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Classe Internationale

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Covid-19, pandémie de la pauvreté


12 JANVIER 2021
Source : The Guardian

En 2015, le secrétaire général aux Nations Unies, Ban Ki-Moon, affirmait que nous pouvions être
la première génération à éliminer la pauvreté. Cinq ans plus tard, le rapport de la Banque mon-
diale sur la pauvreté, de par son contenu et son nom « Revers de fortune » est loin de refléter le
même optimisme. 

Les chiffres avancés par différents organismes internationaux dépassent rapidement les 100 mil-
lions de personnes qui, dans le contexte de la pandémie, basculeront dans la pauvreté. Parmi les
causes de ce revers de fortune, les principales seraient, selon le Département des affaires écono-
miques et sociales des Nations Unies, la perte d’emploi et de facto de revenu ainsi que les dé-
penses onéreuses en lien avec la santé (UNDESA, 2020). 

On peut déjà voir quel morbide duo peuvent former pauvreté et santé. Alors même qu’il est pré-
dit une hausse dramatique de la pauvreté, sans système de protection sociale suffisamment per-
formant, l’accès aux soins apparaît pratiquement impossible pour les personnes en situation de
pauvreté. 

Le rapport entre pauvreté, marginalité et santé a été mis en avant par l’Organisation Mondiale
de la Santé depuis de nombreuses années. En 2008, dans un communiqué titré « Les inégalités «
tuent à grande échelle » », l’OMS informait que « L’espérance de vie à la naissance d’une fille au Leso-
tho est inférieure de 42 ans à celle d’une autre née au même moment au Japon. », que « L’espérance de
vie chez les hommes autochtones australiens est inférieure de 17 ans à celle des autres hommes en Aus-
tralie. » et qu’ « Un enfant né dans une banlieue de Glasgow, en Écosse, aura une espérance de vie infé-
rieure de 28 ans à un autre né à peine treize kilomètres plus loin ». Ainsi cette remarque s’observe au-
tant à l’échelle internationale, nationale et locale. La pandémie actuelle ne déroge pas à la règle
puisqu’une étude menée aux Etats-Unis démontre que les régions les plus pauvres sont aussi
celles où le nombre de contaminations et de morts ont été le plus élevés  et  que l’inversion de
cette tendance serait davantage due à un manque de ressources et de tests dans les régions les
plus pauvres qu’à un taux d’incidence plus faible (Finch et Hernandez, 2020). 

Le Covid-19 met en lumière le caractère fondamentalement multidimensionnel de la pauvreté et


invite à repenser le lien entre santé et justice sociale. Quels mythes regardant la pauvreté la si-
tuation pandémique nous révèle-t-elle ? Au premier plan, que la pauvreté est un phénomène bien
plus complexe et étendu que ce qui était jusque-là reconnu et que proclamer la fin prochaine de
la pauvreté était mirage, sinon mensonge. Enfin, que la protection sociale est inscrite parmi les
droits humains, et qu’il est temps de la considérer comme tel : ce n’est ni de la charité, ni des me-
sures temporaires le temps d’une crise, ni des dépenses superflues qui plombent les budgets
nationaux. 

La fin de la pauvreté : si proche du but ? 

En 1990, la Banque mondiale propose le seuil de pauvreté de 1$ par parité de pouvoir d’achat
par jour par personne. Précédemment à cette date, aucune définition mondiale et consensuelle
de la pauvreté n’avait émergé (Woodward, 2010, 5). Or sans définition, il était impossible de me-
surer ou de proposer des solutions efficaces. La démarche émerge alors comme une réponse, et
potentiellement une solution à différents défis. 

Ce seuil fut ensuite réévalué à plusieurs reprises et fixé à 1.25$ PPA par jour par personne en
2008 puis 1.9$ PPA par jour par personne en 20151. 

Des résultats plus nuancés qu’il n’y paraît

La lutte contre la pauvreté a été affichée comme un objectif primordial d’organisations interna-
tionales telles que la Banque Mondiale, le FMI, les Nations Unies. Ce volontarisme a été réaffir-
mé en 2015 avec l’adoption des Objectifs de Développement Durable. La lutte contre la pauvre-
té était alors mise à l’honneur puisque le premier de ces objectifs était nommé « pas de pauvreté
», ou sous sa forme plus détaillée « Éliminer la pauvreté sous toutes ses formes et partout dans le
monde ». Moins ambitieux qu’un taux à 0%, était fréquemment évoqué la détermination à abais-
ser à l’horizon 2030 à moins de 3% le taux de personnes vivant dans la pauvreté dans le monde,
c’est-à-dire vivant avec moins de 1,9$ par jour. 
Les 17 objectifs de Développement durables (Sustainable Development Goals en anglais) qui ont succédé aux Millennium Development Goals en
2015.

Source : Unesco

Cependant, malgré l’enthousiasme affiché, cet objectif apparaissait déjà compromis avant la
crise de Covid-19 (Banque mondiale, 2020, 2). Par ailleurs, le HCDH (Haut-Commissariat des
Nations unies aux droits de l’homme) dénonce le discours de la Banque mondiale et autres insti-
tutions qui proclament la presque-éradication de la pauvreté dans le monde. Au contraire, il est
affirmé que seule une légère baisse de la pauvreté a pu être enregistrée au cours des 30 der-
nières années (Alston, 2020, 3).  En effet, même s’il a été admis que l’objectif premier concernant
la pauvreté était probablement hors d’atteinte, le taux de pauvreté avait tout de même chuté de
manière extraordinaire depuis 1990 puisque celui-ci était passé de 36% à 10% en 2015 (Banque
mondiale, 2018, 2). Mais ces résultats sont considérés comme trompeurs par le HCDH tout
d’abord car cette vision globale est en fait fortement influencée par la tendance chinoise. En ef-
fet, le taux de la Chine est passé de 62% en 1990 à 3% en 2015 (ibid, 2). A l’inverse, on note une
augmentation de la pauvreté dans certaines régions du monde ces dernières années. Au Moyen-
Orient et en Afrique du Nord, ce taux a progressé de 2,3% en 2013 à 3,8%, en 2015 à 7,2% en
2018 (ibid, 3). En Afrique subsaharienne la situation reste critique puisqu’en 2018, 40% de la po-
pulation vivait sous le seuil de 1,9$, et 70% de la population sous celui de 3.2$ (ibid, 15). Cette
baisse de la pauvreté apparaît ainsi plus nuancée lorsque l’on considère l’échelle régionale et non
globale. Ces chiffres représentent également des contre-exemples au discours qui fait de l’aug-
mentation de la pauvreté dans le contexte du Covid-19 , une hausse historique de la pauvreté,
supposément la première en 30 ans.

