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Cyriac Guillaumin

AIDE-MÉMOIRE

Macroéconomie

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© Dunod, 2014
5 rue Laromiguière, 75005 Paris
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Table des matières


Préface 5
Présentation 10

1 • Qu’est-ce que la macroéconomie ? 15


1 Introduction 15
2 Objet et méthodologie de la macroéconomie 18

2 • Les concepts fondamentaux


de la macroéconomie 25
1 Introduction 25
2 La principale variable de la macroéconomie :
le produit intérieur brut 26
3 Les autres grandeurs de la macroéconomie 44

3 • La comptabilité nationale 56
1 Introduction 56
2 Le circuit économique 58
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

3 L’élaboration de la comptabilité nationale 60


4 La synthèse des comptes 75

4 • La consommation 101
1 Introduction 101
2 L’approche keynésienne de la consommation 105
3 Les résultats empiriques
et les premières reformulations 118
4 Les fondements microéconomiques
de la consommation 125

5 • L’investissement 135
1 Introduction 135
2 Concepts fondamentaux 139

3
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3 Le rôle du taux d’intérêt et la décision d’investir 144


4 Le principe de l’accélérateur 156
5 La situation financière de l’entreprise 164

6 • Le rôle de l’État 169


1 Introduction 169
2 L’État producteur et régulateur des marchés 171
3 Le budget de l’État 176
4 Les recettes de l’État financent-elles ses dépenses ?
L’émergence de la dette publique 191
5 L’État et la politique économique 196

7 • Le modèle keynésien simplifié 198


1 Introduction 198
2 L’équilibre de sous-emploi 200
3 L’État et le rôle de la politique budgétaire 212

8 • La monnaie 222
1 Introduction 222
2 Fonctions et formes de la monnaie 223
3 La demande de monnaie 231
4 L’équilibre sur le marché de la monnaie 246

9 • Le modèle IS-LM :
l’équilibre global en économie fermée 252
1 Introduction 252
2 L’équilibre sur le marché des biens et services :
la courbe IS 254
3 L’équilibre sur le marché de la monnaie : la courbe LM 264
4 L’équilibre macroéconomique global :
le diagamme IS-LM 274
5 L’analyse des politiques économiques 280
6 Critiques théoriques et validation empirique 298

Bibliographie 300

Index 303

4
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Préface

On n’enseigne pas la macroéconomie en 2014 comme en 1974 ; et en


1974, on n’enseignait pas la macroéconomie comme en 1934. En 1934, la
macroéconomie n’existait pas en tant que telle : Keynes n’avait pas en-
core écrit sa Théorie Générale de l’Emploi, de l’Intérêt et de la Monnaie ; et
la comptabilité nationale moderne, qui permet de faire de la macroéco-
nomie grandeur nature, n’existait pas encore. En 1974, on disposait de
modèles macroéconomiques estimés à partir des données de comptabili-
té nationale, permettant de mesurer l’effet des politiques économiques
sur l’activité, le chômage, les prix ou le solde extérieur. Ces modèles, qui
sont à l’économie ce que les simulateurs de vol sont à l’aviation, offraient
une vision mécaniste de l’économie. L’un des principaux porte-drapeaux
de ce mouvement, le Prix Nobel néerlandais Jan Tinbergen, n’était-il pas
au départ un ingénieur ? Selon son approche, la politique économique
revient au fond à inverser la matrice reliant les instruments de politique
économique (monnaie, budget, fiscalité, salaire minimum...) aux objec-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

tifs (activité, emploi, inflation, solde extérieur...), ces derniers ne devant


être en nombre supérieur aux instruments.
Que s’est-il passé depuis cette époque bénie où le ministre des Finances
pouvait s’appuyer en toute confiance sur une équipe d’économètres
quantifiant avec peu de marge d’erreur l’impact de telle ou telle décision
de politique économique ?
D’abord, les économies occidentales ont connu plusieurs transforma-
tions majeures, notamment la mondialisation, les mutations monétaires
et l’essor de la finance. La mondialisation fait que l’évolution macroéco-
nomique d’un pays est devenue dépendante de l’évolution des autres
pays. Pensons à l’impact de la crise financière américaine de 2008 sur
l’ensemble de l’économie mondiale ; mais aussi à la dépendance de la

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conjoncture française par rapport à celle de nos principaux partenaires


économiques – Allemagne, Royaume-Uni, Italie. En retour, l’efficacité
d’une politique économique donnée dépend de l’orientation de la poli-
tique économique dans les autres pays. Par exemple, une stratégie de
redressement des comptes publics est difficile à mener si les pays proches
mènent la même politique au même moment, car les exportations pren-
nent alors plus difficilement le relais de la demande publique. Les muta-
tions monétaires ne sont pas moins importantes. Alors que dans les
années 1950 et 1960 la stabilité monétaire était assurée par le régime de
change fixe de Bretton Woods, la France est désormais arrimée à ses par-
tenaires de la zone euro au travers de l’union monétaire, qui modifie
complètement le cadre de la politique économique. Enfin, l’essor de la
finance, mesuré par l’activité des marchés financiers ou la taille des
banques, a également remis en cause la conception de la macroéconomie
héritée de l’après-guerre. Par exemple, on sait aujourd’hui, grâce à
l’expérience du Japon dans les années 1990 et de la zone euro après la
crise de 2009, que la transmission des impulsions de politique monétaire
à l’économie réelle peut se trouver bloquée par la situation dégradée des
banques.
Deuxième phénomène déterminant : la discipline a elle-même connu
d’importantes mutations. L’une des plus importantes fut la « critique »
formulée par Robert Lucas en 1976. En modifiant les anticipations des
agents, les politiques économiques modifient les comportements. Par
exemple, une réforme des retraites va modifier la relation entre revenu
courant et consommation. Ainsi, on ne peut s’appuyer sur des modèles
estimés sur le passé pour orienter les politiques économiques futures.
Cette critique est particulièrement pertinente pour la France, dont le
cadre institutionnel a radicalement changé avec la mise en place de la
zone euro. Les macroéconomistes ont répondu à la « critique de Lucas »
en asseyant leurs relations macroéconomiques sur des paramètres
microéconomiques, tels que la préférence pour le présent, qui restent
invariants lorsque le cadre institutionnel se modifie. Ils ont aussi intro-
duit dans leurs modèles l’hypothèse d’anticipations rationnelles, permet-
tant de prendre en compte le fait que les acteurs de l’économie (ménages,
entreprises, syndicats, etc.) disposent au moins d’autant d’information

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Préface

que le modélisateur, et qu’on ne peut donc les flouer par exemple en lais-
sant systématiquement filer l’inflation au-delà du rythme sur lequel se
fondent les négociations salariales. Enfin, les modèles macroécono-
miques ont bénéficié des progrès de l’économétrie, comme par exemple
la prise en compte de la non-stationnarité de la plupart des séries écono-
miques.
Malgré ces progrès indéniables, la profession a été attaquée (dans
l’ensemble, à juste titre) pour ne pas avoir prévu la crise financière mon-
diale. On touche ici à un problème spécifique de la discipline dont l’objet
est mouvant : contrairement aux physiciens, les macroéconomistes sont
en permanence à la poursuite de leur objet de recherche qui, souvent,
court plus vite qu’eux. Cela ne signifie pas qu’il faille baisser les bras
devant la difficulté. Mais plutôt qu’il convient d’adopter une attitude
modeste. « Si les économistes pouvaient s’arranger pour être perçus
comme aussi humbles et compétents que les dentistes, ce serait
magnifique ». Cette phrase de Keynes tirée de ses Essais de Persuasion
(1931) n’a pas perdu sa pertinence au XXIe siècle, bien au contraire. L’éco-
nomiste doit s’attacher à avertir des risques et à soigner les crises plutôt
qu’à laisser croire qu’il peut prévoir la conjoncture. Jamais votre dentis-
te ne vous prédit une carie avec un risque d’erreur inférieur à 1 %. Alors
pourquoi demander aux macroéconomistes une telle performance ?
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Dans ce manuel de macroéconomie, Cyriac Guillaumin adopte cette atti-


tude humble que préconisait Keynes. Bien loin des envolées théori-
ciennes, il prend le lecteur par la main et lui montre comment manier en
pratique cette pâte qu’est la macroéconomie. Comment corriger la haus-
se de l’activité de l’effet de l’inflation ; comment calculer les contribu-
tions de la consommation et de l’investissement à la croissance ; com-
ment mesurer la relation entre consommation et revenu ; comment
expliquer que la consommation est proportionnelle au revenu tandis que
l’investissement est proportionnel à la variation du revenu, etc. Il par-
vient à une interpénétration remarquable entre la théorie et la pratique,
en s’appuyant le plus souvent sur les données de l’Insee qui, grâce à la
révolution internet, sont désormais disponibles gratuitement en ligne. Il
répond, par la démonstration, à une critique fréquemment adressée à

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l’enseignement de l’économique, qui serait à la fois trop mathématique


et déconnecté de la réalité. D’emblée, il avertit le lecteur : un modèle ne
s’écrit pas forcément sous forme mathématique ; cela n’en reste pas
moins un modèle, donc une simplification de la réalité. On pourrait
ajouter : lorsqu’on écrit un modèle sous forme mathématique, ce n’est
pas pour embêter les étudiants, encore moins pour détacher une théorie
de la réalité ; au contraire, c’est pour quantifier les phénomènes et, plus
important encore, pour se donner les moyens de réfuter le modèle à
l’aide des données historiques – chose impossible lorsqu’on laisse le
modèle sous forme littéraire. Le livre met d’ailleurs l’accent sur les pro-
blèmes de mesure, avec un chapitre entier consacré à la comptabilité
nationale, situé au cœur de l’ouvrage. Contrairement à une opinion
répandue, la comptabilité nationale n’a pas été inventée pour torturer les
étudiants. Il ne viendrait à personne l’idée qu’on puisse étudier la gestion
d’une entreprise sans quelques notions de comptabilité générale ; de
même, on ne peut sérieusement comprendre la macroéconomie sans
s’intéresser à la manière dont elle est mesurée. La comptabilité nationale
ne peut être isolée de sa finalité, et c’est la raison pour laquelle elle a toute
sa place dans cet ouvrage. Le lecteur pressé pourra au moins se rendre
compte du travail énorme de mise en cohérence des comptes des diffé-
rents agents qui est derrière des notions aussi simples que le PIB ou la
consommation.
Le livre présente la boîte à outils de la macroéconomie de court terme.
On pourrait penser que la dynamique d’une économie à long terme n’est
qu’une succession d’équilibres de court terme. Il n’en est rien. Lorsqu’on
raisonne à court terme, on considère que le stock de capital disponible
pour la production est constant et que le niveau des prix est sinon fixe,
du moins insuffisamment flexible pour assurer l’équilibre entre offre et
demande sur tous les marchés. L’équilibre de court terme met donc en
avant les déséquilibres qui sont la cause des poussées temporaires des
taux de chômage ou des taux d’inflation. La politique économique a un
rôle à jouer pour atténuer ces fluctuations, voire ces crises, à l’aide de la
monnaie et du budget. Ces politiques sont présentées dans le livre non de
manière abstraite, mais concrètement à partir du budget des administra-
tions publiques en France et de la gestion de la monnaie par la Banque

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Préface

centrale européenne. Le livre se conclut par une discussion de l’impact


des politiques budgétaire et monétaire à partir du modèle IS-LM déve-
loppé par Hicks et Hansen il y a plus de cinquante ans. On pourrait
s’étonner de la permanence de ce modèle dans un manuel du XXIe siècle.
Après un relatif discrédit dans les années 1980, ce modèle a connu un
retour en grâce à partir des années 1990, lorsqu’on s’est aperçu que le
phénomène de « trappe à liquidité » que met en évidence le modèle
n’était pas qu’une curiosité théorique, mais une réalité bien difficile à
surmonter au Japon et, vingt ans plus tard, en zone euro. Sa simplicité et
sa résolution graphique en font une excellente introduction au raisonne-
ment macroéconomique qui doit sans cesse naviguer entre les équilibres
de différents marchés. C’est d’ailleurs une erreur fréquente dans le débat
public que de négliger l’interaction entre le marché des biens et services,
le marché du travail, le marché de la monnaie. Ce chapitre est en réalité
un test à l’attention du lecteur, pour déterminer sa véritable appétence
pour la macroéconomie. Il pourra poursuivre son apprentissage avec
d’autres manuels qui l’initieront notamment à la dynamique de long
terme de l’économie et aux cycles de moyen terme. Il lui faudra aussi
enrichir son cadre de pensée en intégrant un acteur longtemps considéré
comme transparent – le système bancaire – ainsi que les différents canaux
de transmission internationaux de la conjoncture – commerce, monnaie,
finance. Il pourra, enfin, s’interroger sur la formation des anticipations,
à l’aide des travaux d’économie comportementale, réfléchir à la forma-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

tion de bulles et leur impact sur les équilibres macroéconomiques. Mais


comme dans toute discipline, il faut commencer par les bases, ce que
nous propose Cyriac Guillaumin avec cet ouvrage.
À une époque où la macroéconomie est partout dans les débats politiques
et où la monnaie unique se trouve à la croisée des chemins, saluons cet
effort pour rendre la discipline concrète et accessible. Pour en savoir plus,
vous n’aurez qu’à retourner chez le dentiste !
Agnès BÉNASSY-QUÉRÉ,
Professeur à l’École d’économie de Paris,
Université Paris 1 et Présidente déléguée
du Conseil d’analyse économique.

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Présentation

« Il est dur d’échouer mais il est pire de n’avoir jamais tenté de réussir. »
Franklin D. Roosevelt

Pour paraphraser Mankiw (1990), économiste reconnu, auteur de nom-


breux ouvrages et enseignant à Harvard, il est plus facile d’étudier la
macroéconomie aujourd’hui qu’il y a quarante ans. En effet, jusqu’à la fin
des années 1960, seule la théorie keynésienne existait. Surtout, celle-ci
dominait les débats macroéconomiques. Elle permettait de répondre aux
questions essentielles. En quarante ans, la théorie macroéconomique a
évolué1.
La macroéconomie est une branche de l’économie qui évolue avec son
temps2. Cette évolution est nécessaire, elle permet, comme le rappelle,
par exemple, Olivier Blanchard, d’étudier de nouveaux mécanismes,
d’expliquer de nouveaux phénomènes, etc.
Un renouvellement de la pensée et des théories macroéconomiques est
donc nécessaire. À l’heure actuelle, nous ne pouvons plus expliquer cer-
tains phénomènes économiques comme, par exemple, la relation infla-
tion-chômage, par des outils élaborés il y a plusieurs décennies. Les outils
apparaissent chaque fois qu’un nouveau phénomène surgit afin de mieux

1 Se reporter, par exemple, à Mignon (2010), pour une étude de cette évolution.
2 Pour paraphraser Samuelson, l’économie n’est pas une discipline achevée mais une
science toujours en voie de développement (Samuelson, 1972).

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Présentation

l’appréhender. Même si aujourd’hui la macroéconomie semble « cas-


sée », c’est-à-dire moins apte à expliquer les phénomènes actuels, elle fait
l’objet de nouvelles investigations pour la rebâtir et proposer une théorie
macroéconomique adaptée aux phénomènes étudiés.

1 Présentation de l’ouvrage
1.1 Quelle approche adopter ?
Il n’y a pas une méthode universelle pour enseigner la macroéconomie.
Chaque enseignant-chercheur a sa méthode et son approche de la
macroéconomie.
Certains professeurs vont privilégier une approche très modélisée,
d’autres une approche plus littéraire. Certains professeurs vont s’orien-
ter, de par leur influence idéologique, sur des courants de pensée de
l’économie plutôt que de présenter l’ensemble des courants.
Dans ce livre, l’objectif n’est pas de privilégier un courant de pensée par
rapport à un autre. Si c’est davantage une pensée influencée par Keynes
qui sera présentée, ce n’est pas le résultat d’un choix personnel mais la
volonté de suivre les enseignements donnés aux étudiants.
L’objectif n’est pas non plus d’avoir une approche uniquement modéli-
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sée (mathématique) de la macroéconomie ni, à l’opposé, une approche


intégralement littéraire, mais un mixte de ces deux approches. Mon souci
est également de rapprocher, du moins de ne pas dissocier, la théorie éco-
nomique de la démarche empirique. Ainsi, pour chaque concept étudié,
j’essaie, dans la mesure du possible, de le confronter à la réalité écono-
mique (la réalité des chiffres). Un tel rapprochement permet aux étu-
diants de comprendre que la macroéconomie n’étudie pas des phéno-
mènes abstraits (bien au contraire !) et de mieux assimiler les concepts
étudiés3.

3 Si nous devions résumer de manière très simple, pour ne pas dire vulgaire, les choses :
mettre des chiffres à la place des lettres est toujours « plus concret et parlant » pour pré-
senter et faire comprendre un concept macroéconomique.

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M acroéconomie

1.2 Les outils utilisés


Dans ce manuel un certain nombre d’outils sont mis à la disposition des
étudiants.
Tout d’abord la modélisation est introduite progressivement. Avant de
modéliser un phénomène macroéconomique, il est présenté et discuté.
À chaque fois qu’un concept mathématique est utilisé, il est défini de
manière générale (propriétés, etc.) puis appliqué au concept macroéco-
nomique étudié.
Ensuite, des exemples concrets, essentiellement consacrés à des données
françaises permettent d’illustrer les concepts étudiés. Lorsque cela est
possible, en fonction de la disponibilité des données, des exemples au
niveau européen, voire mondial, sont également présentés.
Enfin, des références sont fournies tout au long du texte afin que les étu-
diants puissent soit compléter leurs connaissances, soit, s’ils le souhai-
tent, approfondir certains concepts.

1.3 La structure du livre


L’ouvrage comporte 9 chapitres. Ils sont organisés de manière imbriquée.
Ainsi, la difficulté va crescendo et l’étude des différents chapitres va per-
mettre d’arriver à un objectif final : l’équilibre macroéconomique de court
terme. Cet ouvrage ne traite pas la croissance économique à long terme. Il
étudie uniquement les fluctuations économiques dans le court terme.
Les chapitres 1 et 2 constituent une partie introductive puisqu’ils définis-
sent la macroéconomie et présentent ses concepts fondamentaux.
Le chapitre 3 est une partie en lui-même car il est consacré à la compta-
bilité nationale. Il ouvre la deuxième partie du livre.
Les chapitres 4 à 9 constituent la troisième partie du livre qui analyse
l’économie dans le court terme. Ce que l’on appelle l’analyse des fluctua-
tions économiques.
Les chapitres 4 (la consommation), 5 (l’investissement) et 6 (le rôle de
l’État) sont relatifs à la sphère dite réelle. Le chapitre 7 constitue une

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Présentation

synthèse de ces 3 chapitres puisqu’il présente le modèle keynésien sim-


plifié. Le chapitre 8 est relatif à la sphère dite monétaire.
Enfin, le chapitre 9 définit l’équilibre macroéconomique de courte
période4. Il s’agit du modèle IS-LM. Ce chapitre est « le bouquet final »
de l’ouvrage puisqu’il réunit, grâce à ce modèle, les sphères réelle et
monétaire.

2 Conception et utilisation du livre


Ce livre est le fruit d’un enseignement de la macroéconomie dispensé par
l’auteur à l’université Pierre Mendès-France (Grenoble II). Il s’adresse
principalement aux étudiants de Licence de Sciences Économiques,
Gestion, MASS ainsi qu’à ceux des IEP et des IAE. Il sera également utile
aux étudiants de tous niveaux et issus de filières variées pour reprendre (ou
apprendre) les concepts fondamentaux nécessaires de la macroéconomie.
Chaque chapitre s’appuie sur des données empiriques relatives, essentiel-
lement, à l’économie française. Ces données sont issues de l’Insee.
Lorsqu’elle est possible, une comparaison avec d’autres pays à l’échelle
européenne ou mondiale est entreprise. Les données, dans ce cas, vien-
nent soit de l’institut Eurostat, soit de la base de données de l’OCDE.
L’ensemble des données utilisées dans cet ouvrage sont téléchargeables
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

sur le site des éditions Dunod (www.dunod.com). Ainsi, les étudiants


peuvent refaire les calculs et graphiques ; ils peuvent également actualiser
les données s’ils le désirent et, par conséquent, disposer d’une base de
données macroéconomiques complète et à jour. Un glossaire, en français
et en anglais, des principaux termes macroéconomiques est également
proposé en ligne. Enfin, des compléments (graphiques, démonstrations,
etc.) sont disponibles sur le site des éditions Dunod (www.dunod.com).

4 On peut également, c’est d’ailleurs le titre du chapitre, le nommer : l’équilibre écono-


mique global en économie fermée. Nous verrons au cours du chapitre 9 pourquoi nous par-
lons d’un équilibre global et non général.

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M acroéconomie

Remerciements
Mon premier remerciement est destiné à Judith Chouraqui, des éditions
Dunod, pour m’avoir proposé ce projet mais aussi pour son soutien, ses
encouragements ainsi que ses nombreuses relectures tout au long de
l’écriture de l’ouvrage.
Je remercie également l’ensemble des personnes qui m’ont aidé par leurs
relectures, leurs remarques, leurs encouragements, aide et conseils (pré-
cieux) tout au long de l’écriture parmi lesquels Virginie Coudert, Jézabel
Couppey-Soubeyran, Manon Domingues Dos Santos, Jean-Baptiste
Gossé, Laëtitia Guilhot, Pierre Joly, Jean-Marie Le Page, Fiona Ottaviani,
Hélène Raymond et Guillaume Vallet.
Ce livre doit également beaucoup aux professeurs que j’ai eus durant mes
années d’étudiant aux universités de Paris VIII-Saint-Denis, Paris IX-
Dauphine et Paris I-Panthéon Sorbonne. Ils ont contribué à ma forma-
tion mais aussi à ce souci de pédagogie, de rigueur et, surtout, de ne
jamais dissocier la théorie économique de l’évidence empirique, que je
souhaite apporter à chacun de mes cours.
Enfin, je remercie mes étudiants dont les questions ont contribué à la
clarté de cet ouvrage.

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1 Qu’est-ce que la
macroéconomie ?

Mots-clés
Macroéconomie, modèle, analyse positive, analyse normative.

1 Introduction
Déficit public, croissance, balance courante, chômage, taux d’intérêt,
spread, taux de change, marchés financiers, etc., tous les jours, à la télé-
vision, à la radio, dans les journaux, nous entendons parler de ces
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

concepts complexes. L’objet de la macroéconomie est précisément d’y


mettre de l’ordre pour en comprendre les causes et les effets.
La macroéconomie, à la différence de la microéconomie, est une
approche globale de l’économie1. Elle ne se préoccupe pas des détails
concernant les individus, elle étudie l’économie dans son ensemble. Elle
raisonne à partir de quantités agrégées, c’est-à-dire globales, dans les-
quelles les individus sont regroupés en catégories homogènes. L’objectif
de la macroéconomie va être de définir puis d’analyser des problèmes
globaux, les caractéristiques globales d’une économie, tels que la crois-
sance, le chômage, l’inflation ou les politiques économiques.

1 D’un point de vue étymologique, le terme macro vient du grec makros qui signifie grand.

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M acroéconomie

Mais au-delà de ces explications, la macroéconomie nous est directement


utile, que nous soyons étudiants, enseignants ou même toute personne
qui n’étudie ou n’enseigne pas l’économie. Elle permet de comprendre
des phénomènes concrets pour lesquels nous pouvons tous avoir un inté-
rêt. À titre d’exemple, la macroéconomie permet d’expliquer :
 les programmes économiques proposés par les partis politiques à la
veille des élections ;
 les décisions des entreprises en matière de licenciement ou de recrute-
ment ;
 les décisions de l’État sur l’augmentation ou la diminution des impôts
et/ou des dépenses publiques ;
 l’impact d’une réforme de la fiscalité ;
 l’évolution des marchés financiers suite à la publication de statistiques
économiques ou au discours d’une banque centrale ;
 etc.

Si nous pouvons raisonnablement dater l’émergence de l’économie


moderne avec la parution de l’ouvrage d’Adam Smith, Recherches sur la
nature et les causes de la richesse des nations, en 17761, la macroéconomie
peut être considérée comme une branche de l’économie relativement
« jeune ». En effet, jusqu’à la Grande Dépression des années 1930, l’étude
de l’économie s’effectuait à travers une conception générale de l’écono-
mie définie par l’école Classique2. L’analyse de l’économie par les
Classiques repose sur une approche microéconomique en terme d’équi-
libre de marché, où l’intervention de l’État est non seulement inutile mais
aussi et surtout néfaste puisque les marchés ont tendance à s’autoréguler.
L’économie est alors analysée comme un système de marchés interdé-
pendants dont l’équilibre se fait de manière harmonieuse. On aboutit
ainsi à un équilibre général (c’est-à-dire de l’ensemble des marchés de
l’économie) qui est également un optimum collectif.

1 Nous pouvons également évoquer le Tableau économique de François Quesnay qui définit
le circuit économique dès 1758.
2 Le terme Classique est utilisé au sens large. Il englobe les auteurs classiques (Smith,

Ricardo, etc.) et néoclassiques (Jevons, Marshall, etc.).

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Qu’est-ce que la macroéconomie ?

La crise de 1929 et ses conséquences dans les années 1930 vont faire voler
en éclat cette conception générale de l’économie. C’est avec cette crise et
1
la parution, en 1936, de l’ouvrage phare de John Maynard Keynes,
Théorie Générale de l’Emploi, de l’Intérêt et de la Monnaie, que va vérita-
blement émerger la macroéconomie et se forger un discours distinct au
sein de l’économie. Le terme de « macroéconomie « est d’ailleurs intro-
duit dès 1933 par Ragnar Frish1 et, depuis son émergence dans les années
1930, la macroéconomie a fait l’objet de nombreux développements à
travers différents courants de pensée.
Aujourd’hui encore, avec la crise qui secoue l’économie mondiale depuis
2008, la macroéconomie fait toujours l’objet d’approfondissement voire
de nouvelles investigations puisque la macroéconomie, dans sa forme
actuelle, est remise en cause pour ne pas avoir su prévoir et analyser cor-
rectement la crise initiée sur le marché des subprimes2.
Un des aspects de la macroéconomie est sa relation, parfois ambiguë,
avec la politique économique mise en place par un gouvernement.
Depuis Keynes, de nombreux économistes sont convaincus qu’un gou-
vernement a non seulement le droit mais aussi le devoir d’intervenir dans
l’économie afin de corriger les défaillances du marché. Cependant,
l’expérience des années passées, mise à jour dans les années 1970, a mon-
tré que les gouvernements sont faillibles. Aujourd’hui, deux grandes
catégories d’économistes s’affrontent : ceux pour lesquels le gouverne-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

ment doit intervenir et ceux pour lesquels son intervention est nuisible.
L’objet n’est pas ici de savoir laquelle des deux catégories a raison ou tort,
mais de comprendre les raisons qui expliquent l’adoption de l’une ou l’autre
de ces deux postures. De fait, le lien entre la macroéconomie et les politiques
publiques ne peut être ignoré. En effet, il faut bien reconnaître qu’un gou-
vernement, à l’approche des élections, peut être jugé et donc sanctionné –
ou reconduit à nouveau – par la situation économique dans laquelle se
trouve le pays. Cette imprégnation de la pensée macroéconomique dans le

1 Ragnar Frisch a obtenu le prix Nobel d’économie en 1969.


2 Dans une interview au journal Les Echos, datée du 25 juin 2013, Olivier Blanchard, chef
économiste du Fonds monétaire international, n’hésite pas à dire que la macroéconomie est
« cassée. Il n’y a pas d’autre choix que de la rebâtir ».

17
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M acroéconomie

champ des politiques publiques s’opère également à travers les conseils


que les économistes peuvent proférer aux hommes politiques. Elle passe
par des commandes faites par les hommes politiques aux économistes
(sous forme de rapports par exemple) pour que ceux-ci livrent leurs
expertises sur certains sujets. Enfin, les analyses macroéconomiques peu-
vent être, dans certains cas, instrumentalisées par les hommes politiques
afin de poursuivre des objectifs qui dépassent ou même contredisent
ceux élaborés dans le cadre scientifique. La posture de l’économiste vis-
à-vis de la politique n’est pas univoque : il peut conseiller les hommes
politiques, mettre son expertise à leur service, appuyer ou pourfendre les
politiques menées mais également peut voir ses travaux servir de faire
valoir à certaines fins politiques.

2 Objet et méthodologie
de la macroéconomie

2.1 Distinction macroéconomie/microéconomie


La microéconomie et la macroéconomie sont deux branches de l’écono-
mie. Elles sont par ailleurs complémentaires.
Tandis que la microéconomie analyse les comportements et les décisions
des individus, la macroéconomie s’intéresse à l’étude des caractéristiques
globales d’une économie. Plus précisément, la microéconomie s’intéres-
se aux choix des agents (un consommateur ou un producteur) qui doi-
vent allouer de manière efficace leurs ressources respectives ainsi qu’à
l’équilibre du marché sur lequel ces deux types d’agent se rencontrent.
Ainsi, la microéconomie va, par exemple, étudier :
 l’arbitrage entre travail et loisir pour un individu ;
 pourquoi un consommateur préfère les transports en commun à la
voiture ;
 comment le producteur utilise capital et travail dans un processus de
production ;
 etc.

18
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Qu’est-ce que la macroéconomie ?

La macroéconomie s’intéresse à l’étude des caractéristiques globales


d’une économie. Elle insiste sur les liens qui existent dans l’ensemble
1
du système. Son raisonnement ne se fait pas au niveau individuel mais
global.

Dès lors, la macroéconomie va, par exemple, s’intéresser à :


 la consommation globale d’une économie ;
 le revenu global d’une économie ;
 la production globale d’une économie ;
 etc.

En macroéconomie, un agrégat est une grandeur statistique et syn-


thétique. Par exemple, le PIB est un agrégat, il mesure la production
globale (en unités monétaires) d’une économie à une date donnée.
Cette mesure s’effectuant chaque année, le macroéconomiste va donc
pouvoir constituer une série statistique. Ainsi, il va être possible pour
un macroéconomiste d’étudier le PIB de la France entre 1949 et 2012.

Si la microéconomie et la macroéconomie s’opposent par leur objet, elles


s’opposent également par les postures adoptées. Ainsi, la microéconomie
repose sur l’individualisme méthodologique alors que la macroécono-
mie repose sur le holisme méthodologique. Cette dernière approche
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

reposant sur l’idée que le tout est différent de la somme des parties.
Si la microéconomie constitue le fondement du comportement indivi-
duel, le comportement collectif résulte de décisions individuelles prises
sans connaissance complète des agissements des autres. C’est ce que
Keynes va développer en parlant d’un défaut de coordination. Dès lors,
Keynes oppose à cette approche microéconomique un discours a priori
strictement alternatif à l’approche classique qui va légitimer l’interven-
tion de l’État dans la régulation de nos économies. Keynes montre que le
défaut de coordination peut conduire à des déséquilibres au sein de l’éco-
nomie. La démarche de Keynes considère « qu’on a commis des erreurs
graves en étendant au système pris dans son ensemble des conclusions
qui avaient été correctement établies en considération d’une seule partie
du système prise isolément » (Keynes, 1936).

19
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M acroéconomie

La macroéconomie qui émerge dans les années 1930 apparaît donc


comme une alternative à la microéconomie telle qu’elle a été développée
par les économistes classiques. Elle fut élaborée essentiellement par
Keynes qui essayait de comprendre les mécanismes qui avaient engendré
la crise de 1929 et tentait d’y apporter des réponses concrètes de politiques
économiques. Grâce à ses travaux, la macroéconomie va désormais
influencer les choix de politiques économiques même si, depuis les
années 1970, la macroéconomie est un grand sujet de controverses tant
chez les économistes que chez les hommes politiques.

2.2 Réalité et modèle : que veut-on expliquer ?

■ Variables endogènes et variables exogènes


L’objet de la macroéconomie va être d’expliquer l’activité globale, le chô-
mage, les prix, les taux d’intérêt, etc. L’explication de ces phénomènes va
donc faire apparaître deux types de variables : les variables endogènes et
les variables exogènes.
Une variable est définie comme une grandeur ou une quantité qui
peut prendre n’importe quelle valeur à l’intérieur d’un domaine préa-
lablement défini. Il ne faut pas confondre une variable et un paramètre
qui est une constante mais dont la valeur peut varier d’un problème à
un autre. En macroéconomie, une variable est une grandeur [synthé-
tique] associée aux agrégats et à des comportements collectifs (PIB,
consommation, emploi, etc.). Ces variables sont donc analysées
lorsque l’on étudie l’économie sous un angle global. Tout au long de
cet ouvrage, nous verrons (et nous les définirons) qu’il existe des
variables endogènes et exogènes et des variables de flux et de stocks.

Les variables endogènes sont les variables que l’on cherche à expliquer en
termes économiques. Il s’agit de la variable expliquée (ou à expliquer). Les
variables exogènes sont les autres variables, celles que l’on ne cherche pas à
expliquer, mais que l’on prend comme acquises, « données », afin d’expli-
quer les variables endogènes. Ainsi, la variable exogène est la variable expli-
cative de la variable endogène. Autrement dit, la variable exogène est la

20
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Qu’est-ce que la macroéconomie ?

variable utilisée pour expliquer la variable endogène. Par exemple, le


macroéconomiste va chercher à expliquer comment le revenu (la variable
1
exogène) peut influencer la consommation (la variable endogène).

■ La modélisation
Pour expliquer un phénomène, l’économiste peut avoir recours à la
modélisation, c’est-à-dire à l’élaboration d’un modèle économique. En
effet, il est impossible et même inutile, pour un économiste, de représen-
ter la réalité économique dans ses moindres détails. L’économiste va alors
chercher à adopter une représentation simplifiée [et non simpliste] de la
réalité au travers d’un modèle économique permettant de mettre en évi-
dence et d’expliquer les liens entre les différentes variables étudiées.
Un modèle est avant tout une série d’hypothèses relatives aux princi-
paux déterminants du comportement d’une variable et permettant
d’expliquer et de prévoir celle-ci.
Un modèle peut prendre une forme littéraire ou, ce qui est le plus sou-
vent le cas, peut être traduit en une formalisation mathématique. Le
modèle est ainsi constitué d’une variable endogène – également qualifiée
de variable expliquée ou même encore de variable dépendante – et d’une
ou plusieurs variables exogènes – également qualifiée de variables expli-
catives ou bien encore de variables indépendantes. Le modèle va alors
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

établir des relations de causalité entre les variables exogènes et la variable


endogène comme le montre la figure 1.

Variable(s) exogène(s)

Relation(s) de causalité Modèle

Variable endogène

Figure 1 – Le modèle

21
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M acroéconomie

Une fois le modèle construit, l’économiste cherche à expliquer l’influence


des variables exogènes sur la variable endogène. Même si le modèle
construit est une représentation simplifiée, le modèle pris dans sa globa-
lité peut être complexe puisque, la plupart du temps, le modèle contient
un grand nombre de variables exogènes. Dans ce cas, l’économiste a le
plus souvent recours à des hypothèses qui peuvent paraître non
conformes à la réalité mais qui sont nécessaires pour parvenir à isoler les
différentes causes d’un même phénomène. La non-conformité à la réalité
des hypothèses n’est pas problématique car le modèle est jugé avant tout
au regard de sa portée explicative et prédictive.
 Exemple : la consommation des ménages

Supposons que nous cherchions à expliquer la consommation des


ménages. Nous pouvons penser que cette consommation va être influen-
cée par le revenu des ménages, les prix à la consommation ainsi que le
taux de chômage. Bien entendu, nous l’étudierons au chapitre consacré à
la consommation, la consommation des ménages peut dépendre d’autres
paramètres qui n’ont pas été intégrés pour le moment à l’analyse.
Si nous adoptons une forme mathématique de ce modèle, nous dispo-
sons de l’ossature suivante :
Consommation des ménages = f (revenu, prix, chômage) (1)

L’expression (1) nous indique que la consommation des ménages dépend


du revenu, des prix à la consommation et du taux de chômage. La fonc-
tion f () signifie « fonction de toutes les grandeurs recensées (intégrées)
entre les parenthèses ». Le terme fonction indique ici que la consomma-
tion dépend (est fonction) de ces variables (revenus, prix, chômage).
Supposons à présent que nous souhaitions alléger l’écriture de l’expres-
sion (1). Pour cela, nous allons adopter la notation suivante. La consom-
mation des ménages sera représentée par C , le revenu des ménages par Y ,
les prix à la consommation par P et le taux de chômage par u . Dès lors,
l’expression (1) peut s’écrire :
C = f (Y,P,u) (2)

22
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Qu’est-ce que la macroéconomie ?

Comment rendre compte de l’évolution du revenu des ménages sur leur


consommation ? Pour répondre à cette question, l’économiste va devoir
1
analyser la relation entre la variable Y et la variable C sous l’hypothèse
que les autres variables, P et u , restent inchangées. Il cherche donc à iso-
ler l’effet d’une variable exogène sur la variable endogène.
Pour cela, l’économiste va poser l’hypothèse toutes choses égales par
ailleurs, ceteris paribus en latin. Cette hypothèse est incontournable à par-
tir du moment où un phénomène, dans notre cas la consommation, est
expliqué par plusieurs variables. Cette hypothèse va permettre d’analyser,
tour à tour, l’influence de chacune des variables exogènes sur la variable
endogène. Dès lors, en posant cette hypothèse, l’économiste va pouvoir
étudier comment la variable « revenu « (Y ) agit sur la variable « consom-
mation » (C) , les autres variables, « prix » (P) et « taux de chômage »
(u) , restant constantes.
Cette hypothèse toutes choses égales par ailleurs est bien plus importante
qu’elle n’y paraît car elle repose sur la séparation des différentes causes
d’un phénomène. En effet, ne pas faire cette hypothèse ne permettrait pas
d’isoler une variable par rapport aux autres pour expliquer un même
phénomène. Si, dans les sciences physiques ou chimiques, le test scienti-
fique est relativement « aisé » à réaliser, il n’en va pas de même dans les
sciences économiques en général et dans la macroéconomie en particu-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

lier. Le test, en macroéconomie, s’effectue « grandeur nature » ; le labo-


ratoire correspond au monde réel ! Par ailleurs, le système que l’on étu-
die, la société, l’économie nationale, est extrêmement complexe et pos-
sède plusieurs dizaines de milliers de variables. Il est donc très difficile
d’isoler une seule variable par rapport aux autres et d’être certain que le
résultat que l’on croit avoir dégagé n’est pas dû au fait qu’une autre
variable soit subrepticement venue perturber l’observation. Dès lors,
l’hypothèse ceteris paribus va permettre d’isoler les variables les unes par
rapport aux autres afin de déterminer leur influence respective sur le
phénomène étudié. Bien entendu, si l’hypothèse ceteris paribus peut
apparaître simple, elle doit être utilisée avec précaution et à bon escient
afin qu’elle garde tout son sens et qu’elle ne devienne pas une échappa-
toire ni même une hypothèse simpliste donc vide de sens.

23
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M acroéconomie

2.3 Analyse positive et normative


L’économie positive et l’économie normative sont deux branches de
l’économie et elles sont à la source du débat économique.

L’économie positive définit le monde tel qu’il est.

Elle a trait aux explications objectives ou scientifiques du fonctionne-


ment de l’économie. Son but est donc d’établir des liens entre certains
faits sans aucun jugement de valeur. Dans ce cas, l’économiste espère agir
comme un scientifique rigoureux et « dépassionné ». Dans ce cadre,
l’objectif de l’économiste est d’essayer de comprendre le fonctionnement
de l’économie et du monde en général dans la réalité.

L’économie normative définit le monde tel qu’il devrait être.

Elle fournit des prescriptions ou recommandations fondées sur des juge-


ments de valeurs personnels. L’économie normative va donc plus loin
que l’économie positive. Dans ce cas, l’économiste est influencé soit par
ses orientations politiques soit par ses convictions théoriques. Cette
démarche ne peut donc éviter les jugements de valeurs. À titre d’exemple,
le conseiller économique d’un ministre aura tendance à dire : « pour
influencer telle variable, il faut agir de telle manière ».

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2 Les concepts
fondamentaux de
la macroéconomie

Mots-clés
PIB réel, PIB nominal, taux de croissance, inflation, chômage.

1 Introduction
Pour répondre aux grandes questions macroéconomiques (cf. chapitre
1), le macroéconomiste utilise la théorie et l’observation. L’observation
consiste en la collecte de statistiques qui vont lui permettre de valider ou
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

non une théorie, dans le champ de spécialité qu’il étudie (marché du tra-
vail, marchés financiers, etc.).
Ce chapitre présente les trois principales variables macroéconomiques :
le produit intérieur brut (PIB), les indices de prix (à la consommation et
le déflateur du PIB) et le taux de chômage. Lorsque nous lisons un rap-
port économique (de l’OCDE, du FMI ou de la Direction générale du
Trésor), ce sont ces trois premiers indicateurs qui font l’objet d’études et
d’analyses statistiques.

25
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M acroéconomie

2 La principale variable de la
macroéconomie : le produit
intérieur brut
2.1 Définition
Le produit intérieur brut (PIB) mesure la production globale d’une éco-
nomie, c’est-à-dire l’ensemble des richesses créées. Le PIB est calculé
pour une zone géographique donnée (le plus souvent un pays, mais aussi
une région, ou un groupe de pays) et pour une période de temps précise
(généralement l’année ou le trimestre). Cette définition du PIB s’appuie
sur les principes élaborés par la comptabilité nationale que nous étudie-
rons dans le chapitre 3. Le PIB ne doit pas être confondu avec le PNB qui
correspond au produit national brut.

■ PIB et PNB
Le PIB mesure la richesse créée au cours d’une période de temps (géné-
ralement l’année) par l’ensemble des producteurs résidents dans le pays
étudié, quelle que soit la nationalité des producteurs. Le PNB mesure,
quant à lui, la richesse créée au cours d’une période de temps par les pro-
ducteurs nationaux, quel que soit l’endroit où ils résident.
Ainsi, la production d’un producteur français qui réside en Italie est
comptabilisée dans le PIB de l’Italie et non dans celui de la France. En
revanche, sa production est intégrée dans le PNB de la France et non dans
celui de l’Italie.

■ Mesure du PIB
Il existe trois façons pour définir le PIB d’une économie.
1. Le PIB est la valeur (en euros, en dollars, etc.) des biens et services
« finaux » produits dans l’économie pour une période donnée.
2. Le PIB correspond à la somme des valeurs ajoutées générées dans
l’économie pour une période donnée.

26
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Les concepts fondamentaux de la macroéconomie

3. Le PIB est la somme des revenus des facteurs issus de l’activité et


distribués dans l’économie pour une période donnée.

Les définitions 1 et 2 définissent le PIB sous l’angle de la production alors


que la définition 3 l’aborde sous l’angle des revenus qui lui sont associés.
2
2.2 PIB réel et PIB nominal
Avant de définir les notions de PIB réel et de PIB nominal, il nous faut
effectuer la distinction entre variable réelle et variable nominale.
Une variable nominale est une variable exprimée en monnaie cou-
rante, c’est-à-dire en euro, en dollar, en yen, etc., de l’année en cours.
Une variable réelle est une variable nominale de laquelle on a retiré
l’influence des prix.

Le PIB nominal mesure le PIB aux prix de l’année en cours, c’est-à-


dire aux prix qui prévalent lorsque les biens et les services sont pro-
duits.

Le PIB nominal sera également appelé PIB en valeur ou PIB en euros


courants. Cette mesure du PIB tient compte de l’évolution des prix des
biens finaux, c’est-à-dire l’inflation.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Le PIB réel, également appelé PIB en volume ou PIB en euros


constants, est mesuré aux prix d’une année dite de référence (ou de
base).

Ainsi, tout accroissement du PIB réel correspond uniquement à une aug-


mentation des quantités produites (il s’agit alors d’une progression en
volume).
 Exemple : PIB nominal et réel de la France en 2012

En 2012, le PIB nominal de la France est évalué à 2 032,3 milliards


d’euros (Mds€) contre seulement 46,3 Mds€ en 1960. Est-ce que la pro-
duction a été multipliée par 43,9 entre ces deux dates ? La réponse est

27
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M acroéconomie

bien évidemment négative. En effet, le PIB nominal correspond à la


somme des quantités des biens finaux produits multipliés par leur prix
courant. L’augmentation du PIB nominal de 46,3 Mds€ en 1960 à
2 032,3 Mds€ en 2012 résulte de deux éléments :
 l’augmentation des quantités produites de biens finaux ;
 l’augmentation des prix des biens finaux ;
Ces deux explications peuvent également se combiner. Il faut donc, pour réelle-
ment mesurer l’évolution de la production, isoler l’augmentation des prix. C’est
pourquoi nous raisonnons à partir du PIB réel qui correspond à la somme des
quantités des biens finaux produits multipliés par un prix constant, c’est-à-dire
par un prix qui correspond à une année de base (de référence). Ainsi, lorsque le
PIB réel de la France passe de 413,4 Mds€ en 1960 à 1 808,8 Mds€ en 2012 (en
retenant l’année 2005 comme année de base), nous sommes assurés que l’effet
des prix a été éliminé et que, par conséquent, la production de biens (les quan-
tités produites) a été multipliée par 4,4 entre ces deux dates.
La figure 1 présente l’évolution des PIB nominal et réel pour la France
depuis 1960.
2500

2000

1500

1000

500

0
1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010
PIB réel PIB nominal
Source : Insee (base 2005).
Note : pour l’année de base, 2005, le PIB nominal et le PIB réel sont égaux.
Figure 1 – Évolution des PIB réel et nominal de la France depuis 1960 (en Mds€)

28
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Les concepts fondamentaux de la macroéconomie

Par construction, les deux PIB sont égaux en 2005 puisqu’il s’agit actuel-
lement de l’année de référence pour l’Insee.

 Le taux de croissance du PIB

Pour l’année 2012, le taux de croissance du PIB se calcule de la manière


2
suivante :
 
P I B 2012
− 1 × 100 (1)
P I B 2011

Ainsi, le taux de croissance du PIB nominal a été de + 1,5 % tandis que


celui du PIB réel a été de + 0,0 %. D’une manière générale, le taux de
croissance du PIB pour l’année t fait référence au taux de croissance du
PIB entre les dates t − 1 et t . Si nous notons Y le PIB, son taux de crois-
sance vaut :
   
Yt Yt − Yt−1
− 1 × 100 ⇐⇒ × 100 (2)
Yt−1 Yt−1

Les périodes où le taux de croissance est positif sont appelées des périodes
d’expansion tandis que les périodes où le taux de croissance est négatif
sont appelées des périodes de récession1.

 Le déflateur du PIB
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Comme nous l’avons montré, il existe une différence entre PIB nominal
et PIB réel. Cette différence entre PIB nominal et PIB réel mesure l’évo-
lution des prix.

Le déflateur du PIB est un instrument de mesure du niveau des prix.


Il se définit comme le ratio entre le PIB nominal et le PIB réel :
PIB nominal
Déflateur du PIB = (3)
PIB réel

1 Au sens technique, la récession correspond à une situation où le taux de croissance du PIB

est négatif pendant au moins deux trimestres.

29
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M acroéconomie

Si nous notons le déflateur P , le PIB nominal Yn et le PIB réel Yr , nous


pouvons réécrire la relation (3) de la manière suivante :
Yn
P= ⇐⇒ Yn = P × Yr (4)
Yr

De cette relation, nous pouvons dire que le PIB nominal est égal au PIB
réel multiplié par le déflateur du PIB.
Le tableau 1 présente, depuis 1995, les données de PIB nominal et réel
ainsi que l’indice du prix du PIB (le déflateur du PIB). Nous constatons
que la formule (4) est vérifiée.

Tableau 1 – PIB nominal, PIB réel et déflateur du PIB pour la France (en Mds€)

Année PIB réel PIB nominal Indice de prix du PIB


1995 1387,6 1196,2 86,2
1996 1402,4 1226,6 87,5
1997 1433,1 1264,8 88,3
1998 1481,5 1321,1 89,2
1999 1530,2 1367,0 89,3
2000 1586,6 1439,6 90,7
2001 1615,7 1495,6 92,6
2002 1630,7 1542,9 94,6
2003 1645,4 1587,9 96,5
2004 1687,2 1655,6 98,1
2005 1718,0 1718,0 100,0
2006 1760,4 1798,1 102,1
2007 1800,7 1886,8 104,8
2008 1799,2 1933,2 107,4
2009 1742,61885,8 108,2
2010 1772,6 1936,7 109,3
2011 1808,62001,4 110,7
2012 1808,8 2032,3 112,4

Source : Insee (base 2005).


Note : pour l’année de base, 2005, le PIB nominal et le PIB réel sont égaux d’où un indice
du prix du PIB égal à 100.

30
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Les concepts fondamentaux de la macroéconomie

Le taux d’accroissement du déflateur du PIB, c’est-à-dire le taux de varia-


tion du déflateur du PIB, est approximativement égal à :
Taux de variation du déflateur du PIB = Taux de croissance du PIB
nominal – Taux de croissance du PIB réel (5) 2
Le tableau 2 présente les taux de croissance de ces trois variables entre
1995 et 2012 pour la France.
Tableau 2 – Taux de croissance des PIB réel et nominal et du déflateur
du PIB pour la France (en %)

Année PIB nominal PIB réel Déflateur du PIB


1995 3,3 2,0 1,2
19962,5 1,1 1,5
1997 3,1 2,2 0,9
1998 4,4 3,4 1,0
1999 3,5 3,3 0,2
2000 5,3 3,7 1,6
2001 3,9 1,8 2,0
2002 3,2 0,9 2,2
2003 2,9 0,9 2,0
2004 4,3 2,5 1,7
2005 3,8 1,8 1,9
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

20064,7 2,5 2,1


2007 4,9 2,3 2,6
2008 2,5 – 0,1 2,5
2009 – 2,5 – 3,1 0,7
2010 2,7 1,7 1,0
2011 3,3 2,0 1,3
2012 1,5 0,0 1,5

Source : Insee (base 2005).

En 2012, le PIB nominal a augmenté de + 1,5 % pendant que le PIB réel


stagnait avec un taux de + 0,0 %. Par conséquent, les prix se sont appré-
ciés de 1,5 %. Cependant, on peut voir le caractère approximatif de
l’équation (5) lorsque l’on regarde d’autres années que 2012. Comment

31
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M acroéconomie

expliquer cela ? Si nous appelons g le taux de croissance du PIB réel, y le


taux de croissance du PIB nominal et π le taux d’inflation (variation du
déflateur du PIB), le taux de croissance du PIB nominal est :
y = (1 + g)(1 + π) − 1 = g + π + gπ (6)

Pour de faibles valeurs de g et π , le produit gπ est proche de 0 et donc


négligeable. Dès lors, le taux de croissance du PIB nominal est d’environ
g + π.

2.3 La construction du PIB réel et les indices en


chaîne

■ Une économie avec un bien


Supposons, dans un premier temps, que l’économie ne produise qu’un
seul type de bien : des ordinateurs par exemple. Pour simplifier, nous
supposerons qu’il n’y a qu’un seul type de variété d’ordinateurs (nous ne
faisons pas de différence entre les portables, les tablettes, etc.). Les carac-
téristiques de la production des ordinateurs sont données par le tableau
ci-dessous :

Tableau 3 – Une économie avec un bien final

Année Quantité Prix


1 50 000 100
2 55 000 120
3 58 000 150

Construisons à présent les PIB nominal et réel. Pour cela, il faut multi-
plier les quantités d’ordinateurs (que nous noterons Q 0 ) par le prix des
ordinateurs (que nous noterons P0 ). Nous adopterons les notations sui-
vantes : Q 0,t et P0,t désigneront, respectivement, la quantité d’ordinateurs
et le prix des ordinateurs pour l’année t . L’année t correspondra, tour à
tour, à l’année 1 puis l’année 2 et enfin l’année 3.

32
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Les concepts fondamentaux de la macroéconomie

Le PIB nominal est égal à :


 Q 0,t × P0,t = 50 000 × 100 = 5 000 000 pour l’année 1 ;
 Q 0,2 × P0,2
 Q 0,3 × P0,3
= 55 000 × 120 = 6 600 000 pour l’année 2 ;
= 58 000 × 150 = 8 700 000 pour l’année 3.
2
Le PIB nominal passe donc de 5 000 000 en année 1 à 6 600 000 en année
2 puis 8 700 000 en année 3. Ceci représente, respectivement, des taux de
croissance de + 32,0 % entre l’année 1 et l’année 2 et de + 31,8 % entre
l’année 2 et l’année 3.
Pour la construction du PIB réel, nous choisissons l’année 1 comme
année de référence (de base). Dès lors, le PIB réel se calcule en multi-
pliant les quantités des années 1, 2 et 3 par le prix de l’année de référen-
ce, ici l’année 1. Ainsi, le PIB réel est égal à :
 Q 0,1 × P0,1 = 50 000 × 100 = 5 000 000 , pour l’année 1. Nous remar-
quons que le PIB réel est égal au PIB nominal ;
 Q 0,2 × P0,1 = 55 000 × 100 = 5 500 000 , pour l’année 2 ;
 Q 0,3 × P0,1 = 58 000 × 100 = 5 800 000 , pour l’année 3.
Le PIB réel passe donc de 5 000 000 en année 1 à 5 500 000 en année 2
puis 5 800 000 en année 3. Ceci représente, respectivement, des taux de
croissance de + 10,0 % entre l’année 1 et l’année 2 et de + 5,5 % entre
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

l’année 2 et l’année 3. Le tableau 4 résume nos calculs.


Tableau 4 – Calcul des PIB nominal et réel

Année Quantité Prix PIB nominal PIB réel Taux de Taux de


(année de croissance du croissance du
base : 1) PIB nominal PIB réel

1 50 000 100 5 000 000 5 000 000


2 55 000 120 6 600 000 5 500 000 +32,0 % +10,0%
3 58 000 150 8 700 000 5 800 000 +31,8 % +5,5 %

Regardons à présent ce qu’il se passerait si nous choisissions l’année 2


comme année de référence et non plus l’année 1. La construction du PIB
nominal ne change pas. Par contre, le PIB réel est désormais égal à :

33
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M acroéconomie

 Q 0,1 × P0,2 = 50 000 × 120 = 6 000 000 , pour l’année 1 ;


 Q 0,2 × P0,2 = 55 000 × 120 = 6 600 000 , pour l’année 2. Entre
l’année 1 et l’année 2, le taux de croissance du PIB réel est de +10,0 % ;
 Q 0,3 × P0,2 = 58 000 × 120 = 6 960 000 , pour l’année 3. Entre l’année
2 et l’année 3, le taux de croissance du PIB réel est de +5,5 %.
Nous voyons que si les taux de croissance restent identiques, le niveau du
PIB réel change lorsque l’on choisit une autre année de référence. Le
tableau 5 résume nos calculs.
Tableau 5 – Calcul du PIB réel selon différentes années de base

Année PIB réel Taux de PIB réel Taux de


(année de base : 1) croissance (année de base : 2) croissance

1 5 000 000 6 000 000


2 5 500 000 +10,0% 6 600 000 +10,0%
3 5 800 000 +5,5% 6 960 000 +5,5%

Dans la pratique, la construction du PIB repose sur la production de plu-


sieurs biens finaux et non d’un seul comme dans l’exemple précédent.
Comment faire dans ce cas-là ? Il faut alors définir le PIB réel comme une
somme pondérée de la production de l’ensemble des biens finaux de
l’économie. Quelle pondération adopter ? La pondération « naturelle »
semble être celle du prix relatif des biens. En effet, si un bien a un prix
unitaire deux fois plus élevé qu’un autre, il devrait peser deux fois plus
dans le PIB réel. Toutefois, il est possible que les prix relatifs des biens
changent au cours du temps. Dès lors, la pondération est amenée à être
modifiée ce qui introduirait une rupture dans la série construite. La solu-
tion est alors de « chaîner » les comptes. Le but est de créer une « chaîne »
afin que le rebasage des comptes ne constitue pas une réécriture de l’his-
toire économique et statistique. Le chaînage permet ainsi d’éviter le biais
de substitution. Les indices chaînés tiennent ainsi compte, en actualisant
les pondérations, de la déformation de la structure de l’économie tout au
long de la période et du lien qui existe entre les évolutions de prix et de
quantités. Dès lors, les taux de croissance mesurés par les indices chaînés
ne sont pas révisés lors des changements de date de référence.

34
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Les concepts fondamentaux de la macroéconomie

■ Une économie avec deux biens


Pour comprendre concrètement la construction du PIB réel, envisageons
un exemple dans lequel une économie produirait à présent deux biens :
des ordinateurs et des pommes. Le tableau 6 présente les caractéristiques
de cette production sur les années 1 et 2.
2
Tableau 6 – Une économie avec deux biens finaux

Année 1 Année 2
Quantité Prix Quantité Prix
Ordinateurs 50 000 100 55 000 120
Pommes 10 000 5 20 000 9

Nous adopterons les notations suivantes :


 P0,t et Pp,t désignent, respectivement, les prix unitaires des ordinateurs
et des pommes pour l’année t (avec t = 1,2 ) ;
 Q 0,t et Q p,t désignent, respectivement, les quantités produites d’ordi-
nateurs et des pommes pour l’année t (avec t = 1,2 ).
Le PIB nominal s’obtient en multipliant les quantités d’ordinateurs et de
pommes par leurs prix respectifs. Soit :
 pour l’année 1 :
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

PIB nominal = Pp,1 × Q p,1 + P0,1 × Q 0,1 = (50 000 × 100)


+ (10 000 × 5) = 5 050 000 ;

 pour l’année 2 :
PIB nominal = Pp,2 × Q p,2 + P0,2 × Q 0,2 = (55 000 × 120)
+ (20 000 × 9) = 6 780 000 ;

Le taux de croissance du PIB nominal est ici de +34,3 %.


Examinons à présent le PIB réel. Comme nous souhaitons mesurer l’évo-
lution des quantités produites en éliminant l’influence de l’évolution des
prix, nous devons choisir une année de référence. Choisissons l’année 1.

35
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M acroéconomie

Dans ce cas, le PIB réel s’obtient en multipliant les quantités d’ordina-


teurs et de pommes par leurs prix respectifs de l’année 1 (année de base).
Soit :
 pour l’année 1 :

PIB réel = Pp,1 × Q p,1 + P0,1 × Q 0,1 = (50 000 × 100)


+ (10 000 × 5) = 5 050 000 ;

 pour l’année 2 :
PIB réel = Pp,1 × Q p,2 + P0,1 × Q 0,2 = (55 000 × 100)
+ (20 000 × 5) = 5 600 000 .

