Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Patrice Reis
© Association internationale de droit économique | Téléchargé le 05/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.128.95)
ISSN 1010-8831
ISBN 9782807393189
DOI 10.3917/ride.331.0011
Article disponible en ligne à l'adresse :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
https://www.cairn.info/revue-internationale-de-droit-economique-2019-1-page-11.htm
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les
limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la
licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie,
sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de
l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage
dans une base de données est également interdit.
Patrice REIS 1
© Association internationale de droit économique | Téléchargé le 05/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.128.95)
© Association internationale de droit économique | Téléchargé le 05/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.128.95)
Résumé : Le droit de la concurrence est considéré à juste titre comme étant le cœur
de l’ordre public économique, cependant le droit de la concurrence est trop sou-
vent limité à la seule prise en compte du droit antitrust. Dans la défense de l’ordre
public économique, il n’est pas et ne peut être ainsi limité, le droit des pratiques
restrictives de concurrence et, dans une moindre mesure, le droit de la concurrence
déloyale contribuent aussi à la sauvegarde de l’ordre public économique.
1 Introduction
2 Atteintes à la concurrence et ordre public économique
2.1 Le droit antitrust et l’ordre public économique
2.2 L’intervention des pouvoirs publics sollicitée ou imposée par les pouvoirs privés
économiques et l’ordre public économique
3 Excès de concurrence et ordre public économique
3.1 Désorganisation du marché, concurrence déloyale et ordre public économique
3.2 Pratiques restrictives de concurrence et ordre public économique
1 INTRODUCTION
Le droit de la concurrence, cœur du droit économique 2, est une discipline qui, par
essence même, se situe au confluent des notions d’ordre public économique et de
© Association internationale de droit économique | Téléchargé le 05/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.128.95)
oligopolistiques dans un contexte mondial, y compris dans des secteurs d’activités
marqués par des innovations dites disruptives comme l’incarnent les GAFAM 7.
Le contrôle de l’exercice du pouvoir économique au titre de l’ordre public
économique en droit de la concurrence se traduit certes par un droit visant à limi-
ter les atteintes à la libre concurrence, incarné par le contrôle des concentrations
et le droit des pratiques anticoncurrentielles ou encore par le contrôle des aides
publiques, mais aussi par un droit qui vise à contrôler les excès de concurrence
incarné par tout un ensemble de pratiques excessives de concurrence que l’on
peut qualifier de déloyales, d’agressives ou encore de restrictives de concurrence.
© Association internationale de droit économique | Téléchargé le 05/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.128.95)
cette distinction formelle ne recouvre pas la réalité. En effet, si le contrôle des
atteintes actuelles ou potentielles à la concurrence, en tant que mode d’organisa-
tion, a pour objet la protection de la libre concurrence, la sanction des excès de
concurrence permet aussi de garantir l’existence même de cette libre concurrence
en assurant au préalable une égalité dans les conditions d’exercice de la concur-
rence, c’est-à-dire dans les conditions d’accès au marché. La sauvegarde de l’ordre
public économique ne peut dès lors être limitée, en droit de la concurrence, au seul
droit antitrust.
L’ordre public économique vise donc, en droit de la concurrence en tant
que gardien des marchés 11, certes à garantir le fonctionnement du marché par la
8. Cette distinction est inscrite dans le Livre IV du Code de commerce avec un Titre II consacré aux
pratiques anticoncurrentielles et un titre IV relatif à la transparence et aux pratiques restrictives.
Il est de tradition d’inclure aussi dans le petit droit de la concurrence, le droit de la concurrence
déloyale ou encore les règles relatives aux clauses de non-concurrence (Y. Serra, « Les fon-
dements et le régime de l’obligation de non-concurrence », RTD com., 1998, p. 8), ce qui a pu
conduire à le percevoir comme un « droit des boutiquiers ». Pour une critique de cette expression,
voir A. Pirovano, M. Salah, « L’abus de dépendance économique : une notion subversive ? »,
LPA, 21 et 24 septembre 1990, sur la connotation boutiquière du droit de la concurrence déloyale,
A. Pirovano, « Pour un droit économique de G. Farjat », RTD civ., 2005, p. 671.
9. Sur l’utilisation de cette expression, voir L. Idot, « L’empiétement du droit de la concurrence sur
le droit du contrat », RDC, 2004, p. 882 ; M. Pedamon, A. Decocq, « Les vingt ans de l’ordon-
nance du 1er décembre 1986 : prologue », Journ. soc., 2006, n° 38, p. 32 ; L. Boy, « L’abus de
pouvoir de marché, contrôle de la domination ou protection de la concurrence », RIDE, 2005,
pp. 27-50.
