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© 2021, L’Harmattan
5-7, rue de l’École-Polytechnique – 75005 Paris
www.editions-harmattan.fr
EAN Epub : 978-2-336-94880-5
 
Biaise Sary Ngoy
 
 
 
 
 
 
LA POLITIQUE MONETAIRE AFRICAINE
FACE A LA CRISE SANITAIRE
DE LA COVID-19
 
Cas de la République Démocratique du Congo
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Du même auteur
 
A. Ouvrages
1. La politique étrangère de Joseph Kabila.
 
Les politiques étrangères des États menacés de
décomposition, éd. L’Harmattan, Paris, 2014, p. 215.
2. La problématique de l’émergence des économies
africaines, éd. L’Harmattan, Paris, 2016, p. 225.
3. La Belgique et le Congo-Kinshasa. Quelle nouvelle
coopération, éd. Les Nouvelles Afriques, Anvers, 2004,
p. 107.
4. Le Fonctionnement des institutions internationales, éd.
Les Nouvelles Afriques, Anvers, 2000, p. 240.
5. La dépréciation du Franc congolais. Effet d’hystérèse,
Harmattan, Paris 2018
6. L’obsolescence de l’ordre économique de Bretton
Woods, Fin de la Pax Americana, Ed. Harmattan, Paris,
Août 2020
7. L’économie politique de la crise à l’Est de la République
démocratique du Congo. Analyse critique du modèle de
«  Greed and Grievance  » de M. Berdal et D. M. Malone
(en préparation)
B. Articles
1. « Les nouvelles relations Est-Ouest et leur incidence sur
la coopération entre l’Union européenne et les États
ACP  »  ; in revue COSDERIA, Africa développement, vol.
XXVIII, n° 3, Dakar, 1993.
2. « Les critères d’évaluation de l’impact des technologies
appropriées », in cahier de l’ISDR/BUKAVU, n° 3, 1986.
3. « La mobilité de la population à la frontière orientale du
Zaïre », in cahier de l’ISDR/BUKAVU, n° 2, 1985.
4. «  Pour quelle théorie du développement rural  », cahier
de l’ISDR/BUKAVU, n° 2, 1985.
5. «  Louis Michel et la diplomatie de l’engagement à
l’égard de Kinshasa », in Obsac, vol. 5, n° 18, mai 2005.
6. «  Les facteurs externes de blocage du dialogue inter
congolais », in Obsac, vol. 4, n° 11, mars 2001.
7. «  Les conséquences à tirer du conflit des compétences
entre le parlementarisme et le présidentialisme au
Congo-Kinshasa, de I960 à 1998  », Site web Congo
2000, mars 2002.
8. « La relecture géopolitique de la crise à l’Est du Congo.
En marge de la conférence régionale sur la paix  », site
web congodiplomatica.com, mai 2014.
9. « L’élite politique congolaise : naissance, recomposition
et auto entretien », in site web congodiplomatica.com
10. «  L’influence du droit international dans la formulation
des droits de nationalités  », in site web
congodiplomatica.com
11. « La fin des relations privilégiées entre la Belgique et le
Congo-Kinshasa  », in site web congodiplomatica.com,
janvier2005.
12. «  Le nouveau partenariat sino-africain  : mirage et
réalité », in site web congodiplomatica.com
13. « Lire les décisions de politique étrangère du Congo : du
pragmatisme de Mobutu à l’idéalisme de L.D. Kabila  »,
in Analysis, n° 1, Revue de la faculté des sciences
politiques et sociales de l’UPN, mai-juin 2009.
14. «  La crise de l’euro et son impact sur les économies
africaines », in www.nedocs.com
Avant-Propos

La crise sanitaire due au covid-19 a touché l’économie


(finance, échange, production, consommation, épargne,
investissement) des biens et des services. Les dégâts sont
estimés à des milliards de pertes de l’économie mondiale1.
On compte aussi des millions des morts, mais aussi des
emplois perdus et des faillites à cause de confinement
appliqué, de la fermeture des industries et de replis des
échanges entre les nations et à l’intérieur des celles-ci. Les
remèdes envisagés au début étaient calculés en minimisant
la durée de la pandémie et son expansion. Fort
malheureusement, la double crise (sanitaire et économique)
provoquée et les effets de contagions durent depuis 2019
jusqu’à ce jour (2021) à cause de la variance du virus et de
mode de contamination. Les prévisions optimistes de la
reprise ont failli. A chaque projection optimiste de la
relance, il y a des phases du Virus qui s’intercalent. Aucun
économiste n’avait prévu ce chao du siècle. Les sources de
la crise qui a donné ses premiers signes en 2019 en Chine,
demeurent inconnues. On spécule !
A ce qui concerne le Congo Kinshasa, la crise prend racine
au début de mars 2020. L’alerte a été annoncée lorsque les
premiers cas de contamination dus aux voyageurs se sont
manifestés. L’Etat a vite pris une série des mesures en vue
de répondre à la crise : confiner les déplacements, suivre les
malades, traiter certains, mais aussi, alléger la fiscalité des
entreprises et tenter de stabiliser la monnaie. Le
confinement a impacté négativement les exportations,
principales sources de contribution au PIB. La pénurie de la
nourriture a entrainé la hausse des prix des produits de
première nécessité sur le marché.
Et le repli de l’activité industrielle a donné le signal d’une
période difficile à maitriser.
Vu l’ampleur ainsi que les craintes, le gouvernement, par le
biais de la Banque centrale a répondu par une série des
mesures monétaires, notamment, la restriction des
dépenses, tout en tentant de soutenir le secteur privé et les
ménages par l’allégement fiscal, à défaut d’un soutien
direct, comme ce fut le cas dans d’autres pays.
Au vu des résultats improbables, il nous a paru utile de
suivre l’exécution de ces instruments de politique monétaire
en vue d’examiner leur efficacité. Généralement les
monétaristes attestent que plus les marchés nationaux sont
ouverts, plus la politique monétaire devient inefficace, c’est-
à-dire, non autonome. On peut se référer à l’analyse de
Martin Anota qui, en 2015, attestait que l’autonomie de
politique monétaire est une illusion2. Dès lors qu’elle
devient moins autonome, notre intérêt a porté sur cette
difficulté dans des petits pays (petite taille) mais
étroitement dépendante de l’ouverture sur le monde  :
importation, exportation, déficit de financement) d’une part,
et de l’autre, du fait que sur le plan interne, ces pays sont
marqués par la prédation le gaspillage des maigres
ressources internes, l’endettement et le déficit des balances
courantes. Nous avons alors choisi la RDC comme cas
d’étude.
Notre contribution consiste à relire certaines théories
classiques et néo-classiques relatives à l’économie
monétaire. Nous démontrons que ces contributions
orthodoxes ont été élaborées jadis dans le contexte des
économies occidentales. Les auteurs n’ont pas eu la
préoccupation d’étendre leurs raisonnements dans un
contexte plus globalisé comme aujourd’hui. Les marchés
étant interconnectés, les mouvements des capitaux volatiles
et déréglementés impliquent une nouvelle rationalité des
investissements. Cette nouvelle rationalité impacte
négativement l’autonome de politique monétaire. Les crises
qui en découlent perturbent la recherche à tout prix de
l’équilibre macroéconomique (Walras).
Une nouvelle macroéconomie est née. Elle permet de
comprendre cette limite des classiques en se basant sur un
postulat  : la rationalité des agents économiques et l’esprit
d’anticipation. Malgré tout, l’anticipation devient aussi
limitée dans le contexte des comportements des marchés
qui échappent à toute modélisation. Autrement dit, les
instruments monétaires appliqués en vue de réguler la
conjoncture ne répondent pas nécessairement aux objectifs
intermédiaires et globaux poursuivis, surtout dans des
économies étroitement extraverties, tel le cas de l’économie
congolaise. Des études appliquées sont menées par
différents auteurs depuis des années. C’est dans ce
contexte que se justifie notre recherche.
Les pays pauvres, dépourvus de ressources et insérés dans
la globalisation recourent par idéal aux instruments de
politique économique classique sans toutefois atteindre
objectivement la relance les économies.
Ce constat pose la question de nouvelle réflexion, d’autant
plus que même les instruments dits non conventionnels
appliqués par les banques occidentales ne peuvent être
appliqués dans des pays où les marchés financiers
n’existent presque pas (faibles mouvements des capitaux
limités aux transactions interbancaires). Les banques
centrales ne peuvent, non plus disposer d’assez de
ressources pour racheter les titres toxiques et gonfler les
bilans, en attente de la reprise. Certaines ne peuvent, non
plus, créer de la monnaie en vue de financer la demande
des pouvoirs publics, des ménages et des entreprises en cas
des crises, sans risque de provoquer d’autres effets
déconseillés.
Nous saisissons cette occasion de publication de notre
réflexion pour rendre hommage au Professeur émérite M.
Tharakan, de l’Université d’Anvers. Nous avons un devoir de
grande reconnaissance à son égard. Car, c’est à lui que
nous devons l’honneur de nous avoir ouvert le boulevard de
l’économie internationale lors de notre formation (doctorat)
à l’IFSIA (Institut facultaire Saint Ignace d’Anvers lors de nos
recherches doctorales).
Biaise Sary Ngoy, Professeur ordinaire

1 La perte est estimée à 22.000 milliards de $ du PIB mondial entre 2022-2025,


selon Gita Gopinath, chef économiste au FMI, interviewée par l’Afp en juin
dernier.
2  L’autonomie de la politique monétaire est une illusion – D’un champ l’autre
(blog-illusio.com)
Introduction

L’objectif de stabilité externe et interne de la monnaie (le


recours aux canaux classiques de transmission de politique
monétaire, à savoir  : le taux d’intérêt indicateur, le ciblage
de l’inflation, le contrôle de change, la création de la
monnaie banque centrale), etc., est-il encore autonome
dans des économies extraverties et très pauvres,
principalement dans des économies non émergentes  ? Ce
débat qui dure n’est pas clos. Plusieurs auteurs ont consacré
leurs analyses sur la problématique de l’autonomie de
politique monétaire en limitant les applications empiriques
aux Etats industrialisés et émergents. Les Pays les moins
avancés (PMA) font très peu attention de ces analyses. Nous
saisissons le cas du Congo Kinshasa (pays pauvre très
endetté) pour remettre sur la table la discussion.
La crise sanitaire due à la (le) Covid-19 a touché l’économie
de la République Démocratique du Congo. Il en est de
même des autres pays du monde. En plus d’un Programme
Multisectoriel d’Urgence adopté pour y faire face, l’intérêt
du Gouvernement congolais s’est focalisé sur la maîtrise
rapide de l’équilibre macroéconomique devant conduire à la
relance rapide. A défaut de la politique budgétaire
expansionniste, la politique monétaire restrictive est
devenue une priorité à dater du moment où la chute de la
monnaie locale ainsi que la montée de l’inflation ont affecté
l’économie. Les dépenses budgétivores étatiques étaient
pointées comme cause ayant conduit à l’accroissement de
la masse monétaire (avance en monnaie nationale), alors
que la sécheresse des devises frappait à la porte. La Banque
centrale a pris en considération la maitrise de la politique
monétaire pour relancer l’activité économique.
Remarquons cependant que les réactions aux chocs
diffèrent d’une économie à l’autre. Pour les économies de
grande taille  : PIB/h, une offre robuste, une demande
correspondante, des infrastructures appropriées, la balance
courante en équilibre, fiscalité solide, autonomie monétaire,
moins de déficit budgétaire, etc., il est facile de relancer
l’économie et réguler les déséquilibres en cas des crises.
Mais, dans de petites économies extraverties marquées par
la monoproduction et les activités de subsistance (Afrique),
les réponses à des crises ne répondent pas aux objectifs en
toute logique. C’est le cas de la République démocratique
du Congo. Pays classé parmi les 10 derniers en matière de
développement (classement du PNUD), les instruments de
politique monétaire expansionniste ou restrictive présentent
beaucoup de limites. La sortie des crises est d’habitude
tirée par les facteurs externes, notamment le comportement
des marchés financiers internationaux ainsi que la demande
des matières premières (minerais, produits pétroliers et
produits agricoles).
Pour la période qui nous concerne, celle de la crise sanitaire
ayant entrainé la crise économique, la politique de relève
entreprise par le gouvernement congolais et la banque
centrale n’a pas produit les effets escomptés.
En effet, la batterie des mesures en faveur des banques,
des petites et moyennes entreprises (allégement de la
fiscalité et soutien financier indirect) a été vite mise en
sourdine. On est passé de l’assouplissement de
fonctionnement des marchés monétaires (plus de libéralité)
à la restriction de l’expansion de la masse monétaire et au
frein à la demande des devises. Le but  : éviter les effets
néfastes de l’inflation et de dépréciation de la monnaie,
permettre la reprise et la stabilité macroéconomique par les
instruments de transmission de la politique monétaire. Mais
les résultats obtenus au but sont en dessous des attentes.
La monnaie a entrepris sa chute durant la période sous
l’étude, l’inflation n’a pas été maitrisée, la manipulation de
taux d’intérêt directeur n’a pas permis l’intercommunication
avec l’économie réelle en vue de financer des marchés  ;
ceux-ci ont connu une mauvaise période de friction liée à la
baisse de l’offre et de la consommation. La banque centrale
n’a plus joué son rôle d’intervenant en dernier ressort. Les
avances au gouvernement ont été arrêtées sur conseil du
FMI.
Le principe de dépense sur base caisse a été privilégié au
nom de la maîtrise de la masse monétaire. Mais, le déficit
courant du trésor public l’a entrainé vers les prêts externes
(FMI et BM). Le recours à la vente des bons du Trésor est
devenu l’unique voie de préférence pour assurer certaines
dépenses publiques, ce à cause des difficultés rencontrées
par les services publics générateurs des recettes. Ainsi, tout
en bloquant la création monétaire par le biais des avances
de la banque centrale, l’Etat a pris la décision de se
procurer la monnaie centrale par le biais de vente des Bons
du Trésor. Les prêts externes (aides budgétaires) n’ont pas
compensé la sécheresse des ressources propres.
Avant d’entrer dans ce vif du sujet, nous allons de faire un
tour d’analyse des instruments classiques de politique
monétaire restrictive (premier chapitre), ensuite, nous
examinerons le contexte global de l’économie internationale
de ces dernières décennies (deuxième chapitre) en vue
d’évaluer les incertitudes qui entourent l’autonomie de
politique monétaire dans de petits pays à économie
ouverte. Le troisième chapitre concernera l’examen des
ripostes économiques entreprises par le Congo Kinshasa
depuis le début de l’apparition de la crise sanitaire de
Covidl9. Le 4ème chapitre porte sur les contraintes qui pèsent
sur la reprise de l’économie congolaise à chaque moment
de crise. Il s’agit de passer sous l’examen les obstacles
structurels. Tandis que le dernier chapitre (5ème) porte sur
quelques propositions des réformes utiles pour le décollage
de cette économie fortement extravertie et de petite taille
(extraversion et dépendance).
Chapitre 1.
La Revue des instruments
de politique monétaire classique

Introduction
La politique monétaire se caractérise par un principe  : la
stabilité interne (contrôle de inflation) et externe (maitrise
de taux de change) de la monnaie. Elle consiste à la
réduction ou à l’expansion de la création monétaire.
L’autorité vise la relance, la croissance et la stabilité des
agrégats macroéconomiques, ce en fonction de la
conjoncture. Ces objectifs se font par le billet des
instruments tels que  : l’encadrement des taux d’intérêt, le
ciblage de l’inflation et la manipulation du taux de change,
le contrôle de change et l’adjudication. L’idée poursuivie est
de stimuler l’économie et éviter les crises ayant un impact
sur l’emploi, la croissance, l’équilibre des comptes
extérieurs et le prix.
Si ces objectifs sont associés du fait des liens entre niveau
des taux d’intérêt, niveau de l’inflation et niveau des taux
de change1, il est aussi vrai que la politique monétaire vise
le triangle keynésien (Nicholas Kaldor), à savoir : croissance,
emploi et équilibre extérieur, en plus de la stabilité des prix.
Dès lors, l’autorité monétaire ne peut se soustraire en se
mettant à l’égard et observant le gouvernement conduire
seule la politique budgétaire ou fiscale sans connivence
avec la politique monétaire. Les trois politiques
conjoncturelles forment un tout. Et elles soutiennent la
politique structurelle.
Car, la politique monétaire vise à inciter des
investissements privés et publics, l’encadrement des
mouvements des capitaux (marchés monétaires et
financiers) et permettre au pouvoir public, aux entreprises
et aux particuliers de bénéficier également de l’accès aux
crédits, échapper aux effets de l’inflation et maintenir les
équilibres macroéconomiques.
Or, dans beaucoup de cas, en période des crises, la
politique monétaire devient davantage restrictive lorsqu’elle
se limite à encadrer le niveau des prix, s’il est prouvé que
l’expansion des crédits par la création monétaire serait une
des causes de la spirale de l’inflation. Pourquoi ? L’inflation
véhicule le message : hausse des prix, effet sur la demande
et sur l’offre, effet sur l’équilibre des comptes extérieurs,
mais aussi sur l’emploi. Ces effets sont très prononcés dans
les pays marqués plus par des déficits de financement de
l’économie.
Pour corriger cet impact négatif dû à la création monétaire,
les banques centrales recentrent leurs attentions en faveur
des entreprises en vue de juguler les contraintes liées à
l’offre et conseillent la réduction des dépenses dites
budgétivores. Mais encore faut-il que ces entreprises
disposent de l’épargne et qu’elles soient réceptrices des
crédits à des taux de rendement supportables. Les banques
centrales ont ainsi tendance à estimer que le secteur privé
doit être privilégié, oubliant toute la logique keynésienne de
la «  théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la
monnaie  » Les dépenses publiques sont principalement
réduites au nom de l’ultra-libéralisme comme si les banques
centrales n’avaient comme rôle que d’inciter les activités
privées en vue de booster le bien-être des entreprises, à
tout prix, en privant à l’Etat (gouvernement) un accès aux
capitaux durant les crises. C’est l’application de «  exit
Etat ». Or, l’adage : banque centrale intervenant en dernier
ressort, concerne ses appuis directs ou indirects aussi bien
aux ménages, au pouvoir public qu’aux entreprises lors des
frictions qui bloquent l’activité normale attendue de ces
entreprises.
Souvent, au nom de soutien à l’offre, seules les entreprises
deviennent des agents privilégiés (théorie de l’offre crée sa
propre demande) tandis que les administrations publiques,
sous prétexte de l’austérité et de la rigueur (ajustement
structurel) imposées dans le contexte de la bonne
gouvernance, deviennent des cibles dont le comportement
est surveillé (dépenses improductives) dans les pays
pourtant marqués par des petites économies ouvertes et
souvent extraverties et exposées aux divers chocs
exogènes. Les banques centrales ignorent dès lors
l’économie positive et donnent leurs préférences à
l’économie normative.
La place ou le rôle de l’Etat devient mineur. C’est ce constat
qui nous amène à réfléchir sur la question en évoquant le
paradoxe que ce choix entraine. Notons que d’autres études
ont été conduites en ce qui concerne le Congo Kinshasa.
Joseph Moto Kosarade ayant évalué les effets de la politique
monétaire sur le secteur réel dans ce pays, il est arrivé aux
résultats suivants  : «  les paramètres des variables
monétaires ne sont pas généralement significatifs au seuil
de 5  %. Ainsi, l’économie congolaise est moins influencée
par les variations de trois variables de transmission de la
politique monétaire (variables futures, présentes ou
passées)2, notamment le taux directeur, le taux de change
nominal et le taux de croissance de la masse monétaire. De
même, les tests de causalité au sens Granger ont montré
que ces trois variables monétaires retenues ne causent pas
la croissance du Produit Intérieur Brut (PIB réel) »3. Même si
ces résultats sont parfois contestés par d’autres auteurs, il
faut reconnaître qu’ils dépendent des périodes d’étude et
des données disponibles. Au Congo Kinshasa, la non-tenue
régulière des statistiques est une lacune qui empêche de
disposer des analyses certaines et convergentes.
Section 1. Le monétarisme pur (école de Chicago) et
la politique restrictive
L’école de Chicago est née au cours des années 60/70 sous
l’influence de Milton Friedman4. Opposé à
l’interventionnisme keynésien, Milton développe la nouvelle
théorie libérale qui porte sur les politiques budgétaires et
monétaires restrictives et conseille la libre entreprise,
contraire à la logique de l’interventionnisme étatique. Milton
n’était pas précurseur. D’autres auteurs, au cours des
années 30 avaient déjà entrepris de réfléchir sur la pensée.
Selon cette école, l’Etat est la source des distorsions des
marchés. La politique monétaire est inutile. Les cycles
conjoncturels de l’économie sont naturels. Les marchés se
stabilisent eux-mêmes.
Mais, en dépit de cet apport qui a eu du succès durant une
période en Occident (Reagan et Thatcher), la régulation de
la conjoncture keynésienne a mis en avant plan
l’interventionnisme étatique comme mode de stabilité des
marchés. C’est dans ce contexte que les instruments de
politique monétaire vont être appliqués dans la gestion
conjoncturelle de l’économie. L’Etat, tout en admettant
l’apport des monétaristes, il va s’inscrire dans la logique
keynésienne et agir à travers divers instruments par le biais
de la banque centrale, avec but de rétablir l’équilibre des
agrégats macroéconomiques durant des périodes de
mauvaise conjoncture.
Dans les pages qui suivent, nous passons en revue ces
instruments de politique monétaire, tout en soulignant leurs
limites dans le contexte des petites économies ouvertes,
extraverties, sans ressources propres, tel le cas de la
République Démocratique du Congo.

1.1. L’encadrement des crédits et la problématique


de pass-through
Les crédits créent les dépôts, dit-on. Mais, ces dépôts se
transforment en liquidité à plus court terme, dans le cas où
ils (crédits) sont investis pour répondre aux besoins
immédiats ou des débiteurs. Lorsque le temps dure, la
monnaie créée ne se détruit pas  ! Elle court. La masse en
circulation dépend de la vitesse, des transactions et des prix
de celles-ci (MV=TP).
Ceci concerne aussi bien les crédits en monnaie banque
centrale que les titres privés négociables. Dans ce cas, leur
création par les banques doit être encadrée entre dans le
contexte de limitation de la circulation monétaire, en tenant
compte de l’impact de la propension de la demande de la
masse monétaire (propension à détenir les billets) sur
l’inflation. Dès lors, le souci poursuivi est double  : recourir
au diviseur monétaire ou au multiplicateur, selon la
conjoncture. Le diviseur réduit la propension à détenir la
monnaie banque centrale, tandis que le multiplicateur
permet l’expansion. L’encadrement des crédits est donc
l’instrument par excellence de contrôle de circulation de la
monnaie en limitant sa création désordonnée.
Lorsqu’il s’agit de limitation, la restriction est prise en
fonction de la règle de Taylor5 visant à freiner l’accès aux
crédits par la hausse des taux d’intérêts et de l’inflation, en
tenant compte du niveau de taux de réserves obligatoire. Il
y a deux objectifs intermédiaires  : cibler l’inflation et
déterminer le taux des réserves obligatoires. Ce taux (r) et
la moyenne de propension à tenir la masse monétaire (m)
sont variables mises en vedette. L’instrument est aussi un
moyen de réguler les niveaux des prix anticipés dont
l’impact sur la croissance peut s’avérer néfaste. La banque
centrale agit par le biais de son taux de refinancement,
avec espoir d’éviter les déséquilibres des agrégats
macroéconomiques dus à l’absence de régulation. La
hausse du taux directeur régule l’achat et la vente des titres
sur le marché interbancaire, il s’agit de la monnaie
scripturale (le jeu d’écriture) ou de la monnaie matérielle.
Donc, l’instrument agit directement contre l’abondance des
crédits dont les rendements élevés décourageraient les
emprunteurs, surtout lorsque la période est courte. Les
agents à déficit de financement ne peuvent supporter les
charges élevées des prêts que dans le cas où ils sont
assurés des gains éventuels qu’ils vont tirer de leurs
investissements. Si le taux de l’investissement ou de crédits
à la consommation est exorbitant, l’engouement vers les
créances est bloqué.

1.2.Les effets attendus


Quels sont les effets de cet instrument ? Si les crédits visent
la consommation, celle-ci peut être freinée, avec
conséquence la réduction indirecte de l’offre (production).
La loi de Say s’applique alors. Car, l’offre étant dans une
période de friction, elle ne crée pas la demande (nous ne
faisons pas référence à Keynes). Dans le cas où ces crédits
(commerciaux) aident à s’approvisionner à l’étranger pour
satisfaire la demande nationale (faible production interne ou
désir de répondre aux choix des consommateurs), alors, les
importateurs peuvent ajuster leurs prix de vente en
incorporant le coût des crédits obtenus. Dès lors, les prix
auront tendance à suivre ceux des biens importés (inflation
importée).
Cette corrélation se traduit par le frein à la croissance tirée
par la consommation. Certains agents peuvent modifier les
habitudes de consommation (substitution), sauf dans le cas
des dépenses incompressibles. Au lieu de substitution de la
qualité des biens, celle-ci (substitution) sera au niveau de
volume. On achète peu, parce que le produit importé coûte
cher. Ce qui entraine aussi les effets pervers sur l’offre.
La BC (Banque centrale) sera tenue de revoir sa politique
monétaire conjoncturelle de manière à corriger les effets
néfastes ci-haut évoqués. Elle peut revoir le niveau des taux
à la baisse. Mais, la question du niveau de taux stabilisateur
se pose. Souvent, les projections (estimations) ne répondent
pas à la réalité quotidienne comme le croiraient les experts
en modélisation économétrique.
Dans une économie ouverte, extravertie et de petite taille
(marché intérieur), il est possible que les banques de
second rang ne suivent pas aveuglement, mais à la loupe,
l’évolution du taux indicateur fixé par la BC (pas de
concurrence monopolistique). Même dans les pays où la
désintermédiation est très poussée, le contrôle de
l’évolution des taux des crédits devient difficile, car, les
banques perdent leur rôle et l’économie d’endettement
cède sa place à celle d’autofinancement.
Il est bien dit qu’il s’agit de taux directeur (refinancement).
Or, les banques de second rang se spécialisent dans
plusieurs branches d’activité  : Fonds d’investissement,
banque d’épargne et de crédit, banque commerciale (crédits
commerciaux assurance), banque de développement ; elles
sont tenues de disposer de plusieurs taux de crédits, en
fonction de la nature des investissements et de liens
privilégiés avec certains clients habituels. Dans des pays où
l’autofinancement devient important, le rôle de la banque
centrale comme créateur de la monnaie de base (monnaie
banque centrale) est réduit, car, il y a bien lieu de financer
l’économie par d’autres voies. L’exception peut être faite
lorsque le marché financier interne est solide et le recours à
des divers crédits alimente réellement les investissements
et la consommation. Les petites économies dont la monnaie
nationale ne sert pas d’outil dans les investissements, le
rôle de la masse monétaire devient sujet discutable.
Au Congo Kinshasa, des crédits commerciaux et des crédits
aux entreprises sont essentiellement accordés aux
entreprises de grande taille (mines, grands travaux publics,
exploitation forestière), en dollar (effet de dollarisation
estimée à plus de 80 % de taux des crédits accordés par les
banques). Ces taux sont aussi fonction de la durée, du
volume et de la stabilité de la monnaie (interne et externe)
en usage6. Il existe ainsi plusieurs variables qui influencent
leurs niveaux. Certaines banques qui disposent des avoirs
importants et qui ont une enveloppe conséquente prévue
pour les crédits divers peuvent fixer des taux (ré-
optimisation) en dessous du taux directeur de la BC.
Donc, si le ratio crédit/avoirs propres est faible, la banque
peut privilégier l’octroi des crédits, même de faible taux,
pourvu que la crédibilité du client soit la garantie. La
concurrence entre les banques dans des petites économies
étant faible, il est peu probable que le taux directeur
influence les niveaux de crédits accordés par les banques
de second rang. Si les rigidités des taux des crédits
(variables qui influencent peu le taux directeur)) sont fortes,
il est certain que le choix de la Banque centrale peut ne pas
avoir un impact important sur le comportement des
banques de second rang, à long terme.

1.3. La problématique de pass-through


Dès lors, il se pose la question de pass-through
(intercommunication) entre le taux directeur et les crédits
bancaires octroyés par les banques de second rang. Cette
problématique concerne également l’intercommunication
entre le taux indicateur, le taux de change et le taux de
l’inflation.
Quel est l’effet du taux directeur (déterminé par la règle de
Taylor classique ou dynamique) sur l’économie réelle  ? Ce
canal dit standard est-il efficace à tout moment  ? Vincent
Bouvatier7 a consacré une analyse intéressante sur le sujet,
dans son article publié de 2018. Si le pass-through s’avère
inefficace, les objectifs visés par la Banque centrale (agir
sur l’économie réelle), notamment  : maîtriser l’inflation,
éviter les chocs sur l’emploi, relancer la consommation et
l’offre pour inciter la croissance peuvent ne pas produire les
effets.
Vincent se réfère aux analyses antérieures des certains
auteurs qui ont examiné également quelques facteurs ayant
démontré les faibles effets de pass-through. Celle-ci se
produit dans le contexte des rigidités des taux d’intérêt des
crédits et le degré de concurrence dans le secteur bancaire
(Mayer et Wollmershäuser, 200)  ; Güntner (2011)  ; C’est
notamment en cas de grande volatilité sur le marché
interbancaire durant les périodes des crises (Ritz et Walther
(2015), c’est aussi en cas des contraintes réglementaires
saturées  ; Roelands, (2013) et des frictions caractérisant
l’activité bancaire (Hristov, 2014). Nous pouvons également
nous référer aux travaux de Hannan et – Berger (1991). Les
deux estiment que le pass-through est souvent incomplet à
cause des coûts de fonctionnement des opérations
bancaires, à cause des risques de crédit et des risques des
taux appliqués).
Pourquoi ? Examinons les limites de la règle de Taylor.
La formule (règle de Taylor) peut s’écrire de la manière
suivante :
it =,, r +… t + fl1 (… t ¡… ^t) + fl2 (yt ¡ yt́)

it  : le taux d’intérêt à court terme (taux d’intervention de
la BC)
t : le taux d’inflation (annuel)
^t : le taux d’inflation cible
yt ¡ yt  : l’output gap, c’est-à-dire l’écart entre le PIB
courant (yt) et le PIB potentiel (yt́)
„r  : le taux réel neutre (ou taux d’intérêt réel permettant
l’équilibre de long terme)
fl1 et fl2  : des paramètres positifs (attitude de l’autorité
monétaire due à la fluctuation de l’économie par
l’inflation  ; et celle (attitude) due à la fluctuation de
l’inflation par rapport à l’économie
Quelle critique peut-on émettre en ce qui concerne des
petites économies ouvertes ?
1. Le taux d’inflation annuel est galopant, parfois à 2
chiffres ; le ciblage mensuel, même parfait, il se base sur
une anticipation d’un taux moyen qui peut avoir un impact
négatif sur les autres agrégats, dans la mesure où le
comportement des marchés fausse la rationalité de
l’expertise faite par la banque centrale ;
2. Le taux cible est souvent le résultat de tâtonnement  ;
car, l’évolution des prix dépend des variables non
prévisibles à court, moyen ou long terme ;
3. L’écart entre le PIB réel et le PIB potentiel dépend
également de sa structure classique  ; dans des pays
pauvres le PIB est fortement marqué par la part de la
monoproduction  : mines, agriculture de rente ou de
subsistance, services et moins par le secteur industriel  ;
donc, les estimations du PIB potentiel peuvent s’avérer
erronées si l’économie est essentiellement informelle ou
extravertie ;
4. Le taux d’intérêt réel dépend du taux de change, de
l’inflation (risque) et de la santé économique générale du
pays ; or, le taux de change (parité fixe ou flottant) est lié
à l’évolution de la santé économique du pays qui se
résume par la taille, le niveau des revenus, la
diversification de la production nationale, le niveau de son
indépendance par rapport aux marchés étrangers, la
spéculation, etc. ;
5. Les fluctuations économiques dans des pays pauvres,
dépendent de l’extraversion de ces économies, les cycles
de reprise ou de récession ne sont pas nécessairement
maitrisables si la dépendance de cette économie est très
prononcée ;
6. Les variables imprévues de conditionnement peuvent
aussi conduire à des résultats inattendus.
Par ailleurs, d’autres facteurs déterminent les besoins de la
masse monétaire. Alain Grandjean en cite quelques-uns : le
comportement de l’épargne, la situation financière des
banques et leurs règles de gestion, le ratio de solvabilité, le
coefficient de liquidité des banques, le coefficient de fonds
propres et des ressources permanentes des banques, etc.8
Françoise Drumetz et Adrien Verdelhan ont aussi critiqué la
Règle de Taylor. Pour les deux auteurs, «  le choix des
coefficients de la règle de Taylor ne repose sur aucune
justification précise, particulièrement dans le cas français
Comme on le voit, la genèse de la règle de Taylor est
marquée par un glissement progressif. Or, une fonction de
réaction ne peut tenir systématiquement lieu de règle
d’action. L’équation de Taylor repose sur des coefficients
fondés sur l’observation du comportement passé des
autorités monétaires. Ces coefficients influencent les
trajectoires de la production et de l’inflation. Pour que son
équation puisse prétendre au statut de règle normative, il
aurait fallu que Taylor démontre que ces trajectoires soient
optimales, ce qu’il n’a pas fait »9.
Les facteurs décrits ci-dessous et qui caractérisent des
marchés financiers retiennent notre attention dans l’analyse
que nous consacrons à la politique monétaire appliquée au
Congo Kinshasa durant la période de la crise de Covid 19.
Section.2. La hausse de taux des réserves
obligatoires
2.1. A quoi servent des réserves obligatoires ?
Toutes les banques de second rang disposent des réserves
libres et des réserves obligatoires (devises et monnaies
nationales). Ces réserves (devises) obligatoires sont placées
sous surveillance de la BC. Elles permettent de garantir la
liquidité des banques pour les paiements extérieurs en cas
de baisse des réserves libres. L’invention remonte à la crise
de 1917 aux Etats Unis. Elles permettent aussi aux banques
de second rang de disposer de la monnaie nationale, à
chaque occasion. Les banques peuvent y accéder, mais
elles sont tenues de réalimenter les comptes en rapport
avec le taux imposé par la BC. Autrement dit, les banques
utilisent leurs avoirs en devises, elles prêtent, elles
investissent dans d’autres activités, elles interviennent en
bourse, elles honorent les contrats des crédits commerciaux
avec les clients, tout en veillant à ce que les réserves
obligatoires ne soient pas affectées par ces opérations
diverses. Elles ont aussi besoin de leur monnaie banque
centrale réservée dans leurs comptes tenus par la banque
centrale.
En second lieu, le taux des réserves obligatoire n’est pas
seulement une garantie contre le manque de liquidité des
devises, il sert aussi à restreindre les besoins en monnaie
banque centrale ou à recourir à l’expansion en cas de
nécessité. Le diviseur et le multiplicateur de crédit par la
manipulation des niveaux des réserves obligatoires se
calculent comme suit :
r- taux des réserves obligatoires
b- propension moyenne à détenir une partie de la monnaie
banque centrale (billet)
q- quantité de la monnaie créée
Q- supplément de la monnaie banque centrale voulu par les
banques qui est égal à
d x q, avec d (diviseur de crédit) égal à b + r -(r x b).
Sans réserves obligatoires (r=0), d = b.
Si b est constant à court terme, le besoin en monnaie
centrale engendré par une hausse du crédit sera d’autant
plus fort que le taux de réserves obligatoires est élevé. Pour
restreindre cette hausse ayant un impact négatif dû)
l’accroissement de la masse monétaire, la banque centrale
fixe un taux des réserves qui restreint la demande de la
monnaie centrale
Le cas contraire est celui de besoin d’expansion monétaire.
Le multiplicateur de crédit se formule alors comme suit :
-Q’- supplément de monnaie centrale Q’
-q’ supplément de crédit distribué égal à m x Q’, avec
-m (multiplicateur de crédit) égal à 1 / d, donc égal à 1 /
(b + r – (r x b)).
2.3. Les limites de l’instrument
Peut-on, cependant, en période de crise recourir à cet
instrument pour stabiliser le niveau des prix ou celui de taux
de change par la limitation du volume de la masse
monétaire ? Classiquement, les banques centrales recourent
à l’expansion potentielle moyenne de cette masse pour
déterminer le niveau de création idéal. Si les banques de
second rang éprouvent le besoin de recourir à leurs réserves
libres ou obligatoires en cas de nécessité (soutien des
transactions financières), est-il possible que la BC s’obstine
à contraindre le recours à ces réserves  ? Et pour quelle
durée  ? Les banques devraient-elles se refinancer à tout
temps par le biais des crédits interbancaires  ? Et si le
marché interbancaire est de niveau très faible ?
On ne doit pas perdre de vue que cet instrument est
conjoncturel et il semble aujourd’hui dérisoire dans
nombreux pays industrialisés. Car, durant les crises, quel
serait le taux de rémunération des dépôts qui peut pousser
les banques à respecter l’obligation des réserves ? Et si les
taux des prêts semblent favorables ailleurs, les banques
ouvertes sur le monde, peuvent faire le choix de fructifier
leurs titres là où la prospérité des marchés les attire
(canaux de fuite). Donc, la banque centrale sera tenue de
ne pas réduire la profitabilité des banques de second rang
par un coup de baguette magique.
Par ailleurs, comment estimer avec exactitude les besoins
potentiels en monnaie banque centrale ? Par une estimation
traditionnelle  ? En se référant au passé, au futur
(anticipation sur base de propension à consommer) ou à la
demande présente ?
Dans des pays pauvres, avec des revenus dérisoires, la
manipulation de la masse monétaire n’impacte-t-elle pas le
niveau de la demande et de l’offre ? Et que dire de la fuite
de la masse monétaire créée par le canal des crédits. La
monnaie créée se détruit-elle  ? Après combien de temps  ?
Le fait que cette monnaie devient très vite matérielle, elle
empêche elle-même sa destruction annoncée par les
théories. Et lorsqu’elle entre dans le circuit informel, la
banque centrale ne peut la contrôler facilement.
D’autres facteurs justifient l’évolution de la création de la
monnaie banque centrale, notamment : le solde budgétaire,
l’épargne nationale nette, l’investissement global, la
consommation des ménages, le solde de la balance
commerciale, le produit intérieur brut, les transferts
courants du reste du monde, l’indice général des prix, les
transferts au reste du monde et les dépenses publiques.
On ne s’empêchera pas de le répéter, lorsque ces variables
affichent un déficit chronique, il est difficile d’estimer un
résultat correct correspondant à la manipulation de la
création monétaire par le diviseur ou le multiplicateur des
crédits, sans risque de se tromper. L’examen fait par Hénock
M. Katuala10 (université de Goma) à propos de l’incidence
de la politique monétaire sur la stabilité monétaire (interne
et externe) et la croissance économique en R.D. Congo de
1990-2019 a débouché aux résultats mitigés, à savoir :
a) l’existence d’une relation de long terme entre la base et
la masse monétaire. Ce qui pourrait justifier l’utilisation
du multiplicateur dans la conduite de la politique et du
ciblage monétaire en R.D. Congo ;
b)  les chocs sur le taux directeur n’ont pas donné des
retombées escomptées sur la croissance économique ;
c) les cours du pétrole sont restés rigides et
d)  les chocs de demande impactent la dynamique de la
stabilité monétaire
Section3. L’obligation de dépense sur base caisse
Le principe de «  dépense sur base caisse  » signifie
l’égalisation des dépenses et des recettes effectivement
réalisées au cours d’une période. Il exclut le déficit et
impose une discipline de gestion en fonction de la liquidité
disponible. L’opération financière «  dépense/recette  » est
faite durant la période où la caisse enregistre les recettes,
entraînant une modification concrète du contenu de la
caisse. La date de la dépense/recette est le moment où le
mouvement financier a eu lieu. Mais, en cas de déficit, la
banque centrale peut accorder au gouvernement les
avances en monnaie banque centrale.
3.1. A quoi servent les avances au gouvernement ?
Il s’agit de financer de déficit (dépenses) public dû à la
sécheresse des ressources budgétaires propres. La BC crée
de la monnaie sous forme de prêt rémunéré et récupère ces
prêts à l’échéance. Elle recourt soit à la planche à billet par
la création de la monnaie banque centrale, soit à ses avoirs
disponibles (épargne). Cette nouvelle injection de la masse
monétaire sert à financer le compte du trésor.
Mais, dans le cas où cet accroissement de la masse
monétaire (liquide) a un effet inattendu sur le niveau des
prix, il y a la crainte que l’inflation impacte négativement
les autres agrégats, notamment le taux de change. Notons
que la théorie quantitative de Fischer explique plus cette
relation. Le niveau des prix n’est pas seulement lié à la
masse monétaire, mais aussi à la vitesse de circulation. Et
la masse prise en compte n’est pas M1, mais M3.11 Sa
croissance est aussi prise en compte. Par exemple, dans
l’Union européenne, le taux normal est de 4 %. En dépit de
la crainte de l’évolution de cette masse sur le niveau des
prix et ses effets sur la stabilité de la monnaie, l’affectation
de ces avances est aussi déterminante. Généralement, il
peut s’agir des affectations contraignantes qui obligent le
Gouvernement à répondre aux attentes  : frais de
rémunération, frais de fonctionnement des institutions.

3.2. Quelques effets de remous


Les effets de remous se produisent lorsque les avances au
gouvernement deviennent insensibles aux objectifs
poursuivis, notamment résoudre ponctuellement la crise de
liquidité du trésor public. Nous disons insensibles dans le
cas où la mise à la disposition des avances ne répond à
l’objectif (résoudre la crise de sécheresse) mais crée une
habitude dont le gouvernement a difficile à se débarrasser.
Par ailleurs, certaines priorités de caractère social ou
structurel peuvent être abandonnées au profit des dépenses
improductives de fonctionnement ou de rémunération des
institutions. Les avances ne doivent pas constituer ainsi une
habitude dans un pays qui souffre de déficit budgétaire
chronique. Elles conduisent le pouvoir public à mettre moins
d’accent sur la gestion rationnelle de ses prévisions du fait
de sa fiscalité défaillante.
Cet abandon de la rigueur conduit au non-respect des lignes
des dépenses budgétaires fixes. Le gouvernement se
limitera à recevoir les avances qui donnent l’idée que le
Trésor public est approvisionné  ; ceci ressemble à la
« trappe à liquidité » dans la mesure où, plus on injecte une
nouvelle quantité de la monnaie au profit du gouvernement,
plus les besoins ne sont pas accomplis et le pouvoir public
se place dans ses habits de débiteur insolvable.
L’indépendance de la banque centrale peut conduire
finalement à opposer son refus à des demandes
supplémentaires.
Néanmoins, les avances dans un pays où
l’interventionnisme s’avère utile durant les périodes où les
entreprises enregistrent des frictions au niveau de l’offre
(frein) des activités ; la fiscalité, si allégée, soit-elle, mais ne
permettant pas aux contribuables de s’acquitter de leurs
obligations, la banque centrale peut-elle justifier la fuite en
avant, oubliant son rôle d’intervenant en dernier ressort en
faveur des pouvoirs publics  ? La banque, obligée d’inciter
aussi bien l’offre que la demande, doit se situer au-dessus
des obstacles et tirer vers le haut l’économie en panne. Et
dans le cas où le Trésor public ne peut plus créer sa
monnaie (épargne négative)12  ; elle ne peut, non plus
recourir à la vente des bons et des obligations sur le marché
interbancaire, le remède réside au niveau de recours à la
banque centrale qui est obligée d’actionner son robinet.
Par exemple, la BCC a accordé au cours des premiers mois
de la parution de Covid 19 une hausse mensuelle de la base
monétaire de 278,5  milliards de CDF (une injection
mensuelle de liquidité de 5,5 milliards de CDF). La raison est
simple : les entrées fiscales attendues ont été sensiblement
affectées par la baisse de – l’activité économique. La
production ainsi que la consommation ont été freinées par
le repli de l’industrie tant au Congo que dans le reste des
pays partenaires, la Chine y compris13. Si ces avances n’ont
pas un impact visible sur un objectif, notamment  :
l’affectation à des projets rentables pour la croissance, le
soutien à l’emploi, la consommation des ménages ayant un
effet de levier, la baisse ou la stabilité des prix, alors, le
refus de la BCC peut se justifier. Car, certaines avances
arrivées à échéance ne sont pas remboursées au moment
convenu  ; par ailleurs, ces prêts servent à couvrir le
fonctionnement des institutions budgétivores : émoluments,
dérapage budgétaire pour des dépenses imprévues et non
contraignantes, enrichissement illicite, gouvernement
éléphantesque. Or, les avances de bonne qualité sont celles
qui ont un effet de levier. De même, la BCC, en toute
indépendance, peut orienter les décisions (du ministère du
budget et de celui de l’économie et finance) de manière à
éviter le coulage des recettes publiques et encourager le
fisc à être à la hauteur et servir de voie à honorer les
prévisions réalistes en matière des recettes et dépenses
annuelles ou pluriannuelles de l’Etat.
Section 4. Le contrôle de change
4.1. Un outil de régulation de sortie des devises
Les devises permettent d’effectuer les transactions avec le
reste du monde. Dans d’autres cieux, la monnaie locale est
de moins en moins préférée par rapport à la monnaie
étrangère lorsque celle-ci présente les garanties contre les
risques de dépréciation. Généralement le contrôle de
change est un outil utilisé pour agir sur le volume des
réserves octroyées aux importateurs en le restreignant,
lorsque la BC estime qu’il y a lieu de protéger la production
intérieure contre la concurrence due aux produits importés
moins chers  ; c’est aussi une manière de répondre au
slogan  : consommer les produits locaux (nationaux). Cet
outil réduit la largeur des manœuvres des exportateurs
étrangers qui attaquent un marché national ; elle réduit les
exportations et encourage les investissements directs
étrangers, source des nouveaux capitaux frais, source de
l’emploi, source aussi de croissance et de stabilité des prix.
L’instrument est aussi utilisé lorsque la dépréciation ou la
dévaluation de la monnaie sont dictées par une très forte de
la demande d’une devise étrangère (elle devient cher et
rare) qui dévalorise la monnaie locale.
Ces investissements directs étrangers peuvent se greffer
sur les initiatives locales (joint-ventures), profitant des
avantages qu’offre les marchés intérieurs  : infrastructure
d’accueil, code des investissements, facilités
administratives et règlementaires.
4.2 Les limites de contrôle de change
Notons que l’outil est aussi choisi lorsque les réserves de
change font défaut et que l’autonomie dont dispose un pays
est en dessous de la moyenne (standard de 3  mois). Ici, le
contrôle devient délicat, car, la réduction des importations
doit être mesurée en fonction des besoins exprimés par
l’économie qui en dépend  : pièces de rechange, biens
intermédiaires, consommation incompressible, capacité du
marché intérieur à combler le vide dû à la réduction des
importations et possibilité de faire face aux mesures
probables de rétorsion, du fait de recourir à cette protection
voilée du marché national en empêchant la libre circulation
des biens et des services sans fournir les preuves dans la
politique commerciale soumise au quitus de l’OMC.
Remarquons que le circuit des mouvements des devises
avec l’extérieur est aussi large que possible, parfois difficile
à maîtriser. Il se forme par les transferts des dividendes et
des intérêts, les transferts des revenus de rémunération des
expatriés résidents, le rapatriement des recettes
d’exportation vers les pays d’accueil des investissements
étrangers, l’évasion fiscale et la faute des capitaux. Les
dividendes et les intérêts réalisés à l’étranger (dans des
pays à économie faible) sont susceptibles d’être objet des
taxes (double fiscalité). Ces dividendes ainsi que les intérêts
peuvent être réinvestis sur les marchés financiers par les
épargnants. Leur immobilité dans des pays hôtes suppose
une perte dans le cas où les taux des dépôts ne sont pas
rassurant. Il en est de mobilisation des rémunérations des
résidents. Ces voies de sortie rendent difficile la régulation
des mouvements et creusent le déficit de la balance
courante.
Le paiement des dettes (capital et intérêts) externes oblige
également la sortie des devises. Dans de petits pays à
déficit de financement, la part des dettes et autres charges
vis-à-vis de l’extérieur prend parfois  % des dépenses
budgétaires. Ces paiements contraignants posent le
problème de l’efficacité de contrôle de change. Par ailleurs,
les marchés connectés avec l’extérieur ont suffisamment
des réserves libres qui échappent au circuit officiel régulé
par la banque centrale.
1 Sébastien Hissler, Les taux d’intérêts aident-ils à prévoir les taux de change ?
In La Documentation française | «  Économie & prévision » 2007/2 n° 178-179 |
pages 159-165
2 C’est nous qui le soulignons.
3  Joseph Moto Kosarade, Evaluation des effets de la politique monétaire sur le
secteur réel en RDC  : une analyse empirique par la modélisation vectorielle
autorégressive (Var), Université Mohamed V Rabat, 2020
4   Johan Van Overtveldt, The Chicago School  : How the University of Chicago
Assembled the Thinkers Who Revolutionized Economies and Business, Chicago :
Agate, 2007
5  II existe un lien entre taux d’intérêt, inflation et croissance. Le ciblage du
niveau de l’inflation (Règle de Taylor) permet de se faire une idée anticipée du
nouveau de l’inflation dans le temps tel ainsi que son impact sur la croissance.
Dès lors, le ciblage tient compte aussi du niveau de taux d’intérêt déterminé par
la Banque centrale.
6  Dans la Zone CEMAC communauté économique et monétaire de l’Afrique
Centrale) une étude réalisée par Achille Dargaud (2012) du Cameroun a abouti à
cette conclusion.
7  Vincent Bouvatier, Détermination du Pass-Through du taux monétaire sur le
taux des crédits  : le comportement de la Banque centrale importe-t-il  ? in
CAIRN.info/revue économique 2018-4, pp 615-634
8  Alain Grandjean, Chômage et Monnaie  » Les déterminants de la masse
monétaire (chomage-et-monnaie.org)
9  Françoise Drumetz et Adrien Verdelhan, Règle de Taylor  : présentation,
application, limites, in Bulletin de la Banque de France-N°45, septembre 1997
10  Hénock Katuala, politique monétaire, stabilité monétaire et croissance
économique en République démocratique du Congo, 2020. ffhal-02616124f
11 M1 comprend la monnaie au sens strict de moyen de paiement : les billets et
pièces (monnaie manuelle) ainsi que les dépôts à vue.
•  M2 = M1  +  les dépôts à termes jusqu’à deux ans et les dépôts assortis d’un
préavis de remboursement inférieur ou égal à trois mois (pour la France  :
CODEVI, les livrets A et bleu, le compte d’épargne logement…)
• M3 = M2 + les instruments négociables sur le marché monétaire émis par les
institutions financières monétaires (IFM), et qui représentent des avoirs dont le
degré de liquidité est élevé avec peu de risque de perte de capital en cas de
liquidation.
•  M4 = M3  +  les bons du Trésor, les billets de trésorerie et les bons à moyen
terme émis par les sociétés non financières
12 Pratique déjà abandonnée au nom de l’indépendance de la BC
13 Umba Gilles Bertrand, Yves Lumbala Grégoire, Leçons macroéconomiques de
la Covid-19 : une analyse pour la RDC, in Dynare working Papers 64, 2020
Chapitre 2.
La Globalisation financière et les
limites
de l’autonomie de politique
monétaire

Introduction
L’analyse du premier chapitre a eu pour but de démonter
comment les instruments de politique monétaire
(restrictive) présentent des limites dans des petites
économies ouvertes. Ce second chapitre porte sur l’examen
des contraintes de l’autonomie monétaire dans un paysage
des marchés financiers largement globalisés. Il s’agit de
démontrer que plus ces marchés s’ouvrent sur le reste du
monde, plus le pouvoir de régulation reconnu à l’autorité
monétaire nationale devient étroit. Cette étroitesse
s’accentue dans des pays économiquement faibles, fragiles
et dépendantes.
Le sujet n’est pas nouveau dans des études de
macroéconomie internationale. Un des auteurs, André
Cartapanis, le constate  : «  À ce jour, il est (…) difficile de
dégager des enseignements synthétiques et nombre de
questions afférentes à l’indépendance des choix monétaires
restent controversées (…) à cause de l’absence de cadre
théorique bénéficiant d’un consensus minimum pour traiter
des interdépendances monétaires et financières en
économie ouverte. Si des efforts considérables ont été
fournis, depuis la crise, pour remédier aux lacunes des
modèles théoriques et empiriques de l’avant crise (Beyer,
Cœuré et Mendicino [2017]  ; Drumetz, Pfister et Sahuc
[2015]  ; Hartmann, Huang et Schoenmaker [2018]), la
dimension internationale de la politique monétaire n’a pas
été au centre des renouvellements théoriques »1
Lorsque les néoclassiques de Chicago ont développé leur
théorie en contredisant l’interventionnisme étatique
(politique discrétionnaire), ce fut durant la période où Milton
et son école ne tenaient pas compte des cas de l’économie
ouverte, sans marché intérieur prospère, sans avoirs
disponibles suffisants et sans monnaies assurant tous des
attributs  : instrument de change, de réserve, unité de
compte et symbole de souveraineté nationale. Ils ont
également réfléchi dans une période où l’économie n’était
pas globale et que les marchés boursiers et interbancaires
étaient encore très limités, soumis à une réelle surveillance
des autorités monétaires nationales. Certes, les institutions
de Bretton Woods ainsi que le G7 ont étendu les leçons de
l’économie libérale aux autres nations en imposant le
consensus de Washington comme sortie de crise de
l’endettement des pays pauvres. Ce consensus a été
critiqué finalement par George Stigler (Prix Nobel 1982),
durant sa carrière au FMI.
Leurs théories ne concernaient pas les petites économies,
sans marchés financiers et monétaires. Ils ont réfléchi dans
un esprit fermé qui ne prenait en compte que le marché
national et le pouvoir public. Saluons ici l’analyse de James
Galbraith qui en 2009, renseigne les failles de la théorie
monétariste de Friedman2. Galbraith note que le naufrage
du Friedman et du nouveau consensus (ciblage de
l’inflation) apparait aux Etats Unis la fin de la régulation
autoritaire par le Fed des crises monétaires. Ce sont ces
naufrages du monétarisme classiques qui retiennent notre
attention à travers l’examen du paysage financier globalisé.
Section 1. Le paysage contemporain des marchés
financiers globalisés
Le contexte a changé. La globalisation de la finance donne
la voie à des réflexions qui, à l’époque, étaient ignorées des
économistes. On admet aujourd’hui que «  les soubresauts
économiques connus dans la période récente soulignent la
centralité et la complexité de la politique monétaire, mais
aussi ses limites  ». Marina Teller estime même que la
régulation des marchés financiers consacre un ordre public
de moins en moins public et des normes qui sont de moins
en moins de droit.
Notre objectif est d’analyser cette complexité en observant
les cas de petites économies extraverties, sans marchés
monétaires et financiers larges. La contribution concerne les
limites de la politique restrictive dans le contexte de
l’économie globalisée. Les petites économies, même, en
l’absence des crises, sont naturellement affectées par cette
globalisation à cause de la précarité des systèmes financiers
et des structures des productions (extraversion et
marginalisation). Elles (petites économies) ne disposent plus
de marge d’autonomie en politique monétaire. L’analyse ci-
dessous donne un aperçu du contexte de la globalisation
ainsi que le désordre qui marque le libéralisme dérégulé et
décloisonné depuis le consensus de Washington.

