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Blure :
Dans cette perspective, on peut penser un projet pérenne comme étant redevable des
impacts qu’il aura dans le temps : la notion de dette ou de besoin à venir trouve tout son
sens, et dépendra de la capacité de résilience des parties prenantes actuelles mais
également futures, pour construire un commun viable.
Les éléments de communication interne et externe feront l’objet d’une analyse dédiée en fin de
dossier.
Ce CPT va initier les étapes préalables qui seront détaillées ci-dessous en raison de ses compétences
et moyens réglementaires, humains et logistiques : champ de la transformation souhaitée,
détermination des parties prenantes, diagnostic de l’existant, organisation logistique de la
participation.
A ce stade ne sont pas inclus les représentants de l’agglomération, du département et des services
préfectoraux, ni de la région car le CPT n’a pas de vocation stratégique. Il y est mis fin dès la phase 3
de la démarche.
L’un des prérequis majeurs pour garantir la viabilité d’un projet de territoire est de pouvoir
impliquer les parties prenantes à ce projet dès sa conception.
S’appuyant sur des concepts théoriques majeurs (théorie des 4R, diagramme arc-en-ciel de
Chevalier et Buckles, et plus largement des Systèmes d’Analyse Sociale) mais également sur
les transitions de territoire accompagnées par le cabinet, E-Terre préconise de considérer au
départ les parties prenantes à cette démarche comme l’ensemble des acteurs susceptibles
d’être touchés par les objectifs, la conception et les activités du projet ou de les influencer, que
cette expérience soit actuelle, passée ou future.
Cela inclut donc les habitants actuels de Blure, ceux qui pourraient y naître ou s’y installer, ceux qui
participent à l’activité économique de la commune qu’ils soient résidents ou non, la faune et la flore
existantes et celles qui se développeront dans un territoire harmonieux et respectueux du vivant.
En bref, celle, celui ou ce qui est attachée par un lien formel, affectif,
intellectuel, économique, géographique, historique, etc, doit être
considéré(e) comme légitime à participer à la co-construction du projet
communal durable : acteurs de pouvoirs (Etat, collectivités, financeurs),
ceux ayant des « droits » (riverains, bénéficiaires, propriétaires ou
usufruitier, zones et espèces protégées de la faune et de la flore),
ceux que l’expertise rend légitimes (juristes, techniciens, écologues,
urbanistes, consultants, associations de défense environnementale
ou du patrimoine), les partenaires associés à l’aménagement du
territoire (entreprises déjà installées ou à venir, transports publics ou
privés, syndicat des déchets, paysans…), et plus généralement, les
habitants non riverains du projet, mais qui « vivent » là (loisirs,
achats, études, travail…) et ceux qui en ont la mémoire.
1-2 Diagnostic
2 Mutualisation avec Luralys et le pays des vallons de la lure
La seconde phase sera celle d’un diagnostic de l’existant sur les différents aspects de durabilité
correspondant aux Objectifs de développement durable définis par les Nations unies et aux 5 finalités
des Agendas 21, à savoir la lutte contre le changement climatique, la préservation des milieux, la
cohésion sociale et la solidarité, une économie locale responsable.
Ce diagnostic se fera :
- sur pièce pour le recueil de données techniques :
o sur la forme :
Plans Locaux d’Urbanisme, Contrats Urbains de Cohésion Sociales, trames vertes et bleues,
PCAET de l’agglo, données INSEE, cahiers des charges des délégations de service public pour l’eau,
les déchets, la restauration collective, etc… documentation de l’INSEE, des Chambres consulaires, des
DREAL, … sont autant d’outils sur lesquels E-Terre s’appuiera.
o sur le fond :
terres arables et modes de production, qualité de l’eau et de l’air, services publics présents, taux de
bétonisation, voies de mobilité douce, îlots de fraicheur, dépenses énergétiques des locaux
communaux, gestion des déchets, taux de participation des habitants aux activités communales, taux
de pauvreté, mais aussi
- sur questionnaire :
o sur la forme :
questionnaire écrit distribué à domicile aux habitants par des volontaires qui expliqueront la
démarche et aideront les personnes les plus fragiles à le remplir ; Cela inclut celles qui ne peuvent pas
bien lire ou écrire, que ce soit pour des raisons d’âge de santé ou d’illettrisme ou de non-maitrise de la
langue. Cette distribution se fera sur le modèle du recensement, pour favoriser un taux de réponse
élevé.
