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c a t é g o r i e
Tome 2
Les politiques économiques et sociales de l’État
Régions, départements, collectivités locales autant de lieux où les
agents publics au contact des citoyens et usagers du service public
sont confrontés aux contraintes économiques et juridiques, le droit
communautaire ou les aléas économiques constituent de plus en plus des
Économie
constantes qui agissent sur l’environnement territorial. Le mouvement de
décentralisation, du RSA à la formation professionnelle en passant par le
soutien à l’action économique, ne fait qu’imbriquer un peu plus ces deux
contemporaine
dimensions.
Attaché ou administrateur le futur cadre territorial se doit de connaître
les lignes de force qui sous-tendent la vie économique, et pour agir de
comprendre l’environnement dans lequel se meuvent toutes les collec-
tivités.
L’auteur Gilles Rasselet après avoir, dans un premier tome, présenté Tome 2
les grandes fonctions économiques s’attache dans le second tome de
l’ouvrage Économie contemporaine à étudier les politiques économiques
Les politiques
et sociales de l’État, politiques qui impactent directement et indirectement
celles des administrations décentralisées.
De façon claire, précise et illustrée l’auteur permet d’appréhender le
contexte actuel où se joue l’action économique et sociale de l’État sur
fond de mondialisation et de déséquilibres économiques, il vous invite à économiques
le suivre dans sa description et son explication de la politique budgétaire,
monétaire et économique de l’État.
Il met aussi à jour les enjeux des politiques sociales qu’il s’agisse des
et sociales de l’État
retraites ou de la santé, de l’emploi ou de la protection sociale.
Au-delà de la préparation aux concours d’attaché ou d’administrateur
Économie contemporaine constitue un ouvrage de référence propre à
éclairer durablement les débats et les enjeux économiques et sociaux de
notre temps.
© 11/7808/AJ - CNFPT studio graphique - Imprimerie CNFPT Gilles Rasselet
L’auteur, Gilles Rasselet, est docteur d’État ès sciences économiques et
licencié ès lettres. Il est professeur de sciences économiques à l’Université
de Reims Champagne-Ardenne où il dirige le master administration
économique et sociale. Dans le cadre de sa collaboration au CNFPT,
il avait dirigé l’édition de l’ouvrage Économie générale, tome 1 et 2, publié
antérieurement par les éditions du CNFPT.
Gilles Rasselet
Le comité de lecture de cet ouvrage était composé de
- Philippe Defrance, service Ingénierie et développement des formations, direction de
la Formation, CNFPT
- Pham van Dat, service Editions, direction de la Communication, CNFPT
Les chapitres 8 et 9 de cet ouvrage sont le produit d’une collaboration amicale avec Madame
Michèle Severs, maître de conférences en sciences économiques à l’université de Reims
Champagne-Ardenne.
IntroductIon gÉnÉrale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
I - Les diverses fonctions de l’État et les politiques économiques et sociales . . . . . . . . . . . . . . . 8
II - L’évolution historique du rôle de l’État . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
Sommaire 3
Section 2 : La mondialisation financière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 156
Paragraphe 1 : La montée en puissance du capital financier et des marchés de capitaux 156
Paragraphe 2 : Les investisseurs institutionnels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 159
Paragraphe 3 : Portée et limites de la mondialisation financière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 170
Sommaire 5
chapItre 9 : les différentes politiques sociales de l’État : emploi, famille, pauvreté . . 479
Section 1 : Les politiques de l’emploi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 481
Paragraphe 1 : La réglementation du marché du travail . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 485
Paragraphe 2 : Les politiques passives de lutte contre le chômage . . . . . . . . . . . . . . . . . . 490
Paragraphe 3 : Les politiques actives de lutte contre le chômage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 498
Section 2 : Les politiques familiales et les politiques de lutte contre la pauvreté
et l’exclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 510
Paragraphe 1 : Les politiques familiales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 510
Paragraphe 2 : Les politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion . . . . . . . . . . . . . . 518
bIblIographIe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 577
S’appuyant sur la présentation et l’analyse des fonctions économiques auxquelles était dé-
dié le tome 1, ce second tome de l’ouvrage Économie contemporaine est consacré à l’étude
des politiques économiques et sociales de l’État.
Dans une première acception, l’État correspond formellement à ce que la comptabilité na-
tionale dénomme les administrations publiques centrales (APUC), elles-mêmes constituées
de deux sous-ensembles :
1) l’État central, au sens restreint du terme, défini par l’ensemble des ministères et des
services administratifs qui en dépendent, dont les recettes et les dépenses sont retra-
cées dans les lois de finances (budget) ;
2) les organismes divers d’administration centrale (ODAC), soit environ six cents orga-
nismes, de statuts juridiques variés, disposant de l’autonomie financière mais dont les
ressources proviennent pour l’essentiel des subventions d’État et qui interviennent
dans des domaines aussi variés que l’enseignement et la formation (universités, ins-
tituts universitaires…), la culture (bibliothèques et musées nationaux, Comédie fran-
çaise…), la recherche (CNRS, CNES…), la santé et l’intervention sociale, le logement et
l’organisation du territoire, les transports.
Il existe des liens étroits entre l’État ainsi défini et l’ensemble des organismes et institutions
chargés d’administrer les différents dispositifs de protection sociale des individus contre
divers risques, ce que la comptabilité nationale dénomme les administrations de sécurité
sociale (ASS). Ces dernières se décomposent également en deux sous-ensembles :
1) les régimes d’assurances sociales constitués d’une mosaïque d’organismes autonomes
qui gèrent une prise en charge collective et obligatoire des différents risques sociaux
que l’individu peut rencontrer tout au long de sa vie (la maladie, l’infirmité, la perte
d’emploi, la vieillesse, les accidents du travail, la charge de l’entretien d’une famille, la
maternité, l’indigence…) ;
2) les organismes dépendant des assurances sociales, c’est-à-dire essentiellement les hô-
pitaux publics et privés qui participent au service public hospitalier, dont la majorité
des ressources provient des régimes d’assurances sociales et qui offrent des services de
soins à tout citoyen frappé par la maladie ou un accident.
Dans une seconde acception, plus large, l’État peut par conséquent être défini comme
l’ensemble constitué des administrations publiques centrales et des différentes adminis-
trations de sécurité sociale.
Dans une troisième acception, plus large encore, on peut également inclure dans l’État les
diverses administrations publiques locales (APUL) qui regroupent les organismes à com-
pétence et financement locaux. Celles-ci se divisent également en deux sous-ensembles :
1) les collectivités locales (régions, départements et communes), auxquelles les lois de
décentralisation du 2 mars 1982, des 7 janvier et 22 juillet 1983 et du 13 août 2004
ont confié des responsabilités particulières en matière d’enseignement, de formation,
d’aménagement du territoire et d’aide sociale ;
2) les organismes divers d’administration locale (ODAL) qui rassemblent une multitude de
structures (chambres des métiers, chambres de commerce et d’industrie, centres com-
munaux d’action sociale, maisons des jeunes et de la culture, piscines, bibliothèques et
musées municipaux…) jouant un rôle de premier plan dans l’animation de la vie éco-
nomique, sociale, culturelle et sportive locale et dont les budgets sont alimentés pour
l’essentiel par des subventions des collectivités locales et/ou des taxes et impôts locaux.
L’État, ainsi défini dans cette acception large, exerce en premier lieu les fonctions réga-
liennes qui sont spécifiquement dévolues à l’État central : justice, police, défense, diplo-
matie... Il édicte les lois, veille à leur respect par les citoyens et sanctionne les éventuels
manquements, assure l’ordre public ainsi que la défense et l’intégrité du territoire natio-
nal, etc. Mais son action ne se limite pas à l’exercice de ces fonctions régaliennes qui sont
l’apanage de la puissance publique. C’est également l’acteur le plus important de la vie
économique et sociale du pays et il exerce à ce titre diverses autres fonctions (I). C’est le
résultat d’une longue évolution historique marquée par l’extension et la diversification
progressive de ses foncions (II).
Introduction générale 9
tions conjoncturelles de l’économie et à en régulariser le cours par une action de nature
contracyclique, agissant à contre-courant de la conjoncture économique. À cet effet, la
politique conjoncturelle cherche à freiner la croissance économique lorsque celle-ci tend
spontanément à s’accélérer au-delà de ce qui paraît souhaitable (phase d’expansion du
cycle conjoncturel), et en particulier si cette accélération s’accompagne d’une poussée
d’inflation. À l’opposé, elle cherche à stimuler cette même croissance lorsque celle-ci
fléchit trop fortement (phase de récession ou de crise du cycle conjoncturel) et que le
chômage progresse. Ses deux principales composantes sont la politique monétaire et la
politique budgétaire qui consistent respectivement à agir sur les variables monétaires
(quantité de monnaie en circulation, taux d’intérêt) et sur les variables budgétaires (im-
pôts, dépenses publiques et solde budgétaire) pour influer sur l’évolution de l’activité
économique nationale.
Elle doit originellement beaucoup aux analyses de Keynes qui a souligné la tendance au
déséquilibre de l’économie capitaliste et les conséquences économiquement et sociale-
ment dommageables qui en résultent, ce qui justifie à ses yeux une intervention régula-
trice et stabilisatrice de l’État. Les auteurs du courant néoclassique, le courant aujourd’hui
prédominant au sein de la théorie économique contemporaine (on dit le main stream),
récusent cependant, avec des arguments variant d’une école à l’autre au sein de ce cou-
rant théorique, l’intérêt de telles politiques. Ils considèrent que l’économie de marché
capitaliste atteint spontanément d’elle-même la meilleure situation possible dès lors que
certaines conditions structurelles sont respectées et qu’en particulier rien ne fait obstacle
au libre jeu des mécanismes de marché.
– La politique économique structurelle consiste, quant à elle, en une action à long terme
(10 ans, 15 ans, voire plus) sur les structures de l’économie nationale. Elle vise a priori
à faire évoluer ces structures dans le sens de ce qui peut être considéré comme une ef-
ficience accrue du système productif, permettant de créer plus de richesses en utilisant
mieux les ressources productives dont dispose le pays et, ainsi, de pouvoir mieux satis-
faire les besoins de la population2. Ainsi définie, elle recouvre un ensemble diversifié
d’interventions de l’État, comme, par exemple :
• l’exercice par l’État de sa fonction de réglementation, qui aboutit à définir et à faire
évoluer le contexte institutionnel dans lequel s’inscrit l’activité économique, c’est-à-dire
les institutions proprement dites, mais également l’ensemble des lois et règlements qui
encadrent l’activité des agents économiques ;
• la prise en charge directe par l’État lui-même de la production et de l’échange de biens
et services, marchands ou non marchands (nationalisation d’entreprises privées du sec-
teur concurrentiel, création de grands services publics) ou le renoncement à cette prise
en charge (privatisations), ce qui, dans l’un et l’autre cas, a un impact direct plus ou
moins considérable sur la structure du système productif du pays ;
• les politiques industrielle, agricole, des transports, énergétique… par lesquelles l’État
cherche à influer de manière spécifique sur l’évolution de certains secteurs d’activité
et sur la place qu’ils occupent et le rôle qu’ils jouent dans la vie économique du pays ;
• les politiques scientifique et de formation visant à accroître le potentiel scientifique et
2 En gardant cependant à l’esprit qu’il peut y avoir de sérieuses divergences d’appréciation concernant ce que recouvre
exactement la référence à une meilleure satisfaction des besoins de la population, d’une part, et la manière dont il faut
faire évoluer les structures de l’économie nationale pour accroître l’efficience du système productif, d’autre part.
Introduction générale 11
salaires et au détriment des profits des entreprises et des revenus du capital. À l’opposé,
la priorité donnée à la lutte contre l’inflation est fréquemment invoquée pour justifier la
mise en œuvre d’une politique de « rigueur » ou « d’austérité » visant à limiter la hausse
des coûts salariaux et à faire pression sur la demande, ce qui détériore la situation de
l’emploi et affaiblit le pouvoir de négociation des salariés à l’avantage des entreprises.
Une étude comparative des politiques économiques effectivement mises en œuvre dans les
pays capitalistes industrialisés depuis la Seconde Guerre mondiale montre, par ailleurs, que
les objectifs assignés à ces politiques ont sensiblement évolué depuis la Seconde Guerre
mondiale, avec le « tournant libéral » qui a été pris dans la plupart de ces pays à partir de
la fin des années 1970 et du début des années 1980.
– Les instruments auxquels l’État peut recourir pour atteindre les objectifs assignés aux
politiques mises en œuvre sont également très variés. Cela va du contrôle de l’émission
monétaire au budget de l’État, en passant par la réglementation, les nationalisations ou
privatisations des entreprises, la prospective et la planification, l’adoption d’une législa-
tion sociale et l’adaptation de celle-ci à des conditions nouvelles, la mise en place d’un
système de protection sociale et son adaptation à l’évolution des besoins de la société et à
l’apparition de problèmes nouveaux, etc. Le « tournant libéral » évoqué ci-dessus à propos
des objectifs des politiques économiques s’est également traduit dans l’évolution de la
gamme des instruments de politique économique mobilisés par les États, avec la mise en
désuétude de certains instruments (abandon, par exemple, de l’encadrement du crédit) et,
a contrario, le recours accru à d’autres (par exemple, renforcement de la régulation desti-
née à préserver le caractère concurrentiel des marchés).
Si la définition et la mise en œuvre des politiques économiques et sociales telles qu’on les
a définies sont avant tout l’affaire de l’État central, celui-ci n’en est cependant pas le seul
acteur. On a ainsi pu dire à propos de la politique économique qu’elle est le résultat d’« un
compromis » (Thomas, 1990, p. 7) réalisé entre différentes parties prenantes.
Parmi les agents qui concourent, avec l’État central proprement dit, à la définition et à la
mise en œuvre des politiques économiques et sociales, ou qui sont du moins capables d’in-
fluer sur ces politiques, il faut évoquer plus spécifiquement :
1) les banques centrales, auxquelles est confiée la conduite de la politique monétaire et
qui, dans nombre de pays, sont devenues indépendantes de l’État proprement dit, la
création de la Banque centrale européenne (BCE) étant l’illustration la plus récente et
la plus nette de cette évolution ;
2) les diverses collectivités locales (communes, agglomérations, départements, régions)
dont le rôle en matière d’action économique et d’action sociale s’est accru en France
avec les lois de décentralisation de 1982-1983 puis de 2004 ;
3) les groupements professionnels (confédérations patronales, organisations agricoles)
qui animent souvent des structures et institutions aux prérogatives économiques non
négligeables, comme c’est le cas en France pour les chambres de commerce et d’indus-
trie et les chambres d’agriculture, et qui disposent de moyens humains et financiers et
de réseaux d’influence susceptibles d’être mobilisés pour obtenir du gouvernement
qu’il adopte (ou renonce à) certaines mesures ;
4) les syndicats patronaux et de salariés qui jouent souvent un rôle essentiel en ce qui
concerne l’adaptation des dispositifs de protection sociale existants, la mise en place
de nouveaux dispositifs, l’élaboration d’une nouvelle législation sociale…, ou qui, à
l’opposé, sont susceptibles dans certains cas de faire obstacle à la mise en œuvre de
Introduction générale 13
également lui qui, sous l’impulsion de Colbert, est à l’origine de la création des « manu-
factures royales » (manufactures de draps fins à Abbeville, manufactures de tapisseries aux
Gobelins, manufactures de Sèvres…). Il intervient aussi en faveur du développement du
commerce (création de la Compagnie des Indes, mise en place d’assurances pour les négo-
ciants...). Il s’arroge également le monopole de la production du tabac, des allumettes et
des poudres et crée l’Imprimerie nationale. Son intervention dans le domaine social est par
contre plus restreinte. Les formes socialisées d’organisation des soins, les hôpitaux ou hô-
tels-Dieu, l’aide aux vieillards et aux indigents sont le quasi-monopole de l’Église, laquelle
est également en charge de l’état civil. Le pouvoir royal se préoccupe cependant très tôt
d’organiser et réglementer ce que l’on désigne aujourd’hui comme le marché du travail.
C’est par ailleurs à Colbert que l’on doit la mise en place du premier système de retraite
(au bénéfice des marins).
La Révolution, puis l’Empire, s’inscrivent de ce point de vue plus en continuité de l’Ancien
Régime qu’en rupture. La Révolution fait sauter le carcan juridique des réglementations et
privilèges issus de l’Ancien Régime et met en place un nouveau cadre juridique libéral qui
sera perfectionné par l’Empire. Mais les formes anciennes de l’intervention de l’État dans
l’activité économique du pays évoquées ci-dessus ne sont pas remises en cause. Bien plus,
dans le contexte particulier des guerres de la Révolution puis de l’Empire, l’État initie des
pratiques dirigistes (contrôle des approvisionnements, contrôle du commerce extérieur,
organisation de l’industrie de l’armement, etc.) qui seront ensuite abandonnées mais qui
anticipent sur les pratiques auxquelles il recourra plus d’un siècle plus tard à l’occasion de
la Première Guerre mondiale.
Tout au long du XIXe siècle, l’action de l’État est cependant globalement plutôt conforme
aux préceptes libéraux énoncés dès le XVIIIe siècle par les grands théoriciens qui ont jeté les
bases de la pensée économique libérale, et en particulier les classiques anglais (A. Smith,
D. Ricardo, J. S. Mill) et français (J.-B. Say). L’État se consacre principalement à l’exercice
de ses fonctions régaliennes. C’est bien alors un État « gendarme » ou « circonscrit » (De-
lorme, 2002).
Il joue néanmoins déjà un rôle relativement important en matière économique avec : le
contrôle de la monnaie par l’intermédiaire de la Banque de France, créée à l’initiative de
Napoléon ; la protection des marchés nationaux par l’établissement de droits de douane ;
la réalisation d’infrastructures (routes, canaux, chemins de fer : création en 1831 d’un mi-
nistère des Travaux publics, rôle moteur dans la construction du réseau national de voies
ferrées, plan Freycinet de 1879) ; la réglementation du travail (fixation de la durée légale
du travail, législation concernant le travail des femmes et des enfants, etc.). Parallèlement,
il étend progressivement son intervention en matière d’éducation, avec l’adoption de la
loi du 28 juin 1833 sur l’enseignement primaire, imposant aux communes de rémunérer un
instituteur et de scolariser gratuitement les enfants pauvres, puis des lois Ferry sur l’école
sous la IIIe République. Il intervient également en matière sociale avec les débuts d’une
législation sur la protection sociale et la santé publique : loi de 1849 sur l’institution des
sociétés de secours mutuel, loi de 1850 sur les logements insalubres, loi de 1851 modifiant
le fonctionnement des hôpitaux et hospices, loi du 15 juillet 1893 sur l’assistance médicale
gratuite, loi du 1er avril 1898 sur la mutualité, loi du 9 avril 1898 sur les accidents du travail,
loi du 14 juillet 1905 relative aux « vieillards, infirmes et incurables »…
Il faut souligner que, sous la IIIe République, l’intervention économique de l’État est pour
partie dictée par le souci de préserver certains équilibres sociaux au sein de la nation fran-
Introduction générale 15
directement une part significative de la production nationale de biens et services mar-
chands, les nationalisations de 1945-1946 ayant fortement étendu son champ d’action. Il se
dote, avec la comptabilité nationale, le plan, le contrôle de l’essentiel du système financier
et les différentes composantes de sa politique structurelle, de moyens qui lui permettent
d’orienter le développement économique de la nation dans le sens souhaité par les pou-
voirs publics. Il organise et réglemente les marchés, et en particulier le marché du travail
avec l’adoption des lois sur les conventions collectives en 1950 ainsi que l’institution, la
même année, du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG). Il organise la pro-
tection sociale des individus et la redistribution d’une part importante du revenu national
avec la création de la Sécurité sociale. Il organise et développe les grands services publics
chargés de répondre à des besoins jugés fondamentaux par la société : éducation, santé,
culture, recherche scientifique, etc. À l’aide de la politique conjoncturelle, il s’efforce de
réaliser le « réglage fin » de la conjoncture économique par une combinaison appropriée
de ses deux composantes majeures que sont la politique budgétaire et la politique moné-
taire. Il met également en œuvre, de manière systématique mais évolutive dans le temps,
des politiques diversifiées de type structurel (politiques industrielle, agricole, énergétique,
d’aménagement du territoire, etc.) par lesquelles il s’efforce d’organiser l’activité écono-
mique nationale, d’impulser et d’orienter son développement en faisant prévaloir une
régulation étatique suppléant la régulation par les marchés ou la complétant.
Au cours des années 1980 s’amorce un changement très net d’orientation. Dès les années
1970, le débat à propos de l’État, de son organisation et de son fonctionnement, de sa
place et de son rôle dans la vie économique et sociale de la nation, débat qui n’avait en
fait jamais cessé depuis la Seconde Guerre mondiale mais s’était déroulé jusque-là sur un
mode relativement mineur, a pris une ampleur nouvelle. Débat stimulé par le processus de
construction européenne impliquant par lui-même un réexamen et pour partie une redé-
finition des missions de l’État national et de ses domaines d’intervention. Ce débat devint
directement politique avec l’opposition frontale entre un courant libéral, réunissant les
diverses forces politiques regroupées dans la majorité appuyant le Président Valéry Giscard
d’Estaing, élu en 1974, et les diverses composantes de la gauche, initialement signataires
d’un programme commun de gouvernement, lequel prévoyait au contraire une nouvelle
et considérable extension du rôle de l’État comme élément de réponse à la crise écono-
mique et sociale qui frappait le pays depuis les premières années de la décennie 1970. Il fut
tranché, dans un premier temps, avec l’élection de François Mitterrand à la Présidence de
la République en 1981, dans le sens souhaité par les partisans du renforcement de l’action
de l’État.
Mais il en est allé tout autrement dans le monde anglo-saxon où les thèses libérales se
sont au contraire clairement imposées avec l’accession au pouvoir de Margaret Thatcher
comme Premier ministre de Grande-Bretagne et l’élection de Ronald Reagan à la Prési-
dence des États-Unis. Cette vague libérale, partie des pays anglo-saxons, a atteint la France
avec le tournant symbolique de la « rigueur » pris en 1982-1983. Le consensus idéologique
et politique réalisé au cours des Trente Glorieuses à propos de l’État et de son rôle moteur
dans la vie économique et sociale du pays a ainsi commencé à se défaire.
Cette vague libérale qui n’a cessé ensuite de s’étendre s’est traduite en France, comme
dans la plupart des autres pays capitalistes développés qu’elle a fini par submerger, par :
Introduction générale 17
mique. Il s’agit de libéraliser les conditions de l’offre, de stimuler les initiatives individuelles,
d’accroître la quantité de facteurs de production disponibles et d’en rationaliser l’utilisation.
Cette contestation de l’intervention de l’État n’épargne pas les politiques sociales. Si la
nécessité de préserver l’existence du système de protection sociale mis en place pendant
les Trente Glorieuses n’est généralement pas (ouvertement) contestée, l’exigence de son
adaptation au contexte contemporain est par contre affirmée avec force. Le ralentisse-
ment durable de la croissance économique, limitant objectivement la possibilité d’aug-
menter les dépenses de la protection sociale, la mondialisation, intensifiant la concurrence
entre les territoires et faisant de la compétitivité des firmes le vecteur essentiel de la crois-
sance économique, et l’évolution démographique (et plus spécifiquement le vieillissement
de la population) sont mis en avant par nombre de théoriciens, responsables politiques et
représentants du monde des affaires pour justifier une restructuration de la protection
sociale faisant une certaine place au jeu de la concurrence et aux mécanismes de marché
dans son organisation et sa régulation. Parallèlement, ont déjà été entreprises diverses
réformes qui visent essentiellement à mieux contrôler et en fait à limiter la croissance des
dépenses sociales du pays.
Le discrédit qui frappe aujourd’hui l’action de l’État et la délégitimation de son interven-
tion dans la vie économique et sociale du pays ne sont cependant peut-être pas définiti-
vement acquis. Pour certains auteurs, le balancier, après avoir été très loin dans le sens
de la contestation de l’État-providence, aurait commencé à revenir en arrière. D’autant
qu’après deux décennies de libéralisation de l’économie mondiale, les limites du processus
et les risques qu’il fait courir apparaissent de plus en plus explicitement. L’éclatement de
la bulle spéculative de la « nouvelle économie », puis la succession des « affaires » (Enron,
Worldcom…), qui a clairement fait apparaître que la logique du profit à tout prix peut
déboucher sur des pratiques frauduleuses de « créativité comptable » aboutissant à la mise
en faillite des entreprises, à des licenciements massifs et à la perte de leurs droits sociaux
par les salariés, et, plus récemment, encore l’éclatement de la crise des subprimes, ont mis à
jour les graves dysfonctionnements d’une économie libéralisée, livrée à ce que certains ont
dénoncé comme la « dictature des marchés ». Parallèlement, et en contradiction avec la
thèse libérale selon laquelle « de moindres interventions de l’État favoriseraient toujours
et partout l’efficacité économique » (Fitoussi, 2004, p. 49), il apparaît que « les sociétés les
plus solidaires ne sont pas, loin s’en faut, les moins performantes » (id. p. 50). Tout cela,
selon certains auteurs, justifierait non seulement de préserver la capacité d’action de l’État
mais également de chercher à la renforcer et à la rendre plus efficace5. La question du rôle
de l’État et des politiques qu’il est capable de mettre en œuvre au plan économique et so-
cial demeure donc d’une totale actualité et d’une très grande importance pour l’ensemble
des individus qui composent la collectivité sociale.
Ce sont donc ces politiques que l’on va s’attacher à décrire et à expliciter dans cet ouvrage.
Celui-ci est structuré en trois parties.
5 C’est ainsi que « l’idéologie de l’État minimal fait aujourd’hui place à une réhabilitation du rôle de l’État ». On reconnaît
que « celui-ci est capable non seulement de défendre l’ordre public, la propriété privée et le respect des contrats mais aussi
de créer un environnement favorable à la croissance : développement d’un réseau de transports et de communications,
formation d’une main-d’œuvre de qualité, etc. » (Moatti, 2004, p. 43). Après avoir repris à son compte les critiques libéra-
les les plus dures à l’encontre de l’État, la Banque mondiale en reconnaît désormais « le rôle central (...), non seulement
pour encadrer l’ordre marchand mais aussi pour pallier les défaillances du marché et corriger ses effets redistributifs »
(id., p. 43).
6 Allant, comme on l’a déjà évoqué, jusqu’à le dessaisir purement et simplement de ses prérogatives anciennes dans le cas
de la politique monétaire.
Introduction générale 19
économique à l’échelon européen, ces politiques sociales tendent à devenir le principal
point d’application du pouvoir d’intervention de l’État dans la vie économique et sociale
du pays. Les chapitres VIII et IX passeront en revue ces différentes politiques (politique des
retraites et de la protection contre le risque vieillesse-survie, politique de la santé, poli-
tiques familiales, de lutte contre la pauvreté et l’exclusion, politique de l’emploi), ce qui
permettra d’avoir un aperçu d’ensemble des problèmes auxquels est confronté aujourd’hui
le système de protection sociale d’un pays développé comme la France, des tensions qu’il
subit, des évolutions qu’il connaît déjà et est appelé à connaître dans l’avenir (chapitre X).
Au cours des trois décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, les pays occiden-
taux développés, et en particulier l’Europe et le Japon, ont bénéficié d’une croissance
économique particulièrement soutenue1. Dans des économies nationales qui demeuraient
alors encore relativement peu ouvertes aux échanges internationaux, l’accroissement de
la productivité du travail, lié à un rythme d’investissement soutenu permettant la moder-
nisation de l’appareil productif et à l’extension des méthodes d’organisation taylorienne
et fordienne du travail, a atteint un rythme annuel moyen qui n’avait jamais été observé
par le passé sur une période aussi longue. Ces gains de productivité ont permis une pro-
gression simultanée des salaires réels et des profits, ce qui a soutenu l’augmentation de la
consommation des ménages et de l’investissement productif des entreprises, élargissant
ainsi les débouchés ouverts à une production elle-même croissante. Ce cercle vertueux, qui
fut à la base de la série des « miracles économiques » allemand, français, italien et japonais
des Trente Glorieuses, a permis à ces pays d’atteindre l’objectif de plein-emploi ou de quasi
plein-emploi cher aux keynésiens, avec cependant le plus souvent pour contrepartie une
certaine inflation.
Au cours de cette période, la conviction s’est progressivement imposée que l’État disposait
d’outils d’action économique suffisamment performants et fiables pour être en mesure
d’assurer la pérennité de la croissance et de garantir ainsi le plein-emploi, tout en mainte-
nant l’inflation dans des limites globalement acceptables. Quitte à ce que se succèdent des
phases d’accélération de la croissance pendant lesquelles le plein-emploi s’accompagnait
d’une poussée d’inflation et des phases de ralentissement du rythme de l’activité au cours
desquelles le retour à une inflation plus modérée s’accompagnait d’une certaine hausse
conjoncturelle du chômage. Selon les théoriciens du courant keynésien de la « synthèse »
et, avec eux, nombre de responsables politiques qu’ils influençaient, les deux déséquilibres
économiques que sont l’inflation et le chômage représentaient en fait les termes d’une
1 Tandis que les pays du Sud demeuraient à la traîne et que les écarts se creusaient entre les pays les plus riches et les plus
pauvres et qu’émergeaient successivement dans la littérature économique diverses appellations pour désigner ces derniers :
tiers-monde, pays sous développés, pays en voie de développement (PVD), pays en développement (PED).
alternative, comme le suggère la courbe de Phillips2, selon laquelle le taux de chômage
et le taux d’inflation évoluent en relation inverse l’un de l’autre. Dans ces conditions, une
politique active de soutien de l’activité et l’amélioration consécutive de la situation de
l’emploi devraient s’accompagner, en contrepartie, d’une certaine poussée de l’inflation.
Inversement, une politique destinée à ralentir le rythme de l’expansion afin de peser sur
l’inflation devrait se traduire par une certaine montée du chômage.
Cependant, dès la seconde moitié des années 1960, la belle mécanique d’une croissance
économique durablement soutenue, assurant sur moyenne et longue périodes un niveau
d’emploi satisfaisant, a commencé à se gripper. Des signes de déséquilibre sont apparus :
l’inflation s’est accélérée tandis que le chômage commençait à augmenter. C’étaient là
des signes annonciateurs de la crise durable qui allait faire entrer les grands pays indus-
trialisés dans une longue période de difficultés dont ils sont encore loin d’être tous sor-
tis, comme en attestaient, avant même l’éclatement de la crise des subprimes, les piètres
performances des plus grandes économies de l’Europe continentale (Allemagne, France,
Italie) et du Japon.
C’est au cours de la décennie 1970 que s’effectue le basculement, ponctué par les deux
chocs pétroliers de 1973 et de 1979 et les crises économiques conjoncturelles particulière-
ment sévères qui les ont accompagnés. Lors de la crise économique de 1974-1975, nombre
de spécialistes et de responsables politiques ont estimé que les difficultés que traversaient
alors les pays occidentaux développés, largement imputées au « choc pétrolier » suscité
par le quadruplement du prix du pétrole brut, seraient passagères et qu’il fallait y voir en
quelque sorte les « turbulences d’une économie prospère », pour reprendre le titre d’un
ouvrage publié alors (Friedman, Classen et Salin, 1978). Les années passant et les diffi-
cultés persistant et s’accumulant, l’évidence s’est cependant progressivement imposée :
l’économie des pays capitalistes développés était entrée dans une phase de crise écono-
mique durable, « structurelle », ou même pour certains « systémique », ponctuée de crises
conjoncturelles, telles que celles de 1974–1975 et de 1981–1982, particulièrement fortes,
se démarquant par leur intensité des simples récessions économiques qu’avaient connues
ces pays aux cours des décennies 1950 et 1960.
De la fin des années 1960 au tout début de la décennie 1980, cette crise durable s’est
traduite dans les pays occidentaux industrialisés par une très nette accélération de l’in-
flation parallèlement à une forte montée du chômage, en contradiction donc avec les
enseignements de la courbe de Phillips. Alors qu’en 1965, le taux d’inflation des pays de
l’OCDE était de 4 % et le taux de chômage de 2,8 %, en 1975, le premier passait à 11 %
et le second à 5 %. Selon le terme qui fut alors forgé par les économistes pour caractériser
cette configuration inédite, l’économie des pays occidentaux développés devait désormais
faire face à la stagflation, combinant chômage et inflation. Dans un premier temps, dans
la plupart de ces pays, les pouvoirs publics ont privilégié l’action contre le chômage par le
développement de politiques de soutien de l’activité, inspirées des préceptes keynésiens
qui avaient fait leurs preuves par le passé. Cela n’a cependant pas permis d’enrayer l’irré-
sistible montée du chômage, tandis que l’inflation s’emballait pour atteindre des niveaux
record à la fin des années 1970 et au tout début des années 1980.
2 Du nom de l’économiste néo-zélandais qui l’a présentée dans son étude de 1958 : A. W. PHILLIPS [1958], « The Relation
Between Unemployment and the Rate of Change of Money Wages Rates in the UK, 1861-1957 », Economica, novembre.
3 Comme en a attesté la nette accélération de la hausse des prix au sein de la zone euro du milieu de l’année 2007 au
milieu de l’année 2008.
La manière dont le prix d’un bien s’établit sur le marché diffère selon la configuration de ce
dernier (concurrence pure et parfaite, sous réserve de l’existence effective d’un tel marché,
monopole, oligopole, etc. : cf. tome 1, chapitre VII). Cependant, quel que soit le type de mar-
ché considéré, une modification des conditions de production et de l’offre du bien corres-
pondant ou des conditions qui régissent la demande de ce bien doit finalement se traduire
par une variation du prix destinée à traduire le nouvel état du marché1. Dans des économies
soumises à des changements continus, tant du côté de la production des biens, avec en parti-
culier le rôle majeur du progrès technique, que du côté de la demande (changement dans les
modes de vie, apparition de nouveaux besoins, etc.), comme le sont les économies des pays
développés contemporains, il est donc inéluctable que les prix qui s’établissent sur les diffé-
rents marchés varient dans le temps. Selon les circonstances, ces variations de prix devraient
pouvoir correspondre à des hausses ou à des baisses de prix et différer d’un marché à l’autre,
dans la mesure où les changements dans les conditions de production et/ou de demande
peuvent être eux-mêmes très différents selon les biens et services considérés.
De telles variations des prix sont la traduction d’un fonctionnement normal des mar-
chés et font partie intégrante du processus de régulation d’une économie de mar-
ché. Elles fournissent aux agents économiques privés des indications concernant la
situation des différents marchés et le sens dans lequel ils doivent éventuellement
s’adapter aux évolutions qui s’y manifestent. La hausse du prix d’un bien peut être,
par exemple, l’indice de ce que le rapport entre l’offre et la demande qui s’expri-
ment sur le marché a évolué dans le sens d’une augmentation de la seconde par rap-
port à la première, signalant ainsi aux producteurs qu’il est souhaitable d’accroître
leur production et donc leur offre du bien ; et inversement pour une baisse de prix.
De ces variations des prix qui se produisent de manière spécifique et différenciée sur
les marchés des divers biens et services, il faut distinguer les mouvements qui affectent
1 Cela ne signifie pas que la détermination des prix résulte en quelque sorte mécaniquement du jeu de la « loi de l’offre et
de la demande ». Pour une réflexion critique stimulante à propos de cette loi, on pourra se reporter à : COMBENMALE P.
[2003], « La ‘loi’ de l’offre et de la demande explique-t-elle la formation des prix ? », Les Cahiers français, n° 315, juillet-
août, p. 13-17.
simultanément la totalité ou la plupart des prix qui se forment sur les différents marchés :
l’inflation, la désinflation et la déflation.
L’inflation correspond à une hausse continue du niveau général des prix2, ce qui ne signifie
cependant pas que tous les prix augmentent au même rythme (cf. infra). Elle a en règle gé-
nérale un caractère cumulatif et autoentretenu, en ce sens que la hausse des prix se diffuse
dans l’ensemble de l’économie par le biais, en particulier, des relations interindustrielles
et que la hausse des prix d’une année induit, du fait des comportements des agents éco-
nomiques qui y sont confrontés, la poursuite, voire l’accentuation, de cette hausse l’année
suivante. Son rythme peut varier dans le temps, tout comme il peut différer selon les pays
considérés au cours d’une même période. Elle peut prendre la forme d’une inflation « ram-
pante », la hausse annuelle du niveau général des prix n’excédant alors pas en moyenne 3
à 5 %, comme ce fut le cas en France pendant une bonne partie des années 1950 et 1960.
Mais elle est susceptible, dans certaines circonstances, de devenir incontrôlable et de dégé-
nérer en hyperinflation, comme celle qu’a connue l’Allemagne au lendemain de la Première
Guerre mondiale, ou celle qu’ont connue dans les années 1970, ou plus récemment encore,
certains pays en développement du Sud3.
Elle n’implique cependant pas une hausse proportionnelle de tous les prix. Sur la longue
période, l’inflation correspond en fait à des hausses très variables des différents prix. Elle
s’accompagne donc le plus souvent d’une variation des prix relatifs4. À titre d’illustration,
de 1945 à 2000, en France, les prix des produits alimentaires ont été multipliés en moyenne
par 10, ceux des produits industriels par 8, ceux des services par 23 et les loyers par 40.
Comme l’a montré J. Fourastié, ces différences traduisent pour partie les écarts dans les
rythmes de croissance de la productivité en longue période dans les secteurs d’activité
concernés. En règle générale, ce sont en effet les secteurs d’activité où les gains de pro-
ductivité sont les plus importants qui connaissent la hausse des prix la plus faible. À cela
s’ajoute que les prix des services sont largement conditionnés par l’évolution des salaires
(les coûts de main-d’œuvre constituant une part prépondérante des coûts de production
dans les services), alors que le salaire minimum a été multiplié par 40 entre 1945 et 20005.
Elle peut aller de pair avec une hausse plus ou moins régulière et soutenue de la produc-
tion, comme ce fut le cas dans les pays industrialisés de l’inflation rampante des décennies
1950 et 1960, mais il n’en est pas nécessairement toujours ainsi.
La déflation est, à l’opposé de l’inflation, un mouvement de baisse du niveau général des
prix, qui s’accompagne le plus souvent d’une contraction de l’activité économique. C’était
2 Inflation vient du latin inflatio qui signifie enflure. À l’origine, le mot était utilisé pour désigner une hausse abusive de la
quantité de papier-monnaie (Goux, 1998, p. 7).
3 Nombre d’auteurs, à la suite de Phillip Cagan (1956), s’accordent à reconnaître qu’il y a hyperinflation dès lors que le taux
mensuel de hausse du niveau général des prix dépasse les 50 %. Les exemples historiques d’hyperinflation sont nombreux
et variés. Le plus souvent cité est celui de l’Allemagne où les prix furent multipliés par 1 000 milliards de 1914 à 1923, la
hausse la plus forte intervenant la dernière année (Jacoud, 1997, p. 19) : un dollar qui s’échangeait contre 400 marks,
en mars 1922, s’échangeait contre 7 260 marks en janvier 1923 et … 4 200 milliards de marks fin novembre 1923. Mais,
plus récemment, certains pays ont connu des taux d’inflation gigantesques avec, par exemple, un taux d’inflation de
313 000 000 % en janvier 1994 pour l’ex-Yougoslavie (id., p. 45). Plus récemment encore, au Zimbabwe, le taux d’inflation
annuel atteignait, en juillet 2007, 7 634,80 % (Le Monde, 28-08, 2007).
4 Soient deux biens X et Y, le prix relatif du bien X est le rapport du prix de ce bien X sur le prix du bien Y.
5 On a déjà souligné (tome 1, chapitre III) que, sur la période de l’après-Seconde Guerre mondiale, les rythmes de croissance
respectifs de la productivité du travail dans l’agriculture et l’industrie ont été sensiblement supérieurs à ceux enregistrés
dans les services, ce qui se reflète dans la moindre croissance des prix des produits alimentaires et industriels relativement
à celle des prix des services.
Elle peut avoir, comme l’inflation, un caractère cumulatif et autoentretenu, enfermant alors
l’économie dans un cercle vicieux aux conséquences économiques et sociales redoutables.
D’une part, dès lors que les prix baissent, les ménages sont incités à retarder, si cela est pos-
sible, l’acquisition de certains biens de consommation et/ou la réalisation de leurs investis-
sements en logement, dans l’attente de nouvelles baisses des prix qui augmenteraient leur
pouvoir d’achat, ce qui comprime les débouchés des entreprises. D’autre part, la baisse des
prix se traduit pour certaines entreprises par une contraction de leurs marges bénéficiaires,
réduisant ainsi leur capacité à investir et leur incitation à le faire. Cette pression sur l’investis-
sement se conjugue avec celle qui s’exerce sur la consommation pour comprimer la demande
globale. Confrontées à cette évolution défavorable de la demande globale, les entreprises
sont contraintes de s’adapter en réduisant éventuellement leur production, en licenciant du
personnel et en distribuant donc moins de revenus, ce qui pérennise d’une autre manière la
baisse de la consommation globale des ménages.
Nombre d’auteurs, comme Knut Wicksell (1851-1926) ou Irving Fisher (1867-1947), ont de-
puis longtemps souligné les effets négatifs de la déflation, diminution en valeur absolue
des prix et des revenus, dont ils montrent qu’elle engendre la récession et le chômage. Ces
auteurs soulignent en particulier que la baisse des prix et des revenus nominaux accroît
mécaniquement le poids réel des dettes, avec l’alourdissement de la charge réelle que repré-
sentent pour le débiteur le paiement des intérêts et le remboursement des dettes6, ce qui
peut se traduire par l’impossibilité pour les débiteurs d’en assumer la charge. Cela aboutit à
mettre en difficulté les entreprises endettées les plus fragiles, débouchant sur des faillites et
cessations d’activités, avec les effets en chaîne qui en résultent : licenciement des salariés et
baisse de la masse salariale pesant négativement sur la consommation globale des ménages.
Cela conduit également à la contraction des nouveaux crédits qui influe négativement sur
la partie de la consommation et de l’investissement financés par le recours à l’endettement.
La désinflation correspond à une réduction progressive, plus ou moins marquée, du rythme
de l’inflation, à l’image de ce qu’a connu la France à partir de 1983. Survenant après un
épisode inflationniste plus ou moins aigu, elle traduit en quelque sorte le retour progressif
à la normale. Elle peut être spontanée ou résulter d’une politique délibérée avec, dans les
deux cas, le souci des pouvoirs publics d’éviter qu’elle ne se transforme en déflation, en
raison des risques majeurs que cette dernière fait courir à l’économie nationale.
Dans ce chapitre, consacré plus spécifiquement à l’inflation, on commencera par la carac-
tériser en précisant, en particulier, comment elle se mesure par le biais des indices de prix
et en donnant un aperçu de ses manifestations au cours du siècle écoulé (Section 1). On
cherchera ensuite à en identifier les causes essentielles en présentant les diverses explica-
tions qui en sont proposées par la théorie économique contemporaine (Section 2). L’exa-
men de ses diverses conséquences permettra de mieux comprendre pourquoi les pouvoirs
publics, en Europe, ont fait de son contrôle et de sa limitation un objectif prioritaire de la
politique économique conjoncturelle, ce qui a contribué à l’affirmation, à partir du début
des années 1980, d’un mouvement très marqué de désinflation (Section 3).
6 Comme l’explique Irving Fisher (1933, p. 172), « chaque dollar de dette encore impayé devient un dollar plus lourd ».
Le tableau 1.2 montre, sur un exemple numérique simplifié, la manière dont l’indice est
calculé7.
Il est supposé, dans cet exemple, que la consommation du ménage moyen se réduit à 5
biens ou services distincts (une unité ou un kilo de chacun de ces biens et services) qui
constituent les différents postes de l’indice. Pour chacun de ces biens ou services, son prix
unitaire pour la première et la seconde années ainsi que la quantité de ce bien ou service
qui entre dans la consommation du ménage moyen au cours de la première année sont
connus. À partir de ces données, il est possible de déterminer :
• le coefficient budgétaire qui correspond à chacun de ces cinq postes de dépenses pour
la première année (t1). Exemple de calcul : la dépense totale du ménage moyen s’élève
à 60 euros, le coefficient budgétaire du premier poste est donc 17/60 = 28,33 % ;
• l’indice simple du prix au cours de la seconde année (t2) de chaque bien ou service pour
une base 100 de l’indice correspondant au prix de la première année. Pour le premier
poste, cet indice est de 17,5/17 = 102,94.
Chacun des indices simples de prix pour la seconde année est ensuite pondéré par le coef-
ficient budgétaire pour la première année du poste de dépense correspondant. L’addition
des indices simples de chacun des postes ainsi pondérés donne l’indice synthétique des prix
pour la seconde année, soit : 103,95.
7 L’exemple correspond au calcul d’un indice de type indice de Laspeyres (cf. infra encart) dans lequel les coefficients bud-
gétaires retenus pour le calcul de l’indice composite sont ceux de l’année de base t1.
Tableau 1 .2
Coefficient
1ère année 2e Indice
budgétaire [a] x [b]
(t1) année (t2) simple [a]
en t1 [b]
1 kg de viande 17 euros 17,5 euros 102,94 28,33% 29,16
1 kg de pâtes 2 euros 2,11 euros 105,5 3,33% 3, 51
1 cinéma 8 euros 8,35 euros 104,5 13,33% 13, 93
1 chemise 20 euros 20,3 euros 101,5 33,33% 33, 83
1 disque 13 euros 14,12 euros 108,61 21,66% 23,52
Indice des prix à la consommation en t2, base 100 en t1 103,95
L’évolution de l’IPC dans le temps peut être exprimée de deux manières différentes. L’évo-
lution de l’IPC d’une année sur l’autre est dite en glissement lorsque l’on rapporte l’indice
d’un mois donné à celui du mois correspondant de l’année précédente. L’évolution de l’IPC
est dite en moyenne annuelle quand on rapporte la valeur moyenne de l’indice pour une
année donnée à sa valeur moyenne pour l’année précédente.
La divergence éventuelle entre l’évolution en moyenne et l’évolution en glissement traduit
un changement dans le rythme de l’inflation. Si la croissance de l’indice en moyenne est su-
périeure à celle de l’indice en glissement, cela traduit une décélération de l’inflation. Inver-
sement, si la croissance de l’indice en moyenne est inférieure à la croissance de l’indice en
glissement, cela traduit une accélération de l’inflation. Le tableau 1.1 présente, outre les
pondérations pour l’année 2007 des différents postes de dépenses qui entrent dans l’IPC,
l’évolution, en moyenne annuelle, de 2006 à 2007, et en glissement, de décembre 2006 à
décembre 2007, de l’indice des prix qui correspond à chacun de ces postes de dépenses.
La hausse de l’indice d’une année sur l’autre recouvre une très grande variété d’évolution
des prix des différentes catégories de biens et services pris en compte pour le calcul de
l’indice. Le tableau 1.3 en donne un aperçu en pointant les hausses et les baisses de prix en
glissement de divers biens et services qui se sont produites entre 2006 et 2007. Il montre
également, comme déjà souligné, que, telle qu’elle est mesurée par l’évolution de l’IPC,
l’inflation va de pair avec des baisses de prix qui peuvent être très importantes d’une an-
née sur l’autre pour certaines catégories de biens.
Parallèlement à l’IPC, l’INSEE publie un indice établi en excluant le prix du tabac de son
calcul, conformément à la loi du 18 janvier 1992 qui stipule qu’à partir du 1er janvier 1992
« toute référence à un IPC pour la détermination d’une prestation, d’une rémunération,
d’une dotation ou de tout autre avantage s’entend d’un indice ne prenant pas en compte
le prix du tabac »8.
Outre celui du tabac, les prix de certains biens et services pris en compte dans le calcul de
l’IPC dépendent de facteurs qui peuvent être considérés comme exogènes au fonction-
nement d’ensemble de l’économie nationale et sont susceptibles de connaître des fluc-
tuations importantes à court terme (produits frais qui subissent l’impact des variations
climatiques, énergie comme le pétrole dont le prix se fixe sur un marché mondial). D’autres
peuvent résulter de décisions politiques (tarifs des services publics). C’est pourquoi l’INSEE
mesure à côté de l’inflation proprement dite « l’inflation sous-jacente » qui est calculée
hors tarifs publics et tabac et hors « produits volatiles » (produits frais, énergie). À titre
d’exemple, en juillet 2008, en glissement annuel, cette inflation sous-jacente était de 2 %
seulement, alors que l’inflation proprement dite, mesurée par l’IPC, était de 3,6 %, l’écart
entre ces deux mesures de l’inflation étant dû en particulier à la hausse du prix de l’énergie
(18,5 % en glissement annuel) et des produits alimentaires (6,4 % en glissement annuel).
L’IPC mesure l’évolution des prix subie par un ménage moyen dont le panier de biens
demeure inchangé entre deux dates successives, la qualité des biens qui entrent dans le
panier étant supposée demeurer constante. En conséquence, si la qualité d’un bien se mo-
difie entre les deux dates de calcul de l’indice, le prix de ce dernier pris en compte dans l’in-
dice en est affecté. Si, par exemple, un ordinateur est remplacé par un autre plus puissant
mais vendu à un prix inchangé, l’IPC va enregistrer cette amélioration de la qualité du bien
comme une baisse du prix. Inversement, si un bien est remplacé par un autre de moindre
8 Le prix du tabac est directement conditionné par les taxes prélevées par l’État. Il a fortement augmenté au cours des
dernières années par suite des hausses successives de ces taxes, destinées à accroître les ressources fiscales de l’État tout
en tentant de réduire la consommation de tabac.
Exemple : le prix du bien X est de 140 en t1 et de 157 en t2. Il vient : I t2 / t1 = (157 / 140) x 100 = 112,
ce qui veut dire que, pour une valeur 100 en t1, l’indice du prix du bien est passé à 112 en t2, soit une
hausse de 12 %.
L’indice simple dont il vient d’être question ne concerne que le prix d’un seul bien. Pour se faire une idée,
même approximative, de la manière dont évolue ce que l’on désigne habituellement comme le niveau
général des prix, il est nécessaire de calculer un indice synthétique qui est une moyenne pondérée d’un
ensemble d’indices simples. Pour cela, il faut prendre en compte l’évolution des prix de différents biens
et services (plus le nombre de biens et services dont les prix sont retenus pour le calcul de cet indice syn-
thétique est élevé et mieux ces biens et services sont choisis, plus l’indice sera représentatif) et pondérer
le prix de chaque bien et service par la part que celui-ci représente dans la consommation de l’ensemble
des biens et services retenus dans l’indice. Cet indice synthétique se définit alors comme le rapport :
9 Selon l’INSEE, pour l’année 2003, les divers « ajustements de qualité » effectués pour calculer l’indice ont eu un impact à
la baisse sur l’indice « d’environ 0,3 % sur le glissement annuel » (Insee Références, L’économie française 2007).
10 Les pourcentages de variation des prix sont déterminés pour chaque catégorie de produits. L’indice correspond à
la moyenne pondérée de ces variations en prenant comme coefficient de pondération la part respective de chaque
catégorie de produits dans le PIB.
11 La principale différence avec l’indice des prix à la consommation nationale tient dans le traitement de la protection
sociale et de l’enseignement (Tableaux de l’économie française, 2006, p. 116)
Dans cette expression, pi désigne le prix du bien i, i allant de 1 à n, et qi la quantité consommée du bien
i ou l’indice de pondération correspondant à la quantité consommée du bien.
Pour que l’indice ainsi défini ne mesure que la seule évolution des prix, il est nécessaire que la quantité
consommée de chaque bien qui apparaît au numérateur et au dénominateur soit la même, en sorte que
la différence entre le numérateur et le dénominateur du rapport ne tienne qu’à l’évolution du prix des
biens entre t1 et t2. Selon que cette quantité est celle de l’année t2 ou celle de l’année de base t1, l’indice
est un indice de Paasche ou un indice de Laspeyres12 :
∑ pi t2 . qi t2
Indice de Paasche : P t2/t1 = -------------------------- x 100
∑ pi t1 . qi t2
∑ pi t2 . qi t1
Indice de Laspeyres : L t2/t1 = -------------------------- x 10013
∑ pi t1 . qi t1
Il est également possible de combiner ces deux indices en calculant un indice de Fisher14 qui est égal à
leur moyenne géométrique, c’est-à-dire à la racine carrée du produit des deux indices.
L’indice des prix à la consommation calculée par l’INSEE est un indice de Laspeyres qui est publié en base
100 en 199815.
12 Hermann Paasche, économiste allemand (1851-1925) ; Étienne Laspeyres, économiste et statisticien allemand (1834-1913).
13 Dans cet indice, qui est le plus souvent utilisé, la pondération affectée à la hausse des prix de chaque bien ou service est
donc celle de l’année de départ ; d’où une distorsion croissante au fur et à mesure que l’on s’éloigne de l’année de base.
14 Irving Fisher, économiste américain : 1867-1947.
15 Mais, comme cela a déjà été indiqué, l’INSEE modifie chaque année les pondérations attribuées aux différents postes
de consommation, afin de pouvoir tenir compte au plus près des modifications qui interviennent dans la structure de la
consommation des ménages. De ce fait, les pondérations des différents postes, et donc la base de calcul de l’indice, sont
modifiées chaque année en décembre.
16 En comptabilité nationale, le pouvoir d’achat de l’ensemble des ménages se mesure comme le revenu disponible brut des
ménages corrigé de la hausse des prix telle quelle est appréhendée par l’IPC. Le revenu disponible brut se définit comme
la somme des revenus d’activité (salaires et traitements bruts des ménages, bénéfices des entrepreneurs individuels),
des revenus du patrimoine (dividendes, intérêts et loyers), des prestations sociales en espèces (retraites, indemnités de
chômage, allocations familiales, minima sociaux…) et de certains transferts (en particulier, indemnités d’assurance nettes
de primes) dont sont déduits les impôts directs et les cotisations sociales payés par les ménages (cf. tome 1, chapitre I).
Ainsi défini, le pouvoir d’achat des ménages français s’est accru de 3,4 % par an en moyenne, entre 1998 et 2002, puis
de 1,9 % par an en moyenne entre 2003 et 2006 (Insee Références, L’économie française 2007).
17 Le Bureau d’Information et de Prévision Économique (BIPE) a par ailleurs établi que l’inflation « touche (...) plus dure-
ment les chômeurs et les ouvriers que les cadres, les professions intermédiaires et les chefs d’entreprises » (Problèmes
économiques, n° 2916, 31 janvier 2007, note de la rédaction, p. 11). Selon l’étude réalisée par cet organisme, « Le coût
de la vie des 10 % les plus modestes a en effet augmenté, en 2005, de 0,11 % de plus que pour la moyenne des Fran-
çais » (id., p. 11). Sur la période fin 2000-fin 2005, alors que le taux d’inflation pour l’ensemble des ménages a été de
7,9 %, il a été de 8,9 % pour les chômeurs et 8,5 % pour les ouvriers. Par contre, il a été de 7,4 % pour les ingénieurs et
cadres techniques d’entreprises privées, les artisans et les professions intermédiaires de la fonction publique, 6,9 % pour
les chefs d’entreprises de 10 salariés ou plus, ces catégories socioprofessionnelles ayant « une structure de consomma-
tion plus favorable qui leur permet de bénéficier d’une inflation plus faible », car « le tabac, le carburant et les loyers
pèsent en effet nettement moins dans leur budget que pour les catégories précédentes » (Hébel, 2007, p. 25).
L’évolution des prix au XXe siècle a été marquée par la quasi-permanence de l’inflation,
dont les poussées périodiques accompagnent certains événements historiques majeurs
comme la Seconde Guerre mondiale (A). Dans les pays capitalistes développés, comme la
France, les vingt-cinq dernières années ont cependant été marquées par un mouvement
très net de désinflation, qui tranche par son ampleur et sa durée avec les tendances à
l’œuvre depuis le début du XXe siècle (B).
18 Cela étant, il faut souligner que l’évolution du pouvoir d’achat des ménages français en longue période a été fortement
affectée par la crise économique durable ouverte au début des années 1970. Alors que ce pouvoir d’achat avait progressé
en moyenne de 5,7 % par an entre 1959 et 1974, il ne s’est plus accru que de 2,1 % par an entre 1975 et 2006. Par ailleurs,
à une hausse annuelle moyenne de 3,4 % entre 1998 et 2002, a succédé une croissance annuelle de 1,9 % seulement
entre 2003 et 2006. Si l’on tient compte de ce que la taille des ménages tend à augmenter du fait de la croissance
démographique, et si l’on mesure l’évolution du revenu réel par unité de consommation (le premier adulte comptant
pour une UC, le second pour 0,5 UC et chaque enfant de moins de 14 ans pour 0,3 UC), l’augmentation annuelle sur la
période 2003-2006 n’est plus que de 1 %.
19 Du nom de l’économiste soviétique N. D. Kondratieff qui a consacré à ce cycle des travaux importants pendant les années
1920. Pour un aperçu d’ensemble concernant le cycle Kondratieff, on peut se reporter à Rasselet (2007b).
20 Au cours de cette période, la hausse est cependant relativement modérée : à la hausse sensible des années 1850 succède
une quasi-stabilité des prix pendant les années 1860, dans laquelle il faut peut-être voir en partie l’impact des accords
de libre-échange signés par la France au début de la décennie 1860.
Source : DOCKÈS P., ROSIER B. [1983], Rythmes économiques, crises et changement social, une perspec-
tive historique, La Découverte, Maspero, p. 117.
Pour mesurer l’évolution du niveau général des prix sur la longue période au XXe siècle,
on dispose en France des séries de divers indices de prix concernant une gamme de biens
et services qui s’est progressivement élargie en passant d’un indice à l’autre21. Il ressort des
séries correspondantes que l’évolution des prix, depuis le début du XXe siècle, en France
comme dans les autres pays industrialisés, a été caractérisée par l’affirmation d’un mouve-
ment quasi ininterrompu de hausse des prix. C’est ainsi que, sur une base 100 en 1901, l’in-
dice des prix passe successivement à 200 en 1918, 1 000 en 1940, 10 000 en 1948, 100 000
en 1981 et 200 000 en 200022.
L’inflation s’est en fait imposée, depuis la Première Guerre mondiale, comme un phéno-
mène endémique, à l’exception toutefois des épisodes de déflation liés aux crises écono-
miques de 1921-1922 et de 1929-1933. Depuis lors, l’évolution des prix fait alterner des
phases d’accélération et de décélération de l’inflation, comme cela ressort du graphique
1.2. Les prix ont augmenté en moyenne de 30 % par an au cours de la décennie 1940,
dans le contexte de pénurie de l’occupation étrangère puis de la reconstruction de l’après-
guerre que l’on connaît (58 % de hausse en 1948). La hausse est ensuite revenue à une
moyenne annuelle de 6 % pendant les années 1950, avec cependant de fortes variations
de court terme dans le rythme annuel de l’inflation, puis de 4 % pendant la décennie 1960,
avec des fluctuations de court terme beaucoup plus faibles qu’au cours de la décennie pré-
cédente. Au total, l’indice des prix à la consommation a augmenté de 158 % entre 1950
et 1970.
21 Les indices qui ont été calculés successivement depuis 1913 contenaient ainsi : 34 articles (1914-1949), 213 articles (1950-
1956), 250 articles (1957-1962), 259 articles (1963-1970), 296 postes (1971-1992), 266 postes (1993-1998), 305 postes
(depuis 1999).
22 Les prix, qui ont été multipliés par 10 entre 1940 et 1948 et à nouveau par 10 entre 1948 et 1981, l’ont donc été par 2
entre 1981 et 2000.
Prédomine alors une inflation rampante qui laisse cependant place, à plusieurs reprises, à
des épisodes de poussée de fièvre inflationniste (graphique 1.3) :
• les années 1950-1952 (guerre de Corée qui se traduit par un boom inflationniste aux
États-Unis et une forte augmentation des prix des matières premières), avec des hausses
respectivement de 11,1 % en 1950, 16,9 % en 1951 et 11,8 % en 1952, ce qui aboutit à
la mise en œuvre du plan Pinay de 1952 (blocage des prix, lancement d’un emprunt de
4,3 milliards de francs indexé sur l’or et exonéré des droits de succession, contingente-
ment des importations...) ;
• l’année 1958 (guerre d’Algérie), au cours de laquelle la hausse des prix atteint 15 %, ce
qui conduisit en particulier à la dévaluation du franc, destinée à permettre la résorp-
tion du déficit des échanges extérieurs stimulé par cette hausse des prix, et à la mise en
œuvre d’un nouveau plan Pinay en 1958 (création du franc « lourd » après une dévalua-
tion de 17,5 %, restrictions budgétaires, hausse du taux de l’impôt sur les sociétés qui est
porté à 50 % du bénéfice imposable, augmentation des cotisations sociales) ;
• l’année 1963, au cours de laquelle la hausse des prix, qui avait entre-temps sensiblement
ralenti, remonte à 4,8 %, sous l’effet en particulier d’une forte croissance de la demande
globale, liée au retour des rapatriés d’Algérie en 1962 et 1963 ainsi qu’à une forte aug-
mentation du crédit. En réaction, le gouvernement adopte le « plan de stabilisation »,
ou « plan Giscard d’Estaing », conçu expressément comme un plan de lutte contre l’in-
flation (blocage des prix, restrictions du crédit et des dépenses publiques, création de
nouveaux impôts, emprunt de 2 milliards de francs). Ce plan permettra de ramener très
rapidement la hausse des prix à un niveau plus raisonnable (3,4 % en 1964 et 2,5 % en
GrAPhIqUE 1.3
Variation annuelle de l’indice des prix à la consommation depuis 1950
Cette poussée de l’inflation à la fin des années 1960 marque en fait le début d’une phase
d’accélération de l’inflation, qui s’amplifie à partir de 1971-1972 et qui va se prolonger
jusqu’au début des années 1980, avec deux pics en 1974 (13,7 %) et en 1980-1981(res-
pectivement 13,6 % et 13,4 %) (graphique 1.3). Cette accélération de l’inflation n’est pas
spécifique à la France. Elle affecte en réalité la plupart des pays occidentaux développés.
Antérieure au premier choc pétrolier qui aggravera la situation, c’est l’une des premières
manifestations de l’entrée de l’économie occidentale dans la crise économique durable du
dernier tiers du XXe siècle. Elle peut être mise en rapport avec différents éléments dont,
en particulier : les difficultés de rentabilisation des capitaux qui se manifestent depuis plu-
sieurs années déjà dans plusieurs pays (dont les États-Unis), la crise du système monétaire
international qui a débuté à la fin des années 1960 et les difficultés qui affectent en corol-
laire certaines monnaies, les tensions qui se font jour sur le partage de la valeur ajoutée, le
financement de la guerre du Vietnam...
Le premier choc pétrolier, qui survient fin 1973 et se traduit par un quadruplement du prix
du pétrole, accentue la pression inflationniste, la hausse des prix atteignant 13,7 % en
*
Le mode d’évolution des prix observé en France depuis les années 1950 se retrouve pour
l’essentiel dans les autres pays développés, avec cependant des variantes nationales (ta-
bleaux 1.4 et 1.5). L’inflation en Allemagne a été en moyenne sensiblement plus faible
qu’en France jusqu’à la réunification mais a connu les mêmes inflexions. C’est le cas éga-
lement de l’inflation des États-Unis qui demeure jusque dans les années 1980 inférieure
30 Comme l’explique Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie, en application des préceptes libéraux énoncés dans le consensus
de Washington (cf. tome 1, chapitre X), il a été demandé aux PED « de ne plus intervenir dans l’agriculture, ce qui reve-
nait à mettre en danger leurs paysans face à la concurrence irrésistible des États-Unis et de l’Europe. Leurs agriculteurs
auraient peut-être pu concurrencer ceux du Nord, mais ils ne pouvaient concurrencer leurs subventions. Aussi les PED
ont-ils moins investi dans l’agriculture, et le fossé alimentaire s’est élargi » (Stiglitz, 2008, p. 10).
31 Les marchés de ces produits se sont profondément transformés au cours des dernières années avec le développement des
produits dérivés (pétrole papier, cuivre papier…) et un afflux important de capitaux à l’achat pour ces produits dérivés.
32 En Chine, la hausse des salaires aurait été en moyenne de 20 % en 2007 (Lemaitre, 2008, p. 2).
33 Ainsi, selon Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, « la mondialisation a cessé, probablement pour une
longue période, d’être spontanément désinflationniste », dans la mesure où « la croissance des pays émergents et l’éléva-
tion du niveau de vie de leur population entraînent une explosion de la demande de ressources naturelles, alimentaires
et énergétiques, dont la conséquence logique est une forte et permanente augmentation de prix ». D’autant plus que
« la mondialisation introduit une synchronisation plus poussée de cycles inflationnistes entre les pays avec les risques
d’amplification qui en découlent » (cité par Le Monde, 4 avril 2008, p. 12).
TAbLEAU 1.4
L’inflation dans les principaux pays de l’OCDE (1953-1989)1
TAbLEAU 1.5
Le taux d’inflation annuel dans divers pays de l’OCDE : 1993-2008
1983
- 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008
1993
États-
3,8 2,1 2,6 2,9 2,3 1,5 2,2 3,4 2,8 2,3 2,1 2,7 3,4 3,2 2,9 3,9
unis1
Japon 1,7 -0,6 0,7 0,0 1,7 0,7 -0,3 -0,5 -0,8 -0,2 -1,6 0,0 -0,6 0,2 0,4 0,9
Alle-
... ... ... 1,2 1,5 0,6 0,6 1,4 1,9 1,0 1,0 1,8 1,9 1,8 2,3 2,9
magne
France ... 2,0 1,7 2,1 1,3 0,7 0,6 1,8 1,8 2,2 1,8 2,3 1,9 1,9 1,6 3,5
Royaume-
... 1,6 2,0 2,5 1,8 1,6 1,3 0,8 1,2 1,4 3,1 1,3 2,0 2,3 2,3 3,0
uni
Italie ... 3,6 4,2 4,0 1,9 2,0 1,7 2,6 2,3 2,8 3,1 2,3 2,2 2,2 2,0 3,6
Canada 4,0 1,1 0,2 2,1 1,6 1,0 1,7 2,7 2,5 2,8 3,4 1,9 2,2 2,0 2,1 1,3
Total de
... 4,7 3,2 2,3 1,7 1,2 1,1 2,1 2,4 2,1 2,3 2,2 2,2 2,2 2,1 3,4
l’OCDE
* Pourcentage de varaition par rapport à l’année précédente des prix à la consommation.
1 La méthodologie pour le calcul de l’indice des prix à la consommation ayant considérablement changé au cours des
dernières années, l’inflation mesurée s’en trouve substantiellement abaissée.
Source : base de données des Perspectives économiques de l’OCDE, n° 81
Cette évolution relativement similaire de l’inflation dans les différents pays développés sug-
gère que le mouvement des prix est soumis au jeu de facteurs généraux (variations du rythme
de croissance de la productivité du travail, changements dans la demande, évolution des prix
des produits importés, phénomènes monétaires…) associé à certaines spécificités nationales
suscitant des réactions plus ou moins fortes à ces différents facteurs.
L’évolution des prix au XXe siècle évoquée ci-dessus suggère que l’inflation peut avoir des
causes différentes et résulter, selon les circonstances, du jeu de divers facteurs. De fait, il y
a une diversité des causes de l’inflation dont l’identification et l’analyse donnent lieu à dé-
bat. Les différentes explications de l’inflation qu’avancent les grands courants de la théorie
économique contemporaine se distinguent généralement par la nature de la (des) cause(s)
fondamentale(s) à laquelle (auxquelles) est imputée la hausse des prix. Selon le cas, elles font
de l’inflation un phénomène d’origine monétaire (§ 1) ou le résultat de déséquilibres au ni-
veau de l’économie réelle (§ 2) ou mettent en avant sa dimension sociale et structurelle (§ 3).
Au XVIe siècle, le Français Jean Bodin (1529-1596) attribua à l’afflux d’or venant des Amé-
riques la hausse des prix qui se produisit alors dans tous les pays européens34. Cette pre-
mière explication de l’inflation en faisait donc la conséquence d’un excès de monnaie. Jean
Bodin jetait ainsi les bases de la théorie quantitative de la monnaie et de ce qui allait deve-
nir l’explication monétariste de l’inflation35 (A). Celle-ci a beaucoup gagné en audience à
partir des années 1960 dans le sillage des travaux développés par le prix Nobel d’économie,
Milton Friedman (B).
A – La théorie quantitative de la monnaie
Pour la théorie monétariste contemporaine, de filiation néoclassique, l’inflation résulte
d’une croissance de la quantité de monnaie en circulation supérieure à celle des biens
et services disponibles. La base de cette théorie est l’équation quantitative de la mon-
naie formulée initialement par Irving Fisher (Le pouvoir d’achat de la monnaie, 1907) :
M . V = P . T, dans laquelle M désigne la quantité de monnaie en circulation, V la vitesse
de circulation de la monnaie, P le niveau général des prix et T le volume de transactions
(achats-ventes de biens et services sur les marchés). Cette équation est par elle-même une
identité comptable qui est nécessairement vérifiée. Elle signifie en effet que le montant
nominal des transactions effectuées au cours d’une période déterminée et dans une éco-
nomie donnée, c’est-à-dire le produit du volume de ces transactions par le niveau général
des prix (P . T), est égal au produit de la quantité de monnaie utilisée pour effectuer les
transactions par la vitesse de circulation de cette monnaie (M . V)36.
34 Jean Bodin formule cette thèse dans sa fameuse Réponse au paradoxe de M. de Malestroit, publiée en 1568. Ce dernier
soutient que la hausse des prix en France n’est pas réelle et ne fait que traduire la baisse de la valeur en or de la livre, unité
de compte de la France, résultant des décisions prises en ce sens par l’autorité royale. Selon lui, la baisse de la quantité
de métal précieux servant à définir officiellement l’unité de compte conduit nécessairement à ce que le prix (exprimé
en livres) de marchandises dont la valeur en or est inchangée augmente. Jean Bodin soutient au contraire que la hausse
des prix est réelle et qu’elle résulte de l’augmentation de la quantité d’or provenant des échanges avec l’Espagne où
afflue l’or provenant des Amériques.
35 Cette analyse fut reprise au XVIIe et au XVIIIe siècles par John Locke, William Petty, David Hume et Richard Cantillon.
On la retrouve également chez les classiques anglais (David Ricardo et John Stuart Mill) et chez les néoclassiques (Léon
Walras). Selon ces derniers, la quantité de monnaie en circulation ne peut influer sur les prix relatifs et donc sur le rap-
port selon lequel les biens s’échangent entre eux. Les variations de la quantité de monnaie ne peuvent influer que sur
le niveau général des prix.
36 Rappelons que la vitesse de circulation de la monnaie mesure le nombre de fois qu’un même moyen de paiement (le même
billet de 50 euros par exemple) est utilisé pour effectuer des transactions au cours d’une période de temps déterminée.
