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Modèles de Cristallisation des Hydrates en Milieu Poreux

Étude bibliographique effectuée par

Pierre HENRY

Chargé de Recherche au CNRS

Laboratoire de Géologie de l'ENS

24 Rue Lhomond, 75231 Paris Cedex 05

henry@geologie.ens.fr

dans le cadre du projet FORDIMHYS

sponsorisé par Total Fina Elf, IFP, GDF et Ifremer

1
Résumé
Plusieurs modèles physiques de champs d'hydrates ont été élaborés afin de déterminer

les quantités d'hydrate présentes et d'estimer les flux d'eau et de méthane traversant le

système. Les modèles quantitatifs publiés sont basés sur l'idée que les accumulations

d'hydrate de méthane en offshore se forment essentiellement à partir de gaz dissous dans le

fluide interstitiel. La solubilité du méthane étant fonction de la température dans le domaine

de stabilité des hydrates, il apparaît qu'un flux d'eau de l'ordre du mm/an persistant pendant

plusieurs Ma peut produire des accumulations importantes d'hydrates, correspondant à

plusieurs dixaines de mètres d'hydrate de méthane pur. Cependant, le site sous-marin le mieux

étudié actuellement (Blake Ridge) correspond à un cas ou les flux d'eau et l'accumulation

d'hydrate sont relativement faibles. Il n'est pas évident qu'il soit représentatif du milieu marin.

Les données quantitatives manquent actuellement sur des systèmes ou les flux d'eau et de

méthane sont plus vigoureux. De tels systèmes existent, parfois associés à du diapirisme

argileux, parfois associés à des sédiments plus perméables que ceux de Blake Ridge. Le

contexte tectonique et la canalisation des fluides influent aussi sur l'accumulation des

hydrates.

En raison de la prééminence des Sites 994, 995 et 997 de Blake Ridge, la migration du

méthane libre n'a généralement pas été considérée dans les modèles. Cependant la migration

de gaz au travers de la zone de stabilité des hydrates est un phénomène fréquemment observé

dans les systèmes à flux canalisé. Des panaches de méthane sont alors observés dans la

colonne d'eau et des hydrates massifs sont trouvés dans le sédiment à proximité des sites

d'expulsion de fluide. De tels systèmes sont encore mal compris, mais leur étude est engagée

avec notamment la programmation d'un Leg de forage ODP sur Hydrate Ridge (Oregon). La

prise en compte de la migration de gaz libre est un enjeu important pour la modélisation de

ces systèmes et sera une nécessité pour expliquer les nouvelles observations.

2
Plan

1. Introduction 4

2. Questions posées et modèles conceptuels. 8

3. Equilibre thermodynamique et distribution des hydrates 11

3.1 Observations et problèmes 11

3.2 Modèles thermodynamiques 17

3.3 Application au milieu naturel 21

4. Modèles quantitatifs de champ d'hydrate 28

4.1. Un modèle simplifié 28

4.2. Un modèle d'advection-diffusion du méthane en phase aqueuse 32

4.3. Un modèle de production biogénique du méthane 35

4.4. Un modèle complet ? 37

4.5 Résumé des principaux résultats obtenus sur Blake Ridge 42

5. Discussion 44

5.1 Budgets de fluide et d'hydrate dans les systèmes à flux diffus 44

5.2. Systèmes à flux canalisé et accumulations superficielles d'hydrates 46

5.3. Migration du gaz libre à travers le domaine de stabilité des hydrates 50

5.4. Piègeage de gaz sous le BSR 51

6. Conclusion 55

Références 58

3
1. Introduction

Des champs d'hydrate de méthane sont trouvés dans deux contextes distincts : onshore

dans l'arctique, et offshore sous des profondeurs d'eau suffisantes pour assurer leur stabilité

(au moins 400 m). Ces deux contextes correspondent généralement à des modes de formation

différents. Dans l'arctique Russe et Canadien, les accumulations d'hydrates les mieux connues

correspondent vraisemblablement à des réservoirs classiques qui ont été gelés au cours du

Quaternaire. Dans ce cas, le piégeage de l'essentiel du gaz a pu se faire avant la

transformation en hydrate. En offshore, l'hydrate est généralement trouvé en l'absence de

piège classique et son accumulation implique un mode de formation géologiquement

dynamique. La compréhension d'un tel système nécessite de prendre en compte les flux d'eau

et de méthane à travers la zone de stabilité des hydrates.

La compréhension des processus associés à la formation des champs d'hydrates a

largement progressé ces dernières années grâce à un important effort d'acquisition de données

géophysiques et au forage scientifique (figure 1). Ces nouvelles données ont permis le

développement de modèles mathématiques et numériques, qui sont l'objet principal de la

présente étude bibliographique. Ces modèles ont permis un début de quantification des flux

d'eau et de méthane dans les systèmes offshore. Ils s'appuient sur des mesures et observations

quantitatives comme la température, la composition chimique du fluide interstitiel et la

quantité d'hydrates présente dans le sédiment. Leur validation nécessite donc un ensemble de

données cohérentes acquises sur une même zone d'étude. Dans le cadre d'une étude

bibliographique, nous devons nous limiter aux cas pour lesquels les données nécessaires ont

été publiées, où, tout au moins, sont accessibles à la communauté scientifique internationale.

Ceci exclu malheureusement les travaux du JNOC sur la marge de Nankai.

Le cas de référence actuel est Blake Ridge pour les hydrates en milieu marin, en raison

de la bonne intégration des données acquises par différentes méthodes : études géophysiques,

mesures en forage et carottage dans le cadre du programme ODP (figure 2). La marge des

Cascades présente également un ensemble de données intéressantes combinant géophysique et

4
forages, mais elles sont moins complètes et moins bien comprises pour le moment. Le site de

Mallik est probablement le seul site arctique où les données acquises seraient suffisantes pour

contraindre un modèle physique. Cependant, les processus dynamiques ne paraissent pas

importants dans l'interprétation actuelle en terme de piège gelé.

Nous commencerons par un bref rappel des modèles conceptuels proposés pour la

formation des hydrates, L'élaboration de modèles quantitatifs nécessite de comprendre les

processus locaux (équilibre et cinétiques de réaction) et de prendre en compte les phénomènes

de transport à l'échelle de la formation (advection-diffusion). Nous aborderons les processus

locaux essentiellement par l'équilibre thermodynamique, l'approche cinétique étant

actuellement peu utilisée pour le milieu naturel. Ensuite, nous présenterons en détail les

modèles actuels de formation de champs d'hydrates, qui ont surtout été appliqués au cas de

Blake Ridge. Ces modèles sont basés sur la résolution des équations de conservation à une

dimension et ont pour le moment ignoré les problèmes d'écoulement diphasique associés à la

migration de gaz libre. Nous examinerons enfin l'intérêt d'aborder la migration du gaz libre

pour mieux comprendre la formation des hydrates dans le milieu naturel. En conclusion, je

présenterai quelques suggestions pour la conduite des expériences et modélisations futures.

5
Mallik

Blake Ridge

Cascades :
Vancouver
Hydrate Ridge

Nankai

Fig. 1 : Position des principales zones de forage scientifique sur des champs d'hydrate de gaz
Cape Hatteras
a
in
ol
ar ise
C R
34∞

34 00
N

36 00
32

380 0
40 0
0

420 00
0

00
0
0
440

48
460
100
0
20 Sites 991, 992, 993
0 Site

00
40

0
50
996

520
0
60
0
80

20 00
32∞

10
00
Sites 994, 995, 997
00

00
30 DSDP Site 533

54
Bl
DSDP Site 104

ak
e
DSDP Site 102

au
600

800
Plate
DSDP Site 103
400

O
200

ut
er
100

30∞
Blake

Ri
dg
e
5000
800

1000

28∞

idge
00
48

er R
0
00

440
46

0
Out
460

50 00
48
ama

00
600

Bah
26∞ 520 00
00 55
54
600

400
0
100 100
30

200 0
00
0

24∞
60

80∞W 78∞ 76∞ 74∞ 72∞

Site Site Site


SSW 994 995 997 NNE

3.8

4.0
Two-way traveltime (s)

BSR

4.2

4.4

4.6

9.6 km
VE ≈ 10

Fig. 2 : Localisation des forages DSDP et ODP sur Blake Ridge et profil sismique multitrace au
niveau des forages ayant traversé le BSR (Paull et al., 1996). Le sédiment au dessus du BSR
contient de l'hydrate de méthane. Le sédiment en dessous du BSR contient du gaz libre.
2 . Questions posées et modèles conceptuels.

Une première question posée est l'origine du gaz formant les hydrates. Est-il en

général thermogénique, ou biogénique? Si cette question est importante dans une perspective

d'exploration pétrolière, elle n'est pas toujours fondamentale pour les modèles physiques de

formation des dépôts d'hydrates. La question de la nature chimique du gaz est importante

quand la fraction d'hydrocarbures plus lourds que le méthane est suffisante pour influer sur la

stabilité des hydrates. Ceci peut être le cas, par exemple, dans le golfe du Mexique.

Cependant, dans les cas considérés ici, le gaz est essentiellement du méthane. La question

principale pour le modélisateur est alors de savoir si l'essentiel du méthane est produit dans la

zone de stabilité des hydrates, ou s'il est surtout produit en dessous et migre. Dans le premier

cas, la production de méthane apparaît comme un terme source dans le modèle, dans le

deuxième cas, elle peut être traitée comme une condition aux limites. Ce point est débattu

dans le cas de Blake Ridge, où les dépôts cumulés d'hydrates ne correspondent en général qu'à

quelques mètres d'hydrate pur, car les taux de production de méthane biogénique restent mal

contraints [Egeberg and Dickens, 1999; Xu and Ruppel, 1999; Davie and Buffett, 2001].

Cependant, dans les cas ou les accumulations d'hydrates sont plus importantes, il y a

actuellement un consensus sur la nécessité des migrations de fluide.

Une question fondamentale dans les cas où des accumulations importantes d'hydrates

sont trouvées est de savoir si le gaz est apporté dans la zone de stabilité des hydrates dissous

dans le fluide interstitiel ou comme une phase séparée (gaz libre). Ce débat a été obscurci

quelque temps par l'idée que la présence de gaz libre dans le milieu etait nécessaire à la

formation des hydrates. L'application de la thermodynamique a cependant montré qu'il n'y

avait pas d'obstacle théorique à la formation d'hydrates à partir de gaz dissous [Handa, 1990;

Tohidi et al., 1995; Rempel and Buffet, 1997; Zatsepina and Buffett, 1998; Henry et al., 1999].

Des hydrates ont d'ailleurs pu être formés expérimentalement à partir de CO2 dissous [Buffett

and Zatsepina, 2000]. La question de l'importance relative des migrations de gaz libre et de

gaz dissous reste cependant un problème important. Hyndman et Davis (1992) puis Ginsburg

8
et Soloviev (1997) ont proposé d'expliquer la formation des dépôts d'hydrates sur les marges

actives par un flux permanent d'eau saturé en méthane, sans faire intervenir de migration de

gaz libre (figure 3). Le modèle de Hyndman et Davies (1992) a aussi été la première tentative

pour estimer les flux d'eau et de méthane associés à des champs d'hydrates. La compaction

tectonique dans le prisme d'accrétion des Cascades produit des flux d'eau ascendants de

l'ordre du mm/an au travers des 50 premiers km du prisme d'accrétion [Hyndman et al., 1993].

