RÉCESSION DE L’AQUACULTURE LAGUNAIRE ET LUTTE CONTRE LA
PAUVRETÉ ET L’INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE EN CÔTE D’IVOIRE
KOUADIO NANAN KOUAMÉ FÉLIX1, ASSI-KAUDJHIS JOSEPH-PIERRE2
1- Enseignant-Chercheur, Université Peleforo Gon Coulibaly, k_felix2008@yahoo.fr
2- Enseignant-Chercheur, Université Alassane Ouattara, jkaudjhis@yahoo.fr
RÉSUMÉ
Cette étude vise, à partir d’une enquête de terrain
et de recherches documentaire, à montrer les effets
de la baisse des activités aquacoles lagunaires sur
les actions de lutte contre la pauvreté et l’insécurité
alimentaire des populations en Côte d’Ivoire.
Bien que discontinue dans l’espace, la pisciculture
lagunaire a occupé de nombreuses personnes et contri-
bué fortement à l’approvisionnement des populations
en poissons. Mais depuis plus d’une décennie, elle
enregistre une répétition d’abandon de grandes struc-
tures d’élevage. Cela favorise la chute de la production
halieutique nationale, l’augmentation du taux de chô-
mage de jeunes et les risques d’insécurité alimentaires
des populations littorales en croissance continue.
Mots-clés : Aquaculture, Sécurité alimentaire,
Pauvreté, Lagune, Côte d’Ivoire
INTRODUCTION
Malgré sa position littorale, la présence de trois
grandes lagunes et une multitude de cours d’eau
relativement propices à la pêche, la Côte d’Ivoire
n’est pas autosuffisante en poissons. Elle consacre
chaque année environ 125 milliards de francs CFA
dans l’importation de produits halieutiques (DPH1,
2007). Pour faire face à ce problème, l’Etat de Côte
d’Ivoire a initié depuis 1990, des politiques de déve-
loppement de la pisciculture en vue d’accroître la pro-
duction nationale. Ces actions ont concerné à la fois
l’aquaculture continentale, et l’aquaculture lagunaire.
La pisciculture lagunaire qui a bénéficié de très
peu de projets étatiques contrairement au secteur
continental n’est pas moins dynamique au regard de
son volume de production et de son emprunte spatiale.
1 Direction de la Production Halieutique
Revue de Géographie Tropicale et d’Environnement, n° 2, 2014
© (EDUCI), 2014
ABSTRACT
This study, based on a field survey and documen-
tary research to show the effects of lower lagoon
aquaculture activities on actions against poverty and
food insecurity of people in Ivory Coast.
Although discontinuous in space, the lagoon fish
served many people and contributed significantly
to the supply of fish populations. But for more than
a decade, she recorded an abandonment of large
livestock structures repetition. This promotes the fall
of national fish production, increasing youth unem-
ployment and the risk of food insecurity of coastal
populations growing continuously.
Key words : Aquaculture, Food Security,
Poverty, Lagoon, Ivory Coast
En 2001, la DPH estimait qu’avec seulement six
(6) fermes, elle a enregistré une production de 349,7
tonnes de poissons soit près de 34% de la production
nationale. Ainsi, elle contribue à l’approvisionnement
d’une partie de la population littorale, estimée selon
le RGPH (1998) à près de 3 500 000 âmes, en pois-
sons. Les activités d’élevage de poissons occupent
directement et indirectement de nombreux jeunes
déscolarisés en Côte d’Ivoire (ASSI-KAUDJHIS,
2005). Elles participent à la lutte contre le chômage
et la pauvreté dans les zones rurales voire urbaine
du pays. En 2010, ABOYA, stipule que l’aquaculture
développée en lagune Ebrié, polarise relativement
l’espace des centres urbains environnants. Des
migrations journalières de population s’observent
entre ces derniers et les zones rurales qui abritent
les fermes aquacoles. Le transport, le commerce, la
restauration sont entre autres les activités nées du
77
dynamisme relatif de l’aquaculture lagunaire dans
ces régions.
Depuis ces dernières années, la filière aquacole
particulièrement le secteur lagunaire connait une
crise sans précédent. Elle enregistre la fermeture
de grandes exploitations, reconnues pour la moder-
nisation de leurs systèmes de fonctionnement,
l’importance de leurs volumes de production et leurs
capacités de création d’emplois directes et indirectes.
Quelle est la contribution de la pisciculture lagunaire
dans la production halieutique ivoirienne ? Quelles
sont les difficultés qu’elle rencontre ? Quels sont les
enjeux et les perspectives de son développement ?
MÉTHODOLOGIE DE COLLECTE DE
DONNÉES
Pour réaliser cette étude, nous avons eu recours à
une revue de la littérature et des enquêtes de terrain.
De façon générale, nous avons consulté des
documents portant sur des sujets en rapport avec
notre étude. Il s’agit particulièrement de ABOYA
(2010) et ANOH (2007). Le premier fait l’étude géo-
graphique de l’aquaculture lagunaire en Côte d’Ivoire
et le second met l’accent sur le rôle de la pêche et
de l’aquaculture dans le développement du même
pays. Par ailleurs, les travaux de ASSI-KAUDJHIS
