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Pierre HENRY
henry@geologie.ens.fr
1
Résumé
Plusieurs modèles physiques de champs d'hydrates ont été élaborés afin de déterminer
les quantités d'hydrate présentes et d'estimer les flux d'eau et de méthane traversant le
système. Les modèles quantitatifs publiés sont basés sur l'idée que les accumulations
de stabilité des hydrates, il apparaît qu'un flux d'eau de l'ordre du mm/an persistant pendant
plusieurs dixaines de mètres d'hydrate de méthane pur. Cependant, le site sous-marin le mieux
étudié actuellement (Blake Ridge) correspond à un cas ou les flux d'eau et l'accumulation
d'hydrate sont relativement faibles. Il n'est pas évident qu'il soit représentatif du milieu marin.
Les données quantitatives manquent actuellement sur des systèmes ou les flux d'eau et de
méthane sont plus vigoureux. De tels systèmes existent, parfois associés à du diapirisme
argileux, parfois associés à des sédiments plus perméables que ceux de Blake Ridge. Le
contexte tectonique et la canalisation des fluides influent aussi sur l'accumulation des
hydrates.
En raison de la prééminence des Sites 994, 995 et 997 de Blake Ridge, la migration du
méthane libre n'a généralement pas été considérée dans les modèles. Cependant la migration
de gaz au travers de la zone de stabilité des hydrates est un phénomène fréquemment observé
dans les systèmes à flux canalisé. Des panaches de méthane sont alors observés dans la
colonne d'eau et des hydrates massifs sont trouvés dans le sédiment à proximité des sites
d'expulsion de fluide. De tels systèmes sont encore mal compris, mais leur étude est engagée
avec notamment la programmation d'un Leg de forage ODP sur Hydrate Ridge (Oregon). La
prise en compte de la migration de gaz libre est un enjeu important pour la modélisation de
ces systèmes et sera une nécessité pour expliquer les nouvelles observations.
2
Plan
1. Introduction 4
5. Discussion 44
6. Conclusion 55
Références 58
3
1. Introduction
Des champs d'hydrate de méthane sont trouvés dans deux contextes distincts : onshore
dans l'arctique, et offshore sous des profondeurs d'eau suffisantes pour assurer leur stabilité
(au moins 400 m). Ces deux contextes correspondent généralement à des modes de formation
différents. Dans l'arctique Russe et Canadien, les accumulations d'hydrates les mieux connues
correspondent vraisemblablement à des réservoirs classiques qui ont été gelés au cours du
dynamique. La compréhension d'un tel système nécessite de prendre en compte les flux d'eau
largement progressé ces dernières années grâce à un important effort d'acquisition de données
géophysiques et au forage scientifique (figure 1). Ces nouvelles données ont permis le
présente étude bibliographique. Ces modèles ont permis un début de quantification des flux
d'eau et de méthane dans les systèmes offshore. Ils s'appuient sur des mesures et observations
quantité d'hydrates présente dans le sédiment. Leur validation nécessite donc un ensemble de
données cohérentes acquises sur une même zone d'étude. Dans le cadre d'une étude
bibliographique, nous devons nous limiter aux cas pour lesquels les données nécessaires ont
été publiées, où, tout au moins, sont accessibles à la communauté scientifique internationale.
Le cas de référence actuel est Blake Ridge pour les hydrates en milieu marin, en raison
de la bonne intégration des données acquises par différentes méthodes : études géophysiques,
mesures en forage et carottage dans le cadre du programme ODP (figure 2). La marge des
4
forages, mais elles sont moins complètes et moins bien comprises pour le moment. Le site de
Mallik est probablement le seul site arctique où les données acquises seraient suffisantes pour
Nous commencerons par un bref rappel des modèles conceptuels proposés pour la
actuellement peu utilisée pour le milieu naturel. Ensuite, nous présenterons en détail les
modèles actuels de formation de champs d'hydrates, qui ont surtout été appliqués au cas de
Blake Ridge. Ces modèles sont basés sur la résolution des équations de conservation à une
dimension et ont pour le moment ignoré les problèmes d'écoulement diphasique associés à la
migration de gaz libre. Nous examinerons enfin l'intérêt d'aborder la migration du gaz libre
pour mieux comprendre la formation des hydrates dans le milieu naturel. En conclusion, je
5
Mallik
Blake Ridge
Cascades :
Vancouver
Hydrate Ridge
Nankai
Fig. 1 : Position des principales zones de forage scientifique sur des champs d'hydrate de gaz
Cape Hatteras
a
in
ol
ar ise
C R
34∞
34 00
N
36 00
32
380 0
40 0
0
420 00
0
00
0
0
440
48
460
100
0
20 Sites 991, 992, 993
0 Site
00
40
0
50
996
520
0
60
0
80
20 00
32∞
10
00
Sites 994, 995, 997
00
00
30 DSDP Site 533
54
Bl
DSDP Site 104
ak
e
DSDP Site 102
au
600
800
Plate
DSDP Site 103
400
O
200
ut
er
100
30∞
Blake
Ri
dg
e
5000
800
1000
28∞
idge
00
48
er R
0
00
440
46
0
Out
460
50 00
48
ama
00
600
Bah
26∞ 520 00
00 55
54
600
400
0
100 100
30
200 0
00
0
24∞
60
3.8
4.0
Two-way traveltime (s)
BSR
4.2
4.4
4.6
9.6 km
VE ≈ 10
Fig. 2 : Localisation des forages DSDP et ODP sur Blake Ridge et profil sismique multitrace au
niveau des forages ayant traversé le BSR (Paull et al., 1996). Le sédiment au dessus du BSR
contient de l'hydrate de méthane. Le sédiment en dessous du BSR contient du gaz libre.
2 . Questions posées et modèles conceptuels.
Une première question posée est l'origine du gaz formant les hydrates. Est-il en
général thermogénique, ou biogénique? Si cette question est importante dans une perspective
d'exploration pétrolière, elle n'est pas toujours fondamentale pour les modèles physiques de
formation des dépôts d'hydrates. La question de la nature chimique du gaz est importante
quand la fraction d'hydrocarbures plus lourds que le méthane est suffisante pour influer sur la
stabilité des hydrates. Ceci peut être le cas, par exemple, dans le golfe du Mexique.
Cependant, dans les cas considérés ici, le gaz est essentiellement du méthane. La question
principale pour le modélisateur est alors de savoir si l'essentiel du méthane est produit dans la
zone de stabilité des hydrates, ou s'il est surtout produit en dessous et migre. Dans le premier
cas, la production de méthane apparaît comme un terme source dans le modèle, dans le
deuxième cas, elle peut être traitée comme une condition aux limites. Ce point est débattu
dans le cas de Blake Ridge, où les dépôts cumulés d'hydrates ne correspondent en général qu'à
quelques mètres d'hydrate pur, car les taux de production de méthane biogénique restent mal
contraints [Egeberg and Dickens, 1999; Xu and Ruppel, 1999; Davie and Buffett, 2001].
Cependant, dans les cas ou les accumulations d'hydrates sont plus importantes, il y a
Une question fondamentale dans les cas où des accumulations importantes d'hydrates
sont trouvées est de savoir si le gaz est apporté dans la zone de stabilité des hydrates dissous
dans le fluide interstitiel ou comme une phase séparée (gaz libre). Ce débat a été obscurci
quelque temps par l'idée que la présence de gaz libre dans le milieu etait nécessaire à la
avait pas d'obstacle théorique à la formation d'hydrates à partir de gaz dissous [Handa, 1990;
Tohidi et al., 1995; Rempel and Buffet, 1997; Zatsepina and Buffett, 1998; Henry et al., 1999].
