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Université Jean Moulin Lyon 3

Faculté de droit
Année 2021-2022

Cours : Professeur associé Xavier DELPECH

FINANCEMENT DES ENTREPRISES

Séance n°2 : La distribution du crédit

I. JURISPRUDENCES :

➢ Cass. ass. plén. 9 oct. 2006, n° 06-11.056


➢ Com. 25 oct. 2017, n° 16-16.839
➢ Civ. 1re, 28 nov. 2012, n° 11-26.477
➢ Com. 11 avr. 2018, n° 15-27.133
➢ Com. 20 avr. 2017, n° 15-16.316
➢ Com. 12 juill. 2017, n° 16-10.793
➢ Civ. 1re, 5 janv. 2022, 4 arrêt : n° 20-17.325 ; n° 20-16.031, n° 19-24.436, n° 20-18.893 et n°
20-16.350

NB : les décisions ne sont pas toutes reproduites en intégralité.

II. CAS PRATIQUE


I. JURISPRUDENCES

Cass. ass. plén. 9 oct. 2006, n° 06-11.056

Sur le premier moyen du pourvoi formé par le CDR créances, pris en sa troisième branche, et
le quatrième moyen du pourvoi formé par le Crédit lyonnais, pris en sa première branche, réunis
:

Vu les articles 1134 et 1147 du code civil ;

Attendu que pour retenir la responsabilité du CDR créances et du Crédit lyonnais, l'arrêt retient
que le groupe Crédit lyonnais avait manqué à ses obligations de banquier mandataire en
s'abstenant de proposer au groupe X... le financement constitué par les prêts à recours limité
qu'il avait octroyés à certains des cessionnaires des participations litigieuses ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il n'entre pas dans la mission du mandataire de financer l'opération
pour laquelle il s'entremet et que, hors le cas où il est tenu par un engagement antérieur, le
banquier est toujours libre, sans avoir à justifier sa décision qui est discrétionnaire, de proposer
ou de consentir un crédit quelle qu'en soit la forme, de s'abstenir ou de refuser de le faire, la
cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident éventuel :

Attendu que les mandataires liquidateurs demandent, dans le cas où une cassation serait
prononcée sur l'un ou l'autre des pourvois principaux, de casser les dispositions de l'arrêt ayant
limité la réparation du préjudice subi par le groupe X... au tiers du gain dont il avait été privé :

Mais attendu que les termes de la cassation prononcée sur les pourvois principaux rendent le
moyen sans objet ;

Et attendu que l'arrêt étant cassé en ce qu'il a retenu que les banques avaient commis une faute
engageant leur responsabilité, il n'y a pas lieu de statuer sur les griefs critiquant l'appréciation
du préjudice qui aurait été causé par cette faute ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement du chef des condamnations prononcées contre le CDR
créances et le Crédit lyonnais, l'arrêt rendu le 30 septembre 2005, entre les parties, par la cour
d'appel de Paris ;

remet, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et,
pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Com. 25 oct. 2017, n° 16-16.839

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 février 2016), que, confrontée à des difficultés
financières, la société AMG Compagnie (la société AMG) a demandé à la société Crédit
industriel et commercial (le CIC) de renouveler les lignes de crédits que cette banque lui
accordait depuis plusieurs années ; que, par lettre du 25 février 2011, le CIC a donné son accord
au renouvellement de ces crédits, en en modifiant certaines modalités, jusqu'au 31 mai 2011, à
la condition que lui soient communiquées, d'ici là, les "situations comptables les plus abouties
possible arrêtées au 30 mars 2011" et que les cautionnements antérieurement souscrits par les
deux fondateurs, dirigeants et actionnaires principaux de la société, MM. C... et Gabriel Y...,
soient portés à la somme totale en principal de 1 000 000 euros, pour une durée de cinq ans ;
que la société AMG a accepté ; qu'après avoir, dans l'attente de la présentation de la situation
comptable demandée, prolongé ses concours jusqu'au 30 juin 2011, le CIC a, le 1er juillet
suivant, informé la société AMG qu'il était disposé à les renouveler à l'identique pour une durée
déterminée courant du 1er juillet au 31 octobre 2011, en se réservant la possibilité de réduire
ses niveaux d'engagement par la suite ; que, le 28 octobre 2011, le CIC a rejeté sans
avertissement une lettre de change-relevé tirée sur la société AMG à échéance du 24 octobre
2011 puis, le 4 novembre suivant, a dénoncé l'ensemble des concours qui lui étaient accordés
jusqu'au 31 octobre 2011 en mettant la société AMG en demeure de lui régler, sous huitaine,
diverses sommes au titre du solde débiteur de ses comptes courants ; que la société AMG et
MM. Y... ont assigné le CIC en responsabilité pour rupture abusive et brutale de crédit et en
nullité des cautionnements pour absence de cause et vice du consentement ; que la société AMG
a été mise en redressement judiciaire le 10 avril 2012 ; que le CIC a, le 27 novembre 2012,
assigné les cautions en exécution de leurs engagements ; que la société AMG ayant bénéficié,
le 25 juin 2013, d'un plan de redressement, M. Z..., désigné commissaire à l'exécution du plan,
est intervenu à la procédure ;