1.1. La difficile régulation des mouvements des


capitaux
Une étude faite par Yves Jégourel et Téïletche portant sur la
globalisation financière et l’autonome de la politique
monétaire s’est focalisée aux effets de contrôle des
capitaux par l’imposition de la taxe (proposition de Tobin) et
les dépôts obligataires non rémunérés. Le but était de tester
les possibilités d’égalisation des rendements internationaux
(retour sur investissement) en faveur des Etats ayant
imposé la taxe et e l’obligation de dépôt obligatoire non
rémunéré pour une période relativement courte (un an)3. Il
s’agissait, en fait, de voir comment la restriction des
mouvements des capitaux durant la globalisation produit
des résultats escomptés.
Notre propos ne concerne pas l’examen de l’égalisation de
rendement des investissements. Nous passons en revue
dans cette sous-section, les causes générales des limites de
régulation des mouvements des capitaux par les banques
centrales dans un contexte de la globalisation financière. Au
cours des années 60, Mundell et Fleming ont théorisé sur
l’incompatibilité des trois politiques conduites à la fois  :
autonomie de politique monétaire4, taux de change fixe et
libéralisation des flux financiers. Pour les deux auteurs, on
peut conduire deux objectifs à la fois, mais pas trois. C’est la
fameuse théorie de triangle d’incompatibilité. Plus loin nous
allons démontrer qu’il existe aujourd’hui le carré
d’incompatibilité.
Aujourd’hui, plus de 60 ans après, même dans le contexte
du taux de change flottant, le choix d’un meilleur
instrument demeure sujet discutable. Les banques
centrales, nationales ou régionales sont confrontées aux
choix des instruments qui soient efficaces à tout point de
vue. La déconnexion entre l’économie réelle et virtuelle, la
désintermédiation, l’accroissement des flux financiers sur
des marchés boursiers, etc., ne permettent plus aux
autorités monétaires de maîtriser les paramètres visant les
objectifs de la politique monétaire autonome. Dès lors, à la
place du triangle d’incompatibilité de Mundell et Fleming,
nous proposons le carré d’incompatibilité entre : la politique
monétaire autonome, les déficits budgétaires chroniques
(petites tailles des marchés intérieurs), les déséquilibres
réguliers des comptes extérieurs (comptes courants) et la
globalisation financière (déréglementation,
désintermédiation, et décloisonnement.
Le Carré d’incompatibilité de politique monétaire autonome avec les 3
autres agrégats macroéconomiques

Quelles sont les raisons ?


1.2. Les causes

1.2.1. La déréglementation
Le libéralisme de nos jours a pris l’essor dans l’ensemble du
monde le lendemain de la chute du mur de Berlin, mais
aussi avec la naissance des euromarchés et le recyclage des
pétrodollars au début des années 80. Pour se faire, la taille
de la finance par rapport à l’économie réelle continue à
augmenter. Le poids par rapport au PIB mondial de
l’ensemble  : crédit  +  encours d’obligations  +  capitalisation
boursière + monnaie est passé de 300 % en 1986 à 420 %
en 2007 et 475 % en 20175. Ceci est le signe de passage de
l’internationalisation à la globalisation de l’économie. On a
cru qu’avec le Consensus de Washington issu des crises des
années 80 et qui a conduit à la dérèglementation, le
décloisonnement, la désintermédiation et la diversification
des produits financiers, on arriverait à la meilleure allocation
des ressources, mais aussi à coordonner (Bâle 1, 2 et 3) ces
marchés, loin de là, les banques centrales et les autorités de
régulation sont souvent dépassées par l’ampleur des
mouvements et la vitesse même de circulation des capitaux
entrainant la spéculation, l’arbitrage, surtout au niveau des
produits dérivés. Si même si cette dérèglementation n’est
pas optimale, elle produit tout de même des effets qui
réduisent le pouvoir des autorités de régulation.
Le marché s’est ainsi élargi et connecté, mais aussi, son
fonctionnement au quotidien devient un casse-tête pour les
banques centrales (régionales aussi) qui ont perdu le
pouvoir de règlementation des flux et reflux financiers, à
court et à long terme.
Eatwell fait remarquer que l’échec des institutions
financières de régulation est de produire aujourd’hui «  des
normes non contraignantes fonctionnant sur la base de la
reconnaissance mutuelle et du consensus pour produire une
soft Law  ; droit composé d’un ensemble de codes, de
recueils de «  bonnes pratiques  », de «  lignes directrices  »
dont la mise en œuvre est de la responsabilité de chacune
des institutions responsables au niveau national, sans que
leur non-respect ne puisse faire l’objet de sanctions de
nature juridique, que ce soit par l’organisme international ou
par des tribunaux  »6. Quelles sont les raisons de ce casse-
tête ? Il y a plusieurs explications.

2.1.2. La convergence de la finance globale dans trois


pôles
La formation de la triade est constituée pas trois centres de
croissance, savoir : l’Amérique du Nord, l’Asie du Sud-Est et
l’Europe de l’Ouest. Ces pôles apprivoisent plus de 70/80 %
des flux financiers journaliers, mais aussi plus de  % du
commerce international et des investissements directs
étrangers et de portefeuille. Jaques Ada estime que cette
triade s’est formée en 4 phases : La première se situe entre
1980 et 1990. Elle se distingue par 82.5 % des entrées d’IDE
et que 93.1 % des sorties d’IDE. La seconde phase se situe
entre 2008 et 2010. Il s’agit 41.7 % des entrées d’IDE dans
les «  pays en développement  » (Afrique, Amérique latine,
Asie), qui sont également à l’origine de 20.6  % des sorties
d’IDE. Nous pensons qu’il faut dépasser cette logique
fondée uniquement sur les IDE.
Notons que l’Afrique ne totalise en fait que 3 % des IDE durant plus de 20 ans
d’observation. Il faut la soustraire de cette phase. Car, seuls quelques pays
producteurs du pétrole en ont été bénéficiaires, y compris l’Afrique du Sud. Les
autres pays, principalement ceux de l’Afrique centrale, en sont des exclus. La
quatrième phase, celle de l’émergence des pays asiatique (les tigres et la Chine)
se distingue par 31.9  % des entrées d’IDE sur ce continent7. La naissance des
trois pôles explique la proximité des critères d’attraction des flux financiers  :
taille des entreprises, solidité des titres, l’ampleur de l’offre et de la demande, la
sécurité contre les risques, les gains réalisables. La convergence répond
également à d’autres critères : le niveau du PIB/h, la participation aux échanges,
le développement des infrastructures, la symétrie relative de l’information, la
désintermédiation financière, les investissements du portefeuille et le niveau de
prise de risque élevé. Les marchés africains ne répondent pas à ces critères.

2.1.3. Des crises toxiques et contagieuses


Néanmoins, en dépit de ces critères, ces pôles sont aussi la
source d’entrée et sortie de plus ou moins 80 % des flux et
reflux qui peuvent contaminer aisément les petits marchés
nationaux ou régionaux. La contagion des failles entraine
les crises de liquidité des banques et des marchés (y
compris les crises d’insolvabilité). Par exemple, les
nouveaux marchés de l’Asie du Sud Est et de l’Amérique
latine encore fragiles au début des années 80/90 ont
entrainé les crises successives jumelles (monétaire et
financière).8 Il s’agit des crises de l’excroissance et de replis
des capitaux (spéculation et effet boule de neige), mais
aussi des faillites des bilans des entreprises endettées et
des déficits des balances courantes.
Les interventions des banques centrales  : vente des
réserves, restriction des dépenses budgétaires, contrôle de
change, politique des taux d’intérêt à la hausse ou à la
baisse, le choix de régime de change, la création monétaire,
n’ont pas nécessairement réussi à stabiliser ces crises  ; les
facteurs de déclenchement étant multiples, localisés ou
régionales. Les attaques des marchés liés à la perte de
confiance et la panique ne peuvent être maitrisées par les
arrangements institutionnels et non contraignantes
convenus entre les Etats. Les limites des institutions de
régulation conduisent à des choix non concertés en vue de
solution.
La fragilité des systèmes financiers déclenche des faillites
qui se propagent et contaminent le reste du monde jusqu’à
des crises systémiques, comme ce fut le cas de la crise de
Supprimes (surprimes) qui a pris naissance aux Etats Unis
entre 2007/2008. En dépit des mesures de gestion des
risques, les prévisions peuvent s’avérer trompeuses. Dès
lors, la supervision prudentielle des banques devient
inefficace, laissant les failles se rependre à travers les
réseaux de connexion des marchés globalisés et affectant
davantage les petites économies dont la survie dépend des
redressements de cycle dans les trois pôles. Entre 2000 et
2018, on a compté 14 crises localisées ou systémiques9. Le
FMI, chargé depuis sa création, de stabiliser les finances
publiques, s’est trouvé désarmé, incapable d’agir, tant au
niveau macroéconomique qu’au niveau microéconomique,
en dépit de l’augmentation de ses capacités d’intervention
décidé face à la sécheresse de ses ressources.
Elle (FMI) s’est résolue d’élaborer des statistiques et de
publier les recommandations à l’attention des membres,
sans aucune conséquence positive sur la maîtrise des
crises. Son intervention en Grèce, en Irlande, au Portugal,
etc., n’a été possible qu’avec le concours de l’Union
européenne. Le comportement rationnel des entreprises
financières, acteurs privés agissant sur le marché ainsi que
celui des ménages devenus aussi très actifs, échappent à
toute logique d’anticipation et de prudence imaginée par les
experts des banques. Elles-mêmes, à leur tour, par crainte
de contamination, arrivent à recourir à des solutions isolées,
comme ce fut le cas durant les deux crises de 2001
(Attentat du 11 septembre) et de 2008 (crise des
surprimes).

2.2. La titrisation des créances


C’est un autre paysage de la finance globalisée. Bon
nombre d’entreprises ayant besoin de booster leurs
trésoreries cèdent des actifs (créances hypothécaires ou
commerciales, les loyers d’actifs mobiliers) à des prix
attractifs aux organismes émetteurs. Les actifs ainsi achetés
sont émis sous la forme d’obligations sur le marché des
capitaux. Mais cette pratique revêt des conséquences dans
la mesure où l’évolution des prix des actifs peut causer
avant les échéances l’effet boule de neige. Les paiements
d’intérêts et le remboursement du capital ne peuvent être
affectés par l’évolution des créances sous-jacentes (produits
dérivés). On arrive ainsi à la perte des valeurs qui entraine
la sécheresse de liquidité et l’insolvabilité. Nombreuses
crises en sont la démonstration, principalement celle de
2007/2008 due à la titrisation des créances.

2.3. L’inefficacité des codes de bonne conduite


Si la dérèglementation n’est pas optimale, du moins, les
autorités de régulation avouent leurs échecs et ont édifié le
code de bonne conduite qui souligne le recours à la
prudence et non aux obligations. Ceci soulève la
problématique de l’éthique dans les investissements
financiers. Romain Faquet attribue cette impuissance
d’assurer l’ordre financier à une série des causes  : «  des
innovations financières mal calibrées, une boucle rétroactive
entre accélération de la distribution de crédit et bulle
d’actifs, des inégalités économiques élevées et enfin des
conflits d’intérêt propices au laisser-faire.  »10 Il s’agit,
d’après l’auteur, de l’autonomisation de la sphère
financière, de plus en plus éloignée de l’économie réelle et
brassant des milliards d’argent (diverses devises
étrangères), de maquillage des bilans des banques (utilisé
comme technique de sauvetage des faillites), des inégalités
entre les agents économiques conduisant à la
contamination des déséquilibres macroéconomiques, mais
aussi, de conflits d’intérêts sur les marches financiers. Ainsi
le code des principes de gestion des finances édicté par le
FMI en 1999 est devenu un document sans importance11.
Section 2. La nouvelle rationalité des investisseurs et
les causes
Devant cette situation, des investisseurs ne croisent pas les
bras. Ils deviennent un peu plus rationnels, passent d’un
marché à l’autre et rendent les mouvements des capitaux
très volatiles et difficilement contrôlables du fait de leur
spéculation et de leur arbitrage. Les pertes sont à éviter.
Mais elles sont présentes. Les gains sont au bout des doigts.
Comment les capter ? D’où l’arbitrage.
2.1. La volatilité et la flexibilité des investissements
Généralement, les chantres de la globalisation ont vanté ses
vertus au début, notamment  : la canalisation des capitaux
permettant des pays ou agents excédentaires vers les
agents à déficit de financement. Si c’est le cas, on ne doit
pas oublier les facteurs incitatifs tels que la stabilité
économique, la flexibilité des mouvements, la rentabilité
des placements, les taux de change flexibles et les
différentiels de l’inflation. Certaines zones économiques
offrent ces garanties, les autres présentent des risques
majeurs des faillites. Les petites économies sont ainsi
exclues de ces marchés florissants où l’épargne mondiale
est placée par rapport aux risques et à la recherche de
l’effet multiplicateur de crédit.12 Le principe de la circulation
de l’épargne des agents à excédents vers les agents à
déficit de financement ne s’applique plus dans tous les cas.
Ne dit-on pas qu’on ne prête pas aux pauvres ? Et si on leur
prête, ils sont soumis à des conditionnalités visibles ou
cachées.
Ainsi, se justifie la nouvelle rationalité : celle de la volatilité
des capitaux d’un marché à l’autre, en fonction des gains,
du temps, des coûts des opérations et de la gestion des
risques divers. Les petits prêts accordés aux pays démunis
sont soumis à des conditionnalités qui les appauvrissent
davantage. Les rations dette/PIB s’accroissent et ruinent ces
pays qui consacrent une part importante au remboursement
du principal et des intérêts capitalisés. Par ailleurs,
l’économie de l’endettement cède de plus en plus la place à
celle de l’autofinancement, à l’exception des crédits à la
consommation observés en Occident. L’aide privée et même
publique (prêt) au développement se réduit davantage dès
lors que le constat de l’absence de l’effet de levier est noté.
Le mouvement des flux et reflux forment un cercle
vertueux. Les places fortes attirent les excédents des
capitaux. Ces capitaux se recentrent en alimentant les
marchés de premier degré d’où ils sont émis. Ensuite ils se
transforment en produits dérivés spéculatifs. Ceci justifie la
formation de la triade de convergence entre l’Asie du Sud-
Est, l’Amérique du Nord et l’Europe occidentale.
2.2. La floraison des paradis fiscaux
Les Paradis fiscaux ne sont pas une fiction13. C’est une
réalité qui échappe à tout entendement, mais qui bénéficie
tout de même de l’accord tacite des grandes puissances
financières d’où sont les originaires des milliardaires. Elles
semblent en être préoccupées et s’entraccusent du fait la
pratique de secret bancaire. Mais, la pratique existe. De
quoi s’agit-il  ? Il s’agit de l’astuce des milliardaires qui
organisent la fuite des capitaux vers les paradis défiscalisés
ou vers les Offshores14 et autres places financières qui
pratiquent les doux yeux envers ceux qui viennent cacher
leurs avoirs à l’abri du fisc. Cette pratique revêt plusieurs
formes, selon l’OCDE :
a) les impôts inexistants ou très faibles,
b) l’absence de transparence,
c) une législation empêchant l’échange des informations,
d) la tolérance envers les sociétés-écrans.
Il en découle la fuite évaluée à des milliards des dollars,
aussi bien dans des pays pauvres que dans des pays
riches15. L’étude de faite par Tax Justice Network estime
cette fuite entre 21  000 et 32  000  milliards de dollars
cachés dans les paradis. Ce qui représente entre 30  % et
45  % du PIB mondial16. Le contrôle de la fuite n’est pas
maîtrisable en dépit de la surveillance prudentielle
convenue entre les Etats.17 Au niveau international, les
Etats tentent l’harmonisation fiscale, la dénonciation des
paradis et la remise en cause des secrets bancaires. Mais,
une telle gymnastique souffre de ses limites. Le Forum de
stabilité financière, le G20 n’en peuvent rien, sauf le constat
de l’échec. La souveraineté des Etat est mise à dure
épreuve par les épargnants qui choisissent de se cacher
dans les Offshore., firmes ou individus qui échappent à
toute règlementation.
Les paradis existent. Les multinationales et autres
investisseurs isolés s’échappent au contrôle et logent leurs
avoirs à l’abri. Les banques obéissent de temps en temps à
la transparence. Elles ouvrent les portes aux secrets
bancaires, mais d’une manière timide, malgré toutes les
dispositions envisagées, notamment par les membres de
l’Union européenne d’une manière collective ou séparée.
Les appels au bon sens, à l’intérêt national, appels lancés
par plusieurs dirigeants occidentaux n’arrivent pas à
convaincre les propriétaires de ces avoirs cachés dans les
paradis fiscaux. Des milliards d’argent dorment dans ces
niches. Les Etats perdent leur autonomie des politiques
fiscales ; la richesse créée s’évade et laisse des pans entiers
de la pauvreté.
Les pays démunis d’où sont tirés ces milliards (revenus des
investissements, transferts des dividendes, transferts des
intérêts et autres rémunérations) sont ainsi tenus de
s’endetter pour soutenir leurs programmes de
développement au moment où la richesse générée dans ces
pays prend la direction vers les paradis18. Il est aujourd’hui
admis que les pays à déficit recyclent les investissements
en profit des pays occidentaux et asiatiques. Les
rendements prennent trois directions : les paradis les places
financières fortes et le refinancement des grands groupes
firmes globales.
Au début de juin 2021, les membres de G7 (pays les plus
industrialisés), dans la réunion de Londres, ont pris la
résolution d’imposer une taxe d’au moins 15  % sur les
profits des multinationales, mais de la résolution à l’acte, il y
a des pas à franchir. Certains pays craignent que cette taxe
n’entraine des effets inattendus de la part des patrons qui
brassent des milliards des dollars par an. Les grandes places
financières (Londres, New York, etc.), craignent que cette
taxe n’entraine un manque à gagner pour ces pays
d’accueil.
2.3. La dictature du dollar américain
Il y a des devises fortes  : le yen, le yuan, l’euro, la livre
sterling, le Fr suisse, le rouble, etc., ces monnaies ne se
rivalisent pas sur les places financières. Le rôle du dollar
comme monnaie de référence internationale fut décidé à
Bretton Woods lors de la mise en œuvre du système du
change fixe. Durant plus de 30 ans glorieux, la monnaie
américaine a assumé son pouvoir de monnaie des réserves,
des transactions commerciales et financières du fait de sa
valeur refuge et de sa fixité par rapport à l’or monétaire de
l’époque.
Depuis la décision de Nixon en 1971, le taux fixe fut
abandonné à cause de la dévaluation du dollar19. En 1976,
l’accord de Kingston a donné la voie à des choix pour
chaque pays de fixer le régime de change. On a cru à
l’époque que c’était la fin de la dictature du dollar. Car, les
pays allaient alors gouter l’indépendance en matière de
politique monétaire. La décision unilatérale de Nixon
résultait de la perte de valeur de cette monnaie qui avait,
cependant un double rôle : assurer les transactions internes
(américaines) et externes (reste du monde). Nombreux pays
détenteurs des réserves en dollars ont subi des pertes. Car,
la règle de taux fixe du dollar par rapport à l’or monétaire
n’était plus appliquée.
On espérait désormais que les Etats allaient, chacun,
accorder l’importance au régime de convertibilité de leurs
propres monnaies en vue de faciliter les échanges et autres
transactions internationaux. C’était une erreur de jugement.
Car, malgré tout, la devise américaine assume encore un
rôle majeur dans les mouvements des capitaux et le
commerce international, avec des conséquences
collatérales. Quand la Fed (la banque centrale des Etats-
Unis) tousse, optant pour tel ou tel instrument de sa
politique monétaire, principalement la manipulation du taux
d’intérêt, les autres banques occidentales et asiatiques ainsi
que les marchés boursiers trémoussent.
La baisse de taux ou la hausse de taux directeur décidée
par la Fed fait réagir les autres banques. Pourtant, la
tentative de création du système monétaire européen au
début des années 70 avait pour but de disposer d’une zone
souveraine qui échapperait aux caprices de la zone dollar.
Mais la globalisation financière aujourd’hui a affaibli
l’autonomie de la zone euro. Et aujourd’hui, l’euro constitue
une nouvelle zone monétaire qui regroupe plusieurs pays
membres, mais cette monnaie n’arrive non plus à assurer le
rôle de monnaie de référence et des réserves au niveau
mondial qui concurrence le dollar. Elle assure 61  % des
facturations des exportations dans la zone et conserve un
rôle sur le marché mondial des réserves à raison de plus ou
moins 20 %.
Le poids du dollar est estimé à ± 60 % de la demande totale
des devises sur les marchés monétaires et financiers au
moment où l’économie américaine est talonnée par les
Etats émergents20 L’Euro occupe la seconde position. Tandis
que le Yen et le Yuan attirent timidement les investisseurs
sur les marchés financiers. Certaines monnaies nationales,
au taux de change fixe ou flottant, sont inconvertibles sur le
marché mondial.21 Par ailleurs, les monnaies faibles
arrimées au dollar sont entrainées dans les choix de la Fed.
Ce qui suppose que la manipulation des taux d’intérêt
directeur dans ces petites économies extraverties peut n’est
pas avoir un effet d’intercommunication avec les taux du
marché. Nous l’avons déjà souligné, de l’avis des plusieurs
auteurs, les taux d’intérêt dépendent de : de la maturité du
prêt, du type d’emprunteurs (ménages, institutions
financières, entreprises non financières, entités publiques)
ainsi que du type de prêteurs (banques centrales, banques
commerciales ou détenteurs d’obligations).
Le taux de refinancement ne peut avoir d’effet que dans le
cas où les banques le trouvent susceptible de générer les
gains à court terme. Dans le cas contraire, sa manipulation
(fausse ou baisse) n’entraine pas ipso facto l’engouement
des emprunteurs. Le taux en monnaie nationale peut
également éloigner les banques dans des pays où la
crédibilité de la monnaie locale est très négligeable.
2.4. Les effets de l’ancrage des autres monnaies
Cette dollarisation de l’économie globale pose le problème
lié à l’ancrage des autres monnaies et à son impact sur le
commerce et les mouvements de capitaux, ce en dépit des
techniques utilisées pour minimiser les risques (choix de la
monnaie de facturation, termaillage, clause d’indexation,
assurance. C. Pierre Sarton du Jonchay s’indigne à propos de
coût de la vente de cette monnaie, soulignant les effets de
seigneuriage. «  Les règlements financiers du commerce
international effectués pour l’essentiel en dollar et euro
rapportent aux États-Unis les frais de gestion de la masse
monétaire mondiale. En plus du prix de la liquidité
internationale, les pays émergents doivent subir le prix de la
dévaluation du dollar et de l’euro facturés sur des excédents
commerciaux automatiquement financés par un crédit
international qu’ils ne contrôlent pas »22. Sarton du Jonchay
souligne le fait que les gains des prêts en dollar ne
coïncident pas nécessairement avec les gains de
l’investissement.
Aussi, nous l’avons dit plus haut, la politique monétaire de
la Réserve Fédérale (Fed) influence grandement le
comportement des autres banques centrales et des
marchés financiers dans le monde.23 La manipulation des
taux d’intérêt décidée par la Fed entraine les réactions des
autres Banques centrales24. Quand la Fed tousse, les autres
banques centrales (régionales) s’émoussent. La BCE
surveille la Fed. Le geste de l’une qui peut froisser les
tendances du marché peut impliquer les grimaces, voire la
réciprocité de l’autre. Chacune observe les effets de toute
politique des taux d’intérêt. Car, la baisse du dollar entraine
l’effondrement des réserves détenues par les autres
banques. Sa hausse entraine également la chute des
monnaies nationales dont le dollar est la monnaie de
change par préférence.
Section 3. Les effets inattendus de la libéralisation
des capitaux
Autrement dit, la logique selon laquelle la libéralisation des
mouvements des capitaux aurait plusieurs avantages est
remise en question pour plusieurs raisons :
3.1. Le non lissage de la consommation
Les économistes estimaient au début que la libéralisation
permet d’emprunter lorsque les revenus sont faibles, et de
rembourser lorsqu’ils sont élevés  ; mais ces emprunts ne
s’effectuent plus comme prévus. Dans certains pays, durant
les crises, les banques centrales (nationales ou régionales)
s’assument comme intervenant en dernier ressort.
Cependant, dans d’autres pays, ces banques ne disposent
plus de pouvoir de création monétaire susceptible de
générer des prêts à l’économie nationale sans se heurter à
des mécanismes dits de «  fuite  ». Durant les crises la
gestion des risques entre en ligne de compte également.
Les créanciers avisés par les réactions des marchés donnent
la préférence à l’épargne. La consommation des probables
débiteurs en déficit de financement se réduit. Dès lors, il
n’est pas certains qu’à court ou à long terme, les revenus
de débiteurs s’améliorent et permettent le remboursement.
On a assisté au retrait des capitaux en Asie et en Amérique
Latine, lorsque la crise due au gonflement des dettes et à
des bilans négatifs des banques s’est manifesté. Par
ailleurs, des études (paradoxe de Lucas) attestent que ce
sont des épargnes internes qui ont été davantage
mobilisées dans ces deux régions, alors que les capitaux
étrangers prenaient la direction de retour vers l’Occident.
Lucas et Romer démontrent que le capital financier
n’immigre nécessairement pas de pays riches vers les pays
pauvres. Et s’il immigre, seuls quelques segments en sont
bénéficiaires. En fait, les flux et reflux forment un aller-
retour qui peut fausser les calculer de rentabilité des
prêteurs et des emprunteurs. Tout est lié aux risques de
rendement à court terme.
La technique de lissage de la consommation consiste donc à
d’emprunter à l’étranger pour atténuer les fluctuations du
cycle économique, éviter aux ménages et aux entreprises
de limiter leur consommation et leurs investissements et
accroitre davantage la demande intérieure, lorsque la
production et le revenu intérieurs ont chuté. Ici, on a ignoré
les calculs de ration dette/revenu. Lorsque les crises
surviennent, les emprunts externes deviennent aussi
difficiles. Chaque prêteur mesure les risques et restreint
l’ouverture des vannes. C’est ce qui est arrivé en Thaïlande,
au Brésil, au Mexique, en Russie, en Corée lorsque les
emprunts à court terme ont été la cause de déclenchement
de la crise dans ces pays émergents.
L’analyse faite par Uri Dadush, Dipak, Dasga Upta et Dilip
Ratha atteste que «  Les flux de capitaux à court terme
jouent un rôle pro-conjoncturel dans les pays en
développement ils augmentent pendant le cycle
d’accélération de la croissance et ils fléchissent lorsque la
croissance diminue. Des données portant sur 33 pays en
développement et sur la période 1986-98  montrent que
l’élasticité de la dette à court terme par rapport au PIB est
d’environ 0,9 lorsque le PIB subit un choc positif (défini
comme un taux de croissance supérieur d’un demi-écart
type ou plus à la croissance moyenne), mais qu’elle est
égale à 1,8 lorsqu’un choc négatif se produit, c’est-à-dire
lorsque la croissance du PIB est inférieure d’un demi-écart
type ou plus à la moyenne. Autrement dit, la dette à court
terme baisse deux fois plus vite en période de choc
défavorable qu’elle n’augmente en période de choc positif.
Par contre, l’analyse tend à indiquer que la dette à moyen et
à long terme pourrait présenter une faible réaction
anticyclique aux chocs subis par le PIB »25
Dans l’ensemble des pays d’Asie et d’Amérique latine,
l’entré des prêts représentait 43, 5  milliards de dollars.
Lorsque la crise s’est manifestée, il y a eu la sortie de
85 milliards. Diversifier les risques liés aux perturbations qui
menacent uniquement leur propre pays en empruntant à
l’étranger était présenté aussi comme un avantage. Mais la
volatilité des flux n’exclut pas la contagion des
perturbations.
3.2. La permanence des chocs de productivité
La libéralisation était aussi une voie de se prémunir contre
les coûts et les chocs de productivité négatives, en
investissant dans des filiales réparties dans plusieurs pays
de manière à garder la trajectoire de l’équilibre et de la
croissance. Si ces chocs peuvent être de court terme, c’est-
à-dire aléatoires, il est démontré que sur une longue période
ils deviennent permanents. Donc, les mouvements des
facteurs de production, notamment le capital libéralisé
peuvent être la cause de ce caractère permanent du fait de
la contagion toxique des chocs. Une crise systémique peut
affecter la productivité de facteurs ; cette crise ne peut pas
permettre aux investisseurs d’obtenir des taux de
rendement corrigés du risque plus élevés ; c’est possible, à
condition que des bourses ne se transmettent pas la
contagion des manipulations des taux d’intérêts d’un
marché à un autre. Or, la transmission est quasi assurée par
la connectivité des marchés malgré l’asymétrie de
l’information que l’on peut constater.
Donc, la libéralisation n’encourage pas l’épargne et
l’investissement propices à l’accélération de la croissance,
grâce aux taux de rendement positif  ; car, en dépit de cet
effet attendu, les récessions sont le propre du cycle
économique. Le rendement des placements est sujet à des
comportements inattendus des agents, quoique rationnels.
Leurs anticipations sur base des projections dans le futur
peuvent s’avérer inefficaces.
3.3. L’exclusion des pays «  outsiders  »  : les
économies africaines
Nous venons de le souligner plus haut et nous y revenons
encore. Parce que les agents à déficit de financement
seraient les premiers bénéficiaires de la mobilisation de
l’épargne des agents à excédent, il est naturel que le
marché de l’endettement leur soit ouvert. Mais est-ce d’une
manière intemporelle  ? L’accumulation des arriérés non
remboursés devient une contrainte. Le non remboursement
conduit parfois à renégocier les dettes ; c’est-à-dire, refixer
les conditions de remboursement, annuler une partie de
celles-ci, réduire les taux d’intérêt en faveur des débiteurs.
Le but est de diminuer les charges qui pèsent notamment
sur la création des richesses et déclencher l’effet levier.
Malgré tout, il est noté que nombreux débiteurs demeurent
vulnérables. L’annulation des dettes n’entrainent pas
nécessairement la fin de leur corvée. Ils empruntent et
empruntent toujours sous multiples conditions.
Ce degré de vulnérabilité, les conditions des prêts et
l’accumulation des arriérés demeurent la contrainte qui
pousse les investisseurs privés et publics à rationaliser leurs
placements. Dans ce cas, les économies faibles, marquées
par un important déficit de financement, en occurrence les
bénéficiaires de l’initiative Pays pauvres très endettés
évoluent en marge de déploiement de l’épargne sur le
marché mondial, en dépit de l’annulation de la majeure
partie de leurs dettes (publique) sous l’initiative des
institutions de Bretton Woods.
En 2004, lors du Forum tenu à Paris sur l’évaluation de
l’aide au développement, il a été aussi souligné que
nombreux bénéficiaires n’ont même pas la capacité
d’absorbation de l’aide. Certes, cette assertion peut être
relativisée, mais toujours est-il que certains demandeurs de
l’aide n’ont pas réellement la capacité de proposer des
projets porteurs. Il s’agit là de question de la qualité et de
son efficacité qui doit être dissociée de celle du volume.
Ceci suggère que le volume de l’aide ou de prêt reçu, ne
concorde pas nécessairement avec les résultats attendus.
Le marché des prêts internationaux sert davantage aux
préteurs.
Souvent, les petites économies non diversifiées absorbent
des aides au développement dans des secteurs
traditionnels  : mines, bois, agriculture de rente, mais des
aides qui n’apportent pas des gains substantiels. L’aide à la
diversification industrielle demeure un slogan. Les
demandeurs font semblant d’ignorer que les investisseurs
privés ou privés choisissent les marchés d’investissement à
l’étranger en fonction de leur productivité (gain attendu).
Ces marchés financiers étant connectés à l’économie réelle,
là où l’offre et la demande des biens et des services sont
dynamiques, il s’en suit un marché financier intense  :
transfert des fonds, multiplication des portefeuilles
d’investissements, crédits commerciaux, crédits à la
consommation, échange des titres interbancaires,
mobilisation de l’épargne privée, formation des marchés
boursiers, aide au développement, etc. L’information qui
circule à propos de ces flux et reflux se forme à travers
l’espace globalisé et permet aux investisseurs de multiplier
la participation (actions et obligations) sur les marchés
secondaires et tertiaires. En d’autres mots, la
marginalisation des pays pauvres est le fait de leur
incapacité interne à attirer les mouvements des capitaux
d’une part, et de l’autre, du fait qu’ils ont toujours cru que
l’aide développe. Une grande illusion.
Cette incapacité se traduit par  : la sécheresse des devises,
le déficit structurel commercial, la faible mobilisation de
l’épargne nationale (presque’ inexistante dans d’autres
pays), le taux des crédits nul par rapport au PIB, obstacles
administratifs à la libéralisation des capitaux, contrôle de
change, faible pouvoir d’achat (revenu par tête en dessous
du seuil de la pauvreté). Tant que les capacités internes
d’absorption de l’investissement privé sont absentes, les
aides publiques bilatérales ou multilatérales ne peuvent
générer les conditions permissives.
En bref, l’emprunt à l’étranger suppose un coût de
l’endettement qui peut à la longue limiter le niveau de la
consommation future  ; on n’est pas rassuré de niveau des
revenus de demain, niveau qui serait lié aux effets levier de
l’emprunt. Les risques sur le marché monétaire interne se
transmettent aujourd’hui (effet de contagion) vers les autres
marchés externes. En investissant dans des filiales réparties
à travers le reste du monde, il n’est pas certain de rapatrier
les profits tirés. Cet investissement direct étranger peut
aussi être confronté aux chocs exogènes dans les pays
hôtes. La recherche des taux de rendement positif à tout
prix, accélère la spéculation et la volatilité des flux
financiers.
Section 4. Le retour des instruments discrétionnaires
Alors qu’elles étaient emballées dans l’ultra-libéralisme de
Milton, les banques centrales se sont rendu compte que leur
rôle d’intervenant en dernier ressort ne tenait plus, tant que
les principes élaborés jadis n’assurent pas
l’intercommunication. Non seulement Keynes est ressuscité
durant les crises, mais aussi, une approche dite non
conventionnelle de gestion des crises a vu jour  ; celle-ci
ayant vu jour au Japon, elle est devenue la nouvelle règle de
jeu permettant à des banques centrales de se donner une
large liberté de gestion des marchés financiers nationaux,
faisant fi à toutes les théories classiques libérales ou
keynésiennes.
4.1. Est-ce le « naufrage de Milton » ?
Keynes a prôné en son temps, la discrétion de l’autorité
monétaire en matière des choix des instruments de
politique monétaire. Les libéraux ont critiqué cette
discrétion en attribuant les distorsions du marché au
pouvoir public. La main invisible était évoquée. Mais les
instruments classiques guidant la main invisible ont aussi
démontré les limites que nous avons évoquées plus haut. En
effet, plusieurs instruments de politique conjoncturelle, à
savoir  : le contrôle des déficits budgétaires, le contrôle des
taux d’intérêts, le ciblage de l’inflation, le taux des réserves
obligatoires, le protectionnisme défensif, l’encouragement
des exportations, etc., n’ont pas permis de rétablir
l’équilibre des fondamentaux. Depuis ce constat de l’échec
de régulation automatique et celle de la rigueur inspirée par
les institutions financières internationales, notamment le
FMI, les Etats occidentaux, y compris le Japon ont tenté ce
qui était inimaginable durant des années, à savoir  : le
recours à la politique monétaire non conventionnelle
consistant au rachat des titres toxiques, à l’octroi des
crédits à des taux négatifs et au maquillage des bilans des
banques pour relancer leurs économies durement
touchées26.
Bref, l’interventionnisme keynésien a revu jour mais sous
une autre forme : injecter l’argent frai par la reprise en main
des marchés financiers en crise et octroyer des capitaux aux
canards boiteux, avec encadrement, de manière à relancer
l’offre et en même temps la demande (allocations aux
ménages touchés par la perte de l’emploi).

4.2. L’usage de nouveaux instruments non


conventionnels
Ces nouveaux instruments jamais imaginés et traduisant les
failles des politiques classiques sont entrés dans la panoplie
des pouvoirs que les Etats et les banques centrales se sont
donnés en vue de relancer leurs économies au cours de la
crise de 2007/2008. Il s’agit de a) l’application des taux
d’intérêt négatif, b) de l’achat des titres toxiques (dettes
privées) pour de gonflement des bilans des banques
centrales, c) de l’achat des dettes publiques sur le marché
financier, d) de l’annonce d’avance de la politique
monétaire future en vue d’influencer le comportement
rationnel des marchés financiers, e) de la pratique de
«  hélicoptère money  » par la création monétaire (monnaie
matérielle) en faveur des manages.
Ce qui signifie que les interventions classiques sont
devenues, non pas caduques à tout point de vue, mais
plutôt insuffisantes par rapport au pouvoir dont s’est sont
dotés les marchés financiers globalisés échappant aux
autorités de régulation. Une part importante de ces flux
financiers est entretenue hors circuit interbancaire. Ceci est
le fait de la désintermédiation et de la corrélation des
marchés avec les nouvelles technologies de l’information et
de communication. Même si ces instruments sont
susceptibles de provoquer l’inflation, ils ont eu un succès
dans certains pays occidentaux pour juguler les crises des
marchés. Le Japon, les Etats Unis, l’Union Européenne ont
recouru à cette politique tout en veillant aux tensions
inflationnistes.
Dans d’autres pays, par contre, les marchés étant étroites,
le recours à des taux débiteurs «  zéros  », l’achat des titres
toxiques par les banques centrales, le rachat des dettes
publiques sur le marché interbancaire, etc., ne peuvent se
réaliser. Dans ces pays, seuls les instruments classiques
demeurent d’usage en dépit de la gravité des crises qui y
naissent.
4.3. Les avantages escomptés à travers les nouveaux
intruments
Un collectif des auteurs (Jézabel Couppey-Soubeyran, Fabien
Tripier Anne Châteauneuf-Malclès) souligne le fait qu’à la
longue, «  des taux d’intérêts faibles visent à stimuler des
investissements, mais ils peuvent dans le même temps
favoriser la formation de bulles spéculatives à cause de
faiblesse du coût de la dette. Cela pose également la
question de la rentabilité des banques et des assurances qui
ont plus de difficultés à dégager une marge d’intérêts dans
ce contexte de taux bas et de courbe de taux aplatie (faible
écart entre taux longs et taux courts)  »27. On note qu’en
dépit de la crise de 2008 les signaux d’une nouvelle bulle
spéculative ne cessent d’inquiéter les observateurs. Les
banques qui se sont redressées ont repris l’habitude
d’accorder trop de crédits  ; les ménages et les entreprises
s’endettent, les précautions ne sont pas encore au rendez-
vous. Les marchés financiers côtoient ainsi la folie des
prêteurs dans des pays à excédents de financement. Donc,
la banque centrale assume finalement son rôle de
régulateur sans contrainte.
Section 5. De la finance globalisée à la remise en
question des théories des gains réciproques à
l’échange
Les marchés financiers constituent, certes, une sphère de
plus en plus déconnectée de l’économie réelle. Les flux
issus des investissements capitaux croissent vite que les
flux des échanges de biens et des services. Néanmoins, des
liens entre les deux économies demeurent. Le marché
financier alimente le marché des biens et des services. On
ne produit pas sans recours aux capitaux. Ce sont les
firmes, les ménages et les entreprises qui alimentent le
marché des capitaux. Les transactions au niveau secondaire
et tertiaire (produits dérivés) finissent à court ou à long
terme par alimenter les investisseurs (firmes de production).
Ces firmes multinationales agissant au niveau de deux
sphères de l’économie, adoptent un nouveau processus de
déploiement global qui réduit les avantages comparatifs
calculés jadis en les estimant sur une base territoriale
classique (commerce entre les Etats).
5.1. La remise en question des théories de gains
réciproques
D’un marché à l’autre, le paysage perturbé se ressemble.
Les échanges, jadis, considérés comme source des
avantages réciproques, ne le sont plus, tout à fait. Un des
objectifs de la politique monétaire est la relance de
l’économie par la stabilité des prix et des taux de change,
mais aussi par la manipulation des taux des prêts et le
contrôle de change. Cependant, la globalisation s’étendant
au commerce des biens et des services, il y a lieu
d’admettre aujourd’hui que la vieille connaissance sur la
réciprocité des gains à l’échange n’est plus de mise.
L’autonomie des politiques de relance pour des petites
économies ouvertes (extravertie) ne tient plus débout. Si le
recours à tel ou tel instrument de politique monétaire
(ciblage de l’inflation, contrôle de change, baisse du taux
d’intérêt) a pour but de stimuler les échanges, selon les
classiques, eh bien, ce n’est plus le cas, surtout dans des
économies périphériques extraverties.