10. Une partie de la doctrine a pu considérer que ces dispositions relèvent en réalité du droit commun
des obligations puisqu’elles visent à assurer la protection d’un contractant et non celle du mar-
ché. L. Idot, « La protection par le droit de la concurrence », in D. Mazeaud, C. Jamin (dir.), Les
clauses abusives entre professionnels, Paris, Economica, 1998, p. 55 ; L. Vogel, « L’articulation
entre le droit civil, le droit commercial et le droit de la concurrence », RCC, 2000, n° 155, p. 7 ;
J.-Cl. Fourgoux, « Inutilité du droit interne de la concurrence », RJ com., 1989, p. 145. Plus ré-
cemment, voir les propositions du Rapport pour une réforme du droit de la concurrence, sous la
présidence de G. Canivet et F. Jenny, Club des juristes, janvier 2018.
11. M.-A. Frison-Roche, « Les différentes natures de l’ordre public économique », op. cit., p. 152.
Ordre public économique et pouvoirs privés économiques 14
sanction des atteintes à la concurrence (2), mais aussi à lutter contre les excès de
concurrence au nom de la sauvegarde de l’ordre public économique (3).
© Association internationale de droit économique | Téléchargé le 05/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.128.95)
qui ont pour objet d’assurer le maintien de cette contrainte économique pour les
entreprises qu’est la concurrence en assurant la protection de la concurrence sur
le marché (2.1). Cependant l’atteinte à la concurrence ne peut être limitée au seul
contrôle des comportements ou des structures des entreprises, l’intervention des
pouvoirs publics sur le marché lorsqu’elle est sollicitée ou obtenue par les pouvoirs
privés économiques peut aussi constituer une atteinte à la concurrence, c’est là le
rôle du contrôle des aides publiques (2.2).
12. M. Chagny, Droit de la concurrence et droit commun des obligations, coll. Nouvelle bibliothèque
de thèses, Paris, Dalloz, 2004 ; M. Chagny, « L’empiétement du droit de la concurrence sur le
droit du contrat », RDC, 2004, p. 861 ; B. Fages, J. Mestre, « L’emprise du droit de la concur-
rence sur le contrat. Droit du marché et droit commun des obligations », RTD com., 1998, p. 71 ;
F. Dreifuss-Netter, « Droit de la concurrence et droit commun des obligations », RTD civ., 1990,
p. 369.
13. M. Chagny, Droit de la concurrence et droit commun des obligations, op. cit., spéc. n° 385 et s.
Ordre public économique et pouvoirs privés économiques 15
© Association internationale de droit économique | Téléchargé le 05/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.128.95)
public économique. Ainsi, par exemple, la Cour de justice de l’Union européenne
a jugé que le montant de l’amende venant sanctionner la violation des règles de
concurrence est fixé, notamment, en fonction « de la gravité de l’infraction et des
éléments objectifs tels le contenu et la durée des comportements anticoncurrentiels,
leur nombre et leur intensité, l’étendue du marché affecté et la détérioration subie
par l’ordre public économique » 16.
Les pratiques anticoncurrentielles ne sont interdites et sanctionnées que si elles
ont une incidence actuelle ou potentielle sur la concurrence sensible, justifiant ainsi
d’une part que les accords d’importance mineure soient exonérés, car non suscep-
tibles de fausser la concurrence, et d’autre part que les ententes contribuant au
progrès économique soient exemptées de sanctions. Il ne s’agit pas de protéger une
concurrence idéalisée relevant d’un modèle théorique de la concurrence pure et
parfaite, mais bien d’assurer une concurrence effective 17. Néanmoins, les pratiques
unilatérales incarnées par l’abus de position dominante ne bénéficient pas de cette
possibilité d’exemptions au titre de la contribution au progrès économique 18, ce qui
© Association internationale de droit économique | Téléchargé le 05/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.128.95)
d’agir en tant que gardien 22.