Sur le premier moyen :

Attendu que MM. Y..., la société AMG et M. Z..., ès qualités, font grief à l'arrêt de les débouter
de leur action en responsabilité pour rupture abusive des concours consentis à la société AMG
alors, selon le moyen :

1°/ que la lettre du CIC en date du 25 février 2011 indiquait à la société AMG Compagnie :
"Nous vous confirmons que nous renouvelons nos lignes de crédit en faveur de AMG
Compagnie jusqu'au 31 mai 2011, à savoir (i) escompte 700 K euros (ii) ligne globale de 3,5 M
euros utilisable sous forme de Credoc, ou découvert avec sous plafond de 400 K euros ou
avances en devises avec sous plafond de 950 K euros (iii) change à terme 3,5 M euros. D'ici là
vous serez en mesure de nous fournir les situations comptables les plus abouties possibles
arrêtées au 30 mars 2011 puisque nous avons noté que vous prolongiez de 6 mois, soit jusqu'au
30/9/2011 l'exercice social de vos sociétés" ; qu'il résulte des termes clairs et précis de cette
lettre qu'elle a modifié, pour la période courant jusqu'au 31 mai 2011, les seules modalités des
concours financiers consentis à durée indéterminée depuis 2003, le temps pour la société AMG
Compagnie de fournir les situations comptables les plus abouties possibles arrêtées au 30 mars
2011, sans pour autant en changer la nature et y substituer des concours à durée déterminée ;
qu'en décidant néanmoins que les parties avaient convenu, non pas de modifier les modalités
des concours financiers, mais de leur fixer un terme, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs
et précis de la lettre du 25 févier 2011 et a ainsi violé le principe de l'interdiction faite aux juges
de dénaturer les documents de la cause, ensemble l'article 1134 du code civil ;
2°/ que l'intention de nover, qui ne se présume pas, doit résulter clairement de l'acte ; que
l'intention de remplacer des concours financiers à durée indéterminée par des concours
financiers à durée déterminée doit résulter clairement de l'acte ; qu'en se bornant à affirmer que
la lettre du 25 février 2011 avait substitué des concours à durée déterminée aux concours à
durée indéterminée, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la lettre du 25 février 2011
caractérisait une intention de nover, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard
de l'article 1273 du code civil ;

Mais attendu, d'une part, que c'est par une interprétation, exclusive de dénaturation, des termes
des lettres adressées par le CIC à la société AMG les 25 février et 1er juillet 2011, que leur
ambiguïté rendait nécessaire, que l'arrêt retient que les parties étaient convenues, non de
modifier les modalités des concours bancaires mais de leur fixer un terme, en substituant des
crédits à durée déterminée à ceux qui étaient précédemment accordés à la société AMG pour
une durée indéterminée ;

Et attendu, d'autre part, que c'est à bon droit que la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer des
recherches que ses constatations rendaient inopérantes, a retenu que les concours à durée
déterminée n'avaient pas été brutalement rompus ou abusivement dénoncés mais, après un
renouvellement, avaient pris fin par la survenance de leur terme, sans qu'il soit nécessaire pour
la banque de respecter un préavis

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :

Attendu que MM. Y..., la société AMG et M. Z..., ès qualités, font le même grief à l'arrêt alors,
selon le moyen, que constitue un comportement déloyal le fait pour une banque, après avoir
substitué aux concours financiers octroyés à un client pour une durée indéterminée des concours
financiers à durée déterminée, de cesser brutalement de renouveler ces concours financiers, sans
en informer à l'avance son client qui, ayant bénéficié de concours à durée indéterminée pendant
douze ans, a légitimement pu croire en leur renouvellement ; qu'en considérant que le CIC
n'avait pas eu un comportement déloyal, après avoir pourtant constaté d'une part, que le CIC
avait consenti jusqu'au 25 février 2011 des concours financiers à durée indéterminée pendant
douze ans, d'autre part, que le CIC avait prorogé puis renouvelé les concours financiers à durée
déterminée en juin et en juillet 2011, puis avait cessé brutalement, sans préavis, de les
renouveler, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres
constatations, a violé l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu que la décision d'un établissement de crédit de ne pas renouveler un concours
revêt un caractère discrétionnaire, de sorte que le banquier n'est responsable du fait d'une telle
décision de refus que s'il est tenu par un engagement ; que le renouvellement de concours
bancaires à durée déterminée succédant à un concours à durée indéterminée, auquel il a été mis
fin avec préavis, n'étant pas, à lui seul, de nature à caractériser l'existence d'une promesse de
reconduction du crédit au-delà du terme, le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que MM. Y..., la société AMG et M. Z..., ès qualités, font le même grief à l'arrêt alors,
selon le moyen, qu'engage la responsabilité de son auteur, le fait de rompre brutalement une
relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation
commerciale ; qu'en se bornant à affirmer que la banque n'avait pas rompu brutalement ses
concours financiers dès lors que le dernier contrat à durée déterminée était arrivé à son terme,
sans rechercher, comme elle y était invitée, si dans la mesure où, d'une part, la société AMG
Compagnie avait bénéficié de concours financiers à durée indéterminée depuis douze ans et,
d'autre part, que depuis le 25 février 2011, les concours financiers avaient été prorogés puis
renouvelés, sans difficulté, la société AMG Compagnie ne pouvait légitimement s'attendre au
renouvellement des concours financiers à l'échéance des précédents, en sorte que la rupture
brutale et sans préavis de la relation commerciale revêtait un caractère fautif, la cour d'appel a
privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce ;