Le taux de croissance du PIB réel est ici de +10,9 %.


À présent, regardons ce qu’il se passe si nous choisissons non plus l’année
1 mais l’année 2 comme année de base. Le calcul du PIB nominal ne
change pas. Par contre, le calcul du PIB réel se base à présent sur les prix
des ordinateurs et des pommes de l’année 2. Dès lors :
 pour l’année 1 :
PIB réel = Pp,2 × Q p,1 + P0,2 × Q 0,1 = (50 000 × 120)
+ (10 000 × 9) = 6 090 000 ;

 pour l’année 2 :
PIB réel = Pp,2 × Q p,2 + P0,2 × Q 0,2 = (55 000 × 120)
+ (20 000 × 9) = 6 780 000 .

Avec ce changement d’année de base, le taux de croissance du PIB réel est


désormais de +11,3 % et non plus de +10,9 %.
Dans le cas où l’économie ne produisait qu’un seul type de bien final, le
changement de l’année de base n’affectait pas le taux de croissance. Ici,
en présence de deux biens finaux, le taux de croissance se modifie avec le
changement de l’année de base. Du coup, quelle année de base choisir ?
Pourquoi choisir une année de base plutôt qu’une autre ?

36
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Les concepts fondamentaux de la macroéconomie

■ Le cas de la France
En France, l’Insee détermine une année de base pour mettre en place la
comptabilité nationale. Les comptes nationaux changent régulièrement de
base : 1956, 1959, 1962, 1971, 1980, 1995, 2000 et 2005. Nous l’avons vu
dans l’exemple ci-dessus, changer de base implique un nouveau calcul des
2
niveaux et des taux de croissance des variables et notamment le PIB. Par
conséquent, l’histoire du PIB français était réécrite à chaque changement
de base. Pour pallier cette difficulté, l’Insee a mis en place la technique des
prix chaînés. Dans ce cas, l’année de base correspond à l’année précédente
(et non une année fixe). Avec ce mode de calcul, la pondération de chaque
composante du PIB est réestimée chaque année. Le chaînage permet donc
de prendre en compte la déformation de structure de l’économie (les prix
relatifs, le poids des différents produits, etc.) ce qui permet de ne pas réécri-
re l’histoire économique du pays à chaque changement de base.

■ Les différents taux de croissance


Il ne faut pas confondre le taux de croissance que nous venons de calcu-
ler avec d’autres notions comme le taux de croissance annuel moyen, le
taux de croissance annualisé du PIB trimestriel, etc.
Intéressons-nous à l’évolution du PIB réel de la France entre 1995 et
2012. À partir des tableaux 1 et 2, nous pouvons calculer la croissance
moyenne entre plusieurs dates. Il s’agit ici de calculer une moyenne
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

« simple » sur les dites périodes.


3,0 %
2,6 %
2,5 %

2,0 % 2,0 %
1,6 %
1,5 %

1,0 % 0,9 %

0,5 % 0,5 %

0,0 %
1995-2012 1995-2000 2000-2005 2005-2012 2007-2012
Source : Insee (base 2005).
Figure 2 – Taux de croissance moyen du PIB réel de la France (en %)

37
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M acroéconomie

Nous voyons, par exemple, qu’entre 1995 et 2012, la moyenne du taux de


croissance est de + 1,6 %.
La notion de taux de croissance moyen annuel (ou annuel moyen)
permet de calculer un taux de croissance moyen sur une durée de n
périodes. Pour calculer ce taux de croissance, noté g, il faut résoudre
l’équation suivante :
PIB t (1 + g)n = P I Bt+n (7)

Nous voyons que :


 
    n1
PIB t+n PIB t+n
g= n
− 1 × 100 ⇐⇒  − 1 × 100 (8)
PIB t PIB t
Ainsi, le taux de croissance moyen annuel entre 1995 et 2012 est de
+1,5 %.

2.4 La décomposition du PIB


La définition 1 du PIB (cf. p. 26) le présente comme la somme des biens
et services « finaux » produits par les agents économiques. Il faut à pré-
sent s’interroger sur la répartition de cette production finale. Autrement
dit, il ne faut pas seulement s’intéresser à la production totale de biens et
services « finaux « mais également à la manière dont cette production
finale est répartie selon son utilisation. La comptabilité nationale répartit
le PIB en quatre grands groupes :
 la consommation. Nous noterons cette grandeur C ;
 l’investissement. Nous noterons cette grandeur I . Par la suite, nous
effectuerons une distinction entre l’investissement en capital fixe
( F BC F ) et l’investissement en stock ( I S ) ;
 les dépenses publiques. Nous noterons cette grandeur G ;
 les exportations nettes. Nous noterons cette grandeur N X . Ainsi
N X = X − M , avec X les exportations et M les importations.
Le tableau 7 présente la décomposition du PIB selon ces quatre grands
groupes pour l’année 2012.

38
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Les concepts fondamentaux de la macroéconomie

Tableau 7 – La décomposition du PIB nominal français en 2012

En Mds€ En % du PIB
PIB (Y)
1. Consommation (C)
2. Investissement (I)
2 032,3
1 172,3
401,8
57,7
19,8
2
3. Dépenses publiques (G) 502,7 24,7
4. Exportations nettes (NX) – 45,0 – 2,3
Exportations (X) 557,627,4
Importations (M) 602,6 27,7
5. Investissements – 0,1 0,0
en stocks (Is)

Source : Insee (base 2005).

 La consommation (C) est constituée de l’ensemble des biens et services


achetés par les ménages : nourriture, voiture, habillement, chambre d’hôtel,
prestation médicale, etc. En 2012, la consommation représentait 57,7 % du
PIB. La consommation est la grandeur la plus importante du PIB.
 L’investissement (I) , appelé formation brute de capital fixe (FBCF)
ou encore investissement en capital fixe en comptabilité nationale, est
l’achat de biens destinés à une utilisation future. Il ne doit pas être
confondu avec l’investissement en stock ( I S ) (cf. définition infra).
Nous devons également distinguer l’investissement des entreprises
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

(achat de terrains, de matériel, etc., destinés à la production des entre-


prises) de l’investissement des administrations (cf. chapitre 3) et de
celui des ménages (hors entrepreneurs individuels1). En effet, au sens
strict du terme, les ménages n’investissent pas. Le seul investissement
que les ménages effectuent est l’achat d’un bien immobilier (apparte-
ment ou maison)2. En 2012, l’investissement représente 19,8 % du
PIB. Nous le verrons dans le chapitre qui lui est consacré, l’investisse-
ment est un agrégat beaucoup plus volatil que la consommation.
1 Par convention, les entrepreneurs individuels sont intégrés au secteur des ménages

(cf. chapitre 3). Toutefois, l’investissement des entrepreneurs individuels est différent de
celui des ménages puisqu’il correspond à la variation des stocks.
2 Ainsi, lorsqu’un ménage achète des actions d’une entreprise, il n’investit pas ! Il se consti-

tue une épargne.

39
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M acroéconomie

 Les dépenses publiques correspondent à l’achat de biens et services


par les administrations publiques. Ces achats sont très hétérogènes
puisqu’ils vont des fournitures de bureau aux équipements militaires
en passant par les services rendus par les fonctionnaires. Les dépenses
publiques ne comptabilisent ni les transferts vers les ménages (du type
Sécurité sociale), ni les intérêts payés sur la dette publique (la charge
de la dette publique). En 2012, les dépenses publiques représentent
24,7 % du PIB mais atteignent 56,6 % du PIB lorsque l’on intègre les
transferts et la charge de la dette publique.
 Les exportations nettes (NX) rendent compte des échanges du pays avec
le reste du monde. Il s’agit de la différence entre les exportations (X) et
les importations (M) de biens et services. Les exportations sont les ventes
de biens et services domestiques au reste du monde – la production
nationale vendue au reste du monde – et les importations correspon-
dent aux achats de biens et services au reste du monde destinés à un
usage domestique (consommation, investissement) – la production
étrangère vendue à l’économie nationale. Les exportations nettes sont
aussi appelées solde extérieur des biens et services de la Nation. Si les
exportations sont supérieures (inférieures) aux importations, le solde
extérieur des biens et services est excédentaire (déficitaire). En 2012,
la France connaît un déficit du solde extérieur des biens et services de
l’ordre de 45 Mds€ soit 2,3 % du PIB1.
 Dernière ligne du tableau 7, l’investissement en stocks représente
l’accroissement des stocks de biens détenus par les entreprises. En
effet, d’une année à l’autre, il est possible qu’une différence existe
entre les biens produits et les biens achetés. Cette différence est appe-
lée variation de stocks. Si la différence est positive (négative), la varia-
tion de stocks est positive (négative). Les variations de stocks sont,

1 Le solde extérieur des biens et services de la Nation ne doit pas être confondu avec le solde

de la balance commerciale. La balance commerciale comptabilise la valeur des biens expor-


tés et la valeur des biens importés. Le solde de la balance commerciale peut s’exprimer de
deux manières (cf. chapitre 3) : CAF-FAB ou FAB-FAB. En 2012, le solde CAF-FAB (qui est
celui généralement retenu) de la balance commerciale était de – 80,1Mds€ (en euros cou-
rants), soit 3,9% du PIB.

40
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Les concepts fondamentaux de la macroéconomie

généralement, faibles. Ainsi, en 2012, elles représentent – 0,1 Mds€ (il


s’agit donc d’une variation de stocks négative) soit 0,0 % du PIB. Des

2
exceptions existent, notamment lors des années de récession. À titre
d’exemple, en France, en 2009, les variations de stocks étaient de
– 10,7 Mds€ soit 0,6 % du PIB.
Avec les éléments développés précédemment, nous pouvons donc dire
que le PIB est la somme de la consommation, de l’investissement, des
dépenses publiques et des exportations nettes. Si nous notons Y le PIB,
nous pouvons écrire l’équation suivante :

Y = C + I +G + NX (9)

Nous pouvons réécrire l’équation (9) en décomposant les exportations


nettes entre les exportations (X) et les importations (M) :
Y =C+I +G+X −M (10)

Nous pouvons enfin réaliser un dernier aménagement en faisant passer


les importations (M) à gauche :
Y +M =C+I +G+X (11)

Cette équation constitue une identité (un équilibre) comptable. Il s’agit


d’un équilibre ressources-emplois, c’est-à-dire d’une égalité entre les res-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

sources de l’économie domestique (la production Y et les produits impor-


tés M ) et l’utilisation de ses ressources (ses emplois) que sont la consom-
mation, l’investissement, les dépenses publiques et les exportations.
Cet équilibre ressources-emplois doit toujours se vérifier. Il constitue la
base fondamentale de la macroéconomie, comme nous le verrons dans le
chapitre 3 consacré à la comptabilité nationale. En aucun cas, cette iden-
tité (équilibre) comptable ne doit être confondue avec un équilibre
macroéconomique.

■ Les contributions à la croissance


Nous avons vu précédemment comment calculer le taux de croissance du
PIB et quels sont ses déterminants. Il serait à présent intéressant de savoir

41
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M acroéconomie

expliquer et de calculer les contributions à la croissance du PIB. En effet,


lorsque le PIB augmente de 2 %, compte tenu de sa composition, étudier
les contributions à la croissance du PIB permet de comprendre quels ont
été les éléments qui ont influencé cette croissance. Pour reprendre la défi-
nition de l’Insee : « la croissance du PIB peut être décomposée en la
somme des contributions de ses différentes composantes ».
Comment calculer une contribution ? Pour répondre à cette question,
appuyons-nous sur les chiffres de l’Insee pour les années 2011 et 2012. Le
tableau 8 présente ces chiffres.

Tableau 8 – Le PIB et ses composantes (en volume, Mds€)


En Mds€
2011 2012
PIB 1 808,6 1 808,8
Consommation 1 050,6 1 047,0
FBCF 343,8 339,6
Dépenses publiques 445,9 452,3
Variation de stocks 11,9 – 3,2
Solde extérieur – 43,9 – 26,5
Exportations 492,8 504,6
Importations 536,7 531,0

Source : Insee (base 2005).

Pour l’année 2012, la croissance du PIB réel a été de + 0,0 %. Quelles


furent les contributions de ses composantes ? Il s’agit du produit entre le
poids de cette composante dans le PIB en 2011 et le taux de croissance
[entre 2011 et 2012] de cette composante. Intéressons-nous, par
exemple, à la consommation (notée C). La contribution de la consom-
mation se calcule comme :
   
C2011 C2012
× − 1 × 100 (12)
P I B2011 C2011

Avec les chiffres du tableau 11, la contribution de la consommation à la


croissance du PIB est égale à :

42
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Les concepts fondamentaux de la macroéconomie

   
1 050,6 1 047
× − 1 × 100 = −0,2 % (13)
1 808,6 1 050,6
Au titre de l’année 2012, la croissance du PIB réel a été de + 0,0 % et la
contribution de la consommation à la croissance du PIB a été de – 0,2 %.
Il s’agit donc d’une contribution négative.
2
D’une manière générale, la contribution de la consommation à la crois-
sance du PIB entre les dates t – 1 et t se calcule comme :
   
Ct−1 Ct
× −1 (14)
P I Bt−1 Ct−1

Ce calcul peut être reproduit pour l’ensemble des composantes du PIB :


l’investissement, la variation de stocks, les dépenses publiques et le solde
extérieur. La figure 3 présente les contributions à la croissance du PIB
entre 2000 et 2012.
5%

4% 3,7%

3% 2,5% 2,5% 2,3%


1,8% 2,0%
1,8% 1,7%
2%
0,9% 0,9%
1%
-0,1% 0,0%
0%
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

-1 %

-2 %

-3 % -3,1%

-4 %

-5 %
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012
Consommation FBCF Variation de stocks
Dépenses publiques Solde extérieur Produit intérieur brut

Source : Insee (base 2005).

Figure 3 – Les contributions à la croissance du PIB


de la France entre 2000 et 2012 (en %)

43
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M acroéconomie

Par définition, la somme des contributions doit être égale à la croissance


du PIB. À titre d’exemple, en 2004, la croissance du PIB a été de +2,5 %.
Les contributions furent de :
 + 1,0 % pour la consommation ;
 + 0,6 % pour l’investissement ;
 + 0,7 % pour la variation de stocks ;
 + 0,5 % pour les dépenses publiques ;
 – 0,3 % pour le solde extérieur. Cela signifie que la contribution néga-
tive est venue diminuer la croissance du PIB.
La somme des contributions 1 % + 0,6 % + 0,7 % + 0,5 % + (−0,3 %)
est bien égale à la croissance du PIB (+2,5 %).

3 Les autres grandeurs


de la macroéconomie
Si le PIB est la principale variable à partir de laquelle les économistes
apprécient les résultats macroéconomiques d’un pays, il en existe
d’autres parmi lesquels l’inflation et le taux de chômage. Si nous nous
intéressons à ces deux variables en particulier c’est parce qu’elles ont une
relation plus ou moins directe avec le PIB.

3.1 Le taux d’inflation


L’inflation décrit une hausse générale et continue du niveau général
des prix. Le taux d’inflation mesure donc le taux de croissance du
niveau général des prix.

Les termes « générale » et « continue » sont fondamentaux pour décrire


un phénomène inflationniste. Ainsi, dans une économie où il y aurait n
biens, on ne peut pas considérer qu’il y ait de l’inflation si le prix d’un
seul de ces biens augmente, les prix des n − 1 autres biens restant
constants ou si les prix des n biens augmentent à la période t mais restent
constants aux périodes suivantes (en t + 1, t + 2, etc.).

44
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Les concepts fondamentaux de la macroéconomie

16 %

2
14 %

12 %

10 %

8%

6%

4%

2%

0%
1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010

Source : OCDE.

Figure 4 – Le taux d’inflation en France (en %)

L’inflation se mesure en pourcentage de façon mensuelle, trimestrielle ou


annuelle. À titre d’exemple, la figure 4 présente l’évolution du taux
d’inflation annuel, mesurée à partir de l’indice des prix à la consomma-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

tion, de la France entre 1970 et 2012.


Sur ce graphique, on constate :
 une tendance à la baisse du taux d’inflation sur les 40 dernières années ;
 une forte inflation entre 1974 et 1980 consécutive aux deux chocs
pétroliers ;
 une baisse de l’inflation dès la fin des années 1980/début des années
1990 pour, dans un premier temps, satisfaire les exigences du Système
monétaire européen (SME), puis, dans un second temps, respecter
l’un des cinq critères de convergences du Traité de Maastricht.
Mesurer l’inflation suppose la définition du niveau des prix. Quelle défi-
nition des prix adopter ? Dans la figure 4, nous avons présenté le taux

45
9782100706471-guil-C02.qxd 16/07/14 9:39 Page 46

M acroéconomie

d’inflation mesuré à partir de l’indice des prix à la consommation. Mais,


dans la section 2.2, nous avons défini la notion de déflateur du PIB qui
permettait de passer du PIB nominal au PIB réel.
Compte tenu des développements précédents, nous savons qu’une aug-
mentation du PIB nominal alors que le PIB réel reste constant est due à
l’augmentation des prix. Cette distinction PIB nominal/PIB réel justifie
ainsi la notion de déflateur du PIB. Lorsque l’on « déflate » le PIB, on
retire l’effet des prix sur l’évolution du PIB, ce qui permet de ne prendre
en considération que la hausse des quantités produites. En reprenant les
notations précédemment adoptées, le déflateur du PIB à la date t , noté Pt
se définit comme le ratio entre le PIB nominal à la date t (Yt,n ) et le PIB
réel à la date t (Yt,r ) :
Yt,n
Pt = (15)
Yt,r

Nous voyons que pour l’année de base, le PIB nominal et le PIB réel sont
égaux, le déflateur est donc égal à 1 pour cette année-là. Ce n’est pas le
niveau du déflateur qui intéresse les macroéconomistes, mais sa variation
entre deux dates. C’est donc le taux d’accroissement du déflateur qui va
définir le taux d’inflation [mesuré à partir du déflateur du PIB]. Dès lors,
le taux d’inflation, noté πt , qui mesure le taux de croissance des prix au
cours du temps se définit comme :
  
Pt
πt = − 1 × 100 (16)
Pt−1

L’autre définition possible des prix repose sur l’indice des prix à la
consommation. En utilisant le déflateur du PIB comme définition des
prix, nous tenons compte des prix de l’ensemble des biens de l’économie
puisqu’il permet de convertir le PIB nominal en PIB réel. Mais les
consommateurs ne sont concernés que par les prix des biens qu’ils
consomment. Or, certains des biens produits ne sont pas vendus aux
consommateurs1. De plus, les consommateurs achètent également des

1 Ces biens produits peuvent être exportés ou vendus aux entreprises.

46
9782100706471-guil-C02.qxd 16/07/14 9:39 Page 47

Les concepts fondamentaux de la macroéconomie

biens produits à l’étranger. Dès lors, il est préférable de retenir un indice


basé sur l’ensemble des biens destinés à la consommation des ménages.

2
La construction d’un tel indice va permettre de mesurer le pouvoir
d’achat des ménages.
L’indice des prix à la consommation (IPC par la suite) mesure l’évo-
lution du niveau moyen des prix des biens et services consommés, y
compris ceux qui sont importés, par les ménages au cours d’une
période de temps donnée (le mois, le trimestre, l’année).

Son principe repose sur la construction d’un panier de biens et services


finaux représentatifs1 pondérés par leurs poids dans la consommation.
L’observation des prix s’effectue par enquête sur un échantillon repré-
sentatif de biens et services observés dans les différents types de com-
merce. Chaque mois, l’Insee calcule l’IPC qui est ensuite publié au
Journal Officiel.
Tout comme le déflateur du PIB, l’IPC est égal à 1 (ou 100) à la période
choisie comme période de base.
Mesurer l’inflation à partir de l’indice des prix à la consommation ne
tient compte que des biens qui sont consommés. En utilisant le déflateur
du PIB comme définition des prix, nous tenons compte des prix de
l’ensemble des biens produits par l’économie.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Dans la pratique, c’est davantage l’indice des prix à la consommation qui


sert, le plus souvent, de définition des prix afin de mesurer l’inflation.
La figure 5 présente l’évolution du taux d’inflation selon les deux défini-
tions développées ci-dessus.
On constate que les deux séries sont assez proches. D’ailleurs le coeffi-
cient de corrélation entre les deux taux d’inflation est de 0,97 sur la
période étudiée. Nous remarquons toutefois que des écarts significatifs
peuvent apparaître, mais que ces deux mesures donnent, d’une manière
générale, la même idée de l’orientation générale des prix.

1 Cette représentation repose sur l’analyse détaillée des dépenses de consommation des
ménages.

47
9782100706471-guil-C02.qxd 16/07/14 9:39 Page 48

M acroéconomie

16 %

14 %

12 %

10 %

8%

6%

4%

2%

0%
1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010
Déflateur du PIB Indice des prix à la consommation

Source : Insee (base 2005).

Figure 5 – Les taux d’inflation selon le déflateur du PIB et l’IPC


en France (en %)

L’inflation ne doit pas être confondue avec trois autres notions relatives
à l’évolution des prix : la désinflation, la déflation et l’hyperinflation.

La désinflation correspond à un ralentissement de l’inflation.

Le meilleur exemple est celui des pays européens qui, dans les années
1980 et surtout 1990, ont vu leur taux d’inflation diminuer afin de res-
pecter les critères du Traité de Maastricht pour pouvoir adopter l’euro
dès 1999.
Nous observons un mouvement de désinflation dans les principaux pays
de la zone euro dans les années 1980. Nous pouvons même parler de
convergence des différents taux d’inflation autour de 2 % qui devient,
par la suite, l’objectif de la Banque centrale européenne.

48
9782100706471-guil-C02.qxd 16/07/14 9:39 Page 49

Les concepts fondamentaux de la macroéconomie

25 %

20 %

15 %
2
10 %

5%

0%
1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010

–5%
France Allemagne Italie Espagne Pays-Bas Belgique

Source : OCDE.

Figure 6 – Les taux d’inflation dans les principaux pays de la zone euro
(en %)

La déflation décrit une baisse générale et continue du niveau général des


prix. Le taux d’inflation devient donc négatif. La croissance économique
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

est alors menacée. Cas emblématique de ce phénomène, le Japon a


connu, depuis le début des années 1990, une déflation récurrente.
Enfin, l’hyperinflation décrit une situation où le taux d’inflation mensuel
dépasse 50 %. Ce phénomène hyperinflationniste s’est produit à
quelques reprises dans un certain nombre de pays. Nous pouvons citer,
par exemple, certains pays d’Amérique latine (Brésil, Chili, Pérou) dans
les années 1960-1970-1980 ou de l’ancien bloc soviétique (Pologne,
Lettonie) dans les années 1990.
Le plus « célèbre » cas d’hyperinflation est celui connu par l’Allemagne
sous la République de Weimar au début des années 1920. À cette époque,
l’Allemagne traversait une grave crise économique mais aussi politique. Le
taux d’inflation est ainsi passé de 244 % en 1920 à 1 870 000 000 % en 1923.

49
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M acroéconomie

Si l’inflation constitue une des variables les plus étudiées par les écono-
mistes c’est pour différentes raisons. Tout d’abord, sa maîtrise est l’objec-
tif, ou l’un des objectifs, de la plupart des banques centrales des pays
développés. Ensuite l’inflation engendre des déséquilibres au niveau des
revenus des agents :
 la répartition des revenus est affectée par l’inflation : les personnes
dont les revenus ne sont pas indexés sur l’inflation (par exemple les
personnes retraitées dans certains pays), perdent du pouvoir d’achat
par rapport à d’autres catégories ;
 la distribution des revenus est également affectée : si les tranches d’impo-
sition fiscale ne sont pas indexées sur l’inflation, les ménages vont payer
de plus en plus d’impôts au fur et à mesure que leur revenu nominal
augmente alors que leur revenu réel aura, quant à lui, diminué ;
 la charge (les intérêts) réelle d’une dette (c’est-à-dire les intérêts nomi-
naux diminués de l’inflation) a tendance à diminuer. Dès lors, l’infla-
tion est bénéfique aux emprunteurs et néfaste pour les créditeurs. Le
phénomène inverse se produit en cas de déflation.
Malgré les déséquilibres que peut engendrer l’inflation, il faut toutefois
souligner que celle-ci est généralement « préférée » à la déflation qui
semble plus difficile à endiguer.

3.2 Le taux de chômage


 Définition
Le taux de chômage correspond au ratio entre le nombre de chômeurs et
la population active totale.
Si nous notons U le nombre de chômeurs et L la population active totale,
le taux de chômage u peut se définir comme :
U
u= (17)
L
La population active totale, L, est la somme du nombre de chômeurs, U ,
et du nombre de personnes ayant un emploi, N. Dès lors :
L =U+N (18)

50
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Les concepts fondamentaux de la macroéconomie

La relation inflation-chômage

2
En 1958, Alban W. Phillips a été le premier à démontrer une relation inver-
se entre l’inflation et le chômage1. Le graphique ci-dessous présente la
relation inflation-chômage pour les États-Unis entre 1950 et 2012.

8,0
Différentiel d'inflation (en points)

6,0

4,0

2,0

0,0
0,0 1,0 2,0 3,0 4,0 5,0 6,0 7,0 8,0 9,0 10,0
– 2,0

-4,0

-6,0

-8,0
Taux de chômage (en %)

Ce graphique montre une relation négative entre ces deux variables la plu-
part du temps même si on peut constater des exceptions notamment à
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

partir des années 1970. À partir de ces années, la relation de Phillips


semble être contredite par les faits. Nous pouvons assister à des situations
où des forts taux d’inflation coexistent avec des taux de chômage élevés.
Ce phénomène correspond à une situation de stagflation, contraction des
termes stagnation [de l’activité économique, d’où chômage] et inflation.
1 Pour être exact, la relation qu’établit Phillips en 1958 est une relation inverse entre le
taux de croissance des salaires nominaux et le taux de chômage. Ce n’est qu’en 1960
que Robert Solow et Paul Samuelson vont aboutir à une relation inverse entre taux de
chômage et taux d’inflation. Toutefois, le terme de courbe de Phillips est resté associé
à ce changement.

 En pratique
Selon l’Insee, « un chômeur est une personne qui n’a pas d’emploi et qui
en recherche un ». La définition des chômeurs est extrêmement sensible

51
9782100706471-guil-C02.qxd 16/07/14 9:39 Page 52

M acroéconomie

aux critères retenus. La définition – sur laquelle repose le plus souvent les
études statistiques – est celle au sens du Bureau international du travail
(BIT)1. Dès lors, un chômeur est une personne en âge de travailler, c’est-
à-dire qui a 15 ans ou plus et qui doit remplir simultanément trois condi-
tions :
 être sans emploi, c’est-à-dire ne pas avoir travaillé, même pas une
heure, durant une semaine de référence ;
 être disponible pour prendre un emploi dans les 15 jours ;
 avoir cherché activement un emploi dans le mois précédent ou en
avoir trouvé un qui commence dans moins de trois mois.
Les personnes ayant un emploi et celles sans emploi mais en recherchant
un font par conséquent partie de la population active. Les personnes sans
travail qui n’effectuent aucune démarche de recherche d’un emploi, ainsi
que les retraités, sont « exclues » de la population active.
Le tableau 9 présente l’évolution du taux de chômage de quelques pays2.

Tableau 9 – Les taux de chômage (en %)

Années France Allemagne* Zone euro** Etats-Unis OCDE


1980 5,3 1,7 4,9 7,2 5,4
1985 8,9 6,7 9,1 7,2 7,2
1990 7,9 4,5 7,3 5,6 5,7
1995 10,0 7,9 10,3 5,67,2
2000 8,5 7,5 8,3 4,0 6,0
2005 8,9 10,7 8,9 5,1 6,6
2012 9,9 5,3 11,2 8,1 8,0
* Allemagne : Ouest jusqu’en 1991 ; Allemagne totale depuis 1992.
** Zone euro : avec l’Allemagne occidentale, jusqu’en 1991.
Pays de l’OCDE appartenant à la zone euro depuis 1992.
Source : OCDE.

1 Retenir la définition du chômage au sens du BIT permet des comparaisons internatio-


nales.
2 L’historique complet du tableau est disponible sur www.dunod.com.

52
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Les concepts fondamentaux de la macroéconomie

Ce tableau montre, notamment, que le chômage a eu tendance à forte-


ment augmenter au début des années 1980 et 1990 et avec la crise de

2
2008. La fin des années 1990 et le début des années 2000 coïncident avec
des taux de chômage plus faibles.
Un niveau élevé de chômage est un problème à la fois économique mais
aussi social.
D’un point de vue économique, le chômage signifie le « gaspillage » d’une
ressource [humaine]. Lorsque le chômage augmente, cela signifie qu’une
quantité importante de biens et services ne sont pas produits. Il s’agit par
conséquent d’une perte puisque l’économie aurait pu être plus riche avec
cette production.
D’un point de vue social, le chômage entraîne de nombreuses souffrances,
y compris morales et émotionnelles, puisque les personnes concernées ont
un revenu faible. Des revenus plus faibles entraînent des privations (réduc-
tion des sorties en famille par exemple) et des séquelles physiques et psy-
chologiques. Un individu trop longtemps au chômage peut se sentir rejeté
par la société et, à terme, remettre en cause sa « valeur » personnelle.
Les figures 7 à 10 présentent la relation entre la croissance du PIB et le
taux de chômage pour certains pays de l’OCDE entre 1981 et 2012 (r
indique le coefficient de corrélation entre ces deux variables).
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

 La relation entre le taux de chômage et la croissance du PIB

2,0
Variation du taux de chômage

1,5 r = – 0,65

1,0

0,5

0,0
– 4,0 – 3,0 – 2,0 – 1,0 0,0 1,0 2,0 3,0 4,0 5,0
– 0,5

– 1,0

– 1,5

– 2,0
Taux de croissance du PIB réel (en %)
Figure 7 – France

53
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M acroéconomie

Variation du taux de chômage 2,0

r = – 0,81
1,5

1,0

0,5

0,0
– 1,0 0,0 1,0 2,0 3,0 4,0 5,0

– 0,5

– 1,0
Taux de croissance du PIB réel (en %)
Figure 8 – Zone euro
2,5
Variation du taux de chômage

2,0
r = – 0,87
1,5
1,0
0,5
0,0
– 2,0 – 1,0 0,0 1,0 2,0 3,0 4,0 5,0 6,0 7,0 8,0
– 0,5
– 1,0
– 1,5
– 2,0
– 2,5
Taux de croissance du PIB réel (en %)
Figure 9 – États-Unis

2,5
Variation du taux de chômage

2,0 r = – 0,87

1,5

1,0

0,5

0,0
– 5,0 – 4,0 – 3,0 – 2,0 – 1,0 0,0 1,0 2,0 3,0 4,0 5,0
– 0,5

– 1,0
Taux de croissance du PIB réel (en %)
Figure 10 – OCDE

Source : OCDE.

54
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Les concepts fondamentaux de la macroéconomie

Ces graphiques montrent qu’une période de forte croissance s’accom-


pagne en général d’une diminution du taux de chômage et, à l’inverse,

2
une période de faible croissance correspond à une augmentation du taux
de chômage. Cette relation s’explique de manière assez simple : une forte
croissance conduit à une augmentation des embauches par les entreprises
pour produire davantage afin de répondre à la demande, d’où une aug-
mentation de l’emploi et une diminution du chômage.
Cette relation négative entre la croissance du PIB et l’évolution du taux
de chômage est connue sous le terme de loi d’Okun. La loi d’Okun fut
établie par Arthur Okun en 1960 et permet de déterminer le taux de
croissance nécessaire pour que le taux de chômage se stabilise1. En effet,
si le taux de chômage est jugé trop élevé, une période de croissance rela-
tivement « soutenue » et « longue » sera nécessaire pour le faire baisser.
À l’inverse, si le taux de chômage est jugé « acceptable », c’est-à-dire
proche de son niveau naturel2, le taux de croissance du PIB doit être
compatible avec ce taux de chômage. Dès lors, le taux de chômage est un
indicateur de l’état de l’économie et du taux de croissance « souhai-
table ».
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

1 À l’aide des graphiques 7 à 10, le taux de croissance nécessaire à stabiliser le taux de chô-
mage est de 2,2 % en France, 2,3 % en zone euro, 2,8 % aux États-Unis et 2,8 % dans les
pays de l’OCDE.
2 Le taux de chômage naturel résulte de l’existence d’un chômage frictionnel incompres-

sible lié au temps de prospection sur le marché du travail. Il correspond au taux de chômage
d’équilibre vers lequel tend l’économie sur le long terme, c’est-à-dire en l’absence de dys-
fonctionnements sur le marché du travail. Le taux de chômage naturel est généralement
estimé aux alentours de 4-5 % dans la plupart des économies développées de l’OCDE.

55
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3 La comptabilité
nationale

Mots-clés
Équilibre ressources-emplois, compte des agents, secteurs institu-
tionnels, tableau économique d’ensemble, tableau d’entrées-sorties,
tableau des opérations financières.

1 Introduction
Si étudier la comptabilité nationale peut paraître éloigné de la macroéco-
nomie et des questions qu’elle soulève, elle est, bien au contraire, au cœur
de cette dernière. La comptabilité nationale permet de définir les diffé-
rents agents économiques, leurs ressources et les emplois qu’ils en font,
ainsi que les échanges qu’ils effectuent entre eux. L’ensemble de ces opé-
rations révèle les interdépendances et les relations entre les unités écono-
miques (ménages, entreprises, etc.) et de définir un certain nombre
d’agrégats (PIB, consommation, etc.). Une économie complète com-
prend plusieurs millions d’unités économiques distinctes : ménages,
entreprises, administrations publiques et privées, etc. Globalement, leurs
décisions déterminent la dépense totale d’une économie, son revenu total
et sa production de biens et services. L’étude de la comptabilité nationa-
le va également permettre d’effectuer la distinction fondamentale entre
un équilibre comptable et un équilibre macroéconomique.

56
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La comptabilité nationale

La comptabilité nationale est une représentation globale, détaillée et


chiffrée de l’économie nationale dans un cadre comptable. Cette repré-
sentation de l’économie nationale repose sur des conventions et des
pratiques comptables inspirées de la comptabilité privée (les comptes à
partie double, appelés également comptes en T, par exemple)1.

Si 1945 et la fin de la Seconde Guerre mondiale marquent l’émergence


d’un véritable système de comptabilité nationale, il existe des « précur-
seurs ». Ainsi, en France, le Tableau économique mis en place par
3
Quesnay, est considéré comme le premier « cadre comptable » permet-
tant de définir les comptes des agents et d’évaluer le produit global. En
1791, Lavoisier propose un cadre comptable pour élaborer un compte
simplifié de l’agriculture – principale production à l’époque – dans son
ouvrage De la richesse territoriale du Royaume de France.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les pays touchés par la
guerre décident de reconstruire leur économie en se basant sur un systè-
me comptable cohérent permettant la mise en œuvre des politiques éco-
nomiques et d’en apprécier les résultats. En France, c’est à l’Insee
(Institut national de la statistique et des études économiques) que revient
l’élaboration de la comptabilité nationale : les Comptes de la Nation. Ces
derniers sont publiés chaque année à la mi-mai (pour les comptes
annuels). Chaque pays a son institut qui élabore son cadre comptable et
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

sa comptabilité nationale. Toutefois, afin de permettre des comparai-


sons, il existe depuis les années 1950 des règles d’harmonisation qui ont
permis de fixer une définition commune à un certain nombre de
concepts centraux comme, par exemple, celui de production. Il s’agit
alors du cadre comptable dit normalisé mis en place par l’OECE
(Organisation européenne de coopération économique) dans le cadre du
plan Marshall2, puis par l’OCDE (Organisation de coopération et de
développement économiques) à la fin du plan Marshall et repris par
l’ONU pour l’appliquer à l’ensemble des pays du monde.
1 Cette définition reprend celle de Piriou (2008).
2 Signalons également l’harmonisation effectuée par Eurostat au niveau des pays de l’Union

européenne. Cette harmonisation a débuté dès 1953 dans le cadre de la CECA


(Communauté européenne du charbon et de l’acier).

57
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M acroéconomie

2 Le circuit économique
La comptabilité nationale ne présente pas l’économie nationale comme
un ensemble de marchés, mais comme un circuit (Piriou, 2008).
Le circuit économique est une représentation simplifiée de l’activité
économique qui permet de décrire, au moyen de flux, les relations
entre les différents agents économiques.

Chaque flux est caractérisé par sa nature et le sens du mouvement, repré-


senté, par convention, au moyen d’une flèche orientée. Il s’agit de flux
bilatéraux, c’est-à-dire des flux de monnaie qui ont comme contrepartie
des flux réels1. Le flux est réel lorsque le vendeur vend un bien à un ache-
teur (un concessionnaire vend une automobile à un ménage) et le flux est
monétaire lorsque l’acheteur achète le bien au vendeur (le ménage paie la
voiture) ; le travail fourni par un ménage à une entreprise (la force de tra-
vail) est un flux réel et le salaire qu’attribue l’entreprise au ménage est un
flux monétaire2.
La figure 1 décrit le circuit économique avec cinq catégories « d’agents
économiques » : les ménages, les entreprises financières et non finan-
cières, les administrations publiques et le reste du monde. Ce circuit pré-
sente, de manière synthétique, les relations qui existent entre les diffé-
rents agents économiques.

1 Dans une économie de troc (absence de monnaie), seuls les flux réels sont enregistrés : on

échange une marchandise contre une autre marchandise. Dans une économie monétaire
(où il existe des moyens de paiement comme, par exemple, les pièces ou les chèques), les
flux réels ont une contrepartie monétaire : on échange un bien contre son équivalent moné-
taire.
2 Il faut noter que certains flux n’ont aucune contrepartie comme les dons... ou les vols !

58
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Dépenses de consommation Impôts et cotisations (PO)


Ménages

Salaires et autres revenus Prestations sociales


et biens et services publics

Dépôts
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Prêts et intérêts
Aides et subventions

SNF APU (dont État)

Impôts et cotisations (PO)


16/07/14

Dépôts Dépôts
9:57

SF
Prêts et intérêts Prêts et intérêts
Page 59

Importations Exportations

Reste du Monde

SNF : sociétés non-financières ; SF : sociétés financières ; APU : administrations publiques ; PO : prélèvements obligatoires.

Figure 1 – Le circuit économique

59
La comptabilité nationale

3
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M acroéconomie

Les flux et les stocks


La distinction entre les flux (variable de flux) et les stocks (variable de
stock) est fondamentale, notamment en comptabilité nationale. Ainsi,
en comptabilité nationale, les variables sont mesurées au cours d’une
période de temps (un mois, un trimestre, une année) ou à une date don-
née (le 31 décembre). La distinction flux/stock tient à cette différence
de mesure.
Ainsi, une variable de flux est une grandeur économique mesurée au
cours d’une période de temps donnée. Par exemple, le PIB, qui mesure
la richesse créée au cours d’une année, est une variable de flux. Nous
pouvons également citer l’inflation comme variable de flux.
Une variable de stock est une grandeur économique mesurée à un moment
donné. Par exemple, le taux de chômage est une variable de stock.
Les variables de flux contribuent à la formation des variables de stock.
Ainsi, la dette publique, qui est une variable de stock, correspond à
l’accumulation des déficits publics qui est une variable de flux.
Pour mieux illustrer cette distinction entre les flux et les stocks, nous
pouvons également penser à l’exemple de la baignoire donné par
Mankiw (2010). Cet exemple permet non seulement de distinguer les
flux des stocks mais aussi de montrer que flux et stocks sont souvent
liés. L’eau qui coule du robinet est un flux [d’eau !], alors que l’accumu-
lation de cette eau (de ce flux) dans la baignoire est un stock [d’eau !].

3 L’élaboration de la comptabilité
nationale
L’élaboration de la comptabilité nationale répond à un besoin d’infor-
mation statistique macroéconomique. Elle permet de retracer l’histoire
[statistique] de l’économie nationale en définissant et quantifiant les
grandeurs économiques. Elle fournit un cadre conceptuel et comptable
permettant d’exprimer la réalité économique. Elle repose sur des conven-
tions et des nomenclatures.
En France, c’est, essentiellement, à l’Institut national de la statistique et
des études économiques (Insee) que revient la tâche d’élaborer et de

60
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La comptabilité nationale

publier la comptabilité nationale. L’institution publie ce que l’on appelle


les comptes de la nation. Cette publication se fait selon deux rythmes : les
comptes nationaux trimestriels et les comptes nationaux annuels. La
publication de ces deux types de comptes se fait en plusieurs temps. Pour
les comptes nationaux trimestriels, la première publication, appelée pre-

3
mière estimation, du trimestre t s’effectue au milieu du trimestre t + 1 et
la publication dite détaillée a lieu à la fin du trimestre t + 1. Les comptes
nationaux annuels de l’année n sont publiés à la mi-mai de l’année n + 1 .
Il s’agit de comptes provisoires. En n + 2 , les comptes nationaux annuels
de l’année n deviennent semi-définitifs puis définitifs en n + 3 . Les révi-
sions qui interviennent sont dues à l’enrichissement des sources d’infor-
mations disponibles au fur et à mesure du temps. Dès lors, chaque poste
de la comptabilité nationale peut faire l’objet d’une estimation affinée
jusqu’à la publication du compte définitif.
Exemple : pour l’année 2010 le compte provisoire a été publié à la mi-mai
2011, le compte semi-définitif à la mi-mai 2012 et le compte définitif à la
mi-mai 2013.

Les rôles de l’Insee, de la Banque de France


et de la Direction générale du Trésor
L’Institut national de la statistique et des études économiques
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

(Insee) a été créé en 1946. Son rôle est de collecter, traiter, analyser et
publier de nombreuses informations et données économiques. Parmi
ces attributions, l’Insee se charge de l’élaboration des comptes de la
Nation (trimestriel et annuel) pour le passé. La réalisation des comptes
« futurs » (c’est-à-dire la prévision) revenant essentiellement à la
Direction générale du Trésor. L’Insee réalise également des études et
des synthèses sur un grand nombre de sujets économiques et sociaux.
Les études économiques peuvent aussi bien être macroéconomiques
que microéconomiques puisque l’Insee étudie de manière détaillée le
système productif et les entreprises.
Il faut noter que si l’Insee est une direction du ministère de l’Économie,
elle n’en reste pas moins une institution indépendante à l’égard des ser-
vices administratifs et gouvernementaux afin d’assurer la crédibilité des
statistiques établies et publiées.

61
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M acroéconomie

La Banque de France ainsi que la Direction générale du Trésor parti-


cipent également à l’élaboration des comptes de la Nation. Toutefois, si
l’Insee se charge des comptes du passé et de la conjoncture (à un hori-
zon de six mois), ces deux institutions s’occupent des comptes du futur
(exercice de prévision pour l’établissement des budgets économiques).
La prévision annuelle (qui ne doit pas être confondue avec la prévision
trimestrielle qui est du ressort de l’analyse conjoncturelle) est un exer-
cice extrêmement difficile et délicat puisqu’il faut, dans un premier
temps, synthétiser des données disparates, le plus souvent de sources
différentes, et parfois inexistantes. Dans ce cas, la prévision de ces don-
nées repose soit sur des hypothèses plus ou moins conventionnelles,
soit sur des données approximatives qui reflètent l’évolution de ces
données, soit sur l’élaboration de modèles macro-économétriques.
Dans un second temps, il faut intégrer l’ensemble de ces données à la
maquette de prévision. À titre d’exemple, la Direction générale du
Trésor utilise la maquette Opale pour effectuer ses prévisions écono-
miques à un horizon de 1 à 2 ans.

3.1 Les secteurs institutionnels


L’économie est constituée par des millions d’agents économiques.
Comme il n’est pas possible de les analyser individuellement, la compta-
bilité nationale définit des secteurs institutionnels visant à les regrouper.
Un secteur institutionnel va donc être une entité (unité) économique
visant à regrouper, selon la nature de leurs activités et leur fonction prin-
cipale, des agents ayant des comportements économiques identiques1.
Le système européen de comptabilité (SEC) en date de 2010, distingue au
total 6 secteurs institutionnels. Cinq sont des secteurs institutionnels
résidents :
 sociétés non-financières : SNF ou S11 ;
 sociétés financières : SF ou S12 ;
 administrations publiques : APU ou S13 ;
 ménages : S14 ;
 institutions sans but lucratif au service des ménages : ISBLSM ou S15.

1 Il est possible que le terme secteur institutionnel soit, parfois au cours de cet ouvrage, rem-

placé par le terme agent économique. Bien entendu, ces deux termes sont identiques.

62
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La comptabilité nationale

Ces cinq secteurs institutionnels sont qualifiés de résidents car ils sont
composés d’agents économiques installés sur le territoire national depuis
au moins une année1. L’ensemble des secteurs institutionnels peut être
regroupé au sein d’un même secteur institutionnel : l’économie nationale
ou S1.
Les agents non-résidents, c’est-à-dire installés en dehors du territoire
national, qui entretiennent des relations avec les agents résidents sont
regroupés dans le secteur institutionnel du reste du monde : RdM ou S2.
3
■ Les sociétés non-financières – SNF ou S11
La principale fonction des SNF est la production de biens et services non
financiers marchands. Elles ont une entité juridique propre qui se dis-
tingue de celle de leurs propriétaires. Le S11 n’intègre donc pas les entre-
prises individuelles dont la personnalité juridique n’est pas distincte de
l’entrepreneur. Ces dernières font partie du secteur institutionnel des
ménages. Nous le verrons en étudiant la séquence des comptes, les res-
sources des SNF sont nombreuses.

■ Les sociétés financières – SF ou S12


Les sociétés financières sont les sociétés et quasi-sociétés2 dont l’objectif
est de fournir des services d’intermédiation financière. Les S12 vont, par
exemple, mettre en relation les secteurs institutionnels avec un besoin de
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

financement (ces secteurs vont alors émettre des titres pour se refinan-
cer ; ces secteurs émettent des dettes) avec les secteurs institutionnels qui
dégagent une capacité de financement (ces secteurs « cherchent » à effec-
tuer des placements financiers ; ils acquièrent des créances). Ces inter-
médiaires sont principalement des banques et des sociétés d’assurances.
Les ressources principales des SF proviennent de leurs activités d’inter-
médiations, c’est-à-dire, essentiellement, des marges qu’elles perçoivent
en rémunération de ce service d’intermédiation financière.

1 Aucune distinction de nationalité n’est effectuée. Ainsi, un couple de Finlandais en France

depuis au moins une année est comptabilisé dans le secteur des ménages (S14).
2 Les quasi-sociétés sont des sociétés non constituées en personne morale mais qui sont
gérées comme une société (établissement d’un bilan, etc.).

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M acroéconomie

■ Les administrations publiques – APU ou S13


Lorsque l’on parle des APU, nous pensons immédiatement à l’État ! Les
APU vont bien au-delà de l’État puisqu’elles intègrent les administrations
publiques centrales (État et ODAC1), les administrations publiques
locales (communes, départements, régions) et les administrations de
Sécurité sociale (régimes d’assurance, etc.).
Leur fonction principale est de produire des services non marchands ou
d’effectuer des opérations de répartition du revenu ou du patrimoine.
Les ressources principales des APU sont les prélèvements obligatoires :
impôts et cotisations sociales.

■ Les ménages – S14


Les ménages, qui regroupent les entreprises individuelles, ont pour fonc-
tion principale de consommer2. Au sens de la comptabilité nationale, un
ménage désigne l’ensemble des occupants d’un même logement sans que
ces personnes soient nécessairement unies par un lien familial (exemple
de la cohabitation). Les ressources principales des ménages sont les
rémunérations perçues sous forme de salaires, retraites, revenus
d’épargne, etc.3 ainsi que les transferts effectués par les autres secteurs
institutionnels (essentiellement les APU).

■ Les institutions sans but lucratif au service des ménages


– ISBLSM ou S15
Derrière ce nom et cet acronyme qui peut paraître étrange, se « cache »
ce qu’on appelait avant les administrations privées, c’est-à-dire les agents

1 Organismes divers d’administration centrale : Haute autorité de santé, Fonds national


d’aide au logement, Collège de France, diverses agences de régulation (Commissariat à
l’énergie atomique, Autorité des marchés financiers, etc.), etc.
2 Précision importante : même si les entreprises individuelles sont regroupées dans le

secteur institutionnel des ménages, leur fonction principale est la production de biens et
services marchands.
3 Nous pouvons regrouper l’ensemble de ces rémunérations sous le terme de rémunération

des facteurs de production (Piriou, 2008).

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La comptabilité nationale

qui fournissent des services non marchands aux ménages lorsque ces der-
niers fournissent une cotisation : syndicats, partis politiques, associations
(sportives ou autres), etc. Leurs ressources principales sont donc consti-
tuées par les cotisations versées par les adhérents ou les dons.

3
■ Le reste du monde – RdM ou S2
Le compte S2 retrace l’ensemble des opérations économiques effectuées
par les secteurs institutionnels résidents avec le reste du monde (les
agents économiques non-résidents). L’étude de ce secteur institutionnel
va, par exemple, permettre d’étudier trois soldes comptables qui ont leur
importance :
 le solde extérieur des biens et services de la nation ;
 le solde extérieur courant de la nation ;
 la capacité (+) ou le besoin de financement (–) de la nation.

3.2 Les opérations économiques


La comptabilité nationale distingue quatre catégories d’opérations éco-
nomiques : les opérations sur produits (ou sur biens et services), les opé-
rations de répartition, les opérations financières et les opérations de
patrimoine (appelées également autres opérations d’accumulation).
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

■ Opérations sur produits


Les opérations sur produits indiquent l’origine des biens et services dis-
ponibles pour l’économie domestique (il s’agit des ressources) et leur uti-
lisation par les agents économiques (les emplois).
Les ressources en biens et services de la nation sont constituées par la
production [nationale] (notée P ) qui représente l’origine du circuit
économique et les importations (notées M ) qui est la part des biens et
services produits par le reste du monde achetée par l’économie domes-
tique.
Les emplois de la nation, c’est-à-dire les utilisations qui sont faites de ces
ressources, sont constitués par les consommations intermédiaires incor-

65
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M acroéconomie

porées dans la production (notées C I), la consommation finale (notée


C F ), la formation brute de capital fixe (notée F BC F ), les variations de
stocks (notées V S ) et les exportations (notées X ).
L’équilibre comptable, que nous étudierons un peu plus loin, doit assu-
rer une parfaite égalité entre les ressources et les emplois. Dès lors :
P + M = C I + C F + F BC F + V S + X (1)

L’équation (1) est en fait un équilibre ressources-emplois. Il s’agit d’un


équilibre comptable, qui doit être, et il le sera, respecté. Contrairement à
l’équilibre comptable, l’équilibre macroéconomique peut ne pas être res-
pecté ; on parle alors de déséquilibre1.
Conformément à ce que nous avons vu dans le chapitre 2, l’équation (1)
peut être modifiée comme suit afin de faire apparaître le PIB et le solde
extérieur de la Nation (les exportations nettes) :
P = C I + C F + F BC F + V S + X − M
⇐⇒ P I B = C F + F BC F + V S + N X
avec P I B = P − C I et N X = X − M .

■ Opérations de répartition
Les opérations de répartition analysent la formation du revenu des
agents. Ces revenus se forment au niveau de :
 la répartition primaire. Il s’agit des revenus directement issus du pro-
cessus de production : salaires, excédent brut d’exploitation, revenus
de la propriété, etc. ;
 la répartition secondaire. Il s’agit des revenus qui ne sont pas directe-
ment liés au processus de production. Ces revenus intègrent, notam-
ment, les impôts courants sur le revenu, les cotisations sociales, les
autres transferts courants, etc. Cette seconde étape dans la formation
des revenus permet d’aboutir au revenu disponible des agents ;
1 Par exemple, sur le marché des biens, un déséquilibre se manifeste lorsque l’offre de biens

n’est pas égale à la demande de biens.

66
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La comptabilité nationale

 la répartition en nature. Il s’agit des revenus issus des transferts


sociaux en nature (les remboursements de prestations par la Sécurité
sociale par exemple). Cette troisième étape permet de mesurer le reve-
nu disponible ajusté des agents.

3
■ Opérations financières
Les opérations financières désignent l’ensemble des opérations sur les
instruments financiers, c’est-à-dire les créances (acquises ou cédées) et
les dettes (contractées ou remboursées) au cours d’une année entre les
agents résidents entre eux d’une part, et les agents résidents et le reste du
monde (les agents non-résidents) d’autre part.

■ Opérations de patrimoine
Les opérations de patrimoine sont un « prolongement » des opérations
financières. Ces dernières reposaient sur l’analyse des flux financiers alors
que les opérations de patrimoine reposent sur l’analyse des stocks finan-
ciers et non financiers. Elles vont mesurer l’évolution des stocks, via les
flux, et leurs valorisations en termes de prix.
L’ensemble des opérations économiques d’un secteur institutionnel peut
être regroupé en quatre grandes catégories de compte :
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

 compte de production qui décrit la richesse créée au cours du proces-


sus de production ;
 comptes de distribution qui intègre le compte d’exploitation, le
compte d’affectation des revenus primaires, le compte de distribution
secondaire du revenu et le compte d’utilisation du revenu. Ces diffé-
rents comptes décrivent la manière dont la richesse créée (la valeur
ajoutée) est répartie selon les usages ;
 comptes d’accumulation qui intègre le compte de capital et le compte
financier. Ces comptes décrivent l’évolution des actifs financiers et
non financiers ainsi que des passifs financiers ;
 compte de patrimoine qui évalue à un moment donné (la fin de
l’année en règle générale) les stocks d’actifs et de passifs.

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M acroéconomie

3.3 Les comptes des agents


Après avoir présenté les secteurs institutionnels puis les opérations éco-
nomiques, nous allons à présent établir la séquence des comptes : toutes
les opérations économiques effectuées par les secteurs institutionnels
sont regroupées dans des comptes (appelés également comptes en T en
raison de leur forme) selon leur signification économique.
Avant de procéder à la description des comptes, quelques règles doivent
être énumérées :
 chaque secteur institutionnel possède sa propre séquence des
comptes. Le regroupement de l’ensemble des séquences de tous les
secteurs institutionnels s’effectue au sein du tableau économique
d’ensemble (TEE) ;
 chaque compte de la séquence s’organise en colonnes. La colonne de
gauche correspond aux emplois (paiements effectués par le secteur) et
celle de droite aux ressources (paiements reçus par le secteur), d’où la
forme en T ;
 le solde de chaque compte s’établit en calculant la différence entre les
ressources et les emplois. Ce solde, quel que soit son signe (positif ou
négatif) s’inscrit à la dernière ligne de la colonne de gauche, celle des
emplois ;
 chaque compte est nécessairement équilibré puisque l’inscription du
solde du compte à la dernière ligne de la colonne des emplois permet une
parfaite égalité entre la somme des ressources et la somme des emplois ;
 le solde d’un compte constitue la première ressource du compte suivant.
La séquence des comptes va ainsi permettre de décrire l’ensemble des
opérations de production (création) de la richesse, de répartition de la
richesse puis les opérations financières.
Afin de mémoriser la séquence des six premiers comptes (du compte de
production au compte de capital), nous pouvons utiliser l’acronyme
PERRUC : compte de production (P), compte d’exploitation (E),
compte d’affectation des revenus primaires (le premier R), compte de
distribution secondaire du revenu (le second R), compte d’utilisation du
revenu (U) et compte de capital (C).

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La comptabilité nationale

Enfin, signalons que :


 chaque opération est définie par une lettre et un chiffre. C’est ce que
l’on appelle la nomenclature des opérations1 ;
 certaines opérations ne seront pas effectuées par l’ensemble des sec-

3
teurs institutionnels, mais uniquement par une partie d’entre eux. Par
exemple, seuls les ménages reçoivent (il s’agit donc d’une ressource)
des prestations sociales en espèces (D62)2. Nous indiquerons le cas
échéant quels sont les secteurs concernés par l’opération ;
 de même, certaines opérations sont enregistrées dans un compte pour
certains secteurs institutionnels et dans un autre compte pour les
autres secteurs institutionnels. Par exemple, les rémunérations des
salariés sont versées (il s’agit d’un emploi) par, essentiellement, les
SNF3 ; cette opération est enregistrée dans leur compte d’exploitation
alors que l’enregistrement de cette ressource pour les ménages s’effec-
tue dans le compte d’affectation des revenus primaires.

Compte de production
Emplois Ressources
P2 Consommations intermédiaires P1 Production

B1 Valeur ajoutée brute (VAB)*


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

* La valeur ajoutée est dite brute car la consommation de capital fixe n’est pas déduite.
Autrement dit, la VAB ne tient pas compte de la dépréciation du capital due à l’usure ou à
l’obsolescence de ce capital au cours du processus de production.

1 À titre d’exemple, il n’est pas rare que dans les couloirs de la Direction générale du Trésor,

les opérations économiques des différents comptes soient appelées par leur numéro plutôt
que par leur dénomination. L’intégralité de la nomenclature des opérations est disponible
à l’adresse suivante : http://www.insee.fr/fr/themes/comptes-nationaux/default.asp?page=
base_2005/methodologie/nomen_operations.htm.
2 Il s’agit, par exemple, de l’aide personnalisée au logement ou des médicaments achetés

puis remboursés par la Sécurité sociale.


3 En réalité, tous les secteurs institutionnels versent des salaires, y compris les ménages,

mais plus de 60 % de ces rémunérations sont faites par les SNF.

69
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M acroéconomie

Compte d’exploitation
Emplois Ressources
D1 Rémunération des salariés B1 Valeur ajoutée brute
D29 Autres impôts sur la production
D39 Subventions d’exploitation*

B2 Excédent brut d’exploitation (EBE)

* Les subventions d’exploitation sont une ressource (on parle de subventions d’exploita-
tions reçues). Nous devrions alors les inscrire dans les ressources du compte d’exploitation
mais la comptabilité nationale a défini une norme préférant les considérer comme une
diminution de charge, c’est-à-dire un emploi négatif, ceci afin que la valeur ajoutée brute
soit l’unique ressource du compte d’exploitation. Dès lors, les subventions d’exploitation
doivent être enregistrées dans les emplois du compte d’exploitation avec un signe moins.

Compte d’affectation des revenus primaires


Emplois Ressources
D4 Revenus de la propriété versés B2 Excédent brut d’exploitation
D1 Rémunération des salariés
(Ménages)
D2 Impôts sur la production
et les importations (APU)
D3 Subventions (APU)*
D4 Revenus de la propriété reçus
B5 Soldes des revenus primaires**

* Ces subventions sont enregistrées avec un signe moins.


