambalou, Nanking,
Oujein, Bénarès ou Delhi ; tandis que dans le Nouveau Monde, alors inconnu de
l’Ancien, des peuples regardaient les uns vers Tezcuco ou Mexico, les autres
vers Cuzco ou Cajamarca, et que des milliers de tribus sauvages imaginaient
pour centre du monde un groupe de huttes blotti dans la forêt, peut-être même
une simple cabane au milieu des prairies, une roche, un arbre sacré auquel
pendait quelques étoffes. Maintenant l’histoire est bien celle du monde entier :
elle se meut autour de Séoul et sur les bords du golfe de Petchili, dans les forêts
profondes du Caucase et sur les plateaux abyssins, dans les îles de la Sonde et
dans les Antilles aussi bien que dans tous les lieux fameux considérés jadis
comme les « ombilics » du grand corps terrestre. Toutes les sources du fleuve,
autrefois distinctes et coulant souterrainement dans les cavernes, se sont unies
en un seul lit, et les eaux se déroulent largement à la lumière du ciel. De nos
jours seulement l’histoire peut se dire « universelle » et s’appliquer à toute la
famille des hommes. Les petites patries locales perdent de leur importance
relative en proportion inverse de la valeur que prend la grande patrie mondiale.
Les frontières de convention, toujours incertaines et flottantes, s’effacent
graduellement, et, sans le vouloir, le patriote le plus ardent devient citoyen du
monde : malgré son aversion de l’étranger, malgré la douane qui le protège
contre le commerce avec le dehors, malgré les canons affrontés des deux côtés
de la ligne tabouée, il mange du pain qui lui vient de l’Inde, boit un café qu’ont
récolté des nègres ou des Malais, s’habille d’étoffes dont l’Amérique envoie la
fibre, utilise des inventions dues au travail combiné de mille inventeurs de tout
temps et de toute race, vit des sentiments et des pensées que des millions
d’hommes vivent avec lui d’un bout du monde à l’autre. » -Élisée Reclus, La
1469
Société Nouvelle, Revue internationale, Sociologie, Arts, Sciences, Lettres,
année 10, t. 2, 1894, Quelques mots d’histoire.
« En Afrique [...] il n'y avait quasi pas de possessions européennes avant 1870.
En 1914, en revanche, il n'y avait plus que deux pays qui n'étaient pas des
colonies: le Liberia, qui venait d'être fondé, et le seul pays qui s'était opposé
avec succès à l'expansion coloniale européenne: l'Éthiopie. En Afrique, des pays
qui n'avaient jamais possédé de colonies, comme l'Allemagne et l'Italie, prirent
part à la colonisation. Sur le continent noir, il fut possible à la Belgique, l'un
des plus petits pays d'Europe, d'acquérir l'une des plus grandes colonies
d'Afrique. Le Congo belge était quatre-vingt fois plus grand que la Belgique
elle-même. Sur ce continent, il fut aussi possible à un pays de taille très modeste
et, à de nombreux égards, arriéré comme le Portugal d'acquérir deux très
grandes colonies: l'Angola et le Mozambique. [...]
Trois phases peuvent être distinguées dans ce processus. La première, très
brève, débuta par l'occupation française de la Tunisie en 1881 et s'acheva par
l'occupation anglaise de l'Égypte l'année suivante. Cette période revêtit un
caractère propre parce que ces événements se déroulèrent dans le monde
méditerranéen et étaient étroitement liés à des questions traditionnelles dont
s'occupait la diplomatie européenne. Durant la seconde phase, la plus longue
puisqu'elle se déroula de 1882 à 1898, l'Europe s'intéressa à l'Afrique profonde,
d'abord au Congo et au reste de l'Afrique centrale (1882-1885) puis à l'Afrique
de l'Est dont le partage eut lieu entre 1890 et 1898. Enfin, pendant la troisième
et dernière phase qui dura de 1898 à 1902, deux questions stratégiquement
1471
importantes furent à l'ordre du jour: la lutte pour l'hégémonie sur le Nil qui
aboutirait à la crise de Fachoda de 1898 et la lutte pour le pouvoir que se
livrèrent les Boers et les Anglais en Afrique du Sud et qui déboucha sur la
guerre des Boers de 1899-1902. » (p.282-283)
« Dès 1885, Jules Guesde avait dit : qu’est-ce que le colonialisme, ça se fait
comment ? Hé bien ça se fait au moyen du sang et de l’argent de la nation, de la
collectivité. On commence par envoyer des soldats, c’est-à-dire les enfants du
peuple, ensuite on envoie un peu d’argent pour les premiers travaux, les routes,
l’aménagement du port, c’est encore l’argent du peuple, et puis après, ce sont
des compagnies privées qui raflent tous les bénéfices. […] Les colonies
coûteront toujours très cher à la Métropole, et ne rapporteront pratiquement
rien à la Métropole, elles rapporteront à des groupes d’intérêts privés. » -Henri
Guillemin, L'autre avant guerre - 1871-1914 - L'occident dévore le monde.
« La politique coloniale telle que l’entendent les hommes d’État […] met à la
disposition de quelques individus l’argent des contribuables, le sang des marins
et des soldats, l’ensemble des forces nationales qui ne doivent être employées
qu’à la sécurité de la patrie. L’expérience du passé nous prouve que ces
privilégiés ont le plus souvent été ruinés, quand ils n’ont pas été tués par leurs
privilèges. L’ironie perpétuelle de la politique protectionniste est d’aboutir
toujours au résultat opposé à celui qu’elle se propose. » -Yves Guyot, Journal
des Économistes, 1885, p. 37. Cité dans Alain Clément, « L'analyse économique
de la question coloniale en France (1870-1914) », Revue d'économie politique,
2013/1 (Vol. 123), p. 51-82.
1472
Alain Clément, « L'analyse économique de la question coloniale en France
(1870-1914) », Revue d'économie politique, 2013/1 (Vol. 123), p. 51-82.
http://hydra.forumactif.org/t3684-john-gallagher-and-ronald-robinson-the-
imperialism-of-free-trade#4523
https://www.amazon.fr/L%C3%A8re-empires-1875-1914-Eric-
Hobsbawm/dp/2818501628/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1479059951&sr=8-
1&keywords=Eric+Hobsbawm
http://www.amazon.fr/colonial-capitalisme-fran%C3%A7ais-Histoire-
divorce/dp/2020108941/ref=sr_1_3?ie=UTF8&qid=1447440565&sr=8-
3&keywords=Empire+colonial+et+capitalisme+fran%C3%A7ais.+Histoire+d%
E2%80%99un+divorce
https://www.amazon.fr/Professer-lEmpire-Pierre-
Singarav%C3%A9lou/dp/2859446788/ref=sr_1_fkmr2_3?ie=UTF8&qid=14601
14505&sr=8-3-
fkmr2&keywords=Christophe+Charle%2C+Histoire+sociale+de+la+France+au
+XIXe+si%C3%A8cle
https://www.amazon.fr/R%C3%A9publique-raciale-Paradigme-
id%C3%A9ologie-
r%C3%A9publicaine/dp/2130549756/ref=sr_1_20?s=books&ie=UTF8&qid=14
60114793&sr=1-20
1473
plus d'Européens, en particulier des Italiens, vinrent s'y établir. L'Italie avait
donc des visées sur la Tunisie. Pour l'Angleterre, elle présentait surtout un
intérêt stratégique parce qu'elle était située à l'intersection entre l'ouest et l'est
du bassin méditerranéen. La France était, financièrement, très impliquée dans
les affaires tunisiennes et elle avait en outre un intérêt stratégique en Tunisie en
raison de sa frontière avec l'Algérie. Il existait dès lors un certain équilibre qui
faisait qu'il était dangereux pour la France d'intervenir. Cette situation changea
lorsque l'Angleterre et l'Allemagne invitèrent ouvertement la France à le faire
lors du Congrès de Berlin de 1878. L'Angleterre voulait offrir une compensation
à la France car elle avait elle-même annexé Chypre, et Bismarck espérait
détourner ainsi l'attention des Français de la "ligne bleue des Vosges". Au
début, le gouvernement français n'osa pas répondre à cette invitation. Elle ne se
fiait pas aux intentions affichées par l'Allemagne et redoutait des complications.
Mais en 1881, Gambetta, le chef de file des républicains, décida qu'on ne
pouvait attendre plus longtemps. Le risque de voir l'Italie intervenir si la France
n'agissait pas était trop grand. Le Premier ministre, Jules Ferry, marqua son
accord. Un incident frontalier fournit le prétexte nécessaire à l'organisation
d'une expédition dont l'objectif était prétendument d'aider le bey de Tunis à
restaurer son autorité. Le 24 avril 1881, un corps expéditionnaire français
franchit la frontière algéro-tunisienne. Le 12 mai, il atteignit Tunis et, quelques
heures plus tard, le bey signait le traité du Bardo qui mit fin de facto à
l'indépendance de la Tunisie. Douze jours plus tard, la Chambre des députés
française ratifia ce traité à une majorité écrasante. La Chambre partagea
l'enthousiasme de Gambetta qui félicita Ferry pour avoir redonné à la France
"son rang de grande puissance". » (p.285-286)
(p.292-296)
https://www.amazon.fr/Maroc-face-aux-imp%C3%A9rialismes-1415-
1956/dp/2869504217/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1502550573&sr=1-
1&keywords=Le+Maroc+face+aux+imp%C3%A9rialismes
“Mises here expresses essentially the same idea as William Graham Sumner in
his famous essay on “The Conquest of the United States by Spain” (Yale Law
Journal, January 1899) in which he argued that, although the democratic United
States had won the 1898 war with imperialist Spain, the Spanish spirit had
conquered the United States.” -Jörg Guido Hülsmann, Mises. The Last Knight of
Liberalism, Auburn (Alabam), 2007, 1143 pages, p.304.
1476
social-classes-owe-to-each-other-what-makes-the-rich-richer-and-the-poor-
poorer-sociology-and-socialism-1881-protectionism-the-ism-which-teaches-
that-waste-makes-wealth#6154
http://hydra.forumactif.org/t3709-stuart-creighton-miller-benevolent-
assimilation-the-american-conquest-of-the-philippines-1899-1903#4550
https://www.amazon.fr/Our-Image-Americas-Philippines-
Paperback/dp/B00M0L3QRG/ref=sr_1_cc_1?s=aps&ie=UTF8&qid=150931092
4&sr=1-1-
catcorr&keywords=In+Our+Image%3A+America%27s+Empire+in+the+Philipp
ines
1477
guerre mondiale. Pendant un quart de siècle centré sur la décennie 1970, le
Mexique a pu importer à bas prix les excédents de la production de maïs des
États-Unis pour fournir l’entreprise d’État mexicaine qui distribuait cette céréale
pour fabriquer dans les villes mexicaines la crêpe (tortilla), base de
l’alimentation populaire."
"Au moins jusqu’aux années 1920, aller chez le voisin était la solution des
problèmes de tout un chacun : les perdants de la Guerre de sécession vont
chercher fortune au Mexique (thème récurrent dans les westerns), comme les
perdants de la Révolution mexicaine le font aux États-Unis. Les intellectuels
nord américains marginaux vont rêver, parfois agir, au Mexique. Les
anthropologues qui créent cette discipline nouvelle dans les années 1920 à
l’Université de Chicago ont pour « terrain » le monde rural mexicain. De droite
ou d’extrême gauche, les intellectuels mexicains vont aux États-Unis, parfois
avec des contrats de grandes firmes [...]
L’idéal de l’éleveur-cavalier, libre et autonome dans son ranch/rancho est
commun à l’ouest des États-Unis et à l’ensemble nord et ouest du Mexique. Le
modèle politique, à la fois présidentiel et fédéral, né aux États-Unis, est commun
aux deux pays. L’intrication d’un idéal républicain laïc et d’une société civile
pénétrée de religiosité leur est aussi commune. Les niveaux de fécondité, les
modes de consommation, les idéaux de bonnes mœurs et d’éducation convergent
entre les deux pays, surtout dans les villes."
"Le tourisme vers le Mexique stagne : il est passé du 6e rang mondial au 10e de
1990 à 2010. Si l’écotourisme « rural » se développait, le potentiel d’accueil
dispersé en gîtes et petite hôtellerie serait énorme (à proximité ceci existe au
Costa Rica). Il irriguerait un milieu « paysan » dont on sait (Arias) qu’il vit plus
de l’argent que lui envoient ceux qui l’ont quitté pour les villes que des profits
agropastoraux. L’insécurité endémique, accrue notablement depuis 2006, freine
une telle activité. Le tourisme classique, au-delà des grandes villes, de quelques
sites archéologiques et des mouvements frontaliers, concerne surtout les stations
balnéaires nées dès 1930 (Acapulco), multipliées dans les années 1960-1990 :
Cancun en est le symbole contemporain, couplant un aéroport et une batterie de
très grands hôtels. Après les États-Unis, le Mexique accueille de loin le flux le
plus important de touristes du continent américain. Ce flux est constitué par la
classe moyenne des États-Unis et du Canada. S’y joint de plus en plus celle des
pays sud-américains. Cela rapporte au Mexique quelque 11 milliards de dollars
en 2010, sans être notablement affecté par l’insécurité diffuse… parce qu’il est
1478
extrêmement concentré en quelques lieux dont la sécurité est préservée, car elle
intéresse tout le monde, narcos inclus. Les États-Unis accueillent annuellement
un tourisme principalement canadien (17 millions) et mexicain (12 millions)."
"Sur 110 millions de Mexicains, quelque 12 millions vivent émigrés aux États-
Unis. Ils y forment la minorité la plus ancienne, la plus nombreuse, la plus
visible, par rapport à une masse étrangère dépassant 22 millions de Latinos (dont
5 millions de Caribéens, 2,8 de Centraméricains, 2,6 de Sud-Américains). Le
transit des Centraméricains compose un flux qui traverse le Mexique et aboutit
aux États-Unis, flux bientôt plus gros que celui des Mexicains. Les allers et
venues des Mexicains migrants seraient de 400 000 à 500 000 par an. La part
des migrants sans papiers est forte chez ces Mexicains migrants (on parle de 4 à
7 millions). Mais en quelle proportion sont-ils inclus ou viennent-ils en plus des
12 millions « recensés » ? Cette part est plus forte encore chez les
Centraméricains (au total les ONG avancent un besoin de régularisation pour 12
millions de « Latinos »). Les migrants centraméricains, bien plus que les
Mexicains, sont les victimes de mafias qui les prennent en charge depuis le
Salvador, à travers le Guatemala et le Mexique. Le film Sin nombre, 2009, de
Cary Joji Fukanaga, donne l’image extrême de ce système mafieux. Pour la
grande masse des migrants mexicains les multiples réseaux d’amis et de parents
déjà installés aux États-Unis depuis plus d’une génération leur permet d’éviter
les risques du passage par les tunnels des villes jumelles ou par le désert.
Les flux financiers d’argent destiné par les migrants à leurs proches restés au
pays sont « évalués » à 23 milliards de dollars par an pour le Mexique, soit 2 %
du PIB."
« Le sang appelle le sang, c'est autour des échafauds et dans les prisons que se
forment les meurtriers et les voleurs. »
1480
« S'il est un fait prouvé par l'étude de l'hygiène, c'est que la vie moyenne
pourrait être doublée. La misère abrège la vie du pauvre. Tel métier tue dans
l'espace de quelques années, tel autre en quelques mois. Si tous avaient les
jouissances de la vie, ils vivraient comme des pairs d'Angleterre, ils
dépasseraient la soixantaine, mais condamnés pratiquement soit aux travaux
forcés, soit - ce qui est pis - au manque de travail, ils meurent avant le temps, et
pendant leur courte vie, la maladie les a torturés. Le calcul est facile à faire.
C'est au moins 8 à 10 millions d'hommes que la société extermine chaque année,
en Europe seulement, non en les tuant à coups de fusils, mais en les forçant à
mourir en supprimant leur couvert au banquet de la vie. Il y a dix ans, un
ouvrier anglais, Duggan, se suicida avec toute sa famille. Un infâme journal,
toujours occupé à vanter les mérites des rois et des puissants, eut l'impudence
de se féliciter de ce suicide d'ouvrier. " Quel bon débarras, s'écria-t-il, les
ouvriers pour qui il n'y a pas de place, se tuent eux-mêmes, ils nous dispensent
de la besogne désagréable de les tuer de nos mains ". Voilà le cynique aveu de
ce que pensent tous les adorateurs du Dieu Capital ! »
« Quel est donc le remède à tous ces meurtres en masse, en même temps qu'aux
meurtres qui se commettent isolément ? Vous savez d'avance ce que propose un
socialiste. » -Élisée Reclus, "La peine de mort", Conférence faite à une réunion
convoquée par l’ " Association Ouvrière " de Lausanne (1879).
« Nous ne nous séparerons jamais du monde pour bâtir une petite église isolée
dans quelque vaste étendue sauvage. Le champ de bataille est ici, et nous
devons rester dans les rangs, prêts à aider quiconque en aura le plus grand
besoin. » -Élisée Reclus, « An Anarchist on Anarchy », Contemporary Review,
vol. 45, 1884, p.637.
« Les géographes d'Hérodote étaient donc partis en guerre en 1976 contre cette
conception atrophiée de la géographie et l'image fastidieuse de celle-ci qui
s'étaient établies dans les universités.
C'est alors qu'ils redécouvrirent l’œuvre énorme du très grand géographe
libertaire Élisée Reclus (1830-1905), tombée dans l'oubli en dépit de tout son
intérêt et de toute sa modernité: elle traite en particulier des conflits territoriaux
avec une grande précision, et c'est la raison pour laquelle les universitaires
l'escamotèrent par la suite. Mais Reclus n'était pas professeur, puisqu'il avait
été proscrit après la Commune de Paris. Pourtant, en dépit de la taille de ses
ouvrages, son œuvre considérable -sa Géographie universelle et L'Homme et la
1481
Terre, notamment- eut un très grand nombre de lecteurs, car elle était vendue et
diffusée en fascicules qui pouvaient être reliés ensuite. Non seulement Reclus a
traité en géographe et en penseur politique des conflits aussi bien entre les
puissances impérialistes qu'entre les peuples colonisés, mais ses conceptions
libertaires ont fait qu'il a présenté de façon critique et équitable les mobiles et
les arguments de chacun des protagonistes de ces conflits.
Je me suis largement inspiré d'Élisée Reclus et j'ai en quelque sorte développé et
systématisé sa démarche pour l'analyse des rivalités de pouvoir sur des
territoires, en construisant une méthode permettant de confronter les arguments
(fussent-ils tout à fait de mauvaise foi) que les dirigeants destinent
habituellement à leurs partisans et à l'opinion internationale. » -Yves Lacoste,
Vive la Nation. Destin d'une idée géopolitique, Fayard, 1997, 339 pages, p.32.
« L’on doit sans doute à Élisée Reclus d’avoir reconnu le premier, à la fin du
XIXe siècle, dans un cadre théorique clairement formulé, la capacité
progressive des sociétés à contrôler l’espace physique et à se dégager de son
emprise. D’esprit très indépendant, éloigné de l’institution universitaire
française, il avait su se nourrir des grands courants de la pensée progressiste de
son siècle : positivisme, darwinisme, marxisme, anarchisme. Il s’inspirait aussi
des travaux du sociologue Frédéric Le Play. […]
Imprégnée d’histoire, la géographie sociale d’Élisée Reclus (L’homme et la
terre, publié de 1905 à 1908) reposait sur l’analyse des interactions intervenant
entre deux « milieux » : le « milieu statique » formé des « milieux naturels »,
sources de potentialités et de contraintes ; le « milieu dynamique »,
nécessairement changeant, constitué par l’entrelacs des rapports sociaux de
tous ordres. Pour Reclus, au gré de son développement, l’humanité se libère des
contraintes de la nature. Elle tend ainsi à renforcer sa maîtrise des milieux
naturels et, conjointement, à consolider ses cohésions sociales. Si le progrès
techniques constitue l’un des moteurs de cette évolution, la lutte des classes
(influence du marxisme), les changements politiques, économiques et sociaux
qu’elle suscite, contribuent aussi à cette dynamique. La vision sociale de Reclus
ne disqualifiait nullement l’individu en tant qu’acteur central de ce mouvement
historique. Pour lui, c’est par la somme des initiatives et des efforts personnels
que la société avance et que son rapport à l’espace s’améliore, devient plus
performant et plus juste. Précisons que c’est dans La Réforme sociale, journal
créé en 1881 par Le Play, que l’expression de « géographie sociale », fut
employée pour la première fois par Paul de Rousiers, commentant La Nouvelle
1482
Géographie universelle de Reclus, publiée entre 1875 et 1894. » -Guy Di Méo,
Introduction à la géographie sociale, Armand Colin, coll. Cursus.Géographie,
2014, 189 pages, p.16-17.
http://hydra.forumactif.org/t336-elisee-reclus-lhomme-et-la-terre#674
Élisée Reclus, Du sentiment de la nature dans les sociétés modernes & autres textes (forumactif.org)
Émile Zola (1840-1902) : « J’ai grand-peur d’avoir trop trempé, pour ma part,
dans la mixture romantique […]. Si j’ai parfois des colères contre le
romantisme, c’est que je le hais pour toute la fausse éducation littéraire qu’il
m’a donnée. J’en suis, et j’en enrage. » -Émile Zola, Le Voltaire, 6 mai 1879.
MM. de Goncourt, Daudet et Zola, sans que je puisse trop préciser dans quels
écrits ou conversations, ont à plusieurs reprises énoncé cette opinion, qui
d'ailleurs est plausible. » -Maurice Barrès, « La Querelle des nationalistes et des
cosmopolites », Le Figaro, 1892.
« Le premier roman ouvrier d’Émile Zola, qui est aussi son premier grand
succès public, le livre qui fit sa réputation, sa gloire et sa fortune, est
L’Assommoir (1877), c’est-à-dire le débit de boisson où l’ouvrier vient perdre
sa paie, son travail et sa dignité. L’héroïne du roman est une femme, Gervaise
Macquart, blanchisseuse dans le quartier de la Goutte d’Or à Paris (XVIIIe
arrondissement) où elle gagne d’abord très convenablement sa vie grâce à son
travail et ouvre un atelier. Sur le plan sentimental, elle a d’abord un amant,
Lantier, paresseux et beau parleur, qui lui fait deux enfants avant de
l’abandonner, puis un mari, Coupeau, ouvrierzingueur, qui lui fait une fille (la
future Nana), puis tombe d’un toit et devient alcoolique ; elle a aussi un
soupirant timide, l’honnête forgeron Goujet, qui l’aime et l’aide en secret. Le
roman conte l’histoire tragique de la déchéance de Gervaise, entre Lantier qui
est revenu et Coupeau toujours ivre. La blanchisseuse, victime de son bon cœur
et de ses illusions, épuisée, engraissée, sombre progressivement dans la misère,
puis l’alcoolisme et frise la prostitution. Elle meurt sous un escalier. Le roman
est mal reçu, tant à droite (où l’on accuse Zola de turpitude et de pornographie et
où l’on dénonce ses idées politiques) que chez les républicains (où l’on déplore
1483
l’image très négative du monde ouvrier qui s’y déploie ; Victor Hugo écrit : «
Vous n’avez pas le droit de nudité sur la misère et le malheur ») ; mais le succès
public, prolongé bientôt par le théâtre, puis par le cinéma (Albert Capellani en
1909), est immense (40.000 exemplaires vendus dès la première année). »
« Le plus puissant roman ouvrier d’Émile Zola est publié deux ans plus tard :
c’est Germinal (1885). C’est le roman de la mine et des mineurs, entièrement
consacré aux « gueules noires », à leur travail souterrain, à leur vie de pauvreté
dans les corons (quartiers d’habitation ouvrière à un étage avec jardinet, loués
par les sociétés minières à leurs employés), à leurs misères, à leurs amours et à
leurs espoirs, aux ingénieurs, aux patrons et aux actionnaires des compagnies,
enfin aux grandes grèves et aux accidents de mines qui ponctuent leur histoire.
Zola a donné la description la plus saisissante qui ait jamais été écrite du travail
de la mine ; il s’est renseigné avec exactitude et est descendu avec des mineurs
au fond du puits. Lorsque, dans les différents chapitres du roman, il suit son
héros, Étienne Lantier, l’un des fils de Gervaise, ancien machineur au chômage
devenu mineur et promu bientôt dirigeant de la grève conduite contre les
nouveaux « tarifs » que veut imposer la Compagnie pour réduire encore les
coûts d’exploitation et les salaires ouvriers, il ne se trompe ni sur les fonctions ni
sur les gestes de chacun : le maître-porion (chef de chantier) et les porions
(contremaîtres) ; les machineurs qui gèrent les treuils, les câbles et les cages qui
descendent les ouvriers dans les profondeurs de la mine ; les chauffeurs qui
alimentent les chaudières ; les marqueurs qui contrôlent la présence des ouvriers
dans la mine et leurs fournissent les lampes Davy ; les havreurs qui creusent,
allongés dans les filons, la houille avec leurs pioches ; les herscheurs qui
poussent les berlines ou les wagonets dans les galeries pour évacuer la terre et le
charbon et doivent également veiller à boiser (étayer) les galeries au fur et à
mesure de leur progression ; les galibots – filles et garçons, freineurs ou
receveurs – qui accrochent les berlines aux trains emportés par les chevaux de
mines ; les palefreniers qui nourrissent, soignent et mènent les chevaux ; les
chargeurs qui gèrent la remontée du minerai, de la terre, des bêtes et des
hommes dans les cages ; et bien d’autres encore… La fosse, le Voreux, le bien
nommé, dévore littéralement les hommes lorsqu’ils descendent dans le puits
exploiter les filons de charbon (« le puits avalait des hommes par bouchées de
vingt et de trente »), et jusqu’aux chevaux de mine, qui sont l’objet de pages
particulièrement sensibles à la souffrance des bêtes condamnées pour toujours à
l’obscurité. La fascination du travail de la mine emporte l’ensemble du récit vers
1484
la double tragédie qui vient frapper de plein fouet les hommes et les femmes du
roman dans leur chair, leurs amours et leurs espoirs : l’échec de la grande grève
contre les nouveaux tarifs emmenée par Lantier au nom de la première
Internationale ; puis l’accident de mine provoqué volontairement par le nihiliste
Souvarine qui inonde le puits et fait périr des dizaines de mineurs – Lantier seul
en réchappera, brisé mais à jamais déterminé. Le roman s’achève sur la
grandiose vision d’avenir que porte en lui son titre : germinal, le mois du
renouveau de la nature dans le calendrier révolutionnaire. Dans les dernières
lignes, Lantier s’éloigne de la mine à travers les champs ; et il lui semble
entendre, « de plus en plus distinctement, comme s’ils se fussent rapprochés du
sol, les camarades [qui] tapaient. C’était de cette rumeur que la campagne était
grosse. Des hommes poussaient, une armée noire, vengeresse, qui germait
lentement dans les sillons, grandissant pour les récoltes du siècle futur, et dont la
germination allait faire bientôt éclater la terre. ». » -Philippe Boutry, « Le monde
du travail et ses représentations », Cours d’agrégation, Sorbonne, Amphithéâtre
Richelieu, février 2021.
« On a trouvé des hommes pour résister aux rois les plus puissants, pour refuser
de s’incliner devant eux : on a trouvé très peu d’hommes pour résister aux
foules, pour se dresser, tout seuls devant les masses, égarées trop souvent
jusqu’aux pires excès de la fureur, pour affronter, sans armes, les bras croisés,
d’implacables colères, pour oser, quand on exige un « oui », lever la tête et dire
« non ». Voilà ce qu’a fait Zola. » -Georges Clemenceau, Discours au Sénat, 11
décembre 1906.
"Qu'est-ce que M. Emile Zola ? Je le regarde à ses racines: cet homme n'est pas
un Français. [...] Nous ne tenons pas nos idées et nos raisonnements de la
nationalité que nous adoptons, et quand je me ferais naturaliser Chinois en me
conformant scrupuleusement aux prescriptions de la légalité chinoise, je ne
cesserais pas d'élaborer des idées françaises et de les associer en Français.
1485
Parce que son père et la série de ses ancêtres sont des Vénitiens, Emile Zola
pense tout naturellement en Vénitien déraciné." (p.40)
http://pone.lateb.pagesperso-orange.fr/Bien_Public.htm
1486
regarde à deux fois avant de me retourner vers un homme et vers une
civilisation, et de prononcer : homme ou civilisation inférieurs. Race inférieure,
les Hindous ! Avec cette grande civilisation raffinée qui se perd dans la nuit des
temps ! avec cette grande religion bouddhiste qui a quitté l'Inde pour la Chine,
avec cette grande efflorescence d'art dont nous voyons encore aujourd'hui les
magnifiques vestiges ! Race inférieure, les Chinois ! avec cette civilisation dont
les origines sont inconnues et qui paraît avoir été poussée tout d'abord jusqu'à
ses extrêmes limites. Inférieur Confucius ! En vérité, aujourd'hui même,
permettez-moi de dire que, quand les diplomates chinois sont aux prises avec
certains diplomates européens... (rires et applaudissements sur divers bancs), ils
font bonne figure et que, si l'un veut consulter les annales diplomatiques de
certains peuples, on y peut voir des documents qui prouvent assurément que la
race jaune, au point de vue de l'entente des affaires, de la bonne conduite
d'opération infiniment délicates, n'est en rien inférieure à ceux qui se hâtent trop
de proclamer leur suprématie.
[…] Je ne veux pas juger au fond la thèse qui a été apportée ici et qui n'est pas
autre chose que la proclamation de la primauté de la force sur le droit ;
l'histoire de France depuis la Révolution est une vivante protestation contre
cette inique prétention. » -Georges Clemenceau, discours à la Chambre du 31
juillet 1885.
« Clémenceau est aussi l’homme dont, autant que la plume, l’épée et le pistolet
étaient redoutés. Drumont, certain d’être tué, redige son testament avant de
l’affronter en duel. » -Georges Navet, Raison présente, Année 1990, 93, pp.137-
140, p.139.
https://www.amazon.fr/Pouvoir-passions-Louis-Barthou-
R%C3%A9publique/dp/2853021645/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1510
598285&sr=1-
1&keywords=Pouvoir+et+passions+%3A+Louis+Barthou+et+la+IIIe+R%C3%
A9publique
Émile Combes (1835-1921): « Combes [...] lui aussi a placé l'impôt sur le
revenu dans son programme. Non seulement Combes tient à achever, et avec
une énergie presque suspecte, l’œuvre anticléricale de son prédécesseur, mais il
1489
vise, pour la paix "religieuse", à une prompte Séparation des Églises et de
l'Etat, et beaucoup, dans son parti même, déplorent ce vœu qui est le sien
d'annuler le Concordat de Bonaparte: lourde erreur, car ce serait perdre le
puissant moyen de contrainte que le Consulat a mis ainsi, contre l'Église
catholique, à la disposition du pouvoir civil. Ajoutez que Combes est un homme
désintéressé, sans liens avec les milieux d'affaires, et, de ce fait, inquiétant. On
apprécie peu, enfin, la stricte surveillance de l'Armée qu'exerce, à la Guerre, le
général André, lequel souscrirait volontiers à la formule de Robespierre et de
Saint-Just, énoncée par eux en 1793: "L'insubordination des généraux est la
pire dans une République ; dans un Etat libre, c'est le pouvoir militaire qui doit
être le plus astreint". Un homme de bien se doit de n'importuner point les
officiers et André déplaît comme un malotru dont le respect est insuffisant à
l'égard d'une Puissance sociale de première importance. Rien n'ira plus, fin
1904, lorsque Combes ayant réglé la question des congrégations (il a brisé les
congrégations enseignantes, ainsi que les "moines ligueurs et moines d'affaires"
dont les Assomptionnistes étaient les plus beaux représentants ; il n'a touché ni
à certains ordre contemplatifs ni aux religieuses dévouées aux malades et aux
misérables) se propose de passer à l'examen des choses interdites. L'Alliance
démocratique, fort amie du président du Conseil tant qu'il s'agissait seulement
des "curés", se refroidit, hausse les sourcils, glisse à l'opposition. Le prétexte
dont elle a besoin pour se séparer de Combes sans avouer les raisons politiques
et sociales de cet abandon, elle le trouve -ou le suscite- dans le scandale dit "des
fiches" qu'un officier en retraite, Guyot de Villeneuve, porte à la tribune dans
une intervention bruyante et bien calculée. Et les Barthou, les Doumer,
conservateurs fidèles, affectent l'horreur. Millerand -que Combes n'a pas
maintenu au pouvoir, et qui dessèche d'y revenir- tonne contre le "régime
abject", choisissant avec pertinence son vocabulaire et dénonçant un
"espionnage" auquel "les honnêtes gens refusent de collaborer". Remarquable,
ce coup d'épaule fourni à la Droite pour renverser Combes par le "socialiste"
de Saint-Mandé au moment même où Combes veut aborder la question de
l'impôt sur le revenu et celle des retraites ouvrières ; et Millerand feint
précisément d'attaquer le gouvernement sur son indifférence aux problèmes
sociaux.
En janvier 1905, Combes est acculé à la démission. » (p.62-63)
https://www.amazon.fr/g%C3%A9n%C3%A9ral-Mangin-1866-1925-
MANGIN-LOUIS-
EUGENE/dp/B0046IQPQK/ref=tmm_pap_swatch_0?_encoding=UTF8&qid=1
514893806&sr=1-1
« S’appuyant sur son salon et sur sa revue, elle fonda une première Société des
amis de la Russie et joua un rôle central dans le tournant qui offrait à la France
l’alliance russe. Elle prôna la revanche, elle déplora la guerre, elle fut mêlée et
toutes les affaires qui jalonnèrent le cours de la IIIe République. La vie de
Juliette Adam illustre et explique mieux qu’aucune autre la tragédie de ce
régime. »
« Juliette Adam, âgée de quatre-vingts ans, qui, il y avait longtemps, avait fondé
la Nouvelle Revue en vue de soutenir Gambetta et les républicains, à présent ne
lisait plus que l'Action française, ne pouvant plus vivre sans les coups
quotidiennement administrés par Daudet à l'hydre de la trahison. » -Eugen
Weber, L'Action française, Fayard, coll. Pluriel, 1985 (1962 pour la première
édition états-unienne), 685 pages, p.116.
« C’est d’abord au sein de la petite élite formée dans les écoles modernes ou à
l’étranger que la conscience nationale égyptienne émerge et se développe. La
notion de patrie et le sentiment de solidarité qui en découle apparaissent pour la
première fois, en arabe, sous la plume de Rifa’a al-Tahtâwî dans l’ouvrage qu’il
publie en 1869. » (p.100)
S’il est une mission que le gouvernement britannique est d’emblée prêt à
assumer dans la durée, c’est la protection du canal de Suez. En 1882, elle a été
un argument de poids avancé par le courant interventionniste pour vaincre les
réticences de Gladstone à une intervention armée en Égypte. D’ailleurs, c’est à
Suez que débarque le principal corps expéditionnaire britannique en août 1882
et à l’est du Delta que la bataille décisive de Tall al-Kabîr est livrée en
septembre. Ferdinand de Lesseps a immédiatement protesté contre la présence
militaire anglaise dans l’isthme de Suez et s’est hautement indigné que la
Grande-Bretagne s’érige en protectrice du canal. Mais le président de la
Compagnie du canal est forcé de s’incliner. » (p.163-164)
« La scène politique est […] pratiquement vide de tout acteur nationaliste quand
Mustafâ Kâmil y fait son entrée, très jeune, vers 1890. » (p.203)
1493
Ce sentiment profondément enraciné, qu’il s’agit d’exhumer, transcende les
différences de langue, de statut ou de religion. » (p.204)
1494
est resté hostile à toute politique impériale, les esprits ont changé en Grande-
Bretagne et le mouvement d’enthousiasme impérial a gagné toute la société
anglaise. » (p.180)
-André Burguière, L’école des Annales. Une histoire intellectuelle, Odile Jacob,
2006, 366 pages.
1495
http://hydra.forumactif.org/t262-fustel-de-coulanges-la-cite-antique#525
« Verlaine aura fait une vingtaine de séjours dans les hôpitaux et maisons de
convalescence. » -François Dosse, Le Pari biographique. Écrire une vie, Paris,
Éditions La Découverte, 2005, 480 pages, p.343.
Marcel Proust (1871-1922): "A côté de Léon Blum et de Jean Lorrain, Maurras
est aussi l'un des premiers soutiens de Marcel Proust, qu'il fréquente depuis
l'année précédente, dans le salon de Mme Arman de Caillavet [...] En juin 1896,
il reçoit son premier livre, Les Plaisirs et les Jours, dans son édition luxueuse
avec couverture glacée vert, chez Calmann-Lévy. Ébloui par les qualités
d'écriture étalées devant lui, Maurras constate l' "extrême diversité de talents"
de l'auteur." (p.149)
-Stéphane Giocanti, Maurras : le chaos et l'ordre, Paris, Flammarion, coll.
Grandes biographies, 2008 (2006 pour la première édition), 568 pages.
"Lire L'Action française, avait enseigné Marcel Proust, c'est "faire une cure
d'altitude mentale". » -Henri Guillemin, Nationalistes et "nationaux" (1870-
1940), Gallimard, coll. Idées, 1974, 476 pages, p.238-239.
L’Affaire Dreyfus : "La personne d'Alfred Dreyfus est dépassé par les enjeux
idéologiques qui se greffent peu à peu sur son procès. De 1897 à 1906, la
1497
République va vivre une crise, une ivresse de la division montée sur le nouveau
pouvoir de la presse et de l'Opinion." (p.159)
-Stéphane Giocanti, Maurras : le chaos et l'ordre, Paris, Flammarion, coll.
Grandes biographies, 2008 (2006 pour la première édition), 568 pages.
"Au-delà des principes, ce sont donc les détails de la loi qui font débat quand
s'ouvre, le 21 mars 1905, l'une des plus longues discussions parlementaires de
la Troisième République. Sont en effet déposés 320 amendements, "320 rochers
à travers lesquels il a fallu conduire la barque", dira Briand, qui tient la tribune
avec talent, tirant profit de l'important travail préparatoire mené avec une
équipe au sein de laquelle se distingue un jeune protestant, Louis Méjan.
Souvent cités, les débats font preuve d'une hauteur de vue et d'une éloquence qui
témoignent tant de l'importance des enjeux que de la maturité du régime.
1498
A droite et à gauche, deux minorités font bloc contre le projet. Pour les députés
de l'Action libérale populaire, Groussau en tête, la séparation est une "espèce
de persécution religieuse mieux organisée" et un "obstacle absolu à la
tranquillité du pays". Tout aussi déterminée, une frange de libres-penseurs se
réunit autour d'Édouard Vaillant et de Maurice Allard pour demander une
"vraie séparation", la substitution des fêtes civiques aux fêtes religieuses, la
remise des églises aux municipalités, qui en feront "des bibliothèques, des cours,
des œuvres sociales".
Les modérés débattent principalement de l'article 4, qui prévoit, sur la
suggestion de Francis de Pressensé et de Jean Jaurès, la mise en place
d'associations cultuelles auxquelles reviendront les biens du clergé et la
jouissance des lieux de culte. "Nous ne devons rien faire qui soit une atteinte à
la libre constitution de ces églises", estime Briand, à qui l'on reproche de
favoriser des schismes et de vouloir briser l'unité catholique. Les garanties qu'il
offre, avec l'appui de Jaurès, inquiètent les radicaux -Clemenceau et Pelletan
dénoncent "une loi qui consacre l'asservissement des fidèles au joug du pape
romain" -et rassurent les modérés et la droite catholique. "Il est de toute
nécessité que la presse catholique ne fasse pas état du succès obtenu, ce serait
de mauvaise politique", note le cardinal Merry del Val, habile stratège qui
s'inquiète en revanche de l'article 6, qui fait du Conseil d'Etat l'arbitre des
conflits à venir.
"Je n'ai pas reculé devant les concessions nécessaires", conclut Aristide Briand,
qui appelle chacun à reconnaître l'équilibre du compromis. De fait, l'abbé
Lemire vote contre sans cacher qu'il le fait "avec des arguments qui font qu'il
pourrait être pour" (sic)... Avec 341 voix contre 233, la majorité dépasse les
espérances. A son tour, le Sénat vote la loi, qui définitivement adoptée le 6
décembre 1905. Alors qu'apparaissent de nouveaux sujets d'inquiétude sur le
front international, la question religieuse semble apaisée." (p.276-278)
-Arnaud-Dominique Houte, Le triomphe de la République (1871-1914), La
France contemporaine vol. 4, Paris, Éditions du Seuil, coll. Points Histoire,
2014, 470 pages.
« De 1906 à 1932, Aristide Briand aura été vingt-cinq fois ministre. » -Henri
Guillemin, Nationalistes et "nationaux" (1870-1940), Gallimard, coll. Idées,
1974, 476 pages.
1499
http://www.amazon.fr/Aristide-Briand-Gerard-
Unger/dp/2213623392/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1458834499&sr=1
-1&keywords=Gerard-Unger-Aristide-Briand
« Edouard Drumont fait l’éloge des braves communards et multiplie les gestes à
l’égard des socialistes. » -Michel Winock, Rochefort : la Commune contre
Dreyfus, Mil neuf cent. Revue d'histoire intellectuelle (Cahiers Georges Sorel),
Année 1993, 11, pp. 82-86, p.85.
"Drumont n'a pas toujours été compris des siens. Les conservateurs pressentis
se sont bien vite effarouchés du caractère social que prenait son antisémitisme:
son anticapitalisme juif risquait d'atteindre au rebond les bastions du
capitalisme catholique. Ils surent finalement trouver leur compte à l'épouvantail
sémitique, lors de l'affaire Dreyfus, tout en se riant des rêveries socialisantes de
Drumont. [...]
Dès lors qu'on désigne aux yeux des foules indigentes, aux petits commerçants
et aux artisans victimes de l'évolution économique, aux ouvriers exploités et aux
paysans contraints à l'exode rural, les Juifs responsables de tous leurs maux, on
offre une arme inestimable à la conservation sociale qui, forte de son contrôle
sur la presse, va orchestrer le développement du mythe à son propre usage. Les
conflits de classes s'envolent: il ne reste plus qu'une minorité de profiteurs juifs
écrasant l'immense majorité de leurs victimes aryennes et catholiques." (p.160)
"Il n'est pas exagéré de dire [...] que son expérience et ses idées ont été une des
sources françaises du national-socialisme." (p.162)
1501
http://www.amazon.fr/Edouard-Drumont-Gr%C3%A9goire-
KAUFFMANN/dp/2262023999/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1458834
467&sr=1-1&keywords=Gregoire-Kauffmann-Edouard-Drumont
1502
Clemenceau [...] qu'il accuse d'avoir reçu pour son journal La Justice 400 000
francs de Cornelius Herz, présenté à la fois comme un financier véreux et
comme un espion allemand. [...] Clemenceau se défend et accuse Déroulède de
mensonge. La querelle est vidée par un inévitable duel, à Saint-Ouen, le 22
décembre 1892: on échangea six balles en vain. L'accusation était sans preuves,
mais Clemenceau en perdit son siège à la Chambre aux élections de 1893. »
(p.362)
-Michel Winock, Nationalisme, antisémitisme et fascisme en France, Éditions
du Seuil, coll. Points Histoire, 2014, 506 pages.
« On ne peut confondre ce rejet catégorique avec les vues des partisans d’un
régime présidentiel plus ou moins inspiré des États-Unis, réclamant l’élection
du président de la République au suffrage universel et des ministres pris hors du
Parlement et responsables seulement devant le chef de l’État. Déroulède appelle
ce modèle la République plébiscitaire, sans réaliser que cette titulature
malencontreuse donne à son projet un aspect césarien propre à le rendre
inaudible, alors qu’il propose en réalité un système qu’on qualifiera plus
justement de « pré-gaullien ». Il est d’ailleurs suggestif de constater combien ce
terme de République plébiscitaire passe mal chez les nationalistes, y compris
dans les rangs les plus fidèles de la Ligue des patriotes. Déroulède ne songe
nullement à supprimer le Parlement et son droit de contrôle et il déclare à
plusieurs reprises son rejet de toute dictature, mais il veut relever l’exécutif et
rééquilibrer les rapports entre les deux pouvoirs par des voies qui heurtent toute
la culture politique de son temps, puisque pour la quasi-totalité des Français,
décembre 1848 conduit forcément à décembre 1851. »
1503
« Le projet de république présidentielle défendu par Déroulède inspire à ce
dernier force diatribes contre le régime de 1875, imposé, dit-il, à la France par
Bismarck pour l’affaiblir à l’intérieur et l’isoler à l’extérieur, mais la virulence
de la forme dissimule un fond relativement modéré. En 1890, le tribun lance à la
Chambre ces propos en totale contradiction avec la culture politique du temps :
« Il y a plusieurs formes de République ; vous n’êtes pas la République, vous
êtes une République, la République parlementaire », et il ajoute : « Certes, sous
cette forme que je combats, elle a rendu des services au pays, je ne le conteste
pas. ». À l’apogée du boulangisme et au moment où tous ses alliés célébraient
déjà la mort prochaine du parlementarisme, il avait même déclaré : « Nous ne
voulons pas l’abolition du parlementarisme, mas sa réglementation. » On
perçoit ainsi toute la contradiction de sa démarche, juxtaposant fins modérées et
moyens violents : Déroulède prône un régime proche de ce que sera la Ve
République mais est prêt à recourir à la force pour l’imposer, alors que
plusieurs de ses ligueurs ont l’attitude inverse et ne répugneraient sans doute
pas à un régime à poigne, mais n’entendent prendre aucun risque pour
l’obtenir.
Déroulède n’a jamais approfondi sérieusement ses conceptions ni rédigé le
moindre projet de constitution. Il s’est borné à résumer ses idées en 1901 dans
un tract intitulé La République du peuple, pour et par le peuple, très
abondamment diffusé, qui mélange la constitution de 1848 et celle des États-
Unis. Mais, quelles que soient l’imprécision du schéma et ses variations (par
exemple sur le Sénat, à supprimer puis à maintenir), Déroulède est le seul
meneur nationaliste à tenter de dépasser la simple imprécation contre le
Parlement, parce qu’il sait que l’on ne détruit que ce que l’on remplace. Il
propose une alternative que l’avenir jugera crédible mais que ses
contemporains ne comprennent absolument pas, y compris ses propres alliés qui
accueillent ces idées avec indifférence voire mépris et s’effarouchent du mot
plébiscite. » -Bertrand Joly, « L'antiparlementarisme des nationalistes
antidreyfusards », Parlement[s], Revue d'histoire politique, 2013/3 (n° HS 9), p.
59-71.
"Tel est le cadre général, peu favorable, dans lequel Déroulède, en exil à Saint-
Sébastien, va tenter de poursuivre son combat. Or, il a fort peu d’atouts dans
son jeu, beaucoup moins encore qu’il ne se l’imagine, et il va lui falloir près de
trois ans pour l’admettre. En effet, aux difficultés évidentes liées à
l’éloignement, s’ajoutent deux handicaps insurmontables : le premier est la
situation de sa ligue, dont les effectifs et les moyens financiers baissent
dangereusement ; le second est Déroulède lui-même dont les conceptions
politiques déplaisent souverainement à ses alliés. Ce qu’il appelle bien
malencontreusement la « République plébiscitaire », c’est-à-dire une
République dont le président, élu au suffrage universel, exercerait l’essentiel du
pouvoir exécutif, évoque beaucoup trop l’Empire pour convaincre, et les
ligueurs eux-mêmes, malgré leur grande fidélité à leur chef, refusent
catégoriquement de faire campagne sur un programme aussi impopulaire ; en
outre, Déroulède représente l’agitation au moment où l’opposition se vante
1505
d’incarner l’ordre ; enfin il refuse les nécessités du combat unitaire, c’est-à-dire
l’alliance avec les monarchistes et les parlementaires mélinistes d’une part, les
principaux thèmes nationalistes (antisémitisme, antiprotestantisme,
anglophobie) de l’autre, au nom d’une orthodoxie républicaine jugée
intempestive par ses alliés."
– Restent les Républicains modérés hostiles au Bloc des gauches, ceux qui vont
former la Fédération républicaine en 1903. Ils ont, pour bien des nationalistes,
le défaut de rester fidèles au parlementarisme et eux-mêmes se méfient des
aventuriers de l’opposition, mais ils constituent l’unique voie pour cette partie
du nationalisme qui reste malgré tout attachée à la République.
Il ne faut pas s’y tromper : cette apparente clarté du choix à faire est très
largement rétrospective. Aux yeux des contemporains, la situation ne se décante
que progressivement, au rythme des défaites électorales successives et de divers
1506
incidents que l’on va décrire, ce qui explique les hésitations bien visibles des
années 1902-1904 (voire 1906) et aggravées encore par la question religieuse."
1507
Cette nouvelle stratégie réclame forcément diverses concessions de la part de
Déroulède et des siens. La plus douloureuse pour l’exilé est l’abandon de son
cher plébiscite, nom qu’il donnait imprudemment à l’élection du président de la
République au suffrage universel ; il cesse d’y faire constamment allusion dans
ses interventions puis, en 1906, le radiera officiellement de son programme . Les
autres sacrifices semblent plus légers : modération dans l’affaire des fiches,
refus de toute intervention dans l’agitation religieuse, rappel des troupes à
l’orthodoxie républicaine (cela vise l’Action française, mais aussi l’Action
libérale), vote par quatre députés nationalistes de la loi de Séparation , plus
tard acceptation sans réserve de la conclusion donnée à l’affaire Dreyfus. En
décembre 1904, le duel assez ridicule avec Jaurès désigne l’unique ennemi à
combattre désormais : l’extrême gauche antimilitariste et pacifiste, ceux que
l’on appelle globalement les « sans-patrie ».
Déjà très affaiblie, la Ligue des patriotes commence par maugréer face à un
changement aussi radical puis, dans l’ensemble, finit par se soumettre, Henri
Galli, qui a remplacé Déroulède pendant l’exil, jouant d’ailleurs un grand rôle
dans le rapprochement avec les modérés à l’Hôtel de ville. Il est évident que les
élus de la ligue, qui ont impérieusement besoin des voix du centre, poussent
vivement dans le même sens. Le prix à payer est forcément le départ des
éléments les plus offensifs, déçus par la nouvelle ligne du mouvement qui se
transforme lentement en cercle de notables parisiens."
http://www.amazon.fr/D%C3%A9roul%C3%A8de-linventeur-du-nationalisme-
fran%C3%A7ais/dp/2262013314
https://www.amazon.fr/m%C3%A9thode-sociale-Fr%C3%A9d%C3%A9ric-
Play/dp/2865632288/ref=sr_1_7?s=books&ie=UTF8&qid=1509896093&sr=1-
7&keywords=Fr%C3%A9d%C3%A9ric+Le+Playf
https://www.amazon.fr/Fr%C3%A9d%C3%A9ric-Play-Parcours-audience-
h%C3%A9ritage/dp/291176286X/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=150989
3190&sr=1-
1&keywords=Fabien+Cardoni+et+Antoine+Savoye%2C+Fr%C3%A9d%C3%A
9ric+Le+Play
http://hydra.forumactif.org/t3744-rene-de-la-tour-du-pin#4586
1509
https://www.amazon.fr/Tour-Pin-son-
temps/dp/2916727329/ref=sr_1_fkmr0_1?s=books&ie=UTF8&qid=150980438
4&sr=1-1-
fkmr0&keywords=ntoine+Murat%2C+La+Tour+du+Pin+en+son+temps
« Qui sont ces rares revanchards ? A droite, dans les rangs conservateurs,
Albert de Mun paraît être le seul à vouloir vraiment la guerre, avec une
impatience accrue par les années. » -Bertrand Joly, La France et la Revanche
(1871-1914), Revue d’Histoire Moderne & Contemporaine, Année 1999, 46-2,
pp. 325-347, p.340.
1510
Philosophie de Nietzsche, publié pour la première en 1898, en était à sa
neuvième édition en 1905. » - Patrice Maniglier (dir.), Le moment philosophique
des années 1960 en France, PUF, Paris, 2015.
http://hydra.forumactif.org/t4482-henri-lichtenberger-la-philosophie-de-
nietzsche#5382
1511
Hautes Etudes (1868-1905), spécialiste de l’histoire des Carolingiens et des
Mérovingiens, Président de la IVième section, et à partir de 1897 membre de
l’Académie des sciences morales et politiques. Il fut l’un des premiers
intellectuels à soutenir l’action de Bernard Lazare en faveur du capitaine
Dreyfus, et fut aussi le cofondateur de la Ligue des Droits de l’homme. Il
soutiendra les Cahiers de Charles Péguy, auxquels il est abonné dès le début. Il
remplissait donc tous les critères pour que Maurras s’acharne sur lui, à partir
de 1897, avec injustice et une terrible violence. » (p.199)
1512
95, Journal of the History of Ideas, Vol. 54, No. 1 (Jan., 1993), pp. 97-117,
p.115.
"Henri Albert fut jusqu'à la Première Guerre mondiale le fidèle serviteur des
Archives Nietzsche en France: non seulement comme traducteur, mais aussi
comme journaliste influent dans la grande presse parisienne. [...] Le 13 mars
1896, il se plaint d'avoir à corriger chaque ligne de l' "exécrable traduction" de
Par-delà le bien et le mal par L. Weiscopf et G. Art.
Le 18 janvier 1897, il écrit à Fritz Koegel pour déplorer que la Revue blanche
se soit permis de publier un choix "inepte" de fragments de Nietzsche [...]
Attaque contre [la] traduction de Daniel Halévy et Robert Dreyfus [...] En 1909,
il dira dans ses lettres à Elisabeth Förster-Nietzsche le plus grand mal de La vie
de Frédéric Nietzsche publiée par Daniel Halévy." (p.52-53)
"Le 3 mai 1899, Henri Albert écrit à Naumann qu'on n'a encore vendu que 214
exemplaires de Zarathoustra et 155 de Par-delà le bien et le mal. Par la suite, il
insistera fréquemment sur le fait que les traductions de Nietzsche sont des
succès commerciaux fort inégaux. Ainsi, le 12 avril 1910, il déplore qu'on n'ait
pu vendre en deux ans que 1500 exemplaires du premier volume des
Considérations inactuelles. [...]
Le 20 janvier 1911, il écrira encore à Elisabeth Förster que le Zarathoustra est
le seul titre qui se vende très bien, mais par exemple Ecce homo, paru trois ans
plus tôt, ne s'est pas encore vendu qu'à moins de 2000 exemplaires." (p.54-55)
1513
"Depuis 1914, Henri Albert était devenu un nationaliste germanophobe, proche
des positions de Maurice Barrès." (p.63)
"En 1915, Henri Albert prendra la parole dans L'opinion pour défendre
Nietzsche contre les Français germanophobes, mais aussi contre les Allemands
eux-mêmes." (p.66)
http://hydra.forumactif.org/t4517-hugues-rebell#5424
Jules de Gaultier (1858-1942): “If Jules de Gaultier had been a more active
figure in the political movement led by Maurras, he would merit more attention
than it is possible to give here [...] Common hostility to Kant, and especially to
his ethics of the categorical imperative, unites Gaultier with Maurras and
Barrès.” -Reino Virtanen, "Nietzsche and the Action Française: Nietzsche's
Significance for French Rightist Thought", Journal of the History of Ideas, Vol.
11, No. 2 (Apr., 1950), pp. 191-214, p.198-199.
« L'auteur qui, plus que tout autre, s'est consacré à la lecture proprement
philosophique de l’œuvre nietzschéenne est Jules de Gaultier, collaborateur du
Mercure de France. Cet autodicate issu d'une famille aristocratique en déclin
était détenteur d'une licence en droit, et, ne pouvant prétendre à une carrière
universitaire, devait satisfaire ses aspirations intellectuelles tout en acceptant
d'occuper, y compris en province, un poste dans l'administration des Finances
qui lui procurait des ressources stables. Ayant acquis une renommée de critique
en littérature et en philosophie à travers les diverses revues où il collaborait,
notamment au Mercure de France, il disposait d'une certaine autorité savante en
partie gagée sur un capital de relations diversifié (Léon Chestov, Rémy de
1515
Gourmont, Matisse, Frédéric Paulhan...) et attestée par des lieux de publication
comme la Revue philosophique et la maison Alcan. Décrit comme discret et
effacé, il n'en était pas moins acide et virulent dans ses jugements contre les
diverses formes d'esprit moderne (les protestants, les Juifs, les Anglais, les
Allemands...) et, quoique spontanément "néophobe", il a dû résister à ses
pulsions anti-intellectuelles en les combinant avec leurs contraires, mêlant ainsi
l'anarchisme et l'Action française, l'athéisme et la tradition catholique, etc. » -
Louis Pinto, Les Neveux de Zarathoustra. La réception de Nietzsche en France,
Paris, Éditions du Seuil, 1995, 207 pages, p.52.
http://hydra.forumactif.org/t4340-georges-palante#5219
http://hydra.forumactif.org/t4484-jules-de-gaultier#5385
1516
« On peut définir la « vraie République » par la domination des intérêts,
passions, volontés des partis sur l’intérêt majeur du peuple français, sur son
intérêt national, tel qu’il résulte des conditions de la vie du monde. Quel est cet
intérêt ? La défense de la paix, la garantie du territoire l’emporte sur tout. » -
Charles Maurras, Enquête sur la monarchie, 1900.
La République est le gouvernement des juifs, des juifs traîtres comme Dreyfus,
des juifs voleurs, des juifs corrupteurs du peuple et persécuteurs de la religion
catholique, comme l'inventeur juif de la loi du divorce et le juif inventeur de la
loi de Séparation.
« La loi française, depuis cent vingt ans, fait un gros mensonge ; elle considère
comme français des gens qui ne sont pas français puisqu'ils sont juifs. La
législation doit se remettre d'accord avec la vérité. Elle doit rendre aux Juifs
leur nationalité de Juifs, conformément à la raison, à la justice, à l'humanité. » -
Charles Maurras, « Les Juifs dans l'Administration », dans L'Action française,
23 mars 1911, p. 1.
« Voilà l’erreur philosophique allemande. Son rapport avec le kantisme, qui fait
tourner le monde autour du moi, qui prend le moi pour le soleil des planètes
intérieures et extérieures, ce rapport-là n’est pas douteux. » -Charles Maurras,
L’Action française, 17 octobre 1914, in DPC, Paris, A la cité des livres, 1932, t.
2, p.127-128.
1518
Maurras, L’Action française, 17 juin 1912, in DPC, Paris, A la cité des livres,
1933, t. 4, p. 198.
« L’on ne nous croyait pas quand nous disions avec l’auteur des Déracinés, dès
1894, dans la Cocarde de Barrès, que le Kantisme était la religion de la
troisième République. » -Charles Maurras, Quand les Français ne s’aimaient
pas, Paris, NLN, 1916, p. 269.
« Au lieu de dire que le romantisme a fait dégénérer les âmes ou les esprits
français, ne serait-il pas meilleur de se rendre compte qu'il les effémina ? Hugo
lui-même, qui nous fut donné pour le type de l'homme sain et de la nature virile,
n'échappe pas à ce caractère, si, au lieu de considérer le siège de la volonté et
de la puissance, on prend garde à ce qu'elle se réduisit à une impressionnabilité
infinie. Elle sentit, elle reçut, plus qu'elle ne créa. » -Charles Maurras, L’Avenir
de l’intelligence, Paris, Albert Fontemoing éditeur, 1905, 304 pages, p.235.
« Les protestants sont des Français de race, de langages et de mœurs, mais dont
les mœurs et même la race et la langue même, un peu arrêtées dans leur
développement sur place, ont reçu de l’étranger de sérieuses infiltrations et des
influences très lourdes. » (p. 223)
« Voilà, bien mis au clair, le plus « conscient » des quatre Etats Confédérés qui
occupent la France: ce n’est point l’Etat juif, ce n’est point l’Etat maçon, ce
n’est même point l’Etat métèque, c’est l’Etat protestant, celui qui élabore et
répand la pensée religieuse, politique, morale, philosophique et littéraire d’un
Gouvernement d’anarchistes au service d’une civilisation de barbares. » (p.364)
« Toutes les fois que cette fable de la victime d’une erreur judiciaire m’était
réassenée avec des trémolos qui m’écœurent encore, je distinguais en esprit un
champ de bataille, sans doute moins spacieux et moins affreux que ne devais
l’aménager la plus grande des guerres, mais enfin, et à la mesure de mon
imagination, j’y voyais la jonchée funèbre de ces beaux enfants de la France «
couchés froids et sanglants sur leur terre mal défendue » parce que, l’émeute
1520
orientale ayant renversé le rempart et brisé les armes, ils opposaient à
l’artillerie leurs poitrines nues. Ce million et demi de morts et de mourants fait
un rude charnier. Ceux qui l’ont élevé ou accru par sotte imprudence ne sont
pas encore assez repentis pour émouvoir la miséricorde. » (p.60)
« Outre donc qu’elle dispersait ce qui était ainsi concentré et qu’elle avilissait
ce qui était d’un très grand prix, la Révolution ajoutait à ce dommage
économique un cataclysme politique: les biens qui, avant elle, constituaient,
dans la force du terme, des biens nationaux se trouvaient par elle
dénationalisés. La Révolution les délia du corps de la France. Elle les mit à la
portée du premier venu. Il suffisait d’en acquitter le prix monnayé pour les
posséder de plein droit. La vieille France devint donc, pour une grande part, un
objet de commerce. Elle connut l’argent pour maître. Mais l’argent n’a point de
patrie. » (p.188)
« Beaucoup d’entre mes nouveaux amis étaient de mon âge. Je découvris chez
eux, outre de vives affinités de sentiments, des aventures de pensées courues en
commun sur le sens général des rapports franco-allemands. Ils connaissaient
l’Allemagne mieux que moi, savaient la langue, avaient visité le pays. Pujo,
grand wagnérien, traduisait Novalis. Il venait de parcourir la Bavière et le
Tyrol en direction de Venise. Bainville rentrait de l’Allemagne du sud avec les
matériaux de son Louis II. Pierre Lasserre achevait une préface magistrale à la
version nouvelle de morceaux choisit de Goethe. Henri Vaugeois réexaminait
sévèrement son premier enthousiasme kantien. Léon Daudet, autre wagnérien
fieffé, rentrait de Hambourg, il parlait l’allemand comme le français. Nous ne
tardâmes pas à déserter en cœur la Patriefrançaise absorbée par les
ménagements académiques et les soucis électoraux. Et, notre Action française à
peine fondée, les premières démarches communes nous fixèrent, comme plus
1521
tard à la Revue universelle, dans un effort constant d’études germaniques, mais
d’études attentives et sincères, affranchies des complaisances de l’Oligarchie. ».
-Charles Maurras, Pour un jeune Français, Paris, Amiot-Dumont, 1949, p. 107-
108.
« Rome nous offrait son exemple. Maurras lui-même expliquait souvent la belle
étymologie du « fascisme », de toutes les forces de la nation réunies. Nous
n’ignorions pas que Mussolini, de son côté, saluait notre vieux maître comme
l’un de ses précurseurs. » -Lucien Rebatet, Les décombres.
« L’Action française (AF) est née dans le contexte de l’affaire Dreyfus. Autour
d’Henri Vaugeois et de Maurice Pujo, jeunes philosophes républicains ralliés
au nationalisme, un groupe d’intellectuels se constitue. La plupart d’entre eux
ont moins de 30 ans et veulent trouver les solutions à l’ « impuissance » des
mouvements nationalistes existants, telle la ligue de la Patrie française.
Le 20 juin 1899, devant 350 personnes réunies dans une petite salle parisienne,
Vaugeois définit l’objet de l’AF et le sens de son engagement : « Tout le mal
dont souffre le pays, M. Vaugeois l’attribue à l’esprit protestant, à l’esprit
maçonnique et surtout à l’esprit juif qui, depuis quelques années, domine toute
la politique de la France. (...) À l’esprit des sectes juives et protestantes et de la
secte maçonnique, il oppose la vieille tradition de l’esprit français. C’est contre
l’élément étranger que doit s’exercer l’action française. ». »
1522
« Maurras accorde une grande importance au mouvement antisémite de son
temps. À la fin de 1902 et au début de l’année suivante, il se voit offrir
l’opportunité de publier une série de six articles dans La Libre Parole. Ces «
Lettres à Édouard Drumont » sont motivées par un débat sur la question juive
lancé par le célèbre polémiste. »
À l’époque, l’AF est, pour ainsi dire, entrée dans sa phase « révolutionnaire ».
Le contexte est favorable : les troubles sociaux se multiplient ; le gouvernement
réagit par une répression des grèves, violente et parfois sanglante ; un
sentiment de révolte et de rejet de la République naît dans le monde ouvrier, que
les nationalistes pensent pouvoir exploiter. »
1523
Dans les faits, la ligue soutient sans grand succès les velléités antisémites de
deux francs-tireurs du syndicalisme, Émile Janvion, qui rejoindra l’AF, et Émile
Pataud, de la CGT. Elle doit vite renoncer à ses ambitions en la matière. »
« Lancée le 21 mars 1908 grâce, en grande partie, aux fonds versés par la
famille Daudet, L’Action française des années d’avant guerre est, à bien des
égards, un journal antisémite. Son secrétaire de rédaction, le commandant Biot,
est un transfuge du quotidien d’Édouard Drumont où il a exercé les mêmes
fonctions pendant plus de quinze ans. L’Action française reprend
rigoureusement le même modèle de présentation – calligraphie et mise en page
– que La Libre Parole de la fin du XIXe siècle. Un autre journaliste est
débauché de l’équipe de Drumont par Daudet : Henry Leroy-Fournier. »
1524
Léon Blum. À la fin des années 1930, L’Action française retrouvera le ton de
l’avant-guerre avant de soutenir sans beaucoup de nuance la politique
antisémite de Vichy.
Chez Charles Maurras, la haine du Juif occupe une place prépondérante tant
dans son univers mental que dans la construction politique qu’il a élaborée. Et
il est exagéré de mettre, comme on le fait souvent, son antisémitisme sur le
même plan que ses sentiments à l’égard des protestants et des francs-maçons, et
de ne le considérer que comme une conséquence de son idéologie antilibérale et
monarchiste. Habituellement virulent contre ses adversaires politiques, Maurras
peut modérer son point de vue vis-à-vis des protestants, comme les Monod par
exemple. Il ne manifestera jamais la même clémence à l’égard d’un Juif. Ce
dernier peut rendre des services à la nation, il ne sera jamais un vrai
Français. » -Laurent Joly, « Les débuts de l'Action française (1899-1914) ou
l'élaboration d'un nationalisme antisémite », Revue historique, 2006/3 (n° 639),
p. 695-718.
Si l’on s’en tient au catholicisme, ce n’est guère avant 1912 que les bulletins
diocésains ou la revue Questions actuelles mentionnent l’Action française en
publiant des comptes rendus des deux livres de Maurras, La politique religieuse
(1912) et L’Action française et la religion catholique (1913). »
1525
Volontaires de l’Ouest. Parmi les collaborateurs de cette revue, citons le comte
de Lantivy de Trédion (du Morbihan), le père Georges de Pascal, le marquis
René de La Tour du Pin, futurs collaborateurs de la revue l’Action française. Un
des champions de la conquête du monde catholique et royaliste en ces premières
années du siècle est un moine bénédiction, dom Jean-Martial Besse, de l’abbaye
de Ligugé, alors réfugié en Belgique, qui sillonne la France en tous sens,
insufflant l’esprit d’Action française aux vieux comités royalistes. Son combat
est avant tout royaliste et catholique. La jeunesse de Maurras et sa force de
conviction, l’ardeur de l’équipe qui l’entoure lui paraissent l’instrument
providentiel d’une œuvre de restauration. C’est sous le pseudonyme de « Jehan
» qu’il écrit un temps dans le quotidien l’Action française.
« Désormais les milieux catholiques semblent acquis : dans les séminaires, les
collèges, les évêchés, les œuvres aussi, l’emprise de l’école est une réalité. La
publication, au seuil de l’année 1909, du premier livre de sévère critique dans
l’ordre religieux contre le péril maurrassien est un signe, renforcé par le fait que
c’est au cours de cette même année que la revue des jésuites Études prend parti
pour l’alliance entre les catholiques et l’Action française sous la plume du père
Descoqs, déclenchant une vive réplique d’adversaires, tels le philosophe
Maurice Blondel et l’oratorien Laberthonnière. C’est encore au même moment
qu’une requête déposée au Saint-Office pour un examen des doctrines d’Action
française aboutit dès le printemps 1909 à la désignation d’un consulteur de la
congrégation de l’Index en la personne du bénédictin belge dom Laurent
Janssens, recteur du collège Saint-Anselme de Rome, qui conclut un an plus tard
en faveur d’une condamnation.
1527
C’est donc entre 1908 et 1910 qu’on peut situer le tournant qui marque la
conquête des milieux catholiques. »
« Si une partie des élites catholiques est gagnée, surtout après 1910, il existe un
peuple catholique républicain, attaché au régime, conformément aux directives
de Léon XIII. Malgré un recul net, l’Action libérale populaire n’est pas
écrasée. » -Jacques Prévotat, « L'Action française et les catholiques. Le tournant
de 1908 », Mil neuf cent. Revue d'histoire intellectuelle, 2001/1 (n° 19), p. 119-
126.
1528
— ou du moins un rigoureux censeur du pessimisme : « Tout désespoir en
politique est une sottise absolue », juge-t-il sévèrement, comme se faisant la
leçon à lui-même, en conclusion de la préface de L’Avenir de l’intelligence en
1905 —, et un antiromantique — mais là aussi, impossible d’assurer que Sand
et Musset, héros des Amants de Venise, ne le séduisent pas malgré tout, ou
Chateaubriand, sa bête noire. »
1529
XIXe siècle. Il n’aime pas Rousseau, cela va de soi, ou Huysmans, mais défend
Balzac, Sainte-Beuve, Comte, Renan, Taine et Fustel de Coulanges, ou encore
Dante, Chénier, Stendhal, Mistral, Moréas et Anatole France. Fidèle à ses
premières amours, il ne se résout à condamner ni le vers de Baudelaire ni la
prose de Flaubert, et il avoue son faible pour Mallarmé ou pour Verlaine, dont
il loue Parallèlement en en faisant la clôture du romantisme. »
Le combat contre le romantisme n’est pas nouveau lorsque Maurras s’y engage.
Il se poursuit au moins depuis Nisard et animera en 1907 la thèse de Pierre
Lasserre, meilleur critique d’Action française. Mais la visée de Maurras est
différente : à travers le romantisme, il s’en prend au mouvement d’idées qui va
de la Réforme à la Révolution, dont il voit le romantisme comme la
continuation. À la triade Réforme-Révolution-Romantisme, « monstre à trois
têtes », il oppose un peu artificiellement la triade Catholicisme-Contre-
Révolution-Classicisme. »
« Maurras voue donc le romantisme aux gémonies, non sans exagération : « Les
Lettres romantiques attaquaient les lois ou l’État, la discipline publique et
privée, la patrie, la famille et la propriété ; une condition presque unique de
leur succès parut être de plaire à l’opposition, de travailler à l’anarchie »,
affirme-t-il dans L’Avenir de l’intelligence [in Œuvres capitales, Paris,
Flammarion, 1954, 4 vol., t. II, p.123]. Voyant peu de différence entre
1530
romantisme et individualisme, ou entre romantisme et anarchie, il fait bon
marché du légitimisme monarchique des premiers romantiques, qu’il n’ignore
pas. »
1531
peut alors unir protestants et anarchistes, jacobins et romantiques, en dépit de
leurs caractères très français. » -Claude Digeon, La crise allemande de la
pensée française, 1870-1914, Paris, PUF, 1992, p. 444.
« Maurras n’avait pas lu Nietzsche lorsqu’il avait écrit ses pages prétendument
nietzschéennes […] Un « Voltaire barbare » ? Assez joli contresens, puisque,
barbare, Voltaire n’est plus Voltaire ; et aussi un «Allemand du XVIIIe siècle
qui s’incline devant le génie français », mais alors est-il encore barbare ? Non
décidément l’abbé Pierre n’avait pas de chance ; rien de nietzchéen
sérieusement, autour de Maurras ; rien non plus qui témoignât de la saisie du
nihilisme de Nietzsche et de ses risques effroyables, sauf peut-être chez Pierre
Lasserre: « je vous demande un peu de pitié pour la crispation de ce beau
visage. ». » -Pierre Boutang, Maurras la destinée et l’oeuvre, Paris, La
Différence, 1993, p. 329.
« On relève chez Maurras une volonté de théoriser ce que pourrait être une
bonne politique coloniale. Le principe de la colonisation ne le gène nullement
car la situation géopolitique de la France l’impose : « L’immense
développement de ses côtes ne donne qu’une idée faible et imparfaite de
l’immense intérêt qu’elle a à naviguer et à coloniser. » [Action française, 22
novembre 1922] Il n’en demeure pas moins, selon lui, qu’elle doit se prémunir à
l’Est contre l’Allemagne. Le méridional Maurras a les yeux rivés sur la « ligne
bleue des Vosges », ce qui le conduit à proposer une politique étrangère à
double détente : « La défense contre l’ennemi germanique a le numéro un, parce
qu’elle est le salut. L’expansion occidentale et méridionale, d’ordre alimentaire
et vital, a le numéro deux. » Si le principe est acquis, encore faut-il s’entendre
sur les modalités. Le monarchiste Maurras s’inscrit dans le sillage de la politique
coloniale de la monarchie dont il loue les résultats et qu’il explique par une
coordination bien conduite entre finalités et moyens (la mise sur pied d’une
marine performante). La Troisième République, loin de s’inscrire dans un tel
héritage pècherait par ses insuffisances et ses « incohérences ». Au lendemain
du premier conflit mondial, dressant comme d’autres un bilan fort négatif de
l’état de la marine française le constat du penseur martégal est le même : « Notre
politique maritime contredit notre politique coloniale », ce qui le conduit à
formuler des craintes sur sa pérennité : « Prenons garde de perdre notre position
de second empire colonial sur notre planète. » [Action française, 23 juin
1920]. » -Olivier Dard, Les droites radicales et l’empire colonial au vingtième
siècle : https://books.openedition.org/septentrion/16168?lang=fr#ftn2
1534
Second Empire, il étudie au lycée Henri IV et fréquente brièvement la Faculté de
Droit de Paris. Les questions financières le passionnent déjà, mais aussi
l'Allemagne, qu'il découvre dans les écrits d'Heinrich Heine ou de Nietzsche,
avant de voyager outre-Rhin dès l'été 1897. La conscience du danger allemand,
en même temps que l’influence prégnante de Barrès, le conduit au nationalisme.
Lorsqu'éclate l'affaire Dreyfus, il soutient dans une premier temps le capitaine,
par souci de justice, mais ne tarde pas à rejoindre le camp adverse, par réflexe
conservateur, contre Zola et pour la défense de l'armée.
En mars 1900, il rencontre Charles Maurras au café de Flore, qui le séduit tout
autant par la qualité de sa critique littéraire que par la cohérence de sa
doctrine, son empirisme et son absence de préjugé religieux. Convaincu de la
supériorité du modèle politique allemand, Bainville est déjà gagnée aux idées
monarchistes. Il est l'un des premiers à répondre dans la Gazette de France à
l'Enquête sur la monarchie. Avec Maurras, il collabore à la revue traditionaliste
Minerva, fondée en 1902 par Réné-Marc Ferry, et enseigne les relations
internationales à l'Institut d'Action française, tout en assurant nombre de
chroniques dans le journal du mouvement: vie parlementaire, diplomatie,
économie, bourse et même vie théâtrale, rien n'échappe à sa plume.
Il s'engage en 1914, mais, réformé par Poincaré, il est envoyé en mission dans
la Russie de 1916, où il est témoin des derniers soubresauts du régime tsariste.
Hostile au traité de Versailles, il publie en 1920 Les Conséquences politiques de
la paix, ouvrage prophétique où il dénonce en une formule célèbre "une paix
trop douce pour ce qu'elle a de dur", déjà lourde des tensions internationales à
venir. Son audience s'étend alors bien au-delà des cercles monarchistes. Il écrit
sans relâche, dans La Liberté, Le Capital, Le Petit Journal, Le Petit Parisien, la
Revue des deux Mondes, fonde La Revue Universelle en 1920 et collabore à
Candide en 1924. Quand à son œuvre historique, elle lui vaut aussi la notoriété.
Il avait débuté en 1900 avec une biographie de Louis II de Bavière ; ce furent
ensuite Bismarck et la France en 1907 et plusieurs ouvrages sur l'Allemagne,
avant une Histoire de France exaltant l’œuvre capétienne, largement diffusée en
1924. Napoléon en 1931, puis La Troisième République en 1935 retiennent son
attention. Mais lorsqu'il se consacre aux Dictateurs, se font jour les limites de
son analyse, tout autant que l'ambiguïté de son admiration pour les "grands
hommes". Sur le fascisme naissant en Italie, sa réflexion sait se montrer
mesurée, loin de l'exaltation d'un Georges Valois ; il se montre lucide sur la
gravité de la menace hitlérienne, mais n'en mesure pas -à l'instar de Maurras-
la spécificité, alors même qu'il est devenu aux yeux du public l'oracle incontesté
1535
des tourmentes internationales des années trente. Un "cercle d'études Jacques
Bainville", réunissant entre Paul Valéry, Henry Bordeaux ou Abel Bonnard,
atteste de sa renommée.
Bainville meurt d'un cancer le 9 février 1936, trois mois après avoir été reçu à
l'Académie française, au fauteuil de Raymond Poincaré. Ses obsèques, le 13
février, sont marquées par l'épisode bien connu de l'agression de Léon Blum par
les Camelots du Roi sur le trajet du cortège. Conséquence directe de ces
troubles, l'Action française est dissoute par décret dès le lendemain, en
application d'une loi contre les ligues votées un mois plus tôt. » (p.29 et 32)
-Agnès Callu & Patricia Gillet, "Jacques Bainville (1879-1936)", in Agnès Callu
& Patricia Gillet (éds), Lettres à Charles Maurras. Amitiés politiques, lettres
autographes (1898-1952), Presse Universitaires du Septentrion, 2008, 259
pages.
1536
« Je songe (et non par caprice) à cesser d’écrire et ne pas prendre le métier
d’auteur », confie-t-il à Maurras. « Je n’ai aucune confiance en moi-même.