5.2. Ce que pensaient les classiques et les


néoclassiques
Smith, Ricardo, Samuelson, Krugam, Baumol, Posner,
Vernon, Bagwathi, etc., des auteurs de la théorie de
l’échange (classiques et ceux de la nouvelle théorie)
n’avaient cessé d’affirmer le fait que le commerce extérieur
apporte aux Etats un avantage réciproque, soit par les couts
relatifs, soit par la dotation factorielle, soit par la
différenciation des produits et les économies d’échelle ou
encore par l’innovation technologique. Un conseil était
donné à tous les pays qui veulent gagner dans le commerce
de recourir à ces facteurs des échanges entre les nations.
Mais, le commerce international, bien que comptabilisé dans
la balance de chaque participant (Etat), il est davantage le
fruit des échanges entre acteurs non étatiques
(microéconomie). Les nouvelles théories développent cet
aspect.
Dans le cas des petits pays à économie ouverte, il leur était
conseillé d’exporter, de diversifier horizontalement et
verticalement ces exportations, d’innover et d’éviter le
protectionnisme défensif, de profiter de leurs dotations
factorielles naturelles et de coût de la main-œuvre très bas ;
car, les échanges procurent le surplus des revenus. Ce qui
suggère que les pays exportations auraient comme
avantage de résoudre des problèmes de déficit courant  ;
tant que leurs balances sont excédentaires, ils auraient
également moins de problèmes financiers, car, l’épargne
sert à investir demain. Et même si les balances courantes
sont momentanément déficitaires, elles finissent par
s’équilibrer du fait de la spécialisation des échanges et du
fait des investissements directs étrangers dans des pays où
la maitrise des facteurs de production attire les firmes. Le
surplus dû aux échanges évite l’endettement et permet
l’accumulation de l’épargne. La sécheresse des liquidités ne
se poserait plus !
Les pertes que l’on peut enregistrer aujourd’hui ne peuvent
être de longue durée, car, la réciprocité des gains finit par
apparaitre. Donc, si l’on perd aujourd’hui, demain on gagne
en innovant ! Si les pertes concernent les échanges avec tel
ou tel partenaire, dans tel ou tel secteur, on gagnerait avec
tel partenaire et dans la vente diversifiée des biens et des
services. Samuelson a théorisé sur l’égalisation des revenus
des facteurs dans le cadre de dotation factorielle naturelle.
Les pays exportateurs des produits de base finiraient par
atteindre un niveau d’égalisation des revenus des facteurs :
capital et travail. Nous allons pas examiner cette théorie qui
connue de tous.
5.3. Le libre-échange  : un «  paradigme en situation
d’inconfort »
L’expression « d’inconfort » n’est pas nôtre, elle est d’Henri
Bourguinat28. La guerre commerciale, la multiplication des
litiges, le recours à des rétorsions, la pratique du
protectionnisme dans tous ses sens, démontrent que cette
théorie des gains réciproques ne tient plus débout. Certains
pays, mêmes les plus industrialisés, à l’instar des Etats Unis,
enregistrent des déficits chroniques des balances courantes
à cause de la perte de leur compétitivité/prix et même de la
compétitivité structurelle. Bourguinat insiste  : «  Chacun
connaît la fécondité du modèle du libre-échange.
Cependant, comme l’a montré récemment (2003) J.-A.
Samuelson lui-même, le principe des coûts comparatifs
(Théorème Ricardo-Mill) se heurte à certaines difficultés si,
dans le cas de deux pays comme la Chine et les États-Unis,
le premier rattrape rapidement son retard technique dans
ce qui était à l’origine le bien de spécialisation du second.
La nouvelle théorie de l’échange international (économies
d’échelle et différenciation de la demande) elle-même
n’échappe pas au questionnement lié à la globalisation ».29
A titre d’illustration, deux faits majeurs méritent l’attention,
car, ils donnent à priori l’image de réussite de l’ordre de
Bretton Woods (le libéralisme et la lutte contre le
protectionnisme défensif), l’ordre sur lequel repose les
règles de l’OMC. Mais, pourtant, il ne s’agit que d’une
illusion. La libéralisation du commerce des services
(invisibles) et la montée en puissance des nouveaux Etats
dans les échanges peuvent être inscrits au chapitre des
succès de la globalisation et justifier la réussite de principe
de libre échange. Il est vrai, la signature de l’Accord Général
sur le commerce des services et l’élargissement du champ
d’application des secteurs jadis non concernés par la
libéralisation, à savoir  : l’agriculture, les textiles et les
investissements directs liés aux échanges marquent le
renouveau dans les attributions de l’OMC.
Par ailleurs, l’émergence des économies jadis en
développement, l’émergence qui résulte des efforts
entrepris durant des années en vue de briser les barrières
au commerce et à la libre circulation des biens et des
capitaux, peut être vue aussi comme une réussite de
l’ouverture des marchés. Ce qui laisse penser sans doute à
l’avènement de triomphe des principes qui fondement
l’intérêt des Institutions de Bretton Woods. L’ouverture des
frontières est dès lors jugée comme la preuve de la
compétitivité, de l’innovation, de la croissance, de
l’égalisation des cotisations sociales et du bien-être. Mais,
ce fait ne doit pas être généralisé. La monté des nouveaux
acteurs dans les échanges n’est pas un saut miraculeux.
C’est le fruit d’abord de la solidité de l’économie nationale
qui pousse les Etats à affronter le marché international.
5.4. Les preuves de l’inconfort
Si quelques résultats liés au libre-échange peuvent être vus
comme aboutissement d’une trajectoire heureuse de
l’homogénéisation des marchés, il y a lieu de souligner aussi
les limites de la thèse qui fonde le pourquoi de ce
libéralisme. L’actuelle extension des champs d’intervention
des institutions de Breton Woods, auxquelles s’ajoute l’OMC
est timide et sans grande importance. La globalisation qui la
caractérise à un caractère négatif, à savoir : l’hétérogénéité
et l’inégalité croissantes des économies. Ce n’était pas
l’idée qui avait milité lors de la création de ces institutions.
On est en train d’aboutir à un résultat contrasté. Dans une
analyse, Hugon Phillipe fait voir que l’homogénéisation des
marchés, telle que pensée jadis était un mythe sur plusieurs
plans  : démographique, financier, industriel, commercial,
culturel.
On a cru que le capitalisme triomphant conduit les nations à
l’égalisation des conditions de vie. Or, elle laisse certaines
sur le pavé, bouleverse la hiérarchie des puissances et
entraine des distorsions (instabilité) cycliques, en dépit des
résiliences que l’on peut noter ici et là. Toutes les prévisions
imaginées par les formules économétriques deviennent
hasardeuses. Elles (formules) ne sont plus à même
d’attester avec exactitude les hypothèses qui, du point de
vue macroéconomique, étaient avancées par les courants
des pensés néolibérales à propos de la supposée stabilité
des économies dans l’après-guerre. Comment réguler la
concurrence dans ce paysage trouble  ? Les cycles
économiques (récession, reprise, crise, stagflation) se
succèdent et défient l’anticipation. L’optimisme s’efface et
le pessimisme s’installe. Les deux donnent lieu à des
théories et à leur expérimentation sans fin. Les recherches
foisonnent avec leurs contradictions30.
Il est aujourd’hui impossible de prédire à long terme, un
monde merveilleux où les agents économiques tireraient
des avantages réciproques. Les prévisions des économistes
classiques, fondées principalement sur les aspects
macroéconomiques sont devenues avec le temps,
contestables. Pour preuve  : la très forte différenciation des
taux de profitabilité issue de cet ordre de Bretton Woods,
lesquels taux dénotent les écarts des gains accumulés par
les nations.
Le capitalisme hiérarchisé, avec forte différenciation des
avantages s’est affirmé. Sur ce plan financier, nous l’avons
déjà évoqué, Hugon remarque que «  la vitesse de rotation
des capitaux l’emporte sur l’internationalisation du capital
ou sur l’intégration financière croissante mesurée par l’écart
entre les taux d’épargne et d’investissement nationaux ».31
Cet investissement international, nous l’avons souligné, est
à géométrie variable. Tantôt, il dure, se solidifie avec
ancrage, tantôt il bascule, très volatile et versatile.
De même, sur le plan des échanges, la nouvelle économie
internationale atteste des résultats inattendus, même par
ceux qui croyaient aux vertus des théories libérales de
l’échange. La concurrence (imparfaite), les économies
d’échelle, la dotation factorielle abondante, l’innovation
technologique, la proximité économique (similitude) et
géographique, le commerce des variétés, etc., ne suffisent
plus pour expliquer le pourquoi de la spécialisation. Certains
Etats, jadis tirant des meilleurs avantages sont devenus
perdants. Ces pertes les placent face à un dilemme  : se
protéger contre la monté de la concurrence ou s’exposer au
déclin de leurs puissances, déclin dû à l’extraversion accrue
de leurs économies, laquelle est sans doute le résultat de la
libéralisation. Les lignes de la spécialisation ou des couts
comparatifs se dessinent, selon Bouguinat, au niveau global
et non national. Les investissements directs étrangers des
filiales effacent la fracture entre marchés de production et
de demande. La délocalisation affecte l’idée de dotation
factorielle. Les sources de ces facteurs sont
déterritorialisées.
Les gains à l’échanges, bien que comptabilisés au niveau de
la balance courante d’un pays, la dynamique de ces gains
(flux et reflux) due au décloisonnement des capitaux sont
repartis dans le circuit financier des maisons mères et leurs
filiales. Il n’existe plus des sociétés orientées vers
l’import/export qui transfèrent totalement leurs recettes
dans les pays d’origine. Les gains, mêmes inscrits dans la
balance des paiements, il faut retenir qu’il s’agit des
données statistiques qui n’ont comme signification que la
comparaison entre les Etats. La théorie de monopole
contestable (économie d’échelle) serait peut-être la mieux
outillée pour expliquer cette possibilité de gains pour les
uns et des pertes pour les autres.
Dans les lignes qui suivent, nous explicitons deux échecs  :
l’illusion de la libéralisation des services et le déclin des
avantages réciproques.
5.4.1. L’illusion de spécialisation dans l’échange des
invisibles
Ce commerce des services n’est pas théorisé comme c’est
le cas de celui des échanges des biens. C’est avec retard
que l’OMC aborde le secteur, mais timidement. Il en découle
l’illusion de tirer les gains réciproques, surtout pour les
économies périphériques.
L’illusion se fait lire à deux niveaux  : la libéralisation des
invisibles et des marchés financiers est incomplète, timide
et vacillant à petits pas entre hésitation et prudence. On ne
saisit pas lire les invisibles, dit-on. Certains services aux
entreprises sont des produits physiques. Théoriquement, le
commerce des invisibles ne répond pas aux différentes
approches des gains à la spécialisation défendue depuis
Smith jusqu’aux nouvelles théories du commerce
internationale (Krugman). L’Accord général sur les services,
tel qu’il est conçu par le biais de l’OMC est un mythe.
Depuis 1948, le GATT a assumé le rôle de libéralisation des
échanges. Plusieurs négociations se sont tenues et ont
permis l’expansion du commerce. Durant des années, les
idées reçues faisaient de ce principe de libre échange, le
moteur de la croissance, de l’efficience, de l’innovation et
du bien-être, de la création de l’emploi et de l’amélioration
des revenus. Il était ainsi présenté comme la source de
l’amélioration de l’offre variée des produits, de la réduction
des coûts et de l’accroissement du PIB. Si ceci est vrai, eu
égard au développement des rapports commerciaux avec le
reste du monde, admettons également que les théories de
l’échange (classiques et nouvelles) qui ont justifié les
accords sous le GATT ont été imaginées en fonction du
commerce des biens. Même la nouvelle théorie du
commerce des variétés (Krugman) n’aborde pas le champ
de l’échange des invisibles (à moins de l’extrapoler).
Durant les trente glorieuses, les échanges des services sont
restés négligeables. Mais, au fur et à mesure que le secteur
a pris une part importante, si on y ajoute les flux financiers,
on se trouve devant un vide théorique.32 Quels sont les
facteurs qui justifient la spécialisation dans ce secteur ? Les
atouts dont dispose le producteur  ? Celui-ci est-il compris
comme fournisseur en même temps  ? Un producteur des
moyens de transports  : bateau, avion, train, camion,
participe dans la chaine du commerce des services. Mais,
qui gagne plus entre le producteur (fournisseur de ces
moyens) et l’exploitant de ces biens (catégorisé dans le
secteur des fournisseurs des services) ? Le débat en ce qui
concerne la définition de service par rapport au bien, est
loin d’être clos  ; il divise les auteurs (Banga (2005), Hill
(1977), Glovannini et Cave (2005), Bhagwati (1987), Van
Welsum (2003). Damien Broussole y consacre une étude
intéressante et fait remarquer à ce propos que toute activité
immatérielle non reconnue comme appartenant à l’industrie
ou à l’agriculture était rattachée au secteur des services. Et
aujourd’hui, le développement des technologies de la
communication et de l’information a aggravé cet état de
fait, faisant apparaître de nouvelles difficultés. Leur
développement a eu, d’un côté, la tendance à affaiblir le
lien entre consommateurs et producteurs et, de l’autre, il a
permis la dématérialisation de certains produits, leur
conférant alors l’apparence de services.
La classification de l’OMC ne parait pas résoudre le
problème du fait que l’Accord général conclu entre les
membres distingue quatre catégories en fonction du lieu où
fournisseur et demandeur sont localisés, à savoir :
a) la provenance du territoire d’un membre et la destination
du territoire de tout autre membre (commerce
transfrontières),
b) le territoire d’un membre à l’intention d’un
consommateur de services de tout autre membre
(consommation à l’étranger),
c) le fournisseur de services d’un membre, grâce à une
présence commerciale sur le territoire de tout autre membre
(présence commerciale),
d) le fournisseur de services d’un membre, grâce à la
présence de personnes physiques d’un membre sur le
territoire de tout autre membre (présence de personnes
physiques).
Loin de répondre aux attentes, cette classification ne définit
pas ce qu’est un service, en réalité. Elle tient compte
uniquement de la nécessité de savoir à partir de quel
moment un échange de service est effectué. Ayant examiné
différents secteurs et sous-secteurs qui peuvent être
dégagés de ces 4 catégorises, Damien Broussolle, remarque
qu’il est pratiquement difficile d’imaginer la
comptabilisation des tels échanges dans la balance
commerciale des Etats33. Se référant à Fiekele (1995),
Marrewijk et al. (2001), Banga (2005), (Fiekele (1995),
Marrewijk et al. (2001), Banga (2005), il souligne que la non-
stockabilité des invisibles constitue un handicap important :
«  L’interprétation traditionnelle en déduit que l’étape finale
de la production doit se réaliser localement et qu’en
conséquence les services peuvent rarement pratiquer le
commerce au sens traditionnel, c’est-à-dire transfrontière.
Plutôt que le service, ce sont alors les producteurs ou les
consommateurs qui doivent se déplacer.34 De ce fait,
pendant longtemps la réflexion économique a considéré la
plupart des services comme fondamentalement non
échangeables.35 Ce qui veut dire en fait ce commerce est
souterrain, invisible, non saisissable.

5.4.2. L’analyse des cas


Les conséquences sont telles que la lecture des données
relatives aux échanges peut induit en erreur. Une étude
menée par le FMI atteste à ce sujet que de 1990 à 2014,
«  les États-Unis sont le premier exportateur de services,
mais leur importance diminue nettement. Par contre, la
Chine, bien qu’elle soit surtout exportatrice des biens, elle
est également classée cinquième en 2014. L’Inde, réputée
pour ses exportations de services de BPO (externalisation
des processus d’affaires)36 et de services de support dans la
finance et la médecine, fait maintenant partie des dix
premiers pays  ; sa part ayant triplé pour atteindre plus de
3 % des exportations de services dans le monde entre 2000
et 2013. La Thaïlande, le Brésil, l’Indonésie et l’Égypte font
partie des 30 premiers pays et progressent rapidement ».37
Si les pays occidentaux : Etats Unis, Allemagne, Angleterre,
France occupent le premier rang, ils sont rejoints par les
deux géants asiatiques (la Chine et l’Inde) et les autres pays
émergents.
Mais, un peu de retenu. Ces données ne concernent que
quelques services liés principalement aux échanges des
biens, au transport, au tourisme, à la restauration, au
voyage et à l’assurance. Par contre, la santé, la formation,
l’innovation technologique, l’informatique, l’internet,
l’assistance juridique, la construction, etc., sont difficiles à
être saisis (comptabilisés). Dès lors, on peut se trouver
devant une situation où les Etats Unis, le Japon, la Corée du
Sud, l’Allemagne, les Pays Bas, l’Angleterre, etc., occupent
encore une place prépondérante dans la production et la
fourniture des nouveaux services liés à la haute technologie,
alors que les nouveaux pays cités ci-dessus, ne maitrisent
que quelques sous-secteurs.
Les études menées par différents auteurs (Brown et Stem,
2001), Dee et Hanslow (2001), Koran Et Maskus (2006),
Jensen, Rutherford et Tarr (2001) ont essentiellement porté
sur des services aux entreprises et aux flux des
investissements directs. Les facteurs de spécialisations qui
ont été retenus sont  : la différenciation des produits, la
concurrence monopolistique, l’économie d’échelle ou la
productivité endogène. Mais, les vérifications empiriques de
ces approches ne peuvent être concluantes dès lors qu’on
peut les tester sur d’ensemble des 4  modes d’échange
retenus par l’OMC.

5.5. La résurgence de protectionnisme défensif


On a eu tort de croire que protéger son territoire contre le
libre-échange était un signe de crainte de compétitivité pour
les faibles. Or, il est naturel que les Etats, dans leurs
échanges, enregistrent tantôt les pertes, tantôt les gains.
Rien d’anormale. Mais lorsque les pertes se succèdent,
l’inquiétude s’installe et dénote les problèmes structurels.
C’est le cas de ce qui se passe dans les échanges entre les
Etats Unis et le reste du monde aujourd’hui. Être grande
puissance commerciale signifie que les bénéfices de la
spécialisation et de la diversification permettent à l’Etat de
réaliser des gains plus importants et de laisser ses portes
ouvertes à la concurrence. Les autres partenaires étant
généralement très peu performants. Ils peuvent pénétrer le
marché de la puissante nation sans toutefois renverser la
nature des gains  ! Peine perdue, car, le marché mondial
devient marché contestable. Les petits exportateurs
peuvent maitriser les couts (délocalisation et travail à bas
salaire, subventions financières, allégement fiscal,
innovation technologique, dumping etc.) et réaliser les
économies d’échelle. Dès lors le marché dominé par les
firmes monopolistiques s’expose à la concurrence. Tant que
les petites firmes améliorent les conditions d’accès, elles
exploitent les segments porteurs et réalisent les gains.
Le pays de TRUMP (Président à l’époque) et de Joe Biden
(aujourd’hui) enregistre depuis des années des déficits
chroniques de la balance courante. Le choix de retour au
protectionnisme se justifie et sonne le glas des années
glorieuses où l’ouverture des portes aux exportations du
reste du monde était qualifiée de bénévolat en faveur des
Etats “suiveurs”. Fini cette guette de stabilité qui consistait
à pratiquer la providence en ouvrant les marchés en faveur
des Etats désireux de participer au libre-échange. Vive la
coercition (sanction économique). Joe Biden poursuivra la
guerre commerciale entamée par ses prédécesseurs. Même
si les portes fermées se desserrent tout petit peu, il ne
s’agira pas d’une ouverture totale, mais cas par cas en
mesurant les effets.
Donc, le protectionnisme est un fait qui marque l’histoire du
capitalisme. Il peut s’atténuer et surgir par la suite. Il est
admis par l’OMC lorsque les raisons l’imposent. Qui dit libre
marché sous-entend aussi la protection des marchés. C’est
normal qu’on assiste aujourd’hui à une guerre entre les
tenants des accords multilatéraux selon la logique des
institutions de Bretton Woods (Consensus de Washington) et
les tenants de bilatéralisme, une sorte des arrangements
préférentiels non généralisés. Cette tendance est un retour
à des pratiques historiques. A chaque moment des crises,
les Etats saisissent en mains leurs armes défensives contre
le libéralisme. Souvenons-nous que dès la fin de la période
du mercantilisme, les auteurs britanniques sont les premiers
à démontrer (les théories et les pratiques) les avantages de
libre-échange. La Grande Bretagne ouvre alors ses portes
vers 1820 et accroit les échanges entre les Etats de
l’époque. Elle est la puissante nation qui contrôle les
marchés, exporte et gagne. La pax Britannica va dès lors
régenter durant une longue période les relations
économiques internationales, de 1820 jusqu’au moment où
l’effondrement des marchés financiers (la montée en
puissance des autres nations disputant la place à
l’hégémonie britannique). Ce fut le cas avec la Grèce,
l’Espagne, la Hollande, la Flandre, le Portugal, etc.
Entre les deux guerres, les Etats Unis sont restés champion
de la protection de leur marché, à leurs tours, ce jusqu’au
crash boursier de New York. Ils ont évolué en vase clos,
comptant sur la solidité de leurs marchés intérieurs jusqu’à
la conclusion de l’ordre de Bretton Woods. L’après seconde
guerre a vu émerger la prospérité occidentale sous la
conduite des règles dictées par les accords de Bretton
Woods (les 30 glorieuses). Les champions ont ouvert les
barrières, d’autant plus qu’ils étaient devant un fait
accompli  : demeurer la seule grande puissance
commerciale, misant sur les partenaires suiveurs. Car,
l’économie de l’Europe était essoufflée, presque ruinée. Les
accords visant à redresser l’économie du continent étaient
la seule voie qui a permis aux Etats Unis de tirer profit de
l’expansion au-delà du marché intérieur. Ils ont favorisé la
création du marché européen, et ont offert l’entrée sur leur
marché, sans réciprocité (théorie de stabilité hégémonique).
Pour rappel, Jean-Marc Daniel souligne ce que nous avons
dit plus haut  : l’histoire du protectionnisme est liée à
l’évolution des marchés. Elle accompagne les périodes
sombres marquées par la baisse des profits et
l’accroissement des déficits des balances commerciales. La
grande Bretagne qui fut la première à ouvrir ses portes, a
tiré profit de son expansion. Vers les années 1880, son
ascension a donné les signes de fatigue. Entre les deux
guerres, chaque pays a verrouillé ses frontières à cause de
la dépression qui a sonné le déclin de l’hégémonie
britannique. Le lendemain de la seconde guerre mondiale,
les Etats Unis, nouvelle puissance crient avec enthousiasme
et ouvrent les portes de leur marché. Les années Kennedy
marquent ainsi le véritable début du libéralise. Tandis qu’en
Europe la nécessité de l’intégration économique, à dater de
la création du marché commun, va signer le destin qui,
aujourd’hui, consacre la création de l’Union économique
avec un marché des 27 membres sans frontières38, mais un
marché où l’on enregistre aussi des grimaces à cause du
poids des institutions de Bruxelles qui se substituent aux
Etats Nations en matière des échanges (suppression des
barrières douanières).
Mais, depuis le début des années 70, la puissance
américaine tient au bout de file. Le déclin annoncé se
précise davantage à l’heure de globalisation. Clinton avait
déjà ouvert les portes des sanctions économiques, mais à
une moindre mesure. TRUMP a pris l’ambleur du déclin, il a
dès lors choisi le repli et le protectionnisme défensif pour
échapper aux assauts des Etats émergents, de l’Union
européenne, du Japon, du Mexique, et des nouveaux pays
industrialisés de l’Asie du Sud Est. Biden tente de revenir au
multilatéralisme. Mais, les barrières défensives restent vis-à-
vis du concurrent sérieux  : la Chine. Le jeu de la libre
concurrence est mis en ballottage, ce au nom du principe de
la sécurité nationale décidée depuis 1962 à travers la Trade
Expansion Act. Ce concept de sécurité a été réaffirmé en
1996 par la loi Helms-Burton et d’Amato-Kennedy de 1996,
sur l’extraterritorialité des sanctions économiques
s’appliquant aux opérateurs non américains impliqués sur le
territoire des Etats-Unis dans le cas où ils ne respectent pas
les règles de boycott ou d’embargo décidées par
Washington. Aujourd’hui, toutes les entreprises qui
entretiennent les échanges avec l’Iran : produits chimiques,
pétrole et énergie sont visées par ces sanctions39.
Ainsi, la sécurité américaine n’est plus comprise dans son
sens primaire, à savoir  : militaire  ; elle est commerciale et
industrielle. La perte des marchés due à la concurrence des
autres Etats est comprise dans la législation comme une
menace contre la sécurité économique. L’industrie est ainsi
protégée au même titre que le territoire et la population. Le
recours à cette disposition permet aux responsables de
cette nation de s’assurer contre toute accusation de
protectionnisme. L’OMC y souscrit et admet la dérogation40.
Sans être certain des gains que le protectionnisme
rapporterait, il est de retour dans les discussions
commerciales entre les Etats Unis et ses différents
partenaires. Et la perte des parts dans les échanges
commerciaux est jugée comme une menace contre la
sécurité des Etats Unis.

5.6. La rétorsion en guise de réponse


Le nombre des litiges portés devant l’OMC constitue la
preuve de recours à la coercition commerciale. Les accords
régionaux sont ainsi remis en cause. Les Etats Unis les
renient et exigent les renégociations avec le Canada, les
pays du Sud Est asiatique, le Mexique, ceux de l’Union
européenne, etc. Et même si Biden revient en arrière, il
attend également la même attitude de la part des
partenaires à qui il tend la main. C’est une manière de
construire une muraille contre la route de soie que la Chine
reprend avec différents partenaires.
Tournant le dos contre l’OMC, les Etats Unis ont bloqué
longtemps la nomination des nouveaux juges et retardé
leurs cotisations annuelles, pourtant estimées capitales
pour le fonctionnement de l’organisation. Ils négligent le fait
que cette imposition des taxes en milliards de dollars sur les
importations en provenance de la Chine, du Canada, du
Mexique et de l’Union Européenne entraine dans l’autre
sens les mesures de rétorsion qui ont un impact négatif sur
l’économie américaine41.
Le fait de restreindre les avantages des uns, on réduit les
siens  : importation à moindre coût, la qualité des produits
consommés, l’épargne des ménages, les taxes fiscales, etc.
Cette perte s’explique par la connexion des entreprises
importatrices avec les partenaires exportateurs.
Pourquoi cette crainte de la part des Etats-Unis  ? Il est
estimé qu’en 2050, la hiérarchie de la puissance
économique classera le pays (Etats Unis) au second rang
après la Chine, malgré ce protectionnisme défensif. Voilà la
cause de ce qu’on appelle : la guerre commerciale. Elle est
déjà présente entre les pays à potentialités fortes. L’Union
Européenne réplique aussi de temps en temps contre
l’agressivité commerciale américaine. Ses exportations de
viande, du lait, du vin, des véhicules, de l’aluminium, etc.,
étaient sur la liste des sanctions (restriction volontaire des
importations et montée des tarifs douaniers. Biden a
procédé à l’assouplissement. Mais, pour combien de temps
cette rupture avec la politique de Trump durera  ? Nous
ignorons ; car, le protectionnisme procède de la politique de
sécurité nationale des Etats-Unis.
A propos de la Chine, en dépit de cette coercition
américaine, elle marche surement vers le sommet de la
hiérarchie. Celle-ci, avec la route de soie en construction
prend le dessus et signe de nombreux accords commerciaux
qui s’inscrivent dans la logique de se constituer de
nouvelles zones régionales de coopération commerciale
bilatérale. Déjà lors de la crise en Grèce, en Irlande et en
Espagne, elle a sauvé le naufrage et a fourni une forte
liquidité dont ces économies en crise avaient besoin. C’est
aussi dans le même contexte qu’elle a acheté des bons du
trésor américain, au moment de la crise des surprimes.
Même si l’offensive américaine affecte des centaines des
milliards des exportations chinois (plus de 300 milliards), le
degré de la résilience ainsi que les mesures de rétorsion en
cours (accroissement des taxes sur les exportations
américaines) laisse penser que le géant asiatique ne sera
pas affecté totalement. Son marché intérieur et
l’amélioration du nouveau de revenu (pouvoir d’achat) sont
des garde-fous contre les attaques américaines.
Au cours de l’année 2019, elle a réalisé un excédent
commercial avec les Etats Unis en 2018 de de 17,2  %, soit
323,32  milliards de dollars (même si le recul a été très
marqué  : 13  % au cours de l’année 2018) et elle a
également intensifié ses échanges avec le reste du Monde.
Les taxes américaines peuvent avoir des répercussions sur
les prix et sur les investissements américains réalisés en
Chine. Mais, la manipulation du taux de change de Yuan
reste aussi une arme qui la protège contre cette hausse des
biens sur le marché américain. Jean Michel Chaponnière fait
remarquer à ce sujet que la réduction du déficit commercial
vis-à-vis de la Chine passe par l’examen sérieux de la
structure de la balance courante américaine, comprenant
aussi bien le niveau de l’épargne que celui des
investissements.42 Plus de 400 entreprises ont sollicité la
révision de ces sanctions, de même, nombreux fermiers
américains ont réalisé une perte des milliers des dollars.43
Les autres nouveaux pays industrialisés (émergents) sont
aussi dans le viseur. La Turquie, l’Iran, la Corée du Nord, et
même l’Ile de Cuba sont sur la liste des pays indésirables.
Toutes les entreprises occidentales qui entretiennent des
liens avec l’Iran sont menacées par TRUMP du fait qu’elles
utilisent le dollar comme monnaie des transactions. Ils
participent à une large échelle aux échanges et prennent de
plus en plus des parts dans le commerce des biens et des
services. Ils cessent d’être des importateurs nets des
capitaux et réalisent leurs excédents commerciaux. De ce
fait, TRUMP bloquerait leur accès à la devise américaine. Par
contre, les perdants (producteurs essentiels des matières
premières) enregistrent ce dernier temps, la chute des prix,
impliquant le recul de leur croissance tirée essentiellement
par ce secteur. Cette chute prolongée des prix des matières
premières explique en partie la perte des parts de l’Afrique
dans le commerce mondial qui représentent ± 2  % du
commerce mondial durant plus d’une décennie.44 Toute
hausse des prix de ces produits non transformés sur le
marché mondial n’est qu’un répit qui ne peut être
comptabilisé comme effet positif de la globalisation. Il s’agit
souvent d’un rebond dû à quelques facteurs dont une
brusque de demande mondiale mais passager.
5.7. Quelques leçons à tirer
Nicholas Kaldor avait, en son temps examiné le carré
« magique » qu’il a appelé ainsi à cause de la gymnastique
qu’il faut pour assurer l’équilibre entre croissance, plein
emploi, stabilité des prix et les comptes extérieurs. Cette
gymnastique devient encore plus délicate lorsque ces
agrégats sont marqués par des périodes des crises. Dans
cette section, nous démontrons comment les pays sont
passés des théories classiques au rationnement
discrétionnaire sans toutefois se rassurer de remède
walrasien.
Le rationnement discrétionnaire refait ainsi la peau neuve
dans les nouvelles théories macroéconomiques. Des études
consacrées à la question de l’équilibre général ont fait objet
de larges commentaires de la part des macro-économistes
depuis la nuit de temps. Une nouvelle macroéconomie45 est
née à dater des crises des années 70/80. Elle porte sur la
politique économique de rationnement  ; et elle est fondée
sur les conflits possibles entre différents objectifs visés par
les différentes approches et différents instruments des
politiques monétaires et budgétaires applicables pour venir
à bout des crises conjoncturelles et stabiliser ou relancer les
économies46. Cette nouvelle macroéconomie marque le
croisement entre néoclassiques et néokeynésiens.47 Les
crises, mêmes jumelles et systémiques trouvent
généralement des réponses au niveau de chaque pays
concerné, à travers une batterie des politiques
macroéconomiques. Les répercussions des remèdes se
transmettent ensuite vers les autres économies connectées.
Cette nouvelle théorie suggère les nouveaux choix
économiques en cas des crises de l’offre, de la demande, de
la monnaie et de l’emploi, mais aussi en cas des
déséquilibres des comptes extérieurs. Chez Keynes, la
rigidité des prix et les effets sur l’emploi étaient la base de
fondement de la théorie de la demande.
Durant les crises jumelles des années 70/80, les aides
publiques, le soutien à l’emploi, le redressement industriel
(relance de la production et de la consommation à la fois)
dans plusieurs pays industrialisés ont été menés avec
rationnement sans recours à l’orthodoxie classique
keynésienne. La logique de ces interventions publiques était
fondée sur la gestion de l’incertitude et celle des
conséquences liées à l’asymétrie de l’information. Dans
l’ensemble, il s’agit de la synthèse des idées néoclassiques
et néokeynésiennes. Cette régulation discrétionnaire, non
conventionnelle48 implique à ignorer la recherche, à tout
prix, de l’équilibre général walrasien. Le fait que les
agrégats macroéconomiques sont aujourd’hui examinés en
connexion avec la microéconomie, il est difficile d’ignorer
l’impossible multi-optimisation des critères dans le choix
des solutions d’équilibre.
La synthèse entre monétaristes et keynésiens se justifie du
fait que les déséquilibres sont inhérents à l’évolution
économique. Pour sortir d’une crise, il n’existe pas de
solution idéale qui laisse la place aux seuls mécanismes
d’autorégulation du marché par l’équilibre de l’offre et de la
demande. La main visible a son importance (Keynes)  ; elle
oriente le comportement des marchés, recherche les points
de corrélations des variables, scrute l’information, minimise
les risques, anticipe les failles (tendances), rétablit les
équilibres, etc. Le marché a aussi besoin d’une régulation et
non d’un interventionnisme autoritaire des pouvoirs publics
ou des institutions nées de Bretton Woods.
Ce rôle de régulation a été mené par les banques centrales
(approches de rigueur et expansionniste à la fois, mais avec
dose), intervenant en dernier ressort, avec l’aide des
conseils fournis par les analyses des différents auteurs qui
se sont intéressés aux solutions des crises des années
70/80, notamment  : Robert Clower (1965), Axel
Leijonhufvud (1967-68), Edmond Malinvaud (1977), J-P
Bénassy (1976), Krugman (1979, 2000) Tornell (1999)49.
Les marchés financiers : bourses et banques en difficulté ne
pouvaient assumer le rôle classique de fournir la liquidité,
d’autant plus que les banques (certaines) enregistraient
aussi des failles. Ainsi est apparue l’importance de la place
de l’État dans la régulation des déséquilibres. Ce rôle se
focalise sur l’économie nationale, avec espoir que les
économies qui se redressent tirent vers le haut celles qui
sont liées. Keynes était ressuscité, certes, mais avec dose.
Car, les néokeynésiens ont réussi à établir le pont avec les
néoclassiques. En Europe, le montant de 155,85  milliards
d’euros était nécessaire pour sauver les banques. De même,
aux États-Unis, on a compté 11 banques en faillite ; la Fed a
assuré à ce sujet les prêts estimés entre 400 et
600 milliards, selon l’OCDE ; entre 650 et 945 milliards selon
le FMI.
Dans un tel contexte, chaque pays a entrepris la recherche
des remèdes par le recours à l’expansion des crédits, mais
d’une manière sélective. Le rôle de l’État étant mis en
exergue, il s’est avéré que la théorie classique de la main
invisible était devenue une fiction face aux échecs de l’auto
stabilisation des marchés. En effet, dans une période de
crise systémique, comme celle vécue en 2008 (surprime),
quel choix fallait-il opérer entre le recours à la restriction et
à l’expansion des dépenses ? Du point de vue classique, la
politique de restriction était conseillée. Or, il s’est avéré
qu’elle ne présentait pas la solution idéale ? Fallait-il sauver
l’emploi en priorité ou redresser l’offre  ? Fallait-il viser un
seuil de l’inflation sans veiller à l’accroissement de la masse
monétaire dû aux avances de la banque centrale  ? Quelle
simulation réussirait  ? Fallait-il baisser ou hausser les taux
d’intérêt sans tenir compte du taux de croissance visé  ?
Fallait-il racheter les titres hypothécaires risqués, les billets
de trésorerie et les obligations privées sur les marchés,
alors que ces titres toxiques n’avaient plus de valeur  ?
Fallait-il abandonner les entreprises en faillite ou leur
accorder des prêts, de quelle nature, tout en tenant compte
du poids de la dette publique  ? Fallait-il rétablir certaines
barrières commerciales et soutenir les entreprises moins
compétitives sans entraver le libre-échange  ? Bref, quelles
politiques monétaire et budgétaire étaient nécessaires dans
une situation de crise systémique  ? D’où la logique de
politique de rationnement.
Sur le plan industriel également, quelle politique était
indiquée pour sortir de la crise, tout en veillant au ratio
dette publique/PIB  ? Quel secteur était prioritaire dans un
contexte de crise systémique ? Dans tous les cas, il apparaît
évident que les politiques discrétionnaires (volontaristes)
valaient de la peine. La condition indispensable pour chaque
pays était de disposer de l’épargne nationale nécessaire  :
revenu de seigneuriage et réserves accumulées. Les
recettes fiscales ne peuvent prévaloir durant la récession  ;
bien au contraire, c’est le moment où le choix de réduction
des impôts devient une nécessité. Sans l’épargne, il serait
impossible aux banques centrales de jouer leur rôle de
prêteur en dernier ressort ; dans le cas contraire, les déficits
et l’endettement excessif s’en suivraient.
Durant cette période de crise, le pouvoir des Institutions
(MB, FMI, OMC) a disparu. Elles sont devenues de simples
observateurs chargés de l’expertise. Les réunions de G20
n’ont dégagé que les recommandations relatives à la
gestion prudentielle des risques et à l’anticipation des crises
futures50.
Elles n’ont pas empêché les Etats à appliquer les mesures
des corrections ad hoc, ignorant l’orthodoxie conseillée par
les économistes51. Le Conseil de stabilité financière mis en
route par les G20 n’a assumé que son rôle de producteur
des normes, en association avec d’autres instances  : le
comité de Bâle, l’OCDE, la Banque Mondiale, etc., mais ces
normes non contraignantes ne sont pas applicables à
chaque crise et pour un marché financier intégré, avec mille
et une connexion.
Dans les années qui viennent, la sonnette d’alarme alerte
déjà sur les mauvaises perspectives. La dette mondiale est
en train d’exploser, les banques qui prêtent ne disposent
pas d’assez de liquidité. La croissance de la 2è économie du
monde enregistre, tout de même, un repli par rapport aux
dix dernières années, les taux d’intérêt trop bas, voire
négatifs peuvent exciter l’endettement. La croissance
américaine n’est pas prête à assurer la relance de
l’économie mondiale, en cas de crise.52
5.8. Quid de l’autonomie des petites économies
extraverties face à la globalisation ?
Nous avons défini tout au début de cette réflexion ce que
sont les petites économies extraverties, sans souveraineté
en matière de politique économique, sans ressources
financières abondantes, sans infrastructures utiles et dont le
taux de chômage galopant n’autorise plus de disposer d’une
véritable politique de l’emploi. La globalisation a ainsi des
effets négatifs sur leurs choix, rationnels soient-ils, surtout
durant les crises systémiques. Non seulement elles sont
marginalisées, mais aussi, leurs politiques monétaires
deviennent incompatibles avec la libéralisation des marchés
financier. Comment maitriser l’inflation par le ciblage  ?
Comment déterminer le taux d’intérêt directeur qui puisse
avoir une incidence positive sur les crédits à l’économie  ?
Comment assurer l’équilibre des comptes extérieurs lorsque
les déficits sont chroniques  ? Comment attirer les
investissements directs étrangers dans un contexte de la
volatilité des marchés  ? Comment accéder aux marchés
mondiaux des biens et des services lorsque la production
nationale se limite essentiellement aux produits de base
dont les termes de l’échange se détériorent  ? Comment
riposter contre les crises systémiques lorsque les sources
des celles-ci sont étrangères à la politique nationale de
chaque pays africains ?
Notons que durant plus de 20 ans le continent dans son
ensemble enregistre ± 3  % des investissements directs
étrangers. Ces 3  % sont polarisés au sein des pays
producteurs du pétrole et des minerais. Les autres secteurs
non porteurs n’attirent presque pas les investisseurs. Le
secteur minier, certes, attire les investisseurs, mais,
l’évolution en dents de scie des prix n’autorise, non plus,
aux exportateurs de tirer profit durable, sans retomber dans
la situation de précarité.53
D’autres producteurs apparaissent sur le marché  : Russie,
Etats-Unis et Canada. Et depuis bientôt ±10 ans, les prix
des matières premières (pétrole brut et des autres minerais)
enregistrent une baisse de plus de la moitié de leurs
niveaux des années 90/2000. Cette baisse cause ainsi un
manque à gagner important, surtout pour les pays dont les
exportations traditionnelles représentent un poids important
dans la structure du PIB.
Notons, également qu’en dépit de cette polarisation, c’est
aussi dans ce triangle de prospérité que naissent les crises
ayant leur contagion du fait de l’intensification des
échanges et de l’ouverture des marchés nationaux plus ou
moins exposés aux chocs externes. En effet, le taux
d’investissement en Asie est transmis par la mobilité accrue
des capitaux occidentaux. Les crises qui ont touché la zone
ont entrainé momentanément le retrait des capitaux pour
une courte durée. A présent on assiste au retour des
investissements directs. Dans l’autre sens, le déficit
commercial américain est financé par l’expansion des
capitaux internationaux sur les marchés financiers et par
l’effet accumulé du stock du capital. Les crises bancaires
sont parfois ajustées par les politiques monétaires non
conventionnelles, allant jusqu’à des taux d’intérêt négatifs
et à la valorisation des bilans négatifs54. Si les signes de
prospérité y persistent, et que les crises sont maîtrisées,
c’est à cause d’un niveau élevé de résilience atteint par ces
économies. Ainsi, les déséquilibres couplés avec les
accalmies y sont observés sur des courtes périodes.
Mais, elles affectent absolument des économies africaines
sur une longue période par la baisse de la demande des
produits de base (principale exportation africaine). Il s’en
suit la sécheresse des recettes et des taxes douanières. Les
firmes s’arrêtent ou réduisent l’offre. Le chômage s’en suit
avec comme conséquence  : la chute de la consommation
intérieure. Sur le plan monétaire, la faible entrée des
devises traine la dévaluation ou la dépréciation des
monnaies nationales. Cette perte de la valeur des monnaies
nationales nécessite le recours à la politique conjoncturelle
monétaire restrictive. Or, tant que les causes de cette
récession économique et ses effets sont d’origine
essentiellement externes, l’efficacité en est remise en cause

1  André Cartapanis, Politique monétaire et globalisation financière, in revue


française d’économie, 2018/4 Vol. XXXIII, pages 175-216
2  James K.Galbraith, La faillite du monétarisme et l’illusion du nouveau
consensus monétaire, in Alternatives économiques | «  L’Économie politique  »
2009/1 n°41 |pages31 à45
3  Yves Jégourel, Jérôme Teïletche, Globalisation financière et l’autonomie de la
politique monétaire. Le rôle des contrôles de capitaux, In Revue économique, Vo.
52, N°2, 2001 ? PP 399-414
4  Stabilité interne et externe, relance de l’économie, manipulation des taux
d’intérêt, etc.
5  Patrick Artus, La globalisation financière continue et déstabilise l’économie
mondiale, in Journal de l’Opinion, Mars 2017
6  Banque et Stratégie, n° 295, les institutions financières internationales se
réinventent
7 Jeremy Daniele, La mondialisation, un phénomène polarisé ? In Ge polémique,
Octobre 2018
8 Il s’agit des crises du Système Monétaire Européen ; à partir de 1994-1995, la
crise mexicaine de 1994-1995 et la crise des monnaies asiatiques de 1997 ; la
crise argentine de 2001-2002
9 Liste des crises monétaires et financières, in Wikipedia.org., le 7 octobre 2019
10  Romain Faquet, Les causes communes des crises financières, in BSI,
Décembre 2017.
11 FMI, Code de bonnes pratiques pour la transparence des politiques monétaire
et financière  : Déclaration de principes Adopté par le Comité intérimaire le
26 septembre 1999
12 A.S. Bhalla, (sous la direction), Mondialisation, Croissance et Marginalisation,
Centre de recherches pour le développement international, 1998
13  Ces lieux sont nommés paradis parce, le secret bancaire y est strictement
appliqué, les taxes sur les revenus, les bénéfices ou les patrimoines, sont faibles
ou nulles, particulièrement pour les non-résidents, les conditions d’installation
de sociétés et d’ouverture de comptes sont peu contraignantes, la coopération
judiciaire et fiscale avec les autres États est faible ou inexistante.
14  Etat du Delaware (USA), îles Caïmans, City de Londres, Irlande, les
Bermudes  ; Singapour  ; Hong Kong, Luxembourg, la Suisse, la Belgique,
Liechtenstein, îles vierges britanniques,.Jersey, Pays Bas, etc.
15  L’Union européenne évalue la fuite dans ses Etats membres à
±1000 milliards en2016
16  https://www.lafinancepourtous.com/decryptages/politiques-
economiques/economie-mondiale/paradis-fiscaux/
17 Les cinquante plus grandes entreprises américaines, dont Apple, Wal-Mart ou
General Electric, ont stocké 1.400  milliards de dollars entre 2008 et 2014 dans
des paradis fiscaux afin de réduire leurs impôts, affirme une étude d’Oxfam-
USA.
18  L’étude réalisée par Boyce et Nfikumana en 2012 sur 39 pays africains
avance le chiffre de 1300 milliards de dollars de fuite des capitaux de l’Afrique
vers les paradis. Et le boom spectaculaire du secteur des ressources naturelles
coïncide avec cette fuite
19  Alors que le taux était de 35$ pour 1 once d’or, il a été revu jusqu’à 42  %
pour 1 once d’or.
20  Certains auteurs estiment que la décision américaine de sortir des accords
fixés à Bretton Woods est une des causes de spéculation sur les marchés
financiers
21 La monnaie d’ancrage est alors le dollar pour nombreux pays
22  Pierre Sarton du Jonchay, Dollar et Euro, la dictature de l’absurde aura une
fin, in https://www.pauljorion.com/blog/2012/02/27/dollar-et-euro-la-dictature-de-
labsurde-aura-une-fin
23  Nessim Ait Kacimi, La dollarisation du monde émergent, reflet de la
domination du roi dollar, Lesechos.fr, juin 2014,
24  La dernière baisse décidée fin juillet 2019 a occasionné des réactions
diverses liées à la répercussion sur le niveau de l’inflation ou sur les taux de
change.
25  Uri Dadush, Dipak Dasga Upta et Dilip Ratha, in Finance et développement,
décembre 2000
26 Il s’agit de : a) « Quantitative easing » (QE) (achats fermes de titres dans le
but d’augmenter la taille du bilan de la banque centrale), b) «  qualitative
easing » modifie la composition du bilan de la banque centrale, par des achats
de titres dégradés en échange de titres de meilleure qualité, dans le but
d’assainir les marchés de titres) c) et «  forward guidance  » (guidage des
anticipations)
27  Jézabel Couppey-Soubeyran, Fabien Tripier et Anne Châteauneuf-Malclès,
Après une décennie de mesures non conventionnelles, quel bilan et quelles
perspectives pour la politique monétaire  ? in Ressources en sciences
économiques et sociales, Lyon, septembre, 2019
28 Henri Bourguinat, Le libre-échange : un paradigme en situation d’inconfort ?,
in Dalloz | « Revue d’économie politique » 2005/5 Vol. 115 | pages 531à 543
29  Idem
30  Krugman, Paul (1995), « Growing world trade : Causes and conséquences »,
Brookings Papers on Economic Activity, n° 1995-1.
Krugman, Paul (2018), « Globalization : What did we miss ? ».
Subramanian, Arvind, & Martin Kessler 013), «  The hyperglobalization of trade
and its future  », Peterson Institute for International Economies, working paper,
n° 13-6.
Wood, Adrian (2018), «  The 1990s trade and wages debate in retrospect  »,
invoxEU.org, 25 avril.
31 Philippe Hugon, Peut-on parler d’une crise ou d’un renouveau de l’économie
du développement durant la dernière décennie  ? Iin revue Tiers Monde
2006/2007
32  L’OCDE, Les échanges de services dans l’économie mondiale, in
https://www.oecd.org
33  Damien Broussolle, Le commerce des services, un commerce en trompe-
l’œil  ? Une analyse fondée sur le point de vue de Hill, in Revue économique
2012/6 (Vol. 63), pages 1145 à 1177
34  Les services sont considérés comme intangibles, invisibles, périssables et
requérant une production et consommation simultanée, alors que les biens sont
tangibles, visibles et stockables et ne requièrent pas d’interaction entre le
producteur et le consommateur.  », in World Investment Report (Unctad [2004],
p. 145)
35 Damien Broussolle, op cit.
36 La comptabilité, le marketing, le support technique, le service après-vente, la
logistique,
37  Prakash Loungani, Chris Papageorgiou et Ke Wang, Les exportations de
services, une voie nouvelle vers la prospérité, FMI, 5 avril 2017
38  Clémentine Maligome et Marie Theobald, Le protectionnisme est-il de
retour ?, In Figaro, février 2017
39 Hassan Hakimian renseigne que dans années 1990, des régimes de sanctions
ont été mis en place à un rythme moyen d’environ sept par an. Les deux tiers
des 67 cas recensés étaient des sanctions unilatérales imposées par les États-
Unis : pendant la présidence de Bill Clinton, plus ou moins 40 % de la population
mondiale – soit 2,3  milliards de personnes – était soumise à une forme de
sanction américaine. À l’heure actuelle, les États-Unis ont près de 8  000
sanctions en vigueur dans le monde, l’Iran étant de loin le principal État visé.
40 Les plaintes déposées par les Etats Unis contre la Chine, l’Union européenne,
le Canada, etc., sont jugées fondées par l’OMC
41 Il a été constaté que le déficit commercial se creuse toujours en dépit de la
hausse des prix des biens importés frappés par cette cascade des taxes.
L’Allemagne, la France, l’Espagne, l’Italie, la Grande Bretagne sont affectés par
la hausse des taxes de 10  % qui touchent l’Automobile, le fromage, l’huile
d’Olive, le vin, les pâtes, l’aluminium et le secteur Aéronautique. Cet
accroissement des taxes touche plus de 7 milliards de dollars par ans aux pays
de l’EU.
42  Jean Michel Chaponnière, La Chine va-t-elle devenir déficitaire  ? in Asialyst,
10.4.2019
43 Eric Salve, correspondent de RFI à San Fransisc
44  African Development Indicators, 2001 et World Bank Indicators 2001.
45  Henri Lamotte et Jean-Phillipe Vincent, La nouvelle macroéconomie
Keynésienne, Ed. Que sais-je, 1993  ; Michel de Vroey, Pierre Malgrange, La
théorie et la modélisation macroéconomiques, d’hier à aujourd’hui, 2006
46  Blaise Sary Ngoy, La dépréciation du Franc congolais (2001-20018). Effet
d’hystérèse. Harmattan, 2018
47  Lire la réflexion de Bruno Ventelou, «  Les grands courants. Nouveaux
keynésiens, nouveaux classiques : vers une nouvelle synthèse ? » in La pensée
économique contemporaine. Cahiers français n° 363.
48  Jean-Pierre Allegret, Le renouvellement de la politique monétaire (I)  : quelle
place pour la politique monétaire non conventionnelle dans le futur  ?, avril
2017  ; J.-P. Allegret et C. Cornand (2013).«  Une analyse informationnelle de la
crise financière récente », Revue française d’économie, vol. 28, 2013/3, p. 213-
264  ; C. Antonin, C. Blot, P. Hubert, F. Labondance, C. Mathieu, C. Rifflart et V.
Touzé (2013), «  Politiques monétaires  : est-ce le début de la fin  ?  », Revue de
l’OFCE / Analyse et prévisions, n° 130, p. 225-262. ; L. Ball (2014), “The case for
a long-run inflation target of four percent”, IMF Working Paper, WP/14/92, juin.
49 Wikipédia, Le néo keynésianisme, 2017.
50 Les recommandations portent sur le niveau des fonds propres, sur le ratio de
levier et sur la couverture des risques systémique par la limitation des crédits
51  Les taux d’intérêts négatifs, l’achat massif des titres toxiques par les
Banques centrales, et le ciblage des taux d’intérêt ont étaient les instruments
préférés dans les pays occidentaux. Ce qui est proche d’expansion monétaire
classique voulue à son temps par Keynes
52  Olivier Passet, Xerfi, Le monde sur un volcan monétaire et financier  : quel
risque de crise ? in, Latribune, Août 2019
53  II y a certes des firmes spécialisées dans le secteur. Bien qu’assurant
l’approvisionnement industriel, les mines ne constituent plus l’essentiel des
rapports de force sur les marchés.
54  Lors de la crise systémique due à la faillite de Lehman Brothers, la BCE a
appliqué le refinancement des banques de second rang par des montants
records de la monnaie centrale, elle a pris en pension des titres toxiques, elle a
racheté les dettes souveraines.
Chapitre 3.
L’inefficacité de politique
monétaire appliquée durant la crise
(Covid19) par la BCC