Mais attendu que les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce relatives à la
responsabilité encourue pour rupture brutale d'une relation commerciale établie ne s'appliquent
pas à la rupture ou au non-renouvellement de crédits consentis par un établissementde crédit à
une entreprise, opérations exclusivement régies par les dispositions du code monétaire et
financier ; que, par ce motif de pur droit, substitué, après avertissement délivré aux parties, à
ceux critiqués, la décision se trouve justifiée ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen, pris en sa deuxième branche :

Attendu que MM. Y... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes tendant à voir déclarer nuls
leurs actes de cautionnement solidaire de la société AMG et de les condamner à payer
respectivement au CIC les sommes principales de 600 122 euros et de 600 244 euros et,
solidairement, la somme principale de 234 844,19 euros alors, selon le moyen, que l'obligation
sans cause ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet ; qu'en se
bornant à considérer que la cause des cautionnements des 11 mars 2011 et 16 juin 2011 résidait
dans l'obtention ou le maintien des concours qui avaient été accordés au débiteur principal, sans
rechercher, comme elle y était invitée, si un renouvellement des concours pour la seule durée
de quelques mois ne constituait pas une contrepartie dérisoire aux actes de cautionnement
donnés pour une durée de 5 années, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard
de l'article 1131 du code civil ;

Mais attendu que l'obligation résultant du cautionnement consenti en garantie du


remboursement de concours financiers n'est pas sans cause au sens de l'article 1131 du code
civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, du seul fait
que ces concours n'auraient été renouvelés que pour une durée de quelques mois, tandis que le
cautionnement aurait été souscrit pour une durée de cinq ans ; que la cour d'appel n'avait, dès
lors, pas à effectuer la recherche inopérante invoquée par le moyen ; que celui-ci n'est pas fondé
;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le deuxième
moyen, pris en sa seconde branche, ni sur le quatrième moyen, pris en ses première, troisième
et quatrième branches, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;
Civ. 1re, 28 nov. 2012, n° 11-26.477

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 8 septembre 2011), que les époux X... ont, le 12 juillet
2000, contracté auprès de la société LCL Le Crédit lyonnais (la banque) un prêt immobilier
d'un montant de 2 240 000 francs destiné à l'acquisition d'un appartement en l'état futur
d'achèvement en vue de sa location avant de contracter auprès de la même banque, le 30 janvier
2001, deux prêts d'un montant total de 500 000 francs pour réaliser des travaux de rénovation
dans leur nouvelle résidence principale rue Boileau à Paris ; qu'une procédure de liquidation
judiciaire ayant été prononcée à l'encontre de M. X... le 17 mai 2004, les époux X... ont le 25
juin 2008 recherché la responsabilité de la banque lui reprochant d'avoir failli à son devoir de
conseil ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de la condamner à payer diverses sommes à la banque
au titre du solde de ces prêts en retenant qu'elle était un emprunteur averti alors, selon le moyen

1°/ que la banque est tenue d'une obligation de mise en garde à l'égard de chacun des
emprunteurs non avertis au moment de la conclusion du contrat de prêt et doit satisfaire à cette
obligation à raison des capacités financières de l'emprunteur et des risques d'endettement nés
de l'octroi du prêt ; qu'en se bornant à affirmer, pour en déduire que la banque n'était tenue
d'aucune obligation de mise en garde à l'égard de M. et Mme X... en tant qu'emprunteurs avertis,
qu'au regard de leur niveau de qualification professionnelle, de leur formation scientifique et de
leur patrimoine ils disposaient des compétences nécessaires pour apprécier le contenu, la portée
et les risques liés aux prêts qui leur avaient été consentis, sans indiquer en quoi la qualification
professionnelle des époux X..., leur formation scientifique ainsi que la composition de leur
patrimoine leur auraient permis de confronter leurs ressources et leur situation patrimoniale
avec les engagements et les risques résultant des emprunts, la cour d'appel a statué par des motifs
inopérants, privant sa décision de base légale au regard de l'article1147 du code civil ;