** Également dénommé revenu national.

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La comptabilité nationale

Compte de distribution secondaire du revenu


Emplois Ressources
D5 Impôts courants sur le revenu B5 Solde des revenus primaires
et le patrimoine (SNF, Ménages) /Revenu national
D61 Cotisations sociales (Ménages) D5 Impôts courants sur le revenu

3
et le patrimoine (APU)
D62 Prestations sociales (APU, SF, SNF) D61 Cotisations sociales
(APU, SF, SNF)
D7 Autres transferts courants versés D62 Prestations sociales en espèces
(Ménages)
D7 Autres transferts courants reçus
B6 Revenu disponible brut (RDB)

Compte d’utilisation du revenu


Emplois Ressources
P3 Dépenses de consommation finale B6 Revenu disponible brut (RDB)

B8 Épargne brute (EB)

Compte de capital
Variation des actifs Variations des passifs
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

P51 Formation brute de capital fixe B8 Épargne brute (EB)


P52 Variation des stocks D9C Transferts en capital à recevoir
P53 Acquisitions nettes d’objets D9D Transferts en capital à payer*
de valeur (Ménages)
K2 Acquisitions nettes d’actifs
non produits

B9 Capacité (+) ou Besoin (–)


de financement

* Cette opération est enregistrée avec un signe moins.

71
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M acroéconomie

Compte financier
Variation des actifs Variations des passifs
F1 Or F3 Titres hors actions
F2 Numéraire et dépôts F4 Crédits
F3 Titres hors actions F5 Actions
F4 Crédits F6 Provisions techniques d’assurance
F5 Actions F7 Autres comptes à recevoir
F6 Provisions techniques d’assurance
F7 Autres comptes à recevoir

Solde financier*

* Le solde financier s’inscrit à droite dans le compte financier. Nous verrons la raison d’une
telle convention lors de l’étude du tableau des opérations financières (TOF).

■ Compte de production
La production est la première des ressources. Pour produire, le secteur
institutionnel a utilisé des consommations intermédiaires. La différence
entre production et consommations intermédiaires est donc la richesse
créée au cours du processus de production. Cette richesse créée est la
valeur ajoutée brute (VAB) et constitue le premier solde de la séquence.

■ Compte d’exploitation
La VAB est ensuite utilisée pour rémunérer les salariés et payer les impôts
sur la production nets des subventions (puisque les subventions sont ins-
crites avec un signe –). En fait, ces emplois sont tout simplement les
charges liées à l’obtention de la VAB. Le solde du compte d’exploitation
est l’excédent brut d’exploitation (EBE).

■ Compte d’affectation des revenus primaires


Ce compte permet de déterminer le revenu primaire des agents, c’est-à-
dire le revenu qu’ils perçoivent en participant à l’activité productrice. Ce

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La comptabilité nationale

revenu est primaire car il n’a, pour le moment, fait l’objet d’aucuns pré-
lèvements fiscal et social, ni d’aucuns versements de prestations sociales.

■ Compte de distribution secondaire du revenu


À partir de ce compte, nous « quittons » un peu la sphère de la produc-

3
tion pour entrer dans celle de la répartition. Le compte de distribution
secondaire du revenu montre comment le revenu primaire est affecté par
les impôts courants (sur le revenu, sur le patrimoine) et par l’ensemble
des cotisations et prestations sociales. Le solde de ce compte est le revenu
disponible brut (RDB).

■ Compte d’utilisation du revenu


Comme son nom l’indique, ce compte montre comment le RDB va être
partagé entre la consommation finale et l’épargne brute. Le solde de ce
compte est d’ailleurs l’épargne brute (EB), c’est-à-dire la part du revenu
qui n’a pas été consommée.

■ Compte de capital
Le compte de capital est le premier compte d’accumulation. Il décrit
comment l’épargne est affectée entre la formation brute de capital fixe,
les variations de stocks et les acquisitions nettes. Le solde du compte de
capital est la capacité (en cas de solde positif) ou le besoin (solde négatif)
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

de financement.

■ Compte financier
Le compte financier décrit les variations d’actifs (créances) et de passifs
(dettes) de chaque secteur institutionnel.
Ainsi, chaque secteur institutionnel disposera de sa propre séquence de
compte. Il y aura en tout 6 séquences de compte correspondant aux 6
secteurs institutionnels : 5 secteurs institutionnels nationaux (SNF, SF,
APU, Ménages et ISBLSM) et un secteur institutionnel étranger (le Reste
du Monde). Pour illustrer ceci, le fichier Excel Chap3 (www.dunod.com)
présente, dans les onglets S11, S13 et S14, les comptes PERRUC des SNF,
des APU et des ménages pour les années 1949 à 2012.

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M acroéconomie

Nous pouvons, comme le propose l’Insee, regrouper les 5 secteurs insti-


tutionnels nationaux au sein d’un même secteur : le S1 (économie natio-
nale, la nation).
Compte tenu des conventions comptables et des écritures des opérations
économiques en partie double, nous devons préciser deux points impor-
tants sur le solde du compte capital :
 la somme des capacités et besoins de financement des secteurs insti-
tutionnels nationaux correspond à la capacité (en cas de signe positif
de la somme) ou au besoin (en cas de signe moins de la somme) de la
Nation ;
 au sein de l’économie nationale, les secteurs institutionnels qui déga-
gent des capacités de financement financent les secteurs institution-
nels qui présentent des besoins de financement.
La figure 2 présente la capacité (+) ou le besoin (–) de financement en %
du PIB de chaque secteur institutionnel.

6%

4%

2%

0%

–2%

–4%

–6%

–8%

– 10 %
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012
S11 S12 S13 S14 S15 Nation

Source : Insee (base 2005).

Figure 2 – Capacités (+) / Besoins (–) de financement en % du PIB

74
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La comptabilité nationale

Nous constatons que (i) les SNF et les APU présentent un besoin de
financement et (ii) que les SF et les ménages présentent des capacités de
financement. Ainsi, les ménages et les sociétés financières épargnent et
financent le besoin de financement des sociétés non financières et des
administrations publiques1.

4 La synthèse des comptes 3


4.1 L’équilibre ressources-emplois
L’équilibre ressources-emplois que nous avons étudié dès le chapitre 2
(Y + M = C + I + G + X) , n’est pas un équilibre qui arrive tel quel. Il
se construit d’une manière comptable et résulte de certaines opérations
[comptables] que nous allons décrire.
L’équilibre ressources-emplois, en comptabilité nationale, est la base de
la description des échanges de biens et services sur un marché spécifique
ou dans l’ensemble de l’économie. Cet équilibre indique comment les
quantités disponibles de biens et services sont utilisées au sein d’une
économie. Les quantités disponibles de biens et services sont la produc-
tion (P) et les importations (M) . Il s’agit des ressources de l’économie.
Leurs utilisations, appelées les emplois, se répartissent entre consomma-
tion intermédiaire (C I ) , consommation finale (C F) , investissement
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

(F BC F) , variations des stocks (V S) et exportations (X) .


Pour chaque bien i de l’économie, l’équilibre ressources-emplois (ERE)
s’écrit :

Pi + Mi = C Ii j + C Fi + F BC Fi + V Si + X i
j

Écrit ainsi, l’ERE est un équilibre dit en quantités physiques (en volume).
Si cet équilibre est vérifié en volume, il doit nécessairement l’être en
valeur, c’est-à-dire en quantités monétaires. Le passage d’un ERE en volu-

1 Le fichier excel Chap3 présente également la contribution de chaque secteur institution-

nel à la capacité/besoin de financement de la nation.

75
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M acroéconomie

me à un ERE en valeur se fait via les indices de prix appropriés. Nous


reviendrons un peu plus tard sur le passage d’un ERE en volume à un
ERE en valeur (et inversement) lorsque nous aurons écrit l’ERE agrégé
(pour l’ensemble des biens i de l’économie)1.
La notion de prix est extrêmement importante dans la valorisation des
ressources et des emplois dans l’ERE. Établir l’ERE serait très simple si les
ressources et les emplois pouvaient être valorisés avec un étalon de mesu-
re commun. Or, ce n’est pas le cas. L’enregistrement des ressources et des
emplois repose sur des conventions de valorisation qui distinguent le
prix de base et le prix d’acquisition.
La production (P) est évaluée au prix de base, c’est-à-dire au prix auquel
le producteur vend son produit, diminué des impôts sur la production
(TVA, etc.) et augmenté des subventions sur les produits (bonifications
d’intérêts, etc.).
L’intégralité des emplois, à l’exception des exportations, est évaluée au
prix d’acquisition, c’est-à-dire à un prix qui intègre :
 le prix de base (vente du producteur à un intermédiaire) ;
 le coût du transport (entre l’intermédiaire et le point de vente du pro-
duit : la grande surface) ;
 la marge commerciale (vente de l’intermédiaire à une grande surface ;
différence entre le prix de vente du bien reçu par l’intermédiaire et le
prix d’achat du bien acquitté par l’intermédiaire) ;
 les impôts sur les produits : TVA (la grande surface met le produit
dans ses rayons à disposition des ménages).
Ce prix d’acquisition est donc le prix qu’un agent économique doit
débourser pour acquérir un bien.

1 L’ERE agrégé est celui correspondant à l’ensemble des biens et services de l’économie.
Avant d’aboutir à un tel ERE, on peut établir des ERE pour chaque bien selon les subdivi-
sions proposées par l’Insee. Ainsi, l’ERE peut s’écrire selon des nomenclatures en 38 ou 88
produits.

76
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La comptabilité nationale

Les importations, qui sont une ressource, sont évaluées CAF : coût assu-
rance fret. Il s’agit du prix des importations à la frontière du pays impor-
tateur (lorsqu’elles arrivent dans le pays). Les prix CAF ne comportent
pas d’éventuels droits de douane. Les exportations, qui sont un emploi,
sont évaluées FAB : franco à bord. Il s’agit du prix des exportations lors-

3
qu’elles sont à la frontière du pays qui les achète. Ce prix FAB inclut par
conséquent les coûts de transport. Pour harmoniser l’enregistrement des
importations et des exportations et, par exemple, déterminer le solde de
la balance commerciale, la comptabilité nationale utilise la correction
CAF/FAB (ou correction territoriale) afin d’obtenir une valorisation FAB
des importations.
Outre le problème des exportations et des importations, la valorisation
des ressources (la production) et des emplois (sauf les exportations)
s’effectue sur deux notions distinctes de prix. Cela signifie qu’il existe une
différence, un écart, entre l’évaluation du prix d’un bien et le prix de ses
différentes utilisations. Cette différence repose sur le réseau de distribu-
tion d’un bien. Dès lors, pour obtenir un ERE « harmonisé », il faut pro-
céder à certaines corrections du côté des ressources. Ainsi, il faut ajouter
les marges commerciales (MC) et les marges de transports (M T ) , les
impôts sur les produits (I P) et déduire les subventions sur les produits
(S P) . Ainsi, l’ERE valorisé aux prix d’acquisition, que l’on appelle égale-
ment prix de marché, s’écrit pour chaque bien i 1 :
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Pi + Mi + MCi + M Ti + I Pi − S Pi =
 (2)
C Ii j + C Fi + F BC Fi + V Si + X i
j

Le passage de l’ERE d’un bien i à un ERE agrégé (pour l’ensemble des


biens i de l’économie) s’effectue en faisant la somme des ERE pour
l’ensemble des biens i . Ainsi, l’ERE agrégé s’écrit :

P + M + I P − S P = C I + C F + F BC F + V S + X (3)

1 La question de la correction CAF/FAB est ici ignorée comme le fait Piriou (2008).

77
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M acroéconomie


Où, par exemple, C F = C Fi .
i

Nous remarquons que les marges commerciales ( MCi ) ainsi que les
marges de transports ( M Ti ) ont disparu. La production de la branche
commerce est mesurée par la somme des marges commerciales. Ce rai-
sonnement est identique pour la branche transport.
La variable production P mesure désormais la totalité de la production de
l’économie, c’est-à-dire les productions de tous les produits auxquelles
s’ajoute la production de la branche commerce, qui correspond à la somme
 
des marges commerciales des i produits MCi , et la production de
i
la branche transport, qui correspond à la somme des marges de transports
    
des i produits M Ti . Ainsi, P = Pi + MCi + M Ti .
i i i i

À partir de l’équation (3), on peut continuer à dérouler le fil pour abou-


tir à un ERE plus intéressant et, surtout, que nous avons déjà défini dans
le chapitre 2.
Si l’on soustrait les consommations intermédiaires à la production, nous
obtenons la valeur ajoutée (VA). Dès lors :

V A + M + I P − S P = C F + F BC F + V S + X (4)

La valeur ajoutée est ici exprimée au prix de base. Si l’on ajoute les impôts
sur la production (I P) et que l’on déduit les subventions sur produits
(S P) à la valeur ajoutée au prix de base, nous obtenons la valeur ajoutée
au prix d’acquisition, c’est-à-dire la valeur ajoutée brute. Or,
VA + IP − SP = VAB = PIB . Nous obtenons en définitif le PIB de
l’économie. Dès lors :

PIB + M = CF + FBCF + VS + EX (5)

Voici donc l’ERE global ou ERE sur les biens et services.


Revenons à présent sur la distinction ERE en valeur et ERE en volume.
Nous pouvons, grâce aux indices de prix, passer aisément d’un ERE en

78
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La comptabilité nationale

valeur à un ERE en volume (et inversement) en appliquant la formule (3)


du chapitre 2 (p. 30). Ainsi, le PIB en volume de l’année 2012 est égal au
PIB en valeur de l’année 2012 divisé par l’indice du prix du PIB de cette
même année1.

3
4.2 Les principaux agrégats
Pour reprendre la définition donnée par Piriou (2008), les agrégats sont
des grandeurs synthétiques qui mesurent les performances d’une écono-
mie nationale. Leurs calculs peuvent être interprétés comme le résultat de
l’analyse de l’ensemble des opérations comptables qui visent à rendre
compte/à chiffrer l’ensemble des opérations des agents économiques.
Ces agrégats constituent des indicateurs qui permettent plusieurs com-
paraisons : temporelle et spatiale.
Parmi l’ensemble des agrégats que produit la comptabilité nationale, le
produit intérieur brut (PIB) est celui qui retient la plus grande attention ;
il constitue le principal agrégat d’une économie. Selon la comptabilité
nationale, le PIB est « le résultat final de l’activité de production des unités
productrices résidentes ». Il s’agit de la richesse créée au cours d’une année.
Comme nous l’avons vu (cf. chapitre 2), le PIB peut être envisagé sous
trois optiques possibles : l’optique du produit, l’optique de la demande et
l’optique du revenu.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

■ L’optique du produit
Selon cette optique, le PIB correspond à la somme des valeurs ajoutées
brutes : la valeur ajoutée au prix de base à laquelle (i) on ajoute les impôts
sur la production et (ii) on déduit les subventions sur les produits. Dès lors :

PIB = VAB = VA + IP − SP (6)

où VA = P − CI

1L’ensemble des calculs pour les années 1949 à 2012 est disponible dans le fichier excel
Chap3 (www.dunod.com).

79
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M acroéconomie

■ L’optique de la demande
Cette écriture du PIB est celle qui est la plus utilisée en macroéconomie. Il
s’agit de l’équilibre ressources-emplois [agrégé] de l’économie nationale.
Le PIB est ici égal à la somme des emplois finals, c’est-à-dire la somme
des ventes finales nettes effectuées par les agents économiques. En par-
tant de l’équation (3) :
P + M + IP − SP = CI + CF + FBCF + VS + X (7)

Nous savons que (i) VA = P − CI et (ii) VA + IP − SP = VAB


= P I B . Ainsi :
PIB = CF + FBCF + VS + X − IM
(8)
⇐⇒ P I B = CF + FBCF + VS + NX

Partant de l’équation (8), nous devons, afin d’être conformes à la pré-


sentation du PIB selon l’optique de la demande présentée par l’Insee dans
les Comptes annuels, effectuer quelques modifications. Ainsi, nous
appellerons :
 dépense de consommation finale la somme des dépenses de consom-
mation des ménages et des ISBLSM1 (C) et de l’État (G) ;
 formation brute de capital la somme de la formation brute de capital
fixe (I ) , des variations de stocks (V S) et des acquisitions nettes de ces-
sions d’objet de valeurs.
À titre d’exemple, voici le détail des calculs pour l’année 2012.
Tableau 1
Dépenses de consommation finale (en Mds€) = 1 675,0
Ménage 1 129,8
+ ISBLM 42,5
+ État 502,7
Source : Insee (base 2005).

1 Institutions sans but lucratif au service des ménages.

80
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La comptabilité nationale

Tableau 2
Formation brute de capital (en Mds€) = 402,3
Formation brute de capital fixe 401,8
+ Variations de stocks – 0,1
+ Acquisitions nettes de cessions 0,7

3
d’objets de valeurs
Source : Insee (base 2005).

■ L’optique du revenu
Le PIB est ici égal à la somme des revenus des facteurs gagnés par les
agents économiques.
Le calcul du PIB selon l’optique du revenu est égal à la rémunération des
salariés, (i) augmentée de l’excédent brut d’exploitation et du revenu
mixte1, ainsi que des impôts sur la production et (ii) diminuée des sub-
ventions sur les produits.
Le tableau 3 présente un récapitulatif des trois optiques et le tableau 4
présente le calcul du PIB selon les trois optiques pour les années 2000 à
2012 pour la France.
Tableau 3 – Le calcul du PIB selon les trois optiques
PIB (approche de la production) = Valeur ajoutée au prix de base
+ Impôts sur la production
– Subventions sur les produits
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

PIB (approche de la demande) = Dépense de consommation finale


+ Formation brute de capital fixe
+ Exportations de biens et services
– Importations de biens et services

PIB (approche des revenus) = Rémunérations des salariés


+ Excédent brut d’exploitation
et revenu mixte brut
+ Impôts sur la production
et les importations
– Subventions d’exploitation

1 Le revenu mixte est le revenu des entreprises individuelles. Il s’agit de l’analogue des reve-

nus salariaux que perçoivent les salariés des entreprises non-individuelles. Le revenu mixte
correspond donc au solde du compte d’exploitation pour les entreprises individuelles. Il
contient deux éléments indissociables : la rémunération du travail effectué par le proprié-
taire et éventuellement les membres de sa famille, et son profit en tant qu’entrepreneur.

81
82
Tableau 4 – Le calcul du PIB de la France selon les trois approches du PIB à prix courants (en Mds€)

Produit intérieur brut


(approche production)
2000

1 439,6
2001

1 495,6
2002

1 542,9
2003

1 587,9
2004 2005 2006

1 655,6 1 718,0 1 798,1


2007 2008 2009 2010 2011 2012

1 886,8 1 933,2 1 885,8 1 936,7 2 001,4 2 032,3 M


Valeur ajoutée au prix 1 289,1 1 343,1 1 387,1 1 428,0 1 485,7 1 539,9 1 606,3 1 689,8 1 735,1 1 701,2 1 741,0 1 793,8 1 820,9
de base
+ Impôts sur les produits 167,9 169,3 175,1 178,7 188,4 196,3 204,0 209,5 210,6 200,9 210,9 222,7 227,1
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acroéconomie

– Subventions sur les produits – 17,4 – 16,9 – 19,2 – 18,8 – 18,6 – 18,2 – 12,1 – 12,5 – 12,5 – 16,3 – 15,1 – 15,1 – 15,7

Produit intérieur brut 1 439,6 1 495,6 1 542,9 1 587,9 1 655,6 1 718,0 1 798,1 1 886,8 1 933,2 1 885,8 1 936,7 2 001,4 2 032,3
(approche demande)
Dépense de consommation
finale 1 138,9 1 186,1 1 232,5 1 280,6 1 330,7 1 385,8 1 441,8 1 501,6 1 549,6 1 562,9 1 606,9 1 645,2 1 675,0
16/07/14

+ Formation brute de capital 286,4 292,5 286,9 293,1 318,1 343,1 375,1 414,4 424,3 357,3 373,6 415,5 402,3
+ Exportations de biens
et services 414,8 424,1 424,4 411,4 432,8 452,9 485,9 506,7 521,0 440,7 494,5 538,3 557,6
9:57

– Importations de biens
et services 400,5 407,1 400,8 397,2 426,1 463,8 504,7 535,9 561,7 475,1 538,3 597,6 602,6

Produit intérieur brut


(approche revenus) 1 439,6 1 495,6 1 542,9 1 587,9 1 655,6 1 718,0 1 798,1 1 886,8 1 933,2 1 885,8 1 936,7 2 001,4 2 032,3
Rémunérations des salariés 749,5 783,5 815,8 839,6 868,8 900,5 939,2 977,0 1 007,3 1 009,9 1 032,7 1 064,1 1 084,9
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+ Excédent brut d'exploitation


et revenu mixte brut 492,7 514,3 523,8 539,8 563,0 581,3 613,8 655,5 668,5 627,4 652,5 665,6 667,6
+ Impôts sur la production
et les importations 227,9 230,3 238,2 243,5 257,7 269,8 279,9 290,3 293,7 288,8 292,8 310,2 318,9
– Subventions d'exploitation – 30,6 – 32,5 – 34,9 – 35,1 – 34,0 – 33,6 – 34,9 – 36,0 – 36,2 – 40,3 – 41,3 – 38,5 – 39,2

Source : Insee (base 2005).


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La comptabilité nationale

D’autres agrégats, dont certains seront étudiés dans les prochains cha-
pitres, sont également « construits » par la comptabilité nationale : la
consommation, l’investissement, l’épargne, etc1.
Enfin, une comparaison internationale des agrégats est possible en
veillant à deux points fondamentaux :
 une harmonisation de la définition et des méthodes de calculs des
agrégats. L’ONU fut la première institution à présenter un cadre
comptable harmonisé au niveau international dès 1955 permettant de
3
telles comparaisons. Elle fut suivie par le FMI et l’OCDE2 ;
 établir une comparaison d’unités monétaires différentes. Pour cela, la
mesure basée sur la méthode de la parité des pouvoirs d’achat (PPA)
est utilisée. Une telle mesure permet de s’affranchir (i) de la volatilité
des devises sans rapport avec les fondamentaux de l’économie, (ii) des
problèmes de sur- ou sous-évaluation des devises et (iii) des taux de
change fixés de manière administrative. Cette méthode fut mise au
point par l’OCDE en 1954.

4.3 Le tableau économique d’ensemble


■ Présentation générale
 Intérêt du TEE

Le tableau économique d’ensemble (TEE) synthétise l’ensemble des opé-


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

rations effectuées par chaque secteur institutionnel. Dès lors, sa lecture


peut s’effectuer de deux façons possibles :
 lecture via un secteur institutionnel. Dans ce cas, on examine
l’ensemble des opérations économiques effectuées par le secteur insti-
tutionnel en question ;
1 Jusqu’en 1993, l’Insee calculait le produit national brut (PNB). Depuis 1993, l’Insee ne
calcule plus le PNB mais un agrégat très proche : le revenu national brut (RNB). Le RNB
est obtenu à partir du PIB en y ajoutant la rémunération des salariés, les revenus de la pro-
priété et les impôts sur la production (nets de subvention) reçus du reste du monde, et en
y retranchant les flux analogues versés au reste du monde.
2 Il faut noter que l’institut Eurostat permet l’établissement d’une véritable comptabilité à

l’échelle européenne en collectant, harmonisant et agrégeant les données comptables trans-


mises par les instituts statistiques des pays de l’Union européenne.

83
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M acroéconomie

 lecture via une opération économique. Dans ce cas, on examine, pour


la dite opération, les ressources et les emplois de chaque secteur insti-
tutionnel.
Le TEE est le tableau le plus complet proposé par la comptabilité natio-
nale puisqu’il intègre l’ensemble des comptes PERRUC mais aussi le
tableau des opérations financières (les comptes financiers) et les comptes
de patrimoine pour chaque secteur institutionnel.
Même s’il permet une vision globale et synthétique de l’économie fran-
çaise, le TEE est un document volumineux. Aussi, afin de ne pas nuire à
sa lisibilité, nous avons fait le choix de ne pas intégrer le TEE de la France
directement dans l’ouvrage mais de renvoyer le lecteur directement sur
www.dunod.com. Le lecteur peut ainsi lire convenablement le TEE.
La construction du TEE repose sur la technique des comptes écrans. Il
s’agit de comptes qui enregistrent l’ensemble des opérations qu’un sec-
teur institutionnel effectue, c’est-à-dire ce qu’il verse (ses emplois) et ce
qu’il reçoit (ses ressources). Deux points importants découlent de cette
technique :
 comme à chaque emploi correspond une ressource, et inversement,
les comptes sont nécessairement équilibrés ;
 cette technique de comptabilisation ne permet pas de savoir qui verse
à qui mais uniquement ce que reçoit et donne chaque secteur.

 Organisation du TEE

Le TEE s’organise de la manière suivante (nous pouvons prendre le TEE


de l’économie française pour l’année 2012 pour suivre sa construction).
Les comptes des secteurs institutionnels figurent en colonnes alors que
les comptes d’opérations figurent en lignes.
La partie gauche du TEE correspond aux emplois alors que celle de droi-
te correspond aux ressources. Pour chacune de ces parties, nous dispo-
sons d’une colonne par secteur institutionnel : S1 (l’économie nationa-
le), S11 (les SNF), S12 (les SF), S13 (les APU), S14 (les ménages), S15 (les
ISBLSM) et S2 (le reste du monde). Trois colonnes sont ajoutées dans

84
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La comptabilité nationale

chacune des parties : Impôts-subventions sur produits, Biens et services et


Total. Dans l’ouvrage de Piriou (2008), ces trois dernières colonnes ont
été supprimées car il s’agit de « complications peu utiles »1. Nous allons
juste en dire quelques mots. Les colonnes Total (une pour les emplois et
une pour les ressources) permettent de vérifier que l’égalité entre res-

3
sources et emplois se réalise pour les opérations de répartition. Toutefois,
pour les Impôts-subventions sur produits cette égalité ne se produit pas en
raison des difficultés de la mesure de la production aux prix de base.
D’où l’apparition d’une colonne Impôts-subventions sur produits pour les
emplois et pour les ressources.
La colonne Biens et services a été introduite car, à quelques exceptions
près (cf. ci-dessus), l’équilibre ressources-emplois pour les opérations de
répartition est respecté mais il ne l’est pas pour les opérations sur pro-
duits. Ainsi, l’intégration d’une colonne Biens et services dans les emplois
et dans les ressources permet de réaliser l’égalité ressources-emplois pour
chaque ligne du TEE. Cette colonne enregistre la contrepartie de chaque
opération sur produit.

■ Comment lire le TEE ?


Deux lectures sont possibles : une lecture en colonnes ou une lecture en
lignes.
 Lecture en colonnes
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

La lecture en colonnes du TEE s’intéresse aux secteurs institutionnels.


Pour chaque secteur, la partie gauche du TEE représente les emplois alors
que les ressources sont inscrites dans la partie droite. À partir du comp-
te de capital, les emplois, respectivement les ressources, deviennent les
variations d’actifs, respectivement les variations de passifs.
La suite de la lecture du TEE pour chaque secteur institutionnel suit la
logique des comptes PERRUC puis celle des comptes financiers et de
patrimoine. La seule exception concerne le secteur institutionnel S2, le

1 Piriou, 2008, p. 82.

85
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M acroéconomie

reste du monde. En effet, pour ce secteur, seuls trois soldes sont calculés :
le solde extérieur des biens et services, le solde extérieur courant et la
capacité (+) ou le besoin (–) de financement.

 Lecture en lignes

La lecture en lignes du TEE se concentre sur l’analyse d’une opération ou


d’un solde comptable. Il n’est alors plus question d’analyser un secteur
institutionnel par rapport à un autre.
L’ordre dans lequel apparaissent les opérations correspond à celui que
nous avons développé lorsque nous avons établi la séquence des comptes
des secteurs institutionnels : comptes des opérations courantes (comptes
de production, d’exploitation, etc.), comptes d’accumulation (comptes
de capital et financiers) et compte de patrimoine.
Il faut noter que l’épargne brute constitue la liaison entre les comptes des
opérations courantes et les comptes d’accumulation, c’est-à-dire entre le
compte d’utilisation du revenu et le compte de capital. Ce dernier permet
de calculer la capacité (+) ou le besoin (–) de financement de chaque sec-
teur institutionnel.
Nous remarquons que chaque ligne du TEE est équilibrée en emplois et
ressources pour les comptes des opérations courantes, en variations
d’actifs et variations de passifs pour les comptes d’accumulation et en
actifs et passifs pour le compte de patrimoine.

■ Quelle utilisation du TEE ?


Si la lecture du TEE s’effectue en colonnes, il permet de reconstituer la
séquence des comptes de chaque secteur institutionnel, permettant ainsi
de faire apparaître les opérations économiques ainsi que les soldes des
comptes de chaque secteur institutionnel.
La lecture en lignes du TEE étudie chaque opération économique pour
l’ensemble des secteurs institutionnels, et permet de mettre en évidence
les relations nouées entre les secteurs institutionnels pour chaque opéra-
tion économique. Au-delà de ces interdépendances, la lecture en lignes
du TEE permet de calculer les principaux agrégats et d’établir quelques
ratios parmi lesquels :

86
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La comptabilité nationale

 le taux de marge. Le taux de marge se calcule comme le ratio entre


EBE
l’excédent brut d’exploitation (EBE) et la valeur ajoutée (VA) : .
VA
Ce ratio correspond au taux de profit résultant de l’exploitation cou-
rante ;

3
 le taux d’investissement. Le taux d’investissement se calcule comme le
ratio entre la formation brute de capital fixe (FBCF) et la valeur ajou-
FBCF
tée (VA) : . Ce ratio calcule la part de la valeur ajoutée que le
VA
secteur institutionnel consacre à l’accumulation et au renouvellement
de leur capital physique. Pour les entreprises, ce ratio est un indicateur
du potentiel de croissance dont elles disposeront dans les années à
venir compte tenu de l’effort d’investissement qu’elles produisent1 ;

 le taux d’épargne. Le taux d’épargne se calcule comme le ratio entre


É pargne
l’épargne et la valeur ajoutée (VA) : . Ce ratio permet de cal-
VA
culer la part de la valeur ajoutée qui est conservée pour permettre, par
exemple, le financement des investissements ;
 le taux d’autofinancement. Le taux d’autofinancement se calcule
comme le ratio entre l’épargne et la formation brute de capital fixe
É pargne
(FBCF) : . Ce ratio, l’un des plus utilisés pour les SNF, per-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

FBCF
met de déterminer la part de l’investissement qui est financée à partir
des ressources propres (dégagées par lui-même) du secteur institu-
tionnel2.

1 Pour les SNF, un taux d’investissement faible et/ou en baisse est considéré comme « un
signe » que les entreprises ne souhaitent pas renouveler/développer leurs capacités produc-
tives. Ceci montrerait alors que les anticipations de croissance économique sont mauvaises
(n’oublions pas qu’investir est « un pari » sur l’avenir). Si les entreprises anticipent un ave-
nir morose, c’est-à-dire peu ou pas de croissance, elles ne sont pas incitées à investir, c’est-
à-dire acquérir des biens aujourd’hui pour répondre, en produisant à partir des biens
acquis, à la demande de demain.
2 Plus ce ratio est élevé, moins les entreprises ont recours à l’emprunt bancaire ou à la levée

de fonds sur les marchés financiers pour se financer.

87
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M acroéconomie

Les figures 3 et 4 présentent l’évolution de ces quatre ratios pour les


SNF1.

34% 100%
90%
32%
80%
30% 70%
60%
28%
50%
26%
40%

24% 30%
20%
22%
10%
20% 0%
1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010
Taux de marge Taux d'autofinancement (éch. de droite)

Source : Insee (base 2005).

Figure 3 – Le taux de marge et le taux d’autofinancement

4.4 Le tableau entrées-sorties


La lecture de la comptabilité nationale proposée par le tableau entrées-
sorties (TES) est très différente de celle du TEE. En effet, l’étude du TES
permet d’approfondir la vision proposée par la comptabilité nationale
car elle analyse les branches composant l’économie dans un assez grand
détail. Comme pour le TEE, on peut imputer à François Quesnay les
prémisses du TES via son tableau économique développé dans son
ouvrage de 1758 Tableau économique.

1 Le fichier excel Chap2 calcule ce ratio pour l’ensemble des secteurs institutionnels

(www.dunod.com).

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La comptabilité nationale

20% 30%

28%
16%
26%

3
12%
24%

8% 22%

20%
4%
18%

0% 16%
1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010
Taux d'épargne Taux d'investissement (éch. de droite)

Source : Insee (base 2005).

Figure 4 – Le taux d’investissement et le taux d’épargne

■ Présentation générale
La construction du TES repose sur l’analyse des branches de l’économie.
Dans la comptabilité nationale, une branche, à ne pas confondre avec un
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

secteur, est un ensemble d’unités de production qui produit un seul et


même type de biens ou de services. Un secteur est un ensemble d’entre-
prises ayant la même activité principale.
Prenons l’exemple du constructeur automobile General Motors. Son
activité principale est la construction d’automobiles. Il appartient par
conséquent au secteur automobile. Mais est-ce là son unique activité ? La
réponse est non puisque General Motors ne produit pas que des auto-
mobiles, il propose, notamment, des services financiers (sous forme de
crédit), etc. Par conséquent, General Motors n’entre pas intégralement
dans la branche automobile.
Le TES permet d’établir l’équilibre ressources-emplois pour les produits
à un certain niveau de détail. De plus, il décrit cet équilibre pour les

89
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M acroéconomie

branches. Mais, au-delà, de ces équilibres ressources-emplois, l’intérêt du


TES est surtout de décomposer les consommations intermédiaires, per-
mettant l’analyse des relations d’interdépendance entre les branches et
l’établissement, in fine, de coefficients techniques de production.

■ Organisation
L’architecture du TES repose sur l’articulation de cinq tableaux
(figure 5)1.

Tableau des ressources en Tableau des entrées Tableau des emplois


produits intermédiaires finals
Tableau 1 Tableau 2 Tableau 3

Compte de production par


branche
Tableau 4

Compte d’exploitation par


branche
Tableau 5

Figure 5 – L’architecture du TES

Comme pour le TEE, le TES de l’économie française n’est pas présenté


directement dans l’ouvrage. Le lecteur peut le télécharger sur
www.dunod.com.
Avant de détailler ces cinq tableaux, nous pouvons effectuer plusieurs
remarques :

1 L’Insee propose deux niveaux de nomenclature : 17 ou 38. Ces niveaux correspondent au


nombre de branches présentes dans le TES. Un TES au niveau 38 de la nomenclature pré-
sente donc les tableaux entrées-sorties à un niveau plus détaillé qu’un TES au niveau 17.

90
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La comptabilité nationale

 les colonnes représentent les branches de l’économie et les lignes cor-


respondent aux produits. Normalement, il y a autant de branches que
de produits ;
 en plus des 17 lignes correspondant aux 17 produits, deux lignes sup-
plémentaires sont ajoutées : Correction territoriale et Correction


CAF/FAB. Nous étudierons ces deux lignes dans le détail ;
deux tableaux complémentaires, qui n’appartiennent pas au TES mais 3
qui en découlent, permettent :
• le passage de la production des branches à la production des pro-
duits,
• le calcul du PIB selon les trois optiques possibles ;
 l’assemblage de ces 5 tableaux forme un T.

 Tableau 1

Le tableau des ressources reprend l’équilibre ressources-emplois décrit


précédemment.
La première colonne enregistre, aux prix de base, la production des pro-
duits (notée P ). La seconde colonne enregistre les importations,
notées M . Cette colonne est la somme des colonnes importations de
biens et importations de services.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

La troisième colonne, correction CAF/FAB, permet de corriger les


importations. En effet, ces dernières sont évaluées CAF (coût assurance
fret), donc elles ne tiennent pas compte des éventuels droits de douane.
Il faut donc appliquer cette correction afin que les importations soient
évaluées franco à bord (FAB). Cette opération permet également d’har-
moniser l’enregistrement des importations avec celui des exportations
puisque ces dernières sont évaluées FAB.
La somme de la colonne production des produits, de la colonne Totale des
importations et de la colonne Correction CAF/FAB permet d’aboutir à une
première colonne Totale des ressources. À ce stade, les ressources sont éva-
luées aux prix de base.

91
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M acroéconomie

Toutefois, le total des ressources en produits n’est, à ce stade, pas égal au


total des emplois en produits. Pour assurer une telle égalité, il va falloir
intégrer des corrections que sont les différentes marges, les impôts et les
subventions sur produits. À la première colonne Totale des ressources,
nous ajoutons les marges commerciales, les marges de transport et les
impôts sur les produits et nous déduisons (d’où la présence d’un signe –)
les subventions sur produits. À l’aide de ces corrections, nous obtenons
une deuxième colonne intitulée Totale des ressources. À ce stade, ces res-
sources sont évaluées au prix d’acquisition et sont désormais égales au
total des emplois en produits (c’est-à-dire la somme des emplois inter-
médiaires et des emplois finals).
Ainsi, l’équilibre pour un produit i s’écrit :
PP Ri + Mi + MCi + M Ti + I Pi − S Pi =
(9)
C Ii + C Fi + F BC Fi + V Si + X i

Où PP Ri est la production du produit i , Mi les importations du produit i ,


MCi et M Ti sont les marges commerciales et de transports du produit i ,
I Pi − S Pi les impôts nets des subventions sur produits du produit i , C Ii
les consommations intermédiaires du produit i , F BC Fi la formation
brute de capital fixe du produit i , V Si les variations de stocks du pro-
duit i et X i les exportations du produit i .
Cet équilibre vérifie l’égalité entre les ressources pour un produit i et ses
emplois (intermédiaires et finals). Les termes de gauche de l’égalité sont
les ressources en produits et les termes de droite les emplois en produits.
Ces emplois en produits regroupent les emplois intermédiaires et les
emplois finals (ils font l’objet d’une étude via les tableaux 2 et 3).
D’un équilibre pour un produit i, nous pouvons passer à un équilibre
global, un équilibre agrégé, c’est-à-dire tenant compte de l’ensemble des
produits de l’économie. Il suffit pour cela de sommer les différents pro-
duits. Procédons par étape.

Les ressources totales, notées R , qui dans le tableau 1 correspondent
à l’intersection de la dernière ligne avec la dernière colonne, s’écrivent :

92
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La comptabilité nationale

   
R= P+ M+ (IP − SUBV ) (10)

Où P correspond à la production totale contenant les marges commer-


ciales et de transport, M les importations évaluées FAB, IP − SUBV les
impôts sur les produits nets des subventions.

3

Les emplois totaux1, notés E , qui correspondent d’une part à l’inter-
section de la dernière ligne avec la dernière colonne du tableau 2 (il s’agit
ici des emplois intermédiaires) et d’autre part à l’intersection de la der-
nière ligne avec la dernière colonne du tableau 3 (il s’agit dans ce cas des
emplois finals) s’écrivent :
    
E= CI + CF + FBC + X (11)

Où C I sont les consommations intermédiaires, C F les dépenses de


consommations finales, FBC la formation brute de capital qui intègre la
FBCF (formation brute de capital fixe), les objets de valeurs et les varia-
tions de stocks2, X les exportations.
L’équilibre ressource-emplois doit assurer l’égalité entre les ressources et
les emplois. D’où :
 
E R=
  
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

⇐⇒ P+ M+ (IP − SUBV ) (12)


   
= CI + CF + FBC + X

Nous savons que la valeur ajoutée brute (VAB) est la différence entre la
production et les consommations intermédiaires
   
V AB = P− C I . Dès lors, l’équation (12) s’écrit :

1i.e. les emplois intermédiaires et les emplois finals.


2Nous l’avons étudié dans le chapitre 2, la formation brute de capital peut être distinguée
entre la formation brute de capital fixe (l’investissement au sens comptable du terme, aussi
appelé investissement en capital fixe) et les variations de stocks (l’investissement en stocks
au sens comptable).

93
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M acroéconomie

     
VAB + M+ (IP − SUBV ) = CF + FBC + X
(13)

Nous savons également que le PIB, dans l’optique de la production1, est la


somme des valeurs ajoutées brutes et des impôts
 sur les produits, diminuée
des subventions sur les produits PIB = VAB + (IP − SUBV ) .
Dès lors, l’équation (13) devient :
   
PIB + M = CF + FBC + X (14)

Cette dernière équation décrit l’équilibre ressources-emplois au niveau


des branches et non des secteurs institutionnels. Il s’agit de la logique du
TES contrairement à celle du TEE vu précédemment. À partir de l’équa-
tion (13), nous pouvons construire un sixième tableau qui n’est pas par-
tie prenante du TES mais qui en découle et qui permet de calculer le PIB
selon trois optiques : du produit, de la demande, des revenus.

 Tableau 2

Le tableau des entrées intermédiaires est le cœur du TES puisqu’il fait


apparaître l’interdépendance entre les branches et les produits.
Il s’agit d’un tableau à double entrée : en ligne les produits ; en colonne
les branches. Selon les conventions comptables, nous notons C Ii j la
consommation intermédiaire en produit i de la branche j .
Chaque colonne, associée à une branche j , indique les achats intermé-
diaires effectués dans les différents produits i par la branche j . La der-
nière ligne à la fin de chaque colonne j indique le total des achats inter-
médiaires de chaque branche j .
Chaque ligne, associée à un produit i , indique les ventes intermédiaires
par produit i auprès des différentes branches j . La dernière colonne à la
fin de chaque ligne i indique le total des ventes intermédiaires de chaque
produit i .

1Ici, l’optique de la production est appliquée aux branches et non aux secteurs institution-
nels.

94
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La comptabilité nationale

L’intersection d’une ligne et d’une colonne nous indique donc le mon-


tant de consommations intermédiaires que la branche j consomme en
produit i . La diagonale de ce tableau (les consommations intermédiaires
en produits identiques à la branche) est appelée intraconsommation.
Une lecture en ligne indique les ventes en produits et une lecture en
colonne indique les achats des branches.
La dernière ligne du tableau contient la somme des consommations 3
intermédiaires de chaque branche j , notée C I j et la dernière colonne
contient la somme des consommations intermédiaires en produit i ,
notée C Ii. Par définition, il s’agit de la somme des consommations inter-
médiaires de l’économie domestique, la somme des C I j doit être égale à
la somme des C Ii.
Enfin, l’ensemble des données du tableau des emplois intermédiaires est
enregistré aux prix d’acquisition HT (hors taxes), incluant les impôts
nets de subventions sur les produits (hors TVA déductible), les marges
commerciales et de transport.
 Tableau 3

Le tableau des emplois finals complète le tableau des emplois intermé-


diaires avec, comme son nom l’indique, les emplois finals en différents
produits : la consommation finale, la formation brute de capital, les
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

variations de stocks et les exportations.


La consommation finale va être ventilée selon les secteurs institutionnels
qui consomment (ménages, APU et ISBLSM). La formation brute de
capital va également faire l’objet d’une ventilation entre la formation
brute de capital fixe (là aussi ventilée suivant les secteurs institutionnels
qui investissent), les objets de valeurs et la variation de stocks.
L’ensemble des données du tableau des emplois finals est enregistré aux
prix d’acquisition TTC (y compris les marges et la TVA sur les produits).
 Tableau 4

Le tableau 4 propose le compte de production, c’est-à-dire la production


des branches et la production des produits.

95
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M acroéconomie

La production de la branche j (évaluée aux prix de base) est calculée comme


la somme entre les consommations intermédiaires de la branche j et la
valeur ajoutée brute (évaluée aux prix de base) de la branche j . Dès lors :
P j = CI j + VAB j (15)

Où Pj est la production de la branche j , C I j est le total des consomma-


tions intermédiaires de la branche j et VAB j est la valeur ajoutée brute
de la branche j .
La production totale des branches (appelée Production des branches)
correspondra alors à la somme des productions de chaque branche j :

PB R = Pj (16)
j

Le passage de la production des branches à la production des produits


n’est pas si évident même si, normalement, il existe autant de branches
que de produits. Cet écart s’explique par l’existence de produits dits
secondaires. Les lignes transferts vont comptabiliser ces produits secon-
daires1. Il s’agit de produits qui sont « techniquement complètement liés
à celle d’un autre produit de telle sorte qu’on ne peut pas isoler ses coûts
de production » (Piriou, 2008).
Pour obtenir la production des produits, il est nécessaire d’ajouter les
transferts à la production des branches. Dès lors :
Pi = Pj + T Ri (17)

Avec Pi la production en produit i , Pj la production de la branche j et


T Ri les transferts de la branche j en produit i .
Dès lors, la production totale des produits (appelée Production des pro-
duits) est égale à :
 
PP R = Pj + T Ri (18)
j i

1 Au sens de la comptabilité nationale, il s’agit des transferts en produits fatals et des ventes

résiduelles. Pour une définition de ces deux notions, se reporter à Piriou (2008), pp. 24-32.

96
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La comptabilité nationale

  
Or, T Ri = 0 , d’où PP R = Pj . Sachant que PB R = Pj , nous
i j j
obtenons au final :
PP R = PB R (19)

3
La somme des transferts est, par définition (la somme des productions
des branches doit être égale à la somme des productions des produits),
égale à zéro et la production des produits est désormais homogène.

 Tableau 5

En déduisant la rémunération des salariés et des autres impôts sur la pro-


duction nets de subventions d’exploitation (c’est-à-dire les autres impôts
sur la production desquels on déduit les subventions d’exploitation), de
la valeur ajoutée brute, nous pouvons obtenir l’excédent brut d’exploita-
tion de chaque branche.

■ Quelle utilisation du TES ?


Le TES n’a pas une, mais plusieurs utilisations possibles.
Les premiers véritables TES ont été mis en place par Wassily Leontief1
dans les années 1930. Il s’agit de modèles appelés input-output afin d’ana-
lyser la structure productive de l’économie. C’est là la première utilisa-
tion du TES. Un modèle input-output est un modèle dont l’objectif est
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

d’expliquer les liens entre, d’une part, les consommations intermédiaires


(input) et, d’autre part, la production (output) qui résultent de l’utilisa-
tion de ces consommations intermédiaires. Dès lors, le TES permet l’ana-
lyse de l’interdépendance entre les branches de l’économie en s’appuyant
sur les coefficients techniques (rapport entre la consommation intermé-
diaire d’un secteur et la production totale d’une branche).
La seconde utilisation est celle relative à la prévision économique. Grâce
au TES, il va être possible de prévoir les conséquences d’un accroisse-
ment de la demande finale sur la production étant donné l’état de l’appa-
reil productif. L’objectif va être de suivre, pas à pas, branche par branche
et produit par produit, les canaux de transmission entre la demande
1 Wassily Leontief a obtenu le prix Nobel d’économie en 1973.

97
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M acroéconomie

finale (qui est alors une variable exogène) et la production (qui est une
variable endogène).
La troisième utilisation concerne la simulation économique. Reposant sur
une approche par les produits, le TES permet de simuler des chocs écono-
miques ou des effets de politiques économiques afin d’en évaluer l’impact
sur l’économie nationale. Le TES va ainsi permettre d’étudier de tels scéna-
rios branche par branche, produits par produits, sur les prix et les quantités.

4.5 Les autres tableaux de synthèse


Les autres tableaux de synthèse concernent les comptes financiers et les
comptes de patrimoine des secteurs institutionnels. Ces deux comptes
renseignent sur le patrimoine financier et non financier des secteurs ins-
titutionnels. Les comptes financiers sont regroupés au sein d’un seul
tableau qui est le tableau des opérations financières.

 Les comptes financiers et le tableau des opérations financières

Les comptes des agents précédemment présentés (comptes PERRUC)


faisaient apparaître l’épargne brute comme solde du compte d’utilisation
du revenu. Avec cette épargne, les ménages vont pouvoir accumuler de la
richesse non financière (FBCF, etc.). Le solde du compte de capital, qui
est en fait le premier compte d’accumulation, fait alors apparaître un
besoin (–) ou une capacité (+) de financement. À partir du solde du
compte de capital, le secteur institutionnel va alors pouvoir accumuler
une richesse financière (actions, crédits, etc.). Le compte financier,
deuxième compte d’accumulation après le compte de capital, va décrire
l’enregistrement des opérations sur instruments financiers (actions, cré-
dits, etc.). Il concerne les opérations sur des actifs financiers (des
créances) et des passifs financiers (des dettes). Points importants :
 le compte financier est un compte dit de flux, c’est-à-dire qu’il enre-
gistre les flux de créances et de dettes d’un secteur institutionnel au
cours d’une année ;
 le compte financier enregistre des opérations de flux nets. C’est pour-
quoi apparaît, dans chaque compte financier : à gauche les variations

98
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La comptabilité nationale

d’actifs (flux nets de créances) et, à droite, les variations de passifs (flux
nets de dettes).
Le dernier point concerne le solde du compte financier. Ce point est
extrêmement important car la convention comptable sur laquelle repose
l’écriture du solde du compte financier est quelque peu « novatrice » par
rapport à l’ensemble des écritures comptables que nous avons étudié
jusqu’à présent. Le solde du compte financier correspond à la capacité de
financement. Cette notion de capacité de financement ne doit pas être
3
confondue avec celle correspondant au solde du compte de capital si, et
seulement si, ce solde était positif1. Dans le cas du solde financier, il faut
faire très attention à cette notion de capacité de financement. Si le secteur
institutionnel a effectué des opérations qui, au final, rendent la variation
d’actif supérieure à la variation de passif, le secteur a donc une capacité
de financement et le solde du compte financier est indiqué à droite2 et est
positif. Si l’inverse se produit (si la variation d’actif est inférieure à la
variation de passif), nous devrions, normalement, parler de besoin de
financement et le solde du compte financier devrait s’écrire à gauche. Il
n’en est rien. Dans ce cas, le solde du compte financier, qui est négatif,
s’inscrit à droite avec un signe négatif et nous parlons toujours de capa-
cité de financement. Cette capacité de financement est ici négative !
Dès lors, la capacité de financement est à la fois :
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

 le solde du compte de capital (inscrit à gauche avec un signe +) ;


 la première écriture dans la colonne de droite des variations des pas-
sifs du compte financier ;
 le solde du compte financier.
Le tableau des opérations financières (TOF) est donc le tableau regrou-
pant l’ensemble des comptes financiers de chaque secteur institutionnel,
ainsi que pour quelques sous-secteurs, pour une année donnée. Il retra-
ce les opérations sur instruments financiers (flux nets de créances et flux

1Si le solde du compte de capital est négatif, on parle alors d’un besoin de financement.
2Dans la séquence des comptes PERRUC, le solde de chaque compte, qu’il soit positif ou
négatif, était indiqué à gauche !

99
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M acroéconomie

nets de dettes) qui apparaissent dans les comptes financiers des secteurs
institutionnels1.

 Les comptes de patrimoine

Les comptes financiers sont basés sur les flux tandis que les comptes de
patrimoine comptabilisent les stocks. Le compte de patrimoine d’un sec-
teur institutionnel représente en quelque sorte le bilan de ce secteur
au 31 décembre de l’année étudiée. Il est la suite « logique » du compte
financier.
Le compte de patrimoine s’organise entre les actifs, situé dans la colonne
de gauche, et le passif, situé dans la colonne de droite. À l’actif se trou-
vent l’actif non financier (logement, terrain, équipements, etc.) et l’actif
financier (actions, crédits, etc.). Au passif, figure uniquement le passif
financier, c’est-à-dire les dettes. Le solde du compte de patrimoine, dif-
férence entre l’actif (financier et non financier) et le passif financier, d’un
secteur institutionnel est sa valeur nette, c’est-à-dire la valeur du patri-
moine.
Parmi ses nombreuses utilisations, le compte de patrimoine permet
notamment de calculer des ratios parmi lesquels celui du coefficient de
capital. Le coefficient de capital, très utilisé dans les modèles de croissan-
ce économique, est le rapport entre le [facteur de production] capital uti-
lisé et la valeur ajoutée produite au cours d’une année2.

1 Le TOF, ainsi que les comptes de patrimoine (cf. section 2), de l’économie française peu-
vent être consultés sur www.dunod.com.
2 Le coefficient de capital est donc l’inverse de la productivité du capital.

100
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4 La consommation

Mots-clés
Loi psychologique fondamentale, propensions marginale et moyenne
à consommer, revenu permanent, hypothèse du cycle de vie.

1 Introduction
En France, la consommation agrégée, c’est-à-dire l’ensemble de la
consommation des ménages, des administrations publiques (APU), des
ISBLSM1, au niveau macroéconomique, représente, en 2012, 82,9 % du
PIB. La consommation est donc l’agrégat qui pèse le plus lourd dans le
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

PIB. Cette part est relativement stable au cours du temps puisque, entre
1949 et 2012, le poids moyen de la consommation finale dans le PIB est
de 81,7 %.
Ceci ne signifie pas que la consommation a stagné au cours du temps. Au
contraire, si nous regardons l’évolution de la consommation agrégée (en
volume), elle est passée d’un montant de 205,5 Mds€ en 1949 à
1 499,2 Mds€ en 2012, soit un taux de croissance moyen annuel de
+3,2 %2.

1 Institutions sans but lucratif au service des ménages.


2 Pour ce qui est de la seule consommation finale des ménages, elle est passée d’un montant

de 139,6 Mds€ à 1009,4 Mds€ entre 1949 et 2012, soit un taux de croissance moyen annuel
de +3,1%.

101
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M acroéconomie

90%
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2003
2006
2009
2012
Source : Insee (base 2005).
Figure 1 – Évolution de la part de la consommation finale
dans le PIB (en %)

1 600

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1 000

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2000
2003
2006
2009
2012

Total Ménages

Source : Insee (base 2005).


Figure 2 – Évolution des dépenses de consommation finale
en volume (en Mds€)

102
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La consommation

Comme l’a montré le chapitre 3, il faut effectuer une distinction entre la


consommation intermédiaire, qui désigne l’usage d’un bien dans la pro-
duction d’un autre bien, et la consommation finale, qui satisfait un
besoin sans qu’il n’y ait de détour productif. L’objectif de ce chapitre est
l’étude de la consommation finale.
Dès lors, d’un point de vue de la comptabilité nationale (cf. chapitre 3),
nous parlerons de consommation finale totale pour désigner l’ensemble
des dépenses de consommation des secteurs institutionnels. Ce sont,
essentiellement, les ménages qui consomment. La part de la consomma-
tion des ménages dans la consommation finale est proche de 70 %
(67,3 % en 2012 ; une moyenne de 68,6 % entre 1949 et 2012) comme le
4
montre la figure 3. En 2012, la part de la consommation des ménages
représente 55,8 % du PIB (sur la période 1949-2012, le poids moyen est
de 56 % du PIB).

100%

90%

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© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

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1991
1994
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2000
2003
2006
2009
2012

Ménages APU ISBLSM

Source : Insee (base 2005).


Figure 3 – Répartitions des dépenses de consommation finale en volume
(en % de la consommation finale totale)

103
9782100706471-guil-C04.qxd 16/07/14 10:08 Page 104

M acroéconomie

Toutefois, d’autres secteurs institutionnels sont susceptibles de consom-


mer comme les APU.
Par la suite, le terme de consommation désignera donc la consomma-
tion finale des ménages. Nous pouvons par conséquent définir la
consommation finale (ou, de manière abrégée, la consommation) des
ménages comme l’ensemble de leurs dépenses en biens et services desti-
nés à la satisfaction de besoins personnels et non productifs.
La consommation, ou fonction de consommation, peut être étudiée sous
l’angle soit de la microéconomie, soit de la macroéconomie.
Au niveau microéconomique, qui repose sur l’analyse néoclassique, la
consommation repose sur l’étude du comportement individuel du
consommateur : à partir d’un revenu donné, le consommateur choisit, en
fonction de leurs prix respectifs, les quantités de biens qu’il souhaite
consommer. Par extension, l’étude de l’épargne consiste en une analyse
intertemporelle des choix du consommateur individuel entre consom-
mer aujourd’hui ou consommer demain1.
Au niveau macroéconomique, l’analyse de la consommation trouve son
origine dans la Théorie générale de Keynes (1936). Son raisonnement va être
aux antipodes de celui de l’analyse néoclassique. L’objectif n’est plus d’ana-
lyser le comportement de consommation d’un individu mais la consom-
mation agrégée de l’économie, celle de l’ensemble des individus. Pour
Keynes, le revenu des individus est la principale variable qui va expliquer la
consommation (les prix sont considérés comme rigides)2. Dès lors,
l’épargne va être la part du revenu qui n’est pas consommée et elle consti-
tuera au niveau macroéconomique une « fuite » dans le circuit économique.
Toutefois, comme nous le verrons, les théories relatives à la consomma-
tion ont évolué au cours du temps quitte à, parfois, se contredire.
Le raisonnement néoclassique au sujet de la consommation des ménages
est le suivant : l’individu dispose d’un revenu et, en fonction du taux

1 Épargner, c’est renoncer à consommer aujourd’hui pour consommer demain. L’épargne


est donc une consommation future.
2 Les prix sont rigides lorsqu’ils diminuent ou augmentent peu ou pas à court terme, même

si la demande évolue.

104
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La consommation

d’intérêt, décide de son montant d’épargne. Une fois ce choix effectué,


l’individu consomme la part du revenu qui n’est pas épargné. C’est donc
le taux d’intérêt qui devient la variable de décision et affecte le choix des
agents entre, d’une part, l’épargne et, d’autre part, la consommation. Le
taux d’intérêt peut dès lors être interprété comme le prix de la renoncia-
tion à la consommation présente pour de la consommation future.
Le raisonnement de Keynes va totalement à l’opposé du raisonnement néo-
classique. Keynes va relier la consommation globale au revenu. C’est donc le
niveau du revenu qui est le principal déterminant de la consommation agré-
gée. D’autre part, l’épargne est alors considérée comme un résidu : la part du
revenu qui n’est pas consommée. Le taux d’intérêt n’est pas la variable qui
4
explique le partage du revenu entre épargne et consommation – c’est le reve-
nu qui joue ce rôle en déterminant le montant de consommation dans un
premier temps et, dans un second temps, le montant d’épargne.

2 L’approche keynésienne
de la consommation
2.1 La loi psychologique fondamentale
Keynes s’exprime dans ces termes au sujet de cette loi : « La loi psycholo-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

gique fondamentale, à laquelle nous pouvons faire toute confiance, à la


fois a priori en raison de notre connaissance de la nature humaine et a
posteriori en raison des enseignements détaillés de l’expérience, c’est
qu’en moyenne et la plupart du temps les hommes tendent à accroître
leur consommation à mesure que leur revenu croît, mais non d’une
quantité aussi grande que l’accroissement du revenu »1.
L’interprétation de cette loi est fondamentale.
Tout d’abord, elle établit le lien entre la consommation et le revenu dis-
ponible2. Ensuite, ce lien s’interprète en deux étapes :
1Keynes, 1936, chap. VIII, p. 117.
2Nous pouvons également employer le terme de « revenu courant », c’est-à-dire le revenu
dont disposent les ménages pour consommer (cf. chapitre 3).