Également la probabilité d’une fin proche de la pauvreté était déjà amoindrie par le manque de
prise en compte de certaines populations pourtant touchées au premier chef. Tony Atkinson a
ainsi grandement développé la problématique des oubliés des pays riches mais aussi des pays
pauvres dans les données (Brandolini & Micklewright, 2020, 6). Ainsi, seuls ceux qui font partie
des ménages recensés sont comptabilisés. Sont exclus de facto les migrants sans papiers, les réfu-
giés ou encore les Sans Domicile Fixe. 

E t l l’ d ét l d l il lé t i d l B
En outre, lorsque l’on prend comme étalon de mesure les seuils complémentaires de la Banque
mondiale de 3,2$ et 5,5$, la réduction de la pauvreté apparaît alors encore moins significative,
en particulier en Asie du Sud-Est et en Afrique Subsaharienne. La Banque mondiale estime ainsi
qu’un nombre conséquent de personnes se situaient à peine au-dessus du seuil de 1.9$. Or, la
probabilité pour ces personnes de basculer à nouveau sous le seuil de 1.9$ est forte puisqu’elles
apparaissent toujours en situation de précarité et de vulnérabilité. Elles sont de fait en première
ligne lors des évènements aux effets appauvrissants tels que conflits, changement climatique ou
encore pandémie  (Banque mondiale, 2020, 3). 

Les femmes sont également mal prises en compte puisque la pauvreté est mesurée à l’échelle des
ménages, en posant l’hypothèse que les ressources du ménage sont partagées de manière équi-
table entre ses différents membres (Alston, 2020, 6). Cette méthode exclurait de fait des millions
de femmes des chiffres de la pauvreté dans le monde, ce alors que les femmes sont en général
plus vulnérables car assumant la majorité du travail domestique et des services de soin non ré-
munérés, qu’elles sont plus susceptibles d’être socialement exclues, ayant un moindre accès aux
ressources productives et au pouvoir politique et économique, et qu’elles sont souvent moins
protégées, ayant un accès restreint au système de sécurité sociale lié au marché du travail
(PNUD, 2012, 27).

A-t-on sous-estimé la pauvreté ? 

Mais les critiques à l’encontre de l’annonce d’une fin proche de la pauvreté sont surtout dues à la
définition de celle-ci et par conséquent ses outils de mesure et les objectifs promulgués. 

L’argument le plus frappant est celui des seuils de pauvreté nationaux. Si la Banque mondiale
propose des seuils de pauvreté mondiaux en dollars PPA, les pays fixent eux aussi leurs propres
seuils de pauvreté afin de mettre en place des politiques de protection sociale, de réduction des
inégalités, … Et pour de nombreux pays, l’écart entre la proportion de personnes vivant sous le
seuil de pauvreté nationale et celle vivant sous le seuil de pauvreté de la Banque mondiale est
considérable. 

En 2020, 35,5% de la population argentine se trouve sous le seuil de pauvreté nationale alors
que seulement 1,3% sont sous celui de la Banque mondiale. En Jordanie les populations identi-
fiées comme pauvres sont selon le seuil utilisé 15,7% (seuil national) ou 0,1% (seuil de la Banque
mondiale), en Afrique du Sud 55,5% ou 18,7%, pour les Etats-Unis d’Amérique 12.7% vs 1.2%2. 

Ainsi, le seuil de pauvreté de la Banque mondiale est critiqué pour le fait qu’il ne mesurerait pas
la pauvreté mais l’extrême pauvreté dans les pays les plus pauvres (Woodward, 2010, 9). Lorsque
le seuil de pauvreté était encore fixé à 1$, seuls cinq pays avaient un seuil de pauvreté national
inférieur ou égal à celui proposé par la Banque mondiale. Cela s’explique par la manière dont est
calculé ce seuil. En effet, le groupe de chercheurs ayant formalisé le premier seuil dans les an-
é 1990 h i i d l dét i i l i d l l d l l èt 3 D f it
nées 1990 a choisi de le déterminer via le prisme des pays les plus pauvres de la planète3. De fait,
le premier seuil a été calculé en faisant la moyenne des seuils de pauvreté des 10 pays les plus
pauvres. Depuis 2005, il correspond à la moyenne des seuils nationaux des 15 pays les plus
pauvres. 

Par ailleurs, cette manière de définir et quantifier la pauvreté ne reflète qu’une dimension pure-
ment économique du phénomène. Pourtant, les chercheurs et institutions s’accordent pour re-
connaître la pauvreté comme multidimensionnelle. « Les signes de pauvreté des individus sont mul-
tiples : la mauvaise santé, la faiblesse ou l’absence d’un revenu, une éducation insuffisante, un logement
précaire, un travail difficile, la déresponsabilisation politique, la sous-alimentation, un environnement
dégradé, l’insécurité physique, etc » (Martin, 2012). Les Objectifs de Développement Durable af-
fichent une volonté d’éliminer la pauvreté sous toutes ses formes. La Banque mondiale elle-aussi
reconnaît le caractère multidimensionnel de la pauvreté. De fait, un seuil de pauvreté construit
sur une base uniquement économique apparaît comme lacunaire, imprécis et insuffisant pour
saisir la pauvreté dans son ensemble. Aussi, doivent être pris en compte dans les indicateurs de
pauvreté les conditions de travail, la permanence ou non de la situation de pauvreté, le manque
d’accès à des services de base. Par ailleurs, souvent lorsque sont évoqués ces services, l’éduca-
tion et la santé sont les deux dimensions qui viennent à l’esprit. Et il est nécessaire de saisir que
dans les services sanitaires sont compris des dimensions aussi basiques que l’accès à l’eau po-
table. En 2017, l’OMS rapportait qu’encore 785 millions de personnes n’avaient pas accès à un
service d’eau de base, c’est-à-dire une source d’eau dite améliorée (eau courante, eau livrée,
puits protégé, source protégée,…) et à moins de 30 minutes. 2,2 milliards (dont les 785 millions
cités précédemment) n’ont pas accès à un service d’eau sécurisé, c’est-à-dire exempt de contami-
nation et à disposition si besoin immédiat. Ainsi, user d’indicateurs reflétant les niveaux de vie et
non pas simplement les revenus économiques permettrait de saisir de manière plus efficace la
pauvreté et ses conséquences sur le quotidien. 
Bien que l’accès à l’eau potable soit reconnu comme un droit humain par l’ONU depuis 2010, une grande partie de la population mondiale n’en béné-
ficie pas.