Introduction
Revenons à nos moutons du début. Le chapitre précédant
démontre comment les petits pays à économie extravertie
sont hors-jeu et ne disposent pas de souveraineté en
matière de leurs politiques économiques. Ce troisième
chapitre examine ce manque d’autonomie en se servant de
cas de la RDC durant la crise économique conséquente à la
crise sanitaire de Covid 19. Nous l’avons souligné plus haut,
Mundell et Fleming ont, dans le temps, examiné le triangle
d’incompatibilité entre trois éléments  : une politique
monétaire autonome, la liberté de mouvements des
capitaux et le taux des changes fixes qui sont incompatibles
ensembles. Mais, à ce jour, nous affirmons que même dans
le cas de taux de change flottant, la compatibilité des
objectifs intermédiaires devient sujet discutable.
Le nouveau carré d’incompatibilité que nous avons proposé
déjà se résume comme suit : dans des pays pauvres et très
endettés, caractérisés par l’extraversion, il y aura toujours
incompatibilité entre politique monétaire autonome, les
déséquilibres des comptes extérieurs et les déficits
budgétaires chroniques, ce, quel que soit le choix du régime
de change (fixe ou flottant). Nous cherchons à le prouver à
travers les tentatives de la Banque centrale du Congo,
tentatives mises route en vie de relancer les activités, le
lendemain de la crise due à la Covid-19. Le premier chapitre
a eu pour but de saisir le paysage contrasté qui caractérise
la nouvelle économie internationale. Ce paysage rend
difficile l’efficacité des politiques économiques autonomes
mises en route par des petites économies1.
Les ripostes à la crise jumelle (santé et économie) qui
caractérise le cas de la République démocratique du Congo
durant la crise de Covidl9 peuvent être examinées en
fonction des deux alertes qui marquent cette période (Mars
2020-Septembre 2020). La seconde vague n’est pas prise
en compte dans cette analyse inspirée par la première
vague.
Etant donné l’importance accordée au second alerte, notre
analyse se focalise en premier lieu sur les instruments de
politique monétaire restrictive et leurs limites  ; de même
que sur les résultats obtenus. Ensuite, nous allons alors
revenir aux résultats de la riposte au premier alerte
(facilités fiscales, soutien aux entreprises et aux ménages).
Mais une leçon mérite d’être retenue. Selon Jonas Kibala  :
« De façon générale, notons qu’en RDC, entre 2018 et 2019,
il est enregistré  : une accentuation des déficits publics
(étroitesse de l’espace budgétaire réel), la baisse des
dépenses d’investissement, la baisse des réserves de
change et la contraction de la croissance, pour ne citer que
cela. Par ailleurs, soulignons aussi quelques problèmes
structurels, notamment la faible diversification de
l’économie congolaise qui la rend d’ailleurs moins résiliente
et vulnérable face aux chocs extérieurs, la défaillance
(engorgement) du système sanitaire du pays, et le déficit en
ressources humaines de qualité, matérielles et financières.
Dans ce contexte, toutes choses restant égales par ailleurs,
l’efficacité des interventions du gouvernement congolais
face à la Covid-19 serait limitée »2.
Section 1. Examen des alertes et des solutions mises
en route
1.1. La première alerte  : rareté des produits
alimentaires et spéculation sur les prix
Le bilan de la crise sanitaire du au Covid19 était établi de la
manière suivante en Août 2021 :
Cas confirmés 52292 (Août 2021)
Cas soignés 30189 (Août 2021)
Décès 1048 (Août 2021)
Ces chiffres sont à prendre avec les pincettes. La covid-19 a
affecté des milliers de congolais. Nombreux sont ceux qui
n’ont pas été enregistrés. L’absence des chiffres réels et la
mauvaise gestion de la crise ont été décriées par divers
rapports dont le plus pertinent est de celui de GEC3(groupe
d’étude sur le Congo) réalisé en octobre 2021. Ce rapport
note les cas des dépenses dilapidées, la multiplication des
organes parallèles d’intervention. Les promesses de
financement non tenues, les retards dans le décaissement
réel des prêts, etc.
Les provinces les plus touchées sont aussi celles où se
concentrent 60 % des activités économiques ; il s’agit de la
ville de Kinshasa, du kongo central, de haut katanga, du
Nord Kivu et des Uwele. Mais la fermeture des frontières
internes et externes, le confinement, etc., ont entrainé les
frictions économiques énormes tant au niveau de l’offre
qu’au niveau de la demande.
Cette crise sanitaire a entrainé le repli des exportations des
minerais, source principale des avoirs extérieurs du Congo
Kinshasa, de l’accroissement du PIB et de contribution au
budget annuel. Cette crise a impacté négativement les
recettes fiscales et obligé le gouvernement à revoir ses
prévisions budgétaires annuelles de 11  milliards de dollars
(60  % de plus que le budget de 2019) à plus ou moins
4  milliards (correctif budgétaire). Ainsi, la nécessité de
gestion rigoureuse des dépenses publiques s’est imposée à
tout point de vue. Des voies se sont levées, à ce sujet, pour
pointer du doigt les dépassements des dépenses de
fonctionnement (institutions politiques pléthoriques  :
Présidence, Ministères, Sénat, Assemblée, gouvernements
provinciaux, les instituions d’accompagnement de la
démocratie, accusées de budgétivores).4
La chute des recettes d’exportation (baisse de la demande
mondiale des produits miniers) doublée de fermeture des
frontières (confinement) a également causé la rareté des
produits alimentaires (importés et locaux) sur les grands
marchés des principales villes. La spéculation a doublé et
même triplé les prix pour certains produits importés et
locaux devenus rares (forte demande). Entre Mars et Avril,
le ministère de l’économie a estimé l’accroissement de 45 %
par rapport au niveau d’avant cette période.
Ainsi, le Gouvernement a cru au début que la lutte contre la
spéculation des prix était prioritaire, de même que
l’allégement des charges fiscales en faveur des entreprises ;
il a fait un geste envers les PME et les banques, notamment
par les exonérations fiscales (suspension de la TVA), les
délais prolongés de paiement des taxes douanières, l’octroi
des crédits à taux zéro (soutien à l’industrie pratiqué par le
Fonds de promotion de l’industrie). Tandis que pour les
ménages, le report de payement des loyers locatifs, la
suspension de paiement des factures d’eau et d’électricité
durant deux mois ont été décrétés.
L’approvisionnement des centres urbains en produits
alimentaires, notamment, par l’achat direct auprès des
producteurs locaux (au fin fond des milieux ruraux) a été
également entrepris avec l’aide des véhicules de transport
militaire. A chaque occasion, des ventes étaient organisées
par le ministère de l’économie en vue d’inonder les
marchés. Comme on peut le voir, ces mesures visaient à
soutenir les entreprises (allégement fiscal) et les ménages
(prolongation des délais de paiement des factures (eau et
électricité) et baisse des prix des produits alimentaires dans
les centres urbains. Mais aucun soutien direct ne pouvait
être envisagé par manque des ressources financières.
Dans ce même cadre, le soutien à la croissance a été
entrepris par la projection d’un programme multisectoriel
d’urgence et d’atténuation des effets du Covdi-19,
programme rendu public par le ministère du plan et
annoncé le 18  juin par le Président de la République. Un
aspect le plus important de ce programme était la relance
du secteur agricole pour un montant de plus de 4  milliards
de dollars.

1.2. La seconde alerte  : dépréciation du Franc


congolais de 17 % endéans 3 mois
Cette seconde alerte apparait avec la chute de plus de 17 %
du Franc congolais endéans 3  mois. En décembre 2019 le
taux de change était de 1700FC pour 1$. Notons qu’à sa
création en 1998, 1,3FC valait 1$. Aujourd’hui, il vaut plus
que 2000FC pour 1$, soit une chute de plus de 2000  % si
l’on tient compte de l’année de sa mise en circulation. Donc,
la descente en enfer de la monnaie est successive (effet
d’hystérèse)5. A Chaque choc exogène ou endogène, elle
perd ses plumes. Elle en perdra encore tant que les chocs la
secouent (la mauvaise monnaie chasse la bonne). Ceci
explique la dollarisation de plus de 90  % de l’économie
(nombre des comptes en devises, divers moyens des
paiements et volume des crédits à l’économie)
Pour faire face à cette seconde alerte, la politique monétaire
restrictive a été adoptée finalement comme solution
prioritaire. La BC (Banque centrale) espérait ainsi stabiliser
la monnaie nationale ainsi que la hausse des prix,
notamment par le recours aux instruments de politique
monétaire restrictive  : la hausse du taux d’intérêt
indicateur, le contrôle de change, l’adjudication et la
limitation des avances au gouvernement (austérité
budgétaire), avances dues à la sécheresse des recettes
fiscales et aux dépenses (parfois non contraignantes) de
fonctionnement des institutions politiques pléthoriques.
L’encadrement des taux d’intérêt, la stabilisation des prix et
la stabilité des taux de change ont été entrepris en second
lieu dans le but principal d’arrêter la chute de la monnaie
nationale, et par ricochet, stimuler la croissance et éviter la
récession à répétition entrainée par les effets de
dépréciation de la monnaie. Ainsi, la stabilité
macroéconomique était l’objectif principal visé à travers les
objectifs intermédiaires.
Mais, l’équilibre permanent des agrégats
macroéconomiques est devenu un rêve. La nouvelle
macroéconomie nous l’enseigne. Ceci explique le pourquoi
de régulation conjoncturelle. Certes, si ces objectifs sont
associés du fait des liens entre niveau des taux d’intérêt,
niveau de l’inflation et niveau des taux de change
(indicateur des conditions monétaires), il est aussi vrai, et
nous l’avons déjà souligné plus haut, que la politique
monétaire vise le triangle de Kaldor, à savoir  : croissance,
emploi et équilibre extérieur, en plus de la stabilité des prix.
Dès lors, les autorités monétaires ne peuvent se soustraire,
ignorer cet objectif, en observant le gouvernement conduire
seul la politique budgétaire restrictive, sans politique
monétaire expansionniste, utile dans des périodes de
sécheresse des crédits. Le couple forme un duo aussi bien
dans le contexte conjoncturel que structurel. La régulation
(arbitrage entre les objectifs) apparait dans ce cas comme
la voie indiquée, plutôt que de recourir à des leçons
classiques, libérales ou Keynésiennes. Ceci est important à
souligner. Dans les pays pauvres, les entreprises privées
nationales ne procurent pas suffisamment : emploi, revenus
décents, impôts, amélioration des infrastructures, niveau
élevé du PIB. De ce fait, l’espoir de l’essor du
développement repose sur les entreprises du portefeuille de
l’Etat et sur les grandes firmes étrangères qui exportent,
importent et paient les taxes et impôts.
Ainsi, dans ces pays pauvres, la politique monétaire soutient
les excitations des investissements privés et publics, elle
encadre les mouvements des capitaux (marchés monétaires
et financiers) et permet au pouvoir public de bénéficier
également de l’accès aux crédits, échapper aux effets de
l’inflation et maintenir des balances positives (courantes).
Mais, la poursuite de ces objectifs peut être en contradiction
avec la politique monétaire restrictive. D’où la place
accordée à des politiques discrétionnaires. La mono-
optimisation dans les choix économiques est déconseillée.
Généralement, dans ces pays, la politique monétaire de
sortie de crise est davantage restrictive alors qu’ils sont
marqués encore plus par des déficits des capitaux et que les
banques centrales n’ont finalement comme rôle que
d’inciter les activités privées en vue de booster le bien-être
des entreprises, à tout prix (jusqu’à la manipulation de
l’emploi).
Elles (banques centrales) privent à l’Etat l’accès aux
capitaux dont il a besoin, sous prétexte de l’austérité et de
la rigueur, un prétexte imposé comme signe de bonne
gouvernance dans les pays marqués pourtant par des
petites économies ouvertes extraverties. Et pourtant, durant
des crises, les grandes économies dans des pays
industrialisés mettent en sourdine la restriction monétaire et
recourent à l’endettement en faveur des pouvoirs publics.
N’est-ce pas une erreur d’appréciation des choix de la part
des banques dans des petites économies chroniquement
déficitaires  ? Ce constat nous amène à réfléchir sur la
question et à voir les résultats enregistrés au Congo
Kinshasa.
Section 2. La riposte à la seconde alerte : la politique
monétaire restrictive
Cette analyse passe en revue les instruments appliqués par
la BCC pour restreindre les dépenses et réaliser les
équilibres macroéconomiques nécessaires. Elle permet aussi
de souligner les limites (inefficacité) de chacun de ces
instruments.
2.1. L’encadrement de crédit par la manipulation du
taux directeur
Encadrer les crédits signifie que la banque centrale surveille
non seulement le volume, mais aussi la qualité des flux et
leurs directions de manière à obtenir quelques objectifs  :
éviter l’inflation, avoir des effets d’entrainement
(croissance, excédent de la balance commerciale, l’emploi,
etc.) La Banque centrale du Congo n’a pas atteint ces
objectifs. Cette absence de relance durant la crise s’est
manifestée à travers plusieurs paramètres
2.1.1. L’effet attendu
Nous l’avons souligné au cours du premier chapitre.
Revenons-en. La problématique de Pass-through
(intercommunication) entre taux des marchés monétaires et
taux directeur de la Banque centrale est au cœur de
l’actualité durant les périodes des crises et durant les
ajustements voulus par la Banque Centrale, lorsque le
recours à un tel instrument apparait utile. Quel est l’effet de
taux directeur (déterminé par la règle de Taylor dynamique
ou celle de l’ICM)6 sur l’économie réelle ? Est-ce qu’il a une
concordance entre le taux indicateur et les taux parallèles
conditionnés par l’offre et la demande de la monnaie sur le
marché des crédits ?
Le canal d’intercommunication est-il efficace à tout
moment  ? Vincent Bouvatier7 a consacré une analyse
intéressante sur le sujet, dans son article de 2018. Si le
Pass-through s’avère inefficace, les objectifs visés par la
Banque centrale (agir sur l’économie réelle), notamment
maîtriser l’inflation, éviter les chocs sur l’emploi, la
consommation ou la croissance, peuvent ne pas produire les
effets. Notons que les marges entre les coûts et les gains
peuvent s’avérer négatives. Le comportement des banques
de second rang n’est pas toujours régulé par la Banque
Centrale avec efficacité. Elles échappent à la
règlementation, surtout durant les périodes des crises
financières. Christian Pinshi8 note dans son analyse, que les
Banques ont appliqué le rationnement des créances sur le
secteur privé à partir du 3è mois le lendemain du choc
initial.
Il souligne également la perte de revenus, des prêts
bancaires et des autres institutions financières
comparativement à la période antérieure. Le durcissement
des conditions de financement de l’économie n’était pas lié
à la sécheresse de liquidité dans les banques, mais à
l’observation des mesures prudentielles (incertitude) ayant
poussé à la logique de gestion des risques. Or, la BCC
(Banque centrale du Congo) a vite appliqué des instruments
de politique monétaire tendant à agir dans le sens contraire
sur l’impact négatif de Covid-19, sans se préoccuper des
effets remous de ces instruments  ! La crainte est portée
essentiellement sur l’instabilité des prix (inflation).
Nous retenons à ce propos que les hypothèses retenues par
Vincent Bouvatier conduisent à des conclusions mitigées sur
les liens entre le taux directeur de Banque centrale et
l’évolution des taux appliqués par les autres banques de
second rang.9 Dans certains cas, et pas tout le temps, il
peut y avoir un pass-trough. Dans d’autres, pour des raisons
que nous avons décrites dans le premier chapitre, cette
interconnexion s’avère difficile. L’informatique et les
logiciels ne sont pas des outils miraculeux dans
l’optimisation des décisions économiques. En sous-estimant
les autres hypothèses10 dans le choix des variables, on
aboutit parfois à des résultats partiels qui soulèvent le
débat sur la validité de l’outil, ce quelques soient les
estimations des erreurs.
Il en est de même de l’analyse de Clemente de Lucia.
L’inertie de taux d’intérêt indicateur apparait évidente, dans
le contexte où des variables exogènes et endogènes
agissant sur l’inflation et la croissance peuvent avoir une
corrélation, tantôt positive, tantôt négative. Grégory
Levieuge, constate également, dans son analyse comparée
entre la règle de Taylor et l’ICM (indice des conditions
monétaires) que ce dernier modèle est plus efficace que la
règle de Taylor.11 Il pose toutefois la question essentielle  :
dans le cas où la BC tient compte de l’indicateur des
conditions monétaires, à savoir  : la relation circulaire entre
le taux d’intérêt et le taux de change ou de l’activité
économique, comment combiner le dosage adéquat pour
parvenir aux conditions monétaires souhaitées. Quel est
l’impact du taux d’intérêt directeur et du taux de change sur
l’économie réelle ? Comment déterminer les coefficients de
pondération ? A long terme, cet indice devient inefficace.
Jonas Kibala souligne dans son analyse sur l’impact de Covid
19, le fait que nombreux auteurs «  mettent en exergue la
faiblesse des canaux de transmission de la politique
monétaire et particulièrement le canal du taux d’intérêt en
raison de la faiblesse du cadre institutionnel, des marchés
financiers embryonnaires, de la surliquidité bancaire, de la
persistance de la circulation fiduciaire, de la faiblesse et de
l’instabilité des multiplicateurs monétaire et du crédit ainsi
que la prépondérance du secteur bancaire, (Mishra et al.
(2013)  ; Saxegaard, 2006  ; Buigut, (2009)  ; Mishra et al
(2016)  ; Matata, (2019). D’autres auteurs par contre
aboutissent à l’efficacité des canaux de transmission dans
certains pays en développement (Cheng, 2006)  ; Saad,
Mohammed et Zakaria, (2011)  ; Berg et al (2013). Un
consensus semble toutefois se dégager selon lequel, le
canal du taux d’intérêt est plus efficace dans les pays ayant
des marchés financiers suffisamment développés (Peiris et
Saxegaard, 2007  ; Mohanty et Turner, 2006  ; Mishra et al.,
2013, 2016  ; Davoodi et al., 2013)  »12. En effet, la
restriction calculée en rapport avec la règle de Taylor13
classique, (dynamique aussi) vise à freiner l’accès aux
crédits par la hausse des taux d’intérêts. Elle a pour objet
de réguler l’achat et la vente des titres sur le marché
interbancaire (monétaire ou financier). Donc, elle agit
directement contre l’abondance des crédits dont les
rendements élevés découragent les emprunteurs, surtout
lorsque la période est de court ou moyen terme. Les agents
économiques à déficit de financement ne peuvent supporter
les charges élevées des prêts que dans le cas où ils sont
assurés des gains éventuels qu’ils vont tirer de leurs
investissements.
Si les crédits visent la consommation, celle-ci peut être
freinée, avec conséquence la réduction aussi de l’offre
(production). Dans le cas où ces crédits (commerciaux)
aident à s’approvisionner (à coût cher) à l’étranger pour
satisfaire la demande nationale (absence de la production
interne), alors, les importateurs peuvent ajuster leurs prix
de vente, en incorporant par anticipation le coût des crédits
obtenus. Dès lors, les prix auront tendance à suivre le coût
des crédits. Cette corrélation se traduit aussi par le frein à la
croissance tirée par la consommation. Certains agents
économiques peuvent modifier les habitudes de
consommation (substitution), sauf dans le cas des dépenses
incompressibles. Au lieu de substitution de la qualité des
biens, celle-ci (substitution) sera au niveau de volume. On
achète peu, parce que le produit importé coûte cher.
La BCC a été obligée de revoir sa politique monétaire
conjoncturelle de manière à corriger les effets néfastes ci-
haut. Elle peut revoir le niveau des taux à la baisse. C’est
d’ailleurs, le choix qui était prioritaire tout au début de
l’annonce de la crise. La BCC a vite accordé l’intérêt au
secteur bancaire en vue d’améliorer les qualités de ses
activités aux clients et par ricochet, soutenir les entreprises
privées.
2.2. Les mesures d’accompagnement appliquées
Deux mesures ont été appliquées à la fois  : l’allégement
fiscal et ensuite l’encadrement des crédits

2.2.1. L’allégement fiscal et l’encadrement des


crédits
La banque a eu recours aux 5 mesures suivantes :
a) report de l’échéance de crédits,
b) baissé le taux directeur de 9  % à 7,5  % pour alléger le
coût du crédit,
c) report de l’‘entrée en vigueur des dispositions relatives
au relèvement du niveau de capital minimum des banques
(reportée à janvier 2022),
d) gel de la classification des prêts pour permettre aux
institutions financières de suspendre les pénalités de retard
sur les créances en souffrance pendant la crise,
e) dispositif d’un guichet spécial de refinancement d’une
maturité de 3 à 24 mois en vue d’augmenter les ressources
des banques.
Donc le retour à la politique restrictive intervient à partir du
moment où la boucle taux de change et taux d’inflation a
suscité la manipulation du taux d’intérêt en vue de rétablir
des conditions permissives de la stabilité macroéconomique.
Mais que se passe-t-il lors des crises dans de petites
économies (taille) ouvertes, comme c’est le cas de la RDC ?
Cet instrument conduit-il réellement à l’objectif voulu14 ?
Dans une économie ouverte, extravertie et de petite taille
(marché intérieur)15, il est possible que les banques ne
suivent pas d’une manière brute l’évolution du taux
indicateur fixé par la BC (pas de concurrence
monopolistique des banques). Il est bien dit qu’il s’agit de
taux directeur (refinancement). Or, les banques de second
rang se spécialisent dans plusieurs branches d’activité  : le
Fonds d’investissement, les banques d’épargne et de crédit,
les banques commerciales (crédits commerciaux,
assurances), les banques de développement  ; elles sont
tenues de disposer de plusieurs taux de crédits, en fonction
de la nature des investissements et de liens privilégiés avec
certains clients.
Les taux naturels des crédits sur le marché monétaire sont
fonction de la durée, du montant et de la stabilité de la
monnaie d’usage et de l’efficacité marginale du capital. Il
existe donc plusieurs variables qui influencent les niveaux
de ces taux, dans un contexte de concurrence non
monopolistique. Celle-ci existe-t-elle encore de nos jours
(globalisation financière) ?
Certaines banques qui disposent des avoirs importants et
qui ont une enveloppe conséquente prévue pour les crédits
divers peuvent fixer des taux (ré optimisation) en dessous
du taux directeur de la BC. Donc, si le ratio crédit/avoirs
propres est faible, la banque peut privilégier le recours à ses
avoirs propres.
La concurrence entre les banques dans des petites
économies (sans marchés financiers importants) étant
faible, il est incertain que le taux directeur influence les
banques de second rang. Or, on ne l’impose pas. Si les
rigidités des taux des crédits (variables qui influencent peu
le taux directeur) sont fortes, il est certain que le choix de la
Banque centrale peut ne pas avoir un impact important sur
le comportement des banques de second rang. Même si ces
banques sont financées par la Banque centrale à ce taux
indicateur, elles ne sont pas tenues absolument de financer
à leur tour, leurs clients en fonction de ce taux indicateur.
Leur comportement anticipe généralement l’évolution future
des marchés. Ce taux directeur varie d’une conjoncture à
une autre. Les crédits varient, leurs durées sont de court,
moyen et long terme et dépendent aussi des opérations
(secteur d’activité aussi).
Notons également que les banques qui opèrent dans des
pays à faible capacité de financement autonome, ne
travaillent pas à vase clos. Elles empruntent et prêtent aussi
à l’extérieur (elles sont parfois filiales des maisons-mères
qui alimentent leurs comptes)  ; dans ce cas, les taux
d’intérêt sont déterminés, non par celui de la Banque
centrale, mais par les taux appliqués ailleurs auprès des
autres banques (loi de Mundell et Fleming). Le marché
interbancaire n’est pas uniquement national, il est global  ;
ceci est valable pour les banques à ancrage essentiellement
national.
Dans le cadre de recours à l’indice des conditions
monétaires, le satisfécit apparait lorsque les variables : taux
de change, taux de l’inflation et taux d’intérêt sont
favorables à la stabilité et la croissance des autres variables
macroéconomiques. Mais, comment pondérer le taux
d’intérêt, le taux de change effectif réel  ? Donc le taux
d’intérêt indicateur, comme l’indice des conditions
monétaires ne sont pas des outils d’interconnections qui
offrent l’image de l’état du marché réel. Ceci est évident
lorsque le marché financier et monétaire, dans un pays sont
plus ou moins déconnectés.
Sur ce, en dépit de la crise économique (marché réel), le
rapport de la BCC indique bien que le compte courant des
banques commerciales au Congo Kinshasa est nettement
positif. En dépit de la manipulation du taux d’intérêt
directeur, « l’encours de crédits des banques commerciales
à l’économie de la République démocratique du Congo est
évalué à 5 351 989  millions CDF (3,178  milliards USD) au
24 janvier 2020, selon la Banque centrale du Congo »16. En
2019, la croissance de ces crédits est de 28 % par rapport à
2018. Ce qui suggère que la crise n’étant pas jumelle, il est
délicat de la résoudre par une simple manipulation du taux
d’intérêt directeur.
2.2.2. Les résultats obtenus
L’étude menée par Panshi, en ce qui concerne
l’intercommunication entre le taux de la BCC et les autres
taux non officiels (marchés parallèles) souligne l’absence
des liens directs, comme l’indique le graphique ci-
dessous17. La courbe de taux directeur (en rouge) ne
concorde pas avec celle de taux débiteur (violet) ni avec le
taux du jour au jour (tiré) de 2007 à 2018.
Si, déjà avant la crise, l’intercommunication entre les
différents taux d’intérêt n’a pas été constatée, il est
pratiquement délicat d’imaginer une convergence de ces
taux d’intérêt durant les moments de gestion prudentielle
des risques des marchés et des risques des crédits.
Une étude sérieuse n’existe pas sur le sujet. Mais, nous
pouvons affirmer que dans des pays marqués par
l’inexistence des marchés financiers, de même, dans des
pays où l’accès à des crédits en faveur des petites et
moyennes entreprises est quasi nul, la problématique de
Pass Through efficace demeure
Figure 1. Conditions financières durant la crise
Source : IMF Data, International Financial Statistics (Janvier 2019)

On peut constater que le taux directeur (en rouge) ne


correspond pas avec le taux avec le taux débiteur (violet) ni
avec le taux du jour au jour (trait). Ces données du FMI
confirment l’improbable pass-through.
2.3. La hausse du taux des réserves obligatoires
C’est un instrument restreint le recours aux réserves tenues
par les banques de second rang dans les comptes ouverts à
la BC. Toutefois, les banques de second rang disposent aussi
de réserves libres en plus de réserves obligatoires (devises
et monnaies nationales). Cette dernière catégorie est placée
sous surveillance de la BC. Elles (réserves) permettent de
garantir la liquidité des banques de second rang pour les
paiements extérieurs en cas de baisse des réserves libres
(offre des dépôts aux agents économiques). Les banques
peuvent y accéder, mais elles sont tenues de reverser leurs
avoirs en tenant compte du taux imposé par la BC, par
rapport à leurs avoirs.
Autrement dit, les banques utilisent leurs avoirs en devises
à tout instant, elles prêtent, elles investissent dans d’autres
activités, elles interviennent en bourse, elles honorent les
contrats des crédits commerciaux avec les clients, tout en
veillant à ce que les réserves obligatoires ne soient pas
affectées totalement par ces opérations diverses. La
restriction peut être imposée aussi dans la mesure où la
demande forte des réserves de change, en cas de
sécheresse de celles-ci, entraine la chute de la monnaie
nationale dans les pays dont le marché monétaire et
financier est dominé par la monnaie d’encrage, en
occurrence les devises fortes. Mais, est-ce que cette
protection de la monnaie nationale peut réussir  ? Lacoue-
Labarthe Dominique, estime que la hausse des réserves
obligatoires ne freine pas la demande des crédits18.
Tout dépend de la quantité des réserves obligatoires
disponibles. Tout dépend également de la confiance inspirée
par l’autorité monétaire. Si le volume des réserves
obligatoire est insignifiant, la hausse des taux n’a aucun
impact. Car, elle agit sur une petite quantité des avoirs dont
disposent les banques. Donc, les réserves libres tenues par
les agents économiques peuvent annihiler l’objectif
poursuivi par la BC. Ces réserves libres proviennent des
avoirs propres ou des emprunts reçus l’extérieur. Faut-il
souligner aussi que le temps de restriction joue aussi
beaucoup. Durant la période de crise monétaire ou
financière, une méfiance s’installe entre les agents qui
recourent à leurs réserves et la BC. Car, la crise devient un
facteur de risque qui nécessite une gestion prudentielle des
avoirs disponibles. Réduire l’accès à ces avoirs peut
engendrer un comportement dans le chef des banques de
second rang, notamment la déclaration des faux bilans en
vue de se couvrir contre l’excessivité de la règlementation
bancaire.
Par ailleurs, l’efficacité de cet instrument dépend aussi de la
taille du marché national. Lorsque le degré de l’ouverture
est faible, le pays est faiblement autosuffisant  : production
nationale diversifiée inexistante. Dans ce cas, le frein des
liens avec les exportateurs étrangers, a un impact négatif
sur la consommation nationale (rareté des biens importés et
hausse des prix). Ce frein agit également sur la production
dans la mesure où l’accès aux biens intermédiaires importés
devient un casse-tête. En ce qui concerne le degré de la
confiance dont jouit l’autorité monétaire, il se traduit par le
respect de la réglementation de fonctionnement des
marchés monétaires et financiers dans le pays. Dans
certains pays pauvres où règne la corruption, le
détournement, les accointances entre les responsables
politiques véreux et les dirigeants des grands groupes
industriels, il est rare que les règles édictées soient
respectées. Dans ces cas, la restriction relative à l’usage
des réserves de change pendant une période peut n’est pas
avoir des effets escomptés.
Les réserves sont aussi détenues en monnaie nationale. La
restriction intervient lorsque l’excès des liquidités (masse
monétaire) menace les prix (possibilité de l’inflation) et peut
aussi impacter les autres objectifs macroéconomiques  :
croissance, emploi, équilibre extérieur. La Banque centrale
agit alors dans le sens de restreindre la libre circulation de
surplus de liquidité par rapport au seuil (plafond supérieur
et inférieur) de manière à éviter le surplus. Dans des petites
économies, cette mesure peut produire les effets
inattendus  : l’excroissance de l’informel, la sécheresse de
l’épargne privée, la rigidité entre effet positif attendu et le
retrait de surplus de la masse monétaire. L’estimation du
surplus peut être biaisée. Si les agents économiques sont
affectés, la réaction se traduit par la chute de la
consommation et de la production. Comment estimer le
temps de retrait de surplus, de manière à ne pas impacter la
conjoncture ? Comme la réponse à cette question reste une
équation difficile à résoudre, malgré les exercices de
simulation estimée, il est évident, les réponses de la Banque
centrale peuvent s’avérer inefficaces.
2.4. L’obligation de dépense sur base caisse
Nous rappelons que les petites économies extraverties n’ont
pas de budgets conséquents. Les estimations des recettes
en équilibre avec les dépenses sont souvent hors propos et
ressemblent à des simples coups de crayon. Dans ces pays,
lors de l’évaluation trimestrielle, l’exécution du budget est
généralement en dessous de 50  % des prévisions19. Le
gouvernement peut se trouver dans une situation de
sécheresse des recettes en rapport avec ses dépenses. En
principe, en dehors des autres sources
d’approvisionnement  : marché interbancaire (vente des
titres  : obligations publiques et bons du Trésor)20, les
regards se tournent vers les avances de la Banque centrale.
Ces avances sont généralement justifiées. Au cas où elles
n’ont pas un impact visible sur un objectif, notamment  :
l’affectation à des projets rentables pour la croissance, le
soutien à l’emploi, la consommation des ménages ayant un
effet de levier, la baisse ou la stabilité des prix, alors, le
refus de la BCC est normal. Car, certaines avances ne sont
pas remboursées à la BC au moment utile ; par ailleurs, ces
prêts servent à couvrir le fonctionnement des institutions
budgétivores  : émoluments, dérapage budgétaire pour des
dépenses imprévues et non contraignantes, enrichissement
illicite, gouvernement éléphantesque. De même, la BC, en
toute indépendance, peut orienter les décisions (du
ministère du budget et de celui de l’économie et finance) de
manière à éviter le coulage des recettes publiques et
encourager le fisc à être à la hauteur et servir de voie à
honorer les prévisions réalistes en matière des recettes et
dépenses annuelles ou pluriannuelles de l’Etat.
Mais, il y a un hic  ! En évitant le recours à la planche à
billets ou le recours à l’épargne, quels sont les risques  ?
L’accroissement de la dette extérieure par rapport au PIB
devient évident. Car, les avances (dettes souveraines) sont
bloquées par la BCC.
La décision de freiner les avances au gouvernement étant
liée à la faiblesse des recettes et aux effets de la création
monétaire sur le niveau des prix, il est utile de se poser la
question de l’utilité d’un tel choix en termes de la durée.
C’est-à-dire, quelle serait la probabilité que le
gouvernement se donne des efforts de recouvrement des
recettes ? Quel est le niveau de la pression fiscale du pays ?
Cette pression était-elle à même de favoriser le coulage des
recettes futures ou d’inciter les contribuables à honorer les
engagements  ? Quelle est la crédibilité que l’on peut
accorder au fisc (problème de fraude et évasion fiscale à
grande échelle) par rapport aux objectifs que se donne le
gouvernement ?
Ne perdons pas de vue que nous examinons la
problématique dans le contexte des petites économies, sans
ressources propres significatives. Imaginons que cette
sécheresse des ressources (faibles recettes), devienne
chronique (cas du Congo Kinshasa), la Banque centrale va-t-
elle continuer à appliquer le même instrument de politique
monétaire en privant les avances sollicitées par le
gouvernement  ? Si c’est oui, alors le pays sera tenu de
tendre les mains vers les bailleurs extérieurs ! Encore faut-il
que les aides et les crédits attendus soient transférés au
bon moment21. Si c’est le cas, une question reste posée. Les
aides budgétaires, les aides programmes et les aides à la
balance des paiements vont se substituer aux recettes
fiscales22  ? Dans ce cas, le ratio dette/PIB s’accroit et
annihile les autres objectifs du gouvernement, notamment
la croissance. Amadée Mwarabu renseigne que «  les
dépenses publiques du gouvernement sont évaluées à
3.964.866.232.486 FC (1,982 milliard USD si on considère le
taux de 2000 FC le dollar américain) contre les prévisions
linéaires de 10.048.061.360.919 FC (5,024  milliards USD),
soit un taux d’exécution de 39,5  %, à fin juillet 2020,
renseigne la Direction générale des politiques et
programmation budgétaire, structure du ministère du
Budget. En ressources internes, les dépenses effectuées
s’élèvent à 3.771.021.989.662 FC (1,885  milliard USD)
contre les prévisions linéaires de 8.675.243.950.326 FC
(4,337 milliards USD), soit un taux d’exécution de 43,5 %.
En ressources extérieures, les dépenses effectuées par le
gouvernement se chiffrent à 193.844.242.824 FC
(96,922  millions USD) contre les prévisions de
1.372.817.410.592 FC (686,408  millions USD), soit un taux
d’exécution de 14,1  %, selon les états de suivi budgétaire
de la Direction générale des politiques et programmation
budgétaire  »23. En évitant les avances sous prétexte
qu’elles entrainent une masse monétaire due au recours à
la planche à billet, la Banque centrale entraine le pays dans
un autre gouffre  : le remboursement exorbitant des dettes
(externes et internes) dans la durée. Et si ces dettes ne sont
plus remboursées, les bailleurs ferment les robinets, mais la
dette demeure, tant qu’elle n’est pas effacée ou allégée.
Dès lors, le pays dont la taille du marché financier est petite
se dirige vers la faillite. Dès lors, les dépenses seront
improvisées d’une manière désordonnée.
Quel choix dans le contexte de l’économie congolaise ?
Le refus d’accorder des avances remonte à la surface
surtout par crainte de l’impact des avances sur les niveaux
des prix et le taux de change. Le trop perçu par le
gouvernement, sans puiser dans l’épargne nationale
(réserves excédantes), mais par recours à la planche à
billet, devient un piège à éviter. Or, plus d’une fois, il n’y a
pas des effets durables de retrait de ce trop de la masse en
circulation. Les prix se maintiennent à leurs niveaux pré-
crise, de même, la réévaluation de la monnaie nationale ne
se réalise pas. A longs termes (effet d’hystérèse), la chute
se maintient et s’aggrave à chaque instant qu’un choc
exogène ou endogène se manifeste.
Le remède à cette situation se trouve dans la dédollarisation
de l’économie. Il nous semble que le consensus des
responsables politiques converge vers le maintien
malheureux de ce drame de dollarisation (93  %) de
l’économie. Les mesures envisagées à l’époque de Matata
Ponyo (alors Premier Ministre), n’ont jamais été appliquées
rigoureusement. Tant que la dictature du dollar continue à
s’exercer dans toutes les transactions nationales (paiements
à l’intérieur du pays), on assistera à la dramatisation des
effets des avances de la BCC au gouvernement, avec
crainte de la hausse des prix et de la chute de la fameuse
monnaie nationale (Franc congolais).
2.5. Le contrôle de change
Généralement, le contrôle de change est un outil utilisé pour
agir sur le volume des réserves octroyées aux importateurs,
en le restreignant, lorsque la BC estime qu’il y a lieu de
protéger la production intérieure contre la concurrence due
aux produits importés moins chers ; c’est aussi une manière
de répondre au slogan  : consommer les produits locaux
(nationaux). Notons également que la Banque centrale y
recourt aussi dans le cas où les réserves de change
diminuent dans le pays, avec comme conséquence la
hausse de valeur de la monnaie devenue rare, par rapport à
la monnaie nationale. Le souci de lutter contre la
dépréciation devient évident. Il faut freiner la demande de
la monnaie étrangère (dollar ou Euro) en occurrence. Cet
outil réduit la largeur des manœuvres des importateurs qui
approvisionnent le marché national. Si les exportations sont
découragées, l’avantage serait d’encourager les
investissements directs étrangers, source des nouveaux
capitaux frais, source de l’emploi, source aussi de
croissance et de stabilité des prix. Ces investissements
directs étrangers peuvent se greffer sur les initiatives
locales (joint-ventures), profitant des avantages qu’offre les
marchés intérieurs  : infrastructure d’accueil, code des
investissements, facilités administratives et règlementaires.
Mais, est-ce possible dans des pays à très faibles
opportunités (petites tailles)  ? Ces pays dépendent
étroitement des importations, ils n’ont pas une forte
autonomie de résilience.
C’est aussi un outil choisi lorsque les réserves de change
font défaut et que l’autonomie dont dispose un pays est en
dessous de la moyenne (standard de 3 mois). Ici, le contrôle
devient délicat, car, la réduction des importations doit être
mesurée en fonction des besoins exprimés par l’économie
qui en dépend  : pièces de rechange, biens intermédiaires,
consommation incompressible, capacité du marché intérieur
à combler le vide dû à la réduction des importations et à la
possibilité de faire face aux mesures probables de rétorsion,
du fait de recourir à cette protection voilée du marché
national en empêchant la libre circulation des biens et des
services.
Section 3. Les résultats obtenus
Plus d’une année après la Covid19, la BCC et le
gouvernement ont publié les premiers résultats de riposte
contre Covid 19. Est-ce que la croissance a eu lieu selon les
projections  ? Est-ce l’inflation et le taux de change se sont
stabilisés  ? Est-ce que les ménages ont amélioré le niveau
de la consommation  ? Autant des questions qui sont
évaluées dans cette section.

3.1. L’illusion de la croissance du PIB durant la crise


Une croissance ne se décrète pas, elle se révèle. Dans son
rapport de fin Août, soit 6  mois après l’application de la
batterie des instruments que nous venons de passer sous
examen, le Gouverneur de la BCC a alerté sur les risques qui
peuvent entraver la reprise de la croissance de l’économie
congolaise, le lendemain de la récession due au covid19. Il
déclare que le taux de croissance, bien que négative, est
estimé à -1,7  %, contrairement aux prévisions pessimistes
qui projetaient la baisse à plus de 12  % par rapport à la
période d’avant la crise. La raison de la bonne humeur du
Gouverneur, est le fait que dans d’autres pays, notamment
en aux Etats Unis, le taux est de -8 % et -10 % dans l’Union
européenne. Seule la chine a un taux positif de 1  %. Par
ailleurs, selon la Banque centrale, la confiance des chefs
d’entreprises au Congo Kinshasa qui étaient de -20 % est à
-15  %. Ceci est une preuve de l’amélioration du climat des
affaires.
Notons cependant que la même Banque attribue cette
reprise en RDC à la seule bonne tenue des marchés
mondiaux des minerais  : le cuivre se vendait à 6300$ la
tonne contre plus ou moins 3000 $. Ce secteur contribue à
la reprise de l’économie à raison de 0,45 %. Tandis que les
autres secteurs : secondaire, tertiaire enregistrent des taux
négatifs. De même, les taxes sur les produits ne rapportent
pas plus. Leur apport reste négatif : -0,38 %. Les facteurs de
risque de récession se situent à deux niveaux, d’après le
Gouverneur :
a) la baisse des prix des produits bruts exportés vers
l’extérieur : Europe et Etats Unis,
b) les revendications sociales, principalement la pression
des enseignants, toute catégorie, qui réclament
l’augmentation des salaires avant la reprise des cours  :
primaire, secondaire, supérieur et universitaire.
Ce qui veut dire que la politique monétaire restrictive
porterait ses fruits  : maîtrise de l’inflation et stabilité de
taux de change.
En conséquence, la Banque conseille le Gouvernement de
gérer les dépenses publiques en tenant compte de recettes
budgétaires. Ceci sous-entend que les dépenses doivent
être sur base caisse. Si le Trésor public est vide, eh bien, il
faut suspendre les dépenses publiques ? La Banque fait déjà
la sélection des dépenses. Plusieurs demandes des fonds
introduites sont gelées, faute, de moyens disponibles.
Pourquoi le Trésor est vide  ? Le Gouverneur estime que les
exonérations fiscales24 et la chute des prix des produits
miniers privent à l’Etat congolais les recettes nécessaires.
C’est un risque à surveiller en vue de maintenir la reprise
constatée. Il n’est pas fait allusion à la contrebande et à la
mauvaise gouvernance des régies financières. Or, la
prédation et les arrangements fiscaux privent également au
Trésor public les ressources utiles.
Quel regard réel pouvons-nous jeter sur ce rapport ?
Comparer les statistiques de la récession du Congo avec
celles des pays occidentaux c’est une erreur. Ces derniers
disposent des plans de soutien à la reprise, avec des
moyens financiers conséquents. Des milliards de dollars
sont disponibles, soit sous formes des prêts, soit sous la
forme de soutien à l’industrie ou encore sous la forme des
aides aux ménages et au chômage. L’union européenne et
les Etats-Unis ont décidé de débloquer des milliards de
dollars et d’euros pour relancer leurs économies et soutenir
la consommation. Ces Etats disposent de l’épargne publique
et privée importante. Au besoin, les banques centrales
volent au secours. Leurs monnaies demeurent fortes  :
dollar, Euro, Yen, Yuan, Livre Sterling, Rouble, etc., elles ne
sont pas affectées par les chocs de Covid-19. Leurs marchés
financiers n’enregistrent pas une crise du genre de celle de
surprimes (2008). Leurs entreprises, bien que secouées par
le chômage, la baisse de la demande et celle de la
production, elles bénéficient des aides régionales ou
nationales qui permettent de les relever les chutes à moyen
terme25.
L’économie congolaise est par contre un malade qui ne
s’ignore pas. La croissance est appauvrissante, non
endogène  ; le chômage n’est plus estimé depuis des
années, alors qu’il bat le plein. Les infrastructures sont
vétustes, l’industrie est primaire (bois, mines), l’agriculture
est de subsistance, le PNB est parmi les plus faibles du
monde (classement du PNUD), la balance des paiements
constamment en déséquilibre, l’épargne nationale est en
dessous de 10  % du PIB, la classe moyenne est informelle,
etc. Bref, les indicateurs du développement du pays sont en
dessous de la moyenne mondiale. Le Congo est classé
parmi les PMA.
Des programmes (industrialisation, électrification,
construction des infrastructures, projets agricoles, etc.)
foisonnent dans les territoires, mais sans issue dès lors que
leurs financements dépendent des ressources de la Banque
mondiale et des autres bailleurs extérieurs. La formation
professionnelle et universitaire aussi est au rabais. Or, le
démarrage d’une économie nationale est étroitement lié au
savoir-faire. Les start-ups sont presque inexistantes. La
croissance portée par les mines est en zigzag, vacillant
selon les vagues des prix sur le marché mondial. Cependant
que les programmes d’une véritable économie endogène
pullulent dans les tiroirs des ministères. Dès lors, la sortie
des crises dans des pays pauvres ne peut pas se reposer
uniquement sur l’apport des firmes étrangères implantées
dans ces petits pays. De même, la combinaison des
politiques conjoncturelles efficaces avec les politiques
structurelles est la seule voie pour relancer l’ensemble des
activités économiques. La bonne gouvernance politique (y
compris la gestion démocratique et non autoritaire et
aristocratique, comme c’est le cas) est la voie autorisée.

3.2. Les chiffres enregistrés


Calculée en termes des revenus des facteurs, la croissance
de l’économie congolaise est une trompe l’œil dans la
mesure où celle-ci (croissance) est tirée habituellement par
les revenus des exportations minières.
3.2.1. Rappel des mesures prises au début de la
pandémie
Avant d’arriver au Pacte de stabilité et à la politique
monétaire restrictive, remarquons que la BCC avait, au
début de la crise sanitaire, pris des précautions que nous
avons énumérées plus haut et que nous reprenons ici, à
savoir :
a) report de l’échéance de crédits,
b) baisse du taux directeur de 9  % à 7,5  % pour alléger le
coût du crédit,
c) report de l’‘entrée en vigueur des dispositions relatives
au relèvement du niveau de capital minimum des banques,
reportée à janvier 2022,
d) gel de la classification des prêts pour permettre aux
institutions financières de suspendre les pénalités de retard
sur les créances en souffrance pendant la crise.
e) dispositif d’un guichet spécial de refinancement d’une
maturité de 3 à 24 mois en vue d’augmenter les ressources
des banques,
f) l’adjudication,
g) l’octroi des exonérations fiscales, notamment sur les
importations et le paiement de la TVA.