Si ce fluide est initialement saturé en méthane, il perd l'essentiel du méthane qu'il contient en

traversant le domaine de stabilité des hydrates. D'après cette analyse, des flux d'eau intégrés

de l'ordre de 200-1000 m3/m2 (correspondant à 1 mm/an pendant 200.000 à 1Ma) permettent

d'obtenir des champs d'hydrates détectables par la présence d'un BSR. Cependant, la

migration de gaz libre au travers de la zone de stabilité des hydrates à la faveur de conduits

localisés et la formation d'hydrates à partir de ce gaz libre métastable est aussi observée

(figure 8) [Soloviev and Ginsburg, 1997]. Il reste donc à savoir quel est le processus le plus

général et, surtout, lequel est susceptible de former les dépôts les plus importants ou les plus

concentrés.

On peut espérer discriminer entre ces différents modèles en déterminant

simultanément les flux de fluide interstitiel et la concentration en hydrate dans le sédiment.

Un tel objectif n'a pour le moment été atteint qu'aux sites de forage de Blake Ridge. Ce cas

correspond à un cas extrême ou les flux aussi bien que les accumulations d'hydrates sont

relativement faibles. L'étude des hydrates en milieu sous-marin s'oriente donc maintenant vers

des cas ou les flux d'eau et de méthane sont plus importants comme, par exemple, Hydrate

Ridge (sur la marge de l'Oregon).

9
Fig. 3 : Schémas illustrant le modèle
de formation d'un champ d'hydrate
avec BSR de Hyndman et Davis
(1992). Le méthane est retiré des
fluides expulsé tectoniquement (a)
d'un prisme d'accrétion et (b) de
sédiments subduits. Dans ce modèle,
les marges sans accrétion ont un plus
fort potentiel d'accumulation d'hydrates
car la subduction des sédiments
permet de maintenir un flux d'eau
constant au travers de la marge
pendant une durée indefinie.

Fig. 4 : Schéma illustrant la formation


d'hydrate autour d'un conduit de
migration de gaz (Soloviev et Ginsburg,
1997). La taille du halo de diffusion où
l'hydrate peut se former est représentée
proportionnelle à la sursaturation d'une
solution en équilibre avec le gaz. Dans le
halo, les hydrates forment des lentilles (1)
ou des amas (2) au détriment de l'eau
des pores. La déshydratation du
sédiment est maximale dans la partie
centrale et pemet au gaz de migrer au
travers du domaine de stabilité des
hydrates sans réagir avec l'eau.
3. Equilibre thermodynamique et distribution des hydrates

3.1 Observations et problèmes

L'élaboration de modèles dynamiques de champs d'hydrate nécessite le traitement des

échanges locaux entre les phases liquide, gaz et hydrate. Ces échanges sont régis par les

équations d'équilibre thermodynamique et par les cinétiques de réaction. Des modèles

thermodynamiques appliqués à la stabilité des hydrates ont été développés de longue date et

avaient pour application principale les problèmes de bouchage de pipe-line. L'application de

ces modèles au milieu naturel a posé quelques difficultés que l'on peut maintenant considérer

comme largement résolues : le calcul de la solubilité du méthane à l'intérieur du champ de

stabilité des hydrates et la détermination de l'effet du sédiment. Les échelles de temps

considérés pour des phénomènes géologiques sont telles que l'hypothèse d'un équilibre

instantané est justifiée pour une première approche. Cependant les cinétiques de réaction

pourraient intervenir dans le contexte d'une exploitation industrielle. De plus, on doit

maintenant considérer que des changements climatiques importants peuvent se produire sur

des durées géologiquement courtes, de l'ordre du siècle, et que ces changements peuvent

influencer les conditions de stabilité des hydrates. Enfin, le phénomène de nucléation peut

avoir une très grande importance sur la distribution de l'hydrate dans le milieu, même si les

concentrations en solution restent proches des concentrations à l'équilibre.

11
Temperature au BSR

Une donnée fondamentale sur laquelle on a pu se baser pour aborder ces questions est

la température au niveau du BSR (Bottom Simulating Reflector). La modélisation du signal

sismique par différentes méthodes (principalement AVO et modélisation de la forme d'onde)

ont montré que la réflectivité au niveau du BSR était généralement due à la présence de gaz

libre dans le sédiment sous le BSR [Singh et al., 1993; Katzman et al., 1994; MacKay et al.,

1994; Singh and Minshull, 1994; Andreassen et al., 1995]. Une faible quantité de gaz (moins

de 5%) est suffisante pour produire une réflexion intense. On considère généralement que ce

réflecteur sismique marque la transition de phase hydrate de méthane/gaz méthane libre. Aux

sites de forage où la température a été mesurée, la position du BSR correspond généralement

±1°C à la position théorique de la base du domaine de stabilité des hydrates de méthane, pour

une solution à la pression hydrostatique ayant la composition chimique de l'eau de mer. Le

BSR a ainsi pu être utilisé pour estimer le flux de chaleur sur les marges continentales

[Hyndman et al., 1992]. Il reste toutefois des exceptions mal comprises comme le puit ODP

995 sur Blake Ridge [Ruppel, 1997] (Figure 5). Sur Blake Ridge aussi, des BSR apparemment

décalés par des failles ont été observés et ont été interprétés en terme de perturbations de la

pression de fluide [Rowe and Gettrust, 1993a; Rowe and Gettrust, 1993b]. Il y a cependant

d'autres interprétations possibles, en particulier si l'on considère les conséquences de

l'hétérogénéité du sédiment sur la répartition du gaz.

12
T (°C) T (°C) T (°C)
0 5 10 15 20 25 0 5 10 15 20 25 0 5 10 15 20 25
-100 -100 -100

seafloor: P=28.0 MPa, T=3.7°C seafloor: P=27.7 MPa, T=3.7°C seafloor: P=27.8 MPa, T=3.3°C
0 0 0

H+L G+L H+L G+L H+L G+L


100 100 100

G e
Ge
G

o
e

oth
the
oth

? ?

erm
rm
200 200 200 ?

3
3
er m
3

3.3
2.7

°
6.9

°C
°

C/k
C

m
/km
300 300 300

Depth (mbsf)
Depth (mbsf)
Depth (mbsf)
/km

400 400 400

hydrate
hydrate
hydrate

observed BSR
observed BSR
no BSR predicted BSR
500 500 500
free gas

predicted BSR
free gas

600 600 600

free gas
A: Blake Ridge Site 994 B: Blake Ridge Site 995 C: Blake Ridge Site 997

Fig.5 : Résumé des observations sur le BSR à Blake Ridge. Au Site 995, la position du BSR ne correspond pas
à la position théorique. Au Site 994, il n'y a pas de BSR mais un espace entre le toit du gaz et la base de l'lhydrate
Hétérogénéité

Une autre observation importante est la grande hétérogénéité de la distribution de

l'hydrate dans le sédiment. Il convient de distinguer au moins deux échelles d'hétérogénéité. À

l'échelle du champ d'hydrate, les hydrates ne sont généralement observés que dans une partie

de leur domaine de stabilité. Par exemple, dans le cas de Blake Ridge, les hydrates ne sont pas

détectables par la géophysique dans les 200 premiers mètres sous la surface du sédiment et, au

Site 994, 100 mètres environ séparent la base de l'hydrate du toit du gaz (figure 5). L'étude

détaillée de la structure de vitesse sismique indique qu'il existe aussi, à l'échelle du km,

d'importantes variations latérales de la concentration en hydrate [Rowe and Gettrust, 1993b].

La distribution de l'hydrate à l'échelle du champ apparaît comme une observation essentielle

pour contraindre les modèles de production et de migration du méthane. Ces modèles sont

examinés en détail dans la section 5.

À l'intérieur de la zone ou les hydrates sont détectables, leur distribution est aussi

hétérogène dans une gamme d'échelles allant de la dizaine de mètres à la taille du pore. Cette

hétérogénéité a été observée aux principaux sites forés (Cascades, Blake Ridge, Mallik,

Nankai). Elle est bien mise en évidence par la grande dispersion les données de chlorinité et

par l'interprétation des logs acoustiques et soniques (figure 6). De façon générale, la

concentration locale en hydrate semble corrélée avec la distribution de taille des pores. Aussi

bien dans les sédiments silteux et sableux du puit Mallik [Katsube et al., 1999; Winters et al.,

1999] que pour les sédiment à dominante argileuse de Blake Ridge [Ginsburg et al., 2000], la

concentration en hydrate augmente avec la granulométrie. Cette observation peut être

expliquée de plusieurs façons. Selon une première hypothèse, la taille des pores influe sur la

stabilité thermodynamique de l'hydrate et sur la cinétique de nucléation. L'hydrate étant,

comme la glace, non mouillant, il devrait occuper en priorité les pores les plus gros. Dans une

autre hypothèse, la perméabilité du sédiment contrôle le transport du méthane (dissous ou en

phase séparée) et conduit à l'accumulation de l'hydrate dans les conduits les plus perméables.

La corrélation entre taille de grain et concentration en hydrate ne serait que la conséquence de

l'augmentation de la perméabilité avec la taille des pores. Cette hypothèse est discutable dans

14
les cas où le sédiment est à dominante argileuse car la migration du fluide et du gaz se fait

alors probablement davantage le long de fractures que par perméabilité intergranulaire. On

peut aussi remarquer pour Blake Ridge que la concentration en hydrate est maximale dans des

intervalles qui contiennent des tests de diatomées, et cette observation est en faveur d'un effet

direct de la taille des pores plutôt qu'à un effet de perméabilité [Kraemer et al., 2000].

Forme de l'hydrate

Un autre type d'observation concerne la forme que prennent les hydrates dans le

sédiment. Quand l'hydrate est rencontré prés de la surface dans des sédiments argileux, il se

présente généralement sous forme de nodules ou de veines ne contenant pas de particules

sédimentaires [Martin et al., 1996; Ginsburg and Soloviev, 1997; Clennell et al., 1999; Suess

et al., 1999]. On parle alors de forme ségrégée. Dans d'autres cas, en particulier dans des

sédiments grossiers, l'hydrate remplit les espaces inter granulaires comme un ciment. Ce type

de dépôt à été particulièrement bien observé sur des échantillons du puit Mallik [Uchida et al.,

1999a]. Nous verrons que le processus de ségrégation des hydrates est le phénomène le mieux

expliqué par les effets capillaires. Le même phénomène se produit pour le gaz méthane en

phase séparée et détermine son mode de transport à travers le milieu poreux ou le long de

fractures.