37 Il est supposé que le seul motif de demande de monnaie est le motif de transactions et que, rationnellement, les agents
économiques cherchent à ne détenir en permanence que des encaisses de transactions (non rémunérées) les plus faibles
possibles qui leur sont nécessaires. Or ce niveau minimum d’encaisses monétaires, et en corollaire la vitesse de circulation
de la monnaie, dépendent de divers facteurs technique et institutionnels (fréquence moyenne des encaissements et dé-
caissements, délais de paiement, niveau de développement du système bancaire…) que l’on peut supposer relativement
stables en courte et moyenne périodes, ce qui conduit à considérer V comme une constante.
38 Le plein-emploi des facteurs de production auquel correspond le produit global signifie en effet qu’il n’existe pas de
réserve de facteurs de production inutilisés qui permettrait de l’accroître en courte période. Au-delà de la référence au
plein-emploi supposé des facteurs de production déterminant le niveau auquel s’établit le produit global Y en courte
période, il y a l’idée que le produit global, et partant le volume des transactions, ne dépend que de facteurs relevant de
l’économie réelle, laquelle est imperméable aux influences monétaires. Une variation de la masse monétaire en circulation
(M), puisque c’est de cela dont il s’agit, ne peut donc influer sur le niveau de l’activité.
39 Une augmentation de M peut ainsi être compensée par une baisse de V, comme cela se produit en phase de récession
du cycle et de « trappe à liquidité » où l’augmentation de l’offre globale de monnaie se traduit par une thésaurisation
des quantités supplémentaires de monnaie créées et non par une augmentation de la dépense en achats de biens et
services, la vitesse de circulation de la monnaie baissant de manière drastique.
40 Théorie quantitative de la monnaie : une nouvelle formulation, University Press of Chicago, 1956 ; Histoire monétaire
des États-Unis, 1963.
41 En réalité, dans l’analyse de Friedman, l’augmentation de la demande de biens et services faisant suite à celle de la
masse monétaire n’est pas nécessairement immédiate. Suite à l’accroissement de la masse monétaire portant les encaisses
monétaires à un niveau supérieur à celui qui est désiré par les agents économiques, ces derniers peuvent accroître leurs
achats d’actifs financiers sur le marché des capitaux, ce qui va en faire monter le prix. Les actifs financiers se renchérissant
ainsi relativement aux actifs non financiers, la demande de ces derniers va croître à son tour, élevant leur prix. Le marché
des biens et services sera finalement atteint lui aussi et subira à son tour une augmentation de la demande.
42 À court terme, l’augmentation de la masse monétaire en circulation peut en effet se traduire par une variation des prix
relatifs en raison de la difficulté de certains agents économiques à percevoir les conséquences du changement intervenu et
à adapter rationnellement leur comportement. Les salaires nominaux peuvent retarder sur les autres prix, d’où une baisse
des salaires réels permettant aux entreprises d’augmenter momentanément la production et l’emploi (cf. infra, chapitre II).
43 Il est supposé que les variations de la base monétaire se reflètent dans celles de la masse monétaire et que, en contrôlant
la base monétaire, la Banque centrale est par conséquent en mesure de contrôler l’évolution de la masse monétaire en
circulation.
GrAPhIqUE 1.4 b
L’inflation par la demande : une représentation graphique
Les graphiques 1.4 A et 1.4 B illustrent la manière dont se manifeste l’inflation par la demande
sur le marché d’un bien quelconque considéré comme représentatif de l’ensemble des mar-
chés de biens. Sur ce marché se confrontent une offre et une demande du bien. La demande
est une fonction décroissante du prix. La forme de la courbe d’offre dépend de l’élasticité de
l’offre du bien par rapport au prix. Si l’offre est inélastique (les capacités de production sont
déjà utilisées en totalité, il n’y a pas de main-d’œuvre disponible et la production ne peut
augmenter même si le prix s’élève), la courbe d’offre est une droite perpendiculaire à l’axe
des quantités (graphique 1.4 A) ; le niveau de l’offre ne dépend pas du prix. Si, par contre,
l’offre est élastique par rapport au prix, c’est une fonction croissante du prix (graphique 1.4 B).
Une augmentation de la demande, pour l’une ou l’autre des raisons indiquées précé-
demment, se traduit graphiquement par un déplacement vers la droite de la courbe de
demande. Il en résulte une hausse du prix dont l’ampleur dépend du comportement de
48 On peut ajouter que l’impact d’une hausse des salaires sur les prix sera par ailleurs a priori d’autant plus faible que la
part des salaires dans le coût de production total des entreprises est elle-même plus faible.
49 Cela signifie que le prix auquel les entreprises vendent leur production est égal à la somme du coût de production
unitaire (W / Q) et d’un multiple m constant et positif de ce coût de production unitaire.
50 En France, il s’agit en particulier d’auteurs appartenant ou ayant appartenu à ce qui se dénomme aujourd’hui l’école de
la régulation systémique (P. Boccara, P. Herzog, L. Fontvieille…). Aux États-Unis, c’est le cas d’auteurs du courant radical
comme S. Bowles, T. Weisskopf ou D. Gordon.
Le graphique 1.5. illustre la manière dont se manifeste l’inflation par les coût sur le mar-
ché d’un bien quelconque, supposé représentatif de l’ensemble des marchés de biens. On
considère le cas où les fonctions de demande et d’offre totales sont respectivement dé-
croissante et croissante en fonction du prix. S’il se produit une hausse autonome des coûts
de production des entreprises, cela s’exprime pour chacune d’elles par un déplacement
vers le haut de sa courbe de coût marginal, ce qui traduit graphiquement le fait que, pour
chaque volume de production, le coût marginal de l’entreprise est désormais plus élevé
qu’auparavant. La courbe d’offre individuelle de chaque entreprise, qui se confond avec
sa courbe de coût marginal pour la partie située au-dessus de la courbe de coût moyen,
se déplace donc vers le haut et il en est de même de la courbe d’offre totale du bien. Il en
résulte une augmentation du prix (associée à une baisse du niveau de production) qui sera
d’autant plus marquée que la pente de la courbe de demande sera plus forte, c’est-à-dire
que l’élasticité de la demande par rapport au prix sera plus faible.
Dans les années 1960, la politique des revenus a été préconisée comme moyen de lutter
contre l’inflation par les coûts. Dans son principe, il s’agissait en quelque sorte de planifier
l’évolution des revenus, et en particulier des salaires, de manière à ce que s’effectue un
partage harmonieux des gains de productivité entre les différentes catégories de revenus,
garantissant une évolution « satisfaisante » du partage de la valeur ajoutée entre salaires
et profits. Mais le principe de cette politique fut rejeté, tant par le patronat que par les
syndicats51. Les tentatives faites en ce sens ultérieurement échouèrent également.
L’inflation par les coûts se développe d’autant plus aisément qu’il n’y a pas d’obstacle à la
fixation des prix par les agents économiques directement impliqués (les prix de vente par
les entreprises, les taux d’intérêt par les banques et les salaires par les salariés), que ces
agents économiques sont capables d’anticiper la hausse des prix et adaptent leur compor-
tement à leurs anticipations et que les structures de l’économie favorisent le déclenche-
ment et la poursuite de l’inflation (structures de marché qui permettent la collusion des
entreprises d’une branche, régime d’indexation…). Ce qui conduit à s’interroger sur les
dimensions sociale et structurelle de l’inflation.
51 Certaines organisations syndicales ont alors dénoncé ce qu’elles appelaient une « police des salaires ».
52 Le déséquilibre entre l’offre et la demande globales de monnaie qui est à la base de l’explication monétariste de l’inflation,
le déséquilibre entre l’offre et la demande globales de biens et services qui est à la base de l’explication de l’inflation par
la demande ou, par exemple, le déséquilibre du marché du travail ou celui des marchés de matières premières (pétrole,
métaux non ferreux…), conduisant à une hausse des salaires ou des prix de certains approvisionnements des entreprises,
qui est l’un des éléments auxquels fait référence l’explication de l’inflation par les coûts.
53 PERROUX François [1957], Structural Inflation and the Economic Functions of Wages, Mac Millan, Londres.
54 C’est d’ailleurs pour faire obstacle à cette évolution défavorable aux salariés que, dans les négociations salariales, les
syndicats cherchent à obtenir des augmentations de salaires qui tiennent compte de la hausse anticipée des prix.
55 L’exemple le plus fréquemment évoqué est celui de l’indexation des salaires sur les prix. Celle-ci permet de préserver le
pouvoir d’achat des salariés des hausses du coût de la vie (en tenant compte cependant des éventuels retards dans le jeu
des clauses d’indexation). Mais l’augmentation des salaires nominaux qui fait suite à une hausse des prix en application
des clauses d’indexation signifie pour les entreprises une hausse nominale de leurs coûts. Dans un contexte où il y a déjà
eu hausse des prix, les entreprises sont incitées à répercuter cette augmentation des salaires nominaux sur leurs prix de
vente, prolongeant ainsi la hausse du coût de la vie, ce qui appelle une nouvelle augmentation des salaires nominaux.
Cela signifie que, dès lors que l’inflation est lancée, le jeu des clauses d’indexation ne peut aboutir qu’à l’entretenir.
C’est d’ailleurs au nom de la lutte contre l’inflation que le plan de rigueur décidé par le gouvernement français en 1983
a engagé une politique de désindexation des salaires aboutissant à découpler leur évolution de celle des prix.
56 Si les agents économiques anticipent l’inflation et s’y adaptent en adoptant eux-mêmes un comportement inflationniste,
cela conduit à la réalisation effective de la hausse des prix ; comme déjà souligné, les anticipations sont auto-réalisatrices.
Les effets de l’inflation sont divers et concernent aussi bien la monnaie que l’activité éco-
nomique réelle (production, consommation et épargne des ménages, investissement des
entreprises) ou la répartition des revenus entre les différentes catégories d’agents écono-
miques. (§ 1). Ils sont le plus souvent jugés économiquement et socialement dangereux.
C’est le caractère négatif des effets de l’inflation qui a été mis en avant pour justifier la
priorité donnée, à partir de la fin des années 1970, à la mise en œuvre d’une politique
vigoureuse de désinflation (§ 2).
59 Il est vrai que les fluctuations du taux de change dépendent également d’autres facteurs, tels que les taux d’intérêt, la
réputation internationale de la monnaie considérée ou les perspectives du commerce extérieur ; mais le rôle de l’inflation
pour la détermination du taux de change est très important.
60 On appelle « boucle de Hansen » le processus selon lequel une inflation nationale supérieure à celle des partenaires
commerciaux entraîne une dépréciation de la monnaie nationale, faisant augmenter les prix des importations, ce qui
est un facteur de pérennisation et de stimulation de l’inflation dans le pays considéré.
61 Selon la formule d’Yves Crozet (1995, p. 57), l’inflation des années 1960 a « masqué la préférence pour l’investissement ».
62 En effet, alors que les revenus nominaux générés par l’investissement croissent avec les prix, le montant nominal des
remboursements d’emprunts contractés pour le financer est fixe, ce qui signifie pour l’emprunteur une baisse de la charge
réelle représentée par le remboursement ; et il en est de même pour ce qui concerne les intérêts sur l’emprunt. En France,
sur l’ensemble de la période 1963-1974, les taux d’intérêt réels se sont élevés en moyenne annuelle à 0,94 % seulement, ce
qui signifiait pour les débiteurs une charge réelle, représentée par le paiement des intérêts, très faible (Bezbackh, 1990).
63 Outre que le rendement réel pour l’État de l’impôt progressif sur le revenu peut être amélioré en cas d’inflation si le
niveau des différentes tranches nominales de l’impôt est relevé d’un pourcentage inférieur au taux d’inflation.
64 L’indice du pouvoir d’achat permet de mesurer l’impact de la hausse des prix sur le pouvoir d’achat du revenu nominal.
L’inflation est également à l’origine d’un transfert de ressources entre prêteurs et em-
prunteurs .
Le taux d’intérêt réel (r) est égal à : r = (i – p) / (1 + p), expression dans laquelle i désigne le
taux d’intérêt nominal et p le taux d’inflation. Si le taux d’inflation est relativement faible,
le dénominateur du rapport est à peine supérieur à 1 et, par approximation, le taux d’inté-
rêt réel peut alors être défini par le numérateur du rapport, soit la différence entre le taux
d’intérêt nominal et le taux d’inflation. Si le taux d’intérêt réel est négatif, c’est-à-dire que
le taux d’inflation est supérieur au taux d’intérêt nominal, configuration qui s’est rencon-
trée à différentes reprises jusqu’aux années 1970 incluses65, le pouvoir d’achat de la somme
récupérée par le prêteur au terme du prêt (remboursement du prêt qu’il a accordé majoré
Il est égal au rapport, multiplié par 100, de l’indice du revenu nominal sur l’indice des prix. Si, par exemple, entre to et tn
l’indice du revenu nominal passe de 100 à 146 tandis que celui des prix passe de 100 à 127, l’indice du pouvoir d’achat
du revenu s’établira pour une base 100 en to à (146 / 127) . 100 = 114,9 en tn, ce qui signifie que le pouvoir d’achat du
revenu nominal, autrement dit le revenu réel, a augmenté de 14,9 % entre to et tn.
65 Ce fut le cas entre 1974 et 1980, période au cours de laquelle les taux d’intérêt réels se sont établis en moyenne à – 1,1 %
(Crozet, 1995, p. 62).
66 Exemple : une somme de 1 000 est prêtée pour un an au taux d’intérêt de 8 % mais le taux d’inflation pendant l’année
du prêt est de 12 %. Au bout d’un an, le prêteur récupère 1 080 (1 000 prêtés + 80 d’intérêts). Le pouvoir d’achat de
cette somme est égal à (1 080 / 112) x 100 = 964,28, 112 étant l’indice des prix au moment du remboursement pour une
base 100 au moment où le prêt à été accordé. Le prêteur a donc subi une perte de pouvoir d’achat égale à 35,72. Cette
perte représente le gain d’un montant identique réalisé par l’emprunteur. Le prêteur ne réalise un gain de pouvoir
d’achat à la suite de son prêt que si le taux d’intérêt réel est positif, autrement dit que si le taux d’intérêt nominal est
supérieur au taux d’inflation.
67 1 010 milliard de francs de dépréciation cumulée des créances nettes pour 1 070 milliards de capacité de financement.
De 1971 à 1983, la dépréciation des créances des ménages a représenté en moyenne annuelle approximativement 5,5 %
de leur revenu disponible brut et 34 % de leur épargne (Bezbackh, 1990). Pendant cette période, les taux d’intérêt sur les
livrets d’épargne ont été systématiquement inférieurs à l’inflation. Les épargnants des classes populaires, pour lesquels ces
livrets représentaient alors une importante forme d’épargne financière, ont donc été dans la situation évoquée ci-dessus.
68 Selon l’expression utilisée par le Gouverneur de la Banque de France, Jean-Claude Trichet (1992).
69 J.-C. Trichet (1992) explique que, dans une « économie totalement ouverte », l’économie nationale ne peut progresser à
un rythme supérieur à celui de ses partenaires que si elle vend « proportionnellement plus sur le marché domestique et
sur les marchés étrangers » et donc que si elle est capable de « manufacturer ses biens et produire ses services à moindre
coût, donc à meilleur prix, que les économies de ses partenaires ».
65
OCDE
60
Base 95
55
65 69 73 77 81 85 89 93 97 01
Source: OCDE de 1965 à 1995, comptes nationaux base 1995 de 1980 à 2000, prévision OFCE de 2001 à 2010.
Revue de l’OFCE, n° 80, janvier 2002, p. 64
CHAPITRE 2
1 Le terme de chômeur, qui désigne à l’origine la situation des ouvriers privés de travail, n’apparaît dans le vocabulaire
économique et politique qu’au tournant des années 1880. Au recensement de 1891, les chômeurs ne forment pas une
catégorie spécifique, ils sont rangés parmi les personnes non classées à côté des « professions inconnues, enfants trouvés,
personnes sans profession (vagabonds, saltimbanques…) ». Ce n’est qu’avec le recensement de 1896 qu’apparaît la caté-
gorie proprement dite des « chômeurs » (Albertini, 1996, p. 5).
sance du chômage. S’est alors peu à peu imposée l’idée selon laquelle le chômage n’était
plus seulement conjoncturel, résultant du ralentissement momentané du rythme de la
croissance économique, mais était devenu, pour partie au moins, structurel et durable, lié
aux transformations du système productif et à certaines évolutions socio-économiques.
De fait, la montée du chômage s’est poursuivie tout au long des années 1980 et 1990, le
taux de chômage s’établissant à une moyenne annuelle de 8,3 % en 1981-1985, 10 % en
1986-1990 et 11,2 % en 1991-1995. Le haut de la vague a été atteint au milieu des années
1990 avec un taux de chômage de 12,3 % en 1997. Une nette décrue s’est ensuite amorcée,
le taux de chômage revenant à 8,8 % début 2001, alors que la France retrouvait, pour une
brève période (1997-2000), un rythme de croissance économique plus soutenu. Entre 1997
et 2000, la France crée 1,8 million d’emplois dont 600 000 en 2000. Alors que les emplois du
secteur marchand avaient pratiquement stagné entre 1974 (13,75 millions) et 1996 (13,85
millions), ils augmentent de 15 % en 5 ans.
L’espoir d’un reflux durable du chômage qui s’était alors fait jour fut cependant rapide-
ment démenti. Le taux de chômage s’est en effet rapidement redressé pour atteindre 10 %
en octobre 2003. Il s’est maintenu à ce niveau jusqu’à la fin de l’année 2004 et a subi une
nouvelle hausse début 2005, le portant à 10,2 % en avril 2005.
Il a ensuite amorcé, à la fin du premier semestre, un nouveau mouvement de repli qui s’est
poursuivi jusque dans les premiers mois de l’année 2008, mais dont l’ampleur exacte a fait
un temps débat. Cette nouvelle baisse du chômage a pu être interprétée comme résultant
de la conjonction du ralentissement très net de la croissance de la population active, lié
au départ à la retraite des premières générations du baby boom, et de la création de nou-
veaux dispositifs d’emplois aidés, en particulier dans le cadre du Plan de cohésion sociale :
265 000 emplois aidés en 2005 et environ 300 000 en 2006 (contrats d’avenir et contrats
d’accompagnement dans l’emploi), 250 000 contrats d’avenir ayant été programmés res-
pectivement pour 2006, 2007 et 2008. À partir de la fin du 1er semestre 2008, le chômage
a recommencé à augmenter sous l’effet de la nouvelle crise économique conjoncturelle.
Si la réalité du chômage, son caractère massif et durable dans un pays comme la France
ne sont malheureusement pas contestables, sa définition précise et sa mesure font cepen-
dant débat, en raison de la présence, à côté des chômeurs proprement dits, de diverses
catégories de personnes dont la situation au regard de l’emploi n’est pas satisfaisante.
En effet, la dégradation de la situation de l’emploi depuis les années 1970 ne s’est pas
limitée à la seule montée du chômage proprement dit. Elle se manifeste également par
l’apparition et le développement de formes d’emplois atypiques dont les titulaires sont
souvent en situation précaire (section 1). Les enquêtes d’opinion confirment régulière-
ment que le chômage est, depuis de longues années, le premier sujet d’inquiétude des
Français. À l’aune de la place qu’il occupe ainsi dans les préoccupations des populations,
le chômage est l’objet d’un débat théorique et politique extrêmement nourri sur sa ou ses
causes principales et, en corollaire, sur le ou les moyens de le résorber, autrement dit sur
les politiques qu’il faudrait éventuellement mettre en œuvre pour le combattre. Les expli-
cations qui en sont proposées sont d’une très grande diversité. Elles vont de l’insuffisante
flexibilité du marché du travail et des rigidités imposées par le respect du Code du travail,
aux destructions d’emplois suscitées par le progrès technique, en passant par la faiblesse
de la demande globale, la recherche exacerbée de profits des entreprises, la concurrence
des pays émergents, l’augmentation du taux d’activité des femmes, les hausses inconsidé-
2 Cette enquête Emploi de l’INSEE permet de mesurer, outre le chômage tel qu’il est défini par le BIT, la durée du travail,
la formation des personnes interrogées, leur origine sociale, les emplois précaires... Autrefois annuelle, l’enquête est
trimestrielle depuis 2002. Elle est réalisée en continu, chaque semaine. Elle porte sur un échantillon d’environ 36 000
logements (avec renouvellement par 6ème), dont les occupants sont interrogés six fois successivement, à intervalles d’un
trimestre (75 000 personnes interrogées chaque trimestre).
GrAPhIqUE 2.1
L’évolution du marché du travail
Source : INSEE.
3 Il peut, par exemple, baisser, alors que le nombre de chômeurs reste le même, si la création d’un nombre donné d’emplois
suscite une augmentation de la population active d’un effectif équivalent. Un exemple numérique permet d’illustrer ce
point. Supposons qu’en t1 il y a 2 millions de chômeurs pour une population active totale de 20 millions de personnes,
soit un taux de chômage de 10 %. En t2, 200 000 emplois nouveaux sont créés dans l’économie, mais cette création d’em-
plois crée parallèlement l’entrée sur le marché du travail de 200 000 personnes qui faisaient partie jusque-là des inactifs
(femmes au foyer qui se portent sur le marché du travail, chômeurs découragés qui se remettent à chercher activement
un emploi…). Au final, le nombre total de chômeurs demeurera inchangé, tandis que la population active aura augmenté
et le taux de chômage diminué.
4 Ceci n’est cependant pas spécifique à la France. Ainsi, en 2005, le taux de chômage et la proportion des jeunes de 15-24
ans au chômage était respectivement de 18,25 % et 8,4 % pour l’Union européenne à 25, 15 % et 7,7 % pour l’Allemagne,
19,7 % et 9,4 % pour l’Espagne, 36,9 % et 13,2 % pour la Pologne, etc.
14
12
10
0
1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000
Source : INSEE ; OFCE, L’économie française en 2006.
5 En 2003-2004, selon une étude du CEREQ de septembre 2005, 59,9 % des 15-24 ans sont scolarisés, 26,7 % ont un emploi
(dont 44,3 % en CDI, 22,3 % en CDD, 12 % en apprentissage, 7,8 % en stages et contrats aidés, 7,6 % en intérim, 4,3 %
en autres contrats et 1,7 % en emploi non salarié), 7,8 % sont au chômage et 5,6 % sont classés comme « autres inactifs »
(ni scolarisés ni inscrits à l’ANPE).
11,5 11,5
11,0 11,0
10,5 10,5
10,0 10,0
9,5 9,5
9,0 9,0
8,5 8,5
8,0 8,0
zone OCDE
66
64
France
62
60
Sources : OCDE.
58 Le Monde, 28-06,
1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2006 2007, p. 12
6 Il était en 2005 de 63,1 % en France contre 65,2 % dans l’UE à 15 (France, portrait social, 2006, p. 31).
7 Une hausse du taux d’emploi permet de relever le niveau de la croissance potentielle tout en augmentant les ressources
de la protection sociale, ce qui explique que la stratégie de Lisbonne pour l’emploi s’est fixé comme objectif une élévation
du taux d’emploi moyen dans les pays de l’Union européenne.
8 La situation est un peu différente en ce qui concerne le taux d’activité ou rapport de la population active à la population
en âge de travailler. Celui-ci est très élevé en France pour les hommes et les femmes de 25 à 54 ans. Mais il est particuliè-
rement faible en début et en fin de vie active, chez les 15-24 ans et chez les 55-64 ans.
TAbLEAU 2.2
Evolution de l’ancienneté moyenne du chômage, France (en mois) : 1968-2005
1968 1972 1974 1978 1980 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992
Hommes 8,8 8,2 8,6 9,4 10,6 13,7 14,8 15,9 16,0 16,0 13,5 13,2 12,4
Femmes 8,8 8,7 8,5 11,2 12,3 16,2 16,6 17,2 17,0 16,5 14,3 14,4 13,8
1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005
Hommes 11,5 12,4 14,3 14,0 14,4 15,5 14,4 15,4 14,7 12,2 16,0 14,6 14,3
Femmes 13,2 13,6 14,9 15,3 15,5 16,4 15,2 16,3 14,3 13,4 15,6 14,0 14,3
Nombre de mois, en mars de chaque année, sauf pour 1999 (janvier). Moyenne annuelle pour 2004 et 2005
Construit d’après diverses sources INSEE.
9 Tableaux de l’Économie Française, 2006, p. 81. En mars 2006, 715 000 demandeurs d’emploi étaient inscrits depuis plus
d’un an à l’ANPE, soient 31,2 % des DEFM de la catégorie 1.
GrAPhIqUE 2.5
Proportion de demandeurs d’emploi ayant un an et plus d’ancienneté, France :
1968-2004
50
41,3
40
30 35,5
23,4
20
10
1968 11 74 77 80 83 86 89 92 95 98 01 02 04
Taux en mars de chaque année (sauf celles du recensement) jusqu’en 2002. A partir de 2002, taux en moyenne an-
nuelle. A partir de cette année, l’enquête emploi ayant été modifiée, il y a rupture de série.
Sources : Insee, Enquêtes emploi ; Le Monde, 3 mai, 2005, p. II.
ou qui ne permet pas la pleine utilisation de sa qualification professionnelle. Il est visible lorsque les personnes travaillent
involontairement moins que la durée normale de travail et sont à la recherche d’un emploi supplémentaire ou sont dis-
ponibles pour un tel travail durant la période de référence. Il est invisible quand il correspond à la situation de personnes
exerçant une activité professionnelle dans laquelle leurs qualifications ne sont pas pleinement utilisées.
14 Certains auteurs vont encore plus loin en ajoutant aux chômeurs et aux différentes catégories de personnes victimes du
sous-emploi évoquées ci-dessus, la population carcérale, comme le fait A. C. Robert (1998, p. 20) pour les États-Unis : « la
baisse des revenus a entraîné la criminalisation d’une partie de la société, à laquelle l’autre répond par une politique
répressive d’une brutalité sans équivalent dans les autres pays développés : en dix ans, la population carcérale américaine
a plus que doublé, passant de 750 000 à 1 700 000, pour la plupart des jeunes des minorités ethniques, principalement
des Noirs. En toute rigueur statistique, il faut donc augmenter de 1 700 000 (presque 2 %) le nombre de chômeurs
GrAPhIqUE 2.6
Emploi, chômage et politiques spécifiques d’emploi, France, 1973-2004
dans la population active, il se serait établi en 2005 à 1,5 million de personnes pour 2,5 millions de chômeurs au sens du
BIT. Les chiffres étaient respectivement de 2,7 millions et 4,6 millions pour l’Allemagne et de 2,3 millions et 1,9 million
pour l’Italie (Lemoine, 2007, p. 2).
21 Les contrats aidés désignent les contrats d’aide à l’emploi (CES, CIE, emplois jeunes, etc. et les stages de la formation
professionnelle classés dans l’emploi selon les critères du BIT.
22 Si cela peut paraître relativement peu, il faut cependant tenir compte de ce que « ce sont toujours, presque toujours, les
mêmes qui passent et repassent sur le marché travail » (Clerc, 1999, p. 66).
Compte tenu de son évolution au cours des trois dernières décennies et compte tenu éga-
lement du niveau élevé auquel il se maintient encore aujourd’hui en France, le chômage
est ressenti à juste titre comme une menace par la grande majorité des salariés. Reste qu’il
affecte différemment les individus selon le sexe, l’âge, la catégorie socioprofessionnelle, le
niveau de qualification...
• Le taux de chômage des femmes est généralement supérieur à celui des hommes, et en
particulier dans les pays méditerranéens (Espagne, Italie...). C’est le cas en France (ta-
bleau 2.5). En 2005, pour un taux de chômage d’ensemble de 9,8 %, le taux de chômage
était de 10,8 % pour les femmes et de 9 % pour les hommes. L’écart est maximal entre
30 et 49 ans (9,8 % pour les femmes et 7 % pour les hommes) (enquête Emploi, 2005).
Tableau 2.5
Taux de chômage par sexe et âge* : France, 1990-2005
• Le taux de chômage des jeunes de moins de 25 ans est particulièrement élevé en France.
Il s’établissait à 11,4 % (au sens du BIT) en 1977 puis a fortement progressé jusqu’en 1984
pour atteindre alors 25,3 %. Il a ensuite fluctué au rythme de la conjoncture économique
globale et de l’impact des différents dispositifs spécifiques pour l’emploi des jeunes mis
en place par les gouvernements successifs : 16,5 % en 1990, 25,5 % en 1997, 18,1 % en
2001, 22,3 % en 2005 (graphique 2.7).
* France métropolitaine. Rupture de série à partir de 2002, suite à nouvelle enquête emploi. Le taux de chômage est
en moyenne annuelle à partir de cette date.
Source : Tableaux de l’Economie française, 2006, p. 91.
Il est presque partout supérieur à celui des « adultes », ce qui traduit les difficultés d’in-
sertion professionnelle des jeunes générations dans un contexte de chômage global élevé.
Le taux de chômage des jeunes de 15-24 ans était en 2007 de 15,2 % dans l’Union euro-
péenne à 25 (19,4 % en France) avec une fourchette allant de 5,2 % aux Pays-Bas à 22,9 %
en Grèce.
L’insertion professionnelle des jeunes s’effectue aujourd’hui dans des conditions très dif-
férentes de celles qui prévalaient jusqu’au milieu des années 1970. Les jeunes sortant du
système scolaire étaient alors en règle générale embauchés rapidement en CDI et acqué-
raient au sein de l’entreprise les éventuels compléments de formation professionnelle
dont ils pouvaient avoir besoin. Aujourd’hui, l’insertion professionnelle selon ce schéma
ne concerne plus qu’une fraction seulement des jeunes issus du système scolaire. Pour une
majorité d’entre eux, le temps qui s’écoule entre la sortie du système scolaire et l’accès à
l’emploi sous forme d’un CDI s’est considérablement allongé. Dans cet intervalle de temps,
ils alternent souvent, et c’est en particulier le cas des moins diplômés, différentes formes
d’emplois atypiques et des périodes de chômage. L’apprentissage bénéficie ces dernières
années d’un certain regain d’intérêt mais ne concerne cependant encore qu’une fraction
limitée de l’effectif de chaque génération. Par contre, les stages en tous genres (stages de
qualification, d’insertion, d’initiation), qui confèrent aux jeunes soit le statut de stagiaires
de la formation professionnelle soit un contrat de travail, se sont fortement développés
depuis en particulier la fin des années 1970 et la mise en place du premier « pacte pour
l’emploi des jeunes ». L’intérim et les CDD, que les jeunes enchaînent les uns après les
autres, jouent également un rôle de plus en plus important dans ce processus d’insertion
professionnelle qui, pour une fraction croissante de chaque génération, ressemble de plus
en plus à une course d’obstacles23. Cela étant, le niveau de formation initiale du jeune qui
23 C’est particulièrement vrai pour les jeunes d’origine étrangère puisque, selon l’enquête Emploi Insee de 2005, le taux de
chômage des jeunes de 15-24 ans ressortissants de pays d’Afrique était alors de 43,4 %.
TAbLEAU 2.6
Taux de chômage de quelques catégories sociales et selon le diplôme* : 1990-
2005
Janvier Mars Mars Moyenne Moyenne
Catégories sociales
1990 1990 1995 2003 2005
Cadres, prof. Intel. sup. 2,6 5,0 3,7 4,1 4,9
Professions intermédiaires 4,1 6,7 5,5 5,0 5,5
Employés 11,9 14,6 12,4 9,1 10,3
Ouvriers 12,2 14,2 14,4 10,8 12,5
Diplôme
Sans diplôme ou CEP 13,1 16,4 16,2 14,7 15,0
BEPC, CAP, BEP 8,5 10,7 9,4 9,0 9,3
Baccalauréat 6,7 10,1 8,9 8,7 9,2
Bac + 2 3,8 7,4 5,3 6,0 6,6
Diplôme supérieur 3,6 6,9 5,6 7,6 7,0
Note : taux de chômage en mars de chaque année sauf celles du recensement (avril en 1982, janvier en 1990 et
1999).
Source : INSEE, enquêtes Emploi. France, portrait social, 2003-2004, p. 171.
Selon l’enquête « Génération 2000 » du Centre d’études et de recherches sur les qualifi-
cations (CEREQ) qui permet de connaître la situation des jeunes de cette génération 3 ans
après leur sortie du système scolaire, il apparaît que, si 68 % des jeunes de cette génération
ont finalement accédé à un emploi durable au terme de ces trois années, 47 % ont connu
au moins une période de chômage pendant ces trois premières années de vie active. La
première période de chômage a duré plus d’un an pour 45 % des jeunes non qualifiés et
pour 12 % des diplômés de 3ème cycle. Le premier emploi était un CDI pour 31 % des non
qualifiés et pour 56 % des diplômés de 3ème cycle25 (graphique 2.9).
24 De ce point de vue, l’amélioration incontestable, mais provisoire, de la situation globale de l’emploi qui s’était produite
à la fin des années 1990 ne s’est pas accompagnée d’une réduction de l’inégalité devant le risque de chômage selon le
niveau de diplôme. Différentes études montrent ainsi que les inégalités face au chômage entre les diplômés du supérieur
et les personnes sans diplôme étaient aussi élevées en 2000 qu’en 1993 (Maurin et alii, 2004 ; Atkinson et alii, 2001),
avec un taux de chômage des hommes (femmes) sans diplôme 3,5 fois (5 fois) plus élevé que celui des hommes (femmes)
diplômé(e)s de l’enseignement supérieur. Cela semblerait s’expliquer en partie par le fait que, pendant la décennie 1990,
« les besoins en travailleurs non qualifiés ont décliné de façon tout aussi rapide que le nombre de personnes peu ou pas
diplômées dans la population active. Dans ce contexte, les perspectives d’emploi des personnes les moins diplômées n’ont
guère pu se rapprocher de celles des personnes les plus diplômées » (Maurin et alii, 2004, p. 25).
25 Selon l’enquête « Génération 92 » réalisée par le CEREQ, pour 100 jeunes sortis du système scolaire en 1992 sans diplôme
ou avec seulement une première année de CAP-BEP, 23 % n’ont jamais été au chômage et 20 % l’ont été au moins 36
mois. Pour 100 jeunes diplômés de l’enseignement supérieur long, ces chiffres étaient respectivement de 41 % et de
2 % (Clerc, 1999, p. 68-69).
Non qualifié 31 23 22 18 6
Niveau CAP ou BEP
non diplômé, 2de ou 1re 28 26 31 10 5
CAP ou BEP 34 27 18 14 7
Niveau bac non diplômé 28 27 30 9 6
Bac professionnel
ou technologique 31 27 21 16 5
Niveau bac+1 ou bac+2
non diplomé 32 27 22 13 6
Bac+2 32 37 21 6 4
2e cycle 51 30 7 7 5
3e cycle 56 31 6 3 4
Sources : CEREQ. Le Monde, 15-06, 2005, p. 9.
Si le diplôme apparaît bien encore aujourd’hui comme une protection contre le chômage,
il reste qu’il ne permet plus aussi aisément que par le passé d’accéder à des emplois quali-
fiés et d’encadrement. Au cours des dernières décennies, le nombre d’emplois qualifiés a
progressé moins vite que le nombre de diplômés, de sorte qu’il n’est plus possible à tous les
nouveaux diplômés d’accéder à des emplois correspondant à leur niveau effectif de qua-
lification. C’est ainsi que, dans les jeunes quittant le système scolaire avec le baccalauréat
à la fin des années 1960 (18 % d’une classe d’âge), 70 % accédaient à un poste de cadre
ou à une profession intermédiaire. Au début des années 2000, alors que près de 70 %
d’une classe d’âge obtient le baccalauréat, la proportion de ceux qui accèdent à un poste
de cadre ou à une profession intermédiaire n’est plus que de 25 %. Un tiers des jeunes
titulaires d’un Bac + 4 et occupant un emploi deviennent employés. Dans la fonction pu-
blique, 64 % des jeunes recrutés sont titulaires de diplômes très supérieurs à ceux requis
par le concours (Dubet et Duru-Bellat, 2006, p. 22). En fait, comme le soulignent ces deux
auteurs, « s’il est évident que chacun a intérêt à élever son niveau de diplôme, ne serait-
ce que pour résister au déclassement, ce choix rationnel au niveau individuel entretient
lui-même le déclassement général des diplômés au niveau collectif » (id., 22). Toujours
selon une enquête du CEREQ, alors que 38 % seulement d’une classe d’âge obtiennent un
diplôme d’enseignement supérieur, la proportion des diplômés qui sont employés trois ans
après leur sortie de l’université à un niveau inférieur à celui qui correspond normalement
à leurs diplômes est passée pour les Bac + 2 de 22 % en 1981 à 43 % en 1997 et, pour les
Bac + 3 et plus, de 36 % à 45 %. Par ailleurs, selon une étude du Conseil économique et
social, les entreprises accueilleraient 800 000 stagiaires par an dont 60 000 à 120 000, selon
les estimations, occuperaient en fait des postes de travail à temps plein.
26 Théorie dite de « la file d’attente » qui explique la permanence d’inégalités devant le chômage. « Derrière l’apparence
d’un ‘‘chômage d’inadéquation’’ (des candidats à l’emploi qui ne possèdent pas les compétences requises pour occuper
les emplois existants) se cache donc vraisemblablement un ‘‘chômage de file d’attente’’, permettant de sélectionner les
candidats jugés les plus attractifs par ordre de diplôme ou d’expérience décroissant » (Clerc, 1999, p. 32-33).
27« Grands » pays car les petits pays européens ont souvent des taux de chômage sensiblement plus faibles. Taux en 2007 :
Suède (6,1 %), Danemark (3,8 %), Autriche (4,4 %), Pays-Bas (3,2 %), Luxembourg (4,7 %).
Les disparités de l’exposition au risque du chômage selon l’âge, le sexe, les qualifications
sont assez semblables d’un pays à l’autre et reflètent grosso modo celles que l’on observe
en France. Pourtant quelques différences valent d’être soulignées.
• Le taux de chômage des femmes qui est supérieur à celui des hommes en France lui est
inférieur en Grande-Bretagne et en Irlande ; il lui est quasiment identique aux États-Unis
ou au Japon.
• Si le chômage des 15-24 ans est le plus souvent supérieur à celui des adultes, l’écart
entre les deux taux varie sensiblement d’un pays à l’autre. Si l’on compare, par exemple,
la situation de la France et celle de l’Allemagne depuis le début de la décennie 2000, on
observe que, pour des taux de chômage globaux des deux pays très proches, le taux de
chômage des moins de 25 ans est en France en moyenne un tiers supérieur à celui de
l’Allemagne (tableau 2.8).
TAbLEAU2.8
Taux de chômage de la population active totale et des jeunes de 15-24 ans
29 En faisant abstraction, dans le modèle de représentation du fonctionnement de l’économie le plus simple qu’il soit possible
d’envisager, de l’éventuelle demande de capitaux provenant des administrations publiques.
33 Les salariés qui ne trouveraient pas à s’embaucher à ce salaire (W/P)1, mais qui seraient disposés à travailler pour un salaire
plus faible, offriraient leur travail pour un salaire inférieur à (W/P)1 contraignant les autres salariés à en faire autant et
ce, jusqu’à ce que le marché parvienne finalement en situation d’équilibre (cf. infra).
Tous les individus qui acceptent ce salaire d’équilibre, c’est-à-dire qui offrent effectivement
leur travail sur le marché à ce salaire d’équilibre, trouvent un emploi. Ne restent par consé-
quent sans emploi, pour la théorie néoclassique, que ceux qui désirent un niveau de rému-
nération plus élevé que le salaire d’équilibre, et ne sont offreurs de leur travail que pour un
niveau de salaire réel supérieur à ce salaire d’équilibre. Leur chômage est donc qualifié de
volontaire. Pour obtenir un emploi, il suffit à un chômeur (volontaire) de réduire ses pré-
tentions et d’accepter le salaire d’équilibre du marché, puisque, à ce salaire d’équilibre, la
demande globale de travail est, par définition même de l’équilibre, égale à l’offre globale.
Le marché du travail étant préalablement en équilibre, s’il survient un événement nou-
veau qui le déséquilibre, le jeu de la concurrence aboutit nécessairement à l’établissement
d’un nouvel équilibre, correspondant à un nouveau salaire réel d’équilibre : l’équilibre est
stable. Soit, par exemple, l’arrivée d’immigrants dans le pays qui offrent leur travail sur le
marché, augmentant ainsi l’offre globale de travail pour tout niveau possible du salaire
réel. Pour l’ancien salaire d’équilibre, l’offre de travail excède désormais la demande, de-
meurée inchangée. Certains offreurs de travail, plutôt que de rester sans emploi, acceptent
alors de travailler pour un salaire inférieur à l’ancien salaire d’équilibre, contraignant par
cela même d’autres offreurs de travail à faire de même. La concurrence entre les offreurs
de travail fait baisser le salaire. Mais, dès lors que le salaire baisse, les entreprises peuvent
embaucher un nombre accru de salariés relativement à la situation d’équilibre initiale. Un
nouvel équilibre du marché, caractérisé par un nouveau salaire réel d’équilibre inférieur
au salaire d’équilibre initial, et un niveau d’emploi supérieur au niveau initial, sera ainsi
finalement atteint.
Sur le graphique 2.13, l’augmentation de l’offre globale de travail due à l’arrivée des im-
migrants se traduit par un déplacement de la courbe d’offre de travail parallèlement à
elle-même vers la droite. La courbe d’offre globale de travail O*T se substitue à la courbe
d’offre globale de travail initiale OT. Cette nouvelle courbe d’offre de travail (O*T) coupe
la courbe de demande (qui, elle, ne se modifie pas) au point E’ correspondant au nouvel
équilibre du marché. Le segment AB sur le graphique représente l’excès de l’offre sur la
demande de travail qui se manifeste sur le marché à l’ancien salaire réel d’équilibre du
34 Le lecteur traitera lui même le cas où, par exemple, suite à la perte de débouchés, les entreprises décident de réduire leur
production et diminuent en conséquence leur demande de travail. La courbe de demande globale de travail se déplace
vers la gauche, et un nouvel équilibre du marché s’établit qui correspond à un salaire d’équilibre et un niveau d’emploi
d’équilibre plus faibles qu’initialement.
37 On retrouve cette thèse, avec diverses variantes, chez de nombreux auteurs qui tendent à rendre les protections légales
ou autres dont bénéficient certains salariés responsables du chômage tels, par exemple, M. Godet expliquant que : « à
mes yeux le chômage des uns s’explique en partie par la protection excessive dont jouissent les autres, détenteurs d’un
emploi garanti par des conventions collectives héritées des années faciles » (1997, p. 45-46).
38 Dans cet ordre d’idée, certains auteurs développent la thèse selon laquelle le chômage massif qui affecte la France serait
finalement le résultat des hausses des salaires réels et des charges sociales associées aux salaires. Ils opposent en particulier,
à l’appui de leur argumentation, la situation de la France où, de 1967 à 1995, le salaire réel (salaire + charges sociales) a
progressé de 55 % tandis que le nombre d’emplois n’augmentait que très faiblement, à celle des États-Unis où, pendant
la même période, le salaire réel ne s’élevait que de 20 % alors que le nombre d’emplois augmentait de 50 % (cf. sur ce
point D. Clerc, 1999, p.141 et suivantes).
43 J. Généreux (2002, p. 76), souligne pour sa part qu’en Europe « au cours des 10 dernières années, l’emploi a souvent
été plus dynamique et le chômage plus faible dans les pays à coût du travail élevé et à forte hausse annuelle des sa-
laires ». S’il est possible de mettre en évidence une relation négative entre l’emploi et le coût absolu du travail celle-ci
est cependant relativement faible (idem). On serait par contre, selon lui, en droit de s’interroger sur la relation entre les
profits et le niveau de l’emploi. Si, selon le fameux théorème de Helmut Schmidt (ancien Chancelier de la RFA) les profits
d’aujourd’hui sont censés faire les investissements de demain et les emplois d’après-demain, Keynes avait déjà souligné
« comment l’exigence d’un taux de rendement du capital anormalement élevé contribue au déclin de l’activité et de
l’emploi en opérant une redistribution du revenu défavorable à la consommation populaire et favorable aux placements
spéculatifs » (id., p.78).
44 Les auteurs de l’étude ajoutant néanmoins : « on est généralement d’accord pour dire que, s’il est élevé, un salaire
minimum légal réduit l’emploi » (1998, p. 63).
45 L’exemple du téléphone ou du trafic aérien est souvent mis en avant pour justifier cette politique, bien que l’expérience
soit loin d’être aussi concluante, pour ne pas dire plus, que le prétendent ses défenseurs (cf. infra, chapitre VIII).
46 Si l’égalité de l’épargne globale et de l’investissement global se réalise néanmoins ex post, le niveau du produit/revenu
global qui correspond à la réalisation de cette égalité ex post de l’épargne et de l’investissement peut être différent de
celui qui aurait correspondu à la réalisation ex ante de l’équilibre macroéconomique (cf. tome 1, chapitre V).
47 On rappelle que la fonction de consommation keynésienne de courte période est du type C = Co + c . Y, avec c la pro-
pension marginale à consommer (positive et inférieure à 1) et Y le revenu global.
48 L’équation de l’équilibre macroéconomique étudiée antérieurement (cf. tome 1, chapitre V) Y = [1 / (1 – c)] (Co + I) montre
que le niveau du produit/revenu global d’équilibre, déterminant lui-même le niveau de l’emploi, dépend de la valeur
de la propension marginale à consommer (c) et du montant de l’investissement global (I). La propension marginale à
consommer étant supposée constante en courte période, le plein-emploi ne peut être atteint que si l’investissement global
s’établit au niveau suffisant pour induire le revenu global d’équilibre qui correspond au plein-emploi. Or l’investissement
dépend des valeurs, respectivement, du taux de rendement interne anticipé des investissements et du taux d’intérêt,
variables qui n’ont a priori aucun rapport avec la quantité de travail que les personnes à la recherche d’un emploi sont
disposées à offrir au salaire moyen en vigueur dans l’économie. Il n’y a par conséquent aucune raison a priori pour que
l’investissement s’établisse effectivement au niveau requis pour la réalisation du plein-emploi.
L’analyse keynésienne de l’offre de travail des salariés est par contre très différente de
celle des néoclassiques.
D’une part, il est supposé que cette offre de travail est une fonction du salaire nominal
(W), et non du salaire réel (W/P). Cela ne signifie pas que les salariés seraient victimes
d’une illusion monétaire leur faisant confondre l’évolution du salaire nominal et celle du
salaire réel. Cette hypothèse tient à ce que, dans la réalité, les contrats de travail négociés
49 Cela signifie que, si pour Keynes la baisse du salaire nominal (W) ne constitue pas un moyen de réaliser le plein-emploi
(cf. infra), par contre l’augmentation du niveau de l’emploi suppose nécessairement une baisse du salaire réel (W/P). La
relation établie par Keynes entre l’emploi global (et par conséquent la demande de travail des entreprises) et le salaire
réel renvoie cependant à une relation de causalité opposée à celle que supposent les néoclassiques. Pour ces derniers,
la demande de travail (et donc l’emploi global) augmente parce que le salaire réel baisse. Pour Keynes, c’est parce que
l’emploi global augmente, le niveau de l’emploi global dépendant de la demande effective, que le salaire réel doit baisser.
50« Alors que la main-d’œuvre résiste ordinairement à la baisse des salaires nominaux, il n’est pas dans ses habitudes de
réduire son travail à chaque hausse des prix des biens de consommation ouvrière » (Keynes, 1936, p. 34).
51 Keynes distingue en fait deux seuils d’emploi quant à l’impact d’une variation de l’emploi global (et donc de la demande
effective qui détermine l’emploi global) sur l’évolution du salaire nominal : le « point critique ultime de plein-emploi »
(1936, p. 302), pour lequel toute augmentation entraîne une hausse proportionnelle du salaire nominal ; la zone des
« points semi critiques préalables », pour laquelle le salaire nominal s’adapte de manière discontinue aux variations de
l’emploi en raison de facteurs divers tels que « l’état d’esprit des travailleurs, ainsi que la politique des employeurs et
des syndicats » (cf. sur ce point Reynaud, 1994, p. 24).
La conclusion de cette analyse est donc que l’augmentation du niveau de l’emploi global
et la réduction du chômage n’impliquent pas la baisse du salaire nominal, la hausse des
prix constituant un autre moyen d’obtenir la baisse du salaire réel associée à l’élévation du
niveau de l’emploi. Et non seulement il n’est pas nécessaire que le salaire nominal baisse
pour que l’emploi global puisse augmenter mais, de surcroît, il peut être bénéfique pour
l’emploi que les salariés s’opposent à la baisse du salaire nominal. Celle-ci est en effet par
elle-même un facteur de contraction de la consommation globale des ménages et donc de
la demande globale de biens, ce qui ne peut qu’influer défavorablement et de manière
cumulative sur le niveau de la production et donc de l’emploi53. En courte période une telle
baisse du salaire nominal éloigne l’économie du plein-emploi au lieu de l’en rapprocher.
53 Dès lors que les salaires baissent, cela réduit la demande globale et donc la production et l’emploi. Dans un contexte
plus pessimiste, les entreprises sont incitées à réduire leurs investissements, ce qui aggrave la dépression. Cette baisse de
l’emploi signifie une nouvelle baisse de la masse salariale et donc de la demande globale et de l’emploi. Comme l’écrit
Keynes : « Ainsi la réduction des salaires nominaux ne saurait d’une façon durable accroître l’emploi ». Ou encore : « nous
estimons maintenant que le maintien de la stabilité générale des salaires nominaux constitue, tout bien pesé, la politique
la plus sage pour un système fermé » (1936, p. 273). Et encore : « Il est donc heureux que, par instinct et sans d’ailleurs
s’en rendre compte, les travailleurs se montrent des économistes beaucoup plus raisonnables que les auteurs classiques,
lorsqu’ils résistent aux réductions des salaires nominaux (...) alors que les réductions des salaires réels, qui sont associées
aux progrès de l’emploi global ne rencontrent pas chez eux de résistance ».
C’est d’autant plus vrai que ces gains de productivité résultent généralement d’une substitution du ca-
pital technique au travail et donc d’une augmentation de l’intensité capitalistique de la production. De
fait, en France, l’intensité capitalistique ou rapport du stock de capital technique sur la dépense de
travail (K / L) est croissante en longue période. Elle a augmenté en moyenne annuelle de 1,2 % entre
1896 et 1930, de 0,6 % entre 1930 et 1950, de 2,9 % entre 1950 et 1960, 4,6 % entre 1960 et 1973
(Albertini, 1996, p. 95).
Cet effet positif pour l’emploi est particulièrement marqué si le coût de création des nouveaux emplois
est relativement limité. Ce fut le cas pendant les Trente Glorieuses ; l’accroissement de la productivité
dans l’agriculture et l’industrie a permis des gains de pouvoir d’achat qui ont alimenté pour partie une
augmentation de la demande adressée au secteur des services où la création de nouveaux emplois était
alors relativement peu onéreuse.
Contrairement à une idée reçue, les gains de productivité et le progrès technique qui les rend possibles ne
sont donc pas nécessairement défavorables à l’emploi. Tout dépend en fait du rythme auquel s’accroissent
respectivement la productivité du travail et la production. Sachant que la productivité apparente du tra-
vail (productivité par tête) est égale au rapport de la production sur l’effectif total employé, on en déduit
que la croissance de l’emploi est égale à la croissance de la production moins celle de la productivité. Si
l’on désigne par Y la production globale, N la quantité totale de travail et e la productivité du travail, on
a : e = Y / N, soit N = Y / e. En variation, il vient : ∆N / N = ∆Y / Y - (∆e / e). La variation de l’emploi global
est donc égale à la différence entre la variation de la production globale (∆Y / Y) et celle de la productivité
du travail (∆e / e). Pour une croissance donnée de la production, l’emploi évolue donc en sens inverse de
la productivité. Toutes choses égales par ailleurs, si le rythme de croissance de la productivité est supérieur
à celui de la production, il y aura effectivement destruction nette d’emplois à l’échelle de l’ensemble de
l’économie. Par contre, si le rythme de croissance de la productivité est inférieur à celui de la production, il
y aura création nette d’emplois et le niveau de l’emploi global s’élèvera. C’est d’ailleurs ce qui s’est produit
en France pendant la seconde moitié du XXe siècle au cours de laquelle le rythme de croissance du PIb a
en moyenne été supérieur à celui de la productivité apparente du travail et l’emploi global a augmenté de
13 % en tout entre 1949 et 1973 puis de 7 % en tout entre 1973 et 1998.
Par ailleurs, les gains de productivité peuvent être mis à profit pour réduire la durée du travail à niveau
de production inchangé. Dans ce cas le niveau de l’emploi peut demeurer stable ou même augmenter.
On a en effet : croissance de l’emploi = croissance de la production - croissance de la productivité du
travail + réduction de la durée du travail. Si, par exemple, le PIb augmente de 3 % et la productivité du
travail (par tête) de 2 % tandis que la durée du travail baisse de 1 %, il vient : taux de croissance de l’em-
ploi = 3 % - 2 % + 1 % = 2 %.
Au cours des Trente Glorieuses la croissance de la productivité du travail par tête a atteint un rythme iné-
galé sur une période aussi longue, avec un taux annuel moyen de 3,9 % en 1950-1955, 4,8 % en 1955-
60, 5,3 % en 1960-65 et 4,7 % en 1965-70 (Marcel et Taïeb, 1997, p. 42). Cette période fut également
elle au cours de laquelle la croissance exceptionnelle de la production (le « miracle français ») est allée
de pair avec la réalisation d’un quasi plein-emploi, l’emploi global progressant en moyenne annuelle de
0,7 % entre 1960 et 1973, alors même que la durée hebdomadaire réelle du travail augmentait jusqu’au
milieu des années 196056. Par contre, depuis les années 1970, alors que le rythme de croissance de la
productivité du travail a sensiblement fléchi (le taux de croissance annuel moyen de la productivité par
tête passant de 3,4 % en 1970-1973 à 2,3 % en 1973-1990 et 1,3 % en 1990-1999 : Lerais, 2001,
p. 2), le taux de croissance annuel moyen de l’emploi global est tombé en dessous de ce qu’il était pen-
dant les décennies 1950 et 1960 (+ 0,3 % entre 1974 et 1980, - 0,5 % entre 1980 et 1985, + 0,8 %
entre 1985 et 1990, + 0,1 % entre 1990 et 1995 (Marcel et Taïeb, 1997, p. 92 et p. 110) contre + 0,3 %
en 1950-55, + 0,2 % en 1955-60, + 0,5 % en 1960-65 et + 0,7 % en 1965-70 (id., p. 42). Cela tient
au freinage très marqué de la croissance de la production caractéristique d’un régime de « croissance
molle » (Fitoussi, 1996).
Source : PHILLIPS A. W. [1958], “The relationship between unemployment and the rate of change of money wage
rates in the United Kingdom, 1861-1957”, Economica, vol. 25.
Ils en ont conclu à la possibilité pour les pouvoirs publics d’arbitrer entre chômage et in-
flation, la réalisation du plein-emploi impliquant en contrepartie l’acceptation d’une cer-
taine inflation et la stabilité des prix se payant d’un certain chômage, ce que P. Samuelson
a qualifié de « cruel dilemme ». Dès lors, la mise en œuvre d’une politique de régulation
conjoncturelle devient possible, l’État pouvant décider, selon le cas, de privilégier l’objectif
de plein-emploi, en acceptant un certain taux d’inflation, ou celui de stabilité des prix, en
acceptant un certain taux de chômage.
Mais les néoclassiques, à l’initiative originellement de M. Friedman, vont s’attacher à dé-
montrer que, contrairement à ce que soutiennent les keynésiens, il ne peut y avoir réelle-
ment d’arbitrage entre le chômage et l’inflation, la hausse simultanée du taux de chômage
et du taux d’inflation observé au cours des années 1970 paraissant venir confirmer leurs
analyses.
58 Cf., par exemple, LUCAS Robert E. [1981], Studies in Business Cycle Theory, Blackwell.
Pour R. Lucas, il n’est en fait possible d’influer sur la marche de l’économie réelle qu’en
« surprenant les marchés », c’est-à-dire en fait en trompant les agents économiques par
l’annonce d’un certain type de politique (par exemple, annoncer une politique monétaire
restrictive limitant l’augmentation de la masse monétaire pour lutter contre l’inflation)
suivie de la mise en œuvre en pratique d’une politique opposée ; ici, laisser les banques
accroître la masse monétaire et susciter ainsi une inflation plus élevée que celle que pou-
vaient anticiper rationnellement les agents économiques, compte tenu de l’information
dont ils disposaient. Mais il est difficile, voire impossible, de tromper longtemps des agents
économiques qui savent comment fonctionne l’économie ; d’où l’inutilité finalement d’une
politique conjoncturelle discrétionnaire. Si, en jouant sur l’effet de surprise, il est possible
d’influer momentanément sur le niveau de l’activité (une inflation « surprise » faisant bais-
ser momentanément le taux de chômage effectif en dessous du taux de chômage naturel),
le recours à ce type de pratique est finalement voué à l’échec. Bien plus, de telles tentatives
de surprendre les marchés ne peuvent que conduire à décrédibiliser les pouvoirs publics
et les autorités monétaires. En conséquence, lorsqu’une politique de rigueur monétaire
destinée à lutter contre l’inflation sera annoncée par les autorités monétaires, les agents
économiques, anticipant le reniement prévisible de cette politique de rigueur, adopteront
un comportement destiné à les préserver contre l’accélération attendue de l’inflation, et
augmenteront les prix qu’ils contrôlent, ce qui aura pour effet d’accélérer effectivement
l’inflation et mettra donc en échec la politique annoncée.
CHAPITRE 3
L’expression de mondialisation1 est souvent utilisée pour désigner au premier chef l’ouver-
ture respective des différentes économies nationales et l’intensification des flux d’échanges
internationaux, et en particulier commerciaux, qui en est le corollaire. Les données dispo-
nibles montrent ainsi que, depuis les années 1950, le rythme de croissance en volume du
commerce mondial a été systématiquement supérieur à celui de la production mondiale.
Mais si l’ampleur de l’ouverture commerciale des différentes économies nationales ne doit
surtout pas être sous-estimée, la mondialisation ne s’y réduit pas.
Celle-ci désigne en fait une mutation systémique d’une ampleur et d’une portée bien
plus grandes que la simple poursuite au cours des deux dernières décennies du proces-
sus d’intensification des échanges commerciaux internationaux engagé depuis le début
des années 1950. Le concept de mondialisation vise en fait à identifier quelque chose de
réellement nouveau, comme cherchent à l’exprimer nombre de définitions qui en ont été
proposées et dont quelques-unes sont rappelées ici à titre d’illustration.
Le FMI définit ainsi la mondialisation comme « l’interdépendance économique croissante
de l’ensemble des pays du monde, provoquée par l’augmentation du volume et de la va-
riété des transactions transfrontières de biens et services, ainsi que des flux internationaux
de capitaux, en même temps que par la diffusion accélérée et généralisée de la technolo-
gie » (FMI, Perspectives de l’économie mondiale, 1997).
Selon l’ancien commissaire européen et actuel Directeur général de l’OMC, Pascal Lamy
(2002, p. 9), « la globalisation est d’abord un phénomène économique dont le capita-
lisme de marché est le principe dynamique : dans leurs quêtes de nouveaux marchés, de
nouveaux produits, de sources alternatives de matières premières et d’énergie et surtout
de main-d’œuvre meilleur marché, les grandes entreprises multinationales et un essaim
1 Le terme de globalisation qui est souvent utilisé alternativement à celui de mondialisation n’est en fait qu’un anglicisme
synonyme du terme français de mondialisation.
grossissant de PME innovantes, y compris dans des secteurs traditionnels, ont multiplié,
souvent de pair, les innovations technologiques et les changements organisationnels et, ce
faisant, ont fait advenir firmes globales, marchés mondialisés et réseaux planétaires d’in-
formation, de services et de sous-traitance » (cité par Rainelli, 2002, p. 45).
J. Stiglitz, prix Nobel d’économie 2001, définit pour sa part la mondialisation comme
« l’intégration sans cesse plus étroite des pays et des peuples du monde qu’ont réalisée,
d’une part, la baisse continue des coûts du transport et des communications et, d’autre
part, la réduction des barrières douanières et commerciales. Cette intégration est poussée
par les entreprises transnationales qui font circuler par-delà les frontières des capitaux,
des produits et des technologies. Mais elle porte également sur des échanges de savoir et
permet le développement d’une société civile mondiale. La mondialisation n’est donc pas
seulement un phénomène économique. Ses aspects politiques, sociaux et culturels sont
tout aussi importants » (Stiglitz, 2003, p. 20).
Pour L. Batsch (2002, p. 64), « la mondialisation additionne plusieurs effets, elle est le
produit d’une convergence de facteurs, elle émerge en trois tendances. Une tendance
ancienne à l’internationalisation des échanges s’est poursuivie sans interruption, de sorte
que le processus a pu produire des effets d’irréversibilité et avoir un impact fort sur la
perception du monde par les acteurs économiques eux-mêmes. De plus, l’intégration des
groupes multinationaux s’est approfondie, les groupes se sont recentrés sur des métiers
plus étroits et implantés sur des marchés géographiques plus larges ; la dimension géogra-
phique évolue en raison inverse de la diversité des activités. Enfin, la globalisation finan-
cière est la véritable novation de la période, la finance agit directement sur la sphère réelle
par plusieurs canaux : elle « infiltre » les politiques macroéconomiques, les comportements
des épargnants et des investisseurs, ainsi que les décisions des dirigeants ».
Selon C.-A. Michalet (2002, p. 8), pour qui elle « constitue l’autre face du capitalisme » et
un « phénomène ancien », la mondialisation est « un phénomène complexe, multidimen-
sionnel », dont « la dynamique produit dans le même mouvement de nouvelles disparités
pour, aussitôt, les dépasser dans une course jamais achevée » (id., p. 9). Elle « englobe, à
la fois, la dimension des échanges de biens et services, la dimension des investissements
directs à l’étranger et la dimension de la circulation des capitaux financiers » (id., p. 19).
Il se dégage de ces diverses définitions de la mondialisation que celle-ci se caractérise
tout d’abord par l’intensification des échanges internationaux de biens et services, ainsi
que par celle des mouvements de capitaux, de populations, d’informations et de tech-
nologies. Ce, sous l’impulsion des firmes multinationales qui se sont imposées comme les
principaux acteurs de l’économie mondiale, et à la faveur des progrès enregistrés dans
les moyens de transport et le développement des NTIC. Elle se traduit également par la
création de véritables marchés mondiaux (ou à tout le moins une internationalisation de
nombreux marchés), et en particulier pour les capitaux, la constitution de réseaux d’infor-
mation planétaires, une intégration et une interdépendance croissantes des économies
nationales. Elle s’accompagne de l’extension de la sphère marchande à des activités qui lui
étaient demeurées jusque-là largement extérieures, telles que l’éducation, la recherche et
la santé, mais aussi de la diffusion à l’ensemble de la planète de formes d’organisations
économiques et sociales et de certains modèles culturels générés par le capitalisme le plus
puissant, celui des États-Unis. Elle s’accompagne également de la prise de conscience pro-
2 Il ne faut cependant pas exagérer l’impact des institutions financières internationales et de l’OMC sur le développement
de la mondialisation. Dans le cas de l’OMC, il faut souligner en particulier que, si elle est passée de 128 à 149 pays entre
1995 et 2006 ce qui traduit l’élargissement de son influence, elle peine par ailleurs à réunir les conditions de la signature
d’un nouvel accord multilatéral de libéralisation des échanges internationaux qui porterait, selon l’agenda adopté initia-
lement à Doha, sur : la libéralisation des marchés agricoles (avec en particulier la réduction progressive des subventions
dans l’optique de leur élimination et la réalisation des conditions d’un meilleur accès aux marchés) ; la baisse des droits
de douane sur les produits industriels ; l’ouverture du secteur des services (pour lesquels n’étaient a priori exclus de la
négociation que les services fournis gratuitement par les administrations publiques dans le cadre de l’exercice par l’État
de ses fonctions régaliennes) ; l’investissement et la concurrence, avec l’objectif de garantir la liberté d’implantation aux
firmes multinationales. Les échanges commerciaux internationaux ont néanmoins continué à se libéraliser depuis 1995,
favorisant ainsi le processus de mondialisation, mais c’est pour l’essentiel à travers la signature de nouveaux accords
commerciaux régionaux et bilatéraux qui étaient au nombre de 17 en 1980, 27 en 1990, 102 en 2000 et 193 en 2006, avec
comme conséquence que près de 40 % des échanges internationaux se font désormais dans le cadre d’accords de ce type.
La mondialisation 131
même ensuite, alors que les pays capitalistes développés, qui avaient été la composante la
plus dynamique de l’économie mondiale à l’époque des Trente Glorieuses, s’enfonçaient
les uns après les autres dans une crise économique durable. C’est ainsi que, de 1980 à
1997, les échanges internationaux se sont accrus à un rythme annuel moyen de l’ordre
de 5 à 7 % tandis que le PIB mondial ne progressait que de 2 à 3 %3. Ceci explique que la
moyenne des exportations et des importations mondiales soit passée de 11 % du PIB mon-
dial en 1970 à plus de 25 % au début des années 2000 (Moati, 2004, p. 42). En tendance,
on observe donc, pour la plupart des pays, une augmentation simultanée du coefficient
de dépendance ou rapport des importations au PIB du pays, qui mesure la dépendance de
celui-ci vis-à-vis de ses approvisionnements extérieurs, et du taux d’ouverture sur le reste
du monde ou rapport des exportations du pays au PIB du pays qui exprime la dépendance
de son économie à l’égard des débouchés étrangers.
GrAPhIqUE 3.1
Commerce international et production mondiale : 1830-1940 et 1950-2000
Construit et calculé à partir des sources suivantes : 1830 à 1913, Histoire économique et sociale du monde dirigée par
P. Léon, Colin ; 1913 à 1939, Industrialisation et commerce extérieur, S.D.N. (1945) ; rapports du GATT et de l’OMC.
L’ouverture commerciale des différents pays ne s’effectue cependant pas de manière ré-
gulière (Sachwald, 2004). Elle a été très forte pendant la décennie 1970 (avec un quasi
doublement). La décennie 1980 a, par contre, été caractérisée par une stabilisation d’en-
semble (baisse pendant la première moitié de la décennie puis remontée) qui s’est prolongée
jusqu’en 1992-1993. Depuis, la tendance est à nouveau nettement orientée à la hausse. Il
faut en outre souligner que le taux d’ouverture commerciale (moyenne des importations et
3 De 1970 à 1980, le commerce mondial en volume a augmenté en moyenne de 5 % par an contre un peu moins de 4 %
pour la production mondiale en volume. Les augmentations du commerce mondial en volume et de la production mon-
diale en volume ont été respectivement de 4 % et d’un peu moins de 3 % par an en 1980-1989 et de près de 6,5 % et
près de 3 % par an au cours de la décennie suivante. Le PIB mondial en volume et les exportations mondiales en volume
ont par ailleurs augmenté entre 2000 et 2007 au rythme annuel respectivement de 3,0 % pour le premier et de 5,5 %
pour les secondes (OMC, 2008, site web).
La mondialisation 133
Quoi qu’il en soit, il ne fait aucun doute que la très vive croissance du commerce mondial et
l’ouverture accrue des différentes économies nationales qui lui est associée sont un aspect
essentiel du processus contemporain de mondialisation commerciale et productive. Mais
celle-ci ne s’y réduit pas. Le développement des firmes multinationales (FMN) et, en corol-
laire, des investissements directs à l’étranger (IDE) que celles-ci réalisent, est un autre aspect,
absolument essentiel, de cette mondialisation commerciale et productive (graphique 3.2).
GrAPhIqUE 3.2
Evolution du PIB mondial, des exportations mondiales et des IDE : 1970-2002
(base 100, 1970)
120
IDE entrants nets
100 Exportations
PIB
80
60
40
20
0
1970 1972 1974 1976 1978 1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002
Ce développement des FMN et des IDE n’est pas non plus un phénomène nouveau, mais il
s’est amplifié au cours des deux dernières décennies en liaison avec la croissance exception-
nelle du mouvement de fusions-acquisitions d’entreprises, avec un impact considérable sur
l’économie mondiale. Les FMN deviennent les agents moteurs de l’évolution de l’économie
mondiale qu’elles cherchent à façonner à leur avantage. Elles sont aujourd’hui à l’origine
d’un tiers des échanges commerciaux et de l’essentiel des investissements directs à l’étranger.
Nombre d’entre elles développent des stratégies productives définies d’emblée à l’échelle
mondiale (on parle de FMN « globales »), avec en corollaire le fait que la concurrence entre
les entreprises se mondialise elle aussi. Pour ces firmes, les différents pays où elles sont sus-
ceptibles de s’implanter deviennent des lieux alternatifs de production, pourvoyeurs de res-
sources (territoire, infrastructures, main-d’œuvre…), qu’elles mettent en concurrence dans le
cadre de leur stratégie de localisation-délocalisation. La pertinence de la notion d’économie
« nationale » en est de ce fait affectée, une part croissante de l’activité économique de
chaque pays étant directement liée à des entreprises fortement internationalisées dont les
stratégies sont de plus en plus mondiales4. Ces FMN sont incontestablement les principaux
agents de la mondialisation (§ 1), tandis que les IDE qu’elles réalisent sont des vecteurs de
cette mondialisation (§ 2).
4 Cela n’est d’ailleurs pas propre aux seules entreprises à capitaux privés. Les grandes entreprises publiques se sont également
engagées dans ce processus d’internationalisation qui est aujourd’hui invoqué pour justifier l’alignement de leur statut
sur celui des autres entreprises, ce qui, l’expérience le montre, ouvre généralement la voie à leur privatisation. On peut
citer à titre d’exemple le cas d’EDF qui est devenu l’un des grands acteurs du marché mondial de l’électricité.
5 Comme le souligne P. Drucker, les sociétés transnationales se caractérisent par le fait que « la fabrication des pièces, les
machines, la prévision, la recherche, les finances, le marketing, la fixation des prix et la gestion s’effectuent en fonction
du marché mondial » (1998, p. 21). Ces firmes sont de plus en plus totalement indépendantes des États-nations : « La
société transnationale n’échappe pas totalement au contrôle des gouvernements nationaux. Elle doit s’y adapter. Mais
cette adaptation constitue une exception aux politiques et pratiques décidées en fonction des technologies et des marchés
mondiaux » (id., p. 21).
