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Vaccination Covid : la France


accumule les trous dans la raquette
Santé10 juillet 2022

La stratégie vaccinale déployée en France pour lutter contre la Covid-19 présente


actuellement des failles.

©Pascal POCHARD-CASABIANCA / AFP

Stratégie vaccinale
Alors que les contaminations au Covid-19 sont en hausse en France, beaucoup de
centres de vaccination ont été fermés. Dans les régions avec des déserts médicaux, ceux
qui veulent être vaccinés peinent à trouver des rendez-vous. La priorisation et même

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l’information à destination des cibles fragiles est aussi largement insuffisante. La
stratégie du « aller vers » n’a pas suffisamment porté ses fruits.

 Antoine Flahault, est médecin, épidémiologiste, professeur de santé publique, directeur


de l’Institut de Santé Globale, à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève. Il a
fondé et dirigé l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (Rennes, France), a été co-
directeur du Centre Virchow-Villermé à la Faculté de Médecine de l’Université de Paris,
à l’Hôtel-Dieu. Il est membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine. 

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Atlantico : Alors que la barre des 150 000 morts a été franchie le 8 juillet
selon les données de Santé Publique France, de nombreuses questions
demeurent sur les méthodes utilisées par le gouvernement et les autorités
sanitaires face à la pandémie de Covid-19, notamment en ce qui concerne
les dispositifs permettant la vaccination. Quelles ont été les conséquences
de la fermeture des centres de vaccination et de la difficulté de prendre un
rendez-vous pour se faire vacciner dans les déserts médicaux ? En quoi cela
a contribué à la situation actuelle ?

Antoine Flahault : La France a déploré 65 000 morts du Covid-19 en 2020, 60 000


en 2021 et encore 25 000 au premier semestre 2022. En rythme annuel, le Covid-19
continue après deux ans et demi de pandémie à rester l’une des toutes premières causes
de mortalité en France et plus généralement en Europe. Les vaccins ont fortement
réduit la létalité du virus c’est-à-dire sa virulence. Omicron est cinq fois moins souvent
mortel que Delta grâce aux vaccins mais comme il est cinq fois plus transmissible, le
nombre absolu de décès ne diminue pas drastiquement. Cela est le fait d’une politique
du “tout vaccinal”, d’une stratégie qui ne vise plus à réduire la circulation du virus dans
la population tant que les soins intensifs ne sont pas saturés. Le gouvernement se
satisfait aujourd’hui d’une politique qu’il nomme celle du “vivre avec”, capitulant,
comme plusieurs autres capitales européennes face au virus. Ainsi il a construit avec les
seuls vaccins une paix armée qui lui évite certes tout reconfinement, mais réclame
quand même entre 55 000 et 65 000 morts par an en France. En août 2003, lorsque 15
000 vies avaient été fauchées par l’été caniculaire, les pouvoirs publics mais aussi la
population et les médias de l’époque avaient jugé unanimement qu’il était intolérable
que nos aînés aient pu payer pareil tribut. Des mesures ont été prises pour prévenir que
de telles tragédies se répètent les étés suivants. Ici, les décès du Covid-19 s’égrainent
chaque soir depuis deux ans et demi et le décompte macabre nous a conduit

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collectivement à nous boucher les oreilles, à nous insensibiliser au point que le nouveau
ministre de la santé français a récemment déclaré sans ciller qu’il va nous falloir à
apprendre “à vivre avec le virus” (traduire “à voir mourir du Covid-19 quotidiennement
150 personnes, le plus souvent âgées, sous nos yeux indifférents”). Il a même acquiescé
que la pandémie n’était pas terminée et que nous aurons à subir de nouvelles vagues, 8,
9 ou davantage. Ce discours de la capitulation et de l’impuissance publique est partagé
par bon nombre de dirigeants européens qui croient répondre ainsi à la lassitude de
leurs peuples, leur volonté de revivre enfin comme avant, leur souhait ardent de tourner
la page.

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La priorisation et même l’information à destination des cibles fragiles, qui


restent relativement peu vaccinées, a-t-elle été insuffisante ? Le dispositif
gouvernemental du « aller vers » a-t-il porté ses fruits ?