105
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M acroéconomie

 tout accroissement du revenu disponible entraîne un accroissement


de la consommation. Il y a donc une relation entre la consommation
et le revenu ;
 le supplément de consommation est inférieur au supplément de
revenu.
La loi psychologique fondamentale n’est, au sens scientifique du terme,
pas une véritable loi, c’est-à-dire qu’elle ne repose pas sur l’élaboration
d’un modèle théorique ni sur des vérifications empiriques. Elle résulte
davantage d’une hypothèse que Keynes formule aux vues de ses connais-
sances et de ses expériences passées (Keynes évoque la « connaissance de
la nature humaine » et les « renseignements détaillés de l’expérience »).
Malgré l’absence de fondements théoriques, une telle loi est-elle dénuée
de sens au regard de la réalité économique ? Pour cela, regardons l’évo-
lution de la consommation des ménages et celle de leur revenu pour la
France entre 1949 et 2012.

1 200

1 000 2012
Consommation des ménages (en Mds€)

800
1990

600

400

1949
200

0
0 200 400 600 800 1 000 1 200 1 400
Revenu disponible brut (en Mds€)

Source : Insee (base 2005).


Figure 4 – Évolution de la consommation des ménages en fonction du RDB
(en Mds€ courants)

106
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La consommation

À première vue, l’hypothèse de cette loi semble validée. Néanmoins,


comme nous le verrons, les tests empiriques invalident en partie l’hypo-
thèse de Keynes (cf. section 3).

2.2 La fonction de consommation


■ Comment modéliser la fonction de consommation ?
Pour Keynes, la décision de consommation des ménages dépend du reve-

4
nu. Ce revenu est partagé entre la consommation et l’épargne.
À partir de la loi psychologique fondamentale, Keynes stipule que la
consommation (notée C ) est fonction du revenu courant (noté Y )1. Dès
lors, compte tenu des développements du chapitre 1, la fonction de
consommation peut s’écrire :
C = f (Y ) (1)

Dans une perspective keynésienne, les ménages consomment en fonction


de leur revenu. La consommation est la première décision et l’épargne
est, par conséquent, la part du revenu qui n’est pas consommée.
L’épargne est donc, dans une perspective keynésienne, un résidu.
Toutefois, l’expression (1) est une fonction de consommation « générale ».
Il n’est pas inutile de la spécifier davantage afin d’en étudier toutes les pro-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

priétés. Cependant, la définition de la loi psychologique fondamentale


donnée par Keynes est, d’un point de vue de la modélisation, ambiguë car
compatible avec trois hypothèses distinctes. En effet, la fonction de
consommation va pouvoir être modélisée selon (i) une fonction affine, (ii)
une fonction linéaire ou (iii) une fonction concave2. Dans ces trois cas, la
fonction de consommation est compatible avec les propos de Keynes.

1 Afin de simplifier les choses, nous supposerons que le revenu courant intègre les impôts.
Nous pourrions faire apparaître explicitement les impôts en disant que le revenu courant
ou disponible est égal à la différence entre le revenu primaire et les impôts dont le ménage
doit s’acquitter.
2 Une fonction concave est une fonction dont la variable croît à taux décroissant. À l’inver-

se, une fonction convexe est une fonction dont la variable croît à taux croissant.

107
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M acroéconomie

La fonction de consommation la plus couramment utilisée est la fonction


de consommation affine car elle est conforme aux hypothèses de Keynes
et elle est mathématiquement (et graphiquement !) facile à utiliser
(Abraham-Frois, 2001).
La fonction de consommation affine est représentée par l’équation sui-
vante :
C = cY + C0 (2)

Le terme C0 représente la consommation incompressible – également


appelée consommation autonome – c’est-à-dire le niveau de consomma-
tion lorsque le revenu est nul (lorsque Y = 0 , C = C0 )1. S’il peut paraître
difficile à justifier sur un plan économique, le terme de consommation
incompressible va essentiellement être utile lorsque nous étudierons les
propensions à consommer.
Le terme c est appelé propension marginale à consommer. Il décrit la
variation de consommation obtenue suite à une variation du revenu.
Habituellement, ce paramètre c est compris entre 0 et 1 car plus les socié-
tés sont riches, plus elles consomment, mais la part du revenu qui est
consacrée à la consommation tend à décroître avec le niveau de revenu.
La fonction de consommation peut également être représentée par une
fonction linéaire :
C = cY (3)

Dans ce cas, le terme de consommation incompressible disparaît. La


consommation est uniquement fonction du revenu. Dès lors, lorsque le
revenu est nul, la consommation est égale à zéro (si Y = 0 alors C = 0 ).
Enfin, la dernière représentation possible de la fonction de consomma-
tion est une représentation concave. La fonction de consommation
s’écrit :
C = f (Y ) + C0 (4)
1 Il s’agit de la consommation « minimale » dont les agents ne peuvent se passer (pour satis-

faire des besoins physiologiques) même s’ils n’ont aucun revenu.

108
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La consommation

Là aussi, lorsque le revenu est nul, la consommation est égale au terme de


consommation incompressible (si Y = 0 alors C = C0 ).

 Les propensions à consommer


Afin de montrer les propriétés de la fonction de consommation, nous
travaillerons à partir de la fonction de consommation affine donnée par
l’expression (2)1.

4
La relation entre consommation et revenu s’exprime par les propensions
à consommer. Nous écrivons le terme « propension » au pluriel car il faut
distinguer, d’une part, la propension moyenne à consommer et, d’autre
part, la propension marginale à consommer.
La propension moyenne à consommer (PMC) correspond au rapport
C
entre la consommation totale (C) et le revenu (Y ) , soit : .
Y
La propension marginale à consommer (PmC) correspond au supplé-
ment de consommation (noté C) engendré par une augmentation infi-
nitésimale du revenu2 (Y).
Autrement dit, il s’agit du rapport entre la variation de consommation
C
obtenue suite à une variation du revenu, soit : . Mathématiquement,
Y
il s’agit en fait de la dérivée partielle de la consommation par rapport au
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

C
revenu. Dès lors : = f  (Y ) .
Y
En appliquant ces deux définitions à l’expression (2), nous constatons
tout d’abord que la propension moyenne à consommer est égale à :
C cY + C0 C0
P MC = = =c+ (5)
Y Y Y

1 Le paragraphe « La représentation graphique » proposera des schémas de ces trois fonc-


tions de consommation et un rappel de leurs propriétés générales.
2 Une augmentation infinitésimale du revenu correspond, puisque nous utilisons le terme

« marginal », à une variation d’une unité du revenu. En étudiant la propension marginale,


nous effectuons une analyse à la marge.

109
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M acroéconomie

Nous constatons que la propension moyenne à consommer a tendance à


diminuer lorsque le revenu augmente. Keynes justifie cette décroissante
par la hiérarchie et la satiété des besoins. Au fur et à mesure que les indi-
vidus voient leur revenu augmenter, ils peuvent « élargir » leur horizon
en termes de produits de consommation (ils ont accès à de nouveaux
produits de consommation). De plus, cette élévation du niveau de
consommation va permettre de « combler » les besoins des individus.
Suite à ces augmentations de revenus, les individus vont pouvoir satisfai-
re tous leurs besoins de consommation. Ainsi, au fur à et à mesure que le
revenu va augmenter, ils vont consacrer une part de moins en moins
importante à la consommation puisqu’ils auront satisfait leur besoin. Un
exemple très simple peut être donné. Supposons qu’un ménage voit ses
revenus augmenter de telle sorte qu’il puisse s’acheter une voiture, des
vêtements, des bijoux, etc. Si les revenus augmentaient à nouveau, les
choix de consommation seraient « restreints » puisque le ménage ne va
pas, sauf s’il n’est pas rationnel, acheter à nouveau les biens de consom-
mation qu’il possède déjà. Il va donc consacrer une part moins impor-
tante de ses revenus à la consommation.
Quant à la propension marginale à consommer (PmC), elle est comprise
entre 0 et 1 et est égale à :
C
PmC = =c (6)
Y
L’interprétation des PMC et PmC peut prêter à confusion. D’ailleurs,
Keynes lui-même dans ses écrits semble, volontairement ou pas,
confondre ces deux propensions. Toutefois, une précision importante est
apportée dans le chapitre X de son ouvrage lorsqu’il écrit : « lorsque le
revenu augmente, la communauté ne désire consommer qu’une propor-
tion graduellement décroissante de son revenu ». Dès lors, c’est l’expres-
sion (2) qui sera le plus souvent utilisée pour modéliser la fonction de
consommation keynésienne.
À partir des expressions (5) et (6), on peut établir un lien entre PMC
et PmC au travers du concept de l’élasticité1. En effet, il est plus
1 L’élasticité définit la variation d’une grandeur y suite à la variation d’une grandeur x.

Ainsi, si x varie de 1%, l’élasticité indique de combien de % y varie.

110
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La consommation

habituel d’étudier des variations en % plutôt que des variations en


niveau.
Si nous notons εC,Y l’élasticité de la consommation par rapport au
revenu, elle exprime le rapport entre le taux de croissance de la consom-
mation et le taux de croissance du revenu. Ainsi :
C
εC,Y = C (7)
Y
Y

Nous pouvons retravailler l’expression (7) afin de faire apparaître les


4
concepts de PMC et PmC. Dès lors :
C Y C 1
εC,Y = × = ×
Y C Y C/Y

C
Or, représente la propension marginale à consommer et C/Y repré-
Y
sente la propension moyenne à consommer. Ainsi :
C 1 1 PmC
εC,Y = × =c× = (8)
Y C/Y C/Y P MC
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Compte tenu des développements précédents,  le rapport


 entre PmC et
PMC est nécessairement inférieur à l’unité εC,Y < 1 . Le concept d’élas-
ticité de la fonction de consommation va, dès lors, permettre de
connaître le pourcentage de la variation de la consommation lorsque le
revenu des ménages varie de 1 %. Nous pouvons ainsi écrire que lorsque
le revenu va varier de, par exemple, 1 %, la consommation va varier de
moins de 1 % (puisque εC,Y < 1 ).

■ La représentation graphique
Afin d’illustrer les propriétés des fonctions de consommation, il est utile
de les représenter graphiquement. Cette représentation nous servira
lorsque nous aborderons le modèle keynésien simplifié (chapitre 7).

111
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M acroéconomie

 La fonction affine

La figure 5 propose la C (Consommation)


représentation gra- C = cY + C
phique de la fonction
de consommation don-
née par l’expression c
(2).
C
La fonction de consom-
mation s’écrivant
C = cY + C0 , il s’agit
d’une fonction affine Y (Revenu)
avec comme propriétés : Figure 5 – La fonction de consommation affine
–0<c<1 ;
– C0 > 0 .
Lorsque le revenu est nul (Y = 0 ), la consommation est égale à C0
( C = C0 si Y = 0 ). Autrement dit, l’ordonnée à l’origine n’est pas nulle
mais égale au terme de consommation incompressible.
Dans le cas de la fonction affine :
C C0
 la propension moyenne à consommer est égale à : =c+ et elle
Y Y
diminue au fur et à mesure que le revenu augmente. Autrement dit, la
PMC est une fonction décroissante du revenu ;
C
 la propension marginale à consommer est égale à : = c et elle est
Y
C0
constante. La PmC est inférieure à la PMC puisque c < c + . Sur le
Y
graphique, il s’agit de la pente de la droite ;
 À long terme, la propension moyenne converge vers la propension
C0 C
marginale puisque : lorsque Y −→ +∞, −→ 0 donc −→ c .
Y Y
Compte tenu de l’ensemble des propriétés de la fonction de consomma-
tion affine, il apparaît qu’elle est la mieux à même de traduire et modéli-
ser les développements de Keynes au sujet de la consommation. Les éco-

112
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La consommation

nomistes ont donc, la plupart du temps, opté pour cette représentation


en la considérant comme la meilleure interprétation des écrits de Keynes.
 La fonction linéaire

La fonction linéaire s’écrit :


C (Consommation)
C = cY avec 0 < c < 1 . Le
terme de consommation C = cY
incompressible a disparu.

4
Dès lors : C(0) = 0 : lorsque
le revenu est nul, la consom-
mation est égale à zéro. Ceci
signifie que l’ordonnée à
l’origine est nulle. c
Dans le cas de la fonction
Y (Revenu)
linéaire, les propensions
moyenne et marginale sont Figure 6 – La fonction de consommation
égales car : linéaire
C
 P MC = =c ;
Y
C
 PmC = = c.
Y
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Compte tenu de ces propriétés, nous voyons que la part de la consom-


mation dans le revenu ne décroît pas au fur et à mesure que le revenu
augmente. La propension moyenne à consommer est donc constante et
égale à la propension marginale à consommer.
 La fonction concave

La fonction concave s’écrit : C = f (Y ) + C0 .


Dans ce cas-là :
C f (Y ) + C0
 la propension moyenne à consommer est égale à : = ;
Y Y
C
 la propension marginale à consommer est égale à : = f  (Y ) > 0 .
Y

113
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M acroéconomie

Il s’agit de la dérivée C (Consommation)


[première] de la fonc- C = f (Y) + C
tion de consommation. c

L’étude d’une fonction c


concave est intéressante
puisque, dans ce cas, les
propensions moyenne et
marginale à consommer C
décroissent avec le
revenu. Les deux pro-
pensions sont des fonc- Y (Revenu)
tions décroissantes du Figure 7 – La fonction
revenu. En effet : de consommation concave

 compte tenu de l’hypothèse de concavité, la propension moyenne à


consommer diminue avec l’accroissement du revenu ;
 graphiquement, nous observons que la consommation augmente de
moins en moins au fur et à mesure que le revenu augmente. La part
de la consommation dans le revenu est donc une fonction décrois-
sante du revenu.
La propension marginale décroît également avec le revenu car :
 la dérivée seconde de la fonction de consommation est négative. Si
nous notons la dérivée seconde de la fonction de consommation
2 C
f  (Y ) 1, elle s’écrit : f  (Y ) = < 02 ;
Y 2
 graphiquement, la pente de la tangente est différente selon les points
de la courbe (sur le graphique, nous voyons que la pente est différente

1 2 C
La dérivée seconde peut également se noter : compte tenu de nos notations.
Y 2
2 Il n’est pas rare de dire que, dans une telle situation, la fonction de consommation croît à
taux décroissant. Concrètement, cela signifie que la consommation va augmenter, par
exemple, de 5 % entre les dates 1 et 2, puis de 3 % entre les dates 2 et 3, puis de 2 % entre
les dates 3 et 4, etc.

114
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La consommation

et, plus précisément, plus faible lorsque nous sommes au point c2 plutôt
qu’au point c1 ).

2.3 La fonction d’épargne


Au sujet de l’épargne, Keynes écrit : « dans le tourbillon des acceptations
divergentes, il est agréable de découvrir un point fixe. Autant que nous le
sachions, personne ne conteste que l’épargne soit l’excès du revenu sur la
dépense pour la consommation »1.
L’épargne apparaît donc comme la partie du revenu qui n’est pas
consommée. Il s’agit donc d’un résidu. En notant S l’épargne, elle se défi-
nit dès lors comme :
4
S =Y −C (9)

La propension moyenne à épargner (PMS) se définit comme la part de


S
l’épargne dans le revenu. Ainsi : P M S = .
Y
Comme le revenu (Y ) se partage entre d’un côté la consommation (C)
et, de l’autre, l’épargne (S) , nous pouvons dire que le revenu correspond
à la somme de la consommation et de l’épargne. Dès lors :
Y =C+S (10)
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Si nous divisons par Y les deux membres de cette équation, nous obte-
nons :
Y C S C S
= + ⇒ 1 = + (11)
Y Y Y Y Y
C S
Or, P MC = et P M S = , d’où :
Y Y
P MC + P M S = 1 (12)

Nous voyons que la somme des propensions moyennes à consommer et


à épargner est égale à 1.
1 Keynes, 1936, chap. VI, p. 85.

115
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M acroéconomie

La propension marginale à épargner (PmS) correspond au supplément


d’épargne (noté S) engendré par une augmentation infinitésimale du
revenu (Y).
Il s’agit donc du rapport entre la variation d’épargne et la variation du
revenu1. Dès lors :
S
Pm S = =s (13)
Y

Compte tenu du partage du revenu entre consommation et épargne,


chaque unité de revenu supplémentaire, Y, ne peut se partager
qu’entre, d’une part, une unité supplémentaire de consommation, C,
et, d’autre part, une unité supplémentaire d’épargne, S. Dès lors :
Y = C + S (14)

Si nous divisons l’équation (14) par Y, nous obtenons :


Y C S C S
= + ⇒ 1 = + (15)
Y Y Y Y Y
C S
Or, = PmC = c et = Pm S = s , d’où :
Y Y
PmC + Pm S = c + s = 1 (16)

Nous voyons que la somme des propensions marginales à consommer et


à épargner est égale à 1.
Adaptons l’ensemble de ces propriétés à la fonction de consommation
affine. Pour rappel, la fonction de consommation affine s’écrit :
C = cY + C0
avec 0 < c < 1 et C0 > 0 .
Dès lors, la fonction d’épargne s’écrit :
S = Y − C = Y − cY − C0 = (1 − c)Y − C0 (17)
1 Autrement dit, il s’agit de la dérivée mathématique [partielle] de l’épargne par rapport au
revenu.

116
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La consommation

Comme, cf. équation (16), 1 − c = s , la fonction d’épargne peut égale-


ment s’écrire :
S = sY − C0 (18)

La propension moyenne à épargne vaut :


S sY − C0 C0
= =s− (19)
Y Y Y

4
La propension moyenne à épargner est une fonction croissante du reve-
nu. Ceci semble logique puisque le revenu se partage entre consomma-
tion et revenu. Or nous savons qu’au fur à et à mesure que le revenu pro-
gresse, la part consacrée à la consommation diminue. Il est donc logique
que la part de l’épargne dans le revenu (le complément à la consomma-
tion) pour obtenir le revenu, augmente. Nous pouvons exprimer cette
idée d’une autre manière. Puisque P MC + P M S = 1 , cela signifie que
P M S = 1 − P MC . Or, au fur et à mesure que le revenu augmente, nous
savons que P MC diminue, donc P M S progresse.
La propension marginale à épargner s’écrit :
S
=s (20)
Y

La propension marginale à épargner est constante et comprise entre 0 et


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1 puisque 0 < c < 1 . Or, cf. équation (16), s = 1 − c .


Enfin, la présence d’un terme de consommation incompressible, C0 ,
dans la fonction de consommation vient affecter le niveau d’épargne. En
effet, si le revenu est nul, la consommation est égale à C0 : si
Y = 0 ⇒ C = C0 . Dans ce cas l’épargne est négative puisqu’égale à −C0
: S = Y − C = −C0 .
Il s’agit ici non pas d’épargne mais de désépargne puisque l’épargne est
négative. L’épargne ne devient positive qu’au-delà d’un certain seuil que
l’on appelle un seuil de rupture (noté Yr). Ce seuil de rupture marque le
passage d’une épargne négative (désépargne) à une épargne positive. Ce
seuil de rupture est atteint lorsque l’épargne est au moins égale à 0 :

117
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M acroéconomie

S = 0 . Dès lors, le seuil de rupture du revenu est égal à :


S =Y −C
S = Y − cY − C0 (21)

Si S = 0 , alors :
S = Y − cY − C0 = 0
Y (1 − c) = C0
C0
Y = (22)
1−c

3 Les résultats empiriques


et les premières reformulations
3.1 Les vérifications empiriques : des résultats
contrastés
Dans les années 1940, un grand nombre de travaux empiriques se sont
attachés à « tester » la pertinence de la théorie keynésienne de la consom-
mation. Deux types de tests empiriques ont alors été menés :
 des tests sur séries temporelles : on observe à partir de variables tri-
mestrielles ou annuelles l’évolution de la consommation des ménages
en fonction de leurs revenus ;
 des tests en coupe instantanée : il s’agit d’observer à un instant donné
les montants de consommation par niveaux de revenus.
Si les résultats sur données en coupe instantanée ou sur les données de
séries temporelles de court terme semblent valider les hypothèses keyné-
siennes, les résultats sur séries temporelles de long terme invalident ces
hypothèses.

118
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La consommation

■ Les travaux de Kuznets sur les séries temporelles


Les premiers travaux qui vont remettre en cause les hypothèses keyné-
siennes sont ceux élaborés par Simon Kuznets en 19461. Il va montrer les
« faiblesses » de la loi psychologique fondamentale. Kuznets va travailler
sur des données, trimestrielles et annuelles, américaines entre 1869 et
1939.
À court terme, c’est-à-dire sur des données trimestrielles entre 1920 et 1939,

4
les résultats de Kuznets confirment les hypothèses keynésiennes sur la
consommation : la propension marginale à consommer est comprise entre
0 et 1, la propension moyenne à consommer est supérieure à la propension
marginale à consommer, la propension moyenne à consommer décroît
avec le revenu et le terme de consommation incompressible est présent.
En revanche, sur le long terme, c’est-à-dire à partir de données annuelles
entre 1869 et 1939, les hypothèses keynésiennes sont totalement invali-
dées car la propension moyenne à consommer est constante, inférieure à
l’unité (elle est estimée à 0,86) et approximativement égale à la propen-
sion marginale à consommer.

■ Les travaux en coupe instantanée


Les travaux en coupe instantanée consistent à analyser, à un moment
donné, les comportements de consommation de différents ménages (à
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

partir d’un échantillon) en fonction de leurs niveaux de revenus (des plus


pauvres aux plus riches).
Les résultats de tels travaux montrent que les propensions moyenne et
marginale à consommer ont tendance à décroître au fur et à mesure que
l’on progresse dans l’échelle des revenus. Ceci signifie que les ménages
« riches » consomment moins que les ménages « pauvres ».
Nous pouvons résumer, graphiquement, l’ensemble de ces travaux (figu-
re 8).

1 Kuznets (1946). Simon Kuznets a obtenu le prix Nobel d’économie en 1971.

119
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M acroéconomie

C (Consommation)

Longue période

Courte période et
données transversales

Y (Revenu)

Figure 8 – Résultats des travaux empiriques


sur la fonction de consommation

Les données de courte période ainsi que les données en coupe instanta-
née montrent que la fonction de consommation est une fonction affine
alors que les travaux sur les données de longue période montrent qu’il
s’agit d’une fonction linéaire.

■ Le cas de la France
Intéressons-nous au cas de la France. Pour cela, nous étudions le lien qui
pourrait exister entre le revenu disponible des ménages (RDB) et leur
consommation (C) . Nous utilisons des données annuelles entre 1949 et
2012 (source : Insee, Comptes nationaux, base 2005 en Mds€). L’évolu-
tion de ces données est présentée dans la figure 4.
Regardons tout d’abord l’évolution de la propension moyenne et de la
propension marginale à consommer entre 1950 et 2012.
Nous voyons que la propension moyenne à consommer n’est pas stable
dans le temps et, point important, qu’elle n’a pas tendance à diminuer
mais à augmenter depuis le début des années 1980. Nous observons éga-
lement que la propension marginale à consommer est instable et que sa
volatilité a tendance à augmenter depuis la fin des années 1980. Enfin,
chose totalement en contradiction avec les hypothèses de Keynes, la pro-
pension marginale à consommer n’est pas toujours comprise entre 0 et 1.

120
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La consommation

0,90 1,50

1,00
0,87

0,50
0,84
0,00
0,81
– 0,50

0,78
– 1,00
4
0,75 – 1,50
1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010
Propension moyenne à consommer Propension marginale à consommer (éch. de droite)

Source : Insee (base 2005).


Figure 9 – Évolution des propensions à consommer

Elle peut être parfois négative (dans ce cas, la croissance du revenu n’a
pas entraîné une croissance de la consommation, au contraire !) parfois
supérieure à 1 (dans ce cas, la croissance de la consommation a été supé-
rieure à celle du revenu).
La représentation graphique (cf. figure 4 infra) de ces deux séries mon-
trait qu’une relation existait. Cette relation peut être ajustée par une
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

droite affine dont l’équation s’écrit :


Ct = cR D Bt + C0 (23)

Nous procédons à l’estimation de cette équation sur la période 1999-


2012 dont voici les résultats :
Ct = 0,82R D Bt + 28,35
(24)
(81,44) (2,47)

Les chiffres entre parenthèses correspondent aux statistiques de Student


(les t de Student)1.
1 Ces statistiques indiquent la significativité des résultats, i.e. savoir si les paramètres estimés,
ici c et C 0 sont significativement différents de 0 (ce qui est le cas dans notre estimation) ou non.

121
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M acroéconomie

Au vu de ces résultats, la formulation keynésienne est parfaitement res-


pectée :
 une propension marginale à consommer comprise entre 0 et 1 ;
 une propension moyenne à consommer qui décroît lorsque le RDB
augmente ;
 la propension marginale à consommer est inférieure à la propension
moyenne à consommer ;
 à long terme, la propension moyenne à consommer converge vers la
propension marginale à consommer ;
 l’existence d’un terme de consommation incompressible.
Toutefois, un tel résultat masque plusieurs choses. Tout d’abord, la qualité
de l’estimation est très sensible au choix des années sur lesquelles porte
l’estimation. Ainsi, intégrer ou supprimer une année change totalement les
résultats puisque (i) le terme de consommation incompressible peut
devenir égal à 0 (ce qui n’est pas contraire à l’une des trois représenta-
tions possibles) ou devenir négatif (ce qui est beaucoup plus probléma-
tique et difficilement explicable sur le plan économique !) et (ii) la pro-
pension marginale à consommer peut devenir supérieure à l’unité (ce qui
est totalement contraire aux hypothèses keynésiennes). Ensuite, l’estima-
tion d’une telle équation sur une longue période (à partir de 1949) inva-
lide totalement les hypothèses de Keynes sur la consommation. En effet,
en effectuant la régression sur les données de 1949 à 2012, nous obtenons
les résultats suivants :
Ct = 0,85R D Bt
(25)
(375,72)
L’équation (25) est de la forme Ct = cR D Bt . Le terme de consommation
incompressible a disparu puisqu’il n’est pas, du point de vue statistique,
significativement différent de 0. Nous voyons que la propension moyen-
ne à consommer, qui est égale à la propension marginale à consommer,
est égale à 0,85, ce qui est très proche de l’estimation effectuée par
Kuznets sur des données et une période de temps différentes.

122
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La consommation

3.2 L’hypothèse du revenu relatif


Afin de réconcilier les résultats en coupe instantanée avec ceux sur séries
temporelles de long terme, James Duesenberry propose, en 19491, une
approche socio-économique de la consommation. Il va tout d’abord
abandonner le postulat suivant lequel un ménage ne se préoccupe pas de
la consommation des autres ménages. Dès lors, il va y avoir interdépen-
dance entre les consommations des ménages car les biens consommés

4
vont au-delà de la satisfaction d’un besoin ; ils sont le reflet de l’apparte-
nance à une catégorie sociale. Ainsi, un effet d’imitation va se mettre en
place : un ménage appartenant à une classe sociale va toujours chercher
à consommer les mêmes biens que les ménages qui appartiennent à la
catégorie sociale supérieure. On appelle cela un effet d’imitation ou de
démonstration. Un ménage ne va donc plus considérer uniquement son
revenu (revenu absolu) mais aussi celui de la catégorie sociale dont il est
le plus proche (revenu relatif) pour consommer.
Selon Duesenberry, il n’y aurait pas de dilemme empirique sur la fonc-
tion de consommation. Les contradictions entre les études sur coupes
transversales et celles sur séries temporelles ne seraient qu’une « illusion
statistique ». Il faudrait alors regarder la consommation comme un phé-
nomène de rattrapage qui n’aboutit jamais. Lorsque le revenu national
augmente, les « pauvres » voient leur revenu augmenter, ils rattrapent
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

leur niveau de consommation par rapport aux « riches ». Cependant, ces


derniers dont le revenu a aussi cru, augmentent également leur consom-
mation pour se distinguer des « pauvres »2. Ainsi, si les « pauvres » par-
viennent à rattraper le niveau de consommation des « riches », ces der-
niers ont atteint un nouveau niveau de consommation, supérieur au pré-
cédent. Ainsi, les « pauvres » ont toujours un niveau de consommation
[relatif] inférieur à celui des « riches » même si leur niveau de consom-
mation absolu a augmenté.

1 Duesenberry (1949).
2 Les « riches » souhaitent se différencier de la « masse » (Bailly et al., 1999).

123
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M acroéconomie

3.3 Le poids des habitudes


La figure 9 nous l’a montré, la propension moyenne à consommer est
instable dans le temps. Dans ses travaux, Duesenberry a également mon-
tré que la consommation des ménages s’effectuait en fonction du revenu
actuel mais aussi du plus haut revenu atteint dans le passé. Dès lors, en
cas de récession, les revenus sont amenés à diminuer mais les agents vont
tenter de conserver leur niveau de consommation. Ils vont opérer un cer-
tain lissage de leur niveau de consommation ; ils vont pour cela utiliser
leur épargne (ils désépargnent). Ainsi, la consommation va moins dimi-
nuer que le revenu. À l’inverse, pendant une période d’expansion, la
consommation des ménages va progresser plus lentement que le revenu.
Dans ce cas, les ménages vont tout simplement reconstituer leur épargne.
Ce phénomène est connu sous le terme « d’effet de cliquet ». L’effet cli-
quet correspond à un phénomène de persistance des habitudes de
consommation. C’est Thomas Brown qui, en 19521, va développer le cri-
tère d’effet cliquet en introduisant un décalage temporel entre la
consommation et le revenu. Dès lors, la consommation sera toujours
déterminée par le revenu mais aussi par un terme retardé de la consom-
mation. Ce terme retardé correspond à l’effet de mémoire.
La fonction de consommation de Brown peut être représentée à l’aide de
la figure 102.
À nouveau, comme le montre Kuznets, les résultats de court terme diffè-
rent des résultats de long terme. Sur le court terme, une augmentation du
revenu n’aura pas une grande incidence sur la consommation puisqu’il
existe un effet de mémoire : le poids des habitudes joue un rôle plus
important. Par contre, sur le long terme, une telle augmentation aura des
répercussions puisque l’effet de mémoire va s’atténuer.

1Brown (1952).
2Nous pouvons constater, sur ce graphique 10, que la propension marginale à consommer
de long terme est supérieure à la propension marginale à consommer de court terme.

124
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La consommation

C (Consommation)

Longue période

Courte période 2

Courte période 1

Y (Revenu) 4
Figure 10 – Les fonctions de consommation selon l’approche de Brown

4 Les fondements microécono-


miques de la consommation
Avec l’aide des observations empiriques, on ne peut pas conclure que la
théorie de la consommation développée par Keynes est totalement vali-
dée. Il semblerait qu’elle le soit à court terme mais pas à long terme. Par
ailleurs, ces vérifications laissent en suspens un certain nombre de ques-
tions parmi lesquelles la dynamique de la fonction de consommation,
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

son évolution à long terme, etc. La plupart de ces vérifications empi-


riques a été effectuée par des auteurs « post-keynésiens » ou, tout du
moins, qui restent influencés par la loi psychologique fondamentale.
C’est pourquoi, dès la fin des années 1960, un certain nombre d’auteurs
ont adopté une approche radicalement différente pour expliquer la fonc-
tion de consommation à partir de fondements microéconomiques. Ces
auteurs se sont « affranchis » de la loi psychologique fondamentale et ils
ont, entre autres, introduit un cadre d’analyse dynamique et non plus sta-
tique. Par ailleurs, un des défauts des approches keynésiennes de la
consommation est de ne s’intéresser qu’aux variables de flux (cf. cha-
pitre 3) et de négliger les variables de stocks. La consommation dépend
du revenu courant (le flux de revenus de la période étudiée). Or, comme
vont le postuler un certain nombre d’économistes, les ménages peuvent

125
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M acroéconomie

déterminer leur consommation non plus uniquement en fonction de leur


revenu de la période mais aussi en fonction de la richesse qu’ils ont accu-
mulée et des anticipations de revenus qu’ils peuvent faire (c’est-à-dire les
revenus futurs qu’ils anticipent). À partir de ces constats, les nouvelles
théories de la consommation vont revenir à des fondements microéco-
nomiques pour expliquer la consommation à un niveau macroécono-
mique. Ces théories constituent à la fois une alternative mais également
un prolongement de la fonction de consommation keynésienne.

4.1 La théorie du revenu permanent


En 1957, Milton Friedman1 propose une théorie alternative et radicale-
ment opposée à la théorie keynésienne. L’approche de Friedman est une
approche macroéconomique à fondements microéconomiques puisque
les choix des agents vont être intertemporels. En effet, selon l’approche
de Friedman, les agents décident de consommer non pas en fonction de
leur revenu courant mais de leur richesse. La richesse des ménages est
alors constituée par la somme actualisée2 des revenus anticipés tout au
long de leur existence.
Les ménages vont en fait dissocier le revenu courant entre, d’une part,
un revenu dit permanent : un revenu moyen anticipé auquel les
agents peuvent s’attendre (les revenus du travail, les revenus issus du
patrimoine, etc.) et, d’autre part, un revenu dit transitoire (un héri-
tage, un don, un gain de loterie, etc.).

Le revenu permanent a un caractère durable alors que le revenu transitoire


a un caractère temporaire et aléatoire. Si nous notons Yt le revenu courant,
ce dernier s’écrit comme la somme des revenus permanent et transitoire :
Y = YP + YT
avec Y P le revenu permanent et Y T le revenu transitoire.
Le revenu courant va donc « fluctuer » autour du revenu permanent
comme le montre la figure 11.
1 Friedman (1957). Milton Friedman a obtenu le prix Nobel d’économie en 1976.
2 L’actualisation consiste à exprimer au présent une somme perçue dans le futur.

126
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La consommation

L’écart entre le revenu courant y

et le revenu permanent est égal


au revenu transitoire. Ce reve-
nu transitoire sera tantôt posi-
tif, dans ce cas les agents vont Revenu permanent
épargner, tantôt négatif, dans
ce cas les agents désépargnent.
Revenu transitoire Revenu courant
Au fil du temps, il va donc y

4
avoir un certain « lissage » de
la consommation.
Durée de vie des agents
Si le revenu courant peut être
dissocié entre un revenu per- Figure 11 – Revenu permanent et revenu
manent et un revenu transitoi- courant
re, il en est de même pour la
consommation courante. Désormais, la consommation courante, notée
C , est composée d’une consommation permanente, C P , et d’une
consommation transitoire, C T. Ainsi :
C = C P + CT (26)

Trois hypothèses sont alors faites par Friedman1 :


 absence de corrélation entre le revenu permanent et le revenu transi-
toire ;
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

 absence de corrélation entre la consommation permanente et la


consommation transitoire ;
 absence de corrélation entre le revenu transitoire et la consommation
transitoire.
Par conséquent, selon Friedman, la seule relation stable qui existe est
celle qui relie le revenu permanent à la consommation permanente. Cette
relation stipule que les ménages consomment une part k de leur revenu
permanent :
C P = kY P (27)
1 Abraham-Frois (2001).

127
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M acroéconomie

De cette relation, nous voyons que la propension moyenne à consommer


est égale à la propension marginale à consommer : c . Il faut désormais,
afin d’être le plus précis possible, parler de propension moyenne et de
propension marginale à consommer le revenu permanent.
La part transitoire, que ce soit pour le revenu ou pour la consommation,
n’est pas prise en compte dans le raisonnement de par son caractère aléa-
toire et temporaire. Dès lors, la relation entre la consommation totale (cou-
rante) et le revenu courant est instable à cause de la composante transitoire
du revenu et de la consommation. À court terme, la composante transitoi-
re du revenu fluctue (tantôt positive, tantôt négative), ce qui entraîne une
fluctuation de la consommation transitoire et, in fine, de la consommation
totale. Dès lors, la propension marginale à consommer le revenu courant est
instable. De plus, les propensions (moyenne et marginale) à consommer de
court terme sont inférieures aux propensions de long terme.
À long terme, seule la composante permanente détermine la consommation
(permanente par définition). Dès lors, les composantes transitoires (du
revenu et de la consommation) sont nulles, ce qui implique une stabilité de
la relation entre la consommation (permanente) et le revenu (permanent).
Pour conclure, signalons que l’estimation de la fonction de consomma-
tion issue de la théorie du revenu permanent n’est pas tout à fait confor-
me à la réalité puisque les agents peuvent tenir compte d’autres facteurs
liés à l’univers certain ou incertain dans lequel ils évoluent comme, par
exemple, le chômage. Ainsi, de nombreux travaux empiriques introdui-
sent des variables liées au chômage pour modéliser la consommation des
ménages1.

4.2 L’hypothèse du cycle de vie


Franco Modigliani et Richard Brumberg (1954)2 puis Alberto Ando et
Franco Modigliani (1963)3 vont également développer une théorie de la
fonction de consommation alternative à la vision keynésienne.

1 C’est le cas, par exemple, des modèles Opale et Mesange à la Direction générale du Trésor.
2 Brumberg et Modigliani (1954).
3 Ando et Modigliani (1963).

128
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La consommation

Pour ces auteurs, les revenus des individus sont répartis de manière inéga-
le au cours de leur existence : faibles voire nuls au début de leur vie (lors-
qu’ils sont âgés de moins de 16 ans ou lorsqu’ils sont étudiants), les revenus
augmentent à partir de l’entrée dans la vie active puis au fil des ans pour
décroître au moment de la retraite. Or, les individus souhaitent un niveau
de consommation relativement stable au cours de leur existence. Il y a donc
un décalage entre les revenus, fluctuants par définition, et les dépenses qui
sont relativement stables (sauf dépenses exceptionnelles... donc transitoires

4
pour faire la liaison avec la théorie du revenu permanent).
Pour subsister, notamment durant leurs premières années et à la fin de
leurs vies, les individus vont donc opérer des transferts de revenus tout
au long de leur existence : soit ils empruntent pour faire face à leurs
dépenses (emprunt qui sera remboursé avec les revenus futurs), soit ils
épargnent (épargne qui sera utilisée lorsqu’ils seront à la retraite). Dès
lors, le patrimoine global net1, la différence entre les placements (finan-
ciers et/ou non-financiers) et le capital emprunté, va fluctuer au cours de
l’existence de l’individu. Plus précisément, le patrimoine de l’individu
connaît trois phases d’évolution.
La jeunesse. Au cours de sa jeunesse et durant ses premières années de
jeune adulte (de 18 ans à 23 ans), l’individu n’a aucune ressource (sauf
l’aide éventuelle de ses parents) pour financer ses dépenses de consom-
mation ainsi que ses études. Il va donc s’endetter (auprès de ses parents
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

ou d’établissements financiers) pour y faire face. Son épargne ainsi que


son patrimoine sont donc négatifs.
La vie active. Lors de son entrée sur le marché du travail (aux environs
de 23 ans en moyenne en France), l’individu va, dans un premier temps,
avec son salaire, rembourser ses emprunts (il entre dans une phase de
désendettement) puis, dans un second temps, se constituer un patrimoi-
ne sous diverses formes (bien immobilier, assurance-vie, etc.2). Durant
cette phase « vie active », le patrimoine devient positif.

1 En termes de comptabilité nationale, le patrimoine global net se lit dans les comptes de
patrimoine et se calcule en effectuant la différence entre l’actif et le passif.
2 Au sens de la comptabilité nationale, il s’agit d’actifs non financiers et d’actifs financiers.

129
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M acroéconomie

La retraite. Lorsque l’individu peut prendre sa retraite (à 62 ans1),


il n’a plus de revenus issus du travail. Il va donc utiliser son patrimoine
et les revenus qu’il lui procure pour faire face à ses dépenses de
consommation2. À la fin de sa vie (lorsque l’individu meurt), le patri-
moine est soit nul (l’individu a pu faire coïncider la fin de sa vie avec la
fin de son patrimoine)3, soit il reste quelque chose pour les héritiers (de
manière volontaire ou pas).
Nous pouvons représenter graphiquement l’hypothèse du cycle de vie.

Patrimoine net

62 ans Dé

on

pa
ati

rg
ul

n
m

e
cu

85 ans
Ac

Durée de vie des agents


t
en
En

em
de

ett
tte

nd
me

se

nt

23 ans

Figure 12 – L’hypothèse du cycle de vie

1 À l’heure actuelle, en France, l’âge légal pour partir à la retraite est 60 ans mais avec la
réforme, l’âge légal sera 62 ans à partir de 2018. On peut même penser que cet âge soit à
nouveau repoussé.
2 Nous pouvons préciser que l’individu peut bénéficier de son patrimoine sous deux formes :

soit il vend une partie de son patrimoine, soit son patrimoine lui procure un revenu. Par
exemple, si l’individu a acheté un bien immobilier : il peut le revendre, dans ce cas il bénéfi-
cie du fruit de la vente ; soit il loue ce bien et bénéficie d’un revenu régulier (le loyer versé
par le locataire).
3 Ce cas est toutefois rare car, normalement, nous ignorons la date de notre mort.

130
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La consommation

Afin de voir si les comportements d’épargne (donc d’accumulation de


patrimoine) sont validés ou non, nous regardons le patrimoine net glo-
bal moyen en euros pour les ménages français en 2010.

400 000

350 000

300 000

250 000

200 000
4
150 000

100 000

50 000

0
Moins de 30 ans De 30 à 39 ans De 40 à 49 ans De 50 à 59 ans De 60 à 69 ans 70 ans et plus

Source : Insee (enquête Patrimoine 2009-2010).

Figure 13 – Le patrimoine net global moyen (en €) des ménages français


en 2010 par tranche d’âge
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Que constatons-nous ? Nous observons que la tendance suivie par les


données françaises suit le modèle de cycle de vie. Le patrimoine augmen-
te au fur et à mesure de l’âge avant de baisser à partir d’un certain âge. Le
pic est atteint pour la classe d’âge allant de 60 à 69 ans. Cela signifie que
le maximum du patrimoine est atteint lorsque l’individu prend sa retrai-
te. On s’aperçoit également que le patrimoine diminue par la suite mais
qu’il n’est pas nul lorsque l’individu meurt. Ainsi, un héritage est effec-
tué soit de manière volontaire (altruisme des défunts), soit de manière
involontaire (cas de mort subite... ou, il faut aussi envisager ce cas, volon-
té intentionnelle des parents de ne pas laisser d’héritage à leurs descen-
dants).

131
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M acroéconomie

L’hypothèse du cycle de vie permet également d’articuler les aspects


microéconomique et macroéconomique de la consommation. Sur le plan
microéconomique, des individus qui ont le même revenu peuvent ne pas
avoir le même niveau de consommation s’ils ont des patrimoines diffé-
rents. Ensuite, sur le court terme, le patrimoine peut être considéré
comme constant. En effet, un accroissement du revenu n’aura qu’un
impact très marginal sur le patrimoine. Dans ce cas :
 la propension marginale à consommer est constante ;
 La propension moyenne à consommer décroît au fur et à mesure que
le revenu progresse pour « converger » vers la propension marginale à
consommer.
Enfin, sur le long terme (la durée de vie de l’individu), ce dernier ne sou-
haite plus accroître son patrimoine. Au contraire ! L’individu souhaite
consommer intégralement son patrimoine car, sauf s’il le souhaite, il ne
désire laisser aucun héritage. Dès lors, tout accroissement de revenu est
intégralement consommé. Ainsi, les propensions moyenne et marginale
à consommer sont égales à 1 et sont constantes.
Graphiquement, cela signifie que la fonction de consommation est une
fonction :
 affine sur le court terme ;
 linéaire, avec une pente égale à 1, sur le long terme.
Sur le plan macroéconomique à présent, l’hypothèse du cycle de vie a
plusieurs implications notamment en termes de taux d’épargne et de
démographie. En effet, si nous reprenons les trois phases de vie d’un indi-
vidu : la jeunesse, l’activité et la retraite, cela implique au niveau macroé-
conomique, l’existence de trois générations : les jeunes, les actifs, les
retraités. Il va y avoir des interactions entre ces trois générations. Si la
croissance de la population est nulle, alors le taux d’épargne agrégé est
nul.
S’il y a un rajeunissement (vieillissement) de la population, alors le taux
d’épargne chute (augmente).

132
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La consommation

Pour conclure, il faut relativiser l’hypothèse du cycle de vie. En effet, une


telle théorie repose sur plusieurs hypothèses « contestables ». En effet,
l’individu n’est pas altruiste1 et connaît avec certitude sa date de départ
en retraite2 ainsi que... la date de sa mort3.

4.3 La contre-attaque des nouveaux keynésiens


Si la première analyse de la consommation par Keynes se fait à un niveau,
uniquement, macroéconomique, une approche microéconomique key-
nésienne de la consommation n’est pas impossible. Au contraire ! Ce
sont les économistes de la nouvelle école keynésienne4 qui vont dévelop-
per une nouvelle approche de la consommation. La nouvelle économie
4
keynésienne, née dans les années 1980, postule que les individus sont
rationnels mais que des déséquilibres existent et se propagent car les mar-
chés ne peuvent s’autoréguler, essentiellement du fait de la rigidité5 des
prix et des salaires.
Deux facteurs essentiels vont expliquer la fonction de consommation : la
contrainte de liquidité et les effets d’habitude.

■ La contrainte de liquidité
Jusqu’à présent, les marchés financiers étaient supposés parfaits : l’agent
pouvait sans aucune contrainte emprunter le capital dont il avait besoin.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Toutefois, l’hypothèse de marchés financiers parfaits n’est pas très réaliste.


Sur les marchés financiers, compte tenu des informations mises à dispo-

1 Certains parents peuvent ne pas vouloir laisser d’héritage à leurs enfants. Par conséquent,
la nature de l’héritage peut être plus ou moins volontaire. Franco Modigliani estime que
seuls 20 % des héritages sont de nature volontaire.
2 En France, les effets conjugués du vieillissement de la population et de chômage, notam-

ment des jeunes, provoque un déficit croissant du régime des retraites. La multiplication
des réformes, notamment sur le nombre d’années à cotiser pour bénéficier d’une retraite à
taux plein, complique un tel calcul.
3 Il y a, normalement, une incertitude sur cette date.
4 Parmi les plus « célèbres », nous pouvons citer George Akerlof, Ben Bernanke, Olivier

Blanchard, Gregory Mankiw, Edmund Phelps ou Joseph Stiglitz.


5 Le terme de viscosité est également utilisé.

133
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M acroéconomie

sition des prêteurs et des emprunteurs (le montant du prêt, sa durée, son
coût), il peut exister un déséquilibre entre l’offre et la demande. Dès lors,
les individus vont devoir faire face à ce que l’on appelle une contrainte de
liquidité : pour diverses raisons, les individus sont dans l’impossibilité
d’emprunter des fonds. Ils n’ont dès lors aucune possibilité d’endette-
ment. Autrement dit, ils ne peuvent effectuer qu’un seul type de trans-
ferts : celui des revenus présents vers le futur (épargne). En aucun cas, ils
ne peuvent faire l’inverse. Donc, même au début de la période, l’épargne
sera positive et elle sera l’unique moyen de se constituer un patrimoine
pour pouvoir le consommer dans le futur. Le lissage de la consommation
ne pourra alors s’effectuer que par l’épargne. Si le revenu augmente, il
s’agira d’une possibilité pour les agents de consommer davantage.

■ Les effets d’habitude


L’idée développée ici est de tenir compte des niveaux passés de consom-
mation créant ainsi une dynamique dans la fonction de consommation
qui permettrait de mieux expliquer les comportements de consomma-
tion. Cette idée repose sur les travaux de Brown précédemment présen-
tés. L’objectif est d’adapter la version macroéconomique de Brown à une
version microéconomique. Avec une telle théorie, les effets d’habitude
permettent d’expliquer que la consommation de l’individu évolue gra-
duellement et avec « prudence ». L’individu ne va pas chercher à
atteindre un niveau de consommation élevé dès le début de son exis-
tence. Au contraire, il préférera diminuer sa consommation présente
pour favoriser sa consommation future et donc son épargne. Ce qui
guide l’individu est l’incertitude du monde dans lequel il évolue. Ne
sachant pas « de quoi demain sera fait », il privilégiera une consomma-
tion atone, y compris si son revenu augmente, pour épargner et ainsi
faire face à des événements imprévus. On parle alors de prudence du
comportement de consommation. Pour reprendre la phrase d’Abraham-
Frois (2001), « l’incertitude incite ainsi les agents à accroître leur épargne
en vue des mauvais jours ». L’épargne est alors considérée comme une
sécurité et un moyen de s’assurer un niveau de consommation minimale
en cas de « coups durs », c’est-à-dire lorsque le revenu diminue (par
exemple, suite à la perte d’un emploi).

134
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5 L’investissement

Mots-clés
Formation brute de capital fixe, investissement brut, investissement
net, investissement de remplacement, stock de capital, coefficient de
capital, actualisation, accélérateur fixe, accélérateur flexible, théo-
rème de Modigliani-Miller, q de Tobin.

1 Introduction
Au sens de la comptabilité nationale, l’investissement correspond à la
formation brute de capital fixe (FBCF). La figure 1 montre l’évolution de
la FBCF de l’économie française ainsi que celle des différents secteurs ins-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

titutionnels entre 1949 et 2012.


Nous voyons sur la figure 1 que ce sont essentiellement les entreprises
(SNF dans la terminologie de la comptabilité nationale) qui investissent1.
Nous constatons (figure 2) que la part de la FBCF des SNF représente, en
2012, 51,9 % de la FBCF totale. En moyenne, sur la période 1949-2012,
cette part est de 53,4 %.

1 Pour rappel, le seul investissement que les ménages effectuent correspond à l’achat d’un
bien immobilier. Lorsqu’un ménage achète un actif financier, des actions par exemple, on
dit qu’il investit. C’est un abus de langage. En effet, lorsqu’un ménage achète un actif finan-
cier, il place son épargne (pour consommer dans le futur ; cf. chapitre 4). Dans ce cas, le
ménage se constitue ce que l’on appelle une épargne financière. C’est grâce à cette épargne
qui revient, directement ou indirectement, aux entreprises que ces dernières investissent.

135
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M acroéconomie

450

400

350

300

250

200

150

100

50

0
1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010
SNF SF APU Ménages ISBLSM FBCF

Source : Insee (base 2005).

Figure 1 – Évolution de la FBCF totale et par secteur institutionnel (en Mds€)

100%
90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010
SNF SF APU Ménages ISBLSM

Source : Insee (base 2005).

Figure 2 – Décomposition de la FBCF par secteur institutionnel


(en % de la FBCF totale)

136
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L’investissement

Contrairement à la consommation, l’investissement représente une part


plus faible du PIB. En 2012, cette part s’établissait à 18,8 %. Malgré cette
relative « faiblesse », l’investissement constitue une variable importante à
la croissance du PIB. Ainsi, comme le montre le tableau 1, la contribu-
tion à la croissance du PIB ne peut être négligée, au contraire !
Tableau 1 – Faits stylisés sur l’investissement
Taux de croissance Ecart-type Contribution Corrélation
à la croissance du PIB
PIB FBCF PIB FBCF FBCF
1960-2012 3,0% 3,2% 2,3% 4,5% 0,6% 0,83
1960-1970 5,9% 7,8% 5,6% 7,4% 1,5% 0,04
1970-1980
1980-1990
1990-2000
3,9%
2,3%
2,0%
3,1%
2,5%
2,1%
2,9%
2,0%
1,9%
0,7%
1,7%
2,2%
0,6%
0,4%
0,4%
0,86
0,84
0,94
5
2000-2012 1,3% 1,5% 1,1% 1,3% 0,3% 0,94
Source : calcul de l’auteur à partir de données Insee (base 2005).

Sur la période 1960-2012, nous constatons que la contribution de la


FBCF à la croissance du PIB est de 0,6 %. Ainsi, l’investissement explique
1/5e (soit 20 %) de la croissance du PIB. Par ailleurs, nous voyons que la
corrélation entre la croissance du PIB et celle de la FBCF est très élevée
(0,83 sur la période 1960-2012), avec un pic à 0,94 pour les périodes
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

1990-2000 et 2000-2012 mais avec une exception entre 1960 et 1970 (cor-
rélation de 0,04).
Nous constatons également, grâce à nos sous-périodes, que la contribu-
tion de l’investissement est faible lors des phases de ralentissement éco-
nomique (ou de récession). À l’inverse, la contribution est particulière-
ment élevée lors des phases de reprise ou de croissance économique.
L’investissement semble donc agir de façon pro-cyclique1. Pour en être
certains, nous pouvons regarder l’évolution du taux de croissance du PIB
et de l’investissement.
1 Une variable est pro-cyclique lorsqu’elle accentue les fluctuations de l’activité écono-
mique. A l’inverse, une variable est contra-cyclique lorsqu’elle atténue les phases de ralen-
tissement de l’activité économique.

137
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M acroéconomie

15 %

10 %

5%

0%

–5%

– 10 %

– 15 %
1960 1963 1966 1969 1972 1975 1978 1981 1984 1987 1990 1993 1996 1999 2002 2005 2008 2011
PIB FBCF Demande intérieure hors stocks

Source : Insee (base 2005).


Figure 3 – Évolution du PIB, de la FBCF et de la demande intérieure
(glissement annuel en %)

La figure 3 confirme la forte relation entre la croissance du PIB (ou celle


de la demande intérieure1) et la croissance de la FBCF. Elle montre aussi
que la FBCF est beaucoup plus volatile (fluctuante) que les deux autres
grandeurs. Enfin, il met en évidence un léger décalage entre la reprise de
la croissance économique et celle de l’investissement.
Dès lors, l’investissement va être la composante « irrégulière » du PIB. La
volatilité de l’investissement, que nous calculons par l’écart-type des taux
de croissance, est 2 fois plus élevée que celle de la consommation (4,5 %
contre 2,0 % entre 1960 et 2012).
L’investissement est donc une composante importante pour expliquer les
cycles d’activité économique. L’objectif de ce chapitre est d’expliquer la
volatilité de l’investissement et son rôle moteur (via un mécanisme de
multiplicateur, cf. chapitre 7) dans la relance de l’activité économique.
Investir est un « pari » sur l’avenir car il s’agit d’engager des sommes
aujourd’hui en vue de récolter des recettes dans le futur. À ce stade, trois
1 La demande intérieure correspond à la somme des dépenses des agents économiques (cf.

chapitre 3).

138
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L’investissement

déterminants essentiels sont généralement avancés pour expliquer la


décision d’investir : le taux d’intérêt (ou la rentabilité relative),
l’influence de la demande et le rôle des anticipations.
Nous voyons que l’investissement a une double nature :
 composante de la demande : il fait partie des emplois dans l’équilibre
ressources-emplois ; il correspond à une utilisation possible du PIB ;
 déterminant de l’offre de biens et services puisque lorsqu’une entre-
prise investit, elle augmente sa capacité de production et donc son
offre de biens dans le futur.

2 Concepts fondamentaux
2.1 Définition
5
Avant d’analyser les déterminants de la décision d’investir, il est très
important de définir un certain nombre de concepts.
L’investissement correspond à la formation brute de capital fixe (FBCF).
La FBCF « est constituée par les acquisitions moins les cessions d’actifs
fixes réalisées par les producteurs résidents. Les actifs fixes sont les actifs
corporels ou incorporels issus de processus de production et utilisés de
façon répétée ou continue dans d’autres processus de production pen-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

dant au moins un an » (Insee). L’investissement correspond donc à la


formation d’un capital1. Il s’agit de l’achat d’un bien, par un secteur ins-
titutionnel, au cours d’une période donnée, pour produire ultérieure-
ment d’autres biens. L’investissement ne doit pas être confondu avec les
consommations intermédiaires. Pourquoi ? Les biens achetés dans le
cadre de l’investissement sont des biens durables. Investir correspond
donc à l’achat d’un bien [durable] dont l’utilisation peut se faire sur plu-
sieurs périodes2. L’investissement peut être :

1 Le terme capital désigne ici un stock accumulé de biens que l’on utilise pour produire

d’autres biens.
2 Rappel : les consommations intermédiaires sont utilisées au sein d’une même période.

Elles ne peuvent pas être réutilisées, contrairement aux biens durables.

139
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M acroéconomie

 privé (fait par les ménages, les SNF) ou public (effectué par les APU) ;
 matériel (achat d’un équipement, d’une machine, d’un terrain, etc.)
ou immatériel (dépenses effectuées dans l’innovation, la recherche et
développement, etc.1).
Nous avons vu dans l’introduction que tous les secteurs institutionnels
peuvent investir (y compris les ménages sous la forme de l’achat d’un
bien immobilier !). Toutefois, ce sont essentiellement les entreprises qui
investissent (cf. figure 2). Par la suite, le chapitre se consacrera essentiel-
lement à la décision d’investissement des entreprises. Dans cette optique,
nous pouvons affiner la définition de l’investissement comme étant
l’acquisition ou la création de ressources utilisées dans le processus de
production.

2.2 Investissements brut, net et de remplacement


L’investissement correspond à la formation (à l’accumulation) d’un capi-
tal. Il correspond à un flux et le capital à un stock (cf. chapitre 3). Investir
revient donc à constituer un stock de capital, qui va, au cours du temps,
se déprécier, perdre de sa valeur, ceci est inévitable2.
Aussi performant soit-il, un équipement acheté par une entreprise va
connaître une obsolescence croissante au cours du temps, ne serait-ce
qu’à cause du progrès technique3. Mais cette dépréciation peut aussi être
causée par une usure physique des pièces, etc. Il va donc falloir, sous
peine de se retrouver avec un stock de capital nul (épuisé), renouveler ce
stock régulièrement, c’est-à-dire investir. Pour résumer, un investisse-

1 Dans le cas immatériel, l’investissement concerne les services. Il correspond à une dépen-
se susceptible d’apporter des retombées dans le futur. Par exemple, investir dans les inno-
vations médicales permettra de mieux détecter et de soigner certaines maladies (cardiaque,
neurologique, etc.).
2 Prenons l’exemple des ordinateurs. Lorsqu’un modèle est proposé, il ne suffit que de

quelques mois pour qu’un modèle plus performant apparaisse provoquant, de fait, une
perte de valeur pour le modèle précédent.
3 Pour mieux vous en rendre compte, ayez en tête les ordinateurs ou même les téléphones

portables où l’obsolescence peut se compter en mois.