Une seconde vague par téléphone, courrier ou mail (toujours selon les moyens alloués) sera
effectuée à destination de ceux qui n’ont pas encore répondu. A ce titre, l’application du RGPD devra
faire l’objet d’une vigilance accrue de la part des services concernés de la ville.
o Sur le fond : les questions porteront sur les 12 thématiques des agendas 21 et viseront à rendre le
répondant acteur potentiel de changement (quelles sont vos attentes ? que pensez-vous pouvoir faire à
votre échelle ? quels sont vos freins ? etc)
Un exemple type de questionnaire est présenté en annexe de la réponse à l’appel d’offre, qui
s’intéresse à l’ensemble des usages matériels, culturels et sociaux du territoire :
pour vous, quels sont les éléments nécessaires au bien-être dans votre ville ?
Sur chacune des thématiques suivantes, que voudriez-vous améliorer à Blure (santé, enfance et
jeunesse, écologie, emploi, commerce, déplacements, accessibilité et sécurité, solidarité ? )
Dans quelle mesure pensez-vous pouvoir prendre part à ces améliorations ? Quels sont vos freins ?
Les valeurs existantes et les mythes partagés deviennent dans cette optique les moyens de construire
une nouvelle convergence, autour et à travers d’un projet déterminé par ces mêmes valeurs et
mythes. De fait, l’Histoire réelle ou fantasmée de la communauté quant à tel ou tel paysage, tel ou
tel territoire, est tout à la fois le terme de ce qu’elle a été et le terreau de ce qu’elle va devenir, en se
définissant par ce projet. L’ensemble des relations entre une population et un espace crée de la sorte
un système « territorial » dont l’un comme l’autre ne peuvent s’appréhender séparément (les
Bretons et l’ensemble des relations liées à « leur » Bretagne qui sera différente selon le lieu
d’habitation, la connaissance ou non des rites locaux, etc.)
On peut ajouter à cette analyse le fait que par le prisme de ce bien commun, c’est leur identité
commune, en tant qu’objet-frontière, que créent ceux qui s’y reconnaissent ou ce qui y est reconnu.
Les modalités d’une gouvernance territoriale responsable socialement et environnementalement
devraient donc prendre en compte l’ensemble de ces aspects :
- Les acteurs à même de se mobiliser seront ceux dont le rayon de confiance se chevauche,
permettant une coopération par reconnaissance ; Ils ne peuvent donc pas être défini en
amont, sauf à exclure de façon arbitraire ceux qui voudraient rejoindre la gouvernance. La
notion administrative de territoire apparait ainsi comme vaine ou peu constructive. On peut
parler ainsi d’inventaire des acteurs.
- Le bien commun n’est pas un donné, c’est un construit social qui relève de la responsabilité
de tous et chacun à l’égard notamment des générations futures.
- Enfin, une gouvernance concertée suppose une communication large de l’avancement (ou
non) du processus ou du projet à mettre en œuvre, afin d’élargir le réseau des parties
prenantes et consolider les acquis.
Ce pré-requis permet alors de « traduire » les besoins et contraintes de tous, même si l’intermédiaire
de cette traduction reste l’humain. C’est par ce prisme que les revendications d’un statut de l’animal
autre qu’objet peuvent trouver corps. L’animal-machine tel que décrit par Micoud nie par essence la
moindre interaction animal-homme, alors que les animaux domestiques, affectionnés voire chéris
prennent place dans la fratrie, la descendance (cf les messes des animaux). Foucaud parle ainsi de
l’humanisation de l’animal, corollaire d’une animalisation de l’Homme en tant que « simple corps
vivant ». A l’inverse, la nature qui nous survit et nous résiste « n’est ni sauvage ni domestique :
simplement non désirée », selon Nathalie Blanc.