Le droit antitrust, c’est aussi le contrôle des concentrations dans la mesure où
le phénomène de concentration économique est à l’origine même de l’apparition
de pouvoirs privés économiques. Ce contrôle a priori ou ex ante vise lui aussi à
garantir le bon fonctionnement concurrentiel des marchés en portant atteinte aux
libertés économiques et particulièrement à la liberté d’entreprendre. Néanmoins, il
a pour caractéristique d’incarner un contrôle des structures de marché et non pas
des comportements à l’inverse du droit des pratiques anticoncurrentielles tout en
étant tourné vers la prospective. De ce fait, il présente un caractère subversif 23,
car aucun acte répréhensible n’a encore été commis, il s’agit d’éviter des atteintes
futures à la concurrence du fait d’une trop forte concentration économique qui
viendrait à créer ou à renforcer une position dominante sur le marché. Ce carac-
tère subversif explique probablement le fait qu’il ne soit apparu en droit interne
et en droit européen de la concurrence qu’assez tardivement par rapport au droit
des pratiques anticoncurrentielles 24. Le contrôle sélectif des concentrations en droit
interne et européen de la concurrence qui suppose le franchissement de certains
seuils quantitatifs en termes de chiffres d’affaires 25 vise le maintien d’une concur-
rence suffisante préservant ainsi l’ordre public économique.
Le maintien du fonctionnement concurrentiel des marchés ne peut être cepen-
dant garanti en ne visant que les seules entreprises, l’ordre public économique vient
aussi limiter les possibilités d’interventions des pouvoirs publics sur le marché,
interventions qui peuvent être sollicitées ou imposées directement ou indirecte-
ment par des pouvoirs privés économiques.
© Association internationale de droit économique | Téléchargé le 05/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.128.95)
© Association internationale de droit économique | Téléchargé le 05/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.128.95)
2.2 L’intervention des pouvoirs publics sollicitée ou imposée
par les pouvoirs privés économiques et l’ordre public
économique
approche critique du contrôle de l’exercice des pouvoirs privés économiques par l’abus de dépen-
dance économique », RIDE, 2013, pp. 579-588 et P. Reis, « Déséquilibres économiques et rela-
tions entre la grande distribution et ses fournisseurs », in S. Menétrey, L. Boy (dir.), Déséquilibres
économiques et le droit économique sous la direction, Bruxelles, Larcier, 2014, chapitre III,
pp. 51-65.
24. Le premier texte sur le contrôle des concentrations en droit interne est la loi de 1977 tandis qu’en
droit européen il a fallu attendre le règlement du 21 décembre 1989 alors que le contrôle des pra-
tiques anticoncurrentielles remonte à la fin de la Seconde Guerre mondiale en France et au Traité
de Rome en 1957.
25. Sur le dépassement de ce critère de contrôle en matière de concentrations dans le secteur du numé-
rique et l’utilisation du critère de la valeur transactionnelle en droit allemand ou autrichien, voy.
P. Reis, « Économie collaborative, plateformes d’intermédiation et droit de la concurrence », in
I. Parachekovova, M. Teller (dir.), Quelles régulations pour l’économie collaborative ? Un défi
pour le droit économique, Paris, Dalloz, 2018, pp. 145-158.
26. Voir, à titre d’illustration, l’accord sur les marchés publics de l’OMC du 15 avril 1994, la version
renégociée en 2011 de cet accord a été ratifiée par l’Union européenne en 2013 pour une entrée en
vigueur en 2014, JOUE, 7 mars 2014 ; E. Clerc, « La mondialisation des marchés publics : bilan
et perspectives de l’accord de l’OMC sur les marchés publics », in Les marchés publics à l’aube
du XXIe siècle, Bruxelles, Bruylant, 2000, p. 141.
Ordre public économique et pouvoirs privés économiques 18
© Association internationale de droit économique | Téléchargé le 05/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.128.95)
aux systèmes de « rulings fiscaux » 30 appréhendés par la Commission européenne
sous l’angle du droit des aides publiques : l’aide publique illégale là aussi porte
atteinte à la concurrence, mais en créant un avantage dans la concurrence pour son
bénéficiaire et un désavantage pour les autres. Le droit des aides publiques n’est
pas uniquement une spécificité européenne, ces dernières sont aussi appréhendées
par le droit du commerce international dans le cadre de l’Organisation mondiale du
commerce et de son Organe de règlement des différends comme, par exemple, le
système américain des aides fiscales à l’exportation 31.