Source : Right2water

Dans la même optique, mesurer la pauvreté uniquement selon le revenu ne permet pas de
prendre en compte les différents schémas de consommation selon les zones géographiques.
Woodward montre que ces schémas sont influencés majoritairement par trois facteurs. 

Le premier est la consommation liée directement au besoin et qui varie significativement selon
les pays (Woodward, 2010, 13). Ainsi la consommation associée aux vêtements et à l’énergie est
plus importante dans les pays froids que dans les pays chauds. Les prestations sociales, telles que
l’éducation et la santé, ont également des coûts et une qualité qui diffèrent selon les pays et les
contextes. Enfin, les risques sanitaires changent selon les régions du monde du fait des facteurs
géographiques et sociaux. C’est le cas par exemple des conditions climatiques favorables à la
dengue ou le paludisme qui non seulement vont avoir une conséquence sur le revenu de la per-
sonne, potentiellement moins apte à effectuer son travail, mais qui vont aussi influencer les be-
soins liés aux traitements préventifs et curatifs des maladies (médicaments, moustiquaires,…). 

De la nécessité de développer mais aussi d’utiliser des indicateurs alternatifs 

Ces instruments de mesures et leurs incomplétudes, assumées ou non, ne sont pas départies de
jugements moraux. Définir et mesurer la pauvreté de cette manière signifie qu’il est acceptable
que des personnes vivent avec un niveau de revenu extrêmement bas tant qu’il est au-dessus du
seuil fixé par la Banque mondiale. Des recherches d’Adam Wagstaff en 2003 s’intéressent aux
statistiques des ménages dans les pays en développement qui vivent au seuil de pauvreté. Il est
important de saisir que seuls sont considérés des ménages qui vivent exactement au seuil de
pauvreté et non pas à un niveau inférieur et qui par conséquent ne sont pas considérés par la
Banque mondiale comme pauvres et ne sont pas jugés comme significatif dans une optique de
réduction de la pauvreté.  Les résultats de Wagstaff rapportent qu’entre 1/6 et 1/12 des enfants
de ces ménages meurent avant l’âge de 5 ans. Et parmi les survivants, entre un tiers et la moitié
souffrent de malnutrition chronique (Woodward, 2010, 12). 

Face à ces défauts et lacunes, différents indicateurs ont été mis au point dès les années 1990. 
Ainsi, le PNUD développe en 1997 l’indicateur de pauvreté humaine. Il ouvre la définition de
pauvreté à des dimensions autres que le revenu. En effet, trois composantes sont prises en
compte : la mortalité précoce (c’est-à-dire qui survient avant 40 ans), le taux d’illettrisme chez
les adultes, le niveau de vie (qui englobe les phénomènes de malnutrition, d’accès à l’eau potable,
d’accès aux soins). On remarque ainsi que non seulement l’indicateur n’est pas restreint à une
compréhension purement économique de la pauvreté mais le revenu n’est même pas utilisé
compréhension purement économique de la pauvreté mais le revenu n’est même pas utilisé
comme composante. 

En 2006, Peter Edward crée un seuil de pauvreté éthique qui devrait permettre d’atteindre une
espérance de vie normale. Ce seuil a été fixé à un niveau à peu près trois fois plus élevé que celui
alors proposé par la Banque mondiale (pour rappel : en 2006 le seuil de la Banque mondiale était
toujours celui de 1$) (Alston, 2020, 5). David Woodward en 2010 a proposé une ‘right-based po-
verty line’, c’est-à-dire  un seuil de pauvreté définie du point de vue des droits de l’homme. Il est
calculé à partir du rapport statistique entre le revenu et les indicateurs de niveau de vie de
chaque pays. (Woodward, 2010, 30). Dans son rapport, il a conclu que pour parvenir à une mor-
talité infantile moyenne, ce seuil devait être 4.2 fois plus élevé que celui de la Banque mondiale
(les calculs avaient été réalisés avec le seuil de 1$) (Alston, 2020, 5). 

La Banque mondiale commence elle aussi à inclure des indicateurs complémentaires dans ces
rapports tels que celui de 3,2$, utilisé principalement pour les pays à revenus intermédiaires de
la tranche inférieure, et celui de 5,5$ pour les  pays à revenus intermédiaires de la tranche supé-
rieure. Par ailleurs, un seuil de pauvreté sociétale a été développé par Tony Atkinson à l’occasion
de la Commission sur la pauvreté dans le monde (2013-2016). Celui-ci s’appuie sur le niveau de
consommation et augmente au fur et à mesure de la richesse du pays. Il est également un des in-
dicateurs complémentaires de la Banque mondiale depuis 2018 (Brandolini & Micklewright,
2020, 9).

Mais pour autant c’est le seuil de 1.9$ qui continue d’être majoritairement utilisé comme instru-
ment de mesure et comme boussole pour des politiques mondiales. Car les choix relatifs à la me-
sure de la pauvreté révèlent des jugements éthiques à la fois de la part des chercheurs, ceux qui
les mettent en place, mais aussi de la part de ceux qui les utilisent (ibid, 8). Ainsi, si la pauvreté
est pauvrement évaluée, les politiques mises en œuvre ne peuvent tenir compte de la totalité des
personnes concernées par le phénomène. Autrement dit, toute hausse de revenu lorsque celui-ci
est déjà supérieur au seuil fixé n’importe pas d’un point de vue de réduction de la pauvreté.

