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L‘ EUROPE ET LA MONDIALISATION
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L‘ EUROPE ET LA MONDIALISATION
tion peut être attribuée en grande partie En 2001, le taux de croissance américain
aux sorties importantes de capitaux euro- diminue plus que le taux européen et les
péens vers les Etats-Unis à un rythme différentiels des taux d’intérêt de court et de
annuel de 208 milliards d’euros1 ce qui long terme des obligations baissent en faveur
permet de satisfaire les besoins de capi- de la zone euro. Quant à l’indice américain
taux importants que l’épargne privée amé- des valeurs boursières, il diminue légèrement
ricaine ne peut pas combler. En effet, la moins que l’indice européen. Mais cette
demande de dollars contre des euros que évolution des «fondamentaux» n’a pas réussi
suscitent les investissement européens aux à inverser le sens des mouvements de capi-
Etats-Unis détermine une appréciation de taux qui restent favorables aux Etats-Unis. En
la monnaie américaine qui est légèrement effet, malgré une baisse de 40% par rapport à
freinée par la demande d’euros contre des 2000, les sorties nettes de capitaux euro-
dollars résultant des entrées de capitaux péens vers les Etats-Unis représentent encore
américains en Europe à un rythme annuel 120 milliards d’euros. La diminution de ces
moyen de 16 milliards d’euros. sorties a contribué à freiner la dépréciation
L’ampleur et l’évolution des sorties nettes de l’euro par rapport au dollar qui se poursuit
de capitaux européens vers les Etats-Unis en moyenne annuelle avec des fluctuations,
ne semblent pas être justifiées par les mais à un rythme plus faible que précé-
variables fondamentales qui pourraient demment.
expliquer l’attrait des investisseurs euro- De janvier à septembre 2002, le différentiel
péens pour l’économie américaine. En de croissance augmente en faveur des Etats-
effet, les flux nets d’investissements euro- Unis, les différentiels de taux d’intérêt des
péens vers les Etats-Unis s’accroissent de obligations s’accroissent en faveur de la zone
57% de 1998 à 1999, alors que le diffé- euro et l’indice boursier américain se dété-
rentiel des taux de croissance annuels qui riore nettement moins que l’indice européen.
sera retenu comme représentant les varia- Or, les sorties nettes de capitaux européens
bles fondamentales réelles, ne varie pas vers les Etats-Unis diminuent et, après une
pendant cette période. De 1999 à 2000, légère dépréciation par rapport au dollar, la
ces flux augmentent de 45%, alors que la monnaie européenne s’apprécie jusqu’en
différences entre les taux de croissance juillet avant de se stabiliser dans une marge
diminue de plus de la moitié en faveur de de 0,97 à 0,99 dollar pour un euro.
la zone euro. 2 Une explication de l’évolution de la valeur
L’importance et le sens des mouvements internationale de l’euro fondée sur les
de capitaux ne semblent pas non plus se comportements des opérateurs sur les
justifier par les fondamentaux financiers. marchés financiers et monétaires
En effet, les achats européens de titres de La déconnexion entre l’évolution de la valeur
participation et d’obligations aux Etats- de l’euro par rapport au dollar et les variables
Unis diminuent de 10% de 1998 à 1999 fondamentales peut s’expliquer par la nature
en passant de 59 à 53 milliards d’euros et spécifique de certaines sorties de capitaux et
ils augmentent de 125% en atteignant 119 par une reconsidération de la rationalité des
milliards d’euros en 2000. Or les diffé- comportements des opérateurs sur les mar-
rentiels des taux d’intérêt des obligations à chés d’actifs financiers et monétaires.
3 mois et à 10 ans s’accroissent de 1998 à L’analyse de la structure des sorties de capi-
1999 en faveur des Etats-Unis et ils dimi- taux américains vers les Etats-Unis montre
nuent de 1999 à 2000 en faveur de la qu’une grande partie de ces mouvements est
zone euro. Quant à l’indice américain des due à des décisions de nature stratégique.
valeurs boursières Standard & Poor’s 500,
il augmente à peu près parallèlement à En effet, 62% des sorties de capitaux réalisées
l’indice européen Dow Jones EuroStoxx de 1999 à 2001 sont formées par des inves-
de 1998 à 1999, mais il s’accroît nette- tissements directs aux Etats-Unis. Ces inves-
ment moins que ce dernier de 1999 à tissements qui prennent surtout la forme
2000. d’opérations en capital social correspondent
essentiellement à des activités de fusions et
1
Banque Centrale Européenne, « Les évolutions des flux d’acquisitions destinées à renforcer la posi-
d’investissements directs et de portefeuille dans la balance tion des entreprises européennes aux Etats-
des paiements de la zone euro », Bulletin mensuel, juillet Unis et à accéder aux technologies améri
2002, p. 65-70.