(2005), ont permis d’appréhender la contribution de
la pisciculture continentale dans le développement
des zones rurales du Centre-ouest ivoirien.
L’enquête de terrain a été marquée par deux
périodes (2007-2012 ; 2014). Le premier temps
d’observation a permis de constater des fermes en
activité continue. Le deuxième a consisté à sillon-
ner les fermes piscicoles lagunaires en crise afin
de s’imprégner de la situation. Cette phase a été
complétée par des entretiens libres avec des pisci-
culteurs en fonction, mais également des fermiers2
initialement employés dans les exploitations aban-
données et des personnes encore en activité dans
lesdites zones de production. Des questions ont été
également soumises à des commerçants (grossistes
et détaillants). Ces échanges ont consisté à deman-
der à ceux-ci s’ils connaissent des ruptures de stock
depuis la fermeture de structures de production qui
2 Les fermiers initialement employés dans les structures
fermées habitent généralement dans les villages qui
abritent les fermes en questions des initiatives privées à s’investir dans ce domaine
KOUADIO NANAN K. F. & ASSI-KAUDJHIS J. P. : Récession de l’aquaculture lagunaire et ...
78
constituaient initialement leurs premières sources
d’approvisionnement.
Dans l’ensemble, les trois grandes lagunes de la
Côte d’Ivoire ont été visitées. Cependant un accent
particulier a été mis sur le domaine Ebrié. Cet espace
abrite la quasi-totalité des fermes lagunaires de
la Côte d’Ivoire. La carte suivante présente notre
espace d’étude ainsi que les localités enquêtées.
Figure 1 : Présentation de l’espace d’étude et des
localités enquêtées
Au total, une enquête exhaustive des zones de
production lagunaire a été effectuée. A l’image de la
figure 1, trois localités ont été visitées dans le sec-
teur lagunaire Ebrié et une dans chaque domaine
lagunaire Aby et Grand-Lahou.
Les informations collectées ont été structurées
selon les points suivants: la contribution de l’aqua-
culture lagunaire dans la production halieutique ivoi-
rienne, les vicissitudes du développement aquacole
lagunaire et les enjeux et perspectives du dévelop-
pement de l›aquaculture lagunaire.
RÉSULTATS
1. L’AQUACULTURE LAGUNAIRE DANS LA
PRODUCTION HALIEUTIQUE IVOIRIENNE 
Le développement de l’aquaculture lagunaire
coïncide avec la dernière phase de la promotion de la
pisciculture en Côte d’Ivoire : l’étape de l’émergence
de l’aquaculture industrielle. Ce nouveau système
d’élevage, mis en œuvre à partir de 1990, était axé
sur la production lagunaire. Selon l’Association
Nationale des Aquaculteurs de la Côte d’Ivoire
(ANAQUACI, 2014), le Programme d’Aquaculture
Lagunaire (PAL) a servi de modèle pour intéresser
d’activité. Il a ainsi, conduit à la mise en place entre
1990 et 1995, de la Société Ivoirienne d’Aquacul-
ture Lagunaire (SIAL) qui s’est spécialisée dans la
production industrielle et la commercialisation de
poissons. Cela a suscité l’arrivée de promoteurs qui
se sont investis dans la mise en place d’unités de
production et de vente de poissons d’élevage. Cette
situation a progressivement touchée le reste du pays,
conduisant à l’émergence des fermes d’entreprise
qui contribuent, à fournir au marché de consom-
mation 64% de la production aquacole ivoirienne
(ANAQUACI, opcit). Jusqu’en 2002, la pisciculture
lagunaire enregistrait les fermes les plus industria-
lisées du pays. Sa contribution est non négligeable
dans l’approvisionnement des populations du littoral
ivoirien en poissons. Avec seulement 6 fermes, elle
a enregistré une production de 349,7 tonnes soit
près de 34% de la production aquacole nationale
(DPH, 2001).
De façon générale, l’aquaculture est un secteur
porteur en termes de valeur ajoutée. Selon ASSI-
KAUDJHIS (2005), les produits d’aquaculture gé-
nèrent au kilogramme, une valeur ajoutée moyenne
beaucoup plus concurrentielle que celles des produits
de la pêche : 580 F.CFA contre 173 F.CFA (soit une
différence de 407 F.CFA), et dans une certaine me-
sure que celles des conserveries : 580 F.CFA contre
97 F.CFA (soit une marge de 483 F.CFA).
Ces valeurs relativement plus élevées dans le
domaine aquacole que dans celui de la pêche, relève
en partie de la pisciculture lagunaire développée
sur le littoral (lieu de forte concentration urbaine).
Contrairement aux zones de production continen-
tales généralement reculées du pays (centre-ouest,
sud-est), la pisciculture lagunaire jouit surtout d’un
important marché urbain notamment Abidjan. Cet
espace, est le principal centre de consommation de
poissons en Côte d’Ivoire (DPH, 2008).
Globalement, les protéines issues de la pêche
et de la pisciculture ne s’adressent pas, le plus
souvent, à la même clientèle. Alors que les produits
halieutiques (et notamment le poisson importé
de faible valeur commerciale) restent en général