La pauvreté peut aussi être fortement accentuée par des événements inattendus. Le rapport
Shock Waves de la Banque mondiale, paru en 2016 fait état que le changement climatique fera
basculer entre 68 et 132 millions de personnes dans la pauvreté, avec une forte probabilité pour
que ce nombre soit supérieur à 100 millions d’ici 2030.  (Banque mondiale, 2020, 14). Les effets
dramatiques du changement climatique devraient se faire ressentir plus intensément dans les
pays du Sud, notamment en Afrique subsaharienne. Ce sont donc dans des régions déjà mar-
quées par des taux de pauvreté élevés que le changement climatique aura ses effets les plus
dévastateurs. 
Au Mozambique, la ville de Beira a été frappée par deux cyclones consécutifs, les cyclones Idai et Kenneth..  En plus du nombre élevé de morts, ce dé-
sastre a aggravé la pauvreté dans une région déjà marquée par la précarité.

Source : Mail&Guardian

De la même manière, la pandémie de coronavirus a eu un large impact : selon la Banque mon-


diale, « la lutte contre la pauvreté enregistre aujourd’hui sa pire régression » (Banque mondiale,
2020, 1).

L’épidémie de Covid-19 : révélatrice plutôt que créatrice de pauvreté

Selon les calculs de la Banque Mondiale, la pandémie entraîne une régression de 3 ans dans la
lutte contre la pauvreté puisque le taux de pauvreté en 2020 devrait être équivalent à celui de
2017. L’UNICEF et l’ONG Save the Children estiment que la pandémie pourrait faire basculer 86
millions d’enfants dans la pauvreté, soit une augmentation de 15% par rapport aux chiffres de
référence (UNDESA, 2020).

Mais lorsqu’on y regarde de plus près, la pandémie révèle une pauvreté et une précarité déjà
existante mais mal prise en compte, et renforce des inégalités de plus en plus criantes.

Des « nouveaux pauvres »  ?

Mais cette augmentation se ressentira d’autant plus dans les pays déjà plus durement concernés
par la pauvreté. 

Ainsi, c’est l’Asie du Sud qui devrait être la plus touchée, suivie par l’Afrique subsaharienne. Les
deux régions devraient dénombrer respectivement 49 millions et entre 26 et 42 millions de per-
lé t i it ti d té (B di l 2020 6) L t d’ l i
sonnes supplémentaires en situation de pauvreté. (Banque mondiale, 2020, 6). La perte d’emploi
liée au covid est directement liée à cette hausse. Au Nigéria, 42 % des personnes interrogées qui
travaillaient avant la pandémie ont déclaré en mai 2020 qu’ils avaient perdu leur emploi à cause
de celle-ci (ibid, 7). Mais on constate également des difficultés économiques grandissantes des
pays en développement du fait de cette pandémie et de la fuite des capitaux investis qu’elle a en-
gendré. C’est notamment le cas de l’Afrique du Sud, du Brésil et du Mexique (HCDH, 2020c, 1).

A Melville, quartier vivant de Johannesburg, plusieurs établissements notoires ont dû mettre la clé sous la porte du fait de la pandémie et du
confinement. 

Source : New Frame

A une autre échelle, la Banque mondiale parle de nouveaux pauvres pour qualifier un change-
ment des catégories sociales touchées par la pauvreté. Avant la crise, la pauvreté était un phéno-
mène essentiellement rural. Mais parce que le virus touche plus largement les communautés en
zone urbaine avec une densité de population élevée, un nombre important de ces communautés
risque de basculer dans la pauvreté également. Par conséquent on observe également un chan-
gement des secteurs où sont employés ces nouveaux pauvres, qui ne sont plus alors majoritaire-
ment dans le secteur agricole (par exemple, dans les secteurs de la transformation ou du bâti-
ment en Afrique du Sud ; dans le secteur des services au Nigéria et en Indonésie) (Banque mon-
diale, 2020, 10-13). 

Néanmoins, la plupart des caractéristiques des populations en situation de pauvreté resteront


similaires aux tendances précédentes. En effet, le Covid-19 va aggraver la pauvreté pour des ca-
tégories qui sont déjà vulnérables et/ou marginalisées mais qui sont aussi souvent mal comptabi-
lisées par les statistiques de la Banque mondiale et autres institutions. 

La pauvreté continue de toucher disproportionnellement les jeunes en comparaison avec les


autres catégories d’âge. En 2018, la moitié des personnes en situation de pauvreté avaient moins
de 15 ans, sachant que seul un quart de la population se situe dans cette tranche d’âge.

Les travailleurs du secteur informel ou en emploi précaire étaient déjà plus susceptibles d’être
concernés par la pauvreté car moins bien encadrés, moins socialement protégés, et plus sujets à
des conditions de travail contraires aux droits de l’Homme. Du fait du Covid-19, le revenu et le
niveau de vie de ces travailleurs seront parmi les plus impactés car ils sont parmi les premiers à
être licenciés lors d’une baisse de l’activité économique (HCDH, 2020a, 2).

Parmi les travailleurs du secteur informel certaines catégories sont surreprésentées, comme par
exemple les migrants, notamment sans papiers, ou bien les populations indigènes, catégories qui
une fois encore sont plus susceptibles d’être touchées par la pauvreté et en même temps sont
mal comptabilisées du fait des instruments de mesure de la pauvreté. Ainsi les populations indi-
gènes représentent 6,2% de la population mondiale et près de 19% de la population vivant dans
l’extrême pauvreté. 86% des peuples indigènes sont employés dans le secteur informel (De
Schutter, 2020, 12). Il y a ainsi plus de probabilité qu’ils soient affectés par la pandémie et la pau-
vreté qu’elle engendre. 

Enfin, les femmes sont également surreprésentées dans le secteur informel ainsi que dans des
secteurs de l’économie nécessitant une main d’œuvre importante telle que l’industrie du vête-
ment qui a connu des licenciements massifs. Les femmes portent en outre le fardeau supplémen-
taire des services de soins à domicile. A la suite de la fermeture des écoles et des services de
garde d’enfants, ce sont surtout elles qui sont chargées de s’occuper des enfants ainsi que des
plus âgés et des malades (HCDH, 2020, 2).