2°/ que si un prêt est consenti à deux époux, la qualité d'emprunteur averti s'apprécie pour
chacun d'eux séparément ; qu'en affirmant, pour en déduire que M. et Mme X... étaient des
emprunteurs avertis, qu'au regard de leur niveau de qualification professionnelle, de leur
formation scientifique et de la composition de leur patrimoine ils disposaient des compétences
nécessaires pour apprécier le contenu, la portée et les risques liées aux prêts qui leur avaient été
consentis, la cour d'appel, qui ne s'est pas prononcée sur la qualité d'emprunteur averti de chaque
époux séparément, a violé l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que les époux X... avaient nanti au profit de la banque des
titres d'une valeur de 229 094 euros, délégué deux contrats d'assurance sur la vie de 76 225
euros pour le premier prêt, constitué, pour le second, un gage d'instruments financiers d'une
valeur de 119 497 euros, et constaté que M. X..., ingénieur commercial, exerçait lors de la
conclusion du premier contrat, pour un salaire mensuel de l'ordre de 15 300 francs, des fonctions
de directeur commercial et développement au sein de la société Boursopoly, spécialisée dans
les logiciels de jeux de simulations boursières et que son épouse, ingénieur, avait créé une
entreprise de conseil en publicité dont elle était la gérante, qu'ils étaient titulaires dans les livres
de la banque, outre un compte de dépôt joint, de deux PEA sur lesquels ils avaient confié à la
banque un mandat de gestion à orientation "dynamique" ainsi qu'un portefeuille dans les livres
de la société de bourse Wargny évalué à 222 337,76 euros, la cour d'appel qui en a déduit qu'au
regard de leur niveau de qualification professionnelle, de leur formation scientifique, de la
nature des activités exercées par M. X... et de la diversification de leur patrimoine, les époux
X... disposaient des compétences nécessaires pour apprécier le contenu, la portée et les risques
liés aux concours qui leur avaient été consentis et devaient être regardés comme des
emprunteurs avertis, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le second moyen :

Attendu que Mme X... fait encore grief à l'arrêt de la condamner à payer à la banque diverses
sommes au titre du solde de ces prêts alors, selon le moyen :

1°/ que la cassation qui ne manquera d'être prononcée sur le premier moyen, en ce que l'arrêt a
jugé que M. et Mme X... étaient des emprunteurs avertis, de sorte que la banque n'était pas tenue
d'une obligation de mise en garde à leur égard, entraînera par voie de conséquence, la cassation
de l'arrêt en ce qu'il a jugé que la banque n'avait pas manqué à son obligation de conseil au
regard de la qualité des emprunteurs, et ce en application de l'article 625, alinéa 2, du code de
procédure civile ;

2°/ que Mme X... soutenait en cause d'appel que les deux prêts n'étaient pas compatibles avec
les revenus et charges du foyer, dès lors que la part d'endettement du ménage atteignait 61 %
en 2001, de sorte que la banque avait manqué à son devoir de conseil en s'abstenant de les
informer sur les risques d'endettement liés à la conclusion d'un second prêt, alors même que
leur situation financière s'était dégradée; qu'en se bornant à affirmer que la banque n'avait pas
manqué à son devoir de conseil au regard de la qualité des emprunteurs et de l'absence de
complexité des modalités de financement proposés, sans répondre à ce chef de conclusions, la
cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, que faute de cassation prononcée sur le fondement du premier moyen,
la cassation par voie de conséquence sollicitée par la première branche du second moyen ne
peut prospérer ; que, d'autre part, en retenant par motifs propres et adoptés le faible taux
d'endettement au moment de la conclusion des prêts et en relevant que ceux relatifs aux travaux
de l'appartement de la rue Boileau avaient été exécutés sans défaillance par les époux X...
jusqu'à la procédure collective visant le mari, et que rien ne démontrait que la banque eût été
informée de la fragilité de la situation financière de la société qui employait ce dernier, la cour
d'appel a répondu aux conclusions prétendument délaissées ; que le moyen doit être écarté ;

PAR CES MOTIFS ;

REJETTE le pourvoi ;

Com. 11 avr. 2018, n° 15-27.133

Sur le moyen unique du pourvoi n° C 15-27.133, pris en sa première branche, sur le premier
moyen du pourvoi n° A 15-27.798, pris en ses deuxième et quatrième branches, sur le moyen
unique du pourvoi n° N 15-29.442, pris en sa troisième branche, sur le moyen unique des
pourvois incidents n° C 15-27.133, A 15-27.798 et N 15-29.442 relevés par M. et Mme M...,
pris en leur troisième branche, et sur le moyen unique du pourvoi incident n° N 15-29.442 relevé
par M. V..., Mme O... et Mme T..., pris en sa deuxième branche, réunis :

Attendu que Mme X..., Mme Z..., M. C..., Mme B..., M. Loïc A..., la SNC, l’administrateur et
le liquidateur de cette société, M. et Mme M..., M. V..., Mme O... et Mme T... font grief à l’arrêt
d’infirmer le jugement prononcé le 27 mars 2007 par le tribunal de commerce de Cannesen ce
qu’il a condamné le CFF à relever et garantir la SNC et ses associés de toutes les condamnations
prononcées au profit de la société EIA au titre du remboursement du prêt et en ce qu’il a dit que
le CFF serait le débiteur final des condamnations prononcées contre la SNC, de rejeter la
demande de dommages-intérêts de cette société formée contre le CFF, venant aux droits du
CDE, et sa demande de compensation avec les sommes auxquelles elle a été condamnée
solidairement avec ses associés au bénéfice de la société EIA, cessionnaire de la créance, alors,
selon le moyen :