3.2.2. Les résultats projetés


Difficile d’imaginer une matrice d’évaluation des gains de
ces mesures. Visiblement, les statistiques démontrent,
néanmoins, les résultats ne sont, malheureusement, pas
concluants. Ces mesures étaient entreprises sur la base des
projections de l’impact négatif de covid-1926. En voici
quelques exemples des estimations dès le début de
l’apparition de la crise sanitaire :
a) exportations de biens et services  : -1,778 (millions de
dollars) soit un écart de-3.7 %,
b) importation des biens et services  : -1,413 (millions de
dollars) (millions de dollars, soit un écart de -2.9  % par
rapport à la période avant,
c) investissements étrangers : -266 (millions de dollars, soit
une chute de 0, 6 %
d) balance des paiements  : A  +  B  +  C= -631 (millions de
dollars), soit un déficit de-1,3 %
e) réserves brutes  : 565 (millions de dollars) soit 2, 6
semaines d’autonomie.
f) récession : -2,2 % du PIB
g) chute des importations en 2020  : -5,3  % (Banque
mondiale) h) chute des exportations  : -72  % (Banque
mondiale)
 
Dans les prévisions pluriannuelles, l’Etat envisageait  : un
relèvement de la croissance sur les trois prochaines années,
après une récession de -1,9 % projetée en 2020, à 3,5 % en
2021, à 4,7 % en 2022 et 6,0 % en 2023, soit une moyenne
annuelle de 4,7  %. Le taux d’inflation moyen devrait aussi
enregistrer une baisse moyenne d’un peu plus de 1 point de
pourcentage entre 2021 et 2023  ; se situant à 9  % en
moyenne sur la période, contre 31  % en 2018, 5,9  % en
2019 et 9,4  % en 2020, soit une moyenne de 15,4  % au
cours des trois dernières années.
En ce qui concerne la stabilité de la monnaie (FC) par
rapport au dollar américain, il était prévu l’objectif de sa
stabilité qui permettrait d’amenuiser le rythme de
dépréciation. Ce qui suggère qu’entre 2021 et 2023, la
dépréciation de la monnaie évoluerait faiblement, se situant
à 6,0 % en 2021, 2,3 % en 2022 et de 1,3 % en 2023, soit
une dépréciation moyenne de 3,2  %, alors qu’elle était de
6,2 % les trois dernières années.27

3.2.3. Les résultats réels obtenus


Ces estimations, bien que sous-estimés ou surévaluées par
les auteurs qui n’avaient pas encore l’idée de l’ampleur de
la crise au début de l’annonce de la Covid-19, ne se sont
pas confirmées au fil du temps. Il fallait s’y attendre.
Par ailleurs, les erreurs du début (les projections) étaient-
elles estimées pour quelle période  ? Une année de
Covid19  ? Deux  ? Quelques mois  ? Parce qu’il s’agit des
données relatives aux échanges avec le reste du Monde,
comment évaluer en termes des pertes l’impact de la
covid19 au Congo Kinshasa, sans maitriser le comportement
des marchés mondiaux, des firmes multinationales et de la
politique économique de chacun des partenaires, politique
ayant des effets sur la petite économie extravertie du
Congo Kinshasa ?
Les données enregistrées en octobre 2020 sont les
suivantes (source BCC)
a).Taux de croissance : -2,7 % contre 5,4 prévus
b).Taux de l’inflation : 21,5 % contre 6,5 prévus
c).Taux de change : 2032FC/1USD contre 1687,4FC prévus
d).Balance commerciale  : 1,9  milliards USD (en baisse par
rapport à2019)
e). Les investissements directs étrangers (en 2019, le recul
était de 4 %)
3.3. Les raisons de l’écart
Le report de l’échéance des crédits a pour objectif de
retarder les paiements (remboursement des dettes reçues),
mais il n’efface pas ces dettes. L’allègement fiscal n’a pas
produit les effets. C’est une conclusion connue de tous, le
principe de l’équivalence ricardienne. Le report des impôts
d’aujourd’hui (exonération fiscale) équivaut aux impôts de
demain. La réunion du Conseil des ministres de mercredi
19  mai 2021 a noté que le montant de 450  millions des
dollars constitue la valeur des exonérations accordées
depuis Janvier 2021. Les effets de cette baisse des charges
des entreprises ne sont malheureusement pas perceptibles
sur au niveau de maintien de l’emploi ni à celui de la
performance. Le nouveau gouvernement tient à mettre fin.
En ce qui concerne les crédits, le paiement du principal et la
capitalisation des intérêts constituent une charge dans le
cas où les prêts n’ont des effets de levier qu’à long terme. Il
peut arriver que ces effets n’aient pas lieu. Tout dépend des
autres facteurs qui peuvent accroître ces effets ou les
annuler. Ainsi, les préteurs ne vont pas attendre jusqu’à X
temps pour réclamer leurs avoirs. Dans le cas de la mesure
prise par la BCC, le temps n’était pas défini.
Nous avons déjà épinglé le cas de pass-trough en ce qui
concerne la baisse du taux d’intérêt directeur. Plusieurs
études, en Afrique, atteste l’absence de corrélation avec les
taux officiels et les taux fixés sur les marchés financiers et
monétaires
De même, disposer d’un guichet unique de refinancement
est une mesure qui peut porter des fruits uniquement dans
le cas où ce guichet est réellement alimenté par les avoirs
disponibles. Encore faut-il que les banques de second rang y
accèdent et octroient à leurs tours des prêts aux
entreprises. Car, lorsque les pressions sur les activités
économiques entrainent la récession, les entreprises. Les
résultats démontrent que durant la période évoquée, il y a
eu réduction des crédits à l’économie.
On peut conclure qu’entre des simples simulations faites au
début de la pandémie et la suite des données, il y a un écart
considérable. La figure suivante démontre les effets des
chocs (baisse de la production des produits de base et effet
Covid19) sur le secteur privé et sur les opérations
monétaires.
Pour quelle raison ? Ce n’est pas la crise qui serait la seule
source des résultats enregistrés au fil du temps. Ils relèvent
de la structure de l’économie nationale, ce depuis des
décennies. Le Congo Kinshasa est le 8è pays le plus pauvre
du Monde, avec 48,46 milliards de dollars de PIB en 2019 et
un taux de pauvreté avoisinant 74  %.28 Les exonérations
ont entrainé la sécheresse du Trésor public.29 La suspension
de la TVA n’était pas respectée dans beaucoup de
magasins. Les banques de second rang n’ont pas répercuté
les effets sur l’économie réelle (production et
consommation)  ; au contraire, elles ont encaissé le surplus
des actifs (l’épargne) sans octroyer des facilités aux clients.
Les sociétés d’électricité et de la distribution d’eau ont
majoré les factures après deux mois en vue de récupérer
leurs manques à gagner. Le seul point positif est la
fourniture des produits alimentaires auprès des
consommateurs de la capitale avec l’aide du ministère de
l’économie (achats des produits locaux ou importés et
acheminés d’urgence sur le marché en vue d’atténuer la
rareté et la hausse des prix). Mais, durant la seconde année
(2021), la spirale de l’inflation a repris surtout au niveau des
produits alimentaires dans les grandes villes. Celui suggère
que l’approvisionnement assuré durant la courte période n’a
pas eu pour but de stabiliser à long terme les prix.
L’enclavement des points d’apprivoisement à cause de la
vétusté des axes routiers en est une des causes.
Figure 2. Paysage financier Congolais durant la crise

Source : IMF Data, International Financial Statistic (2019) ; BCC

A propos des mesures visant le soutien aux entreprises et


aux banques, les experts du ministère du Plan et les
organisations multilatérales et régionales partenaires ont,
dans le Programme multisectoriel d’urgence, relevé que la
vente des devises aux banques secondaires a réduit les
réserves disponibles.30 Les autres mesures en faveur des
banques de second rang ont, certes, épargné celles-ci, mais
sans report sur l’économie nationale, en particulier les PME
souvent déconnectées du marché monétaire et financier. A
peine 10 % des PME ont accès aux crédits en temps normal.
Comparés à la moyenne des crédits en Afrique, le Congo
Kinshasa est en deçà !
En Septembre 2020, le Président de la FEC (Fédération des
entreprises du Congo) a noté que 80 % des entreprises ont
enregistré 75  % de baisse des leurs revenus  ; par ailleurs,
1 % d’entre-elles ont bénéficié de soutien du Gouvernement
durant la période de Covid-1931. Alors que le budget annuel
était estimé à 11  milliards de dollars, les recettes
mobilisables ne peuvent atteindre plus de 5 milliards. Dans
ce cas, on ne pouvait s’attendre à des subventions
imprévues. Seules les mesures d’exonérations, de
suspension de paiements des taxes ont été appliquées.
Mais, comme on peut constater, 1  % des entreprises ont
bénéficié de ces avantages. Le FPI ne disposait que de
10 millions de dollars ; somme sans doute modique pour un
pays dont l’activité économique informelle représente 70 %
dans l’ensemble.
Figure 3. Réponses du système financier au choc :
des pertes de revenus (PIB/H), mois après mois
Vu ces données, il y a lieu de déduire que les 4,4  % de la
croissance projetée au début de l’année 2020 ne pouvait
être réalisée, sauf dans le cas où cette hausse serait portée
par le boom des exportations des minerais, comme c’est
l’habitude. Les entreprises exportatrices (principale source
du PIB du Congo) ayant enregistré une perte de 75  % des
revenus, elles (entreprises) ont entrainé dans leur sillage la
baisse du PIB dans les mêmes proportions presque.
Ainsi, il y a lieu d’affirmer que la reprise de la croissance de
la RDC ainsi que le degré de confiance des chefs
d’entreprises proclamés par la Banque centrale sont
dérisoires. Car, de nouveau, il s’agit d’une reprise envisagée
sur la base des recettes des exportations minières.
Au Congo, les PME sont souvent exclues du marché
financier. Les crédits octroyés sont très faibles. Pour l’année
2020, la banque centrale les évalue à peu près à
3.535,8 milliards des dollars, alors que le chiffre d’affaire de
l’ensemble des banques commerciales était de
67,4 milliards de dollars.
Figure n°4. Crédits bancaires en % du PIB RDC
et Afrique subsaharienne : une faible contribution
du secteur financier à l’économie

Source : Banque mondiale

Donc, il était difficile que la reprise soit tirée par l’activité


économique interne. La figure suivante sur base des
estimations économétriques élaborées par Pinshi de
d’université de Kinshasa, démontre également que
« l’incertitude de la pandémie a conduit au « rationnement
des créances sur le secteur privé à partir du 3ème mois après
le choc initial de la COVID-19. De même, pour le choc lié aux
pertes de revenus, des prêts au secteur privé ont été
contractés depuis le deuxième mois du choc initial. Ce
comportement est corolaire aux retraits de dépôts suite à
l’incertitude de la COVID-19 et à la baisse des revues »32
Figure 5. Réponses du système financier au choc
de l’incertitude de la COVID-19

D’ailleurs, le Gouverneur de la Banque le souligne bien  : la


chute de ces recettes constitue un risque difficile à
maitriser. Ce qui signifie que la reprise devient aléatoire.
Elle correspond au yoyo (zigzag) de la demande des
produits miniers sur le marché mondial. Chose qui se
confirme au cours de l’année 2021.

3.4. Les autres résultats dus aux instruments de


politique monétaire
Ces résultats concernent le niveau des réserves de change
et l’effet de dépense sur base caisse
3.4.1. Le niveau des réserves de change
Alors qu’en 2019, soit quelques mois avant la crise
sanitaire, les réserves étaient estimées à 1,3097 milliard de
dollars, elles ont chuté à 980,16  millions de dollars, dont
363  millions de prêt du FMI. Mais, en mi-septembre 2020,
les réserves retombent à 730, 77 millions des dollars.33
En avril 2021, ces réserves ont chuté à 505, 71 millions des
dollars. Elles sont remontées à plus de 1 milliard de dollars
en mai 2021, non pas parce que la gestion est revenue
saine, mais tout simplement à cause des recettes
douanières améliorées (hausse des prix des produits de
base). Actuellement, elles sont estimées à plus de
3  milliards si l’on tient compte des 1,5  milliard de DTS
obtenus auprès du FMI. Ce qui signifie que les effets de
politique monétaire restrictive, notamment le contrôle de
change, le relèvement du taux des réserves obligatoires ou
la hausse du taux directeur de la Banque centrale n’ont pas
eu lieu durant les 12 premiers mois de la politique
monétaire restrictive. Le gouvernement SAMA compte,
comme ce fut durant la période de Ilunkamba, sur la hausse
des prix des métaux (cuivre, cobalt) pour tirer profit de
rentrée des devises. Le comportement des comptes
extérieurs du Congo est étroitement lié à la nature des
marchés des matières premières.
Alors que la crise sévit encore, le pays n’a réellement que
2,6 semaines d’autonomie vis-à-vis des engagements avec
l’extérieur, si nous excluons l’apport du FMI. La cessation
des paiements guette tout le temps à la porte, malgré
l’annonce de la maitrise des agrégats macroéconomiques
(ministre du Plan), lors de la réunion de l’Econofin comité de
conjoncture de mi-mai 2021. Généralement, l’autonomie
standard est de 3  mois. Le FMI va-t-il toujours intervenir  ?
Ceci est possible dans le cadre des DTS, mais c’est un prêt.
Le FMI pose des préalables  : gestion saine des finances et
élaboration d’un budget réaliste (2022). Que nous réserve
l’avenir ?
Tant que la source d’approvisionnement (recettes minières
et des produits de base) ne s’améliore pas, et marque le
yoyo, la crise de change va reprendre son chemin. De
même, tant que l’orthodoxie budgétaire n’est pas la règle
dans le chef du gouvernement, la reprise et la stabilité
économique vont s’éloigner encore de la réalité. Cette
sécheresse des devises se lit aussi à travers le volume des
transactions monétaires. Fin Août 2020, il y a 1,849 milliard
de dollars échangés dont 1,364, 75 à titre d’achat et
485,09 millions de dollars des ventes. Nous ne sommes pas
au premier cas de cette sécheresse. Lors de la crise de
surprimes en 2008, le Congo Kinshasa a atteint le niveau de
cessation des paiements extérieurs. Les réserves étaient de
l’ordre de plus ou moins 30 millions de dollars. C’est le FMI
qui est venu au secours avec un prêt de l’ordre de
600  millions. L’apport des autres partenaires a ramené les
réserves à 800 millions.
3.4.2. L’effet de dépense sur base caisse
En premier lieu, le pacte de stabilité conclu entre la BCC et
le Gouvernement devait empêcher les avances accordées et
permettre de maitriser la masse monétaire, y compris la
stabilité de la monnaie locale. Fin Avril 2020, les avances
cumulées accordées au gouvernement équivalaient à
620  milliards de Franc congolais. Déjà en Février 2020, le
FMI en renouant avec Kinshasa, avait exigé la fin de cette
pratique des avances jugée comme porteuse des effets
néfastes sur la stabilité de la monnaie nationale. C’est bien
beau et théorique.
Mais, à force de viser un objectif de politique économique, il
y a risque de sacrifier d’autres objectifs non moins
essentiels, notamment, le niveau de la consommation des
ménages, et par ricochet, l’offre. Or, dans la gestion
conjoncturelle des agrégats macroéconomiques, la nouvelle
politique économique exige l’équilibrage entre objectif
macroéconomique et objectif microéconomique.
Souvent, les experts dans des pays en développement (cas
du Congo Kinshasa), appliquent les vieilles connaissances
classiques prônées par l’école de Chicago. A ce propos,
W.K.Brauers34 affirme que la mono-optimisation comme
approche dans les solutions des déséquilibres
macroéconomiques est erronée. La multi-optimisation, par
contre « implique à la fois une maximisation du PIB par tête
tout en tenant compte d’un revenu garanti pour chacun, la
minimisation du taux d’inflation, du chômage, du déficit
budgétaire et de la dette extérieure avec un équilibre du
compte courant de la balance des paiements  ».35 Souvent
les experts de la BCC ignorent ou font fi de cette multi-
optimisation. L’analyse multicritère s’avère ici prioritaire.
C’est l’arbitrage entre les objectifs ; tout en minimisant des
déséquilibres criants, la régulation à court terme permet en
même temps de stimuler le comportement souhaité des
agrégats micro et macroéconomiques à court et à long
termes.
Exemple, la paie des fonctionnaires, la santé, l’éducation,
les infrastructures, etc., sont des dépenses contraignantes
qui impactent l’offre. Comme l’Etat restreint ses dépenses,
sacrifie les prévisions, il se donne le pouvoir discrétionnaire
de triller ce qui lui semble urgent, mais sans que ce soit
exacte. La lutte contre l’inflation peut être une priorité.
Mais, les causes doivent être connues et maitrisables.
Prenons l’exemple de l’éducation, alors que la promesse de
la gratuité de l’enseignement de base (primaire) était criée
à tue-tête, celle-ci (promesse) a été jetée dans l’oubli.
Le Gouverneur de la BCC a ainsi conseillé d’ignorer les
revendications salariales des enseignants  ; il a fait fi de la
grève amorcée. Il a oublié aussi que l’enseignement au
Congo est au rabais depuis des années. Son conseil, du
point de vue économique est soutenable, mais socialement
il peut avoir des conséquences : le durcissement de la grève
et le bricolage de l’année scolaire et académique. Si c’est le
prix à payer pour sauver la chute du FC (dépréciation qui
serait liée à l’usage des avances au gouvernement, laquelle
dépréciation entraine l’inflation) alors, le Gouverneur ignore
que la baisse du pouvoir d’achat des congolais a un impact
sur leur mental et leur quotidien.
La rupture sociale qui se creuse entre ceux qui sont payés
en dollars et ceux qui sont privés (coupe sombre des
salaires et arriérés) de leur Franc congolais est aussi une
bombe à retardement. La paie des enseignants ne
représente d’ailleurs pas plus de 2  % des dépenses
budgétaires annuelles. La chute du Fr congolais est-elle due
principalement aux avances accordées par la BCC,
lesquelles gonflent le volume de la masse monétaire,
entrainant alors le recours au dollar comme monnaie
refuge  ? Oui, en partie, non en réalité. La monnaie
congolaise connait sa descente en fer depuis le début de la
décennie 2000. Nous l’avons souligné au début qu’à sa
création elle valait 1,3FCC pour 1$. Elle connaîtra sa chute
tant que l’on se trompe sur les causes de la perte de sa
valeur. Nous avons consacré à ce sujet une riche recherche
publiée chez Harmattan en 201836. En cas des crises
jumelles ou non, la sortie ne nécessite plus le recours à des
théories macroéconomiques classiques.

3.5. Leçons à tirer


3.5.1. Les avances monétaires au Gouvernement : un
mauvais choix ?
Il est attesté que la dette/ PIB du Congo est actuellement en
dessous de 70  %. Par ailleurs, la dette intérieure est plus
gérable que la dette extérieure. Ce qui fausse les
paiements, c’est le fait que le Gouvernement congolais est
tenu de payer en dollar cette dette intérieure dont les
créanciers sont généralement les expatriés qui offrent leurs
services et leurs produits et exigent le paiement en
devise37. Si la BCC parvenait à faire respecter la disposition
constitutionnelle qui exclut la dollarisation de l’économie
congolaise, cette problématique de dollarisation qui
gangrène l’économie aurait déjà pu avoir l’issue.
Les acteurs de la «  dollarisation  » de l’économie étant les
dirigeants eux-mêmes, ils trouvent un réel plaisir à jouir de
la chute du FC et font semblant de vouloir résoudre le
problème sans le toucher du doigt. Il existe plusieurs
régimes de change (flottant, fixe et intermédiaires).
L’équivalent de la masse des devises par rapport à la
monnaie nationale dépendent de la santé économique du
pays. Plus vous vivez de l’aide financière, plus vous devenez
pauvres. Produire, vendre, attirer les capitaux, exporter,
diversifier les secteurs de production, conforter le marché
financier, voilà les solutions qui manquent. Le Congo a
intérêt à mettre la discussion sur la table et inviter des
spécialistes à la réflexion en vue d’en dégager les choix
judicieux. Le silence à cet appel apparait suspect et non
innocent. Les décisions prises durant le gouvernement de
Matata Mponyo n’ont pas été suivies.
En second lieu, la cessation des avances au Gouvernement
n’a pas empêché les déficits mensuels. En avril, le déficit,
était de l’ordre de 185 millions de dollars. En Juin, il était de
l’ordre de 60  millions de dollars. En juillet, c’était
91  millions. Bref, le Gouverneur de la BCC s’inquiétait déjà
au début de Septembre 2020 de l’évolution de ces déficits,
qui du reste, sont financés par la vente des Bons du Trésor38
et par l’injection des prêts accordés par le FMI. «  Jusqu’au
3  septembre 2020, le gouvernement a absorbé
431,9 milliards FC (215,95 millions USD) de l’appui du FMI et
393,8  milliards FC (196,9  millions USD) pour financer ses
déficits budgétaires. Jusqu’au 4  septembre, le compte du
Trésor présente un déficit de 357 254,52  millions FC
(178,627  millions USD) qu’il faudra comble avant la fin de
l’année afin de mieux négocier le programme triennal avec
le FMI attendu en 2021  »39. Au total, entre Janvier et mi-
juillet, le déficit budgétaire était de l’ordre de 886  millions
de dollars.

3.5.2. Les déficits publics chroniques : un défi


Quelles sont les vraies causes de déficit des dépenses
publiques  ? Les dépenses des rémunérations des
fonctionnaires sont exorbitantes et représentent plus de
40 % des parts dans le budget total ! Il est facile de pointer
du doigt cette rubrique. On admet, certes, que plus de 30 %
du Budget en 2020 sont consacrés au paiement des
fonctionnaires.
Mais, ce que le Gouverneur ne dit pas tout haut, c’est le fait
que l’exécution des dépenses prévues pour le
fonctionnement des institutions n’obéit plus à la règle. La
présidence, la primature, le sénat, l’assemblé, etc.,
dépassent mensuellement les limites des allocations. On
estime les dépassements des dépenses de plus de 300  %
uniquement pour couvrir les besoins de la Présidence et de
la Primature. Les dépenses dites d’urgence et non soumises
à la procédure de la chaine des dépenses sont dictées par le
fonctionnement sans condition des institutions politiques. La
BCC s’est trouvée dans l’impossibilité de restreindre ces
avances. Ses robinets sont restés ouverts, en dépit de la
rigueur prônée (souhait de réduire la rémunération de
14 %).
Quelle est la raison  ? La faible mobilisation des ressources
fiscales conduit le pays à imaginer un budget sous-estimé
chaque année. Lors du Forum sur les réformes fiscales,
forum organisé en 2016, le ministre des Finances, Yav
Mulang disait  : «  Les réserves en devises qui ont atteint
1,5 milliard de dollars (soit 5 semaines d’importation), début
2016, sont en lente régression (autour de 800  millions
actuellement, soit moins de trois semaines d’importation).
Les recettes nationales, quant à elles, arrivent à 13,5 % du
Produit intérieur brut (PIB), soit 2 points de moins que la
moyenne des pays les moins développés (15 %). Elles sont
également en dessous de la moyenne de l’Afrique
subsaharienne (autour de 20  %). Or, le potentiel de
mobilisation supplémentaire serait de 10 points de
pourcentage du PIB, venant essentiellement du secteur des
ressources naturelles. La RDC occupe la 16è place en
termes de potentiel de la rente due au secteur des
ressources naturelles dans le PIB, mais elle est à la 104è
position en termes de recettes totales au PIB40 »
On ne peut pas conduire une politique budgétaire
conséquente avec moins de 5  milliards de dollars pour un
pays de plus de 100  millions d’habitants, large comme
l’Europe des 16 (marché commun de l’époque). Ce qui
étonne encore, c’est la découverte des 52 sous comptes
parallèles au compte général du Trésor public, disposant
d’un montant de 650  millions $ cachés41. De même, la
révélation qui a choqué nombreux est celle de l’existence
des cartes VISA octroyées aux dignitaires du régime Kabila
Joseph, avec provisions de 50 milles $ renouvelables et tirés
sur le Trésor public. Comment dans ce contexte éviter la
prédation !
Plus le pays est grand (dimensions continentales), plus les
besoins en argent liquide sont énormes. A mi-août, la BCC
reporte que  : «  les opérations financières de l’Etat se sont
clôturées à fin juillet 2020 avec un déficit de 182  milliards
FC (91  millions USD si on considère le taux de 2000 FC le
dollar américain), résultant d’un niveau des recettes de
604,3  milliards FC et celui des dépenses de 786,3  milliards
FC ».
La Fonction publique est accusée depuis des années d’être
budgétivore42. C’est vrai. La pléthore du personnel est
décriée. On dénombre plus de 130.000 agents fictifs et
40.000 doublons lors du contrôle effectué durant le mois de
septembre 2020. Mais, on oublie que les engagements
s’effectuent pêle-mêle dans chaque ministère. Il arrive que
ceux qui travaillent et qui ont réellement des responsabilités
bien définies demeurent impayés depuis des années. Dès
lors les fictifs (agents fantômes) qui tournent les pouces et
qui vaguent à d’autres occupations, sont ceux-là qui
disposent de numéros matricules et des comptes en
banques. Ils sont payés sans rien faire. Cette situation est
connue des tous les gouvernements. Mais, le contrôle réel
n’a jamais été effectué. Parfois, ceux qui sont chargés de ce
contrôle gagnent des pots-de-vin et rendent des faux
rapports, une fois les missions terminées. Avant les
élections de décembre 2018, le ministre de la Fonction
publique a fait le tour des provinces, accordant les numéros
matricules à des milliers des « nouvelles unités »43, en guise
de cadeaux de sa plate-forme électorale, le FCC (Front
commun pour le Congo), alors que les anciennes unités
mises en services demeurent non rémunérées depuis des
années. Notons également que durant la coute période
d’entre 2019 et 2020 il y a eu 16 dossiers de possible
détournement des deniers publics. Le programme de 100
jours a été exécuté de gré à gré, sans respect des règles de
passation des marchés publics. Au même moment, on a
noté une affaire non élucidée des 15  millions de dollars de
rétrocession aux sociétés pétrolières.
Lors de reddition des comptes (Gouvernement Tshibala),
650 millions de l’affectation des dollars n’a pas été justifiée
(fournitures des matériels de bureau et exécution des 44
projets sans couverture des crédits. Il y a eu également
l’affaire de 200  millions de prêt à la Gécamines (Société
publique) non élucidée. Par ailleurs, 5828 comptes
bancaires fictifs (enseignants fictifs de l’EPST). La société
commerciale de transport et ports (ex-Onatra) a enregistré
un détournement des 55  millions de dollars prévus pour la
redevance logistique et terrestre. La société Mutanda Mining
a également payé 100  millions de dollars à titre d’avance
sur impôt ; ce montant n’est pas arrivé dans les caisses de
l’Etat (2015). L’affaire maisons préfabriquées  : plus de
40 millions non justifiés. Comme nous pouvons remarquer :
le montant global des fonds qui échappent à l’Etat avoisine
1  milliard de dollars chaque année. En même temps, les
aides et prêts accordés à ce même temps, chaque année,
avoisinent aussi 1 milliard de dollars
Section 4. La riposte à la première alerte
En principe, nous devions commencer par l’analyse de cette
première riposte, mais pour des raisons évoquées haut,
nous y sommes. En mai 2020, le gouvernement Ilunga
Ilunkamba a publié un rapport ambitieux qui examinait les
effets socio-économiques dus au covid-19 ainsi que les
ripostes appropriées. C’est dans ce cadre que le programme
multisectoriel que nous parcourons ici a été élaboré.

4.1. Le Programme multisectorielle d’urgence


(PMUAIC)
Nous avons donné la préférence à la seconde riposte
relative à la dépréciation du Franc congolais et au recours à
la politique monétaire restrictive envisagée par la BCC pour
endiguer la crise. C’est la raison pour laquelle nous avons
au préalable examiné ceci en premier lieu. Revenons à
l’analyse de la première riposte.
Les résultats, comme, l’indique l’analyse ne sont pas
positifs. Dans les pages qui suivent, nous examinons les
résultats des mesures prises dès l’apparition des signes de
la crise en Mars 2020, notamment, avec la spéculation des
prix des produits de premières nécessités.

4.1.1. Un programme mort-né


Si nous examinons cette riposte en second lieu, c’est parce
que le Gouvernement congolais a vite ignoré ce programme,
au profit de la riposte contre la chute du Franc congolais. En
effet, au bout de quelques mois de la crise, le pouvoir (BC et
Gouvernement) n’ont plus fait plus allusion à la mise en
œuvre de PMUAIC-1944. Le volet économique prévoyait
pourtant  : l’innovation économique, la diversification, la
réduction de la dépendance face aux importations des
produits et des intrants industriels et la valorisation des
ressources naturelles.
Mais, comme dit haut, la BCC a privilégié les solutions
conjoncturelles, à savoir : la stabilité macroéconomique par
le biais de politique monétaire restrictive. La BCC ignore
qu’une stabilité basée sur une structure économique
défaillante, elle (stabilité) finit par l’instabilité à répétition.
La croissance durable est fondée sur l’emploi, la solidité des
industries, le développement des infrastructures
économiques, la rentabilité financière des entreprises, la
meilleure consommation nationale, l’inclusion financière et
la compétitivité vis-à-vis des partenaires extérieurs. Cette
préoccupation semble échapper continuellement aux
dirigeants du Congo Kinshasa, dont la gestion de la chose
publique est taillée du jour au jour. Il est inconcevable que la
reprise soit au rendez-vous, alors que les analyses sérieuses
fournies par le FMI démontrent que l’économie mondiale
traverse une crise sans précédent  ; la relève n’est pas
attendue si tôt.
Mais pour quelle raison, la BCC a conseillé de mettre en
priorité les instruments de politique restrictive, en lieu place
de politique budgétaire expansionniste ?

4.1.2. Les quatre raisons de l’échec


a) le montant de 2, 6  milliards non disponibles dans
l’immédiat,
b) le temps imparti de 9 mois de durée,
c) les sources imaginaires de son financement.
d) les secteurs choisis
e) la priorité accordée au paiement des primes des agents
affectés des divers organes chargés de contrôler la
pandémie.
f) l’esprit de business dans la proclamation des dépenses
g) le détournement et l’absence de contrôle
Selon le ministère du plan, il était convenu la répartition
suivante  : 15  % (soit, 391 593 300 USD) pour la riposte
sanitaire ; 41 % (soit, 1 070 355 020 USD) pour l’atténuation
des effets sur le cadre macroéconomique et le soutien à la
relance des secteurs productifs  ; et 44  % (soit, 1 148 673
680 USD) pour la préservation des conditions de vie de la
population pendant cette période de crise. Les sources de
financement : 20 % (soit, 522,1 millions USD) pour la partie
à financer par l’Etat, 23  % (soit 600,4  millions USD) à
identifier auprès des bailleurs et 57 % (environ 1,5 milliards
USD) la partie à rechercher. Lors du Sommet de Paris, tenu
le 18 Mai, sous la présidence de Macron, Kinshasa a sollicité
un prêt de 1,5 milliard de dollars auprès du FMI. Ce montant
viendrait des DTS. La Directrice Générale a donné sa parole.
Et depuis Juillet, ce prêt a été accepté. Peut-on espérer que
cette aide viendrait combler le vide  ? Si oui, et comment
constituer la part (20  %) du Gouvernement  ? Le
décaissement de ce prêt accordé dans le cadre de facilité
élargi de crédit (FMI) ne va-t-il pas être la pomme de
discorde à la longue ?
Quel partenaire non identifié serait disposé à assumer la
moitié des 2, 6 milliards de dollars ? La banque mondiale, le
Pnud, l’OMS ? Or, le correctif budgétaire (estimation) prévoit
un budgétaire annuel de tout au plus 5 milliards de dollars.
Quel miracle, le pays devait déployer pour dépenser en
urgence 2,6  milliards de dollars  ? Sur le plan sanitaire, des
critiques se lèvent contre la gestion de la crise. D’où
viendraient les millions de dollars envisagés  ? Sur le total
des aides reçues, le Premier ministre avoue avoir dégagé
10  millions de $ sur les 1070355020 $ prévus dans le
programme d’urgence, tandis que le ministre de la santé
aurait eu seulement 3  millions, alors que le coordinateur,
Dr Muyembe affirme n’avoir eu que 1,5 million de dollar. Où
sont passés les autres millions d’aides  ? Dira-t-on que le
nombre des malades guéris est dû à ces dépenses
modestes  ? Sur ce, Dr Muyembe n’a pas eu de réponse  :
incapacité d’accueillir des malades, manque de suivi,
statistiques douteuses, etc. « Certains guérissent en buvant
de l’eau chez eux à domicile ». Dixit Dr Muyembe !
Les chiffres publiés après une année de la mise ne action de
ce programme, le rapport de l’observatoire de la dépense
publique (ODEP) indique que l’exécution a été de 27,26  %,
soit 738,20  millions de dollars sur le total prévu. Les
dépenses propres du gouvernement sont de l’ordre de
14,62  millions de $ (2,04  %), contre 723,8  millions $
(97,96 %) des partenaires45.
Etant donné l’illusion des chiffres imaginaires prévus à
travers ce programme, il y eu un début de son exécution,
sans suite. Il s’ajoute ainsi à d’autres plans et programmes
conçus depuis des années et dont les feuilles pourrissent
dans les tiroirs des ministères.
4.1.3. L’illusion fondée sur des recettes des
exportations
Les mines constituent la première source des recettes de
l’Etat congolais certes, mais, même durant la période
glorieuse (bonne tenue des prix), les recettes du Congo
Kinshasa demeurent maigres. A titre d’exemple  : les avoirs
extérieurs tenus à la BCC n’ont plus atteint le niveau de
1,7  milliard de dollars durant la première année de crise46.
Actuellement, on évalue ces réserves à 3,3  milliards de
dollars en septembre 2021. D’où vient cette augmentation ?
De la «  générosité  » du FMI. En juillet, le Congo a eu
217  millions de Facilité de crédit élargie (première tranche
de la promesse de 1, 52  milliard à décaisser en trois
tranches). En septembre, le montant de 1,5  milliard de
dollars DTS a été aussi octroyé. Ce qui signifie que
l’accroissement miraculeux des réserves ne dépend
nullement des sources propres du Congo.
L’apport fiscal des entreprises minières n’a jamais dépassé
annuellement 1 milliard de dollars. Plus d’une fois, en dépit
de l’absence des exonérations, les exportateurs ne
transfèrent pas plus de 40  % de leurs recettes vers le
marché financier et monétaire congolais. La règlementation
en la matière est foulée au pied. En 2020, le rapport du FMI
note que le PIB n’a augmenté que de 1,7 % en 2020 malgré
l’expansion du secteur extractif de près de 10 %, et pourrait
augmenter de 4,9 % en 202147.
Et le Gouverneur de la BCC le sait très bien. Plusieurs
réseaux mafieux protègent ces industriels qui opèrent en
RDC. Lors de la réunion du Conseil des Ministres présidée
par le Chef de l’Etat, il a été constaté que nombreuses
entreprises minières ne transfèrent pas leurs recettes vers
le Congo Kinshasa. Ceci explique l’échec de la mise en
œuvre du fameux programme multisectoriel d’urgence. Le
transfert ne doit pas être décrété en fait. Il dépend des
investissements futurs des industriels. Il dépend également
des décisions prises par les maisons mères des filiales. On
peut imaginer toutes les facilités, mais il ne faut pas ignorer
que l’investissement étranger dans les mines répond à
plusieurs opportunités prévues par les industriels. Ils ne
viennent pas à l’étranger pour booster l’économie du pays
d’accueil, sauf dans les cas où les placements financiers
rentables les attirent à nouveau. Dans ce cas, seules les
ressources pour le renouvellement local des usines ou
l’extension peut pousser l’industriel à ramener les gains
vers le pays d’accueil.
4.2. Les aides aux ménages : une cible ratée
Nous avons souligné au début de cette analyse que le
Gouvernement a procédé à assurer l’approvisionnement des
centres urbains en produits de première nécessité, il a exigé
la suspension de paiement des frais locatifs en faveurs des
personnes affectées par la fermeture (confinement) des
entreprises, il a également décidé de prendre en charge les
frais de consommation d’eau et d’électricité et a décidé
l’octroi des crédits à taux nul (Fonds de promotion de
l’industrie) en faveur de certaines entreprises de transport
(armateurs) de manière à faciliter l’acheminement des
produits essentiels vers l’intérieur du pays (Programme
alimentaire d’urgence). Par ailleurs, le paiement de l’impôt
sur la rémunération des fonctionnaires a été suspendu pour
2 mois.
Ce soutien direct ou indirect a atténué quelque peu la
spéculation des prix des produits de base dans quelques
villes (Kinshasa et Lubumbashi) du fait de l’inondation des
marchés en produits importés et locaux. Les grossistes
importateurs ont été priés d’entretenir des stocks
permettant d’éviter une forte pénurie, d’autant plus qu’ils
ont bénéficié des exonérations douanières avant ou durant
la crise.
Mais, ces effets positifs ont été de courte durée. Les
sociétés de distribution d’eau et d’électricité ont, à la fin du
délai accordé, surfacturé les clients, sans que le
Gouvernement réagisse. Ces factures non calculées sur
base de la consommation sont souvent distribuées à des
ménages qui n’ont pas accès à l’eau et au courant, fautes
de coupures et de la vétusté des câbles et des tuyauteries.
Les locataires n’ont pas été tous épargnés par la grogne des
propriétaires des immeubles. Certains ont été jetés dehors
avec leurs biens. Les autres se sont trouvés avec des
facteurs lourds à honorer. L’approvisionnement en produits
de première nécessité n’était que sporadique. Les prix ont
repris leur croissance dans un contexte de chômage et de
manque de revenus pour nombreuses familles obligées de
multiplier des petits boulots informels (ces activités
représentent plus de 70 % des activités économiques) pour
survivre du jour au jour.
Au cours d’un mois, l’Etat qui a décidé de geler le paiement
de l’impôt sur le revenu personnel (rémunération) des
agents (Fonction publique), il a repris l’imposition sur des
maigres salaires en dépit des réclamations à tue-tête. Un
directeur chef de service ne gagne pas plus de 300 dollars.
Le taux de chômage estimé entre 70  % et 60  % (emploi
informel non compris) laisse nombreux jeunes dans la rue,
sans aucun secours. Plus de 40  % des ménages n’ont pas
accès aux services publics. Selon l’institut national des
statistiques, il est noté que le pouvoir d’achat des ménages
a enregistré une perte (moyenne) de 30  % par rapport à
2019. L’enquête réalisée dans plusieurs provinces  :
l’Équateur, l’ituri, le Nord-Kivu, le Kwango, le Haut-Katanga,
le Haut-Lomami et le Tanganyika, note que dans l’ensemble,
la perte du pouvoir d’achat a touché 66  % des ménagés
soumis à l’enquête.48 A Kinshasa, 1800 familles de la
commune de Nsele auraient reçu des aides de l’UNICEF  ?
PAM et USAID par le biais de M’pesa (Vodacom). Combien
par famille  ? Les chiffres n’ont pas été annoncés. Ce sont
des modiques sommes d’argent qui ne peuvent soulager les
bénéficiaires en détresse.
Section 5. Les résultats obtenus dans le cas de
l’Afrique subsaharienne
Il existe également des études réalisées dans le contexte
des effets de la crise sanitaire sur les économies africaines.
La plus pertinente et qui a retenu notre attention est celle
réalisée par Calvin Djiofack Zebaze, Hasan Dudu and Albert
G. Zeufack, portant une simulation des effets à partir de
l’approche d’équilibre générale calculable49. Les résultats
obtenus sont les mêmes que celles observés au Congo
Kinshasa.
Les trois auteurs ont observé par simulation les variables
suivantes  : l’évolution de prix du pétrole, l’impact sur le
secteur touristique, la baisse des investissements directs
étrangers, baisse due à l’incertitude (des investisseurs)
relative aux gains en période de crise, la baisse de la
productivité du capital, la hausse des couts des transactions
(échange des biens et des services) et la chute de l’emploi.
Les hypothèses émises ont conduit aux résultats réels
concernant la croissance, les échanges, le marché de
l’emploi, la productivité du travail, le niveau de la
consommation, la chute des recettes fiscales. Les données
suivantes attestent leurs conclusions.
 
La croissance de la région passerait de 2,6  % en 2019 à
-2,5 % en 2020. Donc, la COVID-19, selon les auteurs « aura
un impact considérable sur la croissance économique des
pays d’Afrique subsaharienne, même dans le scénario le
plus optimiste d’une réponse rapide et efficace. Selon le
scénario 1, les estimations du CGE montrent que le PIB
serait inférieur à celui du scénario d’avant la crise d’environ
5,7 % en 2020 et de 1,0 % en 2021 »
Figure 6 Impact de la COVID-19 sur le PIB réel, 2020-21 (% d’écart par
rapport au scénario de base) 2020
La figure 7 démontre les tendances dans le cas des deux
scénarios  ; crise grave et crise catastrophique, la chute du
PIB, de la consommation, des investissements, des
exportations et des importations
Figure 7 Impact de la COVID-19 sur le PIB réel, 2020-21 (% d’écart par
rapport au scénario de base) 2021
Source : Résultats du modèle EGC

Les auteurs estiment à cet effet que « En 2020, la baisse du


PIB en Afrique subsaharienne est due à la diminution des
exportations (4  % de moins), des investissements privés
(8  %) et de la consommation des ménages (6  %).
L’évolution des exportations est due à l’augmentation des
coûts commerciaux (figure 3). L’investissement est plus
faible pour au moins deux raisons : (1) la réduction des IDE
et le report des investissements intérieurs (figure 3) ; et (2)
la baisse de l’épargne publique (augmentation du déficit) et
la baisse de l’épargne des ménages, car une participation
plus faible au marché du travail combinée à une
productivité plus faible réduit les revenus des ménages. La
détérioration du solde budgétaire entraîne une hausse des
taux d’intérêt et donc la suppression des investissements
privés. La baisse des importations a des effets positifs sur le
PIB »50
Il en est de même, en ce qui concerne le taux de croissance
réelle pour l’Afrique subsaharienne.
Figure 8 Effet de la COVID-19 sur le taux
de croissance en Afrique subsaharienne
(taux de croissance annuel réel du PIB, en %)
Tandis que la figure 9 présente les effets de Covid-19 tenant
compte des chocs internes (nationales) et externes (IDE,
PRIX mondiaux des matières premières, baisse des activités
du tourisme et chute des échanges des biens et des
services.
Figure 9 Impact sur le PIB en fonction des chocs,
national vs international
Source : Résultats du modèle EGC

Certes, ces résultats d’ensemble ne doivent pas occulter les


particularités de chaque pays africains. La résilience aux
chocs internes et externes diffère d’un pays à l’autre. Les
pays les plus touchés sont ceux qui ont des économies
extraverties et dépendantes. Ils ne disposent presque pas
de l’épargne nationale, la productivité du capital entraine la
chute des recettes fiscales ; la hausse des prix de l’énergie
a un effet plus prononcé pour les pays qui en demandent
étroitement. Le chômage sera fonction de la structure du
marché de l’emploi. Les auteurs estiment que le modèle
d’équilibre général calculable utilisé permet de tirer ces
conclusions : « L’impact à court terme de la COVID-19 sur la
croissance variera d’un pays à l’autre en fonction de
l’ouverture commerciale, de la dépendance vis-à-vis des
matières premières, du tourisme et de la préparation aux
épidémies. En termes de groupes de ressources, les
estimations du modèle EGC montrent que les pays
producteurs de pétrole sont les plus touchés en raison de la
combinaison d’une baisse des prix internationaux et de la
demande. De même, la croissance des pays exportateurs de
métaux diminuerait fortement, car la réduction de la
demande mondiale entraîne une baisse de la production
minière »51.
Les effets sur la finance publique (recettes et dépenses
budgétaires), thème qui nous intéresse plus dans cette
analyse n’ont pas été oubliés par les auteurs. La figure 9
démontre que dans le cas des deux scénarios  : crise grave
ou crise catastrophique, l’Afrique subsaharienne enregistre
une chute des recettes fiscales, chute due au confinement
des entreprises, à la fermeture des frontières économiques,
à la chute de la productivité et à l’attitude prudentielle
adoptée par les investisseurs, mais aussi à la baisse de la
consommation des biens et des services.
Selon le scénario optimiste, pensent les auteurs, «  les
recettes perçues par les pays d’Afrique subsaharienne
seraient inférieures de 12 % par rapport à celles du scénario
de référence Comme le niveau des dépenses reste élevé en
raison du besoin de lutter contre l’épidémie, une baisse des
recettes entraînerait une détérioration substantielle de
l’équilibre budgétaire global. Selon le scénario pessimiste
(scénario 2), les recettes seraient inférieures d’environ 16 %
en 2020 par rapport au scénario sans COVID-19, ce qui
entraînerait une augmentation de 3,5 points de pourcentage
du déficit global par rapport à ce dernier ».
Figure 10 Effet fiscal de la COVID-19 en Afrique subsaharienne : Pertes
de recettes en 2020 (% du PIB)

Source : Résultats du modèle EGC

Ces scénarios, quoique pessimistes sont proches de la


réalité. En avril 2021, le FMI, dans son rapport, projette
également des scénarios qui évoquent « qu’il y a eu plus de
peur que de ma  » l. Mais, le même rapport souligne que
«  La croissance en 2020 reste le plus mauvais résultat
jamais observé, avec une contraction de l’activité de 1,9 %,
qui entraîne une forte hausse des inégalités. En 2021,
l’économie de la région reprendra son expansion, avec une
croissance de 3,4  %, contre 6  % pour le reste du monde,
dans un contexte marqué par un manque d’accès persistant
aux vaccins et une marge de manœuvre restreinte pour
étayer la riposte à la crise et la reprise »52. Dans ce rapport,
le FMI souligne les restrictions des dépenses budgétaires,
l’endettement des économies durant la crise, le recours aux
instruments de politique monétaire, tel la manipulation des
taux d’intérêt, le ciblage de l’inflation et la chute des
recettes publiques et le faible niveau de l’épargne nationale.
Les mêmes mesures de riposte à la crise économique ont
été finalement entreprises dans nombreux pays africains.53
Et la conférence de mars 2021 à Paris s’est focalisé sur
l’aide financière contre la crise sanitaire et ses effets sur
l’économie africaine.