140
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L’investissement

ment a une durée de vie limitée, il faut donc le renouveler pour mainte-
nir stable ou accroître le stock de capital.
Pour comprendre la logique de l’investissement ou, dit d’une autre
manière, pour comprendre la dynamique d’accumulation du capital1,
précisons les éléments temporels et les notations pour appréhender ce
phénomène. Nous appellons t la période qui s’écoule entre la date t et la
date t + 1. L’investissement est noté I et le stock de capital est noté K.
Compte tenu des notations temporelles, nous voyons que l’investisse-
ment est une variable de flux (mesurée au cours d’une période, entre
deux dates) et le capital est une variable de stock (mesurée à la fin d’une
période ; résultant de l’accumulation des flux). Nous appelons It l’inves-
tissement effectué au cours de la période t . L’investissement étant une
variable de flux, la variable It correspond donc à l’investissement effectué
entre la date t et la date t + 1. L’investissement effectué à la période t ne
5
devient donc effectif, productif, qu’à la période t + 1. Entre ces deux
périodes, c’est le stock de capital K t qui va permettre d’assurer le proces-
sus de production. La figure 4 résume notre articulation entre investisse-
ment et capital2.
Le stock de capital de la
date t + 1 augmente par Kt Kt + 1
rapport au stock de capi- It
tal de la date t grâce à
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

l’investissement qui est


Figure 4 – La dynamique d’accumulation
effectué au cours de la
du capital
période t 3 (cf. figure 4).
Toutefois, comme nous l’avons indiqué, le capital physique s’use et doit
en partie être déclassé. Dans ce cas, nous disons qu’il se déprécie.
Comparer les stocks de capital entre les dates t et t + 1, soit comparer K t

1 Ce dernier terme peut paraître rédhibitoire mais ce n’est absolument pas le cas.
2 La figure 1 peut être rapprochée de l’encadré du chapitre 3 sur la distinction entre la
notion de flux et celle de stock.
3 Nous avons supposé ici une augmentation du stock de capital, c’est-à-dire un investisse-

ment positif (achat d’un équipement), mais nous aurions pu également supposer sa dimi-
nution, i.e. un investissement négatif (vente d’un équipement).

141
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M acroéconomie

et K t+1 , revient à tenir compte (i) de la dépréciation (de l’obsolescence)


du capital et (ii) du flux d’investissement. Dans ce cas, nous obtenons ce
que l’on appelle l’équation d’accumulation du capital. Cette équation
s’écrit de la manière suivante :
K t+1 = K t (1 − δ) + It (1)

Cette équation nous indique que le stock de capital à la date t + 1 , noté


K t+1 , est égal à la somme de deux éléments. Le premier élément corres-
pond au stock de capital de la date t , noté K t , qui est encore valide (pas
déprécié, ou obsolète). Le terme δ correspond au taux de dépréciation du
capital. Dès lors le terme K t (1 − δ) peut se réécrire comme : K t − δK t .
δK t est donc la part du capital qui est usée et qui ne peut plus servir dans
le processus de production. Ainsi le premier élément de l’équation
d’accumulation, K t (1 − δ) correspond bien au stock de capital de la date
t qui est encore disponible pour la date t + 1. Le second élément, It , est
l’investissement effectué au cours de la période t qui va venir alimenter le
stock de capital à la date t + 1. Ainsi, si It > 0 , l’investissement est posi-
tif ; il correspond à un achat de bien et si It < 0 , l’investissement est
négatif ; il correspond à une vente de bien.
L’équation (1) peut également se réécrire de la façon suivante :
It = K t+1 − K t (1 − δ) (2)

Soit :
It = K t+1 − K t + δK t (3)

L’équation (3), qui exprime l’investissement en fonction des stocks de


capital des périodes t et t + 1 et du stock de capital usé, fait apparaître
plusieurs concepts fondamentaux. Ainsi :
 le terme K t+1 − K t correspond à l’investissement net ;
 le terme δK t correspond à la part du capital qui est usée. Il s’agit donc
de ce que l’on appelle l’investissement de remplacement.

Dès lors l’équation (3) correspond à l’expression de l’investissement


brut. Ce dernier, représenté par la variable It , correspond à la somme de

142
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L’investissement

l’investissement net et de l’investissement de remplacement. Pour facili-


ter la compréhension de l’investissement brut, nous pouvons réécrire
l’équation (3) comme :
K t+1 − K t = It − δK t (4)
Dans ce cas, l’investissement net, K t+1 − K t , correspond à la différence
entre l’investissement brut, It , et l’investissement de remplacement, δK t 1.
Nous pouvons transposer ces différents concepts en éléments de comp-
tabilité nationale. Ainsi, l’investissement brut correspond à la FBCF,
l’investissement de remplacement correspond à la consommation de
capital fixe (CCF) et l’investissement net correspond à la FNCF (forma-

5
tion nette de capital fixe).
La figure 5 présente l’évolution de ces trois grandeurs pour les SNF2.
250

200

150

100
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

50

0
1978 1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010

FNCF CCF FBCF


Source : Insee (base 2005).
Figure 5 – Évolution de la FBCF, CCF et FNCF des SNF (en Mds€)

1 L’investissement de remplacement correspond à l’amortissement du capital, c’est-à-dire


la part du capital qui est détériorée, usée ; cette part ne peut plus être utilisée dans le pro-
cessus de production. En utilisant le terme « amortissement », nous faisons appel à la
comptabilité privée mais ce n’est pas une erreur (ni un mal) puisque cette dernière contri-
bue (cf. chapitre 3) à l’élaboration de la comptabilité nationale.
2 Le fichier Chap5 (www.dunod.com) contient l’évolution de ces trois grandeurs pour

l’ensemble des secteurs institutionnels.

143
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M acroéconomie

3 Le rôle du taux d’intérêt


et la décision d’investir
3.1 Concepts fondamentaux
■ Une analyse coût/bénéfice
Investir aujourd’hui permet de produire demain. Cela implique un déca-
lage temporel entre le moment d’investir et le moment où l’on reçoit les
gains de cet investissement. Pour investir, l’entreprise va faire reposer sa
décision sur une analyse coût/bénéfice. Pour chaque projet d’investisse-
ment, l’entreprise compare les rendements espérés (les recettes, les béné-
fices futurs) au coût de l’investissement. Et c’est là toute la difficulté car
il existe un décalage temporel entre le coût immédiat de l’investissement,
subi par l’entreprise, et les recettes futures de son investissement. Ces
recettes futures sont donc des revenus anticipés qui seront perçus sur
plusieurs années successives (le temps de vie de l’investissement) par
l’entreprise. Pour effectuer l’arbitrage coût/bénéfice, il va donc falloir
exprimer au présent des recettes futures. La technique qui permet de pro-
céder à une telle opération est l’actualisation. Avec cette technique,
l’ensemble des recettes futures va pouvoir être exprimé comme la somme
actualisée des recettes futures engendrées par l’investissement.

■ La technique de l’actualisation
L’actualisation est la technique qui consiste à exprimer aujourd’hui une
somme perçue dans le futur. Dans ce cas, nous disons que nous actuali-
sons la somme.
La question qui sous-tend cette définition est la suivante : si je dois rece-
voir (ou payer) 100 € dans un an, à combien ce montant correspond-il
aujourd’hui ? Pour comprendre la technique de l’actualisation, nous
allons étudier son opposé à savoir la capitalisation.
Si l’entreprise dispose de 100 € aujourd’hui et qu’elle décide de placer ce
montant à un taux d’intérêt i. Dans ce cas, l’entreprise disposera de :
 100 € (1 + i) dans un an ;

144
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L’investissement

 [100 € (1 + i)](1 + i), c’est-à-dire 100 € (1 + i)1 dans deux ans ;


 etc.
Cette technique correspond à la capitalisation. Si à présent l’entreprise
souhaitait disposer d’un montant de 100 € dans un an, il faudrait qu’elle
100 €
place aujourd’hui . La valeur de 100 € dans un an est donc de
(1 + i)
100 €
aujourd’hui.
(1 + i)
L’actualisation est donc « l’inverse « de la capitalisation puisqu’il s’agit
d’exprimer au présent une somme future alors que la capitalisation
exprime au futur une somme présente.
Aujourd’hui – temps t Temps t+1 Temps t+2
5
La capitalisation
100 € 100 € (1 + i) 100 € (1 + i)2
L’actualisation

100 € 100 €
100 €
(1 + i)2 (1 + i)

Le taux d’intérêt i correspond ici à un taux d’actualisation, appelé égale-


ment taux de préférence pour le présent1. Plus ce taux est élevé, plus la
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

valeur actuelle d’une somme future est faible. Ceci signifie que l’individu
valorise peu le futur.

3.2 Les critères de choix d’un investissement


Pour juger la rentabilité d’un investissement, l’entreprise compare le coût
(la dépense) immédiat de l’investissement aux rendements (recettes,
bénéfices) futurs attendus au cours de la durée de vie de l’investissement.
Ces rendements attendus correspondent à la somme actualisée des
recettes nettes futures.

1 On peut également l’appeler taux de dépréciation du futur. Le taux d’intérêt est donc le

« prix du temps ».

145
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M acroéconomie

Pour prendre sa décision d’investir, l’entrepreneur fait appel, essentielle-


ment, à deux critères de choix d’investissement : la valeur actuelle nette
et le taux de rendement interne.

■ La valeur actuelle nette


La valeur actuelle (ou actualisée) nette (VAN) correspond à la différence
entre la somme actualisée des recettes nettes futures et la dépense initia-
le de l’investissement.
La somme actualisée des recettes nettes futures correspond à ce que l’on
appelle les cash-flows nets futurs actualisés. Pour modéliser le concept de
VAN, nous adoptons les notations suivantes :
 I0 est le montant de l’investissement initial ; il s’agit du coût initial de
l’investissement ;
 C F Nt est le cash-flow net obtenu à la période t ;
 nous notons i le taux d’actualisation. Dans la réalité, à quoi corres-
pond-il ? Ce taux reflète le coût du capital. En général, on prend soit
le taux d’intérêt du marché monétaire pour des durées courtes
d’investissement, soit le taux des emprunts d’État (obligations souve-
raines) pour des durées longues d’investissement1 ;
 nous supposerons que la durée de vie de l’investissement est de n
années ;
 nous faisons l’hypothèse que l’investissement, à la fin de sa vie, a une
valeur résiduelle, notée V R , c’est-à-dire qu’il peut faire l’objet d’une
revente sur le marché de l’occasion.
La formule de la VAN s’écrit donc :
n
C F Nt VR
V AN = t
+ − I0 (5)
t=1
(1 + i) (1 + i)n

1 En général, les gestionnaires d’entreprise choisissent un taux d’actualisation égal au taux


d’intérêt du marché monétaire augmenté d’une prime de risque pour tenir compte de
l’incertitude.

146
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L’investissement

Analysons les différents termes pour bien comprendre la signification de


la VAN.
n
C F Nt
 sont les recettes nettes futures actualisées, la somme des
t=1
(1 + i)t
cash-flows nets futurs actualisés générés à chaque date de l’existence de
l’investissement. Pour bien nous rendre compte de ce terme, nous savons
n
C F Nt C F N1 C F N2 C F N3 C F Nn
que = + 2
+ 3
+ ... +
t=1
(1 + i) t 1+i (1 + i) (1 + i) (1 + i)n
C F N1 C F N2
avec les cash-flows nets actualisés de la période 1, les
1+i (1 + i)2


cash-flows nets actualisés de la période 2, etc. ;
VR
(1 + i)n
correspond à la valeur de revente actualisée de l’investisse-
5
ment. Cette revente intervient à la fin de vie de l’investissement, c’est-
à-dire à la date n ;
 I0 est le montant initial de l’investissement, le coût initial subi par
l’entreprise.
Si la VAN est positive, l’investissement apparaît comme rentable ; si la
VAN est négative, il ne l’est pas et l’entreprise y renonce. S’il existe plu-
sieurs projets d’investissement, l’entreprise optera pour le projet qui pré-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

sente la VAN [positive] la plus élevée.


Nous voyons que la VAN est extrêmement sensible au taux d’intérêt. Plus
ce dernier est élevé, plus la valeur de la VAN est faible. En effet, un taux
d’intérêt élevé amoindrit le montant actualisé des cash-flows nets futurs.
Inversement si le taux d’intérêt est faible. Dès lors, la variation, même
infime, du taux d’intérêt peut faire basculer la valeur de la VAN du côté
positif ou du côté négatif. Par conséquent, un deuxième problème peut
se poser sur le degré de « positivité » de la VAN : savoir si elle est nette-
ment positive ou faiblement positive.
On voit donc que le choix du taux d’intérêt est primordial. Or, nous
l’avons vu précédemment, le taux d’intérêt peut correspondre soit à un
taux d’intérêt de court terme (pour une durée de vie de l’investissement

147
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M acroéconomie

Cash-flows bruts et cash-flows nets


La notion de cash-flow n’est pas économique en tant que telle. Il s’agit
plutôt d’une expression empruntée à la gestion ou à la comptabilité pri-
vée. Il faut pourtant essayer de lui trouver un « équivalent économique »
car si les cash-flows utilisés pour le calcul de la VAN sont nets, il existe
par conséquent des cash-flows bruts. La notion de cash-flows bruts
pourrait être rapprochée de celle d’excédent brut d’exploitation tandis
que les cash-flows nets seraient assimilables à la notion de profit. Pour
effectuer la liaison entre ces deux notions, il faut adopter une démarche
de comptabilité privée.
Nous appellerons C F Bt les cash-flows bruts anticipés relatifs à un pro-
jet d’investissement. Par définition, C F Bt correspond à la différence
entre les recettes anticipées et le coût de l’investissement. Les cash-
flows nets, notés C F Nt , sont les cash-flows bruts desquels il faut
déduire l’impôt sur les sociétés, noté I St, dont s’acquitte l’entreprise.
Dès lors :
C F Nt = C F Bt − I St
Or, l’impôt sur les sociétés est calculé sur le bénéfice imposable,
noté Bt , de l’entreprise. Si nous notons τ le taux d’imposition, l’impôt
sur les sociétés se calcule comme :
I St = τ × Bt
De plus, le bénéfice se calcule comme la différence entre le cash-flow
brut et l’amortissement, noté At , de l’investissement. Ainsi :
Bt = C F Bt − At
L’amortissement est une disposition fiscale (très exactement un avan-
tage fiscal) accordée par l’État aux entreprises afin de tenir compte de
la dépréciation du capital (l’usure du capital). L’amortissement vient
diminuer le bénéfice imposable. Il faut également noter que si l’amor-
tissement constitue une charge pour l’entreprise, il n’entraîne aucune
sortie de trésorerie pour cette dernière.
Au final :
C F Nt = (1 − τ) × C F Bt + τ × At
Nous voyons que l’amortissement, auquel s’applique le taux d’imposi-
tion, vient « accroître » le cash-flow net.

148
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L’investissement

courte) qui est celui du marché monétaire ; soit à un taux d’intérêt de long
terme (pour une durée de vie de l’investissement longue) qui est celui des
obligations d’État. Mais, là aussi, un problème se pose puisque, que ce soit
à court ou à long terme, il existe une multitude de taux d’intérêt :
 sur le marché monétaire, il existe des taux à 1 mois, 3 mois, 6 mois,
etc. ;
 sur le marché des obligations d’État, les maturités des titres peuvent
aller de 2 ans à 30 ans.
Ce critère du choix du taux d’intérêt peut donc apparaître comme une
faiblesse du critère de la VAN ou, tout du moins, comme une difficulté.

5
Pour la pallier, un deuxième critère d’évaluation du choix d’investisse-
ment est mis en place : le critère du taux de rendement interne.

■ Le taux de rendement interne


La logique du taux de rendement interne (TRI) est inversée par rapport
à celle de la VAN. L’objectif de la VAN est, rappelons-le, de déterminer
la valeur actuelle nette d’un projet à partir d’un taux d’intérêt donné.
L’objectif du taux de rendement interne va être de déterminer le taux
d’intérêt qui va égaliser le coût de l’investissement aux recettes actuali-
sées. Ainsi, le TRI se détermine à partir de l’expression suivante :

n
C F Nt VR
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

+ = I0 (6)
t=1
(1 + T R I )t (1 + T R I )n

On peut réécrire l’expression (6) de la façon suivante :



n
C F Nt VR
+ − I0 = 0 (7)
t=1
(1 + T R I )t (1 + T R I )n

Cette dernière expression montre en définitif que le TRI est le taux qui
annule la VAN.
Ceci nous amène donc à la règle de décision de l’entrepreneur : si le TRI
est supérieur au taux d’intérêt moyen de l’économie (le taux d’actualisa-
tion, i dans l’expression (5) de la VAN), le projet est rentable. Dans le cas
inverse, le projet n’est pas rentable : tout projet dont le TRI est inférieur

149
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M acroéconomie

au taux d’intérêt moyen de l’économie ne doit pas être entrepris puisque,


dans ce cas-là, la VAN du projet est nécessairement négative.

3.3 L’efficacité marginale du capital : la relation


inverse entre taux d’intérêt et investissement

■ Au niveau microéconomique
Suite à la section 3.2, nous constatons que (i) le taux d’intérêt joue un rôle
dans la décision d’investir et (ii) ce rôle serait négatif. En effet, plus le taux
d’intérêt augmente, moins les projets d’investissement apparaissent ren-
tables (la VAN devient négative ; le TRI devient inférieur au taux d’inté-
rêt moyen de l’économie). Il semblerait donc, à première vue, qu’il y ait
une relation inverse entre l’investissement et le taux d’intérêt. Toutefois, il
nous faut développer plus d’arguments pour en être tout à fait convaincu.
La notion de TRI est utilisée et redéfinie par Keynes comme « efficacité
marginale du capital ». Pour Keynes, l’efficacité marginale du capital cor-
respond « au taux d’escompte qui, appliqué à la série d’annuités consti-
tuée par les rendements escomptés de ce capital pendant son existence
entière, rend la valeur actuelle des annuités égale au prix d’offre de ce
capital »1. L’efficacité marginale du capital correspond ni plus ni moins
au taux de rendement interne d’un investissement, c’est-à-dire au taux
d’actualisation qui annule la VAN de l’investissement. Si nous reprenons
l’expression (7), nous constatons que cette dernière « modélise » les écrits
de Keynes. Il faut cependant apporter quelques précisions à cette défini-
tion et insister notamment sur le terme « marginale ». En effet, Keynes
fait un raisonnement à la marge2 : il raisonne sur le coût d’une unité sup-
plémentaire de capital utilisée dans le processus de production. L’effica-
cité marginale est donc le taux3 qui permet l’égalité entre les cash-flows
actualisés marginaux et le coût marginal du capital. L’efficacité marginale

1 Keynes, 1936, Chap. XI, p. 153.


2 Rappelons que Keynes a eu comme professeur Alfred Marshall qui est l’un des fondateurs
de l’école néo-classique dont l’approche est fondamentalement microéconomique (raison-
nement à la marge).
3 D’escompte, d’actualisation, d’intérêt : tous les termes sont envisageables !

150
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L’investissement

du capital apparaît donc comme le taux de rendement interne d’une


unité supplémentaire. Dans ce cas, le TRI est donc le taux qui annule la
VAN marginale.
Les entreprises vont ainsi ordonner leur projet d’investissement en fonc-
tion de l’efficacité marginale du capital (le gain marginal net : différence
entre le gain marginal actualisé et le coût marginal de l’investissement)
engendré par l’utilisation d’une unité supplémentaire de capital. Ainsi,
une entreprise qui doit choisir entre plusieurs projets d’investissement va
effectuer un classement à la marge. Elle va ordonner les projets d’inves-
tissement en fonction de leur efficacité marginale par ordre de décrois-
sance ; elle range les projets d’investissement du plus rentable au moins
rentable. Plus l’investissement augmente, moins l’efficacité marginale est
élevée car au fur et à mesure que l’investissement augmente, le gain mar-
ginal est de plus en plus faible en comparaison avec le coût marginal.
5
Les entreprises comparent ensuite l’efficacité marginale des différents
projets avec le taux d’intérêt de l’économie. Pour un projet donné, si
l’efficacité marginale du capital est supérieure au taux d’intérêt, l’entre-
prise optera pour l’investissement. Dans le cas contraire, elle préférera
« placer » son argent au taux d’intérêt en vigueur dans l’économie.
Au final, on peut définir la courbe d’efficacité marginale comme la rela-
tion inverse entre le volume d’investissement que l’entreprise souhaite
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

réaliser, et le taux d’intérêt. Pour reprendre la définition de Keynes : « le


flux d’investissement sera porté au point de la courbe de demande de
capital où l’efficacité marginale du capital en général tombe au niveau
d’intérêt du marché »1. Ceci signifie que les entreprises entreprennent les
projets d’investissement dont l’efficacité marginale du capital est supé-
rieure au taux d’intérêt courant.
Si, par exemple, une entreprise fait face à 4 projets d’investissement (1, 2,
3 et 4), elle les classe par ordre décroissant de rentabilité : le projet 1 est
le plus rentable ; le projet 4 est le moins rentable. Supposons, dans un
premier temps, que le taux d’intérêt en vigueur dans l’économie soit égal

1 Keynes, 1936, chap. XI, p. 154.

151
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M acroéconomie

à i 1 . Dans ce cas, seul le projet 1 apparaît rentable ; seul ce projet, dont


l’efficacité marginale est supérieure à ce taux, est entrepris. Supposons, à
présent, que le taux d’intérêt en vigueur dans l’économie diminue et
passe de i 1 à i 2 . Dans ce cas, nous voyons que les projets 1 à 4 sont ren-
tables, puisque leur efficacité marginale est supérieure à i 2 . Ils sont donc
tous entrepris. On voit par conséquent que le volume d’investissement,
lorsque le taux d’intérêt est égal à i 2 (les projets 1 à 4 sont réalisés), est
supérieur au volume d’investissement lorsque le taux d’intérêt est égal à
i 1 (seul le projet 1 est entrepris). On voit que plus le taux d’intérêt dimi-
nue plus le nombre de projets rentables augmente donc l’investissement
augmente également.

■ Au niveau macroéconomique
Le raisonnement effectué au niveau microéconomique, pour une seule
entreprise, peut être transposé à l’ensemble des entreprises composant
l’économie. Cette transposition suppose des comportements identiques.
Ainsi, au niveau macroéconomique (agrégé), plus le taux d’intérêt sera
élevé, moins il y aura de projets d’investissement rentables donc réalisés.
L’investissement apparaît donc comme une fonction décroissante du
taux d’intérêt. La figure 6 nous présente une telle relation. Elle montre

Figure 6 – La fonction d’investissement au niveau macroéconomique

152
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L’investissement

que l’investissement est fonction du taux d’intérêt. Nous pouvons même


préciser qu’il s’agit d’une fonction décroissante. Au fur et à mesure que
le taux d’intérêt augmente, de moins en moins de projets sont rentables
donc l’investissement agrégé diminue. Et inversement lorsque le taux
d’intérêt diminue.
Dès lors, la fonction d’investissement des entreprises peut s’écrire :
I = I (i) (8)

avec Ii < 0 , où Ii est la dérivée partielle de l’investissement par rapport
au taux d’intérêt (nous aurions pu également noter cette dérivée partielle
I  (i)). Ii < 0 signifie une relation décroissante entre le taux d’intérêt et
l’investissement. La fonction d’investissement est donc une fonction
décroissante du taux d’intérêt. Nous pouvons toutefois mieux spécifier la
fonction d’investissement donnée par l’équation (8). En effet, à partir de
5
maintenant, nous utiliserons une fonction d’investissement linéaire qui
s’écrit de la manière suivante :
I = I0 − ai (9)

avec I0 < 0 et a > 0 . Nous pouvons à nouveau vérifier que Ii < 0
puisque Ii = −a .
Le paramètre a correspond à la sensibilité de l’investissement au taux
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

d’intérêt. Plus l’investissement est sensible au taux d’intérêt, plus il réagi-


ra à une variation infime du taux d’intérêt. À l’inverse, moins l’investis-
sement sera sensible au taux d’intérêt, moins une variation du taux
d’intérêt aura d’effet sur l’investissement. La fonction d’investissement
aura donc une pente, égale à −a , plus ou moins forte comme le montre
la figure 7.
Le paramètre I0 représente l’investissement autonome, c’est-à-dire celui qui
est réalisé y compris lorsque l’investissement est totalement insensible au taux
d’intérêt. Dans ce cas, a = 0 et la fonction d’investissement s’écrit : I = I0.
Dès lors, la fonction d’investissement est une droite verticale (figure 7).

153
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M acroéconomie

Notes : (1) I = I0 − ai , (2) I = I0 − a  i avec a  > a et (3) I = I0 − a  i


avec a  < a
i
a=0

I
Figure 7 – La fonction d’investissement selon le degré de sensibilité
au taux d’intérêt

■ Le taux d’intérêt est-il la seule variable explicative ?


Si la notion d’efficacité marginale du capital a démontré une relation
inverse entre l’investissement et le taux d’intérêt, une telle propriété
nécessite quelques précisions et approfondissements. En effet, le taux
d’intérêt n’est pas la seule variable de décision d’une entreprise. Si nous
regardons le cas de la France, les figures 8 et 9 présentent l’évolution du
taux d’investissement, mesuré par le rapport entre la FBCF et la valeur
ajoutée, et du taux d’intérêt à long terme (figure 8) et l’évolution du taux
de croissance de la FBCF et du taux d’intérêt à long terme (figure 9)1.
Au vu de ces deux graphiques, il est difficile de conclure à une relation
unique et strictement inverse entre l’investissement et le taux d’intérêt.
D’ailleurs, la corrélation entre ces deux grandeurs est proche de 0 entre
1986 et 2012.
1 Dans les deux cas, le taux d’intérêt à long terme correspond au taux d’intérêt sur les obli-

gations de l’État français à 10 ans.

154
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L’investissement

25% 18%
24% 16%
23%
14%
22%
21% 12%

20% 10%
19% 8%
18%
6%
17%
16% 4%

15%
1978 1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012
Taux d'investissement total
Taux d'investissement des SNF
Taux d'intérêt à long terme (éch. de droite)
2%

5
Source : Insee (base 2005) et Banque de France.
Figure 8 – Taux d’investissement et taux d’intérêt (en %) en France

25% 18%

20% 16%

15% 14%
12%
10%
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

10%
5%
8%
0%
6%
– 5%
4%
– 10% 2%
– 15% 0%
1979 1982 1985 1988 1991 1994 1997 2000 2003 2006 2009 2012
Taux de croissance de la FBCF totale (en %)
Taux d'intérêt à long terme (éch. de droite)
Taux de croissance de la FBCF des SNF (en %)

Source : Insee (base 2005) et Banque de France.


Figure 9 – FBCF et taux d’intérêt (en %) en France

155
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M acroéconomie

En effet, une variable très importante préside au choix d’investir : les


anticipations de la demande faites par l’entreprise. Investir est un pari sur
l’avenir puisque le coût est immédiat et les recettes sont décalées dans le
temps et aléatoires. Rien n’assure l’entreprise lorsqu’elle réalise un inves-
tissement que ce dernier soit rentable. Si l’entreprise anticipe une reprise
de la demande, de la croissance, elle va être incitée à investir pour
répondre à cette future demande. Dans ce cas, ce sont les enquêtes de
conjoncture1 qui vont évaluer les anticipations des entrepreneurs. Si ces
enquêtes font apparaître une anticipation favorable de la part des entre-
preneurs sur leur activité future (dans les 3 prochains mois en France), dès
lors l’investissement est amené à augmenter car les entreprises anticipent
que si elles investissent, elles auront des débouchés donc des retombées
positives. Investir dépend donc également de la confiance en l’avenir
qu’ont les entrepreneurs. Enfin, il faut également s’intéresser à la situation
financière de l’entreprise, ce que nous ferons dans la section 5.

4 Le principe de l’accélérateur
Le principe de l’accélérateur repose sur les travaux menés par John
M. Clark en 19172. En observant le trafic ferroviaire américain, Clark se
rend compte que les commandes de nouveaux wagons par les compa-
gnies ferroviaires dépendent de la variation du trafic – de son « accéléra-
tion » – et non de son niveau.
Le principe de l’accélérateur s’énonce ainsi de la façon suivante : une
variation de la demande finale provoque une variation plus que propor-
tionnelle de l’investissement. Les fluctuations de l’investissement sont
ainsi décalées dans le temps par rapport aux fluctuations de la demande
et elles sont amplifiées.
1 Trois fois par an (en mars, juin et décembre), l’Insee publie une note de conjoncture qui

rend compte de l’activité passée, présente et des perspectives (prévisions) à deux trimestres
de l’économie française. Elle publie également chaque mois des enquêtes de conjoncture
(dans l’industrie, les services) qui permettent d’évaluer les situations présente et anticipée
des entrepreneurs avec un grand nombre d’indicateurs (climat des affaires, anticipations de
demande, embauche, etc.). Notons que la Banque de France propose également des
enquêtes de conjoncture chaque mois.
2 Clark (1917).

156
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L’investissement

4.1 Présentation générale


Nous l’avons déjà dit, investir est un « pari » sur l’avenir qui engage
l’entreprise sur plusieurs périodes. L’entreprise ne va prendre la décision
d’investir que si elle anticipe une demande favorable, c’est-à-dire qu’elle
pourra écouler la production qu’elle aura élaborée. La demande anticipée
va donc ici jouer un rôle fondamental dans la détermination du niveau
d’investissement. C’est là que réside le principe de l’accélérateur.
Pour produire, l’entreprise dispose de facteurs de production : le facteur
travail (la main-d’œuvre), noté N, et le facteur capital (les équipements),

5
noté K. L’utilisation de ces facteurs de production est décrite au sein de
ce que l’on appelle la fonction de production. La fonction de production
de l’entreprise relie le volume de production obtenue à la date t , noté Yt ,
à partir de la combinaison des facteurs de production K t et Nt. Ainsi,
nous pouvons écrire la fonction de production de l’entreprise comme :

Yt = F(K t ,Nt ) (10)

L’équation (10) est la contrainte technique qui s’impose à l’entreprise à


chaque date t : pour produire un niveau de production égal à Yt , l’entre-
prise doit utiliser et combiner les facteurs de production K t et Nt.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Nous appelons v le coefficient de capital qui est égal au rapport entre le


stock de capital, K t , et le volume de la production, Yt . Ainsi :

Kt
v= (11)
Yt

Nous voyons que le coefficient de capital est l’inverse de la productivité


Yt
moyenne du capital puisque cette dernière est égale à .
Kt
L’équation (11) peut se réécrire comme :

K t = vYt (12)

157
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M acroéconomie

À chaque date t , le stock de capital est proportionnel, à hauteur de v , à la


production. Par la suite, nous supposerons que le coefficient de capital
est fixe1.
Un autre élément ne doit pas être négligé, même s’il ne sera pas explici-
tement évoqué dans les développements suivants. Il s’agit du taux d’uti-
lisation des capacités de production. Le taux d’utilisation des capacités de
production (TUC) correspond au rapport entre les capacités de produc-
tion utilisées et les capacités de production disponibles. Il s’agit d’un
indicateur renseignant sur les tensions que peut connaître l’appareil pro-
ductif. Un TUC inférieur à 100 % signifie que l’entreprise n’utilise pas,
pour produire, l’ensemble de ses capacités de production (il y a une sous-
utilisation des facteurs de production). Ainsi, le principe de l’accélérateur
va dépendre, en partie, du TUC puisque si l’entreprise a un TUC infé-
rieur et éloigné de 100 %, elle augmentera d’abord le degré d’utilisation
de ses capacités de production pour répondre à la demande avant
d’investir. On peut comprendre cela de manière très simple. Prenons
l’exemple d’une scierie qui doit faire face à une augmentation de la
demande de bois de chauffage. Quel est l’intérêt pour cette entreprise
d’acheter (donc d’investir) une deuxième lame de scie si le degré d’utili-
sation de la première est inférieur à 100 % ?

4.2 Le modèle de l’accélérateur fixe


Pour atteindre son niveau de production, l’entreprise va déterminer la
quantité de capital « optimale », juste nécessaire pour produire2.
Autrement dit, cette quantité « optimale « est la quantité que l’entrepri-
se désire obtenir compte tenu de la demande anticipée et de la technique
1 Une telle hypothèse est parfaitement envisageable à deux conditions : (i) l’intensité capi-

taliste (le rapport entre le stock de capital et le travail) est constante et (ii) les rendements
d’échelle sont constants. La condition (i) implique que la fonction de production est com-
posée soit de facteurs complémentaires, soit de facteurs substituables. La condition (ii)
implique que l’augmentation de la production est strictement proportionnelle à l’augmen-
tation des deux facteurs de production.
2 L’entreprise détermine également la quantité « optimale » de travail nécessaire pour pro-

duire. L’entreprise détermine alors la demande de facteurs. Toutefois, nous ne nous inté-
resserons ici qu’à la quantité demandée de capital.

158
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L’investissement

de production dont elle dispose. Nous appellerons cette quantité opti-


male de capital . Dès lors, le coefficient de capital s’écrit :
K t∗
v= (13)
Yt
La détermination des quantités optimales de facteurs (capital et travail)
peut se faire :
 soit sans contrainte de débouchés. Dans ce cas, l’entreprise est sûre de
pouvoir écouler l’intégralité de sa production. L’objectif de l’entre-
prise est alors de maximiser son profit compte tenu de sa fonction de
production ;

5
 soit sous contrainte de débouchés. Dans ce cas, l’entreprise est ration-
née par la demande ; la capacité d’absorption des quantités produites
par le marché est limitée. L’objectif de l’entreprise est alors de mini-
miser ses coûts de production compte tenu du niveau de production
qu’elle doit assurer.
Concrètement, cela signifie que l’expression de K t∗ va être différente
selon que l’on raisonne dans l’une ou l’autre des situations. L’objectif
n’étant ni de développer ni de discuter de ces deux possibilités1, nous
supposerons, que le stock de capital désiré est égal au stock de capital
obtenu. Dès lors : K t∗ = K t . De plus, nous supposerons que la production
suit la demande. Autrement dit, si l’entreprise anticipe une augmentation
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

de la demande, elle produira plus. Et inversement.


Nous supposerons que le taux de dépréciation du capital (δ ) est égal à 02.
Compte tenu de cette hypothèse et de l’équation (12), l’équation (2) peut
s’écrire :
It = K t+1 − K t
It = vYt+1 − vYt
It = v Yt+1 (14)
avec Yt+1 = Yt+1 − Yt .

1 Voir, par exemple, Abraham-Frois (2001) pour une discussion.


2 Une telle hypothèse ne change absolument pas le résultat de la démonstration. Il permet
simplement d’alléger les écritures.

159
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M acroéconomie

Yt+1 est la production anticipée par l’entreprise à la période t pour la


période t + 1. Afin de bien mettre en avant cette hypothèse, nous note-
a
rons par la suite Yt+1 la demande anticipée à la période t pour la période
t + 1 par l’entreprise. Compte tenu des développements précédents, la
demande anticipée sera produite par l’entreprise. Dès lors, l’équation
(14) peut se réécrire comme :
a
It = v Yt+1 (15)
a a
avec Yt+1 = Yt+1 − Yt .
Sous cette forme, l’équation (15) est la représentation du principe de
l’accélérateur. Le niveau de l’investissement, It , est proportionnel non pas
a a
au niveau, Yt+1 , mais à la variation de la demande anticipée, Yt+1 .
Nous voyons également que l’investissement varie lorsque la variation de
la demande anticipée s’accroît. Ainsi :
a
It = v 2 Yt+1 (16)

Il nous faut à présent étudier la formation des anticipations des entre-


a a
preneurs : comment se détermine Yt+1 et donc Yt+1 ? Nous allons sup-
poser, dans un premier temps, que les anticipations de demande de
l’entreprise sont myopes (ou encore statiques). Cela signifie que la varia-
tion de la demande anticipée est égale à la variation de la demande obser-
a
vée. Ainsi, Yt+1 = Yt . Or, Yt = Yt − Yt−1 . Dès lors, l’équation (15)
s’écrit :
It = v Yt
It = v(Yt − Yt−1 ) (17)

L’équation (17) est appelée accélérateur fixe1. Dès lors que la demande de
la période courante augmente par rapport à celle de la période précé-
dente, l’investissement va croître de manière plus que proportionnelle.

1Un exemple illustré, inspiré de ceux de Abraham-Frois (2001) et Bailly et al. (1999), est
disponible dans le fichier excel Chap5.

160
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L’investissement

On voit également que l’investissement va être très fluctuant de par


l’hypothèse d’anticipations myopes. L’entrepreneur va considérer
comme permanente et irréversible toute variation de la demande. En
aucun cas, il ne va « lisser » son comportement en matière d’investisse-
ment en tenant compte des événements passés. L’entrepreneur sera
considéré comme n’ayant aucune mémoire. Le modèle d’accélérateur
flexible va permettre un tel lissage en modifiant la formation des antici-
pations des entrepreneurs.

4.3 Le modèle de l’accélérateur flexible

5
Par définition, si l’entrepreneur adopte des anticipations myopes, il ne
tient pas compte de ses éventuelles erreurs. Pire, il n’intègre pas ses
erreurs dans ses prochaines anticipations donc il les renouvelle. Un tel
cas de figure ne reflète pas correctement l’attitude observée des entrepre-
neurs.
Pour rendre compte d’un tel comportement, la formation des anticipa-
tions des entrepreneurs va désormais reposer sur un schéma adaptatif et
non plus statique. L’hypothèse d’anticipations adaptatives est formulée
de la manière suivante :
a
Yt+1 = λYt + (1 − λ)Yta (18)
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

λ est le poids accordé à l’erreur d’anticipation. Par définition 0 < λ < 1 .


L’équation (18) nous indique que la demande anticipée pour la période
t + 1, i.e. celle formulée à la période t pour la période t + 1, est une
moyenne pondérée entre la demande observée de la période t et la
demande anticipée pour la période t , i.e. celle formulée à la période t − 1
pour la période t .
Nous savons que :
a
 It = v Yt+1 : équation (15) ;
 It = K t+1 − K t: équation (2). À nouveau nous supposons que le taux
de dépréciation du capital (δ ) est égal à 0.

161
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M acroéconomie

En combinant ces deux équations, nous obtenons :


a a
K t+1 = vYt+1 − vYt+1 − vYt + K t

Or, K t = vYt . Dès lors :


a
K t+1 = vYt+1 (19)
a
Par ailleurs, si K t+1 = vYt+1 alors K t = vYta .
a
En remplaçant Yt+1 , dans l’équation (19), par son expression issue de
(18), nous aboutissons à :
K t+1 − K t = It = λ(vYt − K t ) (20)

Si K t+1 = vλYt + (1 − λ)K t , alors K t = vλYt−1 + (1 − λ)K t−1 . Dès lors :


K t+1 − K t = It = [vλYt + (1 − λ)K t ] − [vλYt−1 + (1λ)K t−1 ] (21)

En réarrangeant les termes de l’équation (21), nous obtenons :


It = K t+1 − K t = vλ Yt + (1 − λ) K t (22)

Or K t = K t − K t−1 = It−1 . Dès lors, l’équation (22) s’écrit :


It = vλ Yt + (1 − λ)It−1 (23)

L’équation (23) représente l’accélérateur flexible. Tout comme l’accélé-


rateur fixe, l’investissement est fonction de la variation de la demande et,
c’est là la grande différence, de l’investissement retardé d’une période. Il
y a donc un effet « de mémoire » : le niveau de l’investissement de la
date t va être influencé par le niveau de l’investissement à la date t − 1.
Cet effet « de mémoire » va donc permettre de réduire, d’amortir, l’évo-
lution de l’investissement, donc à terme ses fluctuations, par rapport aux
variations de la demande. Dans ce cas, l’effet de « lissage » joue, permet-
tant à l’entrepreneur de limiter les fluctuations de l’investissement ; il y a
un effet d’inertie.

162
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L’investissement

4.4 Le cas de la France


Nous allons nous intéresser au cas de la France et nous demander si nous
retrouvons ce principe de l’accélérateur dans les données françaises. Pour
cela, nous étudions les données annuelles entre 1980 et 2013 de la valeur
ajoutée ainsi que l’investissement des SNF. Nous avons choisi la valeur
ajoutée comme la « meilleure » approximation de la variation de la
demande anticipée car le PIB (cf. chapitre 3) est, dans l’optique du reve-
nu, à l’origine de la distribution des revenus aux agents économiques qui
ont participé à l’élaboration de la production. Ces revenus sont à l’origi-
ne de la demande puisqu’ils vont servir à consommer, investir, etc. La
figure 10 présente l’évolution de ces deux grandeurs.

25%
5
20%

15%

10%

5%

0%
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

– 5%

– 10%

– 15%
1980 1983 1986 1989 1992 1995 1998 2001 2004 2007 2010
Valeur ajoutée Investissement

Source : Insee (base 2005).

Figure 10 – Valeur ajoutée et investissement des SNF


(glissement annuel en %)

163
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M acroéconomie

Le principe de l’accélérateur est vérifié puisque l’évolution de l’investis-


sement est amplifiée par rapport à celle de la valeur ajoutée (qui corres-
pond ici à la variation de la demande anticipée). Nous pouvons, dans un
second temps, remplacer la valeur ajoutée par le PIB.

20%

15%

10%

5%

0%

-5%

-10%

-15%
1980 1983 1986 1989 1992 1995 1998 2001 2004 2007 2010
Valeur ajoutée PIB

Source : Insee (base 2005).

Figure 11 – Valeur ajoutée des SNF et PIB (glissement annuel en %)

5 La situation financière
de l’entreprise
Au moment d’investir, l’entreprise dispose, potentiellement, de trois
modes de financement :
 l’autofinancement. L’entreprise finance, avec ses ressources propres,
ses investissements. Il faut, dans ce cas, que l’entreprise dégage des
bénéfices et qu’elle souhaite les affecter à l’investissement plutôt qu’à
un autre emploi. Il n’y a alors aucune contrainte de remboursement.

164
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L’investissement

Le taux d’autofinancement (mesuré par le rapport entre l’épargne et la


FBCF) s’est dégradé rapidement ces dernières années, passant de 83,8 %
en 2007 à 66 % en 2012. La crise financière de 2008 peut, bien entendu,
expliquer une grande partie de cette diminution mais pas que. Entre
1960 et 2012, le taux d’autofinancement moyen est de 65,7 % ;
 l’augmentation de son capital. L’entreprise fait appel à ses actionnaires
pour accroître ses ressources. Cela permet, notamment, de renforcer
les fonds propres de l’entreprise. À nouveau, il n’y a aucune contrainte
de remboursement (sauf à la fin de vie de la société sous conditions).
Il faut juste s’assurer de la « fidélité » des actionnaires pour qu’ils ne
soient pas tentés de vendre leur action (par exemple s’ils estiment que
son rendement est trop faible) pour acheter les actions d’une autre
entreprise. Dans ce cas, même si ce n’est pas une obligation pour
l’entreprise, le versement de dividendes est une garantie de fidélisation
5
des actionnaires ;
 l’endettement. Il peut se faire soit auprès des banques (crédit bancaire)
soit auprès des marchés financiers (émission de titres financiers :
actions ou obligations). Dans ce cas, il existe également une contrainte
de remboursement.
Ces trois modes de financement ont donné lieu à deux théories très inté-
ressantes : le théorème de Modigliani-Miller et le q de Tobin.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

5.1 Le théorème de Modigliani-Miller


En 1958, Franco Modigliani et Merton Miller1 proposent un théorème
qui va révolutionner la finance d’entreprise. Ils montrent, sous certaines
hypothèses telles que l’absence de taxes et de coûts de transactions ainsi
que l’efficience parfaite des marchés financiers, que la structure de finan-
cement d’une entreprise n’affecte pas sa valeur économique. Autrement
dit, il est parfaitement identique, pour une entreprise, de financer un
investissement par endettement, autofinancement ou augmentation de

1 Modigliani et Miller (1958). Merton Miller a obtenu le prix Nobel d’économie en 1990.

Pour rappel, Franco Modigliani l’a obtenu en 1985.

165
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M acroéconomie

capital. Il y a donc neutralité de la structure de financement de l’entre-


prise sur ses décisions réelles.
Le théorème de Modigliani-Miller peut alors s’énoncer de la manière sui-
vante : « Lorsque les marchés financiers sont parfaits et la politique de
l’entreprise transparente et lorsqu’il existe une parfaite substituabilité
entre les titres sur l’endettement des entreprises et les actions émises par
les entreprises, la structure financière de l’entreprise n’affecte pas ses
décisions réelles » (Collard, 2000).
Même s’il a fait l’objet d’approfondissements et de modifications par la
suite, notamment sur l’hypothèse d’efficience des marchés financiers, le
théorème de Modigliani-Miller montre que si une entreprise dispose,
potentiellement, au moment d’investir de trois modes de financement,
ces derniers sont équivalents. Il n’y a pas de raison de privilégier l’un à
l’autre pour financer un investissement. Au final, la structure de finance-
ment de l’entreprise n’a pas d’incidence sur sa valeur économique.

5.2 Le q de Tobin
En 1969, James Tobin1 propose une nouvelle théorie des choix d’inves-
tissement en élaborant un lien entre l’investissement et la valeur bour-
sière de l’entreprise. Lorsqu’une entreprise souhaite investir, elle a le
choix entre :
 acheter de nouveaux biens de production. On appelle cela la croissance
interne ;
 acquérir des biens déjà existants. On appelle cela la croissance externe2.
Ce choix peut se résumer à l’aide du q de Tobin. Ce dernier écrit : « Le
taux d’investissement – la vitesse à laquelle les investisseurs désirent
accroître leur stock de capital – devrait être lié à [...] Q , la valeur du capi-
tal rapportée à son coût de remplacement » (Tobin, 1969). Le q de Tobin
se définit comme le rapport entre le prix du capital déjà existant, déter-

1 Tobin (1969). James Tobin a obtenu le prix Nobel d’économie en 1981.


2 Cette croissance externe peut se faire sous la forme d’achat d’entreprises du même secteur.

166
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L’investissement

miné par les actions qui s’échangent en bourse, et le prix du capital neuf.
Dès lors :
valeur boursière de l’entreprise
q=
valeur comptable de l’entreprise

Il s’agit du rapport entre la valeur boursière de l’entreprise, que l’on cal-


cule comme la somme actualisée des dividendes futurs, et sa valeur
comptable (la valeur de son capital).
Si q > 1, l’incitation à investir est élevée puisque les perspectives de divi-
dendes, qui se reflètent dans le cours de bourse, sont élevées. Les action-
naires seront d’autant plus enclins à apporter des fonds à l’entreprise
pour qu’elle investisse. Si, au contraire, q < 1, l’entreprise choisit de ne
pas investir puisque la valeur de l’investissement est supérieure à l’éva-
luation boursière qui en est faite.
5
Le modèle du q de Tobin nous indique qu’un environnement boursier
favorable influence de manière positive les dépenses d’investissement des
entreprises. Ceci peut se comprendre intuitivement. Si le cours de bour-
se, calculé comme la somme actualisée des dividendes futurs, d’une
entreprise est faible, elle aura beaucoup de mal à lever des fonds donc à
investir puisque les actionnaires, compte tenu des faibles perspectives de
dividendes, se détourneront d’elle.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

À l’inverse, si le cours de bourse est élevé, les actionnaires, anticipant des


dividendes futurs élevés, seront d’autant plus enclins à apporter des
fonds à l’entreprise pour qu’elle les investisse.
L’évaluation du q de Tobin est très difficile. Elle fait appel à de nom-
breuses hypothèses et à la modélisation (théorique et économétrique). Ce
n’est pas l’objectif du livre de présenter et discuter ces hypothèses et tech-
niques de modélisation. Cependant, nous pouvons « approximer » ce
q de Tobin en regardant l’évolution des rendements de l’indice boursier
du CAC 401 et le taux de croissance de la FBCF des SNF sur la base de
données trimestrielles.

1 Le rendement se calcule comme le taux de croissance de l’indice boursier.

167
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M acroéconomie

20% 6,0%

15%
4,0%
10%

5% 2,0%

0%
0,0%
– 5%
– 2,0%
– 10%

– 15% – 4,0%
– 20%
– 6,0%
– 25%

– 30% – 8,0%
1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012
Rendement du CAC 40 Taux de croissance de la FBCF des SNF (éch. de droite)

Source : Insee.

Figure 12 – Rendements du CAC 40 et FBCF des SNF

On voit sur la figure 12 qu’il existe un lien positif entre le rendement du


CAC 40 et le taux de croissance de la FBCF des SNF. La corrélation
contemporaine est égale à 0,34. En outre, la figure 12 laisse apparaître un
certain décalage entre les deux variables : le taux de croissance de la FBCF
semble succéder au rendement du CAC 40. La FBCF réagirait ainsi avec
1 à 3 trimestres de décalage. Si nous tenons compte de ce décalage et que
nous calculons la corrélation entre le rendement du CAC 40 à l’instant t
et le taux de croissance de la FBCF décalé de, respectivement, 1, 2 puis
3 trimestres, les coefficients de corrélations sont respectivement égaux à
0,57, 0,44 et 0,47. Ces résultats confirment nos impressions.

168
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6 Le rôle de l’État

Mots-clés
Recettes publiques, dépenses publiques, prélèvements obligatoires,
déficit public, dette publique, imposition endogène, imposition exo-
gène.

1 Introduction
En économie, l’État remplit à la fois les fonctions d’allocation, de redis-
tribution et de stabilisation.
Le rôle de l’État au sein de l’économie est, et a toujours été, un sujet de
controverse. L’intervention de l’État est-elle légitime ? efficace ? Deux
grands courants de pensées s’affrontent à ce sujet : le courant classique et
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

le courant keynésien.
Depuis Smith, et jusqu’au début du XXe siècle, les économistes classiques
souhaitent un État minimal, un État qui intervienne peu ou pas pour
réguler le marché. C’est la croyance dans le principe de la main invisible
qui permet d’assurer la compatibilité entre les intérêts individuels et
l’intérêt général. En d’autres termes, c’est la théorie du « laisser-faire ;
laisser-passer ». L’État doit limiter ses interventions à trois domaines
régaliens :
 la défense (protéger la nation contre les agressions extérieures) ;
 la police (assurer la sécurité des individus) ;
 la justice (juger et condamner les délits et crimes).

169
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M acroéconomie

L’État peut également prendre à sa charge les travaux d’infrastructures


qui ne sont pas jugés rentables pour l’activité privée. Cela signifie que
l’État ne doit pas, sauf dans des domaines très spécifiques n’intéressant
pas le secteur privé, bénéficier d’aucun monopole ni en instaurer. Il doit
au contraire favoriser la concurrence entre les individus et laisser le mar-
ché s’autoréguler, sans chercher à interférer. Cette définition de l’État le
réduit pour l’essentiel à un rôle d’État-gendarme.
À cette vision minimaliste de l’intervention de l’État dans la vie écono-
mique s’oppose la vision keynésienne1 qui développe le concept d’État-
providence. Pourquoi et comment une telle vision de l’État est apparue ?
Dans l’histoire, et jusqu’à aujourd’hui, les mécanismes de marché ont
connu un certain nombre de défaillances ; le point culminant étant la
crise de 1929. Afin de corriger les déséquilibres apparus avec cette crise
(chômage élevé, insuffisance de la demande), Keynes préconise une
intervention de l’État pour relancer l’économie2. Cette intervention
s’effectue à l’aide de politiques économiques : politique budgétaire, poli-
tique monétaire, politique des revenus, etc.3. Cette conception de l’État-
providence, qui inclut également la notion de protection sociale, va se
développer après la Seconde Guerre mondiale.
Même si le rôle de l’État va être remis en cause, dès le début des années
1970, par les économistes monétaristes puis nouveaux classiques, on
considère, la crise de 2008 nous l’a amplement démontré, que (i) la
conception du marché qui s’autorégule ne fonctionne pas et (ii) l’État a
un rôle à jouer dans la régulation de l’économie.

1 On peut également parler d’une conception social-démocrate.


2 Très exactement, Keynes préconise l’intervention de l’État afin de relancer la demande
effective. Ce concept de demande effective est étudié dans le chapitre 7.
3 Les instruments de politique économique ainsi que le(s) mécanisme(s) qui sous-tend(ent)

cette intervention de l’État sont étudiés dans les chapitres 7 (en partie) et 9 (intégralement).

170
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Le rôle de l’État

2 L’État producteur et régulateur


des marchés
2.1 La production de biens publics
On appelle bien (ou service) public un bien dont l’utilisation est non-
rivale et non-exclusive.
Pour reprendre la définition donnée par Samuelson (1954)1, un bien
public est donc caractérisé par deux principes :
 le principe de non-rivalité : la consommation d’un bien public par un
individu ne réduit pas la quantité disponible de ce bien pour un autre
individu ;
 le principe de non-exclusion : tout individu a le droit de consommer
ce bien public. Autrement dit, il n’est pas possible d’exclure de la
consommation de ce bien un individu qui n’en aurait pas payé le prix. 6
L’exemple traditionnellement cité de biens publics est celui de l’éclairage
public. L’usage d’un réverbère par un individu ne se fait pas au détriment
de l’usage des autres consommateurs (non-rivalité) et il n’est pas possible
de soumettre à paiement le bénéfice de l’éclairage public (non-
exclusion).
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Dès lors, le problème du passager clandestin se pose : un individu peut


bénéficier d’un bien (ou d’un service) public sans en avoir acquitté le
prix. Dans ce cas, seule la production publique, assurée par l’État, appa-
raît comme la meilleure solution à mettre en place. En effet, seul l’État et,
d’une manière générale, les administrations publiques (APU) peuvent
produire des biens (ou des services) publics car ils ont le pouvoir de pré-
lever l’impôt qui finance le bien public. Or l’impôt est censé être prélevé
sur tous les contribuables2.

1 Paul Samuelson a obtenu le prix Nobel d’économie en 1970.


2 C’est la loi. En tant que contribuable il est toutefois possible de ne pas payer l’impôt mais
il s’agit, dans ce cas-là, d’une fraude !

171
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M acroéconomie

La production publique peut se faire sous deux formes possibles :


 une forme interne : l’État s’appuie sur les fonctionnaires pour produi-
re ce bien ou ce service public (les militaires pour la Défense, les insti-
tuteurs pour l’Éducation nationale, les enseignants-chercheurs pour
l’université, etc.) ;
 une forme externe : la production publique est confiée à un agent privé
mais le financement et/ou la distribution du bien (ou du service) sont
assurés par l’État. Par exemple, le ramassage des ordures ménagères est
financé par les collectivités territoriales mais est assuré, la plupart du
temps, par des entreprises privées.

2.2 La réglementation et la régulation des marchés


L’intervention publique se justifie pour veiller au bon fonctionnement de
la concurrence sur les marchés, au respect des règles qui la régissent ainsi
qu’à la protection des agents qui y interviennent. Pour reprendre la défi-
nition de Greffe (1994) « la règlementation est l’intervention de l’État
sur les modalités de fonctionnement du marché (contrôle de l’entrée, des
prix ou des quantités), des entreprises (contrôle des taux de profit ou des
fonctions de production) ou des consommateurs ». Ce type d’interven-
tion se produit, notamment, pour encadrer les situations où la concur-
rence n’est pas possible (cas des monopoles naturels ; cf. section 3).
La régulation des marchés ne doit pas être confondue avec la réglemen-
tation. La régulation, par l’intervention publique, des marchés peut se
définir comme « l’ensemble des interventions des pouvoirs publics visant
à instaurer la concurrence autant qu’il est nécessaire dans un secteur où
elle n’existait pas ou très peu, et à concilier l’exercice loyal de cette
concurrence avec les missions d’intérêt général dont sont investis les ser-
vices publics en réseaux » (Bacache-Beauvallet et Mayneris, 2006).
Réguler consiste donc en plusieurs tâches : établir des normes, attribuer
des licences d’exploitation, surveiller la politique tarifaire, etc.
Le meilleur exemple d’une régulation par les pouvoirs publics est celui
concernant le secteur des télécommunications. À l’heure actuelle, en
France, il existe quatre « grands » opérateurs : Bouygues Telecom, Free

172
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Le rôle de l’État

Mobile, Orange et SFR. L’État doit attribuer les fréquences (UMTS, 3G et


désormais 4G)1, veiller à l’absence d’entente entre opérateurs sur les prix,
prévenir à une concurrence déloyale de l’un des opérateurs, éviter une
entente entre opérateurs pour « exclure » un nouvel opérateur, etc.
L’objectif est donc d’organiser la concurrence tout en veillant à l’accès au
service public.
L’ensemble de ces réglementations et la régulation des marchés consis-
tent à prendre en compte et à atténuer les externalités2 que suscite la
décision d’un agent économique sur le bien-être économique des autres
agents.

2.3 Entreprises publiques et nationalisations


■ Le monopole naturel

6
La création d’une entreprise publique peut être préconisée dans une
situation dite de monopole naturel.
Un monopole naturel peut apparaître dans les secteurs où les rende-
ments d’échelle sont croissants3, c’est-à-dire lorsque les coûts fixes4 du
bien sont élevés.

Dans ce cas, les investissements nécessaires pour les produire sont si


importants qu’ils ne peuvent être supportés que par une seule entreprise
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

1 Très exactement, c’est l’ARCEP (Autorité de régulation des communications électro-


niques et des postes) qui s’occupe de la procédure d’offre.
2 Un agent économique crée une externalité lorsque, par son activité, il procure, à un autre

agent, un avantage (externalité positive) ou un dommage (externalité négative).


3 Un rendement d’échelle est une relation entre les variations des quantités produites (la

production ; l’output) et les variations des quantités des facteurs de production (input)
nécessaires pour les produire (cf. chapitres 2 et 5). Les rendements d’échelle sont constants
lorsque la production augmente dans les mêmes proportions que les facteurs de produc-
tion. Les rendements sont croissants (décroissants) lorsque la production augmente de
manière plus (moins) que proportionnelle par rapport aux facteurs de production.
4 Le coût fixe est le coût supporté par une entreprise quel que soit son volume de produc-

tion (les bâtiments par exemple). A l’opposé, le coût variable, comme son nom l’indique,
est le coût qui varie en fonction du volume de la production (l’énergie par exemple). Le
coût total correspond à la somme du coût fixe et du coût variable.

173
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M acroéconomie

de grande taille et dont l’objectif n’est pas la recherche de profit. Le coût


de production d’un tel bien n’est amorti que si on le fabrique en grande
quantité. En effet, le coût fixe moyen – défini comme le rapport entre le
coût fixe et la quantité produite – a tendance à décroître au fur et à mesu-
re de l’augmentation de la quantité produite.
La définition d’un monopole naturel fait appel à la propriété de sous-
additivité des coûts de production introduite par Baumol (1977)1. Cette
propriété s’écrit de la manière suivante :
C(Q 1 + Q 2 )  C(Q 1 ) + C(Q 2 ) (1)

avec C le coût de production et Q 1 et Q 2 les quantités produites.