1°/ que l’établissement de crédit prêteur de deniers est tenu d’un devoir de mise en garde envers
l’emprunteur profane ; que, lorsque l’emprunteur est une société en nom collectif, au sein de
laquelle chaque associé est solidairement tenu des dettes sociales, l’étendue du devoir de mise
en garde s’apprécie en considération de la personne de chaque associé, assimilé à un
coemprunteur ; qu’en l’espèce, Mme X... et Mme Z... rappelaient que la forme sociale retenue
reposait sur une solidarité entre associés et faisaient valoir qu’en conséquence, la qualité
d’emprunteur averti ou profane devait s’apprécier in concreto pour chaque associé, afin de
s’assurer qu’ils avaient conscience des risques de l’opération ; qu’en l’espèce, la cour d’appel,
pour retenir que la SNC Port Fréjus Investissement avait la qualité d’emprunteur averti, a jugé
que son dirigeant, M. H..., était averti « en sa qualité d’initiateur et de concepteur du projet,
ancien banquier, spécialiste en gestion de patrimoine et en optimisation fiscale » et « avait
l’expérience et la compétence lui permettant d’appréhender pleinement les risques attachés à
l’opération, fût-elle complexe » ; qu’elle a également jugé qu’il n’était pas possible de soutenir
que dans une SNC, la qualité d’emprunteur averti ne pouvait s’apprécier que dans la personne
des associés, dès lors que « cette appréciation est incompatible avec la notion de personnalité
morale, la mettre en pratique reviendrait à considérer que le Comptoir des entrepreneurs qui
n’avait qu’un seul cocontractant, avait 21 interlocuteurs » ; qu’en se prononçant ainsi, portant
une atteinte disproportionnée et illégitime au patrimoine des associés en nom collectif profanes,
lesquels étaient créanciers envers la banque d’un devoir de mise en garde sur leurs capacités de
remboursement et le risque d’endettement lié à l’opération projetée, la cour d’appel a violé
l’article 1147 du code civil et l’article 1er du premier protocole additionnel de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que lorsque l’emprunteur est une société en nom collectif, chaque associé est solidairement
tenu des dettes sociales, de sorte que l’étendue du devoir de mise en garde de l’établissement
de crédit prêteur de deniers doit nécessairement s’apprécier en la personne de chaque associé,
assimilé à un co-emprunteur ; qu’en l’espèce, Mme X... et Mme Z... faisaient valoir qu’à travers
la SNC dont elles étaient associées, elles étaient personnellement, solidairement et indéfiniment
tenues des dettes sociales, de sorte que la qualité d’emprunteur averti ou profane devait
nécessairement s’apprécier in concreto pour chaque associé, afin de s’assurer qu’il avait
conscience des risques de l’opération ; qu’en jugeant le contraire et en appréciant la qualité
d’emprunteur averti au regard de son dirigeant, M. H..., quand elle constatait par ailleurs que,
concepteur et initiateur du projet, il avait été apporteur d’affaires du CDE et même rémunéré à
ce titre, ce que les associés ignoraient et ce qui était de nature à révéler un conflit d’intérêts avec
eux, la cour d’appel, qui a débouté Mme X... et Mme Z... de leurs demandes, a porté une atteinte
disproportionnée et illégitime au patrimoine des associés en nom collectif profanes et aviolé
l’article 1147 du code civil et l’article 1er du premier protocole additionnel de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des liberté fondamentales ;

3°/ que le caractère averti de l’emprunteur personne morale s’apprécie in concreto au regard
d’un faisceau d’indices tenant compte non seulement des compétences de son représentant légal
mais aussi des circonstances de la négociation du prêt, de la complexité de l’opération, des
compétences des associés de la personne morale, a fortiori lorsque ceux-ci sont indéfiniment et
solidairement responsables des dettes sociales comme c’est le cas dans une société en nom
collectif, et des informations dont ils disposent réellement pour apprécier les risques présentés
par l’opération financée, ce que le juge doit vérifier ; qu’ainsi, en l’espèce, la cour d’appel ne
pouvait juger que la SNC, même nouvellement créée, était un emprunteur averti au motif
insuffisant que M. H... était un dirigeant averti du fait de son expérience et de ses compétences
quand bien même l’opération était complexe, au motif erroné que l’appréciation de la qualité
d’emprunteur averti de la SNC en la personne de ses associés était incompatible avec la notion
de personnalité morale, et au motif inopérant que mettre en pratique cette appréciation en la
personne des associés reviendrait à considérer que la banque, qui n’avait qu’un seul
cocontractant, avait vingt et un interlocuteurs ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour
d’appel a violé les articles 1147 du code civil et L. 221-1 du code de commerce ;

4°/ que le caractère non averti de l’emprunteur, société en nom collectif, doit s’apprécier dans
la personne des associés, lesquels sont tenus solidairement au passif et sont de véritables co-
emprunteurs ; qu’en décidant du contraire, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil,
l’article L. 221-1 du code de commerce et de l’article 1er du premier protocole additionnel à la
Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

5°/ que le caractère non averti de l’emprunteur, quand celui-ci est une société en nom collectif
dont tous les associés sont tenus indéfiniment et solidairement des dettes sociales et que le prêt
a été consenti en considération de leur surface financière personnelle et de leur engagement
d’apporter des fonds propres à la société, doit s’apprécier in concreto dans la personne de
chacun d’entre eux ; qu’en jugeant le contraire, après avoir cependant constaté que les prêts du
CDE, source exclusive de financement de l’opération litigieuse, avaient été accordés à la SNC
en fonction de l’engagement pris par les associés dans le cadre des statuts de la SNC de couvrir
tous ses besoins de trésorerie, de sorte que si la banque n’avait qu’un cocontractant, elle avait
en réalité 21 obligés, la cour d’appel a violé les articles 1147 du code civil et L. 221-1 du code
de commerce, ensemble l’article premier du premier protocole additionnel de la convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que le caractère averti de l’emprunteur, personne morale, s’apprécie en la


personne de son représentant légal et non en celle de ses associés, même si ces derniers sont
tenus solidairement des dettes sociales ; que le moyen, qui postule le contraire, n’est pas fondé ;