27. On pense ici aux délits de corruption, de prise illégale d’intérêts ou encore en matière de marchés
publics et en délégations de service public au délit de favoritisme. Voir la convention de l’OCDE
sur la lutte contre la corruption des agents publics étrangers dans les transactions commerciales
internationales du 17 décembre 1997, ratifiée par la France, Loi no 2000-595 du 30 juin 2000, D.,
2000, p. 300 ; P. Moulette, « Le rôle de l’OCDE dans la lutte contre la corruption », AJ pénal,
2013, p. 82 ; J. Lelieur, M. Pieth, « Dix ans d’application de la Convention OCDE contre la cor-
ruption transnationale », D., 2008, chron. p. 1086.
28. Le Foreign Corrupt Practices Act of 1977 est à l’origine de la convention de l’OCDE sur la
lutte contre la corruption : P. Montigny, L’entreprise face à la corruption internationale, Paris,
Ellipses, 2006 ; P. Moulette, « Le rôle de l’OCDE dans la lutte contre la corruption », op. cit.
29. P. Montigny, L’entreprise face à la corruption internationale, op. cit. ; J.-H. Robert, « L’affaire
Pétrole contre nourriture », Rev. sociétés, 2018, p. 459.
30. Décision (UE) 2017/1283 de la Commission du 30 août 2016 concernant l’aide d’État SA.38373
(2014/C) octroyée par l’Irlande en faveur d’Apple. La Commission européenne a retenu que
l’Irlande devait obtenir d’Apple la restitution de 13 milliards d’euros d’avantages fiscaux illi-
cites ; F. Jury, « Le régime des aides d’État : un moteur efficace de la politique fiscale euro-
péenne », Rev. UE, 2018, p. 427 ; Décision de la Commission du 21 février 2014 concernant
l’aide d’État SA.38374 (2014/C ex-2014/NN) mise à exécution par les Pays-Bas en faveur de
Starbucks, JOUE, L83/38, 29 mars 2017 ; Décision de la Commission du 21 octobre 2015 concer-
nant l’aide d’État SA.38375 (2014/C ex-2014/NN) mise à exécution par le Luxembourg en faveur
de Fiat, C(2015) 7152 final, JOUE, L 351/1, 22 décembre 2016.
31. Décision du groupe spécial de l’ORD du 8 octobre 1999 relative au traitement fiscal spécial pour
les sociétés de ventes à l’étranger (FSC), confirmée par l’organe d’appel du 20 mars 2000 sur
l’incompatibilité du traitement fiscal accordé par les États-Unis aux sociétés de vente à l’étranger
en tant qu’il constituait une subvention illicite aux exportations. Sur cette affaire et ses suites,
H. Gherari, R. Chemain, Chronique UE-OMC (2006), « Le règlement des différends », RMCUE,
2007, p. 673.
Ordre public économique et pouvoirs privés économiques 19
Avec le contrôle des aides publiques ou des infractions tenant à la probité des
agents publics, l’on constate qu’il s’agit bien d’éviter des atteintes à la concurrence
et d’assurer la sauvegarde du fonctionnement concurrentiel des marchés, mais dans
ce cadre apparaît un élément quelque peu atypique par rapport au droit antitrust.
Cet élément étant la nécessité de garantir l’égalité des conditions d’accès au marché
et donc des conditions d’exercice de la concurrence : la liberté de la concurrence
n’est que purement formelle sans la garantie préalable de l’égalité des conditions
d’accès au marché. Cette notion d’égalité dans les conditions d’accès au marché se
retrouve lorsque l’on passe en droit de la concurrence des atteintes à la concurrence
aux excès de concurrence.
© Association internationale de droit économique | Téléchargé le 05/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.128.95)
Les excès de concurrence ont tendance à être exclus de la sauvegarde de l’ordre
public économique dans la mesure où il ne s’agirait plus de protéger directement la
concurrence comme peut le faire le droit antitrust, mais plutôt de protéger des droits
subjectifs, ceux des concurrents et des partenaires commerciaux 32. Cependant, la
protection des concurrents ou des partenaires commerciaux n’est pas si éloignée
qu’il n’y paraît de la protection de la concurrence dans certaines circonstances 33
comme, par exemple, l’acte de concurrence déloyale se traduisant par la désorga-
nisation du marché (3.1). De même, les pratiques restrictives de concurrence font
intervenir des mécanismes qui attestent une volonté d’assurer l’ordre public écono-
mique grâce à l’intervention du ministre de l’Économie (3.2).