accessibles à toutes les couches sociales, les
produits aquacoles s’adressent, quant à eux, aux
Revue de Géographie Tropicale et d’Environnement, n° 2, 2014
© (EDUCI), 2014
populations qui disposent d’une certaine solvabilité3,
ce qui leur assure des marges substantielles.
Les poissons des eaux douces et saumâtres,
couramment utilisés dans l’aquaculture, sont en effet
des espèces qui bénéficient d’un prestige patent4
auprès des ménages surtout urbains par rapport aux
poissons de mer.
L’implantation de l’aquaculture lagunaire en zone de
forte concentration urbaine, contribue donc à lui assurer
des gains relativement profitables. La possibilité de
cibler les périodes de ventes des poissons notamment
les périodes de festivités et de dysfonctionnement des
systèmes d’approvisionnement des marchés en pêche-
rie étrangère sont entre autres les forces de ce secteur.
Pendant la crise post-électorale de 2010, l’aquaculture
lagunaire dans la commune de Bingerville a contribué
énormément au ravitaillement des populations locales et
Abidjanaises en poissons. Les difficultés d’approvision-
nement des marchés en produits vivriers, relativement
à l’arrêt des activités au port de pêche mais surtout à
l’insécurité auquel les acteurs de la production vivrière
et halieutique étaient confrontés pendant cette période,
sont à la base de cette situation.
Depuis ces dernières décennies, ce secteur
connait des difficultés de plus en plus importantes.
2. LES VICISSITUDES DU DÉVELOPPEMENT
AQUACOLE LAGUNAIRE 
2.1. De grandes exploitations lagunaires
en crise 
La pisciculture lagunaire connait une répétition
de fermeture d’établissement ces dernières années.
Après la cessation des activités à la Société Ouest
Africaine de poissons (SOAP) en 2002, c’était au tour
de la Société Africaine de Production de Poissons
d’Élevage (SAPPE) de fermer en 2012. Ces deux
structures de production étaient les plus grandes et
les plus modernes du littoral ivoirien. Au niveau de
l’occupation du sol, la SOAP et la SAPPE totalisaient
3 Les prix des produits aquacoles sont généralement plus
élevés que ceux des produits halieutiques, 1000 à 2500 F.CFA/
kg contre 400 à 700 F.CFA/kg. Le revenu mensuel moyen
consacré à l’achat du poisson se situe à 3658 F.CFA par famille.
4 A l’image du mâchoiron communément appelé «poisson
ministre», et de plus en plus du tilapia généralement utilisé
pour le poisson à la braise, un plat très prisé par les ivoiriens.
79
220 structures d’élevage (150 pour la SOAP soit
5 000 m3 d’eau  et 70 pour la SAPPE soit 3220 m3
d’eau) contre moins de 70 structures d’élevage pour
les autres zones de production en lagune (au nombre
de 04). La SOAP et la SAPPE sont des sociétés à
responsabilité limité (SARL). Elles étaient spéciali-
sées dans la production de poissons d’eau douce (le
Tilapia). Ces fermes développaient des systèmes de
production performant, respectant toutes les étapes
d’élevage, depuis l’alevinage jusqu’au grossisse-
ment. Elles abritaient des manufactures d’aliment et Photo 2 : Vue de la SOAP au contact de la lagune Adjin
intervenaient dans la distribution d’alevins aux petites
Source : Kouadio Nanan, 2014
fermes continentales et lagunaires du littoral. Leur
rôle dans le dynamisme de la pisciculture dans cette La photo 1 présente des bassins construits en dur,
zone était donc indéniable. Cependant, suite à des initialement utilisés pour les phases de reproduction
raisons diverses, ces deux géants de la pisciculture et pré-grossissement des poissons. Depuis 2002, ces
du littoral voire du pays, ont arrêté de produire du structures de production ont été vidées de leurs conte-
poisson pour la population. nus. La seconde image montre la façade lagunaire
Par ailleurs, si la SOAP a connu une fermeture de la SOAP. Ce milieu qui était le débarcadère de la
spontanée au regard des photos 1 et 2, il n’en est pas de production ramenée des cages installées en lagune est
même pour la SAPPE. Cette dernière structure initiale- désormais utilisé comme lieu de fabrication de pirogues.
ment nommée N-CARP (Nouvelle Carpe), a été rachetée
par d’autres opérateurs suite à des problèmes fiscaux
et juridiques en 2002 sous le nom de l’A2P (Africaine
de Production de Poissons). En 2009, pour les même
raisons, l’A2P fait appel à deux nouveaux actionnaires
et redevient SAPPE. En 2013, suite à la baisse continue
du niveau de production, à l’insuffisance de ressources
économiques pour faire face aux paiement de salaire
des employés et ouvriers, la SAPPE à l’image des photo
3,4,5 et 6 a suspendu toute pratique d’élevage sur son
site. Les bassins d’alevinage ont été vidés de leurs Photo 3 : Alimentation de poissons dans les bassins
contenus et les cages flottantes initialement au large de de pré-grossissement à la SAPPE dans le
la lagune, ramenées sur la rive. village d’Adjin
Source : Kouadio Nanan, 2009