La mondialisation 135
A - Les caractéristiques des firmes multinationales
Ce sont souvent des entreprises de (très) grande taille ; et ce sont par ailleurs les grandes
entreprises qui sont les plus multinationalisées6. À titre d’exemples, et en se limitant à des
FMN à base française: Carrefour employait en 2002 396 662 personnes pour un chiffre
d’affaires hors taxes de 68,729 milliards d’euros ; Veolia environnement employait 257 177
personnes et réalisait un chiffre d’affaires de 30,079 milliards d’euros ; Michelin employait
126 285 personnes pour un chiffre d’affaires de 15,645 milliards d’euros7. General Electric,
société américaine d’appareillage électrique et électronique, qui figurait en 2004 en tête
du classement mondial des FMN non financières, détenait alors 258,9 milliards de dol-
lars d’actifs à l’étranger, avait 1 068 filiales à l’étranger, employait 150 000 personnes à
l’étranger et y réalisait un chiffre d’affaires de 54,086 milliards de dollars. Wal-Mart Stores,
société américaine de distribution, a réalisé en 2005 un chiffre d’affaires de 246 milliards
d’euros (supérieur au PIB de la Suède) et dégagé 12,2 milliards de dollars de bénéfice. Elle
emploie plus de 1,8 millions de personnes dans le monde (dont 1,3 millions aux États-Unis)
dans 8 000 magasins, dont 4 600 hors des États-Unis. Mais le salaire moyen de ses employés
était en 2005 de 1 310 euros mensuels et la moitié d’entre eux seulement bénéficiait d’une
couverture maladie maison.
Le rythme de développement de ces firmes est en moyenne supérieur à celui des autres
types de firmes ; il résulte de la démultiplication de leurs filiales à l’étranger, par création
de nouvelles entreprises et rachat d’entreprises existantes, et de l’augmentation de la taille
de ces filiales. Leurs performances en matière de productivité du travail sont également en
moyenne sensiblement supérieures à celles des autres firmes8.
Elles sont présentes dans pratiquement toutes les branches d’activité, mais elles se concen-
trent plus particulièrement dans les branches de l’industrie à forte intensité capitalistique
et/ou à niveau technologique et rythme de remplacement des techniques élevés (automo-
bile, chimie, appareillage électrique et électronique, machines-outils et industrie méca-
nique, NTIC). Elles dominent largement tous les secteurs dits de hautes technologies. Mais
elles se développent désormais également à un rythme très soutenu dans le secteur des
services et plus particulièrement dans les services financiers avec des firmes comme Citi-
group (États-Unis), UBS (Suisse) ou Allianz (Allemagne).
6 En atteste par exemple le fait que les sociétés françaises du CAC 40 (dont le bénéfice net total s’est élevé à 84 milliards
d’euros en 2005), selon les estimations disponibles, réalisaient 70 % de leur chiffre d’affaires et 80 % de leurs bénéfices
hors de France (Le Monde, 17-03, 2006, p. 122).
7 En 2004 (CNUCED, 2005), la société Total employait en tout 111 401 personnes (dont plus de la moitié à l’étranger) pour un
chiffre d’affaires de 152 milliards de dollars (dont 123 milliards à l’étranger) ; France Télécom employait 206 524 personnes
pour un chiffre d’affaires de 58,5 milliards de dollars ; Suez employait 160 712 personnes (dont 100 485 à l’étranger) pour
un chiffre d’affaires de 50,5 milliards de dollars (dont 38,8 milliards à l’étranger).
8 « Tous les travaux indiquent la supériorité des multinationales sur les autres firmes, en termes notamment de productivité
et/ou de recherche et développement. Aux États-Unis par exemple, des analyses récentes montrent que la productivité
du travail dans les grandes usines appartenant à des entreprises multinationales est de 11 % supérieure à celle d’usines
comparables d’entreprises non multinationalisées. De même, ces usines utilisent plus de technologies que celles des autres
entreprises. La productivité totale des usines des multinationales croît de 2,5 % à 4 % plus vite par an que celle des usines
des entreprises comparables non multinationales et de 7 % à 11 % plus vite que dans les usines des petites entreprises
non multinationales » (Mucchielli, 2002, p. 17). Par ailleurs, les résultats d’études réalisées par l’OCDE montrent que la
productivité des filiales des FMN dans leurs pays d’accueil est généralement supérieure (de l’ordre de 40 % à 100 %) à
celle des entreprises locales. C’est ainsi, à titre d’exemple, que, lorsque Toyota s’est implantée en Californie en 1987, elle
« assemblait une voiture avec dix-neuf heures de main-d’œuvre alors qu’il fallait trente et une heures à General Motors
pour en faire de même » (id., p. 17).
9 En 2004, sur les 100 premières FMN du monde, 85 avaient leur siège dans les pays de la Triade (Union européenne, Japon,
États-Unis) ; 73 provenaient de 5 pays (Allemagne, États-Unis, France, Japon et Royaume-Uni) et 53 de l’Union européenne
(CNUCED, 2007).
10 Pour ce qui est des FMN françaises, elles sont fortement orientées vers les autres pays de l’Union européenne, avec « près
de 40 % des filiales des entreprises françaises se situant dans les pays de l’Union européenne » (Lorenzi, 2002, p. 9).
11 Trois étaient des entreprises publiques ; les cinq étaient originaires d’Asie.
12 Toujours en 2005, sur les 100 premiers FMN de PED, 40 étaient originaires de Hong Kong (Chine) et de Taïwan, 14 de
Singapour et 10 de Chine. En tout, 77 d’entre elles avaient leur siège social en Asie, les autres se répartissant à parts
égales entre l’Amérique Latine et l’Afrique.
La mondialisation 137
TAbLEAU 3.1
Evolution de certains indicateurs de l’IDE et de la production internationale,
1982-2001 (en milliards de dollars et en pourcentage)
Au-delà de ces caractéristiques qui leur sont communes, les FMN se répartissent en plu-
sieurs catégories distinctes.
Certaines FMN développent encore l’essentiel de leurs activités dans le secteur primaire
(extraction minière, pétrole, production agricole), exerçant une véritable domination sur
les marchés mondiaux de produits primaires. Ces FMN « primaires » étaient prépondé-
rantes pendant l’époque coloniale, leur activité consistant alors principalement à assurer
l’approvisionnement en produits de base des puissances colonisatrices dont elles étaient
issues. Avec la décolonisation, elles ont eu tendance à diversifier leurs activités, adoptant
parfois une structure de type congloméral (en particulier pour les sociétés pétrolières)13.
13 Il est à souligner que certaines des FMN originaires des pays émergents, apparues au cours des deux dernières décennies,
entrent dans cette catégorie de FMN dont l’activité est centrée sur les produits primaires. Le World Investment Report
2005 de la CNUCED souligne ainsi qu’en 2004 « un des principaux moteurs de l’investissement chinois à l’étranger était
la demande croissante de ressources naturelles, ce qui a entraîné la réalisation de grands projets d’investissement en
Amérique Latine. Les sociétés transnationales indiennes ont également procédé à des investissements considérables
dans les ressources naturelles d’autres régions » (CNUCED, 2005, p. 28). De fait, la moitié des IDE chinois en 2004 ont été
La mondialisation 139
Dans l’industrie, c’est cette forme de FMN « à stratégie productive », pratiquant la division
internationale des processus productifs, qui tend à devenir prédominante. Cette évolution
est grandement favorisée et stimulée par le développement des technologies de l’infor-
mation et de la communication qui donnent aux entreprises les moyens de communication
et de traitement de l’information en temps réel souvent nécessaires à l’organisation de la
production à l’échelle mondiale.
Le développement de cette catégorie de FMN se traduit, entre autres conséquences, par
une perte de contrôle des États-nations sur les conditions de leur développement indus-
triel. Il est en effet difficile pour un pays de définir et de mettre en œuvre une politique
industrielle cohérente quand la localisation sur le territoire national de tel ou tel segment
d’activité dépend en fait des décisions que prennent les FMN en matière d’organisation à
l’échelle mondiale de leur production, alors que ces décisions sont dictées par l’impératif
principal de rentabilisation des capitaux engagés dans la firme. Pour décider de ses im-
plantations productives, cette dernière prend en compte différents paramètres tels que :
• les ressources productives disponibles dans le pays (approvisionnements, abondance et
niveau de qualification de la main-d’œuvre, infrastructures, etc.) ;
• le régime fiscal du pays et les éventuels dispositifs d’aide à l’investissement et à l’im-
plantation ;
• l’importance des débouchés offerts par le pays d’accueil pour ses produits et la plus ou
moins grande facilité à alimenter à partir de lui les marchés des pays voisins (infrastruc-
tures de transport, régime douanier) ;
• la réglementation des prix, le droit du travail et le régime de protection sociale, le cli-
mat social du pays, etc.
Le développement de ce type de FMN entraîne également la « dénationalisation » des flux
commerciaux internationaux au sein desquels les échanges intra-firmes pèsent d’un poids
grandissant, en particulier dans les petits pays fortement industrialisés où les FMN occu-
pent une place importante dans le tissu industriel.
• dans le même ordre d’idée, leur transformation en firmes multinationales peut également
traduire le souci des entreprises de protéger la compétitivité de leur production des ef-
fets de l’instabilité des taux de change, caractéristique du fonctionnement du système
monétaire international depuis 1973. L’implantation de filiales à l’étranger, pour cer-
taines firmes, peut en particulier être conçue comme le moyen de se prémunir des effets
négatifs pour elles (pour leur compétitivité en termes de prix et donc leur capacité de pé-
nétration des marchés de certains pays) de l’affaiblissement des monnaies de ces pays15 ;
• les dimensions trop restreintes du marché intérieur du pays d’origine de la firme, lequel
marché est souvent partagé entre un nombre limité de grandes entreprises dont les parts
de marché respectives ne sont plus susceptibles d’évoluer de manière significative, et/
ou le rythme de développement trop faible de ce marché au regard des capacités et/ou
des objectifs de croissance de l’entreprise. Ils conduisent les entreprises à faire le choix
de l’extraversion et à opter pour une stratégie de croissance par création de filiales à
l’étranger, celle-ci pouvant éventuellement se faire par rachat d’entreprises locales pré-
existantes, comme c’est plus particulièrement le cas dans les pays développés. Ce qui pré-
sente l’avantage d’assurer d’entrée de jeu à la FMN une certaine part du marché du pays
d’accueil. Avec le cas particulier des entreprises de services pour lesquelles, à la différence
des biens, l’exportation proprement dite peut être impossible, ce qui impose aux entre-
prises qui ne se satisfont plus de leur marché national d’internationaliser leurs activités ;
15 Les annonces, à plusieurs reprises déjà, des dirigeants du groupe aéronautique européen EADS (Airbus industrie) de
délocaliser une partie de ses activités hors d’Europe et d’implanter à l’avenir des filiales dans des pays de la zone dollar,
pour se prémunir contre le risque de perte de compétitivité à l’égard de son grand groupe rival Boeing résultant du
renchérissement très marqué de l’euro par rapport au dollar, en sont une illustration récente.
La mondialisation 141
après-vente… La création de filiales peut être également le moyen pour la firme
d’exploiter au mieux un avantage technologique qu’elle détient sur les sociétés
concurrentes du pays d’accueil (la productivité de sa filiale étant supérieure à celle
des entreprises locales), de valoriser à l’échelle internationale certains actifs incor-
porels spécifiques qu’elle possède (brevets, marques, compétences particulières...)16 ;
• le souci de contrer les tentatives d’imitation ou de copie pure et simple du produit par des
firmes locales17, ou encore d’exercer une activité de « veille » technologique et commer-
ciale permettant de saisir plus rapidement les mutations susceptibles d’influer ses marchés ;
• la recherche par l’entreprise d’une rentabilité accrue. Nombre des opportunités qu’ouvre
la multinationalisation de l’activité de la firme évoquées ci-dessus, telles que la possibi-
lité de contourner des protections commerciales nationales (tarifaires ou non tarifaires),
de poursuivre à l’étranger une croissance bridée au niveau national, d’accroître par di-
vers biais la compétitivité de la firme, de spécialiser les filiales et de réaliser ainsi des
économies d’échelle permettant de réduire les coûts de production, de mettre à profit
les différences entre pays des prix des facteurs de production... sont le plus souvent
autant de moyens d’influer positivement sur la rentabilité des firmes. Mais leur trans-
formation en FMN peut encore être un moyen spécifique pour les firmes d’accroître leur
rentabilité en leur permettant en particulier de jouer sur les différences de régime fiscal
entre pays. Les échanges entre filiales et entre la société mère et les filiales peuvent être
organisés, en jouant sur les prix de transfert, de sorte à accroître (diminuer) les bénéfices
imposables dans les pays à fiscalité réduite (forte), ce qui limite le prélèvement fiscal
global supporté par la firme. La multinationalisation permet également de profiter des
multiples avantages que certains pays accordent à l’implantation des firmes étrangères
(subventions, zones franches…). Pour un pays d’accueil, l’implantation de filiales par des
FMN peut être un moyen de renforcer sa capacité exportatrice, les filiales des multina-
tionales étant souvent fortement exportatrices, d’améliorer la situation de l’emploi ou
de bénéficier de transferts de technologies permettant d’élever le niveau de producti-
vité. De telles retombées positives pour l’économie nationale justifieraient l’adoption de
mesures (réglementaires, fiscales) incitant les FMN à s’y implanter.
La mondialisation 143
dollars et 820 milliards d’euros) étaient supérieures de 26 % à celles de la période corres-
pondante de 2006. Cette nouvelle vague de fusions-acquisitions était favorisée par le net
redressement de la rentabilité des entreprises (par exemple, 85 milliards d’euros de béné-
fice global pour les sociétés du CAC 40 en 2005) et des taux d’intérêt historiquement bas,
incitant au recours à l’emprunt nécessaire pour financer certaines opérations.
À la différence de la précédente vague de fusions-acquisitions, seule une minorité de ces
fusions-acquisitions a été financée au moyen d’actions (30 % des opérations aux États-Unis
contre 70 % lors de la vague de fusions-acquisitions des années 1998-2000). Cela explique
en partie que l’impact sur les cours boursiers des entreprises concernées par les opérations
(cibles et acquéreurs) ait été globalement meilleur que cela n’avait été le cas lors de la
précédente vague de fusions-acquisitions (BRI, 2006, p. 15)19. Les opérations réalisées sont
majoritairement destinées à permettre aux entreprises de se renforcer dans leur cœur de
métier (61 % des opérations en 2006, selon le Boston Consulting Group, contre 48,7 %
entre 1999 et 2000) et de bénéficier des économies d’échelle liées à l’augmentation de
leur taille.
Certains aspects du mouvement de fusions-acquisitions qui s’est ainsi développé depuis le
milieu des années 1980 méritent de retenir l’attention.
• Si, jusqu’en 1985, l’initiative des fusions-acquisitions venait essentiellement des entre-
prises américaines et anglaises, les opérations domestiques et internationales réalisées
par ces entreprises représentant jusqu’à cette date plus des deux tiers du total des fu-
sions-acquisitions mondiales (Alcabas, 2002, p. 17), le mouvement a ensuite atteint tous
les autres grands pays industrialisés : Japon, Allemagne, France, Italie, Espagne, Canada.
• Nombre de ces opérations de fusions-acquisitions ont pris la forme d’offres publiques
d’achat (OPA), amicales ou hostiles, dont le nombre a fortement augmenté à la fin des
années 1990. Les rachats d’entreprises peuvent en particulier s’effectuer selon la mo-
dalité de plus en plus fréquente du leverage by out (LBO). Dans ce cas, l’acquisition de
la firme concernée par l’opération se fait par le biais d’une holding qui emprunte à cet
effet une proportion importante des fonds nécessaires. Le remboursement des sommes
empruntées s’effectuera ensuite en faisant remonter vers la holding le cash-flow dégagé
par la société rachetée.
• Une part importante de ces fusions-acquisitions correspond à des opérations transfron-
tières. Celles-ci ont représenté en moyenne le quart des opérations totales au cours de la
décennie 1990 (CNUCED, World Investment Report, 2000), le montant total des fusions-
acquisitions transfrontières passant de 74,5 milliards de dollars en 1987 à 186,6 milliards
en 1995 puis 720,1 milliards en 1999. En liaison avec les stratégies de recentrage des
firmes sur leur cœur de métier (cf. tome 1, chapitre III), elles ont pris assez souvent la
forme d’opérations de concentration horizontale destinées à permettre aux entreprises
de renforcer leur pouvoir de marché à l’échelle internationale.
• Ces opérations de fusions-acquisitions ont affecté en particulier les secteurs d’activité
19 Il est maintenant largement admis que, lors de la vague de fusions-acquisitions des années 1990, en moyenne une
opération sur deux s’est traduite finalement par une destruction de valeur (baisse de la valeur boursière des nouveaux
ensembles mais aussi, bien souvent, baisse du chiffre d’affaires et de la productivité) en raison en particulier de la suré-
valuation des entreprises acquises, de la difficulté à concilier des cultures de management et de gouvernance différentes,
de la prédominance d’une logique financière ou boursière sur la logique industrielle.
Cet essor considérable des fusions-acquisitions a été permis et soutenu par une conjonc-
tion de facteurs favorables.
Il est directement en rapport avec l’affirmation du processus de mondialisation et, dans ce
contexte, des progrès de l’intégration économique régionale, marqués par l’affirmation
de ces grands ensembles économiques et financiers régionaux que sont l’Europe (Union
européenne), l’Amérique du Nord (ALENA) et l’Asie (ANSEAN). Cela a pour conséquence
d’accroître la dimension des marchés sur lesquels les firmes peuvent opérer ainsi que le
nombre et la puissance des concurrents qu’elles ont à y affronter, ce qui leur impose d’ac-
croître leur taille de manière à réaliser des économies d’échelle, sources d’efficacité et de
compétitivité accrues (Huart, 2000, p. 32).
Il est également conditionné par les progrès gigantesques réalisés dans le domaine des
technologies de l’information et de la communication qui ont fourni le support matériel
indispensable à l’essor des mouvements internationaux de capitaux, tout en augmentant
20 En 2004, les fusions-acquisitions transfrontières, qui se sont élevées en tout à 381 milliards de dollars, ont concerné le
secteur tertiaire pour 63 % de leur valeur totale.
La mondialisation 145
parallèlement « le degré de liberté des entreprises en termes de choix de localisation de
production et de réseaux de commercialisation » (Albacas, 2002, p. 20).
Mais la taille croissante des marchés et les mutations techniques ne suffisent pas à tout
expliquer. Les fusions-acquisitions sont aussi, pour partie, le résultat de la globalisation
financière qui s’est imposée depuis le début de la décennie 1990. Le mouvement de li-
béralisation des marchés de capitaux qui s’est engagé dans les pays anglo-saxons dès la
fin des années 1970 et le début des années 1980, et les multiples innovations financières
qui l’ont accompagné ont conféré aux entreprises des degrés de liberté accrus, tout en
leur fournissant les moyens financiers nécessaires à la conduite de leurs opérations de fu-
sions-acquisitions ; tandis que disparaissaient, dans la plupart des pays, les obstacles régle-
mentaires aux investissements internationaux subsistant encore. L’intégration financière
internationale et la constitution d’un marché mondialisé des capitaux aboutit, en outre,
à accroître le pouvoir des actionnaires au sein des firmes (Huart, 2000, p. 33). Or, pour les
dirigeants des entreprises, les opérations de concentration sont un moyen de satisfaire les
exigences de profit de ces actionnaires : le plus souvent un taux minimum de rendement
sur les fonds propres de 15 %. Elles permettent de restructurer les firmes en profondeur et
de réduire ainsi les coûts de production (réduction des effectifs employés en supprimant
les « doubles emplois », y compris de cadres, externalisation de certaines activités, etc.).
Elles peuvent également susciter une hausse des cours boursiers des actions des entreprises
concernées par ces opérations et permettre ainsi de réaliser une plus-value immédiate (id.,
p. 33). Même si, comme le soulignent divers travaux, les résultats pour les actionnaires des
grandes opérations de concentration réalisées à la fin de la décennie 1990 n’ont pas tou-
jours été à la hauteur des espérances de ceux qui les avaient engagées21.
L’essor des fusions-acquisitions s’analyse également comme une réponse aux difficultés
récurrentes caractéristiques du contexte de crise durable et comme la recherche par les en-
treprises de solutions à ces difficultés. Ces solutions passent par la constitution de firmes de
plus en plus puissantes, capables d’exercer un réel pouvoir de marché , qui aient les moyens
de réaliser les innovations de procédés, de produits et organisationnelles nécessaires, dans
un contexte d’accélération du changement technique et d’évolution rapide des modes
de consommation, pour préserver les positions acquises dans les branches d’activité déjà
matures et s’ouvrir de nouveaux marchés. Des firmes qui soient également capables de
réagir rapidement et efficacement à toutes les opportunités nouvelles susceptibles de se
présenter, ainsi qu’aux modifications incessantes de leur environnement.
De fait, le formidable mouvement de concentration du capital qui s’est ainsi développé
depuis près de vingt ans à l’échelle internationale avec les multiples fusions-acquisitions
transfrontières s’est traduit par une hausse du « degré de monopole »22. Il a abouti dans
les principaux secteurs d’activité à la constitution d’un nombre limité de très grandes en-
treprises en position d’oligopole, disposant de marges de manœuvre accrues vis-à-vis des
21 E. Leser (2004, p. 18) souligne ainsi que « la plupart des grands mariages des années passées ont laissé des souvenirs
cuisants aux actionnaires ».
22 C’est le constat fait par F. Chesnais (1999, p. 114-115), selon lequel cette hausse du degré de monopole pendant les deux
dernières décennies aurait pris deux formes principales. « La première se situe au niveau des groupes individuels et a
pris la forme d’un accroissement considérable dans le ‘‘résultat brut d’entreprise’’ des groupes, de l’élément ‘‘appropria-
tion de fractions de valeur produites par des firmes plus petites ou plus faibles dans leur capacité de négociation’’. (...)
La seconde forme est celle qui est exercée par les groupes monopolistes collectivement au travers des mécanismes de
‘‘reconnaissance réciproque’’ et de concurrence contrôlée qui caractérisent l’oligopole ».
La mondialisation 147
paragraphe 2 : les investissements directs à l’étranger vecteurs
de la mondialisation
Les investissements directs à l’étranger (IDE) ont fortement progressé à l’échelle mondiale
au cours des trois dernières décennies (A). Ils présentent des caractéristiques qui reflètent
certains aspects du processus contemporain de mondialisation (B).
A – Le développement des investissements directs à l’étranger
Les IDE, tels qu’ils ont été définis antérieurement (tome 1, chapitre X)23, sont une réalité
historique très ancienne. Dès la fin du XIXe siècle s’est développée une première grande
vague d’IDE qui s’est prolongée sur les trente premières années du XXe siècle. Selon les
estimations de P. Bairoch, le stock des IDE représentait en 1913 environ 9 % de la produc-
tion mondiale, niveau qui ne sera retrouvé et dépassé que dans le courant de la décennie
1990. Selon les données de A. Maddison (2001), au cours de la période 1870-1913, les
exportations de capitaux représentaient annuellement de l’ordre de 3 à 6 % du PIB de la
France et de l’Allemagne et de 5 à 10 % du PIB de la Grande-Bretagne. Elles atteignaient
de l’ordre d’un quart à un tiers de l’investissement productif des pays neufs (Argentine,
Australie, Canada, Nouvelle Zélande) (Longueville, 2003, p. 3). Cette première grande va-
gue d’IDE fut marquée par la prédominance des investissements dans le secteur primaire
(développement des firmes multinationales spécialisées dans l’exploitation des ressources
naturelles), destinés à permettre l’approvisionnement en produits de base pour les pays
exportateurs de capitaux. Ce qui explique que ces investissements se soient orientés de
manière privilégiée vers les pays non ou peu industrialisés, et la part prépondérante de
l’Europe, fortement contestée par les États-Unis pendant la décennie 1920, dans la réalisa-
tion de ces investissements.
La période postérieure à la Seconde Guerre mondiale correspond à une nouvelle grande
vague d’internationalisation et de développement des IDE. On peut y distinguer deux
phases correspondant respectivement à la forte croissance économique des décennies 1950
et 1960, d’une part, et à la crise économique contemporaine, d’autre part. Si la période
des Trente Glorieuses a été marquée par le développement rapide des FMN, et en premier
lieu des firmes américaines, et l’expansion correspondante des IDE réalisés par ces firmes,
ce mouvement ne s’est pas interrompu avec l’entrée de l’économie occidentale dans la
crise économique durable de la fin du XXe siècle. Le stock mondial d’IDE est ainsi passé de
6,7 % du PIB mondial en 1980 à 22,3 % du PIB mondial en 2002 (graphique 3.5). Mesuré en
dollars courants, il a progressé de 11,5 % par an en moyenne entre 1982 et 2002 et a été
multiplié par 9 (de 802 milliards de dollars en 1982 à 7 123 milliards de dollars en 2002). Il
est passé, toujours de 1980 à 2002, de 6,2 % à 31,4 % du PIB pour l’Europe occidentale, de
4,5 % à 14,1 % du PIB pour l’Amérique du nord et de 12,6 % à 36 % du PIB pour les pays
du sud).
23 Rappelons qu’il y a IDE lorsque les résidents d’un pays donné acquièrent dans un autre pays des actifs qu’ils gèrent
(exploitent) directement. Ils peuvent prendre trois formes l’acquisition d’une partie du capital d’une firme préexistante
suffisante pour exercer un contrôle sur cette firme ; le réinvestissement sur place de tout ou partie des profits réalisés
par une filiale implantée à l’étranger ; les prêts réalisés entre une société mère et ses filiales.
24 Il s’agit du flux mondial des entrées d’IDE, c’est-à-dire des flux d’IDE comptabilisés à l’entrée des pays où ils sont réalisés.
Les IDE sont également comptabilisés à la sortie des pays d’où ils proviennent, le montant mondial respectivement des
entrées d’IDE et des sorties d’IDE ne correspondant pas nécessairement de manière précise en raison des différences de
sources à partir desquelles les unes et les autres sont comptabilisées.
La mondialisation 149
le processus de privatisation » (CNUCED, 2003, p. 18). Ce retournement de tendance, « le
plus marqué des trois dernières décennies », résulte non seulement de l’effondrement
des marchés boursiers et de la récession économique du début des années 2000, mais
également de « facteurs microéconomiques (faibles bénéfices des sociétés, restructura-
tions financières et institutionnelles, achèvement du processus de privatisation, perte de
confiance résultant des scandales financiers et de la disparition d’un certain nombre de
sociétés importantes) » (id., p. 14).
L’évolution s’est inversée en 2004, le montant total des entrées d’IDE revenant à 710,8
milliards de dollars25. Le redressement s’est poursuivi en 2005, avec un total mondial d’en-
trées d’IDE de 916 milliards, ce nouvel essor de l’IDE étant dû à « la multiplication des
fusions-acquisitions internationales, notamment parmi les pays développés », ainsi qu’au
« dynamisme économique de bon nombre de PED et de pays en transition » (CNUCED,
2006, p. 21). Les PED ont en effet profité de cette relance de l’IDE. Ils ont reçu à ce titre
396,6 milliards de dollars de capitaux (rachats d’entreprises, d’actions, prêts et investisse-
ments physiques) en 2004 et 490,5 milliards de dollars en 2005. Mais l’essentiel de ces IDE
continue à se concentrer sur un tout petit nombre de pays, 10 pays (Chine, Russie, Brésil,
Mexique, République tchèque, Pologne, Chili, Afrique du Sud, Inde et Malaisie) absorbant
65 % du total des IDE destinés aux PED.
TAbLEAU N 3.2
Indicateurs d’ouverture des pays aux investissements directs étrangers (IDE)
Stocks d’IDE en
Pays hôtes
% du PIB Japon 0,3 0,3 1,1
1980 1990 2000 Pays en
9,9 12,7 30,6
Monde 6,1 8,7 18,8 développement
Pays développés 5,0 7,9 15,6 Mexique 3,6 8,5 16,9
Etats-unis 3,0 6,9 12,4 Brésil 7,4 8,0 33,1
union européenne 6,1 10,6 30,3 Chine 3,1 7,0 32,3
France 8,2 8,2 19,9 Taiwan 5,8 6,1 9,0
Allemagne 3,9 7,1 24,1 Inde 0,6 0,5 4,1
Grèce 9,3 9,4 11,1 Thaïlande 3,0 9,6 20,0
Irlande 7,9 7,2 68,2 Hongrie - 1,7 43,4
Royaume-uni 11,8 20,6 30,5 Pologne - 0,2 21,3
Les IDE proviennent pour l’essentiel des pays développés où les FMN ont leur siège. Même
si la situation est susceptible de varier d’une année sur l’autre, les États-Unis sont en
moyenne depuis le début des années 1980 le premier pays d’origine des IDE qui se réalisent
dans le monde (graphique 3.6).
25 En 2004, le stock mondial d’IDE était estimé à 9 000 milliards de dollars (CNUCED, 2005, p. 22).
milliards de dollars
229,3
États-Unis 119,4
65,4
Royaume-Uni 66,5
59,0
Luxembourg 101,0
54,2
Espagne 30,8
47,8
France 53,1
30,0
Japon 28,1
26,1
Belgique 36,9
15,1
Suède 2004
21,2
2003
1,5
Pays-Bas 37,8
Mais, de même qu’ils proviennent en très grande majorité des pays développés, les IDE
sont principalement réalisés dans les pays développés. Traditionnellement, les flux d’IDE
vers les pays développés prédominent très largement sur ceux qui se dirigent vers les pays
en développement (PED). Selon la CNUCED, en 2000, 80 % des IDE ont ainsi eu pour desti-
nation des pays développés (États-Unis, Union européenne, Japon, autres pays développés)
contre 18,9 % seulement qui se sont dirigés vers les PED. Entre 1994 et 1999, en moyenne
annuelle, ce sont de l’ordre de 68 % du total mondial des IDE qui se sont dirigés vers les
pays développés contre 30 % seulement vers les PED (CNUCED, 2006, p. 22). On estime
que, pendant la décennie 1990, les pays du Sud « n’ont reçu (...) qu’environ 120 milliards
de dollars chaque année au titre des investissements internationaux » (Clerc, 2004. p. 30).
De surcroît, 75 % de ces investissements ont été concentrés sur cinq pays seulement, tandis
que l’Afrique sub-saharienne ne recevait que 0,1 % du total des investissements interna-
tionaux réalisés en 2002 (id., p. 30).
Au cours des premières années de la décennie 2000, la part des IDE se dirigeant vers les
pays développés a cependant baissé, revenant à 55,7 % du total mondial des entrées d’IDE
en 2004 (59,2 % en 2005), tandis que celle des PED augmentait sensiblement pour at-
teindre 38,7 % du total mondial en 2004 (36,5 % en 2005) (CNUCED, 2006, p. 22). La
part des États-Unis dans les entrées mondiales d’IDE a sensiblement diminué. Après avoir
atteint en moyenne 22,3 % du total des entrées mondiales d’IDE entre 1994 et 2000, leur
part est revenue à 19,2 % en 2001 puis à 10,8 % en 2005. Parallèlement, la part de l’Union
européenne qui était en moyenne annuelle de 38,4 % en 1994-1999 est passée à 49,4 %
en 2000 et 46 % en 2005.
Néanmoins, l’intensité de l’ouverture des différentes économies nationales aux investisse-
ments directs étrangers est sensiblement plus forte pour les PED que pour les pays dévelop-
La mondialisation 151
pés. Selon les statistiques de la CNUCED, le stock d’IDE dans les pays développés est passé
de 6,1 % à 18 % du PIB entre 1980 et 2000. Parallèlement, il est passé dans les PED de 9,9 %
à 30,6 % du PIB, la décennie 1990 ayant été marquée par une très forte augmentation de
l’ouverture des PED aux investissements étrangers (tableau 3.3). Cette différence d’ouver-
ture aux IDE des PED et des pays développés est confirmée par les valeurs respectives pour
ces deux groupes de pays des indices d’ouverture aux multinationales des pays d’accueil
calculés par la CNUCED. Pour un pays donné, l’indice d’ouverture correspond à la moyenne
de quatre indices partiels : le montant des flux d’IDE entrant dans le pays en proportion
de sa formation brute de capital fixe (FBCF), le montant du stock d’IDE en proportion
du PNB du pays, la valeur ajoutée créée par les filiales des FMN implantées dans le pays
en pourcentage du PNB du pays, la part de l’emploi représentée par les filiales de FMN
dans l’emploi total du pays. Cet indice, qui est calculé pour 72 pays, s’élevait en 1998, en
moyenne, à 15 % pour les pays développés, 18 % pour les PED et 10 % pour les économies
en transition26.
TAbLEAU 3.3
Stocks des investissements directs* pour différents pays au 31-12-2001
Il faut souligner par ailleurs que, si les IDE proviennent principalement des pays dévelop-
pés (83 % du total mondial en 2005 et 88 % en moyenne annuelle entre 1994 et 1999),
la part des IDE en provenance des PED tend à augmenter : 11,7 % du total mondial en
moyenne annuelle en 1994-1999 et 15,1 % en 2005 (CNUCED, 2006, p. 22).
Par ailleurs, les flux d’IDE n’ont pas le même contenu selon les pays vers lesquels ils se di-
rigent. Les IDE réalisés dans les pays développés correspondent souvent à des opérations
de fusions-acquisitions transfrontières avec prise de contrôle d’entreprises préexistantes :
processus de croissance externe de la firme qui effectue l’IDE. Par contre, ceux qui sont réa-
lisés dans des PED correspondent plus souvent à l’implantation de nouvelles filiales, avec
création des unités de production correspondantes.
26 À l’intérieur d’un même groupe de pays, la valeur de l’indicateur fluctue cependant fortement, de 2 % à 34 % pour les
pays du Nord, entre 3 % et 54 % (Hong Kong) pour les pays du Sud et entre 2 % et 20 % pour les pays en transition, ce
qui dénote une forte disparité dans l’ouverture des différents pays à l’investissement international (Mucchielli, 2002,
p. 19).
Pour ce qui est plus spécifiquement de la France, il faut souligner qu’elle tient depuis une
dizaine d’années une place de choix dans les flux mondiaux d’IDE (entrants et sortants)
(graphique 3.7). Elle a reçu successivement 65,2 et 64,6 milliards d’euros d’IDE en 2005
et 2006. Parallèlement, les entreprises françaises ont réalisé 97,3 et 91,7 milliards d’euros
d’investissements directs à l’étranger, respectivement en 2005 et en 2006. En 2006, le stock
des investissements directs français réalisés à l’étranger s’élevait à 800,9 milliards d’euros,
soit 43 % du PIB de la France, tandis que les investissements directs étrangers en France
s’élevaient à 585,5 milliards d’euros (32,4 % du PIB) (tableau 3.4).
27 Les services, services financiers inclus, représentaient en 2004 « l’essentiel du stock mondial d’IDE » (CNUCED, 2005, p. 24).
La mondialisation 153
GrAPhIqUE 3.7
Flux d’investissements directs entre la France et l’étranger : 1990-2007
TAbLEAU 3.4
Investissements directs étrangers en France et français à l’étranger
2006
1993 2000 2001 2002 2003 2004 (r) 2005 (r)
(p)
Investissements étrangers en France (1)
Stocks (2)
(en 121,4 279,2 335,1 367,3 417,8 471,2 532,4 585,8
milliards d’euros)
Entreprises rési-
7 170 9 486 11 779 10 713 11 828 11 788 11 450 12 051
dentes investies
Investisseurs non
8 557 10 629 13 143 12 029 12 601 13 179 12 736 12 039
résidents
Investissements français à l’étranger (1)
Stocks (2)
142,7 478,3 577,4 559,1 573,6 620,7 736,2 800,9
(en milliards d’euros)
Entreprises non
8 460 9 418 9 418 5 866 5 333 4 978 4 687 4 110
résidentes investies
Investisseurs rési-
2 216 1 939 2 020 1 267 1 182 1 119 1 040 949
dents
r : données révisées. p : données provisoires. (1) : au 31 décembre. (2) : stocks en valeur comptable.
Champ : France.
Source : Banque de France. INSEE, Tableaux de l’Economie française 2007, site web de l’INSEE.
*
De nombreux travaux soutiennent que la mondialisation commerciale et productive
serait « un jeu à somme positive » en raison, plus particulièrement et simultanément :
1) de la réalité de la loi des avantages comparatifs ;
28J . Fayolle souligne pour sa part que « l’intégration des marchés met en cause les modes de socialisation et les droits
collectifs acquis au niveau national. (...) C’est un mode d’articulation des normes sociales et marchandes, encadré par les
institutions de l’État-nation, protégé par les barrières à la concurrence et par l’autonomie monétaire nationale, qui est
mis en cause. La détermination des salaires nationaux devient beaucoup plus directement contrainte par la concurrence
internationale sur les prix et plus sensible aux distorsions et fluctuations des taux de change » (2002-3, p. 19-20).
29 Comme l’explique l’auteur : « Ce modèle, tant célébré par l’OMC, a plongé le Mexique dans une spirale de recul de la
production, de déchirure du tissu productif et du tissu social et de montée vertigineuse du chômage et de la pauvreté »
( Chesnais, 1999, p. 110-111).
La mondialisation 155
Section 2 : La mondialisation financière
Pour nombre d’auteurs, c’est dans la sphère financière que le processus de mondialisation
est aujourd’hui le plus avancé30, la mondialisation/globalisation financière prenant directe-
ment appui sur ce que H. Bourguignat (1995) dénomme les « trois D » : déréglementation,
décloisonnement et désintermédiation.
Selon J.-B. Ferrari (2000, p. 29), cette mondialisation financière correspond au « processus
d’intégration des systèmes monétaires et financiers nationaux » et à « la formation d’un
espace financier mondial ». Celui-ci présente trois caractéristiques majeures :
1) c’est un « ensemble asymétrique » en raison du poids et de la puissance exceptionnelle
du système financier américain ;
2) sa régulation est très problématique par suite de la faiblesse du pouvoir dont disposent
réellement les autorités de tutelle et de contrôle ;
3) son unité, permise techniquement par les possibilités qu’offre l’usage intensif des NTIC,
est assurée par les acteurs financiers eux-mêmes et en particulier les investisseurs insti-
tutionnels « au travers des arbitrages qu’ils peuvent effectuer entre les différents seg-
ments du marché et entre les devises » (id., p.29). Avec cette mondialisation financière
s’est ainsi mis en place ce que l’on peut considérer comme un véritable système financier
mondial échappant au contrôle des États.
Si le caractère réellement nouveau de la mondialisation financière est discuté, il y a ce-
pendant un large consensus des analystes pour y voir la traduction de la puissance retrou-
vée du capital financier en liaison avec un essor considérable des marchés de capitaux
(§ 1). Ces marchés sont de plus en plus dominés par une catégorie particulière d’agents
économiques, les investisseurs institutionnels dont le poids financier considérable permet
d’influer directement sur le cours de la vie des entreprises (§ 2). Les avantages supposés de
cette mondialisation financière ne peuvent en faire oublier les risques et les limites (§ 3).
30 À titre d’illustrations, Moreau-Defarges (2001, p. 35) explique ainsi que « le domaine financier émerge comme le
premier champ réellement mondialisé », tandis que, selon Batsch (2002, p. 59), « ce sont les mouvements de capitaux
et l’harmonisation des places financières qui sont l’innovation majeure de la fin du XXe siècle » (cf. également Serfati,
1997, Chesnais, 1997, etc.).
31 Comme le souligne F. Sachwald (2004, p. 20), l’endettement international des États a fortement augmenté et « dans les
années 80 certains gouvernements ont cherché à avoir un accès aux marchés financiers pour financer leur dette dans de
meilleures conditions, ce qui a pesé en faveur de la libéralisation ». Il faut souligner en particulier le cas de l’endettement
des États-Unis, vers lesquels s’orientent des flux croissants de capitaux en provenance du monde entier, et qui se sont
hissés au premier rang des pays les plus endettés au monde (cf. infra, chapitre VI).
32 Cf. sur ce point en particulier : Duménil et Lévy (1999), Lordon (1999), Serfati (1999).
La mondialisation 157
Dans le contexte de l’après-seconde guerre mondiale, s’était formé dans la plupart des pays
capitalistes développés un « compromis keynésien » qui s’y était traduit en particulier par
la mise en place de systèmes financiers administrés par l’État. Conjugué à l’inflation, rédui-
sant les taux d’intérêt réels, que favorisaient des politiques monétaires accommodantes,
cela avait affaibli le capital financier et abouti à limiter son influence sur l’économie au
profit du capital industriel, lequel avait gagné en autonomie (Le Masne, 2001, p. 62). Ce
fut particulièrement net en France, avec la nationalisation des grandes banques de dépôt
et de la Banque de France, la séparation entre banques de dépôts et banques d’affaires et
le rôle central que joua alors le Trésor public dans les circuits de financement de l’écono-
mie. Mais le processus avait commencé aux États-Unis avec le New Deal et l’ensemble des
mesures aboutissant alors à réglementer fortement les activités bancaires et financières.
Cependant, dès les années 1960, s’amorce aux États-Unis un retournement de la tendance
que l’entrée dans la crise économique durable, à la fin des années 1960 et au début des an-
nées 1970, va accentuer. Le capital financier reprend progressivement le dessus33. Dans un
contexte d’accélération de l’inflation, les politiques économiques changent radicalement
de cap. Les politiques monétaires deviennent restrictives alors que les besoins en finance-
ment des États et des entreprises augmentent. La flambée des taux d’intérêt nominaux
qui en résulte se traduit par une forte hausse des taux d’intérêt réels (le taux d’intérêt réel
à long terme passe ainsi dans les pays du G7 de 0,5 % en moyenne annuelle au cours des
années 1970 à 6 % pendant la décennie 1980), ce qui pèse négativement sur la rentabilité
des entreprises dont le coût du capital se renchérit en proportion de cette hausse des taux
d’intérêt réels34.
Cette remontée en puissance du capital financier s’accompagne d’une croissance quasi
explosive des marchés de capitaux. Dans les 10 pays les plus riches du monde, la capitali-
sation boursière passe ainsi de 44 % de leur PIB en 1985 à 98 % en 1998 (Perspectives éco-
nomiques de l’OCDE, juin 2000) et, dans la zone euro, de 15 % du PIB au début des années
1990 a près de 85 % du PIB au pic de la vague spéculative de la « nouvelle économie ».
C’est le cas en particulier des marchés internationaux de capitaux, c’est-à-dire le marché
des prêts bancaires internationaux, le marché des obligations internationales et le marché
des instruments monétaires. Leur essor résulte principalement de la conjonction de trois
séries de facteurs (Plihon, 2001, p. 71) : 1) la diversification internationale de leur porte-
feuille par les investisseurs institutionnels ; 2) le mouvement considérable de fusions-ac-
33 Comme l’expliquent R. Farnetti et I. Warde (1997, p. 37), en faisant référence aux travaux de E. Helleiner (1994) : « D’une
part, (...) l’alliance entre les managers et les industriels américains qui avait permis lors du New Deal de contrôler le
pouvoir exorbitant des financiers, arriva à son terme au début des années 1960. Le renversement qui s’effectua alors
entre industriels et financiers se fit au profit de ces derniers avec une nouveauté de taille. D’autre part, les financiers
américains jetèrent leur dévolu sur la place financière londonienne pour contourner la tatillonne réglementation fédérale
en matière d’activité bancaire. Le marché monétaire et financier transnational des eurodollars, basé à Londres, donna
ainsi naissance à une communauté d’intérêts transatlantique, unissant capital financier américain et britannique. Cette
alliance forma les premiers linéaments d’un nouveau régime d’accumulation mondial à dominante financière et dont
les prétentions à remplacer le paradigme fordiste en voie d’épuisement se sont imposées de manière croissante à partir
du milieu des années 1970 environ ».
34 Comme le souligne P. Le Masne, cette hausse des taux d’intérêt réels qui, de faibles, voire négatifs, qu’ils étaient jusque
dans les années 1970, redeviennent fortement positifs, « manifeste le changement qui se produit dans les rapports de
force entre créanciers et débiteurs ; en liaison avec la réduction de l’inflation, et sur la base de taux d’intérêt élevés, le
capital financier retrouve toute sa puissance vis-à-vis des emprunteurs et de l’industrie. En Europe, les systèmes financiers
administrés sont progressivement remplacés par de nouveaux systèmes qui facilitent l’expansion du capital financier »
(Le Masne, 2001, p. 63).
Ce marché mondial des capitaux est de plus en plus dominé par les grands investisseurs
institutionnels spécialisés dans la collecte et la gestion de l’épargne et en particulier de
l’épargne salariale : banques, fonds mutuels (SICAV, FCP en France, Mutuals Funds aux
États-Unis), compagnies d’assurances, fonds de pension, fonds d’investissement, hedge
funds et autres fonds souverains (A). Ces grands investisseurs exercent un contrôle de plus
en plus serré sur les entreprises où ils engagent leurs capitaux (B) et leur imposent un ob-
jectif de rentabilité élevée (C).
35 La BRI souligne à ce propos que le montant quotidien des opérations de gré à gré sur les produits dérivés a atteint 2 100
milliards de dollars en 2007 (contre 1 220 milliards de dollars en 2004).
La mondialisation 159
A – Fonds d’investissement, hedge funds et fonds souverains
En dehors des banques, compagnies d’assurances et fonds mutuels dont il a déjà été ques-
tion dans le tome 1 (cf. en particulier les chapitres VIII et IX) et des fonds de pension qui
seront présentés ultérieurement (cf. infra, chapitre VIII), trois catégories d’investisseurs ins-
titutionnels jouent un rôle plus particulièrement actif dans le processus de mondialisation
financière : les fonds d’investissements (a), les fonds spéculatifs ou hedge funds (b) et les
fonds souverains (c).
La mondialisation 161
trois grandes catégories de fonds dits « fonds à règles d’investissement allégées » (ARIA) :
ARIA simple, ARIA à effet de levier (pouvant emprunter sur les marchés jusqu’à quatre fois
le montant de leurs encours) et les ARIA 3 qui sont des fonds de fonds alternatifs. Cette
réglementation prévoit qu’ils ne peuvent collecter des fonds auprès des particuliers que si
ces derniers détiennent un portefeuille de titres d’un montant total d’au moins 1 million
d’euros, avec un apport minimum au fonds de 125 000 euros (10 000 euros pour les ARIA 3).
Ils sont à la recherche d’une performance « absolue », c’est-à-dire déconnectée de celle des
indices boursiers. À la différence des gestionnaires de fonds « classiques » dont l’objectif
est souvent de faire « aussi bien » qu’un indice boursier de référence, ils cherchent à faire
mieux que les indices. Il s’agit en fait pour eux de réaliser un rendement positif quel que
soit le sens dans lequel évoluent les marchés, y compris donc quand les marchés sont à la
baisse grâce, par exemple, aux ventes à découvert : ils vendent des titres qu’ils ne pos-
sèdent pas encore36. Leurs techniques de gestion sont donc très différentes de celles des
fonds mutuels classiques : arbitrage entre différentes places financières, arbitrage entre
différentes valeurs sur une même place, spéculation sur de possibles fusions-acquisitions
d’entreprises, vente de titres à découvert, financement de leurs opérations par emprunt…).
Ils utilisent très largement l’effet de levier, pouvant emprunter jusqu’à cinq ou dix fois
leurs fonds propres. Ce faisant, ils sont d’ailleurs potentiellement à l’origine d’un risque
systémique, le défaut d’un hedge fund étant susceptible de mettre en danger les banques
qui lui ont prêté, comme ce fut cas en 1998 avec la faillite du fonds américain LTCM (Long
Term Capital Management) qui a nécessité, pour éviter une crise financière, l’intervention
massive de la Banque de réserve fédérale américaine.
Ils opèrent sur tous les marchés : actions, obligations, dérivés de crédit, marché des changes,
matières premières, immobilier…). Ils ont profité pleinement du développement des pro-
duits dérivés dont ils ont par ailleurs été un vecteur très actif. Selon différentes estimations,
ils assureraient 40 % des transactions quotidiennes des bourses de Londres et de New York.
Leur gestion est généralement très opaque. Ils sont accusés, à juste titre, d’un manque de
transparence dans leur gestion comme dans leurs financements. La moitié d’entre eux ont
leur siège social dans des paradis fiscaux. En l’absence de statistiques officielles, ils sont
estimés à 9 767 dans le monde (600 en 1990), gérant un total de fonds estimé par le Hedge
Funds Research à 1 760 milliards de dollars en 2007 (soit deux fois plus qu’en 2001). Il faut
souligner que les fonds de pension n’hésitent plus aujourd’hui à placer une (petite) partie
de leurs liquidités dans ces hedge funds, tandis que certains investisseurs institutionnels
créent leurs propres fonds spéculatifs.
36 Le fonds vend à un certain prix des titres qu’il ne possède pas livrables à une certaine échéance en faisant le pari que les
cours des titres sur le marché au comptant vont baisser dans l’intervalle et qu’il pourra donc les acheter au comptant,
avant de les livrer à son acheteur, à un prix inférieur au prix auquel il les lui aura préalablement vendu.
La mondialisation 163
menté en moyenne annuelle de 11 % entre 1991 et 1999. De sorte que, exprimé en pour-
centage du PIB des pays, le montant des actifs financiers détenus par les institutionnels
est passé au cours de cette période de 117 % à 227 % du PIB au Royaume Uni, de 126 % à
207 % du PIB aux États-Unis et de 56 % à 125 % du PIB en France (id., p. 18). Selon les esti-
mations de l’OCDE, les actifs financiers gérés par les investisseurs institutionnels s’élevaient
à 30 000 milliards de dollars dont près de la moitié était détenue par des investisseurs amé-
ricains (Plihon, 2001, p. 73). Moreau-Defarges (2001, p. 36) évaluait pour sa part à 1 000
milliards de dollars, soit près des deux tiers du PIB français, les actifs alors détenus par les
trois plus gros fonds de pension américains. En 2004, alors que 3 ans auparavant avait eu
lieu le krach boursier de la « nouvelle économie », l’actif des investisseurs institutionnels
représentait 150 % du PIB aux États-Unis, 140 % au Royaume-Uni, 100 % en France et en
Allemagne (Le Monde, 30-11, 2005, p. VI).
La crise boursière de 2001-2002 s’est cependant traduite mécaniquement, du fait de la
forte baisse des cours des actions, par une contraction de la richesse accumulée par ces
investisseurs institutionnels. Dans le cas des fonds de pension, leur valeur dans le monde a
baissé de 20 % entre 1999 et 2002, passant de 19 500 milliards de dollars à 15 700 milliards
de dollars. Par ailleurs, la valeur des actifs des 200 premiers fonds de pension américain a
baissé de 24 % entre le 30 septembre 2000 et le 30 septembre 200240
Ces investisseurs institutionnels, et en particulier les fonds de pension gérant la retraite de
leurs affiliés (cf. infra, chapitre VIII) visent le plus souvent la rentabilité financière à court
terme. Ils s’ingèrent de plus en plus dans la gestion des entreprises qu’ils financent en sous-
crivant à leurs émissions de titres et exercent une pression financière sur les dirigeants de
ces entreprises au détriment éventuellement de l’intérêt productif à moyen et long terme
de ces dernières et du pays où elles sont implantées41. Cela se traduit plus spécifiquement
par l’obligation faite aux entreprises que financent les investisseurs institutionnels, et en
particulier les fonds de pension, de se conformer aux règles de la corporate governance
(gouvernement d’entreprise) anglo-saxonne.
Celle-ci peut être définie comme « le cadre juridique et contractuel qui règle la coopération
et la coordination des organes de production, de gestion, de surveillance, ainsi que de tous
ceux qui ont des intérêts dans l’entreprise » (Gabel, 2002, p. 73). Dans les faits, elle concerne
plus spécifiquement l’organisation des relations qui doivent s’établir entre les dirigeants
des entreprises, les managers, et leurs propriétaires, les actionnaires. Elle s’est d’abord im-
posée dans le monde anglo-saxon avant de gagner l’Europe continentale. Elle a été initiée
et imposée par les milieux financiers qui ont analysé les difficultés que connurent les entre-
prises américaines et anglaises dans les années 1970 comme le résultat des « erreurs et négli-
gences » accumulées par les dirigeants d’entreprises disposant d’une trop grande autonomie
à l’égard des actionnaires propriétaires des entreprises (Batsch, 2002, p. 7). Après les décen-
nies de l’après-guerre, marquées par l’affirmation de la toute puissance des managers dans
la direction des entreprises, elle signifie « le grand retour du capital et de l’actionnaire » (id.,
p. 11). C’est à ces derniers qu’il appartient de diriger effectivement les entreprises.
Celles-ci sont désormais soumises à un impératif de transparence de l’information comp-
table, avec l’obligation de fournir des comptes détaillés et des bilans de résultats trimes-
triels ou de mettre en place des comités d’audit et cela, afin de donner aux actionnaires
tous les moyens nécessaires pour apprécier concrètement, quasiment en temps réel, la va-
leur des firmes et la qualité de la gestion pratiquée par les dirigeants d’entreprises. Ce qui
Les stock-options
Le système des stock-options consiste à accorder aux dirigeants de l’entreprise des options d’achat d’ac-
tions de la société qu’ils dirigent, c’est-à-dire le droit d’acheter des actions de la société à un prix fixé à
l’avance (en France, celui-ci ne peut être inférieur à 80 % du cours de référence de l’action au moment de
l’attribution) et ce, pendant une période plus ou moins longue. Si le cours des actions de la société s’élève,
le dirigeant peut alors faire jouer son option. Il achète les actions au prix fixé initialement et les revend au
cours du moment en réalisant ainsi une plus-value qui est d’autant plus importante que le cours de l’action
a plus augmenté, ce qui constitue pour lui une très forte incitation à gérer l’entreprise en ayant en pers-
pective la réalisation d’opérations propres à faire progresser le cours boursier de la firme. Le plus souvent,
le droit d’acquérir les actions ne peut s’exercer qu’après une période de blocage (généralement 4 ans) et
pour une durée de 10 à 12 ans. Les titres achetés peuvent être revendus immédiatement ou conservés avec,
alors, le risque de supporter une baisse ultérieure des cours, mais il existe des assurances permettant aux
bénéficiaires de stock-options de se prémunir contre le risque de baisse de leurs actions.
Ces stock-options représentent une part croissante de la rémunération réelle des dirigeants des firmes.
Comme l’explique brian J. hall (2000, p. 37), alors qu’il y a une vingtaine d’années le salaire et les primes
représentaient la part la plus importante de la rémunération d’un dirigeant de société aux États-Unis, ce
sont les stock-options qui forment aujourd’hui « la plus grosse part de la rémunération –et souvent de la
richesse– des dirigeants des sociétés dans tous les États-Unis ». De fait, selon une étude de 2004, la rému-
nération totale des dirigeants des entreprises américaines se répartissait de la manière suivante : salaire de
base 12 %, stock-options 44 %, attribution d’actions gratuites 20 %, bonus (rémunération indexée sur
des mesures de performance de la société) 16 %. Tandis que celle des patrons français serait constituée
pour 25 % du salaire de base, 25 % de bonus et 50 % des stock-options. L’intérêt principal de ce nouveau
système de rémunération est d’aboutir à ce que, « à la différence de ce qui se passait il y a 20 ans, lorsque
la majorité des dirigeants étaient rémunérés en liquides (salaires et primes) et se comportaient en bureau-
crates, ceux d’aujourd’hui visent beaucoup plus à être rémunérés comme des propriétaires et à agir comme
tels » (hall, 2000, p. 37).
42 Comme le souligne M. Aglietta (2001, p. 5), les investisseurs institutionnels ont « un pouvoir de contrôle sur les dirigeants
des entreprises qui n’existait pas dans le régime de croissance précédent ». A. Minc (2001, p. 70) écrit pour sa part que
« le pouvoir, jadis confié aux gestionnaires, est accaparé par les actionnaires » et L. Batsch (2002, p. 12) souligne que
les managers sont « progressivement placés sous surveillance : leur allégeance aux intérêts des actionnaires devient le
critère d’appréciation de leur qualité ».
43 Pour une information plus complète sur la question de la rémunération des dirigeants des sociétés, on pourra se reporter
au numéro 2 936 de Problèmes Économiques « Quelle rémunération pour les dirigeants d’entreprise ? », 5 décembre
2007.
La mondialisation 165
On ne peut cependant ignorer les nombreux problèmes que soulève le système des stock-options et en
particulier leurs « effets pervers ». Comme l’explique E. Matta (2005, p.111), « plus la rémunération
d’un PDG est exposée –en raison de l’importance de la part variable– aux risques qui pèsent sur la per-
formance de l’entreprise, plus sa gestion est atteinte de myopie. Le PDG rémunéré en stock-options n’est
en fait pas dans la même situation que l’actionnaire. Si ce dernier peut détenir un portefeuille diversifié
de titres (qui lui permet de mutualiser les risques), le PDG, lui, voit l’essentiel de sa rémunération passer
par la performance boursière de sa seule entreprise ». Ce qui aurait, selon l’auteur, « eu des effets par-
ticulièrement négatifs dans les secteurs pétroliers ou pharmaceutiques, où les dirigeants ont renoncé,
ces dernières années, à lancer des projets d’investissement dans l’exploration ou la recherche, parce que
trop risqués … pour leur propre rémunération ». De surcroît, les dirigeants de l’entreprise peuvent être
tentés de l’engager dans des opérations d’un intérêt discutable à moyen et long terme mais qui sont
susceptibles de faire monter le cours des actions de la firme au moment précisément où ils entendent
faire jouer leur option. Étant les mieux informés de la situation réelle de la firme, ils peuvent également
décider de faire jouer les options avant que l’annonce de la dégradation de la situation de la firme n’af-
fecte négativement les cours (affaire Enron).
Certains auteurs s’interrogent par ailleurs sur la capacité du système des stock-options à permettre de
mieux rémunérer les dirigeants les plus compétents. P. Maniere (2007, p. 19) souligne ainsi que ce que
gagnent les détenteurs de stock-options (la plus-value en cas de levée de l’option et de revente des ac-
tions à un cours qui a augmenté) « est en effet moins tributaire de la performance relative de l’entreprise
où ils déploient leurs talents que de la performance absolue du marché des actions, elle-même liée à
des causes exogènes. que les taux d’intérêt baissent, que la croissance mondiale soit soutenue et c’est
la quasi-totalité de la bourse qui monte – et des détenteurs de stock-options qui s’enrichissent. (...). Les
stock-options semblent peu récompenser le talent de manager en soi ».
quoi qu’il en soit, ce dispositif aboutit à assurer aux dirigeants des grandes entreprises des rémunérations
vertigineuses. Le consultant américain Peter Drucker expliquait à ce propos en 2000 que, si le salaire le plus
élevé versé dans une entreprise était il y a 30 ans en moyenne 20 fois plus élevé que le salaire moyen versé
dans cette même entreprise, l’écart a été depuis multiplié par 10, le salaire le plus élevé étant désormais
de l’ordre de 200 fois plus élevé que le salaire moyen dans l’entreprise : 400 fois pour le salaire du PDG
de Coca Cola et 800 fois pour celui du PDG de Procter & Gamble (Secondi, 2007, p. 4). Par ailleurs, selon
le Rapport moral sur l’argent dans le monde (Jeanne et Paillaud, 2007, p. 27) : « La rémunération an-
nuelle moyenne des CEO (chief executive officer) des sociétés du Standard & Poor’s (S&P 500) représente
actuellement environ 4 200 fois le salaire minimum légal annuel ; le rapport était de 1 à 40 au début des
années 1970. Le CEO moyen du S&P 500 a été, en moyenne, 411 fois mieux payé qu’un employé américain
non cadre en 2005 », contre « 301 fois en 2004, (...) 107 fois en 1990 et 42 fois en 1982 ».
Selon une étude réalisée par le cabinet Proxinvest, en 2006, en France, la rémunération annuelle
moyenne, stock-options compris, des patrons des entreprises du CAC 40 s’est élevée à 4,4 millions d’eu-
ros, soit 274 fois le SMIC (Le Monde, 28-11, 2007, p. 14), la rémunération totale des cinq PDG les mieux
payés du CAC 40 s’étalant de 8 à 23,4 milliards d’euros. En pratique, les évaluations des rémunérations
des dirigeants d’entreprises varient selon les sources et le mode de calcul des rémunérations. Ces der-
nières peuvent par ailleurs varier sensiblement d’une année sur l’autre, en raison de la part importante
des stock-options dans la rémunération totale et de l’incidence sur ces stock-options de la variation des
cours boursiers. Selon le même cabinet Proxinvest, la rémunération des PDG des sociétés du CAC 40 était
ainsi de : 7,4 millions d’euros en 2001, 554 fois le SMIC ; 6,25 millions d’euros en 2003 ; 5,6 millions
d’euros en 2004 (366 fois le SMIC) ; 4,86 millions d’euros en 2005 (298 fois le SMIC). Par ailleurs, selon
En bref, avec les transformations qui viennent d’être évoquées, on peut dire que « la gouver-
nance des entreprises par les actionnaires est devenue une forme déterminante de la régu-
lation » (Aglietta, 2001, p. 5). Les actionnaires sont désormais les maîtres du jeu. M. Aglietta
propose pour caractériser cette mutation l’expression de « capitalisme patrimonial ».
C – L’exigence de rentabilité
Le contrôle accru qu’exercent ainsi les investisseurs institutionnels sur les dirigeants et la
gestion des entreprises dans lesquelles ils prennent des participations vise à faire prévaloir
dans la définition de la stratégie des firmes un objectif fondamental de maximisation de la
rémunération des fonds propres. La maximisation de la valeur actionnariale, c’est-à-dire en
fait la capacité de l’entreprise à dégager une survalorisation des fonds propres comparati-
vement au coût « normal » des fonds empruntés, a désormais « la priorité sur les formules
de partage des gains de productivité qui caractérisaient les compromis entre dirigeants et
salariés (...) de la grande entreprise industrielle de l’époque fordiste » (Aglietta, 2001, p.
5). Les normes de rentabilité imposées aux entreprises à partir du milieu des années 1980
seront ainsi de plus en plus élevées (Le Masne, 2001, p. 63).
P. Artus (2002a, p. 27) souligne à ce propos que les investisseurs institutionnels qui cher-
chent nécessairement à accroître leur part de marché respective dans la collecte de
l’épargne sont de ce fait engagés dans une lutte concurrentielle où il est essentiel de
réaliser « une performance plus élevée que les concurrents », ce qui les conduit « à désirer
un rendement élevé des placements qu’ils réalisent » (id., p. 27). Concrètement, il y a un
accord dans la littérature pour constater que c’est en fait un objectif de rentabilité d’au
moins 15 % sur les fonds propres, c’est-à-dire un return on equities (ROE) de 15 %, qui est
assigné aux entreprises par leurs actionnaires et en particulier par les investisseurs institu-
tionnels qui y effectuent des placements. À quoi s’ajoute, comme autres règles imposées
par les investisseurs institutionnels aux entreprises dans lesquelles ils placent des fonds, un
taux de retour sur les nouveaux investissements d’au moins 20 % et la distribution sous
forme de dividendes de 50 % des profits réalisés par la firme (Le Monde, 2-02, 2005, p. 18).
Cet objectif d’un ROE de 15 % qu’Alain Minc ne juge pas irréaliste même s’il « laisse au
bord de la route un grand nombre d’entreprises » (2001, p. 70) apparaît en fait déraison-
nable, l’économie réelle étant incapable de répondre globalement et durablement à l’exi-
gence de rentabilité actuelle des capitaux imposée par le marché financier44.
44 Si un tel rendement permet d’obtenir un doublement du capital en 5 ans, L. Batsch (2002) montre sur un exemple nu-
mérique, fondé sur des hypothèses réalistes (taux d’intérêt de la dette de 6 %, taux d’imposition sur les bénéfices des
sociétés de 40 %, soit un coût de la dette pour l’entreprise de i = 6 % x (1 - 0,4) = 3,6 %, qu’un taux de rendement sur les
fonds propres de 15 % ne peut être atteint que pour un taux de rentabilité économique de la firme (rapport des profits
dégagés par la firme à l’ensemble des capitaux utilisés : fonds propres et fonds empruntés) particulièrement élevé, et
La mondialisation 167
Pour satisfaire néanmoins cette exigence de rentabilité sur les fonds propres, les entre-
prises peuvent recourir à différents moyens. Elles peuvent agir sur la structure de leur
bilan, à masse de profits dégagés donnée, en réduisant leurs fonds propres par des opé-
rations de rachats d’actions en bourse et/ou en s’endettant dès lors que les taux d’intérêt
sont inférieurs au taux de rentabilité économique des firmes et que celles-ci bénéficient
ainsi d’un effet de levier positif.
La pratique des rachats d’actions, qui permettent de soutenir le cours en bourse des ac-
tions au plus grand profit des actionnaires et de réduire le montant global des fonds
propres de l’entreprise dès lors que les actions rachetées sont annulées, s’est largement
répandue. Pour la France, où la pratique est autorisée (dans la limite de 10 % du capital de
la société) depuis une loi du 2 juillet 1998, l’autorité des marchés financiers (AMF) a ainsi
estimé que les entreprises ont consacré plus de 56 milliards d’euros entre 2000 et 2003 à
des rachats de leurs propres actions. Le record est atteint par la société Total dont les bé-
néfices suivent la hausse du prix du pétrole et qui, limitant ses investissements nouveaux
pour lesquels elle exige un retour sur investissement de l’ordre de 20 à 25 %, ce qui élimine
d’emblée de nombreux projets, a consacré 15 milliards d’euros en 4 ans à des rachats d’ac-
tions (Le Monde, 31-12, 2004, p. 8). Au-delà du seul cas de Total, le secteur pétrolier four-
nit d’ailleurs un exemple particulièrement éclairant de cette stratégie de rachat de leurs
actions par les entreprises, destinée à faire bénéficier les actionnaires des profits réalisés.
Alors que les cinq premiers groupes pétroliers privés mondiaux avaient réalisé en 2004 près
de 85 milliards de dollars (65 milliards d’euros) de bénéfice net cumulé, ils ont consacré
30,2 milliards de dollars à des rachats d’actions. Mais cela se fait au détriment des investis-
sements de ces firmes dans l’exploration et la mise en exploitation de nouveaux gisements
dont la croissance est loin de suivre celle des profits réalisés, avec comme conséquence que
les quantités de pétrole et de gaz extraites du sous-sol par les compagnies excèdent les
nouvelles découvertes. On comprend mieux dans ces conditions la forte augmentation du
prix du pétrole de 2007 et 2008.
Parallèlement, les entreprises s’endettent afin de financer leur politique d’investissement
sans avoir à recourir à des émissions d’actions nouvelles qui feraient inéluctablement bais-
ser le ratio profit net sur fonds propres ; quand elles ne s’endettent pas pour racheter une
partie de leurs actions et revaloriser ainsi, par là-même, ce ratio pour une masse de profits
dégagés donnée. P. Artus (2002a, p. 28) explique ainsi que l’augmentation du ROE des en-
treprises américaines cotées (passé de 12 % en 1992 à plus de 17 % en 2000 alors que leur
rentabilité économique demeurait approximativement stable) a été largement obtenue
par « la hausse du levier d’endettement » (id., p. 28), c’est-à-dire le ratio dette financière
sur fonds propres, avec la conjonction d’une très forte hausse du taux d’endettement total
des entreprises à partir de 1995 (de 48 % en 1995 à 66 % en 2001) et de l’apparition, après
la fin de la récession, d’importants rachats d’actions sur le marché » (id., p. 28).
Pour satisfaire cette exigence de rentabilité, les entreprises cherchent également à peser
le plus possible sur leurs coûts d’exploitation, en commençant par la masse salariale, afin
d’élever leur taux de rentabilité économique et, par la même, le taux de rendement sur
les fonds propres. Certaines entreprises, à l’exemple en France de Michelin ou Danone45,
en règle générale inatteignable, ou par des taux d’endettement financier très élevés, de l’ordre de 2,2 fois le total des
fonds propres, et donc le plus souvent très dangereux.
45 Danone, dont le journal Le Monde (31-12, 2004, p. 8) nous apprenait qu’il « a dépensé depuis 1998 plus d’argent pour
racheter ses actions (4,2 milliards d’euros) que dans ses investissements industriels (3,9 milliards d’euros) ».
46« En 1990-91, l’emploi a baissé presque aussi rapidement et profondément que la production, ce qui a permis aux profits
(réels) de continuer à augmenter ; la même constatation peut être faite lors du ralentissement de 1995 après la crise
mexicaine » (Artus, 2002a, p. 29).
La mondialisation 169
paragraphe 3 : portée et limites de la mondialisation financière
La mondialisation 171
Elles ont un caractère largement systémique, en ce sens que leur émergence et leur propa-
gation ont été, à tout le moins, favorisées par la déréglementation et le décloisonnement
des marchés, le développement de nouveaux marchés potentiellement très spéculatifs
(comme les marchés de produits dérivés), la libéralisation des mouvements internationaux
de capitaux. Des études montrent ainsi que, sur la période 1970-2000, la fréquence des
crises a été sensiblement plus élevée dans les PED « ouverts », c’est-à-dire dont le compte
de capital est libéralisé, que dans les PED « fermés » (alors que « cette fréquence a été
faible pour les pays développés, qu’ils soient ouverts ou fermés » (Longueville, 2003, p.
18)49.
Mais les acteurs économiques ne sont pas exempts, loin s’en faut, de responsabilité dans
l’éclatement et la propagation de ces crises. Nombre de travaux soulignent, par exemple,
la responsabilité des banques, et plus spécifiquement celles originaires des grands pays
développés. Se livrant à une concurrence accrue dans un contexte de libéralisation et de
déréglementation des activités financières et bancaires, les banques ont pu s’engager dans
des stratégies de diversification de leurs activités, les conduisant en particulier à accroître
fortement les opérations de financement des PED et à réaliser des placements qui se sont
révélés après coup beaucoup plus risqués qu’il ne pouvait paraître. L’éclatement et la pro-
pagation des crises sont également à mettre en rapport avec le jeu des effets de conta-
gion. L’expérience des crises financières des années 1990 a montré que, lorsqu’une crise
éclate sur un marché financier, la réaction de panique qu’elle suscite chez les opérateurs
des marchés peut entraîner la transmission de la crise non seulement à d’autres marchés
sur lesquels s’échangent le même type de titres mais également « à des marchés financiers
a priori sans rapport avec celui où la crise est apparue » (Chevagneux, 2004, p. 60-61).
Les autorités monétaires et politiques ne sont certes pas totalement désarmées face à ces
crises, comme l’a montré, par exemple, l’efficacité des interventions des banques centrales
injectant des liquidités dans l’économie des grands pays développés après l’éclatement de
la crise boursière de 1987 ou de celle du FMI lors de la crise mexicaine de 1994. Mais ces in-
terventions du FMI peuvent être à l’origine d’un phénomène « d’aléa moral ». L’assurance
donnée aux bailleurs de fonds que le FMI interviendra en cas de crise des pays endettés
pour permettre à ces derniers de surmonter la crise favorise l’octroi de crédits ou la réalisa-
tion de placements qui sans cela seraient jugés trop risqués, ce qui joue objectivement en
faveur de l’éclatement des crises.