Imagination nulle, intelligence médiocre, peu brillant au jeu des idées […]. Je
me connais quelques qualités qui seront mieux employées à tout autre chose
qu’à la littérature. »
« Bainville appelait gentiment le XIXe siècle « le vieil utopiste ». C’est ici toute
la retenue qui le distingue d’un Daudet qui, lui, qualifiait le siècle des
révolutions comme « le stupide XIXe siècle ». Bainville utilise pour la première
fois l’expression de « viel utopiste » dans sa préface de L’Histoire de Trois
générations publiées en 1918 et qui constitue une critique et une analyse des
rapports franco-allemands au XIXème siècle. Dans les premières pages du livre,
il écrit :
« Notre cher XIXe siècle ! Il est souvent mal traité dans ce récit, le vieil
utopiste ! Nous lui en voulons des douleurs et des tâches qu’il a léguées au
vingtième. Mais c’est de lui que nous sortons et que nous aurons vécu. »
« Le Vieil utopiste s’ouvre par deux articles sur l’Écossais Carlyle. Il considère
son œuvre comme supérieure en influence à celle de Nietzsche sur sa
génération. Influence dans les idées d’ordre, de réaction, du besoin d’un pays
d’être dirigé par des êtres d’exception, des hommes d’élite. » (p.39)
https://www.amazon.fr/Cons%C3%A9quences-%C3%A9conomiques-paix-
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politiques/dp/2070764842/ref=pd_sim_14_21?_encoding=UTF8&psc=1&refRI
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https://www.amazon.fr/Jacques-Bainville-Receptions-Olivier-
Dard/dp/3034303645/ref=sr_1_49?s=books&ie=UTF8&qid=1527862783&sr=1
-49&keywords=Olivier+Dard
« Dans La France juive, Édouard Drumont a ouvert une brèche dans laquelle
s’engouffrent les nationalistes. Léon Daudet le fréquente et apprécie cet
« historien et critique génial des phénomènes sociaux ». Il participe aux
campagnes de dénigrement des juifs, milite au sein de la Fédération nationale
antijuive, fondée en 1903, et La Libre Parole lui ouvre ses colonnes. Le succès
de son livre Le pays des Parlementeurs (1901) lui apporte une légitimité très
forte au sein des milieux antisémites. » (p.28)
« Léon Daudet explore tous les recoins de l’espace politique en assénant ce qui
lui apparaît comme des vérités absolues. De fait, l’auteur ne se remet jamais en
cause ; jamais il ne manifeste une quelconque hésitation. » (p.31)
1539
-Philippe Secondy, « Léon Daudet pamphlétaire », chapitre in Olivier Dard,
Michel Leymarie & Neil McWilliam (eds.), Le maurrassisme et la culture.
L’Action française. Culture, société, politique (III), Presses Universitaires du
Septentrion, coll. Histoires et Civilisations, 2010, 370 pages, pp.25-34.
https://www.amazon.fr/DAUDET-DERNI-IMPRECATEUR-FRANCOIS-
BROCHE/dp/2221072073/ref=sr_1_32?s=books&ie=UTF8&qid=1528447157
&sr=1-32&keywords=L%C3%A9on+Daudet
"Two decades later, he was to reaffirm [...] the importance of Nietzsche in his
intellectual development." (p.203)
1540
-Reino Virtanen, "Nietzsche and the Action Française: Nietzsche's Significance
for French Rightist Thought", Journal of the History of Ideas, Vol. 11, No. 2
(Apr., 1950), pp. 191-214.
“Pierre Lasserre offre un exemple encore plus net d'un libéral rallié à Maurras.
Reçu à l'agrégation de philosophie en compagnie d'Élie Halévy et Louis Dimier,
Lasserre a compté parmi les premiers membres de l'Action française dès 1899,
en étant à la fois dreyfusard sur le plan judiciaire et antidreyfusard en politique.
Il écrit dans L'Action française mensuelle, et soutient en 1907 une thèse qui fait
scandale à la Sorbonne, appelée à retentir au moins jusqu'à la guerre: Le
Romantisme français. Essai sur la révolution dans les idées et les sentiments au
XIXème siècle. Là, il complète les intuitions de Maurras dans un langage
universitaire parfois étroit, mais où il démontre que le romantisme, loin de se
confiner au seul espace littéraire, touche à la métaphysique, à la morale et à
l'attitude de l'homme devant la vie, au problème de sa responsabilité dans la
Cité. L'ouvrage marque une date charnière en préparant l'antiromantisme de la
Revue critique des idées et des livres, celui de la NRF. Julien Benda lui devra
beaucoup: Maurras et Lasserre l'accuseront de plagiat. Gide note que l'ouvrage
de Lasserre est "le plus important livre de critique qu'on nous ait donné depuis
Taine". Thibaudet le considère comme l'un des meilleurs critiques de son temps.
Les débats provoqués incitent Lasserre à poursuivre sa tâche, en critiquant le
haut enseignement de l'Etat et en défendant les Humanités classiques. Lorsqu'il
publie au Mercure de France La Morale de Nietzsche, Maurras saisit l'occasion
pour reprendre sa critique du philosophe allemand (à l'emporte-pièce), et
dénouer les fausses analogies. C'est Lasserre qui tient la critique littéraire de
L'Action française depuis sa création. Il s'éloignera du mouvement en 1914,
agacé, semble-t-il, par les réductions militantes auxquelles ses thèses donnent
lieu, mais surtout désireux de se consacrer à son travail, quitte à rejoindre ce
libéralisme politique dont il était originaire, auprès de Paul Desjardins. Il
enseignera à l'École pratique des hautes études et donnera encore plusieurs
œuvres marquantes, comme La Jeunesse d'Ernest Renan. Malgré ce retrait,
lorsque Lasserre publie en 1918 Mistral, poète, moraliste et citoyen, Maurras
commente favorablement cet ouvrage. Il ne semble pas que les deux hommes
aient nourri une amitié intime. » -Stéphane Giocanti, Maurras : le chaos et
l'ordre, Paris, Flammarion, coll. Grandes biographies, 2008 (2006 pour la
première édition), 568 pages, p.243-244.
1541
« Plus tard, c’est Lasserre [agrégé de philosophie] qui combat vigoureusement
la philosophie de Bergson : en août et en septembre 1910 il consacre toute une
série d’articles dans le journal L’Action française à « La philosophie de M.
Bergson », et en janvier 1911 il revient sur le sujet à l’Institut d’Action
française. Pour l’auteur de la thèse retentissante Le Romantisme français
(1907), la pensée du professeur du Collège de France est contaminée par un
penchant excessif à la sensibilité et au confus. Cependant, comme note avec
pertinence François Azouvi, la critique de Lasserre n’est pas unilatérale. Ainsi
Bergson est-il crédité de son rejet, depuis le temps des Données immédiates de
la conscience, de l’intellectualisme néo-kantien. Mais, d’autre part, Bergson est
jugé incapable de se hisser au niveau d’un Aristote, d’un Leibniz ou d’un
Auguste Comte, tout simplement parce qu’il est juif ; on voit là toute la
prégnance de l’antisémitisme maurrassien. » -Michael Sutton, « Le
maurrassisme face aux philosophies bergsonienne et blondélienne », chapitre in
Olivier Dard, Michel Leymarie & Neil McWilliam (eds.), Le maurrassisme et la
culture. L’Action française. Culture, société, politique (III), Presses
Universitaires du Septentrion, coll. Histoires et Civilisations, 2010, 370 pages,
pp.83-97, p.92.
« Dès le début des années 1890 et la fondation avec Jean Moréas de l’École
romane française, Maurras met en cause le romantisme. Avec des titres aussi
célèbres que ses Amants de Venise, analyse mordante de la liaison entre Alfred
de Musset et George Sand apparue en 1902, et L’Avenir de l’intelligence, publié
en 1905 avec des chapitres consacrés au « romantisme féminin », Maurras pose
les termes du débat bien avant l’irruption sur scène de Lasserre. Mais, il importe
de reconnaître que le réquisitoire prononcé contre le romantisme par des
personnalités royalistes se situe au cœur d’un débat plus large et aux
implications multiples, influencé par des penseurs comme Friedrich Nietzsche,
Henri Bergson, et Charles Darwin, et formé par des discours concernant, entre
autres, la dégénérescence nationale, le mysticisme religieux, la hiérarchie sociale
et l’émancipation de la femme. La centralité symbolique du romantisme, ainsi
que la longevité de ces débats qui se poursuivent jusqu’aux années 30, forment
bien sûr un pôle d’une dialectique politico-esthétique dont le terme opposé, le
classicisme, figure largement dans les études consacrées au maurrassisme
culturel. […]
1546
A. M. Gasztowt, Pierre Lasserre (1867-1930), Paris, Le Divan, 1931.
http://hydra.forumactif.org/t4356-pierre-lasserre-la-morale-de-nietzsche#5236
Louis Dimier (1865-1943): « Dans le véritable culte dont le XIXe siècle avait
entouré le Moyen Age et les primitifs Dimier voyait un des effets les plus
néfastes de la Révolution sur la culture. La Révolution avait introduit une
fracture dans le goût, brisant la continuité d’une tradition critique qui
reconnaissait dans la Renaissance italienne, puis dans l’art français du XVIIe
siècle, le sommet de l’histoire artistique de l’Europe. » (p.216)
http://hydra.forumactif.org/t4298-louis-dimier-les-troncons-du-serpent-idee-d-
une-dislocation-de-l-empire-allemand-et-d-une-reconstitution-des-allemagnes-
vingt-ans-d-action-francaise-et-autres-souvenirs?highlight=Louis+Dimier
« Henri Massis occupe une place à part. Il n’est pas un doctrinaire ni une plume
marquante du quotidien dans lequel il n’a pas écrit. […] Pourtant, depuis ses
1547
premiers échanges épistolaires avec Maurras en 1912 et surtout son
rapprochement avec l’AF au lendemain du premier conflit mondial, Henri
Massis a été en contact quotidien avec elle […] Le catholique militant Henri
Massis, contrairement à son ami Jacques Maritain, a fait le choix de la fidélité
au maurrassisme même « quand Rome a parlé ». » (p.219)
« Dès avant 1914, Henri Massis est un critique politique reconnu dont l’écho de
l’essai de 1927, Défense de l’Occident ne doit pas faire négliger ses autres
ouvrages politiques, de Chefs à L’Europe en question en passant par
Découverte de la Russie. […]
1548
Montmorency. La vocation littéraire de Massis s’affirme et se traduit par un
premier ouvrage sur Zola remarqué par Émile Faguet, une étude sur La Pensée
de Maurice Barrès et les deux célèbres ouvrages publiés, avec Alfred de Tarde,
sous le pseudonyme d’Agathon, L’esprit de la nouvelle Sorbonne et Les jeunes
gens d’aujourd’hui. […]
« Il fut l’acteur majeur de deux des manifestes les plus importants de l’histoire
intellectuelle de l’entre-deux-guerres, le manifeste « Pour le Parti de
l’Intelligence » du 17 juillet 1919 et le manifeste « pour la défense de
l’Occident » publié le 4 octobre 1935. Les lieux de publication (Le Figaro et Le
Temps) montrent que Massis a ses entrées bien au-delà des organes de la presse
nationaliste. La liste (54 puis 64 noms) et le statut des signatures sont à chaque
fois imposant. Massis attire mais surtout est capable de fédérer, en particulier
en 1935, les droites intellectuelles, des académiciens à la Jeune Droite. Il y a
chez lui une incontestable maîtrise de l’exercice qui repose sur l’héritage des
premières enquêtes mais aussi sur sa connaissance intime des milieux qu’il veut
rallier : la Revue universelle est un pont entre l’Action française et la Revue des
deux mondes. » (p.226-227)
« Face à la NRF, Massis tenta, avec Maritain de monter une forme de NRF
catholique avec la collection du Roseau d’Or publiée chez Plon. La
1549
condamnation de l’Action française et leurs divergences profondes à ce sujet
eurent raison d’une telle collaboration. Evoquer Massis comme entrepreneur
culturel, c’est d’abord souligner qu’il fut le rédacteur en chef puis, après la
mort de Bainville en 1936, le directeur de la Revue universelle dont le premier
numéro est paru le premier avril 1920. L’entreprise est née de la volonté de
Maurras, appuyé alors par Maritain, et reprend à son compte le titre d’une
publication du début du siècle que Maurras s’est fait céder. La Publication est
administrée par la Société française de publications périodiques qui nomme
Massis rédacteur en chef et lui en confie la gestion, tâche lourde quand on
songe que la publication titre selon Eugen Weber à 5000 exemplaires en 1921 et
8000 en 1930. Quoique la ligne éditoriale soit fixée par Bainville et Massis dans
les réunions hebdomadaires du lundi, c’est à Massis, appointé pour ce faire,
qu’il appartient de faire tourner la publication. Son rôle est donc beaucoup
moins important comme auteur (même s’il lui a donné différents articles
importants de critiques littéraire et de politique) que comme organisateur.
Massis a su en effet faire écrire plusieurs centaines d’auteurs entre 1920 et
1940. Si l’Action française et ses périphéries y sont représentées, ce qui frappe
c’est la capacité à attirer dans la publication des figures gravitant dans d’autres
sphères des droites (comme Lucien Romier ou les frères Tharaud) et même des
personnalités éloignées du maurrassisme comme Albert Thibaudet. » (p.227)
1550
"Ce fut Massis qui, à la fin d'août 1944, à la veille de la déportation de Pétain
en Allemagne, aida le Maréchal à préparer son ultime message au peuple
français." (p.491)
-Eugen Weber, L'Action française, Fayard, coll. Pluriel, 1985 (1962 pour la
première édition états-unienne), 685 pages.
Il faut dire que jusqu’à la fin de 1910, Rivain se soumet aux impératifs de
l’intérêt général de la propagande d’AF, et la RCIL est largement accaparée
par Valois et ses amis, qui tente de faire de la revue la tribune du
rapprochement entre antidémocrate de gauche et antidémocrate de droite. Dans
ses souvenirs, Georges Valois note de manière lénifiante :
« Le centre de nos travaux était à la Revue critique des Idées et des Livres. […]
Mais, vers 1910, il nous apparut que la Revue Critique ne pourrait demeurer le
centre de nos études et de notre action, à l’intérieur de l’Action française ». La
1552
revue « devenait presque exclusivement littéraire » et c’est pour cela qu’ils
durent se résoudre à quitter ses pages et à créer le cercle et les Cahiers
Proudhon, afin de réaliser un « large développement à [leurs] études » !
[Valois, D’un siècle à l’autre, chronique d’une génération (1885-1920), Paris,
NLN, 1921, p.252-253. On accordera aussi peu de crédit à ses propos sur ses
relations avec Rivain [fondateur de la Nouvelle Librarie Nationale] et l’affaire
de la NLN (ibid, p.24-257)]
1553
leur jeune camarade des Comités directeurs de l’AF ; Jean Rivain ne fait plus
partie des quatorze dirigeants du mouvement. On lui reproche ses manquements
à l’esprit d’entente, tandis que Rivain considère que ses amis n’ont pas vraiment
fait preuve de solidarité en prenant le parti de Valois contre le sien dans
l’affaire de la NLN. D’autre part, l’écho obtenu par le numéro « Stendhal » a
suscité bien des agacements dans l’entourage d’un Maurras dont on connaît les
réserves à l’égard de l’auteur des Chroniques italiennes : il le juge trop
romantique par ses sujets choisis et déplore ses orientations politiques
(bonapartistes et anticléricales). Il y a aussi les articles de Gilbert Maire,
collaborateur de la RCIL favorable à Bergson, qui apparaissent comme
d’autant plus scandaleux qu’au début de l’année 1914 l’AF quotidienne mène,
par Daudet interposé, une campagne d’une violence inouïe contre le philosophe
« de ghetto » élu à l’Académie française.
Le 22 février 1914, dans son éditorial quotidien, Charles Maurras publie une
petite note intitulée « Éclaircissement », sonnant comme une véritable
excommunication de la Revue critique des idées et des libres. Trois griefs sont
formulés par le « maître du nationalisme intégral » : le bergsonisme de certains
rédacteurs ; un point de vue trop favorable à l’Allemagne ; l’abandon du texte-
manifeste d’allégeance à l’ « empirisme organisateur » apparaissant au verso
de la couverture depuis juin 1908. L’auteur de L’Enquête sur la monarchie
estime que ce retrait est significatif […]
Contrairement à ce qui a souvent été dit par la suite, il y a bien eu rupture entre
l’AF et la Revue critique, qui constitue la première dissidence dans l’histoire du
mouvement maurrassien. Clouard et Maire démissionnent immédiatement de
l’Action française et toute l’équipe de la RCIL se solidarise avec Rivain. »
(p.55-56)
-Laurent Joly, « La Revue critique des idées et des livres. Première dissidence
d’Action française ou première génération intellectuelle de « maurassiens »
indépendants ? (avril 1908 - février 1914). », chapitre in Olivier Dard, Michel
Leymarie & Neil McWilliam (eds.), Le maurrassisme et la culture. L’Action
1554
française. Culture, société, politique (III), Presses Universitaires du Septentrion,
coll. Histoires et Civilisations, 2010, 370 pages, pp.45-59.
« Suivant Lasserre à travers les louanges du « sage délire d’un Charles Maurras
sur l’Acropole », et, s’inspirant du discours disciplinaire de Bernard, Henri
Clouard, l’un des promoteurs acharnés de la Renaissance maurrassienne,
s’enquit, dans Les Disciplines, nécessité littéraire et sociale d’une renaissance
classique, livre-manifeste qui paraît à l’apogée de la controverse du classicisme
[1908-1914] en 1913, « Quand allumerons-nous des lampes joyeuses au-dessus
d’un petit livre classique et français où l’autobiographie atteindrait à la
métaphysique morale ? » Pour mieux saisir le sens de cette phrase, il nous faut
revenir deux ans en arrière où, dans son article « Charles Maurras et la critique
des lettres », paru dans la Revue critique des idées et des livres, comparant le
style de Maurras à celui de Xénophon dans Economique […] Ce sont des mots
qui renvoient à l’autoportrait de Maurras dans Anthinéa et évoquent son
esthétique politique, source d’énergie nationale pour les jeunes maurrassiens de
l’époque […]
Cependant, une étude plus détaillée de cet enthousiaste portrait que nous offrent
Lasserre et Clouard révèle qu’il ne correspond pas tout à fait à l’image du poète-
critique, censé baigner dans l’harmonie classique telle que le peint Maurras dans
Jean Moréas et Anthinéa. En effet, en guise de conclusion à son article,
comparant Maurras à Nietzsche, Lasserre déclara : « Ce que Maurras combat au
grand jour avec les armes simples de la raison, Nietzsche le décompose parmi
les minuties et les odeurs du laboratoire. » Cette dernière observation,
observation savante de la part d’un Lasserre germanophile, coûtera bien cher à
Maurras car quelques années plus tard il aura à soutenir les attaques assidues du
père Lucien Laberthonnière et de l’abbé Jules Pierre, ce qui lui vaudra à la
longue une première mise à l’index de ses livres de jeunesse par le Saint-Siège,
en 1914, laquelle sera suivie par une seconde, plus définitive, en 1926. D’autre
part, la germanophilie chez Lasserre, telle que ce dernier la justifiera dans Mes
Routes (1922), sera source de rupture entre lui et l’Action française à la veille de
la Grande Guerre. Depuis ce moment, l’écriture de Maurras commencera à
acquérir un ton plus défensif, ce qui le poussera à déconsidérer publiquement ses
propres disciples afin d’atténuer la sévérité de Rome. » (p.165-167)
Quelques jours plus tard, sous la plume de Criton, un Maurras indigné demande
dans l’Action française du 16 mars : « La Revue critique des Idées et des Livres
a-t-elle donné un exemple de « désintéressement politique » en fondant un prix
Stendhal et en consacrant à Stendhal tout un numéro ? » (p.169)
Mais c’est dans les Nouvelles Littéraires que Lasserre se laisse aller à une
critique plus pointilleuse vis-à-vis du maurrassisme : « Les disciplines intégraux
sont toujours médiocres. On en voit trop de cette sorte aujourd’hui, et qui
veulent faire la loi. » [« L’Esprit libéral », Nouvelles littéraires, 30 juin 1928] »
(p.170-171)
"La guerre, on le pressent déjà, a brisé l'Action française, atteinte, qui plus est,
en 1916, par la mort d'Henri Vaugeois. Mettant entre parenthèses la lutte contre
la République quatre ans durant, pratiquant une "Union sacrée" de chaque
1557
instant, perdant au feu la plupart de ses éléments moteurs, l'Action française se
vide alors d'une bonne part de son instinct insurrectionnel, comme l'après-
guerre le prouvera. La guerre gommant les idéologies, les origines raciales,
culturelles ou religieuses, change beaucoup de données. L'Action française est
devenue durant la guerre un rempart contre l'Allemagne, protégeant par la
même démarche la France et la République. La jeune Juif Pierre David pourra
ainsi, dans les tranchées, venir à Maurras et écrire à son "maître" sa
reconnaissance pour l'avoir amené au patriotisme." (p.233-234)
« C’est Lemaitre qui lance la première pierre, lors de son compte rendu en 1884
d’une série d’ouvrages de Brunetière, à savoir Études sur l’histoire de la
littérature française (1ère série, 1880), Nouvelles études critiques sur l’histoire
de la littérature française (1882), Le Roman naturaliste (1883), et Histoire et
littérature (1884).Il reviendra à l’assaut entre 1889 et 1893, en réponse aux
invectives de Brunetière contre le développement inquiétant d’une « littérature
personnelle », dans les trois courts textes composant le morceau introductif
1558
intitulé « En guise de préface », qui ouvrira en 1896 la sixième série de ses
Contemporains. Mais la défense de sa conception de la critique se fera aussi
ponctuellement, tout au long des différentes études qu’il publie durant cette
période. Tentons de résumer ici sa position, qu’il faut bien dans un premier
temps qualifier de réactive.
Le critique de la Revue des Deux Mondes, enfermé dans une lecture de type
scolaire et savante, se caractérise en outre par un art de lire qui relève d’un
ascétisme, voired’unpuritanisme, marqué par un primat de la connaissance sur la
jouissance : « juger toujours, c’est peut-être ne jamais jouir » écrit-il en 1892.
Lemaitre regrette, chez ce lecteur professionnel, cette incapacité à « lire pour le
plaisir », qui empêche un contact direct avec les œuvres, quand le rapport aux
textes est toujours médiatisé à l’infini par d’autres textes. Cette attitude
1559
spéculative révèle un excès d’esprit philosophique, qui ne cesse de classer sur le
mode de la passion triste : « il ne touche rien qu’il ne le classe, et pour l’éternité
» Manie classificatoire, esprit de système, démon de la théorie, tout cela
empêche de saisir l’œuvre en tant que telle, dans sa singularité et son originalité.
Lemaitre entend ainsi dénoncer l’illusion scientiste d’une démarche jugée
scolaire, voire scolastique, inconsciemment normative et doctrinaire. En croyant
dégager des lois, en croyant juger selon des normes rationnelles et universelles,
Brunetière ne fait qu’exprimer son Moi en fonction d’une orientation
idéologique précise. C’est explicite sous la plume de l’auteur des Contemporains
: on pratique ici une « critique qui n’est qu’idéologie ». Pris en flagrant délit
d’absolutisation du relatif, d’essentialisation de l’historique, le critique de la
Revue des Deux Mondes devrait assumer pleinement le caractère
fondamentalement subjectif de la critique. »
« En 1888, on l’a vu, Brunetière, apôtre des valeurs universelles et des vérités
générales, dénonce les dérives d’une « littérature personnelle » marquée par le «
développement maladif et monstrueux du Moi », à une époque où s’affirme une
tendance intimiste de la littérature, où l’on découvre l’égotisme stendhalien, les
écrits intimes d’Amiel et de Baudelaire, où le « psychologisme » s’affirme
comme un courant nouveau face à un naturalisme jugé moribond, où le jeune
Barrès enfin instaure son fameux « culte du Moi » trilogique. Quant à la critique
personnelle, pour Brunetière, elle n’est jamais que la simple expression d’une
idiosyncrasie ou d’une opinion, « une façon de penser ou de sentir, qui varie
selon leur humeur même ou la couleur du temps », alors que la connaissance
devrait prévaloir. Il écrit alors, contre toutes les tentations subjectives, que «
l’idéal de la critique serait d’être anonyme ». Mais c’est en 1891 qu’il riposte en
s’en prenant à la démarche d’un France, d’un Lemaitre ou d’un Paul Desjardin,
« nos impressionnistes », qui ont revendiqué le droit pour la critique de n’être
plus « désormais que personnelle, impressionniste, et, comme on dit, subjective
». Une telle attitude trahit d’abord à ses yeux une solution de facilité, permettant
de « ne pas se documenter ». Le critique impressionniste est un dilettante, mi-
paresseux, mi-désinvolte, enfermé dans sa sensibilité volatile. Par conséquent, sa
critique, d’humeur, sera par définition changeante, instable, et soumise à la
contradiction. C’est bien ce que l’on aura tendance à reprocher à Lemaitre, par
delà le débat avec Brunetière. Dépourvu de « doctrine » ferme, Lemaitre, aux
yeux de Georges Renard, n’est déjà plus un critique ; sa « charmante
désinvolture » le fait errer d’impressions en impressions. Son défaut n’est pas
1560
tant l’impressionisme, que l’impressionnisme continué et permanent, c’est-à-
dire le dilettantisme. »
Comme critique littéraire, Maurras sait mieux que personne séduire et capter
l’attention de ses aînés. […] A la fin de 1899, après un nouveau dithyrambe de
Maurras, Bourget l’invite à déjeuner à son domicile, rue Barbet-de-Jouy, à Paris,
pour le remercier de « ces nobles pages », qui sont « l’une des grandes joies de
[sa] vie littéraire » : « Mon cher ami. Laissez-moi vous donner ce nom par
reconnaissance de votre si remarquable étude. [AN, fonds Maurras (576AP),
576AP 183, Bourget à Maurras, 5 décembre 1899]. »
[…]
Sur le plan politique, l’académicien est subjugué par Maurras et ses amis de la
Revue d’Action française, fondée en juillet 1899 : « N’en doutez pas, dit-il à
Barrès, voilà l’avenir ! ». Corpechot, qui rapporte ce propos, est frappé, lors de
sa première visite rue Barbet-de-Jouy, de la « tendresse » avec laquelle Bourget
parle de Maurras. Dans les années 1900-1902, l’écrivain enamouré se rend
fréquemment au café de Flore pour y retrouver ses jeunes amis ; il les
recommande activement auprès de la presse royaliste, obtient une tribune pour
Maurras dans Le Figaro, donne quelques articles à la revue, qu’il lit
attentivement, et distribue ses conseils. » (p.38-39)
1563
un homme dévoué mais facilement impressionnable et à l’humeur changeante –
les phases de pessimisme alternant avec des moments d’optimisme de plus en
plus rares. Dès janvier 1900, il confie à Maurras être « absolument découragé »
par la Ligue de la Patrie française, où il n’est entouré que d’ « ambitieux ». »
(p.40)
« Le résultat des élections [de 1902] s’avère plus catastrophique que prévu.
Meurtri par l’impuissance du nationalisme, jaloux de l’essor de l’Action libérale
populaire de Jacques Piou, Lemaitre cache de moins en moins sa mélancolie.
Maurras le tente ; le jeune théoricien a mené une habile campagne royaliste dans
les colonnes du Figaro et Bourget ne cesse de parler de lui. Mais le Jules
Lemaitre dirigeant politique sait bien qu’une alliance avec les royalistes
reviendrait à s’exclure du champ politique républicain. Il continue donc à
« mentir » tout en donnant des signes de sympathie maurrassienne de plus en
plus visibles. A l’automne 1903, l’écrivain étale ses doutes et ses nouvelles
inclinations au grand jour, dans une série d’articles de L’Écho de Paris
significativement intitulée : « Un nouvel état d’esprit ». Sous la forme d’un
dialogue imaginaire avec un ami, Lemaitre dénonce le parlementarisme, le
sectarisme et la démocratie : « j’ai lu ou relu, ces temps-ci, Comte, LePlay,
Balzac, Taine, Renan, et j’ai vu que les plus fortes têtes du dernier siècle
exécraient la Révolution, son esprit et ses œuvres ». « Bref, je suis maintenant ce
qu’on appelle un « réactionnaire », tout comme les grands hommes que
j’énumérais tout à l’heure », poursuit le narrateur, avant d’évoquer un « groupe
d’esprits qui n’est point négligeable », les jeunes et ardents néo-royalistes… La
publication des premiers articles de la série, en septembre et octobre 1903, fait
« grande impression dans les divers milieux nationalistes de la capitale » ; à la
Patrie française, on multiplie les démentis auprès des ligueurs et l’entourage de
Lemaitre est catastrophé : comment présenter des candidats aux élections
municipales de 1904 si le président s’affirme royaliste ? » (p.41)
« L’auteur de L’Échéance est, en août 1900, le seul grand nom à apporter son
adhésion à l’ « enquête sur la monarchie », lancée par Charles Maurras dans les
colonnes du vieux quotidien royaliste La Gazette de France. » (p.43)
« Lemaitre radicalise peu à peu ses positions, fait bon accueil aux antisémites et
promeut l’élection du président de la République au suffrage universel. Toutes
ces idées plaisent à la foule, même si, rapporte un indicateur, leur porte-parole
finit par « embêter » les dirigeants nationalistes « avec toutes ses évolutions »…
Après 1903 […] Lemaitre soutient les principales campagnes de l’AF –ainsi, la
défense de Jeanne d’Arc ou l’hommage à l’historien Fustel de Coulanges. Son
départ de la présidence de la Ligue de la Patrie française, joint au prosélytisme
de Léon Daudet, dont il est très forte et que Maurras a « converti » depuis peu,
achète de le convaincre. » (p.45)
« Henri Vaugeois, qui sait trouver les mots pour flatter un Lemaitre qu’il
épargnait peu naguère, explique à 2000 militants surchauffés, réunis salle
Wagram à la fin de mars 1908, que le programme de l’AF est « le prolongement
du geste de Jules Lemaître et de la Patrie Française » ! […]
A la veille de la guerre, Maurras atteint les quarante-cinq ans. Son autorité sur
l’Action française est bien établie. Le maître, c’est lui désormais. En 1912,
répondant à un article de Lucien Corpechot publié dans Le Gaulois, le jeune
maurrassien Jean-Marc Bernard écrit : « il cite comme nos maîtres en
nationalisme : Barrès, Bourget et Lemaitre. Certes nous admirons et respectons
comme il convient ces trois grands écrivains ; mais nous reconnaissons comme
notre premier Maître, M. Charles Maurras ». Dans une lettre privée à Barrès, en
1914, un autre disciple, Henri Clouard, de La Revue critique des idées et des
livres, note plus crument que Bourget « est vraiment […] d’avant le
déluge »… » (p.51)
« Dans les années 1920, Maurras s’impose comme le maître des nouvelles
générations nationalistes, faisant oublier cette période de l’histoire de l’Action
française où la présence de parrains et de figures tutélaires extérieurs était
indispensable. Non pas qu’après la Grande Guerre, l’AF n’ait plus cherché à
attirer des grands noms –comme le montre l’organisation du grand banquet de la
salle Bullier en l’honneur du converti de prestige Charles Benoist. Mais elle n’a
tout simplement plus besoin d’ « illustres maîtres ». Avant 1914, sa place
dominante au sein du parti royaliste était encore loin d’être acquise. Pour le duc
d’Orléans, Bourget et Lemaitre étaient des noms célèbres, et lorsque, dès la fin
de 1908, il hésitait sur la position à tenir –condamner ou pas un mouvement
adepte de la violence et de l’agitation, -il pensait à ces grands noms et
temporisait… » (p.53)
1566
-Laurent Joly, « Les « grands écrivains sont avec nous ». Bourget, Lemaître et
l’Action française », chapitre in Olivier Dard, Michel Leymarie & Jeanyves
Guérin (eds.), Le maurrassisme et la culture. L’Action française. Culture,
société, politique (IV), Presses Universitaires du Septentrion, coll. Histoires et
Civilisations, 2012, 320 pages, pp.37-53.
http://hydra.forumactif.org/t4516-jules-lemaitre#5423
Paul Bourget (1852-1935): « Victor Hugo et ses disciples vécurent, eux, les
ennemis du XVIIIe siècle, du mouvement révolutionnaire issu de ce siècle qu’ils
détestaient. » -Paul Bourget, Essais de psychologie contemporaine. Études
littéraires, André Guyaux (éd.), Gallimard, 1993 (deuxième série de 1886),
p.339.
"Jusqu'à la guerre de 1914, Bourget avait été un des principaux auteurs de son
temps qui adhérèrent et restèrent fidèles au nouveau mouvement monarchiste.
Cette adhésion à la suite de l'affaire Dreyfus, avait été précédée d'un retour à la
religion, retour remarqué quoique s'inscrivant dans un mouvement assez
général au cours des années 1890." (p.14)
"A la fin du 19ème siècle, Bourget était un écrivain de tout premier plan en
France: benjamin de l'Académie française, élu en 1895 à l'âge de 43 ans,
critique littéraire écouté, dont les idées et la pénétration sur les questions
artistiques étaient fort louées, il était également l'un des principaux théoriciens
du roman psychologiste [...] qu'il opposait à l'omniprésent roman naturaliste.
Proclamé par Maurras "Prince de la jeunesse", Bourget fut, en 1900, le seul des
grandeurs auteurs de l'époque à se déclarer en faveur d'un mouvement
1567
monarchiste d'un nouveau genre, fondé non sur un préjugé sentimental, mais
sur un monarchisme raisonné et scientifique. Monarchiste philosophique et
positiviste, il était pour beaucoup de jeunes intellectuels de l'Action française
celui qui avait tenté une synthèse de la pensée de Bonald, de Le Play et de
Taine, ce qui faisait de lui une autorité intellectuelle vivante. Les œuvres de
Maurras, Lasserre, Bainville, quelque brillantes qu'elles fussent déjà, n'avaient
pas encore trouvé un écho assez puissant dans l'opinion ; et le mouvement
monarchiste avait besoin d'une figure de la stature de Bourget.
Bourget était en effet un publiciste qui avait ses entrées dans tous les journaux
de son époque comme dans les milieux politiques et financiers ; qui était reçu
dans les cercles de la noblesse et dans les salons les plus huppés: chez Mme
Daudet, Mme de Loynnes, Mme Adam ; qui était en relations avec des hommes
politiques républicains comme Freycinet et Poincaré aussi bien qu'avec des
catholiques comme Brunetière et Mgr Cabriéris, ou des médecins et des
psychologues tels que Joseph Grasset et Théodore Ribot." (p.15)
"Dans les années qui suivirent, sa collaboration avec l'Action française resta
strictement littéraire ; mais il ne publia qu'un article dans le journal de
Maurras, préférant les grands quotidiens. En revanche, il prit part aux activités
de l'Institut de l'Action française, établi en 1906, ainsi qu'aux banquets de
L'Appel au soldat ; notamment à celui dont il reçut l'hommage après la
publication de L'étape et après l'orage que ses thèses avaient suscité dans
l'opinion publique. Après que l'Action française eut institué une assemblée
annuelle, au niveau national, Bourget fut plusieurs fois convié à y prononcer le
discours d'ouverture, témoignant du prestige dont il jouissait auprès de ses
militants." (p.17)
"D'écrivain adulé, Bourget devint en effet un auteur contesté, voire décrié: les
idées que véhiculaient ses romans étaient considérées comme "scandaleuses"
même par ses compagnons de route. Certains critiques attribuèrent cette
1569
révolution vers une situation d'écrivain "engagé" au désir d'attirer l'attention du
public. De fait, Bourget n'avait pu rééditer le succès du Disciple (1889), et ses
tirages des années 1890 étaient restés médiocres. Les plus importants de ces
romans "engagés", L'étape (1902), Un divorce (1904), L'émigré (1905), Le
démon de midi (1914), Lazarine (1916) connurent, il est vrai, de meilleurs
tirages, sans toutefois égaler celui du Disciple. S'y ajoutèrent les succès des
pièces de Bourget: Un divorce (adaptation dramatique du roman, en 1908) ; La
barricade (1910), qui fut sans doute le clou de la saison théâtrale de cette année
; Le tribun (1912). Les deux premières étaient la représentation de conflits
sociaux et moraux parfaitement actuels, pour la gauche comme pour la droite
françaises.
Il reste que l'on n'y trouve guère de référence à l'idée monarchiste. Et si l'on a
pu dire de Maurras qu'il était "un monarchisme sans roi", on le dira a fortiori
du monarchisme de Bourget: son mode de pensée monarchiste se passait
absolument de monarchie. A l'exception de celui de L'émigré, aucun des
personnages principaux de ses romans ne manifestent un quelconque
attachement pour l'idée monarchiste, quoiqu'ils soient tous catholiques fervents
et qu'ils nourrissent les idées sociales du "traditionalisme intégral" (ou
"traditionalisme par positivisme")."(p.19)
"Il était l'écrivain du "juste milieu" bourgeois, à une époque où les qualités
bourgeoises étaient vivement critiquées." (p.26)
1570
-Mathias Yehoshua, Paul Bourget, écrivain engagé, Vingtième Siècle. Revue
d'histoire, Année 1995, 45, pp. 14-29.
http://hydra.forumactif.org/t4460-paul-bourget#5358
http://hydra.forumactif.org/t4797-louis-bertrand-loeuvre-de-paul-bourget#5741
1572
concept de laïcité. C’est donc la conception individualiste et libérale de la
croyance, hérité des Lumières, qui est en fait rejetée par Brunetière, au profit de
la restauration d’un ordre social chrétien, solidariste et organiciste, dans la
lignée directe de Rerum Novarum. »
« N['as-t-il] pas montré, vers la fin de sa vie, [des] velléités d'indépendance, vite
réprimées par le Souverain Pontife ? Sur quoi donc s'appuyait Brunetière pour
être démocrate ? Il ne pouvait s'empêcher d'établir certains rapprochements
entre l'Évangile et la Déclaration des Droits, et il ne trouvait pas entre ces deux
monuments d'essentielles contradictions. » -Georges Guy-Grand, Le procès de
la démocratie, Paris, Librairie Armand Colin, 1911, p.58.
http://hydra.forumactif.org/t4459-ferdinand-brunetiere#5357
« Que Rousseau est admirable ! C’est notre source de vie ; les passions ardentes
et tristes, les fiers caractères sont sortis pêle-mêle de son incomparable génie
[…] c’est (le) meilleur des hommes qui sont dans ma bibliothèque. » -Maurice
Barrès, « La doyenne des institutrices laïques », Le Voltaire, 29 août 1887.
« Vous êtes des ouvriers isolés, les pauvres travailleurs des salines, des
soudières ; donnez la main à tous les autres travailleurs, vos frères, avec votre
misérable salaire, vos fatigues jamais interrompues, pourtant vous dominez le
monde […] Vous pouvez entrer […] dans une association puissante : dans une
vaste société qui s’étend sur toute la France, gagne chaque jour du terrain, a
1573
ses ramifications dans l’Europe, dans le monde entier. » -Maurice Barrès, « A
des amis de Saint-Nicolas et de Dombasle (lettre ouverte ), Le Courrier de l’Est,
27 juillet 1890.
« Le nom seul des Saint-Just, des Danton, des Robespierre, des Bonaparte, nous
brûle le sang. Que Laclos fut un homme heureux ! Qu’elles durent être belles à
vivre ces journées révolutionnaires puisque nous en avons encore la fièvre. » -
Maurice Barrès, à propos d’une réprésentation de Thermidor de Sardou au
Théâtre français, Le Figaro, 21 janvier 1891.
« Tant qu’il y aura un budget de guerre et de la marine, rien d’utile ne peut être
fait dans la direction du socialisme. Le seul titre que puisse entrevoir celui qui
aspirerait à une popularité dominante dans ce pays c’est de négocier avec nous
le désarmement. On eût voulu un général nous rendant Metz et Strasbourg ; il y
a une seconde forme de la popularité, elle irait à celui qui aurait présidé à la
pacification de l’Europe. » -Maurice Barrès, « 27 janvier », La Cocarde, 27
janvier 1895.
1574
« L'Individu n'est rien, la société est tout. » -Maurice Barrès, Les Déracinés
(Roman de l'énergie nationale Tome I), 1897, in, in Romans et voyages, R.
Laffont Bouquins, 1994, p.615.
« L’Etat pour Hegel est un produit de la raison ; c’est le monde moral réalisé et
organisé. Qu’il prenne conscience de ses droits, qu’il étudie ses attributions...
Pensée puissante et qui justifie pour moi le socialisme. » -Maurice Barrès, Mes
Cahiers, t. 1, 1896-1898, Paris, Plon, 1929, p. 222.
« Institution d’une caisse de retraite pour les travailleurs organisée par l’Etat.
[…]
« Les assises d’une France fondée sur la logique ne me satisfont pas ; je les
veux sur la sensibilité. » -Maurice Barrès, Mes Cahiers, sixième cahier, du 1er
octobre 1899 à juillet 1901.
1575
« L’intelligence, quelle très petite chose à la surface de nous-même… » -
Maurice Barrès, L’Appel au soldat, Paris, Fasquelle, 1900, p.X.
« L’Alsace et les deux rives du Rhin sont le champ d’une bataille éternelle entre
la Germanie et la Latinité. Un homme vit assez pour apercevoir une passe
d’armes, mais, que cet épisode soit heureux ou malheureux, il n’en peut rien
préjuger quant au résultat d’une lutte dont l’origine appartient à la préhistoire,
il en va de cette querelle pour la possession du Rhin comme de la lutte entre le
soleil et la pluie qui se développe d’alternative en alternative sans atteindre
jamais l’état stable. » -Maurice Barrès, « La solution est à Paris », La Patrie, 12
septembre 1902.
« Ce que j’ai demandé à ma Lorraine, Nietzsche le marque quand il dit que « les
entraves les plus favorables et les remèdes contre la modernité », c’est-à-dire
contre « l’indiscipline de l’esprit moderne sous toute sorte d’apprêts moraux »,
c’est « l’étroitesse nationale qui simplifie et concentre ». (Nietzsche, Volonté de
puissance, t. I, p. 86-87) Comment cela ne me frapperait-il pas puisque c’est par
là que je disais Pascal nationaliste. Je n’ai pas osé publier cette thèse bizarre.
Mais l’homme monstre et chaos, l’homme incapable de connaître la vérité par
suite de sa corruption et de sa décomposition morale, c’est celui, dit Pascal, qui
n’a pas la foi chrétienne, je lui propose la révélation lorraine de sa mission sur
la terre. (Bastions de l’Est). « Se rendre maître du chaos que l’on est soi-même
; contraindre son chaos à devenir forme, à devenir logique, simple, sans
équivoque, mathématique, loi, c’est là la grande ambition. » » -Maurice Barrès,
Mes Cahiers, t. 3, 1902-1904, Paris, Plon, 1931, p.138-139.
« C’eût été pour Nietzsche un réconfort de savoir que vers 1887 « dans
un temps où il était profondément ignoré de ses compatriotes », il eût trouvé à
Paris un jeune homme qui, sans avoir lu aucun de ses livres, se rencontrait dans
le mépris des Barbares et le Culte du Moi. » (p.124)
« Rousseau est par excellence le génie qui essaie de nous lancer dans cette
révolte néfaste, et d’ailleurs impuissant et qui nous conseille d’agir comme si
nous avions à refaire tout à neuf, comme si nous n’avions jamais été civilisés. »
(p.317)
« Messieurs,
1578
siècle, on excuse ce qu’a d’excessif l’amour de Rousseau pour la nature; il fait
respirer de l’air pur.”
Voilà, Messieurs, la part de mon admiration. Mais vous m’en demandez plus.
Vous voulez que j’adhère aux principes sociaux, politiques et pédagogiques de
l’auteur du Discours sur l’Inégalité, du Contrat Social et de l’Émile. Je ne le
peux pas, et laissez-moi ajouter que la plupart d’entre vous ne le peuvent pas. Il
y a un manque de vérité profonde dans la sollicitation que l’on vous adresse de
glorifier Rousseau.
A l’heure où nous sommes, avez-vous vraiment l’idée qu’il est utile et fécond
d’exalter solennellement, au nom de l’État, l’homme qui a inventé le paradoxe
détestable de mettre la société en dehors de la nature et de dresser l’individu
contre la société au nom de la nature? Ce n’est pas au moment où vous abattez
comme des chiens ceux qui s’insurgent contre la société en lui disant qu’elle est
injuste et mauvaise et qu’ils lui déclarent une guerre à mort, qu’il faut glorifier
celui dont peuvent se réclamer, à juste titre, tous les théoriciens de l’anarchie.
Entre Kropotkine ou Jean Grave et Rousseau, il n’y a rien, et ni Jean Grave, ni
Kropotkine ne peuvent intellectuellement désavouer Garnier et Bonnot.
1579
Ce n’est pas au moment où s’opère dans tous les partis de la jeunesse française
un vigoureux travail, dont on voit déjà les fruits, pour enrayer toutes les formes
de l’anarchie, que nous pouvons glorifier l’apôtre éminent et le principe de
toutes les anarchies. Dans tous ses livres politiques, chez Rousseau, c’est la
même chimère de coucher la vie sur un lit de Procuste. Sa raison arbitraire
s’imagine qu’elle suffit à elle seule pour créer une société plus saine et plus
vigoureuse que celle qui a sa racine dans les profondeurs mystérieuses du
temps. Quelle orgueilleuse confiance en soi! C’est que Rousseau ignore les
méthodes de la science. Il n’observe pas. Il imagine. A ses constructions
purement idéologiques, nous opposons les résultats de l’esprit d’observation et,
j’oserai dire, d’expérimentation par l’histoire. Examen, enquête, analyse, cela
s’est opposé longtemps à tradition. Mais des maîtres sont venus qui ont
examiné, analysé, et c’est pour aboutir à découvrir la force bienfaisante de la
tradition. Un d’eux, que vous ne pouvez pas renier, car vous lui avez dressé une
statue en face de la Sorbonne, Auguste Comte, a résumé ce vaste travail d’un
mot: “Les vivants sont gouvernés par les morts.” Les morts sont nos maîtres,
nous pouvons adapter leurs volontés à la nécessité présente, nous ne pouvons ni
ne devons les renier. Rousseau est par excellence le génie qui essaie de nous
lancer dans cette révolte néfaste, et d’ailleurs impuissante, et qui nous conseille
d’agir comme si nous avions tout à refaire à neuf, comme si nous n’avions
jamais été civilisés. Nous refusons de le suivre.
1580
« Je suis las d’entendre parler, de voir écrire sur la Révolution avec des
sentiments de partisan. Elle n’a pas été faite par les révolutionnaires à l’assaut,
mais par les possédents de Versailles. Robespierre est moins coupable,
responsable, laissons ces mots, il est moins actif que Marie-Antoinette et les
Polignac. Je vais plus loin, si un Danton, si un Marat sont des apaches,
Robespierre n’en est pas un et Versailles est plein d’apaches. » -Maurice Barrès,
à Charles Maurras, La République ou le Roi, Correspondance inédite (1888-
1923), Plon, 1970, p.XXVII.
« Il saute aux yeux que je ne prétends à aucune autorité doctrinale, que je n’en
cherche aucune, que personne ne m’en attribue. Ceci bien posé (et que vous
avez le droit et le devoir, vous, jeune lévite, de dire et de répéter), vous avez tort
de me faire barrage. » -Barrès, in Henri Massis, Barrès et nous, (mars 1914),
Plon, 1962, p.136-137.
1581
l'argent. Ouvrez les yeux et les oreilles, entendez et voyez l'extraordinaire
campagne qu'ils ont déjà commencée pour la révision du traité de Versailles !"
(p.IX)
« Devant Wagner, je ne me suis pas trompé. J’ai senti une force puissante,
capable de soulever et de lever des foules, une force religieuse. J’ai cru: « Ici
naît une religion nouvelle ». Quelle religion ? C’est là mon erreur singulière.
J’avais reçu un tonus. Tous ce qui était en moi s’émouvait. Et ces idées dont je
vivais alors, du Culte du Moi, s’exaltaient, croyaient entendre leur messe. En
fait, les Allemands y trouvaient l’exaltation de leur propre personnalité. Ils
assistaient à la messe du pangermanisme. Je ne tardais pas à m’en
apercevoir. » - Maurice Barrès, Mes cahiers, t. 13, 1920-1922, Paris, Plon, 1950,
p.117-118.
« Ce qui est sûr, c'est que nous l'aimons. Alors même qu'il ne serait pas un
grand écrivain comme il est, sûr de son style et de sa pensée, maître d'une forme
qui est bien à lui, nul ne lui contesterait le mérite plus rare d'avoir empreint
d'une marque indélébile l'esprit de toute une génération. » -Léon Blum.
« De Gaulle a fréquenté Barrès jusqu’à la fin. […] N’oublions pas que quand
Barrès siégeait à l’Assemblée, il séigeait à l’extrême-gauche. » -Michel
Cazenave, in Une vie, une œuvre : Maurice Barrès, complexe ou ambigu ?
(1862-1923).
"Leconte de Lisle lui fit connaître [à Barrès] Louis Ménard, le "dernier apôtre
de l'hellénisme"." (p.3)
-Henri Clouard (dir.), Bilan de Barrès, Paris, Sequana, coll. "Hier et demain",
1943, 175 pages.
1583
« Barrès avait eu pendant une trentaine d’années des millions de Français
derrière lui. » (p.137)
« A peu près contemporains (nés en 1859 et 1862), entrés à peu près au même
moment à la Chambre (1885 et 1889, puis 1902 et 1906) (entre temps, Jaurès
avait été réelu en 93, l’année de l’échec de Barrès à Nancy), ils ne sont pas
beaucoup rencontrés dans le privé sinon à la bibliothèque et dans les couloirs
du Palais Bourbon, une fois chez Larréta et chez le libraire de la Place Victor
Hugo ; mais quel duel, quelle fresque homériue ! Et, sous de fatales différences,
quel dialogue intérieur Barrès n’a-t-il pas entrenu avec Jaurès pendant vingt-
cinq ans, avant et après son assassinat ! Jaurès n’a pas quitté sa pensée
jusqu’en 1923. » (p.99)
« Jaurès aura été pour lui un des vivants qu’il admira le plus avec Maurras,
Mistral, Déroulède, et avec Hugo auquel on sent qu’il le compare dans
l’Enquête. » (p.100)
« Barrès était un de ces aristocrates de l’esprit qui respectent les vraies valeurs,
où qu’elles soient. » (p.104)
1584
« Barrès souffre « de voir le talent, l’instruction, la culture à l’extrême-
gauche. ». » (p.106)
« Ajoutez à Jaurès une courtoisie qui n’est pas pour déplaire au dandy, d’autant
plus que l’extrême-gauche se tient en général si mal. Enfin, il y a chez Jaurès
une générosité, une foi d’apôtre qu’il ne trouve pas chez ses collègues chrétiens
et qui fait de lui un homme heureux, rayonnant d’euphorie […] Ah ! si
seulement Barrès était aussi sûr que la vie a un sens, alors que son œuvre
entière est gangrenée par la mort et un désespérant à-quoi-bon ! […] Barrès
envie ce « grossier optimisme », essaie de l’analyser, de le critiquer, mais
toujours y revient car son tempérament souffreteux et sa philosophie héritée des
maîtres romantiques et parnassiens en manquent terriblement. » (p.107)
« Il avait chez Barrès une profonde admiration pour le génial tribun. » (p.100)
"Une telle conception du monde n'aurait pas porté à conséquence si elle avait
été réellement limitée au niveau de l'individu. Tel ne fut pas le cas de Barrès
qui, en élevant immédiatement au niveau des collectivités sa vision des relations
entre le Moi et le barbare -relations de lutte perpétuelle- donna à cette vision
des attributs d'une loi naturelle. Très rapidement en effet, la première règle de
l'éthique barrésienne qui consistait à s'affirmer contre tout ce qui n'était pas le
Moi, à se cantonner dans un monde fermé à la vie des hommes, acquiert la
dimension du collectif." (p.52)
"C'est ainsi qu'au-delà des thèmes d'un certain anarchisme qui avait, comme l'a
fait remarquer Roger Labrousse, secoué toutes les contraintes, y compris celles
du passé, apparaissent dans Le Culte du Moi les éléments d'acceptation qui
préparent le traditionnalisme et Le Roman de l'énergie nationale. On discerne
en effet que le même fil -l'acceptation du verdict de l'histoire- rattache ses
premières romans aux Déracinés, à sa campagne pour les églises de France et
enfin à son refus de rallier l'Action française." (p.55)
1586
la base du programme social de 1889-1891, établir avec le socialisme un
accord qui, sans être un accord sur les principes, aurait pu servir de base à une
action politique commune ?" (p.172)
"Barrès, s'il reste fidèle à Déroulède et lui rend visite à Saint-Sébastien tous les
23 février, refuse désormais les coups de poings nationaux. Il ne suivra pas
Maurras sur le tombe du général Pellieux, pas plus qu'il n'acceptera de troubler
les funérailles de Zola. Barrès dissuade même Syveton, Coppée, Castellane et
Rochefort de conduire une contre-manifestation nationale." (p.183-184)
"En mars de cette même année où Barrès ne fut pas plus chanceux que le
cardinal de Retz, il est encore une fois battu contre Gervaize, plus franchement
réactionnaire, plus franchement antisémite que lui, en dépit du soutien de
Déroulède. L'écart est infime: 5887 voix contre 5786. Barrès devra encore
attendre six ans pour être à nouveau député." (p.184
"A René Gilloin qui l'aimait si fort qu'il voulait, jeune Nietzschéen repenti,
célébrer Seillière, Barrès demande:
-Parlez-moi donc un peu de ce M. Seillière dont je n'ai pas lu une ligne et dont
vous faites tant de cas.
[Gilloin expose]:
-la triade Impérialisme - Mysticisme - Raison qu'il avait prise pour fondement
de sa doctrine.
[conclut]:
1588
-Au surplus, c'est un homme avec qui vous devriez sympathiser, car il a mené
des campagnes parallèles aux vôtres, contre le romantisme anarchique, contre
l'individualisme révolutionnaire, contre les désordres de la sensibilité, contre la
passion anti-sociale.
Barrès pousse alors un grand soupir, coule [vers lui] un regard amusé et,
complice: "Enfin, contre tout ce que nous aimons"." (p.201)
"Je me souviens que le moi renforcé éloigne de tout narcissisme puisqu'il se sait
solidifié par une hérédité, une tradition, inscrit dans une époque et ne devant
presque rien à soi-même, quand le moi atomisé qui se sait minuscule, dévoré
par l'impuissance et la conscience de son néant aboutit au narcissisme du sujet
et à sa traduction politique la croyance en une supériorité de race, de caste ou
de classe." (p.203)
"Ni la vie ni l’œuvre de Barrès n'auraient été telles si cet amour et ce drame
[rupture de 1907] n'étaient survenus, véritables bête dans la jungle, attendues
toute sa vie et surtout à ceci, ils se sont revus en 1917 et ont été amants,
d'heureux amants -la correspondance en fait foi. Contre les Tharaud, Barrès a
tranché, le 11 mai 1923, il lui écrit ceci, exergue obligé de toute lecture de
Barrès: "Je demande qu'un jour votre nom qui fut le rêve et le secret de ma vie
soit inscrit à la première page de ce qui pourrait survivre de votre ami"."
(p.238)
"Les filles toujours doivent-elles avant de sourire aux garçons songer aux
suicides potentiels de ceux qu'elles ne parviendront à aimer ? Barrès, au plus
fort de sa détresse, alors qu'il vient de passer trois jours au chevet de [son
neveu] Charles agonisant, guettant une reprise de conscience qui n'est pas
venue, ne l'a pas cru." (p.245)
"En octobre 1901, trois mois après la mort de sa mère, Barrès quitte le comité
directeur de La Patrie française. [...] [En 1904], il rompt son serment
d'orphelin ivre et échoue à l'élection législative d'avril." (p.259)
1589
"Parmi tous les reproches adressés à Maurice Barrès, celui d'avoir sonné du
clairon et couvert le massacre d'une génération de jeunes gens paraît ne souffrir
aucune atténuation. Résumé en un mot de l'auteur d'Au-dessus de la mêlée qui,
d'ailleurs, s'y trouva si bien qu'Hitler lui-même ne l'en déménagea pas [...] ce
reproche le sacre eernitate: "Rossignol du carnage". La formule est belle, elle
est fausse. [...]
Montherlant raconte, non sans émotion, comment Barrès fut sifflé par la foule,
lors du défilé de la Victoire, tout bonnement mis au ban, traité en paria."
(p.286-287)
"C'est le 11 juillet 1893 qu'il [Barrès] épouse Paul Couche à l'église Saint-
Séverin et en mars 1901 qu'il rencontre Anna." (note 22 p.376)
-Sarah Vajda, Maurice Barrès, Flammarion, coll. Grandes Biographies, 2000,
434 pages.
1590
« Barrès s’intéresse à Nietzsche principalement à deux moments, en 1907,
quand ses conversations avec l’abbé Pastourel le conduisent à distinguer extase
catholique et extase panthéiste (Mes cahiers, V, p. 298 sqq., « cahier rouge » ;
VI, p. 6-11, cahier 17) et pendant les années de guerre et d’après-guerre où il
critique la doctrine de la force primant le droit (Mes cahiers, XII, p. 49, cahier
40). » -Claire Bompaire-Evesque, « Barrès et claudel : une incompréhension
réciproque », Revue d'histoire littéraire de la France, 2004/1 (Vol. 104), p. 93-
126.
"Mais à cette époque, la critique la plus dure que Barrès va instruire sur le
socialisme d’origine germanique, ira en direction du socialisme prétendu
scientifique, matérialiste, dur et géométrique: le marxisme. Il aurait été
l’incarnation même du « germanisme » dans le socialisme. Cette critique est
contenue dans plusieurs articles de presse, mais surtout dans un ouvrage de
1598
1893 L’Ennemi des lois. Barrès rejette d’ailleurs Marx, à un tel point, qu’il ne
le compte même pas dans les sources du socialisme. Sans être un spécialiste de
science politique, Barrès dégage néanmoins, avec une réelle précision et parfois
une vision assez prophétique, les grands traits de l’idéologie marxiste et ses
dangers potentiels. Mais la grande faiblesse de l’approche barrèsienne réside
dans une volonté continuelle de vouloir associer l’antisémitisme et
l’antigermanisme, à son analyse politique. Il s’acharne à démontrer que le
matérialisme marxiste manque de contenu moral, de spiritualité, car il ne serait
qu’une synthèse « du socialisme juif » et du « socialisme allemand », qui allie
l’esprit « des durs logiciens juifs », avec « le sentiment du ventre » inhérent à la
nature allemande et à son exploitation par les « agitateurs juifs »." (p.58)
"Au « socialisme judéo-allemand » qui selon ses propres termes: « élimine les
notions de pitié et de justice », il oppose l’école française de l’enthousiasme et
notamment, celle de Saint-Simon et de Fourier. Mais c’est le socialisme de
Proudhon qui serait selon lui le plus original, car: « il combine notre sensibilité
nationale et l’hégélianisme », et prend comme levier de la révolution sociale: «
l’idée de justice, de fraternité, ou tel autre sentiment de 48.»." (p.68)
"Auguste Burdeau, note Barrès est à l’origine de la thèse centrale de Sous l’œil
des Barbares, à laquelle il ne renoncera jamais tout à fait, selon laquelle le
monde n’est qu’un phénomène cérébral, une grande fantasmagorie, une illusion
produite par la structure de l’esprit et à laquelle rien dans le dehors ne
correspond." (p.74)
1599
-Philippe Bedouret. BARRES, MAURRAS et PEGUY face au germanisme
(1870-1914). Histoire. ECOLE PRATIQUE DES HAUTES ETUDES, 2005.
Français. <tel-01511730>.
http://hydra.forumactif.org/t4539-anna-de-noailles-la-domination-autres-
oeuvres?highlight=Anna
https://www.amazon.fr/Anna-Noailles-myst%C3%A8re-pleine-
lumi%C3%A8re/dp/2221056825/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1541765
071&sr=1-1&keywords=Fran%C3%A7ois+Broche%2C+Anna+de+Noailles
https://www.amazon.fr/Anthologie-po%C3%A9tique-romanesque-Anna-
Noailles/dp/225316366X/ref=pd_sim_14_4?_encoding=UTF8&pd_rd_i=22531
6366X&pd_rd_r=a17610f2-e417-11e8-bc59-
35fea659c2f4&pd_rd_w=S4YEO&pd_rd_wg=dBEsY&pf_rd_i=desktop-dp-
sims&pf_rd_m=A1X6FK5RDHNB96&pf_rd_p=ccdc1685-8b9b-4699-a8df-
1600
1a483d390f11&pf_rd_r=Z4TZFW7T97WGPM2WHFVD&pf_rd_s=desktop-
dp-sims&pf_rd_t=40701&psc=1&refRID=Z4TZFW7T97WGPM2WHFVD
"En 1905-1906, Georges Gressent dit Valois travaille à un gros livre, L'Homme
qui vient, dont l'élaboration fiévreuse le pousse tout à la fois vers la monarchie
et vers le catholicisme. Valois a réalisé seul son évolution politique, ignorant
jusqu'à l'existence de l'Action française. C'est Bourget qui le reçoit à bras
1602
ouverts et lui lance: "Voyez Maurras, voyez Maurras, votre place est à l'Action
française". Dès lors, tout s'enchaîne. Durant l'été 1906, Valois rencontre
Maurras, puis Philippe d'Orléans, à Ostende. Il est prêt pour l'action. Et en
novembre, l'Action française publie son livre en lançant la Librairie Nationale.
Maurras lui apprend La Tour du Pin et Valois développe les thèses soreliennes:
une conception dynamique, voire conflictuelle des rapports sociaux qu'il
sublime par la monarchie. La synthèse improbable est en termes.
Travailleur, volontaire, éloquent, "d'une intelligence subtile" conjuguée à
"l'orgueil, l'émulation et la méfiance" populaires, déclare de lui Dimier, Valois
entre à L'Action française en publiant à la fin de l'année 1907 une série
d'articles, réunis sous le titre de La Révolution sociale ou le roi, qui donnent une
impulsion nouvelle à la pensée sociale royaliste." (p.199)
But he returned from his military service more egoist than anarchist:
1603
It was not until 1906 that he joined Maurras's group. Explaining that a strong
contempt for parliamentary democracy was a point in common between
anarchists and integral nationalists, he tells of other one-time anarchists who
became sympathetic to the Action Française. One of these was Lucien Jean, who
himself had once fallen under the Nietzschean spell." -Reino Virtanen,
"Nietzsche and the Action Française: Nietzsche's Significance for French
Rightist Thought", Journal of the History of Ideas, Vol. 11, No. 2 (Apr., 1950),
pp. 191-214, p.212.
"Valois ne cachait pas son admiration pour Mussolini: "A l'Italie, écrivait-il le 3
décembre 1925, reviendra l'honneur d'avoir donné un nom au mouvement par
lequel l'Europe contemporaine tend à la création de l'Etat moderne". [...]
Le fascisme que Valois et ses amis voulaient donner à la France n'était pas un
mouvement d'extrême droite de plus, à la manière des Jeunesses patriotes de
Pierre Taittinger, destiné à protéger les intérêts de la bourgeoisie face au péril
rouge. Non seulement Valois affirmait son fascisme "antiploutocratique" [...]
mais il se montrait partisan résolu d'un syndicalisme ouvrier "absolument livre"
et en appelait aux producteurs, sans lesquels -disait-il- il n'y avait rien à
espérer. [...]
Mussolini avait inventé le mot ; l'idée était née en France, avant 1914. Georges
Valois lui-même avait contribué à son accouchement: "Nos emprunts au
fascisme italien se réduisent au choix de la chemise comme pièce
caractéristique de l'uniforme, et à une conception de l'opération révolutionnaire
inspirée de la marche sur Rome [...] c'est tout. Pour le reste, conception de la
structure de l'Etat moderne, c'est nous les inventeurs, et c'est nous que l'on
1604
copiait en Italie..."
Dans un livre qu'il publie en 1927 [Le Fascisme], Valois définit le fascisme par
la fusion de deux courants jusqu'alors contradictoires: le nationalisme et le
socialisme. Le nationalisme et le socialisme ne doivent plus se faire la guerre
mais se réconcilier ; ils ont le même ennemi, le libéralisme et le régime
parlementaire. Cette fusion eût été imaginable dans le socialisme français,
blanquiste ou proudhonien, mais, dit Valois, "le marxisme l'a rendu impossible".
[...]
Dans la genèse de l'idée fasciste, Valois insiste sur la dette qu'il a contractée
envers Maurice Barrès. Le Barrès boulangiste, le député "révisionniste" élu en
1889, le journaliste franc-tireur: "Sa Cocarde, faite avec des républicains, des
royalistes, des socialistes, c'était la préface de notre œuvre"." (p.241)
"A vingt ans, [Valois] est dreyfusard. Mais, précisément, il va faire partie de
cette petite cohorte d'intellectuels dreyfusards qui sont bientôt déçus par l’œuvre
de la gauche parlementaire accédant au pouvoir, sous les auspices de Combes
et avec l'appui de Jaurès." (p.242)
1606
"Cette "journée nationale de Verdun" met l'accent sur le rituel, le décorum et
l'unanimité, au détriment de la parole. Le Faisceau, en somme, préfère les
cérémonies au déroulement prévu d'avance, aux gestes orchestrés, où les
militants jouent le rôle de soldats bien disciplinés et où abondent les gestes
devant symboliser leur "foi collective", c'est-à-dire des réunions politiques où
l'esthétique joue un rôle primordial. Voilà pourquoi un Philippe Barrès peut
parler du congrès tenu à Reims par le Faisceau à l'été de 1926 en le qualifiant
d' "irrésistible" et en assurant: "ce fut un beau spectacle"." (p.10)
1607
En 1897, Bernstein commit ce que l’on appelle une erreur de jeunesse. Il
abandonna sa garnison pour aller rejoindre une demoiselle en Belgique. Dès le
17 février 1911, Gustave Téry vend une brochure, Le Juif déserteur, aux abords
de la Comédie-Française. Ayant acheté quelques billets, il tente de créer un
incident avec sa poignée d’amis et réussit à se faire arrêter par la police. L’AF,
qui dispose de vraies troupes et d’une organisation efficace, ne tarde pas à
récupérer le mouvement. Du 21 février au 2 mars, des manifestations d’une
violence inédite ont lieu aux abords et au sein même du théâtre, sous les cris « À
bas les Juifs ! », « Mort aux Juifs ! », etc. Le 3 mars, la pièce est retirée de
l’affiche. »
http://hydra.forumactif.org/t4473-gustave-tery-l-oeuvre-journal#5372
« Avec Jean Cocteau et Anna de Noailles en 1923 ils vont célébrer en Hongrie
le centenaire de la naissance de Petôfi, héros de la révolution en 1848. » -
Michel Leymarie, La Preuve par deux. Jérôme et Jean Tharaud, Paris, CNRS
Éditions, 2014, 399 pages, p.117.
1608
« [Sacha Guitry] a dirigé le volume De Jeanne d’Arc à Philippe Pétain, ouvrage
de luxe où des membres des deux académies rivales s’unissent à d’autres
intellectuels de renom [dont René Benjamin, Jean Cocteau et Jean Giraudoux,
et des frères Thraraud, Paul Valéry] pour célébrer le chef français. » (p.348)
-Gisèle Sapiro, La guerre des écrivains (1940-1953), Fayard, 1999, 807 pages.
1609
Jean Anouilh (1910-1987) : « La rubrique théâtrale [de La Gerbe], tenue par
André Castelot et H.-R. Lenormand, bénéficie à ses débuts des noms de Jean
Anouilh, Charles Dullin et Jean Cocteau. » (p.38)
-Gisèle Sapiro, La guerre des écrivains (1940-1953), Fayard, 1999, 807 pages.
« Maurras est, avec Bourget et surtout avec Barrès, l’un des écrivains français
vivants auxquels je crois devoir le plus. […] Mon maître ! Comme les coureurs
dans une course de relais, je pars du point où il arrive, avec l’avance qu’il m’a
gagnée. […] Beaucoup sursautent au nom de Maurras, qui sont venus,
persuadés qu’ils y venaient librement, sur un terrain choisi par Maurras et où
Maurras les conduisait. Et c’est pourquoi son influence réelle est plus grande
encore que ce qui en est reconnu. » -Henry de Montherlant, Réponse à
l’Enquête sur les maîtres de la jeune littérature, de Pierre Varillon et Henri
Ramboud, Bloud et Gay, 1923.
« Un jour, donc, vous me direz peut-être que les conseils que je vous ai donnés
ne sont pas adaptés à un homme moderne. A coup sûr : les vertus que je
demande de vous sont les plus nuisibles à qui veut « réussir » (toujours ces mots
obscènes) dans le monde moderne […] Car, de même que vous n’attendez pas
de vos vertus qu’elles servent à quelque chose, de même, et plus fortement
encore, vous n’attendrez pas qu’il vous en soit tenu compte… De chacun de vos
actes « bien » vous serez puni automatiquement. Celui qui est brave est tué,
celui qui veut la justice est traité de tiède, celui qui épouse par point d’honneur
ruine sa vie. La libéralité appauvrit, la clémence enhardit les méchants, la
franchise leur donne des armes, la constance d’âme empêche qu’on prenne vos
peines au sériex, la maître de soi passe pour manque de sang, la raison pour
lâcheté, la modestie pour incapacité, le pardon pour aveu de ses torts… Il vous
railleront et vous dénigreront, et à ce signe vous reconnaîtrez que vous êtes
dans la bonne voie… Ce n’est pas qu’il soit nécessaire d’être haï. Mais, le
monde étant ce qu’il est, comment un honnête homme ne serait-il pas fier de lui
1610
inspirer ce sentiment-là ? » -Henry de Montherlant, « Lettre d’un père à son
fils », Service inutile, Paris, Gallimard, 1963, pp.212-214.
« Montherlant est peut-être le seul, parmi les grands écrivains français, qui ait
osé comprendre Nietzsche. Son goût des valeurs "nobles" lui a valu de passer,
pendant des années, pour un professeur d'énergie. On lui a même fait le grand
honneur de le traiter de fasciste... En réalité, quand on le connaît bien, on
s'aperçoit qu'il est beaucoup plus un disciple d'Epicure et d'Alfred de Vigny, que
de Mussolini ou de Maurice Barrès. Malgré ses protestations, il n'est jamais
autant lui-même que quand il se projette dans Pierre Costals, le héros du cycle
des Jeunes Filles (sympathique dragueur et individualiste voluptueux), voire
dans Léon de Coantré, qui est celui des Célibataires: un peureux, un timide, un
aboulique, mais un être touchant, d'une indiscutable qualité humaine. » -Pierre
Gripari, L'Évangile du rien. Lectures commentées, L'Age d'Homme, 1980, 203
pages, p.186.
"Au début des années vingt, du fait de la ferveur nationaliste née de la guerre,
Maurras, au sommet de sa gloire, exerce une très large influence sur la nouvelle
génération: Montherlant, Drieu, Malraux en témoignent." (p.42)
1611
-Jean-François Domenget, Montherlant critique, Genève, Droz, 2003, 424
pages.
« Mais c'est à Montherlant que revient le titre incontesté de fils qui forge la
notion de "service inutile" et ne cesse de revenir à Barrès son libérateur. »
(p.19)
"Montherlant a connu, à son tour, une disgrâce passagère et vu son nom mis au
ban pour un étrange livre où il vilipendait la bassesse de ses contemporains.
[...]
L'auteur du Solstice de juin a, à son tour, été la proie de jeunes gens qui lui ont
reproché d'avoir chanté la guerre et de ne pas l'avoir faite." (p.42)
« Inscription de Montherlant sur la liste noire pour avoir commis un des plus
vibrants plaidoyers contre la France de Vichy : Le Solstice de juin. » (note 12
p.368)
« L’horreur qu’a de la guerre tout homme raisonnable était balancée en moi par
la croyance qu’il fallait en finir, cesser de continuellement « caner », et aussi que
dans la guerre (idée fort répandue) la France retouverait ses vertus et sa
fraternité ; au moment des accords de Munich, les deux tendances s’équilibraient
en moi : c’est le symbole contenu dans le titre que je publiai alors (équinoxe :
date où la nuit est égale au jour). Par la suite, entre 38 et 39, je penchai pour la
guerre. »
-Gisèle Sapiro, La guerre des écrivains (1940-1953), Fayard, 1999, 807 pages.
1615
« Nul écrivain n’a poussé aussi loin le reniement, sinon Montherlant, qui ayant
chanté l’héroïsme, trahit lorsque fut venue l’heure de l’héroïsme. Giono, lui
aussi, a bien servi les oppresseurs de la France. Il ne lui sera point pardonné.
De la lâcheté à la trahison, comme la voie est courte ! » -Claude Morgan, Les
Lettres Françaises, n°7, juin 1943.
Léon Bloy (1846-1917): « Aimer autre chose que ce qui est ignoble, puant et
bête ; convoiter la Beauté, la Splendeur, la Béatitude ; préférer une œuvre d’art
à une saleté et le Jugement dernier de Michel-Ange à un inventaire de fin
d’année ; avoir plus besoin du rassasiement de l’âme que de la plénitude des
intestins ; croire enfin à la Poésie, à l’Héroïsme, à la Sainteté, voilà ce que le
Bourgeois appelle « être dans les nuages ». » -Léon Bloy, Exégèse des Lieux
Communs.
« La méchanceté la plus horrible est d’opprimer les faibles, ceux qui ne peuvent
pas se défendre. Prendre le pain d’un enfant ou d’un vieillard, par exemple, et
combien d’autres iniquités du même genre dont la seule pensée crève le cœur,
c’est tout cela qui doit être strictement, rigoureusement, éternellement reproché
aux riches. » -Léon Bloy, Le Sang du pauvre.
« Le Moyen Age, mon enfant, c'était une immense église comme on n'en verra
plus jusqu'à ce que Dieu revienne sur terre, - un lieu de prières aussi vaste que
l'Occident et bâti sur dix siècles d'extase qui font penser aux Dix
Commandements du Sabaoth ! C'était l'agenouillement universel dans
l'adoration ou dans la terreur. Les blasphémateurs eux-mêmes et les
sanguinaires étaient à genoux, parce qu'il n'y avait pas d'autre attitude en la
présence du Crucifié redoutable qui devait juger tous les hommes... Au dehors,
il n'y avait que les ténèbres pleines de dragons et de cérémonies infernales. On
était toujours à la Mort du Christ et le soleil ne se montrait pas. Les pauvres
gens des campagnes labouraient le sol en tremblant, comme s'ils avaient craint
d'éveiller les trépassés avant l'heure. Les chevaliers et leurs serviteurs de guerre
chevauchaient silencieusement au loin, sur les horizons, dans le crépuscule.
1616
Tout le monde pleurait en demandant grâce. Quelquefois, une rafale subite
ouvrait les portes, poussant les sombres figures de l'extérieur jusqu'au fond du
sanctuaire, dont tous les flambeaux s'éteignaient, et on n'entendait plus qu'un
très long cri d'épouvante répercuté dans les deux mondes angéliques, en
attendant que le Vicaire du Rédempteur eût élevé ses terribles Mains
conjuratrices. Les mille ans du Moyen Age ont été la durée du grand deuil
chrétien, de votre patronne sainte Clotilde à Christophe Colomb, qui emporta
l'enthousiasme de la charité dans son cercueil, - car il n'y a que les Saints ou les
antagonistes des saints capables de délimiter l'histoire. » -Léon Bloy, La femme
pauvre.
« Léon Bloy fustige dans Le Sang du Pauvre (1909) les magistrats et sous-
officiers « équarrisseurs d’indigènes ». » -Michel Leymarie, De la Belle Époque
à la Grade Guerre. Le triomphe de la République (1893-1918), Librarie
Générale Française, coll. La France contemporaine, 1999, 379 pages, p.260.
-Jean Jaurès.
1617
« Les catholiques extrémistes sont les seuls qui me paraissent sympathiques,
Léon Bloy notamment. » -Guy Debord, Lettre à Ricardo Paseyro, 12 avril 1994.
http://hydra.forumactif.org/t168-leon-bloy-oeuvres#387
http://www.amazon.fr/Bloy-ou-fureur-du-
Juste/dp/275783035X/ref=pd_sim_14_7?ie=UTF8&dpID=515jpGzK%2BBL&
dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR97%2C160_&refRID=1SYZMZ591D9G
X0SHP4R3
http://hydra.forumactif.org/t3742-johan-rivalland-pourquoi-le-liberalisme-nest-
pas-la-defense-du-grand-capital-la-revolution-francaise-et-la-psychologie-des-
revolutions-de-gustave-le-bon#4584
-Gilles Deleuze, Foucault, Les éditions de Minuit (coll. « Critique »), Paris,
1986, 143 pages.
1618
http://www.amazon.fr/Oeuvres-1-Logique-sociale-
2/dp/2843241170/ref=sr_1_4?ie=UTF8&qid=1457177016&sr=8-
4&keywords=gabriel+tarde
http://www.amazon.fr/Lopposition-universelle-Oeuvres-Gabriel-
Tarde/dp/2843241146/ref=sr_1_10?ie=UTF8&qid=1457177016&sr=8-
10&keywords=gabriel+tarde
http://www.amazon.fr/Oeuvres-Gabriel-Tarde-premi%C3%A8re-
s%C3%A9rie/dp/2843240751/ref=sr_1_11?ie=UTF8&qid=1457177016&sr=8-
11&keywords=gabriel+tarde
http://www.amazon.fr/morale-sexuelle-Gabriel-
Tarde/dp/2228903035/ref=asap_bc?ie=UTF8
1621
« Max Weber, l’un des principaux idéologues de l’impérialisme libéral. » -
Georg Lukàcs, Schicksalswende (1944), repris dans Tournant du destin,
Contributions à une nouvelle idéologie allemande, Aufbau, Berlin, 1956, p.5.
“You must understand that Weber was an absolutely honest person. He had a
great contempt for the Emperor, for example. He used to say to us in private
that the great German misfortune was that, unlike the Stuarts or the Bourbons,
no Hohenzollern had ever been decapitated. You can imagine that it was no
ordinary German professor who could say such a thing in 1912. Weber was
quite unlike Sombart — he never made any concessions to anti-semitism, for
instance. Let me tell you a story that is characteristic of him. He was asked by a
German University to send his recommendations for a chair at that university —
they were going to make a new appointment. Weber wrote back to them, giving
them three names, in order of merit. He then added, any three of these would be
an absolutely suitable choice — they are all excellent: but you will not choose
any one of them, because they are all Jews. So I am adding a list of three other
names, not one of whom is as worthy as the three whom I have recommended,
and you will undoubtedly accept one of them, because they are not Jews. Yet
with all this, you must remember that Weber was a deeply convinced imperialist,
whose liberalism was merely a matter of his belief that an efficient imperialism
was necessary, and only liberalism could guarantee that efficiency. He was a
sworn enemy of the October and November Revolutions. He was both an
extraordinary scholar and deeply reactionary. The irrationalism which began
with the late Schelling and Schopenhauer finds one of its most important
expressions in him.” -Georg Lukàcs, an interview conducted by the New Left
Review, translated 1971.
