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Euro-dollar : les gagnants et les perdants d'une


situation inédite depuis vingt ansContenu
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⋮ 7/12/2022

Revue non exhaustive des gagnants et des perdants de la


parité euro-dollar. (Lydie LECARPENTIER/REA)

Par Marie-Josée Cougard, Yann Duvert, Enrique Moreira, Julien Dupont-Calbo,


Virginie Jacoberger-Lavoué, Sharon Wajsbrot - Publié le 12 juil. 2022 à 06:30 Mis à
jour le 12 juil. 2022 à 17:40

La dernière fois, c'était en 2002. L'euro faible


, quasiment égal au dollar, cela ne s'était
pas vu depuis vingt ans. Pour les entreprises françaises, c'est une situation à double
tranchant : il y a celles qui en profitent pour gagner des parts de marché à l'export, et
celles qui payent plein pot leur dépendance au billet vert pour leurs
approvisionnements.

«  Globalement, pour la moyenne des entreprises françaises, c'est plutôt une bonne
chose. Mais il y a des cas particuliers très ennuyeux », juge un représentant du monde
économique, qui précise que le sujet n'anime que depuis quelques jours les
conversations des patrons,
ceux-ci ayant déjà fort à faire avec les multiples tensions sur

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les approvisionnements et l'inflation galopante. Revue non exhaustive des gagnants et
des perdants de la parité euro-dollar.

Un vrai coup de pouce à l'agroalimentaire

Les Etats-Unis sont de loin le meilleur client de l'Europe et de la France dans


l'agroalimentaire. Et cette situation n'a cessé de s'accentuer depuis 2008. A elle seule, la
France affiche un excédent commercial de près de 5  milliards d'euros avec les Etats-
Unis. Les exportations françaises outre-Atlantique ont plus que doublé depuis  2010,
tandis que les importations n'ont pratiquement pas bougé.

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«  Ce n'est pas la baisse progressive de l'euro ces dernières années qui explique
l'explosion de l'excédent commercial de la France ou de l'Europe avec les Etats-Unis,
mais l'engouement des Américains pour les vins et spiritueux italiens et français  »,
affirme Vincent Chatellier, l'économiste de l'Inrae (Institut national sur la recherche
agronomique).

Dans ces conditions, la dégradation actuelle du dollar sur l'euro ne va pas bouleverser la
donne. «  On est plus dans le seuil psychologique que dans un chamboulement des

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cartes », juge le chercheur, même si l'alignement du dollar sur l'euro devrait faciliter le
commerce européen.

Le consommateur américain, touché par l'inflation, verra la hausse des prix des
produits européens tempérée par la hausse du dollar. Les Américains riches s'offriront
donc sans retenue particulière, au contraire, champagne et cognac
- la très grosse part
de l'excédent commercial de la France. Les vins et spiritueux comptent pour
4,2 milliards d'euros sur les 4,5 milliards d'excédent.

L'aéronautique a le sourire

Une chose est sûre : l'évolution de la parité euro-dollar est « toujours monitorée de très
près dans la filière  », confirme le Groupement des industriels de l'aéronautique et de
l'espace (Gifas). Et pour cause, dans un secteur où la grande majorité des coûts est
exprimée en euros pour des recettes principalement en dollars, la baisse de valeur de la
monnaie européenne renforce la compétitivité des grands groupes du Vieux Continent.

Louis Gallois, l'ex-PDG d'Airbus, avait ainsi coutume de dire qu'une baisse de 10
centimes de l'euro face au dollar se traduisait par 1  milliard d'euros de bénéfices
additionnels. En 2015, à l'occasion d'une autre dépréciation de l'euro face au dollar, le
président de l'époque de l'avionneur européen, Marwan Lahoud,
avait fait sienne  la
célèbre formule de la mère de Napoléon au lendemain de la bataille d'Austerlitz  :
« Pourvou que ça doure ».

La formule vaut cependant moins pour les grands équipementiers de la filière, comme
Thales ou Safran, qui « sont aujourd'hui des groupes internationaux, travaillant sur tous
les continents et qui vendent aussi bien à Airbus qu'à Boeing », rappelle-t-on au Gifas.