La crise des subprimes est une nouvelle illustration de cette instabilité des marchés de
capitaux et des dérives auxquelles peut conduire le capitalisme financiarisé qui s’est pro-
gressivement affirmé au cours des trois dernières décennies.
49 Comme le souligne encore cet auteur : « Au sein des PED, la relation paraît forte entre la liberté donnée aux flux fi-
nanciers de court terme, la dégradation des bilans bancaires et les crises. (...). Ces résultats sur longue période ont été
confirmés au cours des années récentes : graves crises financières de certains grands pays ouverts et, a contrario, stabilité
financière de pays fermés comme l’Inde, la Chine » (Longueville, 2003, p. 18).
50 Les analyses qui suivent sont limitées à la période allant jusqu’à l’été 2008. Pour l’étude des développements de la crise
financière à partir de septembre 2008 et de la crise économique sur laquelle a débouché cette crise financière, on pourra
se reporter, par exemple, à : Problèmes économiques, Le bilan de l’économie française 2007/2008, n°2958, 15 octobre
2008 et Le bilan de l’économie mondiale 2008, n° 2959, 26 novembre 2008.
51 Anton Brender souligne que, si jusqu’en 2004 les prêts immobiliers accordés aux ménages américains ne posaient pas de
problème particulier (prêts hypothécaires à taux fixe et charge constante accordés à des emprunteurs dont les revenus
étaient en rapport avec la charge du service de la dette), à partir de 2005, alors que les prix de l’immobilier augmentaient
les prêteurs « ont cherché à élargir leur marché en prêtant à des emprunteurs plus risqués mais surtout en leur prêtant
sous des formes plus risquées. Apport personnel inexistant, revenu non vérifié et taux d’appel destiné à monter plus
tard ont été la marque de fabrique des prêts subprimes distribués en 2005 et surtout en 2006 » (Brender, 2007, p. 20).
52 Cité par Le Monde, 6-10, 2007, p. 12.
53 En conséquence, les emprunteurs ont subi de plein fouet la remontée des taux d’intérêt à partir de 2005 ; le taux directeur
de la Banque fédérale passant de 1 % en mars 2004 à 5,25 % en septembre 2007. En septembre 2007, la Bank of America
évaluait à 515 milliards de dollars (dont 400 milliards de dollars de subprimes) le montant des crédits devant être rééva-
lués en 2007 et à 680 milliards de dollars (dont 500 milliards de dollars de subprimes) ceux qui devaient l’être en 2008
54 La formation d’une bulle immobilière n’a pas concerné que les seuls États-Unis. D’autres pays de l’OCDE, et en particulier
européens (Espagne, Grande-Bretagne, France), ont connu également une hausse très forte des prix de l’immobilier.
« Pour sortir de la crise de la nouvelle économie (en 2001) le robinet du crédit a été ouvert à fond, ce qui a grandement
facilité le crédit hypothécaire et lancé la bulle immobilière. On n’est sorti d’une bulle que pour tomber dans l’autre et
parce que l’on est tombé dans l’autre » (Johsua, 2007, p. VI).
La mondialisation 173
mentation du stock des maisons neuves invendues (4 millions en septembre 2006). Du
fait de la baisse des prix de l’immobilier consécutive à l’éclatement de la bulle, pour les
ménages américains qui se sont trouvés en plus grand nombre55 dans l’incapacité de faire
face à la charge des emprunts qu’ils avaient contractés (en partie du fait de la remontée
des taux d’intérêt décidée par la Fed dans le cadre de la mise en œuvre de sa politique
monétaire de lutte contre l’inflation), la vente de leurs biens immobiliers par les banques
s’est désormais faite à perte56, ces mises en vente ayant par ailleurs pour effet de pousser
un peu plus les prix de l’immobilier à la baisse.
Avec cette crise de l’immobilier, la chute des ventes et la baisse des prix des appartements
et maisons, la défaillance des ménages incapables de rembourser leurs emprunts s’est
désormais traduite par une dévalorisation des crédits correspondants, ce qui a entraîné
le déclenchement de la crise financière. Compte tenu des montages financiers auxquels
avaient donné lieu les subprimes, la crise a immédiatement affecté un très grand nombre
d’établissements bancaires et financiers, menaçant ainsi de prendre d’emblée un caractère
systémique.
Les crédits subprimes accordés par les banques ont en effet été à la base d’un vaste proces-
sus de titrisation (cf. tome 1, chapitre IX) permettant aux banques qui les avaient accordés
de les céder au marché et d’en reporter ainsi le risque sur toute une chaîne d’intervenants.
La titrisation consiste pour une banque à transformer les créances correspondant aux cré-
dits qu’elle accorde en titres pouvant être cédés à des tiers sur le marché des capitaux. Dans
le cas de la titrisation cash, la banque hypothécaire vend les actifs qu’elle détient à une
société ad hoc, créée spécialement à cet effet, laquelle finance l’acquisition des créances
en émettant des titres qui sont acquis par des investisseurs (fonds de pension, hedge funds,
ménages fortunés, banques et institutions financières diverses) sur lesquels va désormais
reposer en fait le risque représenté par le crédit hypothécaire accordé initialement par la
banque qui choisit de titriser ses crédits.
L’intérêt pour la banque qui procède à la titrisation de certains de ses crédits est que ces
derniers disparaissent de son bilan. La titrisation des créances est donc un moyen pour les
banques d’augmenter le volume des crédits qu’elles accordent sans avoir à accroître leurs
fonds propres tout en respectant formellement les règles prudentielles qui s’imposent à
elles, conformément en particulier aux accords de Bâle I et de Bâle II (cf. à ce propos,
Suarez, 2007) : une forme d’effet de levier en fait. Mais la titrisation signifie aussi que
les banques s’exemptent de leur fonction traditionnelle essentielle qui est de mesurer la
solvabilité des emprunteurs et d’en suivre l’évolution tout au long du remboursement,
ce qui ouvre la porte à de mauvaises surprises. Dans le cas d’espèce, dès lors qu’elles sa-
vaient pouvoir se débarrasser des créances correspondant aux crédits immobiliers qu’elles
accordaient en les cédant au marché, les banques n‘étaient objectivement plus incitées à
contrôler sérieusement la solvabilité de leurs emprunteurs, l’objectif, dans une optique
de rentabilité à court terme, devenant au contraire de placer le maximum de crédits pour
encaisser le maximum de frais et de commissions. Il s’est ainsi créé une situation « d’aléa
55 Au troisième trimestre 2007, ce sont quelques 63 000 ménages dont le logement a été saisi, soit trois fois plus que deux
ans auparavant.
56 En mars 2008, on estimait que « la valeur de la maison d’environ 8 millions de foyers (américains) est inférieure à celle
de l’emprunt contracté pour la payer. Ce sera le cas d’ici à 2010 pour 21 millions de foyers, tandis que la chute des prix
immobiliers atteindra près de 30 %, avec 6 600 milliards de dollars de valeurs nettes d’hypothèques anéanties » (Roubini,
2008, p. VI).
La mondialisation 175
(BCE, Fed, banque d’Angleterre) destinées à fourni des liquidités au marché ont eu lieu en
décembre 2007 et en mars 2008.
La crise s’est également très vite manifestée comme une crise de solvabilité. Les pertes
subies par de très grands établissements financiers61 menaçant leur existence ont contraint
certains d’entre eux à se renflouer en faisant appel pour se recapitaliser en particulier à des
fonds souverains (cf. supra)62. Pour d’autres, leur sauvetage n’a été rendu possible que par
l’intervention directe des pouvoirs publics comme ce fut le cas avec la nationalisation par le
gouvernement de Gordon Brown de la banque britannique Northern Rock en février 2008
afin d’éviter sa mise en faillite, le sauvetage sous l’égide de la Banque centrale américaine
de Bear Stearns (BSC), cinquième banque d’affaire des États-Unis63, ou la nationalisation
par le gouvernement américain des deux grandes institutions financières spécialisées dans
le crédit hypothécaire que sont Fannie Mae et Freddy Mac64.
Il est par ailleurs très vite apparu que les difficultés ne concernaient pas que les seules
banques américaines mais également de nombreuses banques européennes (Barclays,
Deutsche Bank, Crédit Suisse, UBS), dont de grandes banques françaises (Société générale,
Crédit agricole, Natixis…), qui s’étaient elles aussi engagées à des niveaux plus ou moins
élevés dans le financement des subprimes et allaient également supporter des pertes im-
portantes.
Le montant total des pertes subies par le système bancaire du fait de la crise est considé-
rable. En avril 2008, le FMI estimait, dans son Rapport sur la stabilité financière dans le
monde, le montant total prévisible des pertes à 945 milliards de dollars. Le montant final
réel des pertes demeurait au début du second semestre 2008 indéterminé, d’autant plus
que la crise cantonnée initialement au secteur des crédits hypothécaires à risque s’est en-
suite étendue à d’autres départements du marché des crédits : d’autres catégories de cré-
dits immobiliers que les subprimes, aux prêts aux entreprises, aux prêts accordés aux fonds
d’investissement pour financer le rachat d’entreprises par LBO, aux crédits à la consomma-
tion (FMI, 2008).
Si l’intervention des banques centrales a permis d’assurer la liquidité du marché moné-
61 Ces pertes sont considérables. De très grands établissements sont frappés de plein fouet : aux États-Unis, CitiGroup, Meryll
Lynch, Morgan Stanley, Bear Stearns. Fin juillet 2008, le total des dépréciations d’actifs effectivement enregistrés dans les
bilans des banques au niveau mondial était estimé à 400 milliards de dollars (Le Monde, 22-07, p. 12).
62 CitiGroup a ainsi reçu 7,5 milliards de dollars de Adra, fonds d’Abu Abi, Morgan Stanley 5 milliards de dollars de CIC,
fonds chinois, Merril Lynch 6,2 milliards de dollars de Temasek, fonds de Singapour…
63 Pour sauver BSC de la faillite, la Fed a suscité le rachat de cette dernière par JP. Morgan et accepté de prendre en charge
le risque encouru sur les titres spéculatifs de BSC, c’est-à-dire en fait sur les 30 milliards de dollars d’actifs les plus fragiles
détenus par la banque. JP. Morgan se proposait initialement de racheter BSC pour 236 millions de dollars seulement,
alors qu’en mars 2008 certains analystes estimaient la valeur réelle de BSC à 7,7 milliards de dollars. Finalement, face aux
menaces de recours judiciaires de différents actionnaires de BSC, JP. Morgan a été contraint d’augmenter son offre et a
proposé de racheter les actions de BSC pour 10 dollars, contre 2 dollars dans sa proposition initiale (soit un coût total de
plus de 2 milliards de dollars), sachant cependant que les actions de BSC cotaient 67 dollars au début du mois de mars
2008 et 170 dollars en mars 2007.
64 Fannie Mae, fondée en 1938, et Freddy Mac, créé en 1970, sont des entités privées « sous surpervision de l’État »
(Government sponsored entities. Elles n’accordent pas directement de crédits immobiliers mais rachètent de tels crédits
aux banques ou les garantissent. En juillet 2008 on estimait qu’elles garantissent ou détiennent 5 300 des 12 000 milliards
de dollars de l’encours de crédits immobiliers aux États-Unis. Dès juillet 2008, ces deux établissements se retrouvaient
gravement en difficulté. En juillet 2008, elles avaient perdu globalement de l’ordre de 80 % de leur valeur boursière
respective au 1er janvier 2008. Leur déconfiture boursière s’est poursuivie et amplifiée en août 2008, conduisant fina-
lement le gouvernement fédéral américain a décider leur nationalisation provisoire, le Trésor public étant autorisé à
mobiliser 200 milliards de dollars pour assurer leur sauvetage, ce qui apparaissait comme la condition pour empêcher
ainsi l’écroulement de tout le système financier américain.
65 Tout laisse à penser que l’ajustement à la baisse du marché immobilier est appelé à se prolonger pendant plusieurs
semestres, au moins jusque fin 2009, voire au-delà.
La mondialisation 177
crise, les défaillances de ménages américains emprunteurs se sont accélérées. Alors qu’il y a
eu 1,5 million de défaillances de remboursement de crédit immobiliers en 2007, ce chiffre
devrait passer à 2,5 millions en 2008. Et cette crise de l’immobilier qui a commencé aux États-
Unis s’est depuis étendue à l’Europe (Espagne, Grande-Bretagne, Irlande et… France).
Les risques que la crise financière fait peser sur l’économie réelle sont d’autant plus impor-
tants que, depuis la mi-2007, le développement de la crise financière s’est conjugué avec
d’autres crises et en particulier monétaire (forte dépréciation du dollar), alimentaire et
énergétique (se traduisant, pour ces deux dernières, par la flambée des cours de matières
premières correspondantes jusqu’à l’été 2008). C’est ainsi que le ralentissement de la crois-
sance de la production aux États-Unis au premier semestre 2008 est survenu alors même
que l’inflation s’accélèrait, atteignant 4,2 % en rythme annuel.
La situation résultant de l’éclatement de la crise a été jugée rapidement suffisamment
grave par les pouvoirs publics américains pour que ceux-ci décident d’intervenir. Le 18
janvier 2008, le Président des États-Unis, G. Bush, annonçait un plan de relance de 157
milliards de dollars (consistant en restitutions d’impôts aux ménages et aux entreprises
devant s’étaler jusque la mi-juillet 2008)66, suivi en juillet 2008 d’un plan de sauvetage de
l’immobilier américain67. Un fonds de l’administration fédérale du logement, doté de 300
milliards de dollars, a été créé pour permettre aux particuliers incapables de faire face à
leurs dettes immobilières de se refinancer : les particuliers pourront remplacer leur em-
prunt en cours par un nouveau prêt à taux fixe sur 30 ans pour 90 % de la valeur de leur
logement. Parallèlement, comme on l’a déjà indiqué, Fannie Mae et Freddie Mac ont été
mis sous la tutelle du Trésor public américain, autorisé à acheter leurs actions afin de leur
permettre de se recapitaliser ou à leur prêter des fonds jusqu’en 2009.
Mais le ralentissement n’a épargné ni l’Europe ni le Japon. Au second trimestre 2008, le PIB
a reculé dans les grands pays de la zone euro (-0,3 % en France et en Italie, -0,5 % en Alle-
magne, -0,2 % pour l’ensemble de la zone euro). Parallèlement, la hausse des prix a continué
à s’accélérer dans la plupart des pays de la zone euro. En juillet 2008, l’inflation sur un an
était de 3,3 % en Allemagne, 3,6 % en France, 4,1 % en Italie, 5,3 % en Espagne et 5,9 %
en Belgique, tandis que la Banque d’Angleterre anticipait une hausse des prix de 5 % pour
2008 au Royaume-Uni.
Pour la France, selon les données publiées par l’INSEE à la mi-août, le PIB qui avait pro-
gressé de 2,2 % en 2007 et encore de 0,6 % au premier trimestre 2008 a reculé de 0,3 %
au second trimestre 2008, tandis que la production de biens baissait de 0,5 % et que le
chômage augmentait de 0,3 % en mai et de 0,2 % en juin68 et que le secteur immobilier su-
bissait une baisse des permis de construire de 15 % et une réduction des mises en chantier
de 22 % au deuxième trimestre 2008. Parallèlement, la poussée de l’inflation se confirmait
avec une hausse annuelle de 3,6 % en glissement en juin 2008 (contre une hausse de l’in-
dice des salaires hors fonction publique et hors agriculture de 3,1 % sur la même période).
66 Il s’agit d’un crédit exceptionnel d’impôt pour les ménages (600 dollars sont versés à chaque contribuable, 1 200 dollars
pour un couple plus 300 dollars par enfant) et d’allégement fiscaux pour les entreprises qui investissent (réduction mo-
mentanée de moitié de l’impôt sur les achats de matériels). Mais pour J. Stiglitz, ce plan n’était qu’une « goutte d’eau
dans un seau d’eau » (cité par Le Monde, 29-04, 2008, p. V).
67 Un an après l’éclatement de la crise, la situation de l’immobilier est particulièrement difficile, certains analystes n’hésitant
pas à parler d’une crise immobilière sans précédent depuis la crise de 1929-1933 : baisse du prix des logements de 15,8 %
en un an (juin 2007-juin 2008), tandis que, selon certaines estimations, 2,8 millions d’Américains pourraient perdre leur
maison d’ici à fin 2009 (Le Monde, 01-08, 2008, p. 11).
68 Au second trimestre 2008, après cinq années de hausse, le nombre d’emplois a diminué (- 35 000 selon l’UNEDIC et – 20 000
selon l’INSEE), ce qui traduit une répercussion exceptionnellement rapide du ralentissement de l’activité sur l’emploi.
Anton Brender (2000, p. 41) souligne ainsi, à propos des États-Unis, que les sociétés s’y fi-
nancent « assez peu par une émission d’actions. Certaines émettent des actions et d’autres
en retirent ». De sorte que les émissions nettes d’actions sont aux États-Unis relativement
limitées. Ce sont en fait les marchés obligataires qui « drainent le gros des flux d’épargne
vers les entreprises ou vers les États » (id., p. 41). Pour sa part, et toujours pour les États-
Unis, P. Artus (2002a) souligne que la participation nette au financement de l’économie
américaine des émissions d’actions a été négative à la fin des années 1980. Tandis que,
selon le rapport annuel de la BRI, publié en juin 2006, les rachats d’actions effectués en
2005 par les entreprises cotées au S&P 500 se sont élevés à prés de 350 milliards de dollars.
La situation n’est guère différente en Europe. Ainsi, en 2004, selon des statistiques pu-
bliées par la Société générale, alors que les entreprises européennes ont versé 199 milliards
d’euros de dividendes à leurs actionnaires et ont racheté leurs actions pour 30 milliards
d’euros, elles n’ont collecté sur les marchés de capitaux (augmentations de capital, intro-
ductions en bourse, placements) que 110 milliards d’euros.
Pour la France, où les quelques 650 sociétés non financières cotées en bourse ne représen-
tent en fait approximativement que 20 % de la valeur ajoutée créée par le secteur privé et
2 millions d’emplois, dans les années 1990, comme dans les autres pays du G7, c’est l’auto-
financement qui a joué le rôle prépondérant dans le financement total (externe et interne)
des entreprises. Toujours pour la France, où le taux d’autofinancement avait atteint 95 %
en 2004, selon les statistiques de l’Autorité des marchés financiers, les groupes ont versé
18,5 milliards d’euros de dividendes à leurs actionnaires, racheté pour 10 milliards d’euros
de leurs actions, tandis que les émissions de capital se limitaient à 10,4 milliards d’euros
seulement (Le Monde, 2-02, 2005, p. 18). Ce qui signifie que le marché des capitaux a reçu
plus d’argent des entreprises qu’il ne leur en a fourni pour financer leur développement.
En 2006, alors que les entreprises cotées sur Euronext Paris ont levé des capitaux pour un
montant total de 37,5 milliards d’euros, les seules entreprises du CAC 40 (sous-ensemble
La mondialisation 179
d’Euronext) reversaient 39 milliards d’euros à leurs actionnaires, soit un déficit net de fi-
nancement de 1,5 milliards d’euros. La situation avait été identique en 2004 et 2005, an-
nées au cours desquelles le montant des rachats d’actions et versement de dividendes
excédait celui des capitaux fournis par le marché aux entreprises (Schmidt, 2007, p. 14).
Mais cette situation ne se limite pas aux seuls cas évoqués ci-dessus ; elle s’observe en fait
dans de nombreux pays développés, ce qui conduit des auteurs comme D. Bourghelle et
P. Hyme (2007, p. VI), à soutenir que, « dans la plupart des pays occidentaux (...) le rôle des
marchés d’actions dans le financement des investissements (...) est aujourd’hui considéré
comme marginal, voire obsolète ».
• L’orientation géographique des flux internationaux de capitaux, déjà évoquée, n’est pas
sans soulever des interrogations légitimes. Force est ainsi de constater que les États-Unis
sont devenus la première destination des flux internationaux de capitaux, ce qui est néces-
saire pour financer l’énorme déficit de leur balance des transactions courantes, alors même
que les PED semblent avoir beaucoup de difficultés pour attirer vers eux les flux nets de ca-
pitaux qui leur seraient utiles pour financer leur développement69. On est donc confronté
à ce paradoxe que c’est la nation la plus riche qui attire massivement les capitaux, lesquels
se détournent relativement des pays à forte croissance démographique où vivent pourtant
« des populations actives, jeunes et nombreuses » encore « sous-équipées, sur les plans
matériel et éducatif » (Fayolle, 2002-3, p. 29).
Ainsi, alors que sur la période 1995-2001 les IDE dans le monde se sont élevés à une
moyenne annuelle de 750 milliards de dollars (avec un pic à 1 300 milliards de dollars
en 2000), 140 milliards de dollars seulement de ces investissements ont été effectués en
moyenne annuelle dans les PED (Longueville, 2003, p. 16)70. En pratique, si les flux nets de
capitaux vers les PED ont fortement progressé à partir de 1989-1990 pour atteindre une
moyenne de 240 milliards de dollars par an entre 1993 et 1996, ils ont ensuite régressé,
passant de 340 milliards de dollars en 1996 à 110 milliards de dollars en 2002, et sont ainsi
revenus à une moyenne annuelle de l’ordre de 130 milliards de dollars par an en 1998-
2002 (id., p. 5), soit un montant global bien faible au regard de l’immensité des besoins de
ces pays en matière de financement de leur développement. A cette faiblesse relative du
montant global des IDE réalisés dans les PED s’ajoute par ailleurs le fait que la plupart des
PED comptabilisent comme IDE les rachats par des firmes étrangères de firmes nationales
privatisées. Or ces rachats d’entreprises privatisées peuvent représenter dans certains PED
une proportion importante des IDE qui y sont réalisés ; comme ce fut le cas, par exemple,
avec l’Argentine pour laquelle environ 50 % des capitaux de long terme qui y ont été pla-
cés au cours des années 1990 ont correspondu à des rachats d’entreprises locales par des
non résidents (id., p. 12).
69 Bien plus, « en 2002 les pays en développement étaient globalement exportateurs nets de capitaux » (Moati, 2004, p.
34). À quoi s’ajoute que « l’instabilité est le fléau majeur de la finance mondialisée » et que « les pays en développement
en sont les premières victimes » (id., p. 34).
70 Outre que, du fait de la forte augmentation du stock d’investissements directs reçus par les PED, passé de moins de
500 milliards de dollars en 1990 à environ 2 400 milliards en 2002, et de la bonne rentabilité des filiales installées par
les firmes multinationales dans ces pays (généralement supérieure à celle des entreprises locales et même de la maison
mère dans son pays d’origine : cf. supra), les profits réalisés par les filiales qui sont rapatriés par les sociétés mères ont
fortement progressé depuis le début des années 1990. C’est ainsi que « depuis 2000, intérêts et dividendes nets versés
représentent à peu près les deux tiers des flux nets de capitaux privés et publics reçus. Le poids relatif des dividendes
comparé à celui des intérêts s’est considérablement accru depuis douze ans » (Longueville, 2003, p. 17). Les intérêts
nets versés par les PED à leurs créanciers (statistiques sur 27 grands PED) sont ainsi passés de 41,7 milliards de dollars à
56,1 milliards entre 1990 et 2002 tandis que les dividendes et revenus de la propriété nets passaient de 10,3 milliards de
dollars à 58,6 milliards (id., p. 17).
En conclusion, il faut souligner que cette mondialisation, qualifiée par certains de « mal-
heureuse » (Andreani, 2001) ou de « ségrégative et volatile » (Fayolle, 2002-3), s’accom-
pagne d’un accroissement important des inégalités, avec ce que J-P. Fitoussi et P. Rosanval-
lon (1996) ont appelé « le nouvel âge des inégalités ».
Cet accroissement des inégalités s’observe au niveau international (graphiques 3.8 et 3.9).
GrAPhIqUE 3.8
Evolution du coefficient de mesure des inégalités de revenus : 1980-2000
La mondialisation 181
GrAPhIqUE 3.9
Evolution de l’indicateur des inégalités internationales : 1960-2004
La mondialisation 183
pauvres (Le Monde, 30 et 31-10, 2005, p. 26)71. Le salaire moyen d’un PDG aux États-Unis
était 42 fois celui d’un ouvrier moyen en 1980, mais 85 fois en 1990 et 531 fois en 2000.
L’écart se creuse ainsi entre ceux que Robert Reich (1993) appelle les « manipulateurs de
symboles », c’est-à-dire les ingénieurs, informaticiens, financiers, etc, dont les compétences
sont très recherchées et dont les revenus progressent rapidement, et la grande masse des
travailleurs salariés peu qualifiés ou dont la qualification est associée à des technologies
anciennes. Ces salariés subissent de plein fouet l’impact des politiques de compression de
la masse salariale et/ou la délocalisation des entreprises vers les pays à bas salaires. Selon
les données du Census Bureau américain, en 2003, 12,5 % de la population américaine, soit
35,9 millions de personnes, vivaient au-dessous du seuil de pauvreté (fixé à 9 393 dollars
pour une personne seule et 18 810 dollars pour une famille de quatre personnes), contre
11,1 % en 1973, tandis que 45 millions de personnes (15,6 % de la population totale) ne
bénéficiaient pas d’une couverture santé.
De même, en France, les études réalisées par l’INSEE font apparaître que la tendance à
la baisse des inégalités en termes de revenu disponible qui s’était affirmée pendant plu-
sieurs décennies s’est inversée dans le courant de la décennie 1980 (cf. tome 1, chapitre
IV). On observe un creusement des inégalités entre les salariés « bénéficiant, grâce à leur
qualification personnelle et à leur appartenance d’entreprise, des gains de l’ouverture
internationale, et les salariés vulnérables aux changements que cette ouverture impulse,
en raison de la nature ou de la faiblesse de leur qualification, mal adaptée aux mutations
techniques » (Fayolle, 2002-3, p. 20)72. Simultanément, autre aspect du même problème, la
précarité s’est fortement développée et l’on assiste à ce que l’on peut considérer comme
un véritable processus de délitement social.
Parallèlement, les inégalités s’accroissent également à l’intérieur des pays émergents où,
selon les termes même de François Bourguignon, alors chef économiste de la Banque mon-
diale, elles « croissent fortement » (Le Monde, 14-12, 2006, p. 15). Une étude de 2005 réa-
lisée par la Banque mondiale sur l’impact de l’entrée de la Chine dans l’OMC, incluant une
enquête auprès de 84 000 ménages chinois, révèle que 90 % des ménages urbains ont vu
leur revenu et leur consommation croître depuis l’entrée de la Chine dans l’OMC en 2001,
tandis que le revenu des ménages ruraux (la grande majorité de la population) baissait
en moyenne de 0,7 % et ceux des plus pauvres de ces ménages ruraux de 6 %, ce qui a
conduit la Banque à faire certaines recommandations à la Chine pour lutter contre cette
aggravation des inégalités.
71 Robert Reich, ancien Secrétaire au travail de l’administration Clinton, expliquait récemment que « le salaire moyen aux
États-Unis ajusté à l’inflation est à peine supérieur à ce qu’il était en 1970. La mondialisation a seulement bénéficié aux
nantis. Un pour cent des Américains les plus riches accapare aujourd’hui 20 % du revenu national, quand la moitié de la
population ayant les revenus les plus faibles n’en reçoit que 12,6 % » (Le Monde, 19-01, 2008, p. 14).
72 Une étude de C. Landais (2007), portant sur la période 1998-2005, montre que, pour l’ensemble de cette période, 90 %
des 35 millions de foyers fiscaux français ont vu leur revenu réel augmenter en tout de 4,6 % (soit une augmentation de
l’ordre de 0,5 % par an), tandis que le revenu réel des 3 500 foyers fiscaux les plus riches de France (0,01 % du total des
foyers fiscaux), dont le revenu moyen déclaré en 2005 était de 1,88 million d’euros, progressait en tout de 42,6 % (soit
une augmentation annuelle de près de 5 %). Toujours sur cette même période, alors que les salaires réels n’ont aug-
menté en tout que de 5,3 %, les revenus fonciers ont progressé de 16,2 % et les revenus de capitaux mobiliers de 30,7 %
Deuxième partie
Graphique 1
Le carré magique de kaldor
1 Pour les keynésiens, la situation vers laquelle tend spontanément l’économie n’est pas celle qui correspond au carré
magique, et des politiques économiques conjoncturelles discrétionnaires sont donc nécessaires pour y parvenir. Les au-
teurs néoclassiques récusent cependant l’intérêt de telles politiques, considérant pour leur part que l’économie atteint
spontanément d’elle-même la meilleure situation possible, dès lors que certaines conditions structurelles sont respectées.
2 Pour le monétariste M. Friedman, c’est d’ailleurs l’une des raisons qui le conduisent à mettre en cause la possibilité et
l’utilité d’une politique conjoncturelle contra-cyclique.
CHAPITRE 4
Le budget de l’État est l’ensemble des comptes décrivant, pour une année civile, la totalité
des ressources et des charges de l’État. Il est préparé et exécuté par le gouvernement mais
voté par le Parlement. Ce dernier adopte tout d’abord la loi de finances de l’année, ou loi
de finances « initiale », qui prévoit et autorise l’ensemble des ressources et des charges de
l’État pour une année civile donnée, et qui doit être votée avant que celle-ci ne commence,
lors de la session d’automne du Parlement (principe d’antériorité). Le Parlement peut éga-
lement adopter des lois de finances rectificatives au cours de l’année civile d’exécution
du budget1. Enfin, après exécution du budget, il adopte la loi de règlement qui constate
le résultat financier de chaque année civile. L’exécution du budget par les ordonnateurs
(ministres, responsables d’établissements publics, recteurs d’académies… qui décident de
l’utilisation des fonds publics) est soumise au contrôle de la Cour des comptes qui publie
un rapport annuel sur l’exécution des lois de finances.
L’élaboration et l’exécution du budget obéissent à plusieurs grands principes :
• l’annualité budgétaire. Le budget doit être établi et voté pour chaque année civile et
exécuté dans l’année ;
• l’unité. Le budget de l’État est présenté dans un document unique contenant la totalité
des informations utiles et nécessaires pour appréhender l’évolution des ressources et des
charges de l’État. La loi de finances est cependant constituée de trois comptes : le budget
général, les budgets annexes et les comptes spéciaux du Trésor (cf. infra) ;
• l’universalité. L’ensemble des flux budgétaires doit apparaître de manière explicite dans
la loi de finances. En application de ce principe, une recette particulière ne peut être af-
1 La loi organique relative aux lois de finances (LOLF) de 2001, dans son article 50, prévoit que le projet de loi de finances
est obligatoirement accompagné d’un « rapport sur la situation et les perspectives économiques, sociales et financières
de la nation ». Ce rapport détaille les hypothèses des projections économiques sur lesquelles repose le projet de loi de
finances de l’année, et « présente et explicite les perspectives d’évolution, pour au moins les quatre années suivant celle du
dépôt des projets de loi de finances, des recettes, des dépenses et du solde de l’ensemble des administrations publiques »
(id.). Le rapport sur les comptes de la nation doit également lui être adjoint.
fectée directement à la couverture d’une dépense particulière (règle de non-affectation
des recettes) et il ne peut être effectué de contraction entre les recettes et les dépenses,
les recettes et les dépenses devant apparaître dans le budget pour leur montant intégral
(règle de non-contraction ou de non-compensation) ;
• la spécialité. Les crédits ouverts au budget sont affectés à des programmes précisément
identifiés (cf. infra, encart) ;
• la sincérité. Les lois de finances doivent présenter l’ensemble des ressources et des charges
de l’État de façon sincère, compte tenu des informations disponibles lors de l’établisse-
ment du budget et des prévisions raisonnables qu’il est possible d’effectuer.
Il existe cependant certaines exceptions à ces principes. Ainsi, par exemple, les autorisa-
tions de programme par lesquelles le Parlement autorise le gouvernement à réaliser des
investissements étalés sur plusieurs années sont un assouplissement apporté au principe
de l’annualité2. De même, les fonds de concours inscrits au budget général ou les comptes
spéciaux du Trésor et les budgets annexes, qui établissent un lien entre dépenses et re-
cettes, font exception à la règle de non-affectation, tandis que certains comptes spéciaux
du Trésor font également exception à la règle de non-compensation. La LOLF de 2001
prévoit également que la répartition des crédits entre programmes d’un même ministère
peut être modifiée par virements (dérogation au principe de spécialité) mais dans la limite
d’un montant cumulé n’excédant pas 2 % des crédits ouverts pour chaque programme
concerné.
La structure du budget distingue, d’une part, les opérations à caractère définitif et les opé-
rations à caractère temporaire et, d’autre part, le budget général, les comptes spéciaux du
Trésor et les budgets annexes.
Les opérations à caractère définitif, comme leur dénomination le suggère explicitement,
correspondent à des crédits dont l’engagement est définitif. Dans ces opérations à carac-
tère définitif figurent le budget général qui regroupe les budgets des divers ministères et
le budget des charges communes rattaché au ministère de l’Économie et des Finances. Du
côté des ressources du budget général apparaissent les impôts ainsi que diverses recettes
non fiscales. Du côté des charges du budget général figurent les dépenses courantes ou
dépenses ordinaires et les dépenses d’équipement ou dépenses en capital.
À côté du budget général existent une première catégorie de comptes spéciaux du Trésor,
les comptes d’affectation spéciale qui ont la particularité de disposer de ressources spécia-
lement affectées. Les plus importants sont, d’une part, le compte Participations financières
de l’État qui retrace les opérations patrimoniales liées à la gestion des participations finan-
cières de l’État où sont inscrites les recettes provenant des privatisation et, d’autre part, le
compte Pensions utilisé pour le paiement des pensions et alimenté par des versements du
budget général et les cotisations payées par les fonctionnaires.
Les opérations à caractère temporaire sont principalement des prêts et avances destinés à
être remboursés ultérieurement par leurs bénéficiaires. Elles correspondent à une seconde
catégorie de comptes spéciaux du Trésor, les comptes de concours financiers : principale-
ment, des comptes de prêts à des États étranger, pour la consolidation de dettes envers la
2 Avec la LOLF, le système des autorisations de programme est désormais étendu à l’ensemble des dépenses des programmes
(cf. infra, encart) avec la distinction entre « autorisation d’engagement » et « crédits de paiement ».
3 Les comptes spéciaux du Trésor regroupent, outre les comptes d’affectation spéciale et les comptes de concours financiers
déjà évoqués, les comptes de commerce retraçant des opérations à caractère industriel et commercial effectuées à titre
accessoire par certains services de l’État et les comptes d’opérations monétaires.
4 Le budget annexe des PTT, qui était autrefois le plus important, a disparu depuis 1991 suite à la transformation de La Poste
et de France Télécom en personnes morales de droit public dotées de l’autonomie financière. France Télécom a ensuite,
on le sait, été transformée en société anonyme puis privatisée (cf. infra, chapitre VII). Le budget annexe des prestations
sociales agricoles, quant à lui, a été transformé en établissement public en 2004.
L’ancienne présentation des dépenses en 850 chapitres budgétaires est remplacée par une nouvelle
présentation qui regroupe les dépenses par missions et par objectifs de l’État. Le budget général re-
groupe en 2006 34 missions telles que : enseignement scolaire, défense, politique territoriale de l’État,
protection des populations, ville… Chaque budget annexe et compte spécial constitue également à lui
seul une mission.
Chaque mission, qui peut être ministérielle ou interministérielle (9 missions interministérielles sur 34
pour le budget général), correspond à un ensemble de programmes qui participent de la réalisation
d’une politique publique définie (132 programmes en tout pour le budget général, 26 pour les budgets
annexes et comptes spéciaux).
Un programme, placé sous la responsabilité d’un seul ministre, regroupe des crédits affectés à la mise en
œuvre d’une action où un ensemble cohérent d’actions (614 en tout) relevant d’un même ministère et
auquel sont associés des objectifs précis, définis en fonction de finalités d’intérêt général, ainsi que des
résultats attendus faisant l’objet d’une évaluation (art. 7, a.1). Chaque programme a un responsable, un
budget voté par le Parlement et des objectifs annuels de performances (634 en tout) qui sont mesurés
par des indicateurs chiffrés (1 295 en tout). Il appartient au responsable de programme de déterminer où
et comment sont affectés les moyens humains et financiers mis à sa disposition.
Les crédits affectés à un programme sont répartis en sept titres (dotations des pouvoirs publics, dé-
penses de personnel, dépenses de fonctionnement autres que celles de personnel, charges de la dette
de l’État, dépenses d’investissement, dépenses d’interventions, dépenses d’opérations financières). Mais
le gestionnaire d’un programme peut redéployer les crédits entre les titres (fongibilité des crédits), avec
cependant une limite importante, puisque les crédits affectés aux dépenses de personnel sont plafonnés
au montant voté et ne peuvent être augmentés à partir des crédits provenant d’autres titres d’un même
programme ; ils peuvent par contre être utilisés pour alimenter les crédits d’autres titres (fongibilité asy-
métrique).
Le responsable de programme élabore chaque année un rapport annuel de performance par lequel il
rend compte des performances atteintes l’année précédente. La mise en œuvre des programmes doit en
effet donner lieu à évaluation. Pour chaque programme, un « projet annuel de performance » précise
en particulier : « la présentation des actions, des coûts associés, des objectifs poursuivis, des résultats
obtenus et attendus pour les années à venir mesurés au moyen d’indicateurs précis (…) ; la justification
de l’évolution des crédits par rapport aux dépenses effectuées de l’année antérieure (…) ; l’échéancier
des crédits de paiement associés aux autorisations d’engagement ; (…) la répartition prévisionnelle des
emplois rémunérés par l’État … » (art. 51). Les services de l’État sont par ailleurs tenus de mettre en place
une comptabilité permettant de mesurer et d’analyser les coûts. Doit être également adjoint au projet de
loi de règlement « le compte général de l’État, qui comprend la balance générale des comptes, le compte
de résultats, le bilan et ses annexes, et une estimation des engagements hors bilan de l’État » (art. 54).
Les recettes du budget (tableau 4. 1) proviennent pour près de 90 % des divers impôts préle-
vés par l’État. Les autres recettes sont d’origine non fiscale (produits du domaine de l’État, re-
cettes d’exploitations industrielles et commerciales gérées par l’État, intérêts des avances et
des prêts accordés par l’État à divers organismes, produit des privatisations, retenues pour
pensions des agents de l’État, prélèvements sur le PMU, etc.). Le système fiscal français est
constitué d’une grande diversité d’impôts parmi lesquels les impôts indirects occupent une
place majoritaire (§ 1). Il fait l’objet d’un débat qui, depuis quelques années, s’est focalisé
plus spécifiquement sur deux grandes questions : celle de l’impôt sur le revenu (§ 2), et celle
du niveau global des prélèvements obligatoires constitués des impôts proprement dits et des
cotisations sociales servant au financement de la protection sociale (§ 3).
L’impôt peut se définir comme un prélèvement sous forme monétaire, définitif et sans
contrepartie directe, que l’État ou une collectivité locale effectue par voie d’autorité dans le
but de couvrir ses dépenses générales. En précisant que l’impôt est nécessairement institué
par un vote du Parlement et que ce sont les assemblées élues (Parlement, conseil munici-
pal, conseil général, etc.) qui déterminent les taux d’imposition. Un impôt se caractérise par
deux éléments fondamentaux : son assiette et son taux. L’assiette de l’impôt est la matière
imposable à partir de laquelle est calculé le montant de l’impôt : c’est le revenu du ménage
pour l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP) et le prix hors taxe d’un bien pour
la taxe à la valeur ajoutée (TVA). Le taux de l’impôt est le pourcentage appliqué à l’assiette
pour le calcul du montant de l’impôt prélevé : à titre d’exemple, la TVA à taux normal corres-
pond aujourd’hui en France à un taux de 19,6 % appliqué au prix hors taxe du bien5.
5 Les anciennes taxes parafiscales prélevées antérieurement au bénéfice de certains organismes de droit privé ou de droit
public ont été supprimées par la LOLF et ont disparu du budget depuis 2004 par suppression pure et simple ou transfor-
mation en impôts de droit commun (redevance audiovisuelle).
2006* 2007**
(en milliards d’euros) (en milliards d’euros)
Impôt sur le revenu 58,2 57,1
Impôt sur les sociétés*** 43,7 46,1
Taxe intérieure sur les produits
19,3 18,8
pétroliers
Taxe sur la valeur ajoutée*** 127,4 133,5
Autres recettes fiscales 14,3 11,7
Recettes fiscales nettes 262,8 267,2
Recettes non fiscales nettes 24,6 26,8
Prélèvements sur recettes -65,9 -68,1
au profit des collectivités -48,1 -49,4
locales
au profit des communautés
-17,8 -18,7
européennes
Recettes totales nettes 221,5 225,9
* : loi de finances révisée pour 2006. ** : projet de loi de finances pour 2007.
*** : produit net des restitutions et des remboursements.
Source : ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie ; site web de l’INSEE.
TAbLEAU 4.2
Structure des recettes fiscales brutes du budget général de l’Etat* (en %) : 1983-
2005
1983 1990 1995 2000 2001 2002 2004 2005
Impôts directs 39,0 38,2 37,8 40,9 42,2 40,7 38,3 38,5
Impôt sur le revenu 20,9 18,9 19,5 18,0 17,5 16,6 16,3 16,5
Autres impôts directs** 1,7 1,6 3,4 2,8 3,0 2,9 1,3 1,2
Impôts sur les sociétés 9,0 11,9 9,9 15 ,2 16,1 15,6 15,3 15,5
Taxe sur les salaires 2,8 2,4 2,9 2,6 2,6 2,8 2,7 2,8
Imp . sur les rev .des
3,1 2,3 1,0 0,6 0,7 0,7 0,5 0,7
capit . mobiliers
Autres impôts directs 1,5 1,1 1,1 1,8 2,3 2,2 2,1 1,7
Impôts indirects 61,0 61,8 62,2 59,1 57,8 59,3 61,7 61,5
Enregistrement, timbre,
5,9 5,6 5,3 4,9 4,3 4,2 5,9 6,0
bourse
Taxe int . sur produits
6,6 8,2 9,4 8,2 7,7 7,9 6,1 5,6
pétroliers
Autres produits des
1,1 0,8 0,8 0,6 0,5 0,5 0,6 0,7
douanes
TVA 44,4 44,8 43,9 45,0 44,7 45,9 47,1 47,6
Droits sur les tabacs*** 1,5 1,4 2,7 0,2 0,0 0,0 0,7 0,4
Autres droits indirects 1,5 1,0 0,2 0,3 0,6 0,6 1,2 1,2
Recettes fiscales brutes
132,4 212,7 232,3 296,2 305,6 301,6 330,1 341,0
en milliards d’euros
* Lois de règlement.
** Perçus par voie de rôles.
*** Depuis 2000, le produit des droits sur les tabacs est transféré au budget des administrations de sécurité sociale.
Sources : Tableaux de l’Economie française 2004/2005 et calculs effectués à partir des données de : INSEE, Annuaire
statistique de la France 2007, p. 304.
6 Concernant l’ISF, qui fait l’objet d’un débat récurent à l’initiative principalement des partisans de sa suppression, il faut
souligner qu’en 2004 le nombre de foyers fiscaux assujettis à l’impôt était de l’ordre de 335 000 (contre 150 000 en 1990)
pour un rendement global de 2,646 milliards d’euros, soit approximativement 1 % des recettes fiscales de l’État. Mais il
est souvent admis que le nombre de fraudeurs de l’ISF serait de l’ordre de 130 000. Le « bouclier fiscal » institué en 2006,
qui limitait à 60 % de son revenu le montant total des impôts directs versés par un contribuable a eu pour effet de limiter
sensiblement le montant de l’ISF acquitté par certains contribuables. En 2006, ce sont approximativement 14 000 foyers
fiscaux qui pouvaient bénéficier d’un remboursement d’impôt à ce titre pour un montant total de 250 millions d’euros.
7 En 2007, les recettes procurées par l’ISF se sont élevées à 4,4 milliards d’euros (en hausse de 14 % par rapport à 2006,
après des hausses successives de 19,7 % en 2006 et de 16,2 % en 2005 et 13,3 % en 2004.
8 On calcule par ailleurs un taux moyen d’imposition sur le revenu défini comme la somme des trois impôts sur le revenu
acquittés par le contribuable (IRPP + CGS + CRDS) rapportée au revenu brut déclaré à l’IRPP. Il est à souligner qu’il s’élève
en fait de 0 à 30 % selon les revenus des contribuables, alors que les tranches de l’IRPP allaient en 2005 de 0% à 48,09 %.
Les données disponibles montrent par ailleurs qu’en France ce taux moyen d’imposition des revenus n’est « vraiment
supérieur à ceux de nos voisins européens que pour une faible couche de ménages de revenus très élevés » (Dupont et
alii, 2000, p. 54).
TAbLEAU 4.3
Structure de la fiscalité locale en 2006
Communes
Départe-
Nature des impôts et groupe- Régions Total
ments
ments (1)
Taxe d’habitation 9,44 4,53 /// 13,97
Taxe sur le foncier bâti 11,65 5,50 1,59 18,74
Taxe sur le foncier non bâti 0,75 0,05 0,01 0,81
Taxe professionnelle 15,89 8,05 2,76 26,70
Produits votés des 4 taxes 37,73 18,13 4,36 60,22
Droits de mutation à titre onéreux 2,10 7,39 /// 9,49
Taxe intérieure sur les
/// 5,04 1,02 6,06
produits pétroliers
Versement destiné aux transports
5,28 /// /// 5,28
en commun
Taxe d’enlèvement des ordures
4,60 /// /// 4,60
ménagères
Taxe sur les cartes grises /// /// 1,83 1,83
Taxe sur l’électricité 0,94 0,50 /// 1,44
Impôts et taxes d’outre-mer 0,72 0,15 0,48 1,35
Autres taxes 1,28 1,43 0,64 3,34
Autres contributions (2) 14,91 14,51 3,97 33,39
Total taxes 52,64 32,64 8,33 93,61
/// : absence de résultat due à la nature des choses
(1) : y compris syndicats intercommunaux à contributions financières.
(2) : hors taxes liées à l’urbanisme.
Champ : France métropolitaine et DOM.
Source : DGC ; INSEE site webz
TAbLEAU 4.4
Les prélèvements obligatoires (impôts et cotisations sociales) en 2007 par sous-
secteur et par type d’impôt
Milliards d’euros En % du PIB 2007/2006 en %
État (1) 272,2 14,4 -0,4
Organismes divers d’administration centrale 18,2 1,0 14,1
Administrations publiques locales 107,5 5,7 6,0
Administrations de sécurité sociale (2) 416,1 22,0 4,6
Institutions de l’Union Européenne 4,9 0,3 4,4
Total des prélèvements obligatoires 818,9 43,3 3,3
Principaux prélèvements (3)
Taxe sur la valeur ajoutée 135,7 7,2 3,6
Taxe intérieure sur les produits pétroliers 24,2 1,3 -1,3
Impôt sur le revenu 48,5 2,6 -7,4
Contribution sociale généralisée 80,4 4,3 4,9
Impôt sur les sociétés 49,2 2,6 6,8
Taxe professionnelle 22,0 1,2 5,0
Taxes foncières (propriétés bâties et non bâties) 21,9 1,2 4,5
Taxe d’habitation 12,7 0,7 4,7
Cotisations sociales effectives 307,6 16,3 3,9
1) Déduction faite des transferts fiscaux de l’Etat aux collectivités locales et à la sécurité sociale et des impôts dus
non-recouvrables
(2) Déduction faite des cotisations dues non recouvrables.
(3) Prélèvements sans déduction des prélèvements dus non recouvrables. Source: Insee, Comptes nationaux - bASE
2000.
Source : Comptes nationaux, base 2000, INSEE.
Sur les 294,6 milliards d’euros de recettes totales nettes ont été prélevés 49,4 milliards d’euros au béné-
fice des collectivités locales, ce qui correspond aux subventions versées par l’État aux collectivités locales
(dont la dotation globale de fonctionnement), à l’affectation de certaines recettes de l’État à ces mêmes
collectivités locales (produit des amendes de police routière) et des versements compensatoires venant
en contrepartie de charges que la loi leur impose. Ont également été prélevés 16,8 milliards d’euros au
bénéfice de l’Union européenne,ce qui correspond à la contribution de la France aux recettes du budget
européen au titre des différentes catégories de recettes de ce budget évoquées précédemment. Les re-
cettes totales nettes de l’État se sont ainsi élevées à un montant de 228,5 milliards d’euros.
En France, depuis plus d’une décennie déjà, la question de la réduction de l’impôt progressif
sur le revenu est explicitement inscrite à l’agenda des gouvernements successifs, bien que cet
impôt ne représente approximativement qu’un cinquième de l’ensemble des ressources fis-
cales de l’État. Les partisans de la réduction de l’impôt sur le revenu justifient leur position en
soulignant ce qu’ils considèrent comme le caractère désincitatif de cet impôt11. La progressivité
jugée trop forte de l’IRPP aurait en particulier comme conséquence de taxer très lourdement
les hauts et très hauts revenus qui rémunèrent le travail le plus qualifié et le capital. D’où une
désincitation à travailler davantage pour les individus les plus qualifiés et les mieux à même
de créer de nouvelles richesses, ainsi qu’une désincitation à épargner et à investir plus, ce qui,
dans l’un et l’autre cas, se ferait nécessairement au détriment de l’économie nationale. D’où
également une tendance à l’émigration des facteurs de production qui sont les plus mobiles
mais qui seraient aussi les plus utiles au développement économique national, c’est-à-dire à
nouveau le travail très qualifié, entrepreneurs, artistes, chercheurs scientifiques (sans comp-
ter… les footballeurs et autres top models) et le capital. Un régime d’imposition, qualifié par-
fois de « confiscatoire », serait ainsi une « source d’inefficacité économique ». Dans ces condi-
tions, une réduction forte et rapide de l’imposition globale sur le revenu (et sur le patrimoine)
associée à une réduction significative de sa progressivité seraient des moyens efficaces de re-
lancer la croissance, avec l’ensemble des effets bénéfiques que l’on est en droit d’en attendre
pour l’économie nationale et pour les finances de l’État.
Les résultats de différentes études mettent cependant en évidence certains éléments (A) qui
conduisent à s’interroger sur la pertinence de cette argumentation ainsi que sur les consé-
quences réelles des réductions d’impôts déjà effectuées (B).
11 À titre d’exemple, l’ancien ministre libéral de l’Économie et des Finances A. Madelin écrivait de même il y a quelques
années que : « L’impôt sur le revenu est –avec l’impôt sur la fortune– le plus dissuasif et le plus décourageant de tous »
(Le Monde, 24 septembre 2003, p. 20). Argumentation que l’on retrouve dans les diverses justifications avancées par les
promoteurs des réductions de l’impôt sur le revenu déjà effectuées.
La progressivité réelle de l’imposition du revenu en France est loin d’être aussi accusée
que ne le laisse supposer le barème de l’IRPP. En conformité avec l’esprit de justice sociale
évoqué précédemment, l’IRPP est effectivement progressif. Cette progressivité s’exprime
concrètement dans le fait que, si la moitié des ménages n’est pas imposée, les 25 % de
ménages aux revenus les plus élevés, disposant de 57 % du total des revenus fiscaux, ont
payé en 1999 84 % de cet impôt et que les 5 % de contribuables les plus riches, dispo-
sant de 23,2 % du total des revenus fiscaux, ont payé quant à eux 50 % de l’impôt. La
progressivité effective de l’imposition du revenu que supportent les personnes physiques
est cependant loin d’être aussi forte que ne le prétendent les détracteurs de la progres-
sivité de l’IRPP. D’une part, la politique de réduction de l’IRPP qui a été entreprise depuis
quelques années a déjà abouti à réduire sensiblement la progressivité intrinsèque de cet
impôt. Après que le nombre de tranches de l’impôt sur le revenu ait été ramené de 13 à
7 dans la loi de finances de 1994, le taux de la tranche de l’impôt la plus élevée est passé
de 56,8 % en 1997 à 54 % en 2000, 52,75 % en 2002 et 48,09 % en 2004. D’autre part,
la progressivité de l’IRPP est partiellement compensée par la proportionnalité de la CSG
dont le rendement global excède aujourd’hui celui de l’IRPP, ce qui atténue sensiblement
la progressivité de l’ensemble de l’impôt sur le revenu (IRPP + CSG). Ainsi, les 5 % de mé-
nages ayant les revenus les plus élevés qui perçoivent 23,2 % des revenus et paient 50 % de
l’IRPP, ne supportent en fait que 36,5 % de la somme (IRPP + CSG)14. Les 10 % de ménages
aux revenus les plus élevés qui perçoivent 34,2 % des revenus paient 64,5 % de l’IRPP mais
seulement 49,4 % de la somme (IRPP + CSG). Les 25 % des ménages ayant les revenus les
plus élevés, qui perçoivent 57 % des revenus, paient 84 % de l’IRPP mais 71 % seulement
du total (IRPP + CSG). Le 18ème rapport du Conseil national des impôts précisait par ailleurs
que « la structure même des très hauts revenus permet d’échapper plus facilement au ba-
rème de l’IRPP », dans la mesure où les hauts et très hauts revenus sont surtout constitués
de revenus du capital jouissant encore en France d’un statut fiscal privilégié qui permet de
contourner la progressivité du barème de l’IRPP15. Lequel statut fiscal privilégié des revenus
du capital paraît d’autant moins justifié que, selon le Conseil des impôts, la fraude sur ces
revenus serait de l’ordre de 25 à 33 %.
À quoi s’ajoute que le système fiscal français prévoit nombre de dispositions qui permet-
tent de réduire l’imposition effective des hauts revenus. C’est la cas, par exemple, de la ré-
16 Ce dispositif a été créé en 1992 par Martine Aubry. La réduction d’impôt était alors de 1 900 euros. Le ménage qui em-
ploie une personne à domicile peut déduire de son impôt la moitié du montant de la charge totale que représente cet
emploi, dans la limite désormais de 15 000 euros par an, soit un crédit d’impôt de 7 500 euros.
17 On recensait, en 2007, 486 « niches fiscales », contre 418 en 2003. Leur coût total pour les finances publiques s’est élevé
à 73 milliards d’euros contre 50 milliards d’euros cinq ans plus tôt. Pour le seul impôt sur le revenu, le nombre des niches
fiscales est passé de 75 au début de la décennie 1980 à environ 200 en 2008.
18 Ces diverses « niches fiscales » sont un moyen pour les plus gros contribuables d’échapper à l’impôt sur le revenu. Selon
les termes utilisés par le député Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances à l’Assemblée nationale :
« Du fait de l’utilisation des réductions et crédits d’impôts, plus un très gros contribuable à des revenus élevés, moins il
paie d’impôts en proportion » (cité par Le Monde, 6-06, 2008, p. 10). Pour sa part, le député Charles de Courson, membre
de la commission des finances de l’Assemblée nationale, expliquait récemment que : « Les 1 000 premiers bénéficiaires,
par ordre décroissant, des niches fiscales sont des contribuables qui, par le truchement des investissements outre-mer,
réussissent à faire baisser de plus de moitié leur impôt sur le revenu et obtiennent une réduction moyenne d’impôt de
300 000 euros » (cité par Le Monde, 9-05, 2008, p. 10).
19 À titre d’exemple : comparons la situation de deux foyers fiscaux dont le revenu imposable est de 45 000 euros en 2005.
Le premier, formé d’un couple marié avec deux enfants a un taux marginal d’imposition de 19,14 %. Le second, un céli-
bataire, a un taux marginal d’imposition de 42,62 %. Si chacun de ces deux foyers fiscaux verse 1 000 euros sur un PERP,
le premier réalisera un gain fiscal de 191 euros et le second un gain de 426 euros.
20 Une étude plus ancienne du ministère des Finances concernant les départs à l’étranger de personnes assujetties à l’ISF
aboutissait déjà à ce chiffre d’approximativement 350 départs, et en chiffrait les conséquences à une perte en capital
pour la France de 13 milliards de francs et une perte en impôt de 140 millions de francs, soit 1,3 % du rendement de
l’ISF (Dupont et alii, 2000, p. 56).
La mesure de la redistribution est en pratique très complexe et demeure relativement imprécise pour dif-
férentes raisons dont, entre autres, qu’il est difficile de déterminer quels sont les individus qui bénéficient
réellement de la consommation de nombre de biens collectifs. Il ressort cependant des évaluations de la
redistribution dont on dispose que celle-ci transférerait de l’ordre de 5 % du revenu total des ménages
des tranches supérieures de revenus vers les tranches inférieures (bourguignon, 1998), ce qui est moins
qu’au royaume-Uni (6 %) et en Allemagne (7 %). Cette faiblesse relative de la redistribution en France
résulte de la faible part que représente l’impôt sur les revenus dans le total des recettes fiscales de l’État,
alors même que cet impôt est fortement redistributif (Samson et alii, 2004, p. 420) (cf. infra, chapitre IX).
21 Cette politique de réduction des impôts n’est d’ailleurs pas spécifique à la France. Aux États-Unis, l’administration répu-
blicaine a fait voter en 2002 le principe d’une réduction d’impôts de 1 600 milliards de dollars pour les entreprises et les
ménages étalée sur 10 ans, dont 720 milliards de dollars pour réduire le nombre de tranches de l’impôt sur le revenu de 5 à
4. En Allemagne, le gouvernement a procédé en 2004 à une réduction de l’impôt sur le revenu de 22 milliards d’euros.
22 Comme le soulignent Gaël Dupont et alii, d’une part « l’allégement de l’IRPP est forcément anti-redistributif, puisque la
moitié des ménages, ceux qui ont les revenus les plus faibles n’en paient pas et donc ne peuvent bénéficier de sa baisse
(...). D’autre part, la réduction proportionnelle de l’ensemble des taux induit un gain fiscal proportionnel à l’impôt payé,
donc favorable aux plus riches » (2000, p. 57).
23 Un quartile est égal à 25 % des ménages : le 1er quartile représente les 25 % de ménages ayant les revenus les plus
faibles, le 4ème quartile les 25 % de ménages ayant les revenus les plus élevés.
24 L’IRPP a baissé de manière homogène en 2003 de 1 % et en 2004 de 3 %, ces nouvelles baisses homogènes prolongeant
les effets anti-redistributifs de la baisse de 5 % appliquée en 2002.
25 Les salariés et pensionnés pouvaient jusque-là déduire 20 % du montant de leurs traitements, salaires et pensions du total
de leurs revenus bruts pour déterminer le montant de leur revenu imposable, cette disposition concernant également
les bénéfices des adhérents des centres de gestion.
26 Ce qui, si on admet un instant de raison que cette baisse des tranches ne fait que compenser la suppression de la réfaction
de 20 %, revient à en étendre le bénéfice à toutes les catégories de revenus qui en étaient jusque-là exclues (revenus non
salariaux, fonciers et immobiliers en particulier). En tenant compte cependant de ce qu’ont été adoptées, concernant ces
revenus, certaines dispositions qui visent à limiter l’avantage supplémentaire qui leur est ainsi procuré.
27 Le fond de l’argumentation d’A. Laffer n’est au demeurant pas original. Il reprend la thèse déjà formulée par A. Smith,
écrivant en 1776 : « Des impôts lourds, parfois en diminuant la consommation des produits taxés, parfois en encourageant
la fraude, engendrent souvent des recettes fiscales plus faibles que celles qui auraient pu être obtenues avec des taux
plus modestes » (cité par E. Combe, 1997, p. 77).
Sur le graphique 4.1, le taux d’imposition optimal est t*. La hausse progressive du taux d’imposition de
0 à t* s’accompagne d’une augmentation des rentrées fiscales. Au-delà de t*, la poursuite de la hausse
du taux d’imposition se traduit au contraire par une baisse des recettes fiscales. Le graphique montre
également qu’un même niveau de recettes fiscales globales peut être obtenu avec deux taux d’imposi-
tion différents t1 < t* et t2 > t*.
Ces analyses sont reprises, avec des variantes, par les responsables politiques qui ont fait
des réductions d’impôts l’une des priorités de l’action gouvernementale. À titre d’exemple
on peut citer l’ancien Premier ministre français J.-P. Raffarin qui déclarait le 25 septembre
2003, à propos de la baisse de l’impôt sur le revenu, « je continuerai à baisser l’impôt sur le
revenu pour que ceux qui travaillent puissent d’année en année tirer davantage profit de
leur travail » et pour conduire la France « sur la voie de la croissance durable » (cité dans
Le Monde, 27-9, 2003, p. 8).
Qu’en est-il en fait ? Les auteurs du courant keynésien ont établi qu’une réduction des im-
pôts est a priori susceptible d’exercer un effet de stimulation de l’activité économique avec
l’intervention du jeu du multiplicateur fiscal. En substance, une baisse des impôts accroît
le revenu disponible des ménages, ce qui, pour une propension marginale à consommer
donnée et constante en courte période, se traduit par une augmentation de leur consom-
mation finale. La demande globale adressée aux entreprises augmente donc, ce qui les
conduit à accroître leur production dès lors qu’elles disposent de réserves de capacités de
production inutilisées et qu’elles ont la possibilité d’embaucher des salariés supplémen-
taires. Mais, en accroissant la production, elles augmentent par là même la masse des
revenus qu’elles distribuent aux ménages, ce qui permet à ces derniers d’augmenter à
nouveau leur consommation, et ainsi de suite. Une baisse des impôts doit donc finalement
se traduire par une augmentation de la production qui lui est supérieure en valeur absolue
(c’est le jeu du multiplicateur) et, partant, toutes choses égales par ailleurs, à une élévation
du niveau de l’emploi (cf. infra, chapitre V).
Mais, pour que ce processus vertueux se développe, encore faut-il que la baisse des im-
pôts se traduise bien par une augmentation de la consommation des ménages. Si ce n’est
pas le cas, autrement dit si les ménages affectent l’économie d’impôts dont ils bénéfi-
cient à épargner et non à financer une consommation supplémentaire, l’impact de cette
28 On est de même en droit de s’interroger sur l’efficacité en termes de stimulation de la croissance économique et de
création d’emplois de la baisse de 3 % de l’IRPP qui était inscrite au budget 2004. Un ménage qui dispose d’un revenu
imposable de 500 000 euros (3 280 000 francs approximativement) n’attend à l’évidence pas sur une réduction d’impôt
de 7 025 euros (46 084 francs) pour consommer plus. L’hypothèse la plus probable est que ce gain d’impôt se transforme
en épargne supplémentaire et se place sur le marché des capitaux, par exemple pour acheter des obligations émises par
l’État afin de financer le déficit de son budget.
Les impôts prélevés par l’État ne sont qu’une partie des prélèvements obligatoires définis
comme l’ensemble des versements obligatoires effectués sans contrepartie directe au profit
des administrations publiques. Ces prélèvements obligatoires ont atteint en France un ni-
veau qui place le pays dans le groupe de tête des pays développés pour ce qui concerne le
poids de ces prélèvements obligatoires dans le PIB (A). Cette situation constitue l’arrière plan
du débat initié par les partisans d’une limitation de ces prélèvements obligatoires (B).
TAbLEAU 4.5
Principaux prélèvements obligatoires* en France : 2003-2005
(en milliards d’euros et en % du PIB)
Ils se répartissent en quatre catégories selon l’institution au bénéfice de laquelle ils sont
perçus, État, administrations publiques locales, administrations de sécurité sociale, institu-
tions européennes : soit, en 2007, 33,5 % pour l’État, 2,2 % pour les ODAC, 13,1 % pour les
APUL, 50,7 % pour les ASS et 0,6 % pour les institutions européennes (tableaux 4.6 et 4.7).
29 Depuis 2001, en France, un rapport sur les prélèvements obligatoires est adjoint à la loi de finances.
2005 2006
en milliards en milliards
en % du PIB en % du PIB
d’euros d’euros
État 277,6 16,2 273,6 15,3
Impôts (1) 271,8 15,8 264,6 14,8
Cotisations sociales 5,8 0,3 8,9 0,5
ODAC 14,7 0,9 16,1 0,9
Administrations
95,1 5,5 101,3 5,7
publiques locales
Administrations de
361,2 21,0 396,8 22,1
sécurité sociale
Impôts (1) 88,1 5,1 113,2 6,3
Cotisations
273,1 15,9 283,7 15,8
sociales (2)
Institutions de
l’union 4,5 0,3 4,7 0,3
européenne
Ensemble 753,1 43,8 792,5 44,2
(1) : après transferts de recettes fiscales et nets des impôts dus non recouvrables.
(2) : nettes des cotisations dues non recouvrables.
Source : INSEE, Comptes nationaux Base 2000.
TAbLEAU 4.7
Répartition des prélèvements obligatoires (en %) : 1999-2007
1994 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007
État 38,0 38,8 37,5 36,9 35,9 35,4 37,8 36,9 34,1 33,5
Dont cotisations
/// 0,9 0,8 0,8 0,8 0,8 0,8 0,8 0,8 0,8
sociales
Organismes divers
d’administration 0,9 1,4 1,6 1,6 2,0 2,0 2,0 2,0 2,1 2,2
centrale
Dont CRDS /// 0,7 0,7 0,7 0,7 0,7 0,7 0,7 0,7 0,7
Administrations
12,5 12,3 11,7 11,3 11,5 11,7 12,2 12,7 12,9 13,1
publiques locales
Administrations de
46,7 46,2 47,8 48,8 49,6 50,2 47,4 47,9 50,4 50,7
sécurité sociale
Dont CSG /// 8,9 9,2 9,4 9,3 9,4 9,3 9,6 9,7 9,7
Dont cotisations
42,4 35,1 35,3 35,6 36,3 36,9 36,3 36,4 36,3 36,6
sociales
Institutions
1,9 1,3 1,4 1,4 1,1 0,8 0,5 0,6 0,6 0,6
européennes
Total des prélève-
100 100 100 100 100 100 100 100 100 100
ments obligatoires
Source : INSEE, Comptes de la Nation base 1995 pour 1994 , base 2000 pour la suite..
Années 2006 et 2007 : Rapport économique, social et financier PLF 2007
Cette augmentation de longue période du taux des prélèvements obligatoires n’est pas
spécifique à la France. C’est en réalité un phénomène général que l’on a observé avec
plus ou moins d’intensité dans l’ensemble des pays de l’OCDE (tableau 4.9). La hausse a
cependant très fortement ralenti depuis le début des années 1990. Pour l’Union euro-
péenne à 15, après avoir augmenté de plus de 6 points de PIB entre 1975 et 1990, le taux
des prélèvements obligatoires n’a augmenté que de 1,2 point de PIB entre 1990 et 2004.
De même, pour l’ensemble de l’OCDE, après avoir été de 4,5 points de PIB entre 1975 et
1990, la hausse du taux des prélèvements obligatoires n’a été que de 1,5 point entre 1990
et 2004. Si pour certains pays de l’OCDE le taux des prélèvements obligatoires a continué
d’augmenter de manière plus ou moins marquée (Autriche, Italie, Danemark, Norvège,
Portugal), dans d’autres il s’est stabilisé (Royaume-Uni, Luxembourg, Finlande) ou a même
fléchi plus ou moins fortement (Suède, Japon, États-Unis, Pays-Bas).
30 Les prélèvements obligatoires effectués en France correspondent à trois affectations distinctes : le financement des dé-
penses publiques générales, la redistribution des revenus (RMI, minima sociaux, etc.), l’assurance contre les risques sociaux
(maladie, accidents, famille, vieillesse, etc.). L’assurance représente à elle seule la moitié des prélèvements obligatoires.
Les dépenses inscrites au budget sont la traduction financière de l’exercice par l’État de
ses différentes fonctions. Leur diversité reflète celles des interventions de l’État dans la vie
économique, sociale, culturelle… du pays. Pour en prendre un aperçu d’ensemble, il est
nécessaire de procéder à des classifications qui permettent de les appréhender sous divers
angles (§ 1). Les données disponibles montrent que leur poids global dans l’économie na-
tionale est aujourd’hui très important. C’est le résultat d’une évolution historique dont on
évoquera brièvement les modalités et les déterminants (§ 2).
Les dépenses de l’État peuvent être classées de différentes manières : classification admi-
nistrative, classification fonctionnelle ou classification par nature, chacune de ces classi-
fications permettant d’appréhender la structure des dépenses sous un angle et dans une
optique différents.
1) La classification administrative répartit les dépenses de l’État par ministères d’affecta-
tion. En 2005, les budgets les plus importants étaient ceux du ministère de l’Éducation
nationale (65,96 milliards d’euros), du ministère du Travail, de la Santé et de la Cohésion
sociale (49,96 milliards d’euros) et du ministère de la Défense (42,42 milliards d’euros).
2) La classification fonctionnelle répartit les dépenses selon les fonctions assumées par
l’État auxquelles ces dépenses sont affectées. Cette seconde classification est distincte
de la précédente dans la mesure où un même ministère peut assumer des fonctions
différentes et qu’une même fonction (comme, par exemple, l’éducation) peut être prise
en charge par différents ministères. On distingue traditionnellement neuf fonctions
principales : les pouvoirs publics et l’administration générale ; l’éducation et la culture ;
le secteur social, la santé et l’emploi ; l’agriculture et l’espace rural ; l’urbanisme et le
logement ; les transports et communications ; l’industrie et les services ; l’extérieur ; la
défense. À ces neuf rubriques s’en ajoute une dixième jouant le rôle de rubrique rési-
duelle qui regroupe les dépenses ne pouvant être réparties fonctionnellement selon
la classification indiquée, et en particulier le service de la dette publique ainsi que des
provisions à destinations multiples.
4) Dans une perspective plus strictement économique, destinée à permettre de mieux ap-
préhender l’impact des dépenses publiques sur le fonctionnement d’ensemble de l’éco-
nomie, les dépenses publiques peuvent être classées en fonction de la nature de l’opé-
ration économique à laquelle elles correspondent, ce qui aboutit à les répartir en quatre
grandes catégories : les dépenses de fonctionnement, les dépenses d’interventions, le
service de la dette et les investissements publics (tableau 4.10).
Les dépenses publiques dans leur globalité ont fortement augmenté depuis le XIXe siècle
(A). Cette augmentation a suscité des interprétations théoriques diverses (B).
33 Précisons que tout au long du XIXe siècle, jusqu’à la Première Guerre mondiale, en moyenne plus de la moitié des dépenses
du budget est consacrée à la défense et aux charges de la dette publique.
La période récente (1994-2006) est cependant caractérisée par une relative stabilisa-
tion de la part des dépenses des APU dans le PIB ; elles tournent autour d’une valeur
moyenne de l’ordre de 54 % du PIB et leur niveau en 2006 (53,7 %) était très proche de
celui atteint en 1994 (54,9 %)34. Parallèlement, la répartition par grandes catégories des
dépenses des APU est également très stable : entre 6 et 7 % du total pour les intérêts de
la dette, de l’ordre de 36 % du total pour les dépenses de fonctionnement, de l’ordre de
51 % pour les dépenses de transfert, et de l’ordre de 6 % pour les acquisitions d’actifs
non financiers (FBCF pour l’essentiel) (Blancheton, 2005, p. 27).