Un creusement des inégalités et une crainte du long-terme

Au début de la première vague, le slogan si unificateur de « Nous sommes tous dans le même bateau
»  était répété à tout va, y compris par les personnes les plus riches de la planète. Madonna chan-
tait que le coronavirus était le “great equalizer” dans une baignoire emplie de pétales de roses,
Gal Gadot sur Instagram expliquait que chacun était affecté et que dans ce contexte“it doesn’t
matter who you are, it doesn’t matter where you come from”. Mais rapidement force a été de consta-
ter que la situation différait selon la place sociale et que qui l’on est et d’où l’on vient importait.
Dès avril, The Guardian publiait que si plus de 22 millions d’Américains avaient perdu leur emploi
entre le 18 mars et le 10 avril, les milliardaires du même pays sur la même période avaient vu
leur richesse augmenter de 282 milliards de dollars, soit une hausse de 10%. 

Les crises liées aux pandémies précédentes telles que Zika en 2016 ont prouvé qu’elles ren
Les crises liées aux pandémies précédentes telles que Zika en 2016 ont prouvé qu’elles ren-
forcent de manière significative les inégalités (Banque mondiale, 2020, 9) et celle provoquée par
le Covid-19 ne fait pas exception. Comme il a été évoqué, ce sont principalement des personnes
déjà en situation de précarité qui sont le plus durement touchées, notamment d’un point de vue
économique.  Elles sont souvent au premier plan des licenciements ou des phénomènes tels que
le chômage partiel car employées dans des activités qui sont plus susceptibles d’être perturbées
ou bien éliminées. Par ailleurs, elles ont tendance à être moins employées dans des activités
compatibles avec le télé-travail. Lorsque celui-ci est possible, elles sont aussi parmi les moins
bien équipées pour y accéder. Le Département des affaires économiques et sociales des Nations
Unies estime également que les classes bénéficiant et qui bénéficieront par le futur le plus du
tournant technologique induit par la pandémie sont les classes riche et moyenne.

Cela est préoccupant car on remarque une corrélation entre la hausse des inégalités et la hausse
de la pauvreté. Aussi, la Banque mondiale prévoit que « si le coefficient de Gini augmente de 1 % par
an, le taux de pauvreté dans le monde atteindra 8,6 % en 2030. » (Banque mondiale, 2020, 9).

On observe également une hausse des inégalités sociales au sein des populations déjà vulné-
rables, notamment pour les femmes et les jeunes de  par la fermeture des écoles. La fermeture
des écoles entraîne des conséquences importantes sur le quotidien d’enfants en situation de
pauvreté, non seulement sur leur accès à l’éducation mais aussi leur alimentation car cela a en-
traîné l’arrêt de la distribution des repas à la cantine, qui parfois représentaient le repas le plus
important dans une journée. Également, Olivier de Schutter fait état que la fermeture des écoles
a entraîné un arrêt des études pour 386 millions d’enfants dans toutes les régions du monde.
Cette fermeture des écoles a été accompagnée parallèlement d’une hausse du travail des
enfants. 

La crainte est que ces inégalités s’ancrent et se reproduisent dans le temps, en particulier en ce
qui concerne l’éducation. En effet, on remarque une corrélation entre l’accès à l’éducation et la
pauvreté. Ainsi selon la Banque mondiale 39% des adultes pauvres vivant en milieu rural en
2020 n’avaient pas fait d’études (Banque mondiale, 2020, 10). Il y a donc un risque réel que les
enfants ne pouvant plus assister aux cours dans le contexte de la pandémie, basculent ou restent
en situation de pauvreté en grandissant. 

Covid-19 et négligence envers les populations et pays en situation de pauvreté

Mais le Covid-19 met aussi tragiquement en lumière les conséquences de la pauvreté sur la vie
quotidienne et sur la santé. Les populations précaires sont celles qui sont le plus touchées par la
crise sanitaire. Elles sont le plus souvent employées dans des secteurs où la distanciation sociale
est plus difficile à mettre en œuvre et vivent dans des conditions favorisant la propagation du vi-
rus. Ainsi ces populations connaissent un taux de transmission et un taux de mortalité plus élevé
que la norme. Un exemple parlant est celui de Singapour. L’Etat-cité qui était au départ célébré
pour sa gestion de la pandémie a connu une forte transmission du virus dans les communautés
de travailleurs migrants provenant d’Asie du Sud et vivant dans des logements exigus et surchar-
gés (Jackson & Griffiths, 2020). Au Brésil, le taux de mortalité face au Covid-19 est 150% plus
élevé que la moyenne pour la population indigène (De  Schutter, 2020, 13). 

A Singapour, 20 000 travailleurs migrants ont été placés en quarantaine dans les dortoirs SS11 à Punggol et Westlite Toh Guan en avril 2020.

Souce : Amnesty International

Les conseils ordinaires pour limiter et ralentir la propagation du virus tels que rester chez soi,
respecter la distanciation sociale, se laver fréquemment les mains soulignent la négligence dans
laquelle ont été laissées les populations les plus vulnérables et marginalisées. Dans des loge-
ments bondés et insalubres, celles-ci n’ont parfois même pas accès à de l’eau potable. Pour rap-
pel, en 2017, 2,2 milliards de personnes n’avaient pas accès à un service d’eau sécurisé. Aussi,
pour Philippe Alston, « Far from being the “great leveler,” COVID-19 is a pandemic of poverty, expo-
sing the parlous state of social safety nets for those on lower incomes or in poverty around the world. »
(Alston, 2020, 9).

Cela est d’autant plus inquiétant lorsqu’on considère les populations vivant dans des pays à
faibles revenus. Ces derniers n’ont ainsi pas forcément un système de soin et des équipements
qui puissent faire face ne serait-ce qu’a minima au virus. Le Soudan du Sud n’a en tout et pour
tout que quatre respirateurs pour une population d’environ 11 millions de personnes (Jackson &
Griffiths, 2020). 
La question du vaccin révèle aussi la fracture entre les pays. Oxfam annonçait en septembre
2020 que 51% des vaccins avaient été achetés avant même leur sortie par des pays riches qui ne
représentent que 13% de la population mondiale. En décembre 2020, Oxfam annonçait cette
fois-ci que 9 habitants sur 10 de 70 pays dits pauvres n’auraient pas accès au vaccin dans l’année
2021. Pour contrer cela, l’OMS a répertorié le vaccin de Pfizer et BioNTech comme réponse à
une situation d’urgence. Cela pourrait potentiellement faciliter l’accès des pays en développe-
ment au vaccin.  