Si nous appelons Q la quantité produite totale – par définition
Q = Q 1 + Q 2 – dès lors l’équation (1) peut se réécrire comme :
C(Q)  C(Q 1 ) + C(Q 2 ) (2)

L’équation (2) nous indique qu’il est moins coûteux de produire la quan-
tité Q , c’est-à-dire, les quantités Q 1 et Q 2 , dans le cadre d’une firme
unique que par deux firmes distinctes.

■ La création d’une entreprise publique


Dans un tel cas de figure, la situation de concurrence pure et parfaite
n’est pas possible puisque les entreprises produiraient à perte. Seule une
situation de monopole naturel permet la production de ce type de bien ;
seule une entreprise unique sera présente sur le marché. Dès lors, un
autre problème peut apparaître. S’il s’agit d’une entreprise privée, la
situation de monopole naturel est dite privée. Elle conduit l’entreprise
privée à fixer un prix plus élevé (par rapport à une situation de concur-
rence pure et parfaite) afin de maximiser ses profits. Dès lors, si le prix est
plus élevé, une partie de la population risque de ne pas avoir accès à ce
bien. Ceci est d’autant plus problématique que le bien en question satis-
fait un besoin vital. D’autre part, si l’exploitation devenait déficitaire,
l’entreprise privée pourrait décider de l’arrêter. À nouveau, une telle
1 Voir, par exemple, l’ouvrage de Varian (2008) pour une première approche.

174
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Le rôle de l’État

situation serait problématique. Dans ce cas, seule une entreprise


publique, dont l’objectif n’est pas la recherche de profit, peut (et doit)
assurer la production d’un bien qui satisfait les besoins de la collectivité.
Dans ce cas, nous parlons d’une situation de monopole naturel public1.
Un exemple de monopole naturel est le secteur énergétique. Les produc-
tions d’électricité, nucléaire, etc., nécessitent de gros investissements ini-
tiaux pour fournir ce service aux clients. Une entreprise privée qui serait
en charge d’une telle production fixerait un prix très (trop) élevé, privant
par conséquent une partie de la population de ce bien (pour s’éclairer, se
chauffer, etc.). L’État intervient dans cette production (sous forme de
subventions, compensation financière, etc.) afin que le prix proposé aux
clients soit le moins élevé possible tout en assurant un service de qualité.

■ La nationalisation
L’État peut également décider de nationaliser certaines entreprises pour
en modifier la logique de fonctionnement. Ainsi, par exemple, la France
a connu deux grandes vagues de nationalisations. La première eut lieu en
6
1945. À la suite de la Seconde Guerre mondiale, l’État a nationalisé cer-
taines entreprises afin de protéger des secteurs économiques jugés straté-
giques pour la Nation : l’armement, l’électricité, l’énergie nucléaire, les
banques (dont la Banque de France), etc. L’exception étant Renault où la
nationalisation relevait davantage de sanctions suite à la collaboration
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

présumée du constructeur avec les autorités allemandes.


La seconde vague de nationalisations s’est produite en 1982. Elle a essen-
tiellement concerné les secteurs bancaire et financier puisque trente-neuf
banques et deux compagnies financières ont été nationalisées contre, seu-
lement, cinq groupes industriels. Ces nationalisations avaient un objectif
stratégique. Il s’agissait pour l’État de renforcer l’efficacité de la politique
économique, par exemple, en maîtrisant la création monétaire et en
orientant les crédits vers les secteurs « prioritaires » (dont l’industrie).

1 Si l’objectif de l’État n’est pas la recherche de profit, une situation de monopole naturel
public soulève, notamment, des questions d’efficacité et de gaspillage. Mais ceci est un autre
sujet.

175
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M acroéconomie

3 Le budget de l’État
Plus qu’à l’État, c’est à l’ensemble des administrations publiques (APU)
dont l’État fait partie – cf. chapitre 3 – que nous allons nous intéresser.
Pourquoi s’intéresser aux APU et non seulement à l’État ? Tout simple-
ment pour mieux comprendre et analyser, notamment, les chiffres
publiés dans la presse économique. Par exemple, lorsque la presse évoque
un niveau de dépenses publiques égal à 56,6 % du PIB en 2012, elle ne fait
pas référence aux seules dépenses de l’État central mais à l’ensemble des
dépenses effectuées par les APU dont la Sécurité sociale, etc. S’il ne s’agis-
sait que de l’État, ce chiffre serait égal à 21 % du PIB.
Le budget des APU se compose des recettes publiques et des dépenses
publiques. Les recettes publiques (dont les impôts) permettent le finan-
cement des dépenses publiques. Ces dernières correspondent à la pro-
duction de services publics (santé, justice, éducation, etc.). La différence
entre les recettes et les dépenses publiques constituera le solde public1. Si
le solde est positif, nous parlons d’un excédent public ; s’il est négatif,
nous parlons de déficit public.

3.1 Les recettes publiques


■ Les recettes
En 2012, les recettes publiques s’élèvent à 1 053 Mds€, soit 51,8 % du
PIB. La figure 1 montre la décomposition et l’évolution, en Mds€ et
en % du PIB, de ces recettes. Nous pouvons constater qu’elles progres-
sent dans le temps.
Pour décomposer les recettes de l’État, nous nous appuyons sur la pré-
sentation retenue par l’Insee qui est en conformité avec les principes de
la comptabilité nationale (cf. chapitre 3).

1 Nous parlons du solde budgétaire lorsqu’il s’agit des recettes et des dépenses budgétaires,

c’est-à-dire des recettes et des dépenses de l’État.

176
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Le rôle de l’État

1 200 55 %

1 000
50 %

800
45 %
600
40 %
400

35 %
200

0 30 %
1960
1962
1964
1966
1968
1970
1972
1974
1976
1978
1980
1982
1984
1986
1988
1990
1992
1994
1996
1998
2000
2002
2004
2006
2008
2010
Recettes de production Revenus de la propriété
Impôts et cotisations sociales Autres transferts

6
Recettes totales en Mds€ Recettes totales en % du PIB (éch. de droite)

Source : Insee (base 2005).

Figure 1 – Décomposition et évolution des recettes publiques (en Mds€)

L’Insee regroupe les recettes publiques (ou recettes des APU) en quatre
catégories :
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

 les recettes de production ;


 les revenus de la propriété ;
 les impôts et cotisations sociales ;
 les autres transferts.

Les recettes de production (y compris les subventions) correspondent


aux recettes issues de la vente de la production des APU (les amendes
payées par les automobilistes, les recettes issues des jeux de loterie, etc.).
Elles s’élèvent à 72,6 Mds€, soit 6,9 % des recettes totales, en 2012.

177
9782100706471-guil-C06.qxd 16/07/14 10:28 Page 178

M acroéconomie

La justification de l’impôt
L’Insee définit l’impôt comme « un versement obligatoire et sans contre-
partie aux administrations publiques et aux institutions européennes ».
Les impôts ne doivent pas être confondus avec les cotisations sociales
qui, elles, donnent droit à une prestation1. Les impôts répondent à
quatre principes :
– le principe de légalité. Suivant la Constitution de la Ve République, le
Parlement vote la loi instituant le taux et l’assiette d’imposition ainsi
que les moyens de recouvrement de l’impôt. De plus, seul le
Parlement est habilité à autoriser la création et le prélèvement de nou-
veaux impôts ;
– le principe d’annualité. Chaque année, le Parlement doit donner
l’autorisation au gouvernement de lever l’impôt. De plus, chaque
année le budget de l’État doit être voté et adopté par le Parlement ;
– le principe d’égalité. En se fondant sur la Déclaration des Droits de
l’Homme et du Citoyen, chaque citoyen est en droit de payer un impôt
à hauteur de ses possibilités ;
– le principe de nécessité. Ce principe est issu de la Déclaration des
Droits de l’Homme et du Citoyen selon lequel l’impôt permet l’entre-
tien de la force publique et les dépenses d’administration.
Une fois prélevé, l’impôt est redistribué aux ménages et aux entreprises
sous formes de prestations et de subventions (celles-ci constituant une
partie des dépenses publiques). Il s’agit du principe de redistribution.
Ce dernier répond à deux logiques :
 une logique d’assurance. Les prestations versées protègent contre
le risque de chômage (allocation de chômage), la vieillesse (pen-
sion de retraite), elles permettent aux ménages modestes et fra-
giles d’accéder à un logement (aides au logement), elles prennent
en charge une partie des frais de scolarité (via les prestations fami-
liales de tous types), etc. ;
 une logique de solidarité. Le montant des prestations reçues par
un bénéficiaire n’est pas fonction des cotisations qu’il a pu verser
précédemment ; il peut même n’en avoir jamais versé2.

1 Par exemple, si un salarié cotise pour le chômage, il aura droit à une allocation s’il
devient chômeur.
2 Ainsi, une personne qui n’aurait pas versé de cotisations retraites (prenons l’exemple

des personnes au foyer) bénéficiera quand même d’une retraite minimum.

178
9782100706471-guil-C06.qxd 16/07/14 10:28 Page 179

Le rôle de l’État

Les revenus de la propriété correspondent à l’ensemble des dividendes et


intérêts issus des participations de l’État. En 2012, les revenus de la pro-
priété représentent 13,4 Mds€, soit 1,3 % des recettes totales.
Les impôts et cotisations sociales regroupent l’ensemble des impôts
(directs et indirects) : la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), l’impôt sur
le revenu (IR), l’impôt sur les sociétés (IS), etc. À ces impôts s’ajoute
l’ensemble des cotisations sociales versées par les salariés et les entre-
prises aux APU.
En 2012, l’ensemble, impôts et cotisations sociales, représente
949,2 Mds€ (dont 562,2 Mds€ pour les impôts et 387,0 Mds€ pour les
cotisations sociales), soit 90,1 % du total des recettes. Cela signifie que les
recettes des APU sont issues pour 90,1 % de la fiscalité1.
Enfin, les autres transferts, dont le montant s’élève à 17,8 Mds€ (1,7 %
du total des recettes), en 2012, comprennent les transferts courants entre
APU, les transferts en capital et les autres transferts courants.
Le tableau 1 présente la décomposition de ces dépenses publiques selon
ces quatre catégories pour les APU pour l’année 20122.
6
Tableau 1 – Les recettes des APU pour l’année 2012 (en Mds€)
Recettes de production 72,6
Revenus de la propriété 13,4
Impôts et cotisations sociales 949,2
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Autres transferts 17,8


Total des recettes 1053,0

Source : Insee (base 2005).

Sans entrer dans le détail, on peut également présenter les recettes (et les
dépenses : cf. section 3.2) selon le cadre du Rapport économique, social et
financier. Les chiffres sont identiques mais le « découpage » est légère-
ment différent3.
1 Sur la période 1960-2012, la part moyenne est de 88,9%. Le graphique représentant l’his-
torique de cette part est disponible dans le fichier excel Chap6.
2 L’historique, depuis 1959 pour les APU, 1978 pour l’État, est disponible dans le fichier

excel Chap6 (www.dunod.com). Il faut noter que la présentation adoptée dans ce fichier est
conforme à celle de l’Insee.
3 Une telle présentation, ainsi que son historique, est disponible dans le fichier excel Chap6.

179
9782100706471-guil-C06.qxd 16/07/14 10:28 Page 180

M acroéconomie

■ Des recettes publiques aux prélèvements obligatoires


Même si elle en constitue la majeure partie, la somme de l’ensemble des
recettes publiques ne constitue pas ce que l’on appelle les prélèvements
obligatoires. Les recettes publiques recouvrent les prélèvements obliga-
toires (impôts et cotisations) et des recettes publiques qui ne constituent
pas des prélèvements obligatoires. À titre de comparaison, en 2012, le
montant total des prélèvements obligatoires était de 913,5 Mds€ (soit
45 % du PIB) alors que les recettes publiques étaient de 1 053,0 Mds€
(soit 51,8 % du PIB).
Le taux de prélèvements obligatoires correspond au rapport entre les
prélèvements obligatoires et le PIB.

Ce taux est censé mesurer le coût des APU (des pouvoirs publics) sur
l’activité économique. Il serait un indice de pression fiscale représentant
le poids des charges pesant sur l’activité économique. Le taux des prélè-
vements obligatoires (figure 2) n’a cessé d’augmenter depuis 1960 et
reste, depuis le début des années 1980, à un niveau supérieur à 40 % en
France.
Cela refléterait un poids toujours croissant de l’État dans l’économie.
Mais si nous regardons les contributions à la variation de ce taux de pré-
lèvements obligatoires, ce sont en réalité les cotisations sociales qui ont le
plus contribué à cette augmentation et non les impôts. Or cette hausse
des cotisations sociales1 reflète l’amélioration des régimes de protection
sociale (par exemple des soins médicaux plus importants et mieux rem-
boursés), le vieillissement de la population (il y a de plus en plus de pen-
sions de retraite à verser), etc.
Par les prélèvements obligatoires, les APU développent des interventions
productives (les biens collectifs offerts à la population2), incitatrices (les
APU assument le coût prohibitif – conséquence d’externalités provo-

1 Cf. chapitre 3, ces cotisations sociales correspondent aux cotisations sur la maladie, la
vieillesse, le chômage, etc.
2 Par exemple les services de police.

180
9782100706471-guil-C06.qxd 16/07/14 10:28 Page 181

Le rôle de l’État

50 %

45 %

40 %

35 %

30 %

25 %

20 %

15 %

10 %

5%

6
0
1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010

Source : Insee (base 2005).


Figure 2 – Évolution du taux de prélèvements obligatoires
(en % du PIB) en France

quant la défaillance des marchés – de certaines activités1) et redistribu-


tives (les impôts récoltés sont ensuite redistribués sous forme de presta-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

tions2).
La France a l’un des taux de prélèvements obligatoires parmi les plus éle-
vés, comme le montre la comparaison au niveau international vis-à-vis
des principaux pays de l’OCDE (tableau 2).

1 Par exemple les aides accordées pour le développement des nouvelles technologies (bre-
vets, etc.).
2 Par exemple le principe de la retraite par répartition où les cotisations versées par les actifs

financent les pensions des retraités.

181
9782100706471-guil-C06.qxd 16/07/14 10:28 Page 182

M acroéconomie

Tableau 2 – Les taux de prélèvements obligatoires au niveau international


(en % du PIB)

Années France Allemagne Royaume-Uni États-Unis OCDE


1980 40,2 36,4 34,8 26,4 30,9
1985 42,8 36,1 37,0 25,6 32,5
1990 42,0 34,8 35,5 27,4 33,0
1995 42,9 37,2 34,0 27,8 34,5
2000 44,4 37,5 36,4 29,5 35,5
2005 44,1 35,0 35,4 27,1 34,9
2010 42,9 36,1 34,9 24,8 33,8
NB : le périmètre des prélèvements obligatoires (PO) retenu par l’OCDE diffère légère-
ment de celui retenu par l’Insee. Ainsi, l’OCDE comptabilise en PO la taxe d’enlèvements
des ordures ménagères ainsi que les transferts en capital de recettes non collectées.
Source : OCDE.

■ Les déterminants des impôts


Les impôts constituent l’essentiel des recettes publiques, mais comment
sont-ils déterminés ? Certains sont acquittés par tous – la TVA par
exemple – d’autres sont acquittés par certaines personnes sous condition
– l’impôt sur le revenu (IR) par exemple1.
Un impôt se détermine en fonction d’un taux d’imposition et d’une base
d’imposition (aussi appelée assiette fiscale). Le montant total d’un impôt
est donc le produit du taux d’imposition par la base d’imposition.
Sur le long terme, les déterminants des recettes sont avant tout législatif
et juridique. Dans le cas de la France, par exemple, ces déterminants vont
dépendre des réformes entreprises par le gouvernement en place (modi-
fication des taux, ajout ou suppression de tranche d’imposition, etc.) et
de la validation de telles réformes par le Conseil constitutionnel (une
tranche d’imposition à 75 % est-elle anticonstitutionnelle ?).

1 Seuls les ménages s’acquittent de l’IR, à condition d’avoir un revenu imposable, i.e. qui

fasse l’objet d’une imposition. En effet, les ménages à faibles revenus ne sont pas imposés.

182
9782100706471-guil-C06.qxd 16/07/14 10:28 Page 183

Le rôle de l’État

Dans une analyse de court terme, le montant des impôts va dépendre de


l’évolution de la conjoncture économique (donc du PIB) que ce soit pour
les impôts directs ou indirects. Par exemple, en période de croissance, la
consommation est plus forte, les revenus distribués augmentent, donc les
recettes fiscales de TVA (pour la consommation) et d’IR (pour les reve-
nus distribués) sont plus élevées. Ainsi, nous écrirons la fonction d’impo-
sition comme :
T = tY + T0 (3)
où T est le montant total des impôts, t est le taux d’imposition marginal,
avec 0 < t < 1 , Y le PIB et T0 correspond à un montant d’impôt forfai-
taire (autonome). L’équation (3) nous indique que la fonction d’imposi-
tion est endogène.
Si les impôts étaient intégralement exogènes, dès lors la fonction d’impo-
sition s’écrirait T = T0 . Il est également possible d’écrire la fonction
d’imposition T = T . Le remplacement de T0 par T est un simple jeu
d’écriture ; il n’y a aucune signification économique derrière ce change-
ment. Des impôts totalement exogènes signifient qu’ils ne sont plus fonc-
6
tion du revenu. Un montant « forfaitaire » (exogène) est décidé par l’État.

3.2 Les dépenses publiques


■ Les dépenses
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

En 2012, les dépenses publiques des APU étaient de 1 151,3 Mds€ dont
421,2 Mds€ pour l’État. En points de PIB, ces montants représentaient,
respectivement, 56,7 % du PIB et 20,7 %1.
L’Insee regroupe les dépenses publiques (ou dépenses des APU) en
quatre catégories :
 les dépenses de fonctionnement ;
 les intérêts ;
 les prestations sociales et autres transferts sociaux ;
 les acquisitions d’actifs non financiers.

1 En lisant la presse, c’est le chiffre de 56,6 % qui est le plus souvent cité. D’où notre inté-

rêt (et notre précision au début de la section II) de nous intéresser aux APU et non
uniquement à l’État.

183
9782100706471-guil-C06.qxd 16/07/14 10:28 Page 184

M acroéconomie

Le tableau 3 présente la décomposition de ces dépenses publiques selon


ces quatre catégories pour les APU1 pour l’année 2012.
Tableau 3 – Décomposition des dépenses publiques des APU
pour l’année 2012 (en Mds€)

Dépenses de fonctionnement 391,6


Intérêts 52,1
Prestations et autres transferts 643,4
Acquisitions nettes d’actifs non financiers 64,2
Total des dépenses 1151,3

Source : Insee (base 2005).

Les dépenses de fonctionnement sont constituées par les consomma-


tions intermédiaires (cf. chapitre 3), la rémunération des salariés (salaires
et cotisations sociales des fonctionnaires et des agents publics), et les
autres dépenses de fonctionnement comprenant les impôts sur la pro-
duction, les impôts courants sur le revenu et le patrimoine et les revenus
de la propriété autres que les intérêts. En 2012, les dépenses de fonction-
nement sont évaluées à 391,6 Mds€ (soit 34 % du total des dépenses).
Les intérêts correspondent aux intérêts liés à la dette publique. Nous par-
lons dans ce cas de la charge de la dette. Pour 2012, cette charge est de
52,1 Mds€ (soit 4,5 % du total des dépenses).
Les prestations sociales et autres transferts sociaux sont composés des
prestations sociales, des transferts sociaux en nature, des subventions, des
autres transferts courants et des transferts en capital. En 2012, l’ensemble
des prestations sociales et autres transferts sociaux représente
643,1 Mds€ (soit 55,9 % des dépenses).
Enfin, les acquisitions d’actifs non financiers correspondent, essentiel-
lement, à la FBCF des APU (la construction d’une école par exemple).
Pour preuve, sur les 64,2 Mds€ (soit 5,6 % du total des dépenses),
63,7 Mds€ correspondent à la FBCF.

1 L’historique, depuis 1959 pour les APU, 1978 pour l’État, est disponible dans le fichier

excel Chap6 (www.dunod.com). Il faut noter que la présentation adoptée dans ce fichier est
conforme à celle de l’Insee.

184
9782100706471-guil-C06.qxd 16/07/14 10:28 Page 185

Le rôle de l’État

Si nous omettons les intérêts payés sur la dette, nous constatons que les
dépenses publiques peuvent se répartir entre, d’un côté, les achats publics
et, de l’autre, les transferts. Ces derniers sont effectués soit envers les
ménages, soit envers les entreprises.
La figure 3 présente la décomposition et l’évolution des dépenses des
APU, en Mds€ et en % du PIB.

1 400 60 %

1 200 55 %

1 000
50 %
800
45 %
600

6
40 %
400

200 35 %

0 30 %
1960
1962
1964
1966
1968
1970
1972
1974
1976
1978
1980
1982
1984
1986
1988
1990
1992
1994
1996
1998
2000
2002
2004
2006
2008
2010

Dépenses de fonctionnement Intérêts


Prestations et autres transferts Acquisitions nettes d'actifs non financiers
Dépenses totales en Mds€ Dépenses totales en % du PIB (éch. de droite)
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Source : Insee (base 2005).

Figure 3 – Décomposition et évolution des dépenses des APU (en Mds€)

Nous constatons que les dépenses publiques ont tendance à augmenter


dans le temps puisqu’elles passent de 36,5 % du PIB en 1960 à 56,6 % du
PIB en 2012. Est-il normal que les dépenses publiques (en pourcentage
du PIB) augmentent ? Est-ce un mal que les dépenses publiques soient à
un niveau si élevé ?
Pour répondre à la première question, nous pouvons nous appuyer sur
les travaux de Adolph Wagner qui démontre que la part des dépenses
dans le PIB a tendance à augmenter avec l’amélioration du niveau de vie

185
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M acroéconomie

(industrialisation, urbanisation, dépenses d’éducation, de santé, etc.).


Augmenter ses dépenses publiques est également un moyen d’affirmer
son autorité « tutélaire » pour les APU.
La réponse à la seconde question est plus difficile et dépasse largement le
cadre de cet ouvrage. Toutefois, juste en effectuant une comparaison
internationale1 (cf. tableau 4), il semblerait que la France ait une part des
dépenses publiques dans le PIB supérieure à la plupart des pays de la zone
euro et de l’OCDE.
Tableau 4 – Part des dépenses publiques dans le PIB (en % du PIB)

Années France Allemagne* Italie Zone euro** Royaume-Uni États-Unis Canada OCDE
1980 46,0 46,9 40,5 47,9 45,6 34,3 41,0 39,0
1985 51,8 45,1 49,6 51,5 46,5 36,9 47,5 41,1
1990 49,6 43,6 52,6 50,5 41,2 37,2 48,2 40,1
1995 54,4 54,8 52,6 53,0 43,5 37,1 47,7 42,6
2000 51,6 45,1 45,8 46,2 36,5 33,9 40,5 38,7
2005 53,6 47,0 47,9 47,4 43,6 36,3 38,4 39,3
2012 56,9 45,0 50,6 50,0 48,5 40,3 41,2 42,7

* Allemagne : Ouest jusqu’en 1991 ; Allemagne totale depuis 1992.


** Zone euro : avec l’Allemagne occidentale, jusqu’en 1991.
Pays de l’OCDE appartenant à la zone euro depuis 1992.
Source : OCDE.

■ Les déterminants des dépenses


Hormis les intérêts payés sur la dette, les dépenses publiques sont consa-
crées à deux catégories :
 les achats publics (consommations intermédiaires, FBCF, etc.) ;
 les transferts vers les ménages (les salaires des fonctionnaires ou les
allocations chômage) ou les entreprises (subventions par exemple).

1 Les comparaisons internationales doivent être utilisées avec précaution. En effet, certaines

dépenses (de santé ou d’éducation par exemple) sont assumées, en France, par des orga-
nismes publics et des prélèvements obligatoires. D’autres pays, comme par exemple les
États-Unis, financent ces dépenses à travers des organismes privés.

186
9782100706471-guil-C06.qxd 16/07/14 10:28 Page 187

Le rôle de l’État

Les achats publics sont considérés comme exogènes. C’est l’État qui déci-
de du montant des biens et services qu’il souhaite acquérir. Si nous appe-
lons G les dépenses publiques, dans ce cas :
G=G (4)

Cette équation signifie que le montant des dépenses publiques, G , est fixé
de manière exogène par les APU à un niveau G . Il est également possible
de noter le niveau des dépenses publiques exogènes de la manière sui-
vante : G = G 0 . À nouveau, comme pour les impôts, le remplacement de
G par G 0 est un simple jeu d’écriture.
D’une manière générale, cela nous sera utile dans les chapitres 7, 8 et sur-
tout 9, nous noterons une variable exogène X comme X . Dès lors, une
variable exogène X peut également s’écrire X 0 1.

6
On ne peut pas considérer que les transferts sont exogènes. Les transferts
des APU (vers les ménages et/ou les entreprises) reposent sur une logique
de paiements, effectués par les APU, au bénéfice des ménages et/ou des
entreprises, qui dépendent de la conjoncture économique du pays. Par
exemple :
 les indemnités de chômage, de Sécurité sociale ou de retraite, etc., sont
des transferts que les APU effectuent au bénéfice des ménages ;
 les subventions comme l’aide à l’agriculture, à la création d’entreprise,
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

etc., sont, quant à elles, des transferts des APU au bénéfice des entre-
prises.
Ces transferts ne donnent lieu à aucune contrepartie sous forme de biens
et services de la part des ménages et/ou des entreprises.
Le montant des transferts n’est pas exogène mais varie en fonction du
PIB. Par exemple, lorsque le PIB est élevé, le nombre de personnes en
recherche d’emploi est faible, les indemnités de chômage sont par consé-

1 À titre d’exemple, nous avons noté la consommation incompressible (cf. chapitre 4) C 0


et l’investissement autonome (cf. chapitre 5) I0 . Il s’agit bien de variables exogènes puisque
indépendantes de toute autre variable.

187
9782100706471-guil-C06.qxd 16/07/14 10:28 Page 188

M acroéconomie

quent minimes. Mais, si le PIB diminue, il y a plus de personnes au chô-


mage, donc les indemnités de chômage vont augmenter.

3.3 Les soldes publics


■ Le solde public
Il faut bien distinguer le solde public et le solde budgétaire.
Le solde public concerne la différence entre les recettes publiques et
les dépenses publiques ; il concerne donc les APU, l’ensemble des
administrations publiques. Alors que le solde budgétaire concerne
uniquement la différence entre les recettes budgétaires et les dépenses
budgétaires de l’État.

Le solde public englobe donc par définition le solde budgétaire.

1%

0%

–1%

–2%

–3%

–4%

–5%

–6%

–7%

–8%
1979 1982 1985 1988 1991 1994 1997 2000 2003 2006 2009 2012
Administrations publiques centrales Administrations publiques locales
Administrations de Sécurité sociale Administrations publiques – APU
Source : Insee (base 2005).

Figure 4 – Décomposition de la capacité (+)/besoin (–) de financement des APU


(en % du PIB)

188
9782100706471-guil-C06.qxd 16/07/14 10:28 Page 189

Le rôle de l’État

Au sens de la comptabilité nationale, un solde public positif correspond


à une capacité de financement ; un solde public négatif à un besoin de
financement. La figure 4 montre l’évolution des capacités/besoins de
financement (CF/BF) des APU et des sous-secteurs.
Nous voyons que l’ensemble des APU présente un besoin de finance-
ment. Ce besoin de financement est chronique depuis le milieu des
années 1970. Ce besoin de financement est essentiellement alimenté par
celui des administrations publiques centrales (S1311). En effet, nous
pouvons décomposer les administrations publiques centrales entre l’État
d’un côté et les Organismes divers d’administrations centrales (ODAC)
de l’autre. En effectuant une telle décomposition, nous constatons que
l’État est le plus gros « contributeur » à ce besoin de financement des
APU1.

6
■ Les soldes structurel et conjoncturel
En macroéconomie, on distingue, au sein du solde public, le solde struc-
turel et le solde conjoncturel. Autrement dit, le solde public peut se
décomposer en une composante structurelle et une composante
conjoncturelle.

Solde public = solde structurel + solde conjoncturel


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Le solde structurel est le solde public que l’on corrige de l’impact du cycle
conjoncturel sur les dépenses et les recettes publiques. Le solde structurel2
permet ainsi d’éliminer l’impact de la conjoncture (du cycle) sur le solde
public. Ceci permet de mieux rendre compte de l’orientation des finances
publiques. Pour reprendre la définition adoptée par la Commission euro-
péenne et l’OCDE, le solde conjoncturel correspond à « l’impact méca-
nique des fluctuations de l’activité sur le solde public ».

1 Les graphiques d’une telle conclusion sont disponibles dans le fichier excel Chap6.
2 On parle également de solde corrigé du cycle.

189
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M acroéconomie

■ Le solde primaire
Enfin, les dépenses publiques intègrent les intérêts de la dette, c’est-à-dire
la charge de la dette1 dont les APU doivent s’acquitter chaque année
(cf. section 3.2). Cette charge de la dette pouvant fluctuer selon un cer-
tain nombre de paramètres (le taux d’intérêt par exemple), il est utile de
connaître le solde des APU avant le paiement des intérêts de la dette.
C’est pourquoi on appelle solde primaire le solde public duquel on
retranche la charge des intérêts de la dette.
Le solde primaire est le solde avant le paiement de la charge de la dette.
Si le solde primaire est positif, on parle d’excédent primaire ; s’il est
négatif, on parle de déficit primaire.
Le solde primaire est un solde très intéressant car il est révélateur de la
situation budgétaire « réelle » d’un pays, c’est-à-dire la situation où l’on
ne tient pas encore compte de la dette du pays. Dès lors :
Solde public = solde primaire – intérêts de la dette

Point important, ce fut par exemple le cas de la France en 2000, un pays


peut avoir un excédent primaire mais un déficit public (ceci est dû au
montant important de la charge de la dette). D’autre part, toujours dans
le cas de la France, nous voyons que la charge de la dette n’a cessé de
croître au cours du temps. Dès lors, le solde public s’aggrave au fur et à
mesure que la charge d’intérêts augmente.
De 1981 à 1999, le solde primaire (hors intérêts versés) des APU est sys-
tématiquement négatif à de rares exceptions à la fin des années 1990. Cela
entraîne une forte augmentation de la dette et de la charge d’intérêts.
Cumulé à cette dernière, le déficit public (total) s’aggrave alors d’autant
plus.

1Il ne faut pas confondre la charge de la dette avec le service de la dette. La charge de la
dette correspond au montant des intérêts de la dette que doivent verser chaque année les
APU alors que le service de la dette correspond aux intérêts de la dette ainsi qu’au princi-
pal (le montant du capital emprunté qui doit être remboursé chaque année) dont les APU
doivent s’acquitter.

190
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Le rôle de l’État

4%

2%

0%

–2 %

–4%

–6%

–8%
1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010

6
Charge d'intérêts Solde public Solde primaire

Source : Insee (base 2005).

Figure 5 – Solde primaire, solde public et charge de la dette (en % du PIB)

4 Les recettes de l’État financent-


elles ses dépenses ? L’émergence
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

de la dette publique
4.1 Du déficit public à la dette publique
Au début de la nouvelle année fiscale, il faut que le déficit budgétaire (de
l’année fiscale précédente) soit financé. Ainsi, les APU empruntent, via
des titres d’État, appelés titres de créances négociables, le montant néces-
saire. Cet emprunt vient alimenter la dette publique.
Lorsque les recettes publiques sont inférieures aux dépenses publiques,
les APU dégagent un besoin de financement (figure 6) auquel elles doi-
vent pourvoir.

191
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M acroéconomie

1 400 0

1 200 – 20

– 40
1 000
– 60
800
– 80
600
– 100
400
– 120

200 – 140

0 – 160
1978 1982 1986 1990 1994 1998 2002 2006 2010
Cap./Besoin de financement (éch. de droite) Dépenses Recettes

Source : Insee (base 2005).

Figure 6 – Recettes, dépenses et besoin de financement des APU (en Mds€)

100 % 0%

90 %
–1%
80 %
–2%
70 %
–3%
60 %

50 % –4%

40 %
–5%
30 %
–6%
20 %
–7%
10 %

0% –8%
1978 1982 1986 1990 1994 1998 2002 2006 2010
Déficit public (éch. de droite) Dette publique

Source : Insee (base 2005).


Figure 7 – Déficit public et dette publique (en % du PIB)

192
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Le rôle de l’État

Ce financement s’effectue par l’émission de titres d’État. Autrement dit,


les APU empruntent, sur les marchés financiers, par l’émission de titres
d’État, ce dont elles ont besoin pour financer leur besoin de financement.
Ces emprunts constituent, pour les APU, une dette. Cela signifie que tout
déficit public (variable de flux) vient alimenter le stock de dette publique.
L’accumulation de déficits budgétaires se traduit ainsi par l’augmenta-
tion de la dette publique comme le montre la figure 7.
Mais raisonner à partir de grandeurs agrégées (les APU) peut masquer
des situations contrastées entre les différents sous-secteurs. Le déficit
public des APU peut donc être décomposé selon son origine (État,
ODAC, etc.).
En 2012, sur une dette totale des APU représentant 90,2 % du PIB, la
dette de l’État était de 70,8 % du PIB (soit les 4/5e de la dette des APU)1.

L’Agence France Trésor


L’Agence France Trésor (AFT) a été créée en 2001 et est chargée de la
6
gestion de la dette publique et de la trésorerie de l’État. Il s’agit d’une
entité placée sous le contrôle de la Direction générale du Trésor au
ministère de l’Économie. L’AFT a deux missions.

Gérer la dette publique


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

L’objectif de l’AFT est d’effectuer des adjudications, c’est-à-dire vendre


des titres financiers de l’État (appelés également titres souverains) à des
investisseurs afin de financer (nouvelle dette) ou refinancer (ancienne
dette) la dette de l’État. L’AFT propose trois catégories de titres : les
bons du Trésor à taux fixe et à intérêt précompté (BTF) dont la maturi-
té est inférieure à 1 an ; les bons du Trésor à intérêt annuel (BTAN) dont
la maturité est comprise entre 2 ans et 5 ans ; les obligations assimi-
lables du Trésor (OAT) dont la maturité est comprise entre 5 ans et
50 ans. Les OAT à 10 ans sont, depuis quelques années, le produit le
plus « connu » et le plus « médiatique » puisqu’il sert de baromètre en
matière de coût de financement de l’État français.

1À titre pédagogique, le fichier excel Chap6 (www.dunod.com) propose l’évolution de la


dette de la France (en % du PIB) selon le président de la République et la majorité politique.
Ce graphique est très intéressant !

193
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M acroéconomie

L’émission de ces titres correspond par conséquent à une dette que


l’État, via l’AFT, contracte auprès des marchés financiers (investisseurs
institutionnels, établissements bancaires, etc.).

Gérer la trésorerie de l’État


Au fil des mois, la trésorerie de l’État évolue, notamment en fonction de
la conjoncture ou des aléas. L’État peut donc à un moment donné
connaître un excédent : disposer d’une trésorerie excédentaire suite,
par exemple, à de meilleures recettes fiscales. Le but n’étant pas que
l’État dispose de liquidités inutilisées sur son compte, tenu à la Banque
de France, l’AFT va « placer » cette trésorerie afin qu’elle rapporte des
intérêts.

Pour réduire la dette, il faudrait donc réduire le déficit public dans un


premier temps puis, dans un second temps, accumuler des excédents
publics (les APU doivent alors dégager une capacité de financement).

4.2 Un État endetté, c’est grave ?


Le tableau 5 présente la dette publique des pays du G7 et des principales
économies de la zone euro1.

Tableau 5 – Les dettes publiques en % du PIB

Années France Allemagne Italie Zone euro (16 pays) Royaume-Uni


1995 55,5 55,6 120,9 72,0 51,2
2000 57,3 60,2 108,6 69,3 41,0
2005 66,4 68,5 105,7 70,3 42,2
2010 82,4 82,5 119,3 85,5 79,4
2012 90,2 81,9 127 90,8 90

Source : OCDE et Eurostat.

1 Ces données sont disponibles dans le fichier excel Chap6 (www.dunod.com).

194
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Le rôle de l’État

Nous voyons tout d’abord que la dette publique n’a cessé de progresser
au cours du temps. Puis, nous avons quelques exemples de pays dévelop-
pés dont la dette publique est supérieure à 100 % du PIB comme (chiffres
de 2012) : l’Italie (127 %), la Grèce (156,9 %) et le Japon (213 %).
L’intitulé de cette section est volontairement « provocateur ». Avoir une
dette pour un État n’est pas une tare à condition qu’elle finance des
investissements productifs et qu’elle soit soutenable (c’est-à-dire la capa-
cité d’un État à pouvoir rembourser ses dettes, sa solvabilité). Tout
d’abord, il faut distinguer les motifs de l’endettement, c’est-à-dire disso-
cier la « bonne » dette de la « mauvaise ». Lorsque l’État s’endette pour
financer la construction d’un hôpital, d’un porte-avion ou d’une auto-
route, nous pouvons considérer qu’il s’agit d’une « bonne » dette. En
effet, financer ces investissements (car la construction de tels projets sont
des investissements, cf. chapitre 3) par la dette semble équitable d’un

6
point de vue générationnel1 et adéquat du point de vue du mode de
financement (l’État ne dispose pas de la trésorerie nécessaire pour finan-
cer avec ses propres ressources le coût de tels investissements ; prélever
des impôts supplémentaires pour financer ces investissements ne sem-
blent pas non plus adapté). De plus, la construction de ces infrastructures
aura des retombées en matière de croissance économique. Dans ce cas, la
dette finance des investissements « d’avenir », c’est de la « bonne » dette.
Par contre, si l’État s’endette pour financer les dépenses « courantes » : les
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

dépenses d’exploitation (frais de fonctionnement des administrations


publiques, etc.), il s’agit alors d’une « mauvaise » dette. Cette dernière ne
finance pas l’acquisition de nouveaux actifs, ni même des éléments per-
mettant d’accroître la croissance dans le futur mais des dépenses
d’exploitation correspondant aux traitements (versement des salaires)
des fonctionnaires, charge d’intérêt de la dette publique, etc. Ensuite, la

1 Financer un investissement productif par la dette n’est pas nécessairement un poids pour
les générations futures qui, théoriquement, rembourseront la dette. En effet, prenons
l’exemple de la construction d’un hôpital. Financer une telle construction par la dette ne
constitue pas un « héritage » malsain pour les générations futures car toutes les générations,
actuelles et futures, vont pouvoir utiliser ce bâtiment. Il paraît donc juste et équitable, d’un
point de vue intergénérationnel, que toutes les générations, actuelles et futures, contribuent
au financement de cet hôpital.

195
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M acroéconomie

dette publique est considérée comme soutenable à partir du moment où


l’État est capable de dégager, chaque année, les excédents budgétaires
nécessaires pour rembourser la charge de la dette (montant des intérêts)
sans avoir à modifier sa politique budgétaire.

5 L’État et la politique économique


L’État peut par différents instruments agir sur l’économie. Dans ce cas,
l’État a un rôle de stabilisateur. Parmi les nombreux instruments de poli-
tiques économiques disponibles1, nous nous intéresserons essentielle-
ment à la politique budgétaire et à la politique fiscale2. Dans ces deux cas,
l’objectif pour l’État est d’influencer, de stabiliser, l’activité économique.
L’État devient ainsi un acteur de l’économie. Son objectif est de relancer
ou de ralentir l’activité économique.

5.1 La politique budgétaire


En modifiant son budget, c’est-à-dire en modifiant ses recettes et/ou ses
dépenses3, l’État peut influencer l’activité économique. En diminuant
(augmentant) les impôts et/ou en augmentant (diminuant) les dépenses
publiques, l’État peut relancer (ralentir) l’activité économique4. Utilisée
dans ce sens, la politique budgétaire est qualifiée de discrétionnaire.
La politique budgétaire peut également agir de manière dite contra-
cyclique. En effet, les recettes et les dépenses de l’État peuvent varier sans

1 Outre la politique budgétaire, la politique fiscale et la politique monétaire, il existe égale-


ment d’autres politiques économiques, parmi lesquelles la politique commerciale, la poli-
tique de la concurrence, la politique industrielle, la politique de l’emploi, etc. Cet ouvrage se
focalise sur les deux plus importantes en matière de stabilisation de l’activité économique :
la politique budgétaire et la politique monétaire. Pour une première approche, se reporter à,
par exemple, La politique économique et ses instruments, la Documentation française, 2004.
2 La politique monétaire sera étudiée au chapitre 8.
3 L’État peut en effet faire évoluer ses recettes comme ses dépenses simultanément. Nous

verrons tout cela dans les chapitres 7 et 9.


4 Il y a, nous le verrons en détail dans le chapitre 7, un effet multiplicateur qui se met en

place. Cet effet multiplicateur provoque, suite à ces modifications, une variation du PIB.

196
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Le rôle de l’État

action délibérée de l’État mais en fonction de l’évolution de l’activité


économique. En période de croissance économique, les recettes de l’État
(celles, par exemple, de TVA ou d’IR) vont augmenter de manière auto-
matique tandis que les dépenses vont, quant à elles, diminuer automati-
quement. À l’inverse, en période de ralentissement économique voire de
récession, les recettes vont avoir tendance à diminuer alors que les
dépenses vont augmenter (celles liées au chômage notamment). Ces
mouvements d’augmentation ou de diminution des recettes et des
dépenses permettent d’atténuer (de « lisser ») les fluctuations de l’acti-
vité. Ils constituent ce que l’on appelle les stabilisateurs automatiques qui
jouent un effet contra-cyclique sur l’économie : ils atténuent les effets de
la récession – on peut même parler d’un soutien (modéré) à l’activité –
et freinent les effets d’une croissance économique trop forte.

5.2 La politique fiscale


La politique fiscale à des fins de régulation conjoncturelle de l’activité
consiste, pour l’État, à agir soit sur les taux d’imposition soit sur la base
6
d’imposition.
Si l’État agit sur le taux, il peut décider de le diminuer (l’augmenter) s’il
souhaite relancer (ralentir) l’activité économique. Si l’État choisit de
modifier la base d’imposition, il va élargir (diminuer) la liste des revenus
imposables1.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Par la suite, le terme de politique budgétaire désignera l’usage, par l’État,


soit des dépenses publiques soit des impôts (modification du taux
d’imposition marginale ou du montant d’imposition). Nous préciserons
cependant si c’est avec les dépenses publiques ou les recettes publiques
que l’État utilisera sa politique budgétaire.

1 Par exemple, l’État peut décider d’imposer les allocations familiales pour élargir la base

d’imposition.

197
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7 Le modèle
keynésien simplifié

Mots-clés
Demande effective, équilibre de sous-emploi, équilibre épargne-
investissement, diagramme à 45 degrés, principe du multiplicateur,
multiplicateur de dépenses publiques, multiplicateur fiscal, multipli-
cateur de budget équilibré, théorème d’Haavelmo.

1 Introduction
L’équilibre ressources-emplois (cf. chapitre 3) est un équilibre comptable
qui est, et doit, toujours être respecté. Par ailleurs, l’échange entre les dif-
férents agents de l’économie se réalise au travers d’un circuit écono-
mique : la production procure un revenu aux agents qui, à son tour, leur
permet d’effectuer des dépenses (cf. chapitre 3). Nous savons aussi que :
 les ménages consomment1 (cf. chapitre 4) ;
 les entreprises investissent et produisent (cf. chapitre 5) ;
 l’État prélève des impôts et effectue des dépenses publiques (cf. cha-
pitre 6).
L’objectif du présent chapitre est de représenter, à l’aide d’un modèle
macroéconomique, les interdépendances entre les agents et les variables
macroéconomiques jusqu’ici étudiées. Précisément, le modèle macroé-
conomique que nous développons vise à réunir ces trois agrégats

1 Il s’agit de la consommation finale (cf. chapitre 3).

198
9782100706471-guil-C07.qxd 16/07/14 10:38 Page 199

Le modèle keynésien simplifié

(consommation finale, investissement, dépenses publiques) pour définir


l’équilibre macroéconomique. L’objectif est également d’analyser le fonc-
tionnement d’une petite économie fermée, sur une courte période. C’est
ce que le modèle keynésien simplifié va permettre. Le modèle keynésien
simplifié ou modèle d’équilibre macroéconomique de courte période
décrit une économie en situation de sous-emploi (les capacités de pro-
duction et l’offre de travail sont excédentaires ; en raison d’une insuffi-
sance de la demande effective). C’est un modèle dans lequel les aspects
monétaires et financiers ne sont pas pris en compte. L’étude de l’écono-
mie est ainsi limitée à sa seule sphère réelle. Le modèle keynésien simpli-
fié vient donc « clôturer » l’étude de la sphère réelle de l’économie enta-
mée lors du chapitre 4.
Le modèle keynésien simplifié introduit plusieurs nouveaux concepts au
premier rang desquels la différence qui existe entre l’équilibre comptable
et l’équilibre macroéconomique. Dans l’analyse keynésienne, il peut
effectivement apparaître un déséquilibre macroéconomique, c’est-à-dire
un écart entre ce que les agents « souhaitent » et ce qu’ils observent. C’est

7
la fameuse différence entre l’équilibre ex ante et l’équilibre ex post.

L’équilibre comptable est réalisé lorsque, sur le marché des biens et


services, l’ensemble des échanges est effectué, lorsque, par construc-
tion, les biens et services fournis sont égaux à la demande effective de
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

biens et services. Il s’agit d’un équilibre ex post puisqu’il est observable


a posteriori, une fois que l’ensemble des échanges s’est produit.
L’équilibre macroéconomique ou équilibre ex ante, correspond à ce
que les agents souhaitent avant que des contraintes éventuelles (sous-
emploi, insuffisance de la demande effective) ne les conduisent à révi-
ser leurs plans.

L’équilibre macroéconomique repose donc sur les anticipations et la


coordination des agents économiques. Or, rien ne garantit que les sou-
haits des agents se réalisent. Par exemple, les entreprises peuvent produi-
re plus que ce que souhaitent les agents ; à l’inverse, elles peuvent
produire moins. Pour résumer, l’équilibre comptable – celui qui
constate les dépenses effectuées – peut ne pas coïncider avec l’équilibre

199
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M acroéconomie

macroéconomique – celui qui est souhaité initialement. D’où l’appari-


tion de déséquilibres qui ne permettent pas d’assurer le plein-emploi. On
parle alors d’un équilibre de sous-emploi.
Le modèle keynésien simplifié postule également que les prix et les
salaires sont rigides, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent pas s’ajuster de maniè-
re instantanée pour résorber toute situation de déséquilibre. C’est donc
par les volumes (de production et d’emploi), et non par les prix (des
biens et du travail), que l’ajustement va se produire.
Enfin, Keynes renverse la logique de détermination de l’équilibre
macroéconomique puisqu’il s’oppose vigoureusement à la loi de Say1
selon laquelle l’offre crée sa propre demande. Pour Keynes, c’est la
demande qui détermine l’offre.

2 L’équilibre de sous-emploi
L’équilibre de sous-emploi, également appelé l’équilibre keynésien, est
« une tentative de modélisation de l’intuition keynésienne » (Mankiw,
2010), selon laquelle la demande cause l’offre et détermine le niveau
d’emploi.
Le cadre keynésien correspond à un objectif d’analyse de court terme où
les prix et les salaires sont rigides et où l’aspect offre de l’économie est
totalement négligé. Il s’agit ici de l’analyse de l’équilibre du marché des
biens et services où l’ajustement se fait non pas par les prix mais par les
quantités. L’équilibre global2 – que nous définissons comme l’équilibre
sur le marché des biens et services alors qu’un déséquilibre sur le marché
du travail peut exister – se produit par la variation des quantités et non
par la variation des prix comme dans le modèle classique. L’équilibre de
sous-emploi est donc une situation typiquement keynésienne où un
déséquilibre sur le marché du travail – une situation de sous-emploi, où
l’offre de travail excédentaire – peut cohabiter avec un équilibre sur le

1 Du nom de l’économiste Jean-Baptiste Say.


2 À ne pas confondre avec l’équilibre général qui postule que l’ensemble des marchés de
l’économie sont équilibrés.

200
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Le modèle keynésien simplifié

marché des biens et services. L’équilibre de sous-emploi est donc une


situation provoquée par une insuffisance de la demande effective.

2.1 Le principe de la demande effective


La vision keynésienne du fonctionnement de l’économie est totalement
opposée à celle des économistes classiques. À la loi de Say, Keynes oppose
le principe de la demande effective. Pour Keynes, la causalité entre l’offre
et la demande est inversée puisque c’est, selon lui, la demande qui cause
l’offre. Keynes appelle demande effective « le montant du produit attendu
D au point de la courbe de demande globale où elle est coupée par celle de
l’offre globale » (Keynes, 1936). Cette définition fait apparaître deux nou-
veaux concepts qu’il va falloir définir : la demande globale et l’offre glo-
bale.
La demande globale – que nous notons D – est composée de la
demande de biens de consommation (C) et de la demande de biens
d’investissement (I). Ainsi :

7
D=C+I (1)

L’offre globale correspond au niveau de production (que nous notons


Y ), à la quantité de biens et services produite par les entreprises. Le
niveau de production s’obtient à partir de la fonction de production
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

définie dans le chapitre 5 :


Y = F(K ,N ) (2)

Comme nous sommes dans une analyse de court terme, nous considé-
rons le stock de capital comme donné. Ainsi : K = K . Dès lors, la fonc-
tion de production peut s’écrire :
 
Y = F K ,N ⇐⇒ Y = F(N ) (3)

Lorsque les entreprises décident de produire, elles anticipent que cette


production sera écoulée. Les entreprises n’ont donc aucun intérêt à pro-
duire plus que ce qu’on leur demande. En effet, une production

201
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M acroéconomie

supérieure à la demande ne serait pas vendue – les prix étant rigides1, ils
ne peuvent pas diminuer pour rendre plus attractif le « surplus » d’offre
– et viendrait alimenter les stocks de l’entreprise. Ceci n’est pas dans son
intérêt. L’entreprise ne va par conséquent produire que le montant stric-
tement demandé. On peut donc dire que les entreprises sont contraintes
sur leurs débouchés2.
Une fois ce niveau de production déterminé, et compte tenu de l’état de
la technologie – la fonction de production (ou la méthode de produc-
tion) – les entreprises vont déterminer un niveau d’emploi. Il s’agit de la
demande de travail – également appelée offre d’emploi – des entreprises.
Nous noterons cette demande de travail N d . La demande de travail des
entreprises découle de la fonction de production :
N d = F −1 (Y ) (4)
−1
où F (Y ) est la fonction réciproque de la fonction de production pour
un stock de capital donné (K = K ) .
Le principe de la demande effective peut donc être résumé de la maniè-
re suivante. C’est la demande qui détermine l’offre : la demande totale,
composée de la consommation finale, de l’investissement privé et des
dépenses publiques3, détermine le volume de l’offre, c’est-à-dire le volu-
me de production des entreprises. Ce même volume d’offre détermine,
via la fonction de production des entreprises, le volume d’emploi néces-
saire pour assurer la production.
L’équilibre sur le marché des biens et services est donc assuré lorsque :
Y =D (5)
Cependant, cet équilibre sur le marché des biens ne signifie pas que l’éco-
nomie soit dans une situation de plein-emploi. En effet, si le niveau de la
1 Pour rappel, les prix sont rigides lorsqu’ils diminuent ou augmentent peu ou pas à court

terme, même si la demande évolue.


2 Les entreprises ne peuvent pas produire autant qu’elles le souhaiteraient pour maximiser

leur profit. Elles ne doivent produire que ce qui leur est demandé.
3 Pour simplifier, on néglige ici les échanges extérieurs. C’est-à-dire que l’on se place dans

une économie fermée.

202
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Le modèle keynésien simplifié

demande est faible, l’offre s’adapte, en produisant moins de biens, et


l’équilibre entre l’offre et la demande de biens est à nouveau assuré. Mais,
en produisant moins – car la demande qui leur est adressée est plus faible
– les entreprises demandent moins de travail, c’est-à-dire moins de main-
d’œuvre, voire elles licencient. Donc le volume d’emploi demandé par les
entreprises se réduit. D’où l’apparition d’un chômage qualifié de keyné-
sien1 car dû à l’insuffisance de la demande. Cette situation de chômage
keynésien caractérise un équilibre de sous-emploi2. L’équilibre de sous-
emploi est donc une situation économique « où coexistent un équilibre
sur le marché des biens et services, des capacités de production inem-
ployées et un déséquilibre sur le marché du travail, avec une insuffisance
permanente du nombre d’emplois proposés au regard de la main-
d’œuvre disponible » (Bailly et al., 1999).

2.2 L’équilibre épargne-investissement


Lorsque Keynes écrit que la demande effective est « le montant du pro-
duit attendu D au point de la courbe de demande globale où elle est cou-

7
pée par celle de l’offre globale » (Keynes, 1936), cela signifie que :
Y =D (6)

Conformément à l’équation (1), nous savons que la demande globale


s’écrit :
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

D=C+I (7)

Nous savons également (cf. chapitre 3) que la production, Y , donne lieu


au versement de plusieurs revenus que sont les salaires, les dividendes et
intérêts, etc. De plus, nous savons que le revenu national (somme des
revenus distribués) se répartit entre d’un côté la consommation (C) et,
de l’autre, l’épargne (S) . Ainsi :
Y =C+S (8)

1 On peut également utiliser les termes de chômage involontaire ou conjoncturel.


2 Pour résorber ce chômage, et atteindre l’équilibre de plein-emploi, il faudrait, selon la
logique keynésienne, relancer la demande.

203
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M acroéconomie

Compte tenu des équations (7) et (8), l’équation (6) s’écrit :


C+S=C+I (9)

S=I (10)

L’équation (10) représente l’égalité entre l’épargne et l’investissement. Il


s’agit d’un équilibre macroéconomique1. Cette équation n’est, au final,
qu’une autre manière d’exprimer l’égalité entre offre et demande globales
(équation (6)). Nous pouvons mieux spécifier l’équation (10) sachant
que l’épargne est fonction du revenu (Y)2 et que, pour le moment,
l’investissement est exogène (I = I0 ) 3. Dès lors, l’équation (10) s’écrit :
S(Y ) = I0 (11)

Cette équation nous indique que l’égalité entre l’épargne et l’investisse-


ment ne peut s’effectuer qu’avec un ajustement du revenu Y . De cette
égalité va émerger le revenu d’équilibre, celui qui équilibre offre et
demande globales.

2.3 Le diagramme à 45 degrés


Samuelson (1948) est le premier à proposer une représentation gra-
phique des écrits de Keynes au sujet de l’équilibre de sous-emploi et
donc, par conséquent, une détermination graphique du revenu d’équi-
libre. Cette représentation graphique est connue sous le nom de dia-
gramme à 45 degrés. Il permet, sur un seul et même graphique, une
représentation de l’offre globale et de la demande globale.

1 En aucun cas, il ne s’agit d’un équilibre comptable.


2 Cf. chapitre 4.
3 Cette formulation a déjà été utilisée dans le chapitre 5. Pour mémoire, une fonction

d’investissement exogène n’a rien d’irréelle : pensez à une économie uniquement compo-
sée d’entreprises publiques et/ou nationalisées.

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Le modèle keynésien simplifié

■ Détermination graphique du revenu d’équilibre


Avant l’analyse du diagramme en lui-même nous devons spécifier cer-
tains points.
Le diagramme est composé :
 d’une abscisse sur laquelle figure le revenu national (Y ) qui est, par
définition, égal à la production des entreprises (c’est l’offre globale) ;
 d’une ordonnée sur laquelle figurent la fonction de consommation
(C) et la fonction d’investissement (I ) . Ces deux fonctions reflétant
les dépenses en biens, respectivement, de consommation et d’investis-
sement ; elles constituent la demande globale (D) .
Conformément aux développements précédents, ainsi qu’à ceux des cha-
pitres 4 et 5, nous utilisons :
 une fonction de consommation affine : C = cY + C0 1 ;
 une fonction d’investissement exogène (ou autonome) : I = I0 2.

7
La demande globale, D , s’écrit alors (équation (7)) :
D = cY + C0 + I0 (12)

La droite à 45 degrés (la bissectrice des axes) indique l’ensemble des


points correspondant à l’égalité entre offre et demande globale. Ainsi, le
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

long de cette droite, nous avons l’égalité suivante : Y = D. Soit, en rem-


plaçant D par son expression issue de (7) :
Y =C+I (13)

L’équation (13) est la condition d’équilibre entre offre (les quantités pro-
duites) et demande globale (les quantités désirées).
La courbe de demande globale est obtenue en additionnant verticalement
la droite liée à la fonction de consommation et celle liée à la fonction
d’investissement.

1 Se reporter au chapitre 4 pour les propriétés de cette fonction.


2 Se reporter au chapitre 5 pour les propriétés de cette fonction.

205
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M acroéconomie

Enfin, sur ce même graphique, nous pouvons faire apparaître la fonction


d’épargne S puisque, par définition :
S =Y −C (14)

S = Y − cY − C0 = (1 − c)Y − C0 (15)

Y=D

D=C+I
C, I
C = cY + C0
E

S = (1– c)Y – C0
E'
I = I0
45°
0 Y* Y

Figure 1 – Le diagramme à 45 degrés

La condition d’équilibre entre offre et demande globale (Y = D) est véri-


fiée au point E . En effet, à ce point, nous avons l’égalité entre les quanti-
tés offertes et les quantités désirées. Il s’agit du point assurant l’équilibre
sur le marché des biens et services. L’abscisse du point E correspond par
conséquent au revenu d’équilibre, qui assure l’équilibre entre offre et
demande globale ou qui assure l’équilibre sur le marché des biens et ser-
vices. Nous notons ce revenu d’équilibre Y ∗ .
D’autre part, nous pouvons également faire apparaître l’égalité entre
l’épargne et l’investissement (équation (11)). Cet équilibre macroécono-
mique est assuré au point E  . L’abscisse du point E  correspond au
revenu qui équilibre l’épargne et l’investissement. Nous remarquons que
les points E et E  ont la même abscisse : Y ∗ , le revenu d’équilibre. Il n’y

206
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Le modèle keynésien simplifié

a rien de choquant à cela1. Au point E  , l’équilibre entre l’épargne et


l’investissement est assuré (équation (11)). Or, nous savons que l’équi-
libre sur le marché des biens et services est assuré lorsque l’offre (Y) est
égale à la demande (D), cette dernière étant composée de la consomma-
tion (C) et de l’investissement (I). Donc : Y = C + I . Nous retrouvons ici
l’équation (13). De plus, nous savons que la production (Y ) procure des
revenus (salaires, etc.), elle est par conséquent égale au revenu national.
Ce dernier est partagé entre la consommation (C) et l’épargne (S) . Dès
lors : Y = C + S . Nous retrouvons l’équation (8). La réunion des équa-
tions (8) et (13) aboutit à : S = I , soit l’équation (11).
L’équilibre sur le marché des biens et services caractérise également l’éga-
lité entre l’épargne et l’investissement2.
Enfin, si le point E (le point E  ) assure l’équilibre sur le marché des biens
et services (l’égalité entre l’épargne et l’investissement), rien n’indique
qu’il soit un équilibre de plein-emploi, c’est-à-dire un équilibre qui per-
mettrait d’embaucher toute la population active disponible. Si tel n’est

7
pas le cas, nous sommes dans une situation de sous-emploi, due à une
insuffisance de la demande. On qualifie cette situation de sous-emploi de
situation de chômage dit keynésien3.