Le luxe a le vent dans le dos

L'euro faible rappelle de bons souvenirs au luxe. «  Sa faiblesse constitue un atout


puisque les groupes de luxe produisent en euro  », relève Luca Solca, analyste chez
Bernstein. Les géants français exportent hors d'Europe l'essentiel de leurs produits - le
plus souvent façonnés dans l'Hexagone ou en Italie
-. La dépréciation de l'euro va
mécaniquement leur bénéficier.

Les groupes les plus investis aux Etats-Unis et en Asie voient donc se profiler de belles
perspectives. «  L'effet des devises donnera une croissance significative au chiffre
d'affaires mais il est trop tôt pour envisager de quel ordre », estime un autre analyste.

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LVMH (propriétaire des «  Echos  ») a réalisé, en  2021, 86  % de ses ventes hors de la
zone euro. Les chiffres sont similaires pour Kering… L'euro faible peut réjouir le secteur
« qui pourrait augmenter ses marges », souligne Luca Solca.

Les enseignes « mass market » aux aguets

Pour tous ceux qui achètent en dollar et en yuan pour vendre en euro, c'est la soupe à la
grimace. «  Tout ce qui arrive de Chine pour être écoulé dans les magasins français et
européens coûte plus cher. Le pire, c'est que cela vient s'ajouter à l'envolée des prix
logistiques  », pointe un industriel. En première ligne, les grandes enseignes qui se
fournissent en Asie ou sur le pourtour méditerranéen - notamment celles de la mode ou
du jouet.

Le tourisme va profiter à plein du retour de clients américains

Après de longs mois de restrictions sanitaires, les Américains ont fait leur grand retour
en France. Pour cette clientèle dont le panier moyen figure parmi les plus élevés, la
faiblesse actuelle de l'euro promet de ne rien gâcher. «  Il y a un effet bénéfique, les
dépenses sur le territoire français vont augmenter », prédit Christophe Laure, directeur
général de l'Intercontinental Paris le Grand, qui observe depuis trois mois un bond des
réservations venues des Etats-Unis.

« On a clairement un taux de change qui a un impact quand le dollar s'apprécie face à
l'euro  », confirme Vanguelis Panayotis, directeur général de MKG. Une étude réalisée
par le cabinet de conseil montre ainsi que le nombre de nuitées des touristes américains
évolue en fonction de la valeur des deux monnaies, avec une augmentation constante
depuis que l'euro navigue sous les 1,2 dollar.

Pour autant, le phénomène ne semble pas expliquer à lui seul l'engouement retrouvé de
la clientèle américaine. « Le retour aurait été le même avec un euro plus fort, d'autant
que l'augmentation est particulièrement visible dans les palaces. L'effet prix y est
anecdotique  », estime Jean-François Rial, PDG du groupe Voyageurs du Monde et
président de l'Office du tourisme et des congrès de Paris. A l'inverse, un dollar fort
pourrait avoir un impact sur les voyages des Français aux Etats-Unis, «  mais pas
énormément, car le phénomène de « revenge travel » est trop fort », selon le dirigeant.

Neutre pour les géants du pétrole et de l'automobile

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Pour des pétroliers comme TotalEnergies qui vendent leur production en dollars et
publient leurs comptes en dollars, la chute de l'euro a peu d'impact sur les ventes. La
chute de l'euro face au dollar pourrait toutefois faciliter le versement du dividende
promis par TotalEnergies à ses actionnaires, puisque cela réduit mécaniquement le coût
de la hausse de ce dividende. Ce dernier doit progresser de 5 % en 2022.

Dans l'industrie automobile, l'impact est aussi limité. Au contraire des grands rivaux
allemands, l'industrie automobile française, n'exporte guère de l'Europe vers la Chine
ou les Etats-Unis. Quand les grands noms du secteur ont des positions dans les zones
dollar, ils produisent la plupart du temps à proximité. En revanche, certains seront
peut-être légèrement pénalisés dans leur approvisionnement par la hausse du yuan, la
devise chinoise étant au plus haut depuis 2015.

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