Contrairement aux instruments traditionnellement utilisés pour évaluer la pauvreté, le Covid-19


révèle la pauvreté sous toutes ses formes et démontre les situations préoccupantes dans les-
quelles vivent les populations concernées. La manière la plus efficace pour faire front simultané-
ment à une telle pandémie et à la pauvreté est la mise en place de systèmes de protection sociale
dignes de ce nom, respectueux du droit à vivre dans la dignité. 

III Revisiter la notion ainsi que les systèmes de protection sociale

“Weeks ago, who would have thought […] that the Financial Times would call for wealth redistribution?”
écrivent Sarah Jackson et David Griffiths. Ils soulignent alors avec humour, le consensus général
sur l’impératif que représentent des systèmes de protection sociale, notamment en temps de
crise. 

La protection sociale comme droit de l’Homme

Bien souvent lorsqu’on évoque des violations des droits humains, vont être imaginés des viols ou
tueries de masse. Mais tout un pan des droits humains que l’on retrouve plus fréquemment au
quotidien n’est pas respecté lorsque l’on néglige et abandonne des individus en situation de pau-
vreté. C’est le cas du droit de l’accès à l’eau, à l’éducation, à la sécurité alimentaire, à la dignité
humaine, à la vie. La protection sociale apparaît de facto comme un droit de l’Homme. 

Ce concept de protection sociale reste flou et les définitions utilisées par différentes organisa-
tions (OIT, Banque mondiale, Union Africaine, UNICEF) témoignent de la variété des approches.
Néanmoins, au vu des points communs de ces approches, une définition consensuelle serait de
décrire la protection sociale comme un cadre d’actions politiques qui ont pour objectif de préve-
nir et réduire la pauvreté et la vulnérabilité (PNUD, 2016, 14). Il est cependant intéressant de
noter que plusieurs organisations et textes font référence à la protection sociale comme un
droit. 

C’est le cas de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) qui cite notamment l’article 22 de la
Déclaration universelle des droits de l’homme : « Toute personne, en tant que membre de la société,
a droit à la sécurité sociale ; elle est fondée à obtenir la satisfaction des droits économiques, sociaux et
culturels indispensables à sa dignité et au libre développement de sa personnalité, grâce à l’effort natio-
nal et à la coopération internationale, compte tenu de l’organisation et des ressources de chaque pays.
».

La sécurité sociale est reconnue comme un élément essentiel afin d’améliorer la vie quotidienne
des populations, en particulier celles socialement marginalisées (ibid, 14). Mais elle doit égale-
ment permettre de faire face et d’amortir les effets d’appauvrissement et de marginalisation
lorsque survient une crise, comme c’est le cas avec la pandémie de Covid-19. 

Si la protection sociale brille par son absence dans les Objectifs de Développement Durable, on
retrouve cette notion dans divers textes internationaux. Ainsi les observations générales 14 et
19 du Comité International des droits économiques, sociaux et culturels affirment que les Etats
doivent fournir des infrastructures, biens et services de santé publique qui doivent être acces-
sibles, acceptables par les populations bénéficiaires et de qualité. Par ailleurs, ces infrastruc-
tures  doivent fonctionner de manière à ce que chaque individu puisse faire valoir son droit à la
protection sociale. La recommandation n°202 de l’OIT, qui a été votée à une écrasante majorité,
demande à ce que les pays introduisent un niveau minimal de protection sociale et encourage à
augmenter continuellement ce niveau minimal afin de garantir aux populations un accès à la san-
té publique et à un revenu de base. Si les recommandations de l’OIT sont non-contraignantes, la
recommandation n°202 est célébrée comme un pas en avant significatif dans la promulgation
des systèmes de sécurité sociale. Selon Kaltenborn, cette recommandation et l’observation gé-
nérale 19 précédemment citée reflètent toutes deux une approche basée sur les droits de hu-
mains (Kaltenborn, 2020, 37).

Un diagnostic des systèmes de protection sociale pré-pandémie

Préalablement à la pandémie de coronavirus, le PNUD avait noté les efforts de certains pays en
développement pour implanter des programmes nationaux de santé publique (PNUD, 2016, 44).
C’était le cas par exemple de la Chine, du Rwanda, de la Colombie ou encore de la Thaïlande. Par-
mi les programmes de protection sociale, celui mis en place par le gouvernement brésilien en
2004, le programme Bolsa Familia se distingue par ses résultats. Celui-ci a permis le versement
de subventions à plus de 13 millions de ménages de 17US$ par mois et par enfant du moment
que l’enfant en question aille à l’école et bénéficie des services médicaux nécessaires. D’après un
rapport de 2009, le programme a permis que sur les 12.4 millions de bénéficiaires, 4.3 millions
d’entre eux sortent de l’extrême-pauvreté. Le PNUD avance aussi la probabilité que 16% de la
réduction des inégalités économiques observée entre 1999 et 2009 est due au programme (ibid,
16-19). L’Inde se distingue aussi par des mesures de sécurité sociale particulièrement avant-gar-
distes puisqu’elles prennent en compte des populations souvent peu incluses dans les mesures
traditionnelles de sécurité sociale. Avant la pandémie, le pays avait lancé un programme appelé
Bidi Welfare Fund qui ciblait les travailleurs, qui sont majoritairement des travailleuses, dont
l’emploi consiste à produire des cigarettes roulées à la main, des « bidi » d’où le nom du pro-
(ibid 47) M i d t ll é d l d i d l t ti i l lè t l
gramme (ibid, 47). Mais de telles avancées dans le domaine de la protection sociale relèvent plus
de l’exception que de la norme. 

L’industrie des cigarettes roulées, “bidi” ou “beedi”  emploient à 90% des femmes, y compris très jeunes en Inde. 