15
Blake Ridge - ODP Site 995
0 0

100 100

200 200
Depth (mbsf)

300 300
hydrate
effect

400 400
base of hydrate

500 500

600 600

0.5 1.0 1.5 400 450 500 550 600


Electrical resistivity (Ωm) Cl- (mM)

Fig. 6 : log de resistivité par induction et chlorinité de l'eau interstitielle au Site


ODP 995 de Blake Ridge, montrant l' hétérogénéité de la distribution de l'hydrate.
Les pics de forte résistivité sont corrélés avec les points de faible chlorinité et
correspondent à des accumulations locales d'hydrate. La concentration moyenne
en hydrate est inférieure à 5% du volume des pores, mais peut localement
atteidre 20-25% au niveau de ces anomalies.
3.2 Modèles thermodynamiques

Comme nous l'avons mentionné précédemment, le traitement des conditions naturelles

par des modèles de stabilité des hydrates s'est fait en plusieurs étapes. Dans les conditions

naturelles, l'eau est généralement en excès et l'on doit donc traiter l'équilibre hydrate-solution.

Il faut aussi tenir compte de la composition du fluide, de la nature du sédiment, et de la

composition du gaz quand celui-ci n'est pas du méthane pur. Tous les modèles

thermodynamiques actuels pour les hydrates s'appuient sur le modèle de Van der Waals et

Platteeuw [van der Waals and Platteeuw, 1959; Holder et al., 1988; Bishnoi et al., 1989;

Sloan, 1990]. Ce modèle a principalement été utilisé pour prédire les courbes de dissociation

des hydrates (equilibre hydrate+gas+liquide en général) mais permet aussi de traiter

l'équilibre diphasique hydrate-solution s'il est combiné avec un modèle de solubilité du

méthane. Or, il existe actuellement des modèles de solubilité du méthane valides dans une

large gamme de pression, température et de salinité [Duan et al., 1992]. Le principe du

traitement de l'équilibre diphasique hydrate-solution est bien connu [Miller, 1974], [Handa,

1990], mais son implémentation dans des codes de calcul d'équilibre est récente [Zatsepina

and Buffett, 1998]. Le calcul de l'équilibre dans une solution saline [Englezos and Bishnoi,

1988; Tohidi et al., 1995; Dickens and Quinby-Hunt, 1997] est généralement fait à partir de

modèles d'électrolyte [Pitzer, 1991]. Cette approche a montré que le domaine de stabilité de

l'hydrate dans un fluide interstitiel typique des sédiments marins était très proche du domaine

de stabilité dans l'eau de mer [Dickens and Quinby-Hunt, 1997]. La courbe de dissociation est

alors décalée d'environ 1°C vers les basses températures. Les saumures qui peuvent être

associées aux dépots d'évaporites constituent cependant une exception notable, pour laquelle

des écarts plus importants sont prédits. Pour de qui est de l'effet du sédiment, des expériences

en laboratoire ont monté que le comportement de l'hydrate etait identique au comportement de

la glace [Handa et al., 1992a; Handa and Stupin, 1992b] : l'hydrate et la glace sont non

mouillants pour des surfaces en silice et ils ont une énergie de surface comparable. C'est donc

en s'appuyant sur des travaux effectués sur la glace [Everett, 1961] qu'un modèle capillaire a

pu être développé pour l'hydrate [Clennell et al., 1999; Henry et al., 1999]. Ce modèle ne

17
traite que le cas du méthane pur mais inclus le calcul des équilibres diphasiques (solubilité du

méthane dans le champ de stabilité des hydrates et en dehors) et prend en compte les effets

capillaires sur la phase hydrate et sur la phase gazeuse, ainsi que l'effet de la salinité.

Pour tenir compte des effets capillaires, la pression de gaz est calculée à partir de

l'équation de Laplace en supposant que l'interface a une forme hémisphérique :

Pg = Pl + 2 cosθ γgw/r

où Pg est la pression de gas, Pl la pression du liquide, γgw l'énergie d'interface (0.072 J/m2),

θ l'angle de mouillage et r le rayon du pore, supposé cylindrique. Cette équation est générale

mais ne s'applique pas de la même façon suivant les conditions aux limites du système. Dans

le cas de sédiments marins, la pression de référence P est celle du liquide. Par contre, dans la

plupart des expériences, la pression de référence est la pression de gaz. Les effets capillaires à

l'interface eau-gaz ont alors des conséquences différentes. Si la pression de référence est celle

du liquide, la pression capillaire exerce sur la phase gazeuse augmente la fugacité du méthane

et donc la stabilité de l'hydrate. Si la pression de référence est celle du gaz, les effets

capillaires se traduisent par une diminution de l'activité de l'eau et donc de la stabilité des

hydrates.

Pour la phase hydrate, nous faisons l'hypothèse que les effets de surface n'affectent ni

le potentiel chimique du méthane ni le taux d'occupation des cages. L'équation de Gibbs-

Thompson donne alors la différence de potentiel chimique entre le squelette de l'hydrate

interstitiel et l'eau liquide. Dans le cas où la pression de référence est la pression de la phase

liquide, elle s'écrit :


2 cos θ γ hw
(µβ − µ L ) = (µβ − µ L )bulk + Vβ
r
(µβ -µL)bulk est la différence de potentiel chimique calculée pour les phases macroscopiques.

Vβ est le volume molaire de l'hydrate, γhw l'énergie d'interface (supposée égale à 0.027 J/m2,

comme pour l'interface eau-glace) et r le rayon du pore. Dans le cas où la pression de

référence est la pression de la phase gazeuse (et où le gaz est en excès) il est préférable de

18
considérer que l'hydrate (et non le liquide) est en équilibre avec une phase macroscopique. On

a alors:
2 cos θ γ hw
(µβ − µ L ) = (µβ − µ L )bulk + Vβ
r
Cette équation n'est cependant valide que dans le cas où le milieu poreux est bien saturé, et

où, en principe, de l'hydrate a pu se former à l'extérieur des pores. Nous verrons qu'une telle

condition n'est pas toujours remplie lors des expériences. Dans un cas comme dans l'autre,

l'introduction du terme capillaire dans l'équation d'équilibre augmente le ∆µ de la réaction de

formation de l'hydrate et en réduit donc le domaine de stabilité.

Les mesures expérimentales sur lesquelles on peut s'appuyer pour vérifier ce modèle

capillaire sont encore peu nombreuses. Des expériences ont été faites dans trois laboratoires

différents sur des verres micro poreux de taille de pore connue : au Canada [Handa and

Stupin, 1992b], au Japon [Uchida et al., 1999b] et à l'université Heriot-Watt à Edimbourg par

le groupe de B. Tohidi, (ces derniers résultats ne sont pas publiés). Des expériences ont aussi

été effectuées sur des sédiments, du sable ou des billes de verre [Uchida et al., 1998; Wright

et al., 1999], mais ces résultats sont plus difficiles à exploiter car la distribution de taille des

pores est moins bien caractérisée. En outre, la première de ces deux études s'est concentrée

sur des milieux non saturés et a rencontré des phénomènes plutôt compliqués [Uchida et al.,

1998]. Dans la deuxième, des effets de salinité viennent s'ajouter aux effets capillaires

[Wright et al., 1999]. Les résultats publiés sur les verres poreux sont présentés sur la figure 7

et montrent une importante dispersion liée pour une part à la difficulté de contrôler

précisément l'activité de l'eau dans ces expériences. En effet, la présence d'eau et d'hydrate

non capillaire dans le système n'est pas toujours bien vérifiée. Par ailleurs, la mesure de la

taille des pores dépend la méthode utilisée (injection mercure, BET, cryoporosimetrie) et on

doit tenir compte d'effets d'hystérésis liés à la forme des pores. Les derniers résultats obtenus

suggèrent que l'énergie de surface de l'hydrate ou son angle de mouillage, sont plus faibles

19
Experiments on porous silica glass

0.025

0.02

0.015
DeltaT/T

0.01

0.005

0
0.000 0.002 0.004 0.006 0.008 0.010 0.012
1/diameter (d in Angstrom)
capillary model - hw interface energy 0.020 J/m2

Handa and Stupin, 1992

Uchida et al., 1999

capillary model - hw interface energy 0.027 J/m2

capillary model - hw interface energy 0.020 J/m2

Fig. 7 : Comparaison du modèle capillaire (Henry et al., 1999) avec des résultats
d'expériences sur des verres poreux. Le déplacement en température de la courbe de
dissociation à une pression donnée (DeltaT/T) est représenté en fonction de l'inverse
du diamètre des pores.
que ceux de la glace. Les effets calculés par Henry et al. (1999) sont donc vraisemblablement

surestimés d'un facteur 1.4 à 1.5.

3.3 Application au milieu naturel.

Un premier résultat des travaux sur les effets capillaires est négatif : cet effet est trop

faible pour expliquer les erreurs de prédiction des températures au niveau du BSR. Pour un

rayon d'accès des pores de seulement 100 nm, typique de sédiments argileux comme ceux de

Blake Ridge, la translation de la courbe de dissociation ne dépasse pas une fraction de °C,

alors que l'écart de température mesuré au Site 995 atteint 2 à 3°C (figure 8)[Henry et al.,

1999]. Dans ce cas, les autres facteurs susceptibles de modifier l'équilibre comme la

composition du gaz et la composition du fluide ne semblent pas pouvoir expliquer l'écart

observé. Plusieurs explications sont alors envisageables : profils de température hors

d'équilibre, BSR produit en l'absence de gaz et ne correspondant donc pas à un équilibre

triphasique, persistance de gaz métastable dans le domaine de stabilité des hydrates.

Cependant, aucune de ces explications ne paraît actuellement satisfaisante. Cependant, les

effets géométriques liés à la taille des pores ont d'autres conséquences importantes qui

peuvent expliquer certaines observations:

- L'équilibre hydrate-solution-gaz méthane dans le sédiment n'est pas univariant, mais

dépend de la distribution de tailles des pores et de la saturation des différentes phases et

présente aussi des phénomènes d'hystérésis [Clennell et al., 1999; Henry et al., 1999]. Il

existe alors une zone qui peut atteindre une trentaine de mètres d'épaisseur ou hydrate liquide

et gaz peuvent coexister (figure 9). Ce résultat peut aider à expliquer la complexité des

observations en sismique haute résolution effectuées sur le BSR.

21
60

Pi-Phydr = 2.7 MPa (r = 20 nm)


50

Pi-Phydr = 0.53 MPa (r = 100 nm) Fig.8 : Effet de la pression capillaire


exercée sur l'hydrate sur la courbe de
40 dissociation (Henry et al., 1999). Le
rayon médian d'accès des pores est
conditions at BSR environ 100 nm pour les sédiments
P (MPa)

995 997
argileux de Blake Ridge. Les effets
30 capillaires ne permettent donc pas
d'expliquer la température
Liquid + Hydrate
anormalement faible du BSR au Site
995.
20
Pi-Phydr = 0 (r = µ )

10 Liquid + Gas

0
10 15 20 25
T (∞C)

400

Liquid + Hydrate

Sh=30%
Sh=20%
Sh=10%
Sh=2%

450
Liquid water + dissolved CH4
Depth (mbsf)

Liquid + Gas + Hydrate


500
Sg=2%

Sg=10%

550

Liquid + Gas

600
0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5
3
CH4 (mol per dm pore space)

Fig. 9 : Diagramme de phase basé sur les données du Site 995 (Henry et al., 1999). En raison
des effets capilaires, l'équilibre triphasique cesse d'être univariant et il existe un étroit
domaine de pression et température ou hydrate, gaz et solution peuvent coexister à
l'équilibre. L'étendue de ce domaine croit avec la concentration en méthane.
- L'influence de la taille des pores sur la distribution des hydrates dans les sédiments

peut très probablement être attribuée aux effets de surface. Cependant, il n'est pas évident que

cet effet puisse être expliqué entièrement par le modèle d'équilibre capillaire. Il est

probablement nécessaire de considérer aussi l'effet de la taille des pores sur la cinétique de

nucléation. L'application de la théorie de Volmer permet de rendre compte des résultats

expérimentaux obtenus sur des sables [Zatsepina, 1999; Buffett and Zatsepina, 2000].