D’une part les personnes âgées sont insuffisamment vaccinées, par leur troisième et
surtout leur quatrième doses qui leur apporteraient ce surcroît de protection
immunitaire dont elles auraient tant besoin pour passer l’été sereinement. D’autre part,
le gouvernement n’a pas mis en place une véritable stratégie “tester puis traiter” auprès
des plus vulnérables, ceux qui risquent de faire des formes graves de Covid-19, c’est-à-
dire ces personnes qui aujourd’hui remplissent à nouveau nos hôpitaux et qui décèdent
au cœur de l’été dans une indifférence quasi-totale. Nous disposons pourtant
d’antiviraux puissants et efficaces mais nous ne les administrons pas à tous ceux qui
pourraient en bénéficier, ou trop tardivement faute de les avoir testées au moindre
symptôme pour savoir si elle étaient contaminées par le SARS-CoV-2. 

Voyez-vous d’autres erreurs manifestes commises par le gouvernement et


les autorités sanitaires ?

Le gouvernement français n’a toujours pas investi dans une veille sanitaire fiable.
Lorsque l’on voit que le taux de positivité avoisine les 35%, le même que lors du pic de la
vague BA.2 et BA.1 cet hiver, on peut se dire que l’estimation du nombre de cas produite
par la veille sanitaire officielle au cours de cette vague BA.5 est profondément erroné,
d’un facteur 5 ou peut-être même 10. C’est inacceptable pour un pays développé qui
cependant dépense des milliards pour effectuer des PCR tout venant qui ne lui

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fournissent aucune estimation fiable pour piloter sa politique sanitaire. La France ferait
bien ici de s’inspirer plutôt du modèle britannique de veille sanitaire qui repose sur des
échantillons représentatifs de la population. Les personnes participant volontairement à
cette veille sanitaire donnent volontairement un peu de salive chaque semaine sur
laquelle des PCR sont réalisées. Cela produit des estimations de la circulation virale à
l’instar des sondages politiques, avec une grande précision.

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contagieux d’Omicron

Quelle est la responsabilité du gouvernement et des autorités sanitaires à


travers ces décisions ?

Il y a une autre (non) décision qui pèse lourd dans la riposte contre cette pandémie,
c’est l’absence de politique nationale visant l’amélioration de la qualité de l’air intérieur.
La politique du laisser-faire, appelée “du vivre avec” a conduit le gouvernement français
à ne plus reposer que sur la vaccination, mollement par ailleurs puisque la quatrième
dose ne couvre que très partiellement les plus de 60 ans actuellement. Or les
contaminations par le coronavirus surviennent dans 95 à 99% des cas en lieux clos, mal
ventilés et qui reçoivent du public. Nous n’arriverons pas à juguler le niveau de
contaminations, d’hospitalisations, de décès et de Covid longs, tant que l’on n’aura pas
sécurisé ces lieux de haute transmission par une ventilation efficace et dans lesquels la
recommandation, lors des vagues pandémiques, devrait être aussi de porter un masque
FFP2. 

Avec le recul dont nous disposons actuellement, qu’aurions-nous pu faire


pour éviter la situation actuelle une fois la pandémie déclarée ?

La pandémie s’est déroulée en deux phases successives. La première, qui nous semble
aujourd’hui le moyen âge est en effet celle des mesures moyenâgeuses, celles d’avant le
vaccin. On a recouru alors aux confinements, couvre-feux et quarantaines. Un véritable
tournant s’est opéré avec l’arrivée des vaccins. C’est la deuxième phase de la pandémie
dans laquelle nous sommes encore. L’excellente tolérance des vaccins mis au point en
un temps record et une politique très volontariste en Europe ont conduit à une très forte
adhésion de la population, sans obligation vaccinale dans la plupart des cas. La
virulence du coronavirus s’est alors effondrée. Malheureusement les vaccins se sont

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montrés inefficaces à limiter la propagation de nouvelles vagues, en raison de variants
échappant à l’immunité dite humorale, celle qui vise à contrer la transmission du virus.
En sachant ces limites du vaccin et en constatant la forte mortalité absolue liée au
Covid-19, deux ans et demi après le début de la pandémie, les autorités devraient penser
à mettre en œuvre ce qui constituerait une troisième phase dans la riposte contre cette
pandémie, celle visant à réduire les contaminations. A défaut de pouvoir compter sur les
seuls vaccins, qui restent indispensables, nous devons investir sur l’amélioration de la
qualité de l’air intérieur et le port du masque FFP2 en lieux clos. Tant qu’un vaste plan
“Ventilation” n’aura pas été mis en œuvre, nous resterons en phase II de la riposte
pandémique, c’est-à-dire dans une paix armée précaire, n’empêchant pas son cortège
d’hospitalisations, de décès de Covid longs, et le risque permanent de l’émergence d’un
nouveau variant plus transmissible et plus virulent.

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