Des hydrates ont d'ailleurs pu être formés expérimentalement à partir de CO2 dissous [Buffett
and Zatsepina, 2000]. La question de l'importance relative des migrations de gaz libre et de
gaz dissous reste cependant un problème important. Hyndman et Davis (1992) puis Ginsburg
8
et Soloviev (1997) ont proposé d'expliquer la formation des dépôts d'hydrates sur les marges
actives par un flux permanent d'eau saturé en méthane, sans faire intervenir de migration de
gaz libre (figure 3). Le modèle de Hyndman et Davies (1992) a aussi été la première tentative
pour estimer les flux d'eau et de méthane associés à des champs d'hydrates. La compaction
tectonique dans le prisme d'accrétion des Cascades produit des flux d'eau ascendants de
l'ordre du mm/an au travers des 50 premiers km du prisme d'accrétion [Hyndman et al., 1993].
Si ce fluide est initialement saturé en méthane, il perd l'essentiel du méthane qu'il contient en
traversant le domaine de stabilité des hydrates. D'après cette analyse, des flux d'eau intégrés
d'obtenir des champs d'hydrates détectables par la présence d'un BSR. Cependant, la
migration de gaz libre au travers de la zone de stabilité des hydrates à la faveur de conduits
localisés et la formation d'hydrates à partir de ce gaz libre métastable est aussi observée
(figure 8) [Soloviev and Ginsburg, 1997]. Il reste donc à savoir quel est le processus le plus
général et, surtout, lequel est susceptible de former les dépôts les plus importants ou les plus
concentrés.
Un tel objectif n'a pour le moment été atteint qu'aux sites de forage de Blake Ridge. Ce cas
correspond à un cas extrême ou les flux aussi bien que les accumulations d'hydrates sont
relativement faibles. L'étude des hydrates en milieu sous-marin s'oriente donc maintenant vers
des cas ou les flux d'eau et de méthane sont plus importants comme, par exemple, Hydrate
9
Fig. 3 : Schémas illustrant le modèle
de formation d'un champ d'hydrate
avec BSR de Hyndman et Davis
(1992). Le méthane est retiré des
fluides expulsé tectoniquement (a)
d'un prisme d'accrétion et (b) de
sédiments subduits. Dans ce modèle,
les marges sans accrétion ont un plus
fort potentiel d'accumulation d'hydrates
car la subduction des sédiments
permet de maintenir un flux d'eau
constant au travers de la marge
pendant une durée indefinie.
échanges locaux entre les phases liquide, gaz et hydrate. Ces échanges sont régis par les
thermodynamiques appliqués à la stabilité des hydrates ont été développés de longue date et
ces modèles au milieu naturel a posé quelques difficultés que l'on peut maintenant considérer
considérés pour des phénomènes géologiques sont telles que l'hypothèse d'un équilibre
instantané est justifiée pour une première approche. Cependant les cinétiques de réaction
maintenant considérer que des changements climatiques importants peuvent se produire sur
des durées géologiquement courtes, de l'ordre du siècle, et que ces changements peuvent
influencer les conditions de stabilité des hydrates. Enfin, le phénomène de nucléation peut
avoir une très grande importance sur la distribution de l'hydrate dans le milieu, même si les
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Temperature au BSR
Une donnée fondamentale sur laquelle on a pu se baser pour aborder ces questions est
ont montré que la réflectivité au niveau du BSR était généralement due à la présence de gaz
libre dans le sédiment sous le BSR [Singh et al., 1993; Katzman et al., 1994; MacKay et al.,
1994; Singh and Minshull, 1994; Andreassen et al., 1995]. Une faible quantité de gaz (moins
de 5%) est suffisante pour produire une réflexion intense. On considère généralement que ce
réflecteur sismique marque la transition de phase hydrate de méthane/gaz méthane libre. Aux
±1°C à la position théorique de la base du domaine de stabilité des hydrates de méthane, pour
BSR a ainsi pu être utilisé pour estimer le flux de chaleur sur les marges continentales
[Hyndman et al., 1992]. Il reste toutefois des exceptions mal comprises comme le puit ODP
995 sur Blake Ridge [Ruppel, 1997] (Figure 5). Sur Blake Ridge aussi, des BSR apparemment
décalés par des failles ont été observés et ont été interprétés en terme de perturbations de la
pression de fluide [Rowe and Gettrust, 1993a; Rowe and Gettrust, 1993b]. Il y a cependant
12
T (°C) T (°C) T (°C)
0 5 10 15 20 25 0 5 10 15 20 25 0 5 10 15 20 25
-100 -100 -100
seafloor: P=28.0 MPa, T=3.7°C seafloor: P=27.7 MPa, T=3.7°C seafloor: P=27.8 MPa, T=3.3°C
0 0 0
G e
Ge
G
o
e
oth
the
oth
? ?
erm
rm
200 200 200 ?
3
3
er m
3
3.3
2.7
°
6.9
°C
°
C/k
C
m
/km
300 300 300
Depth (mbsf)
Depth (mbsf)
Depth (mbsf)
/km
hydrate
hydrate
hydrate
observed BSR
observed BSR
no BSR predicted BSR
500 500 500
free gas
predicted BSR
free gas
free gas
A: Blake Ridge Site 994 B: Blake Ridge Site 995 C: Blake Ridge Site 997
Fig.5 : Résumé des observations sur le BSR à Blake Ridge. Au Site 995, la position du BSR ne correspond pas
à la position théorique. Au Site 994, il n'y a pas de BSR mais un espace entre le toit du gaz et la base de l'lhydrate
Hétérogénéité
l'échelle du champ d'hydrate, les hydrates ne sont généralement observés que dans une partie
de leur domaine de stabilité. Par exemple, dans le cas de Blake Ridge, les hydrates ne sont pas
détectables par la géophysique dans les 200 premiers mètres sous la surface du sédiment et, au
Site 994, 100 mètres environ séparent la base de l'hydrate du toit du gaz (figure 5). L'étude
détaillée de la structure de vitesse sismique indique qu'il existe aussi, à l'échelle du km,
pour contraindre les modèles de production et de migration du méthane. Ces modèles sont
À l'intérieur de la zone ou les hydrates sont détectables, leur distribution est aussi
hétérogène dans une gamme d'échelles allant de la dizaine de mètres à la taille du pore. Cette
hétérogénéité a été observée aux principaux sites forés (Cascades, Blake Ridge, Mallik,
Nankai). Elle est bien mise en évidence par la grande dispersion les données de chlorinité et
par l'interprétation des logs acoustiques et soniques (figure 6). De façon générale, la
concentration locale en hydrate semble corrélée avec la distribution de taille des pores. Aussi
bien dans les sédiments silteux et sableux du puit Mallik [Katsube et al., 1999; Winters et al.,
1999] que pour les sédiment à dominante argileuse de Blake Ridge [Ginsburg et al., 2000], la
expliquée de plusieurs façons. Selon une première hypothèse, la taille des pores influe sur la
comme la glace, non mouillant, il devrait occuper en priorité les pores les plus gros. Dans une
phase séparée) et conduit à l'accumulation de l'hydrate dans les conduits les plus perméables.
l'augmentation de la perméabilité avec la taille des pores. Cette hypothèse est discutable dans
14
les cas où le sédiment est à dominante argileuse car la migration du fluide et du gaz se fait
peut aussi remarquer pour Blake Ridge que la concentration en hydrate est maximale dans des
intervalles qui contiennent des tests de diatomées, et cette observation est en faveur d'un effet
direct de la taille des pores plutôt qu'à un effet de perméabilité [Kraemer et al., 2000].
Forme de l'hydrate
Un autre type d'observation concerne la forme que prennent les hydrates dans le
sédiment. Quand l'hydrate est rencontré prés de la surface dans des sédiments argileux, il se
sédimentaires [Martin et al., 1996; Ginsburg and Soloviev, 1997; Clennell et al., 1999; Suess
et al., 1999]. On parle alors de forme ségrégée. Dans d'autres cas, en particulier dans des
sédiments grossiers, l'hydrate remplit les espaces inter granulaires comme un ciment. Ce type
de dépôt à été particulièrement bien observé sur des échantillons du puit Mallik [Uchida et al.,
1999a]. Nous verrons que le processus de ségrégation des hydrates est le phénomène le mieux
expliqué par les effets capillaires. Le même phénomène se produit pour le gaz méthane en
phase séparée et détermine son mode de transport à travers le milieu poreux ou le long de
fractures.