Cependant, cette théorie suppose que la taille critique des germes est petite devant la taille des

pores et ceci n'est pas nécessairement le cas dans les argiles.

-Une éventuelle metastabilité de l'hydrate. Le taux d'occupation des cages influe sur la

stabilité de l'hydrate et dépend de la concentration du méthane en solution. Si les effets de

taille des pores inhibent la nucléation des bulles de gaz, il est peut-être possible de maintenir

une solution de méthane en état de sursaturation. L'hydrate en équilibre avec cette solution

peut se maintenir dans des conditions de métastabilité tant que la solution ne dégaze pas

[Buffett and Zatsepina, 1999].

- Une réduction de la réflectivité du sédiment est souvent observée dans le domaine de

stabilité des hydrates. Cet effet peut être expliqué si les variations de la vitesse sismique

causées par les variations locales de la teneur en hydrate compensent celles qui sont dues aux

variations locales de porosité [Lee et al., 1993]. Les effets capillaires pourraient rendre cette

compensation effective pour de faibles concentrations en hydrate (figure 10). L'intensification

de la réflectivité par de faibles quantités de gaz libre peut être expliquée en appliquant le

même raisonnement à la phase gazeuse.

23
3
A
Total CH4 (mol per dm3 pore space)

Hydrate saturation (% of pore space)


30

20

1
57% porosity 10

47% porosity
0
0.150 0.152 0.154 0.156 0.158 0.160
3
Dissolved CH4 (mol per dm pore fluid)
3
B
Total CH4 (mol per dm3 pore space)

15
Gas saturation (% of pore space)

10

57% porosity
1
5

47% porosity

0
0.180 0.182 0.184 0.186 0.188 0.190
3
Dissolved CH4 (mol per dm pore fluid)

Fig. 10 : Fraction volumique d'hydrate ou de gaz en fonction de la concentration en


méthane dissout pour un équilibre (a) hydrate-solution et (b) gaz-solution (Henry et al.,
1999). La fraction de l'espace poreux occupée par le gaz ou l'hydrate augmente avec
la sursaturation et dépend de la distribution de taille des pores. Sur cet exemple,
l'échantillon le plus poreux pourrait contenir deux fois plus d'hydrate ou de gaz tout en
étant en équilibre avec la même solution.
-La ségrégation de l'hydrate et du gaz. L'hydrate peut, soit remplir le réseau poreux

(hydrate interstitiel), soit former des inclusions d'hydrate pur dans le sédiment. L'hydrate

interstitiel est soumis à la pression du fluide augmentée de la pression capillaire. L'hydrate en

inclusion est soumis à la pression exercée par le sédiment. Près de la surface du sédiment,

l'hydrate sera plus stable sous forme d'inclusion mais, comme la pression exercée par le

sédiment augmente avec l'enfouissement, l'hydrate préférera la forme interstitielle en dessous

d'une certaine profondeur dont la valeur dépend de la distribution de taille des pores (figure

11)[Clennell et al., 1999]. Par exemple pour un sédiment argileux ayant un rayon d'accès aux

pores de 100 nm et pour un fluide interstitiel à la pression hydrostatique, la profondeur

maximale à laquelle la ségrégation de l'hydrate est possible se situe entre 100 et 200 m,

suivant l'état de contrainte. Le même raisonnement s'applique au gaz, le critère de ségrégation

correspond alors au seuil de fracturation hydraulique.

-Le mode de migration du gaz. Les effets capillaires sont à l'origine d'un phénomène

de percolation : Il existe une saturation minimum en gaz (seuil de percolation) en dessous de

laquelle la phase méthane n'est pas continue et ne peut donc pas migrer au travers du réseau

poreux. Le transport du méthane se fait alors soit dissous dans la phase aqueuse, soit, si le gaz

est a une pression suffisante pour permettre la ségrégation, par fracturation. Ce seuil de

percolation peut être estimé par porosimétrie au mercure [Katz and Thompson, 1987] et se

situe vers 20 % dans des sédiments argileux (figure 12)[Henry et al., 1999]. Ce phénomène

peut, dans certains cas, expliquer la persistance de zones de gaz libre dans le sédiment en

l'absence de piège classique. Cependant, le gaz présent à des saturations inférieures au seuil

de percolation est, par définition, irrécupérable.

25
(modified from Clennell et al., 1999)

Segregation Criterion
Px > σ3

σ3 Pore water
Pw
rcrit
Hydrate
or Gas

Pw Px
Pw
Pw
Pw = pore water pressure
σ3 = minimum total stress
Px = hydrate or gas phase pressure

Equilibrium phase pressure:


Px = Pw + Pcapillary
Px = Pw + (µ-µbulk(Pw,T))/vx
Fig. 11 : Critère de ségrégation pour l'hydrate ou le gaz. Si la pression de la phase x est
supérieure à la contrainte minimale effective, elle peut former une inclusion dans le sédiment.
Ce critère est équivalent à un critère de fracturation hydraulique. Dans le cas d'un équilibre
capillaire, la pression de la phase non mouillante (hydrate ou gaz) est supérieure à la
pression de l'eau interstitielle. L'écart de pression est appelé pression capillaire et est
inversement proportionel au rayon d'accès des pores.
b. Site 995 - Hydrostatic hypothesis
Fig.12 : Comparaison du seuil de percolation pour le gaz avec
le seuil de fracturation hydraulique du sédiment. (a) Estimation 0
du seuil de percolation à partir de données de porosimetrie au
mercure. (b) Pression lithostatique effective et contrainte
minimale effective au Site 995 dans l'hypothèse hydrostatique. Plitho - Phydro
Si le seuil de percolation est supérieur au seuil de fracturation,
le gaz libre peut migrer à travers le millieu poreux. Sinon, il doit 100 σ3 - Phydro
emprunter des fractures.
Percolation threshold

200

a. Site 995 samples


300
2.E+06

free gas migration in fractures

Depth (mbsf)
400
BSR
1.E+06
500

Gas pressure, Pa
free gas migration by percolation

Percolation threshold 600

0.E+00
0 10 20 30 40 700
Saturation,% 0 1000 2000 3000 4000 5000

Effective stress, Pa
4. Modèles quantitatifs de champ d'hydrate

Plusieurs modèles numériques pour la formation des hydrates sont issus du concept

selon lequel les champs d'hydrates se forment généralement à partir de méthane dissous

transporté au travers de la zone de stabilité des hydrates par la phase aqueuse [Hyndman and

Davis, 1992; Ginsburg and Soloviev, 1997]. D'autres auteurs ont cherché à contraindre la

production de méthane biogénique dans la zone de stabilité des hydrates et montrent qu'elle

peut être significative [Egeberg and Dickens, 1999]. Tous ces modèles sont unidimensionels

et résolvent essentiellement les équations de conservation de la masse et de la chaleur. Nous

considèrerons tout d'abord des modèles qui ne prennent en compte que le méthane. Nous

présenterons ensuite des modèles qui tentent d'expliquer simultanément la chimie des fluides

interstitiels, et notamment les anomalies de chlorinité généralement associées aux champs

d'hydrates. Les modèles les plus complets à ce jour suggèrent que l'on ne peut pas expliquer

toutes les observations à Blake Ridge sans faire à la fois intervenir un flux d'eau et une

production de méthane in situ. Bien qu'il y ait sur Blake Ridge des indices de migration

épisodique et/ou locale de gaz libre, elle semble d'importance secondaire pour expliquer les

observations aux Sites 994 995 et 997. Bien que des modèles conceptuels existent [Soloviev

and Ginsburg, 1997; Clennell et al., 1999], les informations manquent actuellement pour

élaborer un modèle quantitatif solide dans un contexte où les flux d'eau et de méthane seraient

plus important, et où le gaz libre pourrait jouer un rôle significatif.

4.1. Un modèle simplifié

Le premier de ces modèles [Rempel and Buffet, 1997] prend en compte la conservation

de l'eau, du méthane et de la chaleur, mais comprend d'importantes simplifications. En

particulier, l'équilibre diphasique hydrate-solution aqueuse est approximé par une relation

linéaire entre température et solubilité. D'autre part la diffusion en phase fluide est

complètement ignorée. Une solution analytique est donnée dans le cas d'un milieu poreux

28
semi-infini qui est refroidi à partir de la surface par un changement de condition de

température à t=0. Dans cette solution, il n'y a pas de circulation de fluide, ni de diffusion.

L'hydrate se forme uniquement à partir du gaz initialement dissous et l'équilibre local hydrate-

solution est supposé se réaliser instantanément. Le cas traité avec cette solution est de toute

évidence plus proche d'une expérience en laboratoire que du cas naturel. Il correspond de fait

assez fidèlement au dispositif expérimental construit par Buffet et Zatsepina [Buffett and

Zatsepina, 2000]. Dans ce cas, les saturations en hydrate obtenues ne dépassent pas 1%.

Dans la même étude, les résultats d'un modèle numérique sont aussi présentés, avec

deux cas schématiques d'application au milieux naturel (figure 13). Dans le premier cas, un

flux constant d'eau saturé en méthane est appliqué à la base d'une colonne sédimentaire. Après

un épisode transitoire, la concentration en méthane atteint la concentration d'équilibre dans

toute la zone de stabilité des hydrates. Le taux de formation des hydrates devient constant

dans toute la zone de stabilité. Il dépend alors uniquement du gradient de température et du

flux d'eau. Comme nous le verrons par la suite, ce modèle schématique reste une base solide

pour obtenir l'ordre de grandeur du taux d'accumulation des hydrates dans une colonne

sédimentaire sujette à un flux d'eau ascendant. Dans le cas traité, un flux d'eau de l'ordre du

mm/an donne un taux d'accumulation de 1% (en saturation d'hydrate) par 100.000 an.