1 Le rapport de l’CCDE signale que “Les petites économies ouvertes rencontrent
plus de difficultés pour leur politique de stabilisation. Une politique monétaire
agissant sur le taux de change peut être un puissant instrument de stabilisation,
mais au prix de transferts de ressources entre le secteur ouvert et le secteur
abrité. Les interventions sur les marchés des changes peuvent potentiellement
compenser en partie ces effets, mais ces mesures doivent s’appuyer sur une
évaluation des désalignements, qui sont difficiles à identifier”.in OCDE 2010, “La
politique économique contra-cyclique”, OCDE Département des Affaires
Économiques, Note de politique économique, no 1.
2  Jons Kibala Kuma, L’économie mondiale face à la pandémie de la Covid 19  :
état des lieux, analyses et perspectives », in Hal, Archives-ouvertes.fr, 2020
3 Groupe d’étude sur le Congo, Covid business en RDC, octobre 2021
4  Les dépenses annuelles pour le fonctionnement et la rémunération étaient
évaluées à 1,757 milliard de dollar américain. Or, vue la récession due à la crise
sanitaire, le budget est réduit à 4 milliards.
5  Lire notre livre  : La dépréciation du Franc congolais (2001-1018), Ed.
Harmattan, Paris, 2018
6 Indicateur des conditions monétaires est la règle qui détermine le niveau de la
corrélation entre taux de change, taux d’intérêt, taux de l’inflation et croissance.
Il est la somme des variations de chaque instrument, pondérées par des
coefficients représentant l’impact de chacun d’eux sur l’économie réelle
7  Vincent Bouvatier, Détermination du Pass-Through du taux monétaire sur les
taux des crédits : le comportement de la Banque centrale importe-il ? Presses de
Sciences Po « Revue économique » 2018/4 Vol. 69, pages 615 à 634
8  Pinshi Christian, Arithmétique du Pass-through de la covid-19 sur le système
financier congolais, in Hal.archives-ouvertes.fr, juillet 2020
9 La seule activité serait l’octroi des crédits ; la concurrence est monopolistique ;
les taux visent à maximiser les profits.
10 Le modèle développé était celui d’un modèle en équilibre partiel décrivant le
comportement des intermédiaires bancaires et prenant en compte le
comportement de la banque centrale, mais sans intégrer les effets de la
politique monétaire sur les dynamiques de l’inflation et de la production.
11  Grégory Levieuge, Règle de Taylor versus Règle ICM, in CAIN, Revue
économique, 2006
12  Jonas Kibala, Johan Van Overtveldt, The Chicago School : How the University
of Chicago Assembled the Thinkers Who Revolutionized Economies and
Business, Chicago : Agate, 2007
13  Il existe un lien entre taux d’intérêt, inflation et croissance. Le ciblage du
niveau de l’inflation (Règle de Taylor) permet de se faire une idée anticipée du
nouveau de l’inflation dans le temps tel ainsi que son impact sur la croissance.
Dès lors, le ciblage tient compte aussi du niveau de taux d’intérêt déterminé par
la Banque Centrale.
14 Notons qu’un mémoire sous la direction de Mme professeur BAENDE BOFOTA
Youyou, attestait déjà à ce sujet que l’effet de transmission du taux d’intérêt
appliqué par la BCC était négatif. La représentation VAR qui incluait, outre le
taux d’intérêt, la masse monétaire, le crédit à l’économie, le taux de
l’investissement, le taux d’inflation et le taux de croissance. Mais, les causes de
corrélation négative n’étaient pas explicitées  ; in Mémoires, in
www.Congovirtuel.com
15  La taille du marché se mesure par le niveau de la production et de la
consommation, elle se mesure par la diversité sectorielle, elle se mesure par le
développement des infrastructures (énergie, voix des communications, ponts,
ports, niveau de circulation des biens et des services), indépendance financière,
taux de l’investissement, rendement des entreprises nationales, niveau de
l’emploi, etc.
16 https://deskeco.com/index.php/2020/08/17
17 Christian Pinshi, Arithmétique du Pass-Through de la Covid-19 sur le système
financier congolais, Hal, 2020
18  Lacoue-Labarthe Dominique, Les réserves obligatoires ne sont plus ce
qu’elles étaient, in Revue d’économie financière, n°3, 1987
19  Au Congo Kinshasa, l’exécution des budgets annuels 2018, 2019, était de
l’ordre de 37, et 39 %
20 Le Congo Kinshasa tente de recourir à la vente des bons de Trésor depuis le
déclenchement de la crise liée au Covid19, mais les résultats des ventes ne
comblent pas les besoins en recettes.
21  La réunion de Paris, du 18  mai 2021 a accouché d’une souris. Les Africains
attendaient des milliards de dollars, ils ont récolté les promesses.
22  Dans ce contexte, le Congo Kinshasa bénéficie déjà de deux prêts  : a) un
allègement de la dette publique de 20  millions USD (FMI) pour la première
période de six prochains mois ; b) le prêt de 363 millions$ via le mécanisme de
de Crédit Rapide (FCR) approuvé par le Conseil d’administration du FMI le
22  avril 2020 passé. Outre ces aides, il y a des promesses tant au niveau
multilatéral que bilatéral, à savoir  : le financement des projets PERSE et PDSS
entre le ministre des Finances et la Banque mondiale : 1 milliard USD, l’appui de
l’ L’ONU avec 407,7 millions USD pour atténuer les effets socio-économiques de
covid-19, 4,5  millions d’euros de l’UE et UNICEF en appui au Plan national de
développement sanitaire, 1,8  million USD alloués à trois hôpitaux publics, ex-
Mama Yemo, Cliniques Universitaires et Ngaliema, l’aide du Fonds International
de Développement Agricole (FIDA) de 26,6  millions $ (prêt) et un don de
9,8 millions $ en faveur du Programme d’appui au développement rural inclusif
et résilient (PADRIR).
23 https://deskeco.com/index.php/2020/08/17/rdc
24 Le rapport des inspecteurs des finances publié en Août 2020 indique que le
pays enregistre un manque à gagner de l’ordre de 5 milliards de dollars chaque
année à cause des exonérations fiscales accordées aux contribuables.
25 La Commission dispose d’un plan (Next Génération EU) de relance de l’ordre
de 750 milliards d’euros
26  La source provienne des autorités congolaises  ; estimations et projections
des services du FMI.
27 Source, Cadre budgétaire à moyen terme 2021 – 2023, Document de travail,
Juillet 2020
28 Banque Mondiale, janvier 2020
29  L’entreprise EGAL, spécialisée en import/Export doit au Fisc la somme de
800  millions de $ des droits de douanes. Ce montant équivaut au total des
réserves de change dont dispose la BCC. Et comme dit ci haut, de Janvier à Mai
2021, les autres entreprises ont bénéficié de 450 millions des dollars.
30  Actuellement, elles avoisinent 800  millions des dollars contre 1200  millions
avant la crise.
31  Enquête réalisée de juillet 2020 à Février 2021 sur un échantillon des 200
entreprises
32  Christian Pinshi, Arithmétique du Pass-Trough de la Covid 19 sur le système
financier congolais, in https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02897385, Preprint
submitted on12 Juillet 2020
33 Agence congolaise de presse/Kayu-ODM/Nig/GGK, 18 septembre 2020
34  C’est de lui que j’ai appris dans le programme de Master en Planification
économique (Université d’Anvers), comment procéder à la prise de décision
dans la conduite des politiques économiques.
35  Dr W.K. Brauers, Les théories macroéconomiques applicables à la
planification des pays en développement, Ed. Acco, Louvain, 1988
36  Biaise Sary Ngoy, La dépréciation du Franc congolais (2001-2018). Effet
d’hystérèse. Ed. Harmattan, Paris, 2018
37  Le rapport de la BCC (Juillet 2020) indique que 14  % des dépenses
budgétaires proviennent de la dette extérieure (FMI) et des ventes des Bons du
Trésor.
38  La vente des bons du Trésor pour financer le déficit budgétaire est une
pratique qui ne doit pas devenir un outil régulier de politique monétaire. Le
Gouvernement envisage récolter souvent des montants exorbitants. Mais, il
arrive que la vente soit en dessous des attentes. Par ailleurs, on ne peut ignorer
qu’il s’agit des prêts à court terme dont le taux moyen est de 24  %. Les
acheteurs espèrent y gagner. Or, l’Etat s’endette en même temps. Il doit être à
mesure de rembourser à terme. Cette pratique prouve à suffisance que le
budget voté n’est plus d’application. L’Etat qui y recourt pour financer les vides
des recettes budgétaires atteste par ce fait qu’il est à bout de souffle.
39 Amédée Mwarabu, Deskecon.com/2020/09/11
40 David Luyeye, La gestion sur base caisse a montré ses limites, In Business et
Finances, Nombre 2017
41  C’est suite au contrôle effectué par l’IGF (Inspection général des finances),
sur demande du Chef de l’Etat (Felix) que cette cache a été découverte à la
BCC.
42  L’effectif total était de de 211761personnes retraitées, rentiers tout comme
actif dans l’administration central en 2016. Si on y ajoute les cadres et agents
dans toute la territoriale, ce chiffre avoisine plus ou moins 1 millions. Les agents
de carrière (santé, éducation, police, armée, justice, affaires sociales, Economie,
Finances et Planification, Sécurité, Immigration, etc., ramènent le chiffre à des
millions des cadres et agents (toute catégorie) En 2015, le pays comptait
457971 enseignants du primaire et 324114 du secondaire. Ainsi nous disons des
millions, car, la maîtrise de l’effectif reste un casse-tête. En Février 2020, la
ministre Yolande Ebongo estimait à 1,400  millions pour le seule Fonction
Publique.
43  Il s’agit de 22.000 unités nouvellement engagées, mais les 1700 attendent
toujours leurs mises en retraite.
44 Programme multisectoriel d’urgence d’atténuation des effets du Covdi-19
45 Observatoire de la dépense publique, 13 Août, 2021
46  L’effort est entrepris avec le Premier Ministre Sama  ; de 550millions de
dollars des réserves, le niveau de 1,2 milliard a été réalisé en juillet 2021.
47 Communiqué de Presse, n° 21/146, mais 2021
48  Laurent Essolomua, Covid-19  : les ménages à bout de souffle, Rapport de
l’enquête des agences des Nations Unies, 17 avril 2021
49  Évaluation de l’impact économique de la COVID-19 en Afrique
subsaharienne : perspectives à partir d’un modèle d’équilibre général calculable
(EGC), International Development Policy | Revue internationale de politique de
développement [Online], 12.2 | 2020, Online since 18 August 2020, connection
on 18 November 2021
50 Idem
51 Idem
52 FMI, L’afrique subsaharienne, Perspectives économiques régionales : Afrique,
avril 2021
53 Lire également : BAD, Perspectives économiques en Afrique 2021 : malgré les
contraintes imposées par la pandémie de Covid-19 et le poids de la dette, les
perspectives de croissance en Afrique sont prometteuses
Chapitre 4.
Les contraintes à la reprise de
l’économie
de la RDC durant les crises

Introduction
La crise due à la Covid-19 n’est pas la première ni la
dernière qui affecte l’économie congolaise. Depuis 1980/90
l’économie de ce pays est plongée dans une série des crises
qui n’en finissent pas. Mobutu a tenté des solutions en vain.
Il tombe et laisse les fissures dans la structure.
L’expropriation des biens privés, la gabegie financière, la
gestion catastrophique des entreprises, la chute des
exportations, l’intérêt porté à la seule industrie minière,
etc., autant des maux qui ruinent l’économie du pays.
La politique conjoncturelle classique est souvent entreprise
pour en sortir, mais sans effet durable. Depuis des années
de vaches maigres dues à la détérioration des termes de
l’échange au cours des années 80, l’économie congolaise
traverse donc des moments qui la classent derrière
nombreux pays dans le monde. Des slogans se sont
succédés depuis Mobutu jusqu’à ce jour. Des centaines des
plans et projets pullulent au sein des ministères, sans effet.
Plusieurs experts nationaux et étrangers se sont mis en
chevet de cette économie, tout en colmatant quelques
bêches, ils ne parviennent pas à entreprendre le décollage.
Comparativement aux résultats d’avant I960, le Congo a fait
un recul du point de vie de sa croissance économique et de
son industrialisation. Il y a des causes, nombreuses.
Dès lors on ne doit pas entreprendre les solutions
conjoncturelles à tel point qu’elles se substituent au fil du
temps à la politique structurelle. Malheureusement, au
Congo Kinshasa, les responsables politiques ne
comprennent pas cette leçon. Tous, sans exception, ils font
des discours, mais, n’arrivent pas à concrétiser les
promesses. Actuellement, l’espoir repose sur les retombées
des plus de 100 voyages effectués par Felix Tshilombo en
vue de ramener les investisseurs au pays. Mais, les
investisseurs ne répondent pas aux appels par
« générosité ». Ils calculent et misent sur les profits. Ce qui
les intéresse actuellement ce sont les minerais, le bois et les
pâturages.
Qu’est-ce qu’il faut pour relancer le progrès économique
durable qui peut conduire à éviter les crises ? C’est agir sur
la structure de l’économie et s’appuyer sur les politiques
conjoncturelles pour éviter les crises. Tel est l’intérêt de
notre 4ème chapitre. Mais, avant tout, il nous semble utile de
passer sous examen des contraintes les conditions de
réussite de sortie des crises.
Nous affirmons que celles-ci sont inhérentes à l’activité
économique, qui, elle-même, est marquée par des cycles.
Nous disons toutefois que les ampleurs des cycles et leurs
maitrises diffèrent d’un pays à l’autre et d’une période à
l’autre. Et les solutions diffèrent également. Les petites
économies ouvertes sont les plus fragiles et exposées, c’est
le cas du Congo Kinshasa qui, à chaque apparition d’une
crise, la maîtrise se complique et les conséquences
s’éternisent. Nous avons déjà souligné le fait que dans
beaucoup de pays développés, la politique non
conventionnelle est souvent la solution. Il s’agit de
l’interventionnisme combiné entre l’autorité monétaire et le
pouvoir public. En général, le principe de la Banque centrale
«  dernier recours  » s’applique lorsque les marchés
financiers sont grippés et que le pouvoir public lui-même a
besoin de financer les déficits publics et privés en vue de la
relance de l’économie. Comment rendre la politique
budgétaire et monétaire efficaces en RDC ?
Section 1. Les contraintes monétaire et budgétaire

1.1. La coordination des objectifs


On ne cesse de le répéter, les politiques économiques visent
quatre grands agrégats  : la croissance, le plein-emploi, la
stabilité des prix et l’équilibre des comptes extérieurs. Dans
une économie ouverte, il est difficile de les conduire d’une
manière autonome, car les relations avec les autres
marchés internationaux influencent les choix autonomes.
Dès lors, il se pose le problème de coordination des facteurs
tant internes qu’externes afin de réaliser les objectifs visés,
surtout lorsque certains apparaissent contradictoires
(emploi ou lutte contre l’inflation, triangle d’incompatibilité,
protectionnisme des marchés, etc.). Kaldor en a démontré
les limites dans son «  carré magique  ». Et, les économies
ouvertes n’ont pas les mêmes caractéristiques. Les plus
sensibles aux chocs sont celles des pays pauvres. Ici, on
passe de triangle d’incompatibilité au carré d’incompatibilité
démontré plus loin dans cette étude, en ce qui concerne la
politique monétaire.
Généralement, la politique budgétaire, la politique
monétaire et la politique fiscale ne peuvent être exécutées
avec efficacité à tout point de vue à cause des contraintes
externes. L’inflation importée, les taux de change sur les
marchés mondiaux, la chute de la croissance chez les
partenaires, l’orientation de l’offre, la volatilité des
mouvements des capitaux ailleurs, le niveau des taux
d’intérêt, ces contraintes exercent une influence sur la
conduite des politiques économiques monétaire ou
budgétaire d’une petite économie ouverte. Le triangle
d’incompatibilité de Mundell est une référence, nous l’avons
souligné. Et nous disons que cette incompatibilité devient
évidente même en cas des flexibilités des taux de change
(carré d’incompatibilité).
Dans le cas de réponse à une crise, il est possible
d’entreprendre les mesures conjoncturelles visant la
relance, la lutte contre l’inflation, l’arrêt de la dépréciation
de la monnaie et le maintien de l’emploi, l’équilibre des
comptes extérieurs, à court terme. Mais, une crise
structurelle qui dure, comme c’est le cas au Congo-
Kinshasa, impose les réponses structurelles. Dans le cadre
de notre étude, il s’agit de démontrer la non-autonomie de
ces politiques dans le contexte de lutte contre la crise de
change flottant jugée comme conjoncturelle, contre
l’inflation, etc., alors que la dynamique des déséquilibres
s’inscrit dans une logique de long terme.
Certaines théories macroéconomiques classiques s’avèrent
difficiles à appliquer dans des économies pauvres. Le
second chapitre nous a permis de décrire ces limites. Quels
sont les remèdes envisagés généralement par l’autorité
monétaire ? En cas de crise, la banque centrale procède au
contrôle de change, à la hausse des taux d’intérêt, à la
stabilisation des prix, à la réduction du déficit budgétaire, à
la hausse du taux des réserves obligatoires et à la
restriction des crédits, tout ceci en fonction de l’objectif
final. Mais les succès ne sont pas nécessairement au
rendez-vous.
Au Congo-Kinshasa, l’autorité monétaire n’est pas à même
d’évaluer, avec exactitude, le volume de la masse
monétaire en circulation dont l’excès peut être retiré
provisoirement de la circulation, par crainte de son impact
sur le prix. Dans ce cas, le choix entre l’équilibre du taux de
change et la nécessité de relancer la consommation et
l’investissement devient problématique. Les impératifs
politiques conduisant au dépassement des prévisions
budgétaires conduisent également à ignorer l’indépendance
de la banque centrale. C’est le cas dans beaucoup de pays
en développement où les dépenses publiques deviennent
discrétionnaires et ne correspondent pas nécessairement à
la logique de l’équilibre budgétaire au sens du terme. Les
banques sont ainsi soumises à la volonté des décideurs
politiques (planche à billets dans certaines circonstances).
On recourt à la dette souveraine.
Imaginons que la banque procède au relèvement du taux
d’intérêt en vue de décourager la demande des crédits,
qu’est-ce qui peut arriver  ? Sans doute, il est possible que
les investisseurs étrangers, loin de se réjouir, ils se
découragent, surtout lorsque ces prêts sont en monnaie
locale, ils peuvent orienter leurs flux nouveaux vers les pays
tiers.
Et dans le cas où le taux des crédits est élevé dans une
économie dollarisée à outrance, les banques n’ouvrent pas
nécessairement les robinets à toute demande. Tout dépend
de l’accélérateur financier. Elles peuvent accorder la
préférence à la catégorie des agents qui présentent moins
de risques. À cet égard, une analyse conduite par Lonzolo
Lubu et K. Omoyo affirme que «  le niveau d’intermédiation
financière au Congo est faible : le crédit est essentiellement
informel et le crédit bancaire formel au secteur privé
représente moins de 3  % du PIB. Le service bancaire aux
particuliers est en général peu développé, et la plupart de
banques agissent comme agents financiers du
gouvernement n’octroyant des crédits qu’aux institutions
internationales opérant dans le pays1

1.2. Le financement de l’économie


Les banques évoluent plus comme pourvoyeuses des fonds
au secteur des mines et du pétrole, précisent les deux
auteurs. La structure des crédits à l’économie demeure
dominée par les crédits en devises. La part de ce dernier
dans l’encours total de crédits est passée de 89,7  % à
95,1  %, de 2010-2011, soit une hausse de 5,4 points de
pourcentage. Et entre 2011-2021, le taux n’a pas baissé.
Les besoins de financement des ménages à hauts risques,
dans les pays en développement, comme c’est le cas au
Congo, n’intéressent pas les banques, surtout dans le
contexte des taux élevés. Seules les entreprises étrangères
accèdent aux crédits, parfois avec risque de non
remboursement dans le délai. Par ailleurs, si les prévisions
de rentabilité ne sont pas concluantes, ces entreprises
tournées vers la production locale peuvent craindre les
effets liés aux coûts de production.
Dès lors, les crédits élevés peuvent éloigner les
investisseurs. Si le pays organise un marché financier assez
large, l’achat des titres dans le cadre de taux de change
couvert est possible. Mais si la variation de ce taux de
change de la monnaie locale est souvent due à des chocs
exogènes imprévus, il est possible que les investisseurs
craignent de prendre le risque. Hervé Otshudi écrit à ce
propos que «  la hausse du taux directeur a très peu
d’impact sur les banques commerciales et leurs clients,
puisque les emprunts en francs congolais ne représentent
que 10  % de la totalité des emprunts  ; deuxièmement, il
n’existe pas d’instruments financiers en franc congolais en
dehors des bons du Trésor, troisièmement, la faiblesse du
franc congolais renforce le dollar américain comme valeur
refuge, et donc de fait, elle accroît la demande en devise.2
La stérilisation des réserves ne peut tenir que dans le cas où
les banques obéissent à l’obligation. Ailleurs, cet instrument
est presque obsolète. Encore faudra-t-il qu’elles disposent
de ressources utiles pour alimenter la trésorerie d’une
manière régulière. Or, ces mêmes banques se tournent en
cas de crise vers la Banque Centrale pour financer leurs
besoins de liquidité utiles à leurs activités. Un pays marqué
par la crise financière peut-il dès lors imposer un tel choix
(le taux de stérilisation élevé) aux banques de second
rang ? Dans le cas d’open market, même si la rémunération
est meilleure, les banques répondent-elles à l’offre ?
Les banques qui savent que les avoirs extérieurs s’épuisent,
peuvent-elles se soumettre à l’obligation d’un taux de plus
de 13  %, voire plus, des réserves obligatoires, même
rémunérés par la banque centrale  ? Dans la mesure où la
banque centrale rachète la monnaie locale (nous l’avons
déjà souligné plus loin), elle injecte un flux important des
devises sur le marché afin d’absorber le trop-plein de la
monnaie locale. Mais les banques de second rang qui les
rachètent ne sont pas tenues de les injecter nécessairement
sur le marché national, à la disposition des clients et des
investisseurs potentiels  ; la crainte, par ailleurs, la de
récession prolongée constitue un motif de replis de ces
banques. La préférence sera probablement de conserver ces
réserves ou de les placer sur des marchés étrangers, les
plus rentables. Sans se soucier de cette logique, la banque
centrale peut continuer à vendre les devises jusqu’au
moment où elle arrive à un seuil critique. À la longue, elle
peut se trouver au bout du fil dans la mesure où les rentrées
nouvelles ne sont pas disponibles.
Quelles leçons pouvons-nous retenir de cet instrument
d’adjudication  ? Les contraintes externes sur l’autonomie
des politiques économiques sont un fait incontestable,
surtout en période de crise à répétition. La rareté des
devises renchérit le cout de celles-ci. Le taux de change
flottant peut permettre un auto-équilibre, mais ceci n’est
pas toujours le cas. L’autorité monétaire est appelée à
absorber une masse monétaire de trop sur le marché pour
établir la stabilité entre la monnaie locale et les devises.
Dans le contexte de l’économie informelle, cette politique
n’est pas toujours réaliste. C’est le cas de ce qui se passe
au Congo. Il a été noté que lors de la crise des surprimes,
l’opération d’adjudication a permis d’injecter plusieurs
millions de dollars sur le marché en vue de ramener la
monnaie à sa valeur d’avant la crise. En dépit de cette
opération, le taux de change est passé, comme dit ci-haut,
de 560 FC pour un dollar à 830FC, après un petit répit. Les
pessimistes estimaient que le taux atteint (850FC) était
celui de l’équilibre. Aujourd’hui, il est à plus de 2000 FC.
Demain, cette chute va sans doute continuer, tant que les
solutions de type classique appliquées dans certains pays à
économies fortes sont transposées dans des pays à faibles
revenus, sans se préoccuper du fait que la santé générale
de l’économie d’un pays doit être nécessairement intégrée
dans des solutions conjoncturelles. En effet, comment
calculer l’équilibre de taux de change d’une monnaie fragile
par rapport à la première devise du monde dont l’usage
représente ± 70 % des transactions globales ? Par la loi de
l’offre et de la demande, dira-t-on. Ce qui ne se justifie plus
aujourd’hui  ! Dès lors, comment prédire le taux d’équilibre
dans une économie en récession et dont les signes de la
reprise, bien que théoriquement confirmés, ils restent sujets
à caution ? Comment parler du taux de l’équilibre dans une
économie sous cure, soumise aux ajustements obligatoires
des institutions de Bretton Woods et qui, en même temps,
reste caractérisée par les besoins immenses en monnaie
étrangère ?
1.3. La supervision prudentielle
Comment envisager l’équilibre des monnaies dans une
économie où la maîtrise des prix, la maîtrise des salaires, la
maîtrise de l’emploi, la maîtrise de l’offre, la réalisation des
recettes, le contrôle des dépenses, etc., échappent à toutes
les politiques classiques de surveillance et restent soumis à
des contraintes qui poussent le pouvoir à l’improvisation,
creusant la confiance des agents économiques  ? Comment
parler de la maîtrise du taux de change dans une économie
complètement extravertie  ? Comment lutter contre la
stabilité de la monnaie nationale en recourant à
l’adjudication tout en ignorant l’impact négatif des groupes
monopolistiques qui opèrent en toute liberté, y compris
dans le cadre de transferts des revenus des facteurs et de
placement des avoirs à l’extérieur du pays ? La mainmise de
ces groupes, sur les décisions économiques, est-elle
intégrée dans les politiques conjoncturelles ?
1.4. Le poids de l’informelle
Un autre fait à souligner est aussi l’existence au Congo d’un
double marché : informel et formel. Il est noté que 60 % de
l’activité économique échappe au contrôle. Selon les
auteurs, ce poids représente 20 à 60  % du PIB. Et 90  %
représentent le niveau de l’emploi dans l’économie. À ce
sujet, l’autorité monétaire est-elle capable d’identifier le
comportement des agents économiques et de prévenir les
dérapages susceptibles de nuire à l’efficacité de sa politique
d’adjudication, de ciblage de l’inflation, de contrôle de
change ou de manipulation des taux d’intérêt ? Il est difficile
de savoir qui dicte la variation des taux de change, au-delà
du taux interbancaire appliqué (taux officiel). Il est aussi
difficile de cibler l’inflation dans une économique dominée
par l’offre informelle. On ne peut, non plus, surveiller
étroitement des déséquilibres des agrégats
macroéconomiques dans un pays où les anticipations des
agents (microéconomie) sont imprévisibles et échappent à
toute simulation.
Par exemple, quel serait réellement le surplus de la masse
monétaire qui soit la cause de déséquilibre interne du franc
congolais ? Sur ce, la BCC peut-elle, logiquement agir sur le
volume de sa monnaie banque en vue de juguler les effets
néfastes  ? Une telle mesure a-t-elle de sens  ? Certes, en
certains moments, il est possible de prouver l’accroissement
de la masse monétaire due à la création monétaire pas les
banques affecte les prix, les taux d’intérêt et le taux de
change. Mais, le fait de restreindre ce volume, pourquoi ne
pas poser aussi la question corolaire de l’effet sur la
consommation et l’offre ?
Notons également que la banque centrale n’agit que sur la
masse disponible dans les circuits formels. Elle tient compte
de l’expansion monétaire et de ses effets. Or, nous disons
que le volume de la masse en économie informelle est aussi
très important. Cette difficulté à formaliser les marchés
monétaires met en mal toute mesure de régulation du
système financier congolais. Les statistiques disponibles
indiquent que ce marché informel représente plus ou moins
40 à 65  % du PIB. C’est une situation normale dans la
mesure où ces activités familiales rentrent dans le cadre de
subsistance. Les calculs de rentabilité n’entrent pas en ligne
de compte. On vie du jour au jour dit-on  ! Les fermetures
des shops pour cause des faillites sont ainsi monnaie
courante.
Une des causes de cet état de choses est l’étroitesse du
système financier. Pour un pays de 2,345  millions km2, les
institutions financières bancaires et non bancaires couvrent
à peine ¼ de la surface totale3. Le taux de bancarisation ne
dépasse pas 4  % de la population estimée à ± 89  millions
d’habitants. Pourquoi cette faiblesse  ? Le revenu par
habitant est très bas. Plus de 88  % de la population vivent
en dessous du seuil de la pauvreté. Mais on peut aussi
imaginer que la méfiance des banques face à des faillites
probables des entreprises et aux risques de non-
remboursement des crédits en est une autre. Ces données
statistiques sont certes, à prendre avec prudence, mais
elles constituent une mesure de l’impasse dans laquelle se
trouve le pays lorsqu’un instrument de politique
économique est envisagé sans certitude de son efficacité.
Ainsi, il est noté que chaque opération d’adjudication
n’atteint malheureusement pas ses objectifs attendus. Il ne
faut pas perdre de vue, également, du fait que cette
adjudication ne concerne principalement que les banques
situées à Kinshasa. Les autres agences ayant des liens de
transactions avec les entreprises minières, les entreprises
commerciales, le secteur de services ayant aussi besoin, et
de devises et de monnaie locale, sont situées à travers tout
le pays. Récupérer une petite masse monétaire dans la
capitale peut sembler être un coup d’épée dans l’eau dans
la mesure où la vitesse de circulation de la masse dans
l’économie n’est pas maîtrisée, d’une part, et de l’autre, la
demande de la monnaie locale pour les besoins en
investissement et en consommation est difficilement
combinée avec le retrait forcé de la masse dite de trop.
Aussitôt que la masse de trop est mise hors circulation par
la banque centrale, l’économie informelle ou souterraine
s’active et comble le vide et entretenant une nouvelle
expansion monétaire et ses effets. Les petits investisseurs
peuvent vite s’approvisionner, permettre la vivacité de leurs
petites économies de survie et tenir ainsi le coup. Ils
activent les circuits informels ayant un impact sur
l’ensemble de l’économie ; ceci, compte tenu de la somme
des masses brassées par jour. Autrement dit, une forte
demande cumulée avec une forte vitesse de la masse en
circuit informel peut affaiblir la politique de stérilisation
appliquée par l’autorité monétaire.
Dans ce même ordre d’idée, la restriction des crédits ou la
hausse des taux d’intérêt n’aura pas d’impact à long terme.
La demande locale, si elle est forte et justifiée par la volonté
de relancer certains secteurs d’activités, elle pousse
l’ouverture des robinets des banques commerciales. L’idée
maîtresse de la banque centrale, étant de décourager
l’expansion par des emprunts ou par un accroissement des
transactions, peut ne pas aboutir, car il n’existe pas un
automatisme à ce sujet. Aucune étude ne peut attester la
validité d’une telle politique. La demande des prêts n’est
pas liée absolument au niveau des taux. Économiquement,
les agents ne suivent pas aveuglément les règles de la
banque centrale. L’évolution des taux d’intérêt peut
s’éloigner de celle du taux directeur (indicateur) surtout en
période de crise financière. Le volume des transactions
dépend, certes, de la monnaie de base. Mais lorsque les
mouvements de cette monnaie ne sont pas maîtrisés, la
banque centrale peut rater son objectif de stabilisation de
l’expansion.
1.5. Les limites du principe de «  dépense sur base
caisse »
Or, on ne peut pas mener avec efficacité la discipline
budgétaire restrictive sans entraver la politique de relance
par la demande, tel qu’elle est mise en route actuellement.
Pour rappel, au début de l’année 2019, les prévisions des
dépenses d’investissement étaient de l’ordre de 36  %, soit
943  milliards. Selon le ministre du Budget, ce crédit se
subdivisait comme suit : 659 milliards de FC sur ressources
extérieures dont 433  milliards de FC en provenance de la
Chine en plus des apports des partenaires traditionnels ; et
284 milliards de FC sur ressources propres.
L’État ayant fait la promesse d’offrir les conditions de la
reprise en soutenant l’emploi, la santé, l’éducation, les
grands travaux d’infrastructure par le financement avec des
fonds propres, celle-ci nécessite, non seulement, le recours
à la monnaie locale pour les offres locales et le paiement de
la main-d’œuvre, mais aussi le recours aux devises pour
l’importation des biens d’équipements nécessaires. Étant
donné le désordre budgétaire justifié par la crise, personne
ne peut dire si le contrôle des dépenses est bien appliqué de
manière à éviter les dérapages. Il s’ensuit naturellement
l’effondrement de la monnaie locale par rapport aux devises
dans la mesure où la demande de la première nécessite
l’injection sur le marché des masses équivalentes,
cependant que les devises sont rares, faute de réserves
suffisantes, et faute aussi de disponibilité des recettes
fiscales prévues. Même si cette prévision n’a pas été
respectée pour des raisons de discipline budgétaire, il y a eu
des dépenses contraignantes de l’ordre de 1401 milliards de
FC (paiement de la dette publique, rémunérations du
pouvoir central et des secteurs à compétence exclusive des
provinces, rétrocessions aux Régies financières, transferts
aux provinces au titre de fonctionnement et
investissements)4.
Ces contraintes sont les mêmes pour chaque exercice
budgétaire. On peut imaginer sans se tromper que le souci
de se conformer à cette contrainte entraîne, à l’abri de tout
contrôle efficace, un dérapage budgétaire. Ce constat est le
même, chaque année au Congo. Un ancien vice-ministre du
Budget, démontre dans son ouvrage5 sur la politique
budgétaire que les dérapages sont répétitifs depuis des
années.
Terminons ce raisonnement en examinant les effets de la
dette publique. En cas de crise financière qui creuse
énormément les réserves en devises, les mécanismes d’aide
prévus par les institutions de Bretton Woods sont activés.
Durant la crise de surprime, le Congo-Kinshasa a obtenu
une aide de plus ± 800  millions de dollars pour soutenir la
balance des paiements. Cette aide a relevé la capacité du
pays à faire face aux engagements extérieurs à 8 semaines
d’autonomie. Comme l’indique le rapport du PNUD  :
«  Situées à USD 1510  millions en 2010, représentant une
couverture de 8,8 semaines d’importation, les réserves
internationales ont atteint USD 1 299millions en 2011 et
USD 1 690millions en 2012, représentant une couverture
respectivement de 9,1 et 10 semaines d’importations non
liées à l’aide »6.
Mais la chute des recettes à l’exportation entre2015 et2017
a ramené les réserves à moins de 900  millions de dollars.
Aujourd’hui, elles sont descendues en dessous de
800 millions de dollars. Le FMI a de nouveau accordé un prêt
de l’ordre de 1,5  milliard de dollars depuis Juillet 2021. La
liquidité injectée dans l’économie (prêts) peut atténuer le
niveau de dépréciation de la monnaie nationale, mais elle
ne ramène pas, nécessairement, le taux à son équilibre de
début de la crise. Elle peut stabiliser le taux à un niveau et
pour une courte durée. Aussitôt que les conditions de
déclenchement de la nouvelle dépréciation sont réunies,
celle-ci revient à la surface. Le soutien aux importations
autorise une nouvelle capacité de sortie des ressources vers
l’extérieur. Le laxisme des services des douanes et l’évasion
fiscale peuvent finalement priver au pays les recettes issues
des douanes.
Si les importations sont incompressibles, les besoins de
financement s’élèvent, faute de l’inexistence de la
production nationale, dès lors, les aides (prêts) ne
s’inscrivent pas dans le contexte de la relance de
l’économie. À la longue, le remboursement réduit les effets
positifs et il devient une pesanteur sur le budget du pays. Le
mécanisme de stabilisation automatique est une illusion
dans les pays à faible revenu, dont les recettes intérieures
ne peuvent dépasser 30  % du PIB. Contrairement aux
revendications des entrepreneurs (grandes entreprises) sur
la forte pression fiscale que leurs entreprises subissent, les
données démontrent qu’en moyenne la pression au Congo-
Kinshasa est inférieure au taux africain (14  %). Ce qui
signifie que les déficits budgétaires ne peuvent être
compensés automatiquement par le niveau des recettes
fiscales.
En dépit des diverses redevances et taxes et impôts prévus
dans le code minier, version 2002, le pays n’a pas bénéficié
de ses droits, si l’on se rapporte aux déclarations des uns et
des autres, lors de la promulgation du nouveau code minier,
fort contesté par les industriels du secteur.
L’Arrêté interministériel publié le 9  août 2007 par le
ministère des Mines fixe ces droits au nombre de 46 (droits,
dépenses et taxes distincts rattachés à divers agréments et
permis administratifs). Ce code vient d’être modifié. L’Etat
pense ainsi tirer profit de ces exploitations. Les nouvelles
dispositions constituent une pomme de discorde avec les
industriels dont le mécontentement ne baisse pas. Un des
plus grands exportateurs (africains) des produits miniers est
ainsi le plus démuni en recettes fiscales issues du secteur.
Section 2. L’ancrage de l’économie dans la zone
dollar
2.1. Les avantages théoriques
Il existe des zones monétaires : dollar, euro, FCFA, Yen, etc.
Les pays à faibles économies, bien que disposant de leurs
propres monnaies, ont la préférence pour les zones
d’arrimage, compte tenu de l’usage régulier de telle ou telle
devise et de sa valeur refuge. La théorie économique
explique que l’arrimage limite l’incertitude dont peuvent
souffrir les agents économiques dans leurs relations avec le
reste du monde  ; il favorise l’investissement national,
l’investissement étranger direct et le commerce. Il permet
aux épargnants de disposer d’un revenu exprimé dans une
valeur sûre, limitant les effets de l’inflation pour la
consommation présente ou future. Le choix d’une zone est
défini aussi par le volume des échanges avec l’extérieur et
par le flux des investissements.
Le Congo se trouve dans la zone dollar, avec toutes les
conséquences que cette décision comporte7. Son histoire
indique que sa monnaie a connu, dans le temps, d’autres
zones  : la livre sterling, le franc belge, les DTS (droit de
tirages spéciaux). Le choix de l’actuel ancrage se justifie-t-
il ? Est-ce par le fait que le dollar américain représente 60 %
des réserves sur le marché mondial (commerce et finance) ?
Est-ce par le fait que des entreprises filiales œuvrant au
Congo ont la préférence pour le dollar, réserve sûre, gérée
avec prudence par la Fed (ciblage de l’inflation et des
niveaux du taux d’intérêt) ?
Est-ce par le fait que les transactions externes (publiques et
privées) du pays sont réalisées en dollar américain ? Est-ce
en rapport avec les liens étroits avec les institutions de
Bretton Woods  ? La convertibilité des monnaies à l’époque
de création du FMI était en dollar, monnaie de référence. Ce
n’est plus le cas aujourd’hui. Est-ce par le désir de se
rapprocher de la première puissance économique du
monde  ? Est-ce par la crainte de faible rôle des autres
devises internationales  : livre sterling, euro, yuan, yen,
rouble, franc suisse, dans les capitaux au niveau global ? Si
nous raisonnons en termes de performance économique des
États-Unis, nous pouvons déduire que le choix se justifie. Il
permet de faciliter les échanges, de maîtriser la stabilité des
prix exprimés en dollar. Il est important dans le cadre des
économies dont les prix, les taux d’intérêt, les taux de
change sont liés. Il est aussi important dans la mesure où
les critères de convergence économique dans le cadre des
unions, permettent une meilleure intégration dans un
espace de plus en plus homogène. Il rassure les
investisseurs.

2.2. Les effets réels


Les deux économies (américaine et congolaise) sont-elles
proches ? Quelles sont les conséquences de cet ancrage sur
les petites économies, à l’instar de celle du Congo-
Kinshasa  ? Lorsque les agents économiques perdent
confiance en leur monnaie nationale et décident de traiter
toutes les affaires (même la vente des cacahouètes) par
rapport au taux en dollar, il y a lieu de craindre le pire, dès
lors que l’accès à cette devise n’est plus donné à tout le
monde.
Notons que le choix du régime flottant a été adopté à la
suite de l’écart croissant qui se creusait entre le taux
nominal fixe et le taux réel du marché. Cet écart, nous
l’avons vu tout le long de cette analyse, est influencé par
divers facteurs. La rareté en est un des facteurs. La
sécheresse de plus en plus aigüe a fait du dollar la monnaie
fétiche (dollarisation). Lors de sa réunion du 21  septembre
2017, les membres de la FEC (Fédération des entreprises du
Congo) ont même proposé de mettre fin aux mesures visant
la dédollarisation de l’économie8. Notons à titre de rappel
que le taux de dollarisation est de ± 84  % (dépôt) et de ±
93 % des prêts ce dernier temps, alors qu’en 2003, le taux
de dépôt était de 43  % contre 7  % seulement en 1990. Il
s’agit des données enregistrées à partir des flux formels et
non celles du circuit informel.
Loin d’impacter positivement l’économie, elle ronge celle-ci.
Noël Tshiani souligne à ce propos que «  La dollarisation
appauvrit la République démocratique du Congo au profit de
la Réserve fédérale américaine qui perçoit les revenus de
seigneuriage sur les dollars circulant au Congo, soit au
moins 600  millions de dollars par an  »9. C’est un prix à
payer. Il ne peut être perçu comme un appauvrissement,
comme l’imagine Noël. Les méfaits peuvent être notés
ailleurs. Pendant les périodes d’embellie, durant lesquelles
le taux se stabilise, l’usage du dollar comme monnaie
refuge a pris racine dans le comportement des agents
économiques. Les ministres, les chefs d’entreprises, les
ménages, les petits vendeurs de détails et ambulants, etc.,
se réveillent chaque matin et s’interrogent sur le taux de
change avant toute décision d’affecter leurs dépenses.
Aussitôt informés, ils parcourent les rues à la recherche des
billets verts auprès des cambistes. Le métier étant prisé, les
intermédiaires inondent non seulement les rues, mais aussi
les couloirs et les devants des boutiques et étalages. Au
marché et un peu partout, les vendeurs proposent leurs prix
au taux du jour, équivalent dollar. Certaines agences de
voyages et certains hôtels n’acceptent pas le franc
congolais. Les billets d’avion (voyages à l’étranger) sont
vendus en dollar. Si l’on totalise le total des billets par
semaine (± 5 vols par jour), il y a lieu d’évaluer le montant
(dollar) qu’une seule entreprise brasse  : un billet revient à
plus de mille, deux mille dollars.
Si l’on estime la moyenne de 600 passagers par jour, on
obtient le montant de ± 800  000 $ pour les voyages à
l’étranger par jour. Chaque mois, les services assurés par
ces agences brassent le transfert des millions de dollars
vers l’extérieur. Si nous étendons le même raisonnement à
d’autres entreprises dont les activités sont essentiellement
extraverties, notamment dans la distribution  : Orgaman,
Egal, Congo Futur, Beltexco, etc., il ressort que la valeur en
dollar qui passe par les mailles de ces entreprises
monopolistiques est énorme. Elles sont toutes dans
l’import/export. L’exportation concerne les produits de base,
tandis que l’importation concerne tous les biens de
consommation, intermédiaire et finale.
Parce qu’elles doivent se prémunir contre les risques de
rareté des devises aussi bien pour les profits que pour les
achats, elles préfèrent le dollar, se débarrassant au
quotidien de la mauvaise monnaie, à savoir  : le franc
congolais. Cette cause est étroitement liée à la faiblesse de
l’industrie locale qui ne peut couvrir les besoins de la
demande nationale en biens et services.
Ce n’est pas possible dans un pays où la propension
marginale à importer est constante. Il y a lieu d’associer
aussi le manque de confiance en la monnaie locale à
d’autres causes que nous avons déjà évoquées. Les
vendeurs (détaillants et grossistes) craignent d’être surpris
par la perte des leurs avoirs. La facturation se fait en
monnaie locale, mais au taux du jour, tout en anticipant la
dépréciation future. Cette pratique du taux de change
anticipée a des effets sur les prévisions conjoncturelles. Elle
permet de conserver le pouvoir d’achat en dollar et éviter
les risques de dépréciation de la monnaie locale.
Ainsi, les agents suivent l’évolution du taux du jour et
ajustent les prix. Les ménages qui peuvent épargner
préfèrent également garder intacts leurs pouvoirs d’achat
dans la mesure où les revenus mensuels dont ils disposent
s’érodent chaque mois. Les données indiquent la tendance
de cette dollarisation de l’économie congolaise. Les dépôts
en devises étrangères représentent ± 85  % de la masse
monétaire ; tandis que les dépôts en monnaie nationale ne
dépassent pas 15 %. Notons que les flux hors circuit officiel
ne sont pas comptabilisés ici. L’économie informelle
représente ± 60  % des transactions commerciales au
Congo-Kinshasa.
La dollarisation ne se mesure pas uniquement par le niveau
des dépôts et des crédits, mais aussi par le niveau de
l’usage courant de cette monnaie dans les autres
transactions. Nous venons de souligner plus haut que la
fixation de prix en monnaie nationale se fait au taux du jour.
L’analyse des statistiques mensuelles de la banque centrale
indique que les paiements des créances internes et
externes, certains frais de fonctionnement et des
commissions sont effectués aussi en dollars américains. Une
des solutions proposées par les économistes est de revoir
les dispositions légales datant de 2001 qui autorisent le
cours légal du dollar au même titre que le franc congolais.
Cependant, une telle solution soulève le débat sur les effets
que peut entraîner la désintermédiation (repli des banques
d’investissement et des banques commerciales obligées de
traiter leurs transactions uniquement en FC). Seront-elles
prêtes à ignorer le dollar ? Est-il possible de se désintéresser
d’une devise forte représentant ± 70  % des transactions
financières dans le monde  ? Peuvent-elles accepter de
financer l’économie dans une monnaie qui perd la valeur  ?
Celles-ci, craignant les transactions en une monnaie
nationale instable, peuvent, sans doute, réduire leurs
activités, freiner les investissements, réduire également le
volume des crédits et se désintéresser de la gestion des
comptes non fiables.
En ce moment même, souligne le rapport du FMI  : «  les
transactions de correspondance avec les banques associées
à l’étranger représentent une part significative des activités
des banques. Ces comptes de correspondant représentent
plus de 25  % des avoirs des banques et plus de 98  % de
l’activité du marché interbancaire. Ils permettent aux
banques d’effectuer le règlement des transactions libellées
en dollars, traduisant ainsi les efforts pour se couvrir contre
les risques politiques locaux et les risques de règlement »10.
Outre ces transactions, le commerce import/export ne peut
exister sans usage du dollar. Il en est de même des
transferts de revenu des facteurs vers l’extérieur. Est-il
évident que l’on peut imiter l’exemple des membres de
l’Union européenne, au sein de laquelle les achats sur le
marché sont faits en euro  ? Aux États-Unis aussi, les
transactions s’effectuent en dollar. C’est loin d’y penser
dans le contexte du Congo-Kinshasa.
2.3. L’échec de dédollarisation
Dans d’autres pays, notamment en Amérique latine, on note
aussi la dollarisation, à un certain degré, de l’économie.
Quatre pays ont le même ancrage (la Bolivie, le Paraguay, le
Pérou et l’Uruguay). Mais ils ont enregistré une réduction
progressive de leur dollarisation au cours des années 2000,
grâce au respect de discipline monétaire stricte. Garcia-
Escribano et Sosa11 estiment que la dédollarisation des
dépôts et des crédits dans ces quatre pays a été facilitée
par : le contrôle de l’inflation (faible et stable), l’appréciation
du taux de change et de la gestion des réserves obligatoires
par l’augmentation de l’écart entre les ratios de réserves
obligatoires requises sur les dépôts en devises étrangères et
les dépôts en monnaie nationale  ; le développement des
marchés de capitaux en monnaie locale aussi bien pour les
titres publics que pour les obligations privées.
Ce train des mesures est aussi envisagé au Congo-Kinshasa.
Mais la réussite en Amérique centrale ne peut pas être
transposée. Le développement des marchés des capitaux en
monnaie locale reste un rêve dans ce pays. L’imposition des
réserves obligatoires en monnaie nationale échoue. Ce qui
signifie que la réussite en Amérique latine ne peut pas être
transposée automatiquement ailleurs.
Le Congo-Kinshasa tente d’imposer  : a) l’élimination du
plafonnement administratif des taux d’intérêt, b) la
réduction des taux élevés de réserves obligatoires non
rémunérées sur les dépôts en monnaie nationale, c)
l’adoption du ciblage de l’inflation et de régimes de change
plus flexibles, d) le développement d’un marché pour les
titres publics libellés en monnaie nationale, et e)
l’accroissement de l’efficacité du système de paiement
national. Si les résultats obtenus ailleurs sont satisfaisants,
il n’en est pas le cas au Congo, ce depuis plus de deux ans.
Pour répondre à la demande des membres de la FEC,
désireux d’entretenir les activités en dollar, l’État, depuis fin
novembre 2017, applique la dollarisation de la fiscalité
minière. Il espère ainsi disposer des recettes de l’ordre de
50  % des transferts, taxes et impôts issus de l’activité
minière en dollar américain. Et pourtant, Kala Lendele et
Joseph Kamanda Kimona Mbinga12 notent dans leur analyse
qu’à court terme les chocs dus au taux d’inflation et de
dépréciation anticipées ont un impact permanent sur la
demande de monnaie domestique  ; la volatilité du taux de
change s’accroît avec le degré de dollarisation de
l’économie  ; la demande de monnaie domestique reste
sensible aux variations de son coût d’opportunité  ;
l’élasticité de la demande au coût relatif d’opportunité
devient plus importante lorsque la substitution monétaire
est très forte  ; l’élasticité élevée entraîne des su réactions
du taux de change (Girton et Roper, 1981  ; Claassen et
Martinez, 1994, 25-29).
Finalement, la dédollarisation forcée en 2003 par le rachat
des avoirs en devises, détenus par les résidents n’a, non
plus, eu d’effets positifs. Celle envisagée par le
gouvernement Matata Ponyo n’a pas produit, non plus, les
résultats espérés. Ces échecs suggèrent finalement que le
rétablissement de la confiance dans la monnaie nationale
passe par la gestion saine des finances, par la création de la
richesse, par la maîtrise de l’inflation, par la stabilité du
système financier, de manière à intéresser les investisseurs,
les épargnants et les consommateurs.
2.4. L’importante croissance de cambisme de rue
Lorsque le décret-loi 004/2001 du 31 janvier 2001 autorisant
le cours légal du dollar sur le territoire national a été
promulgué, il était décidé de professionnaliser le métier des
cambistes. Ils devaient disposer, chacun, d’un bureau, d’un
registre et être reconnus par la banque centrale. Tout
récemment encore, la crise de change de2015 a réveillé les
responsables politiques. Ils ont obligé aux cambistes de rue
de disposer de bureaux enregistrés et de ne pas exposer
des milliers de billets de banque à même le sol, devant les
portes des boutiques ou sur les tablettes, en pleine journée.
Ils étaient également obligés de ne pas afficher
publiquement les taux au risque de créer la panique et
l’effet de spéculation. Toutes ces mesures ont échoué.
Sur chaque rue des centres commerciaux et même dans
certaines zones d’habitation, il y a au moins un cambiste
assis sur son tabouret, guettant les acheteurs du dollar. Au
cœur de la ville de Kinshasa, le spectacle est enchanteur.
L’argent s’échange, à tout bout de champ, devant les
badauds, sous le soleil ou la lumière des bougies. Les
hommes d’affaires, les responsables politiques, les ménages
défilent tous, devant ces cambistes pour se procurer le
dollar. Il arrive quelquefois que les banques conseillent aux
clients d’aller vers ces cambistes qui brassent chaque jour
des milliers de dollars devant les portes des magasins.
D’où s’approvisionnent-ils  ? Les devises transférées par la
diaspora sont sur le marché informel. Ces envois effectués
par la diaspora au profit des familles dépassent les aides
publiques au développement dans beaucoup de pays
africains. En 2011, le FMI les évaluait à 30  milliards de
dollars. Les hommes d’affaires, par mesure de prudence,
préfèrent également disposer de leurs épargnes à domicile.
Il en est de même de ménages. Les touristes échangent
également leurs avoirs sur le marché parallèle. Durant les
périodes de crise de change, les paiements rapides en
devise étrangère nécessitent de disposer de la liquidité.
C’est le cas des frais des voyages à l’étranger. Les expatriés
qui résident au Congo disposent également de la liquidité
en monnaie étrangère, utile pour leurs différentes
opérations. Ils conservent ainsi leur pouvoir d’achat au
regard de la chute du franc congolais. Nous avons
également souligné le fait que le pays ne dispose pas de
banques au fin fond des territoires, il est naturel que les
ménages avisés se munissent des devises utiles pour leurs
dépenses futures. La professionnalisation du métier ne peut
réussir que dans le cas où la confiance au franc congolais
renaît et qu’elle assure son rôle naturel de réserve et de
paiement. Dans le cas contraire, les marchés pirates vont
encore connaître leurs meilleurs jours au Congo-Kinshasa.
Ce marché parallèle, loin d’aider à la stabilisation du taux
du FC, il s’aligne sur le taux interbancaire et fixe parfois son
propre taux au-dessus du taux officiel. Autrement dit,
l’abondance du dollar sur ce marché parallèle, autorisé par
le degré du 31  janvier 2001, ne permet pas de calmer les
tensions sur le marché officiel, elle (abondance) les
accentue, avec spéculation.
2.5. La non-maîtrise des flux et reflux internes des
capitaux
L’adjudication est souvent la première mesure de l’autorité
monétaire lorsque la dépréciation se manifeste. Il s’agit de
rachat d’une quantité de francs congolais afin de réduire la
masse en circulation et en créer la rareté. Un fait importe
d’être souligné à cet effet. Cette politique nécessite de se
rassurer avant toute chose de l’usage des fonds (devises)
achetées par les banques de second rang, à chaque
opération d’adjudication  ; dans le cas contraire, l’opération
ressemblerait à une facilité accordée aux banques de se
prémunir contre les risques de manque de ressources
nécessaires aux transferts des intérêts, des dividendes, et
des revenus des facteurs vers l’extérieur. Nous l’avons déjà
souligné plus haut. Par ailleurs, pour les besoins de
réinvestissement à l’étranger, là où les taux d’intérêt élevés
peuvent rapporter gros, les banques de second rang
saisissent une telle occasion afin de replacer les devises en
des lieux sûrs. C’est une pratique très courante.
Durant l’année 2016, la banque centrale a vendu les
devises de l’ordre de ±250millions de dollars pour une
réserve totale estimée à moins de 1,300milliard. Au fur et à
mesure, ces ressources se sont réduites à moins de
900 millions de dollars. Entre2006 et2009, lors de la crise de
surprime, l’autonomie a atteint le fond de la casserole, soit
28 millions de dollars. Sans les interventions des institutions
du FMI, le pays serait arrivé à la cessation totale des
paiements. Donc, la banque centrale, tout en intervenant
par la vente des devises (adjudication), n’a certainement
pas l’idée des risques dus à l’affectation des avoirs vendus.
Dans tous les cas, l’adjudication est fonction de capacités
futures du pays à dégager un supplément de nouvelles
ressources aussitôt qu’une partie est puisée dans les
réserves de la banque centrale.
Ce constat a été noté par les experts de la Banque mondiale
qui, lors de leurs évaluations des risques visibles déjà au
début des années 2015, faisaient remarquer que les IDE et
les dons en capital, ainsi que les prêts, ont permis à la RDC
de couvrir le déficit du compte courant, mais les réserves en
devises de la BCC se sont toutefois tassées de 0,3 % du PIB,
soit 100  millions de dollars américains. Par conséquent, le
taux de couverture des importations par les réserves en
devises a atteint 6,7 semaines en 2014, une baisse par
rapport à la couverture de 7,1 semaines atteinte en 2013.
Par ailleurs, la couverture des dépôts en devises étrangères
n’était que de 57  %, en retrait par rapport au niveau de
65  % enregistré en 2013. Cela souligne un certain
affaiblissement de la protection contre un risque d’une
sortie de dépôts en devises étrangères13. Et cette assurance
souhaitée se bute aujourd’hui à la déréglementation
financière mondiale.
Les autorités monétaires dans les pays à faibles revenus ne
peuvent à la longue recourir à cette surveillance des
mouvements des capitaux. Le volume des flux brassés par
jour ainsi que la vitesse de la circulation n’autorisent pas de
s’adonner à un tel exercice. Ceci est le cas aussi bien durant
la période de crise que durant celle de stabilité. Une étude
réalisée pour le compte du Sénat français note que la
déréglementation et l’abaissement des coûts de transaction
ont considérablement facilité la mobilité des capitaux et ont
conduit à un décloisonnement et à une intégration de
l’ensemble des marchés financiers mondiaux.
Les masses de capitaux échangées chaque jour sur les
marchés financiers sont désormais largement supérieures
aux capacités d’intervention des États. Par conséquent, tout
gouvernement peut se retrouver l’otage des marchés, dès
lors que sa politique est perçue négativement par ceux-ci.
Les banques de second rang installées au Congo participent
à cette logique. Elles sont des filiales des banques
étrangères. Elles répondent à une double règlementation,
celles des maisons mères et celle de l’État d’accueil. Tout
compte fait, elles finissent par obéir aux ordres de leurs
centres de commandement régional ou mondial. Le but est
de partager les risques dus à des participations sur
différents marchés dans un climat de l’asymétrie de
l’information.
Comme le signifie Claudia Senik-Leygonie, la liberté des
mouvements des capitaux améliore l’allocation des
ressources, en l’occurrence des risques et de l’épargne.
D’une part quand les capitaux sont mobiles, ils s’orientent
normalement vers les meilleurs projets qui trouvent ainsi un
financement. Ce qui est avantageux pour tout le monde.
D’autre part, précise-t-il, un titre financier est un échange
de liquidités disponibles aujourd’hui contre des liquidités
disponibles demain. Comme le futur est synonyme
d’incertitude, il s’agit d’un échange de risques. Les flux de
capitaux permettent donc une assurance et une
mutualisation des risques. Soulignons également la théorie
des attentes qui veut signifier que si les unités économiques
s’attendent à l’appréciation de la monnaie, ce qui signifie
que le prix de la monnaie augmente, ils vont accroître leur
demande de monnaie. L’achat de la monnaie appréciée va
alors entraîner la hausse attendue du prix de la monnaie. Le
taux de change courant va alors être le taux attendu.
L’information sur le développement futur des déterminants
(offre et demande) influence le taux courant.