La forte croissance séculaire des dépenses de l’ensemble des administrations publiques
s’est accompagnée d’une modification importante de leur structure. Jusqu’à la Seconde
Guerre mondiale, les deux tiers des dépenses publiques étaient consacrées à l’armée et
au service de la dette. Mais, depuis 1945, la part représentée par les dépenses civiles n’a
cessé de croître et dépasse aujourd’hui les 80 % sous l’effet en particulier de la très forte
croissance des dépenses de transfert qui caractérise la montée en puissance de l’État-pro-
vidence.
Cette croissance séculaire des dépenses publiques n’est cependant pas spécifique à la
France. Elle concerne l’ensemble des grands pays développés (tableau 4.13 et graphique
4.2).
TAbLEAU 4.13
La progression des dépenses publiques, en % du P.N.B. jusqu’en 1959, du P.I.B.
depuis 1960, du revenu national pour la France, de 1872 à 1950
34 Il en est d’ailleurs de même des prélèvements obligatoires, le taux des prélèvements obligatoires étant en moyenne de
44,5 % (43,4 % en 1994 et 44,2 % en 2006), soit approximativement son niveau de 1985.
GrAPhIqUE 4.2
L’évolution des dépenses publiques en longue période (en % du PIB)
Sources : N. Crafts, OCDE, La Mondialisation, n° 59, Alternatives Economiques, Hors-série, 1er trim. 2004, p. 8.
Au cours des 40 dernières années, les dépenses publiques ont en moyenne fortement pro-
gressé dans les pays de l’OCDE. Elles sont ainsi passées de 28 % du PIB des pays de l’OCDE
en 1960, à 39,4 % en 1990. La décennie 1990 s’est par contre traduite en moyenne par un
coup d’arrêt à cette croissance des dépenses publiques, celles-ci étant égales à 39,5 % du
PIB en 2000 pour l’ensemble de l’OCDE. Dans certains pays, la croissance à même laissé la
place à un mouvement de baisse plus ou moins sensible (graphique 4.3). Cependant, les an-
nées 2001-2005 ont été marquées par une nouvelle augmentation des dépenses publiques
dans l’Union européenne (graphique 4.3 et tableau 4.14).
GrAPhIqUE 4.3
L’évolution des dépenses publiques dans différents pays de l’Union euro-
péenne : 1995-2006
70 % du PIB
65
60
Suède : 57,1%
55
France : 53,6%
Danemark : 53%
50
Belgique : 49%
Italie : 48,5 %
Allemagne : 45,7 Source :
45
Royaume-Uni: 45,4 OCDE, Le
Pologne : 43% Monde,
2006
40
Espagne : 38,6%
35
1995 96 97 98 99 2000 01 02 03 04 05 06
Le budget de l’État 229
TAbLEAU 4.14
Les dépenses des administration,s publiques dans les pays de l’Union euro-
péenne (en pourcentage du PIB)
2004 2005
Allemagne 46,9 46,7 Lettonie 35,9 36,2
Autriche 50,0 49,6 Lituanie 33,4 33,7
Belgique 49,5 50,1 Luxembourg 43,2 44,3
Chypre 43,8 44,7 Malte 48,5 47,5
Danemark 55,1 53,3 Pays-Bas 46,6 45,7
Espagne 38,8 38,2 Pologne 42,5 43,3
Estonie 36,4 35,9 Portugal 46,4 47,8
Finlande 50,3 50,7 République tchèque 44,6 44,1
France 53,6 54,2 Royaume-uni 43,9 45,5
Grèce 48,8 46,2 Slovaquie 38,9 37,7
Hongrie 49,5 50,7 Slovénie 47,6 47,3
Irlande 33,7 34,5 Suède 56,7 56,4
Italie 47,8 48,2 uE à 25 47,2 47,4
Cela étant, le poids des dépenses publiques dans le PIB est parvenu en France à un niveau
significativement supérieur à ce qu’il est dans d’autres grands pays développés. En Alle-
magne, le poids des dépenses publiques est en moyenne inférieur de 5 points de PIB à ce
qu’il est en France. Au Royaume-Uni, il lui est inférieur en moyenne de près de 9 points
de PIB et aux États-Unis approximativement de 18 points de PIB. Le poids des dépenses
publiques dont le PIB atteint aujourd’hui en France n’implique pas pour autant qu’il faille
absolument les réduire. Il y a en effet en Europe quelques pays pour lesquels le poids des
dépenses publiques dans le PIB est comparable à celui de la France, voire parfois un peu
supérieur, et dont les performances économiques globales sont par ailleurs très satisfai-
santes (Suède, Danemark, Norvège). Mais on comprend intuitivement qu’il est difficile de
laisser les dépenses publiques continuer à croître au même rythme indéfiniment. Ce qui
soulève la question d’un arbitrage entre les dépenses à effectuer et donc d’une éventuelle
redéfinition des priorités de l’État.
35 Pour sa part, l’économiste américain W. Baumol insiste sur la faiblesse des gains de productivité dans les activités de service
public, relativement aux activités industrielles, cette faiblesse contribuant selon lui à la croissance en longue période des
dépenses publiques relativement au PIB.
36 Les auteurs expliquent en particulier que les offreurs de politiques, c’est-à-dire les partis qui cherchent à capter des
voix d’électeurs pour conquérir le pouvoir ou le conserver, sont rationnellement conduits à proposer le programme
qui correspond le mieux possible aux attentes de « l’électeur médian » qui partage l’ensemble des électeurs en deux
groupes égaux. Selon l’école du public choice, c’est en ajustant son programme aux préférences de cet électeur médian
que l’homme politique a le plus de chance d’être élu ou réélu.
37 Plus généralement l’école du public choice conteste vigoureusement l’idée selon laquelle l’État serait l’expression et la
garantie de l’intérêt général.
38 Pour Frey et Schneider (1978), si le gouvernement a comme principal objectif de mettre en œuvre son programme (la
préférence partisane des hommes au pouvoir est donc explicitement prise en compte dans l’analyse), il est en même temps
préoccupé d’assurer sa réélection. En conséquence, lorsque l’échéance électorale se rapproche, si sa réélection paraît
assurée, il poursuit l’application de son programme. Si, par contre, sa réélection est menacée, et qu’elles que soient ses
préférences partisanes, il met en œuvre une politique de relance supposée faciliter la réélection.
39 D’où l’existence, déjà évoquée antérieurement, d’un cycle politico-économique conditionné par le calendrier électoral.
40 Il s’agit plus précisément des phases B du Kondratieff qui, jusqu’à la fin du XIXe siècle, étaient non seulement des phases
de difficultés économiques récurrentes mais également des longues phases de baisse des prix (cf. supra, chapitre I) : soit
pour la période allant de la seconde moitié du XIXe à aujourd’hui, la longue phase de difficultés 1873-1896, celle de
1914-1945 et celle qui a débuté à la fin des années 1960 et se prolongerait encore dans certains pays.
41 BOCCARA P. et alii [1971], Traité sur le Capitalisme monopoliste d’État, Éditions sociales, Paris, tome 1, p. 9.
42 Rappelons que, dans la terminologie utilisée par Marx, le « capital variable » désigne la partie du capital engagé dans
une entreprise qui sert à acquérir la force de travail, c’est-à-dire à payer les salaires, et qui est donc finalement affecté
à couvrir les dépenses consacrées à l’entretien et au renouvellement de la force de travail. Par analogie, les auteurs
appellent « capital variable public » les dépenses effectuées par l’État pour satisfaire, par le biais de consommations
collectives (éducation, santé) ou de prestations sociales en espèces (retraites, allocations familiales…), certains besoins
des salariés, dépenses qui participent, avec les salaires que ceux-ci perçoivent de leurs employeurs, à l’entretien et au
Ce débat oppose plus spécifiquement les partisans d’une utilisation du solde budgétaire
à des fins de régulation économique conjoncturelle et les défenseurs, longtemps prédo-
minants, de la règle de l’équilibre budgétaire (B). Pour mieux en saisir la portée, il est né-
cessaire de préciser préalablement la distinction entre solde budgétaire structurel et solde
budgétaire conjoncturel (A).
44 On peut encore définir le taux de croissance potentiel comme le taux de croissance du produit potentiel, c’est-à-dire
« le produit global pouvant être réalisé dans la durée sans génération de déséquilibres » (Llau, 2000, p. 21). La mesure
du taux de croissance potentiel du PIB n’est pas sans soulever des difficultés et fait l’objet de débats. En France, selon
les estimations effectuées par l’INSEE, le taux de croissance potentiel du PIB a été de l’ordre de 2,25 % par an au cours
de la décennie 1990.
45 On constate que dans la définition du solde conjoncturel a disparu toute référence à la charge de la dette. C’est pourquoi
dans certaines formalisations, on laisse de côté la charge de la dette pour définir le solde structurel et le solde conjonc-
turel ; c’est-à-dire que c’est le solde primaire que l’on décompose en solde structurel et en solde conjoncturel. On définit
ainsi le solde structurel primaire (SBp struc) comme la partie du solde budgétaire qui n’est liée ni aux intérêts dus sur la
dette ni à la conjoncture : SBp struc = SBstruc + i x D.
48 Selon des données de l’OCDE, le solde conjoncturel qui était légèrement positif en 1989 et en 1990 (années de croissance
économique soutenue) et nul en 1991 est devenu négatif en 1992 et a continué à se détériorer en 1993 (pour atteindre
de l’ordre de -2 % du PIB en 1993), demeurant au delà -1 % du PIB jusqu’en 1996.
TAbLEAU 4.15
Ratios de finances publiques : 2001-2007
2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007
Déficit public* - 1,5 - 3,2 - 4,1 - 3,6 - 2,9 - 2,4 - 2,7
Dette publique* 56,2 58,2 62,4 64,9 66,4 63,6 63,9
Dépenses publiques 51,7 52,6 53,4 53,2 53,4 52,7 52,4
Recettes publiques 49,5 49,2 49,6 50,4 50,3 49,7
Prélèvements obliga . 43,8 43,1 42,9 43,2 43,8 44,2 43,3
Déficit (-) / Excédent
- 3,0 - 2,9 - 2,5 - 1,3 - 0,6
(+) de la zone euro*
* au sens du traité de Maastricht
Sources : INSEE, INSEE Première, n° 1 135, mai 2007 ; site web de l’INSEE.
TAbLEAU 4.16
Principales dépenses et recettes des administrations publiques en 2007
Etat ODAC APuL ASS APu
Total des dépenses dont : 377,3 69,6 212,2 459,7 991,0
Consommations intermédiaires 20,8 9,5 43,1 22,3 95,8
Rémunérations nettes des salariés 116,8 11,8 60,6 54,1 243,3
Intérêts 42,1 4,5 4,5 1,9 51,8
Prestations sociales en espèces et
56,9 17,3 17,6 345,1 436,9
en nature
FBCF 6,7 3,6 45,1 6,3 61,8
Total des recettes dont : 338,1 67,0 205,0 458,1 940,4
Impôts et cotisations sociales 303,8 18,4 108,0 417,1 847,3
Recettes de production 6,0 6,7 33,4 17,3 63,4
Revenus de la propriété 9,2 2,5 2,3 2,1 14,8
Besoin de financement - 39,2 - 2,6 - 7,2 - 1,6 - 50,6
Déficit notifié -38,9 - 2,6 - 7,2 - 1,6 - 50,3
Source : H.-O. Duong, J.-P. Perret, P. Vial, D. Lefeuvre, L. Brière [2008], Les comptes des administrations publiques en
2007, site web de l’INSEE.
TAbLEAU 4.17
La dette publique française
TAbLEAU 4.18
La dette de l’État
C’est cette forte augmentation de la dette de l’État central qui explique la hausse parallèle
de la dette totale des APu atteignant 1 209,5 milliards d’euros à la fin de 2007, plus de
18 000 euros par Français49, et du rapport de cette dernière au PIB, passé de 30,9 % en 1980
à 40,2 % en 1990, 60,3 % en 1998, 56,2 % en 2001, 62,4 % en 2003, 66 % en 2005 et 63,9%
en 2007 .
La gestion de cette dette implique un recours permanent de l’État au marché des capi-
taux, le lancement de nouveaux emprunts permettant non seulement de financer chaque
année le nouveau déficit budgétaire mais aussi d’emprunter les sommes nécessaires au
remboursement des emprunts venant à échéance. À titre d’exemple, en 2004 l’État a ainsi
émis 77 milliards d’euros d’emprunts à long terme sous forme d’obligations assimilables du
Trésor (OAT)50 et 55,4 milliards d’euros d’emprunts à moyen terme sous forme de bons du
Trésor en compte courant à taux fixe et intérêts annuels (BTAN)51. Cette dette est détenue
directement ou indirectement par trois catégories d’agents économiques : les ménages, les
institutions financières hors OPCVM et le reste du monde (un peu plus de 12 % de la dette
négociable étant détenus par les non-résidents).
Cette croissance de la dette globale des APU au cours des trois dernières décennies n’est pas
spécifique à la France. C’est un phénomène qui affecte l’ensemble des pays de l’OCDE à des
degrés divers. La dette a ainsi augmenté de près de 80 points de PIB en Italie et au Japon
entre 1970 et 1999 et plus modérément en Allemagne et aux États-Unis. En 2006, la dette
publique de l’ensemble de la zone euro représentait 70,8 % du PIB de la zone. La dette pu-
49 La dette totale des APU est passée de 91 milliards d’euros en 1980 à 365 milliards d’euros en 1990, 812 milliards d’euros
en 2000 et 1 138,4 milliards d’euros en 2005.
50 Les OAT sont libellées en euros. La technique de l’assimilation permet de rattacher une nouvelle émission d’obligations
à une tranche d’emprunt préexistante dont elle reprend les caractéristiques spécifiques. L’émission se fait par voie
d’adjudications (mensuelles) à la Hollandaise ; le Trésor retient parmi les réponses à l’adjudication celles qui lui sont les
plus favorables. Depuis 1996 la gamme des OAT a été élargie avec la création d’OAT à taux variable, d’OAT indexées sur
l’inflation française ou l’évolution des prix de la zone euro.
51 Parallèlement, l’État a émis pour 237,8 milliards d’euros de bons du Trésor à taux fixe (BTF) qui sont des emprunts à court
terme (d’une durée allant de 4 à 52 semaines) qui permettent à l’État de faire face au décalage existant en cours d’année
entre la perception de ses recettes et la réalisation de ses dépenses.
TAbLEAU 4.19
La charge budgétaire de la dette de l’État : dette publique nette des lois de
finances initiales
en % des dépenses du
en milliards d’euros
budget général
1990 18,3 9,9
1991 20,4 10,5
1992 22,5 11,2
1993 24,7 11,9
1994 29,2 13,4
1995 30,3 13,5
1996 34,5 14,7
1997 35,5 14,9
1998 35,8 14,8
1999 36,2 14,2
2000 35,8 14,1
2001 36,5 14,0
2002 36,8 13,8
2003 38,3 14,0
2004 38,6 13,6
2005 39,8 13,8
2006 39,0 14,7
2007 39,2 14,7
2008 40,8 15,0
Source : site web de l’INSEE
52 Le Monde, 28-01, 2006, p. 14. Pour aussi élevés que puissent paraître ces taux d’endettement, ils ne doivent cependant
pas faire oublier que, dans le passé, les grands pays capitalistes développés contemporains ont pu connaître des taux
d’endettement public encore plus élevés (rôle des guerres). La dette publique de la France a, par exemple, avoisiné ou
dépassé les 100 % du PIB des années 1880 à la fin des années 1930. Reste cependant que la dette n’avait jamais connu
en temps de paix une hausse analogue à celle du dernier quart du XXe siècle (Benassy-Quéré et alii, 2006, p. 150).
A priori, l’endettement public résultant du déficit ne constitue cependant pas pour autant
un mal en soi, dès lors que deux conditions sont réunies :
• l’endettement sert à financer des investissements publics utiles qui stimulent la crois-
sance de l’économie nationale et permettront ainsi d’augmenter à terme les recettes
fiscales de l’État. On peut en effet faire à propos de l’État un raisonnement similaire à
celui que l’on fait pour les entreprises ou un ménage. On admet qu’une entreprise dé-
pense plus qu’elle ne gagne et s’endette (de même pour un ménage) si l’endettement
sert à financer un investissement qui va permettre à l’entreprise d’accroître sa capacité
à produire des richesses, le taux de rendement de cet investissement étant supérieur au
taux d’intérêt qui rémunère les fonds empruntés pour financer cet investissement. Il en
va bien entendu différemment si elle s’endette pour couvrir des dépenses de fonction-
nement. Il en est de même pour l’État dont on peut aisément admettre que ses dépenses
excèdent ses ressources et qu’il s’endette, si cela sert à financer des investissements pu-
blics dont le rendement est positif et qui augmentent la capacité du pays à créer ulté-
rieurement des richesses53 ;
• l’endettement demeure maîtrisé et se maintient à un niveau inférieur au seuil à partir
duquel il deviendrait un processus autoentretenu avec jeu de « l’effet boule de neige ».
53 Dans cette optique, le Royaume-Uni, qui a décidé de limiter son taux d’endettement public à moins de 40 % du PIB, a
également décidé d’adopter la « règle d’or » selon laquelle le déficit budgétaire, mesuré sur l’ensemble du cycle écono-
mique conjoncturel, doit demeurer dans les limites de l’investissement public, ce qui veut dire que le solde budgétaire
cumulé sur la totalité du cycle peut être négatif, dès lors que ce déficit correspond à la réalisation d’investissements et
non au financement de dépenses courantes (Vergnaud, 2005, p. 37). De nombreux auteurs soulignent qu’un endettement
public nul n’est pas une situation optimale et qu’il paraît souhaitable que l’investissement public, dès lors que sont rende-
ment est positif, soit financé par endettement. Cette préconisation n’est d’ailleurs pas sans conséquence. On peut en effet
démontrer que, dans une économie où le taux de croissance du PIB serait de 5 % par an (3 % de croissance en volume et
2 % de hausse des prix), la réalisation d’investissements publics pour un montant total de 3 % du PIB, financés par endette-
ment public, aboutit en équilibre stationnaire à un endettement public égal à 60 % du PIB (Van Waterschoot, 2001, p. 24).
TAbLEAU 4.20
Les dépenses publiques d’investissement (en % du total des dépenses publiques)
D’autre part, à partir des années 1980, l’endettement est devenu un processus autoentre-
tenu avec un « effet boule de neige ». À partir de 1983, le taux de croissance réel du PIB à
fléchi sous l’effet de la crise durable et de la politique de désinflation compétitive et il est
devenu inférieur au taux d’intérêt réel payé sur la dette. Or, dans une telle configuration,
la dette s’accroît d’une année sur l’autre du seul fait de la charge d’intérêt qui lui est liée.
54 En 2007, la FBCF de l’ensemble des APU représentait 3,26% du PIB et les subventions et aides à l’investissement versées
par les APU 3,04% du PIB.
55D ans L’ordre budgétaire, Alexandre Sine montre qu’après avoir renoncé à partir de 1983 au « réglage fin de la conjonc-
ture », les gouvernements successifs se sont engagés dans une politique de « maîtrise des dépenses » qui a alors pris le
pas sur le soutien à la croissance. Mais cette maîtrise des dépenses s’effectue au détriment de l’investissement public.
Pour certains, cette réduction des dépenses publiques est nécessaire non seulement à court
terme pour résorber le déficit, mais également à moyen et long terme pour permettre
une réforme fiscale d’envergure aboutissant à réduire substantiellement la pression fis-
cale. On a déjà évoqué le fait que cette orientation pèse négativement sur l’investisse-
ment public. Mais le gouvernement français cherche également à réduire les dépenses
de fonctionnement. Cette option n’est cependant pas sans danger. D’une part, le risque
existe de brider l’un des moteurs de la croissance dans la mesure où les dépenses publiques
d’infrastructures, de formation initiale et continue, de recherche, d’amélioration de l’état
sanitaire de la population, etc., sont indispensables à la croissance comme l’ont encore
montré récemment les travaux de l’école de la croissance endogène. D’autre part, le risque
existe également de compromettre un élément essentiel du pacte social qui, dans un pays
comme la France, repose en particulier sur l’existence de services publics et d’un système de
protection sociale garantissant la satisfaction de certains besoins élémentaires de la popu-
lation. Il faut enfin tenir compte des risques de spirale déflationniste résultant de la mise
en œuvre d’une politique de rigueur budgétaire. Celle-ci peut susciter un ralentissement
de l’activité économique entraînant un fléchissement des recettes fiscales et une hausse du
déficit primaire. L’État est ainsi contraint d’accroître son recours aux marchés financiers, ce
qui favorise la hausse des taux d’intérêt qui est par elle-même un facteur d’augmentation
de l’endettement public contraignant à prolonger la rigueur budgétaire, et pesant négati-
vement sur la croissance économique ; l’économie nationale peut ainsi s’engluer dans une
situation caractérisée par une croissance ralentie et des taux d’intérêt élevés.
Pour certains théoriciens ou responsables politiques, il serait cependant possible de réduire
de manière significative les dépenses de l’État sans tomber dans les difficultés évoquées
ci-dessus. Il suffirait pour cela de réduire les « gaspillages » d’un État, présenté comme
incapable par nature d’utiliser ses ressources de manière aussi rationnelle et économe
que les agents économiques privés (Marseille, 2002). Il suffirait également de dégonfler
la masse salariale de la fonction publique en réduisant l’emploi public global à l’occasion
d’une rationalisation substantielle des services de l’État, et de faire ainsi disparaître les
« sureffectifs » selon les termes employés dans le rapport Pébereau59. C’est probablement
s’illusionner beaucoup sur l’ampleur des gaspillages de l’État60. C’est également se cacher
le fait que l’emploi public constitue le support indispensable à la réalisation par l’État d’un
59 L’État a effectivement commencé à s’engager dans cette voie puisqu’il a décidé de ne plus remplacer intégralement les
emplois publics libérés par le départ en retraite de leurs titulaires. À ces réductions du nombre d’emplois publics s’ajoute
par ailleurs la pression exercée sur les rémunérations de la fonction publique, puisque de 2000 à 2003 le retard cumulé
des salaires des fonctionnaires sur l’inflation s’est élevé à 3,6 %.
60 En présentant le rapport annuel sur les finances publiques de la Cour des comptes, le 20 juin 2007, le président de la
Cour, Philippe. Seguin expliquait d’ailleurs que le train de vie de l’État est « loin d’être le principal problème » (cité par
Le Monde, 21-06, 2007, p. 9).
61 Un sondage Ipsos, réalisé pour Le Monde et La Gazette des communes en février 2006 faisait apparaître qu’une majorité
des Français rejette l’idée selon laquelle il y aurait trop de fonctionnaires dans les ministères (54 %), dans les collectivités
locales (66 %) ou dans les hôpitaux publics (96%). Ce sondage révèle en fait que, globalement, les Français sont « déci-
dément opposés au « moins d’État » mais partisans du « mieux d’État » » (Le Monde, 07-03, 2006, p. VII).
CHAPITRE 5
L’État a la possibilité d’utiliser son budget (dépenses, recettes et soldes) en vue d’influer
sur l’activité économique du pays.
Cette action de l’État peut s’inscrire dans le cadre d’une politique structurelle visant à in-
fluer sur l’organisation et le mode de fonctionnement de l’économie nationale, ainsi que
sur les conditions de son développement à moyen et long terme.
La fiscalité peut ainsi être aménagée de manière à influer durablement sur les caractéris-
tiques du système productif. Ce sera le cas avec, par exemple, l’instauration de droits de
douane protégeant les producteurs nationaux de la concurrence étrangère, la taxation de
certaines activités polluantes de manière à en augmenter les coûts et inciter les entreprises
à développer des techniques de production plus respectueuses de l’environnement, ou en-
core la modulation des taxes sur les carburants dans un sens favorisant le développement
du transport routier. Elle peut également être utilisée pour influer sur la structure de la
consommation des ménages avec, par exemple, une taxation accrue de certains produits
jugés nocifs pour la santé comme le tabac et les alcools, ou, à l’opposé, l’instauration d’une
TVA à taux réduit sur des produits de première nécessité (produits alimentaires, médica-
ments…), ou encore l’octroi d’avantages fiscaux divers associés à la réalisation de travaux
de grosses réparations et d’amélioration de la résidence principale. Elle peut encore être
utilisée pour orienter l’épargne vers certains types de placements (au détriment d’autres)
avec, par exemple, un régime fiscal favorable pour les placements en actions ou l’exonéra-
tion des droits de succession sur les placements en assurance-vie.
Les dépenses publiques peuvent être mises au service de politiques d’aménagement du
territoire (subventions versées aux entreprises s’installant dans certaines zones géogra-
phiques, aides publiques à l’agriculture de montagne, création de zones franches, etc.).
Quant aux dépenses publiques d’infrastructures, de financement de la recherche fonda-
mentale et appliquée, de développement du système éducatif… qui sont susceptibles
d’avoir des effets à court terme sur l’activité économique et l’emploi, elles sont princi-
palement destinées à favoriser le développement à moyen et long terme de l’économie
nationale.
Mais l’action économique de l’État utilisant le budget peut prendre également la forme
d’une intervention destinée à influer sur la conjoncture économique du pays, la politique
budgétaire étant l’une des composantes de la politique économique conjoncturelle de
l’État1. C’est à cette politique budgétaire conjoncturelle que l’on se référera ici. Celle-ci
consiste principalement en l’utilisation par l’État de son budget (dépenses, recettes et
solde) afin d’agir sur la demande globale et, par ce biais, d’influer sur l’évolution à court
terme de certaines variables macroéconomiques (taux de croissance en volume du PIB,
niveau de l’emploi, taux d’inflation, solde extérieur), autrement dit, d’influer sur le niveau
et l’évolution de l’activité économique et de l’emploi ainsi que sur les grands équilibres
économiques et financiers du pays.
Il faut cependant souligner que, même en l’absence d’une politique budgétaire conjonc-
turelle, le budget de l’État influe sur la conjoncture économique en exerçant un effet
contra-cyclique d’atténuation des fluctuations économiques grâce au jeu des stabilisateurs
automatiques, ainsi dénommés parce qu’ils contribuent spontanément à régulariser l’évo-
lution à court terme de l’activité économique, autrement dit à stabiliser la conjoncture
économique.
C’est ainsi, par exemple, que, dans une conjoncture d’expansion économique très soute-
nue associée éventuellement à une poussée de l’inflation (en phase de « boom inflation-
niste » ou de « surchauffe » du cycle économique conjoncturel), le budget de l’État exerce
spontanément une influence restrictive stabilisatrice sur l’évolution de l’activité écono-
mique du pays, se traduisant par un freinage de la croissance et de l’inflation. En effet,
dans un tel contexte, certaines dépenses publiques, et plus spécifiquement des dépenses
de transfert (allocations de chômage, certains minima sociaux, certaines subventions aux
entreprises…), tendent à se contracter mécaniquement en raison de l’amélioration de la
situation économique du pays (moins de chômage, moins d’entreprises en difficulté…). Pa-
rallèlement, les recettes fiscales augmentent en raison de la croissance réelle et nominale
de la production et des revenus qui élève le rendement global de la plupart des impôts
(TVA et autres impôts sur la consommation, impôts sur le revenu). Ces deux évolutions
concourent (directement pour la première, indirectement pour la seconde) à freiner l’aug-
mentation de la demande globale qui se produit spontanément en phase d’expansion
du cycle conjonctuel et, partant, à ralentir la croissance de la production et celle des prix.
Pour un budget de l’État qui serait en équilibre au début de la phase d’expansion du cycle
conjoncturel, ces deux évolutions concourent à faire apparaître un excédent budgétaire,
lequel exerce mécaniquement un effet de ralentissement du rythme de l‘expansion éco-
nomique. En d’autres termes, l’expansion économique suscite l’apparition d’un excédent
budgétaire qui ralentit l’expansion.
Inversement, dans une conjoncture de récession ou de crise économiques, le budget joue
spontanément un rôle de relance. À législation sociale et fiscale inchangée, certaines dé-
1 Et, lorsque l’on évoque la politique budgétaire sans autre précision, c’est généralement à la politique budgétaire comme
composante de la politique conjoncturelle qu’il est fait allusion.
1) L’État dispose-t-il réellement avec son budget d’instruments lui permettant d’influer à
court terme de manière significative sur le niveau de l’activité et de l’emploi ?
2) Cette action peut-elle être réellement efficace et permettre à l’État d’obtenir les résul-
tats qu’il escompte quant il recourt à ce type de politique ?
Pour les trois premiers multiplicateurs budgétaires, le processus économique qui correspond
à chacun d’eux est formellement le même que dans le cas du multiplicateur d’investissement
(§ 1). Dans chacun de ces trois cas, l’ampleur de l’effet multiplicateur est déterminée par
la valeur algébrique des multiplicateurs, laquelle dépend elle-même du comportement de
certaines variables macroéconomiques (§ 2). Le processus qui correspond au multiplicateur
du budget équilibré combine ceux du multiplicateur des achats publics et du multiplicateur
fiscal (§ 3).
2 Les multiplicateurs budgétaires sont présentés ci-dessous dans l’optique d’une politique budgétaire expansive visant à
élever le niveau d’activité. Dans une optique plus générale, il faudrait dire que le multiplicateur des achats publics opère
lorsque l’État fait varier ses achats publics (en hausse ou en baisse, car les multiplicateurs opèrent dans les deux sens et
peuvent jouer positivement ou négativement, selon le cas). La même observation vaut bien entendu pour les autres
multiplicateurs budgétaires. Le multiplicateur fiscal opère lorsque l’État fait varier le niveau des impôts à la hausse ou à
la baisse, le multiplicateur des transferts publics lorsqu’il fait varier ces transferts à la hausse ou à la baisse.
4 Le lecteur pourra se reporter, si besoin, au passage du chapitre VI du tome 1 concernant le multiplicateur d’investissement.
Le raisonnement suivi ici est absolument identique, l’accroissement des achats publics ∆G se substituant à l’accroissement
de l’investissement ∆I.
*
Dans les trois cas examinés ci-dessus (multiplicateur des achats publics, multiplicateur fis-
cal, multiplicateur des transferts), le jeu du multiplicateur repose sur le fait qu’il se produit
de période en période une augmentation de la consommation globale des ménages, et
donc de la demande globale qui s’adresse aux entreprises justifiant un accroissement cor-
respondant de la production et du revenu global. Le jeu du multiplicateur des achats pu-
blics diffère cependant de celui des impôts et des transferts publics sur un point important.
Dans le cas du multiplicateur des achats publics, la première augmentation de la demande
globale (en t1) correspond au montant de l’accroissement des achats publics décidé par
l’État, et donc de la mesure budgétaire adoptée par l’État, cette augmentation initiale de
la demande globale suscitant ensuite une hausse de la consommation des ménages qui
se reproduit de période en période tout en s’affaiblissant progressivement. Dans le cas
du multiplicateur fiscal et du multiplicateur des transferts, la croissance de la demande
globale commence lorsque se produit la première augmentation de la consommation des
ménages. Celle-ci est normalement d’un montant inférieur à celui de la mesure budgé-
taire (hausse des transferts ou baisse des impôts) décidée par l’État puisque elle est égale
au produit du montant en valeur absolue de cette mesure par la propension marginale à
consommer, inférieure à 1. L’impulsion initiale, en termes d’augmentation de la demande
globale, est donc plus faible que dans le cas de l’augmentation des achats publics pour une
mesure budgétaire d’un montant identique.
Dans chacun des cas examinés, l’ampleur du phénomène de multiplication dépend de la
valeur algébrique du multiplicateur considéré.
La valeur algébrique des multiplicateurs budgétaires dépend bien entendu des hypothèses
retenues pour construire le modèle de représentation du fonctionnement d’ensemble de
l’économie. Comme indiqué précédemment, on s’en tient ici au cas simple d’une économie
fermée pour laquelle l’équation de l’équilibre macroéconomique est Y = C + I + G, avec C la
consommation finale privée globale, I l’investissement privé global et G les achats publics
(consommation et investissements publics).
On suppose que :
la fonction de consommation globale des ménages est C = Co + c . Yd ;
• Yd = Y – T + TR, c’est-à-dire que le revenu disponible est égal au revenu global dont sont
déduits les impôts (T) et auquel s’ajoutent les transferts (TR) ;
• le montant global des impôts est : T = To + t . Y, avec To désignant les impôts « auto-
nomes », c’est-à-dire les impôts dont le montant global ne dépend pas du niveau du
produit global Y, et t le taux de taxation du produit/revenu global créé dans l’économie
qui est une constante positive et inférieure à 1 (0 < t < 1) ;
• TR = TRo et G = Go . Les transferts publics ainsi que les achats publics de biens et services
sont supposés être autonomes et ne dépendre en fait que des seules décisions politiques
de l’État ;
• I = Io. L’investissement des entreprises est, à titre de simplification à ce stade de l’exposé,
supposé être également une grandeur autonome.
Sous ces hypothèses, l’équation de l’équilibre macroéconomique Y = C + I + G devient, en
remplaçant C, I et G par leur valeur algébrique respective :
Y = Co + c (Y – To – t . Y + TRo) + Io + Go
Y = Co + c . Y – c.To – c . t . Y + c . TRo + Io + Go
Y – c . Y + c . t .Y = Co – c . To + c . TRo + Io + Go
Y (1 – c + c . t) = Co – c . To + c . TRo + Io + Go
1
Y = ------------------- (Co – c . To + c . TRo + Io + Go)
1–c+c.t
Il ressort explicitement de cette formulation de l’équation de l’équilibre macroéconomique
que le niveau du produit global d’équilibre Y dépend en particulier du niveau respectif de
la consommation et de l’investissement publics (Go), des transferts publics (TRo) et des im-
pôts autonomes (To). En faisant varier ces grandeurs autonomes, l’État est donc en mesure
d’influer sur le niveau du produit global d’équilibre. En s’en tenant à une politique budgé-
taire expansive, il peut selon le cas : accroître la consommation et l’investissement publics
sans modifier les impôts ; augmenter les transferts sans modifier les impôts ; réduire les
impôts sans modifier ses dépenses (achats publics et transferts), suscitant à chaque fois le
*
La comparaison de ces trois multiplicateurs permet de dégager plusieurs résultats.
5 Ce résultat suppose cependant que la hausse des transferts et la baisse des impôts bénéficient de manière proportionnelle
à l’ensemble des agents économiques privés. Si ce n’est pas le cas, le résultat sera différent. À titre d’exemple, une hausse
des transferts bénéficiant à des ménages à faibles revenus et forte propension marginale à consommer aura, toutes choses
égales par ailleurs, un impact positif sur le niveau d’activité supérieur à celui d’une réduction des impôts d’un montant
global identique bénéficiant aux ménages à hauts revenus et à propension marginale à consommer relativement plus
faible. En fait, dans chacun de ces deux cas, la mesure budgétaire adoptée par l’État modifie la valeur de la propension
marginale à consommer de l’ensemble des ménages (la propension marginale à consommer globale) qui conditionne
celle du multiplicateur considéré. La propension marginale à consommer de l’ensemble des ménages de la fonction de
consommation globale (C = Co + c . Yd) augmente en cas de transferts bénéficiant aux ménages à faibles revenus, dont
la part dans le revenu disponible de l’ensemble des ménages s’accroît du fait de ces transferts, et elle baisse en cas de
réduction des impôts bénéficiant aux ménages à hauts revenus (cf. infra), ce qui explique la différence d’impact sur le
niveau d’activité de chacune des deux mesures.
L’État paraît donc disposer, avec son budget, d’un moyen d’action sur l’évolution de la
conjoncture économique efficace. Il faut cependant se garder de surestimer l’efficacité
potentielle de la politique budgétaire. D’une part, le succès de la politique budgétaire
requiert que certaines conditions soient vérifiées (§ 1). D’autre part, si les variations des
grandeurs budgétaires sont effectivement susceptibles d’influer sur l’évolution de l’activité
économique globale dans le sens souhaité, l’élévation du taux d’ouverture des économies
nationales, caractéristique du processus contemporain de mondialisation, joue dans le sens
de l’affaiblissement des multiplicateurs et, par conséquent, de l’efficacité potentielle de
la politique budgétaire (§ 2). Enfin, du fait même de son impact positif sur le niveau de
l’activité, une politique budgétaire expansive est à l’origine de processus dérivés qui en
affaiblissent la portée. Une politique budgétaire expansive est en particulier un facteur
de hausse des taux d’intérêt, ce qui se traduit par le jeu du « frein financier » et, dans
certaines conditions, par un « effet d’éviction » susceptible de limiter, voire d’annuler,
l’impact positif sur l’évolution du niveau de la production et de l’emploi de cette politique
budgétaire expansive (§ 3). Le modèle de Mundell et Flemming montre par ailleurs que
l’efficacité de la politique budgétaire est conditionnée par le degré de mobilité des capi-
taux à l’échelle internationale et le régime de changes qui prévaut (§ 4).
*
Pour conclure, il faut par ailleurs préciser que, dans la mesure où la relance budgétaire se
traduit bien par une augmentation de la production et du revenu réels, cela n’implique
pas nécessairement pour autant une réduction proportionnelle du chômage. D’une part,
l’intensité de la création de nouveaux emplois dépend du « contenu en emplois » de la
croissance du PIB que suscite la relance budgétaire, lequel est susceptible de varier dans le
temps7. D’autre part, la création d’emplois permise par la relance budgétaire peut susciter
en parallèle l’entrée sur le marché du travail de nouveaux offreurs de travail : chômeurs de
7 Le contenu en emplois de la croissance tend à diminuer lorsque le rythme de croissance de la productivité du travail s’accé-
lère. Si en to le rythme de croissance du PIB est de 4 % et celui de la productivité du travail de 2 % seulement, la croissance
du PIB implique a priori la création d’emplois. Si en tn le taux de croissance de la productivité du travail est passé à 4 %,
le même taux de croissance du PIB de 4 % n’induit plus a priori la création d’emplois supplémentaires.
8 Il faut en outre souligner que l’équation de l’équilibre macroéconomique ainsi reformulée permet également de déter-
miner la valeur algébrique des multiplicateurs liés au commerce international : le multiplicateur des exportations et le
multiplicateur des importations (cf. tome 1, chapitre X). Soit :
∆Y 1
------- = ----------------------- pour le multiplicateur des exportations,
∆Xo 1-c+c.t+m
∆Y -1
------- = ----------------------- pour le multiplicateur des importations.
∆Mo 1-c+c.t+m
Une politique budgétaire de relance financée par endettement est donc bien un facteur
de hausse du taux d’intérêt. Simultanément, ajoutent les néoclassiques, l’État prive de
financements les agents économiques privés avec lesquels il entre en concurrence pour
l’obtention des capitaux disponibles ; c’est l’effet d’éviction.
Selon les keynésiens, en augmentant les dépenses publiques, l’État stimule l’activité selon
les modalités déjà examinées qui font intervenir le jeu des multiplicateurs. Il doit en ré-
sulter une augmentation de la demande globale de monnaie qui, à politique monétaire
et donc à offre globale de monnaie données, se traduit par une hausse du taux d’intérêt.
À titre de simplification de l’exposé, l’analyse est conduite en considérant le cas d’une économie fermée.
Dans une telle économie fermée, l’équation de l’équilibre macroéconomique est : Y = C + I + G [1].
C = Co + c . Y – c . To – c . t . Y + c . Tro,
• G = Go, les achats publics (consommation et investissement publics) sont une grandeur autonome.
Y = Co + c . Y – c . To – c . t . Y + c . Tro + Io – g . i + Go [2].
Le taux d’intérêt est déterminé par confrontation de l’offre et de la demande globales de monnaie. Il est
supposé que l’offre globale de monnaie (M) est déterminée par la politique monétaire de sorte que, pour
un état donné de cette dernière, elle est d’un montant M = Mo connu. quant à la demande globale de
monnaie (L) elle est supposée être égale à : L = l1 . Y + Lo + l2 . i (cf. supra).
14 Les travaux de l’école de la croissance endogène concernant l’effet d’éviction aboutissent ainsi « à relativiser son impact
notamment lorsque les dépense couvertes par le déficit (infrastructures, recherche-développement, capital humain) sont
de nature à favoriser la productivité globale dans une économie » (d’Arvisenet, 2003, p. 2).
Soit encore :
l1 Mo – Lo
i = ---- . Y - ---------------.
l2 l2
En remplaçant dans l’équation [2] le taux d’intérêt i par sa valeur algébrique telle que définie ci-dessus,
il vient :
l1 Mo - Lo
Y = Co + c . Y – c . To – c . t . Y + c . Tro + Io – g (-------- Y - -------------) + Go
l2 l2
l1 Mo - Lo
Y = Co + c . Y – c . To – c . t . Y + c . Tro + Io – g (------) Y + g (------------) + Go
l2 l2
l1 g
Y – c . Y + c . t . Y + g (----) Y = Co – c . To + c . Tro + Io + Go + ---- (Mo - Lo)
l2 l2
l1 g
Y [1 - c + c . t + g (----)] = Co – c . To + c . Tro + Io + Go + ---- (Mo - Lo)
l2 l2
1 g
Y = ------------------------------ [Co – c . To + c . Tro + Io + Go + ---- (Mo - Lo)]
l1 l2
1 - c + c . t + g (----)
l2
La valeur algébrique des multiplicateurs budgétaires se déduit directement de cette nouvelle formulation
de l’équation d’équilibre macroéconomique. Soit :
∆Y 1
------- = -------------------------- pour le multiplicateur des achats publics ;
∆Go l1
1 - c + c . t + ---- . g
l2
∆Y -c
-------- = -------------------------- pour le multiplicateur fiscal ;
∆To l1
1 - c + c . t + ---- . g
l2
∆Y c
-------- = --------------------------- pour le multiplicateur des transferts.
∆Tro l1
1 - c + c . t + ---- . g
l2
La présence au dénominateur des différents multiplicateurs de l’expression g (l1 / l2) traduit le jeu du
frein financier. Cette expression est positive puisque tous les termes qui la constituent sont eux-mêmes
positifs. En valeur absolue, les multiplicateurs budgétaires sont donc plus faibles que ceux qui avaient été
définis en faisant l’hypothèse d’un investissement global autonome, I = Io, indépendant des variations
du taux d’intérêt et ce, en raison précisément du jeu du frein financier.
La valeur algébrique des multiplicateurs est d’autant plus faible que l’expression g (l1 / l2) est plus élevée,
ce qui traduit que l’efficacité potentielle de la politique budgétaire est d’autant plus réduite que le frein
Si la mise en œuvre d’une politique budgétaire expansive est susceptible, sous les réserves
évoquées précédemment, de stimuler l’activité économique et d’améliorer la situation
de l’emploi, elle peut également susciter l’apparition d’un déséquilibre de la balance des
paiements en raison de l’impact de cette politique, sur le solde de la balance des tran-
sactions courantes du pays et, sur le solde de sa balance des mouvements de capitaux.
Ceci conditionne l’efficacité de la politique budgétaire et sa capacité à permettre à l’État
d’agir sur le niveau de l’activité et de l’emploi. Le modèle élaboré par R.A. Mundell (1962)
et J.M Fleming (1962), deux auteurs qui se rattachent au courant du keynésianisme de la
synthèse, montre que le résultat pour la balance des paiements d’une relance budgétaire
dépend en fait du degré de mobilité internationale des capitaux, en distinguant les deux
cas opposés de faible (A) et de forte (B) mobilité internationale des capitaux. Ce modèle
montre également que, pour un degré de mobilité internationale des capitaux donné, le
résultat final de la politique budgétaire dépend alors du régime de taux de change en
vigueur, en distinguant entre un régime de taux de change fixes et un régime de taux de
change flottants ou flexibles.
15 Une politique budgétaire concertée peut donc permettre de régler le problème du déficit de la balance des paiements
(de la balance globale) mais ne règle cependant pas le problème de la hausse des taux d’intérêt et du jeu du frein fi-
nancier qui lui est lié.
16 Cette procédure est normalement précédée par une « alerte rapide » contre le pays en défaut.
17 L’amende comprend une partie fixe égale à 0,2 % du PIB et une partie variable égale à 1/10ème de l’écart observé par
rapport à la norme de référence de 3 %.
Rappel : On a Y = C + I + G + X – M
R = Y + RNrdm
R=C+S+T
Soit encore : C + S + T = Y + RNrdm
C + S + T = C + I + G + X – M + RNrdm
( T – G) + (S – I) = X – M + RNrdm
Soit encore : (T – G) + (S – I) = X – M si l’on fait abstraction, comme indiqué ci-dessus, des échanges de reve-
nus entre résidents et non résidents et si l’on fait donc disparaître les revenus reste du monde de l’égalité ci-dessus.
Dans les expressions ci-dessus : S désigne l’épargne globale, le RNrdm les revenus nets reçus du reste du monde et R le
revenu global.
22 Dans l’exemple précédent, si l’État s’impose la rigueur budgétaire comme règle et rend ainsi cette politique crédible aux
yeux des agents économiques privés, ceux-ci finiront par adapter durablement leur comportement dans le sens recherché
par les pouvoirs publics, assurant ainsi le succès de cette politique.
23 Cité par Le Monde Dossiers et Documents, n° 305, janvier 2002.
24 C’est par exemple l’opinion défendue par Jürgen Starck, alors vice-président de la Bundesbanck, selon lequel : « les
règles budgétaires sont suffisamment souples pour permettre aux stabilisateurs automatiques de lisser les fluctuations
conjoncturelles » et « le pacte ne contraint aucun pays à mener une politique pro-cyclique ». Il suffit en fait que les pays
mettent à profit les périodes de basse conjoncture afin de « dégager une marge de manœuvre budgétaire suffisante pour
pouvoir amortir les chocs en temps de crise ». Par ailleurs, toujours selon lui, le meilleur moyen de garantir et favoriser
la croissance est de s’assurer des finances publiques « saines », tandis que « vouloir agir sur la conjoncture par le biais de
la politique budgétaire » est « une approche très hasardeuse » (Le Monde, 6 et 7-03, 2005, p. 12). L’un des avantages du
recours aux stabilisateurs automatiques plutôt qu’à une politique discrétionnaire étant que la mise en œuvre de cette
dernière requiert des délais, ce qui peut aboutir à ce qu’elle agisse à contretemps et prenne de ce fait un caractère pro-
cyclique et non contra-cyclique, alors que le jeu des stabilisateurs automatiques « ne comporte pas de délais ».
Le débat à propos du pacte remonte aux origines même de celui-ci. Il a pris un tour plus
aigu et public à partir de 2002. Diverses critiques ont été formulées à l’encontre du pacte
(A) qui ont été confortées par la difficulté accrue de plusieurs pays de la zone euro d’en
respecter les règles (B) et qui ont ouvert la voie à une réforme du pacte en 2005 (C). Cette
réforme laisse cependant en suspens certaines questions que soulève la mise en œuvre
de la politique budgétaire au sein de la zone euro et, au-delà, de l’ensemble de l’Union
européenne (D).
29 On a déjà souligné à ce propos (chapitre IV) l’évolution inquiétante de l’investissement public dans les grands pays dé-
veloppés, dont la France, au cours des deux dernières décennies, alors même que les théories de la croissance endogène
insistent fortement sur le rôle essentiel dans le processus de croissance économique des dépenses publiques d’infrastruc-
tures, d’éducation, de formation et de recherche.
30 Et, concrètement, dès juin 2003, la Commission européenne avait demandé à la France de prendre, avant le 3 octobre 2003,
les dispositions nécessaires pour ramener son déficit au-dessous de 3 % en 2004, tout en réduisant son déficit structurel
d’au moins 0,5 point de PIB. Le projet de budget pour 2004 ne satisfaisant pas ces demandes, la Commission européenne
devait soumettre à l’Ecofin du 4 novembre 2003 de nouvelles recommandations concernant la France, avec l’obligation
pour cette dernière de s’y conformer pour la fin de l’année, faute de quoi elle pourrait être sanctionnée.
C - La réforme du pacte
Le débat auquel a donné lieu le Pacte de stabilité et de croissance a permis de mettre en
évidence la nécessité et l’urgence d’une adaptation. Ceci a conduit la Commission euro-
péenne à avancer en septembre 2004 des propositions qui ont débouché sur un accord au
Conseil européen des 22 et 23 mars 2005.
Selon les termes de cet accord, la double limitation du déficit public à 3 % du PIB et de la
dette publique à 60 % du PIB est confirmée. Mais les conditions de mise en œuvre de la
procédure pour déficit excessif par la Commission européenne sont modifiées.
Les « circonstances exceptionnelles » qui justifient que la Commission européenne renonce
d’emblée à engager une procédure à l’encontre d’un pays dont le déficit public atteint
3 % du PIB sont redéfinies. Alors que ces circonstances exceptionnelles ne pouvaient être
invoquées jusqu’à présent qu’à la condition que le pays subisse une récession d’au moins
2 % du PIB (cas qui ne s’était pas encore présenté), elles pourront désormais l’être si la
croissance du pays considéré est nulle ou très faible (de l’ordre de 0,2 à 0,3 % de croissance
du PIB), ce qui était, par exemple, le cas de la France en 2002.
La définition des « facteurs pertinents », que la Commission européenne et le Conseil des
ministres doivent prendre en compte pour décider d’engager ou non une procédure pour
déficit excessif à l’encontre d’un pays dont le déficit public dépasse 3 % du PIB et pour
déterminer le délai accordé à ce pays pour revenir au respect de la règle du pacte, est
précisée dans le sens souhaité par des pays comme l’Allemagne et la France. Ces facteurs
pertinents comprennent désormais le niveau des investissements effectués par le pays,
31 La Cour avait été saisie par la Commission en janvier 2004 et elle a estimé que « le Conseil ne peut s’écarter des règles
établies par le traité ni de celles qu’il s’est lui-même imposées » et qui sont répertoriées dans le règlement détaillant les
procédures du pacte.
32 Versement par EDF à la CNAV d’une soulte de 9 milliards d’euros en contrepartie de la prise en charge du régime des
retraites des employés d’EDF, ce qui a augmenté d’autant les recettes des APU pour 2005.
À quoi s’ajoute que le budget communautaire européen ne permet pas de mobiliser les
ressources nécessaires à la mise en œuvre d’une politique budgétaire européenne active
réellement efficace. Tel qu’il est, ce budget ne peut être utilisé à des politiques conjonc-
turelles de relance d’une envergure suffisante. Il est en effet consacré pour l’essentiel à
couvrir les dépenses de la politique agricole commune (PAC) ainsi que celles des fonds
structurels et du Fonds de cohésion sociale qui représentent en tout de l’ordre de 80 %
de la totalité des dépenses inscrites au budget (cf. infra). Sans compter que les gouver-
nements de plusieurs pays-membres, dont celui de la France, ont exigé que les ressources
du budget de l’Union européenne soient limitées à 1 % seulement du PIB de l’ensemble
de l’Union sur la période 2007-2013, ce qui revient d’emblée à enfermer l’Union euro-
péenne dans un carcan financier qui paraît en totale contradiction avec les ambitions af-
fichées dans la déclaration de Lisbonne (cf. infra, chapitre VIII) et avec l’attachement pro-
clamé de ces mêmes gouvernements à la constitution d’une Union européenne plus forte
et plus prospère capable de jouer un rôle de premier plan dans les affaires du monde.
Le budget européen
Le budget européen s’élève globalement à 1 % du PIb européen, ce qui est donc sans commune me-
sure avec les budgets publics des États-membres. En 2009, le total des ressources du budget européen
s’éleverait à 116 milliards d’euros, soit 0,89 % du revenu national brut de l’Union européenne34.
• les cotisations (production et stockage) prélevées dans le cadre de l’organisation commune des
marchés du sucre ainsi que les cotisations pour la production d’isoglucose (1,7% des ressources
en 2007) ;
• les droits de douane prélevés en application du tarif extérieur commun sur les produits importés du
reste du monde. Cette recette est en baisse du fait des accords de réduction des droits de douane
signés par la Communauté (13,2% des ressources en 2007) ;
• le reversement par les pays-membres à l’Union européenne d’une partie du produit de la TVA. Un
taux uniforme est appliqué à l’assiette de la TVA dans chaque pays-membre. Le taux a été ramené
de 1,4 % en 1994 à 0,5 % en 2004. La part de cette ressource dans le total des ressources (16,5 %
en 2007) tend par conséquent à baisser ;
• un pourcentage du revenu national brut du pays (identique pour tous les pays-membres) : dis-
positif adopté en 1988. Le montant de cette « quatrième ressource » est fixé chaque année en
fonction du rendement des autres ressources du budget. Elle joue en fait le rôle de ressource
d’équilibre. Elle représentait 62,9 % du total des ressources en 2007.
Les dépenses du budget européen, quant à elles, se ventilent entre différents postes (graphique
5.2).
34 Il s’agit du montant des paiements. Les engagements s’élèvent, eux, à 133,8 milliards d’euros, soit 1,03% du RNB de
l’Union européenne.
7,8
Politiques internes
Réserves 0,4 (recherche, transport,
sécurité intérieure, culture...)
Compensation 1,1 5,4 Administration
Stratégie de préadhésion 1,8 4,5 Actions extérieures
Dans le cadre des perspectives financières pour 2000-2006 adoptées par le sommet européen de berlin
en mars 199935, ces dépenses avaient été limitées à une moyenne annuelle de 40,5 milliards d’euros.
Alors que ces dépenses du FEOGA, dans sa « section garantie », représentaient 86,9 % du total des dé-
penses communautaires en 1970, elles ont vu leur part diminuer progressivement pour s’établir à 45 %
en 2002.
• L’action structurelle (FEDEr, FSE, Fonds de cohésion) (31 %). Ces dépenses structurelles sont
destinées à permettre un développement équilibré de l’ensemble de la communauté et la cohé-
sion économique et sociale. Elles constituent le deuxième poste par ordre d’importance des dé-
penses communautaires : dépenses du Fonds social européen, du FEOGA « section orientation »,
du Fonds européen de développement régional (FEDEr). Depuis la réforme de 1999, les objectifs
assignés aux fonds structurels sont : 1) la promotion du développement et « l’ajustement structu-
rel » des régions en retard de développement par rapport à la moyenne de l’Union européenne
(c’est-à-dire les régions dont le PIb moyen par habitat est inférieur à 75 % du PIb moyen de
l’Union européenne) ; 2) l’aide à la reconversion économique et sociale des régions, autres que
celles concernées par le premier objectif, qui sont confrontées à des difficultés structurelles ; 3)
le développement des ressources humaines (aide à l’insertion professionnelle des jeunes et des
35 Les « perspectives financières » sont une norme pluriannuelle d’évolution des dépenses et des recettes du budget com-
munautaire qui est adoptée pour une certaine période par la Commission, le Conseil et le Parlement. Elles fixent des
plafonds annuels de crédits par catégorie de dépense pour l’ensemble de la période à laquelle elles correspondent. Ces
plafonds annuels de dépense s’imposent aux trois institutions européennes pour l’élaboration de chaque budget annuel.
Cette procédure des perspectives financières a été mise en œuvre pour la première fois pour la période 1988-1992, puis
reconduite pour la période 1993-1999 et la période 2000-2006.
L’accord sur les perspectives financières pour la période 2007-2013, conclu en décembre 2005, se traduit
par un engagement de dépenses d’un montant total de 862,36 milliards d’euros, ce qui correspond à
1,045 % du rNb européen. Sur ce montant total, 157 milliards d’euros sont affectés aux aides apportées
aux nouveaux États-membres de l’Est. Le rabais britannique, arraché aux autres membres de l’Union
européenne en son temps par M. Thatcher est pérennisé, mais en réduction. La Commission a par
ailleurs été chargée de faire un rapport en 2008-2009 afin d’« entreprendre une révision exhaustive et
large de toutes les dépenses, y compris la politique agricole, et de toutes les ressources, dont le rabais
britannique ».
Les pays membres de l’Union européenne qui, d’un coté, alimentent ses ressources et, de l’autre, béné-
ficient de certaines de ses dépenses, peuvent être de ce fait contributeurs nets au budget européen ou
bénéficiaires nets. À titre d’exemple, en 2002, les principaux contributeurs nets au budget européen, en
proportion de leur revenu national, étaient la Suède, l’Allemagne, les Pays-bas et le Luxembourg et les
principaux bénéficiaires nets la Grèce, le Portugal et l’Irlande.
CHAPITRE 6
Dans l’acception la plus générale, la politique monétaire consiste en une action sur les va-
riables monétaires (quantité de monnaie en circulation, taux d’intérêt) destinée à influer,
selon le cas, sur le taux d’inflation, le rythme de croissance de la production et le niveau de
l’emploi, le taux de change, ou le solde de la balance des paiements. Elle se fonde sur l’hy-
pothèse selon laquelle existent des liens étroits et relativement stables entre les variables
monétaires et d’autres variables économiques, de sorte qu’en agissant sur les premières
ont peut influer sur les secondes.
La politique monétaire ainsi définie peut se caractériser par ses objectifs finals, intermé-
diaires et opérationnels et par ses instruments.
- Les objectifs finals sont les variables macroéconomiques sur lesquelles les autorités moné-
taires cherchent à agir par la politique monétaire mise en œuvre. Ils peuvent varier d’un
pays ou ensemble de pays à l’autre. Il est possible de distinguer deux grandes conceptions
opposées de la politique monétaire en fonction des objectifs finals qui lui sont assignés.
La première conception, d’inspiration keynésienne, fait de la politique monétaire un outil
de régulation conjoncturelle destiné à agir prioritairement sur le niveau de l’activité et de
l’emploi. Dans cette optique, il est supposé que la monnaie n’est pas neutre, et qu’une va-
riation de la quantité de monnaie en circulation est susceptible d’influer sur l’évolution des
grandeurs économiques réelles, et en particulier sur le niveau du produit global et sur celui
de l’emploi. La politique monétaire, en agissant sur la quantité de monnaie en circulation,
est donc en mesure d’influer sur l’évolution du niveau de l’activité et de l’emploi. Selon la
conjoncture économique du moment, la politique monétaire peut être utilisée, en cas de
récession, pour stimuler la croissance et élever le niveau de l’emploi ou, au contraire, en cas
de « surchauffe » et de « dérapage inflationniste », pour freiner la croissance et peser ainsi
sur l’évolution des prix. La politique monétaire peut être discrétionnaire, les mesures adop-
tées étant conditionnées par les objectifs que lui assignent les autorités monétaires sur le
moment, en fonction de la conjoncture économique sur laquelle elle est destinée à influer.
La seconde conception, d’inspiration néoclassique, assigne à la politique monétaire l’ob-
jectif prioritaire, voire exclusif, d’assurer durablement la stabilité des prix. Il est supposé
que la monnaie est « neutre » et qu’elle n’a donc a priori aucune influence sur les gran-
deurs économiques réelles (production, consommation, investissement... en volume) : une
variation de la quantité de monnaie en circulation ne modifie pas les prix relatifs et, de ce
fait, n’a pas d’incidence sur les décisions des agents économiques qui commandent l’évo-
lution des grandeurs réelles. Elle est par contre déterminante pour l’évolution des prix
absolus, les agents économiques privés étant supposés ne pas être victimes de l’illusion
monétaire et ne pas confondre les évolutions nominales et les évolutions en volume. En
application de la théorie quantitative de la monnaie, l’inflation est caractérisée comme un
phénomène purement monétaire. Il y a inflation dès lors que la quantité de monnaie en
circulation progresse à un rythme supérieur à celui du produit global en volume, en tenant
compte de l’éventuelle variation de la vitesse de circulation de la monnaie. La politique
monétaire a donc pour finalité d’assurer une croissance de la masse monétaire compatible
avec la stabilité des prix. Dans cette seconde conception, la politique monétaire doit être
prévisible pour les agents économiques et fondée sur le respect par les autorités moné-
taires de règles concernant l’évolution de la masse monétaire.
En France, pendant les Trente Glorieuses, c’est la première conception qui avait prévalu. La
politique monétaire était alors conçue, parallèlement à la politique budgétaire, principa-
lement comme un moyen de stimuler la croissance économique et de réaliser le plein-em-
ploi. Elle avait donc pour finalité de fournir à l’économie française la quantité de monnaie
nécessaire à une croissance économique soutenue permettant de réaliser le plein-emploi,
tout en se prémunissant contre des risques de dérapages inflationnistes trop marqués.
À partir de 1983 et du tournant de la « rigueur », la politique monétaire a par contre
été progressivement mise au service exclusif de la lutte contre l’inflation, dans le cadre
de la mise en œuvre de la politique de « désinflation compétitive ». Il en est de même
aujourd’hui pour la politique monétaire mise en œuvre pour l’ensemble de la zone euro
par la Banque centrale européenne à laquelle ses statuts assignent comme objectif final
prioritaire la maîtrise de l’inflation. Les traités consolidés de l’Union européenne affirment
ainsi que « l’objectif principal du Système européen des banques centrales est de maintenir
la stabilité des prix » (article 105, alinéa 1)1.
- Les objectifs intermédiaires de la politique monétaire concernent des variables (moné-
taires) sur lesquelles la Banque centrale peut exercer une action et dont l’évolution est
censée conditionner la réalisation de(s) l’objectif(s) final(s). Le choix des objectifs intermé-
diaires est donc directement conditionné par celui de (des) l’objectif(s) final(s). C’est ainsi,
par exemple, qu’un certain rythme de croissance de la masse monétaire en circulation
pourra constituer un objectif intermédiaire d’une politique monétaire dont les objectifs fi-
nals seraient l’élévation du niveau de l’activité et l’amélioration de l’emploi2. Les liens exis-
tant entre les variables monétaires auxquelles s’appliquent les objectifs intermédiaires et
1 Il y a là une différence importante avec la Banque centrale des États-Unis, la Réserve fédérale ou FED, dont les objectifs
finals sont le plein-emploi, la stabilité des prix et la modération des taux d’intérêt à long terme. La politique monétaire des
États-Unis depuis les années 1980 a ainsi pour objectif final l’obtention d’une combinaison jugée satisfaisante en matière
de taux d’inflation et de taux de croissance.
2 Avec l’idée que les agents économiques non financiers (ANF) utilisent au bout du compte la monnaie à leur disposition
pour acquérir des biens et services, de sorte que, en augmentant (par le crédit) la quantité de monnaie mise à leur dispo-
sition, on peut accroître par cela même la demande globale sur les marchés de biens et services et, par ce biais, stimuler
la croissance et améliorer la situation de l’emploi.
- Les objectifs opérationnels de la politique monétaire concernent des variables sur les-
quelles les autorités monétaires ont une prise directe, dont l’évolution conditionne celle
des objectifs intermédiaires, et dont la manipulation par la Banque centrale est susceptible
de donner des indications claires aux agents économiques concernant l’orientation de la
politique monétaire mise en œuvre. Aujourd’hui, ce sont le plus souvent les taux d’inté-
rêt du marché interbancaire qui jouent le rôle d’objectifs opérationnels4. La quantité de
monnaie centrale que la Banque centrale met à la disposition du secteur bancaire (la base
monétaire) peut également jouer ce rôle. Ceci sous réserve, d’une part, qu’il y ait un rap-
port stable entre l’offre de monnaie centrale par la Banque centrale et la masse monétaire
en circulation mesurée par M3 et, d’autre part, que la Banque centrale ait réellement la
maîtrise de son offre de monnaie centrale, autrement dit qu’elle ne soit pas en réalité
contrainte de refinancer le système bancaire pour le montant dont celui-ci a réellement
besoin pour solder ses comptes.
- Les instruments de la politique monétaire sont les éléments dont la Banque centrale a la maî-
3 L’évolution de la masse monétaire fut ainsi un objectif intermédiaire de la politique monétaire française à partir de 1977.
Les autorités monétaires affichaient chaque année un objectif de croissance de l’agrégat monétaire retenu comme agrégat
de référence (successivement M2 puis M3), la réalisation de cet objectif intermédiaire étant censée garantir la croissance
de la masse monétaire compatible avec l’objectif final de maîtrise de l’inflation, compte tenu des prévisions concernant
la croissance du PIB en volume. Parallèlement, à partir des années 1980, dans le cadre de la mise en œuvre de la politique
de désinflation compétitive, la stabilisation du taux de change du franc par rapport au mark a également été érigée en
objectif intermédiaire de la politique de change.
4 On rappelle que le marché interbancaire est le compartiment du marché monétaire sur lequel les banques commerciales
s’échangent de la monnaie centrale (émise exclusivement par la Banque centrale et utilisée comme moyen de paiement
entre banques commerciales). La baisse (hausse) des taux d’intérêt du marché interbancaire diminue (augmente) le coût
des ressources nécessaires aux banques commerciales pour exercer leurs activités. Les banques répercutent la baisse (hausse)
sur les taux d’intérêt débiteurs qu’elles appliquent à leurs clients agents non financiers, ce qui influe sur la quantité de
crédits que leurs clients demandent aux banques commerciales et, partant, sur le rythme de croissance de la masse mo-
nétaire en circulation détenue par les ANF.
9 La politique monétaire peut cependant influer sur les anticipations de prix des agents, ces anticipations amplifiant les
processus qui transitent par les canaux de transmission.
10 L’efficacité de la politique monétaire dépend donc de la rigidité des prix à court terme qui est la condition pour que la
baisse des taux d’intérêt nominaux se traduise effectivement par une baisse des taux d’intérêt réels. On a évoqué dans
le tome 1 les diverses raisons qui peuvent expliquer cette rigidité à court terme des prix nominaux, telles que la rigidité
des salaires nominaux à court terme, fondée sur l’existence de contrats salariaux qui ne sont renégociés qu’à intervalles
plus ou moins éloignés (généralement pas plus d’une fois par an), ou l’existence de « coûts de menus » qui conduisent
les entreprises à ne modifier leurs prix généralement qu’une ou deux fois par an.
- Cela suppose en premier lieu que la variation du taux d’intérêt nominal du marché inter-
bancaire suscitée par la politique monétaire expansive de la Banque centrale se traduise
finalement par une variation de l’ensemble de la gamme des taux d’intérêt débiteurs des
banques commerciales, et en particulier des taux d’intérêt réels à long terme puisque
ce sont en fait ces taux d’intérêt réels à long terme qui conditionnent les décisions que
prennent les agents économiques privés concernant l’investissement productif des entre-
prises, l’investissement en logement et la consommation de biens durables des ménages.
Or cela n’est pas toujours vérifié. La variation des taux d’intérêt à long terme ne dépend
en effet pas seulement de la variation actuelle des taux d’intérêt à court terme mais
également des anticipations des agents économiques. D’une part, les anticipations des
agents économiques concernant l’évolution future des taux d’intérêt à court terme : si
les taux d’intérêt à court terme baissent aujourd’hui mais que les agents économiques
anticipent leur hausse ultérieure, cette anticipation est un facteur qui s’oppose à la baisse
des taux d’intérêt à long terme14. D’autre part, les anticipations des agents économiques
concernant l’inflation : l’anticipation d’une accélération ultérieure de l’inflation incite les
prêteurs de fonds à long terme à augmenter les taux d’intérêt nominaux à long terme
pour se préserver des effets négatifs pour eux de cette accélération de l’inflation.
- Cela suppose en second lieu que l’investissement productif des entreprises ainsi que la
13 Sous l’hypothèse admise par les néoclassiques que l’économie est naturellement et spontanément en équilibre de plein-
emploi et que, par conséquent, la production ne peut croître à court terme au-delà du niveau déjà atteint (cf. supra,
chapitre II).
14 Les taux d’intérêt à long terme qui s’établissent à un moment donné dépendent des anticipations que forment alors
les agents économiques concernant la valeur future des taux d’intérêt à court terme. Les épargnants qui envisagent de
prêter leur épargne sur une période relativement longue arbitrent entre des placements à long terme ou une série de
placements à court terme renouvelés tout au long de la période considérée. Le taux d’intérêt à long terme doit donc
assurer à l’épargnant une rémunération au moins égale à celle de la moyenne pondérée des taux d’intérêt correspondant
à la séquence des placements à court terme qui peuvent lui être substitués, majorée d’une prime de risque positive en
raison des risques plus grands inhérents à un placement à long terme relativement à une série de placements successifs
à court terme. Cette prime est d’autant plus élevée que le terme du placement est plus éloigné. En conséquence, si les
agents économiques anticipent une hausse à venir des taux d’intérêt à court terme, c’est en fait un facteur d’augmen-
tation des taux d’intérêt à long terme.
*
À l’opposé de ce qui se produit en cas de politique monétaire expansive, une politique
monétaire restrictive se traduira par une hausse du (des) taux directeur(s) de la Banque
centrale, et le relèvement du taux des réserves obligatoires, destinés à contraindre les
banques commerciales à relever leurs taux d’intérêt débiteurs et à peser négativement sur
la liquidité bancaire. On attend d’une telle politique monétaire restrictive qu’elle freine la
demande de crédits des ANF et donc la demande de biens et services (consommation et in-
vestissement) et la croissance de l’activité ainsi que l’inflation. La hausse des taux d’intérêt
est un facteur de contraction de la consommation et de l’investissement, ce qui contribue
à ralentir le rythme de la croissance économique et celui de l’inflation. La hausse des taux
d’intérêt rend par ailleurs les placements financiers dans le pays plus attractifs, ce qui favo-
rise les entrées de capitaux étrangers, lesquelles sont un facteur d’appréciation de la mon-
naie nationale. Cette appréciation réduit le prix des produits importés et donc l’inflation.
Elle est un facteur d’augmentation des importations en volume et influe négativement sur
les exportations en volume, d’où une contraction de la demande étrangère nette (X – M)
qui pèse à son tour négativement sur l’activité. Ultérieurement, le ralentissement de l’ac-
15 À l’opposé, en phase de « boom inflationniste », la hausse des taux d’intérêt peut ne pas suffire à freiner l’investissement
et la consommation, les entreprises et les ménages ayant tout avantage à s’endetter pour investir et consommer dans la
mesure où l’inflation réduit la charge réelle du remboursement de la dette et du paiement des intérêts.
a - Le canal du crédit
La politique monétaire peut également influer sur l’activité économique globale par le
canal du crédit, en distinguant le canal étroit du crédit et le canal large du crédit.