Le deuxième cas traite du recyclage du méthane à la base du domaine de stabilité des

hydrates sous l'effet de la sédimentation. En effet, une conséquence de l'enfouissement est la

dissociation de l'hydrate accumulé dans le sédiment à la base de son domaine de stabilité et la

libération d'une phase méthane. Si ce méthane migre vers le haut pour retourner dans le

champ de stabilité des hydrates, il se produit une accumulation d'hydrate à la base du domaine

de stabilité. Le traitement de ce processus dans le modèle n'est pas développé en détail. Dans

le cas traité, il apparaît que l'épaisseur de cette accumulation près de la base du domaine de

stabilité dépend essentiellement de la cinétique de cristallisation. La question de la migration

du gaz libéré à la basé du domaine de stabilité est un point épineux. En effet, les phénomènes

capillaires limitent la mobilité du gaz et il est vraisemblablement nécessaire que la saturation

en gaz dépasse un seuil de percolation pour pouvoir migrer à travers le milieu poreux [Henry

29
et al., 1999]. Cet argument a conduit [Davie and Buffett, 2001] à ignorer la migration du gaz

dans leur modèle numérique appliqué à Blake Ridge. Le seuil de percolation est d'environ

20% pour le sediment de Blake Ridge, et, compte tenu des concentrations mesurées en

méthane [Dickens et al., 1997b], il ne pourrait être atteint qu'à un seul des sites forés (Le Site

997). On peut remarquer que ce site est en effet le seul qui présente une nette accumulation

d'hydrate localisée à la base du domaine de stabilité. Cette accumulation d'hydrate reste

limitée à une dizaine de mètres d'épaisseur et ne dépasse pas elle-même 20% de saturation.

30
(b)

(c)

(a)

Fig. 13 : (a) Principe du modèle d'advection de Rempel et Buffett (1997): Un fluide saturé
en méthane traverse le domaine de stabilité de l'hydrate. Comme la solubilité du méthane
diminue progressivement vers la surface, l'hydrate peut se former à partir du méthane
dissous. Avec ce mode de formation, aussi bien que dans le cas d'une production
biogénique in situ, l'hydrate est largement distribué dans sa zone de stabilité.
(b et c) La migration du gaz libre vers le domaine de stabilité des hydrates produit une
accumulation supplémentaire d'hydrate au niveau du BSR. L'épaisseur de cette zone
depend de la cinétique de réaction.
4.2. Un modèle d'advection-diffusion du méthane en phase aqueuse.

Xu and Ruppel [1999] proposent une formulation qui permet un traitement complet de

l'advection-diffusion du methane, couplé avec le transfert de chaleur. Leur formulation

comprend la possibilité de traiter un écoulement diphasique (liquide + gas). Toutefois, la

migration du gaz libre n'est pas traitée en détail dans l'article et Il n'est pas évident que cet

aspect ait été implémenté numériquement. Enfin, seuls des cas de régime permanent sont

traités. Le couplage avec la thermique est bien pris en compte, mais l'effet de la chaleur

latente de formation des hydrates est faible pour la gamme de flux de matière considérée dans

ces modèles. Le principal résultat de cette étude est que la zone ou les hydrates peuvent se

former peut ne correspondre qu'à une partie de la zone de stabilité des hydrates. Ceci résulte

d'une part des pertes par diffusion à travers la surface et, d'autre part, de l'existence d'un

maximum de solubilité du méthane à la base du domaine de stabilité des hydrates (figure 13).

Les pertes par diffusion au travers de la surface et l'oxydation du méthane couplée à la

réduction des sulfates limitent la formation des hydrates près de la surface du sédiment. Si la

concentration de méthane dans l'eau de mer est nulle (ce qui est une condition à la limite

réaliste), il existe un domaine où les hydrates ne peuvent cristalliser car la concentration du

méthane reste inférieure à sa solubilité. L'épaisseur de cette zone est essentiellement contrôlée

par la vitesse d'ascension du fluide. Pour une vitesse de 0.3 mm/an, elle peut atteindre 100 à

200 m. L'épaisseur de la couche limite de diffusion diminue linéairement avec la vitesse du

fluide et deviens de l'ordre du mètre pour des flux de l'ordre du cm/a. Si les flux d'eau et de

méthane sont de cet ordre ou plus importants, la zone de réduction des sulfates devient très

mince, elle peut même être éliminée. On peut alors envisager de former des hydrates

immédiatement sous la surface du sédiment. Ce type de situation a été observé au niveau de

sites actifs d'expulsion de fluides (eau + gaz libre) [Soloviev and Ginsburg, 1997; Suess et al.,

1999].

La courbe de solubilité du méthane présente une discontinuité de pente à la limite

entre le domaine de stabilité des hydrates et celui du gaz. En effet, la solubilité augmente avec

32
la profondeur dans le domaine des hydrates, car elle est alors essentiellement contrôlée par la

température. Dans le domaine du gaz, les effets de la pression et de la température se

compensent en partie et la solubilité dépend peu de la profondeur. Suivant le gradient de

température, la solubilité augmente ou diminue alors lentement avec la profondeur. Xu et

Ruppel [1999] ont montré que la diffusion tend à lisser la concentration en méthane et peut

ainsi maintenir une zone sous-saturée (sans hydrate ni gaz) autour de la base du domaine de

stabilité des hydrates (figure 14). Ce modèle de régime permanent rend bien compte des

observations au Site 994 de Blake Ridge où un intervalle sans gaz ni hydrates est observé

[Wood and Ruppel, 2000]. Pour un flux d'eau donné, il existe un flux de méthane minimum

pour que le toit du gaz coïncide avec la base des hydrates. C'est généralement dans ce cas que

l'on peut observer un BSR.

Des cas sans advection de fluide ont été considérés, mais ceux-ci ne semblent pas

pouvoir expliquer les observations car la zone ou les hydrates peuvent se former est alors trop

mince. Pour cette raison Xu et Ruppel [1999] concluent que les zones à hydrates sont toujours

dominés par l'advection, même quand celle-ci est faible (une fraction de mm/an). Cependant

la production biogénique de méthane à l'intérieur du domaine de stabilité n'a pas été prise en

compte dans cette analyse. C'est une limitation importante car ce terme peut être significatif

dans les cas ou les flux de méthane et d'eau estimés restent faibles, comme justement à Blake

Ridge. D'autres modèles que nous allons maintenant examiner ont cherché à estimer cette

contribution.

33
(a)

SITE 994 SITE 997


Temperature (C) Temperature (C)
0 10 20 30 40 0 10 20 30 40

seafloor seafloor
GHSZ GHSZ
3000
GHZ
GHZ
Depth (mbsl)

BSR
stability

stability
ge

ge
o

ot

3500
th

he
er

rm
m

FREE GAS FREE GAS

(b)
Augmentation du flux de méthane

Fig. 14 : Modèle d'advection-diffusion sans production de méthane in situ. La diffusion


limite la zone (GHZ) ou l'hydrate est effectivement présent à une partie seulement du
domaine de stabilité (GHSZ). L'epaisseur de la zone dépourvue d'hydrate prés de la
surface depend essentiellement de la vitesse d'advection du fluide. Pour un faible flux de
méthane, il y a une zone sans hydrate ni gaz à la base du domaine de stabilité de
l'hydrate et pas de BSR. Cette zone disparaît quand le flux de méthane augmente. (a)
courbes de solubilité du méthane (Msl) et de concentration du méthane en solution (M)
(Xu et Ruppel, 1999). (b) Application du concept à Blake Ridge (Wood et Ruppel, 2000).
4.3. Un modèle de production biogénique du méthane.

Egeberg et Dickens [1999] ont proposé un modèle couplé hydrate-chlorure. Dans le

cas de Blake Ridge, comme pour la plupart des champs d'hydrates sous-marins, le fluide

interstitiel a une salinité et une chlorinité plus faible que l'eau de mer. Ceci est au moins pour

une part la conséquence de la dissociation de l'hydrate de méthane présent dans le sédiment

avant la remontée des carottes. Cependant, l'estimation de la quantité exacte d'hydrate par

cette méthode nécessite de connaître précisément la composition du fluide interstitiel in situ.

Les prélèvements d'eau interstitiel in situ (effectuées avec le Water Sampler and Temperature

Probe) sont peux nombreux et les concentrations mesurées ont une barre d'erreur importante.

Cependant, ces mesures indiquent que le fluide interstitiel in situ est moins salé que l'eau de

mer. Dans la mesure où le chlore peut être considéré comme un élément conservatif, un

modèle d'advection-diffusion peut être utilisé pour calculer les concentrations in situ. Egeberg

et Dickens [1999] ont utilisé cette approche pour estimer la concentration en hydrate dans le

sédiment et en déduisent la vitesse de croissance de l'hydrate en fonction de la profondeur

(figure 15). Ils concluent que l'hydrate commence à s'accumuler à 25 m de profondeur,

immédiatement à la base de la zone de réduction de sulfates. Ils obtiennent les taux

d'accumulation les plus importants à ce niveau (0.5 mol par m3 et par ky) et concluent que

l'accumulation de méthane est dominée par la production biogénique in situ. Ce modèle rend

bien compte de la forme générale de la courbe de chlorinité, mais il n'explique pas la grande

dispersion des mesures de chlorinité entre 200 m sous la surface et la base du domaine de

stabilité des hydrates. Les points de faible chlorinité coïncident avec des pics de forte

resistivité dans les logs électriques et correspondent donc vraisemblablement à des

accumulations d'hydrates, atteignant 10 à 20% de saturation [Paull et al., 1996]. Les

saturations d'hydrate obtenues avec ce modèle restent toujours inférieures à 5% et sont

probablement sous estimées entre 200 et 400 m.

35
a b c

Fig. 15 : Modèle de Egeberg et Dickens (1999). Ce modèle prend en compte le transport du chlore par
advection-diffusion mais ignore le transport du méthane. Les hydrates résultent donc uniquement de la
production biogénique locale. (a) Concentration en hydrate prédite par le modèle et calculée à partir de la
chlorinité. La concentration moyenne en hydrate prédite entre la zone de réduction des sulfates (24 m) et le
BSR (451 m) est 2.3 %. Les pics de concentration en hydrate ne sont pas expliqués par ce modèle. (b)
comparaison des résultats du modèle avec les données de chlorinité. (c) La diminution de chlorinité vers 25
m est ici interprétée comme le commet de la zone des hydrates, cependant, les hydrates ne sont
détectables par la géophysique qu'en dessous de 200m.
Indépendamment des hydrates, un résultat solide de cette étude est la vitesse moyenne

d'advection du fluide au travers du sédiment. Celle-ci n'est pas uniquement contrainte par le

profil de chlorinité, mais aussi par l'évolution des rapports Br/I avec la profondeur et par les

rapports isotopiques du chlore (figure 16)[Hesse et al., 2000]. La variation du rapport Br/I

avec la profondeur indique la présence d'un fluide marqué par la diagénèse de la matière

organique à un niveau plus profond. L'application d'un modèle d'advection-diffusion permet

de contraindre la vitesse verticale d'ascension du fluide à 0.2±0.1 mm/yr. Ce flux d'advection

peut expliquer la courbure du profil de chlorinité dans la zone de stabilité des hydrates. Les

modèles que nous avons examinés précédemment suggèrent qu'un flux d'eau de cet ordre est

suffisant pour modifier la distribution des hydrates. Le modèle de Egeberg et Dickens [1999]

ne prenait pas en compte la migration du méthane, ni les effets liés à la variation de solubilité

du méthane avec la profondeur. Il paraît dont nécessaire de regrouper les deux approches et de

traiter simultanément le transport du méthane et du chlore. C'est ce qui a été fait par Davie et

Buffett [2001], et c'est cette étude que nous allons maintenant examiner.