15
Blake Ridge - ODP Site 995
0 0
100 100
200 200
Depth (mbsf)
300 300
hydrate
effect
400 400
base of hydrate
500 500
600 600
par des modèles de stabilité des hydrates s'est fait en plusieurs étapes. Dans les conditions
naturelles, l'eau est généralement en excès et l'on doit donc traiter l'équilibre hydrate-solution.
composition du gaz quand celui-ci n'est pas du méthane pur. Tous les modèles
thermodynamiques actuels pour les hydrates s'appuient sur le modèle de Van der Waals et
Platteeuw [van der Waals and Platteeuw, 1959; Holder et al., 1988; Bishnoi et al., 1989;
Sloan, 1990]. Ce modèle a principalement été utilisé pour prédire les courbes de dissociation
méthane. Or, il existe actuellement des modèles de solubilité du méthane valides dans une
traitement de l'équilibre diphasique hydrate-solution est bien connu [Miller, 1974], [Handa,
1990], mais son implémentation dans des codes de calcul d'équilibre est récente [Zatsepina
and Buffett, 1998]. Le calcul de l'équilibre dans une solution saline [Englezos and Bishnoi,
1988; Tohidi et al., 1995; Dickens and Quinby-Hunt, 1997] est généralement fait à partir de
modèles d'électrolyte [Pitzer, 1991]. Cette approche a montré que le domaine de stabilité de
l'hydrate dans un fluide interstitiel typique des sédiments marins était très proche du domaine
de stabilité dans l'eau de mer [Dickens and Quinby-Hunt, 1997]. La courbe de dissociation est
alors décalée d'environ 1°C vers les basses températures. Les saumures qui peuvent être
associées aux dépots d'évaporites constituent cependant une exception notable, pour laquelle
des écarts plus importants sont prédits. Pour de qui est de l'effet du sédiment, des expériences
la glace [Handa et al., 1992a; Handa and Stupin, 1992b] : l'hydrate et la glace sont non
mouillants pour des surfaces en silice et ils ont une énergie de surface comparable. C'est donc
en s'appuyant sur des travaux effectués sur la glace [Everett, 1961] qu'un modèle capillaire a
pu être développé pour l'hydrate [Clennell et al., 1999; Henry et al., 1999]. Ce modèle ne
17
traite que le cas du méthane pur mais inclus le calcul des équilibres diphasiques (solubilité du
méthane dans le champ de stabilité des hydrates et en dehors) et prend en compte les effets
capillaires sur la phase hydrate et sur la phase gazeuse, ainsi que l'effet de la salinité.
Pour tenir compte des effets capillaires, la pression de gaz est calculée à partir de
Pg = Pl + 2 cosθ γgw/r
où Pg est la pression de gas, Pl la pression du liquide, γgw l'énergie d'interface (0.072 J/m2),
θ l'angle de mouillage et r le rayon du pore, supposé cylindrique. Cette équation est générale
mais ne s'applique pas de la même façon suivant les conditions aux limites du système. Dans
le cas de sédiments marins, la pression de référence P est celle du liquide. Par contre, dans la
plupart des expériences, la pression de référence est la pression de gaz. Les effets capillaires à
l'interface eau-gaz ont alors des conséquences différentes. Si la pression de référence est celle
du liquide, la pression capillaire exerce sur la phase gazeuse augmente la fugacité du méthane
et donc la stabilité de l'hydrate. Si la pression de référence est celle du gaz, les effets
capillaires se traduisent par une diminution de l'activité de l'eau et donc de la stabilité des
hydrates.
Pour la phase hydrate, nous faisons l'hypothèse que les effets de surface n'affectent ni
interstitiel et l'eau liquide. Dans le cas où la pression de référence est la pression de la phase
Vβ est le volume molaire de l'hydrate, γhw l'énergie d'interface (supposée égale à 0.027 J/m2,
référence est la pression de la phase gazeuse (et où le gaz est en excès) il est préférable de
18
considérer que l'hydrate (et non le liquide) est en équilibre avec une phase macroscopique. On
a alors:
2 cos θ γ hw
(µβ − µ L ) = (µβ − µ L )bulk + Vβ
r
Cette équation n'est cependant valide que dans le cas où le milieu poreux est bien saturé, et
où, en principe, de l'hydrate a pu se former à l'extérieur des pores. Nous verrons qu'une telle
condition n'est pas toujours remplie lors des expériences. Dans un cas comme dans l'autre,
Les mesures expérimentales sur lesquelles on peut s'appuyer pour vérifier ce modèle
capillaire sont encore peu nombreuses. Des expériences ont été faites dans trois laboratoires
différents sur des verres micro poreux de taille de pore connue : au Canada [Handa and
Stupin, 1992b], au Japon [Uchida et al., 1999b] et à l'université Heriot-Watt à Edimbourg par
le groupe de B. Tohidi, (ces derniers résultats ne sont pas publiés). Des expériences ont aussi
été effectuées sur des sédiments, du sable ou des billes de verre [Uchida et al., 1998; Wright
et al., 1999], mais ces résultats sont plus difficiles à exploiter car la distribution de taille des
pores est moins bien caractérisée. En outre, la première de ces deux études s'est concentrée
sur des milieux non saturés et a rencontré des phénomènes plutôt compliqués [Uchida et al.,
1998]. Dans la deuxième, des effets de salinité viennent s'ajouter aux effets capillaires
[Wright et al., 1999]. Les résultats publiés sur les verres poreux sont présentés sur la figure 7
et montrent une importante dispersion liée pour une part à la difficulté de contrôler
précisément l'activité de l'eau dans ces expériences. En effet, la présence d'eau et d'hydrate
non capillaire dans le système n'est pas toujours bien vérifiée. Par ailleurs, la mesure de la
taille des pores dépend la méthode utilisée (injection mercure, BET, cryoporosimetrie) et on
doit tenir compte d'effets d'hystérésis liés à la forme des pores. Les derniers résultats obtenus
suggèrent que l'énergie de surface de l'hydrate ou son angle de mouillage, sont plus faibles
19
Experiments on porous silica glass
0.025
0.02
0.015
DeltaT/T
0.01
0.005
0
0.000 0.002 0.004 0.006 0.008 0.010 0.012
1/diameter (d in Angstrom)
capillary model - hw interface energy 0.020 J/m2
Fig. 7 : Comparaison du modèle capillaire (Henry et al., 1999) avec des résultats
d'expériences sur des verres poreux. Le déplacement en température de la courbe de
dissociation à une pression donnée (DeltaT/T) est représenté en fonction de l'inverse
du diamètre des pores.
que ceux de la glace. Les effets calculés par Henry et al. (1999) sont donc vraisemblablement
Un premier résultat des travaux sur les effets capillaires est négatif : cet effet est trop
faible pour expliquer les erreurs de prédiction des températures au niveau du BSR. Pour un
rayon d'accès des pores de seulement 100 nm, typique de sédiments argileux comme ceux de
Blake Ridge, la translation de la courbe de dissociation ne dépasse pas une fraction de °C,
alors que l'écart de température mesuré au Site 995 atteint 2 à 3°C (figure 8)[Henry et al.,
1999]. Dans ce cas, les autres facteurs susceptibles de modifier l'équilibre comme la
effets géométriques liés à la taille des pores ont d'autres conséquences importantes qui
présente aussi des phénomènes d'hystérésis [Clennell et al., 1999; Henry et al., 1999]. Il
existe alors une zone qui peut atteindre une trentaine de mètres d'épaisseur ou hydrate liquide
et gaz peuvent coexister (figure 9). Ce résultat peut aider à expliquer la complexité des
21
60
995 997
argileux de Blake Ridge. Les effets
30 capillaires ne permettent donc pas
d'expliquer la température
Liquid + Hydrate
anormalement faible du BSR au Site
995.