Le canal étroit du crédit correspond au fait que la politique monétaire influe sur le com-
portement d’investissement et de consommation des ANF, et partant sur l’activité écono-
mique globale, par son effet sur la quantité de crédit que les banques mettent à la dispo-
sition de leurs clients (l’offre globale de crédit des banques) plus que par son effet sur les
taux d’intérêt. En accroissant la liquidité bancaire, une politique monétaire expansive crée
un contexte qui favorise l’augmentation de l’offre de crédit par les banques, lesquelles
acceptent plus aisément de prêter, y compris aux ménages et aux PME, c’est-à-dire à des
agents économiques qui, habituellement, ne peuvent accéder à d’autres sources de finan-
cement externe que le crédit bancaire (ils ne peuvent émettre des titres sur les marchés
de capitaux) et qui, dès lors qu’il devient plus aisé d’obtenir des crédits bancaires, sont
incités à accroître leur endettement auprès des banques pour financer leur consommation
et leurs investissements. Ce canal étroit du crédit est censé jouer d’autant plus fortement
que la dépendance des agents économiques à l’égard du crédit bancaire pour obtenir un
financement externe est plus élevée. Son importance tend par conséquent à se réduire en
liaison avec le processus de désintermédiation (cf. tome 1, chapitre IX).
Le canal large du crédit prend en compte l’incidence de la variation des taux d’intérêt sus-
citée par la politique monétaire sur la richesse nette des entreprises (et plus généralement
des ANF) et, partant, leur capacité à emprunter. En cas de politique monétaire expansive,
cela correspond au fait que la baisse des taux d’intérêt accroît la valeur actualisée de la ri-
chesse nette des entreprises (cf. tome 1, chapitre IX) et donc les garanties que celles-ci peu-
vent apporter pour obtenir des crédits. Ceci leur permet d’obtenir plus aisément ces crédits
et, également, d’obtenir une réduction, voire une suppression, de la prime de risque que
les prêteurs ajoutent au taux d’intérêt en contrepartie du risque de non-recouvrement de
leurs créances : prime de risque qui est d’autant plus élevée que les actifs de l’emprunteur
pouvant servir de garantie au prêt sont plus faibles. Cette baisse de la prime de risque se
combinant à la baisse du taux d’intérêt incite les entreprises à s’endetter pour investir. Par
ailleurs, en stimulant la demande des consommateurs, une baisse des taux d’intérêt est un
facteur d’amélioration de la rentabilité des entreprises (hausse des recettes et des profits)
et, partant, accroît leur capacité d’emprunt.
16 S’ajoute à cela que « les variations des prix des actifs pourraient également faire jouer d’autres canaux mobilisant la
confiance, ou les anticipations influençant les décisions de dépenses de ménages ou des entreprises » (Trichet, 2002, p.
17).
17 En pratique, l’augmentation de la demande globale suscite toujours simultanément une certaine augmentation de la
production en volume et une certaine hausse des prix, le partage entre ces deux effets dépendant du degré d’élasticité
à court terme de l’offre des entreprises (cf. supra, chapitre I).
18 Bien qu’elle puisse également influer sur les mouvements de capitaux (cf. infra).
19 On rappelle que la dévaluation consiste à modifier la parité officielle de la monnaie nationale dans le sens d’une réduc-
tion de la valeur de cette monnaie telle qu’elle s’exprime en termes d’un étalon international : par exemple, en régime
monétaire d’étalon or, la réduction du poids d’or servant à définir officiellement la valeur de la monnaie nationale
considérée. Cette baisse de la parité implique une modification parallèle du taux de change. La monnaie nationale doit se
déprécier sur le marché des changes. La décision de dévaluer la monnaie nationale est prise par les autorités politiques du
pays. En régime de taux de change flexibles où le taux de change est censé se fixer librement sur le marché des changes,
la Banque centrale laisse la monnaie nationale se déprécier par rapport aux devises sur le marché des changes. C’est
pourquoi on parle alors de dépréciation de la monnaie nationale par rapport aux devises. Dans la suite, et pour faire
court, on parlera de dépréciation de la monnaie nationale pour traduire le fait que celle-ci s’échange désormais contre
une quantité moindre de devises et ce, quelque soit le régime de change en vigueur.
20 Supposons par exemple qu’en to 1 € s’échange contre 1 $. Une marchandise européenne facturée 1€ coûte donc 1 $ à un
importateur américain. Réciproquement une marchandise américaine facturée 1 $ coûte 1 € à un importateur européen.
Si en tn le taux de change du dollar contre l’euro est passé à 2 € = 1 $, ce qui signifie que l’euro s’est déprécié par rapport
au dollar, une marchandise européenne toujours facturée 1 € coûte désormais ½ $ à un importateur américain, tandis
qu’une marchandise produite aux États Unis facturée 1 $ coûte désormais 2 € à l’importateur européen. Il en résulte que
la dépréciation de l’euro par rapport au dollar est, pour les pays membres de la zone euro, un facteur d’augmentation
de leurs exportations en volume et un facteur de contraction de leurs importations en volume.
23 En tenant compte cependant de ce que l’entrée de capitaux étrangers dans le pays qui est suscitée par cette hausse des taux
d’intérêt est a priori un facteur de limitation de la hausse des taux d’intérêt et de ses éventuels effets récessifs consécutifs.
En cas de politique monétaire restrictive crédible faisant monter les taux d’intérêt dans le
pays, les capitaux y sont attirés, ce qui apprécie la monnaie nationale. Inversement, en cas
de politique monétaire expansive faisant baisser les taux d’intérêt, les capitaux sont incités
à quitter le pays (du moins ceux qui privilégient les placements à court terme), ce qui affai-
blit la monnaie du pays sur le marché des changes. Un pays qui s’impose de maintenir la
stabilité de son taux de change est donc en fait contraint d’aligner ses taux d’intérêt sur les
taux internationaux, afin de se prémunir contre des mouvements de capitaux à court terme
qui déstabiliseraient sa monnaie nationale, ce qui signifie le renoncement à une politique
monétaire autonome.
26 La création de la zone euro, qui a abouti à substituer aux politiques monétaires des pays membres la politique monétaire
unique de la BCE pour l’ensemble de la zone, a pu être considérée comme la conclusion « logique » d’une telle situation.
30 D’autant qu’une politique monétaire expansive peut conduire les opérateurs du marché des changes à anticiper une
accélération de l’inflation et une dépréciation ultérieure de la monnaie réduisant l’attractivité des placements financiers
dans le pays qui met en œuvre cette politique.
31 En tout état de cause, la Banque centrale ne pourrait s’opposer indéfiniment à la dépréciation de la monnaie nationale
en raison de la limite représentée par ses réserves de change (qui ne sont pas infinies). Dans l’incapacité de préserver
durablement le taux de change de la monnaie nationale, les autorités monétaires et politiques du pays devraient alors
se résoudre à dévaluer la monnaie en accompagnant probablement cette dévaluation d’une politique de rigueur, comme
c’est habituellement le cas lorsqu’un pays dévalue sa monnaie en régime de taux de change fixes : politique de rigueur qui
va directement à l’encontre de la réalisation de l’objectif d’amélioration de la situation économique intérieure du pays
(augmentation de la production et amélioration de la situation de l’emploi) visé par la politique monétaire expansive.
32 Il n’y a donc dans ce cas a priori ni réduction des réserves de change de la Banque centrale ni contraction consécutive de
la masse monétaire interne, à la différence de ce qui se produit en régime de taux de change fixes.
D’autre part, dans la mesure où la dépréciation commence par aggraver le déficit initial
de la balance des transactions courantes, le risque existe que cela déclenche une vague
de spéculation à l’encontre de la monnaie nationale. Certains opérateurs du marché des
changes, constatant que le déficit de la balance s’aggrave, peuvent en effet anticiper une
poursuite de l’affaiblissement de la monnaie sur le marché des changes et spéculer contre
celle-ci, ce qui crée les conditions d’une nouvelle dépréciation (anticipations auto-réali-
satrices). Une telle réaction des spéculateurs a une probabilité d’autant plus grande de
se produire que l’affaiblissement de la monnaie nationale stimule l’inflation interne. La
hausse des prix des produits importés se répercute en effet sur les prix intérieurs, rédui-
sant en partie le gain de compétitivité en termes de prix induit par la dépréciation, ce qui
peut retarder un peu plus encore le redressement attendu de la balance et alimenter par
là même des anticipations pessimistes sur l’évolution de la valeur future de la monnaie
nationale, incitant les spéculateurs à continuer d’opérer contre celle-ci.
L’économie nationale peut de ce fait s’enfermer dans un cercle vicieux : déficit extérieur –>
dépréciation de la monnaie –> déficit extérieur –> inflation + spéculation –> dépréciation
–> déficit extérieur… (graphique 6.3). Pour en sortir, les autorités monétaires et politiques
seront alors probablement amenées à mettre en œuvre une politique de rigueur sévère
et durable, seule susceptible de « rassurer les marchés » et de calmer la spéculation. Une
telle politique consiste à peser sur la demande intérieure, et en particulier la consomma-
tion globale, afin de limiter les importations, et à tenter de maîtriser l’inflation, de sorte
à aligner les fondamentaux de l’économie nationale (rythme de croissance, taux d’infla-
tion) sur ceux de ses principaux partenaires économiques. Le prix à payer pour certaines
catégories sociales risque d’être particulièrement élevé : réduction du pouvoir d’achat des
salaires, chômage accru, etc. Le taux de change ne pouvant constituer la variable d’ajuste-
ment susceptible de rétablir l’équilibre extérieur, c’est en fait le niveau de vie de la popu-
lation, et en particulier des salariés, qui joue alors ce rôle de variable d’ajustement.
33 Selon Samson et alii (2004, p. 508), « la politique monétaire ne se transmet à l’économie réelle qu’au terme d’un délai
relativement long, d’un an à un an et demi ». Pour P. Artus (2003, p. 5), les délais d’action de la politique monétaire,
tant aux États-Unis que dans la zone euro, sont de l’ordre de 18 mois à 2 ans, sachant que, dans le cas de la BCE, s’ajoute
à ces délais d’action le délai de réaction de la BCE aux évolutions conjoncturelles constatées. Selon l’auteur, « la BCE
réagit (…) avec retard (6 mois environ) aux indications conjoncturelles concordantes » (id., p. 6), cette « lenteur » étant
cependant « comparable, voire inférieure à celle des autres banques centrales» (id., p. 6).
*
En conclusion, il faut évoquer l’analyse développée par divers auteurs (Artus, 2004 ; Agliet-
ta, 2007) qui conduit à avancer l’hypothèse qu’une limite majeure à l’efficacité de la po-
litique monétaire mise en œuvre aujourd’hui dans les grands pays développés tient à la
définition même de l’objectif final qui lui est assigné.
Dans la plupart des cas, cet objectif se limite à la maîtrise de l’inflation. Mais le taux d’in-
flation auquel se réfère alors la Banque centrale est défini de manière restrictive, comme
le taux de hausse des prix des biens et services. Comme on l’a déjà souligné, l’évolution
des prix des actifs (financiers, immobilier) n’est globalement pas prise en compte (cf. su-
pra, chapitre I). Or cela n’est pas sans conséquences. Comme le souligne P. Artus (2005),
pour lutter contre les crises, comme celle de la nouvelle économie du début de la décennie
2000 ou les menaces de crise, les banques centrales des grands pays développés (Réserve
fédérale américaine, Banque d’Angleterre, BCE..) ont créé massivement des liquidités au
cours des dernières années. Mais, dans une économie mondialisée où les prix de nombreux
biens sont rigides, les liquidités monétaires abondantes ainsi créées servent en fait prin-
cipalement à alimenter le développement de bulles spéculatives sur les marchés d’actifs,
bulles spéculatives qui finissent nécessairement par éclater. Pour surmonter une crise, les
banques centrales, en alimentant massivement le marché monétaire en liquidités, créent
par là même les conditions à terme de l’éclatement d’une nouvelle crise. De sorte qu’il « va
donc falloir s’habituer à vivre avec ces bulles, en sachant qu’on court le risque, à la pre-
mière hausse des taux, d’une crise épouvantable » (idem). Deux ans et demi après que ce
diagnostic ait été formulé, l’éclatement de la crise des subprimes venait malheureusement
en confirmer la justesse.
La création de la zone euro le 1er janvier 1999 est l’aboutissement d’un projet ancien dont
la réalisation, qui s’est réellement amorcée en 1979 avec la création du Système monétaire
européen34, est passée depuis par trois grandes étapes.
1) La première étape correspond à l’adoption de l’Acte unique européen, signé en février
1986. Constitué de divers amendements et compléments au traité de Rome, il fixait
pour objectif l’achèvement, avant le 31 décembre 1992, du marché intérieur unique, le
« grand marché européen », assurant la libre circulation des biens, des services, des capi-
taux et des personnes. Il prévoyait en particulier la libération totale des mouvements de
capitaux entre les pays de la Communauté économique européenne au 1er juillet 199035.
2) La seconde étape correspond à la signature le 7 février 1992 par les pays membres de
la Communauté économique européenne du Traité de Maastricht ou Traité sur l’union
européenne36 (UE) qui est entré en application le 1er novembre 1993 après sa ratification
par les pays-membres. Le traité a prévu la réalisation de l’unification monétaire en trois
phases.
• La phase 1, allant du 1er juillet 1990 au 31 décembre 1993, était en réalité déjà pratique-
ment franchie lors de la mise en application du Traité de Maastricht. Elle s’est traduite
par l’achèvement du marché unique, la libération des mouvements de capitaux entre les
pays-membres (intervenue le 1er juillet 1990 avec la mise en place du marché unique des
capitaux), l’indépendance des banques centrales des pays-membres (loi organique du 4
août 1993 réformant les statuts de la Banque de France en ce sens) et l’interdiction du fi-
nancement du déficit budgétaire par les banques centrales des pays-membres, tandis que
les États-membres s’engageaient dans un processus de coordination de leurs politiques
économiques et en particulier de leurs politiques monétaires.
• La phase 2, allant du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1998, s’est traduite par : 1) le ren-
forcement de la coordination des politiques économiques des États-membres ; 2) la créa-
tion à Francfort de l’Institut monétaire européen qui a succédé au FECOM à partir du 1er
janvier 1994 et a été chargé de préparer la création de la future BCE, intervenue le 1er juin
1998, afin que l’infrastructure nécessaire au fonctionnement de l’Union monétaire soit en
place au 1er janvier 1999 ; 3) l’obligation pour chaque pays candidat à la monnaie unique
de respecter les critères de convergence pour pouvoir passer à la phase 3 ; 4) l’interdic-
tion du financement monétaire du déficit budgétaire37 ; 5) la mise en place d’un dispositif
34 Décidée par le Conseil européen de Paris du 12 mars 1979.
35 À l’abolition de tous les contrôles des mouvements de capitaux s’ajoute la liberté d’établissement pour les banques de
tous les pays-membres. Comme le souligne D. Redor (1999, p. 48) cette réforme, « en autorisant la mobilité des capitaux
à court terme (…) fragilise le système des changes fixes et incite à créer une monnaie unique ». Au-delà, l’accentuation
des échanges commerciaux et des mouvements de capitaux entre pays-membres, que rend possible la création du marché
unique, paraît contradictoire avec l’objectif de préservation de la stabilité des taux de change qui est celui du SME, et
pousse par conséquent à la recherche d’une intégration monétaire accrue.
36 Le traité de Maastricht est largement issu du rapport présenté en juin 1989 (Conseil européen de Madrid des 26 et 27 juin)
par le comité présidé par Jacques Delors à qui le Conseil européen de Hanovre du 28 juin 1988 avait demandé « d’étudier
et de proposer les étapes concrètes devant mener à l’union économique et monétaire ».
37 Selon ses nouveaux statuts adoptés par la loi du 4 août 1993, la Banque de France ne peut autoriser des découverts ou
accorder tout autre type de crédit au Trésor public. Elle ne peut également acquérir directement des titres de la dette
publique.
• L’inflation du pays ne doit pas être supérieure à la moyenne, majorée de 1,5 %, des taux d’inflation des
trois pays ayant l’inflation la plus faible.
• Le taux d’intérêt nominal à long terme du pays ne doit pas excéder sur un an la moyenne, majorée de
2 %, des taux d’intérêt des trois pays dont l’inflation est la plus faible.
38 Après l’adoption par le Conseil européen de Dublin (13-14 décembre 1996) d’un projet de résolution sur le Pacte de
stabilité et de croissance.
39 L’Eurosystème est constitué de la BCE et des banques centrales nationales des pays membres de la zone euro. Il ne doit pas
être confondu avec le Système européen de banques centrales (SEBC) qui désigne, dans le traité sur l’Union européenne,
l’ensemble formé par la BCE et les banques centrales nationales des pays membres de l’Union (les 27 pays membres actuels).
• Le déficit public (déficit de l’ensemble des administrations publiques) ne doit pas excéder 3 % du PIB
du pays.
• La dette de l’ensemble des administrations publiques ne doit pas excéder 60 % du PIB du pays.
Ces critères de convergence sont censés s’articuler de sorte que leur respect engage le pays dans une
sorte de cercle vertueux. La limitation de la hausse des prix (premier critère) favorise la baisse des taux
d’intérêt (second critère). Celle-ci permet de limiter le déficit public (en réduisant les intérêts dus sur la
dette publique) et la dette publique (alimentée en partie par le déficit public imputable au service de la
dette) (quatrième et cinquième critères). L’ensemble de ces évolutions favorise la stabilisation du taux de
change de la monnaie et permet d’éviter les dévaluations (troisième critère). Ce qui, à son tour, permet
d’écarter les risques d’inflation importée résultant de la hausse des prix des biens et services importés en
cas de dépréciation de la monnaie sur le marché des changes.
Mais il faut souligner qu’il s’agit de critères de convergence nominale et non pas de convergence
réelle des économies aspirant à faire partie de l’Union monétaire. Or le fait d’imposer des critères de
convergence nominale à des pays dont les économies étaient (et demeurent) très hétérogènes (cf. infra)
a contraint ces pays à mettre en œuvre de manière uniforme des politiques économiques à dominante
restrictive, lesquelles n’étaient pas nécessairement adaptées au contexte international ni au contexte
propre à chaque pays et ont contribué à la faiblesse de la croissance européenne des années 1990.
Le traité sur l’Union européenne confie à la BCE l’essentiel des missions habituellement
dévolues à une Banque centrale (A). Il lui confère par ailleurs un statut d’indépendance qui
n’est pas sans soulever certaines interrogations (B).
40 Depuis le 1er janvier 1999, le SME a été remplacé par le nouveau mécanisme de change européen (un SME II en quelque
sorte). Celui-ci régit les rapports entre l’euro et les monnaies des pays de l’Union européenne non-membres de la zone
euro ayant souhaité participer à ce nouveau mécanisme de change. N’y participaient initialement (en 1999) que la Grèce
et le Danemark, le Royaume-Uni et la Suède ayant refusé de s’y associer. Un cours pivot par rapport à l’euro de la monnaie
de chacun de ces deux pays avait été défini avec une marge de fluctuations (de plus ou moins 2,25 % pour la couronne
danoise et de plus ou moins 15 % pour la drachme grecque). La Grèce a depuis rejoint la zone euro.
Les missions confiées à la BCE sont celles qui sont habituellement dévolues à une Banque
centrale.
• Elle est chargée de promouvoir le bon fonctionnement des systèmes de paiement au
sein de la zone euro. À ce titre elle assure et contrôle l’émission de la monnaie fiduciaire.
L’émission des billets est assurée par la BCE et les banques centrales nationales, la produc-
tion des billets étant en fait réalisée par les différentes banques centrales nationales en
fonction des besoins en billets de chaque pays, lesquels varient sensiblement d’un pays à
l’autre en raison des différences nationales dans les habitudes de paiement des ANF. Les
billets émis (5, 10, 20, 50, 100, 200 et 500 euros) sont identiques pour tous les pays. Les
pièces, par contre, sont émises par les États membres de la zone euro, sous le contrôle de
la BCE qui approuve le volume des émissions. Les pièces émises (1, 2, 5, 10, 20, 50 centimes,
1 et 2 euros) comprennent une face européenne identique pour tous les pays et une face
nationale différente selon les pays.
• Elle détient et gère les réserves officielles de change des pays de la zone euro et elle est
chargée de « conduire les opérations de change » (art 105, a. 2), c’est-à-dire de réaliser
les interventions sur les marchés des changes destinées à influer sur le taux de change de
41 À l’opposé, aux États-Unis, la politique de change est du ressort exclusif de l’exécutif américain, le secrétaire d’État au
trésor étant seul habilité à commenter la politique de change des États-Unis.
42 Par contre, aux États-Unis, ces missions font explicitement partie des attributions de la Réserve fédérale qui est chargée
de veiller au bon fonctionnement du système bancaire américain.
43 Le degré d’indépendance dont bénéficie la BCE vis-à-vis du pouvoir politique est plus grand que celui dont bénéficient
aujourd’hui la Banque du Japon, la FED ou la Banque d’Angleterre ou celui dont bénéficiait autrefois la Banque centrale
allemande. Aux États-Unis, en particulier, il existe une réelle collaboration entre les instances dirigeantes de la FED et
le Trésor américain qui permet de coordonner la politique monétaire et la politique budgétaire, ce qui n’existe pas en
Europe.
Les traités assignent comme objectif final principal à la politique monétaire que la BCE est
chargée de conduire le maintien de la stabilité des prix ; et c’est au regard de cet objectif
que se comprend la stratégie de la BCE (A). Pour atteindre cet objectif, la BCE dispose
d’une gamme d’instruments très semblables à ceux dont disposaient jusqu’en 1999 les
banques centrales des principaux pays formant aujourd’hui la zone euro (B).
45 Selon Herner Flassbeck, ancien Ministre fédéral de l’économie de la RFA, économiste en chef à la CNUCED, « il n’y a pas
de policy mix dans la zone euro », ce qui « est précisément un des problèmes principaux de l’Union économique et moné-
taire, depuis le lancement de l’euro », car « la BCE refuse explicitement toute coordination entre la politique monétaire
qu’elle conduit et les politiques budgétaires des États-membres » (Le Monde, 11 et 12 janvier 2005 p. 3).
46 On rappelle que l’IPCH est calculé pour la zone euro par Eurostat et fait l’objet d’une publication mensuelle.
47 L’objectif de stabilité des prix avait été défini initialement de la manière suivante par le Conseil des gouverneurs le 13
octobre 1998 : « La stabilité des prix est définie comme une progression sur un an de l’indice des prix à la consommation
harmonisé (IPCFH) inférieure à 2 % dans la zone euro ».
48 Cette référence explicite à une augmentation de l’IPCH indique que « la déflation, c’est-à-dire une baisse de l’indice IPCH,
ne serait pas compatible avec la définition de la stabilité des prix » (Moutot et Jung, 2002, p. 13).
49 Le Traité stipule que : « Sans préjudice à l’objectif de stabilité des prix, le SEBC apporte son soutien aux politiques écono-
miques générales dans la Communauté, en vue de contribuer à la réalisation des objectifs de la Communauté, tels que
définis à l’article 2 », c’est-à-dire en fait « un développement harmonieux et équilibré de l’ensemble de la Communauté,
une croissance durable et non inflationniste respectant l’environnement (...) un niveau d’emploi et de protection sociale
élevés » (art. 2).
50 La Réserve fédérale a pour objectif « de maintenir la croissance à long terme des agrégats de crédit et de monnaie en
proportion du potentiel de croissance à long terme de l’économie, afin d’accroître la production et ainsi de promouvoir
efficacement les objectifs d’emploi maximum, de stabilité des prix et de taux d’intérêt à long terme modérés ».
51 C’est ce qu’expliquait le premier président de la BCE, Wim Duisenberg (2005, p. VI), selon lequel : « Maintenir un taux
d’inflation bas et constant est la meilleure contribution possible de la politique monétaire à la santé de l’économie, à
une croissance durable et à la création d’emplois ». Conviction partagée par J.-C. Trichet, second et actuel président de
la BCE, affirmant en mai 2008 que : « La stabilité des prix est une condition nécessaire à une croissance économique
durable, à la création d’emplois et à la cohésion sociale » (cité par Le Monde, 18/19-05, 2006, p. 11).
52 Selon P. Artus, il semblerait que la BCE « intègre dans ses préoccupations le besoin de stabilisation conjoncturelle auquel
les agents économiques accordent légitimement du poids » (Artus, 2003, p. 4-5). Ce qui paraît contradictoire avec le fait
que « la BCE maintient dans ses discours que le seul objectif final est la stabilité des prix » (id.,p 5).
53« On part ainsi de la moyenne des écarts prévus vis-à-vis de ces deux objectifs, la Banque centrale pouvant, selon le cas,
leur accorder le même poids ou privilégier l’un des deux » (Lafay, 2001, p. 24).
54 Selon certaines estimations, il serait de 2 % aux États-Unis et de 3,5 % pour le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne
(Chote, 1998, p. 42).
Informations économiques
55« Les deux piliers de la stratégie doivent être considérés comme des moyens de procéder à l’analyse nécessaire pour
orienter les décisions de politique monétaire » en vue d’atteindre l’objectif fondamental de la BCE de maintien de la
stabilité des prix (BCE, 2001, p. 6).
56 Celui-ci est suffisamment large pour contenir tous les actifs qui sont des substituts proches de la monnaie et pour permettre
par conséquent d’évaluer l’évolution du potentiel de dépense en achats de biens et services des agents économiques.
57 Le Bulletin mensuel de le BCE (2001) évoque ainsi « l’origine essentiellement monétaire de l’inflation à moyen et plus long
termes » (id., p. 5) ainsi que le « consensus selon lequel généralement, en dernière analyse, l’inflation est un phénomène
monétaire » (id., p. 8), ou encore « la nature fondamentalement monétaire de l’inflation » (id. p. 9).
58 « La relation entre monnaie, niveau des prix et production apparaît clairement au travers de ce que l’on appelle l’équation
quantitative. Celle-ci rattache la quantité de monnaie aux prix, à la production et à la vitesse de circulation de la monnaie
(définie par le rapport du revenu nominal à la masse monétaire). À long terme, les évolutions de la vitesse de circulation
de la monnaie et de la production sont indépendantes du rythme de croissance de la masse monétaire. En conséquence,
une croissance monétaire excessive présentant un caractère durable tend à s’accompagner d’une inflation persistante. La
relation quantitative constitue la base de calcul de la valeur de référence pour la croissance de M3 » (BCE, Bulletin mensuel).
59 Pour un taux de croissance annuel du PIB potentiel en volume de 2 %, un taux d’inflation de 2 % et une vitesse de
circulation de la monnaie qui serait stable, la masse monétaire en circulation devrait augmenter de 4 % pour permettre
que les transactions en valeur (volume x prix) s’effectuent correctement. Avec une baisse de la vitesse de circulation de
la monnaie de l’ordre de 0,5 % il faut, pour atteindre le même résultat, que la masse monétaire en circulation augmente
non pas de 4 % mais de 4,5 %.
60 Ce changement d’orientation de la BCE date de 2003, la BCE ayant constaté que le taux de croissance de la masse monétaire
est en fait régulièrement supérieur à 4,5 %, bien que le rythme de l’inflation se maintienne autour de l’objectif fixé. Par
ailleurs il est apparu que l’évolution de M3 n’était que faiblement influencée par celle du principal taux directeur de la
BCE. Le 8 mai 2003, le Conseil des gouverneurs a annoncé qu’il ne réexaminerait plus la valeur de référence fixée pour
M3 tous les ans comme c’était le cas jusque-là.
2 – Le second pilier
Le second pilier correspond à l’évolution d’une large gamme d’indicateurs économiques et
financiers « précurseurs des tensions inflationnistes », qui permettent d’évaluer les « pers-
pectives d’évolution des prix » ainsi que « les risques pour la stabilité des prix de la zone
euro » (communiqué de la BCE du 13 octobre 1998). L’existence de ce second pilier renvoie
au fait que nombre de facteurs sont susceptibles d’exercer une certaine influence (à la
hausse ou à la baisse) sur les prix et que, partant, l’origine de l’inflation peut ne pas être
exclusivement monétaire.
Dans cette perspective, il s’agit de suivre l’évolution de facteurs qui conditionnent les va-
riations de la demande et de l’offre globales de biens et services, et qui, partant, sont
susceptibles d’influer sur le niveau général des prix tel que l’appréhende l’IPCH : 1) les
variations des salaires et traitements, celles des prix des actifs financiers61 et celles des dé-
penses publiques pour la demande globale ; 2) le taux d’utilisation des capacités produc-
tives, l’écart entre la production effective et la production potentielle pour l’offre globale.
Entrent également dans cette gamme d’indicateurs d’autres déterminants de l’évolution
de l’IPCH comme l‘évolution du taux de change62, celle des prix des matières premières ou
des prix des produits industriels, et des indicateurs de confiance de différentes catégories
d’agents économiques : tous ces indicateurs étant susceptibles, chacun à sa manière, de
fournir des renseignements concernant l’évolution à venir de l’indice des prix.
61 Les variations des prix d’actifs sont susceptibles d’influer sur la demande globale et, partant, sur le niveau général des
prix par les effets de revenu et de richesse qu’elles peuvent engendrer (cf. supra).
62 Celle-ci influe directement sur les prix de la zone euro par l’intermédiaire de son incidence sur les prix des importations.
Elle conditionne par ailleurs la compétitivité internationale des produits de la zone euro, ce qui est susceptible d’influer
sur la demande globale et, partant, sur les prix.
Le graphique indique l’évolution du principal taux de refinancement de la BCE ainsi que le montant des refinance-
ments accordés aux banques dans le cadre des opérations principales de refinancement.
Source : Banque de France
En pratique, le taux des opérations au jour le jour du marché interbancaire fluctue autour
de ce taux principal de refinancement et évolue donc comme lui (graphique 6.6).
GrAPhIqUE 6.6
Evolution de l’Euribor 3 mois : 1999-2008 (moyenne mensuelle, en %)
Ces appels d’offres étaient initialement à taux fixe. Dans ce cas, lorsqu’elle lance l’appel d’offres, la bCE
annonce un taux d’intérêt, qui est un indicateur de l’orientation de sa politique monétaire, et les établis-
sements de crédit indiquent les quantités de monnaie centrale qu’ils souhaitent obtenir à ce taux. Au vu
des réponses, la banque centrale détermine alors la quantité totale de monnaie centrale qu’elle met en
circulation et, si celle-ci est inférieure à la quantité totale demandée par les établissements de crédit, ces
derniers sont servis au prorata de leur demande respective.
Depuis l’été 2000, la bCE a opté pour des appels d’offres à taux variable. Elle demande aux banques la
quantité de monnaie centrale que celles-ci désirent obtenir respectivement et à quel taux d’intérêt, en
fixant cependant éventuellement un taux d’intérêt minimal en dessous duquel elle n’accepte aucune
proposition. Les établissements de crédit répondent en indiquant pour chaque taux d’intérêt la quantité
Les appels d’offres à taux variable sont également utilisés par la bCE pour l’émission de ses certificats de
dette et pour les opérations de reprise de liquidité en blanc, et servent donc dans ce cas à retirer de la
monnaie centrale au marché. La banque centrale accepte les offres des établissements de crédit, dans
la limite du montant total de liquidité qu’elle désire reprendre au marché, en commençant par celles qui
sont assorties du taux d’intérêt le plus faible (c’est elle qui paie le taux d’intérêt), et par ordre croissant de
taux d’intérêt demandé par les établissements de crédit lui fournissant de la monnaie centrale.
En dehors des appels d’offres, la bCE peut également réaliser des transactions bilatérales avec un ou plu-
sieurs établissements de crédit, dans le cadre des opérations de réglage fin et d’opérations structurelles
avec achats et ventes fermes de titres.
dépendront de l’évolution des perspectives à la fois de l’inflation et de la croissance économique » (cité par Le Monde,
1er juillet, 2006, p. 11). En novembre 2006, Ben Bernanke, le président de la Réserve fédérale, justifiait la reconduction
de ce taux directeur de 5,25 % en expliquant que l’inflation sous-jacente (hors énergie et produits alimentaires) demeu-
rait à des niveaux « inconfortablement élevés » (cité par Le Monde, 30-11, 2006, p. 13). La Réserve fédérale a maintenu
son taux directeur à ce niveau de 5,25 % jusqu’en juillet 2007 et l’éclatement de la crise des subprimes (cf. infra), pour
l’abaisser alors à plusieurs reprises.
66 Début août 2007, J.-C. Trichet laissait entendre que la BCE augmenterait son taux directeur en septembre 2007, alors
même que l’inflation de la zone euro demeurait inférieure à 2 %. Il a cependant dû y renoncer en raison des conséquences
liées à l’aggravation, dans le courant du mois d’août de la crise financière des subprimes.
67 Comme le souligne fort justement P. Artus, « l’excès de liquidités conduit à des crises (par exemple avec l’explosion des
bulles spéculatives) et en réaction aux crises, les banques centrales recommencent à créer des liquidités, d’où le retour
des crises » (Le Monde, 14-08, 2007, p. 8).
68 Le taux de change du franc avait par contre été un objectif intermédiaire de la politique monétaire française à partir
de 1983 ainsi que l’option pour la politique dite du « franc fort », accroché au mark, qui fut conservée jusqu’à la mise
en place de l’euro en 1999.
69 Ces variations du taux de change de l’euro par rapport au dollar sont importantes. Mais elles ne sont pas un phénomène
nouveau. L’Ecu (European Currency Unit), créée en 1980 et ancêtre de l’euro, a également connu tout au long de son
existence de fortes fluctuations par rapport au dollar, bien plus amples en réalité que celles de l’euro par rapport au
dollar (cf. sur ce point B. Majnoni D’intignano, 2000).
72 Telle cette déclaration du secrétaire d’État au Trésor, Henry Paulson, le 23 juillet 2007 : « un dollar fort est dans l’intérêt
de notre nation » (cité par Le Monde, 25-07, 2007, p. 9).
*
En conclusion, il faut souligner que l’euro occupe une place croissante dans les relations
financières et monétaires internationales. Il s’est imposé depuis 1999 comme la première
monnaie de référence sur le marché obligataire international. Entre 1999 et 2004 les émis-
sions nettes de titres de dette internationaux libellées en euros ont représenté en moyenne
49 % du total des émissions contre 41 % seulement pour les émissions libellées en dollar
américain (Vergnaud, 2005, p. 33), alors qu’en 1998 les parts étaient respectivement de
31,7 % et 60,3 %. Par ailleurs, si 15 % seulement du commerce mondial est facturé en eu-
ros, contre 60 % pour le dollar, la part de l’euro dans les réserves de change des banques
77 Selon Philippe Brossard, afin de pouvoir compenser la hausse de 20 % de l’euro qui s’est produite en 2002-2003, il aurait
fallu que la BCE abaisse son taux directeur de 4 points et le ramène par conséquent à 0,5 % au troisième trimestre 2003.
En pratique, elle s’est limitée à une baisse de 2,5 points, ramenant son taux directeur à 2 %.
78 En mai 2006, alors que l’euro avait atteint 1,2957 dollar (le 11 mai), le commissaire européen aux affaires économiques
et monétaires expliquait : « Il faut bien sûr être vigilant au sujet de la hausse du taux de change, mais en ce moment
précis, je ne pense pas que cela crée de problèmes graves pour l’économie européenne » (cité par Le Monde, 15-5, 2006,
p. 12). Quelques mois plus tard, en novembre 2006, alors que plusieurs responsables gouvernementaux français (dont
le Premier ministre Dominique de Villepin) s’inquiétaient du niveau atteint par l’euro, le président de l’Eurogroupe, le
luxembourgeois Jean-Claude Juncker, expliquait au terme de la réunion du 27 novembre que : « Nous pensons que le
taux de change actuel n’entraîne pour le moment aucune conséquence fâcheuse » (Le Monde, 3 et 4-12, 2006, p. 12). Lors
du Conseil financier franco-allemand du 5 décembre 2006, le ministre allemand des finances, Peer Steinbrück, estimait
qu’il ne fallait pas « être trop inquiet de la situation », que « les parités sont déterminées par les marchés » et qu’il faut
se garder de toute « intervention politique » (Le Monde, 7-12, 2006, p. 16). Par la suite, alors que l’euro avait atteint le
cours de 1,3530 dollar (le 13 avril 2007), le directeur du département Europe du FMI, Michael Deppler, expliquait pour
sa part que « la valorisation de l’euro est toujours juste » et que « l’euro est au bon niveau pour une croissance durable
dans la zone euro » (Le Monde, 17-04, 2007, p. 15).
79 Parallèlement, comme le souligne P. Artus, l’euro devient également une monnaie de réserve pour les investisseurs privés.
Depuis 2002, les achats nets par des non-résidents d’actifs libellés en euros (actions, obligations) sont de l’ordre de 600
milliards d’euros par an. Pour P. Artus, c’est d’ailleurs ce rôle croissant de monnaie de réserve (des banques centrales et
des investisseurs privés) qui serait la principale cause de l’appréciation de l’euro par rapport au dollar depuis 2002. Selon
lui, face à la forte demande d’actifs financiers libellés en euros, il n’y a pas d’offre, la zone euro n’ayant pas de déficit
commercial ni de dette extérieure (à la différence des États-Unis). En conséquence, « le rééquilibrage du marché des
actifs en euros, à partir de cette situation initiale d’excès de demande, implique donc une appréciation de l’euro. L’euro
fort vient donc du rôle croissant de monnaie internationale de réserve de l’euro » (2008, p. 17).
CHAPITRE 7
La politique structurelle par laquelle l’État cherche à agir sur les structures de l’économie
nationale et à infléchir durablement ses conditions de développement est, en France, une
tradition ancienne. Le Colbertisme peut, à bien des égards, être considéré comme une
première expérience historique de politique « industrielle » destinée à susciter l’apparition
et/ou à favoriser l’essor d’activités que l’État juge essentielles. Par la suite, au XIXe siècle,
l’État a joué un rôle central en matière de développement des grandes infrastructures,
et en particulier des infrastructures de transport tels que les chemins de fer1. Mais c’est
également lui qui crée, à cette époque, les grandes écoles d’ingénieurs, les établissements
d’enseignement secondaire, les universités destinés à former les élites nécessaires au fonc-
tionnement de son appareil administratif ainsi qu’aux entreprises, et en particulier à l’in-
dustrie qui s’impose progressivement au cours de ce siècle comme l’activité économique
prédominante. Soucieux de préserver un certain équilibre politique et social que paraît
menacer la montée du mouvement ouvrier et les explosions politiques et sociales qui se
produisent à intervalles réguliers (révolutions de 1830 et de 1848, Commune de Paris), il or-
ganise la préservation de la petite et moyenne paysannerie par l’adoption de protections
douanières (tarif Méline) et favorise sa modernisation (création de la Caisse nationale du
crédit agricole). Dès 1936, dans le contexte politique du Front populaire, il procède aux
premières nationalisations, ce qui signifie que, désormais, il ne se contente plus seulement
d’impulser et d’orienter le développement économique du pays, mais qu’il prend directe-
ment le contrôle de la production de certains biens et services.
1 Le maillage du territoire national par le réseau ferré portant clairement la marque de la volonté centralisatrice de l’État,
qui a fait de ce nouveau moyen de communication un instrument d’unification économique du territoire national.
C’est cependant après la Seconde Guerre mondiale que la mise en œuvre par l’État de
diverses politiques structurelles va prendre toute son importance. L’État confirme son nou-
veau rôle de producteur de biens et services avec la création (le plus souvent par nationa-
lisations) et l’essor de ses « grandes entreprises nationales » et des services publics (Char-
bonnage de France, EDF-GDF, SNCF, Air France, Commissariat à l’énergie atomique…). Il se
fait également planificateur, avec la création du Commissariat au plan, et aménageur avec
la mise en place progressive des divers éléments d’une politique d’aménagement du terri-
toire. Il construit des autoroutes par le biais des sociétés d’autoroutes qu’il contrôle. Il or-
ganise et finance la recherche scientifique (création des grands organismes de recherche :
CNRS, INSERM, INRA…).
Le choix qu’il effectue au cours des années 1950 d’engager la France dans le processus de
création de la Communauté économique européenne, et le rôle pilote qu’il a joué sans
discontinuer dans ce processus, sont stratégiques et conditionnent en profondeur toute
l’évolution ultérieure de l’économie nationale. Avec la création de la CEE, la France, long-
temps liée à (et dépendante de) l’Empire, va progressivement dénouer ou relâcher les
liens qui l’unissaient aux colonies et se tourner de plus en plus résolument vers les autres
pays engagés avec elle dans la réalisation de l’unification économique (puis monétaire)
de l’Europe. Ce faisant, elle s’ouvre de plus en plus nettement à la concurrence des autres
économies européennes, puis à la concurrence mondiale au fur et à mesure que la CEE ré-
duit ses protections dans le cadre des négociations commerciales multilatérales organisées
sous l’égide du GATT.
Les mutations structurelles, que suscitent ou qu’amplifient le processus de construction
européenne et l’ouverture à la concurrence qui l’accompagne, sont gigantesques. La phy-
sionomie économique et sociale du pays en est profondément transformée. L’agriculture
qui se modernise à marche forcée dans le cadre de la politique agricole commune eu-
ropéenne devient très compétitive et libère des millions de travailleurs qui se reclasse-
ront dans l’industrie ou dans le secteur tertiaire, où s’expriment d’importants besoins de
main-d’œuvre. L’industrie dont les effectifs progressent jusque dans le milieu des années
1960 avant d’entamer un long déclin va être profondément restructurée. Certains secteurs
d’activités connaissent un développement considérable (l’automobile, l’aviation, l’espace),
leur essor étant rendu possible dans certains cas par le soutien massif et multiforme que
l’État leur accorde. Parallèlement, l’économie française se tertiairise avec en particulier le
développement de l’ensemble des services publics non marchands qui va de pair avec l’ex-
tension de l’emploi public.
Le tournant libéral pris par les politiques publiques dès 1983 marque une rupture par
rapport aux évolutions antérieures et va avoir un impact considérable sur la conduite de
la politique structurelle. Celle-ci change d’orientation et de nature. Accusé d’inefficacité,
de lourdeurs et de lenteurs administratives, voire de gaspillages et de gabegie, l’État est
sommé par les libéraux de cesser de faire par lui-même pour faire faire, et/ou laisser faire.
Il lui est en particulier enjoint de redonner aux marchés le rôle central, pour ne pas dire
exclusif, dans l’allocation des ressources. Convaincus que les entreprises privées sont mieux
gérées et plus efficaces que les entreprises publiques, les gouvernements qui se succè-
deront à partir de 1986 vont mettre en œuvre un vaste programme de privatisation des
entreprises publiques. Dès les années 1980, comme partout ailleurs dans les grands pays
2 Et surtout pas à des taux de retour sur investissement de l’ordre de 20 %, voire 25 %, comme l’exigent généralement
aujourd’hui les fonds d’investissements (cf. supra, chapitre III).
Par l’exercice de son pouvoir législatif et réglementaire, l’État est en mesure de définir
et de modifier les conditions juridiques d’exercice de leurs activités par les agents écono-
miques privés. Mais l’État peut également aller bien au-delà du seul exercice de sa fonction
de réglementation de l’activité des agents économiques privés, et se substituer purement
et simplement à ces derniers en organisant lui-même directement la production de cer-
tains biens et services. C’est le cas en France depuis l’Ancien régime (manufactures royales,
monopole des poudres, des allumettes, organisation du service postal). Ce fut de plus en
plus le cas dans tous les grands pays capitalistes développés au XXe siècle à partir de l’entre-
deux-guerres. L’État est ainsi devenu dans tous ces pays un État producteur, transformant
par là même fortement la structure du système productif de ces pays.
Les fondements et justifications de cette intervention directe de l’État dans la production
de certains biens et services peuvent être de nature diverse (§ 1). Quels qu’en soient les
fondements et justifications, en France, le rôle de l’État comme producteur de biens et
services s’est affirmé avec force après la Seconde Guerre mondiale et a atteint son apogée
au début des années 1980. L’évolution s’est cependant inversée à partir de 1986, date à
laquelle s’amorce la politique de privatisations qui a été poursuivie depuis par tous les
gouvernements successifs et s’est traduite par un recul très net du rôle de l’État comme
producteur de biens et services (§ 2). En liaison avec ce recul, et dans son prolongement, est
aujourd’hui soulevée la question de la pérennité du mode d’organisation et de l’existence
même des services publics dans un pays dont ils ont été pendant toute la seconde moitié
du XXe siècle un élément constitutif d’une certaine « exception » (§ 3).
3 Maximisation de l’utilité, compte tenu des prix des biens et services qu’il peut se procurer sur les marchés et de son revenu
nominal, pour le consommateur, maximisation du profit, compte tenu des prix des biens et services qu’elle produit et de
ceux des facteurs de production qu’elle utilise, pour l’entreprise.
4 Il s’agit, comme on l’a vu antérieurement (tome 1, chapitre III), d’un optimum parétien (l’équilibre est dit Pareto-optimal) :
la situation d’aucun agent ne peut plus alors être améliorée sans que cela ne détériore la situation d’au moins un autre
agent.
5 Les auteurs regroupés dans l’école de l’économie du bien-être voient dans l’État un agent économique rationnel, ayant,
comme les autres agents économiques, une fonction de préférence ; il s’agit en fait d’une fonction de « bien-être collectif »
qu’il a charge de maximiser. L’État est supposé avoir pour finalité d’améliorer le bien-être de la collectivité nationale qu’il
représente et administre et, dans cette optique, de faire prévaloir une allocation efficiente des ressources (principe de
l’allocation optimale des ressources, rares par hypothèse, entre les différents usages possibles). Comme Kenneth Arrow
l’a établi en formulant le théorème d’impossibilité, il n’y a pas de procédure démocratique pour permettre de définir ce
qui serait la fonction de préférence collective de la population dont l’État à la charge. C’est donc ce dernier qui doit dé-
terminer lui-même ce qu’il estime être cette fonction de préférence collective. La politique de l’État qui aboutit à modifier
l’allocation des ressources disponibles résultant spontanément du jeu des mécanismes de marché, doit par ailleurs respecter
le critère de l’optimum parétien : elle ne doit pas porter préjudice à certains sous prétexte de bénéficier à d’autres ou du
moins, selon la proposition de Hicks et Kaldor, les gains résultant de cette politique pour certains doivent être suffisamment
importants pour qu’ils leur permettent de dédommager ceux pour lesquels cette politique est source de désutilité, tout en
bénéficiant cependant d’un gain net par rapport à l’absence de politique. Soulignons que ces analyses ne font en réalité
que prolonger et affiner celles d’Adam Smith qui avait déjà montré que, dans certains cas, la recherche par les individus
de leur intérêt personnel échoue à réaliser l’intérêt général (en contradiction donc avec l’image de la « main invisible »),
ce qui justifie alors l’intervention de l’État.
6 Aux trois cas évoqués Joseph Stiglitz en ajoute deux autres qui ne seront pas traités ici ayant déjà été évoqués antérieu-
rement : lorsque l’information est imparfaite (cf. tome 1, chapitre VII) et lorsque l’économie est confronté à un chômage
persistant (cf. supra, chapitre II).
B – Les externalités
-Les « externalités » ou « effets externes », analysés pour la première fois par le grand éco-
nomiste néoclassique Alfred Marshall, apparaissent lorsque les opérations effectuées par
un agent économique font varier l’utilité (la satisfaction) d’un autre agent économique
ou le profit que celui-ci réalise, sans que cela ne donne lieu entre eux à une transaction
marchande sanctionnée par l’établissement d’un prix10. Ces variations d’utilité « externes
au marché » ou « hors marché » (d’où le vocable « externalités » ou « effets externes »)
peuvent être positives ou négatives selon que l’utilité ou le profit des agents est accru ou
réduit du fait de ces externalités. Elles peuvent être liées aux opérations de production
(externalités de production) ou à la consommation (externalités de consommation). Ainsi
la pollution générée par une entreprise au détriment de son environnement est une ex-
ternalité de production négative. Les dépenses d’éducation ou de protection de la santé
qu’engage un individu (vaccination par exemple) produisent par contre des externalités de
consommation positives, car elles ont des effets bénéfiques non seulement pour l’individu
qui en profite directement, mais également pour l’ensemble de la collectivité : en favori-
sant les gains de productivité et en stimulant la croissance économique pour les premières
(l’élévation du niveau moyen de formation des individus favorise la mise en œuvre du pro-
grès technique et l’innovation, facteurs de croissance) et en améliorant l’état sanitaire de
la population pour les secondes (plus il y a d’individus vaccinés moins il y a d’épidémies)11.
L’existence de ces externalités, qu’elles soient positives ou négatives, peut justifier l’inter-
vention de l’État.
Considérons plus spécifiquement les externalités de production sous l’hypothèse que les
marchés sont de concurrence pure et parfaite et que, par conséquent, dans l’optique néo-
classique, la réalisation de l’équilibre sur les marchés correspond à un optimum.
En cas d’externalités de production négatives, dont les entreprises responsables n’ont pas
comportement rationnel pour chacun des individus concernés (ici le comportement de passager clandestin est rationnel)
aboutit finalement à une situation qui est désavantageuse pour l’ensemble des différents participants au jeu. Le bien n’est
pas produit ; le besoin d’aucun joueur n’est satisfait.
10 Meade donne l’exemple du producteur de pommes possédant un verger situé à proximité des ruches d’un apiculteur.
S’il plante de nouveaux pommiers qui fleuriront au printemps, il accroît la floraison que les abeilles mettront à profit
pour produire du miel et il accroît ainsi l’utilité de l’apiculteur, sans que celui-ci n’ait rien à débourser. Il y a externalité
positive pour l’apiculteur.
11 Un autre exemple d’externalités positives est celui des externalités de réseaux (ou effets de club). Dans ce cas, l’utilité de
l’usager du réseau augmente au fur et à mesure que le nombre d’usagers s’accroît, et donc que de nouveaux consomma-
teurs acceptent d’effectuer la dépense leur permettant d’accéder au réseau. C’est le cas, par exemple, avec le téléphone
ou l’internet et le courrier électronique dont l’utilité respective s’accroît pour chaque usager au fur et à mesure que le
nombre de personnes avec lesquelles il peut communiquer par l’un de ces deux moyens augmente.
La courbe d’offre totale de l’industrie Ox correspond à l’agrégation des courbes de coût marginal des entreprises qui
forment cette industrie.
Pour une industrie polluante, la courbe de coût marginal privé de l’industrie ne tient pas
compte des effets négatifs pour les autres agents économiques de la pollution engendrée
par l’activité de cette industrie. La courbe de coût marginal social de l’industrie les prend
par contre explicitement en compte. Pour chaque niveau de production possible, le coût
marginal social de l’industrie est donc supérieur au coût marginal privé. Il additionne en
effet le coût de production privé de l’industrie (le coût des facteurs de production acquis
par les entreprises de l’industrie considérée pour produire) et le coût pour la collectivité
sociale de la pollution qu’engendre l’industrie et des nuisances qui en résultent pour les
autres agents. Sur le graphique 7.2 qui représente le fonctionnement du marché, la courbe
de coût marginal social est donc plus haute que la courbe du coût marginal privé de l’in-
dustrie considérée.
12 On rappelle que, selon la théorie néoclassique de l’entreprise, la courbe d’offre individuelle d’un bien par l’entreprise qui
le produit correspond à la partie de la courbe de coût marginal de cette entreprise située au-dessus de sa courbe de coût
moyen. La courbe d’offre totale d’une industrie (ensemble des entreprises qui produisent le même bien) est obtenue en
additionnant, pour chaque niveau de prix du bien, les offres individuelles des différentes entreprises regroupées dans
cette industrie. Elle correspond donc à la courbe de coût marginal de l’industrie obtenue par l’agrégation des courbes
de coût marginal des différentes entreprises formant l’industrie (cf. tome 1, chapitre III).
La production qui correspondrait à la réalisation de l’optimum social est celle qui prend
en compte l’impact sur la population environnante de la pollution générée par l’industrie.
Elle est donc déterminée par l’intersection de la courbe de coût marginal social de l’indus-
trie et de la courbe de demande globale du bien (le point Es sur le graphique 7.2). Cette
production est inférieure à celle qui correspond à la réalisation de l’équilibre du marché,
déterminé par l’intersection de la courbe de coût marginal privé de l’industrie et de la
courbe de demande globale du bien (le point Ep sur le graphique 7.2). Corrélativement,
le prix qui correspondrait à l’optimum social (Ps sur le graphique 7.2) est supérieur au prix
d’équilibre du marché (Pp sur le graphique 7.2). L’écart entre la production qui correspond
à l’équilibre du marché et celle qui correspondrait à la réalisation de l’optimum social
constitue un « échec du marché ».
Dans le cas où existent de telles externalités négatives, l’État peut intervenir, soit en
contraignant par voie réglementaire les entreprises de la branche à s’équiper en dispositifs
antipollution, soit en taxant les pollueurs selon le principe pollueur–payeur (C. A. Pigou).
Dans le premier cas, l’obligation faite aux entreprises de recourir à des dispositifs tech-
niques antipollution se traduit pour elles par un coût supplémentaire pour tout niveau
de production réalisé. Graphiquement, cela se traduit par le fait que la courbe de coût
marginal privé de l’industrie glisse vers le haut en direction de la courbe de coût marginal
social, de sorte que le volume de production effectif de l’industrie, qui correspond à la
réalisation de l’équilibre du marché, tend à se rapprocher de celui qui correspondrait à
l’optimum social. Dans le second cas, en instituant une taxe sur l’activité polluante, l’État
élève mécaniquement le coût marginal privé de l’industrie considérée du montant de cette
taxe pour tout niveau de production réalisé. Il déplace ainsi la courbe de coût marginal
privé de l’industrie vers le haut en direction de la courbe de coût marginal social, de sorte
que, comme ci-dessus, le niveau de la production d’équilibre de la branche se rapproche
de celui qui correspondrait à l’optimum social. Le système de la taxation est appliqué par
l’Union européenne. La Commission européenne détermine des normes de pollution as-
sorties du paiement de taxes par les entreprises qui ne respectent pas ces normes.
Un autre exemple, auquel la théorie de la croissance endogène accorde une grande importance, est celui
de la recherche-développement (r&D). Les efforts de r&D que réalise une firme sont susceptibles de
profiter, par des médiations diverses, à d’autres firmes sans que celles-ci n’aient à en supporter le coût
financier. Dans ces conditions, la régulation des activités de r&D par les seuls mécanismes du marché
doit aboutir à un sous-investissement en r&D, les entreprises étant tentées d’adopter un comportement
de passager clandestin et de se contenter de profiter des effets externes positifs des résultats de la r&D
financée par les autres firmes. Cela justifie une intervention de l’État qui peut prendre la forme d’une pro-
tection renforcée des droits de propriété des entreprises innovatrices sur leurs innovations (législation sur
les brevets), réduisant par là même les avantages que des entreprises non innovatrices peuvent espérer
tirer de la r&D réalisée par les autres. Il peut parallèlement inciter les entreprises à coopérer en matière
de r&D, ce qui explique que, dans le cas de l’Union européenne, la réglementation destinée à préserver
le caractère concurrentiel des marchés contre les tentatives d’ententes entre entreprises prévoie une ex-
ception conditionnelle au bénéfice des accords de r&D entre firmes, dans la mesure où de tels accords
permettent de promouvoir le progrès technique (cf. infra). L’État peut également, comme cela a déjà été
indiqué, financer lui-même les efforts de r&D par des subventions ou déductions fiscales au bénéfice des
entreprises réalisant des investissements en r&D, de sorte à s’assurer que ces investissements atteindront
le niveau jugé optimum.
C – Le monopole naturel
Les situations de monopole naturel se rencontrent dans les branches d’activité où le coût
de production unitaire le plus faible qu’il soit possible d’obtenir n’est effectivement atteint
que lorsque la totalité de la production de la branche est réalisée par une seule entreprise.
C’est le cas dans les activités où les rendements d’échelle sont croissants13.
Cela concerne en particulier les activités de réseaux : transport ferroviaire, distribution de
l’eau, du gaz, de l’électricité, télécommunications, autoroutes, transport aérien, etc. Pour
ces activités, les coûts fixes d’infrastructures (coûts de mise en place du réseau) sont consi-
dérables comparativement aux coûts variables d’exploitation du réseau, de sorte que les
rendements d’échelle sont croissants. À titre d’exemple, lorsqu’un réseau ferroviaire est en
place, le doublement du trafic ne requiert, au pire, que de doubler le nombre de trains en
circulation, ce qui représente un coût supplémentaire (l’acquisition des rames de train et
l’emploi des personnels nécessaires pour les faire rouler) relativement faible au regard de
celui que représente la création puis l’entretien du réseau (construction des voies ferrées,
gares…). Il est donc a priori possible d’augmenter fortement le trafic, c’est-à-dire le vo-
lume de production, en n’augmentant que faiblement les quantités respectives de capital
et de travail utilisées par l’entreprise propriétaire du réseau. L’augmentation du coût de
production total résultant de ce doublement de trafic est donc très nettement inférieure à
celle du volume de production. De sorte que le coût de production moyen, rapport du coût
total (coûts fixes + coûts variables) sur le volume de production, baisse au fur et à mesure
que la production réalisée par l’entreprise augmente. Il en est de même du coût marginal,
c’est-à-dire le coût supplémentaire qu’il faut supporter pour produire une unité addition-
nelle de bien, qui est sans cesse décroissant et inférieur au coût moyen. En conséquence, la
taille des firmes et le volume de production qu’elles réalisent (la production augmentant
13 Les rendements d’échelle indiquent comment évolue le volume de production lorsque les quantités de chacun des facteurs
de production utilisés varient simultanément dans une même proportion. Les rendements d’échelle sont croissants lorsque
la production augmente plus que proportionnellement à la quantité de facteurs de production utilisés : par exemple, si
le capital et le travail sont les deux seuls facteurs de production et qu’ils augmentent l’un et l’autre de 50 %, alors que
le volume de production s’accroît, lui, de 80 %. Des rendements d’échelle croissants signifient que le coût de production
moyen baisse au fur et à mesure que le volume de production augmente (cf. tome 1, chapitre III).
14 Prix de vente = coût marginal, règle censée s’imposer naturellement en régime de concurrence pure et parfaite, et la
plus favorable pour les consommateurs et la collectivité : cf. tome 1, chapitre VII.
15 Comme déjà indiqué, le coût marginal ne prend en compte que les coûts variables tandis que le coût moyen prend en
compte les coûts variables et les coûts fixes.
16 On rappelle que, selon l’analyse néoclassique du fonctionnement du marché de monopole, le monopole qui veut maximiser
son profit doit produire la quantité de biens ou services pour laquelle le coût marginal est égal à la recette marginale,
soit la quantité Q1 sur le graphique 7.4 et vendre cette quantité au prix unitaire que détermine la courbe de demande
globale adressée au marché, soit le prix P1 sur le graphique 7.4. Il réalise, pour cette quantité et ce prix, un profit intégrant
une rente de monopole et ce, au détriment de la collectivité.
17 En tenant compte cependant de la difficulté qu’il peut y avoir pour l’État à réglementer l’activité du monopole naturel,
du fait de l’asymétrie d’information existant entre lui et l’entreprise. Celle-ci est en effet seule à connaître réellement
ses coûts de production et elle est naturellement conduite à jouer sur cette asymétrie d’information pour négocier avec
l’État les conditions d’exercice de son activité qui lui soient les plus favorables.
18 La théorie des marchés contestables montre cependant que la concurrence peut être préservée, même en cas de monopole
ou d’oligopole, dès lors que ces marchés sont contestables. Un marché est contestable si une ou plusieurs entreprises
peuvent y pénétrer et entrer par conséquent en concurrence avec la ou les entreprises préexistant dans la branche,
ou même simplement s’il existe la menace crédible qu’une entreprise puisse entrer dans la branche. Auquel cas, les
entreprises présentes dans la branche seront contraintes de pratiquer une politique de prix destinée à dissuader des
concurrents potentiels de pénétrer sur le marché et il ne leur sera donc plus possible de capter une rente. Cela suppose
qu’il n’y ait pas de barrières réglementaires à l’entrée sur le marché, que les nouvelles entreprises susceptibles d’entrer
sur le marché puissent y opérer avec des coûts de production similaires à ceux des entreprises déjà établies dans la bran-
che, et que la sortie du marché soit également libre, c’est-à-dire qu’elle n’implique pas de coûts trop élevés (absence de
coûts « irrécouvrables » (Stigler, 1982). Certains auteurs en déduisent que, dans ces conditions, plutôt que de prendre
le contrôle des monopoles naturels, l’État devrait s’efforcer d’assurer la contestabilité du marché correspondant. Mais
cette contestabilité du marché n’est pas simplement une affaire de réglementation (cf. infra).
23 Selon l’INSEE, pour les deux seules années 1998 et 1999, ce sont ainsi 900 entreprises représentant 145 000 emplois qui
passent au privé et, à la fin de l’année 2000, l’emploi dans le secteur public ne représente plus que 5,3 % de l’emploi
salarié total.
*
En même temps que l’État privatisait ainsi une grande partie de ses entreprises, s’est déve-
loppée une réflexion sur les modifications à apporter aux méthodes de gestion des entre-
prises publiques. Un rapport d’un groupe de travail du Commissariat au plan présidé par
Jean Bergougnoux (ancien directeur général d’EDF et ancien président de la SNCF) a ainsi
préconisé de modifier le fonctionnement des conseils d’administration des entreprises
publiques en mettant en place des comités spécialisés semblables à ceux des entreprises
privées (comités d’audit, de rémunération, de stratégie), et en modifiant les modalités de
nomination des personnalités qualifiées appelées à siéger au sein des conseils afin « d’ac-
croître leur indépendance ». En novembre 2002, était par ailleurs annoncée la création par
le ministère des Finances d’un groupe de travail ayant pour mission de réaliser un audit des
modalités de fonctionnement de l’État actionnaire et de faire des propositions.
Les dix premières de l’ensemble des entreprises contrôlées majoritairement par l’État représentent à elles
seules près de 80 % de l’effectif salarié total. Par ailleurs 90 % des entreprises publiques relevaient du
secteur tertiaire, et 10 % seulement de l’industrie.
Le 25 mai 2007, le portefeuille d’actions de sociétés cotées détenu par l’État était évalué à 177,3 milliards
d’euros contre environ 70 milliards seulement en juillet 2005, en raison de la forte augmentation des
cours boursiers survenue au cours de ces deux dernières années. Il était constitué des actions détenues
par l’État dans EDF (87,32 % du capital total), GDF (79,78 %), France Télécom (32,45 %), AEP (68,39 %),
renault (15,01 %), EADS (15,04 %), Safran (30,85 %), Thales (27,30 %), Air France-KLM (18,57 %) ;
l’État détient par ailleurs 84,19 % du capital d’Areva et 10,9 % de celui de ST Microelectronics.
Les entreprises publiques selon leur secteur d’activité économique : fin 2006
(p)
Après la cession au secteur privé de la quasi totalité des banques et institutions financières
contrôlées par l’État, ainsi que des sociétés non financières productrices de biens et services
marchands du secteur concurrentiel, le processus de privatisation concerne désormais des
entreprises publiques auxquelles avait été confiée une mission de service public. La ques-
tion des services publics, l’une des composantes de « l’exception française », est de ce fait
aujourd’hui au centre d’un débat aux conséquences très importantes pour l’avenir du pays.
25 Parallèlement, en même temps que les privatisations réduisent l’aire d’influence des entreprises publiques, se développent
des « formes diverses de métissage et de contractualisation entre activités publiques et privées » (Quin, 1997, p. 114).
26 La dénationalisation des chemins de fer britanniques en a apporté, si besoin était, une preuve explicite.
La réglementation de l’activité économique à laquelle il est fait référence ici peut être
définie comme le dispositif juridique par lequel l’État encadre et organise l’activité des
agents économiques. C’est l’ensemble des lois, des règlements, des arrêtés administratifs
et des circulaires qui, selon le cas, peuvent avoir une portée générale, comme le code du
27 Ce règlement qui vaut pour les transports locaux par route et par rail prévoit une ouverture limitée à la concurrence,
mais sans que les collectivités locales soient systématiquement contraintes de faire appel au marché. Pour les transports
urbains, le règlement reconnaît l’existence des OSP et admet que celles-ci donnent lieu à compensation financière au
bénéfice des opérateurs, sans que ces dernières soient assimilées à des subventions qui devraient être autorisées par la
Commission européenne. Il prévoit en outre que les collectivités locales disposeront de la liberté de choix pour organiser
le service de transport : soit appel au marché avec mise en concurrence d’opérateurs privés, soit gestion directe assurée
par un opérateur public comme une régie. Pour les transports régionaux, les collectivités conservent la possibilité de faire
appel à un opérateur privé qu’elles pourront choisir directement sans passer par une mise en concurrence.
28 Selon une estimation déjà ancienne, la réglementation était constituée en France de 8 000 lois et de 80 000 dispositions
réglementaires (hors arrêtés et circulaires), 68,4 % du total des lois correspondant à des dispositions économiques, sociales
et financières (Chantepie et alii, 1997, p. 87).
Soit h = ∑s2i avec si la part de marché de l’entreprise i. Il varie de 0 (faible concentration) à 1 (forte
concentration).
L’indice indique clairement que le premier cas correspond à une concentration du marché bien plus forte
que le second.
29 Un exemple récent est celui de l’entreprise Microsoft. Celle-ci est accusée par la Commission européenne de tirer parti
de son quasi monopole en matière de système d’exploitation (Windows) pour imposer à ses clients l’acquisition d’autres
logiciels (système Media Player vendu avec le système d’exploitation Windows permettant la lecture des fichiers audio
et vidéo sur Internet), et empêcher par là même les autres entreprises de pouvoir se développer sur ces marchés en
proposant des solutions alternatives. Elle a été condamnée par la Commission, le 24 mars 2004, à une amende de 497
millions d’euros pour abus de position dominante.
30 La théorie de la recherche de rente (Buchanan, Tollison et Tullock, 1980) souligne que l’État a le pouvoir de mettre cer-
taines entreprises en mesure d’acquérir une situation de monopole et de s’assurer par conséquent la perception de la
rente liée à cette situation. Dans ces conditions, les entreprises sont logiquement conduites à développer une stratégie
destinée à leur permettre d’obtenir de l’État les décisions ou mesures leur conférant cette position de monopole. Les
ressources qu’elles mobilisent à cet effet sont détournées d’une utilisation productive et représentent donc un gaspillage
préjudiciable à la société.
31La théorie des « marchés contestables » (W. J. Baumol, J. C. Panzar et R. D. Willing) montre certes que la formation d’un
marché d’oligopole n’implique pas nécessairement la disparition de la concurrence dès lors que subsiste la possibilité
que de nouvelles entreprises entrent sur le marché. Mais, pour qu’un marché soit contestable, il faut cependant que
différentes conditions soient réunies, et en particulier l’absence de barrières à l’entrée sur le marché et l’absence de
coûts fixes irréversibles, c’est-à-dire de coûts interdisant à une entreprise une fois installée dans la branche de pouvoir
la quitter sans subir des pertes importantes.
*
En conclusion, il faut cependant souligner que la mise en œuvre de réglementations visant
à préserver la concurrence paraît bien incapable de contenir la tendance lourde du capita-
lisme à la concentration du capital et des entreprises. Comme on l’a déjà souligné, celle-ci
s’est affirmée avec particulièrement de force au cours des deux dernières décennies du XXe
siècle qui furent marquées, dans les pays capitalistes industrialisés et à l’échelle mondiale,
par un mouvement de fusions-acquisitions d’une puissance exceptionnelle. Si la crise des
marchés financiers de 2001-2002 l’a sensiblement freiné, le mouvement a repris à partir de
2005 avec une vigueur renouvelée avant de subir le contre-coups de la crise des subprimes.
Dans bien des secteurs d’activités ce mouvement de concentration n’a laissé subsister qu’un
petit nombre de très grandes entreprises. Il a également abouti à l’élimination d’une multi-
32 La Commission européenne a par ailleurs annoncé son intention de réaliser une étude sur les avantages financiers que
La Poste tirerait de son statut actuel d’établissement public et de l’avantage de concurrence que cela lui conférerait sur
les autres opérateurs du secteur postal (comme elle l’avait déjà fait pour EDF).
33 Ce contrat prévoie que « la question du financement du surcoût des obligations de service universel et, le cas échéant,
l’étendue des obligations de service universel de La Poste, sera posée pendant la période » (cité par Le Monde, 26-07,
2008, p. 11), ce qui, selon certains commentateurs, ouvrirait la possibilité d’une réduction ultérieure du périmètre de ces
obligations de service universel.
36 On peut cependant faire à propos de ces « autorités indépendantes » les mêmes observations que celles qui ont déjà
été formulées lorsque l’on a évoqué la question de l’indépendance de la BCE à l’égard du pouvoir politique. Ajoutons
qu’il y a quelque part une incohérence dans l’analyse des auteurs qui préconisent ce type de dispositif. D’un côté, ils
adhèrent à une conception libérale qui voit dans chaque individu un calculateur égoïste motivé exclusivement par la
recherche de ce qu’il considère comme étant son intérêt propre, et ils appliquent cette grille de lecture à l’analyse du
comportement supposé des « bureaucrates ». De l’autre, ils postulent implicitement que les personnalités nommées au
comité de direction d’une haute autorité quelconque n’auraient d’autre préoccupation une fois nommées que l’intérêt
général que cette haute autorité serait chargée de définir et de faire prévaloir, sans se soucier de leur intérêt propre (par
exemple, quelle carrière après le passage à la haute autorité ?) et en demeurant imperméables aux pressions multiformes
des nombreux intérêts privés sur lesquels influent les décisions de la haute autorité. Par quel mystère les autorités de
régulation « indépendantes » pourraient-elles échapper durablement aux travers supposés des bureaucraties et résoudre
ainsi durablement le problème de la capture de la réglementation ?
37 Pour R. Coase, les externalités ne sont pas un échec du marché mais le résultat d’une définition insuffisante des droits
de propriété.
Les ordonnances de 1945 donnaient au ministère de l’Économie et des Finances le droit de prendre
« toutes décisions relatives aux prix et aux services », ce qui, dans le contexte de pénurie de l’après-
guerre, n’empêcha pas que les prix augmentèrent en moyenne de 42,5 % par an entre 1945 et 1949.
La situation se normalisa ensuite rapidement, et la décennie 1950 fut caractérisée dans l’ensemble par
une inflation modérée (+ 5,9 % par an entre 1950 et 1961). De 1950 à 1957 différentes mesures furent
adoptées : blocage des prix, baisses imposées des prix de certains produits, fixation de prix plafonds ou
de prix minima, limitation des taux de marge brute, tandis que la TVA était instituée en 1954 et que le
SMIG (salaire minimum interprofessionnel garanti), créé en 1950, était indexé sur les prix, contraignant
ainsi les pouvoirs publics à prêter une attention toute particulière à l’évolution de l’indice des prix à la
consommation.
À partir de 1958, année marquée par une forte poussée de l’inflation (+ 15 %) malgré des mesures
de blocage des prix (prévoyant néanmoins des dérogations), les pouvoirs publics s’engagèrent dans un
processus de libéralisation des prix qui fut cependant momentanément stoppé en 1963 (plan Giscard
D’Estaing de stabilisation), avec à nouveau le recours au blocage des prix des produits industriels, de
certains produits alimentaires et de certains services.