4.4. Un modèle complet ?

Davie et Buffett [2001] ont adopté une formulation du problème qui inclut les

équations de conservation des solides, du fluide et du gaz et traite le transport du méthane et

du chlorure par advection et diffusion. Ils supposent que la phase gazeuse est piégée par les

effets capillaires et est entraînée vers le bas par la sédimentation. Le méthane est produit

biogéniquement et la production de méthane est décrite par une loi du premier ordre. Une telle

loi produit une décroissance exponentielle du contenu en matière organique et de la

production de méthane avec l'age du sédiment. Une telle loi est très commode pour la

modélisation, mais elle manque de justification et l'étude de l'activité bactérienne dans le

sédiment montre que la réalité est peut être plus complexe [Wellsbury et al., 2000].

37
R . HE SSE ET AL (2000)

Fig. 16 : La vitesse moyenne d'advection verticale du fluide interstitiel


dans Blake Ridge est estimée à 0.18 mm/an à partir des isotopes du
chlore et des concentrations en halogènes (Hesse et al., 2000).
Les trois paramètres les plus sensibles de ce modèle sont : le taux de sédimentation, la

quantité de matière organique transformable par les bactéries et le taux de production de

méthane, exprimé en s -1. De façon surprenante, Davie et Buffet [2001] montrent que la

présence d'un flux d'eau n'a pas nécessairement une grande influence sur la distribution des

hydrates dans les sédiments. Un modèle sans flux ascendant et avec un flux ascendant de 0.25

mm/an, (compatible avec les résultats de Egeberg et Dickens [1999]) peuvent donner des

distributions d'hydrates et des anomalies de chlorinité identiques. Pour ajuster les modèles

avec et sans flux ascendant de façon à produire les mêmes résultats, un seul autre paramètre a

été modifié : la fraction de la matière organique transformable en méthane est diminué de 100

à 50 %. Le taux de production de méthane reste constant à 3×10-13 s-1.

L'interêt fondamental de ce modèle est qu'il présente un traitement complet du cas où

tout méthane est produit de façon biogénique et où la migration de gaz libre n'intervient pas. Il

permet donc montrer le domaine de validité de ces hypothèses et leurs implications. Dans ce

cadre:

-Une teneur initiale en carbone organique de 0.5 % (TOC) semble le minimum pour obtenir la

présence d'hydrate et de gaz libre, en faible quantité. Dans le cas de Blake Ridge, la teneur en

carbone organique est de 1.5%. Seulement une fraction de ce carbone (probablement environ

50%) peut être transformé en méthane par les bactéries. Un tel contenu en matière organique

est considéré comme élevé pour des sédiments marins profonds.

-Il y a compétition entre la diffusion du méthane vers la surface, la sédimentation et la

production de méthane. Pour de faibles taux de production (<10-14 s-1 ), la production de

méthane dans la zone des hydrates est limitée par le taux de sédimentation et la teneur en

hydrate est inversement proportionnelle au taux de sédimentation. Pour des taux de

production plus élevés, une fraction importante de la matière organique est convertie en

méthane prés de la surface et les pertes par diffusion deviennent significatives (quand le taux

de sédimentation est faible). La quantité d'hydrate accumulée passe alors par un maximum

pour des taux de sédimentation de l'ordre de 100 à 1000 m/Ma, typiques des dépots terrigènes

des marges continentales.

39
-Pour une teneur en matière organique et des taux de sédimentation typiques de Blake Ridge

(1.5% et 220 m/Ma, respectivement), la saturation en hydrate moyennée sur l'ensemble du

domaine de stabilité ne semble pas pouvoir dépasser 7%, même en augmentant indéfiniment

le taux de production.

Le cas retenu par Davie et Buffett [2001] rend compte des mesures de chlorinité à

Blake Ridge pour un taux de production de méthane biogénique de l'ordre de 3 10-13 s-1

(figure 17). Ce taux correspond à une constante de temps de 100.000 ans pour la digestion de

la matière organique par les bactéries. Avec un tel taux, la plus grande partie de la matière

organique comestible est transformée en méthane dans les 30 premiers mètres sous la zone de

réduction des sulfates. Cette conclusion et en complet accord avec les résultats de Egeberg et

Dickens [1999] mais elle reste discutable. Les indications de la présence d'hydrate entre la

base de la zone de réduction des sulfates et 150 m de profondeur sont plutôt ténues,

puisqu'elles reposent entièrement sur les données de chlorinité. Ce n'est qu'en dessous de 150-

200m que les concentrations en hydrates sont suffisamment fortes pour être détectables par

des méthodes géophysiques [Holbrook et al., 1996; Paull et al., 1996]. Par ailleurs, les

prélèvements avec le carottier sous pression (PCS) effectués vers 150 m de profondeur ne

semblent pas contenir d'hydrates [Dickens et al., 1997b]. Dans entre 0 et150 m, les saturations

prédites dans le modèle de Egeberg et Dickens [1999] sont trop faibles (2-3%) pour pouvoir

être detectées facilement et restent donc compatibles avec les données géophysiques.

Cependant, dans le modèle de Davie et Buffet [2001] les saturations en hydrates atteignent

5% dans cet intervalle, ce qui est probablement incompatible avec les données. Davie et

Buffet [2001] font aussi remarquer que leur modèle ne prédit pas des concentrations de gaz

suffisantes en profondeur. Ces deux difficultés pourraient être liées à l'utilisation d'une

cinétique simplifiée pour la production du gaz. Cependant, leur modèle rend bien compte

d'autres observations:

40
a b

Fig. 17 : Résultats du modèle de Davie et Buffett (2001) appliqué au Site 997 de


Blake Ridge. Le méthane est supposé biogénique, produit à partir de la matière
organique disséminée dans le sédiment (1.5% en masse). c
(a) Concentration en hydrate calculée en l'absence d'advection. (b) Comparaison
des chlorinités calculées avec les données. (c) Effet de l'advection sur la chlorinité.
La fraction de la matière organique en méthane est de 100% pour (a) et (b) mais
de seulement 50% pour (c)
-Les saturations en hydrate plus importantes observées entre 200 et 400 m sous le fond marin

peuvent être expliquées par le recyclage d'une partie du méthane libéré par la dissociation des

hydrates à la limite inférieure du domaine de stabilité. Dans le présent modèle, le recyclage se

fait uniquement par diffusion et transport par la phase aqueuse, il est cependant possible que

des migrations épisodiques de gaz libre viennent perturber ce schéma [Paull et al., 1996].

-La faible chlorinité observée sous le domaine des hydrates peut être expliquée par la

formation des hydrates à l'intérieur du domaine de stabilité et leur dissociation à la base. Ce

résultat n'implique toutefois pas l'absence de source de fluide profonde, dans la mesure ou

l'existence d'un flux d'eau ascendant a été montrée indépendamment de l'anomalie de

chlorinité. Par ailleurs, ce flux est associé à une importante anomalie isotopique du chlore

qui, à ce jour, est inexpliquée [Hesse et al., 2000].

4.5 Résumé des principaux résultats obtenus sur Blake Ridge.

La modélisation du système de Blake Ridge montre l'importance des phénomènes de

diffusion-advection en phase fluide. Ces phénomènes ont une influence majeure sur la chimie

du fluide interstitiel et sur la répartition de l'hydrate dans le sédiment. La question de l'origine

du méthane (l'essentiel du méthane est-il produit dans la zone de stabilité des hydrates ou en

dessous ?) reste largement en suspens, mais les données et les modèles donnent maintenant les

limites du débat.

-La géochimie indique que le méthane est biogénique [Paull et al., 2000] mais cela

n'implique pas que le méthane soit entièrement produit dans le domaine de stabilité des

hydrates. L'analyse des rapports isotopiques du carbone du méthane et du gaz carbonique

dissous indique que la production de méthane par réduction du bicarbonate décroît

régulièrement avec la profondeur pour s'annuler vers 1000 m de profondeur [Paull et al.,

2000]. Cependant, l'étude microbiologique montre un regain de l'activité bactérienne sous le

domaine de stabilité des hydrates, qui semble corrélée avec la présence de gaz libre

[Wellsbury et al., 2000]. Cette étude montre aussi un fort potentiel de production de méthane

42
à partir de l'acétate sous le domaine de stabilité des hydrates. Ce mode de production du

méthane était considéré comme inexistant en domaine marin et son existence à Blake Ridge

reste contestée sur la base des rapports isotopiques [Paull et al., 2000].

-Il y a un flux d'eau ascendant d'environ 0.2 mm/yr [Egeberg and Dickens, 1999]. Ce

flux d'eau ne peut pas être expliqué par la dissociation des hydrates, ni par la compaction du

sédiment en régime permanent.

-La production locale de méthane à l'intérieur du domaine de stabilité des hydrates et

le flux d'eau ascendant contribuent tous les deux à l'accumulation d'hydrate. La mise en

équation complète du problème montre que l'on ne peut probablement pas distinguer les deux

contributions à partir de données acquises sur un seul puit [Davie and Buffett, 2001].

-La comparaison des observations effectuées aux différents puits indiquent une

variation latérale du flux de méthane apporté à la base de la zone de stabilité des hydrates [Xu

and Ruppel, 1999]. Ce flux de méthane peut correspondre soit à une production de méthane

en profondeur soit au recyclage du méthane libéré par la dissociation des hydrates.

Un modèle ne peut être jugé satisfaisant que s'il fournit une explication cohérente aux

différentes observations aux sites 994, 995 et 997. Les modèles privilégiant la production de

méthane in situ prédisent le même résultat dans les trois puits puisque la quantité de matière

organique moyenne dans le sédiment est la même. Ils ne peuvent pas non plus expliquer les

importantes variations latérales de vitesse sismique observées par Rowe et Gettrust [1993b].

Seul le modèle de [Xu and Ruppel, 1999] apporte un élément de réponse en reliant la présence

où l'absence de BSR et l'abondance de l'hydrate à l'importance du flux de méthane apporté à

la base du domaine de stabilité. Ces variations latérales de flux pourraient être dues à des

variations du flux d'eau ascendant, ou bien à une migration hétérogène du gaz libre sous le

domaine de stabilité des hydrates. Les études actuelles ne permettent pas de discriminer entre

ces deux hypothèses

43
5. Discussion

5.1 Budgets de fluide et d'hydrate dans les systèmes à flux diffus

Nous avons constaté l'applicabilité des modèles d'advection-diffusion en phase fluide

au cas des sites de forage 994, 995 et 997 sur Blake Ridge, mais, comme nous l'avons déja

signalé, ces sites correspondent vraisemblablement à une zone où les flux ascendants d'eau et

de méthane sont relativement faibles. Si le système est dominé par l'advection de méthane en

phase fluide, le taux moyen d'accumulation d'hydrate dans la colonne sédimentaire devrait

être simplement relié au flux d'eau [Rempel and Buffet, 1997] par:

q = (ϕ U × ∆S) / L

où q est le taux d'accumulation des hydrates en mole par m3 de sédiment par an, ϕ est la

porosité, U est la vitesse du fluide (en m/an), ∆S est la variation de solubilité du méthane entre

la base du domaine de stabilité des hydrates et la surface du sédiment (en mol/m3) et L est

l'épaisseur de la zone de stabilité en m. Si l'age du système est t, la quantité totale d'hydrate

accumulée correspond à une épaisseur e d'hydrate pur,

e = ϕ U × ∆S × Vh × t

où Vh est le volume molaire de l'hydrate soit 22.5 10-3 m3. Dans le cas d'une colonne

sédimentaire en régime permanent, l'age du système correspond à l'age moyen du sédiment

dans le domaine de stabilité des hydrates.