20
Pi-Phydr = 0 (r = µ )
10 Liquid + Gas
0
10 15 20 25
T (∞C)
400
Liquid + Hydrate
Sh=30%
Sh=20%
Sh=10%
Sh=2%
450
Liquid water + dissolved CH4
Depth (mbsf)
Sg=10%
550
Liquid + Gas
600
0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5
3
CH4 (mol per dm pore space)
Fig. 9 : Diagramme de phase basé sur les données du Site 995 (Henry et al., 1999). En raison
des effets capilaires, l'équilibre triphasique cesse d'être univariant et il existe un étroit
domaine de pression et température ou hydrate, gaz et solution peuvent coexister à
l'équilibre. L'étendue de ce domaine croit avec la concentration en méthane.
- L'influence de la taille des pores sur la distribution des hydrates dans les sédiments
peut très probablement être attribuée aux effets de surface. Cependant, il n'est pas évident que
cet effet puisse être expliqué entièrement par le modèle d'équilibre capillaire. Il est
probablement nécessaire de considérer aussi l'effet de la taille des pores sur la cinétique de
expérimentaux obtenus sur des sables [Zatsepina, 1999; Buffett and Zatsepina, 2000].
Cependant, cette théorie suppose que la taille critique des germes est petite devant la taille des
-Une éventuelle metastabilité de l'hydrate. Le taux d'occupation des cages influe sur la
taille des pores inhibent la nucléation des bulles de gaz, il est peut-être possible de maintenir
une solution de méthane en état de sursaturation. L'hydrate en équilibre avec cette solution
peut se maintenir dans des conditions de métastabilité tant que la solution ne dégaze pas
stabilité des hydrates. Cet effet peut être expliqué si les variations de la vitesse sismique
causées par les variations locales de la teneur en hydrate compensent celles qui sont dues aux
variations locales de porosité [Lee et al., 1993]. Les effets capillaires pourraient rendre cette
de la réflectivité par de faibles quantités de gaz libre peut être expliquée en appliquant le
23
3
A
Total CH4 (mol per dm3 pore space)
20
1
57% porosity 10
47% porosity
0
0.150 0.152 0.154 0.156 0.158 0.160
3
Dissolved CH4 (mol per dm pore fluid)
3
B
Total CH4 (mol per dm3 pore space)
15
Gas saturation (% of pore space)
10
57% porosity
1
5
47% porosity
0
0.180 0.182 0.184 0.186 0.188 0.190
3
Dissolved CH4 (mol per dm pore fluid)
(hydrate interstitiel), soit former des inclusions d'hydrate pur dans le sédiment. L'hydrate
inclusion est soumis à la pression exercée par le sédiment. Près de la surface du sédiment,
l'hydrate sera plus stable sous forme d'inclusion mais, comme la pression exercée par le
d'une certaine profondeur dont la valeur dépend de la distribution de taille des pores (figure
11)[Clennell et al., 1999]. Par exemple pour un sédiment argileux ayant un rayon d'accès aux
maximale à laquelle la ségrégation de l'hydrate est possible se situe entre 100 et 200 m,
-Le mode de migration du gaz. Les effets capillaires sont à l'origine d'un phénomène
laquelle la phase méthane n'est pas continue et ne peut donc pas migrer au travers du réseau
poreux. Le transport du méthane se fait alors soit dissous dans la phase aqueuse, soit, si le gaz
est a une pression suffisante pour permettre la ségrégation, par fracturation. Ce seuil de
percolation peut être estimé par porosimétrie au mercure [Katz and Thompson, 1987] et se
situe vers 20 % dans des sédiments argileux (figure 12)[Henry et al., 1999]. Ce phénomène
peut, dans certains cas, expliquer la persistance de zones de gaz libre dans le sédiment en
l'absence de piège classique. Cependant, le gaz présent à des saturations inférieures au seuil
25
(modified from Clennell et al., 1999)
Segregation Criterion
Px > σ3
σ3 Pore water
Pw
rcrit
Hydrate
or Gas
Pw Px
Pw
Pw
Pw = pore water pressure
σ3 = minimum total stress
Px = hydrate or gas phase pressure
200
Depth (mbsf)
400
BSR
1.E+06
500
Gas pressure, Pa
free gas migration by percolation
0.E+00
0 10 20 30 40 700
Saturation,% 0 1000 2000 3000 4000 5000
Effective stress, Pa
4. Modèles quantitatifs de champ d'hydrate
Plusieurs modèles numériques pour la formation des hydrates sont issus du concept
selon lequel les champs d'hydrates se forment généralement à partir de méthane dissous
transporté au travers de la zone de stabilité des hydrates par la phase aqueuse [Hyndman and
Davis, 1992; Ginsburg and Soloviev, 1997]. D'autres auteurs ont cherché à contraindre la
production de méthane biogénique dans la zone de stabilité des hydrates et montrent qu'elle
peut être significative [Egeberg and Dickens, 1999]. Tous ces modèles sont unidimensionels
considèrerons tout d'abord des modèles qui ne prennent en compte que le méthane. Nous
présenterons ensuite des modèles qui tentent d'expliquer simultanément la chimie des fluides
d'hydrates. Les modèles les plus complets à ce jour suggèrent que l'on ne peut pas expliquer
toutes les observations à Blake Ridge sans faire à la fois intervenir un flux d'eau et une
production de méthane in situ. Bien qu'il y ait sur Blake Ridge des indices de migration
épisodique et/ou locale de gaz libre, elle semble d'importance secondaire pour expliquer les
observations aux Sites 994 995 et 997. Bien que des modèles conceptuels existent [Soloviev
and Ginsburg, 1997; Clennell et al., 1999], les informations manquent actuellement pour
élaborer un modèle quantitatif solide dans un contexte où les flux d'eau et de méthane seraient
Le premier de ces modèles [Rempel and Buffet, 1997] prend en compte la conservation
particulier, l'équilibre diphasique hydrate-solution aqueuse est approximé par une relation
linéaire entre température et solubilité. D'autre part la diffusion en phase fluide est
complètement ignorée. Une solution analytique est donnée dans le cas d'un milieu poreux
28
semi-infini qui est refroidi à partir de la surface par un changement de condition de
température à t=0. Dans cette solution, il n'y a pas de circulation de fluide, ni de diffusion.
L'hydrate se forme uniquement à partir du gaz initialement dissous et l'équilibre local hydrate-
solution est supposé se réaliser instantanément. Le cas traité avec cette solution est de toute
évidence plus proche d'une expérience en laboratoire que du cas naturel. Il correspond de fait
assez fidèlement au dispositif expérimental construit par Buffet et Zatsepina [Buffett and
Zatsepina, 2000]. Dans ce cas, les saturations en hydrate obtenues ne dépassent pas 1%.
Dans la même étude, les résultats d'un modèle numérique sont aussi présentés, avec
deux cas schématiques d'application au milieux naturel (figure 13). Dans le premier cas, un
flux constant d'eau saturé en méthane est appliqué à la base d'une colonne sédimentaire. Après
toute la zone de stabilité des hydrates. Le taux de formation des hydrates devient constant
flux d'eau. Comme nous le verrons par la suite, ce modèle schématique reste une base solide
pour obtenir l'ordre de grandeur du taux d'accumulation des hydrates dans une colonne
sédimentaire sujette à un flux d'eau ascendant. Dans le cas traité, un flux d'eau de l'ordre du
mm/an donne un taux d'accumulation de 1% (en saturation d'hydrate) par 100.000 an.
libération d'une phase méthane. Si ce méthane migre vers le haut pour retourner dans le
champ de stabilité des hydrates, il se produit une accumulation d'hydrate à la base du domaine
de stabilité. Le traitement de ce processus dans le modèle n'est pas développé en détail. Dans
le cas traité, il apparaît que l'épaisseur de cette accumulation près de la base du domaine de
du gaz libéré à la basé du domaine de stabilité est un point épineux. En effet, les phénomènes
en gaz dépasse un seuil de percolation pour pouvoir migrer à travers le milieu poreux [Henry
29
et al., 1999]. Cet argument a conduit [Davie and Buffett, 2001] à ignorer la migration du gaz
dans leur modèle numérique appliqué à Blake Ridge. Le seuil de percolation est d'environ
20% pour le sediment de Blake Ridge, et, compte tenu des concentrations mesurées en
méthane [Dickens et al., 1997b], il ne pourrait être atteint qu'à un seul des sites forés (Le Site
997). On peut remarquer que ce site est en effet le seul qui présente une nette accumulation
limitée à une dizaine de mètres d'épaisseur et ne dépasse pas elle-même 20% de saturation.