Photo 1 : Des bassins vidés d’eau à la SOAP dans

le village d’Adjin Photo 4 : Des bassins de pré-grossissement vidés
d’eau à la SAPPE
Source : Kouadio Nanan, 2014
Source : Kouadio Nanan, 2014

KOUADIO NANAN K. F. & ASSI-KAUDJHIS J. P. : Récession de l’aquaculture lagunaire et ...

80
 Ces deux photos ont été réalisées sur le site de A côté de ces deux grandes structures de produc-
la SAPPE, notamment dans le secteur réservé aux tion, des fermes d’État prévues pour faire la promotion
bassins de pré-grossissement des poissons (dernière de la pisciculture en général et l’élevage en lagune en
phase de production avant le transfert des espèces particulier sont également abandonnées (figure 2).
en lagune), en 2009 et 2014. Sur la photo 3, on voit
bien une activité aquacole en développement au
regard de ce jeune ouvrier distribuant des aliments
aux poissons. A l’opposé, la photo 4 présente ces
mêmes bassins vidés de leurs contenus et un stock
de matériaux d’installations de cages flottantes.
Cette dernière image témoigne de l’abandon de cette
structure de production par les opérateurs.

Figure 2 : Les fermes lagunaires abandonnées et

en activité

A l’analyse de la carte ci-dessus, il ressort que

Photo 5 : Des cages flottantes de la SAPPE regrou-
pées au large de la lagune Adjin
Source : Kouadio Nanan, 2007
cinq (05) fermes, dont deux (02) de l’Etat, ont été
fermées sur les huit (08) visitées, soit un taux d’aban-
don de 62,5%. Cette situation témoigne du déclin de
l’aquaculture lagunaire.
2.2. Une chute de la production piscicole
lagunaire

Conséquemment à l’abandon de grandes zones

d’élevage en lagune, la production de cette catégorie de
la pisciculture connaît une baisse depuis 2001 (tableau 1).
Tableau 1 : production de la pisciculture lagunaire
par année

Année Production (tonnes)

2001 349,7
2002 331,35
2003 331,4
Photo 6 : Les cages flottantes de la SAPPE rame- 2004 331,4
nées sur la rive de la lagune Adjin 2005 -
Source : Kouadio Nanan, 2014 2006 331,35
2007 140
Les photos 5 et 6 illustrent des structures d’éle-
vage de la phase finale de production de poissons 2008 140
à la SAPPE (cage de grossissement). Ces engins
initialement (jusqu’en début de l’année 2012) installés Source : DPH, 2001-2009 - Données non disponibles
en eau libre, ont été retirés et regroupés sur la rive
Le tableau ci-dessus, présente la baisse pro-
en 2014. Cette situation justifie l’arrêt des activités
gressive de la production piscicole lagunaire de
dans cet établissement.
2001 à 2008.

Revue de Géographie Tropicale et d’Environnement, n° 2, 2014

81
© (EDUCI), 2014
 De 349,7 tonnes en 2001, la production piscicole SOAP Ebrié Ferme
lagunaire est passée à 331,35 tonnes en moyenne abandonnée
entre 2002 et 2006 avant de plonger à 140 tonnes Bingerville SAPPE Ebrié Ferme
à partir de 2007. Cette chute est consécutive à la abandonnée
situation économique et socio-politique fragile qu’a
PAST Ebrié Fermé
connue la Côte d’Ivoire. Bien auparavant et notam-
abandonnée puis
ment en 2001, la valeur de près de 350 tonnes reprise en 2013
enregistrées est lié à l’expansion particulière de la
ANNA Ebrié Ferme
SOAP et la N-CARP qui totalisent respectivement
abandonnée
185 et 70,24 tonnes.
Dabou CRO Ebrié Ferme en activité
Suite au coup d’État de décembre 1999, la SOAP Jacqueville OJA Ebrié Ferme en activité
a connu une destruction et un vol de ces équipe-
Grand- CRO Ebrié Ferme
ments. Cette situation a favorisé une réduction
Lahou abandonnée
de ses activités entrainant son abandon en 2004.
Toutefois, d’après les données statistiques fournies
Source : DPH, 2001 -2009 ; Enquêtes personnelles, 2014
par la DPH, c’est à partir de 2007 que la production
générale connaît une chute véritable avec la perte de Confrontée à des difficultés de divers ordres,
191,35 tonnes. Cette modification tardive des chiffres la pisciculture lagunaire souffre d’une cessation
proposés dans le tableau 2 malgré la fermeture de d’activité dans la quasi-totalité des sites recensés.
la SOAP en 2004, se justifie par la non-actualisation À l’analyse du tableau 2, trois (3) fermes sont en
des données statistiques fournies par les services de activité continue sur les dix (10) identifiées par la
pêche et d’aquaculture. DPH (2001-2009).
Par ailleurs, ce déclin brutal de la production
3. ENJEUX ET PERSPECTIVES DU
en 2007, s’explique en partie par la disparition de
DÉVELOPPEMENT DE L’AQUACULTURE
deux autres zones de production notamment SCB
LAGUNAIRE
d’Agboville et la ferme PRIVE de Jacqueville dont la
contribution dans la production piscicole lagunaire 3.1. Des enjeux multiples
est non négligeable.
Depuis 2012, la réduction de la quantité de La fuite des capitaux nationaux et la
poissons produite dans les eaux saumâtre s’est réduction du produit intérieur brut
intensifiée d’avantage conformément à la cessation
des activités à la SAPPE (ancien N-CARP et A2P),
qui restait la plus productive après la SOAP. Cette Selon le rapport semestriel d’exécution de la
dernière avait produit environ 180 tonnes de poissons surveillance multilatérale, UEMOA décembre 2012,
en 2010. Le tableau suivant fait l’état des lieux des la Côte d’Ivoire a une dette / PIB de 35,8 % et un
zones de production piscicoles lagunaires en insis- déficit de 3,1%. Même si cette source précise que
tant sur les exploitations abandonnées ou en activité. ces chiffres rentrent dans les limites des critères
de convergence de l’UEMOA, elle demeure une
Tableau 2 : État des lieux de la pisciculture lagunaire
contrainte relative pour une nation qui se veut
par localité en 2014 en Côte d’Ivoire
émergente en 2020. Les secteurs porteurs de crois-
Localité Projet / Lagune Constats sance restent celui du tertiaire (4,5% sur 9,8%) et
société du secondaire (4% sur 9,8%). Le secteur primaire
Plantation Ebrié Ferme en activité ne compte que 0,7% sur 9,8%. A part les grandes
Agboville Blondey cultures industrielles surtout le cacao qui assure 40%
de la production mondiale, les autres constituants
SCB Ebrié Ferme
abandonnée notamment la pisciculture contribue faiblement à ce
taux. Paradoxalement, on assiste à l’utilisation de
Jacqueville PRIVES Ebrié Ferme
plusieurs milliards de francs CFA pour l’importation
abandonnée

KOUADIO NANAN K. F. & ASSI-KAUDJHIS J. P. : Récession de l’aquaculture lagunaire et ...