Si la plupart des actes de concurrence déloyale n’ont que peu à voir avec l’ordre
public économique, lorsque l’acte de concurrence déloyale se caractérise par la
désorganisation du marché, sa sanction vise certes la protection des intérêts des
concurrents ou d’une profession, mais aussi la protection du fonctionnement
concurrentiel du marché. Ainsi, par exemple, le non-respect d’une réglementation
environnementale par certains opérateurs économiques est susceptible de conduire
32. Une partie de la doctrine a pu considérer que ces dispositions relevaient en réalité du droit commun
des obligations puisqu’elles visent à assurer la protection d’un contractant et non celle du marché,
L. Idot, « La protection par le droit de la concurrence », op. cit. ; L. Vogel, « L’articulation entre
le droit civil, le droit commercial et le droit de la concurrence », op. cit.
33. Y. Serra, « Les fondements et le régime de l’obligation de non-concurrence », op. cit. ; L. Boy,
« L’abus de pouvoir de marché, contrôle de la domination ou protection de la concurrence »,
op. cit. ; L. Boy, « Abus de dépendance économique : reculer pour mieux sauter ? », RLC, 2010-23,
p. 9.
Ordre public économique et pouvoirs privés économiques 20
© Association internationale de droit économique | Téléchargé le 05/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.128.95)
3.2 Pratiques restrictives de concurrence et ordre public
économique
34. Cass. com., 21 janvier 2014, n° 12-25.443, Sté Revival c. Sté Marchetto, JurisData n° 2014-
000659 ; voir M. Guérin, « Inobservation de la réglementation ICPE et distorsion de concur-
rence », Environnement, mai 2014, comm. 37 ; F.-G. Trébule, « Environnement et concurrence :
la loyauté consacrée », Environnement, avril 2014, repère 4.
35. A. Decocq, « En guise de synthèse (20 ans de l’ordonnance de 1986) », Contrats, conc. consom.,
2006, p. 30 ; M. Chagny, Droit de la concurrence et droit commun des obligations, op. cit. ;
M. Chagny, « L’empiétement du droit de la concurrence sur le droit du contrat », op. cit.
36. P. Reis, « L’intervention du ministre de l’Économie dans le cadre des pratiques restrictives de
concurrence sanctionnées civilement : entre défense d’intérêts privés et protection de l’ordre pu-
blic économique », in É. Balate, J. Drexl, S. Menétrey, H. Ulrich (dir.), Le droit économique
entre intérêts privés et intérêt général. Hommage à Laurence Boy, Aix-en-Provence, PUAM,
2016, pp. 161-175.
37. Cass. com. 8 juillet 2008, no 07-16.761, SA Coopérative groupement d’achats des centres
Leclerc [Galec] et no 07-13.350, ITM, Bull. civ., IV, no 143 ; D., 2008, jurispr. p. 3046, note
M. Bandrac ; Cass. com. 16 décembre 2008, nos 07-20.099 et 08-13.162, JCP E, 2009, n° 1479,
obs. D. Mainguy ; Cons. const., 13 janvier 2011, no 2010-85 QPC, JCP, 2011, note 717,
A.-M. Luciani ; D. Mainguy, « Le Conseil constitutionnel et l’article L. 442-6 du Code de com-
merce », JCP E, 2011, n° 1136 ; CEDH, 17 janv. 2012, no 51255.08, SA Coopérative groupement
d’achats des centres Leclerc [Galec] c. France, D. actualités, 17 février 2012, note E. Chevrier ;
A.-M. Luciani, « Conformité à l’article 6 de la Convention EDH des pouvoirs du ministre de
l’Économie pour lutter contre les pratiques restrictives de concurrence », note sous CEDH, 17 jan-
vier 2012, JCP, 2012, n° 462 ; M. Malaurie-Vignal, « L’action du ministre fondée sur l’article
L442-6 est autonome », Contrats, conc. consom., 2012, n° 94.