30
(b)
(c)
(a)
Fig. 13 : (a) Principe du modèle d'advection de Rempel et Buffett (1997): Un fluide saturé
en méthane traverse le domaine de stabilité de l'hydrate. Comme la solubilité du méthane
diminue progressivement vers la surface, l'hydrate peut se former à partir du méthane
dissous. Avec ce mode de formation, aussi bien que dans le cas d'une production
biogénique in situ, l'hydrate est largement distribué dans sa zone de stabilité.
(b et c) La migration du gaz libre vers le domaine de stabilité des hydrates produit une
accumulation supplémentaire d'hydrate au niveau du BSR. L'épaisseur de cette zone
depend de la cinétique de réaction.
4.2. Un modèle d'advection-diffusion du méthane en phase aqueuse.
Xu and Ruppel [1999] proposent une formulation qui permet un traitement complet de
migration du gaz libre n'est pas traitée en détail dans l'article et Il n'est pas évident que cet
aspect ait été implémenté numériquement. Enfin, seuls des cas de régime permanent sont
traités. Le couplage avec la thermique est bien pris en compte, mais l'effet de la chaleur
latente de formation des hydrates est faible pour la gamme de flux de matière considérée dans
ces modèles. Le principal résultat de cette étude est que la zone ou les hydrates peuvent se
former peut ne correspondre qu'à une partie de la zone de stabilité des hydrates. Ceci résulte
d'une part des pertes par diffusion à travers la surface et, d'autre part, de l'existence d'un
maximum de solubilité du méthane à la base du domaine de stabilité des hydrates (figure 13).
réduction des sulfates limitent la formation des hydrates près de la surface du sédiment. Si la
concentration de méthane dans l'eau de mer est nulle (ce qui est une condition à la limite
méthane reste inférieure à sa solubilité. L'épaisseur de cette zone est essentiellement contrôlée
par la vitesse d'ascension du fluide. Pour une vitesse de 0.3 mm/an, elle peut atteindre 100 à
fluide et deviens de l'ordre du mètre pour des flux de l'ordre du cm/a. Si les flux d'eau et de
méthane sont de cet ordre ou plus importants, la zone de réduction des sulfates devient très
mince, elle peut même être éliminée. On peut alors envisager de former des hydrates
sites actifs d'expulsion de fluides (eau + gaz libre) [Soloviev and Ginsburg, 1997; Suess et al.,
1999].
entre le domaine de stabilité des hydrates et celui du gaz. En effet, la solubilité augmente avec
32
la profondeur dans le domaine des hydrates, car elle est alors essentiellement contrôlée par la
Ruppel [1999] ont montré que la diffusion tend à lisser la concentration en méthane et peut
ainsi maintenir une zone sous-saturée (sans hydrate ni gaz) autour de la base du domaine de
stabilité des hydrates (figure 14). Ce modèle de régime permanent rend bien compte des
observations au Site 994 de Blake Ridge où un intervalle sans gaz ni hydrates est observé
[Wood and Ruppel, 2000]. Pour un flux d'eau donné, il existe un flux de méthane minimum
pour que le toit du gaz coïncide avec la base des hydrates. C'est généralement dans ce cas que
Des cas sans advection de fluide ont été considérés, mais ceux-ci ne semblent pas
pouvoir expliquer les observations car la zone ou les hydrates peuvent se former est alors trop
mince. Pour cette raison Xu et Ruppel [1999] concluent que les zones à hydrates sont toujours
dominés par l'advection, même quand celle-ci est faible (une fraction de mm/an). Cependant
la production biogénique de méthane à l'intérieur du domaine de stabilité n'a pas été prise en
compte dans cette analyse. C'est une limitation importante car ce terme peut être significatif
dans les cas ou les flux de méthane et d'eau estimés restent faibles, comme justement à Blake
Ridge. D'autres modèles que nous allons maintenant examiner ont cherché à estimer cette
contribution.
33
(a)
seafloor seafloor
GHSZ GHSZ
3000
GHZ
GHZ
Depth (mbsl)
BSR
stability
stability
ge
ge
o
ot
3500
th
he
er
rm
m
(b)
Augmentation du flux de méthane
cas de Blake Ridge, comme pour la plupart des champs d'hydrates sous-marins, le fluide
interstitiel a une salinité et une chlorinité plus faible que l'eau de mer. Ceci est au moins pour
avant la remontée des carottes. Cependant, l'estimation de la quantité exacte d'hydrate par
Les prélèvements d'eau interstitiel in situ (effectuées avec le Water Sampler and Temperature
Probe) sont peux nombreux et les concentrations mesurées ont une barre d'erreur importante.
Cependant, ces mesures indiquent que le fluide interstitiel in situ est moins salé que l'eau de
mer. Dans la mesure où le chlore peut être considéré comme un élément conservatif, un
modèle d'advection-diffusion peut être utilisé pour calculer les concentrations in situ. Egeberg
et Dickens [1999] ont utilisé cette approche pour estimer la concentration en hydrate dans le
d'accumulation les plus importants à ce niveau (0.5 mol par m3 et par ky) et concluent que
l'accumulation de méthane est dominée par la production biogénique in situ. Ce modèle rend
bien compte de la forme générale de la courbe de chlorinité, mais il n'explique pas la grande
dispersion des mesures de chlorinité entre 200 m sous la surface et la base du domaine de
stabilité des hydrates. Les points de faible chlorinité coïncident avec des pics de forte
35
a b c
Fig. 15 : Modèle de Egeberg et Dickens (1999). Ce modèle prend en compte le transport du chlore par
advection-diffusion mais ignore le transport du méthane. Les hydrates résultent donc uniquement de la
production biogénique locale. (a) Concentration en hydrate prédite par le modèle et calculée à partir de la
chlorinité. La concentration moyenne en hydrate prédite entre la zone de réduction des sulfates (24 m) et le
BSR (451 m) est 2.3 %. Les pics de concentration en hydrate ne sont pas expliqués par ce modèle. (b)
comparaison des résultats du modèle avec les données de chlorinité. (c) La diminution de chlorinité vers 25
m est ici interprétée comme le commet de la zone des hydrates, cependant, les hydrates ne sont
détectables par la géophysique qu'en dessous de 200m.
Indépendamment des hydrates, un résultat solide de cette étude est la vitesse moyenne
d'advection du fluide au travers du sédiment. Celle-ci n'est pas uniquement contrainte par le
profil de chlorinité, mais aussi par l'évolution des rapports Br/I avec la profondeur et par les
rapports isotopiques du chlore (figure 16)[Hesse et al., 2000]. La variation du rapport Br/I
avec la profondeur indique la présence d'un fluide marqué par la diagénèse de la matière
peut expliquer la courbure du profil de chlorinité dans la zone de stabilité des hydrates. Les
modèles que nous avons examinés précédemment suggèrent qu'un flux d'eau de cet ordre est
suffisant pour modifier la distribution des hydrates. Le modèle de Egeberg et Dickens [1999]
ne prenait pas en compte la migration du méthane, ni les effets liés à la variation de solubilité
du méthane avec la profondeur. Il paraît dont nécessaire de regrouper les deux approches et de
traiter simultanément le transport du méthane et du chlore. C'est ce qui a été fait par Davie et
Buffett [2001], et c'est cette étude que nous allons maintenant examiner.
Davie et Buffett [2001] ont adopté une formulation du problème qui inclut les
du chlorure par advection et diffusion. Ils supposent que la phase gazeuse est piégée par les
effets capillaires et est entraînée vers le bas par la sédimentation. Le méthane est produit
biogéniquement et la production de méthane est décrite par une loi du premier ordre. Une telle
production de méthane avec l'age du sédiment. Une telle loi est très commode pour la
sédiment montre que la réalité est peut être plus complexe [Wellsbury et al., 2000].