1622
« A la différence de Marx, Weber estime que la caractéristique essentielle de la
société moderne, c'est la rationalisation bureaucratique et, quel que soit le
statut de propriété des moyens de production, aucune collectivité ne peut y
renoncer. [...] Le socialisme planificateur, qui est contraint de renforcer le
contrôle de l'économie, se situe dans la lignée du capitalisme. » -Freddy
Raphael, « Werner Sombart et Max Weber », Les Cahiers du Centre de
Recherches Historiques [En ligne], 00 | 1988, mis en ligne le 13 avril 2009,
consulté le 13 novembre 2015.
« Weber n'a jamais expliqué ce qu'il entendait par valeur ; ce qui l'intéressait en
premier lieu, ce sont les relations qui unissent valeurs et faits. Faits et valeurs
sont absolument irréductibles, comme le montre l'absolue irréductibilité des
questions de fait et des questions de valeur. D'un fait quelconque il est
impossible de tirer aucune conclusion sur sa valeur et inversement il est
impossible d'inférer le caractère factuel d'une chose de la valeur qu'elle a ou du
désir qu'elle peut inspirer. [...] En prouvant qu'un ordre social donné est le but
de l'évolution historique, on ne dit rien sur la valeur ou la désirabilité de cet
ordre. [...] Comprendre une évaluation et l'approuver ou l'excuser sont deux
choses entièrement différentes. Weber assurait que l'absolue irréductibilité des
faits aux valeurs implique nécessairement que les sciences sociales soient
éthiquement neutres: les sciences sociales peuvent donner la réponse à des
problèmes de fait et de causalité, elles sont incompétences devant un problème
de valeur. Mais Weber insistait vivement sur le rôle joué par les valeurs dans les
sciences sociales: l'objet des sciences sociales est déterminé par un "rapport
1623
aux valeurs" [Wertbeziehung]. Sans cette démarche il n'y aurait ni centre
d'intérêt, ni sélection raisonnable des thèmes, ni principe de discrimination
entre faits pertinents ou non. Par ce "rapport aux valeurs", l'objet des sciences
sociales émerge de l'océan ou du marécage des faits. Weber n'insistait pas
moins sur la différence fondamentale entre "rapports aux valeurs" et "jugements
de valeur": en disant que quelque chose est important au regard de la liberté
politique, par exemple, on ne prend pas position pour ou contre la liberté
politique. Le sociologue n'évalue pas les objets déterminés par un "rapport aux
valeurs" ; il les explique simplement en les rattachant à leurs causes. » (p.48-
49)
« Weber, comme tous ceux qui ont un jour réfléchi sur la condition humaine, ne
pouvait pas s'empêcher de parler d'avarice, de cupidité, de manque de scrupule,
de vanité, de dévouement, de sens de la mesure et d'autres chose semblables,
bref de prononcer des jugements de valeur. » (p.59-60)
"It is not surprising that Weber's understanding of values was indebted chiefly to
Nietzsche and that Donald G. Macrae in his book on Weber (1974) calls him an
existentialist ; for while he holds that an agent may be more or less rational in
acting consistently with his values, the choice of anyone particular evaluative
stance or commitment can be no more rational than that of any other. All faiths
and all evaluations are equally non-rational; all are subjective directions given
to sentiment and feeling. Weber is then, in the broader sense in which I have
understood the term, an emotivist." (p.26)
-Alasdair MacIntyre, After Virtue. A Study in Moral Theory, University of Notre
Dame Press, Notre Dame, Indiana, Third edition, 2007 (1981 pour la première
édition américaine), 286 pages.
1624
rationaliste, mais tout se passe néanmoins comme si, décidément, le travail de
sape accompli par Nietzsche n’était pas simple pour lui une donnée à prendre
en compte, mais aussi, en quelque sorte, la condition de la survie des idéaux des
Lumières. » -Philippe Raynaud, « Nietzsche éducateur », in Luc Ferry, André
Comte-Sponville, et al., Pourquoi nous ne sommes pas nietzschéens, Grasset,
1991, 305 pages, pp.197-216, p.206.
"The institutional expression of the New Morality was the breakaway Bund für
Mutterschutz (League for the Protection of Mothers) established in 1905. By
1912 it could claim about four thousand members. Apart from Stöcker and
Braun, well-known figures such as Iwan Bloch, Hedwig Dohm, Ellen Key, Max
Marcuse, Werner Sombart and Max Weber endorsed its activities. The league
advocated state recognition of unformalized marriages, established hostels for
unmarried mothers, promoted free love, and provided easier access to
contraception. It was in constant tension with the more conservative Bund
Deutscher Frauenvereine which resisted their attempts to legalize abortion and
after 1909 refused to grant them membership.
Liberals and the mainline women's organizations regarded the league,
especially its Nietzsche connection, as an outrage to Wilhelmine respectability.
[...] Its critics, most notably Helen Lange, regarded erotic Nietzscheanism as a
betrayal of the moderating, cultivating, Bildung conception of personality and
as an outright attack on the "honor of bourgeois morality"." (p.90-91)
-Steven E. Aschheim, The Nietzsche Legacy in Germany (1890-1990),
University of California Press, 1994, 337 pages.
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1625
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1-21
1626
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http://hydra.forumactif.org/t2072-michael-pollak-la-place-de-max-weber-dans-
le-champ-intellectuel-francais#2782
https://mises.org/library/legacy-max-weber
“Rob Shields souligne que Simmel a un point de vue topologique, même s’il
l’exprime parfois en termes géométriques. Il attribue à l’espace six propriétés
socialement construites :
1627
-un espace est exclusif : il est approprié et réservé à un groupe (une nation, une
église, un logement familial) ou à une activité (industrielle, scolaire, sportive).
Cette exclusivité peut toujours être contestée et donner naissance à des divisions
ou des fusions, etc. Simmel associe aussi la spatialité et la temporalité dans une
forme idéal-typique : la religion est au pôle temporel et l’État au pôle spatial ;
-la frontière est le fait social par excellence. Shields cite la célèbre phrase : « La
frontière n’est pas un fait spatial avec des conséquences sociologiques, mais un
fait sociologique qui prend une forme spatiale » (Simmel, tr. frçse, 1999?: 601) ;
-la proximité facilite l’interaction sociale et les échanges, mais elle produit en
même temps des tensions et des conflits. Trouver le point d’équilibre entre
proximité et distance (la « bonne » distance) est tout un art : c’est une forme
d’urbanité ;
http://www.amazon.fr/La-trag%C3%A9die-culture-autres-
essais/dp/2869306288/ref=pd_sim_14_4?ie=UTF8&dpID=51jKo-
0QWhL&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR104%2C160_&refRID=1VP7P
TSEQW5ZSQB04D9X
http://www.amazon.fr/paradigme-com%C3%A9dien-introduction-
Com%C3%A9dien-
1628
philosophie/dp/2705687076/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1457176830
&sr=1-1&keywords=Francois-Thomas-Le-paradigme-du-comedien
http://www.amazon.fr/Sociologie-%C3%89tudes-sur-formes-
socialisation/dp/2130609384/ref=sr_1_3?ie=UTF8&qid=1457176640&sr=8-
3&keywords=Georg+Simmel
http://www.amazon.fr/Le-Conflit-Georges-
Simmel/dp/2908024837/ref=pd_sim_14_13?ie=UTF8&refRID=0MBWVK6MS
H74292CW2S3
http://www.amazon.fr/Philosophie-largent-Georg-
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http://www.amazon.fr/Le-Conflit-Georges-
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64MW189ED
1629
Ernst Haeckel (1834-1919) : « La différence entre la raison d’hommes tels que
Goethe, Lamarck, Kant, Darwin et celle de l’homme inculte le plus inférieur,
d’un Wedda, d’un Akka, d’un nègre de l’Australie ou d’un Patagonien, est bien
plus grande que la différence graduée entre la raison de ces derniers et celles
des Mammifères les plus raisonnables, des singes anthropoïdes ou même des
Papiomorphes, des chiens et des éléphants. » -E. Haeckel, Les énigmes de
l’univers, Paris, trad. C. Bos, éd. Schleicher Frères, 1902, p.114.
1630
« [La société est] une réalité qui n’est [pas] plus notre œuvre que le monde
extérieur et à laquelle, par conséquent, nous devons nous plier pour pouvoir
vivre ; et c’est parce qu’elle change que nous devons changer. » -Émile
Durkheim, De la division du travail social, p.335.
« La grande différence entre les sociétés animales et les sociétés humaines est
que, dans les premières, l’individu est gouverné exclusivement du dedans, par
les instincts (sauf une faible part d’éducation individuelle, qui dépend elle-même
de l’instinct); tandis que les sociétés humaines présentent un phénomène
nouveau, d’une nature spéciale, qui consiste en ce que certaines manières
d’agir sont imposées ou du moins proposées du dehors à l’individu et se
surajoutent à sa nature propre : tel est le caractère des ‘institutions’ (au sens
large du mot) que rend possible l’existence du langage, et dont le langage est
lui-même un exemple. Elles prennent corps dans des individus successifs sans
que cette succession en détruise la continuité; leur présence est le caractère
distinctif des sociétés humaines, et l’objet propre de la sociologie. » -Émile
Durkheim, Textes, Paris, Minuit, 1975, t. I, p. 71.
« Les doctrines se jugent surtout par leurs produits, c’est-à-dire par l’esprit des
doctrines qu’elles suscitent : or, du kantisme, sont sorties de l’éthique de Fichte,
qui est déjà imprégnée de socialisme, et la philosophie de Hegel dont Marx fut
le disciple. » -Émile Durkheim, L’individualisme et les intellectuels, La Revue
des deux mondes (juillet 1898).
1632
« En définissant, parallèlement à d'autres formes de suicide, la catégorie de
"suicide anomique", Durkheim avait établi une corrélation entre la diminution
de l'action régulatrice de la société sur les individus et l'augmentation du taux
de suicide. Cela équivalait à postuler, comme il le fait sans fournir la moindre
explication, un besoin qu'auraient les êtres humains à être contrôlés dans leurs
activités et dans leurs passions. » -Giorgio Agamben, État d'Exception. Homo
Sacer, II,1, Éditions du Seuil, coll. « L’ordre philosophique », 2003, 153 pages,
p.113.
« M. Durkheim [Le suicide, p. 440] voit dans les corporations le grand remède
à ce qu’il appelle l’anomie sociale : « Le principal rôle des corporations, dit-il,
dans l’avenir comme dans le passé, serait de régler les fonctions sociales et plus
spécialement les fonctions économiques, de les tirer par conséquent de l’état
d’inorganisation où elles sont maintenant. Toutes les fois que les convoitises
excitées tendraient à ne plus connaître de bornes, ce serait à la corporation
qu’il appartiendrait de fixer la part qui doit équitablement revenir à chaque
ordre de coopérateurs. ― Supérieure à ses membres, elle aurait toute l’autorité
nécessaire pour réclamer d’eux les sacrifices et les concessions indispensables
et leur imposer une règle. » -Georges Palante, L’Esprit de corps, Revue
philosophique de la France et de l'étranger, n°48, Août 1899.
1635
Nul n'a affirmé avec autant d'énergie que Max Weber cette nécessité de la
sélection que nous venons de reconnaître. (Nous entendons ici par sélection
l'organisation, la construction des termes unis par des rapports de causalité). »
(p.252)
« Le sacré est ambivalent, il peut être maudit, le divin ne l'est jamais [...]
Le sacré est une coupure sociale ou éthique, le divin est une qualité sui generis,
assez spécifique pour justifier l'existence du mot "religion", même si le sentiment
du divin n'occupe en général qu'une place réduite dans ces agrégats confus et
variables que sont les religions. C'est aplatir les phénomènes que de réduire la
religion [comme le fait Durkheim] à du sacré, à cette barrière ambivalente qui
coupe en deux les choses sociales, à cette puissance qui agit sur ce qui est
profane. Le sacré, puissance anonyme, sans visage, ne suffirait pas à déclencher
les sentiments et les conduites que déclenche seule une divinité qui est une
personne (ou parfois une abstraction personnifiée et divinisée). » -Paul
Veynes, L'Empire gréco-romain, Seuil, coll. Points, 2005, 1058 pages, note 42
pp.516-517.
« Idée, déjà présente chez Durkheim, que dans nos sociétés la justice sociale est
au cœur de la cohésion. » -Sao Ousmane, « Unité nationale et Cohésion sociale :
Les défis d’une Nation comme projet politique et social : Tentative de
réflexion », 11 avril 2019 : Unité nationale et Cohésion sociale : Les défis d'une Nation
comme projet politique et social : Tentative de réflexion : Dr Sao Ousmane - Kassataya Mauritanie
http://www.amazon.fr/Emile-Durkheim-1858-1917-Marcel-
Fournier/dp/2213615373/ref=tmm_pap_swatch_0?_encoding=UTF8&qid=1459
839986&sr=8-8
http://www.amazon.fr/socialisme-%C3%89mile-
Durkheim/dp/2130590039/ref=sr_1_11?ie=UTF8&qid=1459839986&sr=8-
11&keywords=%C3%89mile+Durkheim
http://www.amazon.fr/Sociologie-philosophie-%C3%89mile-
Durkheim/dp/2130567525/ref=sr_1_53?ie=UTF8&qid=1459840455&sr=8-
53&keywords=%C3%89mile+Durkheim
http://www.amazon.fr/L%C3%A9volution-p%C3%A9dagogique-France-Emile-
Durkheim/dp/2130567495/ref=sr_1_32?ie=UTF8&qid=1459840383&sr=8-
32&keywords=%C3%89mile+Durkheim
"Avec Mauss, l'étroite culture classique dans laquelle nous avions été élevés
éclatait en un humanisme plus large, plus réel, embrassant tous les peuples,
toutes les classes, toutes les activités. Vous alliez le trouver à la fin d'une leçon
et il vous laissait deux heures plus tard à l'autre bout de Paris. Tout
le temps il avait parlé en marchant, et c'était comme si les secrets de races
lointaines, un morceau des archives de l'humanité vous avaient été révélés par
un expert sous la forme d'une simple conversation, car il avait fait le tour du
1637
monde sans quitter son fauteuil, s'identifiant avec les hommes à travers les
livres." (p.196)
"La guerre de 1914 frappa durement le groupe des sociologues, lui ôtant ses
meilleurs espoirs, comme Hertz, l'auteur de la Prééminence de la main droite et
de la découverte de la coutume des doubles obsèques. Avec la mort de
Durkheim, en 1917, commença la seconde période de l'activité scientifique de
Mauss, période marquée d'une part par le deuil et la préparation dévouée pour la
publication des ouvrages des disparus (les Mélanges de Hertz, et, de Durkheim,
son Éducation morale et son Socialisme), de l'autre par une responsabilité
élargie. Succédant à Durkheim à la direction de l'Année, Mauss devait se
consacrer non plus à la seule religion, mais à la sociologie en général. Le champ
d'activité s'accrut avec la création en 1925 de l'Institut d'ethnologie où Mauss
donna ses « Instructions » année après année." (p.198)
1638
"On peut considérer qu'une troisième période s'ouvre autour de 1930. Hubert à
son tour a quitté son compagnon de travail et Mauss publie ses deux volumes
sur les Celtes. Mauss est élu au Collège de France et pendant dix ans il va
enseigner quelque huit heures par semaine dans trois institutions différentes."
(p.199)
"Œdipe tyran, relu à travers Socrate, enseigne que la politique, l’art suprême,
est un art de la mesure. Mauss pense par contraste aux bolcheviques : une des
cibles implicites des pages conclusives de l’Essai sur le don. En abolissant le
marché entre 1918 et 1922, les bolcheviques ont accompli un geste violent et
éphémère. Mauss développa son jugement dans un essai paru en cinq livraisons,
entre le 3 février et le 5 mars 1923 dans La vie socialiste. La première, intitulée
« Fascisme et bolchevisme. Réflexions sur la violence », s’ouvrait par une
attaque féroce contre Georges Sorel, reprise ensuite dans la dernière livraison
qui avait pour titre « Observations sur la violence. Contre la violence. Pour la
force ». Écrites en même temps que l’Essai sur le don, ces pages l’illuminent
d’une lumière vive – et inversement.
1639
« Le crime et la faute du bolchevisme, écrit Mauss, c’est de s’être imposé au
peuple et d’avoir molesté même la classe ouvrière dont le gouvernement se dit
issu, d’avoir meurtri toutes les institutions sociales qui eussent pu être la base de
l’édifice. Nous ne voulons donc pas de la force qui s’impose contre le droit ou
sans le droit. Mais nous ne renonçons pas à mettre la force au service du droit. »
La force est pour Mauss une composante inéliminable de la vie sociale : « Il n’y
a pas de société sans discipline, sans contrainte, sans sanctions. » Mais la force
visible ne pourrait pas agir si elle n’était soutenue par celle qu’on ne saurait
voir. Une des sections les plus discutées de l’Essai sur le don s’intitule
justement « La force des choses ». « Dans les choses échangées au potlatch, écrit
Mauss, il y a une vertu qui force les dons à circuler, à être donnés et à être
rendus. »." (p.1314)
"Kojève avait retrouvé Rousseau chez Hegel grâce à Mauss, qui avait lu Boas à
travers Rousseau." (p.1317)
1640
1921 et 1925, il publie de nombreux articles [...] Mauss lit Keynes et Charles
Rist, l'auteur de La Déflation, et discute avec son ami François Simiand,
sociologue et économiste." (p.11)
« Comme l'avait parfaitement compris Marcel Mauss, ce n'est pas parce qu'une
émotion est ritualisée, qu'elle s'exprime selon un scénario prédéfini, qu'elle n'est
pas ressentie de façon sincère. » -Damien Boquet & Piroska Nagy, Sensible
Moyen Âge. Une histoire des émotions dans l'Occident médiéval, Paris, Seuil,
2015, 480 pages, p.17.
1641
Nicolas Olivier, Marcel Mauss, Essai sur le don. Forme et raison de l'échange dans les sociétés
archaïques (forumactif.org)
Bruno Karsenti, Une autre approche de la nation : Marcel Mauss + Albert Doja, L’idée de nation: du
postulat de Marcel Mauss à la question actuelle des identités nationales et culturelles
(forumactif.org)
http://www.amazon.fr/Oeuvres-Fonctions-sociales-Marcel-
Mauss/dp/2707302597/ref=sr_1_16?ie=UTF8&qid=1445592588&sr=8-
16&keywords=Marcel+mauss
http://www.amazon.fr/Oeuvres-Repr%C3%A9sentations-collectives-
diversit%C3%A9-
civilisations/dp/2707303925/ref=pd_sim_14_1?ie=UTF8&refRID=1NN8MTJ9
SVHX371826SK&dpID=418YWKRXV5L&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160
_SR101%2C160_
http://www.amazon.fr/Ecrits-politiques-textes-pr%C3%A9sent%C3%A9s-
Fournier/dp/2213599564/ref=sr_1_27?ie=UTF8&qid=1445592743&sr=8-
27&keywords=Marcel+mauss
http://www.amazon.fr/Techniques-technologie-civilisation-Marcel-
Mauss/dp/2130595286/ref=pd_sim_14_4?ie=UTF8&dpID=41JaM%2B0AGuL
&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR105%2C160_&refRID=0WW4YK91R
MA2884ZXT9H
« Bien des historiens plus traditionnels montrent qu’ils savent faire bon usage
des critiques de Simiand […] Pierre Caron, le spécialiste de la Terreur, invite
les historiens à « écarter l’idole individuelle pour envisager les masses. » »
(p.84)
-André Burguière, L’école des Annales. Une histoire intellectuelle, Odile Jacob,
2006, 366 pages.
1643
savoirs sur l'espace, Armand Colin, coll. U, 2019 (2013 pour la première
édition), 351 pages, p.45.
1644
voyage d’Andler vise justement à défendre l’intégrité de ces valeurs nationales.
La culture française n’est pas homogène, selon Bouglé, sa littérature s’est
enrichie aux cours des siècles grâce à des emprunts faits à des pays voisins.
C’est donc dans « l’intérêt même de notre culture française » que les rencontres
avec les étrangers doivent se multiplier.
Par ailleurs, d’après Bouglé, les contacts entre la France et l’Allemagne sont
encore plus importants pendant cette période rendue particulièrement tendue
par les intérêts conflictuels des deux pays au Maroc. De tels « rapprochements
de groupe à groupe » peuvent aider les deux peuples à résister à leur « ennemi
commun » qu’est l’ambition coloniale, à savoir « l’esprit impérialiste ». A
travers son voyage, Andler n’a fait que poursuivre, « à travers la réalité
concrète, l’œuvre de transmission scientifique à laquelle il s’est voué ». En bref,
il a ainsi rempli sa mission de professeur, celle « d’intermédiaire intellectuel »
entre les deux pays. » -Antoinette Blum, « Charles Andler en 1908 : un
Germaniste pris entre la France et l'Allemagne », Revue germanique
internationale [En ligne], 4 | 1995, mis en ligne le 05 juillet 2011, consulté le 12
novembre 2018.
« M. Halbwachs se refuse à admettre qu'il y ait deux types de suicide (il utilise
l'argument curieux qu'en ce cas, on ne les désignerait pas par le même concept,
comme si les caractères communs à toute mort volontaire ne suffisaient pas à
justifier l'usage). Il fait justement observer que la santé nerveuse dépend, au
moins partiellement, de la vie sociale (qui multiplie les maladies mentales,
sélectionne les individus d'un certain tempérament, etc.) Mais de quel droit
passer de la solidarité à la confusion des causes ? M. Halbwachs invoque alors
1646
l'identité de l'état mental chez tous ceux qui renoncent à la vie: le suicidé est un
isolé, il est exclu de toute communauté, peu importe que cette solitude vienne de
la maladie de l'état mental, à supposer que le sociologue décrive exactement ce
qui se passe dans les consciences, ne supprime ni ne résout le problème posé,
car le même état (ou plus exactement un état analogue) peut provenir de causes
diverses. Or, la question était de savoir si cette solitude venait de causes
internes ou d'accidents extérieurs. Et, sur ce point, nous ne sommes pas plus
avancés, à moins qu'une fois encore on affirme qu'un même état provient
inévitablement d'une seule cause. Affirmation singulièrement contestable, car,
en première apparence, l'individu exclu d'un groupe par un jugement moral ne
se confond pas avec un anxieux qui, égaré par sa détresse, oublie le groupe prêt
à l'accueillir. » -Raymond Aron, Introduction à la philosophie de l'histoire.
Essai sur les limites de l'objectivité historique, Gallimard, 1986 (1938 pour la
première édition), 521 pages, p.263.
https://www.amazon.fr/Maurice-Halbwachs-intellectuel-mondiales-1914-
1945/dp/2914645465/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1522662078&sr=1-
1&keywords=Annette+Becker%2C+Maurice+Halbwachs%2C+un+intellectuel+
en+guerres+mondiales+1914-1945
« Pour Duguit, c’est aux pouvoirs publics de décider si une activité présente le
caractère de service public ! » -Philippe Simonnot, 39 leçons d'économie
contemporaine, Gallimard, coll. folio.essais, 1998, 551 pages, note 1 de la p.170
in p.492.
http://hydra.forumactif.org/t3510-leon-duguit-traite-de-droit-constitutionnel-
tome-cinquieme-les-libertes-publiques-manuel-de-droit-constitutionnel-
souverainete-et-liberte?highlight=L%C3%A9on+Duguit
1647
http://www.amazon.fr/LEtat-droit-objectif-loi-
positive/dp/224705398X/ref=sr_1_17?ie=UTF8&qid=1448537084&sr=8-
17&keywords=Biblioth%C3%A8que+dalloz
« On voit combien cette théorie complexe est marquée par la pensée théologique
opposée à la modernité et l’on comprend que les autorités académiques de
l’époque, à commencer par Louis Liard, le tout puissant directeur de
l’enseignement supérieur, héraut du positivisme républicain, veillent à bien
s’opposer à la venue, à la faculté de droit de Paris, d’un professeur
manifestement révolutionnaire dans son approche de la science sociale et du
droit mais revendiquant haut et fort une révolution en arrière, utilisant les
atours de la modernité scientiste pour la retourner comme un gant en
substituant à l’ubris insensé des Lumières la saine tradition et la terre, seules
capables de guider l’homme dans un monde obscur.
1648
il s’oppose non seulement à des professeurs militants de la cause républicaine,
tels qu’Adhémar Esmein, mais également aux tenants du libéralisme politique,
chrétiens comme lui mais épris des principes révolutionnaires individualistes
proclamés si solennellement un siècle auparavant par la Déclaration de 1789 :
c’est le cas de l’ancien doyen de la faculté de droit de Paris, Charles Beudant,
qui s’oppose clairement à sa venue à Paris. » -Guillaume Sacriste, « L'ontologie
politique de Maurice Hauriou », Droit et société, 2011/2 (n° 78), p. 475-480.
« Non sans une pointe d'admiration, Carl Schmitt va d'ailleurs jusqu'à déceler
dans l'institutionnalisme d'Hauriou la voie d'un possible dépassement du
positivisme juridique - normativiste tout autant que décisionniste. »
« Dans l'esprit d'Hauriou, ce qui hiérarchise les lois positives, c'est leur rapport
au droit naturel et à la morale. »
1649
« Adhérant au principe libéral de laïcité et à la loi de 1905, Hauriou souligne
l'importance de la séparation de l'État et de l'Église, du tissu étatique et du tissu
religieux tout en reconnaissant au second une capacité rédemptrice
supérieure. »
http://hydra.forumactif.org/t3511-maurice-hauriou-precis-elementaire-de-droit-
constitutionnel#4346
http://www.amazon.fr/Contribution-%C3%A0-th%C3%A9orie-
g%C3%A9n%C3%A9rale-
lEtat/dp/2247052274/ref=la_B004N8A1YU_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=145
9936532&sr=1-1
1650
Charles Seignobos (1854-1942) : « Lorsqu'il s'agit de formuler l'histoire, de la
préserver contre les empiétements faciles de l'imagination, de réparer les
désastres de l'oubli, les questions parfois encombrantes, souvent naïves, de
l'Introduction aux études historiques de Ch.-V. Langlois et Ch. Seignobos (1896)
et autres manuels du genre, sont bien utiles. Nous les verrions encore premières,
arrière-plan pédagogique qui précéderait, à la manière d'une étape provisoire
mais nécessaire, et nécessairement première, le stage plus parfait, le stage plus
vertueux, le stage "Marrou", celui de l'historien cultivé, fin lettré, humaniste et
déjà prédisposé au bien... » -Benoît Lacroix,. (1954). Compte rendu de
[MARROU, Henri-Irénée, De la connaissance historique. Paris, éditions du
Seuil, 27, rue Jacob, 1954, 300 p.] Revue d'histoire de l'Amérique française, 8
(3), 435–441. https://doi.org/10.7202/301669ar, p.441.
"Langlois et Seignobos ne considère pas que les faits soient tout faits: ils
passent au contraire beaucoup de temps à expliquer quelles règles on doit
suivre pour les construire. Mais, dans leur esprit comme dans celui de toute
l'école méthodique qu'ils formalisent, les faits une fois construits le sont
définitivement." (p.56)
"S'il y a pas de caractère historique inhérent aux faits, s'il n'y a d'historique que
la façon de les connaître, alors il en résulte comme le marque clairement
Seignobos, avocat pourtant d'une histoire "scientifique", que "l'histoire n'est pas
une science, elle n'est qu'un procédé de connaissance". C'est un point très
souvent et très légitimement souligné. Il justifie par exemple le titre qu'H.-I.
Marrou donnait à son livre: De la connaissance historique." (p.70)
1651
fois, qu’ils espèrent la protéger de l’absorption par la sociologie. » -André
Burguière, L’école des Annales. Une histoire intellectuelle, Odile Jacob, 2006,
366 pages, p.83.
http://academienouvelle.forumactif.org/t1618-charles-seignobos-la-methode-
historique-appliquee-aux-sciences-sociales-histoire-sincere-de-la-nation-
francaise-charles-victor-langlois-charles-seignobos-introduction-aux-etudes-
historiques#2294
Carl Ritter (1779-1859) : « Carl Ritter est souvent associé à Humboldt comme
père de la géographie moderne. Ni explorateur, ni naturaliste, Ritter est un
enseignant qui, après avoir écrit une géographie de l'Europe, entreprend une
Géographie générale comparée dans laquelle il veut comprendre les rapports
entre les peuples, leur position et la nature. L'impact de l'enseignement et de
l'œuvre de Ritter a été très important sur les géographes de la seconde moitié du
XIXe siècle. Reclus ou Vidal le considèrent comme leur maître. Pour Ritter, la
Terre est un tout, un véritable organisme, dont la nature des lieux explique le
destin des peuples. » -Philippe Sierra (dir.), La géographie: concepts, savoirs et
enseignements, Armand Colin, coll. U, 2017 (2011 pour la première édition),
366 pages, p.18.
1652
tout inclus dans les sciences de la vie. Influencé par l'œuvre de Darwin -et plus
exactement son interprétation par Moritz Wagner-, Ratzel insiste sur
l'importance des migrations et de la distance, et distingue les relations au milieu
des peuples de nature de celles des peuples de culture qui se libèrent de
l'emprise de l'environnement grâce à leurs techniques et à leur organisation.
Même s'il est beaucoup moins "déterministe" que Ritter, c'est pourtant son
"déterminisme" qui est repris aux Etats-Unis par Miss Semple et dénoncé en
France par Lucien Febvre et les sociologues durkheimiens. » -Philippe Sierra
(dir.), La géographie: concepts, savoirs et enseignements, Armand Colin, coll.
U, 2017 (2011 pour la première édition), 366 pages, p.20.
http://hydra.forumactif.org/t5398-friedrich-ratzel-marie-claire-robic-la-
reception-de-friedrich-ratzel-en-france-et-ses-usages-au-temps-de-linstallation-
de-la-geographie-a-luniversite-annees-1880-1914#6423
"La multiplication, dans les années 1950, des études sur [...] les régions
historiques présentant peu d'unité physique (la Bourgogne, par exemple)
sonnera le glas de la géographie vidalienne." -Pascal Baud, Serge Bourgeat &
Catherine Bras, Dictionnaire de géographie, 5ème édition, Hatier, 2013, 607
pages, p.417.
1655
« Vidal de la Blache et ses élèves ont confiance dans leurs voies d'accès au
monde, qu'il s'agisse simplement de la mobilisation de leur sens, la vue en
premier lieu, de leurs raisonnements ou encore des moyens techniques comme la
photographie.
Olivier Orain [2009] montre que dans les écrits de la plupart des géographes
vidaliens, l'énonciateur disparaît au profit d'une forme d'inscription directe du
terrain, sans médiation, sur les pages d'un article ou des livres. L'absence de
paratexte (notamment les notes de bas de page) et d'intertexte (notamment les
citations) caractérise nombre d'écrits de ces auteurs. Par conséquent, les
travaux de ces géographes ne sont pas mis en dialogue avec d'autres ; ils
occultent la genèse, les références, les interprétations, les débats, bref la
construction d'un propos. Ces écrits passent alors pour transparents et pour
conformes au réel, "vrais". » -Pascal Clerc (dir.), Géographies. Épistémologies
et histoire des savoirs sur l'espace, Armand Colin, coll. U, 2019 (2013 pour la
première édition), 351 pages, p.19.
Vidal définit des « domaines de civilisation » qu’il met en rapport avec les
genres de vie : « Il se forme, à la longue, des domaines de civilisation absorbant
les milieux locaux, des milieux de civilisation imposant une tenue générale qui
s’imprime dans beaucoup d’usages de la vie » (Vidal de la Blache, 1922, 288-
290). Il parle de civilisation supérieure à propos de l’Islam, de l’Hindouisme, de
la Chine, de l’Europe, du Yankee. Il distingue de ces civilisations supérieures ce
1656
qu’il appelle des « civilisations stéréotypées » ou autonomes plus rudimentaires,
nées de l’affrontement entre des groupes humains relativement isolés et un
milieu naturel hostile ou difficile (populations de la forêt dense équatoriale ou
esquimaux du grand Nord). » -Michel Bruneau, « Civilisation(s) : pertinence ou
résilience d'un terme ou d'un concept en géographie ? », Annales de géographie,
2010/4 (n° 674), p. 315-337. DOI : 10.3917/ag.674.0315. URL
: https://www.cairn-int.info/revue-annales-de-geographie-2010-4-page-315.htm
http://hydra.forumactif.org/t3479-paul-vidal-de-la-blache-les-conditions-
geographiques-des-faits-sociaux-des-caracteres-distinctifs-de-la-geographie-
tableau-de-la-geographie-de-la-france#4312
http://hydra.forumactif.org/t3596-halford-john-mackinder-britain-and-the-
british-seas#4432
« Alfred Bonnet (1866-1933) est en 1893 secrétaire du groupe des ESRI dont il
est, avec Diamandy, l’un des fondateurs. Ce qui explique qu’il soit, l’année
suivante, secrétaire de rédaction de L’Ère nouvelle. Il conserve cette tâche au
Devenir social. Marxiste convaincu, il réussit à en faire, jusqu’à sa fin en
décembre 1898, une revue de référence, qui est aussi ouverte à l’étude critique
des différents courants de la pensée sociologique et économique. La question du
matérialisme historique, jusque-là encore peu abordée, y est largement traitée,
grâce aux interventions notables de Georges Sorel et des philosophes italiens
dont il obtient le concours, Antonio Labriola et Benedetto Croce. Bonnet sait
également utiliser les contacts noués, il y a peu, avec des étudiants socialistes
ou proches – tels Marcel Mauss ou les frères Milhaud – pour élargir le cercle
des collaborateurs et le nombre des lecteurs de la revue. Désormais attaché aux
éditions Giard et Brière, où il est aussi traducteur d’italien, il sera chargé en
1899 de diriger la « Bibliothèque internationale d’économie politique », une
importante collection créée à l’occasion d’une nouvelle extension de la maison.
Bonnet n’hésitera pas à y publier des économistes critiques de Marx, comme en
1901 Böhm-Bawerk dont les ouvrages alimentent depuis plusieurs années un vif
débat sur Le Capital.
1658
Plus tard sera menée à bien une entreprise éditoriale d’envergure : la parution
du Livre II (1900) et du Livre III (2 vol. 1901, 1902) du Capital.
1659
"Dans les années 1900, à l'issue de l'échec de l'opération dreyfusienne,
l'extrême-gauche non conformiste en avait déjà conclu que, pour sauver le
socialisme, il était capital de casser la démocratie libérale, son idéologie, ses
courroies de transmission et ses institutions. Tel est le sens des affrontements
qui opposeront les "gauchistes" de l'époque, Sorel, Berth, Hervé, Lagardelle,
Janvion, à l'ensemble du socialisme français." (p.XLIII-XLIV)
-Zeev Sternhell, La droite révolutionnaire: 1885-1914. Les origines françaises
du fascisme, Gallimard, folio.histoire, 1997 (1978 pour la première édition
française), 602 pages.
"Le cas de Jean Longuet montre l’existence au sein de la SFIO d’un réseau au
fait de la théorie marxiste qu’il semble ne pas détacher de l’action politique.
Proche un temps du guesdisme, ce réseau pèse dans les problématiques
d’édition des œuvres de Marx par le parti à la Belle Époque. La confrontation
de ces deux approches révèle en somme deux marxismes au sein de la SFIO.
L’un est celui des intellectuels, davantage porté vers une pratique universitaire
– le marxisme est méthode. L’autre est guesdiste, vulgate simplifiée autour de
quelques axiomes bien définis. On renoue là, l’objet se complexifiant, avec
l’hypothèse d’un marxisme introuvable dans la SFIO, celle-ci s’avérant immune
à celui-ci du fait d’anticorps institutionnels (Lucien Herr, l’École Normale, la
sociologie durkheimienne), du fait de son immersion dans le système
républicain. Il y aurait donc au mieux un surmoi marxiste, porté par la culture
guesdiste ou néo-guesdiste sur le siècle. Ce surmoi fait écran au réformisme de
la SFIO et rend difficile son rapport au pouvoir dès la Belle Époque."
"La Librairie du parti reprend les fonds du PSF et du PsdF. Elle est administrée
par le guesdiste Lucien Roland. Son fonds est essentiellement constitué de
brochures qui, comme le note Frédéric Cépède, constituent souvent des
syllabaires essentiels à la promotion et la construction de l’identité socialiste.
Présenté par Lucien Roland au Congrès de Nancy (1907), le catalogue repère, en
partie, la place des œuvres de Marx et Engels au sein des brochures. Celles-ci ne
sont pas datées. Le classement par prix, s’étalonnant de cinq centimes à dix
francs, vaut également indice. À partir de vingt centimes, le militant pourra se
procurer Socialisme utopique et socialisme scientifique et le Manifeste du Parti
Communiste. Pour trente centimes, À propos d’unité par Karl Marx. À
cinquante centimes, la dimension économique de l’analyse marxiste se profile :
Salaires, prix et profits. Pour deux francs et cinquante centimes, on peut se
procurer Révolution et Contre-Révolution et La Commune, ouvrages de Marx
indiquant un déplacement vers l’histoire du mouvement ouvrier français. Enfin,
pour un franc supplémentaire, c’est-à-dire pour des bourses militantes motivées,
on peut s’offrir La critique de l’économie politique, La lutte des classes en
France, Le procès des communistes ainsi que deux ouvrages d’Engels, Religion
et Philosophie et Les origines de la société.
"Frédéric Cépède estime que le fonds de 1906 à 1913 passa de 178 266 à 265
076 brochures."
"Le rapport au marxisme n’est pas exactement pris en charge par le parti, mais
plutôt par ses marges intellectuelles au sein des revues (Revue socialiste, Le
Mouvement socialiste) ou de la presse de tendance (La guerre sociale, Le
socialisme). On ne voit pas alors se dessiner le projet d’une construction de
l’identité socialiste par le rapport aux textes de Marx. Jouent ici toute
l’ambiguïté de l’unité réalisée en 1905 et le heurt des tendances qui identifient
souvent la citation marxiste et la qualité de guesdiste. S’ajoutent également
l’inscription de la SFIO dans un système républicain et une tradition
révolutionnaire spécifique parfois étrangère à l’analyse marxiste. Comptent
enfin les pesanteurs financières. Cet état de fait correspond aux premières
années du parti, lorsque l’unité est un combat. Cette situation signale également
qu’il existe deux rapports à Marx au sein du parti. L’un relève de la théorie et
des joutes intellectuelles aux confins du parti, où les positions de chacun
s’apprécient au fil de l’Internationale, le marxisme constituant le langage
commun par lequel converser, s’opposer. Rabattu par la brochure sous le seul
angle du militant de base, le second usage indique alors que les écrits de Marx
participent d’un bagage attendu, mais n’augure aucune doxa, même celle que
les adversaires du guesdisme croient déceler dans la réitération d’axiomes
stéréotypés. La situation change après le congrès de Toulouse (1908) qui, s’il
fut celui de la synthèse jaurésienne, annonce surtout un équilibre plus pérenne
au sein de la SFIO entre les grandes tendances."
Mais nous qui n’avons d’autre propriété que nos bras, nous qui subissons tous
les jours les conditions légitimes ou arbitraires du capital ; nous qui vivons sous
des lois exceptionnelles, telles que la loi sur les coalitions et l’article 1781, qui
1663
portent atteinte à nos intérêts en même temps qu’à notre dignité, il nous est bien
difficile de croire à cette affirmation.
Nous qui, dans un pays où nous avons le droit de nommer les députés, n’avons
pas toujours le moyen d’apprendre à lire ; nous qui, faute de pouvoir nous
réunir, nous associer librement, sommes impuissants pour organiser
l’instruction professionnelle, et qui voyons ce précieux instrument du progrès
industriel devenir le privilège du capital, nous ne pouvons nous faire cette
illusion.
Nous dont les enfants passent souvent leurs plus jeunes ans dans le milieu
démoralisant et malsain des fabriques, ou dans l’apprentissage, qui n’est guère
encore aujourd’hui qu’un état voisin de la domesticité ; nous dont les femmes
désertent forcément le foyer pour un travail excessif, contraire à leur nature, et
détruisant la famille ; nous qui n’avons pas le droit de nous entendre pour
défendre pacifiquement notre salaire, pour nous assurer contre le chômage,
nous affirmons que l’égalité écrite dans la loi n’est pas dans les mœurs, et
qu’elle est encore à réaliser dans les faits. Ceux qui, dépourvus d’instruction et
de capital ne peuvent résister par la liberté et la solidarité à des exigences
égoïstes et oppressives, ceux-là subissent fatalement la domination du capital :
leurs intérêts restent subordonnés à d’autres intérêts.
Nous le savons, les intérêts ne se réglementent point ; ils échappent à la loi ; ils
ne peuvent se concilier que par des conventions particulières, mobiles et
changeantes comme ces intérêts eux-mêmes. Sans la liberté donnée à tous cette
conciliation est impossible. Nous marcherons à la conquête de nos droits,
pacifiquement légalement, mais avec énergie et persistance. Notre
affranchissement montrerait bientôt les progrès réalisés dans l’esprit des
classes laborieuses, de l’immense multitude qui végète dans ce qu’on appelle le
prolétariat, et que, pour nous servir d’une expression plus juste, nous
appellerons le salariat.
A ceux qui croient voir s’organiser la résistance, la grève, aussitôt que nous
revendiquons l’a liberté, nous disons : vous ne connaissez pas les ouvriers ; ils
poursuivent un but bien autrement grand, bien autrement fécond que celui
d’épuiser leurs forces dans des luttes journalières où, des deux côtés, les
adversaires ne trouveraient en définitive que la ruine pour les uns et la misère
pour les autres."
1664
"On doit reconnaître qu’il existe une classe spéciale de citoyens ayant besoin
d’une représentation directe."
"Que veut la bourgeoisie démocratique, que nous ne voulions comme elle avec
la même ardeur ? Le suffrage universel dégagé de toute entrave ? Nous le
voulons. La liberté de presse, de réunion régies par le droit commun ? Nous les
voulons. La séparation complète de l’Eglise et de l’Etat, l’équilibre du budget,
les franchises municipales ? Nous voulons tout cela.
Georges Vacher de Lapouge (1854-1936) : « Tous les hommes sont frères, tous
les animaux sont frères, mais être frères n’est pas de nature à empêcher qu’on
se mange. Fraternité, soit, mais malheur aux vaincus ! La vie ne se maintient
que par la mort. Pour vivre il faut manger, tuer pour manger. » -Georges
Vacher de Lapouge, L’Aryen, son rôle social. Cours libre de science politique
professé à l’Université de Montpellier, 1889-1890, Paris, Fontemoing, 1899,
p.511.
http://hydra.forumactif.org/t1444-georges-vacher-de-lapouge-pierre-andre-
taguieff-selectionnisme-et-socialisme-dans-une-perspective-aryaniste-theories-
visions-et-previsions-de-georges-vacher-de-lapouge-1854-1936#2095
Benoît Malon (1841-1893): « Chaque fois qu’en France on est entré dans cette
voie, on est tombé dans les fondrières du despotisme et de l’invasion. Sont-ils
donc déjà si oubliés ces noms funèbres : Brumaire et Waterloo, Décembre et
Sedan ? » -Benoît Malon, « Physiologie du socialisme », Revue socialiste, mai
1888, p.521.
1666
un socialisme nationaliste et antisémite de faire très bonne figure dans
l’éclectisme des écoles et des chapelles des années quatre-vingt-dix." (p.35)
-Zeev Sternhell, La droite révolutionnaire: 1885-1914. Les origines françaises
du fascisme, Gallimard, folio.histoire, 1997 (1978 pour la première édition
française), 602 pages.
Cet article n’a rien d’un cas isolé. Son intérêt est au contraire de ramasser en
quelques lignes plusieurs décennies de dépit. En 1882, la reprise en fanfare du
Roi s’amuse, cinquante ans après la censure exercée par Louis-Philippe, ne
suscite que scepticisme dans L’Égalité de Jules Guesde : la pièce n’est qu’une
pantalonnade qui ne doit qu’à la censure l’intérêt qu’elle suscite ; pire, elle fut
produite en un temps et dans un milieu « où on avait fait de la littérature un sujet
de controverses partiales et de combats ridicules ». Le matérialisme soutenu par
L’Égalité ne se retrouve évidemment pas dans un ouvrage comme Religions et
religion que Hugo avait publié en 1880. » -Stéphane Zékian, « Sommes-nous
sortis du XIXe siècle ? Le romantisme français comme matrice
historiographique. » Cahiers d’études germaniques, Université de Provence-
Aix-Marseille, 2013, dossier Classiques d’hier aujourd’hui (65), pp.33-46, p.4-
5).
(1) Benoît Malon (forumactif.org)
Victoire Léodile Béra dite André Léo (1824-1900): (1) André Léo (féministe et
socialiste libertaire) (forumactif.org)
1667
Séraphine Pajaud (1858-1934) : « En 1904, à Bressuire (Deux-Sèvres), la
conférencière anarchiste et libre-penseuse Séraphine Pajaud commença sa
conférence par une attaque en règle contre Dieu, dans laquelle, comme chez
Eugène Chatelain, l’argument du mal recoupe celui des inégalités sociales : «
Dieu n’existe pas, il ne peut exister, loin de nous désormais l’idée de Dieu. Dieu,
c’est le mal, c’est l’opprobre, c’est l’oppression, c’est l’infâmie. » Ces vigoureux
propos ayant entraîné des applaudissements, l’oratrice poursuivit : « Comment
se fait-il, citoyens, que cet être prétendu si bon et sans défauts laisse commettre
sur terre un tas de vilenies et un tas d’atrocités ? Comment se fait-il qu’il soit si
injuste en permettant que les prolétaires crèvent de faim, tandis que les
bourgeois et les capitalistes crèvent d’indigestion ? ». » -Jacqueline Lalouette,
"De quelques aspects de l’athéisme en France au XIXe siècle", Cahiers
d’histoire. Revue d’histoire critique [Online], 87 | 2002, Online since 01 April
2005, connection on 11 February 2021.
URL: http://journals.openedition.org/chrhc/1661; DOI: https://doi.org/10.4000/c
hrhc.1661
http://academienouvelle.forumactif.org/t7455-seraphine-pajaud#8645
1668
Charles Péguy (1873-1914) : « [Les socialistes] veulent socialiser la matière
qui est nécessaire au travail social, c’est-à-dire les moyens sociaux de
production : la terre en ce qu’elle peut servir à la culture sociale ; le sous-sol,
mines et carrières ; l’outillage industriel, machines, ateliers, magasins,
l’outillage commercial, magasins, voies et moyens de communication. Les
moyens de production seront socialisés, c’est-à-dire qu’ils seront rendus à la
cité, à l’ensemble des citoyens.
Le travail social sera socialisé, c’est-à-dire qu’il sera fait par l’ensemble des
citoyens. Les parts individuelles du travail social, c’est-à-dire les parts du travail
social qui seront données à la cité par chacun des citoyens, seront, non pas sans
doute identiques entre elles, car cela ne se pourrait pas, mais, autant que
possible, égales entre elles, en ce sens que les différences qu’elles auront encore
ne seront commandées que par les différents besoins de la cité et par les
différentes aptitudes individuelles des citoyens comme travailleurs, et en ce sens
que ces inévitables différences de qualité, d’intensité, de durée, seront, autant
que possible, compensées par d’autres différences de qualité, d’intensité, de
durée, de manière que les parts individuelles du travail social soient, autant que
possible, égales en quantité.
En échange la cité assurera aux citoyens une éducation vraiment humaine, et
l’assistance exacte en cas de maladie ou d’infirmité, enfin l’assistance entière
pendant la vieillesse.
L’éducation sera égale pour tous les enfants, non pas, bien entendu, en ce sens
que les éducations individuelles seraient identiques entre elles, mais en ce sens
que les différences des éducations individuelles ne seront commandées que par
les différentes ressources de la cité et par les différentes aptitudes individuelles
des citoyens comme élèves
Les moyens de consommation seront laissés à la libre disposition des citoyens
en quantités autant que possible égales entre elles. »
A l’égard des citoyens, le régime socialiste aura sur la société présente au moins
deux avantages :
Il établira entre et pour tous les citoyens une fraternité, une solidarité réelle et
vivante ; une justice, une égalité réelle et vivante ; une liberté réelle, — au lieu
d’une fraternité fictive ; d’une justice fictive ; d’une liberté fictive.
Il amortira autant que possible les à-coups individuels. Dans la société présente
on laisse les malheurs individuels tomber de tout leur poids sur ceux des
citoyens qui se trouvent au droit, et qui souvent en sont écrasés. Et comme il y a,
malgré tout, en fait, des solidarités individuelles indéfinies, ces malheurs ont des
répercussions indéfinies, incalculables. Si bien que le progrès même est, en fin
de compte, onéreux. Par exemple quand on invente une machine qui supprime la
moitié du travail dans un métier, les consommateurs, en général, en tirent un
certain bénéfice parce que les prix baissent, mais la moitié des producteurs sont
mis à pied, et ces malheurs individuels ont le plus souvent de telles et si
lointaines répercussions que l’ensemble du mal ainsi causé aux citoyens est pire
que n’est avantageux le bénéfice donné aux consommateurs. Dans la cité
socialiste, au contraire, il suffira, quand on fera pour un métier de telles
inventions, de réduire sans à-coup le nombre des travailleurs intéressés, soit en
faisant moins d’apprentis de ce métier-là, soit en donnant à certains de ces
travailleurs le temps d’apprendre un nouveau métier ; en attendant d’ailleurs,
que les mesures prises aient leur plein effet, on en sera quitte pour diminuer le
nombre des heures où travailleront les ouvriers de ce métier, ce qui ne sera pour
personne un malheur dans la cité. »
« Vous insinuez que nous ne sommes pas patriotes: c’est nous qui le sommes,
puisque nous voulons pas que la patrie soit déshonorée par une infamie ; et
c’est vous qui ne l’êtes pas, puisque vous voulez que la patrie soit déshonorée
1670
par cette infamie. » -Charles Péguy, Le Progrès du Loiret, 20 octobre 1898,
OPC, t.1, Paris, Gallimard, Pléiade, 1987, p. 119.
-Charles Péguy, Réponse provisoire, 20 janvier 1900, 2ème cahier de la 1ère série,
OPC, t. 1, Paris, Gallimard, Pléiade, 1987.
« Non seulement la lutte des classes n’a aucune valeur socialiste, mais elle n’a
même aucun sens qui soit socialiste. Toute guerre est bourgeoise, car la guerre
est fondée sur la compétition, sur la rivalité, sur la concurrence ; toute lutte est
bourgeoise, et la lutte des classes est bourgeoise comme les autres luttes. » -
Charles Péguy, 5 février 1900, La préparation du congrès socialiste, OPC, t. 1,
Paris, Gallimard, Pléiade, 1987, p. 357.
« Il suffit que l’on se reporte aux premières listes Zola pour y lire le nom de M.
Herr et les noms de la plupart de ses amis, dont j’étais. » -Charles Péguy, Pour
ma maison, 21 décembre 1900, OPC, t. 1, Paris, Gallimard, Pléiade, 1987, p.
647.
« Le peuple abusé ne peut pas faire que la raison ne soit pas la raison, et que la
déraison devienne la raison. La foule abusée ne peut pas plus que ne pouvait le
monarque abusé. Le peuple n’est pas souverain de la raison. » (p.XIII)
« Nous ne méprisons pas les humanités passées, nous n’avons ni cet orgueil, ni
cette vanité, ni cette insolence, ni cette imbécillité, cette faiblesse. Nous ne
méprisons pas ce qu’a d’humain l’humanité présente. Au contraire nous voulons
conserver ce qu’avaient d’humain les anciennes humanités. » (p.XVI)
C’est le jeu ordinaire des journalistes que d’ameuter toutes les libertés, toutes
les licences, toutes les révoltes, et en effet toutes les autorités, le plus souvent
contradictoires, contre les autorités gouvernementales officielles. — Nous
simples citoyens, vont-ils répétant. Ils veulent ainsi cumuler tous les privilèges
de l’autorité avec tous les droits de la liberté. Mais le véritable libertaire sait
apercevoir l’autorité partout où elle sévit ; et nulle part elle n’est aussi
dangereuse que là où elle revêt les aspects de la liberté. Le véritable libertaire
sait qu’il y a vraiment un gouvernement des journaux et des meetings, une
autorité des journalistes et des orateurs populaires comme il y a un
gouvernement des bureaux et des assemblées, une autorité des ministres et des
orateurs parlementaires. Le véritable libertaire se gare des gouvernements
officieux autant que des gouvernements officiels. Car la popularité aussi est une
forme de gouvernement, et non des moins dangereuses. » (p.XXIV-XXV)
« La raison n’est pas tout le monde. Nous savons, par la raison même, que la
force n’est pas négligeable, que beaucoup de passions et de sentiments sont
vénérables ou respectables, puissants, profonds. Nous savons que la raison
n’épuise pas la vie et même le meilleur de la vie ; nous savons que les instincts
et les inconscients sont d’un être plus profondément existant sans doute. Nous
estimons à leur valeur les pensées confuses, les impressions, les pensées
obscures, les sentiments et même les sensations. Mais nous demandons que l’on
n’oublie pas que la raison est pour l’humanité la condition rigoureusement
indispensable. Nous ne pouvons sans la raison estimer à sa juste valeur tout ce
qui n’est pas de la raison. Et la question même de savoir ce qui revient à la
raison et ce qui ne revient pas à la raison, ce n’est que par le travail de la
raison que nous pouvons nous la poser.
« Je prie qu’on veuille noter que je suis un des plus grands ennemis loyaux
de Jaurès. Même je suis son plus grand ennemi, s’il est vrai qu’il n’y a pas de
socialiste en France qui ait, comme lui, l’amour de l’unité mystique, et s’il est
vrai qu’il n’y a pas de véritable anarchiste qui ait plus que moi la passion de la
liberté. […] Je suis l’adversaire le plus résolu de son ministérialisme et d’un
certain parlementarisme qu’ils ont. » -Charles Péguy, Vraiment vrai. 2e cahier
de la 3e série (17 octobre 1901). Œuvres en prose complètes. I Op. cit., p. 833.
« La misère ne rend pas seulement les misérables malheureux, ce qui est grave ;
elle rend les misérables mauvais, laids, faibles, ce qui n’est pas moins grave ;
un bourgeois peut s’imaginer loyalement et logiquement que la misère est un
moyen de culture, un exercice de vertus ; nous socialistes nous savons que la
misère économique est un empêchement sans faute à l’amélioration morale et
mentale, parce qu’elle est un instrument de servitude sans défaut. C’est même
pour cela que nous sommes socialistes. Nous le sommes exactement parce que
nous savons que tout affranchissement moral et mental est précaire s’il n’est pas
accompagné d’un affranchissement économique. »
1675
« Car nos aïeux [...] ont peiné, lutté, souffert leur vie et leur mort pour que ce
peuple devînt un peuple libre, pour que ce coin de terre devînt le chaud foyer de
la liberté dans le monde, pour que Paris devînt ce qu’il est littéralement la
capitale de la liberté dans le monde. » -Charles Péguy, Cahiers de la quinzaine,
15 mars 1904, OPC, t.1, Paris, Gallimard, Pléiade, 1987, p.1364.
« Par les moyens de la guerre, par les moyens de la force, par les moyens de la
guerre la plus soudaine, la plus brutale de toutes, la plus injuste, la plus
malheureuse ; et aussi par les moyens de la ruse, par les moyens d’une
astucieuse agression de la France, qui est un peuple enfin, avait subi la plus
odieuse, la plus injuste, la plus inoubliable des atteintes que jamais un peuple
libre ait subi ; et non point seulement une atteinte de guerre, mais une atteinte
de conquête, non point seulement une atteinte de fait, mais une atteinte de
situation, non point une atteinte de crise, mais une atteinte perpétuelle et
durable ; deux provinces avaient été arrachées du peuple français par l’armée
allemande, et cela dans des conditions si parfaitement, si formellement
caractérisées que l’on peut dire que l’arrachement de l’Alsace-Lorraine forme
un cas maximum, un cas type d’injustice, d’usurpation, d’arrachement
International ; tout y était: la colère la rage et l’éternelle protestation du peuple
vaincu, plus particulièrement la colère, la rage, la solennelle et l'éternelle
protestation des provinces arrachées. » (p.109)
« L’humanité a été cent fois plus enrichie de droiture et de force par la grande
révolte, par la grande haine de Nietzsche contre Wagner que par cette amitié
soumise de Schiller pour Goethe. » (p.195)
1676
à introduire dans les relations économiques des désordres là ou il y a encore
quelque peu d’ordre. (....) Toute Révolution, bien entendue, est une opération
d’ordre. Toute opération de désordre, bien entendue, est une opération de
réaction. L’ordre, et l’ordre seul, fait en définitive la liberté. Le désordre fait
la servitude. Les seuls démagogues ont intérêt à essayer de nous faire croire le
contraire. » -Charles Péguy, Cahier VII-4, 5 novembre 1905, OPC, t. 2, Paris,
Gallimard, Pléiade, 1988, p. 64-65.
« On oublie trop que le monde moderne, sous une autre face est le monde
bourgeois, le monde capitaliste. C’est même un spectacle amusant que de voir
comment nos socialistes antichrétiens, particulièrement anticatholiques,
insoucieux de la contradiction, encensent le même monde sous le nom de
moderne et le flétrissent sous le nom de bourgeois et de capitaliste. […] On
oublie trop ainsi que l’avènement du monde moderne a été, sous une autre face,
l’avènement du même monde politique parlementaire économique bourgeois et
capitaliste. » -Charles Péguy, « De la situation faite au parti intellectuel dans le
monde moderne devant les accidents de la gloire temporelle », 6 octobre 1907,
in Œuvres, II, 1988, p. 699-700.
1677
« Nos grands-pères de la Révolution française se sont bien aperçus, qui ayant
voulu parler un autre langage, un langage nouveau, substituer simplement un
langage à un autre, un nouveau à un ancien, le langage nouveau régime au
langage ancien régime, l’Europe bientôt s’intercala, finit par s’intercaler ;
s’opposa, et il y eut maille à partir. » -Charles Péguy, A nos amis, nos abonnés,
20 juin 1909, OPC, t. 2, Paris, Gallimard, Pléiade, 1988, p.1304.
Le débat n’est pas entre un ancien régime, une ancienne France qui finirait en
1789 et une nouvelle France qui commencerait en 1789. Le débat est beaucoup
plus profond. Il est entre toute l’ancienne France ensemble, païenne (la
Renaissance, les humanités, la culture, les lettres anciennes et modernes,
grecques, latines, françaises), païenne et chrétienne, traditionnelle et
révolutionnaire, monarchiste, royaliste et républicaine, – et d’autre part, et en
face, et au contraire une certaine domination primaire, qui s’est établie vers
1881, qui n’est pas la République, qui se dit la République, qui parasite la
République, qui est le plus dangereux ennemi de la République, qui est
proprement la domination du parti intellectuel.
Le débat est entre toute cette culture, toute la culture, et toute cette barbarie, qui
est proprement la barbarie. » (p.71-72)
1678
« Il ne faut pas parler de transformation, ni de conversion. Ce n’est pas cela. On
a dit de moi: « Voilà Péguy qui vient à nous. » Ce n’est pas cela. Tout ce que je
donne aujourd’hui était en moi auparavant. Ce n’est pas hier que j’ai organisé
ma vie comme elle l’est aujourd’hui. Le Péguy antimilitariste d’un roman que
vous connaissez, c’est une légende. La vérité c’est qu’à ce moment-là, j’étais
officier de réserve. » -Charles Péguy, in Georges Valois, « Après une
conversation avec M. Charles Péguy », L’Action française, 19 juin 1910.
« Le kantisme a les mains pures, mais il n’a pas de mains. » (p. 331)
« Mais dans le laïque (je ne dis pas dans le profane), dans le laïque, et peut-être
dans une autre sorte de sacré, dans le civique, dans un sacré de la loi
extérieure, il est indéniable qu’elle à la garde de la liberté qui est la condition
même de la grâce, qui a avec la grâce une parenté si profonde, une liaison si
singulière et si obstinément mystérieuse. » (p.948)
-Charles Péguy, L’Argent suite, 27 avril 1913, OPC, t.3, Paris, Gallimard,
Pléiade, 1992.
« Les vignerons et les bûcherons que sont ses ancêtres avaient marqué
l’écrivain d’une empreinte indélébile. Paysan, il l’était jusqu’aux moelles. Il en
avait la solidité et l’âpreté, la malice et la méfiance, voire l’allure. Il s’en est
fallu de peu, de bien peu, lui-même l’a conté quelque part avec comme un
tremblement rétrospectif, qu’il ne manquât sa voie et ignorât à jamais les
1679
délices des humanités. De l’école primaire on l’avait aiguillé vers l’école
professionnelle quand un pédagogue de sens et de cœur auquel Péguy en garda
une infinie reconnaissance lui ouvrit les portes du lycée de sa ville natale. Il
quitta Orléans pour aller à Sainte-Barbe et de là à l’École normale. Il n’y passa
point les trois années réglementaires. La première terminée, il demanda un
congé.
Péguy avait la hâte de l’action. Il possédait l’âme d’un chef, d’un entraîneur
d’hommes. Ses camarades, ses amis, sentaient son autorité, l’acceptaient, la
réclamaient.
Une anecdote exquise, qui se place dès sa première année de Normale, éclaire à
cru la physionomie de Péguy, révèle son tempérament, son besoin d’agir et
comme pour le satisfaire il sait concilier ce qui eût semblé à d’autres
inconciliable. Un de ses camarades l’a décidé à devenir comme lui membre
d’une Conférence de Saint-Vincent de Paul. Il y est à peine entré qu’on le
supplie d’en accepter la présidence. Grave difficulté. Péguy qui n’a éprouvé
aucun embarras à participer aux travaux d’une association catholique n’est pas
croyant et il ne s’en cache pas. Or, à l’ouverture de chaque séance, le Président
doit réciter la prière à haute voix. Péguy de se récuser. Qu’à cela ne tienne : il
entrera en séance après que le vice-président l’aura récitée à sa place.
Il est républicain, socialiste dès la première heure. Mais personne n’a déployé
plus de franchise et de vigueur à fustiger les défauts et les tares du parti
socialiste et du régime républicain.
La règle de sa vie qui en fait la profonde unité il la formule aux premières pages
du premier des Cahiers : « Dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, dire
bêtement la vérité bête, ennuyeusement la vérité ennuyeuse, tristement la vérité
triste : voilà ce que nous nous sommes proposé depuis plus de vingt mois et non
pas seulement pour les questions de doctrine et de méthode, mais aussi, mais
surtout pour l’action. Nous y avons à peu près réussi. Faut-il que nous y
renoncions ? »
1680
« Il a disparu. Son œuvre demeure, plus vivante, plus puissante qu’elle ne fut
jamais. Les morts mènent les vivants. » (p.32-33)
« L'un de mes premiers disciples, qui m'a si bien compris. » -Henri Bergson,
Lettre à Jacques Chevalier, 1919, in Jacques Chevalier, Entretiens avec Bergson,
Plon Paris, 1959, p. 26.
« Cinquante ans après sa mort au combat, voilà que nous le sentons, Péguy,
présent comme le plus vivant des humains, et cela dans la mesure même où nous
avons besoin de lui. [...]
Ce qui nous frappe dans l’œuvre de Péguy, c'est le pouvoir de germination, de
fécondation qu'elle garde, animée qu'elle est par une sorte de ferment vital qui
foisonne et fructifie. [...]
Il appartenait au neveu de Joseph Lotte -l'ami, le confident le plus proche de
Péguy- de dégager ainsi ce que l’œuvre de Péguy recèle toujours d'utile,
d'efficace, de fécond -d'une fécondité postérieuse, posthume- et d'ouvrir toutes
les voies de filiation à venir, toutes les échappées qu'elle propose. » -Henri
Massis, préface à Théodore Quoniam, La pensée de Péguy, Bordas, 1967, p.3.
« Il faut bien reconnaitre que tout semble jouer contre Péguy ; un socialiste
excommunié par les socialistes, un nationaliste que les nationalistes jugent trop
sulfureux, un catholique qui s’arrête au porche de l’église. Comment prendre au
sérieux quelqu’un rejeté de toute part ? »
« L’affaire des « fiches » devient ainsi une affaire politique, et Jaurès, alors
soutien essentiel de Combes, entre en jeu. Il intervient sur ce problème
essentiellement trois fois, le 28 octobre 1904, le 4 novembre 1904 et le 14
janvier 1905. Et il n’est pas exagéré de prétendre que le ministère Combes n’a
dû de survivre jusqu’au 19 janvier que grâce à la force de Jaurès. Plusieurs
arguments de Jaurès méritent d’être relevés :
1682
On ne peut s’imaginer aujourd’hui ce que cette affaire provoqua comme trouble
chez les anciens dreyfusards. Trouble d’ailleurs perceptible lors des débats à
l’Assemblée où nombre de républicains exigent des explications, par exemple
Klotz qui affirme que « nous, républicains, […] ne devons jamais imiter les
procédés que nous avons condamnés et flétris chez autrui. Je dis que la délation
ne saurait faire aimer la République », Mirman qui, refusant de tomber dans le
jeu de Jaurès qui prétend que tout ceci ne peut que profiter à la droite,
interpelle ces mêmes députés de droite : « messieurs de la droite, je vous le
demande avec déférence, faites-moi grâce, je vous prie de vos
applaudissements. Vous poursuivez, cela est naturel de votre part, un but
politique ; mais il y a des explications qui ne peuvent s’échanger qu’entre
républicains », n’hésitant pas à qualifier d’infamie la responsabilité du
gouvernement qui a déclenché la délation. Georges Leygues est, lui, encore plus
explicite : « L’enjeu de ce débat est l’honneur du parti républicain, et peut-être
son existence même. Il faudra que la majorité dise nettement si elle abdique sa
raison et sa conscience, ou si elle a l’énergie pour flétrir publiquement les actes
inadmissibles qu’elle condamne et abhorre en secret ». Cette révolte est,
évidemment, partagée par Péguy. Il attend pourtant le 24 janvier 1905 pour
s’engager explicitement dans la bataille, par l’intermédiaire d’un cahier intitulé
: Textes formant dossier. La Délation aux Droits de l’Homme. Fidèle à la
vocation première des Cahiers de rassembler avant tout des textes de première
main, Péguy publie ici les lettres, entre autres, de Célestin Bouglé (professeur à
l’Université de Toulouse), de Charles Rist (professeur à la faculté de droit de
Montpellier), membres du comité central de la Ligue française pour la défense
des Droits de l’homme et du citoyen. En effet, de nombreux « ligueurs »
demandent vigoureusement au Comité central de la Ligue des droits de l’homme
et à son président, Francis de Pressensé (également député socialiste), de
condamner publiquement le procédé de la délation. Selon Bouglé et Rist, la
Ligue ne peut rester indifférente à une telle violation des principes les plus
élémentaires qu’elle est censée défendre. Du refus de Pressensé s’ensuivra un
nombre important de démissions du Comité central, en particulier celle de
Joseph Reinach, fondateur de la Ligue avec Ludovic Trarieux. »
« C’est au fond la même critique qu’encourra Jaurès : celle d’avoir trahi l’idéal
de jeunesse, pour le détourner et s’en servir à des fins personnelles, au seul but
d’exercer une autorité.
1684
ce n’est bien entendu, que son nationalisme n’a rien à voir avec celui d’un
Barrès ou d’un Maurras. »
« Ce refus de la lutte des classes chez Péguy est à mettre en parallèle avec son
refus de la damnation dans le catholicisme : il ne peut concevoir qu’il y ait,
nulle part, une quelconque exclusion. »
1685
par l’intermédiaire des « fiches », la police des esprits. C’est l’État omnipotent
s’infiltrant jusque dans les moindres recoins de la sphère privée : c’est la
collusion d’un parti de gouvernement avec une métaphysique. Péguy, libéral et
libertaire, réclame la séparation de la métaphysique et de l’État : « Quand donc
nos Français ne demanderont-ils à l’État et n’accepteront-ils de l’État que le
gouvernement des valeurs temporelles ? […] quand donc l’État, fabricant
d’allumettes et de contraventions, comprendra-t-il que ce n’est point son affaire
que de se faire philosophe et métaphysicien ». »
1686
n’est pas seulement celle qui pèse sur la France, mais au-delà sur toute idée de
civilisation. Péguy a, en effet, la vision de la fin possible de la liberté et du
progrès. Car ce dernier n’est en rien une fatalité inéluctable. Il appartient aux
hommes d’en préserver le principe, en maintenant en eux cette conscience aiguë
de la fragilité de l’idée de progrès humain."
"Romain Rolland s’y arrête en 1944 dans son Péguy. Il évoque cette résonance
personnelle, ce plaisir de Péguy à son propre accablement, sa hantise de la
mort violente. Pour Péguy, 1905 est la référence."
"Mais cette perception n’est pas, selon lui, née de l’action consciente, concertée
du monde intellectuel ou politique. C’est une perception populaire. C’est le
peuple qui a compris à cet instant que la vie n’était pas celle qu’il avait cru être
jusqu’alors, et c’est lui, le peuple, qui va changer le cours des choses en se
préparant à faire face à la menace d’invasion allemande.
Le rôle de l’intellectuel est alors, pour Péguy, d’être de son peuple, de sa race.
Or, à ses yeux, la France a une mission dans le carcan du monde moderne. Elle
est la dernière nation qui puisse encore donner à la liberté et à la justice leur
véritable sens. Cette inscription de l’intellectuel dans la communauté nationale
lui permet de la sorte de demeurer fidèle à la mystique dreyfusarde." -Éric
Thiers, « Charles Péguy : la révélation du 6 juin 1905 », Mil neuf cent. Revue
d'histoire intellectuelle, 2001/1 (n° 19), p. 43-52. DOI : 10.3917/mnc.019.0043.
URL : https://www.cairn-int.info/revue-mil-neuf-cent-2001-1-page-43.htm
« Peu d'écrivains socialistes ont élaboré une critique plus approfondie, radicale
et corrosive de la société bourgeoise moderne, de l'esprit d'accumulation
capitaliste et de la logique impersonnelle de l'argent que Charles Péguy. Il
fonda une tradition spécifiquement française d'anticapitalisme progressiste
chrétien. » -Michael Löwy, La cage d'acier: Max Weber et le marxisme
wébérien, Paris, Éditions Stock, coll. « Un ordre d'idées », 2013.
1688
1913. Péguy prévient : « Dès la déclaration de guerre, la première chose que
nous ferons sera de fusiller Jaurès. »
Entre les deux, quatorze ans. Quatorze ans pour passer d’une sincère admiration
à une haine quasi obsessionnelle, pour passer des débats d’idées aux tombereaux
d’insultes. »
Oui, bien au-delà du seul Péguy, il est clair que l’assassin de Jaurès fut
mentalement armé par la majorité de la presse de l’époque et par toute une
1689
partie de l’opinion, nationaliste et capitaliste. Celle-là même, d’ailleurs, qui
acquitta l’assassin, lors de son procès, en 1919 (tandis qu’elle condamnait à
mort, la même année, un anarchiste coupable d’une tentative d’assassinat sur
Georges Clemenceau…). » -Jérôme Pellissier, Jaurès et Péguy : le grand
malentendu ? (cf : http://www.jaures.eu/syntheses/jaures-et-peguy-le-grand-
malentendu-jerome-pellissier/ ).
« Même si Charles ne va naître que le 7 janvier 1873, il est déjà plongé au cœur
de cette histoire dramatique, car son père meurt à vingt-sept ans le 18 novembre
1873, d’une santé détériorée par les terribles souffrances endurées lors du siège
de Paris. Dans son processus de représentation de la situation de contraste
apparent entre la faiblesse de la France, et la puissance germanique de son
époque, il va évoluer, se radicaliser, mais il n’aura jamais de complicité
intellectuelle réelle avec l’Allemagne. Mais même si ses rencontres sont
apparemment fortuites, elles sont néanmoins décisives, notamment en ce qui
concerne son attrait pour le socialisme qui à cette époque est dominé par les
penseurs allemands, et qu’il va étudier à la meilleure source de l’époque, avant
de le rejeter et de l’attaquer avec virulence pour une autre conception du
socialisme, et la philosophie de Kant qui va le séduire dans un premier temps,
puis donner une tonalité décisive à son « germanisme ».
Mais pour que son rejet éclate et sa névrose obsessionnelle se développe, il lui
faudra le choc de 1905, qui va l’atteindre à la manière d’un choc psychique et
se surajouter à 1870. Pour comprendre l’évolution de Péguy cette date est
décisive. » (p.244)
"[Péguy] rejette la version d’un socialisme d’Etat que Herr voudrait développer
dans le socialisme." (p.254)
"Ce qui triomphe avec Guesde, c’est une forme de socialisme que Péguy
n’accepte pas. Il s’agit d’un socialisme autoritaire fait d’obéissance au chef, et
de vénération pour celui qui exerce l’autorité, et qui est directement selon lui,
1690
sous l’influence de l’Allemand Marx et de la social-démocratie allemande."
(p.264-265)
"Il trouve inacceptable la théorie de Marx qui avait prédit que pendant la
période prérévolutionnaire, la paupérisation irait croissante jusqu’au moment
où la misère pousserait les prolétaires à la révolte. L’augmentation de la misère
est donc partie intégrante du système marxiste. Péguy pense à l’inverse que la
disparition de la misère est un préalable pour construire un monde meilleur.
C’est dans la mesure où chaque individu aura accepté l’idée d’un monde
meilleur qu’on acceptera la révolution et le passage à un monde plus juste. La
misère rend le miséreux incapable de réactions morales." (p.276)
1691
vie, la douleur des consciences déchirées entre l’être et le devoir, et la nécessité
d’expliquer pleinement le tragique de l’histoire. En 1910 dans Victor-Marie,
comte Hugo, souhaitant régler un différent qui l’oppose à son ami Daniel
Halévy, il dresse un véritable réquisitoire sur le système kantien. Car Péguy est
fatigué, il n’est pas toujours arrivé à se régler sur l’impératif catégorique. Il
pense que Kant propose une morale trop abstraite, inaccessible pour l’homme
de chair et de sang, donc totalement en dehors de la vie réelle, et qui de plus
néglige totalement les exigences concrètes de l’action." (p.287)
"L’événement le plus important est celui qui retentit en 1905 dans Notre patrie:
celui de la menace d’invasion de la France par l’Allemagne. Désormais pour
préparer la cité harmonieuse et la cité socialiste qui y conduit, l’événement
commande que la priorité soit accordée à sauver la patrie de la « barbarie
impériale » allemande." (p.289)
"Ce qui effraie de manière confuse Péguy dans la modernité, c’est l’intelligence
moderne, sa brutalité, sa volonté de puissance qui se déchaîne au moyen de la
rigueur, du positivisme, du scientisme, et d’une certaine « religion du progrès ».
Il va amalgamer dans son « germanisme » les images qu’il a de ce monde
nouveau qu’il déteste, d’une industrie qui fabrique de la force, de l’économie
allemande, de son efficacité et de sa puissance mondiale. Péguy est l’homme
d’une civilisation agraire et littéraire. Il ne se reconnaît pas dans la nouvelle
civilisation industrielle et scientifique, qu’il identifie à l’Allemagne." (p.316)
"Pourtant bien qu’il n’aime pas l’Allemagne, il connaît bien son socialisme, sa
langue, son histoire et aussi la philosophie de Kant. Il a puisé cette culture chez
Andler, Herr et Jaurès. A côté de cela, il a une certaine admiration pour Goethe
et Schiller, pour Beethoven, et un intérêt réel pour Nietzsche." (p.320-321)
1693
"Péguy va éditer plusieurs de ses amis qui vont traiter de ce philosophe
allemand. Il édite un douzième cahier de la dixième série de Daniel Halèvy le 25
avril 1909, Le travail du Zarathoustra." (p.385)
"[Péguy] est donc fier et malgré la mauvaise conscience plus tard de son ami
dreyfusard Daniel Halèvy, il va confirmer cette fierté. En juillet 1910, en
réponse à celui-ci, il va publier Notre Jeunesse, qui est un cri d’orgueil et de
fidélité, celui d’être resté, contrairement à beaucoup de ces anciens
compagnons de combat de 1898, un dreyfusard mystique." (p.402)
"Le 1er août 1914, c’est la mobilisation générale. Le 2 août, Charles Péguy fait
une tournée d’adieux de ses amis parisiens avec qui il était brouillé, notamment
Léon Blum, Charles Lucas de Pesloüan et Jean Variot. Mais surtout, il va dire
adieu à son plus proche ami le philosophe Henri Bergson, qui va d’ailleurs le
11 août, lui adresser sur le front, une dernière lettre pour l’assurer que s’il
venait à disparaître, il s’occuperait de son épouse et de ses enfants. Promesse
qu’Henri Bergson tiendra avec fidélité en devenant à la mort de Péguy, le tuteur
de ses quatre enfants. Le 4 août 1914, le jour des obsèques de Jean Jaurès,
Péguy quitte Paris pour Coulommiers, puis le front de l’Est. Il laisse ces mots à
son amie Geneviève Favre, fille d’un républicain de 1848 : « Grande amie je
pars, soldat de la République, pour le désarmement et la dernière des guerres.
». Le soir du 4 septembre, il se recueille dans la chapelle de Montmélian, près
de Saint-Wilz. Le 5 septembre 1914, au deuxième jour de la bataille de la
Marne, à 5 heures et demi du soir, près de Villeroy, l’officier Péguy commande
debout à la tête de son bataillon un assaut contre les Allemands. Il hurle: «
Tirez, tirez, nom de Dieu ! ». Il tombe, tué d’une balle en plein front. C’est le
prélude à la victoire de la Marne. Le 17 septembre 1914, la France apprend par
l’article bouleversant de son ami Maurice Barrès à L’Echo de Paris, la mort de
Charles Péguy." (p.617)
« [Péguy] était sûrement un génie, et nous le reconnaissions pour tel, nous ses
anciens. » -Charles Andler, La Vie de Lucien Herr, Paris, Rieder, 1932, p.118.
"Péguy n'adresse-t-il pas chacune de ses œuvres à Maurras depuis 1911 ? Les
amis du premier ne tendent-ils pas à devenir les amis du second, quand ils ne le
sont pas déjà ?" (p.255)
-Stéphane Giocanti, Maurras : le chaos et l'ordre, Paris, Flammarion, coll.
Grandes biographies, 2008 (2006 pour la première édition), 568 pages.