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caines. L’augmentation des sorties de capi- péens de portefeuille de 1999 à 2000 après
taux européens vers les Etats-Unis obser- l’appréciation importante du dollar résultant
vée en 1999 correspond presque entiè- en grande partie de la forte hausse des
rement à celle des investissements directs investissements directs européens en 1999.
qui s’accroissent de 53% par rapport à En effet, cette appréciation a probablement
1998. La valeur de ces investissements incité les agents à privilégier les informations
diminue nettement moins que celle des sur le taux de croissance élevé des Etats-Unis
autres sorties de capitaux en 2001, ce qui et sur les taux de rendement de leurs titres et
lui permet de se maintenir à un niveau à négliger celles portant sur l’amélioration
élevé en 2001 et en 2002. sensible de la croissance de la zone euro et
Une partie des investissements de porte- de la situation de ses marchés financier et
feuille qui constituent la seconde compo- monétaire. Cette sélection a conduit à des
sante des sorties de capitaux européens décisions qui ont renforcé la dépréciation de
semble également induite par des consi- l’euro par rapport au dollar.
dérations stratégiques. En effet, il est pro- La confiance des investisseurs européens
bable que certains opérateurs ont acquis dans les Etats-Unis diminue progressivement
des titres américains pour diversifier leurs car ils recueillent de moins en moins d’infor-
portefeuilles en réaction à une unification mations favorables sur l’économie améri-
des risques attachés aux titres européens caine et car ils constatent un ralentissement
qui résulte de l’intégration des marchés net de l’appréciation du dollar et quelques
financiers des pays de l’UEM. De plus, fluctuations de sa valeur. Cela se traduit
beaucoup d’entre eux sont séduits par les notamment par une baisse importante des
espérances de gains exceptionnels devant achats d’actions américaines en 2001. Cette
résulter de l’émergence d’une «nouvelle diminution s’accélère à partir de mai 2002,
économie» qui doit rendre obsolète l’an- notamment à cause de la défiance suscitée
cienne. Ces motivations expliquent en envers le marché américain des actions par
partie le doublement des investissements la révélation des pratiques comptables répré-
de portefeuille de 1999 à 2000. hensibles de certaines grandes entreprises
On peut penser que les mouvements de américaines. L’appréciation de l’euro par
capitaux entre la zone euro et les Etats- rapport au dollar qui en résulte peut inciter
Unis qui ne sont pas expliqués par de les investisseurs à privilégier progressivement
telles considérations résultent de com- les informations sur l’économie de la zone
portements irrationnels. En fait, selon P. euro au détriment de celles portant sur les
De Grauwe, les décisions qui régissent USA, ce qui est susceptible de renforcer cette
une grande partie des investissements appréciation.
européens de portefeuille résultent d’une Mais cette évolution semble bloquée au
sorte de rationalité limitée qui conduit les second semestre 2002 par des informations
agents à ne traiter qu’une partie des infor- contradictoires qui créent une grande incer-
mations dont ils disposent2. titude sur les situations économiques des
Selon cette conception, les agents qui ne Etats-Unis et de la zone euro et qui suscitent
connaissent pas avec certitude les varia- des réactions d’attente reflétées par des
bles fondamentales déterminant l’évolu- fluctuations du taux de change dans une
tion du taux de change, sont incités à marge assez étroite.
considérer l’appréciation du dollar par L’incidence des mouvements de capitaux sur
rapport à l’euro comme un signe de la le rapport d’échange entre l’euro et le dollar
solidité de l’économie américaine et à est renforcée, notamment dans la période
sélectionner les informations qui confir- précédant l’instauration complète de la mo-
ment leurs opinions. Ce processus de nnaie européenne, par le déficit de la
sélection correspond à des réactions ratio- balance courante européenne en 1999 et en
nnelles des agents en présence d’une 2000 et par la hausse du prix des importa-
incertitude importante. Il peut expliquer le tions de pétrole dont les recettes libellées en
doublement des investissements euro- dollars ont probablement été utilisées en par-
tie par leurs bénéficiaires à l’achat de titres
2 américains. A ces effets peuvent s’ajouter
P. De Grauwe, Exchange rates in search of fundamentals :
the case of the euro-dollar rate, Discussion Papers of CEPR, ceux qui résultent des comportements moné
n°1575, octobre 2000.
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elles n’ont pas réussi à redresser le cours dessous du niveau atteint en octobre 2000.
de l’euro. Elles semblent cependant avoir On peut espérer que la BCE émettra égale-
constitué un signal destiné aux opérateurs ment un signal pour signifier au marché des
sur la valeur minimum de l’euro que la changes sa volonté de ne pas voir s’apprécier
BCE est disposée à admettre avant une l’euro d’une façon trop importante dans le
action plus vigoureuse. Ce signal semble contexte de la basse conjoncture installée en
avoir été perçu dans la mesure où la 2002 et prévue pour 2003.
valeur mensuelle moyenne de l’euro par
rapport au dollar n’est plus descendue en
1,3
1,2
1,1
0,9
0,8
0,7
0,6
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