Dans le cas du site ODP 997, U = 0.2 mm/an, ϕ vaut environ 60%, L = 450 m et t = 3

Ma. ∆S dépend essentiellement de la différence de température au travers du domaine de

stabilité et vaut 0.0022 fraction molaire (entre 3 et 21°C), soit 0.12 mol/l. le taux

d'accumulation est alors q = 32 × 10-6 mol/m-3/yr-1 et l'épaisseur calculée du dépot d'hydrate

est e = 6 m. La saturation en hydrate moyennée sur les 450 m du domaine de stabilité est alors

de 2.2%. Ces valeurs sont remarquablement en accord avec l'estimation moyenne de Egeberg

et Dickens [1999] et constituent la limite inférieure des estimations publiées.

Au niveau du diapir de Blake Ridge (Site de forage 996) la vitesse moyenne

d'advection de l'eau est plus importante, estimée à 0.3-0.5 mm/an [Egeberg, 2000].

44
Cependant, le temps d'accumulation est mal contraint. En supposant qu'il est aussi de 3 Ma,

l'accumulation d'hydrate devrait être de l'ordre de 10 m. L'épaisseur de la zone de stabilité des

hydrates à ce site est L = 250 m et une saturation de 5 à 10 % est alors attendue. La

concentration moyenne en hydrate évaluée par des méthodes de géochimie isotopique à ce site

est de 10% environ [Egeberg, 2000]. Cependant, il est probable que la formation des hydrates

à ce site fait aussi intervenir une migration canalisée de gaz libre au travers la zone de stabilité

des hydrates [Taylor et al., 2000].

Des flux d'advection plus importants sont attendus sur les marges actives à cause des

contributions provenant des sédiments entraînés dans la subduction et de la compaction

tectonique dans le prisme d'accrétion. Cependant, les budgets de compaction établis sur les

prismes d'accrétion de la Barbade et des Cascades donnent un flux maximum de l'ordre du

mm/an dans la partie frontale du prisme [Le Pichon et al., 1990; Hyndman et al., 1993].

L'estimation la plus élevée (7mm/yr) a été obtenue pour les 5 premiers km du prisme des

Aléoutiennes [Suess et al., 1998]. Dans la partie haute des prismes d'accrétion, où le BSR est

généralement observé, les flux d'eau estimés par cette méthode sont plus faibles, du même

ordre de ceux observés au travers de Blake Ridge. Cependant, les vitesses de sédimentation

sur les pentes du prisme sont très variables et l'érosion peut être présente. Si les sédiments de

pente sont peu épais ou absents, le temps disponible pour accumuler des hydrates correspond

à l'age de l'accrétion et les dépôts d'hydrate ne devraient généralement pas excéder quelques

dizaines de mètres d'épaisseur équivalente [Hyndman and Davis, 1992]. De fait,

l'accumulation d'hydrate aux sites de forages ODP au large de Vancouver sur la partie Nord

de la marge des cacades est équivalente à 10-15 m d'hydrate pur, sur la base des études

géophysiques (25-30% de saturation sur 100 m d'épaisseur d'après les mesures de résistivité

[Hyndman et al., 1999], 20% de saturation sur le même intervalle d'après les analyses de

vitesse [Yuan et al., 1996]). Dans le cas d'une marge sans prisme d'accrétion, les sédiments

entraînés dans la subduction fournissent une quantité de fluide comparable, et le temps

disponible pour accumuler les hydrates peut être trés long (dizaines de Ma) mais est

généralement difficile à estimer précisément.

45
5.2. Systèmes à flux canalisé et accumulations superficielles d'hydrates

Les estimations de flux basées sur des budgets de fluide régionaux sont des flux

moyennés dans le temps et dans l'espace. Ils sont très inférieurs aux flux mesurés au niveau

des zones d'expulsion actives. En domaine sous-marin, l'expulsion d'eau et de méthane est un

phénomène fréquemment associé au diapirisme argileux. Il peut aussi se produire dans

d'autres contextes, en particulier dans des zones tectoniques actives où des failles et des

strates perméables érodées canalisent les fluides jusqu'à la surface du sédiment. Les sites

d'expulsion actifs sont reconnus aux écosystèmes particuliers qui en dépendent [Kulm et al.,

1986] et aux panaches de méthane qu'ils peuvent former dans la mer. Ces panaches ont été

observés en de nombreux endroits : marge Est Nankai [Tsunogai et al., 1998], fosse des

Aléoutiennes [Suess et al., 1998], marge des Cascades (figures 18 et 19)[Suess et al., 1999],

mer d'Okotsk [Soloviev and Ginsburg, 1997], golfe du Mexique, marge des Carolines (non

loin de Blake Ridge) [Paull et al., 1995] et d'autres sites encore. L'abondance des carbonates

authigènes (formés par oxydation du méthane) observés au voisinage des sites d'expulsion de

fluide atteste de l'importance des quantités de méthane oxydées dans le sédiment pendant

leurs périodes d'activité (figure18). L'estimation des flux expulsés reste un problème difficile.

Les observations sur les sorties de fluides montrent que des vitesses d'advection de 100 m/an

ou plus peuvent être atteintes [Carson et al., 1990; Henry et al., 1992; Linke et al., 1994].

Cependant les flux mesurés ne correspondent pas nécessairement au flux réel de fluide

provenant du sédiment en raison des phénomènes de convection locale et de bioirrigation. Les

flux réels dans les conduits d'alimentation seraient plutôt de l'ordre de 1 à 10 m/an sur des

surfaces de l'ordre du m2 [Henry et al., 1992; Wallmann et al., 1997; Suess et al., 1998]. Avec

de tels flux, des accumulations locales d'hydrates peuvent être obtenues immédiatement sous

la surface du sédiment en un temps géologique court, de quelques centaines à quelques

milliers d'années. De telles accumulations sont fréquemment observées au niveau de sites

actifs d'expulsion de fluide, comme dans le golfe du Mexique [Brooks et al., 1984], la mer

d'Okotsk [Soloviev and Ginsburg, 1997], au site Hydrate Ridge sur la partie Sud de la marge

46
des Cascades (figure 19) [Suess et al., 1999] et au niveau du diapir de Blake Ridge [Paull et

al., 1996](Soloviev et Ginsburg [1997] fournissent une liste plus exhaustive des sites connus).

De telles accumulations devraient en principe rester limitées aux conduits et à leur

environnement immédiat, cependant, on ne sait toujours pas de façon certaine si les zones de

forte réflectivité acoustique observées sur la marge des Cascades [Carson et al., 1994] doivent

être attribuées uniquement à la présence de carbonates ou si les hydrates y contribuent. Il en

est de même pour une zone de forte réflectivité observée au sonar latéral Gloria autour de

volcans de boue situés par 5000 m de fond dans le fossé de la Barbade [Brown and

Westbrook, 1988]. Bien que la sédimentation à ce dernier site soit argileuse, l'advection d'eau

n'est pas limitée pas aux volcans de boue et affecte, avec une vitesse d'advection verticale

moyenne de 2 à 5 mm/an, une zone de 50 km2 minimum [Henry et al., 1996]. L'analyse

isotopique (δ18 O) et géochimique à ce site [Martin et al., 1996] ainsi qu'à Hydrate Ridge

[Suess et al., 1999] montre qu'une partie importante du fluide expulsé provient de la

dissociation d'hydrate de méthane dans le sédiment. La zone d'Hydrate Ridge fera l'objet

d'une nouvelle campagne de forage ODP en 2002.

47
Fig. 18 : Situation de Hydrate Ridge (Suess et al., 1999). (a) contexte tectonique de la marge
convergente des cascades. (b) Bathymétrie et zones de forte réflectivité accoustique. La
réflectivité est liée à la présence de carbonate authigène ou d'hydrate dans les sédiments
superficiels (Carson et al., 1994). (c) position du site de forage ODP 892, du prélèvement
d'hydrate par benne (TVG), des prélèvements de fluide dans la colonne d'eau (CTD) et lors
de plongées d'engin guidés (ROV, VESP).
Fig. 19 : observations sur Hydrate Ridge, un exemple de système à fort flux de gaz (Suess et al.,
1999). (a) hydrate à l'affleurement, (b) hydrate dans une fissure d'un massif de carbonate authigène,
(c) veines d'hydrate pur dans un échantillon de sédiment, (d) structure interne de l'hydrate montrant
des nodules avec plusieurs épisodes de croissance. (e) panaches de méthane et profil sismique
montrant le BSR.
5.3. Migration du gaz libre à travers le domaine de stabilité des hydrates

Nous avons jusqu'à présent considéré que la migration du gaz dans le domaine de

stabilité des hydrates se faisait uniquement sous forme dissoute, cependant, un certain nombre

d'observations montrent que la migration de gaz libre y est possible quand elle est canalisée.

L'observation directe au fond de la mer d'émission de bulles de méthane à des profondeurs

d'eau où l'hydrate est stable en est la démonstration évidente. Ce phénomène a été observé

dans une bonne partie des systèmes à flux canalisés que nous venons de décrire (marge des

Cascades, golfe du Mexique, prisme de Nankai, mer d'Okotsk ...). Bien évidemment, la

migration de gaz au travers du domaine de stabilité de l'hydrate dans le sédiment est d'autant

plus facile que l'épaisseur de ce domaine est faible. Ainsi les émissions de bulles sont le plus

souvent observées près de la limite supérieure du domaine de stabilité de l'hydrate entre 500

et 800 m de profondeur d'eau. Cependant, des accumulations d'hydrate associées à des sites

d'expulsion de gaz ont été observées au large de l'île Sakhaline jusqu'à des profondeurs d'eau

de 1040 m. Ceci suggère que le gaz libre peut continuer de traverser la zone de stabilité des

hydrates alors que celle-ci fait plusieurs centaines de mètres d'épaisseur [Soloviev and

Ginsburg, 1997].

Les pockmarks sont des dépressions en forme d'entonnoir qui se forment souvent

autour des conduits. Ils sont considérés comme des indices d'expulsion de gaz et sont

fréquemment observés prés de la limite supérieure du domaine de stabilité des hydrates. Par

exemple, l'étude détaille du basin de l'Eel River en Californie du Nord montre que la plupart

des pockmarks sont rencontrés entre 400-600m de profondeur au sommet d'un anticlinal en

cours de soulèvement. Ces pockmarks sont vraisemblablement alimentés par la dissociation

d'hydrate à quelques mètres de profondeur dans le sédiment [Yun et al., 1999]. Des

pockmarks de grande taille (plus de 40 m de diamètre) sont observés à de plus grandes

profondeurs et sont associés à des zones de gaz plus profondes et à des glissements de terrain.