Com. 20 avr. 2017, n° 15-16.316

Donne acte à la société Crédit immobilier de France développement, venant aux droits de la
société Crédit immobilier de France Centre Est à la suite d'une opération de fusion-absorption,
de ce qu'elle reprend l'instance au lieu et place de celle-ci ;
Sur le second moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 25 février 2015), que par des actes authentiques reçus le
27 avril 2007, la SCI BFC (la société), dont Mme Florence X... et sa fille Charlotte X... étaient
les associés fondatrices, cette dernière étant gérante, a souscrit, auprès de la société La
Financière régionale pour l'habitat Bourgogne-Franche Comté et Allier, devenue la société
Crédit immobilier de France Centre-Est-CIF (la banque), quatre prêts moyennant un taux
d'intérêt nominal révisable ; que le 26 septembre 2008, les parties ont modifié les conditions
des prêts en les soumettant à un taux d'intérêt fixe ; que soutenant que la banque avait manqué
à ses devoirs d'information et de mise en garde quant au caractère variable du taux d'intérêt
stipulé dans les prêts initiaux, la société a assigné la banque en paiement de dommages-intérêts
;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande alors, selon le moyen :

1°/ que seul peut être considéré comme averti le client dont les capacités et l'expérience lui
permettent d'apprécier les caractéristiques et les risques de l'opération de crédit qu'il souscrit ;
qu'en se bornant à relever que l'objet social de la société faisait d'elle une professionnelle de
l'immobilier, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la société, ses associées et sa gérante
n'étaient pas dépourvues de toute expérience dans le secteur des opérations immobilières, la
cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
2°/ que les obligations d'information et de mise en garde pesant sur la banque lui imposent
d'attirer spécialement l'attention de l'emprunteur non averti sur les caractéristiques du prêt, ses
charges et ses risques, peu important que les caractéristiques du crédit soient clairement
mentionnées au contrat ; qu'en jugeant que la banque n'avait pas manqué à ses obligations
d'information et de mise en garde de la société, au motif inopérant que les mentions du contrat
étaient claires et qu'il n'existait aucun risque d'insolvabilité, sans rechercher si la banque avait
exposé à la société les caractéristiques objectives des crédits, et notamment la stipulation d'un
taux variable, et l'avait mise en garde contre les charges du prêt et les risques d'endettement
excessif, en lui présentant notamment les risques de la stipulation d'un taux variable en la
comparant à la stipulation d'un taux fixe, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au
regard de l'article 1147 du code civil ;
3°/ que soutenant que « si le projet de la SCI était viable avec un taux fixe à 4, 80 %, il ne l'était
plus à 6 %... », la société prétendait bien qu'elle était exposée à un risque d'insolvabilité dans
les conditions dans lesquels les contrats litigieux avaient été initialement souscrits sans que la
banque n'accomplisse, à son égard, son obligation d'information et de mise en garde, notamment
sur la stipulation d'un taux d'intérêt variable ; qu'en retenant pourtant, pour exclure tout
manquement de la banque à ses devoirs d'information et de mise en garde, que la société ne
prétendait pas être exposée à un risque d'insolvabilité, la cour d'appel a dénaturé les conclusions
de la demanderesse en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'obligation de mise en garde à laquelle peut être tenu un
établissement de crédit à l'égard d'un emprunteur non averti avant de lui consentir un prêt ne
porte que sur l'inadaptation de celui-ci aux capacités financières de l'emprunteur et sur le risque
de l'endettement qui résulte de son octroi, et non sur les risques de l'opération financée ; que,
contrairement à ce que soutient la troisième branche, les conclusions qu'elle invoque ne
prétendaient pas que les conditions des contrats de prêts initiaux avaient exposé la société à un
risque d'insolvabilité, mais uniquement que l'opération financée n'était pas viable ; qu'ayant
ainsi, sans encourir le grief de dénaturation, constaté que la société ne soutenait pas être exposée
à un risque d'insolvabilité et ayant relevé que les incidents de paiement survenus étaient liés au
différend des parties quant au montant des échéances, faisant ainsi ressortir que la société
n'alléguait pas qu'à la date où ils avaient été souscrits, ses engagements étaient inadaptés à ses
capacités financières ou qu'il existait un risque d'endettement né de l'octroi des prêts, la cour
d'appel, abstraction faite des motifs, devenus inopérants, critiqués par les autres branches, a
légalement justifié sa décision ;