« Allez au quartier Latin, entrez dans cette modeste boutique des Cahiers de la
Quinzaine [...] Voilà des âmes qui débordent. Vous me parlez d’affaiblissement
de la pensée et des caractères. Moi je vous montre immédiatement des groupes
d’hommes qui ont un idéal et, notez-le, un idéal qui commande à leur destinée.
C’est cela qui est beau chez Péguy. La compagnie perpétuelle de leur idée leur
suffit et les ennoblit. » -Maurice Barrès, Entretien avec Amédée BOYER, «
L’état actuel et l’avenir de la littérature et des Arts: M. Maurice Barrès », L’écho
de Paris, 19 août 1909.
« Nous sommes fiers de notre ami. [...] Honneur au maître Charles Péguy. Il
passe devant tous ses émules. [...] Mais plus qu’une perte, c’est une semence,
1695
plus qu’un mort, un exemple, une parole de vie, un ferment. La Renaissance
française tirera parti de l’œuvre de Péguy, authentifiée par le sacrifice. » -
Maurice Barrès, « Charles Péguy mort au champ d’honneur », L’Echo de Paris,
17 septembre 1914.
« Je sens comme un remords de l’avoir laissé s’en aller hors de toute portée de
notre démonstration. » -Charles Maurras, « Charles Péguy », L’Action française,
18 septembre 1914, in DPC, A la cité des livres, 1933, Paris, t. 3, p. 439.
« Il porta, comme il eût dit, son « message », un message très noble, tout
ensemble pur et confus. Il prit une part active et puissante au relèvement
national avant l’autre guerre et, en particulier à celui qui se produisit au cœur
du monde strictement dreyfusien où son génie promenait sa flamme et sa fumée.
Dans l’entre-deux où se tenait Déroulède et même Barrès, notre compagnon
d’esprit malgré tout, l’influence de Péguy pointait, chauffait, luisait, brûlait
dans une demi-ombre. Son sublime point final de héros ne pouvait qu’étendre
l’action ainsi définie et orientée. Daniel Halévy a raison, elle ne cessera plus de
grandir. » -Charles Maurras, La contre-révolution spontanée, Lyon, Lardanchet,
1943, p.152-153.
« Il n’est pas difficile d’imaginer ce qu’eût été une polémique entre Maurras et
Péguy, polémiste d’égale force: Péguy aurait mémorablement montré que
Maurras méconnaissait entièrement l’âme du peuple français, Maurras aurait
mémorablement montré que ce qui tenait lieu de pensée à Péguy était un tissu de
contradictions. Ni l’un, ni l’autre ne le voulut. » -Daniel Halévy, Péguy, Paris,
Pluriel, Livre de Poche, 1979, p. 230.
1696
Certes, Charles Péguy, en raison des contradictions qu'on lui a reprochées, ne
représente que lui-même. Et pourtant, son attitude, son évolution, témoignent
d'un changement d'esprit dont il n'a pas le monopole, même s'il exprime mieux
que d'autres. Péguy avait été un dreyfusard militant, un socialiste, un
républicain laïque. De 1905 à 1914, sans jamais renier ni son dreyfusisme ni
son républicanisme, il se place sur des positions de plus en plus hostiles au parti
socialiste, tout en manifestant sa nouvelle foi catholique. Péguy devient-il
nationaliste ? Non, il l'a toujours été. Mais, à partir de 1905, son nationalisme
républicain se trouve en contradiction avec les idées et les pratiques de sa
propre famille politique -celle du socialisme français. Déjà le socialisme
parlementaire de Jaurès, alliance du socialisme et du combisme, avaient rendu
sévère Péguy à l'endroit de ses amis socialistes. Mais la crise de Tanger
aggrave sa critique et consomme sa rupture.
Le 31 mars 1905, Guillaume II, lors de sa visite éclair et théâtrale à Tanger,
remet en cause le récent accord franco-britannique sur le Maroc, déclarant:
"C'est au sultan du Maroc, souverain indépendant, que je fais ma visite, et
j'espère que, sous sa haute souveraineté, un Maroc libre sera ouvert à la
concurrence pacifique de toutes les nations, sans monopole de toute sorte".
L'émoi que provoque ce défi germanique à la France, la crise qui s'ensuit (la
démission de Delcassé du Quai d'Orsay, le compromis d'Algésiras en 1906,
lequel, tout en confirmant l'indépendance de l'empire chérifien, reconnaissait à
la France des droits spéciaux au Maroc) déclenchent la crainte d'une guerre
imminente. "Ce fut une révélation", dira Péguy. Le 18 juin 1905, Clemenceau,
autre dreyfusard, écrit dans L'Aurore: "Etre ou ne pas être, voilà le problème
qui nous est posé pour la première fois depuis la guerre de Cent Ans par une
implacable volonté de suprématie. Nous devons à nos mères, à nos pères, et à
nos enfants de tout épuiser pour sauver le trésor de vie française que nous avons
reçu de ceux qui nous précédèrent et dont nous devrons rendre compte à ceux
qui suivront". [...]
Peu à peu, Péguy se sépare de la gauche. Notamment de cette gauche socialiste,
où un Gustave Hervé défraie la chronique antimilitariste et que ménage Jaurès.
A Leur Patrie d'Hervé, il oppose Notre Patrie, livre dans lequel il renouvelle
l'expression du nationalisme révolutionnaire. [...]
En 1913, le roman d'Ernest Psichari, L'Appel des armes, symbolise au mieux
cette redécouverte de la "grandeur militaire" par une nouvelle génération
bourgeoise. Le désir de "revanche", l'envie d'en découvre, deviennent explicite
dans la correspondance de Péguy. En janvier 1912, il écrit à un ami: J'ai passé
1697
une nuit fort agréable. J'ai rêvé toute la nuit qu'on mobilisait". [...] Quelques
jours plus tard, à Alexandre Millerand, nouveau ministre de la Guerre:
"Puissions-nous avoir sous vous cette guerre qui depuis 1905 est notre seule
pensée ; non pas l'avoir seulement mais la faire"." (p.22-25)
« Péguy n’est pas seulement un moralisateur de notre vie politique, c’en est un
de nos meilleurs prosateurs. » (p.391)
-Michel Winock, Nationalisme, antisémitisme et fascisme en France, Éditions
du Seuil, coll. Points Histoire, 2014, 506 pages.
"Au matin du départ, son amie Geneviève Favre a noté : « Je l’ai vu s’éloigner
soulevé d’enthousiasme et du bonheur d’être le soldat de la République de
France. » Puis : « Péguy, d’une voix lente, mettant en chaque mot un accent
solennel, me dit : “Grande amie, je pars soldat de la République, pour le
désarmement général, pour la dernière des guerres”. »."
"Deux autres figures quasi paternelles ont complété son éducation patriotique
au faubourg Bourgogne. Louis Boitier d’abord, le forgeron autodidacte, libre-
penseur et républicain à l’antique, le premier qui lui « ait mis Hugo entre les
mains », qui s’était battu lui aussi et racontait à l’enfant la campagne de
l’armée de Chanzy et l’entrée des Prussiens dans Orléans. Monsieur Naudy
ensuite, le directeur de l’école normale des instituteurs du Loiret qui a accueilli
Charles à sept ans et l’a poussé aux « études » via l’école primaire des «
hussards noirs », qui a brossé pour ce bon élève la fresque de la patrie, l’a
installé enfant dans un nationalisme « sincère » et « honnête », né de la
Révolution mais « foncier » puisqu’il prolongeait celui de « l’ancienne France »
et préparait à laver l’outrage et sauver une fois encore « l’âme » nationale.
L’élève Péguy et ses petits camarades avaient dès lors vocation à servir
militairement une patrie révolutionnaire et messianique, celle qui défend le sol
natal, apporte la liberté aux opprimés et prolonge de bataille en bataille « la
République de nos pères »."
1698
à-dire un outil de violence collective injuste ; et nous attaquons particulièrement
l’armée française en ce qu’elle est un instrument de guerre offensive en Algérie,
en Tunisie, en Tonkin, en Soudan et en Madagascar […] justement parce que,
étant internationalistes, nous sommes encore français, parce que dans
l’Internationale nous sommes vraiment la nation française ; il n’y a même que
nous qui soyons bien Français : les nationalistes le sont mal. »."
"Il était quasiment inconnu de son vivant [...] C'est dans dans l'entre-deux
guerres [...] que la gloire de Péguy s'est installé."
"Il s'est passé depuis la fin de la guerre, le déclin, le déclin, de Péguy. Il faut le
constater."
"Sur le plan religieux d'une part, sur le plan militaire d'autre part, renversement
complet de cet homme qui affirme n'avoir jamais eu de contradiction."
"Péguy a le sentiment qu'il a des dons littéraires. Ce qu'il vaudrait faire, c'est
une grande carrière littéraire."
1699
"Il s'estime écrivain, poète. Et il était tendu vers la gloire, ce qu'il désire c'est
une grande gloire littéraire. [...] Il voulait se faire connaître littérairement."
"Sa librairie socialiste, c'est un effondrement. Peut-être parce que Péguy est
imprudent, peut-être parce qu'il ne sait pas gérer les affaires financières."
"A la fin de l'année 99, il décide de lancer une revue qui sera à lui, qu'il
appellera les Cahiers de la Quinzaine. [...] C'est le moment aussi où il va
commencer à se séparer du parti socialiste, la Révolution n'ayant pas eu lieu."
"Ses Cahiers, dont il espérait faire son tremplin vers la gloire, sont un piège, un
espèce de glu dans lequel il est pris. [...] Il a des gens -des instituteurs en
particulier- qui se désabonnent, qui se disent "on s'est abonné à une revue
socialiste, et elle cesse de l'être"." -Henri Guillemin, Charles Péguy I, 11 août
1972.
"Voilà qu'il essaye [en 1910] de se faire présenter à Barrès [qu'il avait traité de
"tartuffe moisi"]. [...] Barrès, qui dans L'Écho de Paris, écrivait l'article de tête,
va faire un admirable article de tête, un véritable article de lancement [...] pour
dire aux Français, aux bons lecteurs de L'Écho de Paris, enfin à tout ce qu'il y a
de correct et de distingué en France: "Y a un jeune poète qui vient de surgir, et
qui s'appelle Charles Péguy." [...] Il ne s'agit pas du tout d'un lancement
littéraire, il s'agit d'un lancement politique."
"Péguy est bien content d'être lancé. Mais en même temps il a en lui une
certaine gêne. Il se rend parfaitement compte que c'est un lancement politique et
que c'est un lancement de transfuge, et ça, ça lui déplaît. Alors, en plein milieu
de cette année 1910 où il était parti pour la gloire, en plein milieu, au mois de
juillet 1910, il va écrire un texte qui s'appelle Notre Jeunesse."
"Alors ça ne va plus. On lui avait promis, Barrès lui avait promis, de le pousser
du côté de l'Académie, de lui faire avoir le Grand Prix de l'Académie française
[...] il ne l'aura pas. [...] Les grandes revues ne parlaient pas de lui, parce qu'il
avait déçu."
"Il essaye d'avoir le Femina ou le Goncourt, il rate naturellement tous les deux."
1700
"Y a une telle amertume en lui qu'il déchire tous le monde. Ses anciens
camarades de l'école normale, il les appelle le parti intellectuel, c'était le mot
même qu'avait employé Brunetière et les anti-dreyfusards pour désigner les
dreyfusards."
"Péguy est un malheureux. Quand on parle de lui, il faut avant tout savoir que
c'est un homme qui n'a pas été heureux. [...] Sa mère lui en avait voulu,
terriblement [...] en 1897, d'avoir changé de carrière."
"Y avait le drame du côté de sa mère, y avait le drame du côté de son foyer, et y
avait le drame permanent des Cahiers. [...] C'est un homme qui a été
endommagé par la souffrance."
"Y s'est passé dans sa vie intérieure, entre 1906 et 1908, deux grands drames
qui ont l'air contradictoires [...] d'une part Péguy va se convertir, d'autre part il
va entrer dans une passion, dans un amour interdit."
"Péguy n'a jamais été un catholique pratiquant. [...] Il va jamais à la messe [...]
c'est pas quelqu'un qui s'est jamais confessé."
"Je voudrais, si vous devez garder le moindre souvenir de mon exposé, ceci,
l'image d'un Péguy au bord du suicide."
« Sans nul doute s’il avait vécu, il aurait été avec nous ! Bien mieux, il l’était
d’avance. » -Charles de Gaulle, à propos de Péguy.
http://academienouvelle.forumactif.org/t6723-andrea-cavazzini-et-jonathan-
soskin-le-temps-apres-leternite-sur-les-notes-de-charles-peguy#7872
https://www.amazon.fr/P%C3%A9guy-Oeuvres-prose-compl%C3%A8tes-
Charles/dp/2070111148/ref=sr_1_9?s=books&ie=UTF8&qid=1515607156&sr=
1-9&keywords=Charles+P%C3%A9guy
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Charles/dp/2070111342/ref=pd_sim_14_1/257-9337952-
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D8T47E6QP0GQKMDK
https://www.amazon.fr/P%C3%A9guy-Oeuvres-prose-compl%C3%A8tes-
Charles/dp/2070112314/ref=pd_sim_14_2/257-9337952-
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D8T47E6QP0GQKMDK
Jérôme et Jean Tharaud : "Des livres tels que Quand Israël est roi ou Quand
Israël n'est plus roi ne laissent aucun doute: leur teneur antisémite fait leur
succès." (p.130)
-Michel Leymarie, La Preuve par deux. Jérôme et Jean Tharaud, Paris, CNRS
Éditions, 2014, 399 pages.
http://academienouvelle.forumactif.org/t5087-michel-leymarie-la-preuve-par-
deux-jerome-et-jean-tharaud#6059
1702
Édouard Vaillant (1840-1915) : « Pour Édouard Vaillant, toute religion était
un fléau ; le manifeste de 1874, intitulé Aux Communeux, que Vaillant cosigna
avec Granger, proclame : « l’homme ne sera jamais libre tant qu’il n’aura pas
chassé Dieu de son intelligence et de sa raison ». » -Jacqueline Lalouette, "De
quelques aspects de l’athéisme en France au XIXe siècle", Cahiers d’histoire.
Revue d’histoire critique [Online], 87 | 2002, Online since 01 April 2005,
connection on 11 February 2021.
URL: http://journals.openedition.org/chrhc/1661; DOI: https://doi.org/10.4000/c
hrhc.1661
http://academienouvelle.forumactif.org/t7564-paul-brousse#8766
Gustave Hervé (1871-1944) : "C'est la France qui engendre aussi bien les
premiers mouvements de masse de droite que ce premier gauchisme que
représentent Hervé ou Lagardelle, gauchisme qui conduira finalement ses
adeptes aux portes du fascisme." (p.XLII)
-Zeev Sternhell, La droite révolutionnaire: 1885-1914. Les origines françaises
du fascisme, Gallimard, folio.histoire, 1997 (1978 pour la première édition
française), 602 pages.
« La vision de l' "Etat syndicaliste" prochain dont Émile Pouget, Émile Pataud,
Gustave Hervé et quelques autres imaginent vers 1910 le bon fonctionnement,
part de l'idée d'autogestion ouvrière pour aboutir à l'unanimité discipliné d'un
syndicalisme totalitaire. » -Marc Angenot, L'Histoire des idées. Problématiques,
objets, concepts, méthodes, enjeux, débats, Presse Universitaires de Liège, coll.
Situations, 2014, 392 pages, p.306.
« Les auteurs qui avaient critiqué Marx lui avaient souvent reproché d'avoir
parlé un langage plein d'images qui ne leur semblait point convenir à une
recherche ayant la prétention d'être scientifique. Ce sont les parties
symboliques, regardées jadis comme ayant une valeur douteuse, qui
représentent, au contraire, la valeur de l'œuvre. Nous savons aujourd'hui, par
l'enseignement de Bergson, que le mouvement s'exprime surtout au moyen
d'images, que les formules mythiques sont celles dans lesquelles s'enveloppe la
pensée fondamentale d'un philosophe, et que la métaphysique ne saurait se
servir du langage qui convient à la science. D'autre part, c'est en recourant à
ces parties longtemps négligées que la nouvelle école a pu arriver à une
intelligence complète du syndicalisme révolutionnaire.
La catastrophe — qui était la grande pierre de scandale pour les socialistes qui
voulaient mettre le marxisme en accord avec la pratique des hommes politiques
de la démocratie — se trouve correspondre parfaitement à la grève générale
qui, pour les syndicalistes révolutionnaires, représente l'avènement du monde
futur. On ne peut pas accuser ceux-ci d'avoir été trompés par la dialectique
hégélienne et, comme ils repoussent la direction des politiciens, même les plus
avancés, ils ne sont pas non plus des imitateurs du blanquisme. Nous sommes
ainsi amenés, par l'observation des faits qui se manifestent dans le prolétariat, à
comprendre la valeur des images employées par Marx, et celles-ci à leur tour
nous permettent de mieux apprécier la portée du mouvement ouvrier.
De même la notion de lutte de classe était demeurée assez vague tant qu'on
n'avait pas eu sous les yeux des organisations ouvrières conçues comme les
concevait Pelloutier, des organisateurs de producteurs qui font leur affaires
eux-mêmes, sans avoir besoin d'avoir recours aux lumières que possèdent les
1707
représentants des idéologies bourgeoises. Dans la brochure que j'ai déjà citée,
Pelloutier exposait ainsi la situation de ses amis : «Proscrits du Parti, parce
que, non moins révolutionnaires que Vaillant et que Guesde, aussi résolument
partisans de la suppression de la propriété individuelle, nous sommes en outre
ce qu'ils ne sont pas, des révoltés de toutes les heures, des hommes sans dieu,
sans maître et sans patrie, les ennemis irréconciliables de tout despotisme,
moral ou matériel, individuel ou collectif, c'est-à-dire des lois et des dictatures,
y compris celle du prolétariat. » Des gens qui sont animés de tels sentiments, ne
peuvent faire autrement que de mettre en pratique, sous la forme rigoureuse, la
doctrine de la lutte de classe.
Les efforts que le gouvernement français, après l'affaire Dreyfus, a faits pour se
concilier les bonnes grâces des hommes les plus marquants du monde ouvrier,
ont beaucoup contribué à éclairer la nature des rapports qui existent entre le
socialisme et la démocratie. Étant donné qu'aujourd'hui la mode est à
l'évolution, il était impossible qu'on ne considérât pas la démocratie comme une
étape entre la société aristocratique de l'Ancien Régime et le socialisme :
nobles, bourgeois, petits bourgeois, ouvriers ; l'échelle descendante des fortunes
devait correspondre à un mouvement vers le gouvernement des plus pauvres.
Marx croyait que le régime démocratique offre cet avantage que l'attention des
ouvriers n'étant plus attiré par des luttes contre la royauté ou l'aristocratie, la
notion de lutte de classe devient alors beaucoup plus facile à entendre.
L'expérience nous apprend, au contraire, que la démocratie peut travailler
efficacement à empêcher le progrès du socialisme, en orientant la pensée
ouvrière vers un trade-unionisme protégé par le gouvernement. Depuis que nous
avons sous les yeux les deux formes opposées de l'organisation syndicale, ce
danger de la démocratie apparaît clairement. »
« Les catholiques font les plus grands efforts pour grouper des ouvriers dans
des syndicats auxquels ils promettent monts et merveilles, dans l'espérance de
faire peur aux politiciens radicaux et de sauver l'Église. L'affaire Dreyfus peut
être comparée fort bien à une révolution politique, et elle aurait eu pour résultat
une complète déformation du socialisme, si l'entrée de beaucoup d'anarchistes
dans les syndicats n'avait, à cette époque, orienté ceux-ci dans la voie du
syndicalisme révolutionnaire et renforcé la nation de lutte de classe. »
La prodigieuse expérience que nous offre l'histoire de l'Église est bien de nature
à encourager ceux qui fondent de grandes espérances sur le syndicalisme
révolutionnaire et qui conseillent aux ouvriers de ne chercher aucune alliance
savamment politique avec les partis bourgeois, — car l'Église a plus profité des
efforts qui tendaient à la séparer du monde que des alliances conclues entre le
pape et les princes. » -Georges Sorel, La Décomposition du marxisme, 1re éd.
Paris, Librairie de Pages libres, 1908.
"Il fera de la lutte des classes, un mythe destiné à exalter l'action prolétarienne
et non pas un combat entre deux objets sociologiques impossible à identifier
précisément dans la réalité économique: la bourgeoisie et le prolétariat. [...]
Contrairement à ce que pensent les "marxistes", avec le temps les classes
sociales ne se réduisent pas à une dichotomie de plus en plus conflictuelle."
(p.18)
1709
« Sorel veut que les ouvriers s'écartent des politiciens, des "déclamateurs"
(Jaurès fait partie du lot), du discours politique en tant que tel qui les détourne
de ce qui doit être leur mission historique: la construction d'un vaste atelier
industriel, constitué par le système des machines d'où surgira une civilisation du
travail, porteuse des authentiques progrès dont sont désormais incapables les
classes fourbues, l'aristocratie évidemment, mais surtout la bourgeoisie
empêtrée désormais dans la défense de ses intérêts les plus mesquins. » (p.29)
-Yves Guchet, préface à Georges Sorel, Les illusions du progrès, L'Age
d'Homme, coll. "Les classiques de la politique", 2007 (1908 pour la première
édition).
« Sorel, petit bourgeois étranger au métier des armes aussi bien qu'à
l'authentique vie ouvrière, rêve d'une violence qui serait aussi peu sanglante que
possible. A la manière de tous les romantiques, il idéalise la violence, il la veut
"sans haine et sans esprit de vengeance", il l'imagine sur le modèle des combats
chevaleresques. Il souhaite conférer aux conflits sociaux "un caractère de pure
lutte, semblable à celui des armées en campagne". » -Raymond Aron, L'Homme
contre les tyrans, Gallimard, 1946. Repris dans Raymond Aron, Penser la
liberté, penser la démocratie, Gallimard, coll. Quarto, 2005, 1815 pages, p.127.
Les intellectuels furent les premiers à saluer les idées de Sorel : ils les rendirent
populaires. Mais la teneur de son idéologie était évidemment anti-intellectuelle.
Elle s'opposait au raisonnement froid et à la réflexion posée. Ce qui comptait
pour Sorel, c'était uniquement l'action, à savoir l'acte de violence pour la
violence. Battez-vous pour un mythe, quoi qu'il puisse vouloir dire, tel était son
conseil. « Quand on se place sur ce terrain des mythes, on est à l'abri de toute
réfutation. ». Quelle merveilleuse philosophie que de détruire pour détruire. Ne
parlez pas, ne raisonnez pas, tuez ! Sorel rejetait « l'effort intellectuel », même
celui des champions littéraires de la révolution. » -Ludwig von Mises, La
Mentalité anti-capitaliste, 1956.
1711
-Zeev Sternhell, Les anti-Lumières. Une tradition du XVIIIème siècle à la
guerre froide. Saint-Amand, Gallimard, coll. Folio histoire, 2010, 945 pages.
"C'est aussi au cours de cette période rouge que Sorel commence à distiller un
antisémitisme d'autant plus curieux chez lui qu'il l'avait dénoncé antérieurement
comme une duperie pour la classe ouvrière et qu'il avait vanté la culture et
l'histoire juives. [...] Il n'était, du reste, pas unique en son genre. En juillet 1906,
Le Mouvement socialiste publie un article de Robert Louzon intitulé "La faillite
du dreyfusisme ou le triomphe du parti juif". Sorel l'approuve, au point, nous dit
Sand, de suggérer à Lagardelle d'adresser l'article à... Drumont." (p.383)
-Michel Winock, Nationalisme, antisémitisme et fascisme en France, Éditions
du Seuil, coll. Points Histoire, 2014, 506 pages.
« Sorel fera paraître, entre mars 1911 et juillet 1913, une revue bimensuelle:
L'Indépendance. Devenue mensuelle un court moment, du 15 mars au 15 juin
1913, L'Indépendance eut 48 numéros. Tout au long de son existence, elle
chercha, en vain, la formule idéale, le format satisfaisant. [...]
En octobre 1912, Barrès, Bourget et Francis Jammes entrent au comité de
rédaction, mais ce remaniement ne suffit pas à donner à la revue du mordant, de
la couleur, ou simplement une quelconque spécificité. [...] L'Indépendance ne
parvient pas véritablement à se démarquer par rapport à L'Action française
hebdomadaire.
On y retrouve en effet les mêmes thèmes: nationalisme, antisémitisme, défense
de la culture, du classicisme, de l'héritage gréco-romain, lutte contre la
Sorbonne et l'enseignement laïque. L'Indépendance lance de longues campagnes
contre Gambetta et la Défense nationale -la République est une créature de
Bismarck, mais elle rend un vibrant hommage à la révolte royaliste dans le
Midi. Mais, malgré la collaboration de Pareto, de Le Bon ou de Claudel, la
revue ne parvient pas à s'affirmer et ne répond pas au besoin qui l'avait fait
naître. » (p.526-527)
« Au cours de trente années de vie intellectuelle, Sorel s’est durant trois ans
(1909-1912) rapproché de l’extrême-droite antiparlementaire. Il s’en est écarté
à la veille de la guerre, pendant laquelle il s’est affirmé pacifiste et même avec
un sens de la provocation inné chez lui, pro-allemand ; il a achevé sa vie (1922)
en défenseur de Lénine et du bolchevisme. Sternhell, qui affirme à tort (p.106)
qu’à partir de la guerre, Sorel garde le silence, déclare que son attitude
ultérieure « ne change rien à l’affaire » (p.168). Cela change au contraire
beaucoup. Car il est impossible, même pendant la période de flirt avec l’Action
française, de faire de Sorel un nationaliste. Il l’est moins que Barrès ou que
Maurras, il l’est moins que Jaurès. Son antiétatisme résolu, qui à lui seul
interdit d’en faire un ancêtre du fascisme, s’accompagne d’un internationalisme
assez exceptionnel dans le mouvement ouvrier français. » -Jacques Julliard, «
1714
Sur un fascisme imaginaire : à propos d'un livre de Zeev Sternhell », Annales,
volume 39, 1984, pp. 849-861, p.855.
"Lorsque Sorel meurt le 27 août 1922, il est clair que, pour l'opinion française,
c'est un partisan de l'intransigeance socialiste qui disparaît. L'Humanité, la Vie
Ouvrière et la Correspondance Internationale (IIIe Internationale) lui rendent
hommage. Robert Louzon, dans la Vie Ouvrière, conclut que l’œuvre de Sorel
est "la justification la plus complète et la plus haute de la révolution" tandis que
Marcel Ollivier, dans la Correspondance, affirme qu'il fut "l'homme qui exerça
la plus grande influence sur la pensée révolutionnaire française, au cours des
cinquante dernières années"." (p.38)
"La légende de Sorel, "père du fascisme" ne peut, dès lors, être nourrie que par
des "témoignages", des "propos" apocryphes, des "citations" indirectes et
suspectes. [...] Les "propos" attribués à Sorel par Variot dans lesquels Sorel
aurait établi le parallèle Mussolini-Lénine sont d'une authenticité
problématique. On sait que Variot, journaliste de médiocre talent, avait
fréquenté Sorel au moment de la puration de l'Indépendance. Son recueil, pour
lequel il demande de "l'indulgence" au lecteur, est constitué de prétendus
comptes rendus de conversations que Sorel l'aurait autorisé à prendre. Le
1715
manque de sérieux du personnage éclate dès la seconde page de sa préface
lorsqu'il situe la mort de Sorel en 1924 (et non en 1922)." (p.42)
https://www.amazon.fr/Notre-ma%C3%AEtre-Sorel-Andreu-
Pierre/dp/B0048EIACO/ref=sr_1_fkmr2_2?ie=UTF8&qid=1489673398&sr=8-
2-
fkmr2&keywords=Pierre+Andreu+Georges+Sorel+entre+le+noir+et+le+rouge
http://www.amazon.fr/%C3%89douard-Berth-socialisme-
h%C3%A9ro%C3%AFque-
Sorel/dp/2867144671/ref=pd_sim_14_3?ie=UTF8&refRID=0AMH9G1X23C6
Q61GVWNW&dpID=51zAOXhJsLL&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR1
12%2C160_
« Les ouvriers ont une patrie plus encore que les bourgeois, qu'on pourrait
considérer, eux, comme étant les vrais ''sans-patrie'' ; car le riche est le vrai
déraciné qui, partout dans le monde, se trouve bien, précisément, grâce à sa
richesse ; tandis que l'homme du peuple, le pauvre, dépaysé, déraciné,
transplanté, livré à la double domination capitaliste et étrangère, est
doublement esclave et malheureux. […] L'homme du peuple est immergé dans
sa patrie bien plus profondément que l'homme des classes riches, dont
l'existence abstraite et transcendantale fait presque naturellement un habitant
1716
de Cosmopolis. » -Edouard Berth , « Satellites de la ploutocratie », Cahiers du
Cercle Proudhon, 3-4 mai-août 1912.
« Il faudrait que le réveil des valeurs héroïques, qui semble se manifester dans
la jeune bourgeoisie, se produisît aussi dans la jeunesse ouvrière : nous
entrerions ainsi dans une nouvelle ère classique, guerrière et révolutionnaire,
où, toute espèce de romantisme étant décidément surmontée, de grandes choses
pourraient de nouveau s'accomplir. Puisse l'intérêt qui semble se réveiller
autour de la mémoire de Proudhon être le signe et le gage de cette Renaissance
! » -Edouard Berth, Les Méfaits des intellectuels, préface, p.15.
"De tous les disciples de Sorel, le plus conséquent sera aussi celui qui ira le plus
loin dans le compagnonnage avec l'Action française: Édouard Berth. Son maître
ouvrage, Les Méfaits des intellectuels, paru en 1914, mais reprenant des
articles donnés, pour la plupart au Mouvement socialiste entre 1905 et 1908,
traduit les influences de Nietzsche, Proudhon et Sorel, mais aussi une pensée
originale, dégagée de tout conformisme, et qui, déjà, rencontre celle de l'Action
française. En 1905, sous le titre "Tradition et Révolution", Berth fait l'éloge de
Maurras: "L'Etat dont Maurras et l'Action française poursuivent la restauration
ne ressemble pas plus à l'Etat démocratique moderne que le chien,
constellation, ne ressemble au chien, animal aboyant". L'Etat maurrassien
présente pour Berth l'avantage d'être concret, à l'opposé de "cette monstrueuse
abstraction bureaucratique, qu'est l'Etat démocratique moderne". Opposition
déjà relevée par Proudhon, dans Du Principe fédératif, et que Berth perpétue en
revendiquant une "grandeur de la patrie française" et un "Etat guerrier",
expressément "non intellectuel". Influence de Proudhon, certes, mais aussi de
Maurras directement, principalement de L'Avenir de l'intelligence,
contemporain de cet article mais paru deux ans auparavant dans la revue
Minerva. Les pages de Berth sur l'avilissement de l'intelligence, sur la
corruption d'un régime où la place des intellectuels est excessive, sont
largement héritées de Maurras, dont on mesure ainsi l'influence sur des milieux
a priori étrangers au royalisme. Berth est donc, dès 1905, tombé sous le charme
du "réalisme" maurrassien qu'il dénomme "rationalisme classique" en
opposition au "rationalisme démocratique". Curieuse pensée que celle de Berth:
1717
elle mêle Maurras à Sorel et Proudhon, mais se réclame aussi de l'intuition
bergsonienne et de Nietzsche. C'est par Nietzsche, d'ailleurs, que Berth veut
concilier Maurras et Sorel, le premier s'attachant davantage au beau, le second
au "sublime", incarnant l'un la tendance apollinienne et l'autre la tendance
dionysiaque qui se sont réunies, une fois, dans la tragédie grecque. Comme
Nietzsche d'ailleurs, Berth considère que l'ennemi est Socrate, "l'initiateur de la
culture théorique et le prototype de nos Intellectuels"[Berth, Les Méfaits des
intellectuels, Marcel Rivière, 1914, 2e édition, 1926, p.83-88), dans une critique
aussi partiale que celle de son grand aîné allemand, et qui marque bien, en
dépit du désir de Berth, tout le fossé qui sépare Maurras d'une pensée non
seulement hostile à l'intellectualisme mais aussi méfiante envers la raison..
Néanmoins, entre nationalistes et syndicalistes, l'accord est bien réel sur la lutte
contre la démocratie, "aussi impuissante à sauvegarder les intérêts supérieurs
de l'Etat qu'à former de vrais producteurs". Ce travail commun, Berth va s'y
atteler sans tarder.
A la Revue critique, Berth livrera deux textes importants: une réponse à
l'enquête sur le protestantisme, d'abord, très proudhonienne et aussi très
maurrassienne dans ce qu'elle condamne, en un seul mouvement, la Réforme et
la Révolution, isolant l'individu "d'une part, en face de l'Absolu et de l'infini,
d'autre part, en face de l'Etat omnipotent". Puis, vient, "le procès de la
démocratie" que Berth dresse dans la revue maurrassienne, en réponse aux
thèses de Georges Guy-Grand dans la Revue de métaphysique et de morale. Au
"sentimentalisme" démocratique, Berth répond qu' "il est impossible de
retrouver le social, en partant de l'individuel". En maurrassien, il distingue
individu et personne: "L'individu n'a jamais été grand, fort, n'a jamais été une
personnalité que par l'effet de forces qui, dépassant l'individu, le haussaient
jusqu'à des réalités". Si la Revue critique publie ce texte en précisant qu'il
n'engage que son auteur, c'est certainement parce que Berth s'y montre
antisocratique et volontiers nietzschéen. Mais l'alliance entre royalistes et
syndicalistes est dès lors fondée dans les faits. Autour du groupe de la Revue
critique, un courant commence à prendre corps, animé par Valois, Gilbert,
Berth et René de Marans, enrichi d'une toute jeune génération maurrassienne,
celle de Henri Lagrange, Octave de Barral et Henry de Bruchard et d'une
nouvelle vague de syndicalistes ou d'anarchistes repentis, Marius Riquier,
Albert Vincent et Joseph Boissier. Quand en 1910, la Revue critique devient de
plus en plus exclusivement littéraire -René de Marans, malade, n'en assume plus
vraiment la direction- cette équipe-là songe à fonder un autre organe,
1718
principalement dédié à la réflexion sociale. Ce sera le cercle Proudhon que ne
fera que perpétuer le travail de la Revue critique." (p.209)
"Sorel est aussi un homme de cénacle, qui a besoin d’un lieu où une sociabilité
vive s’exerce. Or, en 1911, il se trouve isolé de deux groupes très importants
pour lui : le Mouvement socialiste d’Hubert Lagardelle et la boutique des
Cahiers de Péguy. La rupture d’avec le Mouvement socialiste survient en 1908.
1720
Déjà, des articles de Sorel avaient pu dérouter le lectorat syndicaliste de la
revue : des études sur Bergson, un article intitulé « La crise morale et religieuse
» développent des thèmes que l’on retrouvera à l’Indépendance. Mais c’est par
les événements de Villeneuve-Saint-Georges que la scission intervient. Sorel
accuse alors Lagardelle d’être entré dans le jeu politique derrière Jaurès, fût-ce
en s’opposant aux équipes en place. Il quitte la revue à l’automne. Selon nous,
des tensions accrues avec le milieu péguyste ont concouru également à
l’apparent isolement de Sorel. Parmi les premiers abonnés des Cahiers de la
Quinzaine, il est l’un des grands fidèles des jeudis de la boutique de Péguy, où il
occupe une place de maître. Ce milieu intellectuel est important pour
comprendre la naissance et le fonctionnement de l’Indépendance, en raison de
l’attachement particulier de Sorel pour cet endroit, du nombre remarquable de
rédacteurs des Cahiers qui s’associeront à la revue et de la proximité
idéologique entre ces deux organes. C’est en effet dans la boutique des Cahiers
que Sorel et Variot se rencontrent, le premier jeudi d’octobre 1908. Mais Péguy
montre des signes d’agacement devant le magistère de son aîné qui, de son
côté, aurait aimé être publié à nouveau aux Cahiers. Il faut dire qu’entre le
dreyfusard mystique et le philosophe aux tentations iconoclastes et à l’analyse
froide et raisonnée de la religion, un fossé se creuse ; Péguy hésite à publier un
auteur qui, depuis La révolution dreyfusienne, peut choquer le lectorat
dreyfusard et juif des Cahiers ."
"Le premier numéro de la revue paraît ainsi le 1er mars 1911. Le titre exact en
est l’Indépendance. Chronique bimensuelle. Il s’agit d’une revue de format
modeste. Avec 34 pages pour ce premier numéro, c’est une revue maigre. Le
1721
nombre de pages évoluera d’ailleurs peu. La revue annonce donc une parution
bimensuelle, les 1ers et 15 de chaque mois, qui sera en fait souvent perturbée
par des retards et l’édition de numéros doubles, voire triples. De format in
octavo, chaque numéro coûte 0,60 f, prix moyen d’une revue à l’époque, mais
un prix élevé restreignant de facto le public auquel la revue s’adresse."
"Gide est affolé par une revue qui, également éditée chez Marcel Rivière, vient
directement concurrencer à ses yeux la NRF."
"La rupture entre Péguy et Sorel intervient en décembre 1912 des suites de
l’affaire Benda. Rendant Sorel et Variot responsables de l’échec de Julien
Benda au prix Goncourt, et accusant le philosophe de menées contre les
Cahiers, Péguy lui interdit désormais de venir à la boutique le jeudi."
"Variot, jeune écrivain encore peu remarqué, n’a sans doute pas insisté pour
sauver une revue qui ne peut plus lui servir. Il change alors son fusil d’épaule
et, avec l’aide de Barrès qui lui ouvre les portes de l’Écho de Paris, il
abandonne la critique pour la littérature."
« C’est une droite conservatrice que la modernité affole, une droite violente
mais conservatrice, pas révolutionnaire, qui étale ses conceptions dans les
pages d’une revue culturelle. » -Thomas Roman, « L'Indépendance. Une revue
traditionaliste des années 1910 », Mil neuf cent. Revue d'histoire intellectuelle,
2002/1 (n° 20), p. 173-193.
1722
« Avec 48 numéros en moins de trois ans (Mars 1911 – Août 1913),
l’Indépendance, revue de culture fondée par l’écrivain nationaliste Jean Variot
pour Georges Sorel, intéresse néanmoins l’historien des idées et de la « Belle
époque ». Traditionnaliste, la revue témoigne des renaissances nationaliste,
catholique et classique de ces années. Elle pose aussi la question du « cas
Sorel » : ces années montrent, chez l’auteur des Réflexions sur la violence
(1908), un basculement du syndicalisme révolutionnaire, dont il fut l’un des
théoriciens, vers une doctrine au conservatisme pugnace. » (p.61)
1723
sens), tout comme il annonce son échec deux ans plus tard, à nouveau par
l’amalgame qui sera fait entre la nouvelle revue, le philosophe et l’AF. Si Sorel
manifeste un intérêt réel pour la mouvance de Maurras, il pense le faire de loin,
en ne voulant surtout pas être confondu avec elle. Les premiers numéros de la
revue, par les plumes y écrivant, les thèmes abordés et le comité de rédaction
rassemblé témoignent de ce souci d’autonomie. Le projet éditorial cher à Sorel
vise à parler d’art et de culture, avec certes une optique antimoderne mais, Sorel
le précise à de nombreux correspondents, sans traiter de questions sociales ou
politiques. La revue se met ainsi en place entre décembre 1910 et mars 1911,
financée à parts égales par l’éditeur Marcel Rivière (éditeur de Sorel) et Jean
Variot. Le recrutement des plumes et des noms pour le comité de rédaction se
fait auprès des amis des deux hommes, notamment les réseaux artistiques de
Variot. Le premier comité témoigne de l’objectif initial : avec Émile Baumann,
René Benjamin, Paul Jamot, Ernest Laurent, Vincent d’Indy, Émile Moselly et
les frères Tharaud, la revue rassemble des personnalités reconnues du monde des
arts et des lettres, certes plutôt marquées à droite mais sans ostentation, surtout
au regard de ce que deviendra la revue par la suite.
1724
contamination de ce discours prétendument indépendant par les idées de l’AF,
mais aussi de se prémunir de tout amalgame ? » (p.64-65)
Tout tourne ici autour de Jean Variot qui, principal recruteur pour la revue,
démarche certes auprès des milieux artistiques, mais aussi dans les cercles
catholiques et, surtout, nationalistes. Via le jeune lorrain, diverses teintes du
nationalisme français arrivent à l’Indépendance : les militaires, les barrésiens, et,
finalement, des maurrassiens. La revue pourrait cependant être qualifiée de
barrésienne plus aisément que de maurrassienne. Variot, en effet, est proche à la
fois de la famille de Barrès et des milieux barrésiens. Dès janvier 1912, la revue
publie des écrits posthumes de Charles Demange, neveu de Barrès, et Variot est
très proche du fils de ce dernier, Philippe. Barrès lui-même finit d’ailleurs par
entrer au comité de rédaction de la revue. La revue est en outre proche des
Marches de l’Est, revue barrésienne animée par Georges Ducrocq.
1725
Quant aux royalistes, c’est toute une cohorte bigarrée qui arrive dans les
colonnes de la revue, entre les vieux royalistes –Émile Baumann, Elémir
Bourges- et les jeunes maurrassiens, pour la plupart venus du barrésisme : Henri
Clouard donc, secrétaire de la RCIL, Jean Thogorma (pseudonyme d’Edouard
Guerber), Jacques Gouverné, André Fernet, Robert Launay, un jeune historien
nationaliste et royaliste, également collaborateur à la RCIL, René Benjamin ou
encore Jean Longnon, de la RCIL, futur bibliothécaire de l’Institut d’Action
française. […] Variot […] attire à l’Indépendance toute une série de « jeunes
loups » dont Sorel aura par la suite à se plaindre. Ces jeunes critiques et
écrivains subissent en ces années d’avant-guerre l’attraction littéraire, puis
politique, du maurassisme, à partir d’un barrésisme originel. Le schéma est assez
classique et rend compte de nombreuses trajectoires intellectuelles à l’époque.
D’abord fascinés par Barrès, « professeur d’énergie », tous ces jeunes
nationalistes ont ensuite trouvé chez Maurras les directions canalisant cette
fougue. C’est d’ailleurs du bureau de l’Indépendance que ceux-ci (Variot,
Gouverné, Clouard et Thogorma) écrivent à l’époque à Maurras pour le féliciter
de son succès au procès contre Worms, juif attaqué par l’AF. Variot est ainsi
proche des milieux maurassiens. […] Variot sera très proche de Maurras après la
Guerre, avec notamment la Société de Littérature Française qu’il gérera et qui
éditera de nombreux ouvrages de Maurras. Mais cette relation n’est
qu’embryonnaire dans les années 1910. […]
« C’est en libéraux que des hommes comme Sorel, Daniel Halévy, Georges
Platon ou Gustave Le Bon criquent dans les pages de la revue l’ordre en place.
En la matière, ils se distinguent bien de la critique maurrassienne et royaliste du
même régime. Ces hommes sont des bourgeois libéraux, hommes d’élite
1726
attachés au droit et aux libertés fondamentales, mais chez qui l’ordre social et
politique ne saurait être confié ni aux masses, ni à des professionnels de la
politique. Le modèle parlementaire de ces hommes est la Rome patricienne et
sénatoriale, l’Angleterre victorienne ou les Monarchies censitaires du début du
XIXe siècle en France. Mais bien que ce libéralisme conservateur appartienne au
discours social et politique de l’Indépendance, il n’est qu’un son de cloche dans
la polyphonie traditionaliste de la revue. De même que les rédacteurs de
l’Indépendance expriment des nuances distinctes d’un catholicisme tantôt social,
tantôt mystique, de même que diverses conceptions du classicisme artistique et
littéraire s’y rencontrent, on peut affirmer que, sur le plan politique, autour d’un
commun credo antidémocratique et antiparlementaire, plusieurs approches sont
exposées, au point d’apparaître finalement comme inconciliables. Car quand
Sorel et ses amis critiquent l’ordre en place en exprimant le regret d’un ordre
ancien, Variot et les siens évoluent de plus en plus vers l’espoir du retour d’un
autre ordre social et économique, en la personne du roi. » (p.68-69)
1727
Universitaires du Septentrion, coll. Histoires et Civilisations, 2010, 370 pages,
pp.61-72.
Jean Jaurès (1859-1914): « Le drapeau rouge se colorera tous les jours plus
largement d’un reflet pourpre à la vive aurore du socialisme grandissant. »
(Jean Jaurès)
« Vous tenez en vos mains l’intelligence et l’âme des enfants ; vous êtes
responsables de la patrie. Les enfants qui vous sont confiés sont Français et
doivent connaître la France, sa géographie et son histoire: son corps et son
âme. Ils seront citoyens et ils doivent savoir ce qu’est une démocratie libre,
quels droits leur confèrent, quels devoirs leur impose la souveraineté de la
nation. Enfin ils seront hommes, et il faut qu’ils sachent quel est le principe de
notre grandeur: la fierté unie à la tendresse. Il faut qu’ils puissent se
représenter à grands traits l’espèce humaine et qu’ils démêlent les éléments
principaux de cette œuvre extraordinaire qui s’appelle la civilisation. Il faut leur
montrer la grandeur de la pensée ; il faut leur enseigner le respect et le culte de
l’âme en éveillant en eux le sentiment de l’infini qui est notre joie, et aussi notre
force. » -Jean Jaurès, « Lettre aux instituteurs et aux institutrices », La dépêche
de Toulouse (1888).
"Le socialisme est beaucoup plus éloigné de la production du Moyen Âge que de
la production capitaliste moderne : celle-ci est une étape nécessaire vers le
socialisme, et en abolissant tout ce qui restait de l’économie du Moyen Âge, la
Révolution a rapproché l’avènement du socialisme. Il n’est réalisable que par le
développement de la grande industrie et du grand commerce par la
concentration préalable des moyens de production et d’échange. Une société où
1728
seraient juxtaposés le régime capitaliste des manufactures et le régime des
corporations du Moyen Âge, de la petite production réglementée et privilégiée
serait beaucoup plus réfractaire au collectivisme que la société homogène créée
par la Révolution et où la puissance du Capital se déploie sans obstacle. Il n’y a
aucun rapport entre l’ancienne corporation et l’organisation socialiste."
"Cette idée du progrès illimité, non point banale et bourgeoise, mais grandiose
et humaine puisque l’exaltation de sa puissance intérieure de pensée, est au
XVIIIe siècle l’atmosphère même des esprits. Or comment espérer, comment
affirmer le progrès illimité de l’homme sans affirmer, sans espérer le progrès
illimité de tous les hommes ? Si l’humanité peut vaincre la nature par la science
et la raison, elle doit avant tout vaincre ce qu’il y a en elle-même de nature
rebelle et mauvaise, c’est-à-dire l’ignorance et la misère. Associer tous les
hommes à la grandeur de l’humanité est le premier vœu et la plus belle victoire
de la science. Tout homme a en lui la raison, et la raison, dirigée par une
méthode exacte, peut en tout homme aboutir au vrai. L’éducation universelle
sera donc une des plus grandes tâches de la science, et la science qui perce la
nature comme un trait de feu devra se réfléchir en tous les esprits. Mais il est un
1729
excès de misère qui supprime dans l’homme le sentiment de la raison et le
besoin de la vérité. Qui dit misère dit ignorance, et pis que cela, fatalité, éternité
de l’ignorance. Guerre à l’ignorance signifiera donc aussi : guerre à la misère."
« Qu'est-ce encore que ces Juifs, étroitement alliés entre eux, qui sont séparés
des autres hommes comme d'ennemis et qui s'en écartent effectivement par le
sang, la religion, la profession lucrative, qui accaparent toutes les affaires,
toutes les richesses, qui courbent tous les hommes libres sous le joug de l'argent
? » -Jean Jaurès, Les origines du socialisme allemand, traduction par Adrien
Veber de la thèse latine, in Revue Socialiste (de Benoît Malon), 1892.
[…] Il y a dans l’histoire humaine non seulement une évolution nécessaire, mais
une direction intelligible et un sens idéal. Donc, tout le long des siècles,
l’homme n’a pu aspirer à la justice qu’en aspirant à un ordre social moins
contradictoire à l’homme que l’ordre présent, et préparé par cet ordre présent,
et ainsi l’évolution des formes économiques, mais en même temps, à travers tous
ces arrangements successifs, l’humanité se cherche et s’affirme elle-même, et
quelle que soit la diversité des milieux, des temps, des revendications
économiques, c’est un même souffle de plainte et d’espérance qui sort de la
bouche de l’esclave, du serf et du prolétaire ; c’est ce souffle immortel
d’humanité qui est l’âme de ce qu’on appelle le droit. Il ne faut donc pas
opposer la conception matérialiste et la conception idéaliste de l’histoire. Elles
se confondent en un développement unique et insoluble, parce que si on ne peut
abstraire l’homme des rapports économiques, on ne peut abstraire les rapports
économiques de l’homme et l’histoire, en même temps qu’elle est un phénomène
qui se déroule selon une loi mécanique, est une aspiration qui se réalise selon
une loi idéale. » -Jean Jaurès, Idéalisme et matérialisme dans la conception de
l’histoire, décembre 1894.
1731
« Mais ce qu’il faut sauvegarder avant tout, ce qui est le bien inestimable
conquis par l’homme à travers tous les préjugés, toutes les souffrances et tous
les combats, c’est cette idée qu’il n’y a pas de vérité sacrée, c’est-à-dire
interdite à la pleine investigation de l’homme ; c’est cette idée que ce qu’il y a
de plus grand dans le monde, c’est la liberté souveraine de l’esprit ; c’est cette
idée qu’aucune puissance ou intérieure ou extérieure, aucun pouvoir et aucun
dogme ne doit limiter le perpétuel effort et la perpétuelle recherche de la raison
humaine ; cette idée que l’humanité dans l’univers est une grande commission
d’enquête dont aucune intervention gouvernementale, aucune intrigue céleste ou
terrestre ne doit jamais restreindre ou fausser les opérations ; cette idée que
toute vérité qui ne vient pas de nous est un mensonge ; que, jusque dans les
adhésions que nous donnons, notre sens critique doit rester toujours en éveil et
qu’une révolte secrète doit se mêler à toutes nos affirmations et à toutes nos
pensées ; que si l’idée même de Dieu prenait une forme palpable, si Dieu lui-
même se dressait, visible, sur les multitudes, le premier devoir de l’homme
serait de refuser l’obéissance et de le traiter comme l’égal avec qui l’on discute,
mais non comme le maître que l’on subit. » -Jaurès à la Chambre des députés, en
janvier 1895.
« Dans les villes, ce qui exaspère le gros de la population française contre les
Juifs, c’est que, par l’usure, par l’infatiguable activité commerciale et par
l’abus des influences politiques, ils accaparent peu à peu la fortune, le
commerce, les emplois lucratifs, les fonctions administratives, la puissance. […]
En France, l’influence politique des Juifs est énorme, mais elle est, si je puis
dire, indirecte. Elle ne s’exerce pas par la puissance du nombre, mais par la
puissance de l’argent. Ils tiennent une grande partie de la presse, les grandes
institutions financières, et, quand ils n’ont pu agir sur les électeurs, ils agissent
sur les élus. Ici, ils ont, en plus d’un point, la double force de l’argent et du
nombre. » -Jean Jaurès, « La question juive en Algérie », La Dépêche, 1er mai
1895.
1733
jusqu’au soulèvement final, jusqu’à la résurrection révolutionnaire de
l’humanité, il porte, comme une croix toujours plus pesante, la loi essentielle
d’oppression et de dépression du capitalisme.
Les uns ouvertement, les autres avec des précautions infinies, quelques-uns avec
une malicieuse bonhomie viennoise, tous déclarent qu’il est faux que dans
l’ensemble la condition économique matérielle des prolétaires aille en empirant.
Des tendances de dépression et des tendances de relèvement, ce ne sont pas au
total, et dans la réalité immédiate de la vie, les tendances dépressives qui
l’emportent.
Dès lors il n’est plus permis de répéter après Marx et Engels que le système
capitaliste périra parce qu’il n’assure même pas à ceux qu’il exploite le
minimum nécessaire à la vie. Dès lors encore, il devient puéril d’attendre qu’un
cataclysme économique menaçant le prolétariat dans sa vie même provoque,
sous la révolte de l’instinct vital, « l’effondrement violent de la bourgeoisie ».
Ainsi, les deux hypothèses, l’une historique, l’autre économique, d’où devait
sortir, dans la pensée du Manifeste communiste, la soudaine Révolution
prolétarienne, la Révolution de dictature ouvrière, sont également ruinées. »
« Ce qui est nouveau, c’est que cette propriété collective d’État qui s’appelle
l’impôt ait pris une si énorme extension dans une société qui a inscrit dans ses
1734
codes le droit souverain de la propriété individuelle. Ce qui est nouveau, c’est
que la société bourgeoise et bourgeoisement individualiste ait été conduite, pour
assurer son propre fonctionnement, à créer cette propriété d’État, qui
représente un cinquième de l’activité nationale, et qui, malgré sa destination
première de classe, est, au moins par sa forme collective, en opposition avec la
forme individuelle de la propriété. » -Jean Jaurès, « LA PROPRIÉTÉ
INDIVIDUELLE ET L'IMPÔT », Études socialistes, Cahiers de la Quinzaine,
1901, 270 pages, p.185.
« Le patronat n’a pas besoin, lui, pour exercer une action violente, de gestes
désordonnés et de paroles tumultueuses ! Quelques hommes se rassemblent, à
huis clos, dans la sécurité, dans l’intimité d’un conseil d’administration, et à
quelques-uns, sans violence, sans gestes désordonnés, sans éclat de voix, comme
des diplomates causant autour du tapis vert, ils décident que le salaire
raisonnable sera refusé aux ouvriers ; ils décident que les ouvriers qui
continueront la lutte seront exclus, seront chassés, seront désignés par des
marques imperceptibles, mais connues des autres patrons, à l’universelle
vindicte patronale. Cela ne fait pas de bruit. » -Jean Jaurès, devant l'Assemblée
nationale, le 19 juin 1906.
« Dans les villes, ce qui exaspère le gros de la population française contre les
Juifs, c'est que, par l'usure, par l'infatigable activité commerciale et par l'abus
des influences politiques, ils accaparent peu à peu la fortune, le commerce, les
emplois lucratifs, les fonctions administratives, la puissance publique. En
France, l'influence politique des Juifs est énorme, mais elle est, si je puis dire,
indirecte. Elle ne s'exerce que par la puissance de l'argent. Ils tiennent une
grand partie de la presse, les grandes institutions financières, et, quand ils n'ont
pu agir sur les électeurs, ils agissent sur les élus. Ici, ils ont, en plus d'un point,
la double force de l'argent et du nombre. » -Jean Jaurès, La question juive en
Algérie.
« Nous savons bien que la race juive [...] manie avec une particulière habileté le
mécanisme capitaliste de rapine, de mensonge, de corset, d'extorsion. » -Jean
Jaurès.
« Le courage dans le désordre infini de la vie qui nous sollicite de toutes parts,
c’est de choisir un métier et de le bien faire, quel qu’il soit ; c’est de ne pas se
rebuter du détail minutieux ou monotone ; c’est de devenir, autant que l’on peut,
1735
un technicien accompli ; c’est d’accepter et de comprendre cette loi de la
spécialisation du travail qui est la condition de l’action utile, et cependant de
ménager à son regard, à son esprit, quelques échappées vers le vaste monde et
des perspectives plus étendues. »
Tous ces Jaurès confondus n’en font qu’un : l’homme du progrès, l’homme de
l’idée, le Défenseur du prolétariat, l’Apôtre. Et par-dessus tout, le Tribun. Il
était l’homme de la foule ! Il lui fallait les vastes salles houleuses, où se pressent
les multitudes enthousiastes. C’était là que son génie prenait son libre essor.
Ceux qui ne l’ont pas entendu sont bien à plaindre. Ils n’entendront jamais rien
de semblable. Ils ne sentiront jamais ce que c’est que l’Éloquence — mieux le
Verbe fait Homme ! »
— Non, pas ça ! gronda-t-il. Pas dans le sang, pas dans les tueries.
1736
Il aurait préféré ne jamais voir surgir la révolution que de la payer du prix des
massacres. » -Victor Méric, À travers la jungle politique et littéraire, Librairie
Valois, 1931, 2e série, pp. 144-164.
« On cite souvent Lucien Herr comme étant celui qui a dirigé Jaurès vers le
socialisme mais on oublie le dialogue constant entre Durkheim et Jaurès. »
« Lorsque le chef socialiste est assassiné, un bruit court selon lequel l'auteur du
crime serait un Camelot du Roi. L'AF publie aussitôt un démenti par les agences
de presse. Maurras qualifie cette action d' "indigne et sotte". L'assassin, Raoul
1737
Villain, était membre du Sillon, mais avant tout, déséquilibré. [...] La rumeur
aura néanmoins fait long feu, agitée, selon Maurras, par des adversaires
soucieux de ne pas voir le mouvement royaliste mordre sur la force ouvrière.
"Nous nous sommes inclinés hier devant la dépouille sanglante de M. Jean
Jaurès, et nous avons immédiatement exprimé la réprobation que nous inspirait
cet attentat deux fois criminel, puisqu'il est stupide. L'incomparable honneur qui
vient d'être accordé à M. Jean Jaurès de tomber en signe de sa foi et de sa
doctrine affranchit sa personne des jugements d'ordre moral sur sa politique et
sur son action. Seules ses idées restent exposées au débat qui ne peut mourir"
[Maurras, "La vie et la mort de M. Jean Jaurès, AF, 2 août 1914]. » -Stéphane
Giocanti, Maurras : le chaos et l'ordre, Paris, Flammarion, coll. Grandes
biographies, 2008 (2006 pour la première édition), 568 pages, p.255-256.
"Jaurès n’est pas des socialistes qui regardent les officiers avec défiance, et
redoutent une prise de pouvoir par les militaires. Ses prises de position lui
valurent l’accusation d’être au service de la guerre dans l’hebdomadaire
guesdiste, Le Socialisme, et de l’Allemagne par la droite nationaliste. Pour lui,
l’armée française est l’héritière d’une tradition de loyalisme. Jaurès n’est pas
un antimilitariste. Contrairement à certains de ses amis socialistes, il ne nourrit
pas de préjugés à l’encontre des hommes en uniforme. En revanche, il sait le
dur métier des armes et admire ceux qui l’exercent. Mais cette sympathie
l’incite à un examen objectif, sans complaisance, de l’armée. C’est après une
enquête minutieuse qu’il prend la défense de Dreyfus, compare l’état-major à
une « forgerie du faux » et dénonce la couverture par l’autorité politique de ces
pratiques.
"Jaurès écrit une histoire qu’il date depuis la Grèce antique pour montrer que
la patrie n’est pas un concept bourgeois ou foncier, mais l’un des éléments de
l’identité, « un fonds d’impressions communes formé, dans la familiarité des
jours, au fond de toutes les consciences. » [J. Jaurès, L’Armée nouvelle,
Collection Acteurs de l’Histoire dirigée par Georges Duby, Paris, Imprimerie
nationale, 1982, présentée par J.-N. Jeanneney, 2 volumes, 599 pages, vol. 2, p.
482]. Il est étranger à l’antipatriotisme de la CGT. Socialiste et
internationaliste, Jaurès ne gomme pas le fait national, mais paradoxalement,
lui donne un rôle dans l’avènement de la paix. Soucieux du lien entre l’armée et
1738
la société, il rejette une armée de techniciens et lui préfère le modèle d’une
armée de citoyens."
"Jaurès est, de fait, l’un des meilleurs témoins de ces tiraillements, de ces
disputes personnelles et/ou théoriques, de ces espoirs comme de ces
désillusions, qui fondent la nouvelle expérience que constitue pour les militants
la vie à l’intérieur d’un parti. Beaucoup d’articles insistent sur cet aspect, qui a
en outre le mérite de rendre moins monolithique et moins lisse la figure du
député de Carmaux. Homme du XIXe siècle, il doit affronter une série de
nouveaux problèmes, allant de l’attitude à adopter face au flash des
photographes à la question de la consommation. Fidèle du socialisme comme
espérance suprême, il apparaît aussi comme un stratège pragmatique, parfois
brutal, au cours des congrès qui deviennent l’un des nouveaux supports de son
charisme. Entre attachement à l’héritage républicain et au socialisme d’avant
l’unité et adaptation aux nouvelles conditions de la vie partisane, s’esquisse en
tous les cas, à partir de 1905, un Jaurès différent de celui de 1898 par exemple.
Ce Jaurès là conserve simultanément des traits permanents. C’est le cas
notamment de la conception large qu’il se fait du parti et qu’il exprime déjà en
1900 : « Pour moi, il ne me déplaît pas que dans son mouvement, dans son
développement, le parti socialiste et le prolétariat organisé coupent, rencontrent
1739
toutes les grandes causes […]. Je veux, nous voulons que le parti socialiste soit
le lieu géométrique de toutes les grandes choses, de toutes les grandes idées, et
par là, nous ne désertons pas le combat pour la révolution sociale, nous nous
armons au contraire de force, de dignité pour hâter cette heure révolutionnaire."
-Marion Fontaine, « La formation du parti socialiste unifié 1905-1914
», Cahiers Jaurès, 2008/1 (N° 187-188), p. 5-13. DOI : 10.3917/cj.187.0005.
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1-9&keywords=Jaur%C3%A8s+philosophe
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politiques/dp/2859271082/ref=sr_1_8?s=books&ie=UTF8&qid=1476775234&s
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Jules Guesde (1845-1922): « Il y a six ans, la classe ouvrière qui n’était pas
encore remise de l’épouvantable saignée de 1871, avait abandonné la tradition
révolutionnaire en n’attendait plus son affranchissement que des associations
coopératives généralisées. Les mots parti ouvrier et collectivisme, aujourd’hui
passés dans notre langue politique, étaient, peut-on dire, inconnus ; les idées
qu’ils représentent ne comptaient plus en France que de rares partisans, sans
lien, sans possibilité d’action commune.
1740
C’est le journal L’Egalité, fondé, à la fin de 1877, sur l’initiative de Jules
Guesde et dirigé par lui, qui a seul donné l’impulsion au mouvement socialiste
révolutionnaire actuel. »
1741
sont, par conséquent, plus aptes que ces derniers à créer rapidement une
situation révolutionnaire. »
« Dans les sociétés humaines, les combattants pour la vie sont dans des
conditions d’inégalité étrangères à leur nature, les uns reçoivent une instruction
dont les autres sont privés, les uns profitent des capitaux dont les autres sont
dépourvus. Dès lors, le résultat de la lutte n’indique pas celui qui est réellement
le meilleur, mais celui qui est socialement le mieux armé. »
« Pour offrir un dérivatif aux passions populaires menaçantes, les Napoléon III,
les Bismarck et les Alexandre de Russie ont songé à substituer les guerres de
races aux luttes nationales intérieures. Ces diversions qui peuvent avoir pour
leurs auteurs une utilité momentanée, sont désormais impuissantes à ressusciter
le chauvinisme, à donner l’étranger comme aliment aux haines intestines
détournées de leur but.
« A quantité et qualité égales, le travail de la femme est moins rétribué que celui
de l’homme. Donc, qu’elle soit ou non sous la dépendance patronale, elle
n’échappe pas à la dépendance masculine et est, de toutes façons, contrainte à
chercher dans son sexe, transformé d’une manière plus ou moins apparente en
marchandise, le supplément à des ressources insuffisantes.
1742
Si elle a été longtemps placée par sa nature même dans une situation inférieure,
à cette heure existent les conditions qui lui ouvrent les divers genres d’activité.
Le développement de l’industrie mécanique a élargi la sphère étroite dans
laquelle la femme était confinée. Il l’a débarrassée des anciennes fonctions
ménagères et, en supprimant l’effort musculaire, l’a rendue apte aux emplois
industriels. Aussi, déjà arrachée au foyer domestique et jetée dans la fabrique,
devenue l’égale de l’homme devant la production, il ne lui reste plus qu’à
s’émanciper en tant qu’ouvrière, pour être socialement son égale en tous
ordres, pour être maîtresse d’elle-même.
1743
« Au tournant du XIXème siècle, dans la propagande socialiste, le mandat
"historique" de préparer la Révolution qui anéantira le capitalisme et le pouvoir
de la bourgeoisie glisse des mains de la passive et "veule" masse prolétarienne
pour devenir la mission du seul Parti et de ses militants. C'est ici une évolution
décisive de l'histoire idéologique moderne. Les "masses", finit-on par constater,
ne répondent pas, en leur majorité, à l'Appel de l'histoire. Elles demeurent
assoupies dans une "torpeur" résignée. La conscience leur fait défaut et aussi,
ajoute-t-on, la "virilité"[Le Parti ouvrier, 5 février 1889, p.1]. En vain, on les
tance, on les secoue: "Voyons, peuple d'exploités, masse d'esclaves du Capital,
ouvriras-tu les yeux ?" [L'Affamé, anarchiste, 13 juillet 1884, p.1]. La
propagande continue machinalement à rêver à "une classe ouvrière qui marche
unie, compacte vers son émancipation politique et sociale" [Le Prolétariat, 1
mars 1890, p.1], mais seule la minorité organisée, finalement, lui apparaît
porteuse de la conscience historique et prête à "jouer son rôle". Ce sont les
seuls prolétaires "conscients et organisés" (épithètes homériques favorites de
Jules Guesde), c'est-à-dire les membres du Parti qui sont alors appelés à jouer
le rôle d' "accoucheurs du grand renouveau social" et il convient de leur faire
sentir leur supériorité sur ces "masses amorphes" pour lesquelles ils se
dévouent sans compter [Frédéric Stackelberg, Vers la société communiste, Nice,
Au droit du peuple, 1909, p.15]. La propagande socialiste passe ainsi de la
dévolution du grand rôle historique au "parti de classe" [Almanach du Parti
ouvrier 1892, p.17]. Tout ceci, qui est abondamment attesté en France vers
1900, fait plus que préfigurer le léninisme qui n'est que la version russe de cette
évolution significative du discours de l'Internationale au tournant du siècle.
Bientôt, assure-t-on du côté des guesdistes français, "le Parti Socialiste [le
parti, pas la classe !] aura accompli la mission historique qui lui est assignée
dans la grande transformation sociale qui s'impose au monde entier"
[Ghesquière, La Défense, Troyes, 18 janvier 1907, p.1]. » (p.231)
« Marx et Engels (Paul Lafargue est aussi présent ce soir de mai 1880 à
Londres) amendent et cautionnent au cours d'une soirée "historique" le
Programme minimum du Parti Ouvrier en gestation dont Jules Guesde leur a
soumis le brouillon. Marx semblait plutôt content de ses corrections. » (note 1
p.250)
https://www.amazon.fr/Jules-Guesde-Lanti-Jaur%C3%A8s-Jean-Numa-
Ducange/dp/2200274718/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1509312624&sr
=1-1&keywords=Jean-Numa+Ducange%2C+Jules+Guesde+%3A+l%27anti-
Jaur%C3%A8s+%3F
https://www.amazon.fr/Jules-Guesde-lap%C3%B4tre-Claude-
Willard/dp/2708228897/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1476035110&sr=
1-1&keywords=Jules+Guesde%2C+l%27ap%C3%B4tre+et+la+loi
https://www.amazon.fr/Mouvement-Socialiste-France-1893-1905-
Guesdistes/dp/B007BP2686/ref=sr_1_2?s=books&ie=UTF8&qid=1476035204
&sr=1-2&keywords=Le+mouvement+socialiste+en+France+%281893-
1905%29+les+guesdistes
1745
souffrir, ton devoir est de t’abstenir et d’attendre : je te le dis avec toute ma
conscience, avec la certitude que j’agis bien en te parlant ainsi. Nous avons plus
d’une fois fait passer la cause publique avant l’injure personnelle. Il faut encore
en avoir le courage et la patience cette fois. Il n’y a là ni hypocrisie ni
jésuitisme. Nous savons l’un et l’autre qu’il n’est pas possible d’être pleinement
conséquent si l’on veut ne pas être tout à fait isolé et participer à l’action
commune » [Lettre de Lucien Herr à Charles Andler, 10 septembre 1913, ibid.
p. 156]. » -Charlot Patrick, « Péguy contre Jaurès. L'affaire des « fiches » et la
« délation aux droits de l'homme » », Revue Française d'Histoire des Idées
Politiques, 2003/1 (N° 17), p. 73-91.
http://www.amazon.fr/Vie-Lucien-Herr-1864-
1926/dp/2707109010/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1459844823&sr=1-
1&keywords=Charles+Andler%2C+Vie+de+Lucien+Herr
http://www.amazon.fr/Correspondance-Charles-Andler-Lucien-1891-
1926/dp/2728801800/ref=sr_1_5?s=books&ie=UTF8&qid=1459844926&sr=1-
5&keywords=Charles+Andler
1746
Charles Andler (1866-1933) : « Mon socialisme était fait surtout de la lecture
de Fichte et de Proudhon. J’ai lu Lassalle, Bebel, Liebknecht avant de lire Marx
en 1889. » -Charles Andler, La Vie de Lucien Herr, Paris, Rieder, 1932, p. 90.
« Deux autres maisons, de taille nettement plus modeste, mais très militantes,
entrent en scène. La première est la Société Nouvelle de Librairie et d’Édition
(SNLE). Elle prend la suite, en été 1899, de la Librairie Bellais, fondée par
Charles Péguy l’année précédente43. Celle-ci a été un solide bastion du
dreyfusisme, mais – mal gérée économiquement – elle a dû être renflouée et
réorganisée par Lucien Herr, Charles Andler et leurs amis du Groupe de
l’Unité socialiste d’inspiration jaurésienne. La SNLE publie des ouvrages
d’histoire et de sciences sociales, dont la revue Notes critiques à laquelle
collaborent des durkheimiens. Mais elle ne cache pas non plus ses engagements
politiques. Elle crée une « Bibliothèque socialiste », où voisinent le Proudhon
d’Hubert Bourgin et Les Congrès ouvriers et socialistes français de Léon Blum.
De plus, elle édite Le Mouvement socialiste, la revue fondée en janvier 1899 par
Hubert Lagardelle, qui vise elle aussi à favoriser le rapprochement des
socialistes. Les réseaux qui se retrouvent autour de la SNLE se distinguent donc
de celui qu’anime Hamon chez Schleicher. Mais tous s’accordent pour penser
que, en cette période de réévaluation du marxisme, les guesdistes n’ont aucun
droit de propriété intellectuelle sur les écrits de Marx et d’Engels.
« Fait ironique, après avoir été la « bête noire » des nationalistes français en
1908, Andler deviendra, en 1912-1913, celle du Parti socialiste pour avoir
1747
déclaré publiquement sa méfiance à l’égard de la social-démocratie
allemande. »
« Andler, minimisant les aspects les plus irrationnels de Nietzsche, n'hésite pas
à en faire une figure centrale de ce qu'il appelle l' "intellectualisme". » -Louis
Pinto, Les Neveux de Zarathoustra. La réception de Nietzsche en France, Paris,
Éditions du Seuil, 1995, 207 pages, p.57.
"Quand la SFIO est créée, Andler n’y milite guère. Dans L’Humanité du 14 mai
1905, Andler regrette amèrement le silence de la France dans l’hommage
universel rendu au grand poète Schiller, mort le 9 mai 1805, à l’homme que
notre Législative avait fait citoyen d’honneur: « Schiller, est le premier qui ait
eu conscience que le poète est au service du peuple. ». Moins que quiconque,
Charles Andler, pouvait être suspecté de chauvinisme. En 1908, à la tête d’une
trentaine d’étudiants, il effectua un voyage en Allemagne qui lui attira, à son
retour l’hostilité bruyante de la jeunesse d’Action française du Quartier latin. Il
y retournera en 1911. Mais il jugea la social-démocratie contaminée par le
pangermanisme. Malgré la célèbre brouille entre Herr et Péguy, Andler ne
rompra jamais totalement avec Péguy. Les chemins des deux Charles se
croiseront une dernière fois à la veille du grand cataclysme de 1914. A
l’automne de 1912, Charles Andler qui suit de très près les affaires internes du
socialisme allemand, s’inquiète de la confiance aveugle que Jaurès fait à la
volonté de paix du SPD. Il constate avec angoisse la montée en son sein de
tendances militaristes, colonialistes, pangermanistes. Il veut pousser un cri
d’alarme dans la presse de la SFIO, mais Jaurès refuse. Il le fera en novembre
1749
et décembre 1912 dans L’Action nationale, où il fustige les positions des chefs
du SPD, notamment Gerhard Hilebrand, Max Schippel, Ludwig Kessel et Karl
Luthner, et où surtout il relève les paroles qu’aurait prononcées Auguste Bebel,
au congrès social-démocrate d’Iéna : « la question du désarmement ne nous
séparera plus à l’avenir. Le mot d’ordre n’est pas de désarmer, mais
d’augmenter les armements. ». Après un long silence, Jaurès répliqua avec
violence dans L’Humanité du 4 mars 1913 [...]
Même son vieil ami Lucien Herr lui oppose aussi la raison du parti, qu’il avait
déjà objectée à Péguy en 1899-1900. Andler est alors attaqué par la quasi-
totalité des socialistes français. Seul Péguy va se projeter dans le débat, afin de
soutenir son ami et son maître avec le talent." (p.250-251)
-Philippe Bedouret. BARRES, MAURRAS et PEGUY face au germanisme (1870-
1914). Histoire. ECOLE PRATIQUE DES HAUTES ETUDES, 2005. Français.
<tel-01511730>.
« Jaurès ne permit pas que l’on doutât de ces rêveries. Siégeant sur son pis
Sibyllin, Jaurès excommunia Andler. Cette cérémonie absurde n’aurait dû agir
qu’à l’intérieur du parti socialiste unifié. Tout le pays légal de la République se
leva pour en applaudir Jean Jaurès. [...] C’est bien en vain que les derniers
Cahiers de Péguy donnant tort à Jaurès et raison à Andler, la réponse était toute
faite: Andler est fou. Il noircit l’Allemagne. » -Charles Maurras, Pour un jeune
Français, Paris, Amiot-Dumont, 1949, p. 85-86.
"Andler n'a jamais écrit de livre sur le marxisme. Sa critique est éparpillée dans
plusieurs préfaces, articles ou commentaires. [...] On trouvera des informations
précieuses concernant l'élaboration du travail d'Andler dans les lettres de Sorel
à Croce publiées par La Critica." (note 8 p.87)
1750
"L'histoire du marxisme se trouve donc à l'intersection de deux histoires, celle
des intellectuels et celle du socialisme. Et l'on ne s'étonnera pas d'y trouver
souvent comme principaux protagonistes, des marginaux, intellectuels situés aux
lisières du monde académique et du monde militant." (p.87)
"En 1891, Andler s'était rendu à Londres. Il y avait rencontré Engels à qui il
s'était présenté comme "un débutant dans la littérature et dans le socialisme".
Cette visite avait pour but d'enrichir son information en vue d'un livre sur les
origines philosophiques du socialisme allemand. Il y prévoyait un chapitre sur
Marx. Cet ouvrage ne verra pas le jour mais de ce séjour, Andler rapporta sans
doute une forte impression qui imprégna par la suite toute sa vision du
socialisme allemand et du "marxisme orthodoxe". Il avait lu les deux premiers
volumes du Capital dès 1889 mais, de son propre aveu, il se sentait alors plus
proche des anarchistes qu'il fréquentait par l'intermédiaire de son ami Bernard-
Lazare, que des marxistes. Au cours de son voyage à Londres, il avait également
rencontré Sidney Webb, Béatrice Potter et Graham Wallas qui avaient suscité
chez lui "la plus vive admiration". Son adhésion, enfin, au parti possibiliste de
Paul Brousse, puis son ralliement au P.O.S.R. de Jean Allemane confirment la
méfiance qu'il éprouvait à l'encontre du marxisme français. La "scandaleuse
insuffisance scientifique d'un Paul Lafargue" l'indignait. [...]
Andler n'aura de cesse de dénoncer le caractère ecclésial du marxisme allemand,
dogme figé que l'on n'enrichissait plus de nouvelles études et qui n'attendait plus
que la réalisation de la prédiction d'Engels [...]
"En un sens, le Kapital de K. Marx [...] a été fatal au socialisme allemand par sa
grandeur même. En dehors de la pensée marxiste, personne n'ose plus penser, on
n'ose même plus interpréter cette pensée du maître. On s'en va chez F. Engels
s'informer timidement des passages obscurs. [...] Marx n'a rien dit sur la société
1751
future, donc on n'en dira rien, on aurait peur si l'on pensait par soi-même,
d'endommager la pensée du maître"." (pp.89-90)
"A partir de 1895 et jusque vers 1902-1903, Andler se livra à une offensive
critique contre les bases théoriques du marxisme. C'est une période où
fleurissaient en France les premières revues marxistes, l'Ere nouvelle, le
Devenir social, le Mouvement socialiste dans lesquelles Andler n'écrivit point.
Leur caractère militant le rebutait. C'est une époque aussi où le marxisme, selon
l'expression consacrée par Masaryk, connaît sa première crise dans plusieurs
pays européens." (p.91)
"Ce fut l'année suivante, en 1896, qu'Andler débuta un cours sur Marx, au
Collège libre des sciences sociales [où il ne fut que professeur]. [...] Sorel sut
mettre à profit le titre de ce cours qui s'étendit sur deux années en publiquant la
Décomposition du marxisme." (p.92)
"Dans le même temps qu'il enseignait au Collège libre, Andler achevait une
thèse soutenue en 1897. Elle portait sur les origines du socialisme d'Etat en
Allemagne. Marx y est peu présent.
[P.418] "Ils disent que des industries diverses sont inégalement productives pour
un même travail. Mais mesurant toutes choses par le travail, ils n'ont pas le droit
de dire cela, et le même travail doit engendrer nécessairement, dans leur théorie,
des valeurs égales. Pourtant ils constatent avec raison que le produit d'un travail
également grand en diverses industries ne serait échangeable contre une somme
égale des produits de toutes les industries. Il ne vaut pas de même. Et voilà leur
dogme en ruines devant le simple fait de cette différence. Mais ce qui peut faire
cette différence, puisque ce n'est pas le travail, c'est uniquement que des produits
divers sont inégalement désirés." [...]
Andler précisait ses arguments. Son objectif est bien alors la ruine des
fondements du marxisme [...] D'autres auteurs attirèrent alors l'attention
d'Andler, même lorsque leurs systèmes sont "faux", comme Croce ou Labriola.
En revanche, il trouve d'immenses qualités à L'Utilité sociale de la propriété
individuelle d'Adolphe Landry, disciple d'un auteur auquel Andler se référa très
souvent avec enthousiasme, Otto Effertz, un "socialiste allemand d'une espèce
hétérodoxe", qu'il fit inviter par Dick May à l'École des hautes études sociales.