37
R . HE SSE ET AL (2000)
méthane, exprimé en s -1. De façon surprenante, Davie et Buffet [2001] montrent que la
présence d'un flux d'eau n'a pas nécessairement une grande influence sur la distribution des
hydrates dans les sédiments. Un modèle sans flux ascendant et avec un flux ascendant de 0.25
mm/an, (compatible avec les résultats de Egeberg et Dickens [1999]) peuvent donner des
distributions d'hydrates et des anomalies de chlorinité identiques. Pour ajuster les modèles
avec et sans flux ascendant de façon à produire les mêmes résultats, un seul autre paramètre a
été modifié : la fraction de la matière organique transformable en méthane est diminué de 100
tout méthane est produit de façon biogénique et où la migration de gaz libre n'intervient pas. Il
permet donc montrer le domaine de validité de ces hypothèses et leurs implications. Dans ce
cadre:
-Une teneur initiale en carbone organique de 0.5 % (TOC) semble le minimum pour obtenir la
présence d'hydrate et de gaz libre, en faible quantité. Dans le cas de Blake Ridge, la teneur en
carbone organique est de 1.5%. Seulement une fraction de ce carbone (probablement environ
50%) peut être transformé en méthane par les bactéries. Un tel contenu en matière organique
méthane dans la zone des hydrates est limitée par le taux de sédimentation et la teneur en
production plus élevés, une fraction importante de la matière organique est convertie en
méthane prés de la surface et les pertes par diffusion deviennent significatives (quand le taux
de sédimentation est faible). La quantité d'hydrate accumulée passe alors par un maximum
pour des taux de sédimentation de l'ordre de 100 à 1000 m/Ma, typiques des dépots terrigènes
39
-Pour une teneur en matière organique et des taux de sédimentation typiques de Blake Ridge
domaine de stabilité ne semble pas pouvoir dépasser 7%, même en augmentant indéfiniment
le taux de production.
Le cas retenu par Davie et Buffett [2001] rend compte des mesures de chlorinité à
Blake Ridge pour un taux de production de méthane biogénique de l'ordre de 3 10-13 s-1
(figure 17). Ce taux correspond à une constante de temps de 100.000 ans pour la digestion de
la matière organique par les bactéries. Avec un tel taux, la plus grande partie de la matière
organique comestible est transformée en méthane dans les 30 premiers mètres sous la zone de
réduction des sulfates. Cette conclusion et en complet accord avec les résultats de Egeberg et
Dickens [1999] mais elle reste discutable. Les indications de la présence d'hydrate entre la
base de la zone de réduction des sulfates et 150 m de profondeur sont plutôt ténues,
puisqu'elles reposent entièrement sur les données de chlorinité. Ce n'est qu'en dessous de 150-
200m que les concentrations en hydrates sont suffisamment fortes pour être détectables par
des méthodes géophysiques [Holbrook et al., 1996; Paull et al., 1996]. Par ailleurs, les
prélèvements avec le carottier sous pression (PCS) effectués vers 150 m de profondeur ne
semblent pas contenir d'hydrates [Dickens et al., 1997b]. Dans entre 0 et150 m, les saturations
prédites dans le modèle de Egeberg et Dickens [1999] sont trop faibles (2-3%) pour pouvoir
être detectées facilement et restent donc compatibles avec les données géophysiques.
Cependant, dans le modèle de Davie et Buffet [2001] les saturations en hydrates atteignent
5% dans cet intervalle, ce qui est probablement incompatible avec les données. Davie et
Buffet [2001] font aussi remarquer que leur modèle ne prédit pas des concentrations de gaz
suffisantes en profondeur. Ces deux difficultés pourraient être liées à l'utilisation d'une
cinétique simplifiée pour la production du gaz. Cependant, leur modèle rend bien compte
d'autres observations:
40
a b
peuvent être expliquées par le recyclage d'une partie du méthane libéré par la dissociation des
fait uniquement par diffusion et transport par la phase aqueuse, il est cependant possible que
des migrations épisodiques de gaz libre viennent perturber ce schéma [Paull et al., 1996].
-La faible chlorinité observée sous le domaine des hydrates peut être expliquée par la
résultat n'implique toutefois pas l'absence de source de fluide profonde, dans la mesure ou
chlorinité. Par ailleurs, ce flux est associé à une importante anomalie isotopique du chlore
diffusion-advection en phase fluide. Ces phénomènes ont une influence majeure sur la chimie
du méthane (l'essentiel du méthane est-il produit dans la zone de stabilité des hydrates ou en
dessous ?) reste largement en suspens, mais les données et les modèles donnent maintenant les
limites du débat.
-La géochimie indique que le méthane est biogénique [Paull et al., 2000] mais cela
n'implique pas que le méthane soit entièrement produit dans le domaine de stabilité des
régulièrement avec la profondeur pour s'annuler vers 1000 m de profondeur [Paull et al.,
domaine de stabilité des hydrates, qui semble corrélée avec la présence de gaz libre
[Wellsbury et al., 2000]. Cette étude montre aussi un fort potentiel de production de méthane
42
à partir de l'acétate sous le domaine de stabilité des hydrates. Ce mode de production du
méthane était considéré comme inexistant en domaine marin et son existence à Blake Ridge
reste contestée sur la base des rapports isotopiques [Paull et al., 2000].
-Il y a un flux d'eau ascendant d'environ 0.2 mm/yr [Egeberg and Dickens, 1999]. Ce
flux d'eau ne peut pas être expliqué par la dissociation des hydrates, ni par la compaction du
le flux d'eau ascendant contribuent tous les deux à l'accumulation d'hydrate. La mise en
équation complète du problème montre que l'on ne peut probablement pas distinguer les deux
contributions à partir de données acquises sur un seul puit [Davie and Buffett, 2001].
-La comparaison des observations effectuées aux différents puits indiquent une
variation latérale du flux de méthane apporté à la base de la zone de stabilité des hydrates [Xu
and Ruppel, 1999]. Ce flux de méthane peut correspondre soit à une production de méthane
Un modèle ne peut être jugé satisfaisant que s'il fournit une explication cohérente aux
différentes observations aux sites 994, 995 et 997. Les modèles privilégiant la production de
méthane in situ prédisent le même résultat dans les trois puits puisque la quantité de matière
organique moyenne dans le sédiment est la même. Ils ne peuvent pas non plus expliquer les
importantes variations latérales de vitesse sismique observées par Rowe et Gettrust [1993b].
Seul le modèle de [Xu and Ruppel, 1999] apporte un élément de réponse en reliant la présence
la base du domaine de stabilité. Ces variations latérales de flux pourraient être dues à des
variations du flux d'eau ascendant, ou bien à une migration hétérogène du gaz libre sous le
domaine de stabilité des hydrates. Les études actuelles ne permettent pas de discriminer entre
43
5. Discussion
au cas des sites de forage 994, 995 et 997 sur Blake Ridge, mais, comme nous l'avons déja
signalé, ces sites correspondent vraisemblablement à une zone où les flux ascendants d'eau et
de méthane sont relativement faibles. Si le système est dominé par l'advection de méthane en
phase fluide, le taux moyen d'accumulation d'hydrate dans la colonne sédimentaire devrait
être simplement relié au flux d'eau [Rempel and Buffet, 1997] par:
q = (ϕ U × ∆S) / L
où q est le taux d'accumulation des hydrates en mole par m3 de sédiment par an, ϕ est la
porosité, U est la vitesse du fluide (en m/an), ∆S est la variation de solubilité du méthane entre
la base du domaine de stabilité des hydrates et la surface du sédiment (en mol/m3) et L est
e = ϕ U × ∆S × Vh × t
où Vh est le volume molaire de l'hydrate soit 22.5 10-3 m3. Dans le cas d'une colonne
Dans le cas du site ODP 997, U = 0.2 mm/an, ϕ vaut environ 60%, L = 450 m et t = 3
stabilité et vaut 0.0022 fraction molaire (entre 3 et 21°C), soit 0.12 mol/l. le taux
est e = 6 m. La saturation en hydrate moyennée sur les 450 m du domaine de stabilité est alors
de 2.2%. Ces valeurs sont remarquablement en accord avec l'estimation moyenne de Egeberg
d'advection de l'eau est plus importante, estimée à 0.3-0.5 mm/an [Egeberg, 2000].