A mon sens, la nature des interactions entre humains et non/humains et leur qualité dépendent
avant tout de la (mé)connaissance des besoins spécifiques des entités humaines ou non-humaines
par chacun, et peuvent ainsi émerger de différents champs :
- Culturel, quand l’Homme découvre un biotope et appréhende les signes et actions des
végétaux et animaux : c’est par la mise en parallèle de ces comportements (bruits,
déplacements, orientation vers telle ou telle direction, luxuriance…) et du contexte que
l’humain pourra lui-même agir et réagir. Merleau-Ponty parle « d’autoproduction d’un sens,
sans que ce sens ait été posé par la pensée ». Pour illustrer, je pense par exemple aux
animaux fuyant dans la direction opposée à un feu de forêt ou les plantes sensitives au
toucher. L’interaction possible provient alors de la capacité humaine à percevoir et recevoir
ces comportements comme étant aussi valables que les siens. De même, lorsque c’est
l’esthétisme et l’émotion causée par le minéral et les non-humains qui créent l’interaction.
L’intellectualisation, la compréhension de ce qui se passe autour de l’humain n’est alors
qu’accessoire : c’est souvent, au contraire, l’incapacité à comprendre qui permet de
s’attacher à voir.
La notion de services culturels de la nature prend ici tout son sens : l’instauration de « zones
fraîches », arborées, calmes et végétalisées relève du bien-être rendu possible grâce à la
nature, pour les urbains en quête de spiritualité ou d’objectivité. Cette nature, même si
disciplinée, ramène l’humain à ce qui le transcende : les notions de vie et de mort, le beau,
etc.
- Traditionnel, ou de transmission familiale : les liens entre le paysan éleveur et ses vaches
(que tu avais relevé Stéphanie lors d’une discussion sur le forum), le viticulteur et le vignoble
de famille. Ici, les interactions relèvent en partie de l’affect, d’une compréhension presque
innée de ce qui se joue dans le rapport à l’autre entité : la production bien sûr, mais aussi
une fierté de l’être qui existe au travers même de la bonne croissance de ses animaux ou
végétaux. Les principes de la permaculture relèvent notamment de ces principes, en mettant
en exergue que l’humain est une partie du vivant au même titre que les non-humains, et que
c’est l’interconnaissance entre végétal, animal non-humain et humain qui permettra d’offrir à
chacun les conditions idéales de développement. Cette notion d’interconnaissance,
transmise consciemment ou non, est illustrée par l’analyse de Michel Callon sur les difficultés
des marins-pêcheurs quant à la culture des coquilles Saint-Jacques : la méconnaissance de
leurs besoins rend difficiles voire vaine les tentatives des pêcheurs de les élever.
- il s’agit bien de co-construire « avec » et non pas d’imposer aux autres parties
prenantes, ce qui suppose que les asymétries d’information entre ces parties soient
levées, chacun partageant à l’autre ses éléments de connaissance et d’analyse, en
vue du projet commun ou co-vécu.
- Ainsi, sur un projet de territoire, il sera intéressant de se pencher sur la fonction
propre de chaque acteur, non pas en tant que partie prenante au projet, mais dans
son activité habituelle : le paysan aura non seulement des attentes liées à sa
préoccupation –ou non- de l’environnement, mais aussi des besoins de déplacement,
d’accès à l’eau ou sanitaires spécifiques. Il partagera par ailleurs les attentes des
entreprises concernant le développement économique du territoire, et celles des
habitants dans leur crainte d’une trop grande urbanisation. Ces mêmes habitants
seront sensibles aux emplois créés et à la sécurité des déplacements doux, parce
qu’ils en retirent un confort de vie. Les collectivités devront arbitrer ces attentes aux
contraintes légales, financières et d’échéances électorales.