■ Détermination analytique du revenu d’équilibre


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Nous pouvons, à présent, déterminer analytiquement le revenu d’équi-


libre. Pour cela, nous repartons de l’équation (13) qui assure l’équilibre
entre offre et demande globales :
Y =C+I (16)

En remplaçant les fonctions de consommation (C) et d’investissement


(I ) par leurs expressions respectives, nous obtenons :

1 Au contraire, c’est même préférable sinon cela signifierait que le diagramme est faux.
2 Ce résultat constitue, à quelques nuances près, la définition de la courbe IS que nous étu-
dierons lors du chapitre 9.
3 Usuellement, on oppose la situation de chômage keynésien (insuffisance de la demande

de biens et services) au chômage classique dû à l’insuffisance de l’offre de biens et services.

207
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M acroéconomie

Y = cY + C0 + I0 (17)

Dès lors, le revenu d’équilibre, que nous notons Y ∗ , s’écrit :


1
Y∗ = [C0 + I0 ] (18)
1−c

Conformément à l’approche graphique, nous pouvons également déter-


miner le revenu d’équilibre à partir de l’égalité entre l’épargne et l’inves-
tissement (équation (11)). En effet, compte tenu des équations des fonc-
tions :
 d’épargne : S = (1 − c)Y − C0 ;
 d’investissement : I = I0.
Nous pouvons, afin de déterminer le revenu d’équilibre, réécrire l’équa-
tion (11) de la façon suivante :
S=I (19)

(1 − c)Y − C0 = I0 (20)

D’où :
1
Y∗ = [C0 + I0 ] (21)
1−c

Nous retrouvons l’expression de l’équation (18).

2.4 Le multiplicateur keynésien élémentaire

■ Définition
Le principe du multiplicateur que nous étudions ici est appelé multipli-
cateur d’investissement car il repose sur le lien qui existe, via la relation
d’équilibre (équation (18)) entre le revenu et l’investissement. L’objectif
de ce multiplicateur va être d’étudier les effets d’une variation de l’inves-
tissement autonome sur le revenu d’équilibre. Grâce au jeu du multipli-
cateur, nous allons montrer qu’une impulsion initiale de l’investissement

208
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Le modèle keynésien simplifié

autonome entraîne une variation plus que proportionnelle du revenu ; la


variation du revenu se faisant par vagues successives et décroissantes
comme nous le démontrerons.

■ Approche graphique
Supposons que l’investissement augmente, passant de I0 à I0 + I0 . I0
correspondant au supplément d’investissement. Quelle est la conséquen-
ce d’une telle augmentation dans le diagramme à 45 degrés ?
Par rapport à la section 2.3, les équations des fonctions de consommation
et d’épargne restent identiques ; seule l’équation de la fonction d’inves-
tissement est modifiée puisqu’elle s’écrit désormais :
I = I0 + I0 (22)

Y=D
E1
C, I D = C + I + ∆I0

E
D=C+I 7
C = cY + C0
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

S = (1– c)Y – C0
I = I0 + ∆I0
∆I0 > 0 E' E'1
45° I = I0
0
Y* Y* Y
1

Figure 2 – Le diagramme à 45 degrés suite à une augmentation


de l’investissement autonome

209
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M acroéconomie

Nous avons superposé le diagramme à 45 degrés avant l’augmentation de


l’investissement avec celui tenant compte de cette augmentation. Les
droites en pointillés correspondent aux nouvelles droites représentant les
fonctions d’investissement et de demande globale suite à l’augmentation
de l’investissement autonome.
La droite horizontale représentant la fonction d’investissement se dépla-
ce vers le haut suite à l’augmentation de l’investissement autonome
(pour un montant de I0). Par conséquent, la demande globale, qui est
la somme de la consommation et de l’investissement est également
rehaussée vers le haut pour un montant égal à I0. L’intersection de la
droite de demande globale avec la première bissectrice se produit au
point E 1 . L’abscisse de ce point est égale à Y1∗ . Il s’agit du nouveau reve-
nu d’équilibre de l’économie. Par comparaison avec l’ancien point
d’équilibre, celui avant l’augmentation de l’investissement, représenté
par Y ∗ , nous voyons que le nouveau revenu d’équilibre Y1∗ est plus élevé
que l’ancien puisqu’il se trouve sur sa droite.
L’étude de l’égalité entre l’épargne et l’investissement aboutit au même
résultat. La fonction d’épargne n’a subi aucune modification mais la
fonction d’investissement s’est déplacée vers le haut. Le nouveau point
d’intersection entre la fonction d’épargne et la fonction d’investissement
se produit au point E 1 . L’abscisse de ce point est le point Y1∗ .

■ Approche analytique
Pour comprendre le raisonnement économique qui sous-tend le princi-
pe du multiplicateur, nous avons recours à une vision dynamique de ce
dernier. Pour comprendre la dynamique du multiplicateur et donc les
explications économiques, il est très important d’avoir en tête que la
demande globale se compose de la consommation et de l’investissement
(équation (7)). Lorsque l’investissement augmente d’un montant de I0,
il provoque une augmentation du revenu de Y. Ainsi :
I0 = Y (23)
Or, cette augmentation de revenu provoque à son tour une augmenta-
tion de la consommation de C. Sachant que C = cY + C0 , l’accroisse-
ment de revenu provoque un accroissement de la consommation :

210
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Le modèle keynésien simplifié

C = cY (24)

L’équation (24) peut se réécrire C = cI0 puisque I0 = Y (équa-


tion (23)).
Ce supplément de consommation provoque un supplément de produc-
tion (l’offre doit répondre au supplément de demande), donc de revenu
(la production a augmenté donc les revenus distribués ont augmenté).
Ce supplément de revenu provoque à nouveau un supplément de
consommation égal à :
c(cY ) = c2 Y = c2 I0 (25)

À nouveau ce supplément de consommation provoque une nouvelle


augmentation de la production, donc du revenu, etc. Et ainsi de suite. On
peut alors parler, pour reprendre l’expression de Mankiw (2010), d’une
boucle « consommation-revenu-consommation ».
Comme 0 < c < 1 , le supplément de revenu a tendance à décroître au fil
du temps. Nous voyons parfaitement, par exemple, que c2 I0 < cI0 .
On voit donc que le supplément de revenu que l’on obtient à chaque fois
décroît au fil du temps pour atteindre 0 en fin de parcours. Lorsque ce
supplément de revenu est égal à 0, l’effet multiplicateur ne joue plus.
7
Au final, on peut écrire le supplément de revenu comme la somme suc-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

cessive de ses variations :


Y = I0 + cI0 + c2 I0 + c3 I0 + . . . + cn I0 (26)

En multipliant par c de chaque côté l’expression (26), nous obtenons :


cY = cI0 + c2 I0 + c3 I0 + c4 I0 + . . . + cn+1 I0 (27)

Enfin, en retranchant l’équation (26) à l’équation (27), nous aboutissons


à1 :
Y − cY = I0 − cn+1 I0 (28)

1En cas de difficultés avec cette méthodologie, je ne peux que conseiller la note de bas de
page 2, p. 375, de l’ouvrage de Mankiw (2010) qui est aussi pédagogique que ludique.

211
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M acroéconomie

Lorsque n −→ ∞ , c −→ 0 . Dès lors, l’équation (28) s’écrit :


Y − cY = I0 (29)

Soit :
1
Y = I0 (30)
1−c

Y = kI0 (31)
1
avec k = .
1−c
k est appelé le multiplicateur d’investissement. Il est également appelé le
multiplicateur keynésien élémentaire. L’équation (30) montre qu’un
accroissement de l’investissement autonome provoque une augmenta-
tion plus que proportionnelle du revenu d’équilibre car 0 < c < 1 .
L’effet multiplicateur sera d’autant plus élevé que la propension margi-
nale à consommer (c) est élevée.

3 L’État et le rôle de la politique


budgétaire
Le modèle keynésien simplifié ne faisait pas, jusqu’à présent, intervenir
l’État, d’où l’absence d’impôts et de dépenses publiques. Toutefois, nous
allons à présent introduire l’État dans notre raisonnement et dans la
modélisation et ce, notamment, afin de démontrer l’influence de l’État
sur l’activité économique1.

3.1 L’équilibre macroéconomique avec l’État


Introduire l’État dans le modèle keynésien simplifié peut s’effectuer sans
réelles difficultés, ni même modifier profondément les caractéristiques de
l’équilibre sur le marché des biens et services.

1 Cette influence, ainsi que les instruments, ont été évoqués lors du chapitre 6.

212
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Le modèle keynésien simplifié

Pour déterminer le revenu d’équilibre (le revenu qui équilibre le marché


des biens et services), en introduisant l’État, nous devons faire appel aux
fonctions d’impositions et de dépenses publiques étudiées lors du cha-
pitre 6. Supposons que les impôts prélevés par l’État sont exogènes, i.e.
T = T . Ainsi, le revenu disponible des ménages pour consommer est égal
à Y − T . Dès lors, la fonction de consommation s’écrit :
 
C = c Y − T + C0 (32)

Les dépenses publiques sont exogènes. Ce qui implique :


G=G (33)

Nous supposerons, comme depuis le début de l’ouvrage, que nous


sommes dans une économie fermée (absence d’importations et d’expor-
tations). L’équilibre sur le marché des biens et services s’écrit alors :
Y =C+I +G (34)

7
Compte tenu des notations adoptées précédemment, l’équation (34)
peut se réécrire comme :
 
Y = c Y − T + C 0 + I0 + G (35)
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

À partir de cette équation, nous pouvons définir le revenu d’équilibre,


c’est-à-dire celui qui assure l’égalité entre l’épargne et l’investissement,
comme :
1  
Y∗ = −cT + C0 + I0 + G (36)
1−c
Grâce à cette équation, nous pouvons calculer trois multiplicateurs : le
multiplicateur de dépenses publiques1, le multiplicateur fiscal, le multi-
plicateur de budget équilibré.
Le principe de ces différents multiplicateurs repose sur l’impulsion que
transmet l’État, via les impôts ou les dépenses publiques, à l’économie.

1 Appelé également multiplicateur budgétaire.

213
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M acroéconomie

Plus exactement, le principe du multiplicateur mesure l’effet d’une varia-


tion des dépenses publiques et/ou des impôts sur le revenu de l’écono-
mie. Au final, cet effet multiplicateur est donc la conséquence que va
avoir une modification des impôts ou des dépenses publiques sur l’acti-
vité économique. D’un point de vue mathématique, calculer un multi-
plicateur va revenir à calculer une dérivée partielle.
En effet, le principe du multiplicateur répond à la question suivante : de
combien varie le PIB lorsque l’État fait varier ses dépenses publiques (ou
ses impôts), les autres variables exogènes restants constantes ?

3.2 Le multiplicateur de dépenses publiques


Dans cette situation, l’État décide d’une variation de ses dépenses
publiques à fiscalité constante : G = / 0 et T =/ 0 . Cette variation peut
être positive (augmentation des dépenses publiques : G > 0 ) ou néga-
tive (diminution des dépenses publiques : G < 0 ). Pour la suite, nous
supposerons que l’État décide d’augmenter ses dépenses publiques :
G > 0 . Il s’agit dans ce cas d’une politique budgétaire expansionniste1.
Quel est l’impact d’une augmentation des dépenses publiques, G > 0 ,
sur le revenu d’équilibre (Y ∗ ) ? Pour répondre à cette question, regardons
l’impact de cette variation sur le revenu d’équilibre. Pour cela, nous
repartons de l’expression d’équilibre sur le marché des biens et services
(équation (36)).
Si les dépenses publiques varient de G , la demande globale varie de
Y ∗ , puisque les dépenses publiques sont une des composantes de la
demande globale. Suite à l’augmentation de la demande globale, pour
éviter un déséquilibre sur le marché des biens et services, l’offre s’ajuste
et augmente, à son tour, de Y ∗ . L’augmentation de l’offre entraîne ainsi
une augmentation du revenu d’équilibre égale à Y ∗ . Dès lors, la condi-
tion d’équilibre sur le marché des biens et services s’écrit :
1  
Y ∗ + Y ∗ = −cT + C0 + I0 + G + G (37)
1−c

1L’augmentation des dépenses publiques crée ou augmente le déficit public. Ce dernier


devra donc être financé par l’emprunt (cf. chapitre 5).

214
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Le modèle keynésien simplifié

En réarrangeant les termes de l’équation (37) et compte tenu de l’équa-


tion (36), nous obtenons :
1
Y∗ = G (38)
1−c

L’équation (38) nous montre qu’une augmentation de G des dépenses


1
publiques provoque une augmentation Y ∗ du revenu égale à . Or,
1−c
1
nous savons que 0 < c < 1 . Dès lors, puisque, par définition, > 1,
1−c
une augmentation des dépenses publiques provoque une augmentation plus
que proportionnelle du revenu. L’équation (38) peut également s’écrire :
Y ∗ 1
= (39)
G 1−c

1
est donc l’expression du multiplicateur. Nous notons kG ce multi-
1−c
plicateur de dépenses publiques. Ainsi :

kG =
1
=
Y ∗
(40)
7
1−c G
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Nous voyons que ce multiplicateur de dépenses publiques est identique


au multiplicateur d’investissement élémentaire. La variation du revenu
est du même signe que celle des dépenses publiques. L’augmentation des
dépenses publiques provoque ainsi une augmentation (plus que propor-
tionnelle) du revenu de l’économie.
La logique économique de ce multiplicateur étant identique à celle du
multiplicateur élémentaire nous ne la reprenons pas à nouveau.
Nous pouvions également aboutir à un résultat identique en calculant la
dérivée partielle de Y ∗ par rapport à G . Partant de l’équation (36), la
dérivée partielle s’écrit :
Y ∗ 1
= (41)
G 1−c

215
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M acroéconomie

3.3 Le multiplicateur fiscal


Ici, l’État décide d’agir sur les impôts qu’il prélève à dépenses publiques
constantes1 : T = / 0 et G = 0 . Cette variation peut être positive
(augmentation des impôts : T > 0 ) ou négative (diminution des
impôts : T < 0 ). Pour la suite, nous supposerons que l’État décide de
diminuer les impôts qu’il prélève : T < 0 . Il s’agit dans ce cas d’une
politique fiscale expansionniste2.
Quel est l’impact d’une diminution des impôts, T < 0 , sur le revenu
d’équilibre (Y ∗ ) ? Pour répondre à cette question, nous repartons de
l’équation (36) et nous calculons le multiplicateur fiscal, noté k T , en déri-
vant Y ∗ par rapport à T :
Y ∗ −c
= kT = (42)
T 1−c

La variation de revenu est ici de sens opposé à celle des impôts. Toute
diminution des impôts provoque une augmentation du revenu alors
qu’une augmentation des impôts entraîne une diminution du revenu.
Nous pouvons réécrire le multiplicateur k T comme :
Y ∗ Y ∗
kT = = −c = −ck G (43)
T G
Comme 0 < c < 1 , le multiplicateur fiscal est plus faible que le multipli-
cateur de dépenses publiques. En effet, en valeur absolue, le multiplica-
teur fiscal s’écrit :
 
 Y ∗ 
 = c < Y = 1

 (44)
 T  1 − c G 1−c

1 Les impôts sont considérés ici comme exogènes. Dès lors, il faut bien comprendre que,
dans ce cas, l’État n’agit pas sur le taux d’imposition marginal des impôts t, mais sur le
montant d’impôts qu’il instaure.
2 La diminution des recettes de l’État peut, là aussi, créer ou aggraver le déficit public. Ce

dernier devra à nouveau être financé par l’emprunt (cf. chapitre 5).

216
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Le modèle keynésien simplifié

La politique fiscale expansionniste est donc moins efficace que la poli-


tique budgétaire expansionniste. Pourquoi ? Une baisse des impôts,
T < 0 , entraîne tout d’abord une augmentation du revenu disponible
(égale à −T ). Si le revenu disponible augmente, la consommation va à
son tour augmenter (dans une proportion égale à −cT ) mais égale-
ment l’épargne. Cette dernière n’alimente pas la demande, elle représen-
te donc une fuite du circuit économique. Puis, dans un second temps,
l’augmentation de la consommation va, à son tour, augmenter la deman-
de. La baisse des impôts, que nous pouvons appeler le « cadeau » fiscal
que fait l’État, a donc deux effets : un effet direct et un effet indirect.
L’effet direct est le supplément de revenu disponible pour consommer.
L’effet indirect correspond au supplément de demande induit par l’aug-
mentation de la consommation. Dans le cas du multiplicateur de
dépenses publiques l’effet direct concerne la demande puisque la varia-
tion de cette dernière est égale à la variation des dépenses publiques (soit
G ). Avec le multiplicateur fiscal, l’effet direct concerne l’augmentation
du revenu, donc de la consommation (et de l’épargne par définition !).
L’effet indirect est celui de l’augmentation de la consommation sur la
demande. Comme une partie du revenu supplémentaire est épargnée,
elle ne participe pas à l’accroissement de la demande. L’épargne est donc
une fuite en dehors du circuit qui vient amoindrir l’effet multiplicateur.
7
3.4 Le multiplicateur de budget équilibré
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Ici, l’État souhaite effectuer une politique de relance tout en gardant un


budget équilibré. L’État va donc financer l’augmentation des dépenses
publiques par une augmentation strictement proportionnelle de ses
impôts1. Si l’État raisonne à budget équilibré alors G = T . Ainsi, la
variation de revenu obtenue, Y ∗ , est égale à la somme de la variation du
revenu obtenue suite à l’augmentation des dépenses publiques – équa-
tion (41) – et de la variation du revenu obtenue suite à l’augmentation
des impôts – équation (42). Dès lors, nous pouvons écrire le multiplica-
teur à budget équilibré de la façon suivante :

1 Dit d’une manière « plus directe », en effectuant une relance à budget équilibré, l’État
reprend d’une main une partie de ce qu’il donne de l’autre.

217
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M acroéconomie

Y ∗ = k G G + k T T (45)
En remplaçant kG G et k T T par leurs expressions respectives et
sachant que G = T , nous obtenons :
1 −c
Y ∗ = G + G (46)
1−c 1−c
1−c
Y ∗ = G (47)
1−c
Y ∗ = G (48)

Nous pouvons réécrire l’équation (48) comme :

Y ∗
= k G=T = 1 (49)
G

Nous voyons que le multiplicateur est égal à 1. C’est ce que nous appe-
lons le théorème d’Haavelmo1. Cela ne signifie pas que l’effet multiplica-
teur ne fonctionne pas. Au contraire puisque si tel était le cas, le multi-
plicateur serait égal à 0. Le théorème d’Haavelmo nous indique simple-
ment que l’effet multiplicateur (l’effet de la relance à budget équilibré) est
relatif puisque le supplément de revenu obtenu est strictement égal au
supplément de dépenses publiques injecté dans l’économie.

3.5 Les freins à l’effet multiplicateur


Dans le modèle keynésien simplifié, l’effet multiplicateur peut être atté-
nué pour deux raisons (qui ne sont pas incompatibles par ailleurs) : une
imposition endogène et l’ouverture de l’économie.

1 Le théorème d’Haavelmo porte le nom de celui qui l’a énoncé : Trygve Haavelmo dans un

article de recherche publié en 1945. Trygve Haavelmo a obtenu le prix Nobel d’économie
en 1989.

218
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Le modèle keynésien simplifié

■ Les multiplicateurs keynésiens avec imposition endogène


En réalité, les impôts sont fonction du revenu. Afin d’en tenir compte,
nous pouvons écrire la fonction d’imposition comme : T = tY + T0 1. La
fonction de consommation s’écrit désormais comme :

C = c(T − tY − T0 ) + C0 (50)

Le nouveau revenu d’équilibre est égal à :


1  
Y∗ = −cT0 + C0 + I0 + G (51)
1 − c(1 − t)

Le multiplicateur d’investissement s’écrit alors :


Y ∗ 1
= =k (52)
I0 1 − c(1 − t)

Nous voyons que ce multiplicateur est plus faible que celui de la sec-
tion 2.4 – équation (30) – du fait de la présence du terme ct au dénomi-

7
nateur. Dès lors que l’imposition est endogène, une partie de l’effet de
relance est « captée » par les impôts. Il s’agit donc en quelque sorte d’une
fuite puisque la part du supplément de revenu qui est taxée, i.e. t puisque
T = tY , ne participe pas à la dynamique de relance, à la dynamique
du multiplicateur. Au contraire, il s’en échappe, d’où le terme de fuite.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Calculons à présent :
 le multiplicateur de dépenses publiques :
Y ∗ 1
= (53)
G 1 − c(1 − t)

 le multiplicateur fiscal :
Y ∗ −c
= (54)
T0 1 − c(1 − t)

1 Se reporter au chapitre 6 pour les propriétés de cette fonction.

219
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M acroéconomie

Une fonction d’imposition endogène vient réduire l’efficacité du multi-


plicateur (quel qu’il soit). Ceci s’explique par le fait que le supplément de
revenu Y provoque un supplément d’impôts T (égal à t puisque
T = tY ). Or ce supplément d’impôts « sort » du circuit économique
puisqu’il ne vient pas alimenter la demande. L’impôt est donc en quelque
sorte une fuite qui vient amoindrir l’effet multiplicateur.
De plus, nous observons que le multiplicateur des dépenses publiques est
plus élevé que le multiplicateur fiscal. Comment l’expliquer ? Le multi-
plicateur fiscal est plus faible que le multiplicateur de dépenses publiques
car, lorsque l’État décide de faire varier ses impôts, l’effet sur la demande
est indirect contrairement à la variation des dépenses publiques où l’effet
est direct. Lorsque l’État fait varier ses impôts, l’effet direct concerne le
revenu disponible des ménages, et non la demande, puis, dans un second
temps, la demande via la consommation. Or, une partie de ce supplé-
ment de revenu, via la baisse des impôts, est épargnée et l’épargne est une
fuite qui ne vient pas participer à la dynamique de la demande.
■ L’ouverture de l’économie
Supposons à présent que l’économie étudiée s’ouvre au reste du monde :
qu’elle importe et exporte des biens. Par souci de simplification, car ce
n’est pas l’objet ni du chapitre, ni du livre, nous considérerons les expor-
tations, que nous notons X , comme exogènes – X = X ou, de manière
équivalente, X = X 0 – et nous supposerons que les importations, que
nous notons M , sont fonctions du revenu domestique : M = mY . Nous
supposerons que les impôts sont exogènes : T = T
Compte tenu de ces notations, l’équilibre sur le marché des biens et ser-
vices s’écrit :
Y +M =C+I +G+X (55)

Soit :
Y + mY = c(Y − T ) + C0 + I0 + G + X 0 (56)

Le nouveau revenu d’équilibre est égal à :


1  
Y∗ = −cT + C0 + I0 + G + X 0 (57)
1−c+m

220
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Le modèle keynésien simplifié

Le multiplicateur d’investissement s’écrit alors :


Y ∗ 1
= (58)
I0 1−c+m

L’effet multiplicateur est amoindri par rapport au multiplicateur d’inves-


tissement élémentaire du fait de l’ouverture de l’économie. La présence
de m au dénominateur du multiplicateur affaiblit sa valeur. Les importa-
tions constituent une fuite vers l’extérieur puisqu’une part de la relance,
égale à m puisque M = mY , ne va pas alimenter la demande intérieu-
re mais la demande extérieure puisqu’elle « part » vers le reste du monde.
Si, pour être encore plus proche de la réalité, nous supposons désormais
que les impôts sont endogènes, i.e. T = tY , nous voyons que le revenu
d’équilibre s’écrit :
1
Y∗ = [C0 + I0 + G + X 0 ] (59)
1 − c(1 − t) + m

Le multiplicateur d’investissement s’écrit alors :


Y ∗
I0
=
1
1 − c(1 − t) + m
(60) 7
Ce multiplicateur est d’autant plus faible par rapport au précédent qu’il
y a une forte propension marginale à importer (m élevé) et une propen-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

sion marginale d’imposition (t) élevée. Ainsi, une imposition endogène,


i.e. fonction du revenu, et l’ouverture de l’économie viennent diminuer
l’effet multiplicateur puisqu’ils constituent des fuites du circuit écono-
mique qui n’alimentent pas la demande.

221
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8 La monnaie

Mots-clés
Monnaie fiduciaire, monnaie scripturale, agrégats monétaires, masse
monétaire, base monétaire, théorie quantitative de la monnaie,
demande de monnaie, motif de transaction, motif de précaution,
motif de spéculation, offre de monnaie.

1 Introduction
Jusqu’à présent, nous avons étudié la sphère réelle de l’économie. Il nous
faut, à présent, analyser la sphère monétaire. Tout au long de ce chapitre,
nous essaierons de répondre à deux questions fondamentales : qu’est-ce
que la monnaie et quel rôle joue-t-elle dans le fonctionnement d’une éco-
nomie ?
La monnaie est définie comme l’ensemble des moyens de paiement
immédiatement utilisable et accepté par la communauté pour le règle-
ment des échanges. Depuis toujours, la monnaie, quelle que fut sa forme
(coquillage, métaux précieux, billets, pièces, etc.) est un actif qui présen-
te deux caractéristiques particulières : son absence de rendement et sa
liquidité. Par exemple, détenir un billet de 10 € ne rapporte aucun inté-
rêt (absence de rendement) et permet de régler l’ensemble des transac-
tions pour un montant inférieur ou égal à 10 € (liquidité).

222
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La monnaie

La monnaie constitue donc un actif particulier puisqu’il est recherché


non pas pour son rendement mais pour faciliter les échanges entre les
individus. Dans une économie de troc, les échanges ne peuvent s’effec-
tuer que s’il existe une double coïncidence des besoins des individus : il
faut trouver un partenaire qui désire le bien que l’on détient et qui pos-
sède le bien que l’on souhaite. Dans le cas contraire, l’échange ne se pro-
duit pas, sauf à trouver des intermédiaires qui ne font qu’alourdir le pro-
cessus d’échange. Dans tous les cas, les coûts de transaction (recherche
d’un partenaire ou d’un intermédiaire) sont élevés. La monnaie facilite
ainsi l’échange puisque, dans une économie monétaire, la double coïnci-
dence des besoins n’est plus nécessaire. La monnaie permet d’acheter le
bien que l’on désire à son partenaire ; ce dernier pouvant réutiliser la
monnaie pour acquérir le bien qu’il souhaite.
Au-delà de la définition de la monnaie, c’est surtout son rôle dans le
fonctionnement de l’économie qui interroge, depuis de nombreuses
années, les économistes. De nombreux courants de pensées ont dévelop-
pé des théories sur la monnaie : les économistes autrichiens, les monéta-
ristes, les keynésiens, les néo-keynésiens, les post-keynésiens, les écono-
mistes wickselliens, etc. Pour « schématiser » sans être trop réducteur, on
peut donc opposer sur le rôle de la monnaie les économistes classiques et

8
les économistes keynésiens. Les premiers défendent l’idée de la neutrali-
té de la monnaie, et considèrent que la monnaie n’est qu’un « voile », un
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

simple intermédiaire des échanges et n’affecte en rien l’équilibre macroé-


conomique. Pour les économistes keynésiens, la monnaie n’est pas un
actif comme les autres. Au contraire, la monnaie peut être demandée
pour elle-même, elle peut être détenue pour d’autres motifs que les tran-
sactions et va par conséquent affecter le fonctionnement de l’économie.

2 Fonctions et formes de la monnaie

2.1 Les fonctions de la monnaie


La monnaie doit remplir trois fonctions.

223
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M acroéconomie

■ Unité de compte
La monnaie est une unité de mesure de la valeur.
Dans une économie de troc, la valeur des biens se mesure à l’aide des prix
relatifs : on exprime chaque bien en fonction des autres biens. Prenons
l’exemple d’une économie composée de trois biens : tomates, pain et
ordinateurs. Dans une telle économie, les prix relatifs correspondent au
prix des tomates en terme de pain ; au prix des tomates en terme d’ordi-
nateurs ; au prix du pain en terme d’ordinateurs. Il y a donc trois prix
relatifs. Si nous avions étudié une économie avec quatre biens, nous
aurions obtenu six prix relatifs, etc. Le nombre de prix relatifs se calcu-
lant selon la formule n(n − 1)/2 , avec n le nombre de biens, on voit donc
que plus il y a de biens dans l’économie, plus il y a de prix relatifs1. On
voit dès lors l’utilité d’obtenir un dénominateur commun qu’est la mon-
naie. Avec la monnaie, on peut exprimer les prix des biens avec une unité
commune (par exemple en euro, en dollar, etc.)2. Dans notre exemple
précédent, avec trois biens, la monnaie permet d’établir trois prix3
puisque chacun de ces biens est exprimé par rapport à l’unité commune
(l’euro par exemple). La monnaie permet de réduire les coûts de transac-
tion liés au calcul et à l’affichage des prix relatifs.
La monnaie constitue donc un numéraire, une valeur de référence dans
laquelle peut être exprimé l’ensemble des prix des biens d’une économie.

■ Intermédiaire des échanges


La monnaie est un intermédiaire des échanges.
Nous avons quelque peu déjà évoqué cette fonction, sans le dire, dans
l’introduction du chapitre. La monnaie permet de simplifier les échanges
par rapport à une économie de troc qui nécessite la double coïncidence

1 Imaginons une économie avec 100 biens. Nous obtenons 4950 prix relatifs !
2 Dans les sociétés primitives, il n’était pas rare qu’une marchandise joue le rôle de mon-
naie. Par exemple, chez les Aztèques, les fèves de cacao jouaient le rôle de monnaie. Tous
les prix étaient exprimés en fève de cacao. Par exemple, un lapin coûtait 30 fèves de cacao.
3 Dans une économie avec 100 biens, nous obtiendrions 100 prix.

224
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La monnaie

des besoins. La monnaie va permettre le règlement de toutes transac-


tions, quelles qu’elles soient, à partir du moment où elle est acceptée par
les individus de la communauté. Pour cela, la puissance publique instau-
re ce que l’on appelle le cours légal de la monnaie : tout individu se doit
d’accepter la monnaie comme moyen de paiement.
Pour remplir cette fonction d’intermédiaire des échanges, la monnaie
doit réunir plusieurs qualités (Mishkin, 2007) :
 être standardisée (pour évaluer facilement sa valeur) ;
 avoir cours légal ;
 être divisible (pour rendre la monnaie) ;
 être facilement transportable ;
 être durable.

■ Réserve de valeur
La monnaie est une réserve de valeur.
La monnaie permet de transférer de la richesse dans le temps. Détenir de
la monnaie permet de différer son utilisation dans le temps, de transférer

8
du pouvoir d’achat dans le futur. La monnaie permet par conséquent de
conserver de la valeur. Point important, pour que cette fonction de réser-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

ve de valeur remplisse parfaitement son rôle, la monnaie ne doit pas


perdre de sa valeur.
Autrement dit, la valeur réelle de la monnaie, que l’on peut également
dénommer le pouvoir d’achat de la monnaie, ne doit pas se dégrader
dans le temps. Pour illustrer ceci, prenons l’exemple d’un individu déte-
nant un billet dont la valeur nominale est de 100 €. Le prix de ce billet
est par définition constant : la valeur nominale du billet sera la même
aujourd’hui comme dans un an1. Ce qui peut évoluer est la valeur réelle
(le pouvoir d’achat) de ces 100 €, c’est-à-dire la quantité de biens qu’ils

1 Un billet de 100 € aujourd’hui correspondra toujours à un billet de 100 € dans un an.

225
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M acroéconomie

permettent à l’individu d’acquérir. Si les prix des biens augmentent


(l’indice des prix progresse, il y a de l’inflation), la valeur réelle de ces
100 € diminue puisque l’individu pourra acheter moins de biens. L’indi-
vidu perd du pouvoir d’achat en transférant ce dernier dans le temps. Et
inversement si le prix des biens diminue.
Pour conclure, la fonction de réserve de valeur de la monnaie a une por-
tée très limitée en période d’inflation, et plus particulièrement d’hyper-
inflation. Dans ce cas, les individus ne sont plus incités à détenir de la
monnaie1.

2.2 Les formes de la monnaie


Il existe, principalement, trois formes de monnaie2.

■ La monnaie métallique

La monnaie métallique est la monnaie constituée à partir de métal


quelle que soit sa nature : or, argent, cuivre, etc. La valeur de cette
monnaie repose sur le poids de métal qu’elle contient.

C’est la forme la plus ancienne de monnaie puisque des traces de mon-


naies métalliques sont retrouvées en Mésopotamie ou dans l’Égypte pha-
raonique. Dans l’ère moderne, ce type de monnaie a été utilisé jusqu’au
début du XXe siècle (on date de la Première Guerre mondiale la fin de
l’utilisation de la monnaie métallique). De nos jours, ce type de monnaie
n’est plus utilisé dans les échanges marchands. Elle conserve toutefois
une valeur en fonction du poids du métal qu’elle contient. Elle fait donc
plus référence à la numismatique qu’à la théorie monétaire. Il peut éga-
lement arriver que ce type de monnaie soit encore fabriqué occasionnel-
lement pour un événement ou autre.
1 Pensez à l’épisode d’hyperinflation vécue par l’Allemagne dans les années 1920 (cf. cha-
pitre 2).
2 Nous omettons exprès la monnaie marchandise car il s’agit d’une monnaie utilisée par les

sociétés primitives, avant l’ère moderne. Cette monnaie reposait sur l’utilisation, par
exemple, de fèves de cacao, de coquillages, etc. Se reporter, par exemple, à Bailly et al.
(2000) pour une étude détaillée.

226
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La monnaie

■ La monnaie fiduciaire

La monnaie fiduciaire tient son nom du latin fiducia qui signifie la


confiance. La monnaie fiduciaire est donc celle dont la valeur repose
sur la confiance que lui portent les individus l’utilisant. Ce type de
monnaie prend, essentiellement, la forme de billets de banque mais
aussi des pièces de monnaie (1 €, 2 €, etc.).

Ces dernières ne doivent en aucun cas être confondues avec les pièces
métalliques1. Jusqu’à la disparition des pièces métalliques, les billets de
banque étaient en fait des promesses qui pouvaient être converties en
monnaie métallique.
L’émission de la monnaie fiduciaire revient à une entité publique et
unique (l’État auparavant ; la Banque centrale de nos jours). Pour que les
individus accordent une confiance à la monnaie fiduciaire et l’utilisent,
l’État doit instaurer ce que l’on appelle le cours légal, c’est-à-dire l’obli-
gation pour les individus d’accepter la monnaie fiduciaire pour le règle-
ment de leurs transactions. En l’absence de cours légal, les individus sont
libres d’accepter ou non cette monnaie comme moyen de règlement mais
ces billets ne donnent aucune garantie. Nous parlons alors de cours libre.

8
Enfin, il y a une situation où l’État impose le cours forcé de la monnaie : la
suspension temporaire ou définitive de la convertibilité des billets en pièces
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

métalliques. Le cours forcé était surtout caractéristique de la situation,


troublée d’un point de vue monétaire, du XIXe siècle et du début du
XXe siècle (jusque dans les années 1930).

■ La monnaie scripturale

La monnaie scripturale repose sur l’écriture (le script). Elle est compo-
sée des comptes bancaires courants.

1 La pièce de 1€ qui sert tous les jours ne contient aucun gramme de métaux précieux sauf
s’il s’agit d’une pièce de collection. Dans ce cas, elle entre dans la catégorie des pièces métal-
liques.

227
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M acroéconomie

La monnaie scripturale s’exprime donc sous la forme d’un jeu d’écriture


(crédit ou débit d’un compte bancaire courant) entre deux individus
ayant un compte bancaire au sein d’une même banque ou entre deux
individus détenant un compte bancaire dans deux banques distinctes.
Contrairement à la monnaie fiduciaire qui circule de main en main, la
monnaie scripturale circule de compte en compte.

2.3 Mesurer la monnaie : les agrégats monétaires


À présent que nous avons défini la monnaie et étudié ses fonctions et ses
formes, il nous faut à présent mesurer la quantité de monnaie en circula-
tion dans l’économie. C’est à la Banque centrale que revient ce rôle. Pour
effectuer cette mesure, la Banque centrale définit et utilise ce que l’on
appelle des agrégats monétaires. Toutefois, la définition des agrégats
monétaires est devenue plus complexe, notamment à partir des années
1980, avec l’ensemble des innovations financières. C’est pourquoi, la défi-
nition d’un agrégat monétaire doit rendre compte des propriétés univer-
selles de la monnaie. Les agrégats monétaires vont permettre non seule-
ment de mesurer la quantité de monnaie en circulation dans l’économie
mais aussi de classer les formes de monnaie selon un degré de liquidité.
Pour mieux illustrer les agrégats monétaires, nous allons étudier le cas de
la zone euro. Depuis 1999, c’est à la Banque centrale européenne (BCE)
de conduire la politique monétaire et donc, par conséquent, de surveiller
l’évolution des différents agrégats monétaires. Avec la mise en place du
Système européen de banques centrales (SEBC)1, trois agrégats moné-
taires ont été définis, du plus étroit (M1) au plus large (M3). D’une autre
manière, nous pouvons écrire que les agrégats monétaires ont été définis
par ordre de liquidité : du plus liquide (M1) au moins liquide (M3).
L’agrégat monétaire M1 est ce que l’on appelle la monnaie au sens strict.
Il s’agit de la mesure la plus étroite incluant :

1Le SEBC est le système regroupant la BCE et l’ensemble des banques centrales nationales
des pays membres de l’Union européenne. Nous pouvons signaler qu’il existe un « sous-
ensemble » au SEBC, appelé Eurosystème qui, lui, regroupe la BCE et les banques centrales
nationales des pays membres de la zone euro.

228
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La monnaie

 le numéraire (les billets et les pièces) ;


 les dépôts à vue (des ménages, des entreprises, des administrations
publiques, etc.)1.
Nous voyons, de par sa définition, que l’agrégat M1 est une définition
assez stricte de la monnaie puisqu’elle ne tient pas compte de l’ensemble
des autres actifs monétaires, ou quasi-monétaires, en circulation dans
l’économie et qui peuvent être définis comme de la monnaie. C’est pour-
quoi, deux autres agrégats monétaires ont été mis en place afin d’avoir
une mesure plus large de la quantité de monnaie en circulation dans
l’économie.
L’agrégat monétaire M2 est un agrégat intermédiaire entre M1 et M3. Il
inclut M1 auquel s’ajoute :
 les dépôts à terme inférieurs à deux ans (les comptes à terme par
exemple) ;
 les dépôts avec préavis inférieurs à trois mois qui représentent des pla-
cements non risqués et disponibles à vue (livret A, livret de développe-
ment durable, livret d’épargne, etc.).
Enfin, l’agrégat monétaire M3 est l’agrégat monétaire au sens large. Il
inclut M2 auquel s’ajoute :
8
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

 les pensions : les titres de créances cédés provisoirement par son déten-
teur initial à la Banque centrale2 ;
 les titres de créances d’une durée inférieure ou égale à deux ans (obli-
gations à moyen terme émis par les institutions financières et moné-
taires) ;

1 C’est-à-dire les comptes courants que ces entités possèdent auprès d’un établissement
bancaire.
2 Par exemple, il s’agit, pour un établissement bancaire européen, de céder un titre de

créance à la BCE (il faut bien entendu que ce titre soit éligible auprès de la BCE) afin de se
refinancer, i.e. obtenir des liquidités auprès de la BCE. Voir, par exemple, l’ouvrage de
Mishkin (2007) pour une première approche.

229
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M acroéconomie

 les titres d’OPCVM (organisme de placement collectif en valeurs


mobilières) monétaires (SICAV monétaires, parts de FCP, certificats
de dépôts, etc.).
Compte tenu de ces définitions, nous pouvons donc représenter les agré-
gats monétaires suivant le tableau 1.

Tableau 1 – Les agrégats monétaires de la zone euro en Mds€


(chiffres arrêtés à novembre 2013)

Billets et pièces en circulation 903,4


+ Dépôts a vue 4529,7
= M1 5433,0

+ Dépôts à terme  2 ans 1688,8


+ Livrets et autres dépôts à préavis  3 ans 2115,5
= M2 9237,3

+ Pensions ND
+ Titres d’OPCVM monétaires 418,1
+ Titres de créance  2 ans 118,4
= M3 9890,8

Source : Banque centrale européenne.

La figure 1 présente l’évolution des agrégats monétaires M1, M2 et M3 de


la zone euro entre 1999 et 2013. Il s’agit de données mensuelles, issues des
statistiques publiées par la Banque centrale européenne (BCE)1. Depuis
1999, et la mise en place de la monnaie unique européenne, c’est à la
Banque centrale de piloter la politique monétaire et, par conséquent, de
surveiller, parmi d’autres indicateurs, l’évolution des agrégats monétaires
qui font partie de la stratégie de la BCE visant à la stabilité des prix.

1Ces données ainsi que l’historique sont disponibles dans le fichier excel Chap6 sur
www.dunod.com.

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La monnaie

30 000

25 000

20 000

15 000

10 000

5 000

0
2000 2005 2010

M1 M2 M3

Source : Banque centrale européenne.

Figure 1 – Évolution des agrégats monétaires de la zone euro en Mds€

La demande de monnaie
8
3
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

L’étude de la demande de monnaie par les économistes classiques puis


keynésiens, repose sur la question suivante : la monnaie est-elle ou non
un actif comme les autres ?

3.1 L’approche classique du rôle de la monnaie :


la théorie quantitative de la monnaie
L’économiste classique Jean-Baptiste Say est le premier à déclarer que
la monnaie n’est qu’un voile. Elle n’est là que pour faciliter les transac-
tions entre les individus. La monnaie est donc considérée comme un
intermédiaire des échanges et, en aucun cas, elle n’est désirée pour elle-
même par les individus. En règle générale, un individu reçoit un revenu
(que ce soit un salaire, une retraite, une rente, etc.) à une date fixe : en

231
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M acroéconomie

début du mois pour la retraite, à la fin du mois pour le salaire. Afin de


régler les dépenses, qui se produisent tout au long de la période, au fur et
à mesure, il faut que l’individu détienne un certain stock de monnaie lui
permettant de régler de telles dépenses. D’où ce rôle de « simple inter-
médiaire des échanges » donné par les classiques à la monnaie.
En développant la théorie quantitative de la monnaie, les économistes
classiques vont également mettre en place une théorie de la demande de
monnaie qui explique la quantité de monnaie désirée par les individus en
fonction du niveau du revenu.

■ L’approche par l’équation des échanges de Fisher


C’est Irving Fisher qui élabora le premier la théorie quantitative de la
monnaie en 19111. Dans son ouvrage, Fisher part du constat suivant :
« au cours d’une année, le total de la monnaie payée a une valeur égale à
la valeur totale des biens achetés » (Bailly et al., 2000). On appelle alors
équation des échanges de Fisher, l’équation qui relie la quantité de mon-
naie en circulation au volume des transactions effectuées au cours d’une
période dans l’économie. Dès lors, l’équation de la théorie quantitative
de la monnaie s’écrit :
MV = PT (1)

Avec M la masse monétaire, i.e. la quantité de monnaie en circulation ;


V la vitesse de circulation de la monnaie ; P le niveau général des prix et
T le volume total des transactions.
La partie gauche (M V ) de l’équation (1) représente la capacité totale
d’achat de la monnaie tandis que la partie droite (P T ) représente la
valeur totale des biens achetés. Comme indiqué, V mesure la vitesse de
circulation de la monnaie, c’est-à-dire le nombre de fois où la monnaie
change de main au cours d’une période. Comme la monnaie « change de
main », à une vitesse plus ou moins grande, il n’est donc pas nécessaire
d’avoir un stock de monnaie M strictement égal au volume total des

1 Fisher (1911).

232
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La monnaie

échanges. Plus la vitesse de circulation de la monnaie est élevée, plus le


stock de monnaie nécessaire pour assurer ces transactions est faible1.
Enfin, il faut bien avoir en tête que le membre de droite (P T ) de l’équa-
tion (1) correspond au produit agrégé entre les quantités des différents
biens et leurs prix respectifs. Ainsi, dans une économie disposant de
i biens, le terme P T se décompose comme :

N
PT = pi ti (2)
i=1

Où pi et ti sont, respectivement, les prix et les quantités de biens i ; N cor-


respondant au volume total des transactions.
Pour illustrer l’équation (1), prenons un exemple très simple d’une éco-
nomie comportant un seul bien : des pommes. Supposons qu’au cours
d’une période (un mois par exemple), 1 000 pommes soient vendues au
prix unitaire de 0,50 €. Le volume total des échanges correspond au pro-
duit du nombre de pommes échangées par le prix unitaire, soit :
1000 × 0,50 € = 500 €.
Supposons à présent que la masse monétaire en circulation soit égale à
100. On voit donc, grâce à l’équation (1), que la vitesse de circulation de

8
la monnaie doit être égale à 5 puisque :
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

PT 500
V = = =5 (3)
M 100

La monnaie doit changer, au cours du mois, 5 fois de mains pour que la


masse monétaire en circulation soit en mesure d’assurer le volume des
transactions.
Il faut noter que l’équation (1) est une équation comptable car « la mon-
naie qui circule (M V ) est nécessairement égale à la monnaie que récla-

1 A titre d’exemple, un billet de 10


€ n’est pas utilisé pour une seule transaction. Il va chan-
ger plusieurs fois de mains pour, à chaque fois, réaliser une nouvelle transaction. Sa des-
truction ne se fait que lorsque la qualité du billet (la qualité du papier en particulier) est
remise en cause.

233
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M acroéconomie

ment ou acceptent de recevoir les agents économiques en contrepartie de


la valeur de leurs transactions » (Bailly et al., 2000).
Enfin, à partir de l’équation (1), Fisher pose trois hypothèses fondamen-
tales qui vont avoir une portée en termes de politique monétaire :
 à court terme, la vitesse de circulation de la monnaie est constante ;
 l’économie est en situation de plein-emploi. Dès lors, le volume des
transactions est stable ;
 les autorités monétaires contrôlent parfaitement la masse monétaire.
L’offre de monnaie est par conséquent exogène. Ce sont les autorités
monétaires qui décident de l’évolution de la masse monétaire (expan-
sion ou diminution).
Compte tenu de ces trois hypothèses, nous voyons, à partir de l’équation
(1), que tout accroissement (restriction) de la masse monétaire provoque
une augmentation (une diminution) du niveau général des prix. Ceci se
comprend aisément. Supposons que la masse monétaire double. Ceci
devrait permettre d’acheter deux fois plus de biens. Mais, comme la vites-
se de circulation et le volume des transactions restent constants, ce dou-
blement de la masse monétaire provoque uniquement un doublement
des prix. Pour bien comprendre cela, repartons de l’équation (1) que
nous pouvons réécrire comme :
MV
P= (4)
T
V et T étant constants, nous voyons que P et M sont proportionnels. Si
la masse monétaire augmente de M , avec M > 0 , dès lors l’équation
(4), s’écrit :
V
P = M × (5)
T
Dès lors, en combinant (4) et (5), nous obtenons :
P M
= (6)
P M

234
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La monnaie

Sous les hypothèses posées, l’équation (6) nous montre que toute varia-
tion de la masse monétaire provoque une variation proportionnelle du
niveau général des prix.

■ L’approche par l’équation des encaisses de Cambridge


À la suite des travaux de Fisher, Marshall et Pigou1 vont reformuler la
théorie quantitative de la monnaie. Cela va donner lieu à l’équation des
encaisses de Cambridge. Pourquoi une telle reformulation a-t-elle été
effectuée ? L’équation mise en place par Fisher reposait initialement sur
une équation comptable qui devient une relation théorique avec les
hypothèses posées. Or, la comptabilité nationale (cf. chapitre 3) n’est pas
en mesure d’évaluer chacune des transactions effectuées au sein d’une
économie pendant une période. La comptabilité nationale mesure les
transactions effectuées à partir de quantités agrégées. Dès lors, il semble
plus réaliste, et commode, d’utiliser le PIB ou le revenu national à la place
du volume des transactions dans l’équation de la théorie quantitative de
la monnaie. Selon l’approche développée par Marshall et Pigou, l’équa-
tion de la théorie quantitative de la monnaie s’écrit alors :
M V = PY (7)

8
Où Y remplace T . Y représente le PIB réel (ou le revenu réel si l’on décide
de raisonner à partir du revenu). Dès lors le produit PY correspond au
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

PIB nominal de l’économie. La vitesse de circulation de la monnaie, V ,


est ici appelée la vitesse de revenu, i.e. le nombre de fois que la monnaie
doit circuler afin d’acheter le revenu (la production le cas échéant).
De cette expression (7), nous allons pouvoir établir une demande de
monnaie pour motif de transaction, appelée également encaisse désirée,
notée M d . Cette dernière s’écrit :
PY
Md = (8)
V

1 Marshall (1923) et Pigou (1917).

235
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M acroéconomie

En terme réel, la demande de monnaie s’écrit alors :


Md
= kY (9)
P
1
Avec k = .
V
k est donc l’inverse de la vitesse de circulation de la monnaie. L’équation
(9) est appelée équation dite des encaisses de Cambridge. Elle correspond
à la demande de monnaie, en terme réel, pour le motif de transaction1.
Au niveau macroéconomique, k est donc la part du revenu que les agents
souhaitent détenir sous forme de monnaie pour effectuer leurs transac-
tions.
Si l’équation (7) est une reformulation de l’équation (1), ces deux
approches aboutissent au même résultat : tout accroissement de la masse
monétaire provoque une augmentation du niveau général des prix.
Toutefois, c’est le mécanisme qui est différent. Contrairement à Fisher,
Pigou va démontrer ce que l’on appelle l’effet Pigou appelé également
effet d’encaisses réelles. En effet, si les autorités monétaires décident
d’augmenter la masse monétaire en circulation (M > 0) , les agents dis-
posent d’encaisses (en terme nominal) supplémentaires (M d > 0) . Or,
 
Md
pour retrouver le niveau des encaisses réelles désirées , les agents
P
vont acheter des biens afin de se « débarrasser » du supplément de mon-
naie obtenu. En effectuant ces achats, les agents provoquent l’augmenta-
tion des prix (P > 0) qui permet de rétablir le niveau désiré des
encaisses réelles.
D’un côté, l’équation (1) relie la quantité de monnaie disponible dans
l’économie à la valeur agrégée des transactions ; de l’autre, l’équation (7)
relie la quantité de monnaie disponible dans l’économie au PIB nominal.
Les équations (1) et (7) peuvent même être réconciliées. Puisque le PIB
mesure, de manière agrégée, l’ensemble des transactions effectuées au
sein d’une économie pendant une période donnée. Ainsi, nous pouvons

1 On peut également l’appeler l’encaisse réelle désirée.

236
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La monnaie

considérer que les transactions T sont une part α du PIB. Dès lors :
T = αY (avec Y le PIB). Si par ailleurs nous notons la vitesse de circula-
tion V de l’équation (1) comme étant égale à : V = V /α . Dès lors l’équa-
tion (1) s’écrit M V = PY . Nous aboutissons ainsi à l’équation des
encaisses de Cambridge.

La vitesse de circulation de la monnaie


Il peut être intéressant de mesurer la vitesse de circulation de la mon-
naie. Selon l’approche retenue (approche de Fisher ou approche de
Cambridge), il s’agira d’évaluer une vitesse de transaction (approche de
Fisher) ou une vitesse de revenu (approche de Cambridge). Comme il
est difficile de mesurer la vitesse de circulation de la monnaie à partir
de l’équation proposée par Fisher (équation (1)), nous proposons une
évaluation de la vitesse de circulation de la monnaie à partir de l’équa-
tion de Cambridge (équation (7)).
Pour cela, nous reprenons les séries des agrégats monétaires (M1, M2,
M3) développées précédemment auxquelles nous ajoutons le PIB
(nominal) de la zone euro. Les séries de PIB nominal de
la zone euro étant disponibles en données trimestrielles, nous procé-
dons à la trimestrialisation des données des agrégats monétaires1. Selon

Vitesse (revenu) de circulation de la monnaie


1,5

1,4

1,3 8
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

1,2

1,1

0,9

0,8

0,7

0,6
2011
1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2012

2013

M1 M2 M3

Source : calcul de l’auteur à partir de données BCE.


1 Ces données sont disponibles dans le fichier excel Chap8 sur www.dunod.com.

237
9782100706471-guil-C08.qxd 16/07/14 10:53 Page 238

M acroéconomie

l’agrégat retenu (M1, M2, M3), la vitesse (de revenu) de circulation se


calcule comme :

M
PI B
Avec M respectivement égal à M1, M2 ou M3.
Contrairement aux hypothèses de Fisher, la vitesse de circulation (quel
que soit l’agrégat étudié) n’est pas constante. Elle suit, depuis 1999,
une tendance baissière avec des fluctuations cycliques sur le très court
terme.

3.2 L’approche keynésienne du rôle de la monnaie


L’approche keynésienne du rôle de la monnaie est aux antipodes de
l’approche développée par les classiques. À « la monnaie n’est qu’un voile »
de Say, Keynes oppose un rôle particulier à la monnaie. La monnaie, pour
Keynes, n’est pas un simple actif facilitant l’échange et permettant la syn-
chronisation entre les recettes et les dépenses des individus. Bien au-delà,
pour Keynes, la monnaie est un actif en soi et peut donc être demandée pour
elle-même en raison de ce que Keynes appelle la préférence pour la liquidité.
Si Keynes va reprendre et compléter le motif de transaction précédem-
ment développé par les classiques, il met également en place un nouveau
motif de détention de la monnaie suite à l’hypothèse de préférence pour
la liquidité : le motif de spéculation.

■ Le motif de transaction et le motif de précaution


Le motif de transaction de l’analyse keynésienne est repris et complété à
partir de l’analyse faite par Marshall et Pigou1. Chaque agent souhaite
détenir une part de son revenu sous forme de monnaie afin d’effectuer
les transactions nécessaires au cours d’une période afin de compenser le
décalage temporel entre ses recettes et ses dépenses. Le motif de transac-
tion est fonction du revenu des individus.

1 N’oublions pas que Keynes a eu Marshall comme professeur d’où une certaine influence.

238
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La monnaie

À ce motif de transaction, Keynes ajoute un motif de précaution. En effet,


les individus évoluant dans un univers incertain, ils souhaitent se proté-
ger contre les événements imprévus (accident, maladie, chômage, etc.)
afin de se constituer une réserve pour y faire face. Les agents constituent
alors ce que Keynes dénomme une épargne de précaution, constituée
sous forme liquide. Cette dernière est également fonction du revenu des
individus. Au final, dans la plupart des ouvrages de macroéconomie,
lorsque, dans l’analyse keynésienne, le terme de motif de transaction est
étudié, il englobe à la fois le motif de transaction et le motif de précau-
tion. Ceci se comprend aisément puisque la variable explicative de ces
deux motifs est le revenu. À partir de maintenant, nous désignerons donc
le motif de transaction et le motif de précaution sous le terme unique de
motif de transaction.
Si nous notons L 1 la demande de monnaie pour motif de transaction,
nous savons qu’elle est fonction du revenu que nous notons Y . Ainsi :
L 1 = L 1 (Y ) (10)

Avec L 1 (Y ) > 0 . L’équation (10) nous indique que la demande de mon-


naie pour motif de transaction est une fonction croissante du revenu. En
effet, plus le revenu augmente, plus les agents sont incités à conserver une

8
part croissante de leur revenu sous forme monétaire pour assurer leurs
transactions1.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

■ Le motif de spéculation
Spéculer consiste, pour un individu – appelé spéculateur – à prendre un
risque délibéré, par exemple, à acheter un titre dont il anticipe la hausse
de cours pour ensuite le revendre lorsque la hausse a effectivement eu
lieu2. L’objectif du spéculateur est donc de réaliser des plus-values sur ses
placements financiers. Spéculer comporte donc des risques : rien ne dit

1 On peut également aborder la chose sous un autre angle : l’augmentation du revenu (donc

de la production) provoque une augmentation de la richesse. Or cette richesse s’échange. Il


est donc nécessaire que le stock de monnaie augmente pour assurer cette circulation.
2 Bien entendu, un spéculateur peut aussi spéculer à la baisse.

239
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M acroéconomie

que le prix du titre acheté va effectivement augmenter ; c’est ce que l’on


appelle l’incertitude. Cette dernière oblige le spéculateur à anticiper
l’évolution des cours. Selon ces anticipations, chaque spéculateur va se
porter acquéreur de titres ou conserver ses avoirs sous forme de monnaie
(liquidité).
Le motif de spéculation proposé par Keynes découle de l’hypothèse de
préférence pour la liquidité. En détenant de la monnaie, un agent détient
un actif liquide dont le rendement est nul. À l’inverse, en détenant un
titre (une obligation par exemple), l’individu détient un actif moins
liquide mais rentable. Détenir de la monnaie constitue donc ce que
Keynes appelle un coût d’opportunité : c’est le rendement (du titre)
auquel l’individu renonce en possédant de la monnaie. L’individu doit
donc arbitrer entre détenir de la monnaie (actif monétaire) ou détenir un
titre (actif non monétaire ; appelé également actif financier). Keynes,
dans son analyse, privilégie l’obligation – par opposition à un actif non
monétaire comme une action, un logement, etc. – compte tenu de la rela-
tion inverse qui existe entre le prix d’un titre et le taux d’intérêt : plus le
taux d’intérêt augmente, plus il est rentable de détenir un titre plutôt que
de la monnaie. Le taux d’intérêt apparaît comme « la récompense de la
non-thésaurisation et non comme la récompense de la non-dépense »
(Keynes, 1936, p. 187)1.
Lorsque le cours des titres est élevé (le taux d’intérêt est bas), le spécula-
teur anticipe qu’il ne peut que diminuer (donc le taux d’intérêt ne peut
qu’augmenter). Dans ce cas, il est incité à ne pas acheter de titres (sous
peine de faire des moins-values). Il préfère donc conserver ses avoirs sous
forme de monnaie2. Dès lors, la demande de monnaie pour motif de

1 Pour rappel, chez les classiques (cf. chapitre 4), le taux d’intérêt apparaissait comme le
prix de la renonciation à la dépense de consommation immédiate pour favoriser la
consommation future (i.e. l’épargne). Chez Keynes, c’est le revenu qui décide du partage
entre consommation et épargne. Pour conclure, nous voyons bien que le taux d’intérêt
détermine, chez Keynes, la répartition de l’épargne et non, comme chez les classiques, le
volume de l’épargne.
2 Mieux vaut rester liquide. En effet, quel serait l’intérêt d’acheter des titres dont on antici-

pe la chute des prix ?