Dès 1964, dans un contexte de recul de l’inflation, les pouvoirs publics engagèrent une politique de « ré-
gulation contractuelle des prix » (contrat de stabilité en 1965, contrat de programme en 1966 et contrat
anti-hausse en 1971) dont la philosophie générale était d’obtenir une stabilisation globale des prix en
laissant aux entreprises une certaine latitude pour répartir les hausses et les baisses de leurs coûts de
production. Cette politique de régulation contractuelle reposait sur des engagements réciproques entre
l’État et les entreprises. Ces dernières pouvaient ainsi procéder à certaines hausses des prix en contrepar-
tie d’engagements sur leur politique de formation professionnelle ou d’investissement. L’État pouvait de
même faire bénéficier les entreprises qui limitaient les hausses de prix d’allégements de charges ou de
réductions d’impôts. Le blocage des prix fut cependant rétabli après la hausse de 6,4 % enregistrée en
1969 (accords de Grenelle de 1968, généralisation de la TVA au commerce en 1968 et relèvement des
taux, dévaluation du franc en 1969) dans le cadre du second plan Giscard D’Estaing.
Le début de la décennie 1970 est marquée par une montée de l’inflation qui s’accélère ensuite fortement
sous l’effet en particulier des deux chocs pétroliers de 1973 et 1979, avec une hausse du niveau général
des prix de 11,1 % en moyenne annuelle entre 1974 et 1980. Les pouvoirs publics réagissent (plan Four-
cade de refroidissement de 1974) en recourant au contrôle des prix industriels, puis au gel temporaire
des prix de tous les produits et services, et en instituant « un seuil limite d’augmentation des salaires »
(plan barre de lutte contre l’inflation), tandis que le taux normal de la TVA est réduit de 20 à 17,6 % en
1977. Mais, dès juin 1978, dans le cadre de l’orientation libérale de la politique économique de l’État
défendue par r. barre, est initiée une politique de libération des prix qui sera poursuivie jusqu’en 1981 ;
les prix des produits industriels et alimentaires sont libérés les premiers, cette libération étant ensuite
étendue progressivement aux prix des services.
Ce processus fut momentanément contrarié en 1982 avec le blocage temporaire des prix et des salaires,
sous la forme d’un blocage partiel des prix à la suite de la dévaluation du franc d’octobre 1881, puis d’un
blocage général après celle de juin 1982. À partir d’octobre 1982, et jusqu’à la troisième dévaluation du
La désindexation des salaires sur les prix qu’initia le gouvernement socialiste fut présentée comme un élé-
ment de la politique de désinflation qui allait devenir une orientation pérenne de la politique économique
gouvernementale. La désinflation s’amorça dès 1982 ramenant la hausse des prix de près de 13,5 % en
1981 à 2,5 % en 1986 (année du contre-choc pétrolier qui a fait baisser le prix du pétrole brut de 50 %).
Après un très léger rebond de l’inflation de 1986 à 1989, le mouvement de désinflation reprit. La TVA fut à
nouveau réduite à quatre reprises entre 1988 et 1992, mais le taux normal fut relevé de 18,6 % à 20,6 %
en 1995 (plan Juppé). L’ordonnance de 1945 a été abrogée en 1986. À partir de cette date les prix se fixent
librement sur les marchés sans intervention de l’État. Seuls quelques prix demeurent soumis à contrôle
comme les prix de médicaments, des livres, de l’électricité, du gaz, etc. Le caractère libéral de la politique
des prix est donc affirmé avec éclat, et sera confirmé sans exception par les gouvernements ultérieurs.
Outre son engagement direct dans la production de biens et services et son action de ré-
glementation de l’activité des agents économiques, l’État a cherché et cherche encore de
nos jours, sous des formes éventuellement renouvelées, à impulser et orienter l’activité
des différents acteurs de la vie économique. Ce faisant, il cherche à favoriser une évolu-
tion à long terme de l’économie nationale en cohérence avec ses objectifs fondamentaux.
Entrent (ou sont entrés) dans ce champ, plus spécifiquement, le recours de l’État à la pla-
nification de l’activité économique nationale et la politique d’aménagement du territoire
(§ 1). Y entrent encore toutes les politiques sectorielles par lesquelles l’État, soit par des
interventions directes, soit par des mesures incitatives, cherche à garantir un développe-
ment plus satisfaisant d’activités (la recherche scientifique et technique, par exemple), de
secteurs (les transports, l’agriculture, l’industrie, les services marchands...) jugés essentiels
pour la préservation du potentiel de croissance ou l’indépendance du pays. Parmi ces dif-
férentes politiques sectorielles, la politique industrielle a longtemps occupé en France une
place prééminente (§ 2).
Après la Seconde Guerre mondiale, pour peser sur l’évolution de l’activité économique et
l’orienter conformément à ses objectifs, l’État ne s’est pas contenté de jeter les bases d’un
secteur public puissant. Il s’est également doté d’instruments d’action diversifiés, d’inspi-
ration relativement dirigiste, tels que la planification indicative ou la politique d’aména-
gement du territoire, destinés à lui permettre d’influer sur les décisions des agents écono-
miques privés et de les orienter dans le sens souhaité. L’utilisation de ces instruments n’a
guère soulevé d’objections jusque dans les années 1970, c’est-à-dire pendant toute une
période où l’intervention de l’État était très largement jugée légitime et gage non seule-
ment du respect de l’intérêt général mais également, le plus souvent, d’efficacité face aux
défaillances du marché et de l’initiative privée.
Mais, depuis les années 1980, l’utilisation de certains de ces instruments a progressivement
été remise en cause. Cela ne signifie pas que l’État ait nécessairement renoncé à exercer
les fonctions qu’il assumait autrefois à l’aide de ces instruments, mais les procédures uti-
lisées sont différentes ; celles-ci, désormais, font le plus souvent jouer un rôle essentiel à
la contractualisation (contrats de plan, contrats de plans État-régions, contrats de villes,
etc.)40. Si l’État a finalement abandonné l’outil de la planification (A), il a maintenu, tout
en l’adaptant, sa politique d’aménagement du territoire (B).
40 Cette évolution s’inscrit dans le mouvement plus général engagé depuis la fin de la décennie 1970, de « redéploiement
de l’action publique qui adopte davantage une fonction d’allocation que de direction, de régulation que d’intervention
directe » (Chantepie et alii, 1997, p 79).
42 Il ne subsiste plus aujourd’hui de la démarche planificatrice que diverses lois d’orientation pluriannuelles, et les contrats
de Plan État-régions
période, ont été créés à Paris un nombre d’emplois publics identiques à celui des emplois transférés hors de la capitale.
Au sens le plus strict, celui qui sera retenu ici, la politique industrielle correspond à l’en-
semble des interventions publiques qui sont explicitement et intentionnellement destinées
à influer sur l’évolution de l’industrie nationale. Elle peut-être globale et viser l’ensemble
de l’industrie, ou sectorielle et ne concerner alors que certains secteurs d’activité. Dans
certains cas, l’État intervient directement sur l’appareil industriel avec des moyens qui lui
sont spécifiques (création d’entreprises publiques prenant en charge la production de cer-
tains biens, lancement de grands projets industriels…). Dans d’autres cas, il intervient in-
directement. Il cherche alors à influer sur l’activité et les structures de l’industrie par les
commandes publiques, avec, par exemple, le rôle joué par les achats de matériels militaires
dans le développement de certaines branches d’activité (électronique, aéronautique, ma-
tériaux composites…), et en agissant sur « l’environnement des firmes » par des aides spé-
cifiques à l’investissement productif des entreprises, une politique commerciale destinée à
protéger certains secteurs de la concurrence étrangère, le développement de l’appareil de
formation professionnelle, le financement de la R&D…).
En France, comme dans la plupart des grands pays développés, la politique industrielle
a évolué depuis les années 1970, tant dans les objectifs qui lui sont assignés que dans
les moyens qui peuvent être utilisés pour les atteindre (A). Pour la politique industrielle,
comme dans d’autres domaines, la construction européenne aboutit à limiter la capacité
d’action indépendante de l’État. Celui-ci est contraint de se soumettre aux directives de la
Commission européenne pour laquelle la politique industrielle se confond largement avec
une politique de défense de la concurrence (B).
46 Comme le souligne Durieu (2000, p. 15), « l’Union européenne, en accordant une priorité absolue à la concurrence, au
détriment de la coopération interentreprises, du service public, qui devient une exception à la règle du marché, et des
aides d’État, ne laisse-t-elle qu’une marge de manœuvre limitée pour l’action des dits États. Certes ceux-ci ont encore
la disposition de leur budget qui doit cependant satisfaire aux critères édictés à Maastricht. Ils sont encore maîtres de
leur politique de formation et de recherche, ils peuvent encore décider du choix de leurs infrastructures, mais ils sont
dépossédés du mode de gestion du service qui les utilise, ils peuvent encore disposer d’entreprises publiques, mais ils
subissent des pressions énormes pour les privatiser, ils peuvent encore œuvrer pour orienter les fusions d’entreprises (…)
mais ces alliances peuvent être désavouées sans recours par la Commission européenne ».
47 L’article 157 du traité de l’UE (article unique formant le titre « Industrie ») précise que : « La Communauté et les États
membres veillent à ce que les conditions nécessaires à la compétitivité de l’industrie de la Communauté soient assurées »,
en précisant cependant que « le présent titre ne constitue pas une base pour l’introduction, par la Communauté, de
quelque mesure que ce soit pouvant entraîner des distorsions de concurrence ».
48« Pour ce qui concerne la politique de la concurrence et donc la politique industrielle, la Commission européenne cumule
les pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires au terme des différents traités européens. Comme de surcroît les traités
ne contiennent aucune orientation précise en la matière, c’est donc la Commission elle-même qui détermine la doctrine
en vigueur » (Fitoussi, Rapport sur l’état de l’Union européenne, 2000).
On est aujourd’hui encore très loin du compte. Selon le rapport de la Commission européenne sur les
progrès de l’UE dans le domaine de la r&D et de l’innovation de 2008, les dépenses de r&D de l’UE
stagnent depuis 2005 à 1,84% du PIb de l’Union, contre 2,6% aux Etats-Unis, avec de surcroît de très
grandes inégalités entre les pays.
TROISIèME PARTIE
1 Les grandes lignes d’un tel système ont été exposées par le Chancelier prussien Otto Bismarck dans le discours du 17
novembre 1881. Soulignons que ce système bismarckien s’oppose dans son principe au système beveridgien de protec-
tion sociale issu du rapport Beveridge de 1942. Ce second système se caractérise par le fait qu’il finance par l’impôt des
prestations qui sont destinées à l’ensemble de la population du pays.
La protection sociale, dans sa globalité, n’est cependant pas réductible à une simple forme
collective d’assurance. D’une part, les cotisations sociales qu’acquittent les assurés sociaux,
à la différence des primes d’assurance dans un système classique d’assurance, ne sont pas
proportionnées au risque spécifique que représente l’assuré (âge, situation de santé au mo-
ment où est souscrite l’assurance…). D’autre part, la protection sociale va de pair avec un
certain niveau de redistribution, ce que traduit en particulier l’existence dans l’ensemble
des prestations sociales de prestations qualifiées précisément de redistributives, et plus spé-
cifiquement les prestations versées au titre de la solidarité nationale pour lesquelles les bé-
néficiaires n’ont pas préalablement cotisé et qui sont financées par l’impôt. Si la Sécurité
sociale est la composante centrale de la protection sociale, l’aide et l’action sociales semblent
cependant appelées à continuer d’occuper une place significative dans notre système de
protection sociale5.
Les différents dispositifs qui forment le système de protection sociale ont globalement, et
en premier lieu, pour objectif de promouvoir la solidarité entre les individus formant la
collectivité nationale. Solidarité sous diverses formes : 1) entre les actifs (qui cotisent pour la
retraite) et les retraités dont les pensions sont versées grâce aux cotisations des actifs dans
les régimes de retraite par répartition ; 2) entre les bien portants qui cotisent au régime
d’assurance maladie et les malades qui cotisent également mais peuvent bénéficier de pres-
tations dont le montant n’est pas limité par celui des cotisations qu’ils ont versées ; 3) entre
les adultes célibataires ou couples ayant peu ou pas d’enfants et les familles qui en ont beau-
coup ; 4) entre les titulaires d’un emploi et les chômeurs…
Il s’agit d’une solidarité institutionnelle, codifiée dans une multitude de textes législatifs
et réglementaires, dont la gestion est prise en charge matériellement par des institutions
5 M. Borgetto et R. Lafore (2006, p. 26) estiment d’ailleurs, pour leur part, que l’aide et l’action sociales « semblent appelées
à l’avenir à jouer un rôle d’autant plus important que la protection assurancielle mise en place à la Libération -protection
qui reposait principalement sur l’exercice d’une activité professionnelle- se révèle impuissante à répondre aux problèmes
posés par une société comprenant une fraction importante de ses membres durablement et structurellement installée
dans le chômage et la précarité ».
6 Ainsi, aux États-Unis où prévaut une conception individualiste de l’assurance « sociale », près de 48 millions d’individus
n’ont pas de couverture maladie. Rappelons par ailleurs que c’est ce genre de considération qui a conduit l’État à rendre
obligatoire, à partir d’un certain moment, la souscription d’une assurance automobile .
7 Le travailleur qui est formellement libre de s’installer où bon lui semble est souvent contraint pour vivre d’aller chercher
un emploi là où il peut en trouver un, c’est-à-dire le plus souvent dans les villes, où se concentrent l’industrie, et plus
encore aujourd’hui les activités tertiaires. L’histoire de l’industrialisation puis celle de la tertiarisation des économies
capitalistes développées a ainsi été également celle du déracinement et de la migration de générations successives de
salariés contraints de quitter leur milieu familial d’origine et son environnement social pour aller chercher ailleurs les
emplois qu’ils ne pouvaient plus trouver dans la société rurale traditionnelle.
1« La naissance des assurances sociales procède d’un double mouvement. Elle n’est pas en effet la seule résultante des
revendications ouvrières pour acquérir des droits en complément de la contrepartie salariale de leur travail. Elle est
également le fruit d’une préoccupation des employeurs, à la charnière des XIXe et XXe siècles, désireux de s’assurer une
main-d’œuvre en bon « état », stable et en quantité suffisante » (Hirsch, 1994, p. 30).
certaines populations particulièrement fragiles contre certains risques sociaux2 : création
des sociétés de secours mutuelles ; loi de 1898 sur les accidents du travail instituant une
indemnisation de la victime en cas d’accident du travail ; loi de 1905 sur l’assistance obliga-
toire pour les vieillards ; loi de 1910 sur les retraites ouvrières, laquelle ne sera cependant
pratiquement pas appliquée ; lois de 1928 et de 1930 qui généralisaient les assurances
sociales couvrant les risques maladie, invalidité, maternité et vieillesse, et rendaient les
cotisations sociales (part salariale et part patronale) obligatoires ; loi de 1932 généralisant
les allocations familiales. À la veille de la Seconde Guerre mondiale, le dispositif public de
protection sociale des individus demeurait cependant encore largement symbolique. Les
dépenses correspondantes ne représentaient alors en France que 1 % du PIB, et les assu-
rances sociales, dont les ressources étaient très limitées (avec un taux de cotisation de 8 %
seulement partagé en deux entre salariés et employeurs), ne couvraient encore qu’un tiers
de la population.
La situation change radicalement après la Seconde Guerre mondiale avec la mise en œuvre
à la Libération des réformes sociales prévues dans le programme du Conseil national de
la résistance et la création, par les ordonnances de 1945 et de 1946, de la Sécurité sociale3
« destinée à garantir les travailleurs et leur famille contre les risques de toutes natures sus-
ceptibles de réduire ou supprimer la capacité de gain et de couvrir les charges de maternité
et les charges de famille » (article 1 de l’ordonnance de 1945). La création de la Sécurité
sociale sera ensuite complétée par la refonte du système d’assistance dont la constitution
est antérieure à celle du système des assurances sociales et qui va se pérenniser à côté de
la Sécurité sociale.
Dès 1947, le montant des dépenses de Sécurité sociale représente ainsi 8 % du PIB. Le
système monte en puissance tout au long des années 1950 et 1960. Les politiques sociales
qui s’organisent alors à l’échelon national connaissent désormais un développement sans
précédent, que traduit la forte croissance des dépenses sociales totales de l’État. Celles-ci
(protection sociale proprement dite + dépenses de fonctionnement) passent de 12 % du
PIB en 1949 à 17,5 % en 1967 et 19 % en 1974.
Si les dépenses consacrées à la famille occupent initialement la première place dans l’en-
semble des dépenses de protection sociale, leur importance relative va cependant régres-
ser rapidement. À l’opposé, certaines dépenses progressent fortement, tant en valeur ab-
solue qu’en valeur relative :
• d’une part, les dépenses consacrées à la couverture du risque vieillesse-survie, avec la
montée en puissance du système de retraites par répartition du régime de base de la
Sécurité sociale et la mise en place des régimes de retraites complémentaires ;
• d’autre part, les dépenses de santé, avec en particulier l’engagement d’un programme
considérable de développement de l’équipement sanitaire du pays et la mise en place
d’un système de soins organisé autour de l’hôpital.
2 Parallèlement, en Allemagne, le Chancelier Otto von Bismarck met en place dans les années 1880 un système d’assurances
sociales financées par des cotisations sociales assises sur les salaires (assurance maladie en 1883, assurance accidents du
travail en 1884, assurance invalidité et vieillesse en 1889).
3 Rédigé par le grand serviteur de l’État que fut Pierre Laroque, le plan de Sécurité sociale fut mis en œuvre par le ministre
communiste Ambroise Croizat.
La mise en place d’un véritable système généralisé de retraite est assurément l’une des
avancées sociales les plus importantes de la période postérieure à la Seconde Guerre mon-
diale. Elle est le symptôme d’une modification profonde de la société. L’importance de
cette avancée sociale se mesure concrètement au poids que représentent aujourd’hui les
pensions de retraite et, au-delà, l’ensemble des dépenses qui correspondent à la couver-
ture du risque vieillesse-survie dans le total des dépenses sociales et dans le PIB. Avec un
montant total de 246,9 milliards d’euros (44,9 % du total des prestations de protection
sociale en 2007), dont 146,3 milliards pour la retraite du régime de base obligatoire, 49,8
milliards pour les retraites des régimes complémentaires (également obligatoires), 2,2 mil-
liards d’euros pour le minimum vieillesse, 4,6 milliards pour l’allocation personnalisée à
l’autonomie et 32,1 milliards pour les pensions de réversion, les dépenses consacrées au
risque « vieillesse-survie » constituent en effet le poste le plus important des dépenses so-
ciales. Ces dépenses représentaient en tout, en 2007, 13,1 % du PIB.
Cela étant, le système de protection sociale de la vieillesse qui, en pratique, s’est progres-
sivement mis en place en France à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle est relative-
ment complexe (§ 1). Il est aujourd’hui au centre d’un important débat, auquel participent
en particulier les représentants de forces économiques et sociales puissantes qui soutien-
nent la nécessité de sa réforme dans un contexte de crise économique et de crise démogra-
phique. Ce débat tourne pour l’essentiel autour de l’opposition entre régimes de retraite
par répartition et régimes de retraite par capitalisation dont sont discutés les avantages
et inconvénients respectifs (§ 2). Les réformes mises en œuvre, particulièrement depuis les
années 1990, bien que présentées comme indispensables pour assurer la pérennité du sys-
tème de retraite par répartition, ouvrent néanmoins la voie à la capitalisation (§ 3).
Il a pour objectif d’assurer aux personnes ayant atteint un certain âge des revenus a priori
suffisants pour vivre. Ce système de garantie de ressources est complexe à double titre.
D’une part, il répond à une double logique d’assurance et d’assistance, ce qui se traduit
par la coexistence de deux types de retraites : les retraites contributives pour lesquelles les
individus ont cotisé pendant leur vie active (A), et les retraites non contributives destinées
aux personnes qui, pour des raisons diverses, n’ont pas suffisamment cotisé pour pou-
voir bénéficier d’une retraite contributive suffisante ou qui n’ont pas cotisé du tout (B).
D’autre part, il se compose d’une multitude de régimes (régime général, régimes spéciaux
et régimes autonomes) de tailles très inégales et offrant des droits hétérogènes. Depuis
l’instauration par Colbert en 1681 du premier régime de retraite, celui des marins, de nom-
breux régimes professionnels se sont créés jusqu’à la constitution de la Sécurité sociale.
Le nombre de régimes reste aujourd’hui élevé, même si certains ont disparu ou fusionné.
Ces différents régimes ne sont pas concurrents mais juxtaposés. L’affiliation à un régime
dépend de la nature de l’activité professionnelle exercée.
B - L’assistance vieillesse
Le régime d’assurance vieillesse mis en place en 1946 n’était pas en mesure, à ses débuts,
de garantir un niveau minimum de ressources à toutes les personnes ayant dépassé l’âge
légal de la retraite. C’est pourquoi l’assistance a pris le relais de l’assurance vieillesse au
bénéfice des « laissés-pour-compte » des divers régimes de retraite évoqués ci-dessus. Cela
s’est traduit par la création en 1956 du minimum vieillesse qui fut le premier en date des
minima sociaux et qui est devenu en 2007 l’allocation de solidarité aux personnes âgées
(ASPA). Il s’agit d’une pension non contributive, versée sous conditions de ressources aux
personnes d’au moins 65 ans (au moins 60 ans en cas d’inaptitude au travail) qui, pour
diverses raisons, n’ont pas eu d’activité rémunérée ou ont travaillé relativement peu de
temps (mères de famille au foyer, handicapés, chômeurs de longue durée…) et qui est
financée par l’impôt. Elle est versée par le Fonds de solidarité vieillesse (FSV), créé en 1993,
qui prend en charge le financement « des avantages vieillesse à caractère non contributif
relevant de la solidarité nationale » et qui est alimenté par la CSG. L’ASPA s’élevait au 1er
janvier 2008 à 618,10 euros pour une personne seule. Ce montant est inférieur au seuil de
pauvreté mais supérieur au plafond de ressources permettant d’obtenir la complémentaire
santé de la CMU.
Le nombre de bénéficiaires du minimum vieillesse n’a cessé de diminuer ces dernières an-
nées ; il est passé de 1,3 million de personnes en 1989 à 609 000 fin 20058. Cette baisse de
longue période du nombre de bénéficiaires du minimum vieillesse est due à la maturation
des régimes de retraite, les nouveaux retraités ayant le plus souvent effectué des carrières
professionnelles complètes qui leur ont permis d’acquérir des droits à une retraite à taux
plein. Le pouvoir d’achat du minimum vieillesse a stagné depuis 10 ans. Alors qu’il repré-
8 Sur les 609 000 bénéficiaires en 2005, plus de 60 % étaient des femmes seules d’une moyenne d’âge de 76,3 ans.
*
La mise en place puis la montée en puissance de ce système généralisé de retraite ont été
à l’origine d’une très nette amélioration des conditions de vie pour la très grande majorité
des salariés. Grâce à ce système, la vieillesse a cessé d’être synonyme de pauvreté, comme
ce fut longtemps le cas. Selon les données fournies par l’INSEE, alors qu’en 1970 27 % des
ménages de retraités disposaient d’un revenu les situant en dessous du seuil de pauvreté,
ce taux était tombé à moins de 5 % en 1997. Au 1er janvier 2004, le groupe des 60 ans et
plus, représentant 20,7 % de la population française totale (près de 12,5 millions de per-
sonnes), constituait ainsi le groupe social dont le niveau de vie avait progressé le plus vite
au cours des dernières décennies et dont le niveau de revenu est le plus stable9. Une étude
de l’INSEE sur le niveau de vie moyen des individus selon l’âge et le statut professionnel de
la personne de référence du ménage montre que le niveau de vie10 moyen d’individus ap-
partenant à un ménage dont la personne de référence est retraitée était en 2004 de 17 294
euros, contre 18 030 euros pour l’ensemble de la population (respectivement 16 664 euros
et 17 141 euros en 2000). Une étude de Pascal Chevallier et alii (2006), réalisée à partir des
enquêtes « Revenus fiscaux » de 1970, 1975, 1979, 1984, 1990, 1996 à 2002, montre par
ailleurs que « les personnes vivant dans des ménages dont la personne de référence est
retraitée ont été les principaux bénéficiaires de l’amélioration des niveaux de vie depuis
1970 » (id., p. 16). En 2002, le niveau de vie mensuel moyen de ces personnes n’était infé-
rieur que de 5 % à celui de l’ensemble de la population (1 350 euros mensuels contre 1 430
euros) (id., p. 16).
L’impact positif du système de retraite sur l’activité économique et la cohésion sociale
du pays n’est pas moins important que l’amélioration des conditions de vie des individus
qu’il a rendue possible. En permettant aux travailleurs de cesser leur activité profession-
nelle à partir d’un certain âge, le système de retraite favorise par là-même l’accès à la vie
active d’une nouvelle génération de jeunes travailleurs dans des conditions (redéfinition
des postes de travail et des profils de qualification, localisation géographique des em-
plois…) susceptibles de favoriser l’adaptation et la modernisation des systèmes productifs
9 Même si les années 1990 ont été marquées par une baisse du pouvoir d’achat des retraites nettes de cotisations sociales
pour l’ensemble des retraités, sauf les bénéficiaires du minimum vieillesse et les non imposables sur le revenu (INSEE,
Tableaux de l’Économie Française, 2004-2005, p. 102).
10 Revenu disponible du ménage divisé par le nombre d’unités de consommation de ce ménage.
L’APA est versée par le conseil général. L’attribution de l’APA n’est pas soumise à condition de ressources
mais, lorsque les ressources du bénéficiaire de l’APA dépassent un certain plafond, une participation fi-
nancière reste à sa charge. Concrètement, l’APA que verse le conseil général correspond au montant du
plan d’aide qui est réellement utilisé par le bénéficiaire, diminué de l’éventuelle participation financière
de ce dernier. Au 1er janvier 2005, le plan d’aide était limité à 1 148,10 euros en GIr 1 et à 492,04 euros
en GIr 4. Dans la pratique, les barèmes dépassent cependant rarement 80 % de ces plafonds. La contri-
bution financière du bénéficiaire de l’APA dépend de ses revenus. Si le revenu mensuel du bénéficiaire
est inférieur à 646,40 euros, ce dernier est exonéré de toute participation au financement du plan d’aide.
Pour un revenu compris entre 646,40 et 2 575,90 euros, la participation du bénéficiaire est fixée par un
barème prenant en compte différents éléments.
Le financement de l’APA est assuré par le département et par l’État (pour ce dernier, par l’intermédiaire
du Fonds de l’allocation personnalisée d’autonomie qui est alimenté par la CSG).
La montée en puissance de l’APA depuis sa mise en place est très rapide. Au 31 décembre 2006,
1 080 000 personnes bénéficiaient de l’APA. Le montant moyen de l’APA pour l’ensemble des bénéfi-
ciaires était alors de 490 euros par mois, dont 410 à la charge des conseils généraux et 80 de participa-
tion financière à la charge des bénéficiaires. Pour les personnes âgées accueillies en établissement, l’APA
aide les bénéficiaires à payer le tarif dépendance.
11 La mise en place d’un système généralisé de retraite par répartition a transformé en profondeur les conditions d’exercice
de la solidarité intergénérationnelle. Elle traduit en effet le passage de solidarités intergénérationnelles purement fami-
liales, qui permettaient aux individus ne participant plus à la vie active de survivre, à des solidarités socioprofessionnelles
ou nationales qui donnent aux actifs le moyen d’acquérir durant leur vie professionnelle des droits à disposer d’un revenu
lorsqu’ils cessent leur activité en raison de leur âge, revenu qui leur est versé grâce aux cotisations que paient les actifs.
12 En sachant cependant que la réforme des régimes de retraite de 2003 a, en quelque sorte, vidé de tout contenu cette
avancée de l’âge légal de la retraite à 60 ans pour les futures générations de salariés, en programmant l’augmentation
progressive du nombre d’annuités de cotisation nécessaire pour pouvoir bénéficier d’une retraite à taux plein et ce, dans
un contexte où l’âge légal de la retraite a tendance à s’élever dans la plupart des pays de l’Union européenne.
a – La contrainte démographique
Le vieillissement de la population est l’élément le plus fréquemment mis en avant pour
expliquer la crise de financement du système de retraite dans la mesure où, toutes choses
Ce vieillissement tient pour partie à l’augmentation de l’espérance de vie qui a été par-
ticulièrement marquée en France au cours des dernières décennies. L’espérance de vie
à la naissance a en effet fortement progressé depuis 1950, et plus encore au cours de la
13 L’augmentation du nombre des personnes âgées de 60 ans et plus est sensible depuis 2006, année qui a marqué l’arrivée
à l’âge de 60 ans de la première génération du baby boom de l’après-guerre et se poursuivra jusqu’en 2035, avec l’arrivée
progressive à l’âge de la retraite des générations nombreuses qui se sont succédées jusqu’au début de années 1970. À
partir de cette date, la France devra faire face à l’arrivée à l’âge de la grande dépendance (90 ans) des premières généra-
tions du baby boom de l’après-guerre. À cette même date (2050), près de 5 millions de personnes auront plus de 85 ans.
14 Économie santé – OCDE, 2006, cité par Mills et Caudron, 2007, p. 125.
15 Parallèlement, entre 2000 et 2050, le nombre des personnes de plus de 75 ans triplerait (passant de 3 à 8,6 millions) et
celui des plus de 85 ans quadruplerait (de 1,2 à 4,8 millions). Par ailleurs, le nombre de personnes dépendantes, c’est-à-dire
de personnes ayant perdu totalement ou partiellement leur autonomie (estimé aujourd’hui entre 800 000 et 1,2 millions)
pourrait progresser de 80 % d’ici une quarantaine d’années. Le Monde, Dossiers et documents, n° 332, juin 2004, p. 6.
16 L’indice conjoncturel de fécondité de l’Union européenne à 15 est passé de 2,59 en 1960 à 1,47 en 2001.
* Effectifs au 31 décembre jusqu’en 1981, au 1er juillet à partir de 1982, en France métropolitaine
** Nombre de cotisants/nombre de retraités
Source : Tableaux de l’économie française, 2006, p. 105
19 En partie seulement, car les concepteurs du nouveau régime de retraite gardaient en mémoire l’échec des systèmes de
retraite par capitalisation démantelés par la crise de 1929-1933.
2) Dans le cas de la retraite par capitalisation, chaque actif cotise pendant sa vie profession-
nelle pour se constituer un capital, qui est placé sur les marchés de capitaux pour être
rentabilisé et qui servira le moment venu au financement de la retraite. Celle-ci dépendra
donc de l’effort d’épargne qui aura été consenti par le retraité pendant sa vie active et
de la manière dont les marchés financiers rémunèrent les actifs accumulés par le retraité.
La capitalisation peut prendre concrètement différentes formes : adhésion à un fonds de
pension (forme de placement collectif), souscription par l’individu d’une assurance-vie, d’un
plan d’épargne en actions, d’un plan d’épargne-retraite (formes de capitalisation privée).
Concernant la forme la plus fréquente de la retraite par capitalisation, celle qui est gérée par
des fonds de pension, elle peut correspondre à deux dispositifs différents, selon qu’il s’agit
de fonds à prestations définies ou de fonds à cotisations définies. Dans le premier cas, le
montant de la retraite est calculable à l’avance ; l’entreprise qui met elle-même en place ou
qui adhère à un tel dispositif au bénéfice de ses salariés s’engage sur le montant des pensions
qui leur seront versées lorsqu’ils pourront faire valoir leurs droits à la retraite. Par contre,
dans le second cas, le montant de la retraite dépend directement de la gestion du fonds qui
perçoit les cotisations versées par les salariés et les entreprises. Aucun engagement n’est pris
concernant le montant de la future pension qui sera versée au retraité. Ce montant sera
directement conditionné par les performances réalisées par le fonds concernant la gestion
20 Dans ce troisième cas, si le vieillissement tient uniquement à l’allongement de l’espérance de vie sans modification de la
fécondité, il suffit en fait que l’âge de la retraite recule en proportion de l’allongement de la durée moyenne de vie, de
sorte que le rapport entre la durée de vie active et la durée de la retraite demeure inchangé. Si, par exemple, le rapport
entre vie active et retraite est au départ de 40 ans / 20 ans et que la durée moyenne de vie augmente de 3 ans, il faut
que le rapport passe à 42 ans / 21 ans.
Depuis le milieu des années 1980, de nombreux rapports officiels ont été consacrés à la
question des retraites23. Citons en particulier le Livre blanc sur les retraites, préfacé par
21 L’incertitude sur le devenir des régimes de retraite étant d’ailleurs souvent évoquée pour expliquer ce niveau élevé
actuel du taux d’épargne.
22 Sachant que ces dispositifs sont basés sur des incitations fiscales, il est intéressant de souligner qu’une étude de l’OCDE
(2005), Going for Growth, Economic Policy Reform, montre que les diverses aides fiscales mises en place dans les différents
pays pour inciter les salariés à épargner, afin de se constituer une retraite complémentaire personnelle, ne bénéficient
en réalité en moyenne qu’aux salariés les plus aisés et s’avèrent très onéreuses pour les finances publiques.
23 1985, Rapport TABAH (Commissariat général au plan) ; 1986-1987, Rapport SCHÖPFLIN (Commissariat général au plan) ;
1988, Rapport CHOTARD (Conseil économique et social) ; 1991, Livre Blanc sur les retraites ; 1998, Rapport DAVANNE ;
1999, Rapport CHARPIN (Commissariat général au plan) ; 2000, Rapport TEULADE (Conseil économique et social).
*
La France n’a pas le monopole de ce type de réforme des régimes de retraite. Alors que,
pour un grand nombre de pays de l’Union européenne, la charge des pensions de retraite
dépasse 10 % du PIB (graphique 8.2), certains de ces pays se sont également engagés dans
la voie de la réforme de leurs systèmes de retraite. En règle générale, cela aboutit à ré-
duire les prestations versées par les régimes de base, à durcir les conditions requises pour
bénéficier des prestations complètes de ces régimes de base et à favoriser le recours à des
systèmes complémentaires de financement privé des retraites.
Italie(p) 14,7
Autriche 14,3
Allemagne(p) 13,3
Pologne(p) 13,3
France(p) 13,1
Grèce 12,9
Pays-Bas(p) 12,9
Suède(p) 12,6
Portugal(P) 12,4
Finlande 11,2
Belgique 11,1
Danemark 11,0
Slovénie(p) 10,9
Royaume-Uni) 10,7
Luxembourg(P) 10,1
Hongrie 9,3
Malte 9,3
Espagne(P) 9,2
République tchèque(P) 8,4
SlovaquIe(P) 7,3
Lettonie(P) 6,8
Chypre 6,7
Lituanie(P) 6,7
Estonie 6,2
Irlande 4,1
p: données provisoires.
e: estimations.
Source: Eurostat.
En vertu du principe de subsidiarité, ayant pour conséquence que les questions de protec-
tion sociale sont de la compétence des États-membres, les instances communautaires n’ont
théoriquement pas à se préoccuper de la question des régimes de retraite appliqués dans
les différents pays de l’Union européenne. En pratique, il en va cependant tout autrement
et la Commission européenne appelle les États-membres à développer la retraite par ca-
pitalisation, à reculer l’âge de départ à la retraite et à ne pas augmenter les cotisations.
Elle est entendue. Les réformes mises en œuvre dans d’autres pays européens ont eu pour
effet : de reculer l’âge de la retraite (65 ans en Allemagne, 67 ans au Royaume-Uni et au
Danemark) ; d’accroître la durée de cotisations requise pour bénéficier d’une retraite à
taux plein (44 ans en Grande-Bretagne, 45 ans en Belgique) ; d’indexer les retraites sur les
prix et non plus sur les salaires (la quasi-totalité des pays de l’Union européenne).
En Allemagne, la réforme de 2001 a prévu que le taux de remplacement, désormais calculé
en référence à la totalité du salaire perçu, passerait de 69 % à 64 % pour une retraite à
taux plein acquise au terme de 45 années de cotisations. Il a en outre été institué un sys-
tème de retraites privées facultatives financées par capitalisation, sytème très fortement
aidé par l’État (les aides de l’État représenteraient de l’ordre de 40 % des cotisations ver-
sées par les salariés), qui repose sur des cotisations individuelles pouvant aller jusqu’à 4 %
du revenu de l’épargnant.
En Suède, la réforme entrée en vigueur en 1999 s’est traduite par la création d’un système
de retraite à deux étages, un étage fonctionnant en répartition et un étage fonctionnant
en capitalisation. L’ensemble est alimenté par une cotisation sociale de 18,5 %, partagée
*
En l’état actuel des choses, il paraît impossible de substituer purement et simplement au
système de retraite par répartition un système de retraite par capitalisation. Cela suppo-
serait en effet de faire payer deux fois une même génération, puisque cette substitution
nécessiterait que, pendant la phase de transition (une génération), les actifs cotisent si-
multanément pour payer les pensions des retraités du moment et pour se constituer le
capital nécessaire au financement ultérieur de leur propre retraite. Cependant, si les deux
dernières réformes Veil-Balladur et Fillon-Raffarin ont maintenu le système de retraites
par répartition, l’idée d’ouvrir la voie à la capitalisation pour « sauver la répartition et faire
face à la crise démographique » progresse.
Telle a été l’option prise par le gouvernement Jospin en 1998 avec la création, dans le
cadre de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 1999, du Fonds de réserve pour
les retraites destiné à subvenir aux besoins de financement des régimes de retraite dans les
années démographiquement difficiles à venir. Ce Fonds (établissement public administra-
tif) a été créé en 1999 avec l’objectif de constituer d’ici 2020 une réserve de l’ordre de 150
milliards d’euros, destinée à être utilisée pour abonder progressivement le régime général
de retraite du secteur privé (régime général des salariés du secteur privé, régime des sala-
riés agricoles et régime des artisans et commerçants)28. Il est alimenté par un prélèvement
social de 2 % sur les revenus du patrimoine (65 % du produit de ce prélèvement), auquel
se sont ajoutés les excédents de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), des re-
cettes de privatisations et des cessions de parts de la Caisse d’Épargne et de Prévoyance.
Au 31 décembre 2007, ses actifs atteignaient 34,5 milliards d’euros. Ces fonds sont destinés
à des placements sur le marché financier (30 % en obligations, 60 % en actions et 10 % en
actifs de diversification) avec un taux de rendement en rythme annuel moyen de 6,3 % de
2004 à 2007. Le principe de ce Fonds consiste par conséquent à accumuler des réserves au
28 L’objectif initial était que le Fonds de réserve des retraites puisse couvrir, à partir de 2020, 50 % du besoin supplémentaire
de financement de ces régimes de retraite.
Les Comptes nationaux de la santé30 comptabilisent l’ensemble des dépenses de santé ef-
fectuées par les Français. Ils distinguent quatre agrégats : la « consommation de soins et de
biens médicaux » (CSBM), la « consommation médicale totale », la « dépense courante de
santé » et la « dépense totale de santé ».
• La consommation de soins et de biens médicaux comprend les soins hospitaliers publics
et privés, les soins ambulatoires, le transport sanitaire, les médicaments et les autres biens
médicaux (prothèses, optique, pansements…).
• La consommation médicale totale s’obtient en ajoutant à la CSBM les dépenses de préven-
tion individuelle (vaccination…).
• La dépense courante de santé prend en compte, outre la consommation médicale totale,
29 Plans de réforme et dispositions de loi vont dans ce sens, tandis que se développe l’épargne-retraite, les ménages anti-
cipant une réduction des retraites par répartition. Une enquête de l’INSEE sur l’épargne-retraite des Français, publiée
en 1999, précise à ce propos que 9,4 % des ménages se sont constitués une épargne-retraite. Si l’on tient compte des
plans d’épargne populaire, de l’ensemble des contrats d’assurance-vie, près d’un ménage sur deux épargne en fait pour
la retraite.
30 Ce sont des comptes satellites de la comptabilité nationale établis désormais en « base 2000 ».
GrAPhIqUE 8.3
Part de la CSBM dans le PIB (en valeur) : 1950-2005
32 Cette augmentation de longue période des dépenses de santé n’est bien entendu pas spécifique à la France. Elle s’observe,
avec plus ou moins d’ampleur, dans tous les pays développés. Au cours des dernières décennies, les dépenses de santé
dans l’OCDE sont ainsi passées d’une moyenne de 5,3 % du PIB en 1970 à 8,4 % en 2001. À titre d’exemples, la part des
dépenses de santé dans le PIB est passée au Royaume-Uni de 4,5 % en 1970 à 7,3 % en 2000, en Suède de 6,7 % à 8,4 %
et en Espagne de 3,6 % à 7,5 %.
12,0
11,9
11,8
11,7
11,6
11,5
11,4
11,3
1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006
Source : DRESS, Comptes de la santé, INSEE, Comptes nationaux, Etudes et résultats, n° 593, septembre 2007.
Cette forte croissance de l’ensemble des dépenses s’est accompagnée d’une relative sta-
bilité de la part respective des différents postes de dépenses constituant la CSBM. La part
des dépenses de soins hospitaliers est passée de 43,1 % en 1950 à 44,5 % en 2005, celle
des dépenses de médecine ambulatoire s’est maintenue à 27 % et celle des médicaments a
baissé de 25,1 % à 20,8 %. Mais cette relative stabilité d’ensemble entre le début et la fin
de la période masque des variations importantes des parts respectives des différentes ca-
tégorise de dépenses au cours de la période, l’évolution de la part des médicaments ayant
été particulièrement « heurtée » (Fenina, 2007, p. 5).
Cette forte croissance des dépenses de santé en longue période a été permise par la géné-
ralisation progressive de la couverture sociale à l’ensemble de la population et la prise en
charge consécutive d’une grande partie de ces dépenses par la collectivité, ce qui a permis
de garantir à l’ensemble des individus l’accès au système de soins, chargé de leur fournir la
possibilité de satisfaire le besoin de santé reconnu désormais comme élément fondamental
du bien-être33. De fait, depuis sa création en 1945, le rôle de la Sécurité sociale dans le finan-
cement des dépenses de santé a fortement progressé. Si sa part dans le financement total de
la CSBM est demeurée relativement stable (autour de 50 %) pendant la décennie 1950, elle
a fortement augmenté au cours des deux décennies suivantes, en liaison avec l’extension de
33 Annie Fenina (2005, p. 6) estime pour sa part que : « même si le lien entre CSBM, niveau et mode d’organisation de la
couverture maladie est controversé dans la littérature économique, celle-ci a certainement constitué un facteur décisif
de la croissance de la CSBMG.R.H sur l’ensemble de la période (1950-2005) ».
Sources : DRESS, Rétropolation des comptes de santé, Etudes et résultats, n° 572, mai, 2007.
Cette forte croissance des dépenses globales de santé est due pour l’essentiel à la conjonc-
tion de plusieurs facteurs :
• la croissance en valeur absolue de la population et l’augmentation de l’espérance de
vie. Toutes choses égales par ailleurs, la dépense globale de santé s’élève en effet né-
cessairement avec la population totale du pays, qui s’est accrue de plus de 50 % au
cours de la période considérée, passant de 39,848 millions d’habitants en 1946 à 63,195
millions en 2006 (63,573 millions en 2007 en données provisoires). Elle augmente éga-
lement avec l’espérance de vie et le vieillissement consécutif de la population dans la
mesure où, comme le montrent de multiples études, les dépenses individuelles de santé
augmentent en moyenne avec l’âge des personnes considérées34 ;
• le progrès technique qui a été particulièrement marqué dans le domaine de la santé
au cours de la seconde moitié du XXe siècle et qui s’est traduit par la mise au point de
nouveaux protocoles de soins plus efficaces mais aussi le plus souvent plus coûteux ;
34 Dans son rapport pour l’année 2003, la Cour des comptes soulignait que les personnes âgées de 65 ans et plus repré-
sentent 16 % de la population totale mais 36,5 % des dépenses remboursées par l’assurance-maladie et 39 % de la
consommation de médicaments, avec une dépense annuelle moyenne de produits pharmaceutiques de 850 euros, contre
230 euros seulement en moyenne pour les personnes âgées de moins de 65 ans. Cela étant, si les dépenses de santé les
plus importantes ont lieu dans les dernières années de vie d’un individu, quel que soit par ailleurs son âge de décès, on
observe que la consommation médicale totale pendant l’année précédant le décès baisse quand l’âge du décès s’élève ;
elle est de 18 000 euros quand le décès survient entre 40 et 49 ans et de 12 000 euros quand il survient après 80 ans, ce
qui a pour effet de « minorer l’impact du vieillissement de la population sur les dépenses de santé » (Bac, 2004, p. 10).
*
En 2007, les comptes de la santé font apparaître que la « dépense courante de santé » s’est
élevée à 206,5 milliards d’euros, soit 10,9 % du PIB (11 % en 2006). Elle a plus que doublé
depuis 1990 (82 milliards d’euros). La consommation médicale totale s’est élevée à 167,1
milliards d’euros. Au sein de cet ensemble, la consommation de soins et de biens médicaux
(CSBM) s’est élevée à 163,8 milliards d’euros. Cette dernière se répartit elle-même de la ma-
nière suivante entre ses différents postes : les soins hospitaliers et en sections médicalisées
pour 72,7 milliards d’euros (44,4 % du total) dont 56,4 milliards pour les hôpitaux publics
et 16,3 milliards pour les hôpitaux privés ; les soins ambulatoires pour un montant de 45,1
milliards d’euros (27,5 % du total)37 ; les médicaments et autres biens médicaux pour 42,9
milliards d’euros (26,2 % du total)38 ; les transports de malades pour 3,2 milliards d’euros
35 Dès les années 1970, divers travaux ont mis l’accent sur cette question. On peut évoquer en particulier : ILLICH Y. [1975],
Némésis médicale, Éditions du Seuil, Paris ; DUPUY J.-P. et KARSENTY S. [1974], L’invasion pharmaceutique, Éditions du
Seuil, Paris ; HERZLICH C. [1970], Médecine, maladies et sociétés, Mouton, Paris.
36 La définition qu’en donne l’Organisation mondiale de la santé (OMS) selon laquelle la santé est « un état de bien-être
complet, physique, mental et social », a le mérite de montrer, grâce à une approche globale, que l’on ne peut réduire les
politiques de santé à des politiques de lutte contre la maladie et la mort. Elles se doivent aussi d’amener la population
à un état de bien-être complet. Par exemple, la maîtrise des naissances étant aujourd’hui un facteur de bien-être des
femmes et des hommes, les politiques de santé incorporent dans leurs préoccupations la régulation des naissances. On
se trouverait ainsi face à une « demande infinie » (Bono, 1983, cité par Murard, 2001, p. 97).
37 On dit aussi « soins de ville ». Sont inclus dans ce poste les soins des médecins (généralistes et spécialistes), des auxi-
liaires médicaux, des dentistes, les analyses dans les laboratoires médicaux et les soins dans les établissements de cures
thermales.
38 Ce sont les médicaments proprement dits (31,3 milliards d’euros) qui constituent l’essentiel de ce poste (près de 80 %).
S’y ajoutent les prothèses, la lunetterie...
GrAPhIqUE 8.6
Espérance de vie à la naissance et taux de mortalité infantile en France (1950-
2003)
Le rapport sur la santé dans le monde 2000 publié par l’Organisation mondiale de la santé
(OMS), qui établit un classement des pays membres de l’organisation en fonction de la
performance de leur système de santé respectif, mettait par ailleurs la France au premier
rang mondial pour la « performance globale du système de santé » mesurée en rapportant
les résultats d’ensemble du système de santé à ses dépenses43.
41 Huitième rang pour les hommes et deuxième rang pour les femmes (derrière le Japon). En précisant que l’espérance de
vie moyenne, en 2007, était en Europe de 71 ans pour les hommes et 79 ans pour les femmes ; respectivement 75 ans
et 81 ans en Amérique du Nord et 75 ans et 80 ans aux États-Unis) (Insee, Tableaux de l’Économie Française 2007, mise
à jour du 11-2007 : www.insee.fr).
42 Si l’augmentation de l’espérance de vie est habituellement considérée comme un indicateur majeur de l’amélioration
de l’état de santé de la population, il faut cependant souligner que des recherches récentes montrent que cette aug-
mentation de l’espérance de vie dépendrait « principalement de facteurs socio-environnementaux (conditions de vie,
hygiène, nutrition, protection sociale, environnement… et que, en définitive, la médecine n’interviendrait que de façon
marginale (15 à 20 %) » (Ulman, 2007, p. 17).
43 Problèmes économiques, n° 2 679, 13 septembre 2000, p. 8.
Pour aussi bons que soient les résultats obtenus par la France en matière de couverture
des besoins de santé de sa population, ils ne doivent cependant pas faire oublier que sub-
sistent certaines causes d’insatisfaction. D’une part, certains éléments du bilan de santé
de la population française ne sont guère satisfaisants. C’est ainsi, par exemple, que si l’es-
pérance de vie des Français est bien l’une des meilleures du monde, la France connaît par
ailleurs une surmortalité avant 65 ans (mortalité dite « prématurée ») anormalement éle-
vée48. D’autre part, subsistent des inégalités marquées de santé et d’accès aux soins entre
44 Selon un rapport de la Haute autorité de santé (HAS) de décembre 2007, en 2015, le nombre d’assurés sociaux en ALD
s’établirait à 12 millions, ce qui représenterait alors 70 % du total des remboursements de l’assurance-maladie (augmen-
tation du diabète, de l’obésité et vieillissement de la population).
45 Bergheim (2007) souligne ainsi que, dans les pays les plus riches, 45 % des gains en termes d’espérance de vie obtenus
au cours des 40 dernières années ont en fait été consacrés à la réalisation d’études plus longues.
46 Le secteur d’activité de la santé représente ainsi près de 10 % du PIB et plus de 9 % des emplois du pays (Mills et
Caudron, 2001, p. 175).
47 Il faut souligner à ce propos le rôle important de l’hôpital dans le développement local. Il fait partie des plus gros em-
ployeurs, si bien que les effets de la fermeture d’un établissement sont souvent très durement ressentis par l’économie
locale.
48 Laquelle paraît largement imputable à des facteurs intervenant en amont du système de soins, tels qu’une consommation
excessive d’alcool, le tabagisme, la pandémie du sida, les suicides, les accidents de la circulation…, ce qui soulève cepen-
dant, pour la plupart de ces facteurs, la question de la faiblesse des politiques de prévention qui est une caractéristique
dommageable du système de soins français, centré essentiellement sur le curatif au détriment du préventif.
Rien d’étonnant, dans ces conditions, à ce que les pouvoirs publics continuent à rechercher
les moyens de contrôler et de limiter la croissance des dépenses de santé. La question est
cependant posée de savoir s’il est souhaitable et même simplement possible de limiter la
croissance dans le temps des dépenses de santé. Certains chercheurs en doutent explicite-
ment. R. Hall et C. Jones soutiennent ainsi que la limitation durable de la croissance des
dépenses de santé n’est en réalité pas possible, précisément parce que la santé est consi-
dérée par les individus comme un bien supérieur dont la demande augmente nécessaire-
ment plus rapidement que le revenu54. Ces mêmes auteurs prévoient par ailleurs que les
dépenses de santé aux États-Unis, passées de 5 % du PIB en 1960 à 15 % du PIB en 2004,
devraient représenter 30 % du PIB américain en 2050 (avec une espérance de vie de 86
ans). Stephan Bergheim (2007) prévoit qu’elles atteindront 20 % du PIB américain en 2020,
tandis que les projections réalisées par le Congrès américain prévoient que le coût des pro-
grammes Medicare et Medicade pourrait s’élever de 4 % du PIB en 2003 à 11,5 % en 2050
(OCDE, 2004). Pour la France, un rapport du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance-ma-
ladie estime que les dépenses de santé pourraient augmenter de 4 points de PIB d’ici 2025.
Reste que les pouvoirs publics, à travers leur action sur la demande et sur l’offre de soins,
continuent de chercher à limiter la progression des dépenses de santé prises en charge par
l’assurance-maladie.
54 Cette caractérisation de la santé comme bien supérieur est largement admise mais ne fait cependant pas l’unanimité des
chercheurs. Certains travaux « réalisés sur données individuelles » obtiennent ainsi « une élasticité faible des dépenses
de chaque individu à son revenu » (Bac, 2004, p. 6).
63 L’alcoolisme demeure en France un problème préoccupant de santé publique, avec une consommation moyenne d’alcool
pur en 2001 d’un peu plus de 15 litres par Français de plus de 15 ans et plus de 40 000 décès par an attribuables à l’alcool
(Le Monde, 5-12, 2006, p. 26).
64 Les formes nouvelles de pénibilité au travail, qui sont le plus souvent liées à l’introduction des NTIC dans les proces-
sus de production et à la réorganisation consécutive des procès de travail, ainsi qu’aux changements organisationnels
(équipes autonomes, rotation des postes, juste-à-temps, sous-traitance, normes de qualité…), ne se substituent pas aux
formes anciennes de pénibilité, comme on aurait pu le penser, mais s’y ajoutent, ce qui « peut se traduire par des pa-
thologies d’hyper sollicitation, en particulier les troubles musculo-squelettiques » affectant « 11 % des hommes et 15 %
des femmes » (Askénazy, 2006, p. 19). Cette évolution défavorable est particulièrement accusée en France : « l’écart de
fréquence d’accidents entre la France et la moyenne européenne se creuse (...). Le nombre de cas de troubles musculo-
squelettiques déclarés à la Sécurité sociale progresse toujours annuellement de 20 %. Depuis 2000, elle est même le seul
grand pays à voir progresser nettement les accidents du travail impliquant un handicap permanent (...) (+ 15 % contre,
par exemple, une baisse de 10 % en Allemagne) (id., p. 19).
65 INSEE, Tableaux de l’Économie Française, 2007, mise à jour 03-2008 sur www.insee.fr.
66 On peut aujourd’hui parler d’une véritable chaîne médicale qui ne cesse de se complexifier, multipliant les diagnostics,
les thérapeutiques, les traitements mais aussi les examens de contrôle et de suivi.
67 Le rapport du Haut Comité de la santé publique de 2003 souligne qu’en « baissant trop longtemps le numerus clausus,
on a laissé se créer une situation telle que la densité médicale va diminuer jusqu’en 2020 pour se retrouver à son niveau
d’il y a vingt ans, avec des situations de pénurie dans certaines régions et pour certaines spécialités » (op. cit., p. 24).
68 Devenus aujourd’hui les relevés individuels d’activité des praticiens (RIAP), relevés informatiques qui permettent de
connaître avec précision les remboursements correspondants à chaque praticien libéral et de vérifier ainsi son activité
et son coût pour l’assurance-maladie.
69 Les pratiques de dépassement d’honoraires sont en forte progression depuis les années 1980. Un rapport de l’Inspection
générale des affaires sociales d’avril 2007 les évalue, pour les seuls médecins, à 2 milliards d’euros sur un total d’hono-
raires de 18 milliards d’euros, les montants des dépassements dans le secteur 2 ayant par ailleurs doublé entre 1990 et
2005 (Tabuteau, 2007, p. 16).
70 Carte magnétique permettant l’identification du patient, le stockage et la télétransmission aux caisses de renseignements
le concernant ainsi que les prescriptions médicales qui lui sont délivrées dans le système du tiers-payant.
71 En 2006, les indemnités journalières versées par la Sécurité sociale se sont élevées à 10,3 milliards d’euros et 5,2 % de la
dépense courante de santé, en baisse depuis 2004, ce qui pourrait s’expliquer en partie par la mise en place à partir du
1er janvier 2004 de la retraite anticipée pour carrières longues, dont 370 000 personnes ont bénéficié entre 2004 et 2006,
sachant que la fréquence des arrêts maladie ou accidents du travail augmente avec l’âge des salariés.
72 Le non-respect de ce dispositif par le patient est sanctionné par une baisse du taux de remboursement. Celui-ci est
ramené de 70 % dans le cadre du parcours de soins à 60 % pour les consultations effectuées hors parcours ou pour les
assurés qui n’ont pas désigné de médecin traitant.
73 Ses résultats sont évalués à partir des indices synthétiques d’activité (les fameux points ISA) et font référence au répertoire
des coûts moyens de traitement des pathologies établi par le Programme de médicalisation des systèmes d’information
(PMSI). Chaque traitement d’une pathologie correspond à un certain nombre de points ISA. Le total des traitements réa-
lisés en une année par l’établissement, convertis en points ISA, sert à calculer sa dotation globale pour l’année suivante.
74 C’est sur cette réforme que se sont appuyés les discours qui assimilent l’hôpital à une entreprise et qui ont fait entrer
les notions de rentabilité et de productivité dans le fonctionnement des hôpitaux.
75 La logique entrepreneuriale ne fait pas forcément bon ménage avec l’universalité de l’accès aux soins. Elle conduit
inévitablement à des questionnements du type : à partir de quel moment un traitement ou un examen est-il superflu ?
Faut-il hiérarchiser le niveau d’effort thérapeutique en fonction de l’âge, de l’espérance de vie ?
76 Selon le professeur André Grimaldi, ce système de tarification T2A est inflationniste. Il « conduit chaque service à gonfler
artificiellement son activité en multipliant les actes et les activités ’’rentables’’ indépendamment de leur utilité » (2007,
p. 11).
77 Le fait est que les Français sont les plus gros consommateurs de médicaments en Europe et que différents indices laissent
supposer qu’il y a une certaine surconsommation de médicaments. Ainsi, selon la Commission des comptes de la Sécurité
sociale, la consommation moyenne de statines (anticholestérol), qui a représenté en 2005 un total de remboursement de
plus d’un milliard d’euros, est en France de 50 % supérieure à celle de l’Allemagne « sans que cet écart puisse s’expliquer
par des différences d’état de santé de la population » (cité par Le Monde, 10-06, 2006, p. 19). De même, les médecins
français prescrivent en moyenne 4,5 médicaments par consultation contre 0,8 pour les médecins des pays du Nord de
l’Europe. En France, la consultation d’un médecin est suivie de la prescription d’un médicament ou d’un examen dans
90 % des cas, contre 40 % des cas seulement aux Pays-Bas. À titre de comparaison, la consommation de médicaments par
habitant serait au Danemark 6 fois moins importante qu’en France, alors que ce pays a des résultats globaux en matière
de politique de santé plutôt satisfaisants.
Dans le but de contrôler l’évolution à long terme des dépenses de santé, un certain nombre
de nouvelles réformes institutionnelles ont été mises en œuvre au cours de la dernière dé-
cennie.
Depuis 1996, une loi dite de financement de la Sécurité sociale, votée chaque année par le
Parlement, fixe un taux directeur de l’évolution des dépenses de santé, l’Objectif national
des dépenses d’assurance maladie (ONDAM), fixé à 144,8 milliards d’euros en 2007, qui est
ensuite décliné en objectifs nationaux par secteurs (hospitalisation, médecine de ville…) et
par régions. Ce nouveau dispositif a été complété par la création d’un comité d’alerte sur
les dépenses, constitué de trois personnalités. Ce comité est chargé de jouer le « gendarme
financier » en cas de progression jugée trop forte des dépenses, c’est-à-dire en fait en cas de
dérapage financier supérieur à 0,75 % de l’ONDAM voté par le Parlement.
La réforme de l’assurance-maladie, dite réforme Douste-Blazy du 13 août 2004, a par ailleurs
défini un ensemble de mesures (participation directe accrue des usagers, hausse de la CSG,
économies de diverses natures) devant aboutir à dégager en 2007 5,2 milliards d’euros de
ressources supplémentaires et à réduire les dépenses globales de 6,5 milliards d’euros, ce qui
était censé devoir permettre le retour à l’équilibre des comptes de l’assurance-maladie dès
cette date. Lequel équilibre ne fut cependant pas réalisé. Pour 2007, le déficit global de la
Sécurité sociale était estimé à 12 milliards d’euros et, selon J. de Kervasdoué, devrait en fait
s’établir à 14 milliards si l’on tient compte de ce que le régime de la MSA est déficitaire et
que les hôpitaux n’équilibreront pas leurs comptes. Compte tenu de la poursuite du déficit
en 2008 et du déficit enregistré en 2006, les 3 années 2006, 2007 et 2008 se traduiraient ainsi
par un déficit cumulé de 45 milliards d’euros. Début juillet 2007, la Commission des comptes
de la Sécurité sociale annonçait un déficit prévisionnel du régime général de la Sécurité
sociale de 12 milliards d’euros pour 2008, dont 6,4 milliards pour l’assurance-maladie et 4,7
milliards pour la branche vieillesse, du même ordre de grandeur que les déficits enregistrés
en 2004 (11,9 milliards) et en 2005 (11,6 milliards).
D’autres réformes mises en œuvre au cours de la dernière période concernent la gouver-
nance du système de soins :
78 Le médicament princeps est le médicament original dont le générique est la copie.
79 Selon les statistiques publiées par la DREES, les génériques représenteraient aujourd’hui 31 % des ventes totales de
médicaments, pour un prix qui serait en moyenne inférieur de 13,5 % à celui des médicaments princeps.
80 Pour une analyse plus détaillée on pourra se reporter à A. Bocagnano et alii (1999) que nous suivons ici.
81 En 2006, les coûts de gestion de la santé, c’est-à-dire les coûts de gestion de la Sécurité sociale, des organismes
complémentaires, du ministère de la Santé, etc. se sont élevés à 14 milliards d’euros, soit 7,1 % de la dépense courante
de santé. J.-P. Fitoussi souligne pour sa part que la privatisation de l’assurance-maladie ne peut qu’aboutir à l’augmen-
tation de son coût global pour les assurés. Évoquant plus spécifiquement le cas de l’assurance-maladie aux États-Unis,
il explique que : « l’assurance-maladie est privée et les Américains y accèdent par la médiation de leur emploi. Or cette
organisation du financement du système de soins apparaît très peu efficace, quel que soit le critère utilisé. (...). La cause
la plus souvent invoquée pour justifier cet état de fait est l’organisation essentiellement privée du financement de l’as-
surance-maladie. On peut en effet penser que c’est le libre fonctionnement du marché (c’est un paradoxe) qui conduit
à l’élévation du coût des assurances, comparativement à un système où il n’y aurait qu’un seul payeur, qui serait la
collectivité. A priori, la concurrence entre une pluralité de compagnies d’assurances devrait pourtant induire une baisse
des primes, chaque compagnie souhaitant accroître sa part du marché en proposant des tarifs plus attractifs. Mais pour
que cela soit possible, chacune d’entre elles est conduite à consacrer une part importante de son activité à l’analyse des
risques inhérents à la signature de chaque police d’assurance. De ce seul fait, un système privé d’assurances a des frais
généraux beaucoup plus élevés que ne l’aurait une agence publique, puisqu’en ce cas la mutualisation des risques à
l’échelle de la nation rendrait inutile l’analyse des cas individuels. Il est des situations, logiques de surcroît, où le marché
génère davantage de bureaucratie que l’État ! » (Fitoussi, 2004, p. 22).
82 Et Bocognano et alii (1999, p. 7) soulignent à ce propos qu’il « est totalement illusoire de croire, comme il arrive souvent
en France, qu’une pondération des forfaits sur un ou deux critères simples, comme l’âge et le sexe, suffit à éliminer ce
problème ».
Les conséquences négatives du chômage pour les individus qui le subissent et pour la so-
ciété dans son ensemble sont bien connues. Son coût économique et son coût social ont
fortement progressé au fur et à mesure que s’affirmait le chômage de masse caractéris-
tique des trois dernières décennies. Ceci justifie l’attention que lui ont portée les pouvoirs
publics et la diversité des politiques qui ont été mises en œuvre dans les pays occidentaux
développés pour tenter de le contenir, à défaut de le résorber.
Depuis les années 1970 et l’entrée de la France dans la crise économique durable contem-
poraine marquée par le développement d’un chômage de masse, la politique de l’emploi
est ainsi devenue une composante importante de l’action de l’État. Les dépenses qui lui
sont consacrées se sont élevées en 2006 à 3,15 % du PIB, se répartissant en dépenses pas-
sives (indemnisation du chômage, soit 27,78 milliards d’euros, et incitation au retrait d’ac-
tivité, soit 1,32 milliard d’euros) et en dépenses actives (formation professionnelle pour
14,36 milliards d’euros, promotion de l’emploi pour 9,55 milliards d’euros, et les autres
mesures en faveur de l’emploi pour un montant total de 3,93 milliards d’euros). Et, si l’on
ajoute à ces dépenses celles qu’induisent les allégements généraux de charges sociales
dont bénéficient les entreprises (baisses des cotisations sociales sur les bas salaires ainsi
Le coût économique du chômage a fortement progressé au fur et à mesure que s’affirmait le chô-
mage de masse caractéristique des trois dernières décennies. Le coût économique direct du chômage
correspond au montant total des dépenses publiques engagées pour soutenir l’emploi et indemniser les
chômeurs, en distinguant entre :
• d’une part, les dépenses « actives », destinées principalement à favoriser la création d’emplois et
l’employabilité des chômeurs (aides directes de divers ordres à la création d’emplois, dépenses de for-
Le coût économique indirect du chômage correspond au supplément de PIb qui aurait pu être créé si les
chômeurs recensés avaient été employés productivement1, le chômage représentant en fait, comme le
souligne J.-M. Albertini (1996, p. 210) « un gaspillage du potentiel économique ».
Certains travaux théoriques d’économistes n’hésitent cependant pas à mettre en avant ce qu’ils ana-
lysent comme les conséquences positives du chômage. Il est vrai que celui-ci crée une situation plutôt
favorable pour les entreprises. La menace du licenciement incite les salariés à travailler plus, à changer
moins souvent d’entreprise et diminue la force des revendications salariales, ce qui influe positivement
sur la rentabilité à court terme des firmes. De surcroît, celles-ci utilisent les licenciements pour cause
économique comme un instrument de gestion de la main-d’œuvre facilitant les restructurations dans
un contexte de mondialisation, d’accentuation notable du processus de concentration des capitaux et
d’intensification du progrès technique accélérant ces restructurations.
D’autres travaux encore ont voulu voir dans le chômage une « solution » au problème du partage du
travail et des revenus qui serait inconsciemment acceptée par la collectivité : thèse avancée initialement
par Denis Olivennes (1994) et reprise ensuite dans nombre de travaux (cf. à ce propos Clerc, 1999, p.
139 et suivantes). En substance, en France, les salariés en place (les insiders) seraient parvenus depuis les
années 1970 à imposer des hausses de salaires réelles que les entreprises ont compensées par des gains
de productivité qui, dans un contexte de croissance « molle », aboutissent à rejeter du marché du travail
les outsiders, une fraction croissante de la population active, elle-même en forte augmentation comme
on l’a déjà souligné. Ce que résume b. Majnoni d’Intigano (1998, p. 120-121) : « Les travailleurs en
place, les insiders, bénéficient d’une position de monopole relatif grâce au code du travail qui les protège
contre les licenciements (…). Ils ont donc vu leur position renforcée dans les négociations salariales, au
détriment des chômeurs et des jeunes, les outsiders, sans cesse repoussés dans la file d’attente de l’accès
à l’emploi ».
1 Ou du moins les chômeurs venant en surcroît de ce qui pourrait être considéré comme le chômage « frictionnel » observé
en situation qualifiée de plein-emploi.
La protection des salariés assurée par la réglementation du marché du travail s’est organi-
sée autour de trois axes :
• la garantie d’un minimum de sécurité de l’emploi avec les conventions collectives et
la législation qui réglementent les licenciements et attribuent aux travailleurs certains
droits (procédures de licenciement à respecter, périodes de préavis, indemnités de licen-
ciement et pénalités en cas de licenciement abusif) ;
• la fixation d’un salaire minimum, c’est-à-dire d’un niveau de rémunération en dessous
duquel un travailleur ne peut légalement être employé. Cela s’est traduit par la créa-
tion en 1950 du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) et du salaire mini-
mum agricole garanti (SMAG), évoluant l’un et l’autre en fonction de la hausse des prix.
Ces deux salaires minima ont ensuite été remplacés en 1970 par le salaire minimum
interprofessionnel de croissance (SMIC) qui, lui, évolue en fonction de la hausse des prix
et de la croissance économique ;
• la réglementation des relations sociales sur le lieu de travail qui a connu plusieurs
étapes importantes avec, en 1936, les « Accords Matignon » qui ont prévu l’élection de
délégués du personnel, la création des comités d’entreprises en 1946, les « Accords de
Grenelle » de 1968 qui ont reconnu les sections syndicales d’entreprises et, en 1982, les
lois Auroux qui ont conféré aux salariés le statut de « citoyens dans l’entreprise ».
Certains des dispositifs relevant des deux premiers axes évoqués ci-dessus, qui ont été pro-
gressivement mis en place depuis en particulier la Seconde Guerre mondiale, font cepen-
dant aujourd’hui l’objet d’un débat et certaines orientations de la politique de l’emploi
actuelle visent à les remettre en cause en tout ou partie.
• Ainsi en est-il de la législation de protection de l’emploi.
La rigueur de cette législation est en France relativement forte, comme cela ressort d’une
étude de l’OCDE (2004) qui compare l’indice synthétique de rigueur globale de la légis-
lation de protection de l’emploi dans les principaux pays développés2. Il apparaît que le
degré de protection de l’emploi, très variable selon les pays membres de l’organisation,
est, pour la France, parmi les plus élevés3. Ce « constat » est souvent invoqué par les par-
2 En gardant cependant à l’esprit les réserves méthodologiques que suscite cet indicateur.
3 Il importe cependant de souligner que cela tiendrait plus spécifiquement à « la forte réglementation, en termes compa-
ratifs, des emplois temporaires » (Gautié, 2005, p. 12), tandis que la réglementation des emplois réguliers en termes de
licenciements individuels et collectifs « ne serait pas en France plus forte que dans la moyenne des autres pays de l’OCDE
(...) et serait même plus faible que dans des pays comme la Norvège, la Suède ou l’Allemagne » (id., p. 12), ce qui bat en
brèche une idée reçue.
4 Thèse que formulent à leur manière les rédacteurs du mensuel d’information économique et sociale de l’UIMM, en ex-
pliquant que si la France a un taux de chômage supérieur à celui de ses partenaires européens « ce n’est pas parce qu’elle
consacre moins de moyens à sa politique de l’emploi. C’est parce que les entreprises, seules créatrices d’emplois, sont
pénalisées par de lourdes contraintes réglementaires autant pesantes pour leur gestion qu’inefficaces pour les salariés »
Actualités, n° 235, février 2004, p. 31).