44
Cependant, le temps d'accumulation est mal contraint. En supposant qu'il est aussi de 3 Ma,
concentration moyenne en hydrate évaluée par des méthodes de géochimie isotopique à ce site
est de 10% environ [Egeberg, 2000]. Cependant, il est probable que la formation des hydrates
à ce site fait aussi intervenir une migration canalisée de gaz libre au travers la zone de stabilité
Des flux d'advection plus importants sont attendus sur les marges actives à cause des
tectonique dans le prisme d'accrétion. Cependant, les budgets de compaction établis sur les
mm/an dans la partie frontale du prisme [Le Pichon et al., 1990; Hyndman et al., 1993].
L'estimation la plus élevée (7mm/yr) a été obtenue pour les 5 premiers km du prisme des
Aléoutiennes [Suess et al., 1998]. Dans la partie haute des prismes d'accrétion, où le BSR est
généralement observé, les flux d'eau estimés par cette méthode sont plus faibles, du même
ordre de ceux observés au travers de Blake Ridge. Cependant, les vitesses de sédimentation
sur les pentes du prisme sont très variables et l'érosion peut être présente. Si les sédiments de
pente sont peu épais ou absents, le temps disponible pour accumuler des hydrates correspond
à l'age de l'accrétion et les dépôts d'hydrate ne devraient généralement pas excéder quelques
l'accumulation d'hydrate aux sites de forages ODP au large de Vancouver sur la partie Nord
de la marge des cacades est équivalente à 10-15 m d'hydrate pur, sur la base des études
géophysiques (25-30% de saturation sur 100 m d'épaisseur d'après les mesures de résistivité
[Hyndman et al., 1999], 20% de saturation sur le même intervalle d'après les analyses de
vitesse [Yuan et al., 1996]). Dans le cas d'une marge sans prisme d'accrétion, les sédiments
disponible pour accumuler les hydrates peut être trés long (dizaines de Ma) mais est
45
5.2. Systèmes à flux canalisé et accumulations superficielles d'hydrates
Les estimations de flux basées sur des budgets de fluide régionaux sont des flux
moyennés dans le temps et dans l'espace. Ils sont très inférieurs aux flux mesurés au niveau
des zones d'expulsion actives. En domaine sous-marin, l'expulsion d'eau et de méthane est un
d'autres contextes, en particulier dans des zones tectoniques actives où des failles et des
strates perméables érodées canalisent les fluides jusqu'à la surface du sédiment. Les sites
d'expulsion actifs sont reconnus aux écosystèmes particuliers qui en dépendent [Kulm et al.,
1986] et aux panaches de méthane qu'ils peuvent former dans la mer. Ces panaches ont été
observés en de nombreux endroits : marge Est Nankai [Tsunogai et al., 1998], fosse des
Aléoutiennes [Suess et al., 1998], marge des Cascades (figures 18 et 19)[Suess et al., 1999],
mer d'Okotsk [Soloviev and Ginsburg, 1997], golfe du Mexique, marge des Carolines (non
loin de Blake Ridge) [Paull et al., 1995] et d'autres sites encore. L'abondance des carbonates
authigènes (formés par oxydation du méthane) observés au voisinage des sites d'expulsion de
fluide atteste de l'importance des quantités de méthane oxydées dans le sédiment pendant
leurs périodes d'activité (figure18). L'estimation des flux expulsés reste un problème difficile.
Les observations sur les sorties de fluides montrent que des vitesses d'advection de 100 m/an
ou plus peuvent être atteintes [Carson et al., 1990; Henry et al., 1992; Linke et al., 1994].
Cependant les flux mesurés ne correspondent pas nécessairement au flux réel de fluide
flux réels dans les conduits d'alimentation seraient plutôt de l'ordre de 1 à 10 m/an sur des
surfaces de l'ordre du m2 [Henry et al., 1992; Wallmann et al., 1997; Suess et al., 1998]. Avec
de tels flux, des accumulations locales d'hydrates peuvent être obtenues immédiatement sous
actifs d'expulsion de fluide, comme dans le golfe du Mexique [Brooks et al., 1984], la mer
d'Okotsk [Soloviev and Ginsburg, 1997], au site Hydrate Ridge sur la partie Sud de la marge
46
des Cascades (figure 19) [Suess et al., 1999] et au niveau du diapir de Blake Ridge [Paull et
al., 1996](Soloviev et Ginsburg [1997] fournissent une liste plus exhaustive des sites connus).
environnement immédiat, cependant, on ne sait toujours pas de façon certaine si les zones de
forte réflectivité acoustique observées sur la marge des Cascades [Carson et al., 1994] doivent
est de même pour une zone de forte réflectivité observée au sonar latéral Gloria autour de
volcans de boue situés par 5000 m de fond dans le fossé de la Barbade [Brown and
Westbrook, 1988]. Bien que la sédimentation à ce dernier site soit argileuse, l'advection d'eau
n'est pas limitée pas aux volcans de boue et affecte, avec une vitesse d'advection verticale
moyenne de 2 à 5 mm/an, une zone de 50 km2 minimum [Henry et al., 1996]. L'analyse
isotopique (δ18 O) et géochimique à ce site [Martin et al., 1996] ainsi qu'à Hydrate Ridge
[Suess et al., 1999] montre qu'une partie importante du fluide expulsé provient de la
dissociation d'hydrate de méthane dans le sédiment. La zone d'Hydrate Ridge fera l'objet
47
Fig. 18 : Situation de Hydrate Ridge (Suess et al., 1999). (a) contexte tectonique de la marge
convergente des cascades. (b) Bathymétrie et zones de forte réflectivité accoustique. La
réflectivité est liée à la présence de carbonate authigène ou d'hydrate dans les sédiments
superficiels (Carson et al., 1994). (c) position du site de forage ODP 892, du prélèvement
d'hydrate par benne (TVG), des prélèvements de fluide dans la colonne d'eau (CTD) et lors
de plongées d'engin guidés (ROV, VESP).
Fig. 19 : observations sur Hydrate Ridge, un exemple de système à fort flux de gaz (Suess et al.,
1999). (a) hydrate à l'affleurement, (b) hydrate dans une fissure d'un massif de carbonate authigène,
(c) veines d'hydrate pur dans un échantillon de sédiment, (d) structure interne de l'hydrate montrant
des nodules avec plusieurs épisodes de croissance. (e) panaches de méthane et profil sismique
montrant le BSR.
5.3. Migration du gaz libre à travers le domaine de stabilité des hydrates
Nous avons jusqu'à présent considéré que la migration du gaz dans le domaine de
stabilité des hydrates se faisait uniquement sous forme dissoute, cependant, un certain nombre
d'observations montrent que la migration de gaz libre y est possible quand elle est canalisée.
d'eau où l'hydrate est stable en est la démonstration évidente. Ce phénomène a été observé
dans une bonne partie des systèmes à flux canalisés que nous venons de décrire (marge des
Cascades, golfe du Mexique, prisme de Nankai, mer d'Okotsk ...). Bien évidemment, la
migration de gaz au travers du domaine de stabilité de l'hydrate dans le sédiment est d'autant
plus facile que l'épaisseur de ce domaine est faible. Ainsi les émissions de bulles sont le plus
souvent observées près de la limite supérieure du domaine de stabilité de l'hydrate entre 500
et 800 m de profondeur d'eau. Cependant, des accumulations d'hydrate associées à des sites
d'expulsion de gaz ont été observées au large de l'île Sakhaline jusqu'à des profondeurs d'eau
de 1040 m. Ceci suggère que le gaz libre peut continuer de traverser la zone de stabilité des
hydrates alors que celle-ci fait plusieurs centaines de mètres d'épaisseur [Soloviev and
Ginsburg, 1997].