Ordre public économique et pouvoirs privés économiques 21
permet, d’une part, d’assurer l’effectivité de certaines dispositions qui ne sont que
très exceptionnellement mises en œuvre par les victimes par crainte de rétorsions
économiques 38 et, d’autre part, de démontrer que les pratiques restrictives pré-
sentent une double finalité : protection de la concurrence d’un côté, et protection
des acteurs économiques de l’autre 39. De plus, le ministre de l’Économie peut,
dans le cadre de cette action autonome, demander la réparation du préjudice subi
par les victimes, la répétition de l’indu ou encore la nullité de certaines clauses,
il peut aussi et surtout demander le prononcé d’une amende civile 40. En érigeant
ainsi les sanctions civiles en instrument de police du marché, le droit des pratiques
restrictives de concurrence permet au ministre de l’Économie de s’immiscer dans
les rapports contractuels afin de protéger l’ordre public économique.
Dans le même sens, en droit européen, il existe depuis le 12 avril 2018 une pro-
position de directive visant à lutter contre les pratiques commerciales dites déloyales
dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire 41, qui s’inspirent fortement des pra-
tiques restrictives de concurrence sanctionnées civilement en France au titre de l’ar-
© Association internationale de droit économique | Téléchargé le 05/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.128.95)
© Association internationale de droit économique | Téléchargé le 05/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.128.95)
ticle L. 442-6 du Code de commerce. La directive, en cours de discussion 42, définirait
une liste minimale de huit pratiques interdites, comme le paiement de produits péris-
sables au-delà de trente jours après leur livraison, le changement unilatéral des condi-
tions du contrat par l’acheteur, l’annulation de commandes à très courte échéance
ou encore l’ajout de charges en cas de gaspillage des produits dans les locaux de
l’acheteur. Il s’agit donc de limiter là aussi la liberté contractuelle dans un souci de
protection de l’ordre public économique. Dans son projet, la Commission propose
d’établir dans chaque État membre une autorité de contrôle des pratiques commer-
ciales déloyales, une nouvelle autorité de régulation sectorielle 43, ce qui signifie en
droit français que la commission d’examen des pratiques commerciales sera dotée de
nouveaux pouvoirs, mais seulement pour l’instant à destination de la filière agricole.
38. L’intérêt d’un opérateur économique en état de dépendance économique étant de conserver l’accès
au marché, il n’agira pas tant qu’il garde espoir de retrouver un accès au marché ou tant que sa
situation économique n’est pas définitivement compromise comme dans le cadre d’une procédure
collective. J.-Y. Le Déaut, Rapport sur l’évolution de la distribution : de la coopération à la
domination commerciale, doc. AN, 476 p. et spéc. p. 121.
39. D. Ferrier, Droit de la distribution, Paris, Litec, 2014, n° 292.
40. L’amende peut même atteindre le triple des sommes indûment versées, plafond instauré par la loi
no 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, JO, 5 août 2008, ou 5 % du chiffre
d’affaires réalisé en France par l’auteur des pratiques incriminées, plafond introduit par la loi du
6 août 2015, JO, 7 août 2015 ; M.-E. Pancrazi, « Nouveautés dans le secteur de la distribution »,
JCP E, 2015, p. 1405 ; P. Arhel, « Volet “concurrence” de la loi Macron pour la croissance, l’acti-
vité et l’égalité des chances économiques », LPA, 29 septembre 2015, p. 7.
41. Proposition de directive du Parlement et du Conseil sur les pratiques commerciales déloyales dans
les relations interentreprises au sein de la chaîne d’approvisionnement alimentaire, COM(2018)
173 final, 2018/0082.
42. Le Parlement européen a donné son accord, le 25 octobre 2018, pour lancer les négociations avec
le Conseil des ministres concernant le futur cadre de lutte contre les pratiques déloyales dans la
chaîne d’approvisionnement alimentaire ; un texte définitif pourrait être publié avant les élections
européennes de 2019.
43. La proposition de directive n’a pas retenu la création d’une autorité de régulation européenne en
la matière préférant s’appuyer sur des autorités dans chaque État membre.
Ordre public économique et pouvoirs privés économiques 22
© Association internationale de droit économique | Téléchargé le 05/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.235.128.95)