Le Viennois Anton Menger, professeur de droit, frère de l'économiste Carl
Menger qui fonda l'école marginaliste, fut, lui aussi, étudié..." (p.92-93)
1752
"De Labriola, il retint le refus de la "métaphysique de Marx", rejetant toute
détermination, tout mécanisme. Il puisa chez Sorel des remarques sur
l'insuffisance des explications faites par Marx des relations infrastructure /
superstructure et récusa l'idée que lorsque "l'infrastructure est changée la
superstructure s'effondre"." (pp.93-94)
"En se fédérant les unes aux autres, en annexant des ateliers productifs, les
coopératives de consommation accompliraient la révolution sociale,
pacifiquement, sans générer de phénomène bureaucratique et dans la
liberté."(p.96)
"Le socialisme andlérien était trop éthique pour pouvoir être marxiste. [...] De
plus en plus nourri d'un individualisme nietzschéen, il s'éloigne d'une
conception qui identifie le socialisme à un nouveau mode de production. Si la
classe ouvrière est une classe d'avenir, c'est avant tout parce que la bourgeoisie
est une classe en décadence morale, qui a usé tout son capital d'idéal." (p.102)
"La guerre le vit, enfin, se livrer à des exercices littéraires d'un patriotisme
échevelé. Il s'opposa violemment à tout courant pacifiste, condamna
1753
Zimmerwald et Kienthal, et adhéra, fin mai 1917, à la protestation des quarante
députés socialistes contre la conférence de Stockholm." (p.104)
"On trouve chez Marx, selon Andler, le même mépris de la démocratie que chez
les socialistes allemands." (p.105)
1754
Rochefort, dans cette même logique d’anti-opportunisme, adhéra au
boulangisme, dont il devint un des camelots les plus tonitruants. Tandis que
Déoulède en représentait l’aile droite, conservatrice, surtout soucieuse de
révision constitutionnelle, Rochefort en exprima le courant anticapitaliste –
notamment sur le mode de l’antisémitisme. » -Michel Winock, Rochefort : la
Commune contre Dreyfus, Mil neuf cent. Revue d'histoire intellectuelle (Cahiers
Georges Sorel), Année 1993, 11, pp. 82-86, p.83-84.
Ernest Psichari (1883-1914): « Psichari, dans son Appel des armes, donne
place à un paragraphe remarquable ; le capitaine Grandier a interrogé un de
ses hommes, un "rempilé", un brigadier ; il sait que cet excellent soldat a été,
jadis, un des grévistes de Courrières et il lui demande: "S'il y avait une grève et
qu'on vous demande de tirer", que feriez-vous ? Et le brigadier de répondre,
ardemment: "Je tâcherais de tuer autant de grévistes que j'ai voulu tuer de
soldats autrefois". Le brave homme ! » (p.98)
-Henri Guillemin, Nationalistes et "nationaux" (1870-1940), Gallimard, coll.
Idées, 1974, 476 pages.
1755
proportion avec les haines soulevées dans ce même pays par les guerre de la
Révolution et de l'Empire. Je ne parle pas des guerres de l'ancien régime qui ne
faisaient pas haïr aux français les peuples ennemis. Ce fut cette fois, chez nous,
une haine qui ne s’éteignit pas avec la paix, nous fit oublier nos propres intérêts
et perdre tout sens des réalités, sans même que nous sentions cette passion qui
nous possédait, sinon parfois pour la trouver trop faible. » -Anatole France,
« On croit mourir pour la patrie… », L’Humanité, 18 Juillet 1922.
"Il n'y a pas de Dreyfus mort ou vif qui vaille que je froisse un maître [Anatole
France] que j'aime depuis quinze ans plus qu'aucun homme du monde." (p.48)
-Maurice Barrès, Scènes et doctrines du nationalisme, Paris, Félix Juven
Éditeur, 1902, 518 pages.
http://hydra.forumactif.org/t298-anatole-france-oeuvre#606
https://www.amazon.fr/Anatole-France-sceptique-Marie-Claire-
Bancquart/dp/2702113249/ref=sr_1_16?s=books&ie=UTF8&qid=1527870252
&sr=1-16
https://www.amazon.fr/Essai-lEvolution-Intellectuelle-dAnatole-
France/dp/B001SHXEMK/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1527870114&s
r=1-
1&keywords=Jean+Levaillant%2C+Essai+sur+l%27%C3%A9volution+intellec
tuelle+d%27Anatole+France&dpID=41OOtg2YG6L&preST=_SX218_BO1,20
4,203,200_QL40_&dpSrc=srch
https://www.amazon.fr/Anatole-France-nationalisme-litt%C3%A9raire-
Scepticisme/dp/2866457420/ref=pd_sbs_14_1?_encoding=UTF8&psc=1&refRI
D=BJM5NFZQ4Z368PXWD5J2
1756
les cafés de Saint-Germain-des-Prés" où, rapporte Brasillach, "il nous lisait à
haute voix" sans cacher son admiration, l'article de Maurras paru le matin. » -
Henri Guillemin, Nationalistes et "nationaux" (1870-1940), Gallimard, coll.
Idées, 1974, 476 pages, p.239.
« Thibaudet fonda l’analyse des idées politiques en France dans les années
1920. » -Antoine Compagnon, « Maurras critique », Revue d'histoire littéraire
de la France, 2005/3 (Vol. 105), p. 517-532.
http://hydra.forumactif.org/t1551-michel-leymarie-albert-thibaudet-l-outsider-
du-dedans#2221
« L’individu qui pense, contre la société qui dort, voilà l’histoire éternelle, et le
printemps a toujours le même hivers à vaincre. » -Alain, 24 avril 1911.
1757
« Le mépris de l'histoire qu'affectait Alain, communiqué à des disciples sans
génie, nourrissait une sorte d'obscurantisme.
Lui-même n'était pas dupe de ses boutades, de ses excès, de ses
excommunications. Quand je lui confiai, vers 1931 ou 1932, mon intention de
réfléchir sur la politique, il me répondit: "Ne prenez pas trop au sérieux mes
propos sur la politique. Il y a des hommes que je n'aime pas. J'ai passé mon
temps à le leur faire savoir". Il n'ignorait pas qu'il "manquait" la dimension
historique en se référant toujours à la nature humaine, constante, immuable en
ses traits essentiels. Il refusa Einstein et la relativité, il refusa la psychanalyse.
[...]
"Sophiste", ainsi l'a qualifié Marcel Mauss, au cours d'une conversation privée.
Sans hostilité, sans passion, sans mépris [...] D. Brogan, avec plus de sévérité,
écrivit vers l'année 40 une phrase que je mis en épigraphe d'un article sur Alain
dans la France libre: "Le prestige d'un sophiste tel Alain annonce la ruine d'un
Etat". » -Raymond Aron, Mémoires, Paris, Robert Laffont, coll. Bouquins, 2010
(1983 pour la première édition), 1030 pages, p.72-73.
1758
Albert Schatz (1879-1940) : « On pourrait s’étonner qu’après avoir fait du
rationalisme l’attribut caractéristique des constructions socialistes, nous le
signalions avec insistance dans la première forme doctrinale du libéralisme.
Nous verrons bientôt que cette exception apparente confirme la règle, que la
doctrine physiocratique doit précisément à ce caractère rationaliste d’être
inapplicable, et qu’elle appelle sur ce point plus que sur tout autre les
amendements que lui apportera l’évolution ultérieure de l’individualisme. »
(p.51)
1759
« Le colonialisme, tel que le comprend et le pratique l’Etat, n’est autre chose
qu’une branche du protectionnisme appliqué à l’industrie des fonctionnaires
aux dépens de toutes les autres. » -Gustave de Molinari, « Revue de l’année
1898, in Journal des Économistes, cité par Jacques Thobie, « Les hésitations du
colonisateur », chapitre 1 in Charles-Robert Ageron, Catherine Coquery-
Vidrovitch, Gilbert Meynier & Jacques Thobie, Histoire de la France coloniale,
tome II 1914-1990, Armand Colin, coll. U Histoire, 2016 (1990 pour la première
édition), 654 pages, pp.7-24, p.24.
1760
http://hydra.forumactif.org/t743-gustave-de-molinari-l-utopie-de-la-liberte-
autres-oeuvres?highlight=Gustave+de+Molinari
« Qu’il y ait des crises et des difficultés dans la vie sociale, nous ne devons pas
nous en effrayer. Nos besoins changent, et ils précèdent toujours la formation
définitive de l’organe. Comme l’a fait remarquer Darwin, tout organe est la
transformation d’autres organes antérieurs préexistant chez les formes
ancestrales dans un état différent et pour des fonctions différentes. Au point de
vue sociologique le problème est le même qu’au point de vue biologique :
l’adaptation aux nouvelles fonctions est toujours difficile et reste incomplète. Il
s’agit de la rendre aussi facile, aussi peu douloureuse et aussi parfaite que
possible. Il s’agit surtout d’empêcher les régressions qui ne sont que la
prédominance de l’hérédité sur l’adaptation au milieu ; et comme le mouvement
socialiste n’est que l’expression de vielles formes de sociétés, de vieilles idées,
de vieux sophismes, de survivances de fétichismes, un essai de subordination du
progrès industriel et économique à des modalités de civilisation primitives, nous
devons nous y opposer, au nom du progrès : car les prétendus « avancés », qui
le dirigent, ramèneraient l’organisme social avec ses éléments complexes, de
plus en plus adaptés à la division du travail, au collectivisme primitif. L’homme
se transformant en méduse ! voilà leur idéal. » (pp.259-260)
1761
« Les secours donnés à ces gens, au lieu de les aider à se développer et à
s’élever dans la vie, en avaient fait une corporation de mendiants ; et il en sera
de même de toute mesure qui, en ayant pour objet d’atténuer ou de supprimer la
lutte pour l’existence, diminuera l’effort de l’homme.
Par analogie, la biologie nous montre que toute espèce végétale ou animale
protégée contre la concurrence, contre les difficultés de l’existence, est
condamnée à s’étioler et à périr. Darwin a constaté dans les îles de l’Océanie
combien la flore et la faune étaient pauvres et limitées : et pourquoi ? Parce
qu’elles sont isolées, c’est-à-dire protégées. Ce n’est que par l’effort que les
organismes, qu’il s’agisse des plantes, des animaux ou des hommes, peuvent se
développer. » (p.263)
-Yves Guyot, La Tyrannie socialiste, Ch. Delagrave, 1893, 264 pages.
http://hydra.forumactif.org/t3412-yves-guyot-les-principes-de-89-et-le-
socialisme#4238
http://hydra.forumactif.org/t861-anatole-leroy-beaulieu-la-revolution-et-le-
liberalisme-pourquoi-nous-ne-sommes-pas-socialistes#1472
1763
Parallèlement aux nombreux ouvrages qu’il fait paraître et qui vont former des
générations entières d’étudiants, il rédige dans la presse de nombreux portraits
littéraires, qui sont autant de chefs-d’œuvre de verve et d’érudition, lesquels se
trouveront plus tard rassemblés dans ses Études littéraires (des xvie, xviie, xviiie
et xixe siècles), ses Propos littéraires et son Histoire de la littérature française de
la Renaissance au romantisme (dont la publication posthume s’échelonne entre
1923 et 1936). Élu à l’Académie française en 1900, il fait aussi partie de ceux
qui prennent position contre Dreyfus et revendiquent leur appartenance à la très
nationaliste Ligue de la patrie française, aux côtés de Jules Lemaître, Edgar
Degas, Paul Bourget, Jules Verne et… Honoré Champion ! » (cf :
http://montaignotheque.blogspot.com/2017/09/emile-faguet-autour-de-
montaigne.html )
http://hydra.forumactif.org/t1701-emile-faguet-le-liberalisme#2379
1764
Élie Halévy (1870-1937) : « Il est permis ... de plaider la cause de
l'individualisme (lorsqu')on le considère comme une méthode pour l'explication
des faits sociaux (...) Nous voulons constituer une science sociale, définie
comme une science des représentations, des passions et des institutions
collectives: mais comment pouvions-nous proposer une explication de ces
phénomènes qui ne repose sur l'hypothèse individualiste ? (...) Voulons-nous...
que la science sociale soit véritablement explicative ? Il faudra donc admettre
de deux choses l'une. Ou bien la représentation collective, dès sa première
apparition, a été commune à plusieurs individus : il reste alors à expliquer
comment, chez chacun de ces individus pris isolément, cette représentation s'est
formée. Ou bien la représentation collective a d'abord été une représentation
individuelle, avant de se propager à une pluralité d'individus et de devenir
collective: expliquer, en ce cas, la représentation collective, c'est dire comment
d'individuelle elle est devenue sociale, et comment elle s'est communiquée
d'individu à individu (...) Dans tous les cas, les radicaux philosophiques avaient
raison lorsqu'ils voyaient dans l'individu le principe d'explication des sciences
sociales. » -Élie Halévy, La formation du radicalisme philosophique, 1904, p.
368-369.
« Les seuls plaisirs dont le moraliste utilitaire veuille en dernière analyse tenir
compte, ce sont les plaisirs qui ont leur source non pas dans l'exercice de nos
habitudes mentales, mais dans des causes extérieures ... le bonheur social
consiste donc essentiellement à acquérir de la richesse avec les plaisirs qu'elle
procure. » -Elie Halévy, La Formation du radicalisme philosophique, vol. m (p.
316 dans l'édition de 1901-1904 et p. 196 dans l'édition de 1995).
1765
« Dans l’Allemagne moderne la classe de professeurs, des universitaires, est
particulièrement responsable. Il faut donc que l’Allemagne porte la faute des
crimes intellectuels qu’elle a commis contre la raison et le sens commun, quand
elle voit ses intellectuels condamnés, par l’instinct des peuples qu’elle a
combattus, à une espèce de quarantaine morale. Il faut, pour que les relations
scientifiques se rétablissent normalement entre les nations, que le régime des
universitaires prussiens s’effondre comme vient de s’effondrer le régime des
junkers. » -Élie Halévy, lettre à Xavier Léon du 12 décembre 1918.
« Des gauches qui montrent le poing aux tyrans [Hitler et Mussolini], mais qui
sont pour la paix à tout prix ; des droites qui sont toujours prêtes à armer mais
que la peur du communisme jette dans les bras de leurs pires ennemis. » -Élie
Halévy, lettre à son ami René Berthelot, 30 juin 1937.
« Halévy, quarante-quatre ans, est mobilisé en novembre 1914, après avoir déjà
exercé le métier d’infirmier dès le début de la guerre comme bénévole ; il
continue à servir en cette qualité jusqu’à sa démobilisation en mars 1918 […]
Alain (1868-1951), ami intime d’Halévy de la rue d’Ulm. Ce pacifiste intégral,
non-mobilisable, s’était engagé immédiatement « pour avoir encore le droit de
parler contre la guerre » ; « Envions Chartier », s’exclame le sociologue
durkheimien Célestin Bouglé (1870-1940), lui aussi ami d’Élie Halévy du temps
de la Normale, et collaborateur régulier de la revue. « Il aura le droit, ayant
payé de sa personne, de parler encore, après la guerre, un langage républicain.
» Bouglé, comme Halévy, est infirmier au début de la guerre. » -Yaël Dagan, « «
Justifier philosophiquement notre cause ». La Revue de métaphysique et de
morale, 1914-1918 », Mil neuf cent. Revue d'histoire intellectuelle, 2005/1 (n°
23), p. 49-74.
1766
la Revue de métaphysique et de morale et, comme ceux-ci, il s'est lancé au début
de sa carrière dans des recherches spécialisées. Marqué par le kantisme, il a
soutenu vers vingt-cinq ans ses thèses sur Platon et Hume et rédigé des articles
sur des sujets alors consacrés comme l'associationisme en psychologie. Et si,
après ces débuts relativement orthodoxes, il tend à se distinguer des autres
philosophes du même âge, c'est peut-être parce que, ayant été relégué vers
l'érudition historique dans une conjoncture plutôt favorable à la "science", il n'a
pu accéder à un poste correspondant à ses espérances: dans le cadre de l'École
des sciences politiques, il entreprend une deuxième carrière d'historien des
idées et se consacre à une tradition et à un pays philosophiquement dominés, le
radicalisme de la lignée de Bentham et l'Angleterre. » -Louis Pinto, Les Neveux
de Zarathoustra. La réception de Nietzsche en France, Paris, Éditions du Seuil,
1995, 207 pages, p.50.
« Il a beau jouer les démocrates, il sera toujours, par ses réflexes intimes, un
aristocrate éclairé, dans la tradition de Tocqueville. Ce qui, notons-le au
passage, le rend attentif à la question coloniale. Les petits Blancs, ceux que l’on
1767
n’appelle pas encore en Algérie les « pieds-noirs », sont décrits avec une
lucidité cruelle. En avril 1897, il voit des colons asséner des coups de trique sur
les indigènes, assortis de plaisanteries « bon enfant » sur cette « religion
grotesque » (l’islam). « Les gredins ! conclut-il. […] Près de vingt ans plus tard,
il revient à la charge dans une lettre à Bouglé : « J’en reviens donc à ma vieille
idée : que fait la Ligue des droits de l’homme pour les indigènes algériens ? ». »
(p.33-34)
-Jacques Julliard, « Élie Halévy, le témoin engagé », Mil neuf cent. Revue
d'histoire intellectuelle (Cahiers Georges Sorel), Année 1999, 17, pp. 27-44.
"En 1934 et en 1936, Élie Halévy entreprend d’inclure une leçon sur « la
question sociale aux États-Unis et l’expérience Roosevelt » dans son cours sur
le « Socialisme en Europe au XIXe siècle » qu’il professe à l’École libre des
sciences politiques depuis 1902. Non reproduite dans le manuscrit publié chez
Gallimard en 1948 par les amis et les élèves d’Élie Halévy sous le titre Histoire
du socialisme européen." (p.1)
"Bien que membre d’une École libre des sciences politiques adepte d’une
histoire du temps présent aux limites du journalisme, Élie Halévy s’appuie avant
tout sur des sources pour disserter de l’expérience Roosevelt – à l’inverse, par
exemple, de son collègue André Siegfried qui a fait du voyage et de
l’observation directe l’alpha et l’omega de son dispositif d’enquête. Halévy
recourt néanmoins à une gamme de sources de nature très variée, allant de la
documentation primaire (textes législatifs, rapports, littérature grise) à la presse
généraliste (Times et Manchester Guardian Weekly), des mémoires des
protagonistes (discours, interviews, biographies des New Dealers) aux
1768
reportages et essais des visiteurs étrangers (de Tessan, Maurois), de la
chronique factuelle (L’année politique) à la presse spécialisée (numéro spécial
des Cahiers des droits de l’homme, articles de The Round Table. The
Commonwealth Journal of International Affairs et du The Political Quarterly) et
à la littérature scientifique existante."(p.3)
"Il n’en va pas de même de ceux, très critiques envers le New Deal, de Siegfried
qu’il mentionne par obligation dans la bibliographie de l’ELSP mais dont il ne
fait aucun usage dans son « pré-cours»." (p.6)
-Marie Scot, « Élie Halévy. Un regard français inédit sur le New Deal de
Franklin D. Roosevelt », Histoire@Politique, n° 31, janvier-avril 2017.
"Hayek critique alors durement l'influence de Elie Halévy sur les visions
négatives du capitalisme et Mises utilisera en 1957 les mêmes termes pour
fustiger l'historien libéral lors du Colloque d'Ostende." -Serge Audier, Néo-
libéralisme(s). Une archéologie intellectuelle, Paris, Éditions Grasset et
Fasquelle, 2012, 631 pages, p.247.
Elie Halévy, L'ère des tyrannies (forumactif.org)
https://www.amazon.fr/Chase-Halevy-Intellectual-Biography-
Cloth/dp/0231048564/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1461794061&sr=8-
1&keywords=%C3%89lie+Hal%C3%A9vy+%3A+an+Intellectual+Biography
-Marie Scot, « Élie Halévy. Un regard français inédit sur le New Deal de
Franklin D. Roosevelt », Histoire@Politique, n° 31, janvier-avril 2017.
« Pour moi, je considérais ce spectacle si rare dans nos rues parisiennes, cette
élégance virile, cette beauté, cette noblesse, je la considérais avec émotion,
reconnaissance, et un mot, un nom, un seul me venait à l’esprit et sur les lèvres
même : Maurras ! Tous ces jeunes gens étaient à lui, ils auraient été fiers de le
dire. C’était lui l’inspirateur de cet élan, l’ordonnateur de cette discipline,
l’éducateur, le maître de ces âmes. Cette jeune France que je croyais vivante
sous mes yeux, il l’avait voulue, enfantée, formée. Je lui en rapportais la gloire,
1771
c’était justice ; c’était justice de prononcer son nom : Charles Maurras ! » -
Daniel Halévy, à propos des cinquante mille personnes se pressant au défile de
Jeanne d’Arc du 24 mai 1914, in Daniel Halévy, « Charles Maurras », Le Feu,
Nouvelle Librairie Nationale, 1919, p.184-185.
« Le premier des lecteurs juifs de Nietzsche en France fut sans doute Daniel
Halévy, le fils du librettiste d'Offenbach. Sensibilisé par l'affaire Dreyfus à la
question sociale, proche du mouvement ouvrier anarcho-syndicaliste, ami de
Péguy et (depuis 1903) collaborateur des Cahiers de la quinzaine, il avait fait de
sa petite revue Le Banquet un premier foyer du nietzchéisme parisien: plusieurs
numéros de 1892 contiennent des contributions sur Nietzsche et l'éditeur A.
Schulz publie en 1893 les deux premiers livres de Nietzsche en langue française,
une anthologie nietzschéenne et la première traduction française du Cas
Wagner par Daniel Halévy et Robert Dreyfus. Cette éphémère publication
contribue à faire connaître le philosophe par Léon Blum et Marcel Proust. Le
plus fidèle à cette précoce passion intellectuelle sera Daniel Halévy lui-même
qui publie en 1905 Le travail de Zarathoustra [Cahiers de la quinzaine,
Douzième cahier de la dixième série, 1905] et, chez Calmann-Lévy, La vie de
Frédéric Nietzsche, réédité en 1944 chez Bernard Grasset, dans une version
remaniée, intitulée Nietzsche.
En insistant sur l'opposition Wagner-Nietzsche, Halévy lave le philosophe de
tout soupçon d'antisémitisme et met l'accent sur son élitisme, pour lequel il
éprouve de toute évidence une vive sympathie. [...] On peut donc confirmer
l'hypothèse déjà formulée par Hella Tiedemann dans son étude sur le
conservatisme traditionaliste de Charles Péguy et suggérer que celui-ci
connaissait la pensée de Nietzsche, au moins par les travaux de Daniel Halévy,
sans doute aussi par Georges Sorel. » (p.92-93)
1772
"C'est en 1891 que Daniel Halévy (1872-1962) entend parler de Nietzsche par
Mlle de Nemethy [...] En 1892, Daniel Halévy publie un article sur Nietzsche
dans Le Banquet (la revue qu'il a fondée avec des condisciples du lycée
Condorcet). Proche des positions de Barrès, il s'enthousiasme pour un Nietzsche
aristocratique. Le mois suivant, c'est Robert Dreyfus qui publie un article sur
Nietzsche dans Le Banquet. En 1892, les deux amis publient la traduction
française du Cas Wagner. Ils sont tous deux wagnériens, mais appartiennent à
la génération intellectuelle qui va dépasser la mode wagnériste. Par une
piquante coïncidence, Daniel Halévy est le fils d'un des librettistes d'Offenbach
et le cousin de la femme de Bizet, deux compositeurs que Nietzsche admirait
particulièrement. Dans l'immédiat, la critique musicale parisienne réserve un
accueil plutôt réservé au Cas Wagner. "L'esprit de Nietzsche s'y montre dans
toute sa laideur morale", écrit Willy dans L'Écho de Paris de décembre 1892.
C'est dans les Cahiers de la quinzaine de Péguy, avec qui Daniel Halévy était lié
d'amitié, que paraîtront en avril 1909 trois chapitres de la biographie, dans leur
première monture. Auprès de Malwida von Meysenburg, à qui Gabriel Monod
l'avait recommandé, il a puisé quelques informations de première main [...]
Pour le reste, Daniel Halévy s'est rangé du côté des nietzschéens de Bâle et de
Carl Albrecht Bernoulli. En 1908, il avait fait le compte rendu du livre de
Bernoulli sur l'amitié de Nietzsche et Overbeck, non sans égratigner la
biographie en trois tomes publiées par Elisabeth-Förster-Nietzsche entre 1896
et 1904 [...]
Au lendemain de la publication de son livre sur Nietzsche, en 1909, Daniel
Halévy subira les attaques d'Elisabeth Förster-Nietzsche." (p.112)
"Le Banquet was formed in 1892 by several graduates of the Lycée Condorcet,
the most prestigious of the right-bank schools. The leader of this literacy coterie
was Daniel Halévy, and grouped around him were Fernand Gregh, Robert
Dreyfus, and Marcel Proust. In addition to this circle from Condorcet were
several from the Lycée Henri IV, most notably Léon Blum. While the journal
was dedicated to their teacher and discussion leader, Mallarmé, the direction
that the magazine chose seemed ad odds with the Symbolist program ; in fact
Mallarmé and his fellow Symbolist Paul Verlaine had inspired the young
littérateurs to set out on their own rebellious directions. Robert Dreyfus recalled
that Le Banquet, despite the dedication to Mallarmé, had been "founded in
1773
reaction against symbolism" and that one of its chief aims was to "renew the
pure and rich French tradition by an intelligent fusion of classicism and
romanticism". "Enough of Shakespeare", Dreyfus declared in an early article
for Le Banquet, "enough of Ibsen, enough of Tolstoy, enough of [Maurice]
Maeterlinck. Let us return to France, the devil !". Presumably impressed by
Nietzsche's effusive praise of French culture, Dreyfus suggested the writings of
the German thinker for his "return to France". In the eyes of the Symbolists,
Fernand Gregh remembered, "we seemed a bit like heretics. The literacy public
had gone to the great [Symbolist] church of the Mercure de France and
neglected our little chapel". Hence, an attack on the Symbolist establishment
was one of the primary aims of these writers, an end for which they effectively
used the ideas of Nietzsche.
In the April 1892 issue of Le Banquet, Halévy and Gregh presented an article
entitled "Frédéric Nietzsche", a ringing defense of the philosopher against the
first French commentators whom they believed had grossly misrepresented and
distorted his ideas. The article with which the young men were most angry was
"Frédéric Nietzsche, le dernier métaphysicien", written by the well-known
literacy critic and German specialist, Téodor de Wyzewa." (p.103)
-Christopher E. Forth, Nietzsche, Decadence, and Regeneration in France, 1891-
95, Journal of the History of Ideas, Vol. 54, No. 1 (Jan., 1993), pp. 97-117.
1776
« Halévy sera nommé par Pétain, le 21 juin 1941, membre de ce Conseil
national. » -Henri Guillemin, Nationalistes et "nationaux" (1870-1940),
Gallimard, coll. Idées, 1974, 476 pages, p.472.
1778
"Acclamé par L'Action française (Léon Daudet parle avec ravissement de cette
"entrée dans le paradis de l'action"), Poincaré décide de mettre la main sur la
Ruhr. Le 9 janvier 1923, deux divisions d'infanterie et une division de cavalerie
envahissent le territoire allemand ; la France va se payer elle-même en
exploitant à son profit les ressources industrielles et minières de la Ruhr ; mais
une "résistance passive" s'organise aussitôt ; arrêt de l'extraction, suivi d'une
grève des chemins de fer non seulement de la Ruhr mais de toute la Rhénanie.
Poincaré riposte en expulsant 1400 cheminots allemands et en faisant amener
sur place 12 500 mineurs et cheminots français et belges, établissant en outre un
cordon douanier qui barrera toute exportation de la Ruhr en direction du reste
de l'Allemagne. Des heurts se produisent. Le 2 avril, à Essen, treize ouvriers
allemands sont tués dans une échauffourée et le 8 mai, l' "agitateur" Schlageter
est passé par les armes. Le gouvernement de Berlin octroie des indemnités à
tous les ouvriers et "cadres" qui refusent de collaborer avec l'occupant, et le
mark s'effondre ; en avril un dollar vaut 35 000 marks ; en août, 500 000 ; en
septembre, quatre millions. Fin septembre, Stresemann, qui est le délégué au
Pouvoir des milieux industriels et bancaires, ordonne la cessation de la
résistance passive." (p.189)
"En avril 1927, le ministre de l'Intérieur Sarraut lance le mot d'ordre: "Le
communisme, voilà l'ennemi !". La fortune politique des Sarraut s'est faite au
moyen de l'anticléricalisme ("Le cléricalisme, voilà l'ennemi !") ; mais l'heure
n'est plus à ces misères et les catholiques soutiennent Poincaré. Et, pour faire
pièce aux socialistes, quinze jours avant le scrutin, le gouvernement fera voter le
principe des assurances sociales -le principe seulement ; l'application est
différée (ç'avait été la méthode de Briand, pour les retraites ouvrières, à la
veille des élections, déjà redoutables, de 1910).
Dextremement manié, le scrutin d'arrondissement confirmera l'espoir dont il
était porteur, et, en dépit de leurs 200 000 voix de plus qu'en 1924, les
communistes (qui totalisent maintenant un million de suffrages) perdent dix
députés, leur représentation parlementaire tombant de vingt-six hommes à seize.
Les socialistes, grosso modo, conservent leurs positions (104 députés au lieu de
107), mais les radicaux reculent, perdant quarante sièges (ils ne sont plus que
111) et la Droite -autrement baptisée, cela va de soi- gagne cinquante sièges et
plus. Poincaré l'emporte. Il dispose désormais de quelque 330 voix sur les 612
de la Chambre. Le cap est franchi. On peut y aller, maintenant, pour la
dévaluation. Elle s'opère le 25 juin 1928 ; le franc est amputé des quatre
cinquièmes de sa valeur-1914. Naissance d'un radieux petit franc de quatre
1779
sous, le "franc-Poincaré", issu de cette manipulation "qui eût été jugée sacrilège
si elle avait été l’œuvre d'un autre"." (p.202)
« Tardieu […] incarne une droite libérale. » -Antoine Prost, Petite histoire de la
France au 20e siècle, Paris, Armand Colin, 2005 (1979 pour la première
édition), 153 pages, p.30.
1780
"Etat social" en favorisant l'intervention de l'Etat dans l'économie, par un rôle
de soutien, de coordination et d'harmonisation des initiatives privées. » -Jean
Garrigues, « Les libéraux français et la défense de l’autonomie patronale de
1870 à nos jours », Mélanges de l'école française de Rome, Année 2002, 114-2,
pp. 731-743, p.738.
https://www.amazon.fr/André-Tardieu-Maxime-
TANDONNET/dp/2262072582/ref=sr_1_1?__mk_fr_FR=%C3%85M%C3%85
%C5%BD%C3%95%C3%91&keywords=andr%C3%A9+tardieu&qid=157831
4821&sr=8-1
-Eugen Weber, L'Action française, Fayard, coll. Pluriel, 1985 (1962 pour la
première édition états-unienne), 685 pages.
« L’état d’esprit de ces gens-là m’étonne moins que toi ; combien d’hommes de
lettres, de savants y avait-il sous Napoléon pour braver l’opinion guerrière ? » -
Élie Halévy, Lettre à à X. Léon du 21 octobre 1914.
1783
15 avril 2020. URL : http://journals.openedition.org/philonsorbonne/144 ; DOI :
https://doi.org/10.4000/philonsorbonne.144
http://hydra.forumactif.org/t1724-leon-brunschvicg-spinoza-et-ses-
contemporains-autres-oeuvres#2404
1784
démission du cabinet." (p.224-225)
-Arnaud-Dominique Houte, Le triomphe de la République (1871-1914), La
France contemporaine vol. 4, Paris, Éditions du Seuil, coll. Points Histoire,
2014, 470 pages.
Victor Basch (1863-1944) : « Victor Basch (né en 1863) occupe également une
position marginale. Juif né à l'étranger, agrégé de langues vivantes, il entre
dans l'Université à titre de germaniste, à travers l'enseignement dit de
littérature étrangère, avant d'être admis parmi les philosophes ; tout en publiant
des ouvrages sur Kant, sur Schiller, et en écrivant des articles sur des sujets de
critiques littéraire ou sur Stirner, qui faisait un peu figure de pis-aller de
Nietzsche (et sans doute moins conservateur que Schopenhauer), il s'est
consacré à un domaine relativement périphérique, l'esthétique. Dreyfusard
convaincu et actif, il n'a pas hésité à s'engager publiquement, ce qui l'a conduit
à militer dans le cadre de la Ligue des droits de l'homme qu'il a contribué à
fonder, et plus tard au sein d'organisations de lutte contre le fascisme. Son
intérêt pour Nietzsche au début du siècle était presque relégué par lui dans le
jardin secret du professeur. » -Louis Pinto, Les Neveux de Zarathoustra. La
réception de Nietzsche en France, Paris, Éditions du Seuil, 1995, 207 pages,
p.41-42.
Georges Palante (1862-1925) : « Dans les races existant aujourd'hui, les races
jaunes, les races noires et les races blanches, il est évident que les différences
physiques de ces races sont accompagnées de différences intellectuelles. Ces
différences ont été admirablement étudiées par de Gobineau dans son livre sur
l'Inégalité des races humaines. » -Georges Palante, Les antinomies entre
l'individu et la société.
http://hydra.forumactif.org/t4340-georges-palante#5219
André Gide (1869-1951) : « Grâces soient rendues à MM. Henri Albert et Cie,
qui nous donnent enfin notre Nietzsche, et dans une fort bonne traduction.
Depuis si longtemps déjà nous l’attendions ! L’impatience nous le fait épeler
déjà dans le texte –mais nous lisons si mal les étrangers ! Et peut-être valait-il
mieux que cette traduction ait mis tant de temps à paraître : grâce à cette
cruelle lenteur, l’influence de Nietzsche a précédé chez nous l’apparition de son
œuvre ; celle-ci tombe en terrain préparé. » -André Gide, « Lettre à Angèle du
10 décembre 1899 [?] », publié dans L’Ermitage en janvier 1899, in Prétextes,
Paris, Mercure de France, 1990, p.81.
« A présent je sais que notre civilisation occidentale (j’allais dire française) est
non point seulement la plus belle ; je crois qu’elle est la seule –oui, celle même
de la Grèce, dont nous sommes les seuls héritiers. » -André Gide, Journal, mi-
mai 1914, Gallimard, coll. La Pléiade, p.785-786.
1786
L’immoraliste (1902), qui doit au surhomme de Nietzsche, s’ouvre avec audace
à ces Nourritures terrestres qu’il célébrait en 1897. Celui des Caves du Vatican
(1914) cherche à se libérer par un acte gratuit. » -Michel Leymarie, De la Belle
Époque à la Grade Guerre. Le triomphe de la République (1893-1918), Librarie
Générale Française, coll. La France contemporaine, 1999, 379 pages, p.195-196.
« Quelque dix ans plus tard, en France, une réaction pareillement ambiguë fut
suscitée par Bagatelles pour un massacre, où Céline proposait de massacrer
tous les Juifs. André Gide se dit publiquement ravi dans les pages de la
Nouvelle Revue française, non qu'il voulut tuer les Juifs de France, mais parce
qu'il appréciait l'aveu brutal d'un tel désir, ainsi que la contradiction fascinante
entre la brutalité de Céline et la politesse hypocrite dont tous les milieux
respectables enrobaient la question juive. Le désir de démasquer l'hypocrisie
était irrésistible parmi l'élite: on peut en juger en voyant qu'un tel plaisir ne
pouvait même pas être gâté par la persécution très réelle des Juifs par Hitler,
battait déjà son plein au moment où Céline écrivait. Pourtant, cette réaction
était due à l'aversion pour le philosémitisme des libéraux, bien plus qu'à la
haine des Juifs. La même disposition d'esprit explique un phénomène
remarquable: les opinions artistiques, largement répandues, de Hitler et Staline,
et leur persécution des artistes modernes n'ont jamais réussi à détruire l'attrait
que les mouvements totalitaires exerçaient sur les artistes d'avant-garde ; cela
dénote chez l'élite un manque de sens des réalités, ainsi qu'un désintérêt de soi
perverti, deux traits qui ne ressemblent que trop au monde fictif et à l'absence
d'intérêt personnel parmi les masses." -Hannah Arendt, Le Totalitarisme,
troisième volume des Origines du Totalitarisme (d'après le texte de la deuxième
édition augmentée de 1958), Gallimard, coll. Quarto, 2002, 1616 pages, pp.609-
838, pp.648-650.
1787
voit la Grande-Bretagne développer son projet de devenir "la seule puissance
islamique du monde" et supplanter la France." (p.106)
-Michel Leymarie, La Preuve par deux. Jérôme et Jean Tharaud, Paris, CNRS
Éditions, 2014, 399 pages.
http://www.amazon.fr/Liberalism-Old-New-J-G-
Merquior/dp/0805786023/ref=sr_1_3?s=english-
books&ie=UTF8&qid=1429631361&sr=1-
3&keywords=Liberalism%2C+Old+and+New
1788
jeter dans les luttes sociales, à une époque où les purs citoyens sont éclaboussés
d’injures, qui prétendent se lancer dans le fracas des affaires ? […] Vous avez à
mieux diriger vos aptitudes en rendant agréable le toit familial et le foyer
domestique. »
Jules Verne était néanmoins un modéré de son époque ; de ses propos sur la
Commune à ce discours en juillet 1893, ils reflètent un imaginaire collectif
normal de la fin du XIXe siècle. Son antidreyfusisme allait de pair, ainsi que son
adhésion à la Ligue pour la patrie française fondée par Maurice Barrès. Son
patriotisme se révèle d’ailleurs nettement dans son œuvre littéraire, en tête
les 500 millions de la Bégum où Franceville illustre à elle seule son exaltation
du mode de vie français ainsi que de l’hygiénisme, dont l’opposé est l’esprit
germanique qu’il résume à une prédation industrielle et impérialiste nihiliste. Ce
faisant, le rapport de Jules Verne à la modernité ne va pas de soi mais semble au
contraire ambivalent. Paris au XXe siècle, son premier roman qui fut rejeté par
Hetzel, décrit un Paris dystopique où les artistes se retrouvent marginalisés par
une société qui ne mesure la valeur que sous l’angle du numéraire, de l’utile.
Hetzel le jugea trop négatif, à rebours de l’air du temps qui vivait sa deuxième
révolution industrielle et l’enthousiasme envers le progrès technologique qui
allait de pair. Cependant, Jules Verne revint sur cette problématique de la valeur
artistique au sein d’une société consacrant la valeur de l’argent dans L’Île
Flottante, où après l’art, ce sont les artistes eux-mêmes qui finissent par être
réifiés. En soulevant une problématique intéressante au sujet de l’art et des
artistes en les transformant en marchandises sur lesquelles il est possible de
spéculer, Jules Verne entrouvrit la question de savoir si l’art est consommable
ou non. De la même façon que l’on pourrait se pencher un peu plus sur la fin
ironique qu’il donna à son île volante, laquelle suffit à estomper les derniers
soubresauts d’une interprétation foncièrement libertaire ou saint-simonienne de
l’œuvre comme du personnage. La chute qui sonne la fin de l’hégémonie
bourgeoise de l’île volante n’est pas le grand soir auquel des gens intelligents
comme Jean Chesneaux devaient penser, mais elle est substantielle à l’esprit
conservateur de Jules Verne, résumé par les dernières lignes de L’Île à hélice :
« n’est-il pas défendu à l’homme, qui ne dispose ni des vents ni des flots,
d’usurper si témérairement sur le Créateur ? »
Sans doute le cœur de l’aporie intellectuelle qui consiste à penser que Jules
Verne soit susceptible de sympathies libertaires est-il dû à un raisonnement
binaire qui se représente le monde des idées en blocs grossiers. Que Jules Verne
1789
fut méfiant à l’égard du capitalisme, et carrément pessimiste envers l’avenir du
progrès qui s’est confondu avec le développement lors de la révolution
industrielle – ce que Jules Verne semble avoir saisi contrairement à un H.G.
Wells – est plausible. Face au drapeau peut ainsi sembler prémonitoire parce
qu’il semble rétroactivement annoncer la crise de la modernité provoquée par la
Première Guerre Mondiale en combinant développement technique et industrie
d’armement, propos que l’on retrouve aussi dans Les 500 Millions de la
Bégum. En revanche, le raisonnement qui veut associer l’anticapitalisme, aussi
modéré soit-il, à un paradigme de gauche – comme le fait Jean Chesnaux – est
des plus dogmatiques, parce que cela reviendrait à classer des personnages
éminemment de droite comme un Bernanos ou un Evola à gauche aussi sous
prétexte qu’ils ont tous contesté le capitalisme ou le libéralisme. Avec des
procédés de pensée pareils, il est aussi possible, à l’inverse, d’attribuer des
étiquettes politiques de droite saugrenues à des personnalités comme Pasolini ou
Péguy sous prétexte qu’ils furent des hagiographes de « la force du Passé ».
Cette remise en ordre des idées permet de mieux comprendre ce que représente
un personnage comme Nemo dans l’imaginaire vernien. Il n’est ni anarchiste, ni
de gauche, et encore moins écologiste contrairement à ce qu’il est possible de
lire sur le personnage. Si l’on revient au roman, Nemo est présenté au lecteur
comme un marginal s’étant retiré de la vie des hommes par misanthropie, de
même qu’il chasse et utilise les ressources maritimes dans son seul intérêt.
Nemo est un anarque ; il peut vivre de la solitude, au contraire de l’anarchiste
qui a besoin de sociabilisation, de même, qu’il est sans idéologie politique, il vit
pour lui-même avant tout. » -Fabrizio Tribuzio-Bugatti, Lecture politique de
Jules Verne, 5 mai 2020 : Lecture politique de Jules Verne | Accattone
Le Marxiste est représenté par des gens de même sorte dans toutes les
communautés modernes et j’avouerai que, par tempérament comme par l’effet
des circonstances, j’ai pour lui une très vive sympathie. S’il adopte Marx pour
prophète, c’est tout simplement qu’il pense que Marx a écrit sur la guerre de
classes — une guerre implacable des « travailleurs » contre les « employeurs »
et qu’il a prophétisé le triomphe des premiers, puis une dictature du monde par
les masses libérées (dictature du prolétariat) et enfin l’âge d’or communiste
surgissant de cette dictature.
1790
La doctrine et la prophétie ont, dans tous les pays, exercé une extraordinaire
attirance sur les jeunes gens, surtout sur les jeunes hommes d’énergie et
d’imagination qui, au début de la vie, se sont vus, imparfaitement instruits, mal
équipés, agrippés par l’esclavage salarié du système économique actuel.
Ce sont les crimes de notre régime qui, leur donnant une demi-éducation pour
les rendre ensuite esclaves, a créé le mouvement communiste partout où
l’industrialisme s’est développé.
Marx n’eût-il jamais vécu, qu’il y aurait des marxistes tout de même.
À l’âge de quatorze ans j’étais un marxiste complet, sans avoir encore entendu
prononcer le nom de Marx.
C’est cette indignation des jeunes énergies brisées, mal utilisées, c’est cela bien
plus que les théories économiques qui, à travers le monde, sert d’inspiration
vivante et de lien au mouvement marxiste." (p.77-91)
Car Lénine, qui, comme tout bon marxiste orthodoxe, raille et dénonce
volontiers les utopistes, a fini, lui aussi, par tomber victime d’une utopie,
l’utopie des électriciens.
Peut-on imaginer un projet plus hardi dans ce pays plat, couvert de forêts,
peuplé de paysans illettrés, dans ce pays sans houille blanche, sans techniciens,
et dont l’industrie et le commerce sont en agonie.
1792
Et pendant que je causais avec lui, il avait presque réussi à me faire partager
son enthousiasme et sa confiance en sa vision." (p.144-147)
-Herbert George Wells, La Russie telle que je viens de la voir, 1921, Chapitre III
"Quintessence du Bolchevisme".
http://hydra.forumactif.org/t3931-herbert-george-wells-la-guerre-des-mondes-la-
russie-telle-que-je-viens-de-la-voir?highlight=Wells
Bernard Bolzano (1781-1848) : « Un des traits les plus étonnants des penseurs
de notre époque est qu'ils ne se sentent pas du tout liés par ou du moins ne
satisfont que médiocrement aux règles jusque là en vigueur de la logique,
notamment au devoir de dire toujours précisément avec clarté de quoi l'on
parle, en quel sens on prend tel ou tel mot, puis d'indiquer pour quelles raisons
on affirme telle ou telle chose, etc. » -Bernard Bolzano, Lehrbuch der
Religionswissenschaft, paragr. 63.
1793
http://hydra.forumactif.org/t2023-bernard-bolzano-the-theory-of-science-the-
philosophy-of-bernard-bolzano-logic-and-ontology-bolzano-critique-de-
kant#2727
http://www.amazon.fr/Th%C3%A9orie-science-Bolzano-
Bernard/dp/2070730697/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1449919718&sr=8-
1&keywords=Bernard+Bolzano
http://www.amazon.fr/Bolzano-critique-Kant-
Collectif/dp/2711610993/ref=sr_1_6?ie=UTF8&qid=1449919718&sr=8-
6&keywords=Bernard+Bolzano
http://www.amazon.fr/L%C3%A0-priori-conceptuel-Bolzano-
Husserl/dp/2711614034/ref=sr_1_4?ie=UTF8&qid=1449919718&sr=8-
4&keywords=Bernard+Bolzano
« Tout nouveau travail philosophique doit dans son progrès se nourrir d’une
discussion avec Kant. » -Hermann Cohen.
On ne saurait mieux justifier cet exposé qu'en citant un passage des œuvres
d'Hermann Cohen. Cet écrivain est l'un de ceux qui, dans les dernières décades
avant la guerre, exercèrent l'influence la plus forte sur la vie intellectuelle de
l'Allemagne. « Aujourd'hui, écrit Cohen, personne n'est plus assez sot pour se
montrer réfractaire au « bon fond » de la question sociale et donc, même d'une
1794
manière déguisée, à l'inéluctable nécessité d'une politique sociale. Il n'y a plus
que les gens de mauvaise volonté ou de bonne volonté insuffisante. C'est
seulement cette manière de pensée défectueuse qui explique la prétention par
laquelle on essaie de porter le trouble dans le parti socialiste en lui demandant de
dérouler en spectacle public le tableau de son état de l'avenir. A la place des
revendications morales on met le tableau de l'État, alors que la conception de
l'État découle de la conception du droit. En bouleversant les conceptions l'on
confond l'éthique socialiste avec la poésie des utopies. Or l'éthique n'est pas la
poésie, et l'idée n'a pas besoin d'image pour être vraie. Son image c'est la réalité,
qui ne peut naître que d'après le modèle fourni par l'éthique même. L'idéalisme
de justice du socialisme est devenu aujourd'hui une vérité courante de la
conscience publique, quoiqu'elle ne soit encore qu'un secret de Polichinelle. Il
n'y a plus que l'égoïsme, ennemi de tout idéal, la cupidité la plus crue — c'est-à-
dire le véritable matérialisme — pour lui refuser créance. » Celui qui pensait et
écrivait ainsi était considéré par beaucoup comme le plus grand et le plus hardi
penseur allemand de son temps, et les adversaires de sa doctrine eux-mêmes
avaient de l'estime pour son activité intellectuelle.
Et précisément pour cette raison l'on doit souligner que Cohen non seulement
admet sans aucune critique préalable toutes les revendications socialistes, mais
qu'il traite d'individus moralement méprisables tous ceux qui « songent à porter
le trouble dans le socialisme de parti en exigeant des éclaircissements sur les
problèmes de la constitution économique du socialisme ». Qu'un penseur qui
autrement dans sa critique ne ménage rien, réfrène toute audace devant une
puissante idole de son temps, c'est là un phénomène qu'on peut observer assez
souvent dans l'histoire intellectuelle. On fait le même reproche à Kant, le grand
modèle de Cohen. Mais qu'un philosophe reproche leur mauvaise volonté, leur
pensée médiocre, leur cupidité crue, non seulement à ceux qui sont d'une autre
opinion que lui, mais à ceux qui oseraient poser une question sur un problème
dangereux pour les tout-puissants, voilà qui heureusement n'est pas fréquent
dans l'histoire de la philosophie. » -Ludwig von Mises, Le Socialisme, 1922.
1795
édition de la Critique de la raison pure, des parutions non seulement de textes du
philosophe […] mais aussi des commentaires sur la philosophie kantienne. […]
1796
« La question de savoir comment comprendre et construire cette théorie de la
connaissance fait apparaître des oppositions entre des auteurs qui, pourtant, se
réclament tous de Kant et voient dans cette théorie la poursuite et l’achèvement
de l’entreprise inaugurée par la Critique de la raison pure. » (p.10)
1797
élargit immédiatement son investigation aux autres domaines de la philosophie,
comme en témoigne le recueil d’article intitulé Préludes (1884). […]
Les deux écoles ont eu le même destin. C’est pendant la guerre que se dissout
dans les deux cas la communauté de travail, essentiellement à cause de la mort
des principaux représentants : Lask, Windelband et Cohen. […] L’après-guerre
est, dans les deux cas, le moment où les survivants s’éloignent de la
communauté de travail antérieure. Cela est manifeste dans la fondation radicale
tentée par Natorp dans ses derniers livres, qui semble revenir sur les
présupposés minimaux qui fondent l’unité de l’école, mais aussi dans les
ouvrages de Rickert à partir de 1929, où il semble que la théorie de la
connaissance fasse peau de chagrin au profit d’une ontologie ; ou encore dans
la philosophie des formes symboliques dans laquelle s’engage Cassirer. » (p.13-
16)
-Eric Dufour, Les Néokantiens. Valeur et vérité, Vrin, 2003, 190 pages.
1798
Hans Vaihinger (1852-1933) : http://www.amazon.fr/philosophie-du-comme-
si/dp/2841744620/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1449919571&sr=8-
1&keywords=Hans+Vaihinger
« Si, après Kant, la philosophie devait orienter son travail conceptuel vers le
perfectionnement du système de la raison, c’est parce qu’il y avait en effet un
progrès nécessaire à accomplir, qui devait mener de Kant à Hegel en passant
par Fichte et Schelling. La répétition de ce processus dans le passage du
néo-kantisme au néo-hégélianisme des philosophies les plus récentes n’est
pas le fait du hasard, mais possède en soi une nécessité réelle. » -Wilhelm
Windelband, "Le renouveau de l'hégélianisme", 1910.
1799
courant, tout est impersonnel et non relationnel. Bradley est le principal
représentant de ce courant, à côté de Green et F. J. Ferrier (1808-1864). Il est
plaisant de constater que l'hégélianisme renaît en Angleterre, profondément
transformé, plus métaphysique, moins politique, au moment où il s'effondre en
partie en Allemagne, du fait conjugué du développement du néokantisme qui
pointe les énormes faiblesses épistémologiques du système hégélien et les
critiques des socialistes, marxistes ou non. Le développement du néokantisme
entraîne de facto une certaine diffraction de la philosophie en épistémologie,
éthique, philosophie de la nature et de l'art, diffraction correspondant aux trois
Critiques de Kant. » -Frédéric Nef, Qu’est-ce que la métaphysique ?, Gallimard,
coll. Folio essais, 2004, 1062 pages, p.442.
« La vie d’un homme n’est rien d’autre qu’un chemin vers Dieu. J’ai essayé de
parvenir au but sans l’idée de la théologie, ses preuves, ses méthodes, en
d’autres termes, j’ai voulu atteindre Dieu sans Dieu. Il me fallait éliminer Dieu
de ma pensée scientifique pour ouvrir la voie à ceux qui ne connaissaient pas la
route sûre de la foi passant par l’Eglise. Je suis conscient du danger que
comporte un tel procédé et du risque que j’aurais moi-même couru si je ne
m’étais pas senti profondément lié à Dieu et chrétien du fond du cœur. »
1800
La phénoménologie a donc abandonné le problème insoluble de la chose en soi
pour se consacrer uniquement aux phénomènes, aux seules manifestations de
l’être accessibles à l’homme. La philosophie pour avancer sur le chemin de la
vérité doit toujours se demander : Cette question mérite-t-elle d’être posée ?
Pour la phénoménologie, la question de la chose en soi est inféconde. Mieux
vaut penser le monde tel qu’il apparaît plutôt que de chercher à déceler une
réalité d’ordre supérieur derrière les apparences. » -Matthieu Giroux,
« Aristote : aux origines de la phénoménologie », Philitt, 7 octobre 2013.
-Albert Camus, Le Mythe de Sisyphe. Essai sur l'absurde, 1942. Repris dans
Albert Camus, Œuvre, Gallimard, Coll. Quarto, 2013, 1526 pages, p.269.
1801
« La phénoménologie, c'est purement la perception et c'est terriblement
dangereux, il faut aller très au fond des choses, voir la réalité. » -Gilbert
Simondon, Entretien sur la mécanologie, avec Jean Le Moyne, 1968.
1802
-Bernard Williams, L'Éthique et les limites de la philosophie, Gallimard, nrf
essais, 1990 (1985 pour la première édition britannique), 243 pages.
http://hydra.forumactif.org/t2074-pascal-engel-la-philosophie-analytique-en-
france-un-bilan-institutionnel-romain-pudal-la-difficile-reception-de-la-
philosophie-analytique-en-france#2784
http://www.amazon.fr/Ecrits-logiques-philosophiques-Gottlob-
Frege/dp/2020229668/ref=pd_sim_14_3?ie=UTF8&dpID=41Eqlp1rqoL&dpSrc
=sims&preST=_AC_UL160_SR97%2C160_&refRID=0J04YJRKSKJJ7FSSAA
Z1
http://livre.fnac.com/a7102594/Elisabeth-Anscombe-Trois-philosophes-
Aristote-Thomas-Frege
http://www.amazon.fr/ontologie-renouveau-m%C3%A9taphysique-tradition-
analytique/dp/2711623211/ref=pd_sim_14_22?ie=UTF8&dpID=41dhXvJH1jL
&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR100%2C160_&refRID=0SN22PS0RS0
1F3HJ2HPR
1803
-Frédéric Nef, Qu’est-ce que la métaphysique ?, Gallimard, coll. Folio essais,
2004, 1062 pages.
“No one could write in English on the history of moral philosophy and not feel
awed by the example of Henry Sidgwick’s Outlines of the History of Ethics,
published in 1886 as a revision of his Encyclopaedia Britannica article.” –
Alasdair MacIntyre, A short history of ethics. A History of Moral Philosophy
from the Homeric Age to the Twentieth Century, Londres, Routledge, 2000
(1966 pour la première edition américaine), 280 pages, p.XX.
http://hydra.forumactif.org/t1988-henry-sidgwick-oeuvre#2690
http://www.amazon.fr/Th%C3%A9orie-g%C3%A9n%C3%A9rale-
connaissance-Schlick-
Moritz/dp/2070771857/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1447240545&sr=1
-
1&keywords=Th%C3%A9orie+g%C3%A9n%C3%A9rale+de+la+connaissance
http://www.amazon.fr/Formes-contenu-introduction-pens%C3%A9e-
philosophique/dp/2748900154/ref=asap_bc?ie=UTF8
Neurath shaped and changed his ideas through engagement in ongoing debates
dating from the late 19th century til the early 20th century: the socialism debate
(centered around Marx), the method debate (centered around Schmoller and
Menger), the value-judgment debate (centered around Weber and Sombart), the
unity of science -or natural vs. human sciences- debate (centered around Rickert
and Dilthey), the socialization debate (centered around Kautsky, Adler, Bauer
and Bernstein), and the socialist calculation debate (centered around von Mises
1806
and Hayek). » -Supplement to Cat, Jordi, "Otto Neurath", The Stanford
Encyclopedia of Philosophy (Winter 2014 Edition), Edward N. Zalta (ed.).
“The result is that, for Moore, there is little, if anything, that one can say to
vindicate a claim to have ethical knowledge; Moore’s « intuitions » have only
the status of confident assertions. In some cases in which a thinker cannot say
anything much to support a claim to knowledge, e.g. where memory is involved,
1808
the adoption of an externalist, reliabilist, position is helpful. But in the present
case it does not help at all: Moore’s abstract anti-realist position provides no
purchase for third-person assessments of the reliability of ethical judgment. So it
is not surprising that many of those who were impressed by Moore’s criticisms
of ethical naturalism and his arguments for the unanalysability of goodness
moved on to a non-cognitivist position with respect to ethics ; Moore’s
intuitionism seemed to them to be no more than an expression of faith on his
part in the possibility of ethical knowledge, but a possibility which was
undermined by his own arguments. In this respect, therefore, Moore’s ethics
was, in effect, undermined from within, and the emotivist movement, and its
increasingly sophisticated successors, are part of the historical legacy of
Moore’s antinaturalism.
Yet a striking feature of Principia Ethica is that alongside the official doctrine
that one cannot give any reasons for fundamental ethical propositions, Moore
does just this from time to time, especially when he is discussing hedonism in
chapter three.”
« Barrès s'illustrera aussi à un certain dîner chez Blanche. Georges Moore, qui
habite alors Paris et prépare avec Édouard Dujardin des conférences franco-
anglaises, souhaite rencontrer Barrès. L'Affaire vient sur le tapis, ils
s'empoignent, Barrès reçoit la serviette de Moore en plein visage. » -Sarah
Vajda, Maurice Barrès, Flammarion, coll. Grandes Biographies, 2000, 434
pages, p.153.
"In the eighteenth century Hume embodied emotivist elements in the large and
complex fabric of his total moral theory; but it is only in this century that
emotivism has flourished as a theory on its own. And it did so as a response to a
set of theories which flourished, especially in England, between 1903 and 1939 .
We ought therefore to ask whether emotivism as a theory may not have been
both a response to, and in the very first instance, an account of not, as its
protagonists indeed supposed, moral language as such, but moral language in
England in the years after 1903 as and when that language was interpreted in
1809
accordance with that body of theory to the refutation of which emotivism was
primarily dedicated.
The theory in question borrowed from the early nineteenth century the name of
'intuitionism' and its immediate progenitor was G.E. Moore. 'I went up to
Cambridge at Michaelmas 1902, and Moore's Principia Ethica came out at the
end of my first year ... it was exciting, exhilarating, the beginning of a
renaissance, the opening of a new heaven on a new earth.' So wrote John
Maynard Keynes (quoted in Rosenbaum 1975, p. 52), and so in their own
rhetorical modes Lytton Strachey and Desmond McCarth y and later Virginia W
oolf, who struggled through Principia Ethica page by page in 1908, and a whole
network of Cambridge and London friends and acquaintances. What opened the
new heaven was Moore's quiet but apocalyptic proclamation in 1903 that after
many centuries he had at last solved the problems of ethics by being the first
philosopher to attend with sufficient care to the precise nature of the questions
which it is the task of ethics to answer." (p.14-15)
Secondly, Moore takes it that to call an action right is simply to say that of the
available alternative actions it is the one which does or did as a matter of fact
produce the most good. Moore is thus a utilitarian; every action is to be
evaluated solely by its consequences, as compared with the conséquences of
alternative possible courses of action. And as with at least some other versions
of utilitarianism it follows that no action is ever right or wrong as such.
Anything whatsoever may under certain circumstances be permitted.
1810
Thirdly, it turns out to be the case, in the sixth and final chapter of Principia
Ethica, that 'personal affections and aesthetic enjoyments include all the
greatest, and by far the greatest goods we can imagine ... ' This is 'the ultimate
and fundamental truth of Moral Philosophy'. The achievement of friendship and
the contemplation of what is beautiful in nature or in art become certainly
almost the sole and perhaps the sole justifiable ends of all human action.
We ought to notice immediately two crucial facts about Moore's moral theory.
The first is that his three central positions are logically independent of each
other. There would be no breach in consistency if one were to affirm anyone of
the three and deny the other two. One can be an intuitionist without being a
utilitarian; most English intuitionists came to hold the view that there was a
non-natural property of 'right' as well as of 'good' and held that to perceive that
a certain type of action was 'right' was to see that one had at least a prima facie
obligation to perform that type of action, independently of its consequences.
Likewise a utilitarian has no necessary commitment to intuitionism. And neither
utilitarians nor intuitionists have any necessary commitment to the values of
Moore's sixth chapter. The second crucial fact is easy to see retrospectively: the
first part of what Moore says is plainly false and the second and third parts are,
at the very least highly contentious. Moore's arguments at times are, it must
seem now, obviously defective -he tries to show that 'good' is indefinable, for
example, by relying on a bad dictionary definition of 'definition' -and a great
deal is asserted rather than argued. And yet it is this to us plainly false, badly
argued position which Keynes treated as 'the beginning of a renaissance', which
Lytton Strachey declared to have 'shattered all writers on ethics from Aristotle
and Christ to Herbert Spencer and Mr. Bradley' and which Leonard Woolf
described as 'substituting for the religious and philosophical nightmares,
delusions, hallucinations in which Jehovah, Christ and St. Paul, Plato, Kant and
Hegel had entangled us, the fresh air and pure light of commonsense' ". (p.15-
16)
-Alasdair MacIntyre, After Virtue. A Study in Moral Theory, University of Notre
Dame Press, Notre Dame, Indiana, Third edition, 2007 (1981 pour la première
édition américaine), 286 pages.
http://hydra.forumactif.org/t1951-george-edward-moore-oeuvres#2648
http://hydra.forumactif.org/t4408-brandon-thomas-byrd-virtue-ethics-and-
moore-s-criticisms-of-naturalism#5298
1811
https://www.amazon.fr/Principia-Ethica-George-Edward-
Moore/dp/2130492592/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1523192059&sr=1
-1&keywords=George+Edward+Moore
Bertrand Russell (1872-1970) : « Tout est vague à un degré dont on n’a pas le
soupçon, jusqu’à ce qu’on ait essayé d’être précis. » -Bertrand Russell.
“The question whether a code is good or bad is the same as the question
whether or not it promotes human happiness.”
“Virtue which is based upon a false view of the facts is not real virtue.”
« Toute tentative pour persuader les gens que quelque chose est bon (ou
mauvais) en soi, et non seulement par ses effets, repose sur l'art d'éveiller des
sentiments, et non sur le recours aux preuves. […]
Quand un homme dit : « Ceci est bon en soi », il paraît affirmer un fait, tout
comme s'il disait : « Ceci est carré » ou « Ceci est sucré ». Je pense que c'est là
une erreur. Je pense qu'il veut dire en réalité : « Je souhaite que tout le monde
désire ceci », ou plutôt : « Puisse tout le monde désirer ceci ». Si l'on interprète
ses paroles comme une affirmation, il s'agit seulement de l'affirmation de son
désir personnel ; par contre, si on les interprète d'une façon plus générale, elles
n'affirment rien, mais ne font qu'exprimer un désir. Le désir lui-même est
personnel, mais son objet est universel. C'est, à mon avis, ce singulier
1812
enchevêtrement du particulier et de l'universel qui a causé une telle confusion
en matière de morale.
-Bertrand Russell, Science et religion, 1935, tr. fr. P.-R. Mantoux, 1975, Folio
essais, p. 175-176.
1813
« [Russell] conclut son interview de 1957 à la BBC par un conseil aux
générations futures, celui de toujours distinguer strictement entre ce dont on
voudrait que ce soit vrai et ce dont on peut montrer que c'est vrai. » -Hans-
Johann Glock, Qu'est-ce que la philosophie analytique ?, Gallimard, Folio
essais, 2011, 545 pages, p.381.
http://hydra.forumactif.org/t2082-bertrand-russell-our-knowledge-of-the-
external-world#2793
http://www.amazon.com/Bertrand-Russell-Spirit-Solitude-1872-
1921/dp/0684828022/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1450981056&sr=1-
1&keywords=Bertrand+Russell%3A+The+Spirit+of+Solitude+1872%E2%80%
931921
http://www.amazon.com/Bertrand-Russell-1921-1970-Ghost-
Madness/dp/0743212150/ref=pd_sim_14_2?ie=UTF8&dpID=51DEHt%2BuyP
L&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR106%2C160_&refRID=0RSG0DZ3H
EH1A076PP5X
http://www.amazon.fr/Autobiographie-1872-1967-Bertrand-
Russell/dp/2251200304/ref=pd_sim_14_5?ie=UTF8&dpID=51eH7b3zg5L&dp
Src=sims&preST=_AC_UL160_SR105%2C160_&refRID=0B69F8FXYXZVH
7AJ0Z8M
http://www.amazon.fr/Histoire-id%C3%A9es-philosophiques-Bertrand-
Russell/dp/2070714748/ref=pd_sim_14_6?ie=UTF8&dpID=41A7op5oROL&d
pSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR106%2C160_&refRID=0B69F8FXYXZV
H7AJ0Z8M
http://www.amazon.fr/Essais-sceptiques-Bertrand-
Russell/dp/2251200088/ref=pd_sim_14_7?ie=UTF8&dpID=31903SBfB3L&dp
Src=sims&preST=_AC_UL160_SR101%2C160_&refRID=0B69F8FXYXZVH
7AJ0Z8M
http://www.amazon.fr/La-M%C3%A9thode-scientifique-en-
philosophie/dp/2228895296/ref=pd_sim_sbs_14_4?ie=UTF8&dpID=51qtx3Ww
2PL&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR104%2C160_&refRID=0VPHBSY
KSVCQ98NBHKMM
1814
http://www.amazon.fr/Probl%C3%A8mes-philosophie-Bertrand-
Russell/dp/2228881724/ref=pd_sim_14_4?ie=UTF8&dpID=517RfgcY6yL&dp
Src=sims&preST=_AC_UL160_SR99%2C160_&refRID=0B69F8FXYXZVH7
AJ0Z8M
http://www.amazon.fr/Ethique-politique-Bertrand-
Russell/dp/2228910333/ref=sr_1_3?s=books&ie=UTF8&qid=1455203884&sr=
1-3&keywords=Ethique+et+politique
http://www.amazon.fr/monde-qui-pourrait-%C3%AAtre-anarcho-
syndicalisme/dp/289596176X/ref=pd_sim_14_1?ie=UTF8&dpID=41oryMljn4L
&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR85%2C160_&refRID=02E3EXF8BWA
ESBK3F3X0
http://www.amazon.fr/Pratique-th%C3%A9orie-bolchevisme-Bertrand-
Russell/dp/2365120512/ref=pd_sim_14_4?ie=UTF8&dpID=31DDjBxOUcL&d
pSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR108%2C160_&refRID=0JD22B70AT9RX
2RRJ88V
http://www.amazon.fr/La-Conqu%C3%AAte-bonheur-Bertrand-
Russell/dp/2228894524/ref=pd_sim_14_2?ie=UTF8&dpID=51D8jjQqG-
L&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR104%2C160_&refRID=0JD22B70AT
9RX2RRJ88V
http://www.amazon.fr/Signification-v%C3%A9rit%C3%A9-Bertrand-
Russell/dp/2081307782/ref=pd_sim_14_2?ie=UTF8&dpID=41podshU7kL&dp
Src=sims&preST=_AC_UL160_SR96%2C160_&refRID=0J04YJRKSKJJ7FSS
AAZ1
1815
« Nous sommes à l’évidence incapable de préciser et de circonscire les concepts
dont nous nous servons, non pas du fait que nous ignorons leur définition réelle,
mais du fait qu’ils ne comportent pas de « définition réelle ». Supposer qu’il est
indispensable qu’il y ait une, cela reviendrait à supposer que des enfants qui
jouent à la belle appliquent toujours dans leurs jeux des règles strictes. » -
Wittgenstein.
La permière conception dit clairement que l'essence du bien n'a rien à voir avec
les faits, et par conséquent ne peut être expliquée par aucune proposition. S'il
existe une proposition qui exprime bien mon opinion, c'est la suivante : Est bon
ce que Dieu ordonne. » -Ludwig Wittgenstein, Cercle de vienne, "Sur l'éthique
de Schlick".
1816
vaisseaux qui ne sont capables que de contenir et de transmettre signification et
sens - signification et sens naturels. L'éthique, si elle existe, est surnaturelle,
alors que nos mots ne peuvent exprimer que des faits ; comme une tasse à thé
qui ne contiendra jamais d'eau que la valeur d'une tasse, quand bien même j'y
verserais un litre d'eau. J'ai dit que dans la mesure où il s'agit de faits et de
propositions, il y a seulement valeur relative, justesse, bien relatifs. Avant de
poursuivre, permettez-moi de l'illustrer par un exemple assez parlant. La route
correcte est celle qui conduit à un but que l'on a prédéterminé de façon
arbitraire et il est tout à fait clair pour chacun de nous qu'il n'y a pas de sens à
parler d'une route correcte en dehors d'un tel but prédéterminé. Voyons
maintenant ce que nous pourrions entendre par l'expression : "la route
absolument correcte". Je pense que ce serait la route que chacun devrait
prendre, mû par une nécessité logique, dès qu'il la verrait, ou sinon il devrait
avoir honte. Similairement, le bien absolu, si toutefois c'est là un état de choses
susceptible de description, serait un état dont chacun, nécessairement,
poursuivrait la réalisation, indépendamment de ses goûts et inclinations, ou
dont on se sentirait coupable de ne pas poursuivre la réalisation. Et je tiens à
dire qu'un tel état de choses est une chimère. Aucun état de choses n'a, en soi, ce
que j'appellerais volontiers le pouvoir coercitif d'un juge absolu. » -Ludwig
Wittgenstein, Conférence sur l'Éthique, 1929, Folio Essais, p. 146-148.
« Le fait que rien ne peut être déduit d'une proposition atomique a des
applications intéressantes, par exemple à la causalité. Il ne peut y avoir, dans la
logique de Wittgenstein, de lien causal. » (p.16)
1817
-Avant-Propos de Bertrand Russell au Tractatus logico-philosophicus, in
Ludwig Wittgenstein, Tractatus logico-philosophicus, Éditions Gallimard,
Bibliothèque de philosophie, 1993 (1922 pour la première édition britannique),
122 pages.
« Ce qui est mystique, ce n’est pas comment est le monde, mais le fait qu’il
soit. »
« Mon ingénieur allemand est, je pense, stupide. Il pense qu’on ne peut rien
connaître d’empirique –je luis ai demandé d’admettre qu’il n’y avait pas de
rhinocéros dans la salle, mais il n’a pas voulu. » -Bertrand Russell, Lettre à
Lady Ottoline, 2 novembre 1911.
« Oui, Wittgenstein a été un grand événement dans ma vie –quoi qu’il puisse
advenir dans le futur […]. Je l’aime et je sens qu’il résoudra les problèmes que
1818
je suis trop vieux pour résoudre –tous les types de problème que mon travail
engendre, mais qui nécessitent un esprit frais et la vigueur de la jeunesse. Il est
le jeune homme que j’espérais. » -Bertrand Russell, Lettre à Lady Ottoline.
« On sait que d’une part Wittgenstein s’était plaint qu’absolument personne (ni
Frege, ni même Russell –voir sa préface !), n’avait compris son [Tractatus
Logico-Philosophicus] et d’autre part que selon lui le sens du livre était en fait
éthique :
« Le sens du livre est éthique […] En effet, mon livre trace les limites de
l’Éthique, pour ainsi dire de l’intérieur, et je suis convaincu qu’elle ne peuvent
être tracées rigoureusement que de cette façon. » -Lettre à Ludwig von Ficker,
octobre ou novembre 1919. » (p.420)
« Le Tractatus présente plus d’un point commun avec l’Éthique [de Spinoza]. »
(note 6 p.420)
http://hydra.forumactif.org/t3107-ludwig-wittgenstein-tractatus-logico-
philosophicus?highlight=wittgenstein
1819
http://www.amazon.fr/Wittgenstein-devoir-g%C3%A9nie-Ray-Monk-
ebook/dp/B005P280QO/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1457555348&sr=8-
1&keywords=R.+monk+wittgenstein
http://www.amazon.fr/Wittgenstein-Georg-Henrik-von-
Wright/dp/2905670185/ref=sr_1_3?s=books&ie=UTF8&qid=1444929755&sr=
1-3
http://www.amazon.fr/Introduction-Wittgensteins-Tractatus-G-
Anscombe/dp/189031854X/ref=asap_bc?ie=UTF8
https://www.amazon.fr/Conf%C3%A9rence-sur-l%C3%A9thique-Wittgenstein-
Ludwig/dp/2070355187/ref=sr_1_10?ie=UTF8&qid=1470936881&sr=8-
10&keywords=Wittgenstein.
https://www.amazon.fr/conversations-lesth%C3%A9tique-psychologie-
religieuse-Conf%C3%A9rence/dp/2070326888/ref=asap_bc?ie=UTF8
https://www.amazon.fr/Recherches-philosophiques-Wittgenstein-
Ludwig/dp/2070141470/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1470936881&sr=8-
1&keywords=Wittgenstein.
https://www.amazon.fr/Recherches-philosophiques-Wittgenstein-Sandra-
Laugier/dp/271161882X/ref=sr_1_31?ie=UTF8&qid=1470937080&sr=8-
31&keywords=Wittgenstein.
https://www.amazon.fr/Remarques-m%C3%AAl%C3%A9es-Ludwig-
Wittgenstein/dp/2080708155/ref=asap_bc?ie=UTF8
https://www.amazon.fr/certitude-Wittgenstein-
Ludwig/dp/2070780880/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1470937355&sr=
1-1&keywords=wittgenstein+de+la+certitude
https://www.amazon.fr/Correspondance-philosophique-Ludwig-
Wittgenstein/dp/2070127656/ref=pd_sim_14_6?ie=UTF8&dpID=31QGdzB2Xr
L&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR99%2C160_&psc=1&refRID=D68RR
CX4YEBB6JKBANV2
https://www.amazon.fr/PENSEE-WITTGENSTEIN-Tractatus-aux-recherches-
philosophiques/dp/2700736524/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1470936711&sr=8-
1&keywords=David+Pears%2C+La+pens%C3%A9e-Wittgenstein.
1820
https://www.amazon.fr/Lectures-Wittgenstein-Christiane-
Chauvir%C3%A9/dp/2729874372/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1470937588&sr=
8-1&keywords=lectures+de+Wittgenstein
https://www.amazon.fr/Foucault-Wittgenstein-Subjectivit%C3%A9-politique-
%C3%A9thique/dp/2271089379/ref=sr_1_16?ie=UTF8&qid=1470936881&sr=
8-16&keywords=Wittgenstein.
http://www.amazon.fr/Sup%C3%A9riorit%C3%A9-l%C3%A9thique-Paul-
Audi/dp/2081200783/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1444681621&sr=1-
1&keywords=Sup%C3%A9riorit%C3%A9+de+l%E2%80%99%C3%A9thique
Alfred Jules Ayer (1910-1989): « La présence d'un symbole éthique dans une
proposition n'ajoute rien à son contenu factuel. Ainsi si je dis à quelqu'un : «
Vous avez mal agi en volant cet argent. » En ajoutant que cette action est
mauvaise, je ne formule aucun autre jugement sur elle, je manifeste
simplement ma désapprobation de la chose. C'est comme si j'avais dit « vous
avez volé cet argent » sur un ton particulier d'horreur ou si je l'avais écrit avec
l'addition de quelque marque spéciale d'exclamation. Le ton, ou la marque
de l'exclamation n'ajoute rien au sens littéral de la phrase. Il sert simplement
à montrer que son expression est accompagnée de certains sentiments chez le
sujet parlant.
1821
absolument pas de sens à demander qui de nous a raison. Car aucun de nous
n'exprime une proposition authentique. […]
Il est bon de remarquer que les termes éthiques ne servent pas seulement à
exprimer des sentiments. Ils sont destinés aussi à susciter les sentiments, et ainsi
à stimuler l'action. En effet, quelques-uns d'entre eux sont employés de manière
à donner aux phrases dans lesquelles ils se rencontrent l'effet de
commandements. Ainsi la phrase : « C'est votre devoir de dire la vérité » peut
être regardée à la fois comme l'expression d'une certaine sorte de sentiment
éthique sur la véracité et comme l'expression du commandement : « Dites la
vérité. » […] En fait, nous pouvons définir le sens des différents mots éthiques
en termes de sentiments divers qu'ils ont l'habitude d'exprimer, et en même
temps par rapport aux différentes réponses qu'ils sont destinés à provoquer.
Karl Popper (1902-1994) : « Nous exigeons que l'État limite la liberté dans une
certaine mesure, de telle sorte que la liberté de chacun soit protégée par la loi*.
Personne ne doit être à la merci d'autres, mais tous doivent avoir le droit d'être
protégé par l'État. Je crois que ces considérations, visant initialement le
domaine de la force brute et de l'intimidation physique, doivent aussi être
appliquées au domaine économique. […] Nous devons construire des
institutions sociales, imposées par l’État, pour protéger les économiquement
faibles des économiquement forts. » -Karl Popper, La société ouverte et ses
ennemis, 1945, ch.17, section 3.
"Je tenterai de montrer que les divergences qui séparent ces deux écoles,
empiriste et rationaliste, sont moins importantes que les similitudes qu'elles
laissent apparaître, mais aussi qu'elles sont toutes deux dans l'erreur. Telle est
1822
en effet ma position, bien que je sois moi-même un empiriste et un rationaliste
d'un style particulier. Je considère que si l'observation et la raison ont chacune
un rôle important à remplir, leurs fonctions respectives diffèrent néanmoins de
celles que leurs classiques champions leur ont assignées. Je chercherai à
montrer, tout particulièrement, que ni l'observation ni la raison ne peuvent être
définies comme la source de la connaissance, ainsi qu'on a prétendu le faire
jusqu'ici." (p.16-17)
1823
description des phénomènes sociaux en termes de touts: il met
fondamentalement en cause le postulat selon lequel « le groupe social est plus
que la simple somme totale de ses membres et il est aussi plus que la simple
somme totale des relations purement personnelles qui existent à n'importe quel
moment entre n'importe lesquels de ses membres ».