Les pockmarks sont des dépressions en forme d'entonnoir qui se forment souvent
autour des conduits. Ils sont considérés comme des indices d'expulsion de gaz et sont
fréquemment observés prés de la limite supérieure du domaine de stabilité des hydrates. Par
exemple, l'étude détaille du basin de l'Eel River en Californie du Nord montre que la plupart
des pockmarks sont rencontrés entre 400-600m de profondeur au sommet d'un anticlinal en
d'hydrate à quelques mètres de profondeur dans le sédiment [Yun et al., 1999]. Des
profondeurs et sont associés à des zones de gaz plus profondes et à des glissements de terrain.
L'expulsion cyclique du gaz modifie les gradients de pression fluide dans les sédiments
superficiels et influe notablement sur la circulation de l'eau interstitielle, comme cela a été
50
observé sur Hydrate Ridge [Tryon et al., 1999]. Enfin, des migrations épisodiques de gaz libre
dans le domaine de stabilité des hydrates à différents endroits sur Blake Ridge [Taylor et al.,
La migration de gaz à l'intérieur du domaine de stabilité des hydrates peut être facilité
par des phénomènes qui résultent de la consommation de l'eau interstitielle lors formation des
hydrates. Nous avons vu que dans les sédiments à grain fins, il pouvait se produire une
ségrégation de l'hydrate, comme cela est observé pour la glace dans les pergélisols. La
sédiment avoisinant [Soloviev and Ginsburg, 1997; Clennell et al., 1999]. D'un point de vue
thermodynamique, l'activité de l'eau diminue jusqu'à ce que le gaz puisse coexister avec l'eau
résiduelle sans réagir. Par ailleurs les hydrates qui se forment dans les pores ou autour des
poches de gaz peuvent réduire par obstruction les échanges par diffusion entre la phase
laboratoire sur des gouttes d'un composé formant des hydrates au contact de l'eau [Ohmura et
al., 1999]. Dans les conditions de stabilité de l'hydrate, une mince coque d'hydrate de
[Ohmura et al., 2000]. La goutte peut ainsi persister dans un état métastable pendant des
heures.
Nous avons vu que pour produire un BSR, il suffisait d'une zone de 10-30 m
d'épaisseur contenant une petite quantité de gaz libre (quelques % de saturation), mais dans
certains cas, la zone de faible vitesse sismique ou le gaz est présent est beaucoup plus épaisse.
Des études géophysiques ont montré en particulier qu'à Blake Ridge et dans le prisme
d'accrétion du Makran le gaz était présent dans une zone d'au moins 250 mètres d'épaisseur
[Holbrook et al., 1996; Sain et al., 2000]. Ces observations peuvent résulter de saturations en
51
gaz trop faible pour permettre sa migration ou, au contraire, suggérer que le BSR joue le rôle
de couverture. L'idée que le gaz est piégé par capillarité et constitue le résidu immobile de la
dissociation des hydrates a été proposée pour Blake Ridge et le Makran [Sain et al., 2000;
Davie and Buffett, 2001], mais elle n'est pas entièrement satisfaisante. Des prélèvements par
carottier pressurisé à Blake Ridge indiquent une saturation de gaz relativement élevée (12%)
au Site 997 [Dickens et al., 1997b]. Compte tenu des incertitudes, cette valeur n'est pas
également une accumulation de gaz sous le BSR (figure 20). Le diapir de Blake Ridge est un
Cette migration induit une augmentation de salinité et de température qui peuvent contribuer
toutes les deux à la déflection du BSR [Taylor et al., 2000]. La forme de l'accumulation de
gaz suggère que le BSR en forme de dôme constitue un piège. La question du mode de
migration de ce gaz au travers de la zone de stabilité des hydrates reste ouverte. Nous avons
vu que Egeberg (2000) identifie un flux d'eau de 0.3 à 0.5 mm/an et que ce flux pourrait
sédiment (taches associant forte reflectivité forte atténuation des courtes longueurs
d'onde)[Taylor et al., 2000] et la présence de pockmarks [Paull et al., 1996] suggère que le
gaz libre aussi migre à travers la zone de stabilité des hydrates et s'échappe le long de failles
Le piégeage du gaz sous le BSR a aussi été observé au large du Brésil, associé à des
pièges sédimentaires classiques. La hauteur maximale des colonnes de gaz suggère que
l'efficacité du BSR comme couverture est limitée par le seuil de fracturation hydraulique
[Grauls et al., 1998]. Le même modèle appliqué au cas du diapir de Blake Ridge impliquerait
que celui-ci se situe au-delà bien au delà du seuil de fracturation hydraulique (la colonne de
gaz critique n'exèderait pas environ 80 m soit 100 s twt). Cependant la relation entre
profondeur et contrainte principale minimale est peut être différente aux deux sites.
52
D'après ces observations, la base de la zone de stabilité des hydrates apparaît comme
un obstacle à la migration du gaz dans le milieu poreux. Cependant, si la pression du gaz est
53
c Hydrate Concentr ation (v ol%)
82° 80° 78° 76° 74°W 10 30
a 0 20 40
Fig. 20 : (a) Position du diapir de 0
34°
00
00
30
40
sel de Blake Ridge; (b) coupe
00
50
0 sismique montrant la déflection du
0
Charleston 10
30
996 Bl BSR au dessus du diapir,
Savannah ak
32° e l'accumulation de gas libre et la
Ri
dg
e position des sorties de fluide (Paull 25
1000
et al., 1996); (c) concentration en
2000
hydrate determinée par géochimie
30°
isotopique (Egeberg, 2000); (d)
Blake Plateau
Depth (mbsf )
estimation du flux ascendant d'eau
(Egeberg, 2000).
50
28°N BSR
25
BSR 50
L'étude des hydrates dans le milieu naturel ces dernières années s'est focalisée sur les
BSR. Elle a conduit à aborder des problèmes liés à l'hétérogénéité du milieu sédimentaire et
l'advection de l'eau interstitielle. Les recherches s'orientent maintenant vers des systèmes à
flux localisé dans lesquels la migration du gaz libre joue un rôle important et qui conduisent
comme l'une des plus importantes. Si, comme le prédisent les modèles, les hydrates se
forment préférentiellement dans les pores les plus gros, de faibles quantités d'hydrate
pourraient modifier significativement la perméabilité à l'eau et, par effet capillaire, bloquer la
est conçu en grande partie pour répondre à ces questions. Il faut cependant respecter deux
conditions :
-Il est préférable d'imposer un gradient de température dans la cellule plutôt qu'une
des hydrates au point d'entrée du fluide saturé et les mesures de perméabilité seront
stade du projet.
sédiment hydraté. Pour cela il faut pouvoir faire circuler au travers de la cellule un gaz ne
formant pas d'hydrate. Bien que ceci n'était pas initialement prévu, il est probablement
expérimental sur ce même objectif. Son originalité est que la cellule est conçue pour
Operated Vehicle) et les expériences seront effectuées sous pression lors de plongées sous-
55
marines. Cette technique permettra d'utiliser un capteur RMN pour mesurer la taille des pores
La prise en compte de la migration du gaz libre est indispensable pour modéliser les
systèmes à fort flux de méthane. Elle nécessite quelques précautions car le gaz, comme
l'hydrate, est soumis aux effets capillaires. Ainsi, les concepts de percolation et de ségrégation
(ou de fracturation) s'appliquent aussi bien à la forme que prend l'hydrate dans le sédiment
qu'au mode de migration du gaz (figure 21). Les deux paramètres essentiels qui déterminent le
le gaz restent dans les pores. Dans ce cas, le gaz ne migre que si la saturation en gaz est
minimale effective, l'hydrate forme des veines et le gaz migre dans les fractures. Dans le cas
56
A. Hydrate habit B. Gas migration
connected migration in
interstitial pores
phase transport
finite in solution
interstitial (advection-
clusters diffusion)
migration
coexisting habits
in fractures
(segregated
and invasion
and intestitial)
water pressure
water pressure
mobilisation
Minimum Effective Stress
Fig. 21 : Les mêmes phénomènes physiques (percolation et fracturation) déterminent la forme de l'hydrate dans le sédiment et le mode de
migration du gaz.
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