2.6. Le fléau de l’évasion fiscale


Stopper la fuite des capitaux vers l’extérieur est devenu un
slogan à répétition. Les scientifiques et les politiques n’ont
cessé de dénoncer ce fléau. Ces fonds puisés sur les
réserves nationales prennent la direction des paradis
fiscaux, avec la bénédiction des responsables politiques.
« Panama Papers ou Paradis Papers » épinglent avec accent
les montages financiers qui permettent aux bénéficiaires
d’échapper au fisc. Il y a une année, nous avons souligné
dans notre ouvrage : La problématique de l’émergence des
économies africaines, que la perte des millions de dollars
est énorme en Afrique. À titre d’exemple, l’Afrique du Sud,
le Ghana, le Malawi, la République démocratique du Congo,
la Sierra Leone, la Tanzanie et la Zambie, pour ne citer que
ces cas, perdent chaque année des milliards de revenus à
cause, non seulement de l’évasion fiscale, mais aussi des
arrangements douteux entre les firmes et les responsables
politiques14. Vitraulle Mboungou fait état de pillage des
mines du cuivre en Zambie, de l’uranium au Niger et de l’or
au Burkina Faso par des firmes géantes dont trois d’entre
elles sont sud-africaines (Anglo Gold Ashanti, Impala
Platinum et Gold Fields). Glencore, First Quantum Minerals,
Lamgold corporation et Areva participent à ce festin. Ces
multinationales paient de faibles pourcentages de royalties
et contrôlent pratiquement les revenus des exploitations
minières dans ces pays15.
Le cas de la République démocratique du Congo n’est plus à
redire. Depuis les guerres qui sévissent à l’Est du pays, des
rapports notent combien les multinationales pillent les
richesses de ce pays. Keith Harmon Snow et David Barouski
démontrent dans leur étude que «  les multinationales
occidentales procèdent à l’extraction sans précédent des
minerais au Congo  ; et il est estimé que des tonnes et des
tonnes de cobalt d’une valeur de 6  millions de dollars par
jour – rien que le cobalt – sortent du Congo par jour ». Même
dans des zones contrôlées par le pouvoir durant les
rébellions, les contrats miniers signés ont été dénoncés par
les organisations non gouvernementales et les
parlementaires durant plus de 15 ans, réclamant leur
révision. C’est seulement cette année (2018) que le
nouveau Code minier a été promulgué. Certes, il y a eu
révision des quelques contrats, mais, au fond, le décor reste
le même.
En ce qui concerne la production pétrolière, Agnès
Rousseaux, citant Bastamag, fait aussi remarquer que « les
dix principales multinationales du secteur possèdent 6 038
filiales, dont plus d’un tiers sont basées dans des paradis
fiscaux. Dix entreprises, telles : ExxonMobil, Chevron, Shell,
BP, Rio Tinto ou Glencore, ont généré en 2010 un chiffre
d’affaires de 1 824 milliards de dollars dont 144 milliards de
dollars de profit, tout en pratiquant une “optimisation
fiscale” qui leur a permis de payer beaucoup moins
d’impôt  ». Certains experts n’hésitent pas de croire que la
fuite des capitaux de l’Afrique vers l’Occident représente
plus ou moins 50  milliards de dollars par an. Les autres
auteurs avancent le chiffre de plus de 100  milliards.
L’érosion est plus importante que la somme annuelle de
l’aide publique reçue.
Sur une période de 39 ans, cette fuite a augmenté de 12 %,
sous diverses formes : prix de cession, corruption, baisse de
contrôle de change, transferts unilatéraux des bénéfices,
non-déclaration des revenus au fisc, etc. Les pays les plus
affectés par cette fuite sont, entre autres, ceux qui ont des
économies plus ou moins émergentes et qui affichent les
taux de croissance positifs et durables, mais aussi les pays
plus pauvres dépendant étroitement des exportations des
minerais. Il s’agit, notamment de l’Angola, de l’Afrique du
Sud, du Cameroun, de la Côte d’Ivoire, de l’Éthiopie, du
Gabon, du Ghana, de Madagascar, de Mozambique, du
Nigeria, de la République du Congo, du Soudan, de la
Tanzanie, de la Zambie et du Zimbabwe.
L’adhésion à l’Initiative pour la transparence dans les
industries extractives (ITIE) depuis sa création en 2002 n’a
pas solutionné la question de pillage et de détournement
des ressources issues de cette industrie, en dépit de mesure
de suspension de certains pays, comme la République
démocratique du Congo, durant plus d’une année. L’ONG
Global Financial Integrity fournit quelques chiffres effrayants
de cette fraude : Nigeria : 14,2 milliards de dollars de fuites
annuelles moyennes, Afrique du Sud  : 10,1milliards de
dollars, Égypte  : 3,6milliards, Soudan  : 2,6  milliards, Côte
d’Ivoire  : 2,3  milliards, Éthiopie  : 2  milliards, Zambie  :
1,9  milliard, Togo  : 1,8  milliard, Algérie  : 1,5  milliard. Et le
rapport Kofi Annan estime aussi que la RDC perd chaque
année plus de 10 milliards de dollars. Au total, les transferts
des ressources hors l’Afrique sont estimés entre
597  milliards et 1 400milliards de dollars durant la période
allant de 1980 à 2009. Les flux financiers illicites et non
enregistrés ont été aussi de l’ordre de 1 220 à 1
350  milliards de dollars entre 1980 et 2009, éclipsant les
transactions financières enregistrées, selon le rapport de la
banque africaine de développement de 2013. Le tableau ci-
dessous indique la part que cette fuite représente en dollars
américains.
Ce pillage ne permet pas d’atteindre un certain nombre
d’objectifs budgétaires. Les prévisions des recettes ne
peuvent être réalisées. À ce titre, l’exécution des dépenses
ne dépasse pas dans l’ensemble 40  % des prévisions dans
plusieurs pays, notamment au Congo-Kinshasa où le taux
d’exécution de 2017 était de 37 % seulement. En 2018, les
prévisions des dividendes dans le secteur minier sont
estimées à 7  milliards de dollars contre 4,4  milliards de
prévisions budgétaires du pays.
À défaut de la rigueur budgétaire, la priorité en cas de
dérapage est accordée à des dépenses de fonctionnement
(Présidence, Primature, Assemblée nationale, Armée,
rémunération du personnel de la Fonction publique). Les
secteurs prioritaires sont ignorés totalement  : santé,
éducation, agriculture, investissement, infrastructure, appui
à l’industrie. Dès lors, le discours politique relatif aux plans
de développement (Cinq chantiers) devient un slogan creux.
Loin de tirer l’économie de son sommeil, la politique
économique cesse de jouer le rôle de relance et de
stabilisation. Deux analystes16 le démontrent dans leur
étude sur la corrélation entre dépenses publiques et
croissance. Ils notent que les besoins en devises accroissent
les risques d’endettement, le lendemain de la réduction de
la dette publique du Congo. Ils soulignent les prêts du FMI,
de la BAD, de la BM et même de la Chine. Bref, l’évasion
fiscale au Congo-Kinshasa creuse un gap profond dans les
prévisions de l’État. La nécessité d’exécuter un certain
nombre d’obligations impose le recours au financement
extérieur. Ceci implique le remboursement futur et son
impact sur les objectifs de croissance.
Section 3. Le rapatriement mitigé des recettes
d’exportation
3.1. Les firmes ignorent souvent l’imposition
Les théories attribuent à la globalisation financière un bon
nombre d’avantages, notamment l’augmentation de
l’épargne intérieure, la réduction du coût du capital, le
transfert de technologie des pays avancés aux pays en
développement, le développement des secteurs financiers
intérieurs ainsi que la spécialisation de la production grâce à
une meilleure gestion des risques, l’amélioration des
politiques et des institutions macroéconomiques induite par
les pressions concurrentielles : « l’effet de discipline » de la
mondialisation17. Parmi les mesures mises en route en vue
de compenser la chute de la monnaie nationale et attirer les
flux vers l’économie, le pouvoir exige le rapatriement de
40 % des recettes d’exportation. On peut imaginer les effets
positifs lorsque les flux locaux faibles sont solidement
complétés par les flux qui entrent, et que la capacité
d’absorption de l’économie capte ces avantages. Si le
gouvernement insiste sur ce rapatriement des 40  %, il est
supposé que les exportateurs rechignent de temps en
temps et violent les dispositions du code des
investissements relatives au rapatriement des capitaux
issus des échanges. Bien au contraire, ils préfèrent épargner
leurs avoirs et effectuer davantage les transferts des
dividendes et autres revenus des facteurs, principalement
en période de crise vers les lieux refuges.
Durant toute cette période de crise, le gouvernement tente
de convaincre ces exportateurs. En fait, leur hésitation peut
être comprise  ; elle s’inscrit dans la logique même du
capitalisme, une attitude justifiée par le comportement des
multinationales et des filiales. Il y a eu au cours des 15
dernières années, un flux des capitaux orientés davantage
vers les secteurs porteurs, à savoir  : les mines, les travaux
publics et les télécommunications. Si pour les deux derniers
secteurs, il s’agit des réponses à la demande nationale, il
n’en est pas le cas pour le premier dont les investissements
sont verticaux. Il s’agit des industries qui tirent les
ressources locales destinées à l’exportation. Dès lors, les
gains dépendent aussi du comportement des marchés
étrangers.
Dans une situation d’incertitude (crise de la demande
mondiale des matières premières), ces investissements
rapportent peu de gains. Les industriels craignent en même
temps de prendre le risque. Nous avons évoqué le cas de
l’évasion fiscale et de la fuite des capitaux en Afrique et au
Congo-Kinshasa, plus haut. Les entreprises peuvent, dans
ce cas, mettre à l’abri les gains ou les affecter à d’autres
secteurs rentables, au lieu de rapatrier 40  % des recettes
vers Kinshasa. C’est le lendemain de la crise (période
favorable) que ces flux mis à l’abri peuvent être réinvestis
pour les besoins de restructuration ou d’extension des
activités. Durant la crise, les gains sont généralement
épargnés ailleurs. Il y a ainsi une contradiction entre les
besoins du pays d’accueil (renflouer le marché national en
devises étrangères) et ceux de l’entreprise étrangère
(protéger les gains). Or, tout espoir porte sur cette
éventualité qui est pourtant hypothétique. Peut-on arriver à
un bras de fer et procéder à des menaces contre les
investisseurs récalcitrants ?
La règle de 4D qui caractérise la déréglementation, le
décloisonnement, la déterritorialisation et la
désintermédiation de la finance a ouvert les portes de
«  exit-Etat  » aujourd’hui. Les flux sont volatiles et aucun
pays, à cause de cette volatilité, n’est pas en mesure
d’imposer ses propres règles pour réguler les mouvements
des capitaux, lesquels répondent plutôt à la logique de la
globalisation financière. Rapatrier 40  % des recettes à
chaque transaction des exportations des minerais, du bois
et du cacao et du café est un pari hypothétique. Il est noté
d’ailleurs que 80 % des exportations du café, ces dernières
années, sont par fraude. Par ailleurs des tonnes de bois
rouge sont exportées clandestinement vers la Chine.
Quand bien même, il y a résistance, les industriels miniers
avouent avoir respecté cette obligation. En effet, sur un
total de 3 620 102 681,46 dollars des recettes
d’exportations minières soumises à cette clause, 1 808 919
385,71 auraient été rapatriés et injectés dans l’économie
pour la période allant de janvier à juillet 2017, d’après les
statistiques. Ce montant correspondrait à 49,97  % des
recettes d’exportations réalisées, affirment-ils. Ce qui serait
supérieur aux 1 448 041 072,58 dollars des recettes
attendues. Les entreprises minières auraient donc rapatrié
une valeur excédante (9,95 %) la valeur prévue. Le rapport
de Fédération des entreprises du Congo indique aussi que
46  % des entreprises minières ont rapatrié un montant au-
delà du taux consigné dans le Code minier. Chaque année,
ce bras de fer persiste. Yuma, le PCA de la Gécamines ne
cesse de le répéter. Ce sont les multinationales qui tirent
profit de l’exploitation minière en RDC. L’Etat congolais est
perdant.
Ramener la part des recettes à l’exportation c’est l’idéal.
Mais comme nous avons dit plus haut, quelle est la capacité
d’absorption de ces capitaux  ? Comment les industries
locales bénéficient-elles de ces flux  ? Comment favorisent-
ils la consommation et la production locale  ? Le taux des
crédits permet-il l’effet multiplicateur dans l’économie
nationale ?
N’oublions pas que le Congo-Kinshasa est parmi les pays
africains dont le taux de pression fiscale est le plus faible18.
Donc, les recettes rapatriées serviraient avant tout à
financer les investissements des filiales qui ont recours à
leurs épargnes propres. Même si l’impact peut être positif
sur le taux de change, comme c’est d’ailleurs le cas, il s’agit
d’une embellie passagère. L’effet d’hystérèse étant
persistant.

3.2. L’impact négatif de la fraude douanière


Les importations et les exportations constituent une source
des recettes en devises (taxes douanières). Le pays qui
dispose de services organisés et qui entend maximiser ces
recettes lutte contre la fraude douanière. Cependant, il n’en
est pas le cas au Congo-Kinshasa. En dépit des contrôles
réguliers, les postes frontaliers étant perméables, ils laissent
passer des tonnes de marchandises par fraude. On note ce
fléau d’une grande ampleur aussi bien à l’Est du pays qu’au
Sud et à l’Ouest. Des chiffres diffèrent, mais ils signifient
l’ampleur de fait : des milliards de dollars échappent au fisc.
Luzola Bambi (Conseiller spécial chargé de lutte contre la
fraude) les estime à 15  milliards. D’autres rapports les
chiffrent à moins de 15milliards, largement au-dessus des
prévisions budgétaires du pays. Ce qui signifie que la
maîtrise de ces flux rehausserait tout de même les
prévisions des recettes annuelles du pays. En dépit du
guichet unique qui a été instauré, les agents commis aux
frontières (DGDA, DGM, ANR, ex-ONATRA) semblent peu
soucieux du manque à gagner. Plus d’une fois, le ministre
des Finances procède à des missions d’inspection qui n’ont,
malheureusement, pas eu les effets escomptés. Des
charrois automobiles pleins des minerais et autres produits
(bois, café, thé, pointe d’ivoire) traversent les frontières à
destination de l’extérieur. Parfois, le gouvernement
congolais est alerté par les pays voisins (Zambie, Tanzanie,
Afrique du Sud) qui assistent au passage de ces convois
sans aucun document. Plusieurs rapports publiés par les
experts internationaux dévoilent l’implication des
responsables politiques dans cette fraude. Le ministre en
charge des mines reconnaît les faits, promet de mettre en
place des mesures efficaces de contrôle  ; mais les
promesses restent vagues depuis.
Pour la période allant de 2008 à 2013, un rapport d’audit a
identifié un manque à gagner de 3  milliards de dollars au
détriment de l’État et à charge de 252 entreprises. À
Mahagi, à Lufu, à Luozi, le constat est le même. Les
missions effectuées n’arrivent pas à stopper la fraude. À
Matadi, en 2012, 22 inspecteurs et 45 contrôleurs de la
DGDA ont été suspendus de leur fonction pour cause de
contre-performance et de mauvaise gestion dans l’exercice
de tâche. L’ouverture du guichet unique et l’installation d’un
logiciel pour le traitement des dossiers n’apportent pas de
solution.
Déjà au début de l’année 2018, un rapport indique que la
MCSC (Mining Contracting Service Congo) devait à la
Direction générale des douanes et accises (DGDA), une
somme de 48  millions de dollars américains qui demeure
impayée. Des engins sont importés frauduleusement pour
l’exploitation des carrières minières. Le gouverneur du Haut
Katanga, en août 2017, dénonçait également les agents
commis à la frontière de Kasumbalesa, de trafic d’influence,
de l’application des tarifications excessives des
marchandises, de l’instauration des taxes hors guichet
unique, de manque de surveillance aux frontières et de non-
encadrement de petits commerçants locaux.
Quelles leçons à retenir ?
Certes, le lendemain de la crise de 2007/2008, la politique
monétaire de la BCC a permis la baisse de l’inflation sous la
barre de 10  %. Les causes étaient  : une meilleure gestion
des finances publiques, l’assainissement des finances
publiques et l’élimination progressive du financement par la
BCC du déficit des administrations centrales, ainsi qu’à une
meilleure coordination entre le Trésor et la BCC, selon le FMI.
Le déficit (de trésorerie) des administrations centrales a été
divisé par deux en quelques années  : en 2001-2011, le
déficit budgétaire était en moyenne de 4,3 % du PIB, contre
8,5  % en moyenne pour la période 1970-2000, selon la
même source. La croissance de la masse monétaire a
convergé avec celle du PIB, la vitesse de circulation de
l’argent a d’abord baissé (avant de se stabiliser), et le
multiplicateur monétaire s’est accru malgré le relèvement
des réserves obligatoires.
Mais, cette masse monétaire représentait moins de 17 % du
PIB, contre une moyenne d’environ 46  % dans l’Afrique
subsaharienne. L’étude menée par Joseph Moto Kosarad
(université catholique du Congo) relative aux effets de
politique monétaire sur le secteur réel en RDC par
l’approche de modélisation vectorielle autorégressive a
abouti à des conclusions suivantes : « l’économie congolaise
est moins influencée par les variations de trois variables de
transmission de la politique monétaire retardées d’une
année, notamment le taux directeur, le taux de change
nominal et le taux de croissance de la masse monétaire. De
même, les tests de causalité au sens Granger nous ont
montré que ces trois variables monétaires retenues ne
causent pas la croissance du Produit Intérieur Brut (PIB
réel) »19.

1  Lonzolo Lubu, Kabwe Omoyi, Intermédiation financière et croissance


économique en République démocratique du Congo, Unikin, janvier 2015.
2 Hervé Otshudi, janvier 2017.
3  D’après Noël Tshiani, il y avait dans l’ensemble 23 petites banques
commerciales  ; 157 coopératives d’épargne et de crédit  ; 19 institutions de
microfinance et quelques bureaux de change, ± 80 agences bancaires au total,
en grande partie concentrées à Kinshasa, et ne comptent pas dans leur capital
d’actionnaires congolais important. Actuellement on compte 17 banques
commerciales.
4 Discours du ministre du Budget.
5 André Shikayi Luboya, La politique budgétaire de la République démocratique
du Congo, Éd. Puz, 2014.
6 Rapport du PNUD, 2013, p. 23.
7  Cette dollarisation découle non seulement du décret-loi 004/2001 du
31 janvier 2001 autorisant la libre circulation du franc congolais et des devises
étrangères sur le territoire national, mais aussi du fait que la confiance en la
monnaie nationale était pratiquement perdue. Or, ce qui attribue à la monnaie
sa signification primaire, c’est cette confiance (monnaie fiduciaire).
8 Beltraide, «  La FEC propose à l’État congolais la dollarisation des flux », ACP,
septembre 2017.
9  Dr Noël K. Tshiani, «  Pour une monnaie nationale crédible au Congo  », in
Banques & Assurances, 6 juillet 2013.
10  Rapport FMI, 14/15, 2014.
11  Garcia-Escribano M., and Sosa S., “What is Driving Financial Dedollarization
in Latin America ?”, IMF Working Paper, No 11/10, janvier 2011.
12  Kola Lendele, Joseph Kamanda Kimona-Mbinga, «  Nature et spécificité de la
dollarisation de l’économie congolaise (RDC)  », in Monde en Développement,
2005/2, N° 130.
13 Banque mondiale, Rapport de suivi de la situation économique et financière,
3e édition, 2015, p. 15.
14 www.Afrik.com, mars 2009.
15 Vitraulle Mboungou, «  Multinationales vs États  : hold-up des compagnies en
Afrique », in Afrique Expansion, février 2011.
16   Gastonfils Lonzo Lubu and Désiré Avom, No linear effect of spending on
économie growth in Dr Congo, University of Kinshasa, University of Yaoundé
II/Soa, 17 December 2014.
17 Eswar Prasad, Kenneth Rogoff, Shang-Jin Wei et M. Ayhan Kose, « Effets de la
mondialisation financière sur les pays en développement  : Quelques
constatations empiriques », in www.nber.org/~wei/data/prwk2003
18 Rapport de la FEC.
19 Texte84_MOTO.pdf (umontreal.ca)
Chapitre 5.
Propositions de gestion anticipée
des crises en RDC

Introduction
Plusieurs plans des réformes structurelles sont entrepris au
Congo-Kinshasa  ; leurs énumérations peuvent prendre du
temps et compter plus de mille pages. Chaque ministre
sectoriel dispose dans ses tiroirs de centaines de cartons qui
contiennent des plans, des programmes et des projets, tous
mort-nés. Dans ce chapitre, nous allons passer en revue
principalement les réformes élaborées par le biais des
institutions de Bretton Woods (Plan d’ajustement structurel,
le DSCRP)1  ; ensuite, nous allons proposer les nouvelles
réformes basées sur l’introversion de l’économie.
Section 1. Les réformes structurelles
On ne peut aborder la question de nouvelle réforme de
l’économie congolaise si l’on ne fait pas un petit retour en
arrière pour scruter les leçons passées et leurs limites.

5.1. Les échecs des anciennes réformes


Le Congo est devenu une terre féconde des plans qui
naissent, se succèdent, s’entassent et meurent sans être
appliqués. Les experts rivalisent d’ingéniosité depuis
Mobutu jusqu’à ce jour. Chacun croit pouvoir innover, et à
chaque occasion, ils reprennent à zéro  ! Un des derniers
plans en date est le «  Plan national stratégique de
développement à l’horizon 2050  », conçu avec l’aide de
Séoul2. En 2020, un autre Plan multisectoriel d’urgence
contre les effets de covid 19 a été élaboré pour une durée
de 9  mois. Le gouvernement SAMA Lukonde a également
élaboré d’autres programmes. Durant les années 80, le
programme de l’ajustement structurel a été imposé aux
États à revenu faible et peu industrialisés. Mais les résultats
sont restés mitigés, voire, nuls dans nombreux cas ! Plus de
37 pays africains ont payé le prix de cet ajustement. Quelles
en sont les causes et comment y remédier  ? Avant tout, il
convient de rappeler les vertus de l’ajustement tel
qu’entendu à l’époque par les institutions de Bretton Woods.
L’ajustement structurel a eu pour objectif proclamé de
résoudre la problématique des échecs des stratégies de
développement conçues au cours des années 60/70. Les
spécialistes de l’économie du développement ont cru que
les remèdes aux échecs se trouvaient dans les réformes des
structures des économies pauvres, et non dans l’octroi des
ressources financières abondantes. Ils avaient raison. Une
autre thèse soutient que les réformes avaient surtout pour
but de récupérer les créances douteuses consenties aux
bénéficiaires et qui n’étaient plus capables de les honorer.
Les pays « malades » de l’endettement, ayant accumulé des
emprunts durant des années, se sont montrés incapables,
insolvables, il fallait les soumettre à une cure de
restructuration en vue de redresser les économies et
restaurer la confiance des créanciers qui avaient la crainte
de perdre leurs prêts accordés. Il s’agissait de réaliser le
retour à des équilibres financiers. Patrice Dumas constate à
ce sujet que  : «  pour éviter la contagion des faillites
financières, les PDEM ont accepté le rééchelonnement de la
dette et une annulation en partie. En échange, le FMI a
imposé une austérité budgétaire afin que la dette de l’État
diminue, des dévaluations pour favoriser les exportations et
diminuer les importations, une libéralisation des économies
pour diminuer la dette et pour que les entreprises ne
puissent faire faillite, et des hausses des taux d’intérêts
internes afin de favoriser l’épargne »3.
Cette tentative de retour à l’équilibre financier s’est soldée
par des récessions à répétition, par une baisse de
l’investissement et des importations ainsi que par une
augmentation des inégalités à l’intérieur des pays. Les
crises financières se sont manifestées dans beaucoup de
pays soumis à cette cure tant en Amérique latine qu’en
Afrique. Le résultat attendu  : récupérer les créances
douteuses, relancer la production et bénéficier des
échanges avec le reste du monde, n’a pas été atteint. Les
exportations des matières premières n’ont pas généré des
ressources attendues à long terme.
Au Congo-Kinshasa, les réformes ont entraîné la réduction
de l’emploi dans la fonction publique d’autant plus que
l’austérité budgétaire imposée a eu un impact social très
négatif. L’État a réduit les dépenses destinées aux secteurs
vitaux : l’éducation, la santé, l’agriculture, les salaires de la
fonction publique. Des gestionnaires étrangers (experts)
recommandés par les institutions de Bretton Woods ont été
nommés à la tête de grandes entreprises publiques, y
compris à la banque centrale, en vue d’imposer la gestion
rationnelle des finances. Par la suite des échecs, Mobutu a
fini par renvoyer ces experts qui ont trôné à la tête des
régies financières, mais aussi à la tête des grandes sociétés
d’État  : SNCC, GECAMINES, SNEL, REGIDESO. En fin de
compte, le rapport de la Banque mondiale note que le passif
social de ces entreprises publiques était évalué en 2013 à
plus de 670 millions de dollars américains. C’est une preuve
de la quasi-faillite. Aujourd’hui, la capacité de desserte en
électricité de la Société nationale d’électricité (SNEL) est
moins de 9  %, par rapport aux besoins de la population
totale du pays  ; l’accès à l’eau potable desservie par la
REGIDESO est aussi lamentable. Des quartiers entiers sont
privés d’eau, ce durant des mois. Certains clients se
décident de ne plus régler leurs factures mensuelles. La
prise de contrôle de l’économie congolaise par les experts
étrangers n’a donc pas eu gain de cause. Certains estiment
que la dictature en était la cause. On ne pouvait pas
envisager des réformes dans un contexte de mauvaises
institutions publiques.

5.2. L’échec de libéralisation des entreprises


publiques
Durant la période d’entre 1980 et 2000, le Congo a
enregistré la période la plus sombre de l’économie, véritable
descente en enfer. Les entreprises «  zaïrianisées  » ont
disparu sous le poids de la mauvaise gestion et de
gaspillage. Il s’agit des entreprises ravies aux anciens
propriétaires (étrangers) et qui ont été distribuées
gratuitement aux cadres politiques du parti unique, le MPR,
sans aucune expérience de gestion. Cette chute de petites
entreprises a impliqué la perte d’une source des recettes
publiques (taxes et impôts) ainsi que la perte des milliers
d’emplois. La base de l’industrie légère nationale a ainsi été
détruite totalement.
De même, les grandes entreprises nationalisées ont été
confiées aux gestionnaires nommés selon le critère de
militantisme et de dévotion au MPR (Mouvement populaire
de la Révolution). Des animateurs de ce parti ont trôné à la
tête de ces entreprises, selon qu’ils appartenaient à telle ou
telle autre tribu. Ils ne pouvaient rendre des comptes qu’aux
dirigeants du parti unique. Le critère de nomination des
gestionnaires étant avant tout politique  ; en dépit de la
mauvaise gestion décriée, ils étaient maintenus à leurs
postes tant qu’ils étaient loyaux au grand leader éclairé, le
chef fondateur du parti unique. Croupissant sous le poids
des dettes et de détournement, ces entreprises n’ont plus
été rentables. Le peu de profits réalisés atterrissait dans les
poches des dignitaires, parfois à l’insu de chef suprême. Les
festins organisés par ces dignitaires étaient pris en charge
par ces entreprises. Pour survivre, elles dépendaient de
soutiens budgétaires. Ainsi le choix de nommer les experts
étrangers à leur tête n’a pas répondu aux attentes des ceux
qui les ont recommandés (FMI, BM). Ces experts se sont
butés à la résistance au changement. Par ailleurs, l’état
piteux dans lequel elles (entreprises) étaient plongées
depuis des années, ne permettait pas d’imposer une cure
immédiate. Certaines d’entre elles étaient, en effet, en
faillite non déclarée. Le graphique ci-dessous démontre
qu’en 1990 et 2000, l’ajustement n’a pas eu d’effets
escomptés. La croissance est restée négative durant la
période.
Figure 11 : Ajustement structurel et croissance (% PIB)

En RDC (1991-2009)
Source  : Johannes Herderschee, Daniel Mukoko Samba, Moïse Tshimenga
Tshibangu ; Résilience d’un géant africain, vol. 1, Banque mondiale, 2012.

Cet état de fait a alourdi considérablement le déficit


budgétaire au cours de cette période, attestant la faillite de
l’État, incapable de réaliser un budget de quelques millions
de dollars. C’est ainsi qu’au cours des années qui ont
précédé la chute du régime, le budget atteignait à peine
200  millions pour une population totale de ± 80  millions
d’habitants. Marie Mazalto remarque que devant cette
impasse, «  en dépit de la rupture politique du
gouvernement avec ses bailleurs, le service de la dette et
les perspectives de développement du pays ont continué à
mobiliser les IFI  »4. On a cru que la libéralisation pouvait
tirer l’économie de ce marasme. Il ne fallait pas laisser le
malade mourir doucement. Loin de là, cette privatisation a
aussi échoué. Mazalto souligne à ce propos que  : «  les
indices macroéconomiques témoignaient d’une importante
récession  : en 1993, le PIB par habitant était estimé à 117
dollars, soit 65  % de moins qu’en 1958 (Banque mondiale,
1994). Les entreprises étatiques sont entrées en cessation
de paiement, l’administration publique paralysée, les
services sociaux et les infrastructures en déliquescence.
Quant à l’aide publique au développement et aux
investissements privés, ils sont quasi inexistants  »5. Face à
un État jugé incapable d’assurer ses fonctions (faillite), la
libéralisation économique amorcée était présentée comme
un impératif pour envisager la reprise du développement du
pays.

5.3. Les échecs de privatisation


Pour renouer avec la croissance, assurer l’emploi et
l’amélioration du revenu par habitant, le pays a été poussé
à adopter des mesures de privatisation des entreprises,
comme dernière solution, au vu de l’échec de la
libéralisation. Mais cette approche, bien que nécessaire, elle
n’a pas été synonyme de l’introversion de l’économie, bien
au contraire, elle a renforcé l’extraversion, avec toutes les
conséquences. Car, cette privatisation a concerné
davantage le secteur minier et celui des services de
communication. Notons que la première phase de la
libération était caractérisée par l’ampleur des prises de
participation de l’État congolais dans le capital au cours des
années 1990-2000.
On a compté ±38 entreprises dans lesquelles l’État avait
des parts allant de 20 à 99  %  ; tandis que les autres
entreprises sont restées sous son contrôle total  :
Gécamines, SNEL, REGIDESO, RVA, SNCC, ex-ONATRA, etc.
De l’énergie au transport, bref, dans tous les secteurs  :
assurance, mines, agriculture, chemin de fer, transport
aérien, maritime, les textiles, l’élevage, l’hôtellerie,
banques, constructions, travaux publics, alimentation,
ciment, diamant, jeux de loterie, acier, l’État congolais
(zaïrois) a marqué sa présence totale. La gouvernance de
ces entreprises était soumise à une dure épreuve. Les
gestionnaires étaient de nouveau nommés sans tenir
compte de critère de compétence. Les ressources étaient
dilapidées, l’emploi était arbitraire, lié aux relations tribales,
la comptabilité n’était presque pas tenue, les ordres de
retrait des fonds venaient de partout : présidence, services
de sécurité, armée, primature, famille élargie du chef, etc.
Le renouvellement de l’outil de production n’était plus
assuré, les prêts n’étaient pas remboursés, l’audit n’était
pas réalisé, etc.
Comme le souligne Hubert Mwipatayi  : «  Avant la réforme,
51 entreprises publiques du portefeuille de l’État avaient
pour objectif la création de richesses et des emplois, d’offrir
des services de meilleure qualité et de contribuer au budget
de l’État. Malheureusement, une certaine pesanteur tirait
vers le bas ces entreprises qui occupaient 80 % de l’espace
économique du pays  : la faible productivité, un personnel
pléthorique et vieillissant, l’insuffisance de matériels et
équipements nécessaires à l’exploitation  ; le
surendettement constituant le passif le plus lourd et une
mauvaise gestion des ressources »6
Avec l’appui de la Banque mondiale, le pays a été soumis à
une autre cure de dégraissage. Un programme de réforme
des entreprises publiques a été initié en vue de redynamiser
les secteurs d’activités, relancer la croissance, créer de
l’emploi et assurer le développement. Plusieurs années
après cette opération, soit en 2018, l’État dispose de 20
entreprises commerciales, nombre inférieur à l’ancien
portefeuille. On peut s’imaginer que ce dégraissage a eu de
succès. Mais la performance de ces entreprises reste la
même, c’est-à-dire, en dépit des réformes envisagées et qui
ne portent pas de fruits à ce jour, les entreprises publiques
rendues commerciales enregistrent des bilans médiocres. La
privatisation n’a pas contribué à la dynamisation de
l’économie  ; elle ne se diversifie pas non plus, seul le
secteur des mines prédomine. L’agriculture reste de
subsistance. Les investisseurs nationaux et étrangers sont
généralement intéressés par les mines, le transport urbain,
les communications, le commerce de détail, l’exploitation
forestière, les services (hôtellerie, restauration) et les
travaux publics financés par l’État (construction des artères
dans les villes). En bref, le pays est le 8ème des pays les plus
pauvres du Monde (PNUD).
On ne compte pas une seule usine de transformation locale
des matières premières. La matière brute est exportée vers
l’extérieur. Cet état de fait aggrave l’extraversion de
l’économie congolaise. Ne répondant pas aux besoins de
réforme, ces entreprises constituent une simple liaison entre
producteurs des minerais et firmes multinationales situées
en amont. Pour le commerce de détail, les importateurs
constituent également le relais entre producteurs étrangers
(Chine, Asie du Sud-Est) et consommateurs nationaux
congolais. Ce commerce relais nécessite de puiser dans les
réserves des avoirs extérieurs pour financer les
importations. Mais lorsque la valeur de ces importations
dépasse celle des exportations, la contribution financière de
ces entreprises reste un sujet de controverse. Les
différentes études accusent le laxisme financier ; tandis que
les industriels eux-mêmes pointent du doigt la forte
pression fiscale. Néanmoins, la nature de l’impact varie
selon la taille des entreprises. Les petites et moyennes
entreprises s’acquittent tant soit peu de leurs devoirs. Les
grandes entreprises minières et de télécommunications, en
revanche, échappent au fisc, bénéficiant des exonérations,
mais aussi des accointances malicieuses à un certain niveau
de la hiérarchie du pouvoir.
Section.2. La nouvelle vision du développement

2.1. Plans et Programmes non exécutés


Entre 2001 et 2016, la Banque mondiale, pour reprendre cet
exemple, a été au chevet du Congo avec autant de milliards
de dollars. Le portefeuille comprenait 15 projets
représentant un engagement de 1,88milliard de dollars dont
903,2millions auraient été décaissés (à la fin de décembre
2011). Deux projets régionaux représentant un montant
total de 938  millions de dollars dont 769  millions n’ont pas
été décaissés. Environ 64 % du portefeuille sont consacrés à
l’infrastructure (eau, énergie et routes), 18  % au
développement humain, 11  % à l’agriculture et au
développement du secteur privé, et 7 % à la gouvernance et
au secteur minier. Les aides bilatérales et celles des autres
bailleurs complètent cette enveloppe. La Chine, le Japon,
l’Inde, les pays du Golfe, etc., sont aussi présents au Congo.
Figure 12. Les plans nationaux de développement
et les objectifs
(2011-2016) DSCRP-&
(2002-2005) DSRP (2006-2010) DSCRP-1
PAG
Stabilisation, transition La gouvernance et le Croissance, création
et reconstruction Trois renouveau de la croissance d'emplois et impact des
piliers stratégiques : favorable aux pauvres Cinq changements
  piliers stratégiques ; climatiques Quatre
Restauration et Bonne gouvernance, paix et piliers stratégiques
consolidation de la paix, renforcement institutionnel,  
Stabilisation Stabilité macroéconomique Gouvernance et paix,
macroéconomique, et croissance, Accès aux Diversification
Dynamique services sociaux et économique,
communautaire réduction de la vulnérabilité, accélération de la
Lutte contre le VIH / SIDA, croissance et création
Dynamique communautaire d'emplois, Améliorer
l'accès aux services
sociaux de base et au
capital humain,
Environnement et
changement
Source : PNSD
Cible économique Plan d’action par secteur
• Atteindre le statut du pays à revenu •  (Primaire) Transformation de
intermédiaire d’ici 2021, et le PIB de l'agriculture, augmenter la
1 050 USD par habitant. productivité agricole, et développer
• Atteindre le statut des pays émergents les parcs agro-industriels (PAI) et les
d'ici 2030, et le PIB par habitant de centres de développement intégrés
4 000 USD. (CDI) pour attirer les investissements
• Rejoindre le club des pays dans le secteur agricole
développés d'ici 2050, ce qui porte le •  (Secondaire) Intensification
PIB par habitant à 12 000 USD industrielle du pays, créer plus de
valeurs ajoutées localement,
développer des relations verticales et
horizontales et établir des parcs
industriels (IP) dans le pays
•  (Tertiaire) Relever le niveau de
connaissance de la société en
investissant dans l'accumulation du
capital humain, la recherche et le
développement.
Construire un ensemble de parcs
scientifiques et technologiques (PST)
Source : PNSD

Au regard des résultats, on est en droit de dire que le pays


tourne en rond. La nouvelle politique industrielle envisagée
depuis 2012, à l’époque de Matata Ponyo, laisse penser
qu’au bout de souffle, les dirigeants du pays n’ont pas la
préoccupation de le redresser d’ici peu. Ils se plaisent à
écrire des discours politiques qui laissent croire que tout est
parfait. Les félicitations qui s’en suivent dénotent le peu
d’attention consacrée réellement au redressement du pays.
On s’installe dans les habitudes troubles d’applaudir les
illusions. Les propositions de relance laissent croire qu’il
s’agit d’une litanie des citations non réfléchies. Nous allons
décortiquer ses aspects économiques, à travers l’analyse ci-
dessous.

2.2. L’aménagement des « zones industrielles »


Les zones industrielles  ? Il y en a 13 au total. Elles sont
montées sur papier. Mais de quelles zones il s’agit  ? Les
zones spéciales et les corridors  ? De quoi s’agit-il
exactement  ? Ces questions ont leur importance. Car, ces
gros mots sont empruntés au vocabulaire économique, sans
incidence sur la réalité du Congo. À l’époque coloniale, les
quartiers industriels ont existé. Aujourd’hui, ils ont disparu
sous le poids de l’usure. Les érosions, les églises de réveil,
les bidonvilles ont fait irruption sur les sites. Ici et là, les
maraîchers entretiennent des petits jardins potagers pour
survivre et faire face aux dépenses exorbitantes de leurs
familles. Les nouvelles zones, telles que conçues par l’État,
concernent la mise en chantier d’un plan d’intégration de
l’espace territorial en développant les régions en fonction de
leurs dotations factorielles naturelles. Ce qui suppose que
tout l’espace national est décomposé en zones
géographiques, chacune correspondant à une vocation  :
mines, agriculture, pêche, tourisme, industries, tel que
l’indique le texte7. Si l’énumération est facile, l’application
nécessite des programmes et des projets budgétisés. Le
plan directeur d’industrialisation mis à jour par Julien Paluku
prévoir au total 58 milliards de dollars à dépenser d’ici 2040
pour créer 507 entités industrielles contre 9600 en 1960  !
Soit, 21 milliards pour les routes, 9 milliards pour le chemin
de fer, 22  milliards pour l’énergie et 6,3  milliards pour les
ports et aéroports. La première condition est la disposition
des infrastructures : l’électricité, l’eau, les ponts, les routes,
les entrepôts. Pour un pays de plus de 2 345  000 km2,
combien coûte la réalisation de ces infrastructures en
déliquescences  ? La taille des infrastructures routières
démontre l’ampleur des travaux de réhabilitation8. À travers
tous les territoires, ces routes (nationale aussi) sont dans un
état de délabrement avancé. Un parcours de 100 km, entre
deux agglomérations, peut durer 4 à 5 heures, voire plus.
Les saisons de pluie les rendent totalement impraticables.
Les routes de desserte agricoles sont défoncées.
Figure 14 : Le réseau routier de la RDC
Source, Office des routes, 2014

Le seul projet de la BM destiné à la réouverture et


l’entretien des «  routes hautement prioritaires  » revient à
122,62  millions de dollars, le développement de l’accès à
l’électricité (besoin de première nécessité) exige également
147  millions, selon la même source. Bref, l’ensemble des
préoccupations concernant l’aménagement du territoire
revient à plusieurs milliards de dollars. Car, la seule route
nationale n°1 couvre 58.129  Km de longueur. Compte tenu
de l’étroitesse de revenus du pays, et compte tenu de
l’étroitesse des aides extérieures, il n’est pas exclu de dire
que cette proposition est une simple recommandation, sans
aucune suite. Conçu pour être achevé en 2016, et inspiré
par l’approche de la croissance équilibrée de Ragnar Nurske
et Paul Rosenstein-Rodan, ce plan n’a pas connu un seul pas
de son exécution. Il reste lettre morte, de la même manière
que les autres prévisions d’aménagement des zones
industrielles. Matata Ponyo est parti, il a laissé la place aux
autres imaginations sans suite.
Ce plan était un souhait creux tant qu’il n’était pas
accompagné d’une possibilité de l’électrification des zones
économiques. Il impliquait également sa budgétisation,
incluant les projets concrets détaillés avec l’étude de
faisabilité sur : l’accès à la technologie, l’attrait des capitaux
frais, la qualification de la main-d’œuvre. Il supposait aussi
la construction des réseaux des communications par route,
par eau et par air. Or, depuis l’indépendance, le pays n’a
pas tracé une nouvelle route, encore moins, un nouveau
port en milieu rural. Les zones industrielles aménagées dans
les villes coloniales ont laissé place aux églises et maisons
d’habitation. Depuis des années, les plans de
développement du pays restent dans les tiroirs.
L’aménagement du territoire ne sous-entend pas, non plus,
l’industrialisation extravertie. Dans ce contexte, comment
peut-on envisager de mettre en valeur les régions minières,
les régions agricoles et les régions forestières, sans l’idée de
transformation des ressources locales en vue de réduire la
dépendance ?
2.3. La promotion du partenariat privé/public
C’est aussi un souhait qui s’est transformé en un slogan
sans effet. Quelles sont les entreprises congolaises qui
peuvent attirer les capitaux étrangers ? Comment sont-elles
gérées  ? Elles sont principalement de quel secteur  ? Quels
sont les profits espérés  ? Quelles sont les garanties qui
peuvent sécuriser l’étranger  ? L’éventaire actuel est très
modeste. Le Congo ne produit que quelques biens
intermédiaires dont le volume est loin de répondre à la
demande nationale, à savoir  : les fils barbelés (sidérurgie),
la métallurgie, la peinture, les boulangeries, les produits
cosmétiques, le savon, les brasseries, le verre, le papier, les
matières plastiques ainsi que quelques biens de
consommation courante (pharmacie, textile, meuble).
Toutes les branches de production souffrent de la crise qui
frappe le pays. Remarquons également que durant
longtemps, cette industrie manufacturière est coupée de
ses sources d’approvisionnement en matières premières et
de débouchés en produits finis. Car, elle date de l’époque
coloniale. Sa capacité de production actuelle est de 15 à
17 %. Le secteur secondaire est aussi très peu développé et
caractérisé par une forte présence de l’État, marginalisant
ainsi le secteur privé. La plupart des sociétés sont publiques
ou à participation mixte, avec souvent une participation
majoritaire de l’État. La libéralisation n’a pas ouvert les
portes aux nouveaux investisseurs, sauf dans quelques
services. Ils sont intéressés par le commerce de gros et par
l’importation.