La réfutation commence en récusant la pertinence même de l'usage de la notion
de tout qui paraît des plus ambiguës et imprécises à Popper lorsqu'on la
transfère dans le domaine des sciences sociales -alors qu'il apparaît légitime en
sciences naturelles à propos des organismes vivants. S'agissant du social, la
description d'un phénomène comme constituant un tout est d'autant plus
arbitraire qu'elle résulte toujours d'un procédé d'abstraction sélectionnant
certains aspects du réel au détriment d'autres: l'idée même qu'il pourrait exister
des touts sociaux précisément isolables est dépourvue de toute validité
scientifique. Par suite, affirmer que le tout est plus que la somme de ses parties
ou bien renvoie à la plus plate des banalités puisque personne n'a jamais
contesté que dans la description d'un phénomène, il faille tenir compte des
relations entre les parties et composantes élémentaires -ou bien revient à faire
du tout social un nouvel objet réel, autonome, délimitable et transcendant, et
l'on se retrouve en plein confusionnisme dissimulant le fait majeur que les
phénomènes (ou touts) sociaux ne sont alors jamais que des constructions
abstraites spontanées de l'esprit humain autant dénuées de rigueur que d'assise
empirique." (p.73-74)
https://www.amazon.fr/logique-d%C3%A9couverte-scientifique-Karl-
Popper/dp/2228902012/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1476187521&sr=8-
1&keywords=la+logique+de+la+d%C3%A9couverte+scientifique
1824
https://www.amazon.fr/Post-scriptum-logique-d%C3%A9couverte-scientifique-
r%C3%A9alisme/dp/2705660372/ref=sr_1_3?ie=UTF8&qid=1476187521&sr=
8-3&keywords=la+logique+de+la+d%C3%A9couverte+scientifique
https://www.amazon.fr/Post-scriptum-logique-d%C3%A9couverte-scientifique-
lind%C3%A9terminisme/dp/2705659811/ref=sr_1_4?ie=UTF8&qid=14761875
21&sr=8-4&keywords=la+logique+de+la+d%C3%A9couverte+scientifique
https://www.amazon.fr/Recherche-dun-monde-meilleur-
conf%C3%A9rences/dp/2251200193/ref=sr_1_sc_1?ie=UTF8&qid=148597397
7&sr=8-1-spell&keywords=karl+poper+%C3%A0+la+recherc
https://www.amazon.fr/gp/product/2081233649/ref=pd_sim_14_2?ie=UTF8&ps
c=1&refRID=HH1JGFP618V18ZNF9BX7
https://www.amazon.fr/gp/product/2251200193/ref=pd_sim_14_28?ie=UTF8&
psc=1&refRID=HH1JGFP618V18ZNF9BX7
1825
nationale et pour la pratique dans ce domaine. » -Carl Menger, Recherches sur
la méthode des sciences sociales et de l'économie politique en particulier, 1883.
http://www.amazon.fr/Carl-Menger-entre-Aristote-
Hayek/dp/2271066395/ref=sr_1_15?s=books&ie=UTF8&qid=1450479630&sr=
1-15&keywords=hayek
http://www.amazon.fr/Recherches-sciences-sociales-politique-
particulier/dp/2713222702/ref=sr_1_2?s=books&ie=UTF8&qid=1450479785&s
r=1-2&keywords=Carl+Menger
http://www.amazon.fr/L%C3%A9cole-autrichienne-d%C3%A9conomie-autre-
h%C3%A9t%C3%A9rodoxie/dp/2757401637/ref=pd_sim_14_3?ie=UTF8&dpI
D=51LhbLtG9GL&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR105%2C160_&refRI
D=19TBVBT06AE6X200CZJ7
http://hydra.forumactif.org/t1947-carl-menger-principles-of-economics-les-
origines-de-la-monnaie-la-rupture-de-carl-menger-avec-l-economie-classique-
de-pierre-le-masne#2644
"When Karl Marx and the Close of His System was published in 1896 it was an
immediate success and soon became what might almost be called the official
answer of the economics profession to Marx and the Marxian school." (p.IX)
-Paul M. Sweezy, introduction to Eugen von Böhm-Bawerk, Karl Marx and the
Close of His System, New York, 1949 (1896 pour la première édition
autrichienne), 224 pages.
"Parmi les philosophes qui ont le plus compté au cours du XXe siècle, bien peu
ont été des défenseurs de la raison et des Lumières ; et certains de ceux qui ont
exercé et continuent, encore aujourd’hui, à exercer l’influence la plus
considérable (comme c’est le cas de Nietzsche et Heidegger) ont même été ses
adversaires déclarés."
1827
"Le moins que l’on puisse dire est que la philosophie française, dans la
deuxième moitié du dernier siècle, ne s’est pas beaucoup mobilisée pour la
défense de ce que Sternhell appelle « les lumières franco-kantiennes » et a
emprunté plutôt, sous des formes diverses, le chemin de la deuxième modernité."
« Aujourd'hui, l'histoire du XXème siècle est achevée: chacun sait qu'elle débuta
dans l'enthousiasme aberrant de la mobilisation générale de 1914 pour
s'achever dans le triomphe ambigu de 1989, avec la chute du mur de Berlin et
l'effondrement de l'Union soviétique. » -Nicolas Baverez, préface à Raymond
Aron, Penser la liberté, penser la démocratie, Gallimard, coll. Quarto, 2005,
1815 pages, p.9.
« Le XXème siècle est une machine à broyer les individualités fortes, les pensées
libres et les illusions. » -Max Gallo, Une femme rebelle : vie et mort de Rosa
Luxembourg, Fayard, 2000, 383 pages, p.364.
« Il n’est pas permis de dire que c’était mieux avant. Avec ses totalitarismes,
avec ses deux guerres mondiales, avec le goulag et la Shoah, avec les drames à
répétition de la fin du colonialisme, avec le Cambodge et le Rwanda, avec la
crise de 1929, avec la montée inexorable du chômage et la crainte d’un retour
aux désastres de l’inflation qui avait frappé l’Allemagne dans les années 1920,
avec le doute soudain jeté sur la marche de l’histoire, le XXe siècle ne laissera
pas le souvenir d’une époque estimable et heureuse.
Le XIXe siècle a été un siècle, à beaucoup d’égards, injuste et cruel, mais il était
au moins porté par l’espérance. Le mot qui revient le plus souvent chez Hugo
est le mot « aurore » et le communisme de Karl Marx promettait à l’humanité
des lendemains qui chantent. Le monde vivait à crédit. On sait ce que sont
1828
devenues ces espérances. » -Jean d’Ormesson, « Quelques nuances de noir, et
un peu d’espérance », Le Figaro, 9 mars 2013, repris dans Jean d’Ormesson,
Dieu, les affaires et nous. Chronique d’un demi-siècle, Robert Laffont, coll.
Pocket, 2015, 846 pages, p.538.
« Le XXe siècle a vu, pour la première fois, dans des pays de plus en plus
nombreux, les populations urbaines devenir plus nombreux que les populations
rurales.
Le mouvement de concentration humaine dans la société industrielle a donné
naissance à l'ère des masses. La politique se fera de moins en moins dans le
secret des cabinets: le suffrage universel aidant, elle exige l'assentiment des
foules. C'est une particularité du XXe siècle: les trois grandes idéologies qui
s'affrontent, la démocratie, le fascisme et le communisme, se réclament du
peuple, remplaçant, balayant les idéologies élitistes du XIXe siècle, le
libéralisme des notables ou la Contre-Révolution. » -Michel Winock, Le XXème
siècle idéologique et politique, Éditions Perrin, coll. Tempus, 2009, 540 pages,
p.16.
« Technologique, le XXe siècle apporte aux hommes comme aux femmes une
santé meilleure et une longévité accrue (pensons à la victoire sur la mort des
enfants), de plus hauts niveaux d'éducation et de nouveaux modes de vie
marqués par l'urbanisation et la multiplication de biens et de services.
Globalement peut-être, malgré les méfaits et les inégalités des sociétés de
consommation, une vie meilleure, moins vouée au travail et à la peine. Pour les
femmes, cela se traduit d'abord par une transformation du travail ménager et du
régime de la maternité, qui diminue le temps nécessaire à ces activités de
reproduction et leur permet une plus grande participation à la vie sociale. Mais,
pour celles qui furent longtemps prises dans le filet de la communauté naturelle
qu'est la famille et tenues en dehors de la dynamique des droits individuels
déclenchée par la Révolution française, la modernité est plus encore la conquête
d'une position de sujet, individu à part entière et citoyenne, la conquête d'une
autonomie économique, juridique et symbolique par rapport aux pères et aux
maris. » -Françoise Thébaud, Introduction in Histoire des femmes en Occident,
tome 5 "Le XXe siècle", Perrin, 2002 (1992 pour la première édition), 765
pages, p.70-71.
“It has been a great century for philosophy, perhaps the greatest period since
the 5th-4th centuries BC. Even comparing the situation when I came in, in the
1829
late 40s, with the situation today, I seem to see improvement. Many great issues
seem to me now to be at least more thoroughly canvassed and understood than
they were in the past. Important bridges have been built, to logic and
mathematics on the one hand, and to the natural sciences, on the other, and
even between moral philosophy and evolutionary theory.” -David M.
Armstrong, Interview in In Matters of the Mind: Poems, Essays and Interviews
in Honour of Leonie Kramer, eds. Lee Jobling and Catherine Runcie. Sydney:
University of Sydney, 2001: pp. 322-332.
« Ce n’est pas la soif de conquête qui nous anime ; ce qui nous enflamme, c’est
la volonté ferme de conserver pour nous et toutes les générations à venir la
place où Dieu nous a mis. » -Guillaume II, discours prononcé le 4 août 1914
devant le Reichstag.
1830
"An exemple of a case that contradicts offensive realism involves Germany in
1905. At the time Germany was the most powerful state in Europe. Its main
rivals on the continent were France and Russia, which some fifteen years earlier
had formed an alliance to contain the Germans. The United Kingdom had a tiny
army at the time because it was counting on France and Russia to keep
Germany at bay. When Japan unexpectedly inflicted a devastating defeat on
Russia between 1904 and 1905, which temporarily knocked Russia out of the
European balance of power, France was left standing virtually alone against
mighty Germany. Here was an excellent opportunity for Germany to crush
France and take a giant step toward achieving hegemony in Europe. It surely
made more sense for Germany to go to war in 1905 than in 1914. But Germany
did not even seriously consider going to war in 1905, which contradicts what
offensive realism would predict."
-John J. Mearsheimer, The Tragedy of Great Power Politics, W. W. Norton &
Company, 2001, 448 pages.
https://www.amazon.fr/Guillaume-II-Kaiser-C-
Baechler/dp/2213615578/ref=tmm_hrd_swatch_0?_encoding=UTF8&qid=1508
952471&sr=1-2
« La conception du droit n’est pas une, ne peut pas être une partout […]
La seule solution dans bien des cas sera toujours la guerre. Entraînera-t-elle
dans les campagnes futures plus de maux que dans le passé ! C’est peu
vraisemblable. Les progrès de l’armement, comme ceux des moyens
stratégiques, ont surtout pour effet de substituer à une destruction des forces
matérielles du vaincu, une destruction de ses forces morales. Aussi la
1831
proportion des victimes diminue-t-elle, en quelque sorte, à mesure qu’augmente
la puissance des armes par lesquelles elles sont frappées.
« [Parmi les mobilisés] la France [perd] 1.3 million d'hommes, soit 10% de sa
population active masculine et plus de 3% de sa population totale, l'Allemagne
près de 3% avec 1.8 million d'hommes, l'Italie et le Royaume-Uni environ 750
000 soldats chacun. » (Françoise Thébaud, "La Grande Guerre. Le triomphe de
la division sexuelle.", in Françoise Thébaud (dir.), Histoire des femmes en
Occident, tome 5 "Le XXe siècle", Perrin, 2002 (1992 pour la première édition),
765 pages, p.119).
« Le 11 novembre 1918, le monde d'hier n'était plus que ruine. Quatre grands
empires avaient mordu la poussière: l'Allemagne, l'Autriche-Hongrie, la Russie
et l'Empire ottoman avaient sombré. » -Christopher Booker & Richard North,
La Grande Dissimulation, L'Artilleur, coll. "Interventions", 2016 (2003 pour la
première édition anglaise), 832 pages, p.27.
« La guerre de 1914 marque la fin du XIXe siècle et l'entrée dans le XXe siècle
pour trois raisons: elle met fin à l'hégémonie européenne dans le monde,
désormais dominé par la puissance américaine et la révolution soviétique ; elle
ouvre la voie à une société d'inflation qui contraste avec la société stable du
XIXe ; elle pose enfin à la France des problèmes politiques nouveaux, qui
relèguent au second plan ceux du début du siècle. » -Antoine Prost, Petite
histoire de la France au 20e siècle, Paris, Armand Colin, 2005 (1979 pour la
première édition), 153 pages, p.18.
« On dit généralement que le XIXe siècle s'achève en 1914. On peut dès lors
considérer la Grande Guerre comme le point d'orgue des idéologies du XIXe
siècle, la victoire du grand mouvement national et libéral, dont le coup d'envoi
avait été donné par la Révolution française.
Le mouvement des nationalités visait à la fondation des Etats-nations contre les
1832
empires ; le mouvement libéral, lui, à la fin des absolutismes. En 1918, la fin de
la guerre mondiale consacre la fin des empires (notamment celle de l'Empire
ottoman et celle de l'Empire austro-hongrois), au profit du principe des
nationalités, en même temps que la défaite des Empires centraux consacre la fin
définitive des "anciens régimes", avec l'installation de régimes plus ou moins
démocratiques (exception faite de la Russie, nous y reviendrons).
Si l'on prend l'exemple des Etats successeurs de l'Empire austro-hongrois, on
voit que le principe des nationalités a triomphé avec la naissance ou la
renaissance de la Pologne, de la Tchécoslovaquie, de la Yougoslavie (en
attendant son implosion à la fin du siècle), tandis que l'Autriche et la Hongrie
sont réduites à la portion congrue.
Ces cinq Etats sont des démocraties: l'Autriche est devenue une république
fédérale ; la Hongrie, après la tentative révolutionnaire de Bela Kun, se donne à
partir de 1921 les apparences de l'Etat de droit (élections libres, régime
parlementaire, pluralisme) ; la Yougoslavie (royaume des Serbes, Croates et
Slovènes) se dote par la Constitution de 1921 d'un régime parlementaire ; la
Pologne ressuscitée adopte des institutions démocratiques, dans le cadre d'une
IIe République, par la Constitution de 1921 imitée de celle de la France ; enfin
la Tchécoslovaquie adopte une constitution en 1920, copiée elle aussi sur le
modèle français.
Si l'on ajoute à ces exemples ceux de l'Allemagne, où la république de Weimar
succède au IIe Reich ; de l'Italie, où le suffrage universel est définitivement
adopté, on le voit: le double principe national et libéral démocratique triomphe
en Europe. Le XIXe siècle, à cet égard, est bien terminé.
Cependant, la victoire de la démocratie pluraliste n'est qu'une apparence. Deux
défis lui sont lancés, celui de la révolution bolchevique, qui, contre toute attente,
réussit à mettre en place un régime de type socialiste, et celui de l'Italie
mussolinienne, qui, dès 1922, remet en question les fondements de l'Etat libéral
et démocratique. S'engage alors une guerre idéologique entre trois courants de
pensée, trois systèmes antagonistes. » (pp.17-18)
Elle doit en chasser les généraux et les banquiers et nommer partout de ses
propres hommes. Mais elle peut utiliser cet appareil de comptes, de contrôle et
d'administration que les pillards du capitalisme ont déjà créé. C’est pourquoi il
1834
est mille fois plus difficile aux ouvriers de l'Europe occidentale de commencer
(de détruire le formidable État bourgeois) ; mais il leur sera beaucoup plus
facile après de venir à bout de la production organisée déjà par la
bourgeoisie. » -Boukharine, Le programme des Communistes (Bolcheviks), IX.
La grande industrie au peuple travailleur (Nationalisation de l'industrie), 1918.
« La première guerre mondiale -et les années qui suivirent- apparaît comme
[...] le laboratoire où ont été expérimentés et mis au point les mécanismes et les
dispositifs fonctionnels de l'état d'exception comme paradigme de
gouvernement. » -Giorgio Agamben, État d'Exception. Homo Sacer, II,1,
Éditions du Seuil, coll. « L’ordre philosophique », 2003, 153 pages, p.19.
1835
tâche. Rien n'eût d'ailleurs été plus contraire à la vision du monde d'un
inspecteur des finances que de se risquer à mettre en péril l'équilibre budgétaire
ou la valeur du franc. La guerre fournit l'occasion à des individus, pour la
plupart étrangers au monde parlementaire et aux grands corps, d'intervenir non
seulement dans les débats économiques, mais plus encore dans la gestion de
l'économie nationale. Elle a ainsi contribué à l'expérimentation d'un mode de
régulation peu respectueux des principes marchands et à l'émergence de
nouvelles formes d'expertises. » (p.21)
« Bien que la plupart des institutions mises en place durant le conflit ont été
démantelées par le Bloc national (coalition de droite largement victorieuse lors
des législatives de 1919) l'esprit de la mobilisation perdure. » (p.23)
-François Denord, Le Néo-libéralisme à la française. Histoire d'une idéologie
politique, Éditions Agone, 2016 (2007 pour la première édition), 466 pages.
Prenant une place croissante dans l’économie, l’Etat a-t-il augmenté les
prélèvements pour faire face à des besoins ou à des demandes croissantes, ou
ses prestations ont-elles augmenté parce que de nouveaux outils fiscaux, plus
productifs, devenaient disponibles ? Les deux sont vrais : l’impôt sur le revenu
(dans sa partie progressive, Impôt Général sur le Revenu, IGR) naît en 1914,
mais ne représente pas alors un changement d’échelle : les contribuables
gagnant les revenus les plus élevés ont un taux moyen proche de 2 %, ce qui
reste dans la norme des taux effectifs d’imposition avant 1914. Les énormes
besoins liés à la guerre motivent de nouveaux impôts et provoquent un véritable
tournant : les « quatre vieilles » sont supprimées en 1917 et remplacées par une
imposition proportionnelle* sur les différents revenus (ou « cédules »), selon
une classification encore en vigueur aujourd’hui, système complété par l’IGR
imposant de manière progressive la somme de tous ces revenus. La plupart des
grandes hausses ultérieures de l’impôt correspondent à de nouveaux besoins de
financement : la nécessité de régler les pensions et les indemnisations des
1836
dommages liés à la guerre motive une hausse considérable de l’impôt sur le
revenu qui prend le 25 juin 1920 son aspect « moderne », avec des taux moyens
de plusieurs dizaines de pourcents. Suivent de nouvelles hausses en 1945 pour
financer les projets de la 1re Assemblée Constituante, ou encore en 1948. En
revanche, il apparaît que les impôts provisoires ou exceptionnels demeurent
après la période de crise. L’Etat ne s’est ainsi jamais désengagé après la
première guerre mondiale, et les impôts annoncés comme provisoires perdurent
et alimentent l’octroi de nouveaux services publics dont la demande est
croissante.
Élam, Ninive, Babylone étaient de beaux noms vagues, et la ruine totale de ces
mondes avait aussi peu de signification pour nous que leur existence même.
Mais France, Angleterre, Russie... ce seraient aussi de beaux noms. Lusitania
aussi est un beau nom. Et nous voyons maintenant que l’abîme de l’histoire est
assez grand pour tout le monde. Nous sentons qu’une civilisation a la même
fragilité qu’une vie. Les circonstances qui enverraient les oeuvres de Keats et
celles de Baudelaire rejoindre les oeuvres de Ménandre ne sont plus du tout
inconcevables : elles sont dans les journaux.
Ce n’est pas tout. La brûlante leçon est plus complète encore. Il n’a pas suffi à
notre génération d’apprendre par sa propre expérience comment les plus belles
choses et les plus antiques, et les plus formidables et les mieux ordonnées sont
périssables par accident; elle a vu, dans l’ordre de la pensée, du sens commun,
et du sentiment, se produire des phénomènes extraordinaires, des réalisations
brusques de paradoxes, des déceptions brutales de l’évid ence.
Je n’en citerai qu’un exemple : les grandes vertus des peuples allemands ont
engendré plus de maux que l’oisiveté jamais n’a créé de vices. Nous avons vu,
de nos yeux vu, le travail consciencieux, l’instruction la plus solide, la discipline
et l’application les plus sérieuses, adaptés à d’épouvantables desseins. […]
Ainsi la Persépolis spirituelle n’est pas moins ravagée que la Suse matérielle.
Tout ne s’est pas perdu, mais tout s’est senti périr.
La crise militaire est peut-être finie. La crise économique est visible dans toute
sa force; mais la crise intellectuelle, plus subtile, et qui, par sa nature même,
prend les apparences les plus trompeuses (puisqu’elle se passe dans le royaume
même de la dissimulation), cette crise laisse difficilement saisir son véritable
point, sa phase.
1839
-Paul Valéry, La crise de l’esprit, 1919, « Les classiques des sciences sociales »,
14 pages.
« The Great War destroyed European culture and the commitment to truths. In
their place, generations embraced relativism, nihilism and socialism, and from
the ashes arose Lenin, Stalin and Hitler and their evil doctrines that infect
contemporary culture. In the words of the British historian, Niall Ferguson, the
First World War "was nothing less than the greatest error in modern history.".”
-Adam Young, The Real Churchill, mises.org, 02/27/2004.
"Quelle que fût la manière de penser des gouvernants ou du monde des affaires,
quelle qu'ait été la responsabilité des conflits d'outre-mer dans l'alignement des
Etats européens, la guerre de 1914 prit naissance dans les Balkans, là où se
heurtaient les intérêts des Slaves et des Germains, pour employer une
expression trop grandiose, plus simplement là où l'Autriche-Hongrie se heurtait
aux pays slaves qui entretenaient l'irrédentisme des Slaves de l'empire dualiste.
L'Alsace-Lorraine nourrissait l'hostilité franco-allemande plus que la question
du Maroc. La Grande-Bretagne redoutait plus la flotte allemande de haute mer
que la concurrence des marchandises made in Germany." (p.XIV)
"Le marché mondial capitaliste d'avant 1914 était dominé par l'empire
britannique, avec pour centre Londres et la place de Londres. Dès le dernier
quart du XIXe siècle, l'Angleterre avait perdu son rôle de pionnier industriel:
dans les secteurs de pointe, électricité et chimie, l'Allemagne wilhelmienne
tenait le premier rang. Les exportations allemandes progressaient plus vite que
celles de la Grande-Bretagne, mais celles-ci gardaient une supériorité
quantitative. De plus, l'expansion allemande continuait de se diriger plus vers
l'Europe que vers l'Outre-mer. La répartition des exportations anglaises était
inverse." (p.XV)
« Les prisonniers et les habitants des territoires occupés ont fait dès alors une
expérience qui les place au cœur du processus de totalisation de la guerre du
XXe siècle. » (p.11)
1840
« On décompte environ 600 000 soldats [français] prisonniers en Allemagne
entre 1914 et 1918. Entre les décédés, les rapatriés, les évadés, il en restait
environ 520 000 en 1918. » (p.15)
« Long projet qu'à partir des témoignages des survivants, Barrès a consacré
sous le titre de Gerbéviller au 21 août 1914, 22e jour de la guerre en Alsace où
le village tint héroïquement 10 heures avant l'arrivée des troupes françaises et
vit la soldatesque s'amuser à un jeu de massacre sur adolescents, mères,
enfants, vieillards et invalides en prenant soin de séparer les sexes et d'abattre
d'abord les enfants sous les yeux de leurs mères, prenant plaisir à brûler vifs les
jeunes filles et les adolescents. En 1870, les Allemands avaient été vainqueurs,
ils n'étaient donc pas des enfants humiliés ; la guerre venait de commencer, ils
n'avaient donc encore à se venger d'aucun pillage ni d'aucune barbarie contre
leurs civils. Ils n'agirent ainsi que pour faire régner la terreur chez l'ennemi
selon le vœu de l'état-major qui prônait une guerre psychologique. » -Sarah
Vajda, Maurice Barrès, Flammarion, coll. Grandes Biographies, 2000, 434
pages, note 32 p.394.
“A peu près insignifiant en 1914 aux yeux d'officiers ayant tendance à préférer
par tradition les mouvements et les charges de cavalerie, le problème de l'accès
au pétrole aura acquis en 1918 dans les états-majors une attention que nulle
armée ne relâchera jamais plus.
Dès les premiers jours de septembre 1914, l'armée allemande est aux portes de
Paris. Des détachements à cheval des terribles uhlans sont aperçus à quelques
dizaines de kilomètres seulement des faubourgs de la capitale. L'état-major
français cherche par tous les moyens à accélérer l'envoi de troupes fraîches. Le
général Joseph Gallieni, gouverneur militaire de Paris, réquisitionne les 6 et 7
septembre plus d'un millier de taxis de la ville ainsi que des autobus.
Rassemblés aux Invalides, taxis et bus acheminent environ 5 000 soldats
jusqu'au front lorsque débute la bataille de la Marne ; l'armée française
s'acquitte dûment du paiement de chacune des courses. Contrairement à l'idée
reçue, les "taxis de la Marne" n'ont en rien décidé de l'issue de cette bataille,
qui aboutit au repli des Allemands et permet de leur barrer définitivement la
route de Paris. Des dizaines de divisions sont engagées, et l'immense majorité
1841
des centaines de milliers de soldats français qui y participent sont transportés
par train. Cependant, l'épisode des "taxis de la Marne" restera comme le
premier indice du bouleversement des fondations tactiques et stratégiques de la
guerre qu'est en passe de provoquer le moteur à combustion interne.
Au sein de l'armée française, l'officier d'artillerie Jean-Baptiste Étienne est
considéré comme le "père des chars". Juste avant la guerre, il a dirigé l'un des
tout premiers groupes d'avions de reconnaissance de l'armée française. Le 25
août, trois semaines après le début des combats, le colonel Étienne déclare aux
officiers de son régiment qui chevauchent à ses côtés: "Messieurs, la victoire
appartiendra dans cette guerre à celui des deux belligérants qui parviendra le
premier à placer un canon de 75 sur une voiture capable de se mouvoir en tout
terrain". La même idée germe en octobre dans l'esprit du colonel anglais Ernest
Swinton. Ingénieur de formation, Swinton suit de près les expériences qui ont
déjà lieu au sein de l'armée britannique pour transformer des tracteurs
agricoles en véhicules tout-terrain capables de tirer des pièces d'artillerie ou de
percer des lignes de défense barbelées. A son tour, le colonel Étienne a vent des
expérimentations menées outre-Manche. Swinton expose ses idées à son état-
major, puis Winston Churchill se saisit promptement du dossier pour former dès
février 1915 un "Comité des vaisseaux terrestres". De nombreux nouveaux
prototypes sont testés. Dans les échanges secrets du bureau de la Guerre
britannique, un nom de code génétique leur est attribué: "tank", ce qui en
anglais signifie "réservoir". De son côté, Jean-Baptise Étienne entre en contact
en décembre 1915 avec Joseph Joffre, généralissime de l'armée française. Le 31
janvier 1916, Joffre commande les 400 premiers chars à la compagnie
Schneider.
Les chars d'assaut jouent un rôle décisif pour mettre fin à la guerre de tranchée.
Des tanks britanniques Mark I sont engagés pour la première fois le 15
septembre 1916 durant la bataille de la Somme. Ils sont lents et capricieux.
Beaucoup tombent en panne durant l'offensive ou sont aisément détruits par
l'artillerie allemande. Mais quelques-uns parviennent tout de même à répandre
la mort et l'effroi dans les lignes ennemies. Le 16 avril 1917, les chars blindés
français Schneider participent à l'offensive dantesque du Chemin des Dames. L'
"artillerie d'assaut", comme on l'appelle dans l'armée française, est rapidement
perfectionnée. A partir de la fin 1917, les usines Renault fabriquent plus de
3000 exemplaires du char léger FT. C'est le premier char d'assaut bénéficiant
de la configuration moderne: une tourelle rotative et un moteur placé à
l'arrière. 600 tanks britanniques réussissent une percée historique au cours de
1842
la bataille d'Amiens le 8 août 1918 ; une journée qualifiée plus tard de "journée
noire" pour l'armée allemande par le général en chef des troupes du Reich,
Erich Ludendorff. Les États-Unis, entrés en guerre en 1917, fabriquent sous
licence plus de 900 des chars Renault FT. Au milieu du mois de septembre 1918,
le jeune major américain George Patton lance victorieusement deux bataillons
de chars français à l'assaut du Saillant de Saint-Michel, près de Verdun.
L'armée allemande prend conscience trop tard du progrès fatal que constituent
les chars blindés des Alliés. Elle parvient seulement à partir de mars 1918 à
mener au combat quelque unité de leur lent et massif modèle A7V, qui pèse plus
de 30 tonnes.
Outre les chars, les Alliés ont à leur disposition en 1918 des centaines de
milliers de véhicules terrestres -camions, voitures et motocyclettes-, là où au
début de la guerre ils n'étaient que quelques centaines, réquisitionnés pour la
plupart. Dans les tranchées, la paraffine peut être vitale pour protéger de
l'humidité les vivres et les munitions. Le ronron des générateurs électriques
mobiles alimentés au "fioul" permet de faire fonctionner les téléphones de
campagne jusque dans les secteurs du front les plus exposés. Les avions de
chasse, de bombardement et de reconnaissance, enfin, se comptent par dizaines
de milliers lors de l'armistice, pour les deux tiers du côté allié. Ils complètent
l'intensification de la guerre, et confirment la prééminence décisive que confère
le pétrole dans l'issue des conflits armés. » (p.127-129)
« Dès 1915, l'Allemagne voit son industrie gênée par des pénuries de lubrifiants.
A partir de 1916, elle ne parvient plus du tout à sécuriser l'accès au pétrole.
L'entrée en guerre de la Roumanie du côté des Alliés en août coupe le Reich de
sa principale source d'approvisionnement. En novembre, les Alliés réussissent à
faire sauter la plupart des installations pétrolières roumaines juste avant que
l'armée allemande ne mette la main dessus. A l'issue de la paix conclue avec la
jeune Russie bolchevique le 3 mars 1918 par le traité de Brest-Litovsk, Berlin
réclame à Lénine un accès au pétrole de Bakou que l'Allemagne n'obtiendra
jamais. Les alliés turcs assiègent la cité des bords de la Caspienne à la fin du
mois de juillet, et mettent la main sur certains puits. Mais, au milieu du mois
d'août, le Royaume-Uni envoie à travers la Perse une force expéditionnaire, et
chasse les Turcs de la Ville noire.
Pour protéger la raffinerie d'Abadan, l'armée britannique s'empare dès
novembre 1914 du port mésopotamien de Bassora, sur l'estuaire du Tigre et de
l'Euphrate. Puis elle prend Bagdad en mars 1917, grâce à des troupes
1843
indiennes, et s'avance jusqu'à Mossoul en novembre 1918. Pendant ce temps, en
Perse, les ingénieurs de l'Anglo-Persian Oil Company développent la
production à marche forcée. Celle-ci n'atteint toutefois que 23 000 barils par
jour en 1918, égalant à peine la production birmane. En dépit des précautions
prises à la veille de la guerre par Winston Churchill pour doter son pays de la
première compagnie pétrolière nationale de l'histoire, les volumes encore
faibles de brut puisés par l'Anglo-Persian Oil Company ne répondent qu'à une
maigre part des besoins des armées britanniques. Quant à la France, elle est
coupée dès 1914 de ses sources d'approvisionnement de Russie et de Roumanie,
qui fournissaient jusque-là près de la moitié de ses importations.
En somme, environ 80% du pétrole de la machine de guerre alliée sont
américains. [...] La guerre maritime totale que déclenchent les sous-marins
allemands en janvier 1917 conduit les États-Unis à entrer en guerre le 6 avril. »
(p.129-130)
1844
« Le 9 novembre 1918, une semaine après la capitulation de l'Empire ottoman,
Paris et Londres publient la "déclaration franco-anglaise" qui stipule que les
deux capitales apporteront leur soutien aux gouvernements futurs issus du "libre
[...] choix des populations indigènes". Mais Londres fait savoir que son soutien
concernant les conditions de la restitution de l'Alsace-Lorraine par l'Allemagne,
question évidemment ultrasensible pour Paris, n'est en rien garanti (sans parler
des visées françaises sur la Ruhr) si jamais la France refuse de lâcher du lest à
propos de Mossoul. Les deux plus énormes trésors de la guerre 1914-1918 sont
de nature énergétiques, et Downing Street n'hésite pas à les mettre en balance:
ce sera le charbon de la Lorraine et de la Ruhr contre l'or noir ottoman !
Lorsque, en visite à Londres le 1er décembre, Clemenceau demande à Lloyd
George ce qu'il souhaite, celui-ci répond: "Je veux Mossoul.
-Vous l'aurez, réplique le chef du gouvernement français. Autre chose ?
-Oui, je veux aussi Jérusalem.
-Vous l'aurez", promet à nouveau Clemenceau [...]
Exsangue, la France n'a pas les moyens d'occuper militairement le nord de la
trop lointaine Mésopotamie. Le mois suivant, le Quai d'Orsay transmet aux
Britanniques un mémorandum confirmant le renoncement des Français à leurs
prétentions sur la ville. Mais, en contrepartie, Paris réclame un accès égal au
pétrole de Mésopotamie, dont pas une goutte n'a encore été puisée. La leçon de
la guerre a porté: l'accès à l'or noir est devenu une priorité stratégique majeure
pour la France. » (p.158-159)
« L’union sera même élargie avec l’entrée en octobre 1915, dans le cabinet que
forme Briand succédant à Viviani, de Jules Méline à l’Agriculture et de Denys
Cochin à un poste de sous-secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères : il est le
premier catholique à faire partie d’un gouvernement depuis 1879 ; c’est la levée
d’une exclusive de plus d’un tiers de siècle qui frappait tout homme politique
suspect d’être dévoué à l’Église. » (p.374)
« Durant l’été 1917, la rupture survient entre les socialistes et les autres partis :
c’est la fin de l’Union sacrée. Il y a désormais une opposition. Le point extrême
de la dégradation est atteint ce jour du 14 novembre 1917 où, pour la première
fois après trois ans de guerre, une majorité parlementaire refuse la confiance au
gouvernement que dirige Paul Painlevé. » (p.385)
« Par une loi du 29 décembre 1915, la France devint le premier pays d’Europe
à attribuer une sépulture à tous les morts de guerre ; les autres nations suivirent
bientôt son exemple. […] Le cimetière militaire, réservé aux héros de la nation,
devint dans bien des cas le symbole crucial du mythe de la guerre. » (p.56-57)
1849
-George L. Mosse, De la Grande Guerre au totalitarisme. La brutalisation des
sociétés européennes, 1999 (1990 pour la première édition britannique), 291
pages.
"En 1894, Barrès ne sait pas encore que c'est à Dreyfus -le chef d'escadron
détaché en août 1914 au fort de Domont qui avertit Galliéni du changement de
cap allemand, à la sortie de Luzarches- que la France devra les prémices de la
manœuvre de la Marne. Il ne sait pas encore que l'ancien bagnard finira la
guerre lieutenant-colonel et officier de la Légion d'honneur et, dans le 20e
corps, sera du Chemin des Dames où son fils commande une batterie de 75, ni
que le sien, Philippe, servira en compagnie de celui de Jaurès au 12e régiment
de cuirassiers à pied et que Louis [Jaurès] disparaîtra le 3 juin 1918. Pour
l'heure, les juifs n'appartiennent pas encore, selon Barrès, à l'histoire de
France." (p.149)
1850
ramène, en 1921, à 132 milliards, payables en annuités de 500 millions de
dollars, estimation qui demeure sans commune mesure avec les possibilités du
réel. Aucun doute, d'ailleurs, inutile de le dire: les gouvernements allemands
s'évertueront à tout faire pour se dérober de leur mieux au paiement des
sommes qu'on leur réclame. Au printemps de 1921, ils ont tout de même déjà
versé aux vainqueurs plus de sept milliards ; au total, lorsque la question des
réparations sera enterrée (Lausanne, juillet 1932), l'Allemagne s'en sera tirée
avec quelque vingt-cinq milliards de débours." (p.187)
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1851
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guerre/dp/2910846784/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1459417941&sr=8-
1&keywords=Marcel+Martinet
1852
-Henri Guillemin, Nationalistes et "nationaux" (1870-1940), Gallimard, coll.
Idées, 1974, 476 pages.
https://www.amazon.fr/Foch-Jean-Christophe-
NOTIN/dp/2262076952/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1540903057&sr=
1-1&keywords=Jean-Christophe+Notin%2C+Foch
1853
Mais l’Histoire a montré ensuite, comme l’avait analysé Castelnau dès ce
moment-là que c’était une erreur stratégique majeure. Son territoire inviolé, son
armée rentrant à peu près en bon ordre, la légende du coup de poignard dans le
dos pouvait naître en Allemagne et amener aux conséquences funestes que l’on
sait. 20 ans plus tard cette erreur allait coûter les 60 millions de morts et les
horreurs de la deuxième guerre mondiale. Entre les deux guerres, chaque fois
qu’il appelait à la méfiance et à la vigilance vis-à-vis de l’Allemagne on le traita
de Cassandre et de belliciste. Un parlementaire lui lancera même à la face : «
trois fils, mon général ce n’est pas assez ? ».
https://www.amazon.fr/Castelnau-%C2%AB-quatri%C3%A8me-
mar%C3%A9chal-1914-
1918/dp/2758702045/ref=pd_sbs_14_7?_encoding=UTF8&pd_rd_i=275870204
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Les USA après la Guerre de Sécession (the « Gilded Age » 1870-1900 and
the « Progressive Era » 1890’s – 1920): “I cannot tell you how often since I
came here I have felt the force of your declaration that the U.S. was a Pacific
power or at least ought to be.” –William Henry Trescot, shortly after arriving in
Asia, to William M. Evarts, August. 15, 1880.
« Suite à son élection en mars 1913, le président Wilson s’attache à baisser les
barrières douanières. La réduction des tarifs est en moyenne de 30%, ce qui
accroît la pénétration des produits étrangers sur le marché américain. Le 3
octobre 1913 est votée la loi Underwood-Simmons qui supprime les droits de
douane sur le fer, l’acier, la laine brute et le sucre, égalant ainsi une protection
minimale qui n’avait plus été pratiquée depuis le tarif Walker de 1857. » (p.37)
1856
parole dans des lieux publics (salles de théâtre ou de cinéma, églises,
synagogues, locaux de réunions syndicales, et ainsi de suite) afin de prononcer
un discours ou réciter un poème qui fait valoir le point de vue gouvernemental
sur la guerre, incite à la mobilisation, rappelle les raisons qui justifient l'entrée
en guerre des États-Unis ou incite à la méfiance – voire à la haine – de
l'ennemi. » -Normand Baillargeon, préface à Edward Bernays, Propaganda.
Comment manipuler l'opinion publique en démocratie, Paris, Éditions Zones,
2007 (1928 pour la première édition américaine), 219 pages, p.16.
"Le président Wilson écrit au secrétaire d'Etat chargé des Affaires étrangères en
juillet 1917: "L'Angleterre et la France n'ont aucunement les mêmes vues que
nous sur la paix. Quand la guerre sera finie, nous pourrons les forcer à suivre
notre manière de penser car, à ce moment, ils seront, parmi d'autres choses,
financièrement entre nos mains."." (p.53)
https://www.amazon.fr/damnation-Woodrow-Wilson-Pr%C3%A9sident-Etats-
Unis/dp/2888921839/ref=sr_1_5?s=books&ie=UTF8&qid=1500304962&sr=1-
5&keywords=Woodrow+Wilson
https://www.amazon.fr/guerre-Autriche-Hongrie-R%C3%A9publique-Conseils-
1914-1920/dp/2915727481/ref=sr_1_2?ie=UTF8&qid=1486475723&sr=8-
2&keywords=Julien+Papp
1857
http://www.amazon.fr/Histoire-lAutriche-Steven-
BELLER/dp/2262028893/ref=sr_1_2?ie=UTF8&qid=1459773929&sr=8-
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http://www.amazon.fr/Histoire-sociale-lAutriche-Ernst-
Bruckm%C3%BCller/dp/2735108724/ref=sr_1_42?ie=UTF8&qid=1459774047
&sr=8-42&keywords=histoire+de+l%27autriche
https://www.amazon.fr/Fran%C3%A7ois-Joseph-Jean-Paul-
BLED/dp/2262035830/ref=sr_1_23?ie=UTF8&qid=1486398787&sr=8-
23&keywords=Jean-Paul+Bled
http://www.amazon.fr/Requiem-pour-un-empire-
d%C3%A9funt/dp/2262043795/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=14472813
33&sr=1-1&keywords=Requiem+pour+un+empire+d%C3%A9funt
https://www.amazon.fr/Lart-b%C3%A2tir-villes-Camillo-
Sitte/dp/2020293277/ref=pd_sim_14_6?_encoding=UTF8&psc=1&refRID=FQ
AJHC7F5N3QPZG79DHB
1859
et d’autres à l’écoute de correspondants en France (CGT) et aux Etats-Unis
(IWW). En 1914, le mouvement syndical dépassa les quatre millions de
membres. » -Fabien Knittel et all, Le travail en Europe occidentale des années
1830 aux années 1930. Mains-d’œuvre artisanales et industrielles, pratiques et
questions sociales, Ellipses Édition, 2020, 440 pages, p.371.
1860
opposait le catholicisme qui condamnait le capitalisme au protestantisme,
morale de la bourgeoisie triomphante. [...]
Il reste que James Connolly a posé une question centrale : si la classe ouvrière
veut jouer un rôle dirigeant, elle doit se doter d'une ambition politique,
considérer que rien de ce qui est national ne lui est étranger, intervenir et
proposer des solutions sur les questions les plus aiguës. En Irlande, elle est
restée en marge des conflits centraux. » -Maurice Goldring, [compte-rendu de]
Bernard Ransom, Connolly's Marxism, 1980, Etudes irlandaises, Année 1982, 7,
pp. 303-308, pp.304-305.
(1) James Connolly (forumactif.org)
http://academienouvelle.forumactif.org/t5819-alexandra-slaby-histoire-de-
lirlande-de-1912-a-nos-jours?highlight=irlande
https://www.amazon.fr/Histoire-lIrlande-Pierre-
JOANNON/dp/2262030227/ref=sr_1_1?__mk_fr_FR=%C3%85M%C3%85%C
5%BD%C3%95%C3%91&crid=2JGWKOLL0T85T&keywords=histoire+de+l
%27irlande&qid=1577813181&sprefix=histoire+de+l%27irl%2Caps%2C177&
sr=8-1
https://www.amazon.fr/Michael-Collins-biographie-Pierre-
Joannon/dp/2710383152/ref=tmm_mmp_swatch_0?_encoding=UTF8&qid=&sr
=
1861
https://www.amazon.fr/Libérateurs-lIrlande-Huit-siècles-
lutte/dp/2363581989/ref=pd_sim_14_7?_encoding=UTF8&pd_rd_i=236358198
9&pd_rd_r=1e44bf5d-cc5d-447c-abd4-
fb23d2beb62b&pd_rd_w=191AA&pd_rd_wg=rqxS6&pf_rd_p=bceabd13-
5994-41b5-a68e-
27a375cb5c23&pf_rd_r=45XE1863ADCNE4NTWM9F&psc=1&refRID=45XE
1863ADCNE4NTWM9F
« Dès lors que, dans une société socialisée, l'étal de choses sera bien mieux
ordonné, que tout marchera suivant un plan et un ordre déterminés, que la
société entière sera organisée, il sera bien facile de dresser une échelle des
divers besoins, et pour peu que quelque expérience soit une fois acquise,
l'ensemble ira comme sur des roulettes. »
« Dans la société nouvelle, les conditions de l'existence seront les mêmes pour
tous. »
« Il n'est pas douteux que, dans les grandes, les gigantesques luttes de l'avenir,
l'Allemagne remplira le rôle directeur auquel la prédestinent l'ensemble de son
développement et sa position géographique au « cœur de l'Europe ». Ce n'est
pas l'effet d'un hasard si ce furent des Allemands qui découvrirent les lois de
l'évolution de la société moderne et qui établirent scientifiquement le socialisme
comme la forme de la société de l'avenir. Ce furent en première ligne Karl
Marx, aidé de Frédéric Engels, et après eux Ferdinand Lassalle, lequel jeta la
lumière jusque dans les masses. Ce n'est pas non plus par hasard que le
mouvement socialiste allemand est le plus important et le plus efficace du
monde, qu'il a dépassé celui des autres nations, en particulier de la France, qui
en est restée à une espèce de développement semi-bourgeois, et que les
socialistes allemands sont les pionniers qui répandent l'idée socialiste chez les
peuples les plus divers. » -August Bebel, La femme et le socialisme, 1891.
1864
se fondent cette organisation et le pouvoir de la collectivité sur l'individu ? Du
communisme du sol, c'est-à-dire de la possession en commun du plus important
moyen de production. » -Rosa Luxembourg, Introduction à l'économie politique,
Chapitre 3 « La dissolution de la société communiste primitive », section I,
1907.
1865
tendances évolutives de l'économie capitaliste. » -Rosa Luxembourg,
Introduction à l’économie politique, 1907.
« A mon tour peut-être je serai expédiée dans l’autre monde par la balle de la
contre-révolution qui est partout à l’affût. » -Rosa Luxembourg, 18 novembre
1918. Cité dans Max Gallo, Une femme rebelle : vie et mort de Rosa
Luxembourg, Fayard, 2000, 383 pages, p. 322.
« Rosa a vu […] ces affiches qui couvrent les murs de Berlin : « Tuez
Liebknecht et Luxembourg si vous voulez avoir la paix, du travail et du pain ». »
(p.352)
« Le XXème siècle est une machine à broyer les individualités fortes, les pensées
libres et les illusions. » -Max Gallo, Une femme rebelle : vie et mort de Rosa
Luxembourg, Fayard, 2000, 383 pages, p.364.
1866
Parlement, réalisant de la sorte par des voies légales le passage de l’ordre
social bourgeois à la société sans classes. Il s’ensuit qu’un révisionnisme qui ne
doit rien au partisan pouvait, lui aussi, se réclamer de Marx et d’Engels. » -Carl
Schmitt, Théorie du partisan.
1867
http://www.amazon.fr/Working-class-Politics-German-Revolution-
Revolutionary/dp/1608465500/ref=sr_1_23?ie=UTF8&qid=1459078225&sr=8-
23&keywords=working+class
Gustav Landauer, un anarchiste de l'envers - broché - Gustav Landauer, Freddy Gomez, Gaël Cheptou
- Achat Livre | fnac
« C’est dans cette atmosphère où elle suffoquait que la Russie essuya une défaite
écrasante au cours de la guerre de Crimée. » (p.359)
« L’empereur russe n’avait pas la moindre intention de faire la guerre aux autres
puissances européennes. Partisan fanatique de l’autocratie dans son propre pays,
il devint également un champion intrépide de la doctrine légitimiste chez les
autres. » (p.359)
1870
guerre n’avait jamais fait de doute pour personne. Non seulement les patriotes
polonais étaient inférieurs en nombre, mais encore ils n’avaient pas su conserver
l’appui des paysans et s’étaient aventurés en dehors de la zone de peuplement
polonais, là où la population ne les soutenait plus.
Le résultat fut une nouvelle tragédie pour la Pologne. La constitution de 1815 fut
remplacée par le Statut organique de 1832, qui faisait de la Pologne une « partie
inaliénable » de l’Empire russe. Le Statut accordait les libertés civiles, prévoyait
un droit à une administration locale distincts, et un large usage de la langue
polonaise. Mais il ne fut pas appliqué, et la Pologne fut administrée, de façon
brutale et autoritaire, par son vainqueur, le maréchal Paskévitch, nouveau prince
de Varsovie et vice-roi de Pologne. » (p.361)
1871
mystiques ou religieux), aux dépens du rationalisme pur. A la conception
mécaniste de l’univers, il préférait une approche organiciste ; à une vision
utilitariste de la société, qui volontairement se bornait au présent, il préférait
celle que procure l’histoire. Alors que les hommes des lumières, cosmopolites
dans l’âme, ne rêvaient qu’unité et harmonie, les apôtres du nouveau
mouvement insistaient volontiers sur le rôle irremplaçable du combat, et l’état
de séparation inhérent aux différents éléments constitutifs de l’univers. Enfin, ils
plaçaient l’art et la culture au sommet de l’échelle des valeurs. » (p.390)
« 58 pour cent [de serfs dans] la population totale en 1811, et 44.5 pour cent à la
veille des « grandes réformes ». » (p.400)
« Sémevski, d’après les rapports officiels, en compte [des révoltes de serfs] 550
entre 1800 et 1861. Une historienne soviétique, Ignatovitch, arrive à un total de
1467. » (p.400)
1873
« [La libération des serfs] toucha directement quelque cinquante-deux millions
de paysans, dont plus de vingt millions appartenaient à des propriétaires privés.
On peut la comparer, par exemple, à la libération des quatre millions d’esclaves
noirs aux Etats-Unis, qui eut lieu presque au même moment, mais fut le résultat
d’une longue guerre civile, et non d’une évolution pacifique et légale. » (p.404)
« En 1876, les Turcs réprimèrent avec brutalité l’insurrection bulgare, tandis que
combats et massacres se produisaient un peu partout ; la Serbie et le Monténégro
déclarèrent la guerre à la Sublime Porte. […] Les Serbes furent vaincus par les
Turcs ; dans la lutte inégale qu’ils avaient engagées contre les Ottomans, les
peuples balkaniqes n’avaient plus d’espoir que dans l’armée russe. […] Après
s’être entendu avec l’Autriche-Hongrie, le gouvernement tsariste déclara la
guerre à la Turquie, le 24 avril 1877.
Cette guerre difficile, âpre et coûteuse […] se termina par une victoire écrasante
des Russes. […] La Serbie et le Monténégro augmentaient leur territoire, et leur
indépendance était pleinement reconnue, ainsi que celle de la Roumanie. »
(p.419)
1874
« A l’avènement d’Alexandre II, le Caucase restait à pacifier, mais l’Asie
centrale restait à conquérir. Ce fut l’œuvre d’une série de campagnes
audacieuses, qui s’échelonnèrent entre 1865 à 1876. Menées par des généraux
habiles et pleins de ressources, comme Constantin Kaufmann et Michel
Skobélev, les troupes russes, effectuant une série de mouvements convergents
dans le désert, réussissent à encercler et à vaincre l’ennemi. Ainsi, en une
dizaine d’années, la Russie s’empara des khânats de Kokand, Boukhara et
Khiva, et, pour finir, en 1881, annexa également la région transcapienne.
L’expansion russe en Asie centrale ressemble à la fois aux guerres coloniales un
peu partout dans le monde, et à la migration vers l’Ouest des Américains.
L’Asie centrale était intéressante au point de vue commercial, car les peuples de
cette région pouvaient approvisionner les Russes en matières premières, en
coton par exemple, tout en absorbant les produits manufacturés de la Russie.
[…] En Asie centrale, comme dans le Caucase, la domination russe laissa
généralement intacts l’économie, la société, le droit et les coutumes indigènes. »
(p.422)
Nicolas II (1868-1918): "En août 1898, Nicolas II avait surpris tout le monde.
Brusquement il avait proposé un arrêt général des armements, une entente
internationale pour que cessât, partout, l'augmentation ininterrompue des
crédits de guerre. De toute sa bonne volonté, le jeune tzar, profondément
religieux, essayait de protéger les peuples, de les préserver des tueries ; et
parallèlement il comptait sur ce meilleur emploi des deniers publics que
permettrait à chaque puissance une réduction des dépenses improductives. On
imagine sans peine le sursaut, les colères, que provoque, dans certains parages,
cette stupéfiante proposition. Se trouvent en péril tout à coup les bénéfices
immenses et régulièrement accrus que procurent, à de grandes entreprises, les
commandes officielles. Guillaume II est d'une simplicité candide dans cette note
que nous avons de sa main: "Avec quoi M. Krupp paiera-t-il ses ouvriers ?"
Écho du cris d'angoisse qui lui est parvenu de la Ruhr." (p.72)
-Henri Guillemin, Nationalistes et "nationaux" (1870-1940), Gallimard, coll.
Idées, 1974, 476 pages.
1875
« En 1901, la Russie fournit 233 000 barils par jour, contre 190 000 pour les
États-Unis: elle est le premier producteur ainsi que le premier exportateur
mondial. [...] La Grande-Bretagne importe alors plus de pétrole russe que de
pétrole américain. » (p.87-88)
-Matthieu Auzanneau, Or Noir. La grande histoire du pétrole, Éditions La
Découverte/Poche, 2016, 881 pages.
https://www.amazon.fr/Nicolas-II-H%C3%A9l%C3%A8ne-Carr%C3%A8re-
dEncausse/dp/2818502543/ref=sr_1_7?s=books&ie=UTF8&qid=1500050004&
sr=1-7&keywords=Nicolas+II
« Il faut que toute Révolution aboutisse par le bien ou par le mal. Elle pouvait
arriver par le bien, vous ne l’avez pas voulu ; laissez-la donc frayer sa voie par
le mal.
L’humanité a fait le grand écart. Elle est dans l’attente d’une Révolution plus
profonde que celle qu’amena le christianisme. La civilisation craque et
s’écroule : rangez-vous, si vous ne voulez être écrasés sous ses décombres !!
La Révolution qui nous presse ! elle aura pour théâtre le monde ; pour acteurs,
les peuples ; pour moyens, un cataclysme ; pour résultat, comme toujours, un
despotisme unitaire d’abord, et puis l’égalité partout. Qu’ont à voir, dans tout
cela, vos chétives personnalités ? »
Qu’ils descendent, les Barbares ! qu’ils transfusent leur sang jeune dans les
veines de nos sociétés décrépites, constitutionnellement, organiquement
bourgeoises.
-Antonio Gramsci.
Oui, c’est à cela, malgré trois années d’attente vaine, qu’ils accrochent leur
espoir ! Mais leur foi faiblit.
Parmi les incidents les plus amusants suscités par cette étrange mentalité, on
doit noter les gronderies fréquentes que le télégraphe sans fil de Moscou répand
sur les travailleurs occidentaux parce qu’ils ne se comportent pas comme Marx
dit qu’ils devraient se comporter ! » -Herbert George Wells, La Russie telle que
je viens de la voir, 1921, Chapitre III « Quintessence du Bolchevisme », p.87.
1877
« La révolution offrit aux bolcheviks la possibilité de créer un ordre social
centralisé permettant de maintenir la séparation capitaliste entre ouvriers et
moyens de production et de refaire de la Russie une puissance impérialiste.
« [Trotsky, comme Staline, affirme que] « dans les sociétés civilisées », c’est
« la loi (qui) fixe les rapports de production », ce qui fait apparaître les rapports
de production comme inscrits dans la superstructure et non pas comme
correspondant aux rapports qui s’établissent dans le procès social de production
et de reproduction. » (p.25)
« [Lénine] n’a jamais hésité à aller « contre le courant », si bien qu’il a été mis
plus d’une fois en minorité au sein du Comité central, y compris sur des
questions essentielles. » (p.36)
1879
Lorsque ces deux principes ont été introduits en 1918 et 1921, Lénine avait
souligné qu’ils correspondaient à une « retraite » provisoire, imposée par les
circonstances de l’époque et que leur application introduisait des rapports
capitalistes dans le secteur d’Etat. Parlant de l’ « autonomie financière »
accordée aux entreprises d’Etat, Lénine indique qu’elle place dans une large
mesure ces entreprises sur « des bases commerciales capitalistes » (cf., Lénine,
O.C, tome 42, p.396). Depuis 1965, l’autonomie financière des entreprises et la
recherche de la rentabilité ont été considérablement développées. » (p.42)
1880
« La bourgeoisie russe et les propriétaires fonciers ont perdu le pouvoir le 25
octobre 1917 [7 novembre 1917]. Ce jour-là, les ouvriers en armes ainsi que les
soldats et les marins de Pétrograd et de Cronstadt, qui forment les forces
insurrectionnelles de la révolution dirigée par le parti bolchevik, sont entrés en
action. En quelques heures, tous les bâtiments publics importants de la capitale
tombent aux mains des forces révolutionnaires. Au petit matin du 26 octobre, le
Palais d’Hiver, siège du gouvernement provisoire de Kérenski, est occupé à son
tour. Les ministres qui y siègent sont faits prisonniers. […]
1881
La dépendance de l’impérialisme russe vis-à-vis du capital anglais et français est
une des sources de sa faiblesse ; elle est elle-même une conséquence de la forme
spécifique du développement de l’impérialisme russe dont le capitalisme
industriel repose sur des bases extrêmement limitées. » (p.57)
« Il faut […] rappeler les traités [d’Aïgoun en 1858, de Pékin en 1860] imposés
par la Russie à la Chine pendant la deuxième moitié du XIXème siècle.
« Fin février 1917, le seul organe pouvant parler au nom de la révolution qui
vient de triompher est le Soviet de Pétrograd, appuyé par les Soviets qui naissent
un peu partout à travers la Russie. Ce pouvoir soviétique, soutenu par les corps
de troupes insurgés, n’a apparemment en face de lui aucun autre pouvoir. Le
seul organe qui aurait pu prétendre s’opposer à lui, le Comité issu de la Douma
d’Empire (parodie de « parlement » tsariste), ne jouit d’aucun prestige auprès
des masses révolutionnaires, car il est composé de représentants de la
bourgeoisie et de la propriété foncière. Or, le Soviet de Pétrograd, constitué
principalement de mencheviks et de S.R., passe un accord avec le Comité de la
Douma. En vertu de cet accord, conclu le 1er mars, se forme un gouvernement
provisoire composé de politiciens bourgeois, et le Soviet s’engage à soutenir ce
gouvernement sous certaines conditions. Ainsi prend naissance une situation que
Lénine a caractérisé comme une « dualité du pouvoir ». » (p.60-61)
« On estime qu’il existait 400 Soviets en mai, 600 en août et 900 en octobre.
Parallèlement se développe le mouvement des comités d’usine et se constituent
des Soviets de quartiers dans les villes d’une certaine importance. » (p.61)
« Au Ier Congrès panrusse des Soviets, en juin, on ne compte encore que 105
bolcheviks sur 1090 délégués, mais les bolcheviks jouent déjà un rôle dominant
dans la section ouvrière du Congrès où une résolution exprimant leur position
est adoptée par 173 voix contre 144. En octobre, les bolcheviks, s’appuyant sur
1882
la classe ouvrière, sont majoritaires au IIe Congrès des Soviets tout comme au
Soviet de Pétrograd. » (p.63)
Par contre, les paysans proprement dits s’engagent avec beaucoup plus de
réticence dans le mouvement soviétique et ils sont loin de se rallier massivement
aux initiatives et aux positions bolcheviques. » (p.64)
1883
la bourgeoisie russe maintenait le pays. La poussée des masses ouvrières est
devenue irrésistible grâce au parti bolchevik qui les a aidées à saisir le caractère
de la situation et à agir de façon unifiée et au juste moment. C’est donc la
combinaison de conditions révolutionnaires d’ensemble et de l’action du parti
bolchevik qui a permis la victoire de l’Insurrection d’Octobre et l’instauration de
la dictature du prolétariat. » (p.77)
Il est difficile de déterminer les effets que ces différentes mesures ont eus sur
l’attitude des paysans à l’égard des organes soviétiques. On constate en tout cas
qu’au niveau des Soviets d’arrondissements (ceux où l’influence de la
paysannerie pouvait le plus se faire sentir et sur lesquels on est suffisamment
informé), la proportion des délégués communistes est de près de 61% en 1918 et
tombe progressivement jusqu’à 43% en 1920 et 44% en 1921. La disparition des
autres partis ne s’accompagne pas de l’accroissement des effectifs délégués
bolcheviks mais de celui des délégués sans parti. En 1920 et 1921, ceux-ci sont
même plus nombreux que les délégués communistes. » (p.88-89)
1884
Pendant une brève période, entre la fin novembre 1917 et l’été de 1918,
quelques S.R. de gauche sont appelés à participer au Sovnarkom, c’est-à-dire au
gouvernement, mais l’hostilité croissante des S.R. de gauche à la politique du
parti bolchevik (notamment à la conclusion de la paix de Brest-Litovsk avec
l’Allemagne) aboutit à leur exclusion du Sovnarkom. Désormais, ce dernier est
exclusivement composé de bolcheviks.
« En février 1917, le parti bolchevik compte […] environ 40 000 militants. […]
En avril 1917, le parti bolchevik compte 80 000 membres, en août, il en compte
déjà 240 000. D’un parti de militants, il tend alors à devenir un parti de masse :
au moment de l’Insurrection d’Octobre, le parti compte environ 300 000
membres. » (p.109)
1885
-Charles Bettelheim, Les luttes de classes en URSS. 1ère période 1917-1923,
Maspero/Seuil, 1974, 524 pages.
1886
continuité politique avec la Révolution d’Octobre. » -Jacques Sapir, La
Révolution d’Octobre : réflexion sur un centenaire, site de l’auteur, 4 août 2017.
http://academienouvelle.forumactif.org/t7363-sophie-coeure-sabine-dullin-1917-
un-moment-revolutionnaire-sabine-dullin-l-entre-voisins-en-periode-de-
transition-etatique-1917-1924-la-frontiere-epaisse-des-bolcheviks-a-l-est-de-l-
europe-des-frontieres-s-ouvrent-et-se-ferment#8543
https://www.amazon.fr/guerre-civile-russe-Alexandre-
JEVAKHOFF/dp/2262039933/ref=sr_1_10?s=books&ie=UTF8&qid=14835655
09&sr=1-10&keywords=la+r%C3%A9volution+russe
https://www.amazon.fr/Anarchistes-Russes-Soviets-Revolution-
1917/dp/B0748YN1BB/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1505991220&sr=
1-
1&keywords=Alexandre+Skirda%2C+Les+Anarchistes+russes%2C+les+soviets
+et+la+r%C3%A9volution+de+1917
https://www.amazon.fr/histoire-sociale-regime-sovi%C3%A9tique-1918-
1936/dp/2747517020/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1483565193&sr=8-
1&keywords=Pour+une+histoire+sociale+du+r%C3%A9gime+sovi%C3%A9tiq
ue+%281918-1936%29
https://www.amazon.fr/ouvriers-URSS-1928-
1941/dp/2859443207/ref=asap_bc?ie=UTF8
http://www.amazon.fr/LUTTES-DE-CLASSES-URSS-
LES/dp/2020022060/ref=pd_sim_14_1?ie=UTF8&dpID=51F459NTPXL&dpSr
c=sims&preST=_AC_UL160_SR109%2C160_&refRID=1BHS0WZNT7A4G7
QKJWCP
http://www.amazon.fr/luttes-classes-en-
URSS/dp/2020046156/ref=sr_1_27?ie=UTF8&qid=1459774991&sr=8-
27&keywords=lutte+des+classes
http://www.amazon.fr/La-R%C3%A9volution-russe-Tome-1891-
1924/dp/2070398862/ref=pd_sim_sbs_14_6?ie=UTF8&dpID=41Iz-
uAB9zL&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR106%2C160_&refRID=1NF7Y
KVPNDRPCW2WY3HM
1887
http://www.amazon.fr/La-R%C3%A9volution-russe-Tome-1891-
1924/dp/2070320111/ref=pd_sim_14_1?ie=UTF8&dpID=41KumRrkeAL&dpS
rc=sims&preST=_AC_UL160_SR97%2C160_&refRID=1J84D7WTNS1DG1B
Z8PY0
https://www.amazon.fr/R%C3%A9volution-russe-Richard-
Pipes/dp/2130453732/ref=sr_1_3?s=books&ie=UTF8&qid=1483450051&sr=1-
3&keywords=Richard+Pipes
https://www.amazon.fr/Une-r%C3%A9volution-au-
jour/dp/2909589358/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1488282410&sr=8-
1&keywords=Une+r%C3%A9volution+au+jour+le+jour
http://www.amazon.fr/La-trag%C3%A9die-sovi%C3%A9tique-Martin-
Malia/dp/202036283X/ref=pd_sim_14_33?ie=UTF8&dpID=514GHpyw9fL&d
pSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR97%2C160_&refRID=09RYKFFVGME5
HEA7Z9RS
https://www.amazon.fr/Stalinisme-quotidien-Russie-sovi%C3%A9tique-
ann%C3%A9es/dp/2082100502/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1483565029&sr=8-
1&keywords=Le+Stalinisme+au+quotidien.+La+Russie+sovi%C3%A9tique+da
ns+les+ann%C3%A9es+30
https://www.amazon.fr/Russian-Sideshow-Americas-Undeclared-1918-
1920/dp/1574887068/ref=tmm_pap_swatch_0?_encoding=UTF8&qid=1478767
420&sr=8-1
http://www.amazon.fr/combats-ind%C3%A9pendantistes-Caucasiens-
puissances-
occidentales/dp/2296094767/ref=sr_1_cc_4?s=aps&ie=UTF8&qid=1429705806
&sr=1-4-catcorr&keywords=Civil+War+in+South+Russia%2C+1919-
1920%3A+The+Defeat+of+the+Whites
http://www.amazon.com/Struve-Liberal-1870-1905-Russian-
Research/dp/0674845951/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1425317333&sr
=1-1&keywords=Richard+Pipes+Struve%3A+Liberal+on+the+Left
http://www.amazon.com/Struve-Liberal-1905-1944-Russian-
Research/dp/0674846001/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1425317357&sr
=1-1&keywords=Richard+Pipes+Struve%3A+Liberal+on+the+right
1889
Lénine (1870-1924) et la fondation du totalitarisme : « La guerre entre les
nations est un jeu puéril, une survivance bourgeoise qui ne nous regarde pas. La
véritable guerre, notre guerre c’est la révolution mondiale pour la destruction
de la bourgeoisie et pour le triomphe du prolétariat ». -Lénine.
1890
nationaliste réactionnaire. » -Lénine, Notes critiques sur la question nationale,
1913.
« L’histoire de tous les pays atteste que, livrée à ses seules forces, la classe
ouvrière ne peut arriver qu’à une conscience trade-unioniste, c’est-à-dire à la
conviction qu’il faut s’unir en syndicats, mener la lutte contre le patronat,
réclamer du gouvernement telle ou telle loi nécessaire aux ouvriers, etc. Quant
à la doctrine socialiste, elle est née des théories philosophiques, historiques,
économiques élaborées par les représentants instruits des classes possédantes :
les intellectuels. » -Lénine, Que Faire ?, 1902.
« Cela ne signifie pas que nous voulions copier les jacobins de 1793 et faire
nôtres leurs idées, leur programme, leurs mots d’ordre, leurs méthodes
d’action... Par cette comparaison, nous voulons simplement expliquer que les
représentants de la classe avancée du 20ème siècle... se divisent en deux ailes
(opportuniste et révolutionnaire), tout comme les représentants de la classe
avancée du 18ème, ceux de la bourgeoisie, se divisaient en girondins et
jacobins. » -Lénine, Deux tactiques de la social-démocratie dans la révolution
démocratique, 1905.
1891
continent de pays trop arriérés et parce qu’en France même les bases
matérielles du socialisme, les banques, les syndicats capitalistes, l’industrie
mécanique, les chemins de fer faisaient défaut.
« Il nous faut consolider ce que nous-mêmes avons conquis, ce que nous avons
nous-mêmes décrété, légalisé, arrêté, préconisé ; nous avons à consolider tout
cela sous les formes durables d'une discipline de travail quotidienne. C'est la
tâche la plus ardue, mais aussi la plus féconde car seul son accomplissement
nous donnera le régime socialiste. Il nous faut apprendre à conjuguer l'esprit
démocratique des masses laborieuses, tel qu'il se manifeste dans les meetings,
impétueux, débordant, pareil à une crue printanière, avec une discipline de fer
pendant le travail, avec la soumission absolue pendant le travail à la volonté
d'un seul, du dirigeant soviétique. Nous ne savons pas encore le faire. Nous
l'apprendrons. » -Lénine, « Les tâches immédiates du pouvoir des Soviets »,
publié le 28 avril 1918 dans le n° 83 de la Pravda et dans le Supplément au
journal Izvestia du Comité exécutif central de Russie n° 85.
Il faut noter encore qu'Engels est tout à fait catégorique lorsqu'il qualifie le
suffrage universel d'instrument de domination de la bourgeoisie. » -Lénine,
L'Etat et la Révolution, chapitre I « La société de classes et l'Etat », 1917.
Comment le...marxiste...Kautsky s'y est pris, voilà qui est d'un comique achevé !
Ecoutez plutôt :
« Cette façon de voir [que Kautsky dit être le mépris de la démocratie] repose
sur un seul mot de Karl Marx. » C'est ce qu'on lit textuellement à la page 20. Et
à la page 60 il le répète encore et va jusqu'à dire que [les bolchéviks] « se sont
souvenus à temps du petit mot » [c'est textuel !! des Wörtchens] « sur la
dictature du prolétariat, que Marx a employé une fois en 1875 dans une lettre ».
1893
Voici ce « petit mot » de Marx :
« Lénine était le plus grand des hommes après Hitler et la différence entre le
communisme et la foi d’Hitler est très subtile. » -Joseph Goebbels.
1894
« Le partisan combat en s'alignant sur une politique et c'est précisément le
caractère politique de son action qui remet en évidence le sens originel du terme
de partisan. Ce terme, en effet, vient de parti et implique le rattachement à un
parti ou à un groupe combattant, belligérant ou politiquement actif de quelques
manières que ce soit. Ces liens avec un parti se font particulièrement solides aux
époques révolutionnaires.
« Si nous payons un tribut plus élevé au capitalisme d'État, cela ne nous nuira
en rien, mais servira au contraire à nous conduire au socialisme par le chemin
le plus sûr. […] notre devoir est de nous mettre à l'école du capitalisme d'État
des Allemands, de nous appliquer de toutes nos forces à l'assimiler, de ne pas
ménager les procédés dictatoriaux pour l'implanter en Russie […] le
raisonnement des « communistes de gauche » au sujet de la menace que ferait
peser sur nous le "capitalisme d'État" n'est qu'une erreur économique […] le
pouvoir soviétique confie la « direction » aux capitalistes non pas en tant que
capitalistes, mais en tant que spécialistes techniciens ou organisateurs,
moyennant des salaires élevés. » -Lénine, dans Sur l'infantilisme « de gauche »
et les idées petites-bourgeoises, le 5 mai 1918.
1896
« Ricoeur speaks of State and Revolution with respect, but he does not seem to
deal with Lenin’s ‘philosophy’. Sartre says that the materialist philosophy of
Engels and Lenin is ‘unthinkable’ in the sense of an Unding, a thought which
cannot stand the test of mere thought, since it is a naturalistic, pre-critical, pre-
Kantian and pre-Hegelian metaphysic; but he generously concedes that it may
have the function of a Platonic ‘myth’ which helps proletarians to be
revolutionaries. Merleau-Ponty dismisses it with a single word: Lenin’s
philosophy is an ‘expedient’.” -Louis Althusser, Lénine et la philosophie,
communication à la Société Française de Philosophie, 24 février 1968.
« Le parlement russe élu en 1917 par tous les citoyens adultes et sous les
auspices du gouvernement de Lénine ne comprenait, malgré la violence exercée
sur les électeurs par le parti au pouvoir, que moins de 25 pour cent de membres
communistes. Les trois quarts de la population avaient voté contre les
communistes. Mais Lénine décida de dissoudre le parlement par la force des
armes et d'instaurer avec fermeté le règne dictatorial d'une minorité. Le chef de
la puissance soviétique devint le pontife suprême de la secte marxiste. Son droit
à détenir ce poste découlait du fait qu'il l'avait emporté sur ses rivaux au cours
d'une sanglante guerre civile. » -Ludwig von Mises, Théorie et Histoire. Une
interprétation de l'évolution économique et sociale (1957).
"Le public ignorera -ces détails ne sont pas pour lui- que le gouvernement a
rejeté la proposition de Lénine offrant d'avaliser toutes les créances françaises
inférieures ou égales à dix mille roubles, pourvu que la France renonçât à
soutenir les entreprises des généraux blancs essayant un démembrement de la
Russie." (p.157)
1897
"Sous le prétexte de chercher à rouvrir un front de l'Est après la paix de Brest-
Litovsk, et dès le début d'août 1918, la France, d'une part, l'Angleterre de
l'autre, envoient des hommes à Arkhangelsk et à Vladivostok ; mais il apparaît
très vite qu'il s'agit en fait de tenter, par tous les moyens, la destruction, en
Russie, d'un régime inadmissible. On utilise contre les "bolcheviks" -devenus, en
mars 1918, les "communistes", avec leur pouvoir central à Moscou- les 40 000
hommes de la légion tchécoslovaque qui devaient, en principe, s'embarquer à
Vladivostok pour gagner le front de l'Ouest ; conseillés par le général Janin, ils
font volte-face et marchent sur Moscou. Le gouvernement soviétique est assailli
de tous côtés par les Joudenitch, les Koltchak, les Denikine, les Wrangel et ces
"partisans du rétablissement de l'ordre" qui s'appliquent à mettre en pièces la
Russie de la Baltique au Caucase et de la Crimée en Sibérie. Le 29 décembre
1918, le ministre français des Affaires étrangères, Pichon, qui foudroie le
régime "odieux, abominable", instauré en Russie par "une poignée
d'énergumènes", exalte la grande victoire qu'auraient remportée les troupes
"blanches" dans l'Oural et salue Koltchak et son "gouvernement d'Omsk",
dictateur militaire avec Janin pour maître d’œuvre ; et Millerand, en mai 1920,
"reconnaîtra" même, officiellement, le "gouvernement" de Wrangel, lui
accordant un "large appui moral et matériel". Le plan français est de couper en
deux la Russie ; une flotte française est en mer Noire pour un débarquement à
Odessa, tandis que les Anglais cherchent à s'emparer de la Transcaucasie et de
ses puits de pétrole. Le général Berthelot encourage les Roumains à se jeter sur
la Moldavie, et Foch déclare qu'il est prêt à envisager la reconstitution, sous
son contrôle, d'une sérieuse armée allemande et que, si les Etats-Unis mettent
cent mille hommes à sa disposition, il se fait fort de rejeter les Russes sur
l'Oural, au-delà duquel les Forces "blanches" de Sibérie les anéantiront. Mais
si Wilson a consenti à une présence américaine, symbolique surtout, à
Vladivostok, il ne l'a fait que pour surveiller les Japonais dont les avidités
l'inquiètent, et il n'entend pas engager son pays dans une croisade
antisoviétique.
Le gouvernement français adopte et perfectionne à l'égard de la Russie le
comportement dont l'Allemagne impériale lui avait donné l'exemple: qu'un
"cordon sanitaire" s'établisse autour de cette part de l'Europe en proie à la
peste rouge. Une Roumanie démesurément accrue sera, au sud-est, la tête de
pont de l'Occident"libre" contre ce qui va devenir, en décembre 1922, l'U.R.S.S.
; et la même Pologne secrètement sacrifiée en février 1917 aux intérêts tzaristes,
formera le bastion principal du monde civilisé face aux barbares "asiates" de
1898
Moscou. La frontière ethnique et légitime de la Pologne ressuscitée suivait, en
décembre 1919, la "ligne Curzon" ; mais Pilsudski, qu'entourent neuf généraux
français et qui veut profiter de la faiblesse russe, se jette à l'attaque au
printemps de l'année suivante ; la connivence de Petlioura lui permet de
prendre Kiev (7 mai 1920) ; une contre-offensive inattendue amène l'armée
rouge aux portes de Varsovie. Millerand délègue aussitôt Weygand en Pologne,
avec une puissante mission militaire (plus de deux mille "cadres" et conseillers),
et l'agression polonaise aura sa récompense au traité de Riga (18 mars 1921)
qui reporte de 250 kilomètres vers l'est la frontière polono-russe et tient pour
Polonais, dorénavant, un million et demi de Blancs-Russiens et quatre millions
et demi d'Ukrainiens." (p.163-165)
-Henri Guillemin, Nationalistes et "nationaux" (1870-1940), Gallimard, coll.
Idées, 1974, 476 pages.
https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9publique_d%C3%A9mocratique_de_G
%C3%A9orgie
http://www.amazon.com/And-God-Created-Lenin-1917-1929/dp/1591023068
https://www.amazon.fr/Origines-intellectuelles-du-
l%C3%A9ninisme/dp/2070736229/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1468531956&sr
=8-
1&keywords=Alain+Besan%C3%A7on%2C+Les+origines+intellectuelles+du+l
%C3%A9ninisme.
https://www.amazon.fr/L-nine-paysans-Taylor-Robert-
Linhart/dp/2021027937/ref=tmm_pap_swatch_0?_encoding=UTF8&qid=14759
67172&sr=8-1
1899
http://www.amazon.fr/Les-Orphelins-Tsar-Vladimir-
Volkoff/dp/2268053490/ref=pd_sim_14_3?ie=UTF8&dpID=51VRWKWY1KL
&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR97%2C160_&refRID=14R9SH5BA7X
9A69Y92TP
http://www.amazon.fr/formation-syst%C3%A8me-sovi%C3%A9tique-lhistoire-
lentre-deux-
guerres/dp/2070137988/ref=pd_sim_sbs_14_1?ie=UTF8&dpID=41NgO3h2%2
BmL&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR103%2C160_&refRID=1W9XXY
0VN4VJDPQC93GK
https://www.amazon.fr/capitalisme-d%C3%89tat-URSS-Staline-
Gorbatchev/dp/2851390953/ref=sr_1_6?ie=UTF8&qid=1467827136&sr=8-
6&keywords=tony+cliff
Nicolas Boukharine : « Dans une telle société [communiste], tous les rapports
entre les hommes seront clairs pour chacun. » -Nicolas Boukharine, La théorie
du matérialisme historique, 1921.
« On pourrait nous opposer l'argument suivant : vous dites que tout cela est très
simple, et pourtant, les communistes, par exemple, n'admettent pas que la
propriété privée soit sacrée et, cependant, ils n'osent pas dire que le vol est
moral. Ainsi, il y a des choses qui sont sacrées pour tous et qu'on ne peut pas
expliquer par des causes terrestres. Mais cet argument n'est pas juste, malgré sa
force apparente. Voici pourquoi : d'abord les communistes ne défendent pas du
tout l'intangibilité absolue de la propriété, privée. La nationalisation des
entreprises constitue l'expropriation de la bourgeoisie; on la dépouille sans
indemnité. La classe ouvrière s'empare « de ce qui ne lui appartient pas », porte
atteinte au droit de la propriété privée « fait despotiquement irruption dans le
domaine des rapports de propriété » (Marx). En second lieu, les communistes
sont contre le vol, pourquoi ? Parce que si l'ouvrier isolé s'emparait des choses
appartenant aux capitalistes, dans son intérêt personnel, il ne pourrait pas
mener une lutte générale et se transformerait lui-même en bourgeois. Des
voleurs de chevaux et des cambrioleurs ne seront jamais des éléments actifs de
la lutte de classe, même s'ils sont de la plus pure origine prolétarienne. Si un
grand nombre de prolétaires devenaient des voleurs, la classe elle-même se
désagrégerait et s'affaiblirait. Voilà pourquoi les communistes ont adopté cette
règle : ne vole pas, pour ne pas déchoir. Cela ne constitue pas une norme de
1900
défense de la propriété privée, mais un moyen de conserver l'intégrité de la
classe ouvrière, de la protéger contre la « démoralisation », contre la
décomposition, le moyen de l'avertir contre les procédés irréguliers, de diriger
les prolétaires dans leur voie propre. C'est la règle de conduite de classe du
prolétariat. » -N.I. Boukharine, La théorie du matérialisme historique, ch. VI
"L'équilibre entre les éléments de la société", 38: La superstructure et ses
formes, 1921.
https://www.amazon.fr/Nicolas-Boukharine-bolchevik-Biblioth%C3%A8que-
socialiste/dp/B0006XA1IC/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1462480810&
sr=1-1&keywords=Nicolas-Boukharine-la-vie-d-un-bolchevik
https://www.amazon.fr/L%C3%A9conomie-politique-rentier-autrichienne-
mariginaliste/dp/284950260X/ref=sr_1_146?s=books&ie=UTF8&qid=1462480
449&sr=1-146&keywords=marxisme+et
1901
« Aucune distinction ne peut être faite entre les œuvres de chacun. Les mesurer
par les résultats, nous mène à l’absurde. Les fractionner et les mesurer par les
heures de travail, nous mène aussi à l’absurde. Reste une chose : ne pas les
mesurer du tout et reconnaître le droit à l’aisance pour tous ceux qui prendront
part à la production.