Source : The Hans India

Il reste que malgré ces efforts, les chiffres relatifs à la sécurité sociale et les attitudes des acteurs
internationaux sont accablants. 71% de la population mondiale ne serait pas couverte par un ré-
gime général de sécurité sociale. Seulement 21,8% des personnes sans emplois dans le monde
bénéficient d’allocations chômage (Kaltenborn, 2020, 30). Selon les données de l’OIT, 55% de la
population mondiale, soit 4 milliards de personnes n’ont aucun accès à une protection sociale
qu’elle quelle soit. On retrouve bien évidemment de fortes inégalités entre les régions du monde.
En Afrique, ce chiffre de l’OIT monte jusqu’à 82,6% de la population du continent. 

Au niveau international, peu sinon aucune des institutions clés, telles que le FMI, l’OCDE ou la
Banque mondiale ont semblé vouloir faire de la protection sociale une priorité. Elle est présen-
tée au mieux comme une option et n’est en aucun cas reconnue comme un droit (Alston, 2020,
17). 

Plus encore, les systèmes de sécurité sociale déjà existants ont été érodés en particulier depuis
2010 par les mesures d’austérité adoptées par divers gouvernements. Lors de la crise financière
de 2008, de nombreuses mesures de protection sociale avaient été prises afin de surmonter la
crise et un budget conséquent y avait été alloué. Mais dès 2010, des coupes budgétaires ont été
décidées et plus encore en 2016 affectant alors 132 pays (De Schutter, 2020, 17). Une privatisa-
tion importante des services publics a mené à l’augmentation des frais d’accès et à une baisse des
salaires des travailleurs du secteur dans une optique de recherche des profits. La privatisation
de ces services entraîne aussi une absence d’inclusion des populations les plus marginales car
peu rentables (Alston, 2020, 12). Ces mesures d’austérité ont ainsi un impact tant sur la quantité
que sur la qualité des systèmes et/ou mesures de protection sociale.En 2019, l’OMS conclut
qu’entre 2000 et 2015 le pourcentage de population littéralement appauvrie du fait de dépenses
de santé supérieures à leurs moyens avait évolué de 1,8% à 2,5% (De Schutter, 2020, 17). 

Protection sociale post-coronavirus : apprendre du passé

Depuis le début du coronavirus, les mesures de protection sociale ont proliféré. En septembre
2020, 1407 mesures ont été adoptées par 208 pays et territoires (De Schutter, 2020, 4). L’Afgha-
nistan a par exemple lancé un programme représentant 1,6% du PIB d’aide aux ménages dont le
revenu est inférieur ou égal à 2 dollars par jour, ce qui correspond à 90% de la population
(Banque mondiale, 2020, 18). Les mesures budgétaires prises par l’Indonésie depuis mars 2020
et qui se décomposent en quatre séries représentent 4,2% du PIB. (Banque mondiale, 2020, 18).
Ces mêmes mesures incluent par ailleurs les travailleurs du secteur informel, fait suffisamment
rare pour être remarqué. 

Effectivement si cette prolifération de mesures est notable, elles reflètent cependant des imper-
fections habituelles. 

L’inclusion ou plutôt la non-inclusion de certaines catégories en fait partie. Ainsi certaines per-
sonnes marginalisées et/ou vulnérables peuvent rencontrer des difficultés d’accès à la protec-
tion sociale. On peut citer parmi celles-ci les travailleurs migrants (avec ou sans papiers), les ré-
fugiés, les personnes handicapées, les personnes qui ont le VIH ou le sida, les membres de la
communauté LGBT, les consommateurs de drogues. En Inde, les personnes ayant le VIH ou le
sida sont plus susceptibles d’être victimes de discrimination quant à l’accès à la protection so-
ciale et font partie des personnes les plus pauvres et marginalisées (PNUD, 2016, 53). Cela est
d’autant plus problématique que les coûts des soins liés au VIH et au sida sont très onéreux.
Quant aux travailleurs du secteur informel, on observe un cercle vicieux se dessiner car les po-
pulations déjà marginalisées  y sont plus largement employées et ont de fait un accès plus tor-
tueux à la protection sociale liée au travail. 

Par ailleurs, les programmes reflètent peu ou pas de sensibilité à la question du genre et peuvent
même reposer et entériner des stéréotypes et rôles de genre, alors même qu’il a été démontré
que les femmes formaient une catégorie plus susceptible de vivre dans la pauvreté. C’est le cas
du programme brésilien déjà mentionné Bolsa Familia qui repose sur une perception des femmes
en tant que mères et non en tant que citoyennes actives. Parmi les mesures mises en place de-
puis le début du coronavirus, en avril 2020, seulement 11% d’entre elles démontrent une prise
en compte du genre. Ainsi, en Argentine une des mesures instaurées accorde une priorité aux
femmes lorsque plusieurs personnes d’un même ménage font la demande pour cette aide (De
Schutter, 2020, 14). 

Enfin, il y a une crainte que ces mesures connaissent le même sort que celles créées pour sur-
monter la crise de 2008 et qu’elles disparaissent aussitôt après avoir été instaurées. Si cela de-
vait advenir, tout laisse à penser que la prochaine crise aura elle aussi des répercussions de
grande ampleur sur le quotidien des individus en général, sur celui des personnes en situation de
précarité en particulier. 

La dernière leçon que l’on pourrait pour l’instant retenir de la crise sanitaire est le besoin pres-
sant d’une solidarité au-delà des frontières. Certes, les coûts pour financer les systèmes de pro-
tection sociale dans les pays en développement apparaissent peu exorbitants mais une solidarité
internationale reste nécessaire pour les soutenir.  En 2016, le coût d’un système de protection
sociale comprenant la retraite, les allocations familiales et les pensions de handicap se situait
entre 2.2 et 5.7 % du PIB pour les pays d’Asie et d’Afrique subsaharienne (PNUD, 2016, 72).  Dé-
velopper un système complet de protection sociale pour 57 pays à bas revenu et à revenus inter-
médiaires de la tranche inférieure correspondait en 2020 à des dépenses représentant entre
0,3% et 9,8% de leur PIB, avec un coût moyen de 4,2% de leur PIB (HCDH, 2020, 3). Cependant,
les situations sont inégales entre pays et une grande partie des pays en développement sont
dans des situations de dette qui ont en plus été considérablement alourdies par la crise écono-
mique. Le premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a écrit pour le Financial Times que pour beau-
coup de pays africains, le remboursement de la dette était souvent supérieur à leur budget an-
nuel de santé. Par ailleurs, ces pays sont particulièrement sensibles aux chocs extérieurs et il est
redouté que dans des moments de crise, ils soient confrontés à des problèmes de liquidité. D’où
un appel à une solidarité internationale. Du moins, si l’objectif tant affiché d’une réduction de la
pauvreté occupe véritablement une place prioritaire. Dans cette optique, un Fond Mondial pour
la protection sociale est en discussion et a récolté un vaste soutien, notamment de la part du rap-
porteur spécial aux droits de l’homme et sur l’extrême pauvreté. (De Schutter, 2020, 24). 