L'expulsion cyclique du gaz modifie les gradients de pression fluide dans les sédiments

superficiels et influe notablement sur la circulation de l'eau interstitielle, comme cela a été

50
observé sur Hydrate Ridge [Tryon et al., 1999]. Enfin, des migrations épisodiques de gaz libre

pourraient expliquer des anomalies locales de vitesse et de réflectivité sismique observées

dans le domaine de stabilité des hydrates à différents endroits sur Blake Ridge [Taylor et al.,

2000; Holbrook et al., 2001].

La migration de gaz à l'intérieur du domaine de stabilité des hydrates peut être facilité

par des phénomènes qui résultent de la consommation de l'eau interstitielle lors formation des

hydrates. Nous avons vu que dans les sédiments à grain fins, il pouvait se produire une

ségrégation de l'hydrate, comme cela est observé pour la glace dans les pergélisols. La

croissance d'hydrate sous forme d'inclusions ségrégées s'accompagne d'une déshydratation du

sédiment avoisinant [Soloviev and Ginsburg, 1997; Clennell et al., 1999]. D'un point de vue

thermodynamique, l'activité de l'eau diminue jusqu'à ce que le gaz puisse coexister avec l'eau

résiduelle sans réagir. Par ailleurs les hydrates qui se forment dans les pores ou autour des

poches de gaz peuvent réduire par obstruction les échanges par diffusion entre la phase

gazeuse le fluide interstitiel présent dans le sédiment. Ce phénomène a été observé en

laboratoire sur des gouttes d'un composé formant des hydrates au contact de l'eau [Ohmura et

al., 1999]. Dans les conditions de stabilité de l'hydrate, une mince coque d'hydrate de

quelques dizaines de micron d'épaisseur se forme autour de la goutte et l'isole du fluide

[Ohmura et al., 2000]. La goutte peut ainsi persister dans un état métastable pendant des

heures.

5.4. Piègeage de gaz sous le BSR

Nous avons vu que pour produire un BSR, il suffisait d'une zone de 10-30 m

d'épaisseur contenant une petite quantité de gaz libre (quelques % de saturation), mais dans

certains cas, la zone de faible vitesse sismique ou le gaz est présent est beaucoup plus épaisse.

Des études géophysiques ont montré en particulier qu'à Blake Ridge et dans le prisme

d'accrétion du Makran le gaz était présent dans une zone d'au moins 250 mètres d'épaisseur

[Holbrook et al., 1996; Sain et al., 2000]. Ces observations peuvent résulter de saturations en

51
gaz trop faible pour permettre sa migration ou, au contraire, suggérer que le BSR joue le rôle

de couverture. L'idée que le gaz est piégé par capillarité et constitue le résidu immobile de la

dissociation des hydrates a été proposée pour Blake Ridge et le Makran [Sain et al., 2000;

Davie and Buffett, 2001], mais elle n'est pas entièrement satisfaisante. Des prélèvements par

carottier pressurisé à Blake Ridge indiquent une saturation de gaz relativement élevée (12%)

au Site 997 [Dickens et al., 1997b]. Compte tenu des incertitudes, cette valeur n'est pas

incompatible avec une percolation du gaz dans le sédiment.

Les observations géophysiques au niveau du diapir de sel de Blake Ridge montrent

également une accumulation de gaz sous le BSR (figure 20). Le diapir de Blake Ridge est un

diapir de sel et la déflection du BSR résulte de la migration de fluides provenant du diapir.

Cette migration induit une augmentation de salinité et de température qui peuvent contribuer

toutes les deux à la déflection du BSR [Taylor et al., 2000]. La forme de l'accumulation de

gaz suggère que le BSR en forme de dôme constitue un piège. La question du mode de

migration de ce gaz au travers de la zone de stabilité des hydrates reste ouverte. Nous avons

vu que Egeberg (2000) identifie un flux d'eau de 0.3 à 0.5 mm/an et que ce flux pourrait

suffire à rendre compte des saturations en hydrate. Cependant, la signature sismique du

sédiment (taches associant forte reflectivité forte atténuation des courtes longueurs

d'onde)[Taylor et al., 2000] et la présence de pockmarks [Paull et al., 1996] suggère que le

gaz libre aussi migre à travers la zone de stabilité des hydrates et s'échappe le long de failles

jusqu'au fond de la mer.

Le piégeage du gaz sous le BSR a aussi été observé au large du Brésil, associé à des

pièges sédimentaires classiques. La hauteur maximale des colonnes de gaz suggère que

l'efficacité du BSR comme couverture est limitée par le seuil de fracturation hydraulique

[Grauls et al., 1998]. Le même modèle appliqué au cas du diapir de Blake Ridge impliquerait

que celui-ci se situe au-delà bien au delà du seuil de fracturation hydraulique (la colonne de

gaz critique n'exèderait pas environ 80 m soit 100 s twt). Cependant la relation entre

profondeur et contrainte principale minimale est peut être différente aux deux sites.

52
D'après ces observations, la base de la zone de stabilité des hydrates apparaît comme

un obstacle à la migration du gaz dans le milieu poreux. Cependant, si la pression du gaz est

suffisante pour permettre l'ouverture de fractures, la migration rapide du gaz au travers de la

zone de stabilité des hydrates serait possible.

53
c Hydrate Concentr ation (v ol%)
82° 80° 78° 76° 74°W 10 30
a 0 20 40
Fig. 20 : (a) Position du diapir de 0
34°

00
00

30
40
sel de Blake Ridge; (b) coupe

00
50
0 sismique montrant la déflection du

0
Charleston 10

30
996 Bl BSR au dessus du diapir,
Savannah ak
32° e l'accumulation de gas libre et la
Ri
dg
e position des sorties de fluide (Paull 25

1000
et al., 1996); (c) concentration en

2000
hydrate determinée par géochimie
30°
isotopique (Egeberg, 2000); (d)
Blake Plateau

Depth (mbsf )
estimation du flux ascendant d'eau
(Egeberg, 2000).
50
28°N BSR

b Site 996 vent sites


W E
Shotpoints hole
1000 900 800 700 A
2.8 D Concentrations from H isotope analysis
75 E
-
Sh ≈ 10% CI (mM)
d
500 900 1300
0

25

3.3 Free Gas

Two-way traveltime (s)


Depth (mbsf )

BSR 50

0.125 0.35 0.50

flow rate (mm/yr)


3.8 75
4 km
Solutions of the transport equation for Clñ used to constrain the rate
Seismic reflection profile (Line 6) across Site 996 collected from the JOIDES Resolution during Leg 16 of upward pore-water migration between 0.125 and 0.5 m/k.y
6. Conclusion

L'étude des hydrates dans le milieu naturel ces dernières années s'est focalisée sur les

BSR. Elle a conduit à aborder des problèmes liés à l'hétérogénéité du milieu sédimentaire et

de la répartition de l'hydrate et du gaz dans le milieu. Elle a aussi démontré l'importance de

l'advection de l'eau interstitielle. Les recherches s'orientent maintenant vers des systèmes à

flux localisé dans lesquels la migration du gaz libre joue un rôle important et qui conduisent

vraisemblablement à des dépôts d'hydrate plus concentrés.

La question de l'évolution de la perméabilité à l'eau et au gaz apparaît actuellement

comme l'une des plus importantes. Si, comme le prédisent les modèles, les hydrates se

forment préférentiellement dans les pores les plus gros, de faibles quantités d'hydrate

pourraient modifier significativement la perméabilité à l'eau et, par effet capillaire, bloquer la

migration du gaz libre. Le dispositif expérimental développé dans le cadre de FORDIMHYS

est conçu en grande partie pour répondre à ces questions. Il faut cependant respecter deux

conditions :

-Il est préférable d'imposer un gradient de température dans la cellule plutôt qu'une

température homogène. Une température homogène conduira la cristallisation préférentielle

des hydrates au point d'entrée du fluide saturé et les mesures de perméabilité seront

inexploitables. L'application d'un gradient thermique devrait permettre de limiter ce problème.

Cependant la modélisation thermique du comportement de la cellule est indispensable à ce

stade du projet.

-Il est important de mesurer le seuil de percolation et la perméabilité au gaz du

sédiment hydraté. Pour cela il faut pouvoir faire circuler au travers de la cellule un gaz ne

formant pas d'hydrate. Bien que ceci n'était pas initialement prévu, il est probablement

possible d'effectuer ce type de test en utilisant le gaz de confinement (azote).

Je signale aussi que le groupe de P. Brewer au MBARI développe un projet

expérimental sur ce même objectif. Son originalité est que la cellule est conçue pour

fonctionner à la pression ambiante. Le dispositif sera embarqué sur un ROV (Remotely

Operated Vehicle) et les expériences seront effectuées sous pression lors de plongées sous-

55
marines. Cette technique permettra d'utiliser un capteur RMN pour mesurer la taille des pores

occupés par l'hydrate.

La prise en compte de la migration du gaz libre est indispensable pour modéliser les

systèmes à fort flux de méthane. Elle nécessite quelques précautions car le gaz, comme

l'hydrate, est soumis aux effets capillaires. Ainsi, les concepts de percolation et de ségrégation

(ou de fracturation) s'appliquent aussi bien à la forme que prend l'hydrate dans le sédiment

qu'au mode de migration du gaz (figure 21). Les deux paramètres essentiels qui déterminent le

comportement de l'hydrate ou du gaz sont la pression capillaire et la contrainte minimale

effective. Si la pression capillaire est inférieure à la contrainte minimale effective, l'hydrate et

le gaz restent dans les pores. Dans ce cas, le gaz ne migre que si la saturation en gaz est

supérieure au seuil de percolation. Si la pression capillaire est supérieure à la contrainte

minimale effective, l'hydrate forme des veines et le gaz migre dans les fractures. Dans le cas

d'une solution très supersaturée en méthane, la croissance anarchique de l'hydrate ou de bulles

de gaz peut endommager le réseau poreux. Ce processus intervient vraisemblablement dans

les phénomènes de mobilisation du sédiment (volcanisme de boue, instabilités de pente

associées à la migration de fluides chargés en méthane ou à la dissociation d'hydrate).

56
A. Hydrate habit B. Gas migration

percolation threshold percolation threshold

connected migration in
interstitial pores
phase transport
finite in solution
interstitial (advection-
clusters diffusion)
migration
coexisting habits
in fractures
(segregated
and invasion
and intestitial)

water pressure

water pressure
mobilisation
Minimum Effective Stress

Minimum Effective Stress


damaged migration
mud diapirism
porous network in fractures
stable landslides ?
segregated
inclusions

Capillary Pressure Capillary Pressure

methane supersaturation in solution methane supersaturation in solution

Fig. 21 : Les mêmes phénomènes physiques (percolation et fracturation) déterminent la forme de l'hydrate dans le sédiment et le mode de
migration du gaz.
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