Mais prenez une autre branche de l’activité humaine, prenez tout l’ensemble de
notre existence, et dites : Lequel d’entre nous peut réclamer une rétribution plus
forte pour ses œuvres ? Est-ce le médecin qui a deviné la maladie, ou la garde-
malade qui a assuré la guérison par ses soins hygiéniques ? »
« Bien des hommes et bien des femmes ont accompli une grande œuvre, sans
avoir vécu une grande vie. Bien des gens sont intéressants, bien que leur vie
puisse avoir été tout à fait insignifiante et banale. La vie de Kropotkine est à la
fois grande et intéressante.
[...] C’est un révolutionnaire sans emphase et sans emblème. Il rit des serments
et des cérémonies par lesquels se lient les conspirateurs dans les drames et les
opéras. Cet homme est la simplicité en personne. Sous le rapport du caractère il
peut soutenir la comparaison avec tous ceux qui ont lutté pour la liberté. Aucun
n’a été plus que lui désintéressé, aucun n’a aimé l’humanité plus que lui. » -
1902
Georges Brandès, préface aux Mémoires d'un révolutionnaire de Pierre
Kropotkine.
"Le prince Kropotkine, dans ses Paroles d’un Révolté, savoure, avec une volupté
qui est du ressort de la psychiatrie, la guerre civile, les massacres, péripéties de
la lutte par laquelle le prolétaire « se saisira joyeusement de la propriété privée
au profit commun ! »." (p.196)
-Yves Guyot, La Tyrannie socialiste, Ch. Delagrave, 1893, 264 pages, p.196.
http://hydra.forumactif.org/t4825-renaud-garcia-nature-humaine-et-anarchie-la-
pensee-de-pierre-kropotkine#5773
https://www.amazon.fr/Pierre-Kropotkine-prince-anarchiste-
Woodcock/dp/2921561344/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1539620397&
sr=1-1&keywords=Pierre+Kropotkine%2C+le+prince+anarchiste
http://www.amazon.fr/Mouvement-anarchiste-France-origines-
1914/dp/2070724980/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1454790796&sr=8-
1&keywords=Le+mouvement+anarchiste+en+France%2C+des+origines+%C3
%A0+1914
http://www.amazon.fr/Le-Mouvement-anarchiste-France-
jours/dp/2070724999/ref=pd_sim_14_1?ie=UTF8&dpID=41WR0TPV80L&dp
Src=sims&preST=_AC_UL160_SR105%2C160_&refRID=16R1M4Y409TCS
XDV9FPX
http://hydra.forumactif.org/t179-voline-la-revolution-inconnue#401
Gyorgy von Lukàcs (1885-1971) : « Quand l’homme prend le mal pour le bien,
c’est qu’un dieu mène son esprit à l’égarement, et il lui faut peu de temps pour
le connaître, le désastre. » -Sophocle, Antigone.
1904
du prolétariat le porteur de la rédemption sociale de l’humanité, qui en fait la
classe messie de l’histoire du monde. »
1905
il s’agit d’anéantir définitivement l’ennemi vaincu. Nous n’avons pas le droit de
nous arrêter à mi-chemin dans cette lutte finale. »
1906
« Si l'on suit le chemin que l'évolution du processus du travail parcourt depuis
l'artisanat, en passant par la corporation et la manufacture, jusqu'au
machinisme industriel, on y voit une rationalisation sans cesse croissante, une
élimination toujours plus grande des propriétés qualitatives, humaines et
individuelles du travailleur. […] En conséquence de la rationalisation du
processus du travail, les propriétés et particularités humaines du travailleur
apparaissent de plus en plus comme de simples sources d'erreurs, face au
fonctionnement calculé rationnellement d'avance de ces lois partielles
abstraites. L'homme n'apparaît, ni objectivement ni dans son comportement à
l’égard du processus du travail, comme le véritable porteur de ce processus, il
est incorporé comme partie mécanisée dans un système mécanique qu'il trouve
devant lui, achevé et fonctionnant dans une totale indépendance par rapport à
lui, aux lois duquel il doit se soumettre. »
« Une situation a surgi qui ne peut être résolue que par la violence. […]Cette
violence n'est rien d'autre que la volonté devenue consciente, chez le prolétariat,
de se supprimer lui-même - et de supprimer en même temps la domination
asservissante des relations réifiées sur les hommes, la domination de l'économie
sur la société. » -Gyorgy von Lukàcs, Histoire et conscience de classe. Essai de
dialectique marxiste (1922).
1907
« Le rapport entre l’artiste et son public a non seulement perdu son caractère
immédiat ; mais un intermédiaire nouveau, spécifiquement moderne, s’est inséré
entre eux : le capital. […]
-Georg Lukàcs, an interview conducted by the New Left Review, translated 1971.
1908
« Déjà dans les années 20, lorsqu’il écrit son livre sur les origines du théatre
baroque, Benjamin a lu un livre qui, cinquante ans plus tard, sera d’une
importance immense pour la théorie debordienne du spectacle : Histoire de
conscience de classe […] de Georg Lukàcs, où l’analyse du fétichisme de la
marchandise de Marx est transformée en une ontologie de la société capitaliste
et de sa pensée. » -Jörn Etzold, Guy Debord et la mélancolie révolutionnaire, in
Dérives pour Guy Debord, éditions Van Dieren, p.89.
« Il n'est guère possible, non plus, d'essayer de maintenir une orthodoxie comme
le faisait Lukács en 1919 en la limitant à une méthode marxiste, qui serait
séparable du contenu et pour ainsi dire indifférente quand à celui-ci. Bien que
marquant déjà un progrès relativement aux diverses variétés de crétinisme
"orthodoxe", cette position est intenable, pour une raison que Lukács, pourtant
nourri de dialectique, oubliait: c'est que, à moins de prendre le terme dans son
acceptation la plus superficielle, la méthode ne peut pas être ainsi séparée du
contenu, et singulièrement pas lorsqu'il s'agit de théorie historique et sociale. La
méthode, au sens philosophique, n'est que l'ensemble opérant des catégories. »
(p.18)
« Un des marxistes les plus féconds et les plus originaux, G. Lukàcs […] est
toujours resté, face à l’art, un digne héritier de la grande tradition classique
« humaniste » européenne, un « homme de culture » foncièrement conservateur
et étranger au « chaos » moderne et aux formes qui s’y font jour. » (note 67
p.101-102)
« Sous l’influence du Parti, son horizon s’est rétréci, ses jugements étaient
obéissants et marqués du sceau des apparatchiks, son échelle de valeurs
éliminait, détruisait et méconnaissait tout ce qui n’était pas homogène avec les
apparatchiks de Moscou. » -Ernst Bloch, à propos de Lukàcs, Interview avec
Michaël Löwy, 1974, publié en annexe à L’évolution politique de Lukacs, 1909-
1929, Université Lille III, 1975).
Dans cette polémique, il y a déjà une critique de la part de Lukács des prémices
de l’orthodoxie, car il perçoit que la portée révolutionnaire de la dialectique
matérialiste commence à disparaître. En 1928, Lukács est condamné pour
révisionnisme par la IIIème Internationale, suite à une prise de position contre
la dictature du prolétariat. Lorsque Hitler arrive au pouvoir, il se réfugie en
URSS jusqu’en 1945. Il est emprisonné durant deux mois, en 1941, pour son
interprétation hétérodoxe du marxisme. Revenu en Hongrie, il devient ministre
de la culture, avant d’être déporté en Roumanie suite à l’insurrection de 1956.
En 1968, il condamne l’invasion de la Tchécoslovaquie. Malgré ses démêlés
avec le pouvoir, Lukács continue de défendre le marxisme contre ses détracteurs
philosophiques, notamment dans une polémique avec Sartre. Dans
Existentialisme ou marxisme ? (1961), Lukács reproche à Sartre d’embrouiller
la question de la dialectique. Ce dernier interprète la dialectique matérialiste
comme un fatalisme qui s’impose à tout le réel, nature et humanité comprise.
Pour Lukács, Sartre nie l’historicité de la nature tout en ne reconnaissant que
celle de l’homme. Le marxisme ne nie pas la subjectivité, mais il en rend raison
en examinant ses fondements matériels, au lieu de la considérer comme un
absolu, à la manière de Kierkegaard ou de Husserl. Finalement, Lukács
explique l’incapacité de Sartre à comprendre le marxisme par sa posture
contemplative, étrangère au mouvement ouvrier.
« Postérité hégélienne de Marx dont Lukács passe à juste titre pour le plus
illustre représentant. » -Raymond Aron, Histoire et dialectique de la violence,
Gallimard, coll. NRF, 1973, 271 pages, p.33.
https://www.amazon.fr/Marxisme-r%C3%A9volution-sexuelle-Alexandra-
Kollontai/dp/2707134392/ref=pd_sim_sbs_14_1?ie=UTF8&dpID=41yHr6r2Cg
L&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR97%2C160_&psc=1&refRID=W5ZE9
TWMFH6AK40Q0F01
Beria : http://www.amazon.fr/Beria-Le-bourreau-politique-
Staline/dp/B00CJ6V8I6/ref=pd_sim_14_13?ie=UTF8&dpID=51liMqvgzXL&d
pSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR108%2C160_&refRID=07MCNM3ZY5C
E2N6T9VN9
http://hydra.forumactif.org/t3437-leon-loiseau-directions-pour-une-approche-
marxiste-du-droit-la-theorie-generale-du-droit-d-e-b-pachukanis#4266
http://www.amazon.fr/Oeuvres-compl%C3%A8tes-Isaac-
Babel/dp/2358730343/ref=pd_sim_14_88?ie=UTF8&dpID=41tUuF66t9L&dpS
rc=sims&preST=_AC_UL160_SR105%2C160_&refRID=1PYS83VV80HEE84
CHZ4G
http://www.amazon.fr/Oeuvres-Vassilli-
GROSSMAN/dp/2221101936/ref=pd_sim_14_6?ie=UTF8&dpID=51MEUhmP
5vL&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR106%2C160_&refRID=0ZZ7DDF
QEA47BMESBX6N
1913
Michael Rostovtzeff (1870-1952) : « Voyez la vision singulièrement enrichie
que le génie (autant que la richesse d'information) du grand Rostovtsev nous a
procurée de la civilisation hellénistique: elle nous apparaît maintenant comme
l'admirable maturité de la civilisation antique -"ce long été sous l'immobile
soleil de midi", au lieu d'en représenter déjà la décadence. » (p.63)
"Le véritable apport du marxisme à l'histoire romaine n'est pas représenté par
ces pitoyables manuels soviétiques mais par l’œuvre, si féconde, de M.
Rostovtsev." (p.191)
L’URSS (30 décembre 1922 - 25 décembre 1991) : « L’URSS dans son nom
même ne fait référence à aucun toponyme pour manifester sa vocation à
s’étendre à toute la Terre. » ( http://www.hypergeo.eu/spip.php?article417 )
« Une fois Lénine disparu en 1924, Staline va rapidement fermer la porte aux
investissements occidentaux dans l'or noir soviétique, et annuler les uns après
les autres les accords passés. Mais il ne fermera jamais la porte aux ingénieurs
venus d'Europe et des États-Unis. Au contraire, il fait appel à eux en nombre et
importe du matériel occidental destiné à plusieurs filières stratégiques, et en
tout premier lieu à celle du pétrole, lorsqu'il lance en 1928 son plan
quinquennal d'industrialisation à marche forcée. [...] A partir de 1930, Bakou
sera redevenu l'un des champs pétroliers les plus productifs du monde. Après
avoir aidé à l ressusciter, l'industrie capitaliste sera privée du contrôle de son
brut durant les soixante années qui vont suivre. » (p.143)
1914
-Matthieu Auzanneau, Or Noir. La grande histoire du pétrole, Éditions La
Découverte/Poche, 2016, 881 pages.
« Durant les années qui suivirent 1918, les pays européens tombèrent les uns
après les autres dans les rets de dictature aux types divers. Depuis la "marche
sur Rome" de Mussolini en 1922, jusqu'à l'invasion de l'Espagne républicaine
par Franco en 1936, les démocraties du Vieux Continent s'écroulèrent comme
des quilles devant l'assaut des dictateurs. En Europe centrale et orientale, le
régime parlementaire dura jusqu'en mars 1939 en Tchécoslovaquie, soit vingt
ans, le record ; en Autriche, il ne dura que dix-neuf ans, en Allemagne, seize, en
Yougoslavie, neuf et en Pologne, tout juste sept. » -Norman Davies, Histoire de
la Pologne, Fayard, 1986 (1984 pour l'édition britannique), 542 pages, p.146.
« Une fois de plus, les évolutions divergent de chaque côté du Rhin. Les
Allemands pensent le destin de l’Occident et les « idées de 1914 » pour en tirer
des leçons propres à approfondir leur Sonderweg (leur « voie spécifique ») et à
promouvoir, malgré la défaite, leur volonté de puissance rapidement réaffirmée.
Les Français, dont nombre de grands intellectuels, contrairement à l’idée reçue,
n’ont pas souhaité la victoire de leurs pays (Sorel, Romain Rolland, Edouard
Dujardin, et dans une moindre mesure, Gide et Alain), lorgnent immédiatement
vers Lénine et Mussolini, dédaignant aussi bien l’idéalisme protestant de
Woodrow Wilson que le jacobinisme de Clemenceau, dont l’échec à l’Élysée
1915
(1920) est hautement symbolique. Le retour à la sécession ouvrière (grèves
insurrectionnelles, création du parti communiste) achève de donner à cette
période l’aspect d’une répétition de 1848. Valéry reprend significativement le
flambeau des Flaubert et des Renan, en proclamant la mortalité des civilisations
et l’inanité de l’histoire. L’Université républicaine n’est plus là pour lui
répondre. Physiquement saignée par les tranchées, elle ne fait que se survivre à
elle-même, alors que germent en son sein de nouvelles tendances théoriques qui
ne sont pas loin des diagnostics de Valéry (triomphe de l’école « vidalienne » de
géographie, cristallisation, à Strasbourg, de la future « école des Annales »,
ville où pénétre également, par le canal concordataire de la faculté de théologie
réformée, la phénoménologie d’Husserl et de Scheler).
"Après avoir exporté plus des deux tiers de leurs produits pétroliers durant les
premières décennies de l'industrie, et encore un quart en 1914, les États-Unis se
sont transformés pour la première fois en importateurs nets à l'issue de la
Première Guerre mondiale. En dehors des deux intermèdes tragiques de la crise
de 1929 et de la Seconde Guerre mondiale, la plus grande nation pétrolière
restera importatrice de brut, et de plus en plus, durant toute la suite de son
histoire." (p.146)
1916
"Dès août 1919, près de 200 navires de guerre de l'US Navy sont ancrés dans la
baie de San Pedro, face à la plage de Long Beach: à la veille du boom pétrolier,
Los Angeles devient la base de ravitaillement de la marine américaine dans la
Pacifique. Certains des plus récents cuirassés américains rejoignent la
Californie par le canal de Panama, ouvert en 1914. Ils vont défendre les intérêts
commerciaux des États-Unis dans le Pacifique et en Chine face à l'impérialisme
japonais, dont les Alliés viennent d'avaliser le premier pas. San Pedro restera le
port d'attache principal de la flotte du Pacifique, jusqu'à ce que celle-ci soit
avancée à Pearl Harbor, sur l'île d'Hawaï, en 1940." (p.150)
« Par l'article 156 du traité de Versailles, signé le 28 juin 1919, les États-Unis,
le Royaume-Uni et la France autorisent le Japon à s'approprier "les chemins de
fer, les mines et les câbles sous-marins" que l'Allemagne possédait dans la
région stratégique chinoise du Shandong, initialement promis à Pékin par le
président Wilson. » (note a p.150)
"Lors de la conférence qui se tient en avril 1920 à San Remo, sur la Riviera
italienne, la France obtient un mandat plaçant sous sa tutelle la Syrie et le
Liban. Le mandat britannique sur la Palestine et la Mésopotamie est confirmé.
Un "Accord sur les pétroles" spécifique est en outre signé le 24 avril par Lloyd
George et Alexandre Millerand, ministre des Affaires étrangères et président du
Conseil français. Conformément aux arrangements d'avant-guerre, près de la
moitié des parts de la Turkish Petroleum Compagny (TPC) -qui n'a rien de turc
-reviennent à la compagnie nationale britannique, l'Anglo-Persian Oil
Company. La Royal Dutch Shell conserve un quart du capital. Lloyd George
consent à céder aux Français les parts allemandes dans la TPC placées sous
séquestre par Londres au début de la guerre: en mettant la main sur le quart du
capital de la compagnie, la France obtient, tardivement, son premier accès
direct à une source potentielle de brut." (p.161)
-Matthieu Auzanneau, Or Noir. La grande histoire du pétrole, Éditions La
Découverte/Poche, 2016, 881 pages.
https://www.amazon.fr/Vaincus-Violences-guerres-d%C3%A9combres-1917-
1923/dp/2021121704/ref=pd_sim_14_4?_encoding=UTF8&psc=1&refRID=P2
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https://www.amazon.fr/D%C3%A9luge-1916-1931-nouvel-ordre-
mondial/dp/2251381309/ref=pd_sim_14_40?ie=UTF8&dpID=41NHtBPCoUL
1917
&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR107%2C160_&refRID=YWAYPKYB
WHG4S7RHZ6MG
https://www.amazon.fr/D%C3%A9bats-intellectuels-Moyen-Orient-dans-lentre-
deux-
guerres/dp/2744902993/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1461973532&sr=
1-1&keywords=A-L-Dupont-Debats-intellectuels-au-Moyen-Orient-dans-l-
entre-deux-guerres
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Fran%C3%A7ois/dp/289596100X/ref=sr_1_cc_1?s=aps&ie=UTF8&qid=14619
73457&sr=1-1-catcorr&keywords=Jean-Francois-Nadeau-Adrien-Arcand-
fuhrer-canadien
http://hydra.forumactif.org/t1158-david-d-roberts-historicism-and-fascism-in-
modern-italy#1792
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1&keywords=Histoire+intellectuelle+de+l%27entre-deux-guerres
https://www.amazon.fr/Histoire-economique-France-entre-
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uerres
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guerres/dp/2717805281/ref=sr_1_2?ie=UTF8&qid=1462277160&sr=8-
2&keywords=Histoire+%C3%A9conomique+de+la+France+entre+les+deux+g
uerres
https://www.amazon.fr/gauche-Front-Populaire-guerre-
froide/dp/B003BPHBVC/ref=sr_1_2?s=books&ie=UTF8&qid=1508009803&sr
=1-2&keywords=Herbert-R-Lottman-La-Rive-gauche
1918
La Syrie et le Liban dans l’Entre-deux guerres (1918-1946) : « L’initiative de
la révolte arabe permet au Hedjaz de faire figure de vainqueur aux côtés des
Alliés. Aussi, si les Britanniques s’opposent à la venue de délégations
égyptiennes, palestiniennes, mésopotamienne et persane, Faysal, accompagné et
même piloté par T. E. Lawrence, est-il invité à la conférence de la Paix de Paris
(janvier 1919-août 1920), en dépit de l’hostilité que lui vouent les Français en
raison de leurs visées concurrentes sur la Syrie. Le 6 février, devant la
conférence, Faysal réitère sa demande de création d’une confédération arabe
indépendante composée du Hedjaz, du Yémen, de la Syrie et de la Mésopotamie,
mais d’où serait exclue la Palestine, « en raison de son caractère
international ». Ce mémorandum, qui réclame l’indépendance complète mais
reste favorable aux intérêts britanniques, et qui n’évoque même pas les
prétentions françaises sur la Syrie, est contré par des demandes libanaises et
syriennes concurrentes, soutenues par la France. » (p.136)
1920
syriennes que Faysal n’avoue pas, à son retour à Damas, qu’il l’a déjà signé. »
(p.136-137)
1924
Anglais rejoint alors Beyrouth et, renforcé, forme les « Troupes françaises du
Levant ». Celles-ci occupent le mont Liban, la Bekaa avant de réduire les
Alaouites du djebel Ansariyé et plus tard les Turcs de Cilicie. Mais les accords
Sykes-Picot de 1916, qui délimitent entre les Alliés les zones d’influence
respectives, sont quelques peu interprétés par les Britanniques : Fayçal,
accompagné de Lawrence, se rend en janvier 1919 à la Conférence de la Paix à
Paris pour y revendiquer une complète indépendance arabe. En mars 1920, un
congrès national syrien réuni à Damas proclame l’indépendance de la « Grande
Syrie » sous la couronne chérifienne. Mais, en avril 1920, la conférence de San
Remo, confirmant les accords Sykes-Picot modifiés, donne à la France les
mandats sur le Liban et la Syrie, à l’Angleterre les mandats sur la Palestine, la
Syrie du Nord (Transjordanie) et l’Irak. Le 24 juillet 1920, après avoir lancé un
ultimatum à l’émir Fayçal pour qu’il respecte les accords conclus, une colonne
française défait l’armée chérifienne à Khan Meyssaloun et entre à Damas.
Fayçal rejoint Bagdad où il est proclamé roi d’Irak le 21 août 1921. Le mandat
français sur la Syrie commence et va durer un peu plus de vingt ans.
En 1923, est tenté un essai de fédération avec les Etats des Alaouites, de Damas,
d’Alep et du Djebel Druze, dont la capitale devait être Homs, qui échoue surtout
à cause de la résistance des féodaux alaouites encouragés par les
1925
administrateurs locaux français. Les régimes administratifs dans chacun de ces
ensembles sont différents : en Syrie, résultat de la réunion des Etats de Damas
et Alep et du sandjak d’Alexandrette, le chef d’Etat est un notable désigné par le
mandat appuyé par une administration syrienne où les Français n’ont qu’un
rôle de conseillers. Dans les Etats des Alaouites et du Djebel Druze
l’administration française, placée sous la responsabilité d’un gouverneur
français, est directe. L’action du mandat français a surtout consisté à faire
régresser les autonomies pour arriver graduellement à l’Etat unitaire, ce qui ne
s’est pas réalisé sans difficultés, du fait des dissidences.
Après avoir réglé celle des Alaouites, une colonne doit réduire en 1921 les
Bédouins qui ont attaqué Deir ez-Zor. En août 1922, c’est au tour des Druzes de
Soltan Pacha al Attrache de prendre les armes, probablement soutenu par les
Anglais de Transjordanie, pays qu’il rejoint d’ailleurs après l’intervention des
troupes françaises. Mais surtout en 1925 une nouvelle révolte éclate dans le
Djebel Druze et s’étend rapidement sur une partie de la Syrie. Pendant un an,
« la guerre du Djebel Druze » va opposer les farouches guerriers druzes aux
colonnes françaises qui subissent de lourdes pertes. Le conflit entretenu par les
agents de l’émir Abdallah de Transjordanie et l’Arab Legion de Peake Pacha
gagne l’Hermon, peuplé également de Druzes, la Ghouta, oasis de Damas et
l’Anti-Liban , débordant sur la riche plaine de la Békaa au Liban. Les autorités
françaises viennent à bout de l’insurrection au début de l’été 1926 avec la prise
de Soueida, la capitale du Djebel Druze, et de Salkhad que Soltan Pacha doit
abandonner. L’oasis de la Ghouta est réoccupée par les troupes françaises non
sans difficultés quelques mois plus tard. Le calme est définitivement revenu en
Syrie et ne sera plus troublé jusqu’en 1936.
Mais le combat se situe désormais sur un autre terrain, politique cette fois.
L’Assemblée constituante, élue en avril 1928, vote une Constitution qui est
refusée par le haut-commissaire car elle revendique des territoires passés au
Grand Liban et postule l’unité territoriale passés au Grand Liban et postule
l’unité nationale intégrale et immédiate impliquant la fin brusquée du mandat.
La Chambre est dissoute en mai 1930. Les nouvelles élections de janvier 1932
ne permettent pas de trouver un compromis entre les autorités et les
nationalistes pour la conclusion d’un traité franco-syrien sur le modèle du traité
anglo-irakien de 1930. En 1934, la Chambre est suspendue définitivement. Mais
l’arrivée au pouvoir en France, en 1936, du Front populaire, provoque un
nouvel examen des aspirations nationalistes syriennes. Un traité franco-syrien,
1926
prévoyait l’indépendance de la Syrie dans un délai de trois ans, est conclu,
agréé à l’unanimité par le Parlement syrien mais n’est pas soumis à la
ratification du Parlement français à la suite d’une campagne déclenchée par les
milieux conservateurs de Paris.
En juin 1941, afin de mettre en échec les tentatives du général Dentz pour
maintenir l’autorité du gouvernement de Vichy sur la Syrie, les forces françaises
libres et les forces britanniques pénètrent dans le pays. Le général Catroux, au
nom du Comité national de la Libération, proclame formellement
l’indépendance syrienne le 27 septembre 1941 et la fin du mandat français. »
(p.23-28)
"Le général Gouraud, qui avait servi au Maroc sous les ordres de Lyautey et qui
fait le lien entre la colonisation africaine et le régime mandataire en Orient, a
été nommé en octobre 1919 commandant de la IVe armé, Haut Commissaire de
la République de France en Syrie et au Liban. Avec son secrétaire général
Robert de Caix, il mène une politique qui rejette l'idée d'un Etat unitaire arabe.
Soutenu par la Chambre Bleu horizon et s'appuyant sur les particularismes
régionaux et religieux, il désire voir les Etats du Levant demeurer un agrégat de
nations dont le lien fédérateur serait la France ; il adopte une politique de
1927
morcellement de la Syrie en plusieurs Etats et créé l'Etat du Grand-Liban. Il
reprend la politique de popularisation de son action que menait Lyautey et
invite à son tour littérateurs et hommes politiques.
Pierre Lyautey, neveu du Résident général au Maroc et chef de cabinet civil de
Gouraud, facilite le voyage que font dans le pays les deux frères, accompagnés
de madame Jérôme Tharaud. Ceux-ci sont à Beyrouth en mai et à Damas en
juin 1922, dans une phase où culmine la "Mésentente cordiale"." (p.105)
-Michel Leymarie, La Preuve par deux. Jérôme et Jean Tharaud, Paris, CNRS
Éditions, 2014, 399 pages.
http://hydra.forumactif.org/t3783-histoire-de-la-syrie-et-du-liban-dans-l-entre-
deux-guerres#4626
https://www.amazon.fr/LArm%C3%A9e-fran%C3%A7aise-Etats-Levant-1936-
1946/dp/2271057132/ref=sr_1_1_twi_pap_2?s=books&ie=UTF8&qid=1510511
467&sr=1-
1&keywords=Maurice+Albord%2C+L%E2%80%99Arm%C3%A9e+fran%C3
%A7aise+et+les+%C3%89tats+du+Levant+%E2%80%93+1936-1946
https://www.amazon.fr/fascisme-roumain-Traian-
SANDU/dp/2262033471/ref=sr_1_2?s=books&ie=UTF8&qid=1508010351&sr
=1-2&keywords=Traian+Sandu%2C+Histoire+de+la+Roumanie
C’est dans ce cadre que l’école de Chicago voit se développer une série de
projets de recherche, dits d’écologie urbaine, dénommés Urban Area Projects.
Ce qui fonde l’unité de ces travaux est de considérer la ville comme un
laboratoire priviligié pour étudier les problèmes de marginalité, de ségrégation
et de violence. Ces enquêtes sociologiques vont permettre de faire école dans le
souci, très pragmatique, de concentrer l’attention du sociologue sur les actions
réciproques des individus et de leur environnement. Un des promoteurs majeurs
de cette école dominante aux Etats-Unis dans les années 1920 est R. E. Park,
ancien élève de Windelbrand et de Simmel, arrivé à Chicago en 1915. Le
1930
déracinement est un des éléments majeurs qui expliquent les formes de la
« pathologie urbaine » selon l’école de Chicago. Cette école de sociologues a
bien compris l’intérêt que peuvent représenter une meilleure écoute du discours
tenu par les acteurs sur eux-mêmes et la prise en compte de leur capacité à
rendre intelligile leur situation : « La façon dont le sujet a perçu la situation, le
sens qu’il lui a donné, peuvent être un aspect très important pour comprendre sa
conduite ». » -François Dosse, Le Pari biographique. Écrire une vie, Paris,
Éditions La Découverte, 2005, 480 pages, p.268-269.
Les « Indutrial Workers of the World » : "Fondé à Chicago en 1905 par des
syndicalistes chevronnés, de nationalités diverses, les I.W.W. — ou Wobblies
— comme ils se sont appelés eux-mêmes à partir de 1913 environ, étaient, sans
conteste, des anticapitalistes. Réponse révolutionnaire aux plus récents
développements de la production capitaliste, le nouveau syndicat rejetait le
modèle d’organisation par métier qu’ils jugeaient révolu et étriqué et appelaient
à ce qu’ils nommèrent un « syndicalisme industriel révolutionnaire ». De leur
point de vue, la formation d’« un grand syndicat pour tous les ouvriers » (One
Big Union of All Workers) était la meilleure manière de « construire les bases
d’une nouvelle société au cœur de l’ancienne ». Opposés à VAmerican
Federation of Labor (A.F.L.), raciste et conservatrice, les I.W.W. concentrèrent
leur action sur l’organisation des ouvriers jugés « inorganisables » par l’A.F.L. :
les ouvriers non qualifiés, les immigrés, les femmes, les gens de couleur, les
itinérants (hoboes). Novateurs en pratique comme en théorie, la foule colorée
des Wobblies organisait des manifestations, des grèves, des prises de parole
contribuant à écrire les pages les plus inspirées des annales de l’histoire de la
classe ouvrière nord-américaine. Une des qualités remarquables — et non la
moindre — des I.W.W. fut de porter l’accent sur la dimension culturelle du
combat de la classe ouvrière. Cela ne serait pas exagéré de dire que, dans le
domaine de la bande dessinée,de la caricature et surtout dans celui de la poésie
et du chant, les contributions des Wobblies furent bien supérieures,
qualitativement et quantitativement, et largement plus populaires que celles de
tous les autres syndicats américains réunis. Le fameux Little Red Song Book
que publia pour la première fois les I.W.W. en 1908 reste à ce jour le best-seller
dumouvement ouvrier américain. Traduit en de nombreuses langues, les chants
des Wobblies écrits par Joe Hill et par d’autres sont toujours entonnés à travers
le monde.
1931
Durant le premier quart de siècle (1905-1930) d’existence des I.W.W., une
conscience aiguë de la poésie et de ses impératifs semble avoir pénétré leur
syndicat tout entier. Si répandue fut leur ardeur pour l’art poétique qu’un
collaborateur bavard d’un magazine à grand tirage en ricanait et affirmait avec
condescendance que « chaque Wobbly se prenait pour un poète béni des dieux
»."
"Joe Hill — le poète des I.W.W. le plus célébré de tous — semble avoir éprouvé
de la satisfaction à écrire des chants, à s’adonner de temps à autre à la réalisation
de bandes dessinées et à prendre en charge les tâches quotidiennes en tant que
secrétaire de la permanence du syndicat à San Pedro (Californie). Cependant
tous ces poètes n’adoptaient pas un comportement aussi effacé. Ralph Chaplin,
Arturo Giovannitti et Covington Hall — poètes connus des I.W.W. dont les
textes parurent en recueils dès 1910 — étaient d’actifs organisateurs, des
coordinateurs de grèves et les éditeurs des journaux des I.W.W. . Chaplin publia
Solidarity à Cleveland, puis Industrial Worker à Chicago ; quant à Giovannitti, il
publiait, à New York et en italien, Il Proletario tandis que Hall se chargeait de
The Lumberjack puis de The Voice of the People à la Nouvelle-Orléans et
ailleurs.
"Laura Payne Emerson joua un rôle significatif dans le combat pour la liberté
d’expression (Free Speech Fight) à San Diego (Californie) en 1912. Matilda
Robbins fut particulièrement active au cours des grèves des I.W.W. à Little Falls
(Minnesota) et Akron (Ohio) en 1913 puis, plus tard, dans la défense de Sacco et
Vanzetti.
Mary Marcy — dont Eugene Debs disait qu’elle était la femme la plus
intelligente du mouvement socialiste américain — écrivit l’une des brochures les
plus lues des I.W.W. qui fut aussi très largement traduite : Shop Talks on
Economics ; ce n’était pas son seul écrit, il y en eut beaucoup d’autres ainsi que
d’innombrables articles dans la presse des I.W.W. dont l’International Socialist
Review (éditée à Chicago par la coopérative socialiste de Charles H. Kerr). Jane
Street œuvra en faveur de la syndicalisation des employées de maison à Denver
en 1916. Charles Ashleigh dont les poèmes parurent dans les publications des
I.W.W., mais aussi dans d’autres comme The Little Review ou The Liberator,
1932
joua un rôle important dans l’organisation des campagnes du syndicat et en fut
le propagandiste dans la défense d’Everett. Le dimanche 5 novembre 1916,
deux-cent soixante membres des…. Mortimer Downing fut aussi un
propagandiste syndical particulièrement actif en matière de défense. Le recueil
d’Henry George Weiss The Shame of California and Other Poems fut publié par
le Comité de défense, aux environs de 1924, pour soutenir le combat contre les
lois criminalisant le syndicalisme. Donald Crocker publia Industrial Worker
pendant un temps aux environs de 1920 et Henry Van Dorn le magazine des
I.W.W. “Industrial Pioneer” dans les années 20.
"Justus Hebert, dans l’une des publications des I.W.W. la plus fréquemment
rééditée — The IWW in Theory and Practice —, répondit affirmativement à
l’accusation dont furent l’objet les membres des I.W.W. : être qualifiés de
rêveurs lui semblait fondé. « Rêveurs ! Oui ! A quoi bon des rêves si on ne les
réalise pas ? » Aux critiques qui mettaient en doute les possibilités de mise en
œuvre du programme des I.W.W., Joseph Ettor — un des principaux
organisateurs du syndicat — dans son texte Industrial Unionism : The Road to
Freedom, rétorquait avec l’insouciance d’un Oscar Wilde : « On dit que nos
idées sont irréalistes. C’est vrai. Du point de vue des vieilles institutions, de
leurs intérêts et de leurs bénéficiaires, le Nouveau est toujours irréalisable ». De
telles remarques, provocatrices et passionnées, rares dans les textes militants et
notamment dans ceux du mouvement ouvrier, suggèrent l’éloignement des
I.W.W. de l’idéologie rationaliste, et l’importance que leurs auteurs donnaient à
l’audace et à l’imagination. Les membres des I.W.W. lisaient Voltaire et
d’autres auteurs rationalistes bien éloignés du romantisme, mais leurs
préférences les conduisaient vers les poètes et les rêveurs. Au fond, leurs
conceptions présentaient d’étroites affinités avec les écrits des pré-romantiques
et des romantiques, particulièrement Blake, le jeune Wordsworth et Shelley."
"Les I.W.W. sont bien au-delà de la romantisation car ils furent, largement et
délibérément, romantiques dès leur origine. Aucun groupe dans l’histoire des
Etats-Unis ne se fixa des buts aussi nobles, des espérances aussi hautes, aucun
groupe n’agit autant dans cette direction et ne laissa un si riche héritage malgré
une si redoutable opposition.
1933
En dépit des efforts répétés d’historiens, de journalistes, de militants, de
biographes et de romanciers pour dé-romantiser les I.W.W., pour déformer leurs
aspirations, pour rabaisser leur œuvre et leur dénier toute légitimité, leurs rêves
merveilleux, leur combat héroïque pour les réaliser restent inoubliables et
marqués par la gloire. Les Wobblies furent de bout en bout des romantiques et
ils savaient qu’ils l’étaient, l’héritage — au meilleur sens du mot — qu’ils
laissent est celui d’intraitables romantiques.
"Selon Richard Brazier, le but fondamental de la poésie et des chants des I.W.W.
était de tirer les ouvriers de l’apathie et du contentement et, par dessus tout, d’«
exalter l’esprit de rébellion. Contre le conformisme « scissorbillish » et le
respect des normes bourgeoises, ces ouvriers itinérants ne toléraient pas
seulement la « différence », mais accueillaient même la singularité. Personne ne
pourrait affirmer que lesgrèves ou que les combats pour la liberté d’expression
des I.W.W. étaient « indisciplinés » et pourtant la « discipline » en tant que telle
n’était guère présente dans les publications du syndicat. De ce point de vue
(comme de bien d’autres), les I.W.W. étaient strictement à l’opposé du Parti
communiste, dans lequel la « discipline » était célébrée et l’« individualisme »
considéré comme l’une des pires déviations contre-révolutionnaires. Dans le «
grand syndicat pour tous », les éclatantes manifestations d’individualité et la
lutte collective en faveur de la révolution prolétarienne n’étaient pas
considérées comme incohérentes. Dans leur pratique de la poésie, l’humour
était très présent."
"Dans le combat pour créer une nouvelle société à partir de celle qui existait, le
poète était à la fois créateur et destructeur. Retourner le langage répressif,
1935
dévalorisé, dégradé, prosaïque était évidemment une priorité. Pour les poètes
des I.W.W., la poésie était agitation, d’abord et toujours, pour provoquer
émotion et tressaillement, inspirer rêves et action. La meilleure poésie des
I.W.W. n’avait rien de commun ni avec le langage brutal du commerce et du
pouvoir, ni avec la rhétorique moralisante, sectaire et bornée de la gauche
traditionnelle ; celui-là et celle-ci sont aussi éloignés de la vie réelle qu’une
allocution présidentielle au journal télévisé. En revanche, les meilleurs des
poètes des I.W.W. proposaient à leurs compagnons une langue emplie de visions
brisant la routine, d’images s’attaquant à l’illusion, d’éclats de rire lucifériens,
de métaphores séditieuses pour aiguiser et stimuler l’esprit. Une langue sans
cesse recréée grâce à l’argot."
http://academienouvelle.forumactif.org/t7584-chevaliers-du-travail-industrial-
workers-of-the-world#8788
https://www.amazon.fr/Joe-Hill-cr%C3%A9ation-contre-culture-
r%C3%A9volutionnaire/dp/2915731209/ref=sr_1_96?s=books&ie=UTF8&qid=
1509896508&sr=1-96&keywords=contre-r%C3%A9volutionnaire
https://www.amazon.fr/Wobblies-Their-Heyday-Destruction-
During/dp/1937146952/ref=sr_1_cc_2?s=aps&ie=UTF8&qid=1508084266&sr=
1-2-catcorr&keywords=The+Wobblies+in+Their+Heyday
1937
(...) Et si l'on songe encore en Allemagne à freiner l'action syndicale, il
faut y voir une preuve que ce pays est en retard et non en avance, sur
l'évolution. En se démocratisant, les institutions des nations modernes rendent
les catastrophes beaucoup moins probables et nécessaires. » -Edouard
Bernstein, "Les prémisses du socialisme", Le Seuil éd. 1899.
« Bien que Bernstein ne s'est pas libéré de toutes ses illusions, notamment de
l'idée abstraite du socialisme, et bien qu'il est resté social-démocrate jusqu'à sa
mort en 1932, il a dispersé la nappe de brouillard dogmatique pour apercevoir
le monde réel et a pratiquement "trahit" la cause du socialisme concret, par
nature incompatible avec la liberté. Car Bernstein est devenu un démocrate
convaincu, ennemi de la violence et de la dictature, autrement dit, il est devenu
un Petit Judas, selon la terminologie léniniste (d'autant plus qu'il a rejeté avec
horreur en 1918 la révolution bolchevique). » -Jacob Sher, Avertissement contre
le socialisme, Introduction à « Tableaux de l'avenir social-démocrate » d'Eugen
Richter, avril 1998, 57 pages.
La France des années 20 : « Le nombre des grévistes chute dans les années
vingt d’une façon spectaculaire. Après la pointe de 1920 (1.3 million), il baisse
à 400 000 en 1921. Le creux de la vague est atteint en 1927 avec un total de
110 000 grévistes […]
En 1920, la CGT comptait 1.6 million de membres d’après les chiffres officiels
(2.4 millions selon l’organisation), et la CFTC, environ 100 000. Les effectifs
s’effondrent dans les années suivantes, aux alentours de 600 000. » (pp.156-
157)
-Gérard Noiriel, Les ouvriers dans la société française (XIXe – XXe), Éditions
du Seuil, 2002 (1986 pour la première édition), 321 pages.
http://academienouvelle.forumactif.org/t7454-andre-lefevre-la-renaissance-du-
materialisme#8644
Henri Bergson (1859-1941) : « Je parle d’un centre d’où les mondes jaillirent
comme des fusées d’un immense bouquet, -pourvu que je ne donne pas ce centre
pour une chose, mais une continuité de jaillissement. Dieu, ainsi défini, n’a rien
de tout fait ; il est vie incessante, action, liberté. La création, ainsi conçue, n’est
pas un mystère, nous l’expérimentons en nous dès que nous agissons. » -Henri
Bergson, L’Évolution créatrice.
1939
« Je parle de Dieu comme de la source d’où sortent tour à tour, par un effet de
sa liberté, les « courants » ou « élans » dont chacun formera un monde : il en
reste distinct et ce n’est pas de lui qu’on peut dire que « le plus souvent, il
tourne court », ou qu’il soit « à la merci de la matérialité qu’il a su se donner ».
Enfin l’argumentation par laquelle j’établis l’impossibilité du néant n’est
nullement dirigée contre l’existence d’une cause transcendante du monde : j’ai
expliqué au contraire qu’elle vise la conception spinoziste de l’être. Elle aboutit
simplement à montrer que quelque chose a toujours existé. Sur la nature de ce
« quelque chose », elle n’apporte, il est vrai, aucune conclusion positive ; mais
elle ne dit en aucune façon, que ce qui a toujours existé soit le monde lui-même,
et le reste du livre dit explicitement le contraire. » -Henri Bergson, lettre à J. de
Tonquédec, 1908, cité dans Yvette Conry, L’évolution créatrice d’Henri
Bergson. Investigations critiques, L’Harmattan, coll. Épistémologie et
philosophie des sciences, 2000, 328 pages, p. 36.
« J’ai fait chacun de mes livres en oubliant tous les autres. […] Mes livres ne
sont pas toujours cohérents entre eux : le « temps » de l’Évolution créatrice ne
« colle » pas avec celui des Données immédiates. » -Henri Bergson, d’après A.
Béguin et P. Thévenaz, Henri Bergson, Essais et témoignages, Neuchâtel, La
Baconnière, 1941, 360. cité dans Yvette Conry, L’évolution créatrice d’Henri
Bergson. Investigations critiques, L’Harmattan, coll. Épistémologie et
philosophie des sciences, 2000, 328 pages, p. 36.
« Fort curieuse est aussi la place occupée par les arguments de Zénon dans la
conférence donnée sur "La Personnalité", à l'Athénée de Madrid, le 6 mai 1916.
Bergson lui-même dira "J'ai fais un bien long détour". Nous sommes alors en
guerre. Le gouvernement français envoie quatre membres de l'Institut faire des
conférences. Bergson entend maintenir les siennes à un haut niveau sans rien
qui paraisse relever de la propagande. » (p.28)
« Méfiez-vous de ceux qui vous mettent en garde contre ce qu'ils appellent les
systèmes et qui vous conseillent, sous le nom de philosophie de l'instinct ou de
l'intuition, l'abdication de l'intelligence. » -Jean Jaurès, à propos d'Henri
Bergson, cité par Max Gallo in Le Grand Jaurès.
« L’Évolution créatrice est proprement encerclée par les deux systèmes répudiés
et référentiels que sont la biologie spencérienne et l’épistémologie kantienne,
avec pour conséquence d’appeler la construction circulaire d’une théorie de la
vie qui suppose une théorie de la connaissance, en même temps que la théorie
de la connaissance implique une théorie de la vie. » (p.27)
1943
commentaire de cette phrase de Bergson: "La philosophie n'est pas une
construction de système, mais la résolution une fois prise de regarder naïvement
en soi et autour de soi". » -Pierre Hadot, La Philosophie comme manière de
vivre, Entretiens avec Jeannie Carlier et Arnold I. Davidson, Paris, Éditions
Albin Michel, coll. Le livre de Poche, 2001, 280 pages, p.30.
1944
François Dosse, Le Pari biographique. Écrire une vie, Paris, Éditions La
Découverte, 2005, 480 pages, p.421.
http://www.amazon.fr/gloire-Bergson-Essai-magist%C3%A8re-
philosophique/dp/2070774236/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1454148482&sr=8-
1&keywords=Fran%C3%A7ois+Azouvi%2C+La+Gloire+de+Bergson
Louis Lavelle (1883-1951): « La paix où nous avons vécu entre les deux
guerres était elle-même si mêlée à la guerre, à celle qui nous hantait encore, à
celle qui déjà nous menaçait, qu’elle était comme un équilibre en suspens dont
on ne savait s’il allait se rompre ou s’établir : c’était un incendie mal éteint » -
Louis Lavelle, Avant-Propos sur le Temps de Guerre, p. 3-4.
1945
« Aux jours des compositions de philosophie nous peinions des heures à écrire
des pages et des pages, [Jacques Lévy] remettait vingt lignes à M. Lavelle et sa
copie était de loin la meilleure. » (p.80)
http://hydra.forumactif.org/t2075-louis-lavelle-oeuvres?highlight=louis+lavelle
1946
« Proche du parti radical, partisan de la Fédération européenne, favorable à la
représentation des peuples à la SDN, il considéra l’arrivée de Hitler au pouvoir
comme une raison supplémentaire de réaliser l’accord entre les deux pays. A
partir de l’automne de 1933, il défendit en des termes mesurés la nécessité de
« conversations » avec l’Allemagne. En 1934, une série de séjours à Berlin lui
fit rencontrer Rosenberg, Goebbels, Ribbentrop. Entouré des plus grandes
attentions, il fut traité comme commençaient à l’être au même moment par la
Russie stalinienne les compagnons de route du communisme ; ses romans furent
traduits, ses pièces de théâtre portées sur les scènes allemandes, le tout
accompagné d’exemptions spéciales pour l’exportation de ses droits d’auteurs.
Il est très improbable que la vénalité ou l’intérêt matériel aient joué le moindre
rôle dans l’action de rapprochement franco-allemand qu’il mena […] Pour la
propagande allemande, il suffisait qu’un homme comme lui appuyât et attestât
du poids de sa notoriété les protestations de paix du régime hitlérien ; sa
participation au Comité France-Allemagne allait être la conséquence logique de
son engagement pour l’entente entre les deux pays. » (p.76-77)
https://www.amazon.fr/Jules-Romains-Lappel-monde-
Olivier/dp/2221065115/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1464555662&sr=
1-1&keywords=Jules+Romains%2C+ou+l%27appel+au+monde
https://www.amazon.fr/hommes-bonne-volont%C3%A9-enfantines-
Recherche/dp/2221101367/ref=sr_1_2?s=books&ie=UTF8&qid=1464555720&
sr=1-2&keywords=Jules+Romains
« Qu’aviez-vous fait ? Pour ne parler ici que des deux choses les plus grandes,
vous avez préservé Verdun, vous avez sauvé l’âme de l’armée. »
1947
assez de détresse, de déceptions, pas assez de ruines ni de larmes ; pas assez de
mutilés, d’aveugles, de veuves et d’orphelins. Il paraît que les difficultés de la
paix font pâlir l’atrocité de la guerre, dont on voit cependant interdire çà et là
les effrayantes images. […]
http://www.amazon.fr/Atat%C3%BCrk-Naissance-Turquie-Fabrice-
Monnier/dp/2271083133/ref=pd_sim_sbs_14_1?ie=UTF8&dpID=51hx7E1h5JL
&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR105%2C160_&refRID=10TD31XMPC
WPW71P71Y4
http://www.amazon.fr/Komintern-Dictionnaire-biographique-delinternationale-
communiste/dp/2708235060/ref=sr_1_6?ie=UTF8&qid=1457611640&sr=8-
6&keywords=jean+maitron
http://www.amazon.fr/Georges-Izard-communisme-L%C3%A9volution-
communiste/dp/B00180ZH86/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1457617116&sr=8-
1&keywords=O%C3%B9+va+le+communisme+%3F+L%27%C3%A9volution
+du+parti+communiste.+Les+textes
http://www.amazon.fr/guerre-civile-europ%C3%A9enne-National-socialisme-
bolchevisme/dp/2262034583
http://www.amazon.fr/Totalitarisme-XXe-si%C3%A8cle-
d%C3%A9bat/dp/2020378574/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1457611751&sr=8-
1&keywords=Enzo-Traverso-Le-totalitarisme
1951
« L'homme du fascisme est un individu qui est nation et patrie, une loi morale
unissant les individus et les générations dans une tradition et une mission,
supprimant l'instinct de la vie limitée au cercle étroit du plaisir, pour instaurer
dans le devoir une vie supérieure, libérée des limites du temps et de l'espace:
une vie où l'individu, par l'abnégation de lui-même, par le sacrifice de ses
intérêts particuliers, par la mort même, réalise cette existence toute spirituelle
qui fait sa valeur d'homme. »
1952
We will destroy the museums, libraries, academies of every kind, will fight
moralism, feminism, every opportunistic or utilitarian cowardice. » -Marinetti,
Manifeste de 1909.
The day when it will be possible for man to externalize his will so that, like a
huge invisible arm, it can extend beyond him, then his Dream and Desire, which
today are merely idle words, will rule supreme over conquered Space and Time.
This nonhuman, mechanical species, built for constant speed, will quite
naturally be cruel, omniscient, and warlike…
Even now we can predict the development of the external protrusion of the
sternum, resembling a prow, which will have great significance, given that man,
in the future, will become an increasingly better aviator.” -Marinetti, “Extended
Man and the Kingdom of the Machine” (1910).
« Depuis vingt-sept ans, nous autres futuristes nous élevons contre l’affirmation
que la guerre n’est pas esthétique. […] Aussi sommes-nous amenés à constater
[…] que la guerre est belle, car, grâce aux masques à gaz, aux terrifiants
mégaphones, aux lance-flammes et aux petits tanks, elle fonde la suprématie de
l’homme sur la machine subjuguée. La guerre est belle, car elle réalise pour la
première fois le rêve d’un corps humain métallique. La guerre est belle, car elle
enrichit un pré en fleurs des flamboyantes orchidées des mitrailleuses. La
guerre est belle, car elle rassemble, pour en faire une symphonie, les coups de
fusils, les canonnades, les arrêts du tir, les parfums et les odeurs de
décomposition. La guerre est belle, car elle crée de nouvelles architectures
comme celles des grands chars, des escadres aériennes aux formes
géométriques, des spirales de fumée montant des villages incendiés, et bien
d’autres encore […]. Poètes et artistes du Futurisme […], rappelez-vous ces
principes fondamentaux d’une esthétique de la guerre, pour que soit ainsi
éclairé […] votre combat pour une nouvelle poésie et une nouvelle sculpture ! »
« Le fascisme est le régime dans lequel la souveraineté appartient (en fait sinon
en droit) à un parti militarisé qui délègue à vie cette souveraineté à son chef.
[...]
Ce régime implique la suppression de toute activité politique -et même, à
certains égards, intellectuelle et religieuse- autre que celle des fascistes ; il
1954
exige la soumission sans réserve de chaque personne, sous peine de violences
effrénées. » (p.206-207)
« Le mouvement ouvrier révolutionnaire, entre les deux guerres, fut anéanti par
l’action conjuguée de la bureaucratie stalinienne et du totalitarisme fasciste, qui
avait emprunté sa forme d’organisation au parti totalitaire expérimenté en
Russie. »
1955
Rivoluzione francese. Dagli inizi ai primi del Novecento, Torino, Bollati
Boringhieri, 1989, p. 7.
Bien entendu Orlando et Sonnino protestent, mais pour des raisons différentes.
L’impérialisme Sonnino est prêt à abandonner Fiume pour obtenir la Dalmatie,
et il invoque auprès de Clemenceau et de Lloyd George le pacte de Londres. Le
libéral Orlando accepterait au contraire de renoncer à la Dalmatie pour avoir
Fiume, épousant ainsi les vœux des « renonciateurs » et invoquant le principe
des nationalités. […]
1957
Seuls les socialistes vont à contre-courant, en cherchant à faire prévaloir l’idée
d’une « paix des peuples ». Tous les autres secteurs de l’opinion,
interventionnistes et neutralistes, « dalmatiens » et « renonciateurs », se
réunissent pour exprimer l’indignation du sentiment national blessé par
l’intransigeance des Alliés. […]
« Pendant un mois, les Italiens vont essuyer refus sur refus de la part des Alliés,
et lorsque la conférence se sépare provisoirement le 6 juin, l’échec de la
délégation transalpine est total. Revenu à Rome les mains vides, Orlando va
payer cette déroute diplomatique d’un vote de méfiance de la Chambre (262
voix contre 78) le 19 juin. Renversé, il doit céder la place à Nitti.
1958
que parce qu’il entretient une liaison qui fait scandale dans le village avec une
jeune femme dont le mari est soldat.
[En 1911], la guerre de Libye va lui donner l’occasion de prendre une éclatante
revanche. A Forli, Mussolini organise avec l’aide du jeune Pietro Nenni,
secrétaire local du parti républicain, une véritable émeute contre le départ des
troupes pour l’Afrique. La gare est prise d’assaut, kes rails déboulonnés, les fils
télégraphiques coupés. Mussolini est arrêté et condamné à un an de prison
(peine réduite à 6 en appel). Libéré, il prend la tête du courant socialiste
révolutionnaire. Son influence est telle qu’au congrès de Reggio Emilia il
parvient à faire expulser ceux des dirigeants du parti qui ont soutenu la guerre de
Libye, Bonomi, Bissolati, Labriola, et à faire perdre la majorité à la direction
réformiste.
Dès lors, Mussolini commence à jouer les premiers rôles. Il est désigné comme
membre de la nouvelle équipe dirigeante du PSI et il se voit confier la direction
du grand quotidien socialiste Avanti ! Lorsque éclate la guerre européenne, le
futur Duce, qui a été en juin 1914 l’un des organisateurs de la vague
insurrectionnelle qui a déferlé sur la Romagne et l’Émilie (la fameuse « Semaine
rouge »), fait incontestablement figure de chef de file des éléments durs du parti.
Il se montre tout d’abord résolument neutraliste et attaque avec violence les
interventionnistes de gauche, à commencer par les syndicalistes révolutionnaires
1959
comme Corradini et De Ambris. Puis, brusquement, il change de camp [par un
article du 18 octobre 1914]. […] La réaction des autres dirigeants du parti est
immédiate. Dès le 20 octobre, Mussolini est écarté de la direction du quotidien
socialiste et, le 24 novembre, il est exclu du PSI, aux cris de « traître » et de
« Judas ». » (p.91-93)
On sait par exemple qu’il [Mussolini] s’est rendu au moins une fois au Palais
Farnèse, siège de l’ambassade de France, pour y réclamer des subsides. » (p.93)
« Si l’on voit se constituer des fasci dans la plupart des grandes villes italiennes,
à Gênes, Bergame, Trévise, Naples, à Bologne autour de Dino Grandi, à
Florence avec Italo Balbo et Dumini, etc., il n’y a encore au premier congrès, en
octobre 1919, que 56 faisceaux groupant 17 000 membres. […] En juillet 1920,
on ne compte toujours que 108 faisceaux et 30 000 membres. […]
La classe dirigeante est plus inquiétée que séduite par une organisation qui n’a
pas encore rompu avec ses attaches anarchisantes et dont le programme […] ne
ménage pas les attaques contre le grand capital. […]
Lors des élections de novembre 1919, Mussolini présente à Milan une liste
fasciste. […] Le fiasco est complet : 4795 voix contre 17000 aux socialistes et
74000 aux populaires. […] Pour les fascistes, c’est le creux de la vague. » (p.95-
96)
« [En 1921] sur les 275 élus de la coalition, les fascistes en obtiennent 35,
Mussolini étant pour sa part élu deux fois, à Milan et à Bologne, à la grande
satisfaction de Giolitti qui pense pouvoir ainsi domestiquer le mouvement. »
(p.103)
1961
« Avec la démission de Giolitti, le 1er juillet 1921, le régime libéral voit
s’effondrer sa dernière chance sérieuse de survie. […]
« Mussolini lui-même propose au futur parti un programme qui ne doit plus rien
aux tendances gauchistes de 1919. Dans le domaine économique, le libéralisme
absolu, l’Etat renonçant à toute intervention et à toute nationalisation, ainsi
qu’aux mesures fiscales qualifiées de « démagogiques ». […] Dans le domaine
extérieur, le rejet des principes de la SDN et l’adoption d’une politique
expansionniste. Autrement dit, un programme d’extrême-droite, impérialiste,
réactionnaire et nettement favorable aux grands intérêts dont Mussolini
recherche maintenant l’appui politique et financier. » (p.110-111)
« Le 26 mars [1922], 20 000 fascistes paradent dans les rues de Milan, capitale
du socialisme italien. Le 1er mai, alors que se déroule la traditionnelle grève
générale, de vastes rassemblements se produisent à Bologne, à Rovigo, et il y a
dans toute l’Italie une dizaine de morts. Le 12 mai, à Ferrare, Italo Balbo envahit
la ville à la tête de 40 000 fascistes, libérant un de ses amis emprisonné et
obtenant pour les syndicats fascistes une importante commande de travaux
publics. » (p.116)
« Le 2 août, une vague de violences déferle sur toute l’Italie. Les fascistes
envahissent les villes, détruisent les bourses du travail, les sièges des
coopératives, attaquent les quartiers ouvriers. Partout, sous la menace du
gourdin ou du relvolver, on oblige les grévistes à reprendre le travail. Le 3 août,
reconnaissant sa défaite et l’échec de la grève, l’Alliance du travail donne
1962
l’ordre de reprise. C’est l’effondrement de la résistance ouvrière face au
fascisme. » (p.118)
Mais pour Mussolini la Marche sur Rome n’est qu’un moyen de pression et il
dispose d’atouts politiques plus sérieux. L’appui de Salandra notamment qui,
d’accord avec lui, provoque la démission de la coalition gouvernementale en
obtenant la démission de son ami, le ministre Riccio. Facta, qui croyait pouvoir
négocier directement avec Mussolini, comprend dès lors que sa chute est
inévitable. Il décide cependant de résister et prépare un décret proclamant l’état
de siège dans la capitale. Mais le 28 octobre, à 10 heures du matin, le roi refuse
de signer ce décret. Il a craint de payer de sa couronne une résistance incertaine
au fascisme. Il a surtout subi la pression des militaires, le général Diaz, l’amiral
Thaon di Revel, celle des nationalistes comme Federzoni, celle aussi de
Salandra. Il traduit enfin par son refus l’attitude de la majeure partie de la classe
dirigeante, peu empressée finalement à défendre le libéralisme, dès lors que les
fascistes lui promettent de sauvegarder l’essentiel de ses prérogatives. » (p.121)
D’abord parce que l’Etat libéral est en pleine décomposition, contesté à gauche
par les socialistes, à droite par les nationalistes. Parce qu’il a perdu la confiance
des milieux d’affaires qui lui reprochent à la fois ses interventions dans le
domaine économique et son impuissance en matière politique et sociale. C’est
de cette décomposition de l’Etat que le fascisme tire sa propre vigueur. Rompant
avec ses origines de gauche, il offre ses services aux possédants et se présente
comme la seule solution de rechange possible au libéralisme en faillite. […]
Le fascisme n’a pas remporté une victoire sur des adversaires menaçants. Il s’est
installé à la tête de l’Italie à la faveur du vide politique qui y régnait. » (p.123)
« Très grande difficulté rencontrée par le fascisme pour imposer ses modèles
« novateurs » dans un champ culturel qui reste, jusqu’aux toutes dernières
années du ventennio, dominé par des modes de penser et de sentir qui sont ceux
des élites traditionnelles. » (p.276)
1965
moyens réels (compte tenu du coût de la vie), ils se maintiennent en gros au
même niveau pendant toute la période, jusqu’aux environs de l’immédiats de la
guerre. […]
« Reprenant à son compte une politique qui a été depuis la création du royaume
d’Italie celle de l’Etat libéral, le fascisme fait supporter par les campagnes le
poids de l’industrialisation, écrasant les petites exploitations sous le fardeau
d’une fiscalité excessive et favorisant systématiquement les agrariens, qui
bénéficient des subsides de l’Etat, d’importantes exonérations fiscales et d’une
politique douanière conforme à leurs intérêts. » (p.284)
« Parmi les intellectuels italiens qui étaient venus au fascisme par admiration
pour son nihilisme purificateur et antibourgeois, figurent deux noms importants :
celui du futuriste Ardengo Soffici et celui de Curzio Malaparte. Le premier
restera jusqu’à la fin –comme Marinetti mais en poussant beaucoup plus loin les
1966
limites de la logique futuriste- fidèle à l’esprit du premier fascisme, acceptant,
par haine de l’establisment fasciste, l’alignement sur l’Allemagne hitlérienne, la
politique raciste du régime et bientôt le sinistre retour aux sources du
squadrisme de la République de Salo. Attitude d’écoeurement et de désespoir,
qui fait un peu songer à celle d’un Drieu, dont Soffici partage curieusement dans
ses derniers écrits la fascination pour Staline. « Si l’Axe ne devait pas gagner la
guerre, écrit-il en juin 1944, la plupart des vrais fascistes qui auraient échappé à
la répression passeraient au communisme et formeraient un bloc avec lui. Nous
aurions alors franchi le fossé qui sépare les deux révolutions ». » (p.289)
« La guerre [contre la Libye, en 1911] est plus difficile que prévu […] Les
populations arabes apprécient peu la prétendue délivrance du joug turc. Les
militaires se seraient contentés d’une démonstration de force et d’un chantage,
mais Giolitti a voulu multiplier les combats pour souder les Italiens au spectacle
des batailles. Résultat, il faut passer de 35 000 à 100 000 soldats, dégarnir la
métropole, irriter les rappelés, mater même une révolte à Forli, et, sur place,
gérer des troupes mal logées et mal utilisées. Même après la paix d’Ouchy en
octobre 1912, la guérilla continue, aidée en sous-main par Londres –du fait entre
autres de l’occupation du Dodécanèse. » (p.27)
1968
« Le culte de la romanité […] fédère fascistes, monarchistes et catholiques
conservateurs autour d’un rêve impérial et d’un rejet de la démocracie. » (p.126)
« Fin 1934, 30 soldats italiens sont tués à Ual-Ual, à la frontière entre Éthiopie
et Somalie. […] L’Éthiopie ne peut capituler et Rome veut sa guerre.
L’agression commence le 39 octobre 1935, piétine un peu, mais aboutit à la
prise de la capitale, Addis-Abeda, le 5 mai 1936, et à la proclamation de
l’Empire le 9. » (p.134)
« Il s’agit surtout de mobiliser le pays, soit, selon une formule de Pierre Milza,
de « sceller dans une entreprise commune, et au prix du sang versé, cette
communauté de la nation, transcendant les clivages sociaux, [qu’il] avait
prétendu forger », et de faire des Italiens un peuple de héros et d’aventuriers.
1969
Selon Graziani, « la passion des colonies est la plus masculine, la plus fière et la
plus puissante qu’un Italien puisse nourrir. ». » (p.135)
« Il y a certes des pertes côté italien, mais limitées : 9000 blessés, 3000 à 4500
tués, de quoi affliger des familles mais non marquer la société.
« La nouvelle pax romana est un mythe. Huit jours après la prise d’Addis-
Abeda, la moitié de sa population a fui dans les collines. Forte de traditions
locales et des facilités du terrain, la guérilla, même divisée entre chefs féodaux,
tient le pays, sauf, de jour, les grandes villes et les principales routes. Elle
immobilise 200 000 soldats, mais entre censure et éloignement, cela intéresse
peu l’opinion en métropole. Sur place, la situation explique le recours à la
terreur, d’autant que Graziani, nommé gouverneur, est un paranoïaque
mégalomane qui a cultivé en Libye un profond mépris des indigènes. » (p.140)
1970
ou les transports, avec l’idée que le dernier des Italiens doit être supérieur au
premier des indigènes. » (p.141)
De fait, la Tunisie est une des revendications que l’Italie fasciste brandira
régulièrement au nez de la France. » (p.159)
1971
par le traité de Sèvres du 10 août 1920. Le soutien est également valable dans
l’autre sens. Le 16 août 1924, l’Italie s’est alignée sur la position britannique
lors de la conférence de Londres sur les répérations allemandes, abandonnant sa
politique pro-française sur la question. » (p.159)
[…] Churchill reste pendant plusieurs années sur cette position politique
favorable au régime fasciste. Le 18 février 1933, parlant lors d’une réunion de la
ligue antisocialiste britannique, celui qui est redevenu simple député du parti
conservateur estime que Mussolini est « le plus grand législateur vivant », celui
qui « a montré à beaucoup de nations que l’on peut résister au développement du
socialisme ». » (p.160-161)
« Mussolini est sur des positions antiyougoslaves et n’a pas oublié que la
Dalmatie avait était confiée à la Yougoslavie et non à l’Italie au moment des
accords de paix. En juillet 1927, il convoque les chefs d’états-major des trois
armes afin de préparer une éventuelle attaque de la Yougoslavie. » (p.162)
1972
Zogu pour le contrôle du pouvoir. Si le premier est soutenu par l’Italie, le second
l’est par la Yougoslavie. Mais une fois devenu président de la République en
janvier 1925, Ahmed Zogu souhaite privilégier les relations avec Rome, plus
susceptible de lui accorder des subsides. La diplomatie italienne voit tout de
suite l’intérêt de la carte albanaise dans son jeu politique dans les Balkans. Dès
mars 1925, Rome et Tirana signent un accord économique qui place l’Albanie
sous la mainmise italienne, selon la propre formule de Mussolini. En août 1926,
un accord secret prévoit que le territoire albanais pourra servir de base en cas de
conflit italo-yougoslave. En contrepartie, Rome reconnaît à l’Albanie le droit
d’avancer des revendications à propos des territoires yougoslaves peuplés
d’Albanais. […] Le 22 novembre 1927, un traité est conclu qui correspond, peu
ou prou, à un protectorat italien sur l’Albanie, le gouvernement italien
supervisant la politique économique et financière albanaise. Venant cinq mois
après la rupture des relations diplomatiques entre Tirana et Belgrade suite à des
incidents de frontière et onze jours après le traité d’amitié franco-yougoslave, la
politique de Mussolini ne manque pas d’inquiéter la France et la
Yougoslavie. […]
Devenu roi d’Albanie le 1er septembre 1928, Zog Ier s’accomode, bon gré, mal
gré, de la protection de l’Italie dont l’influence ne cesse de grandir. Le 30 août
1933, l’enseignement de la langue italienne devient obligatoire dans les écoles
albanaises. Par contre, le gouvernement albanais refuse un projet d’union
douanière et Mussolini est obligé d’envoyer une escadre navale à Durazzo, le 23
juin 1934, pour amener le roi à accepter un nouvel accord prévoyant le
renforcement des liens économiques et militaires. Dès lors, l’annexion pure et
simple semble être une prochaine étape envisageable, renforçant ainsi la
présence italienne en Adriatique. » (p.162-163)
« C’est au nom des réparations justes et nécessaires dues à l’Italie par les Alliés
que l’Italie obtient, le 25 juillet 1928, de participer à l’administration
internationale de Tanger ce qui, en outre, renforce la puissance italienne dans le
1973
bassin occidental de la Méditerranée. Les 11 et 22 mai 1930, à Livourne et à
Milan, Mussolini réclame la révision des traités de paix de la Première Guerre
mondiale. » (p.166)
1974
« La participation italienne à la guerre civile a indéniablement aidé le camp
franquiste. Elle a coûté 3266 tués, 11 186 blessés et 6 milliards de lire de
fournitures militaires. » (p.180)
« [La défaite d’] Adoua, en Abyssinie, en 1896- avait eu dans la vie politique
italienne, bien que sur une plus petite échelle, une signification analogue à celle
de Sedan en France. Au lieu de repousser l’événement et de le réduire à un
épisode colonial sans grande importance, une partie de l’opinion italienne en
avait cultivé le souvenir. Pour les nationalistes, en particulier, Adoua avait
révélé, plus encore que le manque de préparation de l’armée, la fragilité de la
conscience nationale, le faible métal dont était faite la volonté du pays. Pour eux
donc, Adoua restait un nœud de la vie unitaire et par Adoua il fallait à nouveau
passer afin que la tache de cette défaite ne noircisse pas à jamais le livre dans
lequel l’Italie écrirait son histoire. Prise en charge par le fascisme, cette
1975
approche, plus sentimentale que politique, avait fortement marqué sa politique
coloniale. […] Le fascisme avait hérité des nationalistes et des syndicalistes
révolutionnaires la conception de l’expansion coloniale comme aspiration
légitime d’une « nation prolétaire », la conquête d’une « place au soleil » dans la
seule terre africaine qui ne fût pas encore réservée aux grandes puissances. »
(p.224)
Un gouvernement fantoche fut mis en place à Tirana, Ciano déclarait que ces
décisions ne portaient atteinte à l’indépendance de l’Albanie ni dans le fond ni
dans la forme. Or, le même jour, il écrivait dans son journal : « Il n’y a plus
d’Albanie indépendante…je vois les yeux de nombreux patriotes étinceler de
haine et des larmes glisser sur leurs joues. » Le dernier acte se joua à Rome, le
16 avril 1939, au Quirinal ; une délégation de la soi-disant assemblée offrit la
« couronne de Skanderbeg » à Victor-Emmanuel III, qui voyait ainsi ajouter à
ses titres de roi d’Italie et d’empereur d’Ethiopie, celui de roi d’Albanie. »
(p.265)
Quant à l’armée albanaise, elle se voyait incorporée dans l’armée italienne. Les
fascistes laissèrent bien en place l’administration précédente subalterne, mais ne
manquèrent pas de nommer aux postes importants leurs adeptes albanais, ainsi
qu’un grand nombre de conseilliers italiens. […]
1976
attirés par les ressources économiques, couvraient le pays de leurs filiales. Des
dizaines d’entreprises se mirent à l’œuvre pour exploiter les richesses minières,
en particuliers les matières premières stratégiques, pétrole, chrome, fer, cuivre,
bitume, etc…, dont l’économie italienne avait le plus pressant besoin. » (p.266)
-Stefanaq Pollo et Arben Puto (dir), Histoire de l’Albanie des origines à nos
jours, Éditions Horvath, 1974, 367 pages.
1977
« Les fascistes se faisaient les défenseurs de la religion traditionnelle face à ses
contempteurs. » (p.55)
"En 1919, le jeune mouvement avait [...] embrassé les positions des intellectuels
futuristes, portés à ridiculiser la morale conventionnelle en défendant le divorce
et en prônant la suppression de la famille bourgeoise. Cette même année, la
fraction populiste du mouvement s'était prononcée en faveur du vote des
femmes." (p.208)
"Le 26 mai 1927, dans son célèbre discours de l'Ascension, Mussolini plaça la
politique de "défense de la race" au cœur des objectifs du fascisme concernant
la vie privée ; le Duce voulait faire passer la population italienne de 40 millions
d'individus à 60 millions au milieu du siècle. Il s'appuyait sur deux types
d'arguments, auxquels nous pouvons en ajouter un troisième au moins aussi
important: rétablir ou "normaliser" les différences entre hommes et femmes, qui
avaient été bouleversées du fait de la Grande Guerre. Le premier argument de
Mussolini, d'ordre mercantiliste, insistait sur le besoin d'une abondante main-
d'œuvre à bon marché. Le second était typique d'une nation lancée dans une
expansion impérialiste ; la baisse de croissance de la population italienne au
cours des années vingt (baisse d'autant mieux perçue que le gouvernement avait
amélioré les techniques de recensement) bridait les ambitions expansionnistes
des dirigeants. Si l'Italie ne devenait pas un empire, martelait le Duce, elle
deviendrait à coup sûr une colonie.
Dans sa quête pour "des naissances, plus de naissances", la dictature oscilla
entre les réformes et la répression, entre l'exhortation à l'initiative individuelle
et les aides publiques."(p.212)
"[En 1936] environ 25% des femmes en âge de travailler avaient un emploi."
(p.221)
"A la fin des années trente, un nombre croissant d'étudiantes qui, tout comme les
jeunes gens de la "génération du Littorio", voyaient dans le régime vieillissant
un obstacle à la réalisation de leurs légitimes ambitions professionnelles,
adhérèrent au marxisme ou au catholicisme social." (p.230)
http://www.amazon.com/Mussolini-Dennis-Mack-Smith/dp/0394506944
1980
https://www.amazon.fr/Soudain-fascisme-marche-r%C3%A9volution-
dOctobre/dp/2070145050/ref=pd_sim_14_33?_encoding=UTF8&psc=1&refRI
D=FV6XV4AZPB3NJKG3HJAE
https://www.amazon.fr/r%C3%A9volution-fasciste-th%C3%A9orie-
g%C3%A9n%C3%A9rale-
fascisme/dp/2020572850/ref=pd_sim_14_2?_encoding=UTF8&psc=1&refRID=
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http://www.amazon.fr/Guerres-soci%C3%A9t%C3%A9-mentalit%C3%A9s-
LItalie-
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Thought/dp/0691127905
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Twentieth/dp/0300106025/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1428870836&s
r=1-
1&keywords=The+Faces+of+Janus%3A+Marxism+and+Fascism+in+the+Twen
tieth+Century
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fascisme-lapr%C3%A8s-
guerre/dp/2806629985/ref=sr_1_fkmr0_1?s=books&ie=UTF8&qid=146197335
8&sr=1-1-fkmr0&keywords=Jan+Dalley+Un+fascisme+anglais+1932+1940
http://www.editions-ars-
magna.com/index.php?route=product/product&path=62&product_id=95
https://www.amazon.fr/Marinetti-futurisme-
Collectif/dp/282512432X/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1461585024&sr=8-
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https://www.amazon.fr/Renaissance-lid%C3%A9alisme-Essais-1903-
1918/dp/2705682325/ref=pd_sim_sbs_14_1?ie=UTF8&dpID=318hBInQ81L&d
1981
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Gentile/dp/2705681884/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1461585228&sr=8-
1&keywords=Giovanni-Gentile-L-esprit-acte-pur
http://www.amazon.fr/philosophie-Marx-Giovanni-
Gentile/dp/B00OHLTYAU/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1451161442&sr=8-
1&keywords=Giovanni+Gentile%2C+La+philosophie+de+Marx
http://hydra.forumactif.org/t1159-a-james-gregor-giovanni-gentile-philosopher-
of-fascism#1793
http://hydra.forumactif.org/t1161-evelyne-buissiere-giovanni-gentile-et-la-fin-
de-l-auto-conscience#1795
http://hydra.forumactif.org/t1162-jean-yves-fretigne-les-conceptions-educatives-
de-giovanni-gentile-entre-elitisme-et-fascisme#1796
1982
socialiste des syndicats. Les contacts entre un versant et l’autre des Alpes furent
fréquents. Les militants italiens réservèrent un bon accueil aux articles de Sorel,
Lagardelle et Gustave Hervé qui les payèrent en retour en leur ouvrant
généreusement les colonnes de leurs périodiques (le Mouvement socialiste, la
Guerre sociale), ainsi que le fera plus tard la Vie ouvrière. Différemment que
pour la France, le syndicalisme révolutionnaire représentait, jusqu’au
néologisme qui le désignait, une grande nouveauté pour l’Italie. Mais il ne fait
guère de doute que sa naissance et son essor tenaient plus à des raisons
nationales qu’à l’importation d’idées qui seraient demeurées stériles sans un
terreau préparé à les recevoir."
"En Italie, le cours libéral que Giovanni Giolitti imprima aux gouvernements qui
se succédèrent à partir du printemps 1901 bénéficia de la bienveillance des
parlementaires socialistes en échange de la neutralité de l’État dans les conflits
sociaux. De nombreuses grèves spontanées se déroulèrent avec succès en 1901
et 1902. Le mouvement paysan (composé de salariés et de métayers) prit son
envol, surtout en Émilie. Mais c’était sans compter avec le faible niveau
d’organisation et d’encadrement des travailleurs du Midi qui s’exposaient, lors
de conflits devenus plus âpres à la suite du renversement de conjoncture en
1903, aux fusillades des forces de l’ordre ; en se répétant, ces répressions
sanglantes suscitaient parmi les ouvriers conscients de l’Italie une indignation de
plus en plus grande et difficile à contenir. En 1903, il était évident que le souffle
libéral du gouvernement, s’il avait jamais existé, s’était épuisé et que le va-tout
parlementaire du leader réformiste Filippo Turati n’avait plus la cote au sein du
parti.
1983
En septembre, le déclenchement d’une impressionnante grève spontanée à la
suite de deux nouveaux massacres, en Sardaigne et en Sicile, donna des ailes
aux partisans de Labriola qui, en prenant la tête de la protestation, espérèrent
faire chuter le gouvernement. En tirant le bilan, Labriola constata que le parti
avait été à la traîne du mouvement et que « le prolétariat italien commen[çait] à
avoir une conscience si claire de sa position de classe qu’il n’allait plus avoir
besoin du parrainage d’un parti politique distinct des organisations de métier,
Avanguardia socialista,… ». Les labrioliens conjuguèrent alors les thèmes de la
violence et de la grève générale (que le tout récent congrès international
d’Amsterdam avait débattue) à celui de l’action directe que confortait la reprise
des luttes ouvrières au cours de 1904 : le syndicalisme révolutionnaire italien
était né."