5 Les études concernant l’impact de la réglementation du travail sur le taux de chômage et le taux d’emploi livrent des
résultats contradictoires. Mais, comme le soulignait O. Passet, ancien chef du service économique, financier et international
au Commissariat général au plan, « un certain consensus s’est dégagé pour reconnaître le peu d’impact de la réglementa-
tion sur le niveau absolu du chômage et de l’emploi » (cité par Le Monde, 22-06, 2004, p. II). Par ailleurs, il faut souligner
que, si des pays à faible réglementation (États-Unis, Royaume-Uni) ont atteint un taux de chômage relativement faible,
c’est également le cas de pays comme le Danemark, la Suède ou la Norvège où les salariés bénéficient d’une protection
sociale étendue.
6 Il semblerait par ailleurs que le taux d’emploi soit un peu plus faible dans les pays où la protection de l’emploi est forte
qu’il ne l’est dans les autres. Concrètement, si « une législation sur la protection de l’emploi rigoureuse ne semble pas, en
soi, accroître le chômage », il semblerait par contre qu’elle « accentue (...) la difficulté d’accès à l’emploi des catégories
pour lesquelles elle est déjà importante (jeunes, femmes, chômeurs de longue durée) » (Kaiser, 2006).
7 Cité dans Le Monde, 25-02, 2006, p. 12. Un premier bilan de la mise en œuvre de ce contrat nouvelle embauche faisait par
ailleurs apparaître que moins de 10 % des contrats signés depuis la mise en place de ce nouveau dispositif correspondent
à des créations nettes réelles d’emplois.
8 À titre d’exemple, J.-P. Cotis, chef économiste à l’OCDE, déclarait récemment que : « la France partage avec l’Europe du
Nord un niveau d’indemnisation (du chômage G. R.) important mais son service public de l’emploi est loin d’avoir l’effica-
cité de ceux des pays nordiques. Un système où l’on indemnise les chômeurs de façon substantielle ne peut fonctionner
qu’accompagné d’incitations adéquates et d’une capacité de reclassement importante. En France, ce service public est
lourd et fragmenté, avec la séparation entre l’ANPE gestionnaire et l’UNEDIC payeur. Dans de plus en plus de pays, les deux
entités sont fusionnées. Le gestionnaire a ainsi des moyens d’incitation, de motivation mais aussi de sanction financière »
(cité par Le Monde, 31-03, 2006, p. 12).
360
Salaire moyen
300
250
Salaire minimum
200
150
100
1951 1956 1961 1966 1971 1976 1981 1986 1991 1996 2004
(1) : salaires nets de prélèvements (cotisations sociales, CSG et CRDS) des salariés à temps complet (y compris les
apprentis et les stagiaires).
Champ : salariés du secteur privé et semi-public (y compris les apprentis et stagiaires).
Source : INSEE, DADS de 1950 à 2004 ; INSEE, Tableaux de l’économie française 2006.
Les experts de l’OCDE dénoncent régulièrement le niveau qu’ils jugent trop élevé du SMIC,
ce qui serait selon eux l’une des causes de l’importance du chômage structurel en France11.
9 Au 1er janvier 2007, 20 des 27 pays de l’Union européenne avaient un dispositif de salaire minimum légal, lequel allait de
92 euros par mois en Bulgarie à 1 570 euros au Luxembourg et concernait de 1 % des salariés en Espagne à 17 % en France.
10 La proportion des salariés payés au SMIC varie par ailleurs très fortement selon les branches d’activité : 0,5 % du total
dans l’énergie au 1er juillet 2006, mais 20,9 % dans le commerce, 22,1 % dans les IAA et 36,2 % dans les services aux
particuliers. Par ailleurs, 34,5 % des salariés à temps partiel sont rémunérés sur la base du SMIC (Tableaux de l’Économie
Française 2007, mise à jour 06-2007).
11 L’édition 2007 de l’étude annuelle que l’OCDE consacre à la France souligne ainsi que le SMIC « rapporté au salaire
médian, est le plus élevé des pays de l’OCDE ». Et J.-P. Cotis, déjà cité, expliquait récemment que « parmi les vingt pays
A - L’indemnisation du chômage
Elle consiste à assurer aux salariés privés d’emploi un revenu de remplacement leur ga-
rantissant le maintien d’un certain pouvoir d’achat. Ce n’est qu’en 1958 que fut créée
l’assurance chômage, dernière pièce de l’édifice que constituent les assurances sociales.
Toutefois, dès cette époque, le système d’indemnisation comporte deux volets : un volet
assurantiel et un volet assistanciel.
13 Lorsque le chômeur suit une formation, il perçoit une allocation formation-reclassement ou une allocation spécifique
de conversion.
14 Source : Ministère du Travail, des Relations sociales et de la Solidarité, 16 avril 2007, http://www.travail.gouv.fr
En dépit de ces politiques restrictives menées depuis le début des années 1980, le coût de
l’indemnisation n’a cessé de croître face à un chômage massif et persistant. Si les « presta-
tions chômage » représentent la part la plus faible dans le total des prestations de protec-
tion sociale reçues par les ménages (5,9 % seulement du total en 2007), ce sont cependant
celles qui ont connu la plus forte progression depuis les années 1970, suivant en cela la dé-
térioration de la situation de l’emploi. Leur part dans le PIB, qui était demeurée très faible
jusqu’au milieu des années 1970, passant de 0,3 % en 1959 à 1 % en 1975, a ensuite sen-
siblement progressé en parallèle à la montée du chômage, tout en demeurant cependant
nettement contenue. Elle s’est élevée à 2,4 % en 1993, puis est revenue à 2,2 % en 1999, et,
à la suite du durcissement des conditions d’indemnisation des chômeurs, à 1,7 % en 200922.
Dans ce contexte, et face à la perspective d’une crise de financement de l’assurance chô-
mage en raison de la persistance d’un chômage de masse, l’UNEDIC a été conduite à di-
verses reprises à augmenter le taux des cotisations de l’assurance chômage, afin de dé-
gager des ressources supplémentaires, tandis que l’État faisait appel à la solidarité des
fonctionnaires avec l’institution d’une cotisation solidarité de 1 % sur les salaires de la
fonction publique. Alors que le déficit cumulé de l’UNEDIC atteignait 10 milliards d’euros
fin 2002, la convention UNEDIC du 31 décembre 2002 s’est traduite par un relèvement des
cotisations de l’assurance chômage (passage de 3,7 % à 4 % du salaire brut de la cotisa-
tion patronale et de 2,1 % à 2, 4 % de la cotisation des salariés) et par le durcissement des
conditions d’indemnisation des chômeurs (réduction de la durée d’indemnisation et du
Certains analystes considèrent que cette substitution n’est pas anodine, la notion de « capacités professionnelles » étant
plus floue que celle de qualification, ce qui pourrait permettre de contraindre les chômeurs à accepter des emplois qui
ne correspondent plus à leur qualification acquise.
20 Lorsqu’un chômeur est inscrit au chômage depuis plus de trois mois, est raisonnable « l’offre d’un emploi compatible
avec ses qualifications et compétences professionnelles et rémunéré à au moins 95 % du salaire antérieurement perçu ».
Après six mois d’inscription au chômage, ce taux est ramené à 85 %. Après un an d’inscription au chômage, est consi-
dérée comme raisonnable une offre compatible avec les qualifications et compétences professionnelles du chômeur et
payée « au moins à la hauteur du revenu de remplacement » qu’il perçoit. Le texte de loi ne faisant pas de distinction
entre CDD et CDI, cela signifie a priori qu’un chômeur pourra se voir contraint d’accepter un CDD. De surcroît, au-delà
de six mois d’inscription au chômage, est raisonnable l’offre entraînant « à l’aller un temps de trajet, en transport en
commun, entre le domicile et le lieu de travail, d’une durée maximale d’une heure ou d’une distance à parcourir d’au
plus trente kilomètres ».
21 Il vaut d’être noté que, dans une interview au journal Le Monde du 28 août 2008, Christian Charpy, chargé de diriger
Pôle emploi, le nouvel organisme devant résulter de la fusion de l’ANPE et de l’UNEDIC, affirmait que le nombre de
chômeurs qui fraudent est « infime », ajoutant que : « le chômage est un drame et ceux qui sont touchés souhaitent
vraiment en sortir » (Le Monde, 28-08, 2008, p. 9).
22 Parallèlement, selon les estimations de l’INSEE, entre 1973 et 2005, le nombre de bénéficiaires de l’un des dispositifs
existants a été multiplié par 27, passant de 103 500 à 2,8 millions de personnes (INSEE, 2004-2005, p. 82).
Quoi qu’il en soit, il reste que, dès le milieu des années 1970, pour faire face à la montée
irrésistible du chômage, les pouvoirs publics ont mis en œuvre des mesures (réglementaires
et financières) visant, directement ou indirectement, à peser sur la croissance de la popu-
lation active en tentant de dissuader certaines personnes de se présenter sur le marché du
travail ou en les incitant à s’en retirer, mettant ainsi « hors circuit » une partie des deman-
deurs d’emplois.
On peut citer, à titre d’exemple de ces mesures, la création de l’allocation parentale d’édu-
cation (APE) qui, en pratique, a fonctionné comme une incitation au retrait d’activité, au
moins temporairement, notamment des femmes peu qualifiées et/ou percevant des bas
salaires26 : ce dispositif n’ayant cependant pas remis en cause la tendance lourde à l’accrois-
sement du taux d’activité des femmes, qui sont de plus en plus présentes sur le marché du
travail et dont le taux d’activité atteint 80 % pour celles qui ont entre 25 et 54 ans27. Paral-
lèlement, l’allongement de la scolarité obligatoire, qui répond à des objectifs qui lui sont
spécifiques, et la démocratisation de l’enseignement supérieur, permettant à une fraction
accrue de chaque génération d’entreprendre des études supérieures (répondant elle aussi
à des objectifs spécifiques), ont eu pour résultat dérivé de faire baisser sensiblement le
taux d’activité des 15-24 ans qui est passé de 50,6 % en 1975 à 33,7 % en 2005.
25 D. Clerc (1999, p. 49), qui en souligne l’ampleur, avance pour sa part que : « la progression de la population active
française depuis le début des années 1960 a été ignorée, sous-estimée ou écartée, et (que) nous n’avons pas su relever
ce défit collectif ».
26 Selon les données disponibles, 570 000 parents ont bénéficié de ce dispositif en 2006. Celui-ci concerne, en pratique,
presque exclusivement les femmes qui représentaient 98 % du total en 2005. Dans un rapport au Premier ministre D. de
Villepin, V. Pécresse soulignait à ce propos que « ce sont les mères qui étaient le moins insérées dans l’emploi qui ont
davantage eu tendance à quitter le marché du travail » (cité par Le Monde, 26-12, 2007, p. 7).
27 En 2005, 78 % de 25 à 29 ans et 81,2 % de 30 à 54 ans. Le taux d’activité de l’ensemble des femmes de 15 à 64 ans était
par ailleurs en 2005 de 63,8 % (France, Portrait social, éd. 2006, p. 201). Cela étant, si, en 2005, 86 % des femmes âgées de
25 à 49 ans et sans enfants étaient actives, ce taux tombait à 54 % pour les mères de trois enfants âgés de moins de 15 ans.
3
Sources : INSEE, Tableaux de l’économie
française 2003.
2
91
01
06
11
19 1
19 6
31
36
46
54
62
68
75
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2
2
18
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
20
28 Ces mesures partent de l’hypothèse, implicite pour certains, explicite pour d’autres, que l’immigration serait en tout ou
partie responsable du chômage contemporain, dans la mesure où les immigrés « occuperaient » des emplois qui, sans
cela, pourraient l’être par des « nationaux ». Limiter l’arrivée de nouveaux immigrants et/ou organiser le retour d’une
partie des immigrés dans leur pays d’origine permettrait alors de libérer des emplois et de réduire le chômage. Diverses
expériences historiques contredisent cependant cette hypothèse. C’est ainsi qu’aux États-Unis une immigration importante
n’a pas empêché le recul du chômage pendant les années 1990. De même, l’immigration importante de main-d’œuvre
étrangère en France durant les Trente Glorieuses (de 1954 à 1975 principalement), loin d’être un facteur de chômage, a
au contraire contribué à la croissance de l’économie française, en fournissant à certaines branches d’activité (BTP, auto-
mobile, etc.) la main-d’œuvre indispensable, tandis que la poussée du chômage qui a suivi le rapatriement des Français
d’Algérie en 1962 a vite été résorbée dans un contexte de forte croissance économique, elle-même stimulée par cette
arrivée en métropole de plus d’un million de rapatriés d’Algérie.
29 Tableaux de l’Économie Française 2007, mise à jour 01-2008)
Les politiques actives visent à créer des emplois ou à maintenir des emplois existants et à
favoriser l’insertion professionnelle des personnes en recherche d’emploi. Elles se décli-
nent en quatre grandes catégories d’intervention : les politiques d’insertion et de réin-
sertion professionnelles, la création d’emplois publics (A), les incitations financières à la
préservation ou à la création d’emplois (B) et le partage du travail (C).
Graphique 9.4
Evolution de l’emploi public (indice base 100 en 1980)
Les dernières années marquent une rupture avec cette politique de création d’emplois
publics. L’heure est désormais au non-remplacement d’une partie des fonctionnaires qui
partent à la retraite, dans un souci de réduction du déficit budgétaire, pour satisfaire les
obligations imposées par le Pacte de stabilité et de croissance et compenser le coût pour
les finances publiques des réductions d’impôts au bénéfice de certaines catégories de po-
pulation (cf. supra, chapitre IV). Mais la mise en œuvre de cette politique de réduction des
effectifs de la fonction publique ne s’est pas faite jusqu’à présent sans difficultés. Alors que
les lois de finances prévoyaient la suppression respectivement de 4 500 emplois en 2004,
7 300 en 2005, 5 400 en 2006 et 15 000 en 2007, il semble que les effectifs globaux de la
fonction publique d’État (EPA inclus) soient en réalité demeurés pratiquement stables en
raison des créations d’emplois dans les EPA (11 000 en 2007). Le gouvernement de F. Fillon
s’est cependant fixé comme objectif pour les années à venir de ne pas remplacer le départ
en retraite d’un fonctionnaire sur deux, ce qui devrait se traduire concrètement par la sup-
pression de 22 932 postes dès 2008 (soit une économie de l’ordre de 400 millions d’euros)
et 35 000 à partir de 2009 (pour une économie totale en années pleines de l’ordre de 700
à 800 millions d’euros selon les estimations du ministère des Finances35.
34 Il s’agit d’établissements qui exercent une mission de service public sous la tutelle de l’État et qui sont financés par l’État
ou par des ressources fiscales.
35 La fonction publique représente en France 21 % de l’emploi salarié. Fin 2004, on recensait 5 108 000 fonctionnaires
répartis en 2 553 000 dans l’administration d’État, 1 573 000 dans les collectivités locales et 992 000 dans les hôpitaux.
S’ajoutaient en tout 58 000 personnes bénéficiant de contrats aidés.
36 Selon une étude de l’OFCE, cet « effet d’aubaine aurait joué pour 80 % des contrats jeunes en entreprises » (Le Monde,
7-06, 2005, p. VI).
• Les incitations financières à la création d’emplois dans le secteur non marchand prennent
deux formes distinctes : les allégements de charges sociales et les réductions d’impôts pour
les emplois familiaux ou les services à domicile (emplois dits de service à la personne),
d’une part, divers types d’emploi aidés, d’autre part.
Concernant les emplois familiaux, un décret du 29 décembre 2005 en a fixé la liste : femme
de ménage, baby-sitter, jardinier, aide à domicile des personnes âgées, préparation des
repas, bricolage, maintenance informatique… Le recours des particuliers aux services cor-
respondants peut être rémunéré à l’aide du chèque emploi-service universel (CESU) qui
ouvre droit à un crédit d’impôt de 50 % du montant total des paiements effectués, dans la
limite de 15 000 euros par foyer fiscal et par an. Il s’agit donc de pousser les particuliers à
recourir à ce type de services par une incitation fiscale forte et une simplification des pro-
cédures administratives liées à l’emploi des personnes assurant ces services. Parallèlement,
des entreprises spécialisées dans la fourniture de ces services, et donc dans la création
d’emplois correspondants, sont incitées à se créer ou à développer leurs activités puisque,
une fois homologuées, ces sociétés de services bénéficieront d’une exonération de charges
patronales.
Divers types d’emplois aidés, conçus comme un sas entre le chômage et l’emploi, ont été
créés :
• les contrats emploi-solidarité (CES), institués en 1990, qui devaient porter sur une activité
d’intérêt collectif, et qui ont été renforcés par les contrats emploi consolidé (CEC), créés
en 1992 pour les titulaires de CES n’ayant pas trouvé d’emploi à l’issue de leur contrat ;
• les contrats emploi-ville (CEV), créés en 1996, d’une durée de cinq ans, et destinés aux
jeunes en difficulté résidant dans des grands ensembles et des quartiers d’habitat dé-
gradé ;
37 Les résultats des études destinées à mesurer l’impact réel, sur la création d’emplois, des réductions de charges sociales
sur les bas salaires sont en fait plutôt contrastés. Il faut dire que cet impact est difficile à mesurer avec précision. Selon
une étude de B. Crépon et R. Desplatz (2002), les dispositifs d’allégement de charges sur les bas salaires auraient permis
de créer ou de sauvegarder 460 000 emplois dans l’économie entre 1994 et 1997. La moitié de ces emplois serait des
emplois non qualifiés. Selon d’autres estimations, la politique de réduction des charges sociales sur les bas salaires aurait
abouti « à des créations nettes de l’ordre de 300 000 emplois au cours des 10 dernières années. Un peu moins que les
trente-cinq heures (350 000 emplois nets) (…) » (Clerc, 2004, p. 15).
38 P. Askenazy, cité par Le Monde, 7-06, 2007, p. VI.
Le plan borloo, précédant l’adoption de la loi de cohésion sociale, donne une impulsion nouvelle à l’appren-
tissage et prévoit que le nombre annuel de contrats d’apprentissage passera de 350 000 en 2004 à 500 000
en 2009 ainsi que le développement des « contrats de professionnalisation » (formations en alternance
pour des diplômés de niveau bac + 2) avec « 160 000 entrées d’ici 2009 » (tableau 9.3 et graphique 9.5).
Ajoutons que, si le passage aux 35 heures semble donc bien avoir été à l’origine de la
création d’un nombre relativement important d’emplois, la majeur partie des créations
d’emplois qui ont eu lieu en France à la fin des années 1990 (1,8 million d’emplois créés
en 4 ans) était due à la relance de la croissance économique et non à cette réduction du
temps de travail42.
42 Au-delà de l’incertitude concernant l’impact exact sur l’emploi du passage aux 35 heures, il ne fait cependant pas de
doute que l’on reste relativement en deçà des 700 000 emplois créés sur 5 ans, qui avaient été prévus dans une étude
réalisée par la Banque de France et la DARES (ministère de l’Emploi). D’une part, la réduction du temps de travail n’a
touché que 9 millions de salariés et non 12 millions comme prévu. D’autre part, les gains de productivité apparente du
travail, liés pour une part à l’intensification progressive du travail, qui ont accompagné cette réduction du temps de
travail, ont été plus élevés que prévu. En 2004, la durée annuelle moyenne du travail des salariés à temps complet (hors
enseignement) est de 1 600 heures (durée légale 1 607 heures) mais peut varier selon les métiers de 1 340 heures à 2 190
heures (Tableaux de l’Économie Française, 2006, p. 84).
*
Aux différentes mesures évoquées ci-dessus s’ajoutent par ailleurs des mesures d’incitation
au retour à l’emploi en direction des sans-emploi. Comme on l’a déjà évoqué, l’idée selon
laquelle les prestations sociales sont susceptibles de désinciter à la reprise d’une activité sa-
lariée (thèse de la trappe à inactivité) bénéficie d’un large écho. Catherine Vautrin, ancien
ministre du gouvernement, expliquait ainsi que : « Si le titulaire d’un RMI prend un emploi
à temps partiel avec un petit salaire, il risque de perdre les exonérations liées à son statut,
par exemple, les allocations pour le logement, pour les transports, les cantines gratuites
dans certaines villes, et donc d’être dans une situation financière moins intéressante, c’est
une situation que l’on rencontre souvent » (cité par Le Monde, 10-11, 2005, p. 14)44.
43 Mais il ne peut plus faire de doute aujourd’hui qu’une telle croissance devrait cependant répondre aux impératifs d’un
développement durable, respectueux de notre environnement et économe en matières premières et en énergie.
44 La référence à cette notion de trappe à inactivité et l’idée conjointe (défendue par certains) selon laquelle l’existence
du dispositif de protection sociale, et en particulier du RMI, pourrait désinciter à la reprise d’un emploi, ne laissent
cependant pas d’interroger. D. Clerc (1999, p. 234) souligne à ce propos, en se référant à différentes études, que, pour
la grande majorité des allocataires du RMI, la reprise d’un emploi payé au SMIC mais à temps plein se traduit par une
amélioration significative de leur situation. S’il y a un problème, c’est en fait que l’emploi que retrouvent les allocataires
du RMI est souvent un emploi à temps partiel. Ce qui signifie que c’est moins l’existence et le niveau du RMI que les
difficultés à accéder à un emploi à temps plein, autrement dit l’existence d’un chômage de masse, qui désincite à la
reprise d’une activité salariée.
On regroupe ici les politiques familiales, auxquelles on associe les politiques d’aide à l’ac-
cès des personnes au logement, et les politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion.
Les premières (§ 1), qui plongent leurs racines dans les mesures paternalistes mises en
œuvre par une partie du patronat dès la fin du XIXe siècle (création de cités ouvrières,
création de crèches d’entreprises, institution d’un sursalaire au bénéfice des salariés pères
de famille), ont pris en France une grande importance après la Seconde Guerre mondiale.
Les secondes (§ 2) sont beaucoup plus récentes et ont été mises en œuvre sous l’impact
de la crise contemporaine et du chômage de masse qui ont généré de nouvelles formes
de pauvreté et d’exclusion sociale auxquelles ces politiques tentent d’apporter certains
éléments de réponse. Le regroupement de ces différentes politiques tient compte de ce
que les dépenses liées au logement se partagent entre les politiques familiales proprement
dites et les politiques de lutte contre l’exclusion, tandis que, par ailleurs, la dimension spé-
cifique de lutte contre la pauvreté et l’exclusion s’affirme de plus en plus dans les politique
familiales. En 2007, l’ensemble des prestations de protection sociale liées conjointement à
la maternité-famille, au logement et à la pauvreté-exclusion s’élevaient à 72,982 milliards
d’euros, soient 13,27 % du total des prestations de protection sociale.
45 Les prestations logement ne relèvent véritablement des politiques familiales que lorsque le ménage bénéficiaire com-
prend des enfants. Pour les ménages sans enfant, elles sont versées dans le cadre des politiques de lutte contre l’exclusion
(cf. infra).
46 De ce point de vue, la France qui a, avec l’Irlande, l’indice conjoncturel de fécondité le plus élevé des pays européens
devrait être moins confrontée que les autres pays européens au problème du vieillissement de la population et aux
conséquences qui en résultent quant au financement des régimes de retraite.
47 Dans leur rapport au Conseil d’analyse économique, M. Godet et E. Sullerot (2005) estiment cependant, à propos de la
France, que « son modèle de politique familiale mise en œuvre à la Libération, en dépit de ses insuffisances, a incontes-
tablement soutenu la démographie » (Analyses économiques, n° 5, 2005, p. 2).
Pour importantes que soient les différentes fonctions reconnues aux politiques familiales,
il faut cependant souligner que la part des dépenses auxquelles elles donnent lieu dans
le PIB, à la différence des autres dépenses de protection sociale, est en régression ; elle
est passée de 4,9 % en 1959 à 4 % en 1999 et à 3,4 % en 2007. L’évolution des dépenses
liées aux politiques familiales depuis la Seconde Guerre mondiale fait ainsi apparaître un
renversement de certaines priorités. Alors qu’elles représentaient près de 50 % du total
des dépenses sociales en 1950 et encore un tiers de ces dépenses en 1960, elles sont tom-
bées à 11,8 % du total des prestations de protection sociale en 2006 (aides monétaires au
logement comprises).
Il faut cependant tenir compte de ce que la politique familiale, en France, passe également
par une mesure fiscale importante, le quotient familial qui, pour le calcul de l’impôt sur le
revenu des personnes physiques, décompose le ménage imposable en parts fiscales avec
attribution d’une part pour chaque adulte, une demi-part pour le premier et le second
enfant et une part à partir du troisième enfant. Ce dispositif joue un rôle important dans
la mise en œuvre du principe d’équité horizontale, puisqu’il aboutit à alléger fortement la
charge fiscale qui pèse sur les familles relativement à celle que supportent les personnes
sans enfant à charge. À titre d’exemple, avec ce dispositif, une famille ayant trois enfants,
ce qui représente 4 parts fiscales, paiera le même impôt sur le revenu qu’un célibataire
sans enfant dont le revenu imposable est quatre fois plus faible que celui de la famille
considérée. Ce dispositif particulier est d’ailleurs l’une des raisons qui expliquent que la
moitié des ménages français ne soit pas assujettie à l’IRPP. Il avantage cependant plus par-
ticulièrement les revenus élevés, ce que certains analystes justifient en faisant valoir que
le coût d’un enfant augmente avec les revenus familiaux (sa formation, ses loisirs sont plus
coûteux, l’équipement de sa chambre est plus onéreux…).
Outre l’impact de la dynamique spécifique de développement des autres composantes
des dépenses sociales (santé, vieillesse…), cette diminution du poids des dépenses liées
aux politiques familiales dans l’ensemble des dépenses sociales est due à la disparition des
familles nombreuses : le nombre de familles de 3 enfants et plus a diminué de 21 % entre
1962 et 1999, celui des familles de 4 enfants ou plus de 56,5 %. On ne peut cependant en
déduire que les politiques familiales seraient devenues un élément marginal des politiques
sociales et seraient condamnées à disparaître à plus ou moins long terme. Malgré leur
incontestable mais relatif recul, les politiques familiales demeurent néanmoins une com-
posante importante des politiques sociales. Les flux financiers en jeu sont loin d’être né-
gligeables : 61,8 milliards d’euros en 2006 (en incluant les aides monétaires au logement)
auxquels il faudrait ajouter les effets du quotient familial et des autres mesures fiscales.
Leur part dans le PIB national demeure sensiblement plus élevée que dans la plupart des
autres pays de l’Union européenne. Selon Eurostat, en 2002, la France se classait ainsi au
4ème rang de l’Union européenne à 25 pour le poids des dépenses consacrées aux politiques
familiales (prestations familiales + logement) dans le PIB (4,25 %), derrière le Danemark
48 L’échec de cette mesure a cependant été contrebalancé par un abaissement du plafond de l’avantage fiscal par enfant
procuré par le quotient familial, ramené, en 1999, suivant en cela la proposition du rapport Thélot-Villac, de 16 380
francs à 11 000 francs par enfant et par an. Il s’agit, ce faisant, de rendre moins anti-redistributif le quotient familial dont
la logique aboutit à une réduction d’impôt d’autant plus forte à nombre égal d’enfants que le revenu est plus élevé.
49 Au cours des débats qui ont précédé l’adoption de ce nouveau dispositif, certains n’ont pas hésité à affirmer qu’il signifiait
la mort de la famille (traditionnelle), cellule de base de la société.
50 Comme le souligne C. Mills, les objectifs initiaux de la politique familiale, c’est-à-dire principalement le soutien à la
natalité, en particulier par la réduction du coût de l’enfant et la préservation d’une possibilité d’activité professionnelle
pour les femmes, ont « progressivement glissé vers des objectifs sociaux de lutte contre la pauvreté et l’exclusion » (2001,
p. 31). Cela se reflète dans l’augmentation de la part des prestations sous conditions de ressources à la charge de la CNAF
dans le total des prestations familiales qui est passée de 12 % en 1970 à 60 % à la fin des années 1990.
51 Rappelons que l’indicateur conjoncturel de fécondité est obtenu en faisant la somme de la totalité des taux de fécondité
par âge pour une année donnée. Il indique le nombre d’enfants qu’aurait en moyenne chaque femme d’une génération
fictive, avec les taux de fécondité par âge observés au cours de l’année considérée pendant la totalité de sa période de vie
féconde (15-49 ans). Il faut souligner par ailleurs que la descendance finale des femmes nées en 1960 est de 2,09 enfants,
soit en fait pratiquement le chiffre qui correspond au seuil de renouvellement des générations (2,1 enfants par femme).
Mais il semble par ailleurs que cette descendance finale soit inférieure au nombre moyen d’enfants effectivement souhaité
qui serait de l’ordre de 2,3 - 2,4 enfants (Lefèvre et Filhon, 2005). Cela laisse supposer qu’une politique familiale plus
active pourrait avoir des résultats significatifs en termes de taux de fécondité et de descendance finale des Françaises.
52 Le taux d’activité des mères de deux enfants a diminué. On perçoit ici les liens qui peuvent exister entre politiques
familiales et politiques de l’emploi, les effets des premières pouvant s’inscrire dans la logique d’une politique de lutte
contre le chômage (politique de retrait d’activité).
53 Devenue la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) avec la prime à la naissance ou à l’adoption et l’allocation de
base qui sont l’une et l’autre sous conditions de ressources.
54 Jusqu’à cette date, seule l’APSE « longue » (c’est-à-dire de 6 mois à 3 ans) était soumise à conditions de ressources ; l’APSE
« courte » du 4ème mois de grossesse jusqu’aux 6 mois de l’enfant était versée sans conditions de ressources.
55 Le plafond de ressources au-dessus duquel le ménage ne pouvait plus percevoir les allocations familiales avait été fixé
initialement à 25 000 francs par mois.
56 Les excédents de la CNAF servant à équilibrer les comptes du régime général de la Sécurité sociale.
57 La création des sursalaires familiaux par les patrons du XIXe siècle évoquée antérieurement.
58 L’AGED, créée en 1986, aboutissait à reporter sur la CNAF et l’État l’essentiel du coût représenté par la garde d’enfant.
Sur un coût total d’approximativement 9 800 francs par mois, 7 500 francs étaient en moyenne à la charge de la CNAF
et de l’État, la famille ne participant que pour les 2 300 francs restants. Après une première réforme en 1999, destinée à
en alléger le coût pour les finances de l’État, le dispositif a été supprimé en 2004 à la suite de la création de la prestation
d’accueil du jeune enfant (PAJE) en 2003.
Tableau 9.4
Allocation veuvage : estimation DREES pour 2005 et 2006 ; Allocation supplémentaire de vieillesse : estimations
DREES pour 2006.
ASS, AER, AI, ATA : données provisoires 2006.
Sources : CNAF, MSA, Unédic (FNA), CNAMTS, CNAV ; Etudes et résultats, n° 617, décembre 2007.
Les dépenses correspondant à ces divers minima sociaux relèvent de l’expression de la soli-
darité nationale à l’égard des plus faibles et des plus démunis et sont financées par l’impôt.
Elles ont connu une forte augmentation à partir de 1988 avec la création du RMI dont le
nombre d’allocataires est en moyenne supérieur à 900 000 depuis 1996. Au 31 décembre
2005, 3,5 millions de personnes percevaient l’un des minima sociaux ou le revenu de solida-
rité, ces minima sociaux bénéficiant en réalité à environ 6 millions de personnes en tenant
B – La persistance de la pauvreté
Les données disponibles montrent qu’un nombre relativement important de ménages
français vivent encore aujourd’hui en dessous du seuil de pauvreté (a) et que l’exercice
régulier d’une activité professionnelle ne protège pas nécessairement contre la pauvreté
dont peuvent être également victimes les travailleurs pauvres (b).
a - Le seuil de pauvreté
Le seuil de pauvreté est fixé officiellement en France à 50 % du revenu médian (c’est-à-dire
du revenu pour lequel la moitié des titulaires de revenus perçoit plus et l’autre moitié moins),
ce revenu étant calculé par unité de consommation et avant impôts et transferts sociaux. Le
calcul qui permet de déterminer si un ménage vit ou non en dessous du seuil de pauvreté
s’effectue en tenant compte de la composition du ménage considéré. On détermine en fait
le niveau de vie ou le pouvoir d’achat de chacune des personnes qui constituent le ménage
en se référant au nombre d’unités de consommation qui correspond à ce ménage, selon
l’échelle suivante retenue par l’OCDE : le premier adulte compte pour 1, les autres adultes
et enfants de plus de 14 ans pour 0,5 chacun et les enfants de moins de 14 ans pour 0,3. Une
famille constituée d’un couple et de trois enfants de moins de 14 ans représente ainsi 2,4
unités de consommation. On divise le revenu global du ménage par le nombre d’unités de
consommation auquel il correspond pour déterminer le revenu par unité de consommation.
Celui-ci est ensuite comparé au revenu médian. Soulignons par ailleurs que, si en France le
seuil de pauvreté et fixé à 50 % du revenu médian par unité de consommation, Eurostat, au
sein de l’Union européenne, fixe le seuil de pauvreté à 60 % du revenu médian. En 2005, le
seuil de pauvreté à 50 % du revenu médian correspondait à un revenu de 681 euros par mois
pour une personne seule (817 euros par mois pour un seuil à 60 %) (tableau 9.5).
1970 1975 1979 1984 1990 1996 2000 2002 2002 2003 2004 2005
rétro
Euros Seuil à 439 551 636 660 705 720 764 799 805 805 803 817
constants 60%
2005
Seuil à 365 460 530 550 587 600 637 666 671 671 669 681
50%
Euros Seuil à 73 140 234 412 542 628 695 752 758 774 788 817
courants 60%
Seuil à 61 117 195 343 452 524 579 627 632 645 657 681
50%
Note : L’ERF 2002 rétropolée correspond, avec les enquêtes suivantes, au début d’une nouvelle série de statistiques
sur les revenus, s’appuyant sur les résultats annuels du recensement de la population. Cette nouvelle série prend par
ailleurs en compte les revenus soumis à prélèvement libératoires.
Champ : individus des ménages dont le revenu déclaré au fisc est positif ou nul et dont la personne de référence n’est
pas étudiante.
Source : enquêtes revenus fiscaux 1970, 1975, 1979, 1984, 1990 et de 1996 à 2005 INSEE-DGI.
En 1970, selon l’enquête sur les revenus fiscaux réalisée par l’INSEE, 2,491 millions de mé-
nages sur un total de 16,2 millions (soient 15,7 % du total) vivaient en dessous du seuil de
pauvreté (seuil à 50 % du revenu médian : 439 euros constants de 2005 par mois et par unité
de consommation). Ce chiffre a diminué jusque dans les années 1980 (1,486 million en 1990),
en raison principalement de la hausse progressive du minimum vieillesse qui a abouti à ce
qu’un grand nombre de ménages dont la personne de référence était une personne âgée
a pu franchir (de peu) le seuil de pauvreté. Il a ensuite remonté légèrement, pour s’établir
à 1,582 million en 2000 et 1,682 million en 2005 (tableau 9.6). En 2005, 3,733 millions d’in-
dividus (6,7 % de la population totale) étaient en situation de pauvreté pour un seuil de
pauvreté à 50 % du revenu médian (7,136 millions pour un seuil à 60 %)63 (tableau 9.6 et
graphique 9.8).
63 Pour l’Union européenne, et pour un seuil de pauvreté fixé à 60 % du revenu médian du pays européen considéré (lequel
varie donc très fortement d’un pays à l’autre), ce sont 72 millions de personnes, soient 16 % de la population européenne
totale, qui vivaient en 2003 en dessous du seuil de pauvreté, avec des écarts importants entre pays : 21 % de la popula-
tion totale pour la Grèce et l’Irlande, 19 % pour l’Italie, le Portugal et l’Espagne, 18 % pour le Royaume-Uni, 13 % pour
l’Autriche, 12 % pour les Pays-Bas et la France, 11 % pour le Danemark, la Suède et la Finlande, 8 % pour le Luxembourg.
Source : INSEE-DGI, Enquêtes Revenus fiscaux de 1970 à 2004 ; repris de France, portrait social, édition 2006, p. 227
64 Le salaire médian était égal à 1 484 euros nets par mois en 2005.
67 On rappelle qu’un couple avec deux enfants de moins de 14 ans représente 2,1 unités de consommation ou équivalent
adulte. Pour 50 % de la population, le revenu moyen après redistribution par équivalent adulte est inférieur à 1 365
euros par mois tandis que, pour les 10 % d’individus les plus pauvres, il est inférieur à 780 euros par mois et que, pour
les 10 % les plus aisés, il est supérieur à 2 450 euros par mois.
CHAPITRE 10
Pendant la période des Trente Glorieuses, le progrès social, qu’impulsent et que matériali-
sent les politiques sociales alors mises en œuvre par l’État, et la croissance économique ap-
paraissent comme étroitement complémentaires. Il est largement admis que la croissance
économique, qui permet, grâce au surcroît de richesse créée, de distribuer des revenus
sociaux par le biais du système de redistribution et de faire reculer progressivement la pau-
vreté, est une condition nécessaire du progrès social. Réciproquement, les retombées éco-
nomiques positives de celui-ci en termes d’amélioration et de stabilisation des débouchés
offerts aux entreprises, de qualité et de disponibilité de la main-d’œuvre, facteurs d’ac-
croissement de la productivité du travail, contribuent fortement à entretenir le processus
de croissance et font du progrès social un moteur du progrès économique. L’augmentation
régulière des dépenses consacrées à la protection sociale participe alors du cercle vertueux
caractéristique, selon les théoriciens de l’école de la régulation, du fordisme1.
La fin de la forte croissance des décennies de l’après-guerre et l’entrée de l’économie fran-
çaise, comme celle des autres grands pays industrialisés, dans une nouvelle longue phase
de difficultés économiques récurrentes au début des années 1970, marquent un tournant.
Dans un contexte caractérisé initialement par la dégradation de la rentabilité des capitaux
et la recherche par les entreprises d’une compression des coûts salariaux, la crise écono-
mique durable remet progressivement en cause l’articulation vertueuse de l’économique
et du social qui prévalait pendant les Trente Glorieuses, et fait redécouvrir la pauvreté.
Autrefois composantes et moteurs du développement économique, les politiques sociales
peuvent devenir une cause de déséquilibre dans la mesure où l’évolution des dépenses
qu’elles induisent diverge de celle des richesses produites. Les facteurs qui commandent
l’évolution de certaines dépenses sociales (prestations de santé et de retraite), comme
les besoins en matière de santé ou la démographie, sont largement, voire totalement,
Tableau 10.1
Evolution des emplois du compte de la protection sociale : 1990-2006
(en valeur)
Montants en millions d’euros
EMPLOIS 1990 1995 2000 2003 2006
Prestations de 267 937 342 878 399 127 463 008 529,2
protection sociale
Prestations sociales 239 609 305 146 349 413 403 511 458,6
Prestations en espèces 179 526 227 307 264 965 304 294 344,2
Prestations en nature 60 084 77 838 84 448 99 217 114,4
Prestations de services 28 328 37 732 49 713 59 497 70,6
sociaux
Frais de gestion 11 411 14 365 18 061 20 115 23,1
Transferts 34 904 60 767 78 406 93 133 113,0
Frais financiers 280 2 503 316 545 -
Autres dépenses 2 039 2 720 2 060 3 560 4,1
Total des emplois 316 571 423 234 497 969 580 362 688 403
Total des emplois hors 281 667 362 466 419 563 487 229 553 659
transferts
4 La protection sociale recouvre concrètement une diversité de régimes (cf. infra). Les transferts entre régimes sont des flux
financiers internes au dispositif de protection sociale qui s’annulent au niveau de l’ensemble des régimes et sont donc
sans incidence sur le financement de l’ensemble de la protection sociale. Ces flux se sont notamment développés avec
la mise en place de la compensation démographique instituée par la loi de 1974 qui, en matière d’assurance-maladie et
d’assurance-vieillesse, impose aux régimes dont le rapport cotisants sur bénéficiaires est élevé, de participer au finance-
ment des régimes en difficulté.
5 Il est à souligner que le coût de fonctionnement du système de protection sociale français est donc particulièrement
modéré, contrairement à ce que soutiennent le plus souvent les partisans de sa privatisation totale ou partielle.
Le montant total des dépenses correspondant aux prestations de protection sociale se ré-
partit très inégalement entre les différents risques. En 2007, les prestations de protection
sociale se répartissaient entre les différents risques couverts par la protection sociale de la
manière suivante (tableau 10.2 et graphique 10.1).
• Vieillesse-survie : 246,95 milliards d’euros, représentant 44,9 % des dépenses totales
(13,1 % du PIB), dont respectivement 146,36 milliards d’euros pour les pensions du ré-
gime de base, 49,81 milliards pour les pensions complémentaires, 32,15 milliards pour
les pensions de réversion, 2,26 milliards pour le minimum vieillesse, 4,61 milliards pour
l’allocation personnalisée d’autonomie (APA).
• Santé : 195,34 milliards d’euros et 35,5 % des dépenses sociales totales (10,4 % du PIB),
dont respectivement 158,11 milliards pour la maladie, 28,48 milliards pour l’invalidité et
8,75 milliards pour les accidents du travail et les maladies professionnelles.
• Maternité-famille : 50,30 milliards d’euros représentant 9,1 % des dépenses totales
(2,7 % du PIB), dont respectivement 6,67 milliards pour la maternité et 43,63 milliards
d’euros pour la famille.
• Emploi : 34,33 milliards d’euros et 6,3 % des dépenses totales (1,8 % du PIB), dont res-
pectivement 23,69 milliards pour l’indemnisation du chômage (au titre du « régime d’as-
surance », avec l’Allocation de retour à l’emploi, et au titre du « régime de solidarité »
avec l’Allocation de solidarité spécifique, l’Allocation équivalent retraite et l’Allocation
d’insertion), 2,20 milliards pour les préretraitaires et 2,3 milliards pour l’insertion et la
réinsertion professionnelles.
• Logement : 14,23 milliards d’euros, soit 2,7 % des dépenses totales (0,8 % du PIB).
• Pauvreté-exclusion : 8,44 milliards d’euros, soit 1,5 % des dépenses totales (0,4 % du
PIB), dont 6, 35 milliards d’euros pour le RMI. Il faut souligner qu’à l’exception du RMI les
différents minima sociaux ne sont pas classés dans ce poste de dépenses mais dans celui
qui, pour chacun d’eux, correspond à leur contenu spécifique (minimum vieillesse dans le
risque vieillesse-survie, ASS dans le risque emploi, etc.).
Sources : DREES.
logement
chomage 2,7% en structure
pauvreté-exclusion
0,5% en structure (0,8% du PIB)
(2% du PIB) 1,5% en structure (0,5 du PIB)
famille
7,8% en structure (2,3% du PIB)
maladie
maternité 28,6% en structure
1,2% en structure (0,3% du PIB) (8,5% du PIB)
survie
6,6% en structure (2% du PIB)
invalidité
vieillesse 5% en structure (1,5% du PIB)
37,4% en structure
(11,1% du PIB)
accidents du travail
1,6% en structure (0,5% du PIB)
Sources : Comptes de la protection sociale 2005, DRESS, Etudes et résultats, n° 523, septembre 2006.
TAbLEAU 10.3
Les prestations de protection sociale en 2007 :
contribution des régimes aux différents risques en %
Vieillesse Maternité Exclusion Total des
Santé Emploi Logement
Survie Famille sociale prestations
Assurance sociales 27,7 41,6 6,2 4,1 0,7 - 80,3
Régimes de la sécurité sociale 22,6 15,2 6,2 - 0,7 - 44,6
Autres régimes 5,1 26,4 0,1 0,2 - - 31,8
Indemnisation du chômage 3,9
- 0,0 - - - 4,0
régime d’employeurs 0,5 0,0 0,7 1,2 - - 2,4
régime de la mutualité* 3,5 1,2 0,0 - - - 4,8
régime d’intervention des
pou. pub.
2,6 2,1 2,1 0,9 1,9 1,2 10,9
régime d’intervention des
ISbLSM
1,3 - - - - 0,4 1,6
Total 35,5 44,9 9,2 6,2 2,6 1,5 100
Les régimes d’assurances sociales ont à eux seuls versés en 2007 80,3 % du total des pres-
tations de protection sociale, le régime général de la Sécurité sociale représentant pour
sa part 44,6 % de l’ensemble des prestations de protection sociale versées, et le régime
d’indemnisation du chômage 4,0 % du total des prestations.
Les différents régimes d’intervention sociale des pouvoirs publics (APUC et APUL) ont versé
en tout 10,9 % du total des prestations. Cela concerne pour l’essentiel des prestations de
solidarité : CMU, AAH, allocation compensatrice versée aux personnes handicapées, APA,
ASS et autres allocations de chômage versées dans le cadre du « régime de solidarité »,
allocations de logement, aide sociale à l’enfance, bourses d’études, RMI…
Les régimes non obligatoires de la mutualité, de la retraite supplémentaire et de la pré-
voyance ont versé en tout 4,8 % du total des prestations de protection sociale: 72,9 % de
leurs prestations correspondent à la couverture du risque santé et 26,1 % à celle du risque
vieillesse-survie.
Le reste des prestations a été versé par les régimes d’employeurs (2,5 % du total des pres-
tations) et par les régimes d’intervention des ISBLSM (1,6 % du total des prestations).
* Hors aide médicale, service social départemental, frais commun, aide sociale facultative et services sociaux sans
comptabilité distincte pour 2001 à 2003, hors services communs et autres interventions sociales à partir de 2004.
** Dépenses d’allocation et d’insertion liées au RMI, aux CI-RMA et aux contrats d’avenir.
Note : les dépenses d’ACTP et de PCH pour les personnes de 60 ans ou plus sont intégrées aux dépenses à destina-
tion des personnes âgées.
(p) Provisoire
Champ : France métropolitaine.
Source : DREES – Enquête Aide sociale ; Études et résultats, n° 682, mars 2009.
Au cours des toutes dernières années deux postes de dépenses ont vu leur part dans l’en-
semble croître fortement : les dépenses liées au RMI depuis que la responsabilité du paie-
ment de l’allocation de RMI a été transférée aux départements, d’une part, et les dépenses
de l’aide sociale aux personnes âgées avec la montée en charge de l’APA, d’autre part
(graphique 10.2).
Note : les dépenses d’ACTP pour les personnes de 60 ans ou plus sont intégrées aux dépenses en direction des
personnes pagées.
Source : DREES – enquête Aide sociale ; Etudes et résultats, n° 543, décembre 2006, p. 3.
Soulignons par ailleurs que les départements peuvent compléter l’aide sociale légale et
obligatoire par des dispositions de nature extralégale et facultative prenant la forme :
1) d’une aide sociale extralégale, c’est-à-dire de prestations versées au bénéfice des per-
sonnes âgées, des handicapés, de l’enfance ou des personnes en difficultés sociales dans
des conditions ou pour des montants plus favorables aux bénéficiaires que ce que pré-
voit la réglementation concernant l’aide sociale légale ;
2) de diverses autres formes d’action sociale de caractère facultatif (prestations financières
et actions ciblées sur des groupes de la population fragiles qui ne correspondent pas
directement au champ de compétences du département (comme la santé) ou qui sont
au contraire dans son champ de compétences (action sociale scolaire, restauration et
transport scolaires, par exemple). Cette action sociale facultative a une dimension inno-
vatrice et doit permettre « d’apporter des solutions substitutives ou complémentaires
aux dispositifs ou structures d’accueil existants » (Aubree et alii, 2006, p. 4).
6 Les cotisations « imputées » ou « fictives » représentent la participation des employeurs, privés ou publics, au financement
d’un régime d’assurance sociale dont ils assurent eux-mêmes la gestion au bénéfice de leurs propres salariés et de leurs
ayants droit, et qui sont la contrepartie des prestations sociales que l’employeur verse directement à ses salariés comme,
par exemple, la retraite des fonctionnaires.
7 Ce poste comprend aussi bien des dons et legs que des revenus immobiliers et des revenus financiers.
Tableau 10.7
Capacité (+) ou besoin (-) de financement des administrations de sécurité
sociale (en milliards d’euros)
* Régime général, régimes d’indemnisation du chômage, fonds spéciaux, régimes complémentaires, autres régimes.
Sources : INSEE, Comptes nationaux ; DRESS, Etudes et résultats, n° 667, octobre 2008.
8 Le numérateur du taux de pression sociale additionne de véritables prélèvements obligatoires (cotisations sociales effectives
et taxes et impôts affectés), des cotisations imputées et des versements volontaires à des organismes privés (cotisations
aux mutuelles, par exemple).
Eurostat publie des statistiques (avec pour certaines un délai important) concernant la pro-
tection sociale dans les différents pays de l’Union européenne, qui sont harmonisées selon
le système européen de statistiques intégrées de protection sociale (SESPOS). Il en ressort
que le poids des prestations de protection sociale dans le PIB varie sensiblement d’un pays
à l’autre. En 2005, il était en moyenne de 26,3 % pour l’UE à 25, en hausse par rapport à
1990, avec une fourchette allant de 17 % en Irlande à 30,9 % en Suède pour les pays de
l’UE à 15 et de 11,9 % en Lettonie à 22,9 % en Slovaquie pour les dix nouveaux pays entrés
dans l’UE en 2004 (Graphique 10.3).
9 En l’état actuel des choses, la définition et la conduite des politiques sociales demeurent en Europe pour l’essentiel de
la responsabilité des États-membres. Cela ne signifie pas que la construction européenne ait totalement laissé de coté le
domaine de la protection sociale et des politiques sociales. Plusieurs textes, conventions, chartes ou traités ont été suc-
cessivement adoptés par un nombre plus ou moins grand de pays européens depuis les années 1960 ; mais on est encore
très loin de l’Europe « sociale » que certains appellent de leurs vœux.
Les taux les plus élevés s’observent plutôt dans les pays les plus riches et/ou ceux du Nord
de l’Europe. Les pays du Sud de l’Europe (Italie, Espagne, Grèce, Portugal) se situent plutôt
en dessous de la moyenne de l‘UE, tandis que les pays du Nord de l’Europe (à l’exception de
la Finlande, du Luxembourg et de l’Irlande) se situent plutôt au niveau ou au-dessus de la
moyenne.
Les différences tiennent à divers facteurs :
• le niveau du PIB par tête, les pays les plus développés étant le plus souvent ceux qui, en
moyenne, ont le taux de redistribution le plus élevé ;
• la structure de la population du pays (une population vieillissante consomme propor-
tionnellement plus de prestations d’assurance vieillesse et de prestations d’assurance ma-
ladie qu’une population jeune) ;
• la configuration des système nationaux de protection sociale (qui sont plus ou moins
« généreux » et couvrent de manière plus ou moins extensive les différents risques so-
ciaux) ;
• les traditions en matière de solidarités familiales…
Il existe également des différences significatives ente les pays de l’UE concernant la réparti-
tion de ces dépenses entre les différents risques sociaux auxquels elles répondent (tableau
10.8). Cela étant, le risque vieillesse-survie représentait en moyenne en 2005 45,9 % du
total des prestations de protection sociale dans l’ensemble de l’UE en 2005 (mais 26,6 % en
Irlande et 60,7 % en Italie)10, et le risque santé 28,6 % du total des prestations.
10 Comme la France, mais bien plus encore pour la quasi-totalité d’entre eux, les pays de l’Union européenne sont confrontés
au problème posé par la dégradation de leur ratio de dépendance démographique (rapport de la population âgée de
plus de 65 ans sur celle comprise entre 20 et 65ans). Égal à 39,5 % en 2000, pour l’Union européenne à 15, il passerait,
Les ressources de la protection sociale se répartissent dans l’ensemble de l’UE entre les
cotisations sociales pour 60 % du total (59,5 % en 2005 pour l’UE à 15), les contributions
publiques et impôts et taxes affectés pour 36,9 % et les autres ressources pour 3,1 %.
La part respective des cotisations sociales, d’une part, et de la somme des contributions
publiques et impôts et taxes affectés, d’autre part, varie cependant sensiblement d’un pays
à l’autre (graphique 10.4).
GrAPhIqUE 10.4
Le financement de la protection sociale dans l’Union européenne par catégorie
de financements en 2003
selon les estimations réalisées (OCDE, 2006 et COR 2004), à 79,5 % en 2050.
Dans le cadre de cette tendance de longue période à l’augmentation, la part des dépenses
de la protection sociale dans le PIB connaît par ailleurs, à court et moyen terme, une évolu-
tion de caractère contracyclique. Sa hausse s’accélère en phase de ralentissement conjonctu-
rel de la croissance économique, alors que le rythme de croissance du PIB fléchit tandis que
celui des prestations sociales augmente, la hausse du chômage et l’évolution défavorable
des revenus se traduisant alors par l’augmentation des dépenses d’indemnisation du chô-
mage et par l’accroissement des prestations soumises à condition de ressources. Pour des
raisons symétriques, la hausse de la part des dépenses globales de protection sociale dans le
PIB ralentit en phase d’accélération conjoncturelle de la croissance économique.
Le taux de redistribution sociale (rapport des prestations de protection sociale sur le PIB) a
progressé par paliers successifs depuis le début des années 1980, passant de 24,5 % en 1981
à 29,6 % en 2005 et 29 % en 2007, soit une hausse de 4,5 points de PIB en moins de trois
décennies : hausse de 1981 à 1985, suive d’un léger reflux jusqu’en 1989 ; nouvelle augmen-
tation jusqu’en 1993, suive d’une quasi-stabilisation jusqu’en 2001 ; nouvelle hausse à partir
de 2002.
Alors qu’il s’établissait à 27,68 % en 2000 (calculé en base 2000 de la comptabilité nationale),
il a repris son mouvement de hausse jusqu’en 2005 (29,6 %), en raison du ralentissement
en tendance du rythme de croissance du PIB observé au cours de cette période, tandis que
les dépenses de protection sociale continuaient d’augmenter. Il a légèrement fléchi depuis
Les causes de cette croissance de longue période de l’ensemble des dépenses de protection
sociale depuis le début des années 1970 et, corrélativement de leur part dans le PIB, sont
relativement bien identifiées. On les a déjà évoquées dans les deux chapitres précédents
en examinant tout à tour les différentes composantes de la protection sociale. Ce sont plus
particulièrement les cinq causes suivantes.
• L’évolution démographique, avec ces deux facteurs majeurs d’accroissement des dépenses
de protection sociale que sont l’augmentation de la population totale et le vieillissement
de la population, mesuré conventionnellement par l’augmentation de la part des plus de
65 ans dans la population totale. Cette dernière est passée de 56,600 millions en 1985 à
60,751 millions en 2000 et 63,573 millions en 2007, avec un solde naturel atteignant alors
290 000, 816 500 naissances (830 300 en 2006) et un solde migratoire net évalué à + 71 000
personnes (+ 90 000 en 2006). Parallèlement à cette augmentation sensible de la popu-
lation totale (+ 11,6 % en 21 ans), la part des plus de 65 ans dans la population totale a
augmentée passant de 10 % en 1960 à 16,2 % en 2007.
• Le progrès technique, particulièrement rapide dans le domaine de la santé au cours des
dernières décennies, qui, s’il permet d’un côté de réduire le coût de traitement de certaines
affections, se traduit par ailleurs et surtout par la mise au point de nouveaux traitements
et de nouveaux modes opératoires (imagerie médicale…) plus efficaces mais également le
plus souvent plus, voire beaucoup plus coûteux.
• L’aspiration grandissante des populations à une meilleure couverture de leurs besoins en
matière de santé, celle-ci étant considérée comme un bien supérieur dont la consomma-
tion, comme celle de tous les biens supérieurs, progresse plus vite que le revenu.
• L’élévation générale du niveau de vie moyen de la population et, dans ce contexte, l’aspi-
ration du plus grand nombre à pouvoir bénéficier tout au long de sa vie de conditions de
vie « décentes ». Cela s’est traduit en particulier par la hausse du coût de la prise en charge
de la vieillesse, la revalorisation progressive des pensions de retraite se conjuguant avec la
maturation progressive du régime général de retraite par répartition mis en place après
la Seconde Guerre mondiale13. Cela s’est traduit également par l’obligation d’améliorer
significativement la prise en charge de certaines populations particulièrement défavori-
sées (handicapés, invalides) : création de l’AAH, renforcement de l’aide sociale, création
de l’APA.
• Des changements dans les rapports sociaux avec en particulier la hausse régulière et très
marquée du taux d’activité des femmes qui a été permis par le (et qui à contraint au) dé-
veloppement des dispositifs de prise en charge de la petite enfance, d’aide à la garde des
enfants en bas âge, création de l’API, etc.
13 Cela s’est manifesté par l’augmentation des droits à pension des nouvelles générations de retraités constituées de
salariés ayant accompli des carrières professionnelles complètes, et bénéficiant par conséquent de retraites à taux plein.
La part des cotisations sociales (et plus spécifiquement des cotisations patronales) dans
le total des ressources de la protection sociale régresse : proche de 80 % du total des
ressources pendant les années 1980, elle est passée de 79,5 % en 1990 à 65,45 % en 2007
(graphique 10.7). C’est la part des cotisations d’employeurs qui a le plus baissé, la part des
cotisations sociales effectives patronales dans le financement total de la protection sociale
passant de 47 % en 1990 à 36,6 % en 2007.
GrAPhIqUE 10.7
Répartition des ressources hors transferts du compte de la protection sociale :
Comparaison 1990 et 2005
Source : ministère de la Santé et des solidarités, Drees, compte de la protection sociale (base 2000)
Cette baisse de la part des cotisations sociales dans le financement total de la protection
sociale résulte de la conjonction de deux facteurs :
14 Pour le travail très qualifié des dirigeants d’entreprise c’est une toute autre affaire si l’on en juge par les augmentations
de salaire et autres avantages divers qu’ils s’attribuent généreusement (cf. chapitre III).
15 L’efficacité des réductions ou suppressions de charges sociales en termes de création ou de préservation d’emplois est
de surcroît sujette à caution, le coût pour la collectivité des emplois créés ou préservés étant en outre très élevé (cf.
supra, chapitre IX).
À l’opposé de celle des cotisations sociales, dont on vient de voir qu’elle a diminué globale-
ment, la part du financement public (impôts et taxes affectés aux dépenses sociales et contri-
butions publiques, c’est-à-dire les dotations aux régimes sociaux de l’État et des collectivités
locales) dans le financement total de la protection sociale a augmenté de 17,6 % en 1981
à 30,35 % en 2000 et 31,35 % en 2007. Mais, alors que la part des contributions publiques
a plutôt régressé, passant de 15,3 % en 1981 à 11,2 % en 2000 et 9,9 % en 2006 et en 2007
(13,55 % en 2005), celle des impôts et taxes affectés a fortement augmenté, passant de
2,3 % en 1981 à 19,15 % en 2000 et 21,43 % en 200716. Cette forte hausse de la part du finan-
cement fiscal est l’effet en particulier de la création de la CSG en 1991 et de ses hausses suc-
cessive (1,1 % à sa création en 1991, 2,4 % en 1993, 3,4 % en 1997 et 7,5 % en 1998, la CSG
se substituant à l’essentiel des cotisations sociales salariales d’assurance-maladie ; en 2005, le
taux de la CSG sur les revenus du patrimoine et les revenus de remplacement a de nouveau
été relevé, et son assiette sur les salaires a été élargie, tandis qu’en 2006 les plans d’épargne
logement de plus de 10 ans ont été soumis aux prélèvements sociaux17. À quoi s’est ajoutée
la création en 1995 de la Contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) au
taux de 0,5 %. En 2005, la CSG et la CRDS ont rapporté à elles deux 72 milliards d’euros, soit
sensiblement plus que l’impôt sur le revenu (un peu moins de 50 milliards d’euros) ; 89 %
du total correspond à un prélèvement sur les salaires et les ressources de remplacement
(retraites, indemnités journalières de maternité et de maladie, indemnités de chômage) et
10,5 % seulement sur les revenus du capital. Les revenus financiers des entreprises, soit ap-
proximativement 80 milliards d’euros par an pour les sociétés non financières, n’y sont pas
soumis. Il faut souligner par ailleurs que, à la différence de l’impôt sur le revenu qui est
progressif, la CSG est un impôt proportionnel. Les contributions publiques des APUL sont en
augmentation. Leur part dans les prestations de protection sociale atteignait 5 % en 2006.
16 17,37 % en 2005. La forte augmentation enregistrée entre 2005 et 2006, alors que la part des contributions publiques
baissait (de 13,5 % du total des ressources de la protection sociale à 9,9 % en 2006) s’explique par le fait que les allége-
ments de charges sociales accordés aux entreprises qui, en 2004 et 2005, étaient compensés par des transferts du budget
de l’État aux régimes de Sécurité sociale (traités par conséquent en contributions publiques dans les comptes de la pro-
tection sociale) ont été compensés en 2006 par des affectations d’impôts, avec en particulier l’augmentation des droits
sur les tabacs et les alcools (traités en impôts et taxes affectés dans les comptes de la protection sociale).
17 En dehors de la CSG et de la CRDS, on décompte 23 impôts et taxes affectés au financement de la protection sociale, dont
la plupart ont été instaurés dans les années 1990.
20 On observe d’ailleurs une même inflexion des politiques de santé vers des tentatives de limiter la croissance des dépenses
dans d’autres pays de l’UE au même moment (réforme Seehofer en Allemagne en 1992, plan Simons en 1994 aux Pays Bas).
21 Certains auteurs s’inquiètent de cette évolution de la protection sociale aboutissant à renforcer le lien entre le montant
des cotisations et celui des prestations. P. Concialdi y voit le risque de « déboucher sur une déstabilisation total des prin-
cipes de solidarité qui fondent l’organisation des systèmes de protection sociale » (1999, p. 7). Selon lui, la contributivité
ainsi entendue ouvre en effet la voie à une « individualisation totale de la protection sociale qui peut ouvrir la porte
à diverses formes de privatisation où les normes de protection sociale seront alors dictées par le marché » (Id., p. 7).
22 Selon P. Concialdi (1999), ces diverses réformes de la protection sociale ont eu pour conséquence de modifier le rôle
Avec les propositions concernant la valeur ajoutée, il s’agit en fait d’élargir la base de calcul
des cotisations. Toujours dans cette optique d’élargissement de la base de calcul des prélè-
vements destinés au financement de la protection sociale, divers auteurs, qui ne reprennent
pas nécessairement à leur compte les propositions visant à substituer la valeur ajoutée aux
salaires comme assiette pour le calcul des cotisations sociales, soulignent que la contribution
des revenus du patrimoine et des placements au financement de la protection sociale est
faible ; à l’image des ressources procurées à la protection sociale par la CSG dont 10,5 %
seulement proviennent de la CSG prélevée sur les revenus du patrimoine et les placements
contre 88,9 % qui proviennent des revenus d’activité et des revenus de remplacement en
2004. Ils préconisent par conséquent d’accroître sensiblement le prélèvement effectué sur
ces revenus. C. Mills et J. Caudron (2007) soulignent ainsi que l’application d’une cotisation
de 10 % aux revenus financiers des entreprises et aux revenus financiers nets des institu-
tions financières, qui en sont exonérés, permettrait de dégager annuellement des ressources
23 Le fait est que divers revenus demeurent hors du champ des cotisations sociales. Pour l’année 2005, estimation la plus
récente, selon le rapport de la Commission des comptes de la Sécurité sociale, les exemptions d’assiette de Sécurité sociale
s’appliquant aux revenus d’activités salariées (actionnariat salarié et participation financière, aides directes consenties par
les employeurs aux salariés telles que tickets restaurants, chèques vacances, etc., retraite supplémentaire et prévoyance
complémentaire, indemnités liées à la rupture du contrat de travail) se sont élevées en tout à 41 milliards d’euros. Dans
le cadre des mesures à l’étude pour la préparation du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2009 figure
cependant l’institution d’un « forfait social » sur les revenus distribués par les entreprises au titre de l’intéressement et
de la participation.
46 % de charges sociales, mais 20 %, 26 % au niveau de 1,1 SMIC et 30 % pour 1,2 SMIC », ce qui conduit à s’interroger
sur l’opportunité et l’intérêt d’une nouvelle baisse de ces cotisations sociales financée par la création de la TVA sociale.
26 Il ressort de l’enquête réalisée par la DREES en 2005 que « au total, 83 % des personnes interrogées (+ 10 points en cinq
ans) pensent que les systèmes d’assurance-maladie ou de retraite doivent rester essentiellement publics » (Boisselot,
2006, p. 6).
3) Plus récemment, dans le prolongement des critiques précédentes, a en outre été avan-
cée l’idée selon laquelle le système de protection sociale, en raison de ses caractéristiques
propres, pourrait être à l’origine de (ou contribuer à) la pérennisation non seulement de
certaines des difficultés économiques du pays, mais également de certaines difficultés so-
ciales. Fondée sur un système assurantiel, la protection sociale en France ne protégerait en
effet réellement que ceux qui ont la capacité de cotiser, excluant de facto ceux qui ne le
peuvent pas en raison de leur incapacité d’exercer une activité professionnelle rémunérée,
alors même que ce sont eux qui en auraient le plus besoin, aggravant par là-même les phé-
nomènes d’exclusion sociale (Palier, 2003, p. 12).
28 Rappel : la propension moyenne à consommer est le rapport entre la consommation d’un ménage et son revenu (C / Y),
tandis que la propension marginale à consommer est le rapport entre la variation de la consommation et la variation
du revenu (∆C / ∆Y).
29 Une étude de P. de Grauwe (2003) qui met en rapport les dépenses de Sécurité sociale et le niveau de compétitivité
dans les pays de l’OCDE montre ainsi que, à l’exception des États-Unis, « les pays ayant une compétitivité élevée, en
moyenne, dépensent plus pour la Sécurité sociale que les pays se trouvant avec un classement inférieur » (id, p. 68). Selon
l’auteur, cela peut s’expliquer par le fait que la compétitivité est directement conditionnée par la qualité du « capital
humain » : « Une main-d’œuvre bien éduquée a plus de chance d’être créative, de découvrir de nouvelles technologies,
de nouveaux produits et de nouvelles techniques. Et la capacité d’innovation est cruciale dans le maintien et l’amélio-
ration de la compétitivité. Il est possible de soutenir que le capital humain d’une nation est aussi amélioré par un bon
fonctionnement des systèmes sociaux. Un tel système permet aux travailleurs de se sentir moins à risque et leur donne
l’impression d’appartenir au système. Un tel sentiment d’appartenance conduit à des sociétés stables avec un sens de
cohésion fort. De plus, un système de Sécurité sociale performant peut conduire les personnes à prendre plus de risques
pour initier une nouvelle activité ou un nouveau travail, sachant que l’échec éventuel ne les conduira pas à la pauvreté.
En bref, un tel système performant de Sécurité sociale crée un « capital social » qui, in fine, est source d’amélioration de
la productivité d’une nation » (id, p. 69).
En pratique, les prévisions concernant l’évolution future des dépenses de protection sociale
sont fortement conditionnées par celles qui sont faites à propos de l’évolution de la popula-
tion du pays. Les prévisions des différents rapports officiels qui se sont succédés depuis une
vingtaine d’années, concernant en particulier l’évolution des dépenses liées aux régimes de
retraite ou celle des dépenses de santé à l’horizon 2040 ou 205032, reposaient ainsi généra-
lement sur les hypothèses formulées par l’INSEE concernant des variables démographiques
telles que l’indice conjoncturel de fécondité, le solde migratoire annuel, l’augmentation
de l’espérance de vie des individus… Or, dans des travaux récents (juillet 2006), et compte
tenu des observations faites au cours des dernières années sur l’évolution de la population
française, l’INSEE a été conduit à modifier fortement ses hypothèses antérieures concernant
l’évolution future de la population française, ce qui n’est pas sans conséquences.
Les projections démographiques effectuées par l’INSEE au tout début de l’actuelle décennie
32 En rappelant que ces deux catégories de dépenses sociales représentent à elles seules environ 80 % du total des dépenses
de protection sociale.
34 En Californie, la réforme de 1995 a abouti à ce que les adultes ne peuvent désormais percevoir une aide sociale qu’à la
condition de participer à des travaux d’utilité collective pour 100 heures par mois. La réforme de l’aide sociale américaine
de 1996 a instauré la conditionnalité de l’aide ; celle-ci ne peut par ailleurs être accordée plus de deux ans de suite et au
maximum cinq ans sur la durée totale de vie du bénéficiaire.
35 Aubin (2006, p. 21) souligne à ce propos que le contentieux important des « recalculés » auquel a donné lieu la ré-
forme de l’indemnisation du chômage, contentieux qui est « lié à l’ambiguïté du PARE qui a transformé le chômeur en
cocontractant », est une autre manifestation, inattendue pour les pouvoirs publics, de cette contractualisation de la
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Bibliographie 609
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Filière administrative
• Adjoint administratif de 1ère classe
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Filière culturelle
Guide pratique de l’enseignement artistique - S. Markiewicz - 14 €
Bibliographie 611
Économie contemporaine
ABC
c a t é g o r i e
Tome 2
Les politiques économiques et sociales de l’État
Régions, départements, collectivités locales autant de lieux où les
agents publics au contact des citoyens et usagers du service public
sont confrontés aux contraintes économiques et juridiques, le droit
communautaire ou les aléas économiques constituent de plus en plus des
Économie
constantes qui agissent sur l’environnement territorial. Le mouvement de
décentralisation, du RSA à la formation professionnelle en passant par le
soutien à l’action économique, ne fait qu’imbriquer un peu plus ces deux
contemporaine
dimensions.
Attaché ou administrateur le futur cadre territorial se doit de connaître
les lignes de force qui sous-tendent la vie économique, et pour agir de
comprendre l’environnement dans lequel se meuvent toutes les collec-
tivités.
L’auteur Gilles Rasselet après avoir, dans un premier tome, présenté Tome 2
les grandes fonctions économiques s’attache dans le second tome de
l’ouvrage Économie contemporaine à étudier les politiques économiques
Les politiques
et sociales de l’État, politiques qui impactent directement et indirectement
celles des administrations décentralisées.
De façon claire, précise et illustrée l’auteur permet d’appréhender le
contexte actuel où se joue l’action économique et sociale de l’État sur
fond de mondialisation et de déséquilibres économiques, il vous invite à économiques
le suivre dans sa description et son explication de la politique budgétaire,
monétaire et économique de l’État.
Il met aussi à jour les enjeux des politiques sociales qu’il s’agisse des
et sociales de l’État
retraites ou de la santé, de l’emploi ou de la protection sociale.
Au-delà de la préparation aux concours d’attaché ou d’administrateur
Économie contemporaine constitue un ouvrage de référence propre à
éclairer durablement les débats et les enjeux économiques et sociaux de
notre temps.
© 11/7808/AJ - CNFPT studio graphique - Imprimerie CNFPT Gilles Rasselet
L’auteur, Gilles Rasselet, est docteur d’État ès sciences économiques et
licencié ès lettres. Il est professeur de sciences économiques à l’Université
de Reims Champagne-Ardenne où il dirige le master administration
économique et sociale. Dans le cadre de sa collaboration au CNFPT,
il avait dirigé l’édition de l’ouvrage Économie générale, tome 1 et 2, publié
antérieurement par les éditions du CNFPT.