82
de produits issus de cette culture chaque année.
Selon la DPH (2008), la Côte d’Ivoire consacre près
de 125 milliards de francs CFA dans l’importation
de poissons pour faire face aux insuffisances de la
pêche mais surtout de la pisciculture.
L’élevage de poissons fait partie intégrante du
système halieutique ivoirien. Mais par rapport aux
autres composantes de ce système (que sont la
pêche industrielle et artisanale maritime, lagunaire
et continentale), la contribution du secteur aquacole
est relativement faible dans la production nationale.
En 2002, ses récoltes estimées à 866,03 tonnes n’ont
assuré que 1,2% de la production halieutique locale,
contre 23,8% pour l’activité industrielle et 75% pour
la pêche artisanale, et 0,4% de la consommation
intérieure de protéines halieutiques, contre 7,2% pour
les productions industrielles, 22,6% pour la pêche
artisanale et 69,8% pour les importations.
En termes de valeur, le secteur aquacole a généré
environ 1204 millions de francs CFA, soit 3,4% du
chiffre d’affaires halieutique intérieur contre 77,9%
pour la production artisanale et 18,7% pour la pêche
industrielle (ASSI-KAUDHJIS, opcit).
Cette contribution déjà insuffisante se dégrade
d’avantage avec l’arrêt de la production dans les grands
établissements piscicoles lagunaires. En 2006, la part
de cette filière était estimée à 613 millions de Francs
CFA (Soit 38, 26% de la valeur produite au niveau natio-
nal). À partir de 2006, ce chiffre décroit jusqu’à 220
millions de Francs CFA en 2008 soit une perte de 393
millions de Francs CFA. Ce déficit devrait se renforcer
d’avantage avec la fermeture récente de la SAPPE
dont la forte part n’a pas encore été retirée des chiffres
proposés par la DPH5. Selon nos enquêtes réalisées en
2010, la valeur financière produite par cette structure
était estimés à plus de 300 millions de FCFA.
L’augmentation du taux de chômage
Selon le BIT (Bureau International des Travail-
leurs) à Abidjan, il y a environ sept millions de chô-
meurs en Côte d’Ivoire. L’Agence pour la promotion
de l’emploi (AGEPE), fixe ce chiffre à 986 220. Cette
5 Les données statistiques fournies par les services
ivoiriens dans le domaine de la pisciculture ne sont pas
actualisées. Les chiffres proposés par la DPH, service
compétent dans ce domaine sont en retard de cinq années
au moins.
Revue de Géographie Tropicale et d’Environnement, n° 2, 2014
© (EDUCI), 2014
dernière valeur a été communiquée au terme d’un
atelier de restitution des résultats de l’enquête emploi
2012. L’étude révèle qu’il y a 554330 femmes au
chômage contre 431 890 hommes. Ces données
montrent également que le taux de chômage en
milieu rural est de 3,8%. Ce phénomène touche non
seulement les titulaires du baccalauréat (14%) mais
également les non instruits (6,4%). Le pic se situe
dans le district d’Abidjan (19,5%), un milieu bordé
par la lagune Ebrié.
L’aquaculture lagunaire offre directement des em-
plois aux diplômés (ingénieures, techniciens, etc.) et
aux non diplômés (ouvriers agricoles, conducteurs,
etc.). Indirectement, cette activité occupe à la fois les
personnes instruites et non. Les femmes déscolari-
sées sont dans le commerce de poissons en gros et
en détailles. Les jeunes garçons aident au ravitaille-
ment des stands de commercialisation à l’image de
la photo 7 suivante. Dans le domaine de l’artisanat,
la fabrication du matériel piscicole (fabrique et répa-
rations de filets de pêche, construction et entretient
de bassins, etc.), occupe également les populations.
De nombreux jeunes déscolarisés, des sans-emploi,
etc., sont ainsi parvenus par le biais de ces activités
à s’insérer dans le tissu socio-économique rural et
urbain. Pour bon nombre de ces travailleurs, et
surtout les plus jeunes, ces activités sont toutefois
empruntées comme voie pour capitaliser du numé-
raire afin d’investir dans d’autres secteurs.
Avant l’ouverture récente (2010) de la ferme conti-
nentale HYDROFISH de Bingerville, les plans d’eau
lagunaire abritaient les fermes les plus modernes du
pays, capables d’employer le plus grand nombre de
travailleur. Alors que dans la plupart des fermes conti-
nentales identifiées sur le littoral, le propriétaire quand
il n’est pas seul, est associé uniquement à un ou deux
ouvriers agricoles. Il est à la fois à la production et à
la commercialisation (KOUADIO NANAN, 2012). A
l’opposé, les établissements industriels installés en
lagune particulièrement la SOAP et la SAPPE recrutent
des agents à chaque étape de la production. Il s’agit
du personnel administratif (propriétaire de la ferme,
responsable de l’exploitation et la production d’aliments,
secrétaires auprès des responsables, agents commer-
ciaux), technique (équipe d’alevinage, d’alimentation
des poissons, de production d’aliment, de tri et sexage)
et de gardiennage. La photo 8 suivante présente des
membres de l’équipe de trie et sexage à la SAPPE.
83
 Conformément, aux premiers objectifs auxquels
s’est assigné l’État de la promotion de la pisciculture
en 1990, la production piscicole lagunaire a pour but
essentiel de contribuer au ravitaillement des popu-
lations littorales en poissons. Cette partie du pays
abrite les plus fortes proportions de consommation
de produits halieutiques. ANOH (1994) estime la
consommation par habitant à 54kg pour l’agglomé-
ration d’Abidjan et à 25kg dans les autres zones
urbaines du sud.