2.4. La réhabilitation, les réformes des grosses


unités et l’appropriation technologique
C’est un grand défi qui a pour but de réduire la polarisation
industrielle avec la concentration des activités dans trois
provinces (53  % pour la ville province de Kinshasa, 17  %
pour la province du Katanga, 10 % pour la province du Bas-
Congo et 10 % pour le reste de 23 provinces). Il était prévu
de réaliser l’essaimage en vue d’obtenir les effets
d’entraînement en amont et en aval d’industries avec
particulièrement une prédominance des biens de
consommation (69 % de la valeur ajoutée contre 31 % pour
les biens d’approvisionnement et d’équipement)  ;
introduction, approbation, vulgarisation, appropriation des
normes internationales ; développement de la qualité et des
normes  ; développement du marketing, de l’innovation, de
la vieille concurrence, de l’intelligence industrielle  ; et
augmentation de la compétitivité (définie comme la
résultante d’une qualité, d’un coût de revient et d’un délai
pour un produit spécifié).
C’est en ces termes que le plan de l’industrialisation était
exprimé par le pouvoir public. Riche imagination, mais sans
aucun suivi, ni aucun début d’exécution. Ce raisonnement
porte à penser que les experts copient les idées et
referment aussitôt les portes, se contentant d’avoir laissé
les traces dans les rayons des placards. Étant donné l’échec
de cette projection, l’État congolais, en dépit de la volonté
de libéralisation de son industrie, reste encore propriétaire
de dizaines d’entreprises étatiques. Les autres sont tombées
en faillites. Dans ce contexte, l’énigme de diversification ne
peut être résolue pour plusieurs raisons  : l’accès à la
technologie fait défaut. L’entrepreneuriat congolais se
concentre dans les petits métiers artisanaux. Le commerce
de gros et de détails constitue l’essentiel, mais il est avant
tout un commerce de relais, dépendant des
approvisionnements de l’Asie et de l’Europe. L’indice de
production des biens d’équipement est en baisse sur toute
la période examinée, comme le démontre le graphique ci-
dessous.
Figure 15 : Indice de production des biens d’équipement
Source : Banque centrale du Congo.

Par manque de la production nationale, ce commerce doit


sa prospérité à l’importation des biens finis et même
intermédiaires en provenance de l’Asie principalement. Les
infrastructures de transport et de logistique datent de
l’époque coloniale et sont vétustes. Le rapport publié par la
cellule d’étude du ministère de l’industrie note à ce propos :
«  En 2011 sur toute l’étendue du territoire national et en
2013 dans la ville de Kinshasa, la RDC comptait en 2011 et
2013 respectivement près de 522 et 647 entreprises
manufacturières (dont 350 au moins étaient viables en
2013). Quatre provinces concentraient environ 64,1  % des
industries en 2013  : Kinshasa (33,5  %), Katanga (13  %),
Nord-Kivu et Province orientale avec 8,8  % chacune. La
branche agroalimentaire et boisson concentrait 46,5  % des
industries recensées en 2013. Les deux autres branches les
plus dynamiques sont la fabrication des produits chimiques
et la production du bois et articles en bois avec
respectivement 11,1 % et 10,5 % des industries »9.
Que fournit cette industrie par rapport à la demande
nationale ? Le tableau sur l’indice de productivité (plus haut)
démontre la faiblesse de cette industrie. Il s’agit
généralement de petites unités de fabrication dont la
capacité est nettement en dessous des besoins de
consommation exprimés. Le commerce de détail dans les
villes et autres centres est servi principalement par les
biens importés. Il en est de même du soutien à
l’entrepreneuriat local.
Ce pays ne manque pas d’imagination. Les plans sont
constitués de petits bouts de phrases qui finissent par être
oubliés. En effet, en 2016, le Congo a prévu de se doter
d’un programme d’urgence de soutien à l’industrie locale
(PUSIL) qui vise la promotion de l’entrepreneuriat national,
la mise en place d’une boîte à outils complète pour le
financement de l’industrie et l’aide à la compétitivité. Il a
également mis en place une ligne de crédit de 10  millions
de dollars au sein de Rawbank, en vue de soutenir les
activités de petits entrepreneurs. Mais il n’existe aucun
rapport ni sur la mise en œuvre de ces idées, ni sur le suivi.
Le Congo-Kinshasa peut être comparé à un fleuve de belles
phrases qui dessinent derrière elles les érosions
industrielles. Que faire ?
Section.3. Proposition de diversification industrielle
La grande maladie de l’industrie congolaise demeure au
niveau de sa structure héritée de la colonisation. Elle
présente les mêmes caractéristiques. Pire encore, la petite
industrie agroalimentaire qui servait la demande nationale a
été détruite. La pêche, l’élevage, l’huilerie, etc., ont presque
disparu. Dans cette section, notre souci est de proposer un
schéma de l’introversion basée sur la mobilisation des
facteurs de production qui sont à la portée des agents
économiques. L’agriculture demeure le principal secteur.
L’import-substitution n’est pas envisagé à court terme,
encore moins l’export-substitution.
Figure 16  : indice de la production des biens de l’industrie
manufacturière
Source : banque centrale du Congo, Enquêtes économiques (rapport annuel)

Il est, cependant, possible de mobiliser les ressources issues


de l’exportation pour soutenir l’introversion.

3.1. De l’extraversion à l’introversion


L’équilibre du taux de change réel de long terme est assuré
par l’équilibre interne et externe. L’épargne doit
correspondre plus ou moins à l’investissement, de même, la
balance des paiements doit être en équilibre. Pour ce faire, il
faut éviter les variations cycliques des fondamentaux  ; de
l’autre côté, le pays doit attirer les capitaux et cesser d’être
importateur net, ce qui suggère la disponibilité régulière des
réserves. Or, au vu des données statistiques de 2000 à
2015, la balance des paiements est régulièrement
déficitaire, la croissance est irrégulière, les chocs cycliques
sont à répétition, le taux de l’emploi est en dessous de
40  %. Le pic a été atteint entre 2013 et 2015. L’équilibre
interne n’est jamais acquis.
Sur le plan de la croissance et du développement, le pays a
été classé 184e sur 186, au rang mondial par le FMI et le
PNUD. Les améliorations possibles de cette position ne
l’éloignent pas de la queue. Outre ce déficit des comptes
extérieurs, notons également que l’épargne nationale
garantissant l’investissement est négative. La bancarisation
est de l’ordre de 6 à 8 % par rapport à la population. On ne
cessera de le répéter, le revenu assure la consommation et
l’épargne. L’épargne garantit l’investissement. Il s’établit
une bonne relation entre exportation, importation, épargne
et investissement.
Ce qui suggère que l’équilibre de long terme du taux de
change est garanti par le niveau de la création de la
richesse, le niveau de l’épargne et de l’investissement. La
balance des paiements déficitaire, en particulier la balance
courante, est une expression des défis à relever au regard
de la dépréciation récurrente de la monnaie. Quelles
politiques économiques permettraient de relever ces
différents défis  ? Au cours des années 70, les auteurs ont
rivalisé d’imagination, suggérant l’import-substitution pour
les uns, la promotion des exportations (école suédoise sur
les théories de l’échange) pour les autres. D’autres, par
ailleurs, ont imaginé le soutien au secteur générateur des
richesses, tandis que les autres proposaient le soutien à
l’industrie industrialisante. Les échecs de ces approches ont
été constatés dans plusieurs pays en développement. Ce ne
sont pas les stratégies elles-mêmes qui sont inefficaces,
mais la manière de leur mise en œuvre. Investir dans la
substitution des importations et garantir en même temps la
cape sur les exportations n’est pas contradictoire dans le
contexte de l’économie extravertie. On évite la sécheresse
des avoirs extérieurs et en même temps, on évite aussi le
poids des dépenses nécessaires à l’importation.
Dès lors, il y a lieu d’imaginer le schéma qui permet de
répondre à la demande nationale, et en même temps, on
choisirait la voie qui permet de garder l’économie ouverte,
tout en évitant d’être importateur net des capitaux.
L’import-substitution signifie que l’État, dans le cadre de
réduire sa dépendance et atteindre l’équilibre de la balance
du commerce extérieur, peut soit, réduire volontairement le
volume, soit imposer un tarif prohibitif protecteur, lesquels
choix entraîneraient moins de dépenses en devises, mais
aussi, moins de demandes en biens et services importés.
Les gains se traduiraient par le surplus des avoirs étrangers
épargnés. La critique contre cette stratégie porte sur le
manque à gagner pour le consommateur, dans la mesure où
la demande nationale ne peut être comblée par la
production locale. Elle porte aussi sur les coûts exorbitants
des biens finis, face aux produits importés moins chers. Le
risque se traduirait par la préférence des consommateurs
qui, devant les habitudes et la qualité, peuvent accorder la
préférence aux produits importés. Mais faut-il d’office
abandonner l’initiative  ? Ne peut-on pas oser les premiers
pas ? Deux conditions sont requises :
a) disposer d’entrepreneurs nationaux, capables de rivaliser
d’ingéniosité, disposant de ressources propres ou
empruntées, mais prêts à prendre le risque d’investir dans
le durable, c’est-à-dire, donner naissance à l’industrie
nationale ;
b) renforcer le développement régional et tirer profit du
commerce intra régional qui peut s’avérer une chance à
saisir dans ce cas. Car, les effets positifs de proximité
géographique peuvent réduire les craintes d’une
substitution irréfléchie.
Les échanges dans les accords de regroupements régionaux
peuvent s’avérer aussi les premiers pas de constitution des
marchés régionaux présentant les mêmes caractéristiques.
Dans ce cas, la convertibilité des monnaies dans la région
est un défi à poursuivre. Car, le problème des avoirs
extérieurs se poserait moins. Cette convertibilité va de soi,
en fonction du volume des échanges et de la stabilité des
monnaies de la région. Les critères de convergence des
économies peuvent être imposés et étroitement surveillés
pour éviter les dérapages et les échecs des projets amorcés.
Donc, la stratégie exige qu’elle soit accompagnée par le
soutien à l’industrie naissante ou existante susceptible de
rivaliser avec les produits importés.
Ce qui suppose qu’on ne réduit pas les importations par un
coup de baguette magique. Les moyens financiers pour
créer la substitution nationale doivent être engagés. C’est à
ce point que les ambitions s’arrêtent souvent, faute de
ressources nationales utiles. Un ancien vice-ministre du
Budget suggère que l’État use de son pouvoir pour créer la
quantité de monnaie utile, à chaque occasion que ceci
s’avère nécessaire. Il minimise les risques de l’expansion
monétaire. Cette suggestion qui néglige les effets néfastes,
notamment l’inflation et la dépréciation est parfois utile.
Car, durant des crises, les pays les plus industrialisés
recourent à cette possibilité, à défaut de recours à
l’emprunt.
En l’absence d’une industrie étatique, l’entrepreneuriat
national, nous ne cessons de le souligner, doit être
encouragé. Le rôle du Fonds de promotion de l’industrie
(FPI) s’avère capital, à cet effet. Il a pour mission
d’accompagner les initiatives en matière de création des
entreprises. Sa gestion peu rigoureuse pose cependant le
problème de l’efficacité des prêts accordés. Encourager les
initiatives nationales, créatrices de richesse ne signifie pas
tourner le dos aux investisseurs étrangers. Ces derniers se
greffent généralement sur les initiatives nationales dans les
pays où elles portent les fruits. C’est qui explique des
investissements étrangers orientés vers le développement
des initiatives mixtes, de manière à créer des conditions
idéales de substitution.
Combinées avec l’intégration régionale, ces facilités
peuvent aussi être saisies comme une opportunité, compte
tenu des potentialités du pays et de la qualité du pouvoir
d’achat des consommateurs. Dans ce contexte, il serait
souhaitable de faire l’inventaire de ces potentialités et
d’établir des programmes industriels de moyen et de long
terme dans le but d’aboutir à l’éclosion de vastes marchés
régionaux. Ces suggestions ne sont pas nouvelles, des
études conduites régulièrement par la BM et le FMI sont
légion. Chaque année, des rapports sont dressés sur les
opportunités.
On y trouve des suggestions et recommandations tirées des
expériences qui ont fait preuve dans les pays asiatiques au
milieu des années 70. Ces pays ont opté d’abord pour
l’industrie atelier  ; ils ont réussi la création de l’industrie
légère répondant aussi bien au besoin de la consommation
locale qu’à ceux de l’exportation. Cependant, la réussite
reste moins évidente en Afrique (Congo aussi). Non
seulement des capitaux frais, mais aussi un savoir-faire, une
maîtrise des travaux font défaut. Ce qui sous-entend que les
premiers pas dans l’import-substitution doivent miser sur
l’industrie légère, moins consommatrice des capitaux, et
peu exigeante dans la qualification de la main-d’œuvre. Les
capitaux essentiels ne servent pas à acquérir les machines
clé en main, plutôt à mettre en place des infrastructures de
base (énergie, routes, ponts) et une étude de localisation
efficace des activités conçue dans le cadre de
l’aménagement réaliste du territoire.
3.3. La réduction du déficit courant chronique
Il est prouvé que les crises de change dans les pays pauvres
sont de première génération. Elles sont monétaires et moins
financières. Les facteurs déclencheurs sont des chocs
exogènes qui peuvent être évités, à l’aide des réformes
structurelles des économies. Le Congo-Kinshasa est l’un des
pays les plus riches en potentialités naturelles. Mais les
entreprises nationales tournées vers la demande nationale
sont comptées sur les bouts des doigts. Celles qui existent
sont généralement dans les mains des expatriés (plastique,
pharmacie, beurre, tôle, matelas, gobelet, alcool, bière,
limonade, sachets, cartons, lait. Partout, les rayons des
magasins, même dans les coins les plus reculés du
territoire, sont inondés par des produits importés !
Les dépenses en devises, pour les produits semi-finis
nécessaires à cette petite industrie, creusent davantage le
déficit commercial. Les propriétaires étrangers qui en tirent
profit, les placent dans les lieux sûrs, après les avoir
convertis en devises étrangères. Donc, tant que cette petite
industrie légère est sous le contrôle des expatriés, elle
demeure une source de la rareté des devises sur le marché
national. Or, le but étant de réduire les importations et
d’épargner des devises, le contrôle de la petite industrie
locale par les sujets libanais, indiens, chinois, grecs,
contribue à la rareté des devises. Il est ainsi utile de mener
une réflexion sur le thème afin de dégager les premiers
outils d’analyse de l’impact de cette présence sur le déficit
courant. Il ne s’agit pas d’empêcher les investissements
directs étrangers, mais de déterminer leurs ampleurs et
leurs impacts sur les besoins en devises. On ne peut
imaginer la réduction du déficit commercial dans un
contexte où tout le secteur de distribution est sous le
contrôle des expatriés. Les dispositions relatives au
commerce de détail accordant la préférence aux nationaux
sont désuètes.

3.4. Le choix des secteurs prioritaires


Ce qui vient d’être dit, plus haut, nécessite des choix
sectoriels prioritaires. En 2013, le ministre de l’Économie
déclarait  : «  J’ai constaté que mon pays débourse chaque
année près de 1,3  milliard de dollars américains pour
financer les importations alimentaires. Ce qui n’est pas
acceptable pour un pays comme le nôtre, compte tenu des
potentialités agricoles naturelles  »10. Cette assertion de
2013 reste valable à ce jour. Alain Huart, un expert agricole,
membre de l’Association des journalistes agricoles du Congo
(AJAC), l’a redit en2011.
Jean de Dieu Minengu estime également que les
exportations des produits vivriers peuvent rapporter
2  milliards de dollars par an. Ce qui veut dire que le pays
peut épargner la moitié de 1,3  milliard et gagner en plus
2  milliards. Comment valoriser la production agricole de
manière à développer une gamme des produits intégrés
dans la chaîne de valeur et parvenir à créer des petites et
moyennes entreprises tournées vers la demande nationale ?
Ceci nécessite, sans doute, un encadrement à long terme,
un aménagement des territoires, une création des marchés
de production et un soutien au prix, accompagné de
réseaux de distribution au niveau des territoires. Il est
impensable que le Congo qui dispose de 80  millions
d’hectares des terres arables ne puisse disposer de fermes
de grandes tailles11 et qu’il ne valorise que 10  % de cet
espace !
C’est scandaleux que ce pays importe tout : savon, torchon,
verre, assiette, cure-dent, fourchette, jus des fruits, habit
usagé, farine de maïs, sucre, oignons, tomate, spaghetti,
chaise plastique, petits objets de quincaillerie, bougie,
lampes torches, pilles, confiture, miel, sachets, papier
toilette, canettes de bière, poisson, viande, etc. Quelques
objets fabriqués localement sont l’œuvre des expatriés
libanais.
La valeur de ces importations alimentaires, nous l’avons dit
plus haut, est estimée à 1,3  milliard de dollars par an. Ce
chiffre varie en fonction de la pénurie. Bientôt, il n’est pas
exclu qu’il importe aussi le manioc, la banane, les légumes
frais. N’est-il pas scandaleux que l’aide humanitaire
nourrisse les déplacés dans les zones où sévissent les
milices  ? N’est-il pas scandaleux que des millions des
citoyens congolais soient nourris par l’aide alimentaire du
Japon, de la Chine  ? N’est-il pas scandaleux que quelques
sacs du riz donnés par le Japon soient détournés par les
ministères qui les vendent dans des boutiques locales  ?
Pourtant, les rivières, les fleuves, les lacs, les forêts, les
prairies de ce géant pays, potentiellement riche, peuvent
permettre la production de millions de tonnes de poissons,
de fruits et de céréales. Toutes les cultures poussent au
Congo à cause de sa diversité de climat. Les récoltes des
paysans pourrissent dans les greniers des villages, faute
d’être évacuées. Depuis 1966, des plans de développement
du secteur agricole foisonnent. Il s’agit de  : a) Plan
Intérimaire de Relance Agricole (1966-1972) ; b) Programme
Agricole Minimum (1980-981)  ; c) Plan de Relance Agricole
(1982-1984)  ; d) Programme d’Autosuffisance Alimentaire
«  PRAAL  » (1987-1990)  ; e) Plan Directeur de
Développement Agricole et Rural (1991-2000)  ; f)
Programme national de Relance du Secteur Agricole et Rural
« PNSAR » (1997-2001) ; g) Programme triennal d’appui aux
producteurs du secteur agricole (2000-2003)  ; h)
Programmes et projets appuyés par la FAO  ; i) Note de
politique agricole, avril 2009, avec 11 actions prioritaires.
Cette prolifération explique sans doute l’échec de chacun de
ces plans. Rappelons que l’objectif est d’entreprendre un
développement industriel endogène. Le pays peut
facilement être premier producteur de l’arachide, des noix,
des fruits, de la viande, des poissons, des fleurs, des plantes
médicinales, du riz, du café, de cacao, de banane, d’ananas,
etc., dans un laps de temps. Il peut maîtriser la
transformation de ces produits agricoles. Il peut servir aussi
bien la demande nationale, régionale que mondiale. Il
dispose, comme nous l’avons souligné, de 80  millions
d’hectares de terres arables. Il dispose de lacs, de rivières et
d’un fleuve de plus de 4700 km de longueur, reliant le sud,
l’est, le nord et l’ouest du pays12. Tanganyika est aussi l’un
des lacs les plus poissonneux.
Une étude détaillée par un organisme international en 2009
sur la faisabilité de développement agricole existe13. Elle
diagnostique le secteur, dresse les statistiques de la
production, établit des tableaux intéressants et les bilans.
Point n’est besoin d’en faire un résumé pour un document
de plus de 200 pages. Ce qui importe est de voir ce qui est
faisable en ce qui concerne le début d’une industrie légère
dont les résultats peuvent être obtenus au bout de deux ou
trois saisons de culture et pêche.
Peut-on excuser les responsables politiques (300  ministres
dont 260 provinciaux, 500 députés nationaux, 110
sénateurs) qui pullulent dans ce pays, pouvoir central et
provincial, et qui ne donnent aucun signe d’aimer le pays.
Leurs journées étant consacrées à des discussions vagues
dans les salons huppés ! Si on a un peu de bonne volonté, il
convient de penser d’abord à l’intériorisation du savoir-faire.
Certes, des écoles existent. La main-d’œuvre est abondante
et moins coûteuse. Des centres de recherche existent,
d’autres laissés par la colonisation se détruisent. Les
instituts supérieurs techniques créés pour valoriser les
métiers se sont transformés en Universités «  fourre-tout  ».
Les programmes ne sont plus adaptés aux besoins de
l’industrie qui, elle-même, est aussi inexistante.

3.5. Les politiques d’accompagnement


Comment saisir les opportunités et lancer des initiatives
locales  ? Comment valoriser les centres d’expertises qui
existent et orienter leurs priorités vers le développement
des secteurs porteurs de richesse  ? Par exemple, l’INPP
(Institut national de préparation professionnelle) peut
devenir un incubateur des projets. Il peut se muter et
diversifier ses orientations en y incluant les métiers tels que
la formation des équipementiers, des techniciens des ponts
et chaussées, des exploitants des forêts tropicales, des
brasseurs, des fermiers et éleveurs, des pêcheurs, des
techniciens de maintenance, des électriciens, des
plombiers, des soudeurs, des maçons, etc.
Les jeunes formés peuvent s’organiser en coopératives et
acquérir des outils de base ainsi que les préfinancements
pour créer leurs propres entreprises. Avec l’aide étatique, il
est possible de redynamiser les nouvelles initiatives
industrielles, à l’image de celles qui ont existé jadis. Ces
initiatives diversifiées, jouant aussi le rôle d’incubation,
peuvent être connectées à la demande nationale. Elles
peuvent donner naissance à l’agro-industrie nationale
(transformation et conservation des fruits et légumes), aux
centres de traitement des céréales, à la conservation des
poissons, etc. Les autres centres de recherche peuvent
aussi bénéficier d’une assistance publique et privée en vue
d’en faire des lieux d’excellence scientifique ayant pour but
de répondre au besoin de développement du pays.
Comment acquérir ces connaissances souvent protégées
(droits d’auteur)  ? C’est dans ces domaines que la
coopération avec les partenaires extérieurs doit être
renforcée. Le Japon semble être au premier plan, à travers
les projets de coopération qui sont soutenus. Le coup de
pouce donné à l’INPP est à encourager. Cette forme de
coopération peut être imitée aussi bien par la BAD que par
les institutions de Bretton Woods. Les pays de l’Asie du Sud-
Est ont suivi le même chemin. Ils ont copié, puis adapté.
Leur succès a attiré des capitaux. Au début, ils se sont
constitués en ateliers de fabrication pour les marchés
étrangers. L’accumulation du savoir jumelée avec les
ressources financières propres, au fil du temps, ont permis
de se détourner progressivement de l’extérieur et de miser
sur l’introversion. Les usines clé en main ont cédé la place à
des usines « made in ».
On peut aussi entreprendre à travers l’INPP, la conception
des tracteurs, l’assemblage des moteurs pour les bateaux
de pêche, le montage des vélos, les fabriques des tissages.
On peut aussi apprendre dans ce centre le montage des
logiciels informatiques. On peut également y apprendre la
fabrication des antennes paraboliques, y compris les
panneaux solaires et les appareils de détections. On peut y
apprendre les autres petits métiers de fabrication des
souliers, de soudure, de fonte des matériaux. La réussite
d’une telle ambition réside dans l’intégration (des corps
formés) dans des réseaux de chaîne de valeurs.
La naissance de la petite industrie peut trouver un écho au
niveau des institutions de financement qui accusent les
pays de ne pas disposer de capacité d’absorption de l’aide.
Tout en misant sur la régulation des importations, il est idéal
de promouvoir les exportations des produits locaux
transformés. Les gains obtenus par les recettes des
industries minières peuvent être captés et orientés vers le
secteur agro-industriel, de manière à soutenir les
investissements des infrastructures et la création des
marchés intégrés au niveau des régions. Les routes, les
ponts, les ports, les chaussées, l’électricité rurale, l’accès à
l’eau, le support des prix, peuvent bénéficier de soutien
d’une manière régulière. Le FPI peut ainsi renforcer son rôle
et disposer d’un programme de suivi des incubateurs de
manière à éviter le gaspillage et sortir de son rôle actuel de
pourvoyeur des ressources sans mesurer les risques
d’insolvabilité, en l’absence d’une réelle politique de
financement des projets porteurs.
La stratégie de remontée des filières appliquée en Asie peut
se buter, au Congo, à des limites du fait de la globalisation
des échanges et de la forte compétitivité qui en découle. Il
n’est pas indiqué que les petites industries naissantes
affrontent la concurrence/prix. Il est aussi permis d’admettre
que l’adaptation et la maîtrise du savoir-faire dans ces
filières fait défaut au début. La place occupée par les
multinationales dans l’électroménager, les textiles,
l’agroalimentaire, etc., donne peu de chance aux petites
économies qui cherchent à emboîter les pas aux exemples
asiatiques. Tout en laissant la voie au libre-échange et viser
la maturité des industrielles locales, quelques mesures
protectionnistes peuvent être envisagées, notamment les
exonérations fiscales et le soutien à la maîtrise de
management.
Toutefois, la diversification verticale des exportations ouvre
les portes aux industries naissantes. Compte tenu des
potentialités, la montée des filières se présente comme un
avantage à saisir pour ce pays. L’huile de palme, le café, le
cacao, les haricots verts, les oignons, le ciment, le bois, le
poisson, les divers fruits, le coton, etc., offrent des
possibilités d’ouverture vers le marché africain. La seconde
phase serait celle de l’industrie légère, des pièces
détachées, des textiles, des produits cosmétiques, des jus
des fruits, des fleurs, etc.

1 Document pour la croissance et la réduction de la pauvreté.


2  Pour le développement industriel, le plan prévoit la création des zones
économiques industrielles et franches permettant la création d’emplois et la
substitution des importations. Il prévoit d’attirer les Investissements Directs
Étrangers (IDE) qui permettront le développement des exportations, en plus de
la création d’emplois. b) Pour le développement de l’agriculture et de l’industrie
des produits de la pêche, il est question de créer les fermes familiales ainsi que
leur mécanisation et encourager l’accueil des fonds étrangers pour le
développement de l’agriculture industrielle.
3 Patrice Dumas, Les inégalités du développement Juin 2016.
4 Marie Mazalto, La réforme du secteur minier en République démocratique du
Congo : enjeux de gouvernance et perspectives de reconstruction, Université du
Québec à Montréal, 2008, p. 7.
5 Mazlato, idem.
6  Hubert Mwipatayi, La réforme des entreprises publiques. Des retombées
mitigées, 15 novembre 2014.
7 Le Programme quinquennal 2012-2016 en intégralité.
8  Le pays comprend au total 153 209 kilomètres de routes dont 58 509  km
d’intérêt général, 3 000 km revêtus, et 87 300 km d’intérêt local ou de desserte
agricole. Le réseau comprend aussi 1 965 ponts pour 25 130 m linéaires et 187
bacs (à trailles, à moteurs et à pirogues).
9  «  La République démocratique du Congo, rapport annuel, 2017  », in
africaneconomicoutlook.org/sites/.
10 Radio Okapi, 2013.
11 La ferme de Bukanga-Lonzo s’est arrêtée.
12  Le fleuve prend sa source au sud du Lualaba, traverse plusieurs provinces
jusqu’à l’embouchure, dans le Congo central, où il sejette dans l’océan.
13  Tecsult International Limitée/GECT, Rapport préliminaire Bilan- Diagnostic et
Note d’Orientation, juin 2009.
Conclusion

Notre préoccupation de départ dans cette étude est de


répondre à la question, à savoir  : pourquoi les autorités
monétaires du Congo-Kinshasa ne parviennent pas à
stabiliser les crises  ? La politique monétaire restrictive a-t-
elle des effets positifs  ? Le contrôle de change, la
manipulation des taux d’intérêt, la manipulation des taux de
réserves obligatoires, la vente des devises ou l’exigence du
principe de dépense sur base caisse, etc., quel en est l’effet
sur la stabilité macroéconomique, la relance de l’économie ?
Au cours de la crise économique généralisée, crise
conséquente à celle de la santé (covid-19), nombreux pays
ont vu la croissance déclinée, le taux de chômage
s’accroitre, les niveaux de consommation en baisse. Les
marchés financiers se sont repliés, dans l’impossibilité de
canaliser les flux monétaires vers l’économie réelle.
Le Congo Kinshasa n’a pas été épargné. Alors que les
différentes mesures prises durant cette période par les pays
occidentaux ont consisté à injecter des ressources
nécessaires aux entreprises, appuyer la consommation des
ménages par diverses allocations, les pays africains
tournent vers les institutions financières internationales et
divers partenaires au développement pour obtenir des aides
et des prêts.
Sur le plan interne, la banque centrale a cessé de jouer leur
rôle de «  préteur en dernier ressort  ». Par contre, elle
décourage l’emprunt public, réduit les capacités de
financement interne, ne propose aucun remède de
substitution à la sécheresse des recettes à l’exportation. Elle
ne stimule non plus, les crédits à l’importation. Les banques
de second rang ont également adopté une attitude de
prudence en gérant les risques de crédits. Les ménages,
plus affectés par cette crise, n’ont bénéficié d’aucune
assistance.
Depuis 2001 à ce jour, la chute de la monnaie a pris son
cours. De 1,3 FC pour 1$ en juillet 1998, le taux avoisine 1
700FC. Les experts du FMI prédisaient qu’il dépasserait
2 000 FC pour 1 $, d’ici 2020, si les conditions de reprise de
l’économie ne sont pas réunies. Ils citent notamment le
solde extérieur déficitaire, le budget dérisoire de 4 milliards
de dollars, et l’inflation galopante. Bien avant cette période,
le pays a enregistré également plusieurs réformes
monétaires dont la première date de 1963. Les causes et les
justifications de ces réformes, depuis la première jusqu’à
d’autres, sont les mêmes, qu’il s’agisse de l’ancien franc
congolais, de zaïre monnaie, ou du nouveau franc congolais.
Les divers choix des régimes  : fixe, DTS, flottant n’ont pas
empêché les crises. L’analyse de nouveau choix démontre
qu’en fait, les crises ne sont pas liées à la nature des
régimes de change, mais à la santé générale de l’économie.
Nous sommes arrivés là. Ces prévisions pessimistes n’ont
pas été évitées. La crise sanitaire a entrainé avec elle, celle
de l’économie.
Le test de corrélation des 8 variables que nous avons pris en
compte, en partant des données de la banque centrale
(1980-2016), démontre que toute élévation de l’activité
économique de 1  % entraîne une appréciation de la
monnaie nationale de 0,16  %. Tandis que toute
augmentation de 1 % de l’inflation et de la masse monétaire
entraîne la dépréciation de la monnaie respectivement de
0,00031 point par rapport à l’inflation et 0,051 point par
rapport à la masse monétaire. Dans ce même ordre d’idée,
le test de la Banque mondiale conclut aussi qu’un
ralentissement de 1  % du PIB de la Chine (principal
partenaire du Congo) entraînerait une réduction des
exportations au PIB de 0,31 %. Par suite, la croissance de la
RDC baisserait de 0,33  %, le déficit du compte courant au
PIB se détériorerait de 0,32  %, les réserves de devises
totales seraient inférieures de 106,7  millions de dollars
américains au niveau de référence, et le solde budgétaire se
détériorerait de 0,01 % du PIB.
Ces deux conclusions nous renseignent que la crise de
change et celle de l’inflation sont dues à deux
déséquilibres  : interne et externe. Le solde entre
investissement et épargne est déficitaire. L’extraversion
croissante entraîne le déséquilibre des comptes extérieurs.
Les deux causes impactent négativement le taux de
change. L’analyse démontre également que l’attitude
prudentielle des agents économiques ainsi que leur perte de
confiance en la monnaie nationale justifient la dollarisation
excessive de l’économie congolaise.
Le taux des dépôts et celui des crédits en dollars dépassent
80  % dans les transactions monétaires et financières du
pays. La perte de la confiance explique le fait que le dollar
est devenu la monnaie refuge  : épargne, crédit, dépenses
courantes. Les prix sont estimés au taux du jour. Il y a là
une sorte d’anticipation de la dépréciation. Celle-ci est une
des explications de l’effet d’hystérèse. Les agents
économiques ne pouvant se rassurer longtemps de la
stabilité, ils se protègent contre les risques et entretiennent
un déséquilibre quasi permanent, maintenant le taux de
change à son niveau correspondant à la santé de
l’économie, c’est-à-dire, très faible, ce en dépit de la
maîtrise des principaux facteurs déclencheurs. Nous l’avons
démontré en examinant les trois dépréciations les plus
récentes de 2001 à 2018.
Aucun instrument classique de politique monétaire ou
budgétaire ne peut juguler cette perte, qu’il s’agisse de
l’adjudication, de contrôle de change, de réduction de
l’expansion de la masse monétaire, de l’élévation du taux
des réserves obligatoires, de l’augmentation ou de la baisse
de taux d’intérêt, de contrôle forcé du déficit budgétaire, de
ciblage de l’inflation ; encore moins de crédit à l’équilibre de
la balance des paiements. Chasser le naturel, il revient au
galop. Ces instruments sont efficaces dans le contexte où
les variations cycliques des fondamentaux sont
conjoncturelles et maitrisables à court terme. Des prévisions
optimistes élaborées par des experts étrangers n’ont pas eu
gain de cause. Dans le cas du Congo-Kinshasa, les
variations, nous l’avons dit, correspondent à la faiblesse
structurelle de l’économie et à une mauvaise gouvernance.
Les regards tournés vers les mines ont ruiné le pays et
permis d’enrichir les plus malins, y compris les dirigeants
véreux, sans scrupules. La priorité, dans le contexte des
économies vulnérables aux divers chocs, est de concevoir
des réformes structurelles, d’entreprendre la réduction de la
dépendance de ces économies, de privilégier les
investissements nationaux tournés vers la demande
intérieure, sans précipiter la rupture avec l’extérieur. Car les
échanges peuvent constituer une source des réserves. Mais
ces réserves doivent être utilisées davantage pour financer
le processus de conversion intelligente de l’économie. C’est
sur ce point que nous proposons dans ce livre une série des
politiques économiques de remise à niveau de l’économie
congolaise.
Il existe des centaines d’études réalisées sur l’économie du
Congo Kinshasa. Toute une bibliothèque peut en être
constituée  ! Notre analyse revêt son importance dans la
mesure où elle concerne la santé de la monnaie et ses
effets sur le reste de l’économie. Elle complète les études
antérieures et nécessite une attention particulière pour les
décideurs des politiques économiques.
Bibliographie

1. African Development Indicators, 2001 et World Bank Indicators 2001.


2. Agence congolaise de presse/Kayu-ODM/Nig/GGK, 18 septembre 2020
3. Amédée Mwarabu, Deskecon.com/2020/09/11
4. André Shikayi Luboya, La politique budgétaire de la République
démocratique du Congo, Éd. Puz, 2014.
5. Banque et Stratégie, n° 295, les institutions financières internationales se
réinventent
6. Banque mondiale, Rapport de suivi de la situation économique et
financière, 3e édition, 2015, p. 15.
7. Beltraide, « La FEC propose à l’État congolais la dollarisation des flux »,
ACP, septembre 2017.
8. Blaise Sary Ngoy, La dépréciation du Franc congolais (2001-20018). Effet
d’hystérèse. Harmattan, 2018
9. Bruno Ventelou, « Les grands courants. Nouveaux keynésiens, nouveaux
classiques : vers une nouvelle synthèse ? » in La pensée économique
contemporaine. Cahiers français n° 363.
10. C. Antonin, C. Blot, P. Hubert, F. Labondance, C. Mathieu, C. Rifflart et V.
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de l’OFCE / Analyse et prévisions, n° 130, p. 225-262. ;
11. Cadre budgétaire à moyen terme 2021-2023, Document de travail, Juillet
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12. Christian Pinshi, Arithmétique du Pass-Through de la Covid-19 sur le
système financier congolais, Hal, 2020
13. Clémentine Maligorne et Marie Theobald, Le protectionnisme est-il de
retour ? In Figaro, février 2017
14. Damien Broussolle, Le commerce des services, un commerce en trompe-
l’œil ? Une analyse fondée sur le point de vue de Hill, in Revue économique
2012/6 (Vol. 63), pagesll45àll77
15. David Luyeye, La gestion sur base caisse a montré ses limites, In Business
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16. Eric Salve, correspondent de RFI à San Fransisc
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18. Garcia-Escribano M., and Sosa S., “What is Driving Financial De-
dollarization in Latin America ?”, IMF Working Paper, No 11/10, janvier
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economic growth in Dr Congo, University of Kinshasa, University of
Yaoundé II/Soa, 17 December 2014.
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22. Ubert Mwipatayi, La réforme des entreprisespubliques. Des retombées
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crise financière récente », Revue française d’économie, vol. 28, 2013/3, p.
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24. Jean Michel Chaponnière, La Chine va-t-elle devenir déficitaire ? in Asialyst,
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25. Jean-Pierre Allegret, Le renouvellement de la politique monétaire (I) : quelle
place pour la politique monétaire non conventionnelle dans le futur ? avril
2017 ;
26. Jeremy DanieleLa mondialisation, un phénomène polarisé ? In Ge
polémique, Octobre 2018
27. Jézabel Couppey-Soubeyran, Fabien Tripier et Anne Châteauneuf-Malclès,
Après une décennie de mesures non conventionnelles, quel bilan et quelles
perspectives pour la politique monétaire ? in Ressources en sciences
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28. Johan Van Overtveldt, The Chicago School : How the University of Chicago
Assembled the Thinkers Who Revolutionized Economics and Business,
Chicago : Agate, 2007
29. Jons Kibala Kuma, L’économie mondiale face à la pandémie de la Covid
19 : état des lieux, analyses et perspectives », in Hal, Archives-ouvertes.fr,
2020
30. Kola Lendele, Joseph Kamanda Kimona-Mbinga, « Nature et spécificité de la
dollarisation de l’économie congolaise (RDC) », in Monde en
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31. L. Ball (2014), “The case for a long-run inflation target of four percent”, IMF
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32. L’OCDE, Les échanges de services dans l’économie mondiale, in
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33. La République démocratique du Congo, rapport annuel, 2017, in
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qu’elles étaient, in Revue d’économie financière, n° 3, 1987
35. Laurent Essolomua, Covid-19 : les ménages à bout de souffle, Rapport de
l’enquête des agences des Nations Unies, 17 avril 2021
36. Le rapport de la BCC (Juillet 2020) indique que 14 % des dépenses
budgétaires proviennent de la dette extérieure (FMI) et des ventes des
Bons du Trésor.
37. Lonzolo Lubu, Kabwe Omoyi, Intermédiation financière et croissance
économique en République démocratique du Congo, Unikin, janvier 2015.
38. Marie Mazalto, La réforme du secteur minier en République démocratique
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39. Michel de Vroey, Pierre Malgrange, La théorie et la modélisation
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40. Nessim Ait Kacimi, La dollarisation du monde émergent, reflet de la
domination du roi dollar, Lesechos.fr, juin 2014,
41. Noël K. Tshiani, « Pour une monnaie nationale crédible au Congo », in
Banques & Assurances, 6juillet 2013.
42. Olivier Passet, Xerfi, Le monde sur un volcan monétaire et financier : quel
risque de crise ? in, Latribune, Août 2019
43. Patrice Dumas, Les inégalités du développement, juin 2016.
44. Patrick Artus, La globalisation financière continue et déstabilise l’économie
mondiale, in Journal de l’Opinion, Mars 2017
45. Philippe Hugon, Peut-on parler d’une crise ou d’un renouveau de
l’économie du développement durant la dernière décennie ? in revue Tiers
Monde 2006/2007
46. Pierre Sarton du Jonchay, Dollar et Euro, la dictature de l’absurde aura une
fin, in https://www.pauljorion.com/blog/2012/02/27/dollar-et-euro-la-
dictature-de-labsurde-aura-une-fin
47. Pinshi Christian, Arithmétique du Pass-through de la covid-19 sur le
système financier congolais, in Hal.archives-ouvertes.fr, juillet 2020
48. Prakash Loungani, Chris Papageorgiou et Ke Wang, Les exportations de
services, une voie nouvelle vers la prospérité, FMI, 5 avril 2017
49. Rapport du PNUD, 2013, p. 23.
50. Romain Faquet, Les causes communes des crises financières, in BSI,
Décembre 2017
51. Tecsult International Limitée/GECT, Rapport préliminaire Bilan-Diagnostic et
No d’orientation, juin 2009.
52. Umba Gilles Bertrand, Yves Lumbala Grégoire, Leçons macroéconomiques
de la Covid-19 : une analyse pour la RDC, in Dynare working Papers 64,
2020
53. Vincent Bouvatier, Détermination du Pass-Through du taux monétaire sur
le taux des crédits : le comportement de la Banque centrale importe-t-il ?
in CAIRN.info/revue économique 2018-4, pp 615-634
54. Vitraulle Mboungou, « Multinationales vs États : hold-up des compagnies
en Afrique », in Afrique Expansion, février 2011.
55. W.K. Brauers, Les théories macroéconomiques applicables à la planification
des pays en développement, Ed. Acco, Louvain, 1988
56. Wikipédia, Le néo keynésianisme, 2017.
57. World Investment Report (Unctad [2004], p. 145)
 
Table des matières

Avant-Propos
Introduction
Chapitre 1. La Revue des instruments de politique
monétaire classique
Introduction
Section 1. Le monétarisme pur (école de Chicago) et la
politique restrictive
1.1. L’encadrement des crédits et la problématique de pass-
through
1.2.Les effets attendus
1.3. La problématique de pass-through
Section.2. La hausse de taux des réserves obligatoires
2.1. A quoi servent des réserves obligatoires ?
2.3. Les limites de l’instrument
Section3. L’obligation de dépense sur base caisse
3.1. A quoi servent les avances au gouvernement ?
3.2. Quelques effets de remous
Section 4. Le contrôle de change
4.1. Un outil de régulation de sortie des devises
4.2 Les limites de contrôle de change
Chapitre 2. La Globalisation financière et les limites
de l’autonomie de politique monétaire
Introduction
Section 1. Le paysage contemporain des marchés financiers
globalisés
1.1. La difficile régulation des mouvements des capitaux
1.2. Les causes
1.2.1. La déréglementation
2.1.2. La convergence de la finance globale dans trois pôles
2.1.3. Des crises toxiques et contagieuses
2.2. La titrisation des créances
2.3. L’inefficacité des codes de bonne conduite
Section 2. La nouvelle rationalité des investisseurs et les
causes
2.1. La volatilité et la flexibilité des investissements
2.2. La floraison des paradis fiscaux
2.3. La dictature du dollar américain
2.4. Les effets de l’ancrage des autres monnaies
Section 3. Les effets inattendus de la libéralisation des
capitaux
3.1. Le non lissage de la consommation
3.2. La permanence des chocs de productivité
3.3. L’exclusion des pays « outsiders » : les économies
africaines
Section 4. Le retour des instruments discrétionnaires
4.1. Est-ce le « naufrage de Milton » ?
4.2. L’usage de nouveaux instruments non conventionnels
4.3. Les avantages escomptés à travers les nouveaux
intruments
Section 5. De la finance globalisée à la remise en question
des théories des gains réciproques à l’échange
5.1. La remise en question des théories de gains
réciproques
5.2. Ce que pensaient les classiques et les néoclassiques
5.3. Le libre-échange : un « paradigme en situation
d’inconfort »
5.4. Les preuves de l’inconfort
5.4.1. L’illusion de spécialisation dans l’échange des
invisibles
5.4.2. L’analyse des cas
5.5. La résurgence de protectionnisme défensif
5.6. La rétorsion en guise de réponse
5.7. Quelques leçons à tirer
5.8. Quid de l’autonomie des petites économies extraverties
face à la globalisation ?
Chapitre 3. L’inefficacité de politique monétaire
appliquée durant la crise (Covid19) par la BCC
Introduction
Section 1. Examen des alertes et des solutions mises en
route
1.1. La première alerte : rareté des produits alimentaires et
spéculation sur les prix
1.2. La seconde alerte : dépréciation du Franc congolais de
17 % endéans 3 mois
Section 2. La riposte à la seconde alerte : la politique
monétaire restrictive
2.1. L’encadrement de crédit par la manipulation du taux
directeur
2.1.1. L’effet attendu
2.2. Les mesures d’accompagnement appliquées
2.2.1. L’allégement fiscal et l’encadrement des crédits
2.2.2. Les résultats obtenus
2.3. La hausse du taux des réserves obligatoires
2.4. L’obligation de dépense sur base caisse
2.5. Le contrôle de change
Section 3. Les résultats obtenus
3.1. L’illusion de la croissance du PIB durant la crise
3.2. Les chiffres enregistrés
3.2.1. Rappel des mesures prises au début de la pandémie
3.2.2. Les résultats projetés
3.2.3. Les résultats réels obtenus
3.3. Les raisons de l’écart
3.4. Les autres résultats dus aux instruments de politique
monétaire
3.4.1. Le niveau des réserves de change
3.4.2. L’effet de dépense sur base caisse
3.5. Leçons à tirer
3.5.1. Les avances monétaires au Gouvernement : un
mauvais choix ?
3.5.2. Les déficits publics chroniques : un défi
Section 4. La riposte à la première alerte
4.1. Le Programme multisectorielle d’urgence (PMUAIC)
4.1.1. Un programme mort-né
4.1.2. Les quatre raisons de l’échec
4.1.3. L’illusion fondée sur des recettes des exportations
4.2. Les aides aux ménages : une cible ratée
Section 5. Les résultats obtenus dans le cas de l’Afrique
subsaharienne
Chapitre 4. Les contraintes à la reprise de l’économie
de la RDC durant les crises
Introduction
Section 1. Les contraintes monétaire et budgétaire
1.1. La coordination des objectifs
1.2. Le financement de l’économie
1.3. La supervision prudentielle
1.4. Le poids de l’informelle
1.5. Les limites du principe de « dépense sur base caisse »
Section 2. L’ancrage de l’économie dans la zone dollar
2.1. Les avantages théoriques
2.2. Les effets réels
2.3. L’échec de dédollarisation
2.4. L’importante croissance de cambisme de rue
2.5. La non-maîtrise des flux et reflux internes des capitaux
2.6. Le fléau de l’évasion fiscale
Section 3. Le rapatriement mitigé des recettes d’exportation
3.1. Les firmes ignorent souvent l’imposition
3.2. L’impact négatif de la fraude douanière
Chapitre 5. Propositions de gestion anticipée des
crises en RDC
Introduction
Section 1. Les réformes structurelles
5.1. Les échecs des anciennes réformes
5.2. L’échec de libéralisation des entreprises publiques
5.3. Les échecs de privatisation
Section.2. La nouvelle vision du développement
2.1. Plans et Programmes non exécutés
2.2. L’aménagement des « zones industrielles »
2.3. La promotion du partenariat privé/public
2.4. La réhabilitation, les réformes des grosses unités et
l’appropriation technologique
Section.3. Proposition de diversification industrielle
3.1. De l’extraversion à l’introversion
3.3. La réduction du déficit courant chronique
3.4. Le choix des secteurs prioritaires
3.5. Les politiques d’accompagnement
Conclusion
Bibliographie

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