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À partir des années 1970 la France — comme les pays occidentaux — est frappée par la crise

économique et l’épuisement du modèle fordiste. L’État a de plus en plus de difficultés à mener une
politique cohérente de développement régional. C’est la fin du modèle de développement « par le haut
», volontariste et normatif. La politique basée sur les pôles de croissance est abandonnée, avec la
disparition de la croissance, mais aussi avec le déclin des branches industrielles (sidérurgie, chantiers
navals, etc.), autrefois dynamiques, qui servaient de piliers à ces pôles. Le contexte français est encore
plus favorable à l’apparition d’un nouveau modèle — le développement local — avec la phase de
décentralisation administrative après 1982.

Le concept du développement local a donné lieu depuis les années 1970 à une véritable explosion
d’écrits (Pecqueur, 1989 ; Greffe, 2002 ; Joyal, 2002 ; Longhi, 2000, parmi des centaines de publications
en français). Le terme est connu aussi sous les labels de développement endogène, développement
territorial, développement par le bas, développement communautaire, développement autocentré ou
encore développement agropolitain. Terme incontournable aussi bien pour les spécialistes du
développement régional que pour les responsables politiques (locaux ou nationaux), le développement
local est souvent interprété comme le paradigme le plus récent du développement. La construction
d’une nouvelle théorie commence en effet souvent par la critique fondée sur l’insatisfaction ressentie
envers les théories « traditionnelles » antérieures.

Les politiques d’aménagement du territoire, à la charge du pouvoir central jusque dans les années
quatre-vingt, ont également été déléguées aux collectivités territoriales. Le « développement local » se
substitue désormais au développement « par le haut ». « Il n’y a pas de territoires en crise, il y a
seulement des territoires sans projet », déclarait ainsi en 1997 le ministre français de l’Aménagement du
territoire. Cette approche est devenue incontournable aussi bien en économie qu’en politique. La prise
en compte des facteurs locaux dans les dynamiques économiques apparaît aujourd’hui comme une
évidence et comme une impérieuse nécessité. Il s’agit, somme toute, d’une préoccupation relativement
récente, qui ouvre la voie à la diversification des politiques économiques, sociales et culturelles.

On met alors souvent en opposition le local et le global, ou on analyse le territoire sous forme d’un
réseau-archipel dans la mondialisation économique. Ainsi Pierre Veltz (1996) constate que « ce qui est
intéressant, c’est de comprendre comment l’économie globale s’enracine, de multiples manières, dans
les structures territoriales-historiques, comment le global, en permanence, se nourrit de local en le
transformant ».

La question de la régulation des systèmes économiques régionaux a été fortement influencée par les
travaux de l’école de la régulation française, représentés, par exemple, par Boyer (1986) et Lipietz
(1986). Le principal apport des régulationnistes, c’est l’idée que l’économique et le politique se
constituent mutuellement par le biais d’un « régime d’accumulation » (expression historiquement et
géographiquement particulière d’un système de production capitaliste) et un « mode de régulation
sociale » (une structure de gouvernance politique ou quasi-politique). Cette idée fut reprise avec
enthousiasme par des géographes qui s’en servirent pour essayer de montrer comment les espaces
industriels anciens et nouveaux, en Amérique du Nord et en Europe de l’Ouest, sont associés à des tissus
complexes d’ordre politico-institutionnel fondant le fonctionnement des systèmes de production locaux,
celui des marchés d’emploi locaux, la formation d’avantages comparatifs, etc. (par exemple Benko,
Lipietz 1995 ; Storper, Scott, 1989).

Parallèlement, et en interaction avec ces multiples influences, des recherches sont menées en France
sur les « systèmes industriels localisés » par une équipe grenobloise sous l’impulsion de Courlet et
Pecqueur  [8], tandis que J. P. Gilly  [9] et ses collaborateurs travaillent sur l’aspect territorial de
l’industrialisation et de l’innovation. On voit naître une école de pensée autour de la notion de
proximité, que je nommerais « école française de l’économie de proximité » avec les contributions
actives de B. Pecqueur, A. Torre, J.-P. Gilly, C. Dupuy, Y. Lung, J.-B. Zimmermann, et G. Colletis, entre
autres. Il s’agit dans leur approche de mettre en valeur les proximités géographiques et
organisationnelles, à travers les institutions et l’apprentissage collectif  [10].

En outre, les économistes ont construit une nouvelle approche en économie spatiale : la nouvelle
économie géographique. Les travaux de Krugman, Fujita ou Venables ont immédiatement trouvé écho
en France, et J.-F. Thisse, G. Duranton ou P.-H. Derycke donnent une nouvelle vision à la science
régionale. Ils travaillent sur les méthodes, réexaminent et renouvellent les théories classiques et
innovent, mais en négligeant le rôle des institutions et le tissu social. Il est question d’espace et
d’économie, mais rarement de territoire, de société et d’économie.

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