Photo 7 : Décharge de produits piscicoles par des Face aux insuffisances de la pêche maritime et à la
jeunes a Bingerville chute de la production piscicole lagunaire, on assiste à
un déficit dans l’approvisionnement des populations du
Source : Kouadio Nanan, 2014 sud de la Côte d’Ivoire en poissons. En 2007, KOUA-
DIO NANAN, a montré que l’A2P, installée en lagune
Adjin a joué un rôle important dans la distribution des
populations environnantes (Bingerville, Abidjan, etc.) en
poissons. Aujourd’hui, C’est plus de 200 tonnes de cette
production qui échappent au littoral ivoirien suite à la
fermeture de grandes fermes lagunaires. Les photos 9
et 10 présentent deux situations différentes observées
à la SAPPE en 2009 et 2014.

Photo 8 : Des membres de l’équipe de tri et sexagea

la SAPPE d’Adjin
Source : Kouadio Nanan, 2009

Depuis la fermeture de ces grandes structures de

productions, c’est plus de 100 emplois directs et 500
emplois indirects qui sont perdus. Les licenciements
parfois spontanés des travailleurs souvent sans Photo 9 : Des commerçants grossistes à la SAPPE d’Adjin
mesures d’accompagnement confirment les difficultés
Source : Kouadio Nanan, 2009
que ces derniers ont à se réinsérer dans le tissu social.
Les jeunes désertent la campagne pour les grandes
villes à la recherche d’un emploi, augmentant ainsi le
taux de chômeurs dans ces zones. En 2012, l’AGEPE
fixe ce chiffre à 15,2 % en milieu urbain.

Des risques d’insécurité alimentaire

Selon la FAO6 (2005), le poisson est la protéine

animale la plus consommée en Côte d’Ivoire. Il consti-
tue plus de 50% de la consommation de cette protéine
dans le pays. La consommation par habitant et par an
en Côte d’Ivoire est de l’ordre de 17 kg. Cependant, le Photo 10 : Nouvelle ambiance au lieu de distribution de
pays ne produit que moins du quart de cette quantité. poissons à la SAPPE d’Adjin
Source : Kouadio Nanan, 2014
6 Food and Agriculture Organization.

KOUADIO NANAN K. F. & ASSI-KAUDJHIS J. P. : Récession de l’aquaculture lagunaire et ...