Attendu, en second lieu, qu'ayant relevé que chacun des actes authentiques du 27 avril 2007
mentionne de façon parfaitement claire dans les conditions particulières, au paragraphe intitulé
« taux d'intérêts », que le taux nominal du prêt est révisable puis détaille sur plusieurs pages les
conditions et modalités de révision du taux nominal, que la gérante et l'associée ont paraphé
chacune des pages, et que ces conditions et modalités étaient également précisées dans la lettre
qui leur a été envoyée le 16 février 2007 contenant le modèle des actes authentiques aux fins
d'information, la cour d'appel a recherché si la banque avait informé la société sur les
caractéristiques objectives des crédits, et notamment la stipulation d'un taux variable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier
moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi ;

Com. 12 juill. 2017, n° 16-10.793

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la caisse de Crédit mutuel de Villeneuve-lès-
Avignon que sur le pourvoi incident relevé par Mme X... ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 19 novembre 2015), qu'afin de financer la


création d'un commerce de puériculture, la Caisse de Crédit mutuel de Villeneuve-lès-Avignon
(la Caisse) a, par un acte du 5 octobre 2010, consenti à la société KP Jade un prêt d'un montant
de 81 000 euros, garanti par le cautionnement souscrit le même jour par Mme X..., gérante de
cette société, dans la limite de 48 600 euros et pour une durée de neuf ans ; que, le 6 mai 2011,
la Caisse a consenti à la société une facilité de caisse d'un montant de 8 400 euros, en garantie
de laquelle Mme X... s'est rendue caution, dans la limite de cette seule somme et pour une durée
de vingt-quatre mois ; que la société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires,
la Caisse, après avoir déclaré ses créances, a assigné en paiement la caution, qui a recherché sa
responsabilité ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses première et deuxième branches :

Attendu que la Caisse fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à Mme X... la somme de 50
000 euros à titre de dommages-intérêts, avec intérêt au taux légal, alors, selon le moyen :

1°/ que la banque n'est tenue d'un devoir de mise en garde relatif au risque d'endettement
qu'envers la caution non avertie ; que la caution dirigeante du débiteur garanti doit être
considérée comme avertie, sauf circonstances particulières ; qu'en l'espèce, la Caisse faisait
valoir que Mme X... dirigeait la société KP Jade, dont elle était l'unique associée, et qu'elle
détenait toutes les informations nécessaires pour apprécier la portée des engagements souscrits
comme en attestaient plusieurs documents comptables prévisionnels ; que la cour d'appel a
pourtant considéré que Mme X... était une caution non avertie en "l'absence de formation
particulière et d'expérience [...] en matière de gestion de société" et dès lors qu'il n'était pas
démontré "qu'elle disposait des compétences pour mesurer les enjeux réels et les risques liés à
l'octroi du prêt ainsi que la portée de son engagement de caution" ; qu'en se prononçant ainsi,
par des motifs généraux impropres à exclure la qualité de caution avertie, et tandis qu'elle avait
constaté que Mme X... était dirigeante de la société cautionnée et qu'elle avait eu recours à un
cabinet extérieur pour établir des documents prévisionnels, ce dont il résultait que Mme X...
avait la qualité de caution avertie et que la Caisse n'était redevable envers elle d'aucun devoir
de mise en garde sur le risque d'endettement lié à la souscription du cautionnement, la cour
d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

2°/ que le banquier n'est tenu d'un devoir de mise en garde envers la caution non avertie qu'à la
condition de démontrer l'octroi par la banque cautionnée d'un crédit excessif au débiteur garanti
; que lorsqu'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation
judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices
subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la
gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont
disproportionnées à ceux-ci, que si les concours consentis sont en eux-mêmes fautifs ; qu'en
l'espèce, la Caisse faisait valoir que la société KP Jade avait été placée en redressement
judiciaire le 8 juin 2011 et que Mme X... ne démontrait, ni le caractère fautif de l'octroi du prêt
ni l'un des cas d'ouverture prévu par l'article L. 650-1 du code de commerce ; que la cour d'appel
a considéré que "l'endettement excessif lié à l'octroi du prêt de 81 000 euros est établi alors que
s'ajoutait d'emblée le loyer de 1 195 euros par mois aux échéances de remboursement du crédit
de 1 1134,90 euros par mois", et relevé que Mme X... avait eu la volonté d'obtenir initialement
un prêt de 46 875 euros, qu'elle avait effectué des travaux pour un montant de 62 341,64 euros,
les lieux ayant été transformé par la Caisse après le départ de la société KP Jade, qu'une facilité
de caisse avait été octroyée à la société KP Jade alors "en difficulté financière importante", que
M. Y..., dirigeant de la SCI bailleresse avait, en cette dernière qualité, refusé un report de
règlement des loyers après avoir donné un "avis particulièrement négatif sur le chiffre d'affaires
et les perspectives d'évolution de la société" et que la banque était "intéressée à l'opération de
rénovation des locaux" ; qu'en se prononçant ainsi, sans caractériser en quoi l'octroi du prêt et
de la facilité de caisse aurait été en soi fautif ni en quoi cet octroi, à le supposer fautif, aurait
caractérisé une fraude ou une immixtion de la part de la banque, la cour d'appel a privé sa
décision de base légale au regard de l'article L. 650-1 du code de commerce et de l'article 1147
du code civil ;