Cet article désigne le Covid-19 comme une pandémie de la pauvreté. C’est une réalité. Les
chiffres sont incontestables, tant pour démontrer le basculement de millions de personnes en
situation de pauvreté dans le contexte pandémique, que pour démontrer la vulnérabilité des per-
sonnes pauvres face à la pandémie. Mais la réalité est aussi que toute épidémie est une épidémie
de la pauvreté. Déjà en 2011, l’OMS titrait « La tuberculose est une maladie de la pauvreté ».

Il est nécessaire de comprendre que la pauvreté n’est pas juste la question d’avoir un travail ou
non, d’avoir un revenu ou non, ou même d’avoir un revenu décent ou non. C’est également la
question d’avoir ou non accès à des services dits « de base », à des services qui sont fondamen-
taux : c’est avoir accès à une éducation, à un logement, à des soins, à de l’eau potable. Lorsque les
ravages de la pauvreté sont évoqués, on les rapproche du principe fondamental de vivre dans la
dignité. Le rapport entre épidémie et pauvreté met tragiquement en lumière le fait qu’il peut par-
fois simplement s’agir de vivre. 

Ce qu’il nous prouve également c’est que la pauvreté et les épidémies ne frappent pas au hasard.
Et it tl d t êt t hé i l b bilité ’ t l ê
Et que oui tout le monde peut être touché, mais que non la probabilité n’est pas la même pour
tous. La population concernée par Zika de manière disproportionnée a été les femmes en situa-
tion de pauvreté et qui sont marginalisées. Alors même qu’elles sont celles ayant un accès re-
streint aux soins de santé reproductive. Alors même que les complications liées à Zika sont parti-
culièrement critiques dans le cas des femmes enceintes. On ne tombe pas malade simplement
par malchance, parce qu’on a été au mauvais endroit au mauvais moment. Il y a des facteurs
structurels, des déterminants sociaux qui l’expliquent. De même manière, on ne devient pas ou
l’on ne reste pas pauvre par malchance. La pauvreté n’est pas une malédiction qui pèse sur des
individus, des communautés, des populations, des pays. Ce n’est pas un phénomène qui obéit au
hasard, qui échappe à des causes et à des structures. La pauvreté s’entretient. 

La pauvreté est entretenue, non pas par une pandémie quand bien même elle vient fragiliser déjà
les plus vulnérables, mais par une défaillance ou inexistence des systèmes de protection sociale. 
On observe un manque de volonté de les ancrer dans le temps, un manque de qualité, un manque
d’inclusivité. Les mots de Richard Titmuss, cités par le rapporteur spécial sur l’extrême pauvreté
et les droits humains, résonnent d’autant plus dans l’ère du coronavirus : « services to the poor
should not be poor services » (De Schutter, 2020, 24). 

Elle est entretenue par des inégalités profondes et galopantes et que les épidémies ne cessent
d’accroître. Car inégalité et pauvreté sont intrinsèquement liés : Philip Alston avance le fait
qu’une réduction de 1% de l’indice de Gini de chaque pays aurait un impact sur la pauvreté plus
important qu’une augmentation de 1% des prévisions actuelles de croissance (Alston, 2020, 11).

Elle est entretenue par un manque d’ambition et des instruments de mesure inadéquats lorsqu’il
s’agit de s’y attaquer. Non, nous n’aurions probablement pas été la première génération à en finir
avec la pauvreté. Non, nous n’étions pas près d’éradiquer la pauvreté dans le monde. Et cela po-
tentiellement parce que nous n’étions pas prêts pour éradiquer la pauvreté dans le monde. Si la
manière de mesurer la pauvreté présente un taux bien plus faible qu’il ne l’est en réalité, si les
causes structurelles ne sont pas identifiées et adressées sur le long-terme, il apparaît peu pro-
bable que le premier objectif des SDG « pas de pauvreté » soit atteint.

Ces déconvenues ne doivent pas être une raison pour s’abandonner au fatalisme ou au cynisme.
D’après Olivier de Schutter, « The world was ill-equipped to deal with this pandemic, but it does not
have to be. » (De Schutter, 2020, 24). Un nombre conséquent de nouveaux outils pour mesurer et
pour adresser la pauvreté ont été mis au point en intégrant les niveaux de vie et les droits de
l’Homme. Différents textes existent qui appellent à la mise en place de systèmes de protection
sociale, comme c’est le cas pour la recommandation 202 de l’OIT, ou l’Observation générale n°19
du Comité des Droits Économiques, Sociaux et Culturels. Différents appels à travers le monde
ont été lancés à la solidarité internationale et à la redistribution. Les mesures de protection so-
ciale ont été multipliées dans le contexte de la pandémie et cela montre qu’elles ne dépendent
bien souvent que d’une volonté politique Certes les systèmes et mesures mis en place ne sont
bien souvent que d une volonté politique. Certes, les systèmes et mesures mis en place ne sont
pas parfaits, et plusieurs défauts ont déjà été identifiés. Mais ce diagnostic est une première
étape à leur correction, et il est à espérer que les problématiques desquelles ils relèvent soient
adressées dans le futur.  Et il est à espérer que ces mesures survivront au Covid-19, pour s’ancrer
dans un temps long et permettre aux individus de vivre et de vivre dignement. 

Lou Devaux

 1 Pour des raisons de clarté les seuils seront exprimés comme ceci : 1.9$, 3.2$, etc

2 Voir les Poverty and Equity Briefs de chaque pays, les données sont de 2020

3 Par « pays les plus pauvres » s’entend ici les pays avec le PIB/habitant le plus bas.

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