"En Italie le Parti socialiste (Psi) exerçait une emprise sur le mouvement ouvrier
encore plus forte. À l’inverse du cas français où les sectes politiques avaient
pullulé, il avait toujours été unique depuis sa fondation en 1892 et avait précédé
la naissance, en 1906, de la confédération des syndicats. Dans un pays où la
structure de la classe ouvrière reflétait le caractère segmenté et inégal du
développement capitaliste, le socialisme était une référence nationale
incontournable pour unifier politiquement, ou au moins sentimentalement,
l’ensemble des opprimés. C’est tout naturellement que le syndicalisme
révolutionnaire avait surgi en son sein. La conjoncture poussait de surcroît les
dissidents à ne pas rompre brutalement avec le parti.
"Au début de leur expérience, les syndicalistes italiens théorisèrent, contre Sorel
et contre leurs amis confédéraux français, l’usage du parlement par les
organisations ouvrières elles-mêmes. Pour Leone, la présence au Parlement
aurait fourni une tribune à l’action directe et un moyen de contrôler la
législation relative aux questions ouvrières, pour Labriola, un moyen de
surveiller la garantie des droits collectifs et individuels dans le cadre particulier
1984
de l’institution monarchique. C’est pourquoi ce dernier incita, en 1905, à une
campagne en faveur du suffrage universel."
1985
marqués par une révolte antibourgeoise individualiste, messianique et
vaguement bohémienne (qui en appelait à Giosuè Carducci, le poète national, à
Zola, Shelley, Carlyle et Ruskin) tantôt par la foi positiviste en la rédemption
par la science (via Achille Loria et Marx), ils devinrent, souvent au prix
d’études négligées ou interrompues, des propagandistes enthousiastes et des
organisateurs infatigables auprès des masses – aussi, à cet égard, pourrait-on
les comparer aux populistes russes. C’est ainsi que la frustration qu’ils
ressentaient du fait d’un diplôme déprécié qui les privait de la reconnaissance
sociale escomptée trouvait un pendant dans la frustration des masses, souvent
celles les plus démunies et écartées des bénéfices de la croissance économique.
Le syndicalisme révolutionnaire réussissait le pari inouï de réunir dans la même
conscience d’un état d’exclusion sociale l’intellectuel féru de droit, d’économie,
et l’ouvrier agricole analphabète."
"À Mirandola, dans le Modénais, Ottavio Dinale, qui organisait depuis 1901 les
ouvriers agricoles auxquels s’étaient joints les métayers, conduisit avec succès
une série de luttes qui s’épuisèrent toutefois en 1906 avec sa fuite en exil. Il
avait été le premier à subir l’ostracisme du Parti socialiste et à tenter en
conséquence un rapprochement avec les anarchistes. Ce fut ensuite le tour du
Ferrarais où Umberto Pasella fut appelé pour régler le conflit d’Argenta qui
impliquait l’ensemble des paysans et qui déboucha, en 1907, sur trois mois de
grève intense – avec la nouveauté de l’hébergement solidaire de 1200 enfants de
1986
grévistes dans d’autres régions ! Peu après la conclusion heureuse de cette lutte,
il dirigea à Copparo une grève très dure des seuls journaliers – souvent des
chômeurs –, avec incendies de récoltes et de granges, qui sembla à Sorel l’« un
des grands événements de l’époque, mais qui se solda par une cinglante défaite,
par l’emprisonnement de l’agitateur et par la fuite en Autriche du maire pro-
syndicaliste. Pendant cette même année 1907, les ouvriers agricoles du
Parmesan, avec à leur tête Alceste De Ambris, menèrent une lutte victorieuse.
La contre-offensive patronale de 1908, qui consistait à renier les accords, fut
sans précédent par sa méthode et sa virulence (création de l’organisation
patronale soudée par le dépôt de chèques en blanc, intimidations musclées,
recours massif aux « travailleurs volontaires » des régions « blanches » de
Lombardie) : elle provoqua en réponse, après deux mois de « lutte héroïque »
que Sorel ne laissa pas sans commentaire, une mémorable grève générale,
étendue à la ville de Parme, qui mobilisa, à la fin du mois de juin, 20 000
travailleurs. La répression fut sans quartiers : après avoir protégé les jaunes, la
cavalerie occupa la chambre du travail et multiplia les arrestations, alors que De
Ambris se sauva à l’étranger. Cet épisode, qui poussa à l’introduction des
machines agricoles, provoqua une vague d’émigration de paysans défaits et sans
travail. Il mit en fait un terme à l’expansion du syndicalisme révolutionnaire
dans les campagnes."
"En 1913, avec 101 000 membres, l’Usi [Union syndicale italienne] parvenait à
un rapport de un à trois avec la CGdL."
1987
C’était l’avis d’Alceste De Ambris : pour que le mouvement ouvrier, et en
particulier son aile marchante, le syndicalisme, pût s’épanouir, il fallait «
libérer la vie sociale de l’oppression de l’État politique » en développant le
pouvoir fédéré des communes, suivant l’exemple des communes du Moyen Âge
(ou de la Commune de Paris, comme écrivaient par ailleurs les « communalistes
» de Parme). À ce programme de liberté, réalisable sur le terrain de la
politique, toutes les forces révolutionnaires et démocratiques pouvaient
concourir en formant ensemble un « bloc rouge » (c’est dans ce cadre qu’à
Parme, en 1913, De Ambris avait été élu député, consacrant son retour
triomphal après cinq ans d’exil)."
"Les dissidents s’engagèrent à fond dans un combat qu’ils partagèrent avec les
autres composantes de l’interventionnisme de gauche et qui les amena
progressivement à user d’une rhétorique grandiloquente fondée sur les thèmes
de la Patrie combattante, de la classe qui n’est pas contre la patrie mais en son
sein, de l’État qu’il ne fallait plus détruire mais conquérir, de l’effort de tous
pour développer la production nationale, et du patronat non patriote et profiteur
qu’il fallait combattre."
"Portée par l’expansion des luttes sociales qui caractérisèrent les années 1919-
1920, l’Usi ne cessa de croître, passant de 180 000 adhérents à la mi-1919 à
500 000 à la fin de 1920, mais ses forces restèrent toujours très inférieures à
celles de la CGdL : le rapport, constant, fut de un à cinq."
-Willy Gianinazzi, « Le syndicalisme révolutionnaire en Italie (1904-1925). Les
hommes et les luttes », Mil neuf cent. Revue d'histoire intellectuelle, 2006/1 (n°
24), p. 95-121. DOI : 10.3917/mnc.024.0095. URL : https://www.cairn-
int.info/revue-mil-neuf-cent-2006-1-page-95.htm
1988
Teresa Labriola (1873-1941) : « Les "féministes latines", comme la brillante
Teresa Labriola (qui se livrait à un grand écart idéologique pour concilier
fascisme et féminisme), se situaient aux antipodes des officiels suffisants dont les
bons mots antiféministes circulaient dans les salons romains. » -Victoria de
Grazia, "Le patriarcat fasciste. Mussolini et les Italiennes (1922-1940)", in
Françoise Thébaud (dir.), Histoire des femmes en Occident, tome 5 "Le XXe
siècle", Perrin, 2002 (1992 pour la première édition), 765 pages, pp.197-225,
p.209.
Benedetto Croce (1866-1952): “Le beau n’appartient pas aux choses ; ce n’est
pas un fait physique ; il appartient à l’activité de l’homme, à l’énergie
spirituelle.” -Benedetto Croce, Esthétique comme science de l’expression et
linguistique générale, Paris, 1904, p.93.
https://www.amazon.fr/Histoire-lEurope-au-XIXe-
si%C3%A8cle/dp/2070328007?ie=UTF8&*Version*=1&*entries*=0
Les classes, donc, ont la même valeur ou fonction que les mythes : ce sont des
forces qui se renouvellent et se disputent sans cesse le pouvoir. »
1989
pour la politique, en hommage à l’idylle littéraire et à des expédients
économiques pratiques, est la meilleure preuve de la décadence de nos mœurs et
de la faiblesse de ceux qui désirent, en guise de repos, un retour au Moyen
Age. »
http://www.amazon.fr/Du-prince-lettres-Vittorio-
Alfieri/dp/2844853595/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1446415431&sr=1
-1&keywords=Piero+Gobetti
http://www.amazon.fr/Piero-Gobetti-Politcs-Liberal-Revolution/dp/0230602746
http://hydra.forumactif.org/t2125-eric-vial-piero-gobetti-entre-liberalisme-et-
revolution#2837
1990
propre discipline à l’égard d’un idéal. Et tout ceci ne peut s’obtenir sans
connaître aussi les autres, leur histoire, la succession des efforts qu’ils ont faits
pour être ce qu’ils sont, pour créer la civilisation qu’ils ont créée, et à laquelle
nous voulons substituer la nôtre. » -Antonio Gramsci, Socialisme et culture, 29
janvier 1916.
« Jamais comme en ce moment les éléments ouvriers les plus avancés, n'ont eu
besoin de plus de sang-froid. Il faut qu'ils fassent connaître à leurs camarades
la notion exacte des événements sans craintes démagogiques, les convaincre
tous de l'énorme responsabilité qui pèse sur chacun; il faut qu'ils rendent
chaque ouvrier conscient qu'il est devenu un soldat, qu'il a une consigne, qu'il
doit être solidement encadré, dans les rangs prolétariens, et que toute défection,
toute faiblesse, tout geste impulsif doit être considéré comme une trahison
ouverte, comme un acte contre-révolutionnaire. » -Antonio Gramsci,
L'occupation, Sans signature, Avanti !, édition piémontaise, 2 septembre 1920;
édition milanaise, 5 septembre 1920, repris dans Écrits politiques, tome 4.
« Le langage est à la fois une chose vivante et un musée qui expose les fossiles
de la vie et des civilisations. »
1992
« Quand on n'a pas l'initiative de la lutte et que la lutte même finit par
s'identifier avec une série de défaites, le déterminisme mécanique devient une
formidable force de résistance morale, de cohésion, de persévérance patiente et
obstinée. « Je suis battu momentanément, mais à la longue la force des choses
travaille pour moi, etc. » La volonté réelle se travestit en un acte de foi, en une
certaine rationalité de l'histoire, en une forme empirique et primitive de
finalisme passionné qui apparaît comme un substitut de la prédestination, de la
providence, etc., des religions confessionnelles. Il faut insister sur le fait que
même en ce cas, il existe réellement une forte activité de la volonté, une
intervention directe sur la « force des choses », mais justement sous une forme
implicite voilée, qui a honte d'elle-même, d'où les contradictions de la
conscience dépourvue d'unité critique, etc.
« Juger tout le passé philosophique comme un délire et une folie n'est pas
seulement une erreur due à une conception antihistorique, - car dans cette
conception, se trouve la prétention anachronique d'exiger du passé qu'il pensât
comme nous pensons aujourd'hui, - mais c'est à proprement parler un résidu de
métaphysique, car on suppose une pensée dogmatique valable en tout temps et
dans tous les pays, qui devient la mesure de tout jugement sur le passé.
L'antihistoricisme méthodique n'est rien d'autre que de la métaphysique. Que les
systèmes philosophiques aient été dépassés, n'exclut pas qu'ils aient été
historiquement valables ni qu'ils aient rempli une fonction nécessaire : leur
1993
caducité doit être considérée du point de vue du développement historique tout
entier et de la dialectique réelle ; quand on dit qu'ils étaient dignes de tomber,
on ne prononce pas un jugement d'ordre moral ou répondant à une hygiène de
la pensée, formulé d'un point de vue « objectif », mais un jugement dialectique-
historique.» -Antonio Gramsci, Carnet de prisons n°11.
[…] Tout individu est, non seulement la synthèse des rapports existants, mais
aussi l'histoire de ces rapports, c'est-à-dire le résumé de tout le passé. Mais,
dira-t-on, ce que chaque individu peut changer est bien peu de chose, si l'on
considère ses forces. Ce qui est vrai jusqu'à un certain point. Puisque chaque
1994
homme pris en particulier peut s'associer à tous ceux qui veulent le même
changement, et, si ce changement est rationnel, chaque homme peut se
multiplier par un nombre imposant de fois et obtenir un changement bien plus
radical que celui qui, à première vue, peut sembler possible. […]
L'homme [est] riche des possibilités qui lui sont offertes par les autres hommes
et par la société. » -Antonio Gramsci, Qu’est-ce que l’homme ? (1935).
1995
manuel populaire de sociologie marxiste (1921). Il n’y a pas d’un côté une
science de l’histoire, et de l’autre une conception philosophique générale des
choses. Les catégories de l’histoire s’imprègnent dans la totalité de la pensée et
modifient la subjectivité philosophique. Gramsci considère qu’il faut étudier
Kant, car il a pris en compte la relativité de nos connaissances, et leur manque
essentiel d’objectivité. Les connaissances ne reflètent que nos besoins et pas la
réalité en soi. Ainsi, l’historicisme devient la nouvelle structure a priori de la
connaissance, dans laquelle toute idée trouve sa condition de validité. Par
conséquent, les sciences de la nature, qui considèrent la matière comme une
chose objective et non comme un résultat historique, sont à jamais étrangères à
cette philosophie de la praxis. » -Pascal Charbonnat, Histoire des philosophies
matérialistes, Paris, Éditions Kimé, 2103, 706 pages, p.572-573.
« Antonio Gramsci a d’abord été l’un des intellectuels qui a le plus œuvré à
compléter l’analyse marxiste de la superstructure. Dans la perspective
gramscienne, on ne peut comprendre la domination d’une classe sociale comme
la bourgeoisie sans comprendre qu’elle peut susciter le consentement des
classes subalternes. » -Gaël Brustier, Le Front National a-t-il remporté la «
bataille culturelle» ?, Slate.fr, 09.03.2017.
"Gramsci est présenté au public français par Giacomo Cantoni, élève du chef de
file de l’existentialisme italien, formé à la phénoménologie husserlienne, Enzo
Paci. Cantoni propose une vita de Gramsci construite sur la légende de cet
intellectuel, écrivain avant tout, qui dans une filiation romantique et populiste,
va au peuple et découvre un monde qui lui était jusqu’alors inconnu autant qu’il
se découvre lui-même. De ce récit, Sartre peut opposer, avec Gramsci et le
marxisme italien, une « philosophie du sujet » à ce qu’il voit dominant en
France, autour du PCF, une « philosophie de l’objet »."
http://www.amazon.fr/Gramsci-suicide-r%C3%A9volution-Augusto-
Noce/dp/2204090581/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1458950638&sr=8-
1&keywords=Augusto-Del-Noce-Gramsci-ou-le-suicide-de-la-revolution
http://hydra.forumactif.org/t1217-james-martin-antonio-gramsci-intellectual-
and-political-context#1854
« Il faut donc en conclure d’une part […] et d’autre part, élément essentiel pour
notre raisonnement. »
Le régime antérieur, que la révolution a pour but d’abolir, et qui, par sa volonté
de se conserver, devient contre-révolution ;
Les partis, qui prenant la révolution à des points de vue, suivant des préjugés et
des intérêts divers, s’efforcent, chacun de son côté, de l’attirer à eux et de
l’exploiter à leur profit ;
« Peu importe quels seront les groupes politiques qui triompheront : ce n'est pas
la floraison de l'été qui nous attend, mais tout d'abord une nuit polaire, glaciale,
sombre et rude. [...] Et lorsque cette nuit se sera lentement dissipée, combien
encore vivront, de tous ceux qui ont vécu l'actuel printemps, au visage si opulent
? Que seront-ils tous devenus en leur for intérieur ? » -Max Weber, "Le métier
1998
et la vocation d'homme politique", in Le Savant et le Politique, 1919, "Les
classiques des sciences sociales", 152 pages, p.151.
« La crise dans tout groupe social est [...] ce moment à haute densité intensive,
ce kairos propice à la brusque révélation de ce qui, dans et par ce groupe, était
inhibé et refoulé ; mais c'est aussi, indissociablement, cet instant où doivent être
prises les décisions qui orienteront radicalement l'avenir du groupe et où
pourtant domine l'indécision résultant de ce que l'incertitude, en raison de la
déroute des routines et du dévoilement soudain de la pluralité vertigineuse des
possibles, y es portée à son faîte. » -André Béjin, Différenciation,
complexification, évolution des sociétés, Communications, 1974, Volume 22,
Numéro 1, pp. 109-118, p.117.
1999
fossé entre SPD et les spartakistes qui ne veulent pas d'une Constituante. »
(p.133)
« L’Allemagne après 1918, qui connaît coup sur coup une défaite militaire,
plusieurs tentatives révolutionnaires et une crise économique majeure, fournit
ainsi un contexte favorable au développement de croyances assez fantasques
pour apaiser ces peurs et à l’installation d’un régime autoritaire. » - Florence
Delmotte, « Une théorie de la civilisation face à « l'effondrement de la
civilisation » », Vingtième Siècle. Revue d'histoire, 2010/2 (n° 106), p. 54-70.
« L’expérience de la conquête et de ses états limites modifie les êtres dans leurs
rythmes et leurs comportements les plus profonds. » -Carmen Bernand et Serge
Gruzinski, Histoire du Nouveau Monde, Tome I « De la découverte à la
conquête, une expérience européenne (1492-1550) », Fayard, 1991, 768 pages,
chapitre VIII « La conquête du Mexique », p.287-325, p.294.
2000
« Le ghetto de la femme était la famille et le foyer domestique ; son
émancipation et son entrée dans la vie publique furent perçues, au même titre
que l’émancipation juive, comme des manifestations typiques de la modernité
qui brisait et bouleversait l’ordre hiérarchique (à la fois national, religieux et
sexuel) de la société traditionnelle. » -Enzo Traverso, « Judéité et féminité :
Rosa Luxemburg», dans Les juifs et l’Allemagne : de la «symbiose judéo-
allemande» à la mémoire d’Auschwitz, 1992, Paris, La Découverte, p. 83-89,
p.83.
"The quote from the English Prime Minister Lloyd George in Vienna’s Neuen
Freien Press shows how dangerous this possibility appeared to the status of
Versailles: “The steady expansion of communism in Germany represents a
grave danger for the whole of Europe. The War has shown what a powerful
people the Germans are when they are put to the test. That’s why a Communist
Germany would be far more dangerous to the world than Communist Russia… I
cannot imagine any greater danger for Europe, yes, for the whole world, than for
there to be a great Communist state in Central Europe, directed and maintained
by one of the world’s most intelligent and disciplined peoples.” " -Karl Otto
Paetel, The National Bolshevist Manifesto, Berlin, 1933, 83 pages, note 5 p.11.
2001
Mars 1921 : Action de mars.
24 juin 1922 : Assassinat de Walter Ratheneau par des nationalistes, dont Ernst
von Salomon.
"Il faudra partager l'Allemagne: cela est dû au salut de la France, cela est dû à
ceux qui meurent pour elle, cela est dû à ceux qui demain dans la patrie en deuil
viendront occuper leur place vide, si l'on ne veut pas qu'une nouvelle guerre,
engendrée d'une paix imprudente, fauche sur les corps à peine refroidis de ses
aînés la génération qui s'élève." (p.7-8)
-Louis Dimier, Les tronçons du serpent : idée d'une dislocation de l'Empire
allemand et d'une reconstitution des Allemagnes, Paris, Nouvelle librairie
nationale, 1915, 137 pages.
« Dans son usage intensif, de 1921 à 1923, de l'article 48, alinéa 2, habilitant le
Reichspräsident à "prendre toutes les mesures qu'il juge nécessaires pour
préserver l'ordre public", il est vrai qu'Ebert a visé à la fois les menées
révolutionnaires de l'extrême gauche et de l'extrême droite, et qu'il en a usé
"surtout face au gouvernement [fédéral] de droite du Land de Bavière (von
Kahr) dans une crise qui culmina en 1923 avec le putsch manqué d'Hitler et
Ludendorff qui voulaient déborder von Kahr sur sa droite.". » (note 1 p.27)
« Après une période initiale de troubles graves marqués par un usage fréquent
de l’article 48 (1919-1924), suit une période de calme politique où le Parlement
et les partis gouvernent (1924-1929), puis la crise économique de 1929 entraîne
2003
des troubles d’ordre public majeurs, une montée des partis extrêmes et une
présidentialisation du régime (1930-1933). » (note 1 p.29)
2004
d’Oldenbourg, Henri XXVII, prince Reuss. Les 12 et 13, la chute devant être
générale, Léopold IV, prince de Lippe, Aribert, prince d’Anhalt, Ernest II, duc
de Saxe Altenbourg et Frédéric-Auguste III, roi de Saxe, s’effacèrent à leur
tour. »
2006
pouvait donc ignorer que la République était venue au monde presque par
accident et avec forces excuses. » (p.26)
2007
indépendants démissionèrent et le fossé ne cessa de se creuser. Il suffisait alors
à l’ennemi de droite de prendre patience.
« [La Révolution] offrit des possibilités nouvelles à des individus de talent qui
n’auraient pas eu accès à de hautes fonctions sous l’Empire, ouvrant des
centres de prestige et d’autorité aux professeurs progressistes, aux dramaturges
et metteurs en scène modernistes, aux penseurs politiques démocrates. Hugo
Preuss, l’architecte de la Constitution de Weimar, était un symbole de la
révolution ; en tant que Juif et démocrate de gauche, il avait été tenu, malgré
ses mérites, à l’écart des instances officielles de l’Université et, à présent, lui,
l’étranger, donnait forme à la jeune république, sa république. » (p.33)
2008
démocrates peu désireux d’abandonner ce qu’ils venaient d’obtenir, ou (comme
Eisner en Bavière) méfiants à l’égard du régime central. Un compromis
conserva les Etats tels qu’ils étaient et préserva la domination prussienne, sans
rapporter aucun apaisement aux relations troublées entre le Reich et les
Länder. » (p.34)
2010
aucune façon empêché par la suite de se livrer à des activités criminelles. »
(p.36-37)
« Chaque fois que les juges pouvaient contourner la loi au bénéfice des forces
réactionnaires, ils n’hésitaient pas : Hitler, en tant qu’Autrichien, aurit dû être
expulsé après le putsch, mais on l’autorisa à rester en Allemagne parce qu’il se
jugeait allemand. Les tribunaux agirent par ailleurs avec la plus extrême
rigueur contre les spartakistes, les communistes ou les journalistes candides.
Quiconque se trouvait avoir le rapport le plus ténu avec la République
soviétique de Bavière en était sévèrement chatié ; les personnes qui, dans leurs
écrits, « insultaient » la Reichswehr furent poursuivies et condamnées, même
lorsque leurs critiques se révelaient fondées. » (p.38)
« Le 24 juin 1922, Rathenau était assassiné par des militants de droite. Traqués
par la police, un des meurtriers fut tué, un autre se suicida ; le troisième fut
condamné à quinze ans d’emprisonnement mais il ne passa que sept ans
derrière les barreaux…la République se montrait toujours généreuse avec ses
ennemis. » (p.190)
« L’Allemagne entre dans une ère de croissance lente avec une position
économique internationale détériorée. Cette situation offre un net constraste
avec les performances de l’Allemagne impériale d’avant 1914 ou de
l’Allemagne chrétienne-démocrate d’après 1948. L’expansion commerce
mondiale de l’Allemagne a été sévèrement touchée par le blocus maritime allié
et les mesures de séquestre de biens allemands. » (p.99)
Produit National Brut par habitant en Allemagne et dans d’autres pays (1910-
1930) en dollars : Allemagne : 189.5 en 1910, 268.5 en 1925 ; France : 158.8 en
1919, 243.3 en 1925 ; Royaume-Uni : 227.6 en 1910, 487.7 en 1925 ; États-
Unis : 383.7 en 1910, 804.0 en 1925. [p.101]
2016
« Les charges de l’après-guerre sont lourdes : il faut payer des pensions à 1.5
millions de blessés ou invalides ainsi qu’à un demi-million de veuves et
d’orphelins ; il faut aussi subventionner le maintien d’emplois pour placer les
démobilisés et payer des indemnités de chômage aux autres, dans le cadre de l’
« Erwerbslosenfürsorge » (assistance aux démobilisés sans moyen d’existence).
Enfin, il faut régler les Réparations, qui pèsent lourdement sur le budget. »
(p.104)
2017
« En termes d’emplois, l’amélioration est spectaculaire : le taux de chômage,
qui atteint 7% de la population active au début de 1919, passe à 0.6% à la fin de
1922. Les baisses successives du taux de chômage coïncident avec les
accélarations de la hausse des prix. » (p.107)
« La poussée des salaires est telle qu’[…] elle dépasse le simple jeu des
mécanismes de marché. […] Son ampleur excède un renchérissement qui
résulterait seulement d’une pénurie de main-d’œuvre. Une preuve de l’origine
non économique et essentiellement politique de cette hausse de salaire serait le
comportmeent remarquablement uniforme des augmentations accordées dans
les diverses branches d’industries […] La procédure de la négociation de
conventions collectives et le recours à l’arbitrage, hérités de la révolution de
novembre 1918, expliqueraient le phénomène.
2019
prolétairennes en Saxe et en Thuringe ou l’insurrection communiste d’octobre
1923 à Hambourg révèlent de façon spectaculaire le danger encouru par la
coalition de Weimar et l’ordre établi. » (p.115)
2020
« Au lendemain de Versailles [28 juin 1919], la Jeune République allemande
sort de sa phase de gestation. L’agitation révolutionnaire est sur le déclin
depuis le printemps 1919 et le mouvement des conseils s’éteint progressivement
durant l’automne et l’hiver. L’élaboration démocratique des nouvelles
institutions et le règlement de la paix, aussi mal accepté soit-il, témoigne de la
détermination de la nouvelle Allemagne à sortir du provisoire. » (p.31)
-Jean Solchany, L’Allemagne au XXème siècle, PUF, coll « Nouvelle Clio », 490
pages.
2022
principes de 1789 et le dévouement à la tradition allemande la plus haute. »
(p.323)
« Le régime bismarckien tel que le dirigeait Guillaume II avait déjà perdu tout
crédit avant la première guerre mondiale, et qu’il en perdit encore au cours de
cette guerre et à cause du résultat de cette guerre. » (p.324)
http://hydra.forumactif.org/t3090-la-stasis-dans-lallemagne-de-weimar-1918-
1923?highlight=stasis
http://www.diploweb.com/Mecanismes-des-violences-quelles.html#nb1
http://hydra.forumactif.org/t3265-jean-louis-le-run-les-mecanismes-
psychologiques-de-la-violence#4058
http://hydra.forumactif.org/t3267-lisa-bellinghausen-les-dynamiques-de-la-
violence-comprendre-les-mecanismes-emotionnels-de-la-violence#4060
http://hydra.forumactif.org/t3268-alexandre-dorna-de-la-violence-physique-a-la-
parole-un-point-de-vue-psycho-politique#4061
http://hydra.forumactif.org/t3266-regis-meyran-les-mecanismes-de-la-
violence#4059
https://www.amazon.fr/Grande-Guerre-totalitarisme-brutalisation-
europ%C3%A9ennes/dp/2213677646/ref=pd_cp_14_1?_encoding=UTF8&psc=
1&refRID=2ZN4A3AS0QGEY0Z7FW9P
2023
https://www.amazon.fr/r%C3%A9volution-allemande-1918-1923-Chris-
Harman/dp/2358720720/ref=sr_1_fkmr0_1?ie=UTF8&qid=1486025095&sr=8-
1-
fkmr0&keywords=Sebastian+Haffner%2C+Allemagne%2C+1918.+Une+r%C3
%A9volution+trahie
https://www.amazon.fr/REPUBLIQUE-CONSEILS-BAVIERE-novembre-
soci%C3%A9t%C3%A9/dp/2903383618/ref=sr_1_fkmr0_1?ie=UTF8&qid=14
86025305&sr=8-1-
fkmr0&keywords=Erich+M%C3%BChsam%2C+La+soci%C3%A9t%C3%A9+
contre+l%27%C3%89tat
https://www.amazon.fr/meurtre-Weimar-Johann-
Chapoutot/dp/2130653049/ref=pd_sim_14_17?_encoding=UTF8&psc=1&refRI
D=SVRR2QZGSR8NKES7H6SX
https://www.amazon.fr/Histoire-culturelle-lAllemagne-1919-1960-
Dupeux/dp/2130425739/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1527340991&sr=
1-
1&keywords=Louis+Dupeux+Histoire+culturelle+de+l%27Allemagne&dpID=3
19XBXC24EL&preST=_SY291_BO1,204,203,200_QL40_&dpSrc=srch
http://www.amazon.fr/Chroniques-allemandes-1918-1935-Kurt-
Tucholsky/dp/2715803494
https://www.amazon.fr/LAllemagne-XIXe-si%C3%A8cle-num%C3%A9ro-
45/dp/201144988X/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1515593401&sr=1-
1&keywords=Sandrine+Kott%2C+L%27Allemagne+du+XIXe+si%C3%A8cle
https://www.amazon.fr/Rise-Fall-Weimar-
Democracy/dp/0807847216/ref=tmm_pap_swatch_0?_encoding=UTF8&qid=15
15593752&sr=1-1-catcorr
https://www.amazon.fr/Fantasm%C3%A2lgories-Klaus-
Theweleit/dp/2851818414/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1535377938&s
r=1-1&keywords=Fantasm%C3%A2lgories
https://www.amazon.fr/Weimar-Republic-Sourcebook-
Paper/dp/0520067754/ref=sr_1_cc_1?s=aps&ie=UTF8&qid=1517332378&sr=1
-1-catcorr&keywords=The+Weimar+Republic+Sourcebook
2024
https://www.amazon.fr/German-History-Marxist-Perspective-
Dorpalen/dp/0814320767/ref=tmm_pap_swatch_0?_encoding=UTF8&qid=148
6752020&sr=8-1
https://www.amazon.fr/LAllemagne-Weimar-1918-1933-G-
CASTELLAN/dp/B003B13Y94/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1486030450&sr=8-
1&keywords=G.+Castellan%2C+L%E2%80%99Allemagne+de+Weimar+1918-
1933
http://www.amazon.fr/Weimar-Jurisprudence-Crisis-Arthur-
Jacobson/dp/0520236815
http://www.amazon.fr/Novembre-1918-une-r%C3%A9volution-
allemande/dp/2748901002/ref=sr_1_4?ie=UTF8&qid=1446890591&sr=8-
4&keywords=Alfred+D%C3%B6blin
http://www.amazon.fr/Novembre-1918-r%C3%A9volution-allemande-
Tome/dp/2748901010/ref=pd_sim_14_3?ie=UTF8&dpID=41A3lJO9fwL&dpSr
c=sims&preST=_AC_UL160_SR105%2C160_&refRID=0D7GYHAWHMJS4
B22Q73B
http://www.amazon.fr/Novembre-1918-une-r%C3%A9volution-
allemande/dp/2748900790/ref=sr_1_5?ie=UTF8&qid=1446890591&sr=8-
5&keywords=Alfred+D%C3%B6blin
2025
contrôle les importations et les exportations, répartit les commandes et les
financements de l'Etat ; la création de sociétés de guerre, notamment en vue de
développer des ersatz. W. Rathenau doit quitter ses fonctions en juin 1916, face
à la pression des sidérurgistes (Krupp, Stinnes, Thyssen) et, surtout, la montée
des militants (Hinderburg et Ludendorff) après l'échec de Verdun. » -Dominique
Barjot, "Le libéralisme face au défi de la guerre totale" in Dominique Barjot,
Olivier Dard, Frédéric Fogacci et Jérôme Grondeux (dir.), Histoire de l'Europe
libérale. Libéraux et libéralisme en Europe (XVIIIe - XXIe siècle), Nouveau
Monde Éditions, 2016, 359 pages, pp.79-94, p.108-109.
http://hydra.forumactif.org/t546-walther-rathenau-ou-va-le-monde-
considerations-philosophiques-sur-l-organisation-sociale-de-demain
“Klages offered a critique of power, repression, and aggression in which all the
modern alternatives of liberalism, socialism, and capitalism seemed culpable.
From this point of view, Klages’s ideas belonged to the anarchist-liberationist
Asconan, not the authoritarian, tradition.” (p.83)
2026
Hugo von Hofmannsthal (1874-1929): "La Neuromantik est également
contemporaine du Jugendstil en Allemagne ou des Sécessions viennoise,
munichoise et suisse. Mais tandis que ces mouvements visent à introduire la vie
quotidienne dans l’art et à la styliser par le recours à l’ornement et à la forme
courbe ou géométrique pour restaurer esthétiquement une unité organique du
monde que l’on croyait perdue dans le monde industriel, la Neuromantik, loin
de viser cette réconciliation de l’art et de la vie quotidienne, oppose un contre-
univers au culte de la technique et de la matière. Si le monde du travail et de la
technique est laid, le monde de l’art est beau et affirme son autonomie en
cultivant la perfection formelle telle que la développent les jeunes George,
Hofmannsthal ou Rilke, opposant à la pesanteur de la matière et aux laideurs du
réel une langue épurée et des images stylisées."
"Le jeune Hofmannsthal qui, selon Ernst Alker, opère la fusion, caractéristique
de la Vienne fin de siècle, du néo-romantisme et de la fascination pour la
décadence et l’esthétisme aristocratique."
http://www.amazon.fr/Hofmannsthal-renoncement-m%C3%A9tamorphose-
Jean-Yves-
Masson/dp/2864324849/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1458737630&sr=8-
1&keywords=Hofmannsthal%2C+renoncement+et+m%C3%A9tamorphose
http://www.amazon.fr/OEuvres-prose-Hugo-Hofmannsthal-
von/dp/2253131296/ref=sr_1_2?ie=UTF8&qid=1458737738&sr=8-
2&keywords=Hofmannsthal
http://www.amazon.fr/Electre-Chevalier-%C3%A9dition-bilingue-
fran%C3%A7ais-
2027
allemand/dp/2080708686/ref=sr_1_4?ie=UTF8&qid=1458737738&sr=8-
4&keywords=Hofmannsthal
Hermann Hesse (1878-1957): "Around the turn of the century, the ranks of
confirmed Nietzscheans included Thomas Mann, Heinrich Mann, Martin Buber,
Paul Heyse, Christian Morgenstern, Georg Simmel, Carl Gustav Jung, Robert
Musil, Hermann Hesse, and Rainer Maria Rilke as well as Karl Kraus,
Margarete Susman, Emil Ludwig, Albert Schweitzer, and Max Brod, though not
all remained under Nietzsche’s spell." -Carol Diethe, Historical Dictionary of
Nietzscheanism, Lanham and London, Scarecrow, 2007 (1999 pour la première
édition), 358 pages, p.26.
http://www.amazon.fr/Hermann-Hesse-po%C3%A8te-ou-
rien/dp/2702143377/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1454765354&sr=8-
1&keywords=Fran%C3%A7ois+Mathieu%2C+Hermann+Hesse%2C+po%C3%
A8te+ou+rien
http://www.amazon.fr/Lhomme-qui-voulait-changer-
monde/dp/225308378X/ref=pd_sim_14_5?ie=UTF8&dpID=51oqJjSqNdL&dpS
rc=sims&preST=_AC_UL160_SR99%2C160_&refRID=1EAXJWNT5K9HQS
QYWXMQ
http://www.amazon.fr/La-Le%C3%A7on-interrompue-Hermann-
Hesse/dp/2253174963/ref=pd_sim_14_6?ie=UTF8&dpID=51LMvhDSl0L&dpS
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T0PFG
http://www.amazon.fr/Lorni%C3%A8re-Hermann-
Hesse/dp/2253933279/ref=pd_sim_14_9?ie=UTF8&dpID=41MO8CWXzUL&d
2028
pSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR99%2C160_&refRID=0C51D98SWYCVT
AXC9XCS
http://www.amazon.fr/Jeu-perles-verre-Hermann-
Hesse/dp/2253153931/ref=pd_sim_14_5?ie=UTF8&dpID=51HSp%2BOjeFL&
dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR97%2C160_&refRID=09VR86PXJ06ES7
T209XA
http://www.amazon.fr/Histoires-damour-Hermann-
Hesse/dp/2253933104/ref=pd_sim_14_4?ie=UTF8&dpID=41wGEyLpkSL&dp
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FNSXJ8
http://www.amazon.fr/Contes-merveilleux-Hermann-
Hesse/dp/2742701818/ref=pd_sim_14_4?ie=UTF8&dpID=41Y1N6XD43L&dp
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SHJJQ6R
http://www.amazon.fr/Eloge-vieillesse-Hermann-
Hesse/dp/2253933767/ref=pd_sim_14_5?ie=UTF8&dpID=51EunJUfsJL&dpSr
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VZNVQ
https://www.amazon.fr/Buddenbrook-d%C3%A9clin-dune-
famille/dp/2253063193/ref=sr_1_4?s=books&ie=UTF8&qid=1500490597&sr=
1-4&keywords=la+montagne+magique
https://www.amazon.fr/Bonsoir-r%C3%A9volution-allemande-Kurt-
Tucholsky/dp/2706102004/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1522430411&
sr=1-1&keywords=Bonsoir%2C+r%C3%A9volution+allemande
2029
https://www.amazon.fr/Chroniques-parisiennes-1924-1928-Kurt-
Tucholsky/dp/2743620595/ref=pd_sbs_14_2?_encoding=UTF8&psc=1&refRID
=D50DF7EZGNEGZ3GE5H27
http://www.amazon.fr/Lart-nest-pas-libre-
agit/dp/2748901754/ref=sr_1_15?s=books&ie=UTF8&qid=1458742847&sr=1-
15
Ernst von Salomon (1902-1972) : "Ernst von Salomon est impliqué dans
l'assassinat de Walther Rathenau. Il est gracié après cinq ans de prison." (p.LV)
-Zeev Sternhell, La droite révolutionnaire: 1885-1914. Les origines françaises
du fascisme, Gallimard, folio.histoire, 1997 (1978 pour la première édition
française), 602 pages.
https://www.amazon.fr/r%C3%A9prouv%C3%A9s-Ernst-von-
Salomon/dp/2841006077/ref=pd_sbs_14_1?_encoding=UTF8&psc=1&refRID=
AT33VFJ6CYGVGGB5XPN7
https://www.amazon.fr/Ville-Salomon-Ernst-
von/dp/2070707660/ref=pd_sbs_14_3?_encoding=UTF8&psc=1&refRID=ZGS
C0FXXHBZN7ZX0EBFZ
http://www.amazon.fr/Robert-Musil-r%C3%A9inventer-
Fr%C3%A9d%C3%A9ric-
Joly/dp/2021100057/ref=pd_sim_14_16?ie=UTF8&dpID=51CmvRiYknL&dpS
rc=sims&preST=_AC_UL160_SR102%2C160_&refRID=0N1R5506MWRNM
X4610A1
2030
http://www.amazon.fr/Lhomme-sans-qualit%C3%A9s-Tome-
1/dp/2757803689/ref=pd_sim_14_7?ie=UTF8&dpID=415WT54NJtL&dpSrc=si
ms&preST=_AC_UL160_SR98%2C160_&refRID=1NBHHQP5ASZ8C70NC9
0B
http://www.amazon.fr/Lhomme-sans-qualit%C3%A9s-Tome-
2/dp/2757803697/ref=pd_sim_14_10?ie=UTF8&dpID=41wTSEeMjFL&dpSrc
=sims&preST=_AC_UL160_SR97%2C160_&refRID=1NBHHQP5ASZ8C70N
C90B
http://www.amazon.fr/Oeuvres-pr%C3%A9-posthumes-Robert-
Musil/dp/2757836404/ref=pd_sim_14_6?ie=UTF8&dpID=51lO2A66INL&dpSr
c=sims&preST=_AC_UL160_SR108%2C160_&refRID=1NBHHQP5ASZ8C7
0NC90B
http://www.amazon.fr/Quoi-neuf-petit-homme-
Fallada/dp/2070365921/ref=pd_sim_14_1?ie=UTF8&dpID=51ZM8pYZ9AL&d
pSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR97%2C160_&refRID=051VKKZ06M23H
W105P5C
http://www.amazon.fr/buveur-Fallada-
Hans/dp/207044757X/ref=sr_1_2?s=books&ie=UTF8&qid=1458742418&sr=1-
2&keywords=Hans-Fallada-Le-buveur
“Mises was the great champion of subjectivist economic theory, with its radical
observation that the whole shape of the world of economics is ultimately
traceable to values residing in human minds. Freud did the same for the
2031
discipline of medicine and therapy. They both went beyond materialism to find
explanatory power in how and what we think. Both highlighted the awesome
power of the inner life of the individual mind.
To be sure, Mises recognizes all the criticisms that can be justly leveled against
later developments in psychology, particularly its use by the state. He has no
interest in defending that. But as for Freud himself, Mises maintained his
celebration of Freudian psychology all through his life, from his earliest work
until these 1952 lectures, at which point Mises himself was 71 years old. That’s
a long and enduring relationship between one great intellectual and another.” -
Jeffrey A. Tucker, “Why Ludwig von Mises Admired Sigmund Freud”, July 9,
2015: https://fee.org/articles/why-ludwig-von-mises-admired-sigmund-freud/
« Mais il fallait bien saisir, expliqua Grünberg pour rassurer son auditoire, que
son marxisme n’impliquait ni alignement sur la doctrine d’un parti, ni
dogmatisme ; les étudiants seraient libres. Cependant, aucun doute ne devait
subsister : la solution que l’Ecole proposerait aux questions sociales pressantes
serait marxiste. » (p.61-62)
2032
-Peter Gay, Le suicide d’une République. Weimar 1918-1933, Gammilard, Tel,
1993 (1968 pour la première édition), 268 pages.
« Une des tâches – non des moindres – devant lesquelles se trouve placée la
pensée est de mettre tous les arguments réactionnaires contre la civilisation
occidentale au service de l’Aufklärung progressiste. » -Theodor W. Adorno.
« La philosophie veut bien plutôt se plonger littéralement dans ce qui lui est
hétérogène, sans le ramener à des catégories toutes faites. […] Elle tend à une
extériorisation (Entaüsserung) intégrale. » (p.18-19)
2034
maîtres à penser de la génération de jeunes allemands rebelles des années
1960; homme des Lumières quant au coeur de ses valeurs et de sa philosophie,
il a impitoyablement déconstruit la rationalité moderne héritée des Lumières;
refusant tout engagement politique, il n’est pas moins resté fidèle, dans l’exil
américain et dans l’Allemagne conservatrice de l’après-guerre, aux idéaux
émancipateurs du marxisme; enfin, typiquement eurocentrique dans tous ses
écrits – où les questions concernant les pays du Sud et leurs cultures brillent par
leur absence – il n’a pas moins été l’un des inspirateurs d’Edward Saïd et du
courant postcolonial contemporain. »
2035
http://hydra.forumactif.org/t2772-raphael-clerget-introduction-a-l-esthetique-d-
adorno#3529
« Tant que l’Allemagne n’aura pas brisé les traits de Méduse dont l’assemblage
lui est présenté ici, elle ne peut espérer aucun avenir. » (p.214)
« Nul mieux que Marcuse, dont la pensée procède d'une interprétation marxiste
du freudisme, n'a montré comment la société de consommation parvient, sans
même user de la terreur, à créer un univers totalitaire au sein duquel l'homme
se trouve défiguré. Dominée par une science et une technologie qui, dans la
logique du capitalisme, ont hypertrophié et rendu envahissante l'intelligence
opérationnelle, la société tend de toutes les manières à instrumentaliser
l'homme lui-même et à l'enfermer dans un univers clos, au sein duquel ses
capacités à penser et à réaliser une négation active du monde donné, sont en
train de s'oblitérer. Quoique dans des formes nouvelles, Marcuse fait ainsi
resurgir la perspective menaçante d'une histoire qui ne déboucherait que sur un
enlisement sans fin, dans une oppression indépassable. […]
Marcuse, cependant, ne tient pas une telle issue pour fatale. Le sombre
diagnostic qu'il formule sur la crise de la civilisation introduit en réalité un
appel à une prise de conscience et à un sursaut de la liberté. Le refus radical,
non pas de la consommation elle-même, mais de la manière d'être, de l'idéologie
et de la finalité même d'une société qui perpétue une sur-répression dont la
puissance même du développement technologique a ruiné la nécessité, peut
servir de point de départ à une résurgence du mouvement vers le socialisme.
Mais celui-ci, naissant d'une négation de la culture et du système de valeur
d'une société industrielle avancée, en sera, à la différence du régime soviétique
qui reproduit la même subordination de l'homme au « principe du rendement »
que le capitalisme, l'antithèse totale. L'exigence marxiste d'un changement
qualitatif de la société, rendant enfin l'homme désaliéné maître de déployer sa
liberté concrète en se donnant le sa propre vie sociale, peut ainsi resurgir mais,
à un stade du développement économique, qui lui permettrait de se réaliser
beaucoup plus rapidement et complètement qu'à l'époque de Marx. Désormais,
il est possible de mettre en œuvre l'utopie, dit Marcuse, qui cependant n'indique
2038
pas de quelle manière, révoltes et contestations pourraient effectivement briser
le capitalisme, si elles cessaient définitivement d'être le fait du prolétariat. »
« Herbert Marcuse […] les randonnées et les feux de bois des Wandervögel. »
-Gilles Châtelet, « Relire Marcuse pour ne pas vivre comme des porcs », Le
Monde Diplomatique, août 1998, p.22-23.
« Herbert Marcuse n’exclut pas le recours à des formes d’action contraires aux
lois démocratiques. » -Jean-Marc Lachaud, « Du « Grand refus » selon Herbert
Marcuse », Actuel Marx, 1/2009 (n° 45), p.137-148.
2039
soumettent le mode de production tout entier [sic] (forces productives et
rapports de production tout ensemble). » -Jean Baudrillard, L’échange
symbolique et la mort, Gallimard, 1976, 341 pages, p.50-51.
http://hydra.forumactif.org/t1468-herbert-marcuse-eros-and-civilization-an-
essay-on-liberation-heideggerian-marxism#2120
2040
La Révolution Conservatrice allemande : « La transformation du sens (ré-
interprétation, Umdeutung) du socialisme par l'idée nationale. On observe
aujourd'hui en Allemagne un phénomène très particulier, confondant à première
vue. Du vacarme étourdissant du marché littéraire né de la fermentation
spirituelle du temps de guerre et de l'écroulement s'élèvent de plus en plus
distinctement les voix de penseurs sérieux annonçant avec une force de
persuasion croissante que l'Allemagne, sans le savoir et sans le vouloir
consciemment, serait entrée à proprement parler dès longtemps avant la guerre
dans la voie de la réalisation pratique du socialisme, [ou encore] que
l'Allemagne serait à tout le moins, du fait de sa constitution spirituelle et de son
développement économique particuliers, propre et appelée à s'engager dans cette
voie dans le très proche avenir, [ou] enfin que tout particulièrement la
conception politique, économique et sociale incorporée dans l'héritage prussien
(Preussentum) , par opposition aux idéaux démocratiques et à l'éthique
économique de l'Angleterre, amènerait à son expression la plus pure l'idée du
vrai socialisme. Une telle transformation des représentations traditionnelles
revient en quelque sorte à arracher au socialisme ses dents révolutionnaires ; elle
apparaît comme un mouvement de défense montant du plus profond du penser et
du vouloir du peuple allemand tout entier - et non de la seule classe ouvrière - et
dirigé contre l'ordre économique capitaliste élevé sur la base de l'individualisme,
tandis que l'individualisme lui-même et ses formes conceptuelles et
économiques sont caractérisés comme des immigrants douteux venus de l'Ouest,
dont c'est la grande mission de l'Allemagne de venir à bout, d'abord chez elle et
ensuite dans le monde. Selon cette conception, le combat contre l'ordre
capitaliste serait la continuation de la guerre contre l'Entente avec les armes de
l'esprit et de l'organisation économique, l'entrée dans la carrière qui conduit au
socialisme pratique, un retour du peuple allemand à ses traditions les plus nobles
et les meilleures. C'est évidemment de certaines représentations éthiques propres
au socialisme que ces penseurs dérivent les affirmations qu'ils présentent fort
différemment, mais toujours avec la même chaleur de persuasion. En même
temps ils refusent uniformément le socialisme sous la forme qu'il a reçue du
marxisme, c'est-à-dire avant tout la doctrine de la lutte des classes comme agent
du développement social et économique. » -Karl Pribram (sociologue de langue
allemande et d’origine tchèque), « Deutscher Nationalismus und deutscher
Sozialismus », Archiv für Sozia/wissenschaft und Sozia/politik, 49, essai de
1922, p.298-376.
2041
« En écrivant The Politics of Cultural Despair (La Politique du pessimisme
culturel), j'ai découvert que les gens qui dénonçaient tous les défauts d'un
monde nouveau, souffraient de la modernité, rêvaient d'un passé qui n'avait
jamais été et d'un futur qui ne serait jamais trouvaient une large audience en
Allemagne. J'ai étudié trois générations de commentateurs et critiques qui, sous
prétexte qu'ils dénigraient les valeurs "occidentales", le matérialisme ou le
libéralisme, étaient salués comme des prophètes et pouvaient donc couvrir du
manteau de l'idéalisme l'antisémitisme le plus grossier et les plus grandes
ambitions impérialistes. Ces hommes faisaient des sermons anti-bourgeois et
déploraient la disparition d'une Allemagne ancienne caractérisée par
l'authenticité de la religion et une véritable communauté. [...] Leurs principes
anti-capitalistes, anti-bourgeois et anti-matérialistes n'étaient pas sans rappeler
certaines pensées du jeune Marx. Bref, j'ai découvert dans les œuvres de
Lagarde, Langbehn, Moeller van der Bruck, et dans la réception faite à ces
œuvres, la version pervertie d'une grande tradition européenne de noble
protestation contre les vices de la société moderne capitaliste et matérialiste. Et
je me suis dit qu'il y avait là un lien entre l'idéalisme européen et le nihilisme de
Hitler. » (p13-14)
Ces modifications, résumées ici à grands traits, sont perçues d’abord dans le
camp bourgeois comme une crise culturelle, mais elles y suscitent dans le même
temps une autocritique, qui prend à l’occasion la forme de courants
antibourgeois. Le « mouvement de la jeunesse » (Jugendbewegung), qui se veut
un rejet de la sécurité bourgeoise, les mouvements de réforme qui naissent au
même moment et qu’accompagnent des phénomènes sectaires, le vitalisme et
une tendance de plus en plus manifeste à l’irrationalité, tels sont les
phénomènes qui traversent la bourgeoisie et qui, en tant que déviation partielle,
préservent l’ensemble de la structure bourgeoise. Le marginal est toléré tant
qu’il ne met pas en danger cette structure. Cela vaut pour l’acceptation des juifs
assimilés comme pour les marginaux du Monte Verità, les partisans du
naturisme, les anthroposophes et les autres mouvements néo-religieux qui n’ont
encore fait l’objet d’aucune étude systématique. La dénonciation de la sécurité
bourgeoise – qualifiée avec mépris de « petite-bourgeoise » –, qui stigmatise
une mentalité bourgeoise purement matérialiste, est typique de nombreux
groupes intellectuels de la fin de siècle. Elle est étroitement liée au relativisme
moral qui se répand et qui, depuis longtemps déjà, fonde la tendance à défendre
des valeurs décisionnistes.
Cette tendance, qui joue à plein depuis la crise de 1873, s’exprime dans la
naissance du mouvement berlinois, l’apparition de partis antisémites et l’impact
inhabituellement large de l’antisémitisme intellectuel dans les milieux
bourgeois. Des enquêtes récentes montrent que ces courants ne relevaient pas
de la bourgeoisie cultivée traditionnelle, mais que les associations antisémites
recrutaient parmi les intellectuels qui n’avaient pas réussi à accéder à la culture
et à la fortune ainsi que dans la bourgeoisie urbaine et commerciale en
ascension, particulièrement perméable aux courants antisémites lorsque la
récession économique s’accentua après 1873 et que les influences juives dans
l’économie et la vie intellectuelle furent tenues pour responsables du déclin qui
s’esquissa alors. C’est dans ces milieux, où l’idéalisme classique n’avait que
superficiellement pénétré, que les éléments pseudo-religieux d’un antisémitisme
désormais raciste et d’un nationalisme allemand se réclamant des mythes
germaniques se révélèrent pleinement comme une compensation idéologique au
nivellement social redouté et à la fragilité effective des statuts. »
2046
de ses appétits. Ils niaient violemment les valeurs déjà ébranlées par l'analyse et
la critique. La force pure, nue, devenait une sorte d'idéal, si tous les prétendus
idéaux n'en étaient qu'un travestissement ou un camouflage.
Mais un monde livré au hasard des forces naturelles, à la brutalité des passions
humaines, au bon plaisir de la violence, n'a plus de but ni de sens. » -Raymond
Aron, L'Homme contre les tyrans, Gallimard, 1946. Repris dans Raymond Aron,
Penser la liberté, penser la démocratie, Gallimard, coll. Quarto, 2005, 1815
pages, p.171.
"C'est seulement durant la Grande Guerre qu'en Allemagne Nietzsche est mis
pour la première fois à contribution à des fins politiques: il fournira à la
propagande belliciste quelques-uns de ses arguments. Mais c'est avec Moeller
van den Bruck et surtout O. Spengler qu'il apparaîtra Outre-Rhin comme un
penseur politique de premier plan qui, entre autres, aura également eu le mérite
de déceler les connexions existant entre les domaines culturel et politique. Dès
lors que Nietzsche va devenir la référence quasi-obligée, à la fois philosophique
et idéologique, du mouvement qualifié de Révolution Conservatrice, et ce pour
tous ses adeptes." (p.277)
"We need waste little time establishing the centrality of Nietzsche for the
Weimar radical right between 1918 and 1933. A few dissenting voices
notwithstanding, he was its most authoritative and inspirational source. As its
sympathetic chronicler Armin Mohler put it, the "conservative revolution" would
have been "unthinkable" without Nietzsche. In his protean works the new right
discovered a remarkably plastic, almost inexhaustible, source for enunciating a
radical worldview and for locating both its enemies and positive ideals. In 1931
Friedrich Hielscher, an active publicist on the radical right, summed up
2047
Nietzsche's multiple functions for this political universe: "Nietzsche stands as
questioner, as fighter, as the solitary one. He stands for the Reich as protector
of the past, as crusher of the present, as transformer of the future"." (p.153)
"Friedrich Mess's massive 1930 work, Nietzsche: The Lawgiver, was only the
most systematic of many attempts. "Just as canonical law derived from the Bible
and the writings of the Church fathers", Mess proclaimed, "so must the lex
Futurana Europeanum be built upon Nietzsche's wisdom"." (p.154)
"From 1918 to 1933 the Right comprised over 550 clubs and 530 journals."
(p.155)
"When the radical right sought to appropriate socialism for their own purposes,
Nietzsche was a central enabling force in the transition. That the new right
chose to designate itself as socialist was perhaps a paradox, but it did reflect an
awareness that the term had become an essential catchword in modern mass
politics. In the eyes of the radical right, it was extremely important to wrest both
the socialist constituency and its definitional monopoly from the left. In forging
its own notion of socialism it stripped the concept of almost all Marxist
landmarks and made any precise graps of its contours even more elusive.
The right now offered a national socialism as a counterweight to the Marxist
idea of international proletarian revolution. Its ideologues could proclaim
themselves socialists not only because they assigned to the state authoritarian
powers to regulate socioeconomic life along quasicorporate lines but also
because they couched their analysis of society in a biting critique of the
bourgeoisie and accorded to the lower classes a major role in their visions of
national regeneration. Nietzsche provided a fruitful source for these themes. His
radicalism was easily molded into the framework of a new right that, unlike its
older conservative counterpart, put a premium on the national mobilization and
integration of the working classes. Socialism here referred to the conflation of
the national with the social. It aimed at inclusiveness and participation of the
working masses within the broader whole. Dedication to the nation would create
a socialism of the Volksgemeinschaft, a viable substitute for the socialism of
class." (p.166-167)
-Steven E. Aschheim, The Nietzsche Legacy in Germany (1890-1990),
University of California Press, 1994, 337 pages.
2048
« Les conservateurs-révolutionnaires allemands estiment que, dans les
conditions que connaît l’Allemagne des années 20, le seul moyen de conserver
ce qui mérite de l’être, c’est justement une Révolution. […] La Révolution
conservatrice, quand on voit le beau livre d’Armin Mohler, c’est 300 ou 400
personnes, qui ont par conséquent connus des évolutions très variés. »
https://www.amazon.fr/Conservative-Revolution-Germany-1918-
1932/dp/1593680597/ref=sr_1_1?__mk_fr_FR=%C3%85M%C3%85%C5%BD
%C3%95%C3%91&dchild=1&keywords=La+R%C3%A9volution+conservatric
e+en+Allemagne+Armin+Mohler&qid=1604959040&sr=8-1
http://www.amazon.fr/Quatre-figures-R%C3%A9volution-Conservatrice-
allemande/dp/295283217X/ref=sr_1_19?s=books&ie=UTF8&qid=1446221930
&sr=1-19
http://hydra.forumactif.org/t4285-loic-blondiaux-kantorowicz-ernst-les-deux-
corps-du-roi#5159
2049
« L'histoire universelle [...] a toujours [...] condamné à mort les hommes et les
peuples qui prisaient les vérités plus que les actes, la justice plus que la
puissance. » -Oswald Spengler.
“Nietzsche’s effect is a transformation, for the melody of his vision did not end
with his death… Nietzsche’s type of vision will pass on to new friends and
enemies, and these in turn will hand it down to other followers and adversaries.
[…] His work is not a part of our past to be enjoyed ; it is a task that makes
servants of us all.” -Oswald Spengler, “Nietzsche and His Century”, 1924, in
Selected Essays, trans. Donald O. White (Chicago: Gateway, 1967), p.196.
“Oswald Spengler, who visited the Nietzsche-Archiv in Weimar for the first time
in July 1920, praised Nietzsche’s spirit as typically German, something that
would help Germany (at that time bruisingly defeated) to win through in the end.
His comments in Der Untergang des Abendlandes (I: 1918, II: 1923) (The
Decline of the West, 1934) marked the acceleration of the coupling of
Nietzsche’s name with that of the German Volk, a coupling Nietzsche himself
would have resisted.” -Carol Diethe, Historical Dictionary of Nietzscheanism,
Lanham and London, Scarecrow, 2007 (1999 pour la première édition), 358
pages, p.xxviii.
2050
visiblement aux yeux de leur auteur, pour argument. C'est que Spengler entend
nommément faire à la fois œuvre de savant, d'historien et de philosophe. Les
trois d'un genre inédit. A la façon de Nietzsche, il affiche sans cesse un hostile
mépris à l'égard des tâcherons de la connaissance scientifique, comme à
l'endroit des artisans de la connaissance historique ; mais pour les faiseurs de
systèmes et concepts philosophiques, c'est une franche raillerie qui s'empare de
lui ! Son ambition déclarée sera donc d'avoir inventé une "philosophie a-
philosophique" qui sera, espère-t-il, une "philosophie allemande". Sa bataille
antiphilosophique fait rage sur deux lignes de front, on le devine déjà: l'une est
constituée par les "philosophes français", tous promus rationalistes abstraits, au
premier rang desquels Rousseau. Laissons pour l'heure la conviction que le
libéralisme, le droit, la religion naturels seraient anglais, ainsi que la
souveraineté du peuple, conviction qui conduit à baptiser anglais non seulement
Voltaire, Diderot et Rousseau, mais aussi la Révolution française. La seconde
ligne de front, quand à elle, se limite à l'Allemagne et à ses "faiseurs de
systèmes" au premier (et seul) rang desquels Spengler érige Kant en œuvre à
abattre. [...] Lui font horreur [...] l'universalisme et le cosmopolitisme.
Prenant dès lors des chemins opposés à ceux des "faiseurs de concepts et de
systèmes", Spengler discourt de tout: il a science de tout, aucun domaine de la
culture n'échappe à sa sagacité, pas plus l'architecture, la peinture, la musique,
les religions, les mœurs, l'habitat que les sciences physiques et les
connaissances mathématiques. Aucune époque, aucun lieu ne lui sont inconnus."
2051
"L'histoire, selon Spengler, n'est aucunement une histoire. L'historisme radical
paraît voué à cette situation paradoxale: en rabattant chaque homme, chaque
société, chaque élément de la culture matérielle ou spirituelle sur sa localisation
temporelle, spatiale et "culturelle", l'historisme, par définition, dénie tout
univers commun. Comment dès lors, si seul un "grec" perçoit et comprend ce
qui est grec, comment la philosophie, la géométrie, la sculpture grecques
pourraient-elles se transmettre à d'autres ? Spengler, nous l'avons vu, ne recule
nullement devant cette conséquence, au point qu'il y a lieu de croire que ce
serait même pour y venir que le tout est échafaudé."
"Spengler serait celui qui se déclare philosophe, pour ruiner toute philosophie ;
écrivant une "philosophie du destin, la première de son espèce", il entend
expressément ramener ontologie, métaphysique, logique, éthique, philosophie
du droit, épistémologie au rang de travaux superflus, propres tout justes à
alimenter l'alexandrinisme de bibliothèques de spécialistes. Toute "droite
philosophie" se réduirait donc à un symptôme de décadence, tandis que, au
contraire, la "philosophie naturelle, pressentie par tous", relèverait du "tact
cosmique", tant de son auteur que de ses lecteurs."
"Le problème de la valeur est dépassé pour Spengler. C'est ce qui le différencie
fondamentalement de Nietzsche dont la critique de la décadence lui paraît
irréfutable mais dont la théorie du surhomme lui semble être un phantasme, et à
qui, plus généralement, il reproche, comme l'avait fait Moeller van den Bruck,
son manque de sens pratique. Aveuglé par son romantisme, sa nostalgie de
2054
nouvelles valeurs, Nietzsche n'a pas eu le courage prosaïque de reconnaître le
surhomme dans les grands capitaines d'industries, les grands ingénieurs, les
grands organisateurs, bref ces "hommes des faits" ("Tatsachenmenschen"), qui,
à l"époque sceptique où nous vivons, occupent le devant de la scène et
préfigurent les grandes individualités césariennes de l'avenir. Selon Spengler, il
faut traduire la volonté de puissance nietzschéenne en termes sociaux,
économiques et politiques ainsi que l'exige notre temps. C'est au prix d'un tel
réalisme dénué de toute illusion et de toute justification morale que non
seulement pourra s'édifier l'Empire allemand, mais que l'Occident décadent
pourra aussi assurer sa survie en résistant le plus longtemps possible au défi
des peuples de couleur qui commencent à l'assaillir de toutes parts.
Il est temps de s'interroger sur la signification de ce qu'il faut bien appeler cette
trahison du clerc, d'un clerc qui, après avoir chanté la grandeur de la culture
passée, prône résolument la conversion au fait et à la force qui prévalent, selon
lui, dans les tâches réalistes de la civilisation, c'est-à-dire de la modernité. Au
niveau de la psychologie individuelle, cette attitude est aisée à interpréter.
Spengler a vécu à l'évidence la drame de l'intellectuel coupé du réel qui rêve
d'être homme d'action. Ses échecs littéraires ont nourri son pessimisme culturel
et sa glorification du réalisme et de la force, peut s'expliquer en partie par un
phénomène de compensation. Mais le cas personnel de Spengler ne s'inscrit-il
pas dans une problématique sociologique ou idéologique plus générale ? Ne
peut-on voir en effet dans la négation catégorique du rôle que les idées, les
vérités et les valeurs morales peuvent dorénavant jouer dans l'histoire le reflet
de la constatation amère faite par les couches moyennes cultivées de la
bourgeoisie allemande que dans le monde moderne, où elles se sentent de plus
en plus marginalisées par le développement technique, industriel, économique et
politique, seuls ces "faits" comptent, et non plus les idéaux que le lycée
humaniste continue à dispenser ? Le déchirement de Spengler, homme de
culture décrétant l'impossibilité de la culture, homme d'esprit déniant tout rôle
réel aux idées dans l'histoire, n'est-il pas celui de toute une couche sociale ? » -
Gilbert Merlio, "Spengler ou le dernier des Kulturkritiker", in
Louis Dupeux (direction), La « Révolution Conservatrice » dans l’Allemagne de
Weimar.
2055
l'itinéraire de G. Wirsing.", in Louis Dupeux (direction), La « Révolution
Conservatrice » dans l’Allemagne de Weimar.
2057
Weber », Les Cahiers du Centre de Recherches Historiques [En ligne], 00 |
1988, mis en ligne le 13 avril 2009, consulté le 13 novembre 2015.
http://hydra.forumactif.org/t2171-werner-sombart-œuvres
"There exists no norm that is applicable to chaos. For a legal order to make
sense, a normal situation must exist, and he is sovereign who definitely decides
whether this normal situation actually exists." (p.13)
"The sovereign produces and guarantees the situation in its totality. He has the
monopoly over this last decision. Therein resides the essence of the state's
sovereignty, which must be juristically defined correctly, not as the monopoly to
coerce or to rule, but as the monopoly to decide. The exception reveals most
dearly the essence of the state's authority. The decision parts here from the legal
norm, and (to formulate it paradoxically) authority proves that to produce law it
need not be based on law." (p.13)
"Today nothing is more modem than the onslaught against the political.
American financiers, industrial technicians, Marxist socialists, and anarchic-
syndicalist revolutionaries unite in demanding that the biased rule of politics
over unbiased economic management be done away with. There must no longer
be political problems, only organizational-technical and economic-sociological
tasks. The kind of economic-technical thinking that prevails today is no longer
capable of perceiving a political idea. The modem state seems to have actually
become what Max Weber envisioned: a huge industrial plant. Political ideas are
generally recognized only when groups can be identified that have a plausible
economic interest in turning them to their advantage. Whereas, on the one hand,
the political vanishes into the economic or technical-organizational, on the
2058
other hand the political dissolves into the everlasting discussion of cultural and
philosophical-historical commonplaces, which, by aesthetic characterization,
identify and accept an epoch as classical, romantic, or baroque. The core of the
political idea, the exacting moral decision, is evaded in both." (p.65)
« Une suprématie de l'Etat sur l'économie n'est réalisable qu'au moyen d'une
organisation unie, du type d'un Ordre. [...] Le fascisme, tout comme le
communisme, a besoin d'un tel appareil pour dominer l'économie. » -Carl
Schmitt, en 1929. Cité par Louis Dupeux in La « Révolution Conservatrice »
dans l’Allemagne de Weimar.
2060
Constitution de Weimar ont finalement permis à Hitler de venir de venir
légalement au pouvoir.
« Il n'y a pas de doute que C. Schmitt est le véritable fils spirituel de Max
Weber. » -Julien Freund, préface à La notion du politique, Carl Schmitt, éd.
Flammarion, 2009, pp. 14-17.
« Carl Schmitt, le profond juriste, fait plus que loucher du côté de la philosophie
politique ; il a nourri une grande admiration pour Hegel, dont une part au
moins de l'œuvre fait partie du "bagage" schmittien, avant, en tout cas, que
Schmitt ne déclare Hegel "mort en 33". »
2061
vue le règne de la marchandise et de l'exploitation généralisée qui en est
solidaire, loin qu'il accorde un sens à l'idée d'économie politique, le règne de
l'économie signe, au contraire, selon lui, la fin de la politique ; aussi longtemps
du moins que les conflits de puissance et richesses ne jettent pas les sociétés
libérales hors de la "neutralisation" du marché et des échanges mondiaux, pour
retrouver la politique par la guerre elle-même. La priorité libérale de
l'économie sur tous les autres domaines de l'existence collective ferait donc,
selon Carl Schmitt, basculer le monde contemporain dans un apolitisme
infiniment plus dangereux pour la paix que ne l'étaient les conflits de puissance
entre les États modernes (depuis les XVIIème et XVIIIème siècles). »
« Carl Schmitt est fermé à la dialectique. Ce n'est même pas qu'il y serait
hostile, c'est qu'il ne l'entend pas, muré qu'il est dans une "pensée
d'entendement", fermé à la rationalité philosophique. [...] Carl Schmitt ne cesse
de biaiser, parce qu'il s'en tient à quelques écrits de jeunesse de Hegel, tout en
ignorant superbement le système hégélien. Il ne tient compte ni de la Logique ni
de l'Encyclopédie, ni de la Philosophie de l'Histoire. » -Edith Fuchs, Entre
Chiens et Loups. Dérives politiques dans la pensée allemande du XXème siècle.
2062
manières que ce soit. Ces liens avec un parti se font particulièrement solides aux
époques révolutionnaires.
« Le suffrage individuel secret, qui n’est précédé d’aucun débat public réglé par
quelque procédure, annihile véritablement les moyens particuliers du peuple
rassemblé. En effet, l’activité, la capacité et la fonction véritables du peuple, le
noyau de toute expression populaire, le phénomène démocratique originaire, ce
que Rousseau lui-même a présenté comme la vraie démocratie, c’est
l’acclamation, le cri d’approbation ou de refus des masses rassemblées. Le
peuple acclame un chef, l’armée (ici identique au peuple), le général ou
l’empereur, les citoyens, ou bien les communes rurales acclament une
proposition (toutefois reste ouverte la question de savoir si c’est vraiment le
chef ou la proposition qui est acclamée dans son contenu) ; le peuple crie
« Vive ! » ou « A bas ! », exulte ou gronde, fait tomber l’un pour élever l’autre,
approuve une délibération par un seul mot ou la rejette par son silence. Une
recherche fondamentale d’Erik Peterson, débordant largement en importance
scientifique le cadre de sa discipline, a décrit l’acclamatio et les formes qu’elle
a revêtue aux premiers siècles du christianisme. » -Carl Schmitt, « Référendum
et proposition de loi sur initiative populaire », article de 1927.
« Dans tous ses ouvrages parus avant 1933, on ne trouve pas la moindre trace
d’antisémitisme. Dans son Romantisme politique, Schmitt dénonce d’ailleurs
sans aucune ambiguïté toute forme d’idéologie raciale. Quand il parle de la
nécessaire « homogénéité » du peuple comme l’un des présupposés de la
démocratie, il n’a jamais en vue une homogénéité ethnique, mais une
homogénéité politique évoquant la volonté générale de Rousseau. […] À cette
époque, Schmitt compte d’ailleurs de nombreux Juifs parmi ses élèves. En 1928,
2063
il dédie sa Verfassungslehre à Fritz Eisler, mort sur le front en 1914, et n’a
qu’admiration pour Hugo Preuss, corédacteur de la Constitution de Weimar, à
qui il consacre également un livre en 1930. Il est aussi l’un des rares auteurs «
de droite » en Allemagne dont la pensée, sous Weimar, n’a cessé d’être prise au
sérieux par des auteurs de gauche et d’extrême gauche. »
« Un cas extrêmement intéressant est celui du juriste Carl Schmitt, dont les
ingénieuses théories sur la fin de la démocratie et du gouvernement légal se
lisent encore avec profit ; dès le milieu des années 30, il fut remplacé par la
variété purement nazie de théoriciens politiques et juridiques, comme Hans
Frank, le futur responsable du Generalgouvernement de Pologne, Gottfried
Neesse et Reinhard Höhn. » -Hannah Arendt, Le Totalitarisme, troisième
volume des Origines du Totalitarisme (d'après le texte de la deuxième édition
augmentée de 1958), Gallimard, coll. Quarto, 2002, 1616 pages, pp.609-838,
note 66 p.655.
http://hydra.forumactif.org/t1073-carl-schmitt-oeuvres#2786
http://hydra.forumactif.org/t2068-codrin-taut-theologie-politique-et-
secularisation-chez-carl-schmit-wagdi-sabete-du-mythe-de-l-augustinisme-
politique-de-carl-schmitt-sandrine-baume-carl-schmitt-penseur-de-l-etat#2778
https://www.amazon.fr/valeur-l%C3%A9tat-signification-
lindividu/dp/2600008535/ref=sr_1_18?s=books&ie=UTF8&qid=1481402513&s
r=1-18
https://www.amazon.fr/Th%C3%A9orie-constitution-Carl-
Schmitt/dp/2130627641/ref=pd_sim_14_5?_encoding=UTF8&psc=1&refRID=
E5H1CQ0CDMFR3Q8PYXFQ
https://www.amazon.fr/trois-types-pens%C3%A9e-
juridique/dp/2130630693/ref=pd_sim_14_7?_encoding=UTF8&psc=1&refRID
=E5H1CQ0CDMFR3Q8PYXFQ
https://www.amazon.fr/L%C3%A9galit%C3%A9-l%C3%A9gitimit%C3%A9-
Carl-
Schmitt/dp/2735122743/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1481402476&sr=
1-1
2065
https://www.amazon.fr/Guerre-discriminatoire-logique-grands-
espaces/dp/2916916067/ref=sr_1_15?s=books&ie=UTF8&qid=1481402476&sr
=1-15
http://www.amazon.fr/Ex-Captivitate-Salus-Exp%C3%A9riences-1945-
1947/dp/2711615936/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1446557866&sr=8-
1&keywords=Ex+Captivitate+Salus.+Exp%C3%A9riences+des+ann%C3%A9e
s+1945-1947
https://www.amazon.fr/Hamlet-H%C3%A9cube-Lirruption-temps-
dans/dp/2851812947/ref=sr_1_8?s=books&ie=UTF8&qid=1481402476&sr=1-8
http://www.amazon.fr/faire-Carl-Schmitt-Jean-Fran%C3%A7ois-
Kerv%C3%A9gan/dp/2070135411/ref=pd_sim_14_3?ie=UTF8&refRID=0X56
C7MYZ250DNTVR04Q&dpID=41trLmSR5PL&dpSrc=sims&preST=_AC_UL
160_SR106%2C160_
http://www.amazon.fr/LEtat-total-selon-Carl-
Schmitt/dp/2917285443/ref=pd_sim_14_5?ie=UTF8&refRID=1GFSZMW0FM
K1B4SXHEHP&dpID=51CDxKWIVBL&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_S
R103%2C160_
http://www.amazon.fr/Hegel-Carl-Schmitt-sp%C3%A9culation-
positivit%C3%A9/dp/2130548636/ref=sr_1_3?s=books&ie=UTF8&qid=14450
85311&sr=1-3&keywords=Carl+Schmitt%2C+La+notion+de+politique
http://www.amazon.fr/Carl-Schmitt-Un-esprit-
dangereux/dp/220035049X/ref=pd_sim_sbs_14_6?ie=UTF8&refRID=064V3P
V5N1S9SVEDWV4M&dpID=51ixJ-
zym8L&dpSrc=sims&preST=_AC_UL160_SR104%2C160_
https://www.amazon.fr/Law-Politics-Schmitts-Liberalism-
Paperback/dp/B00FOTNT5K/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1462905571
&sr=1-
1&keywords=Law+as+Politics%3A+Carl+Schmitt%27s+Critique+of+Liberalis
m
http://www.amazon.fr/Ren%C3%A9-Capitant-Carl-Schmitt-
parlementarisme/dp/2738470181/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1446235240&sr=8
-
2066
1&keywords=Ren%C3%A9+Capitant%2C+Carl+Schmitt+%3A+crise+et+r%C
3%A9forme+du+parlementarisme.+De+Weimar+%C3%A0+la+Cinqui%C3%A
8me+R%C3%A9publique
http://www.amazon.fr/Ecrits-dentre-deux-guerres-1928-1940-Ren%C3%A9-
Capitant/dp/2913397387/ref=asap_bc?ie=UTF8
http://livre.fnac.com/a6743536/Heinrich-Meier-La-lecon-de-Carl-Schmitt
Dans un article de 1929, « Was bringt uns eine Diktatur ? Fascismus und
Wirklichkeit », Heller observe que l’Europe traverse une crise politique
profonde et que « beaucoup, à gauche comme à droite, croient pouvoir guérir
cette crise par la dictature ». A cette croyance, Heller oppose l’expérience
récente et en cours de la dictature bolchévique et de l’expérience fasciste, dont
le « modèle » est italien mais que l’Espagne, le Portugal, la Grèce, la Pologne,
la Hongrie et la Turquie ont « plus ou moins imitée ». Démolissant point par
point les prétentions du fascisme –le « sauvetage » économique de l’Italie par
Mussolini d’une situation dont on oublie d’imputer une large part à la guerre, la
« conduite » simplifiée d’un pays intellectuellement développé dont on prétend
« qu’il pourrait n’avoir qu’une opinion politique, à savoir celle du dictateur »,
etc., -Heller conclut : « Les Italiens ont appris qu’il était beaucoup plus facile de
recevoir un dictateur que de s’en débarasser. Faisons en sorte de toutes nos
forces que cette expérience amère nous soit épargnée. »
https://www.amazon.fr/crise-th%C3%A9orie-lEtat-
2/dp/2247121128/ref=la_B009O4VF70_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1494603
590&sr=1-1
Hans Kelsen (1881-1973): "La distinction logique entre être et devoir-être -qui
réside dans l'impossibilité de passer, au moyen d'une déduction logique, du
domaine de l'un à celui de l'autre- est une des positions centrales de la théorie
pure du droit."
"Le droit ne peut être isolé de la politique dès lors qu'il en est un instrument. Sa
création aussi bien que son application sont politiques et cela implique des
2068
fonctions déterminées par des jugements de valeur. Mais la science du droit
peut et doit être séparée de la politique s'il lui est permis, en définitive, de
prétendre au statut de science. Cela signifie que la connaissance du droit positif,
sa description, l'analyse de sa structure, la définition des concepts qui le
conçoivent et son interprétation scientifique -éléments inhérents à l'essence de
chaque science- doivent être strictement objectives et, partant, ne peuvent être
influencées par les jugements de valeur du théoricien du droit qui revêtent
toujours un caractère subjectif et émotionnel."(pp.559-560)
"La justice est, en son essence, une valeur absolue ; et l'absolu en général,
comme les valeurs absolues en particulier, se situent au-delà de la connaissance
scientifique et rationnelle. La théorie pure du droit est un positivisme juridique.
Elle est même la théorie du positivisme juridique ; et le positivisme juridique
marche main dans la main avec le relativisme. En d'autres termes, lorsqu'on
pose la question de la valeur d'un droit positif, de sa justice, la seule réponse
qui peut être avancée est qu'il est relatif ; c'est-à-dire qu'il n'est juste que sous la
présupposition d'une certaine valeur supérieure [...] Mais l'adoption d'une
valeur supérieure repose toujours sur un jugement de valeur subjectif et
irrationnel." (p.560)
-Hans Kelsen, "Qu'est-ce que la théorie pure du droit ?", Droit et Société, Année
1992, 22, pp. 551-568.
"Kelsen solved the problem of the concept of sovereignty by negating it. The
result of his deduction is that "the concept of sovereignty must be radically
repressed." This is in fact the old liberal negation of the state vis-à-vis law and
the disregard of the independent problem of the realization of law.” -Carl
Schmitt, Théologie politique - Quatre chapitres sur le concept de souveraineté,
1922. D'après la traduction anglaise de George Schwab, The MIT Press,
Cambridge, Massachusetts, and London, England, 1985, 70 pages, p.21.