84
 Les photos 9 et 10 ont été prises dans l’hangar de
la SAPPE à des périodes différentes. Cet espace sert
non seulement à la préparation de filets des cages de
grossissement des poissons en lagune mais surtout
de lieu de distribution des produits piscicoles aux
grossistes et détaillants. Comme le montre la photo
9, du lundi au samedi, on assiste relativement à de
longues files d’attente de commerçants de poissons.
Cette situation témoigne de la forte demande des
consommateurs. Les produits qui sortent de cet
établissement sont vendus dans la ville de Binger-
ville, d’Anyama, d’Alepé et d’Abidjan sous plusieurs
formes (frais, fumés, fris, braisés, etc.).
A l’opposé, la photo 10 exprime la cessation des
activités dans cette structure. Cet espace ne sert
plus à réparer des filets encore moins à recevoir
des commerçants. Désormais, il reste occupé par
des filets retirés des cages initialement implantés en
lagune. En prélude de la réouverture annoncé depuis
2013 de cette ferme, deux (02) agents de la sécurité
ont été maintenus sur le site pour veiller sur le reste
des matériels encore récupérables.
3.2. Des perspectives importantes
Les défis à relever
Plusieurs défis sont à relever pour favoriser une
expansion des activités piscicoles lagunaires. Les
problèmes fonciers notamment ceux liés à l’accès et
à l’utilisation des plans d’eau doivent être résolus. Les
populations riveraines en dépit des réglementations
modernes (article 37 du code de l’environnement7)
continuent de gérer ces milieux en marge des struc-
tures étatiques. Les pisciculteurs se trouvent donc
confrontés à d’énormes difficultés dans le choix des
autorités en charge de cette question. De façon
générale, les grandes structures de production
notamment la SOAP et SAPPE, payaient des taxes
ou impôts à la fois à l’administration traditionnelle
et aux services modernes. En outre, ces dernières
étaient sollicitées pour des contributions financières
par les autochtones lors des évènements heureux
(fêtes de générations, etc.) et malheureux (funé-
railles, etc.). Toutes ces dépenses imprévues créent
7 Cette loi stipule que les cours d’eau, les lagunes, les
lacs naturels, les nappes phréatiques, les sources, les
bassins versants et les zones maritimes sont du domaine
public donc gérés par l’État ivoirien.  la Mé et la Comoé constituent une barrière efficace
Revue de Géographie Tropicale et d’Environnement, n° 2, 2014
© (EDUCI), 2014
d’énorme désagrément aux opérateurs économiques
et détériorent leurs chiffres d’affaire.
Des conflits d’usage opposent également les
pisciculteurs aux pêcheurs. En effet, les éleveurs,
installent des cages en lagune pour la phase termi-
nale de grossissement des poissons. Cette pratique
demande parfois l’utilisation d’aliments industriels
(granulés, etc.). Or, leurs introductions dans les
cages, y attire les poissons sauvages et raisonnable-
ment les pêcheurs. Selon KOUADIO NANAN (2012),
le déplacement de ces derniers aux alentours des
installations piscicoles engendre des conflits entre
les acteurs en lagune Adjin.
Toutes ces situations d’opposition entraînent un
dysfonctionnement des systèmes d’organisation et de
production des fermes installées en lagune condui-
sant régulièrement à des abandons.
Par ailleurs, la promotion de ce type d’élevage
mérite d’être menée. En effet, contrairement aux
pratiques continentales, il assure le maintien des es-
pèces dans un environnement naturel réunissant plus
ou moins toutes les conditions hydrologiques. Cela
facilite une meilleure croissance des poissons élevés
et favorisent un niveau de production important. En
revanche, cette situation passe par une dépollution
des plans d’eau lagunaire particulièrement la lagune
Adjin. L’une des raisons de la cessation des activités
à la SAPPE est la pollution relativement avancée de
la ressource hydrique. Elle a enregistré plus de 60%
de perte de son cheptel à cause de la présence de
parasites dans l’espace lagunaire utilisé.
La lagune Adjin, un milieu propice à
préserver pour la pisciculture
Le littoral de la Côte d’Ivoire présente, sur toute
sa partie orientale, un remarquable ensemble lagu-
naire, premier par sa taille de toute la côte ouest
de l’Afrique. Parmi cet ensemble, on distingue le
système lagunaire Ebrié dans lequel est inscrite la
lagune Adjin. Ce plan d’eau correspond avec celui
de Potou, au premier secteur de ce système. Ici, les
eaux sont soustraites aux influences marines et ont
un caractère fluvial car elles sont périodiquement
renouvelées par les crues. Ce renouvellement leur
permet de passer d’un stade d’eau saumâtre à celui
d’eau douce. Une mention particulière doit être faite
pour le diverticule de la lagune Adjin, pour laquelle
85
contre les intrusions salines. L’eau est toute l’année
quasi exclusivement d’origine continentale. De ce
fait, la salinité de surface est toujours inférieure à
0,5 g.l-1 (DURAND J. R et al, 1994). Cette situation
permet à ce milieu d’être le lieu le plus propice et
le plus sollicitée pour l’aquaculture lagunaire. Cet
espace abritait jusqu’à une date récente la quasi-to-
talité des fermes installées sur l’eau appartenant à
des particuliers8. Il offrait plus de 3/4 de la production
de ce type de pisciculture. Depuis la cessation des
activités à la SOAP et SAPPE, ce milieu abrite une
seule structure : la PSAT, initialement fermée, mais
réouverte en 2013.
La lagune Adjin est un atout considérable pour
la pisciculture. L’ampleur des installations réalisées
au large et aux abords de ce plan d’eau par les
opérateurs économiques témoigne de cette qualité.
Elle mérite d’être préservée et réservée uniquement
aux pratiques piscicoles. Cela permettra d’éviter
les conflits d’usage auxquels les pisciculteurs sont
confrontés. Cependant, des analyses récentes
(2013) menées par la SODECI9 (Société de Déve-
loppement de l’Eau en Côte d’Ivoire) sur le prélè-
vement d’eau de cette portion lagunaire, font état
de la présence de parasites. Si cette insuffisance
n’influence pas la production au large10 (position
des cages de grossissement), elle constitue un frein
à l’alevinage. Cette première phase de production
se déroule à terre dans des bassins remplis d’eau
tirés de la lagune souvent sans épuration. Dans de
telles circonstances on assiste à des pertes énormes
comme se fût le cas à la SAPPE en 2012.
Les structures Étatiques en charge de la ques-
tion doivent prendre des mesures idoines en vue
de dépolluer cet espace et prévenir tout les cas de
dégradation à venir. Cela permettra de renforcer sa
capacité de production de poissons d’élevage.