Mais attendu, d'une part, que, sous le couvert d'un grief infondé de manque de base légale, le
moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges du fond qui, après
avoir constaté que l'absence de formation particulière et d'expérience de Mme X... en matière
de gestion de société n'était pas contestée et que la société dont elle avait cautionné les
engagements venait d'être constituée, ont retenu que sa qualité de caution avertie ne saurait
résulter de son seul statut de dirigeante de la société quand il n'était pas démontré qu'elle
disposait des compétences pour mesurer les enjeux réels et les risques liés à l'octroi du prêt ainsi
que la portée de son engagement de caution, peu important qu'elle eût recours à un cabinet
extérieur pour établir des documents prévisionnels ;

Attendu, d'autre part, que les dispositions de l'article L. 650-1 du code de commerce régissent,
dans le cas où le débiteur fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de
liquidation judiciaires, les conditions dans lesquelles peut être recherchée la responsabilité d'un
créancier en vue d'obtenir la réparation des préjudices subis du fait des concours consentis ;
qu'elles ne s'appliquent pas à l'action en responsabilité engagée contre une banque par une
caution non avertie qui lui reproche de ne pas l'avoir mise en garde contre les risques de
l'endettement né de l'octroi du prêt qu'elle cautionne, cette action tendant à obtenir, non la
réparation d'un préjudice subi du fait du prêt consenti, lequel n'est pas nécessairement fautif,
mais celle d'un préjudice de perte de chance de ne pas souscrire ledit cautionnement ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen de ce pourvoi, pris en sa première branche :

Attendu que la Caisse fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen, que le juge doit réparer
le dommage sans qu'il en résulte pour la victime ni perte ni profit ; que la réparation d'une perte
de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait
procuré cette chance si elle s'était réalisée ; qu'en l'espèce, la Caisse soutenait que Mme X... ne
pouvait se prévaloir, au mieux, que d'une perte de chance, laquelle était nulle puisque Mme X...
ne démontrait pas que, même informée du risque d'endettement, elle n'aurait pas consenti les
cautionnements litigieux, dans la mesure où elle avait un intérêt évident à garantir sa propre
société ; que la cour d'appel s'est bornée à retenir que Mme X... avait perdu une chance de ne
pas contracter du fait de la défaillance de la banque et d'éviter de se trouver ainsi débitrice de
sommes envers la Caisse ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée,
si, même mise en garde, Mme X... aurait tout de même consenti les cautionnements litigieux
afin de garantir la société KP Jade, dont elle était la gérante et l'unique associée, la cour d'appel
a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu qu'après avoir constaté que Mme X... n'a pas été alertée par la banque sur le risque
de non-remboursement du prêt excessif consenti, le 5 octobre 2010 à la société KP Jade et sur
les conséquences qui allaient en découler sur sa situation patrimoniale et qu'elle a même souscrit
un deuxième engagement de caution le 6 mai 2011 dans le cadre de la facilité de caisse accordée
à la société KP Jade alors en difficulté financière importante, l'arrêt relève que Mme X... voulait
initialement obtenir un financement bancaire d'un montant de 46 785 euros avec des
immobilisations corporelles prévues pour un montant de 21 400 euros, mais que la société KP
Jade a souscrit un prêt de 81 000 euros après avoir conclu un bail commercial, moyennant un
loyer annuel fixé à 21 600 euros HT, dont la suspension était prévue jusqu'en janvier 2011 afin
de lui permettre de réaliser des travaux de rénovation et d'aménagement, ce qu'elle a fait pour
un montant de 62 341,64 euros, et qui ont profité à la Caisse, puisque le bailleur, qui était sa
filiale, était intéressé à l'opération de rénovation des locaux ; que, par ces constatations et
appréciations, faisant ressortir que si elle avait été mise en garde, Mme X... ne se serait pas
nécessairement engagée, la cour d'appel, qui a effectué la recherche prétendument omise, a
légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier
moyen, pris en sa troisième branche, ni sur le second moyen, pris en sa seconde branche, du
pourvoi principal, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident, qui est éventuel :

REJETTE le pourvoi principal ;


II. CAS PRATIQUE

Monsieur X, entrepreneur dans l’âme, a souhaité acquérir un restaurant afin de se consacrer à


sa passion, la cuisine. Il s’est ainsi rapproché de la banque BPN afin d’obtenir un prêt.
La banque ayant exigé un cautionnement, Monsieur X a convaincu son cousin Charles, maitre-
nageur, de se porter caution.

Le 15 septembre 208, un prêt d’un montant de 70 000 euros a été accordé à Monsieur X.

La signature du prêt a eu lieu rapidement entre deux rendez-vous et aucune information n’a été
donnée à Monsieur X et son cousin.
Seulement après 10 mois d’exercice, le tribunal de commerce de LYON a prononcé la
liquidation judiciaire de l’emprunteur.

Monsieur X, vous consulte afin de savoir s’il peut engager la responsabilité de la banque.

Cette dernière lui a rétorqué que de toute façon, elle était protégée par l’article L.650-1 du code
de commerce.

Qu’en pensez-vous ?

Après avoir traité le cas pratique : la solution aurait elle été différente, concernant le
devoir de mise en garde, si le cautionnement avait été accordé le 2 janvier 2022 ?

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