8 Des stations de recherche en pisciculture existent en
lagune notamment à Dabou et Jacqueville. Cependant,
elles appartiennent à l’Etat de Côte d’Ivoire.
9 Ce milieu au regard de ses qualité hydrologique avait
été sollicité par la SODECI pour servir de source de
ravitaillement de la population abidjanaise en eau potable.
10 La proximité de la rivière Mé et du fleuve Comoé
renouvelle cette portion lagunaire en entrainant avec eux
une partie les éléments polluants.
KOUADIO NANAN K. F. & ASSI-KAUDJHIS J. P. : Récession de l’aquaculture lagunaire et ...
86
DISCUSSION
Les projets de développement initiés par les
autorités ivoiriennes en vue d’améliorer les conditions
de vie des habitants ne doivent pas occulter la pisci-
culture particulièrement celle qui a lieu en lagune. Si
l’observation du paysage ivoirien traduit un certain
dynamisme des travaux publics (construction des
infrastructures routières, sanitaires, etc.), la correc-
tion de l’IDH et du PIB intervenant dans la sélection
des pays émergents est difficilement perceptible. La
baisse des activités agricoles notamment la piscicul-
ture renforce cette insuffisance.
La mention particulière que nous faisons de la
pisciculture lagunaire s’explique par le fait quelle
devrait conformément aux premiers objectifs, aider
à ravitailler particulièrement une population littorale
de plus en plus croissante (estimée selon le RGPH
(1998) à près de 3 500 000 habitants) en poissons.
En outre, cette partie du pays abrite les plus fortes
proportions de consommation de poissons. La
consommation par habitant est de 54kg pour l’agglo-
mération d’Abidjan et 25 kg dans les autres zones
urbaines du sud (ANOH, opcit). En 2007, KOUADIO
NANAN affirmait que cette forme de pisciculture
a réussie plus ou moins à assurer une part de
l’approvisionnement de la commune de Bingerville
en poissons. Cependant, depuis cette date, elle est
rentrée dans une récession, conduisant à une chute
drastique de sa production. De grandes structures
de production sont abandonnées. La SOAP en 2002
puis la SAPPE en 2012 pour ne citer que ceux là, ont
cessé toutes activités sur leurs sites. La production
halieutique nationale déjà insuffisante, est davantage
réduite face ces fermetures.
Pour faire face à ces difficultés, l’État de Côte
d’Ivoire consacre environ 125 milliards de francs
CFA dans l’importation de poissons chaque année.
Selon le rapport semestriel d’exécution de la surveil-
lance multilatérale, UEMOA décembre 2012, la Côte
d’Ivoire a une dette / PIB de 35,8 % et un déficit de
3,1%. La fuite des capitaux nationaux vers l’extérieur
contribue au renforcement de cette dette.
En outre, l’abandon des fermes d’élevage s’ac-
compagne de licenciement et de pertes d’emplois
renforçant ainsi le taux de chômage déjà élevé du
pays. Selon le BIT, il y a environ sept millions de
chômeurs en Côte d’Ivoire. Sur la base de l’enquête
emploi 2012, l’Agence pour la Promotion de l’Emploi
(AGEPE), fixe ce chiffre à 986 220. Selon cette der-
nière source, le taux de chômage en milieu rural est
de 3,8%. Elle relève également un taux de 6,4% de
non instruit dans le rang des personnes en quête
d’emplois. Pourtant, l’aquaculture particulièrement
celle qui a lieu en lagune recrute la quasi-totalité de
son personnel dans les zones rurales proches avec
une majorité de non instruits (ouvriers agricoles).
La cessation des activités de fermes lagunaires a
entrainé la perte de plus de 100 emplois directs et
plus de 500 emplois indirects non seulement dans
les campagnes mais aussi dans les centres urbains.
Outre ces aspects, la récession des activités pis-
cicoles en lagune constitue un frein à la lutte contre
l’insécurité alimentaire dans un milieu littoral où se
rencontre à la fois un effectif important de la popu-
lation et la plus forte proportion de consommation
de poissons.
La réduction des activités piscicoles lagunaires
a un impact négatif évident sur l’amélioration des
conditions socioéconomiques des populations. Elle
compromet la bonne croissance de l’IDH (Indice de
Développement Humain). Cet indice est considéré
comme l’alternative aux mesures conventionnelles
de développement, tels que le niveau de revenus et
le taux de croissance économique. Il représente une
volonté de définition plus large du bien-être et fournit
une mesure composite de trois dimensions de base
du développement humain : l’éducation, la santé et
le revenu. Les indicateurs internationaux indiquent
qu’entre 1980 et 2012, l’IDH de la Côte d’Ivoire a
augmenté de 0,3% par an, passant de 0,348 à 0,432.
Ce qui place le pays 168ème sur les 187 pays dispo-
sant de données comparables. En outre, ce chiffre
est en dessous de la moyenne régionale (IDH de
l’Afrique subsaharienne en tant que région est passé
de 0,366 en 1980 à 0,475 en 2012).
Le développement rapide des pays émergents
n›aurait pas été possible sans l›intervention des
États, qui ont favorisé l›ouverture des économies na-
tionales aux capitaux étrangers et surtout encouragé
l›industrialisation dans leurs pays. La Côte d’Ivoire
devrait s’inscrire dans cette voie pour aspirer à une
émergence véritable. A part la ferme continentale
HYDROFISH dont les pratiques sont comparables
au type industriel, la majorité des exploitations
continentales notamment celles du Centre Ouest
Revue de Géographie Tropicale et d’Environnement, n° 2, 2014
© (EDUCI), 2014
et Sud Est du pays, sont encore l’état semi-intensif
voire artisanal (ASSI-KAUDJHIS, 2005 ; KOUADIO
NANAN, 2012). La croissance des pays émergents
n’est plus uniquement basée sur une production
agricole traditionnelle, mais également sur sa moder-
nisation. La pisciculture lagunaire qui jouait ce rôle
d’équilibre dans la filière, connaît depuis 2007 une
crise sans précédent.
CONCLUSION
Notre recherche a permis de montrer que la
baisse des activités aquacoles lagunaires com-
promet la lutte contre la pauvreté et l’insécurité
alimentaire en Côte d’Ivoire. Elle détériore plus ou
moins le PIB et l’IDH, intervenant dans la sélection
des pays émergents. Même si l’amélioration de ces
indicateurs dans certains États émergeants (Brésil,
Norvège, etc.) ne signifie pas forcement que tout
le monde mange à sa faim ou a accès à un emploi,
le Gouvernement ivoirien se doit de mettre tout en
œuvre pour les améliorer afin de s’assurer un déve-
loppement durable. Pour ce faire, la réouverture des
fermes abandonnées, la dépollution des plans d’eau
lagunaire et la réorganisation des modes de gestion
et d’exploitations des eaux saumâtres doivent être
encouragées.
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