240
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La monnaie

Prix des titres et taux d’intérêt


Nous pouvons expliquer la relation inverse entre le prix des titres et le taux
d’intérêt de deux façons. Supposons qu’une obligation soit émise pour
une valeur faciale de 100 € et qu’elle rapporte chaque année 5 %. Le cou-
pon de cette obligation (ce qu’elle rapporte chaque année) est donc égal à
5 % × 100 € soit 5 €. Supposons que le cours de l’obligation augmente
(pour une raison quelconque) à 125 €. L’acheteur de l’obligation devra
alors débourser un montant de 125 € pour recevoir 5 € de coupon. Dès
lors, le rendement de l’obligation est désormais égal à 5 €/125 € soit 4 %.
À l’inverse, si le prix de l’obligation diminue à, par exemple, 80 €, le ren-
dement du titre est alors de 5/80 soit 6,25 %. On perçoit donc bien la rela-
tion inverse entre le prix du titre et le taux d’intérêt.
En introduisant les notions de marché primaire et de marché secondaire,
l’émission de l’obligation s’effectue sur le marché primaire, celui de l’émis-
sion où un émetteur, l’État par exemple, propose un titre pour la première
fois à des acheteurs appelés souscripteurs. Une fois l’émission faite, l’obli-
gation s’échange sur le marché secondaire, celui sur lequel s’échangent des
titres déjà émis (appelés titre de « seconde main »)1. À la date t , l’obligation
émise pour une valeur faciale de 100 € à un taux d’intérêt de 5 %, rapporte
chaque année 5% × 100 € soit 5 €. Son rendement est donc de 5 €/100 €
soit 5 %. Supposons à présent qu’une nouvelle obligation soit émise à la date
t + 1 pour une valeur faciale de 100°€ avec un taux d’intérêt de 10 %. Cette
nouvelle obligation rapporte chaque année 10% × 100 € soit 10 €. Son
rendement est donc de 10 € /100 € soit 10 %. Compte tenu des arbitrages
effectués par les investisseurs sur les marchés financiers, l’obligation
« ancienne » (celle émise à la date t avec un rendement de 5 %) ne trouverait 8
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

pas en l’état actuel d’acquéreur. Les investisseurs lui préféreront l’obligation


« nouvelle » (émise en t + 1 et qui rapporte un rendement supérieur, ici de
10 %). Pour éviter un arbitrage, il faudrait que les deux obligations aient un
rendement identique. Dans le cas contraire, les investisseurs vont vendre
l’obligation « ancienne » pour acquérir la « nouvelle ». Dès lors, le prix de
l’obligation « ancienne » va diminuer et celui de l’obligation « nouvelle » va
augmenter. Le prix devra baisser tant que l’« ancienne » obligation n’a pas
un rendement identique à la « nouvelle ». Pour que l’obligation « ancienne »
ait un rendement de 10 %, il est nécessaire que son prix diminue jusqu’à
50 €. D’où la relation inverse entre prix des titres et taux d’intérêt.
1 Par exemple (cf. chapitre 5), lorsque l’État émet une OAT, l’émission s’effectue sur le
marché primaire où l’État propose son titre à des SVT (spécialistes en valeur du
Trésor). Une fois le titre émis, il bascule dans le marché secondaire où les SVT propo-
sent le dit titre à leurs clients (particuliers, société d’investissement, etc.).

241
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M acroéconomie

spéculation est élevée. À l’inverse, lorsque le cours des titres est faible (le
taux d’intérêt est élevé), le spéculateur anticipe que le cours ne peut
qu’augmenter (donc le taux d’intérêt ne peut que diminuer). Il est alors
incité à en acheter (plus-value potentielle à réaliser). Il diminue donc par
conséquent la part de ses avoirs sous forme de monnaie. La demande de
monnaie pour motif de spéculation est alors faible.
Pour reprendre les travaux de Tobin1 qui fut le premier à représenter la
demande de monnaie individuelle pour motif de spéculation, chaque
spéculateur détermine un taux d’intérêt critique (i c ) 2 lui permettant, en
comparaison avec le taux d’intérêt du marché (i) de placer ses liquidités
soit sous forme de monnaie, soit sous forme de titre.

i (Taux d'intérêt)

Préférence absolue
pour les titres

ic

Préférence absolue
pour la monnaie

L2
(Demande de monnaie pour motif de spéculation)

Figure 2 – La demande de monnaie individuelle pour motif de spéculation

Le spéculateur a donc trois possibilités :


 si i > i c, l’agent détient tous ses avoirs sous forme de titres. La deman-
de de monnaie pour motif de spéculation (L 2 ) est nulle ;
1 Tobin (1958). James Tobin obtient le prix Nobel d’économie en 1981.
2 Il s’agit d’un taux d’intérêt avant tout psychologique, propre à chaque individu.

242
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La monnaie

 si i < i c, l’agent détient tous ses avoirs sous forme de monnaie. La


demande de monnaie pour motif de spéculation (L 2 ) est forte ;
 si i = i c, l’agent est indifférent à détenir ses avoirs sous forme de titres
ou de monnaie.
Compte tenu des développements précédents, la demande de monnaie
pour motif de spéculation peut être représentée par la figure 3.
Lorsque le taux d’intérêt i est supérieur au taux d’intérêt maximum
(i max ) , il y a une préférence absolue pour les titres. En effet, le taux d’inté-
rêt ne peut, à ce niveau, que diminuer donc le cours des titres ne peut que
remonter (plus-value). La demande de monnaie pour motif de spécula-
tion est alors faible (voire nulle). Dans ce cas, détenir de la monnaie n’est
pas rentable (mieux vaut transformer ses avoirs en titres), le coût
d’opportunité de la monnaie (le manque à gagner) est élevé.

i (Taux d'intérêt)
Préférence absolue
pour les titres

8
imax

Zone de spéculation
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Préférence absolue
imin pour la monnaie

L2
(Demande de monnaie pour motif de spéculation)

Figure 3 – La demande de monnaie agrégée pour motif de spéculation

À l’inverse, lorsque le taux d’intérêt i est inférieur au taux d’intérêt mini-


mum (i min ) , la demande de monnaie pour motif de spéculation est forte.
En effet, le taux d’intérêt ne peut, à ce niveau, qu’augmenter donc le prix
des titres chuter (moins-value). Dès lors, le coût d’opportunité de la

243
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M acroéconomie

monnaie est faible. Il est plus intéressant de détenir de la monnaie plutôt


que des titres. Il y a alors une préférence absolue pour la liquidité, la
monnaie.
La demande de monnaie agrégée pour motif de spéculation peut donc
être représentée en trois zones :
 une zone de spéculation. Il s’agit du cas où i est compris entre i max et
i min ;
 une zone de préférence absolue pour les titres. Il s’agit du cas où
i  i max . Dans ce cas la demande de monnaie pour motif de spécula-
tion est nulle puisqu’il est plus rentable de détenir des titres ;
 une zone appelée trappe à liquidité. Il s’agit de la situation où i  i min .
Dans ce cas, il n’y a plus de gain potentiel à réaliser sur les titres (le taux
d’intérêt ne peut que remonter donc le prix des titres diminuer). Les
agents ont alors une préférence absolue pour la monnaie. C’est Keynes
lui-même qui qualifie cette partie de la courbe de demande de mon-
naie pour motif de spéculation de trappe à liquidité. Le taux i min est
estimé à 2 % par Keynes car « il laisse plus de place à la peur qu’à
l’espoir » (Bailly et al. 2000). Le gain en plus-value est faible, voire nul.

Compte tenu de ses développements, nous pouvons à présent modéliser


la demande de monnaie pour motif de spéculation (au niveau agrégé). Si
nous appelons L 2 la demande de monnaie pour motif de spéculation,
nous savons qu’elle est une fonction décroissante du taux d’intérêt i . Dès
lors :
L 2 = L 2 (i) (11)

Avec L 2 (i) < 0 . L’équation (11) nous indique que la demande de mon-
naie pour motif de transaction est une fonction décroissante du taux
d’intérêt. En effet, plus le taux d’intérêt est élevé, moins il est rentable de
détenir de la monnaie, plus il est intéressant d’acheter des titres1. La
demande de monnaie pour motif de spéculation est alors faible. À
l’inverse, plus le taux d’intérêt est bas, moins il est incitatif de détenir des

1 Le taux d’intérêt ne peut que diminuer donc le prix des titres augmenter (plus-values).

244
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La monnaie

titres1, plus il est intéressant de détenir de la monnaie. La demande de


monnaie pour motif de spéculation est forte.

■ La demande de monnaie keynésienne


Au final, la demande de monnaie keynésienne en terme réel, que nous
Md
notons , est donc constituée par un motif de transaction
P
(L 1 = L 1 (Y )) et par un motif de spéculation (L 2 = L 2 (i)). Le motif de
transaction est une fonction croissante du revenu et le motif de spécula-
tion est une fonction décroissante du taux d’intérêt.
Ainsi :
Md
= L 1 (Y ) + L 2 (i) (12)
P
La figure 4 résume nos trois cas de figures possibles.

i (Taux d'intérêt)

Md/P = L1(Y)

imax 8
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Md/P = L1(Y) + L2(i)

Md/P = L1(Y) + L2(i) avec L'2(i) ∞


imin

Md/P (demande de monnaie)


Figure 4 – La demande de monnaie agrégée

Nous pouvons également représenter la demande de monnaie agrégée de


manière plus générale.
1 Le taux d’intérêt ne peut que remonter donc le prix des titres chuter (moins-values).

245
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M acroéconomie

i
imax

imin

M d/P
Figure 5 – La demande de monnaie agrégée

4 L’équilibre sur le marché


de la monnaie
4.1 Le processus d’offre de monnaie : de la base
monétaire à la masse monétaire
Le processus de création monétaire repose à la fois sur la Banque centrale
et les établissements bancaires, appelés également banques de second
rang. La Banque centrale est l’autorité monétaire par excellence. Il s’agit
de la « banque des banques ». C’est elle qui, parmi d’autres tâches, régule
le marché de la monnaie et alimente en liquidité les banques de second
rang. La monnaie créée par la Banque centrale – impression des billets et
frappe des pièces – est appelée monnaie banque centrale. Elle constitue la
base monétaire. La base monétaire est représentée par l’agrégat M0 et se
compose ainsi :
 des pièces et des billets mis en circulation par la Banque centrale ;
 des avoirs de réserves détenus par les banques de second rang auprès
de la Banque centrale1.
1 Chaque établissement bancaire dispose d’un compte auprès de la Banque centrale (celui-
ci est inscrit au passif de cette dernière) afin d’effectuer les règlements interbancaires, i.e. les
règlements entre les banques de second rang.

246
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La monnaie

M3
M2
Pensions
M1
M0
Dépôts à terme
< 2 ans
OPCVM Dépôts à vue Billets Réserves des
monétaires et IFM auprès de la
pièces Banque centrale
Dépôts à préavis
< 3 mois
Titres de
créances

Figure 6 – De la base monétaire à la masse monétaire

Ainsi, nous pouvons voir qu’il existe une relation entre la base monétai-
re et la masse monétaire.
Pour la création monétaire, le rôle de la Banque centrale s’arrête ici. Ce
sont les banques de second rang qui vont « prendre » le relais. En effet,
parmi leurs activités, les banques de second rang peuvent augmenter leur
actif en accordant des crédits à leurs clients. L’accord effectif de ce crédit

8
revient alors à un « simple » jeu d’écritures :
 à l’actif de la banque : créance sur un client ;
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

 au passif de la banque : montant du prêt versé sur le compte de dépôt


du client.
En accordant un crédit à un client, les banques de second rang créent de
la monnaie. Ce sont donc les crédits qui font les dépôts et non l’inverse,
contrairement à ce que l’on pourrait croire. Plus exactement, les crédits
ne sont pas financés que par les dépôts des épargnants mais aussi par les
ressources obtenues directement auprès de la Banque centrale.
Pour résumer les choses, l’offre de monnaie (la quantité de monnaie en
circulation) émane donc des autorités monétaires, à savoir la Banque
centrale et les banques de second rang mais sous conditions fixées par la
Banque centrale. Ceci signifie, pour simplifier les choses, que la Banque
centrale contrôle l’offre de monnaie. Par conséquent, cette dernière est

247
9782100706471-guil-C08.qxd 16/07/14 10:53 Page 248

M acroéconomie

une donnée exogène1. L’offre de monnaie est donc indépendante du taux


d’intérêt et du revenu.
Si nous appelons M S l’offre de monnaie. Dès lors, supposer que l’offre de
monnaie est exogène revient à établir l’équation suivante :
MS = M (13)

En terme réel, l’offre de monnaie s’écrit alors :


Ms M
= (14)
P P
Graphiquement, l’équation (14) correspond à une droite verticale.

4.2 L’équilibre
■ Approche graphique
L’équilibre sur le marché de la monnaie représente la confrontation
d’une courbe d’offre de monnaie et d’une courbe de demande de mon-
naie. L’offre de monnaie correspond à la quantité de monnaie mise en
circulation par les autorités monétaires dans l’économie. Elle est consi-
dérée comme exogène. La demande de monnaie correspond, quant à elle,
à la quantité de monnaie désirée par les individus en fonction de plu-
sieurs motifs – transaction et spéculation – eux-mêmes fonctions, res-
pectivement, du revenu et du taux d’intérêt.
L’équilibre sur le marché de la monnaie est atteint lorsque l’offre de
monnaie rencontre la demande de monnaie2.
Lorsque l’offre de monnaie et la demande de monnaie se croisent (point
d’intersection E ), le marché de la monnaie est équilibré ; i ∗ est donc le

1 Cette hypothèse a fait l’objet de nombreux débats. Mais ce n’est pas l’objectif ni du cha-
pitre, ni de l’ouvrage. Par ailleurs, une telle hypothèse ne remet pas en cause nos différents
raisonnements établis jusqu’à présent.
2 Nous reprenons ici la représentation générale de la demande de monnaie issue de la

figure 5.

248
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La monnaie

i
M s/P

E
i*
M d/P

M/P

Figure 7 – L’équilibre sur le marché de la monnaie

taux d’intérêt d’équilibre, qui assure l’égalité entre l’offre et la demande


de monnaie.

■ Approche analytique
L’équilibre sur le marché de la monnaie est représenté par l’égalité entre
l’offre réelle et la demande réelle de monnaie. Soit :

8
Ms Md
= (15)
P P
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

En remplaçant l’offre réelle et la demande réelle de monnaie par leur


expression respective (équations (11), (12) et (14)), nous aboutissons à :
M
= L 1 (Y ) + L 2 (r) (16)
P

L’équation (16) est une équation d’équilibre, celle du marché de la mon-


naie entre l’offre et la demande de monnaie.

4.3 Les variations de l’offre de monnaie


Il n’est pas dénué de sens de nous interroger sur les conséquences d’une
variation de l’offre de monnaie sur l’équilibre du marché de la monnaie.

249
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M acroéconomie

Que se passerait-il si les autorités monétaires décidaient d’augmenter (de


diminuer) l’offre de monnaie1 ?
Situons-nous tout d’abord dans la zone dite de spéculation. Si la quanti-
té de monnaie offerte augmente (diminue), cela provoque une diminu-
tion (augmentation) du taux d’intérêt. En effet, lorsque la Banque cen-
trale augmente (diminue) son offre de monnaie, elle augmente (dimi-
nue) la quantité de monnaie disponible sur le marché pour les agents : il
y a alors un excédent (déficit) de liquidité sur le marché de la monnaie.
En cas d’excédent de liquidité, pour « inciter » les agents à absorber ce
surplus d’offre de monnaie, il est nécessaire que le taux d’intérêt diminue
afin que les agents souhaitent détenir de la monnaie plutôt que des titres.
Dans le cas contraire, le coût d’opportunité serait élevé. À l’inverse, en cas
d’insuffisance de liquidité, les agents vont préférer détenir des titres plu-
tôt que de la monnaie. Il faut donc que le taux d’intérêt augmente pour
rendre effective cette préférence.
Examinons à présent les situations « extrêmes ». Lorsque l’offre de mon-
naie se situe dans la zone de préférence absolue pour les titres, l’offre de
monnaie se confond avec la demande de monnaie. Dès lors, le taux
d’intérêt i devient égal à i max . Toute la demande de monnaie est unique-
ment motivée par un motif de transaction. Les agents ne souhaitent pas
détenir de liquidité. La demande de monnaie pour motif de spéculation
est alors nulle. Dans cette zone, toute variation de l’offre de monnaie n’a
aucun impact sur le taux d’intérêt. Lorsque l’offre de monnaie se situe
dans la partie horizontale de la demande de monnaie, le taux d’intérêt se
situe à un niveau minimum (i min ) en dessous duquel il ne peut pas des-
cendre. Toute augmentation de l’offre de monnaie tombe alors dans une
trappe, appelée trappe à liquidité puisqu’elle ne peut permettre une dimi-
nution du taux d’intérêt. Les agents ont une préférence absolue pour la
liquidité. La demande de monnaie pour motif de spéculation est très
élevée.
Nous voyons qu’une expansion (restriction) monétaire entraîne une
diminution (augmentation) du taux d’intérêt.

1 Les raisons de ce choix sont étudiées dans le chapitre 9.

250
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La monnaie

imax

imin

M1s Ms = M0 M2s M/P

Restriction monétaire Expansion monétaire


(diminution de l'offre de monnaie) (augmentation de l'offre de monnaie)

Figure 8 – Les conséquences d’une variation de l’offre de monnaie

8
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

251
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9 Mots-clés
Le modèle IS-LM :
l’équilibre global
en économie fermée

Courbe IS, courbe LM, équilibre global, équilibre de sous-emploi,


politique budgétaire, politique monétaire, policy-mix, multiplica-
teurs budgétaire, fiscal et monétaire.

1 Introduction
Le modèle IS-LM1 est une représentation de l’interdépendance entre la
sphère réelle (le marché des biens et services) et la sphère monétaire (le
marché de la monnaie) d’une économie fermée en courte période.
C’est à John Hicks2 que nous devons la première présentation du modè-
le IS-LM. Le modèle présenté par Hicks à la conférence de la Société
d’Économétrie (Econometric Society), en 1936, avait pour objectif de pro-
poser une lecture de la Théorie générale de Keynes en transformant le rai-
sonnement littéraire de Keynes en un modèle mathématique, grâce à des
équations simultanées. Ce modèle s’intitulait initialement modèle
IS-LL. Ce sont ensuite les travaux de Modigliani (1944) et de Hansen
(1949, 1953) qui transformèrent le modèle IS-LL en modèle IS-LM.
Le modèle IS-LM est la représentation de l’équilibre simultané entre le
marché des biens et services et le marché de la monnaie. On peut donc
dire que le modèle IS-LM vient compléter le modèle keynésien simple.

1 IS pour Investment and Saving (investissement et épargne ; référence à l’équilibre sur le


marché des biens et services étudié dans le chapitre 7) et LM pour Liquidity preference and
Money supply (offre et demande de monnaie ; référence à l’équilibre sur le marché de la
monnaie étudié au chapitre 8).
2 Hicks (1937). John Hicks a obtenu le prix Nobel d’économie en 1972.

252
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Le modèle IS-LM : l’équilibre global en économie fermée

Le complément étant effectué avec l’introduction de la sphère monétai-


re. Le modèle IS-LM est un modèle qui reprend les principales hypo-
thèses du modèle keynésien simple :
 analyse de courte période ;
 rigidité des prix ;
 principe de la demande effective : les entreprises sont contraintes sur
leurs débouchés. Dès lors, le niveau de la production des entreprises est
déterminé par la demande effective tandis que l’emploi correspond à
la quantité de travail nécessaire pour produire ce niveau de demande ;
 situation de sous-emploi : le chômage résulte de l’insuffisance de la
demande adressée aux entreprises. En cas d’insuffisance de la deman-
de de travail, l’offre de travail est excédentaire d’où l’apparition d’un
chômage keynésien1.
Ce modèle permet de représenter dans un seul plan l’équilibre simultané
sur le marché des biens et services et sur le marché de la monnaie afin de
déterminer ce que l’on appelle l’équilibre global. Cet équilibre IS-LM ne
signifie pas que le marché du travail soit à l’équilibre. Bien au contraire,
une situation de sous-emploi peut exister. Ce modèle permet également
l’analyse des politiques économiques (budgétaire et monétaire) avec,
notamment, le calcul des multiplicateurs qui leur sont associés.
Il faut enfin signaler que si le modèle IS-LM privilégie le côté
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

« demande » de l’économie (le fonctionnement des marchés des biens et


services et de la monnaie), le côté « offre » est totalement absent : le mar-
ché du travail et la fonction de production des entreprises ne sont pas
explicitement introduits dans l’analyse. L’introduction du côté « offre »
donnera naissance au modèle offre globale-demande globale.
9
Malgré les nombreuses critiques qu’il peut soulever2 (absence de fonde-
ments microéconomiques, absence d’anticipations des agents, rigidité
des prix, etc.), le modèle IS-LM reste encore de nos jours un instrument
d’analyse majeur de la théorie (macro)économique.
1Également appelé chômage involontaire.
2Se reporter à Abraham-Frois (2003) et Pollin (2004) pour une « critique » du modèle IS-
LM et des propositions de redéfinition de ce modèle. Une des principales propositions est
un modèle IS-LM sans LM.

253
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M acroéconomie

2 L’équilibre sur le marché


des biens et services : la courbe IS
2.1 La construction de la courbe IS
■ Approche analytique

La construction de la courbe IS repose sur le modèle keynésien simple


étudié lors du chapitre 7. À l’issue de cette première étude, nous avions
défini la notion de demande globale. Cette dernière se composait de la
consommation (C) , de l’investissement des entreprises (I ) , de l’investis-
sement public : les dépenses publiques (G) . En appelant D la demande
globale, nous pouvons écrire :
D =C+I +G (1)

Selon le principe de la demande effective, c’est la demande qui détermi-


ne la production. Cette dernière s’ajuste à la demande de biens et services
sans variation des prix puisque ces derniers sont supposés rigides à court
terme. L’équilibre sur le marché des biens et services est donc assuré
lorsque la quantité de biens et services produits est égale à la quantité de
biens et services demandés. En notant Y la quantité de biens et services
produits, l’équilibre sur le marché des biens et services est assuré lorsque :
Y =D (2)
Soit :
Y =C+I +G (3)
De cette équation, nous pouvons définir l’équilibre épargne-investisse-
ment :
Y −C = I +G (4)

Soit :
Y −S = I +G (5)
puisque, par définition, S = Y − C .

254
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Le modèle IS-LM : l’équilibre global en économie fermée

Les équations (4) et (5) sont équivalentes puisqu’elles représentent


l’équilibre sur le marché des biens et services. Même si elles sont expri-
mées de manière différente, elles définissent la courbe IS.
On peut cependant rendre plus explicite la courbe IS en utilisant les fonc-
tions de comportement que nous avons étudié précédemment. En effet,
nous savons que :
 la fonction de consommation s’écrit : C = cY d + C0 avec Y d le revenu
disponible. Par définition : Y d = Y − T , avec T les impôts. Dès lors :
C = c(Y − T ) + C0 1 avec 0 < c < 1 et C0 > 0 ;
 les dépenses publiques sont exogènes : G = G ;
 les impôts sont exogènes : T = T 2.

La fonction d’investissement mérite qu’on s’y arrête quelques instants.


Dans le modèle keynésien simple, l’investissement était considéré comme
exogène (I = I0 ) . Une telle hypothèse n’est pas réaliste (cf. chapitre 5).
Nous devons donc relier l’investissement à sa principale variable explica-
tive qu’est le taux d’intérêt. Dès lors, la fonction d’investissement s’écrit :
I = I (i) (6)

Soit, en adoptant les écritures du chapitre 5 :


I = I0 − ai (7)
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

avec a > 0 et I0 > 0 .

9
Compte tenu des différentes fonctions de comportement, nous pouvons
réécrire l’équation (3) comme :
Y = c(Y − T ) + C0 + I0 − ai + G (8)

En réarrangeant l’équation (8), nous obtenons :


1  
Y = −cT + C0 + I0 − ai + G (9)
1−c

1Il s’agit de la fonction de consommation définie dès le chapitre 5.


2 Nous faisons l’hypothèse d’impôts exogènes. L’encadré présente la construction de la
courbe IS avec des impôts endogènes.

255
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M acroéconomie

Soit, de manière équivalente :


1
Y = [A − ai] (10)
1−c
avec A = −cT + C0 + I0 + G .
A représente la composante autonome de la demande, c’est-à-dire les déter-
minants de la demande qui ne dépendent ni du revenu ni du taux d’intérêt.
L’équation (9) (ou (10)) représente la courbe IS. Il s’agit de la courbe
assurant l’équilibre sur le marché des biens et services. La relation IS
décrit donc le lien entre le revenu (Y ) et le taux d’intérêt ( i ) à l’équilibre
sur le marché des biens et services.
1
Le terme représente le multiplicateur. Si nous notons k le multipli-
1−c
cateur, nous voyons que :
 la propension marginale à consommer (c) étant comprise entre 0 et 1,
le multiplicateur k est nécessairement supérieur à 1 ;
 à taux d’intérêt donné, toute augmentation de la demande autonome
entraîne une variation plus que proportionnelle – puisqu’égale à
(1/(1 − c)) – du revenu Y . On retrouve ici le résultat du multiplicateur
élémentaire issu du modèle keynésien simplifié (cf. chapitre 7) ;
 toute augmentation (diminution) du taux d’intérêt r provoque une
diminution (augmentation) du revenu Y . En effet, Y/i =
−a
< 0.
1−c
Dès lors, nous voyons que la relation IS décrit une relation inverse sur le
marché des biens et services entre le revenu et le taux d’intérêt. En effet,
si le taux d’intérêt augmente cela provoque, toutes choses égales par
ailleurs, une diminution de l’investissement privé. L’investissement étant
une composante de la demande globale, la diminution de l’investisse-
ment provoque une diminution de la demande globale. Si la demande
globale diminue, les entreprises réduisent leur production et leur offre et,
par conséquent, le revenu diminue à son tour. Ce dernier point nous
indique que la courbe IS est une courbe décroissante dans le plan (Y,r) .

256
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Le modèle IS-LM : l’équilibre global en économie fermée

La courbe IS avec imposition endogène


Supposons que la fonction d’imposition T est endogène : les impôts
sont fonction du revenu. Dès lors : T = tY + T0 1. La fonction de
consommation s’écrit alors :
C = c(Y − T ) + C0
C = c(Y − t − T0 ) + C0
Les fonctions d’investissement privé et public étant identiques,
I = I0 − ai et G = G , nous pouvons alors établir l’équation de la cour-
be IS. Pour cela, nous repartons de l’équilibre sur le marché des biens
et services :
Y =C+I +G
Soit :
Y = c(Y − tY − T0 ) + C0 + I0 − ai + G
1  
Y = −cT0 + C0 + I0 − ai + G
1 − c(1 − t)
1
Y = [A − ai]
1 − c(1 − t)
avec A = −cT0 + C0 + I0 + G .
Sachant que 0 < c < 1 et que 0 < t < 1 , le multiplicateur est ici plus
faible que celui calculé avec des impôts exogènes. En effet, le multipli-
cateur avec impôts endogènes est égal à :
Y 1
= k T =tY +T0 =
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

A 1 − c(1 − t)

9
Alors que le multiplicateur avec impôts exogènes est égal à :
Y 1
= k T =T =
A 1−c
Nous voyons que k T =tY +T0 < k T =T .

1 Se reporter au chapitre 7 pour les propriétés de cette fonction.

■ Approche graphique
Nous pourrions utiliser l’équation (10) pour construire la courbe IS. En
effet, cette équation nous indique que la courbe IS représente une relation

257
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M acroéconomie

inverse entre le revenu et le taux d’intérêt, donc une courbe IS décrois-


sante dans le plan (Y,i) . Nous pouvons également justifier d’un point de
vue économique la relation inverse entre le taux d’intérêt et le revenu sur
le marché des biens des services : si le taux d’intérêt augmente (pour une
raison quelconque), cela provoque, toutes choses égales par ailleurs, une
diminution de l’investissement privé. Ce dernier étant une composante de
la demande globale, elle diminue à son tour. Les entreprises étant
contraintes dans leurs débouchés réduisent leur production (diminution
de l’offre de biens et services). Dès lors le revenu diminue à son tour.
Nous pouvons ainsi représenter la courbe IS de la façon suivante.

i (Taux d'intérêt)

i1

i2

IS

Y1 Y2 Y (Revenu, Production)

Figure 1 – La courbe IS

La courbe IS peut aussi être construite à partir de la représentation à


quatre quadrants, basée sur les fonctions de comportements des agents
économiques sur le marché des biens et services (figure 2).
Le quadrant (a) représente la fonction d’investissement qui est décrois-
sante par rapport au taux d’intérêt : I = I (i) . Soit, selon l’équation (7) :
I = I0 − ai . C’est l’investissement qui détermine le revenu et non l’inver-
se : c’est donc la dynamique du multiplicateur et non celle de l’accéléra-
teur (le revenu détermine l’investissement) qui agit ici.
Le quadrant (b) représente l’égalité entre l’épargne et l’investissement :

258
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Le modèle IS-LM : l’équilibre global en économie fermée

I = S . Dans un repère orthogonal, tous les points d’égalité de l’investis-


sement et de l’épargne se trouvent sur la première bissectrice.
Le quadrant (c) représente la fonction d’épargne : S = Y − C (elle se
déduit de la fonction de consommation). Soit : S = (1 − c)Y + cT − C0 .
Le quadrant (d) enfin, déduit des quadrants (a), (b), (c), nous donne
l’ensemble des conditions d’équilibre sur le marché des biens et services,
soit la courbe IS.
Comment la courbe IS s’obtient-elle ?
Supposons que le niveau du taux d’intérêt soit i A . À ce niveau de taux
d’intérêt correspond un montant d’investissement I A (point A dans le
quadrant (a)). Compte tenu de l’égalité épargne-investissement, ce mon-

IS
iA A iA E

B iB E'
iB

I = I0 – ai

IA IB YA YB
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I=S

SA SA
B''
9
B'

SB SB
A' A''

IA IB YA YB
S = (1 – c)Y + cT – C0

Figure 2 – La construction de la courbe IS

259
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M acroéconomie

tant d’investissement égalise un montant d’épargne S A (point A dans le


quadrant (b)) auquel correspond un montant de revenu Y A (point A
dans le cadrant (c)). La jonction du revenu Y A et du taux d’intérêt i A ,
permet d’obtenir le point E dans le quadrant (d).
La même démarche peut s’effectuer en partant d’un niveau de taux
d’intérêt égal à i B . Nous obtiendrons alors le point E  .
Les points E et E  permettent d’obtenir la droite IS. Ainsi, une droite IS
est une relation entre le taux d’intérêt et le niveau du revenu exprimant
l’équilibre entre l’épargne et l’investissement. La courbe IS représente
l’ensemble des équilibres possibles du marché des biens et services. Tout
point se situant sur la courbe IS est donc un point d’équilibre.
La figure 2 confirme que la courbe IS est une courbe décroissante dans le
plan (Y,i) , représentant ainsi une relation inverse entre le revenu et le
taux d’intérêt sur le marché des biens et services.

■ Les cas particuliers


La figure 2 se basait sur une forme qualifiée de générale ou traditionnel-
le de la courbe IS. Cette forme générale reposait avant tout sur l’équation

i (Taux d'intérêt) IS1 : sensibilité de l'investissement au taux d'intérêt plus faible

IS2 : sensibilité de l'investissement


au taux d'intérêt plus forte
IS

Y (Revenu, Production)
Figure 3 – La courbe IS selon la sensibilité de l’investissement
au taux d’intérêt

1 Ce résultat a été (dé)montré lors de l’étude de la fonction d’investissement au chapitre 6.

260
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Le modèle IS-LM : l’équilibre global en économie fermée

de l’investissement selon laquelle l’investissement était fonction décrois-


sante du taux d’intérêt. Nous voyons très bien que plus (moins) l’inves-
tissement est sensible au taux d’intérêt, plus la pente de la courbe IS est
faible (forte)1. Ainsi, la courbe IS peut évoluer selon la figure 3.
La courbe IS se rapproche de la verticale (horizontale) à mesure que sa
pente devient forte (faible). Deux cas extrêmes existent lorsque :
 l’investissement est totalement insensible au taux d’intérêt (a = 0) .
Dès lors, l’investissement est exogène : I = I0. La courbe IS est alors
totalement insensible/inélastique au taux d’intérêt. Dans ce cas, la
courbe IS est une droite verticale (figure 4) ;

i (Taux d'intérêt) IS2 : insensibiligé de l'investissement au taux d'intérêt

IS1 : sensibilité infinie de


l'investissement au taux d'intérêt
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Y (Revenu, Production)

Figure 4 – La courbe IS selon les cas extrêmes


9
 l’investissement est infiniment élastique au taux d’intérêt (a −→ ∞) .
Dès lors I = I0 − ai . La courbe IS est alors une droite horizontale
(figure 4).

2.2 Les déplacements de la courbe IS


À présent que nous avons démontré que la courbe IS est une courbe
décroissante dans le plan (Y,i) , nous pouvons étudier ces déplacements
dans ce même plan.

261
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M acroéconomie

Nous avons vu (équation (11)) que les éléments de la demande autono-


me pouvaient modifier, à taux d’intérêt donné, le revenu. Cette modifi-
cation est donnée par le multiplicateur : Y/A = 1/1 − c . Les variables
les plus intéressantes à étudier dans la demande autonome sont les
dépenses publiques et les impôts.
Comment IS se déplace-t-elle si les dépenses publiques ou les impôts se
modifient ?
■ Une augmentation des dépenses publiques
Supposons que l’État souhaite augmenter le niveau des dépenses
publiques. Il s’agit d’une politique budgétaire expansionniste. La figure 5
présente l’évolution de la courbe IS selon cette politique.
i (Taux d'intérêt)

∆ G>0

i E1 E2

IS1 IS2
Y1 Y2
Y (Revenu, Production)

Figure 5 – Le déplacement de la courbe IS suite à l’augmentation


des dépenses publiques

À taux d’intérêt donné, une augmentation des dépenses publiques pro-


voque, toutes choses égales par ailleurs, une augmentation de la deman-
de globale. Les entreprises répondent à cette augmentation en produisant
davantage (donc elles augmentent leur offre). Dès lors le niveau de l’acti-
vité est relancé suite à cette politique budgétaire expansionniste. Le nou-
veau revenu d’équilibre sur le marché des biens et services est donc supé-
rieur à celui qui prévalait avant la mise en place de la politique budgétai-
re expansionniste. Dès lors, la courbe IS se déplace vers la droite (de IS1

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Le modèle IS-LM : l’équilibre global en économie fermée

à IS2) où le nouveau revenu d’équilibre (Y2 ) est supérieur au revenu


d’équilibre antérieur (Y1 ) . Le point E 2 correspond au nouvel équilibre
sur le marché des biens et services. Ce nouveau point d’équilibre corres-
pond au couple (Y2 ,i) .

■ Une augmentation des impôts


Supposons à présent que l’État augmente le niveau des impôts1. Il s’agit
ici d’une politique fiscale restrictive. La figure 6 présente l’évolution de la
courbe IS selon cette politique.

i (Taux d'intérêt)

∆T > 0

E2 E1
i

IS2 IS1

Y2 Y1 Y (Revenu, Production)
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Figure 6 – Le déplacement de la courbe IS suite à l’augmentation


des impôts

Si l’État augmente les impôts, le revenu disponible des ménages diminue.


9
Cela provoque donc une diminution de la consommation. À taux d’inté-
rêt donné, une diminution de la consommation provoque, toutes choses
égales par ailleurs, une diminution de la demande globale. Si la demande
globale diminue, les entreprises s’ajustent en réduisant la quantité de
biens et services produite (donc elles diminuent leur offre). Dès lors, le

1 Les impôts étant exogènes, l’État peut décider d’une telle variation. En l’occurrence ici,

une augmentation.

263
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M acroéconomie

niveau de l’activité est réduit suite à cette politique fiscale restrictive. Le


nouveau revenu d’équilibre sur le marché des biens et services est donc
moins élevé que celui qui prévalait avant la mise en place d’une telle poli-
tique. Dès lors, la courbe IS se déplace vers la gauche (de IS1 en IS2) où le
nouveau revenu d’équilibre (Y2 ) est inférieur au revenu d’équilibre anté-
rieur (Y1 ) . Le point E 2 correspond au nouveau point d’équilibre sur le
marché des biens et services. Il correspond au couple (Y2 ,i) .

■ Synthèse
Le tableau 1 présente un récapitulatif des effets d’une modification de la
demande autonome selon sa nature (dépense publique ou impôts) sur la
courbe IS.
Tableau 1 – Les déplacements de la courbe IS (à taux d’intérêt donné)

Une Provoque une... Donc un déplacement de...


Hausse des dépenses Hausse du revenu La courbe IS vers la droite
publiques

Baisse des dépenses Baisse du revenu La courbe IS vers la gauche


publiques

Hausse des impôts Baisse du revenu La courbe IS vers la gauche

Baisse des impôts Hausse du revenu La courbe IS vers la droite

Note : ce qui est valable pour les dépenses publiques l’est également pour la consommation
incompressible (C0) et l’investissement autonome (I0).

3 L’équilibre sur le marché


de la monnaie : la courbe LM
3.1 La construction de la courbe LM
■ Approche analytique
À partir des deux grandeurs que sont l’offre et la demande de monnaie,
nous avons défini (cf. chapitre 8) l’équilibre sur le marché de la monnaie
comme l’égalité entre l’offre de monnaie et la demande de monnaie.

264
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Le modèle IS-LM : l’équilibre global en économie fermée

Les équations d’offre de monnaie et de demande de monnaie ainsi que


l’équilibre sur le marché de la monnaie vont permettre de définir la
courbe LM.
Nous savons que :
Ms Ms M
 l’offre de monnaie en terme réel, notée , est exogène : = . Par
P P P
soucis de simplification d’écriture, nous définissions la variable m s
Ms M
comme : m s = . Dès lors m = . Nous noterons donc désormais
P P
l’offre de monnaie en terme réel comme étant égale à : m s = m ;
Md
 la demande de monnaie en terme réel, notée , est désormais notée
P
Md
m d , avec m d = . Elle est composée d’un motif de transaction, noté
P
L 1 , et d’un motif de spéculation, noté L 2 . Nous savons par ailleurs que
la demande de monnaie pour motif de transaction dépend du revenu,
i.e. L 1 = L 1 (Y ) , que la demande de monnaie pour motif de spécula-
tion est fonction du taux d’intérêt, i.e. L 2 = L 2 (i) . Dès lors : m d =
L 1 + L 2 = L 1 (Y ) + L 2 (i) .
Afin de pouvoir spécifier certaines propriétés analytiques et aboutir, in
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

fine, à l’élaboration d’une courbe LM moins générale que celle que nous
obtiendrions si nous raisonnions à partir des équations précédentes, il est
plus aisé de travailler à partir de fonctions spécifiées. Il est généralement
admis que les demandes de monnaie pour motif de transaction et de spé-
culation suivent des formes linéaires, respectivement, du revenu et du
9
taux d’intérêt. Ainsi, l’équation de la demande de monnaie pour motif de
transaction peut s’écrire :
L 1 (Y ) = l1 Y (11)

Avec l1 > 0 .
L’équation de la demande de monnaie pour motif de spéculation peut
quant à elle s’écrire :

265
9782100706471-guil-C09.qxd 16/07/14 12:02 Page 266

M acroéconomie

L 2 (r) = −l2 i (12)

Avec l2 > 0 .
Ainsi, l’équation de la demande de monnaie en terme réel s’écrit :
m d = l1 Y − l2 i (13)

L’équilibre sur le marché de la monnaie s’obtient par la confrontation de


l’offre de monnaie et la demande de monnaie :
ms = md (14)

Soit :
m = l1 Y − l2 i (15)
À partir de l’équation (15), nous pouvons définir la courbe LM en expri-
mant Y en fonction de r , soit :
1
Y = (m + l2 i) (16)
l1

La courbe LM est donc la courbe représentant l’équilibre sur le marché


de la monnaie (l’égalité entre l’offre et la demande de monnaie). Nous
pouvons également dire que la courbe LM est constituée par l’ensemble
des couples (Y,i) qui assure l’égalité entre l’offre de monnaie et la
demande de monnaie. En calculant la dérivée partielle de l’équation (16),
nous obtenons :
Y l2
= >0 (17)
i l1
L’équation (17) nous indique que la courbe LM est croissante dans le
plan (Y,i) puisque l2 /l1 correspond à la pente de la courbe LM. Ceci
implique que la relation entre le taux d’intérêt et le revenu est croissante :
si le revenu s’accroît, la demande de monnaie augmente sous l’effet du
motif de transaction. Pour satisfaire cette hausse, les agents vendent des
titres financiers, ce qui fait diminuer leur cours et augmenter le taux
d’intérêt. L’augmentation du taux d’intérêt permet de restaurer l’équi-
libre.

266
9782100706471-guil-C09.qxd 16/07/14 12:02 Page 267

Le modèle IS-LM : l’équilibre global en économie fermée

■ Approche graphique
Tout comme pour la courbe IS, nous pourrions utiliser l’équation de la
courbe LM (équation (16)) ainsi que les propriétés qui lui sont associées
(équation (17) de la dérivée première) pour effectuer sa représentation gra-
phique. Ainsi, d’après ces deux équations, nous savons que la courbe LM
est une courbe croissante dans le plan (Y,i) . Nous pouvons également rap-
peler le raisonnement économique qui sous-tend cette allure : si le revenu
augmente (pour une raison quelconque), la demande de monnaie pour
motif de transaction augmente ce qui provoque une augmentation de la
demande de monnaie. Il y a donc un déséquilibre sur le marché de la
monnaie puisque la demande de monnaie est supérieure à l’offre de
monnaie, cette dernière ne se modifiant pas. Pour que la demande de
monnaie diminue, et redevienne égale à l’offre, il faut que la demande de
monnaie pour motif de spéculation diminue. Or ceci ne peut se produire
que si le taux d’intérêt augmente. Dès lors, la courbe LM peut être repré-
sentée de la manière suivante.

i (Taux d'intérêt)
LM

i2
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

i1

9
Y1 Y2 Y (Revenu, Production)

Figure 7 – La courbe LM

Toutefois, afin d’être cohérents, nous allons à nouveau utiliser la représe-


ntation à quatre quadrants afin de construire la courbe LM. La construc-
tion de la courbe LM est représentée dans la figure 8.

267
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M acroéconomie

Le quadrant (a) représente la demande de monnaie pour motif de tran-


saction qui est fonction du niveau de l’activité économique donc du
revenu : L 1 = L 1 (Y ) .
Le quadrant (b) illustre l’égalité de la demande et de l’offre de monnaie.
C’est la droite de substitution de L 1 (monnaie demandée pour motif de
transaction) à L 2 (demande de monnaie pour motif de spéculation) pour
une offre de monnaie m donnée. Partant de l’équilibre sur le marché de
la monnaie, nous obtenons : L 2 (i) = m − L 1 (Y ) .

imax A' imax L1 = L1(Y)


A
L2(i) = m – L1(Y)

B'
imin
imin B

LA L2 YA YB

i i
LM
L2 = L2(i) imax
imax A'' E

imin Trappe à liquidité imin


B'' E'

LA L2 YA YB Y

Figure 8 – La construction de la courbe LM

Le quadrant (c) représente la demande de monnaie pour motif de spécu-


lation qui est directement fonction du taux d’intérêt : L 2 = L 2 (i) .

268
9782100706471-guil-C09.qxd 16/07/14 12:02 Page 269

Le modèle IS-LM : l’équilibre global en économie fermée

Le quadrant (d) représente l’équilibre sur le marché monétaire sous


forme de la droite LM, c’est-à-dire tous les points correspondants à
l’ensemble des couples (Y,i) pour lesquels l’équilibre monétaire est réa-
lisé, c’est-à-dire encore l’ensemble des couples (Y,i) pour lesquels la
demande de monnaie est égale à l’offre de monnaie.
Notons que l’ordre des motifs de détention de monnaie n’est pas dû au
hasard. En effet, lorsque les autorités monétaires offrent de la monnaie,
les agents économiques décident tout d’abord d’un montant
d’encaisses pour motif de transaction puis, ensuite, du montant
d’encaisses pour motif de spéculation. Le motif de spéculation est donc
obtenu par la différence entre la quantité de monnaie disponible et la
quantité de monnaie affectée au motif de transaction. Ainsi, le quadrant
(b) agit comme une « contrainte ». En effet, la somme des deux motifs de
demande de monnaie (transaction et spéculation) ne peut excéder l’offre
de monnaie (sinon l’équilibre n’est pas respecté). Du coup, si l’un des
motifs augmente, l’offre ne subissant aucune variation, il est nécessaire
que l’autre diminue afin que l’équilibre sur le marché de la monnaie soit
toujours respecté.
À partir des quadrants (a), (b) et (c), nous voyons que l’augmentation du
taux d’intérêt se traduit obligatoirement par une augmentation du reve-
nu. En effet, si le taux d’intérêt augmente, cela signifie que le prix des
titres diminue. Il n’est donc pas intéressant pour les agents d’en détenir.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

La demande de monnaie pour motif de spéculation diminue. Toutefois,


afin que l’équilibre sur le marché de la monnaie entre offre et demande
de monnaie soit toujours respecté, il faut que le motif de transaction aug-
mente. Ceci n’est possible que si le revenu augmente.
Grâce à la figure 8, nous voyons que la courbe LM peut prendre trois
9
formes différentes : horizontale, croissante, verticale. Ceci correspond
aux trois zones étudiées au chapitre 8 :
 zone de la trappe à liquidités : il s’agit de la situation où i = i min ;

 zone de spéculation : il s’agit du cas où i min < i < i max ;


 zone classique (en référence aux économistes classiques puisque dans
cette zone, la demande de monnaie est uniquement composée d’un
motif de transaction) : il s’agit du cas où i  i max .

269
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M acroéconomie

Pour un taux d’intérêt i = i min , la courbe LM est horizontale. Dans cette


zone, le taux d’intérêt est à son minimum et ne peut plus diminuer. On
dit que l’économie se trouve dans une trappe à liquidités. Dans cette
zone, la demande de monnaie est infiniment élastique au taux d’intérêt
(l2 −→ ∞) . Toute augmentation de l’offre de monnaie est affectée, par
les agents, à des encaisses oisives pour lesquelles nous parlons de thésau-
risation. Les agents ne détiennent plus de titres. Ils ont une préférence
absolue pour la monnaie.
Pour un taux d’intérêt i  i max , la courbe LM est verticale. La demande
de monnaie est parfaitement inélastique au taux d’intérêt (l2 = 0) ; elle
est composée uniquement d’un motif de transaction. Les agents ont une
préférence absolue pour les titres. Toute augmentation de l’offre de mon-
naie sera intégralement consacrée à l’achat de titres.
Enfin, pour un taux d’intérêt i min < i < i max , la courbe LM est croissan-
te. Les agents n’ont pas de préférence entre détenir des titres ou de la
monnaie. L’offre de monnaie étant constante, toute augmentation du
revenu provoque une augmentation du taux d’intérêt. En effet, lorsque le
revenu augmente, la demande de monnaie pour motif de transaction
augmente. Afin de respecter l’équilibre sur le marché de la monnaie entre
offre et demande de monnaie, le motif de spéculation doit diminuer.

■ Les cas particuliers


Il existe deux cas particuliers de la courbe LM : une courbe LM horizon-
tale et une courbe LM verticale.
Une courbe LM horizontale correspond à une situation de trappe à liqui-
dité. Dans ce cas, la demande de monnaie est infiniment élastique au taux
d’intérêt. Il s’agit d’une situation où les agents économiques ont une pré-
férence absolue pour la liquidité (la monnaie). En effet, le taux d’intérêt
est si bas qu’il ne peut plus diminuer. Les agents anticipent alors qu’il ne
peut que remonter (donc le prix des titres ne peut que diminuer ; il n’est
pas intéressant d’en acquérir). Il y a un désintérêt pour la spéculation
(qui renforce la préférence pour la liquidité). Les agents préfèrent dans ce
cas constituer des encaisses dites oisives, i.e. ils thésaurisent car ils n’affec-
tent ces encaisses à aucun des motifs de la demande de monnaie. Le taux

270
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Le modèle IS-LM : l’équilibre global en économie fermée

d’intérêt est alors insensible à toute variation de l’offre de monnaie. La


politique monétaire devient alors inefficace.
Une courbe LM verticale correspond à une situation où la demande de
monnaie est insensible au taux d’intérêt. La demande de monnaie est
alors constituée uniquement par le motif de transaction, conformément
à la vision développée par les économistes classiques. On parle alors
d’une zone classique de la courbe LM.

3.2 Les déplacements de la courbe LM


Les déplacements de la courbe LM se produisent lorsque l’offre de mon-
naie, par définition exogène, est modifiée par les autorités monétaires.
Ces dernières peuvent décider d’augmenter l’offre de monnaie (la quan-
tité de monnaie disponible dans l’économie), nous parlons dans ce cas
d’une politique monétaire expansionniste ; ou de diminuer l’offre de
monnaie, nous parlons alors d’une politique monétaire restrictive.
Comment la courbe LM se déplace-t-elle dans le plan (Y,i) lorsque l’offre
de monnaie se modifie ?

■ Une augmentation de l’offre de monnaie


Les autorités monétaires décident d’une augmentation de l’offre de mon-
naie (m > 0) .
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

À revenu donné1, si la quantité de monnaie disponible dans l’économie


augmente, cela provoque, toutes choses égales par ailleurs, un déséqui-
libre sur le marché de la monnaie : l’offre de monnaie devient alors supé-
rieure à la demande de monnaie. Pour rétablir l’équilibre, et sachant que
9
la demande de monnaie pour motif de transaction reste inchangée, il est
nécessaire que la demande de monnaie pour motif de spéculation aug-
mente. Or cette dernière n’augmente que si le taux d’intérêt diminue.
Dès lors, la courbe LM se déplace vers le bas (de LM1 en LM2). Le taux
d’intérêt diminue et passe d’un niveau i 1 à un niveau i 2 (avec i 2 < i 1 ). Le

1 Ceci implique, pour la suite du raisonnement, que la demande de monnaie pour motif de

transaction ne se modifie pas.

271
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M acroéconomie

point E2 correspond au nouvel équilibre sur le


 marché de la monnaie. Ce
nouvel équilibre correspond au couple Y ,i 2 .
Une augmentation de l’offre de monnaie se traduit, à revenu constant,
par une diminution du taux d’intérêt.

i (Taux d'intérêt)
LM1 LM2

∆m > 0

E1
i1

i2
E2

Y Y (Revenu, Production)

Figure 9 – Le déplacement de la courbe LM suite à l’augmentation de


l’offre de monnaie (raisonnement à revenu donné)

■ Une diminution de l’offre de monnaie


Les autorités monétaires décident d’une diminution de l’offre de mon-
naie (m < 0) .
À revenu donné, si la quantité de monnaie disponible dans l’économie
diminue, cela provoque, toutes choses égales par ailleurs, une insuffisan-
ce de l’offre de monnaie par rapport à la demande de monnaie : la
demande de monnaie est supérieure à l’offre de monnaie. Pour rétablir
l’équilibre, et sachant que la demande de monnaie pour motif de spécu-
lation reste inchangée, il est nécessaire que la demande de monnaie pour
motif de spéculation diminue. Ceci n’est possible que si le taux d’intérêt
augmente. Dès lors, la courbe LM se déplace vers la gauche (de LM1 en
LM2). Le taux d’intérêt augmente et passe de i 1 en i 2 (avec i 2 > i 1 ). Le

272
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Le modèle IS-LM : l’équilibre global en économie fermée

i (Taux d'intérêt)

LM2 LM1

∆m < 0
E2
i2

i1 E1

Y Y (Revenu, Production)

Figure 10 – Le déplacement de courbe LM suite à la diminution de l’offre


de monnaie

point E2 correspond au nouvel équilibre sur le


 marché de la monnaie. Ce
nouvel équilibre correspond au couple Y ,i 2 .
Toute diminution de l’offre de monnaie se traduit, à revenu constant, par
une augmentation du taux d’intéêt.

■ Synthèse
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Tableau 2 – Les déplacements de la courbe LM (à revenu donné)

Une...
Politique monétaire
expansionniste
Provoque une...
Baisse du taux d’intérêt
Donc un déplacement de...
La courbe LM vers la droite
(ou vers le bas)
9
(augmentation de
l’offre de monnaie)

Politique monétaire Hausse du taux d’intérêt La courbe LM vers la gauche


restrictive (ou vers le haut)
(diminution de l’offre
de monnaie)

273
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M acroéconomie

4 L’équilibre macroéconomique
global : le diagramme IS-LM
4.1 Détermination de l’équilibre macroéconomique
global
L’équilibre macroéconomique global est atteint lorsque le marché des
biens et services (représenté par la courbe IS) et le marché de la monnaie
(représenté par la courbe LM) sont simultanément équilibrés. L’équilibre
économique global va donc permettre de déterminer un couple unique de
revenu, noté Y ∗ , et de taux d’intérêt, noté i ∗, qui assure un équilibre à la
fois sur le marché des biens et services et sur le marché de la monnaie.

■ Approche graphique
L’équilibre global représenté par le point E est atteint au point d’inter-
section des courbes IS et LM dans le plan (Y,i) . Cet équilibre assure un
équilibre simultané des marchés des biens et services et de la monnaie. À ce
point (unique) E correspond un couple revenu-taux d’intérêt d’équilibre,
noté (Y ∗ ,i ∗ ) . Ce couple est unique.

i (Taux d'intérêt)
LM

E
i*

IS

Y* Y (Revenu, Production)

Figure 11 – Le diagramme IS-LM

274
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Le modèle IS-LM : l’équilibre global en économie fermée

Tout point dans le plan (Y,i) en dehors du point d’équilibre E, c’est-à-


dire tous les couples revenu-taux d’intérêt en dehors du couple (Y ∗ ,i ∗ ) ,
constitue une situation de déséquilibre. Ainsi, tout point situé à droite
(gauche) de la courbe IS traduit un excès (une insuffisance) de l’offre par
rapport à la demande sur le marché des biens et services. De même, tout
point situé à droite (gauche) de la courbe LM se traduit par une insuffi-
sance (un excès) de l’offre de monnaie par rapport à la demande de mon-
naie.

■ Approche analytique
L’équilibre global est déterminé par le couple revenu-taux d’intérêt, solu-
tion du système composé des équations de :
1  
– la courbe IS : Y = −cT + C0 + I0 − ai + G ;
1−c
1
– la courbe LM : Y = (m + l2 i) .
l1
Il s’agit donc de résoudre un système de deux équations (IS et LM) à deux
inconnues (Y et i ). La résolution de ce système aboutit à un couple unique
revenu-taux d’intérêt : Y ∗ et i ∗. Ce couple assure l’équilibre simultané sur
le marché des biens et services et sur le marché de la monnaie.
La résolution d’un tel système aboutit au résultat suivant :
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

9
−cT + C0 + I0 + G + m
l2
Y∗ = (18)
l1
(1 − c) + a
l2
 
(1 − c) l1  
− m+ −cT + C0 + I0 + G
l2 l2
i∗ = (19)
l1
(1 − c) + a
l2

Si le revenu d’équilibre global correspond à l’intersection des courbes IS


et LM, il ne coïncide pas nécessairement à un revenu d’équilibre de plein-

275
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M acroéconomie

emploi. Il y a même de fortes probabilités pour qu’il s’agisse d’un revenu


d’équilibre de sous-emploi. Dès lors, deux questions se posent :
 qu’est-ce qu’un équilibre de sous-emploi ?
 comment résorber ce sous-emploi ?

4.2 Le marché du travail


Le marché du travail n’est pas étudié explicitement dans le modèle IS-
LM. Les conditions d’équilibre simultané sur le marché des biens et ser-
vices et sur le marché de la monnaie sont indépendantes de celles du
marché du travail. Il n’y a aucune raison pour que l’équilibre sur le mar-
ché des biens et services et sur le marché de la monnaie soit aussi un équi-
libre sur le marché du travail1. En effet, il n’y aucune raison pour que le
revenu d’équilibre corresponde au revenu de plein-emploi. C’est même
le cas le plus fréquent.
Contrairement à l’analyse classique où il résultait d’un déséquilibre sur le
marché du travail, le chômage est la conséquence, dans l’analyse keyné-
sienne, d’une insuffisance de la demande effective. De plus, pour Keynes,
le salaire n’est pas, contrairement à l’analyse classique, un prix mais un
revenu. Le diminuer pour résorber le chômage n’est pas nécessaire, pire,
c’est dangereux2. Une diminution des salaires diminuerait la demande
qui s’adresse aux entreprises ce qui provoquerait un effet négatif sur
l’activité et l’emploi. Keynes considère que les agents prennent en consi-
dération le salaire nominal et non le salaire réel (salaire nominal ajusté du
niveau des prix) pour déterminer leur offre de travail. Les agents sont
donc victimes de ce que l’on appelle l’illusion monétaire. De plus, les
salaires nominaux sont considérés comme rigides à court terme car leur
détermination repose sur le rapport de force entre les syndicats et le
patronat : diminuer les salaires nominaux est perçu, par les syndicats,
comme une sanction. D’où leur combat contre leur baisse.

1D’où l’utilisation du terme équilibre global pour caractériser l’équilibre du modèle IS-LM.
2Si cette hypothèse est acceptable à court terme et en économie fermée, elle est bien moins
vraie à long terme ou en économie ouverte.

276
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Le modèle IS-LM : l’équilibre global en économie fermée

À l’inverse, la demande de travail des entreprises est, elle, fonction du


salaire réel.
Jusqu’au point NPE , le salaire nominal (partie supérieure de la figure 12),
noté w0 est donc une droite parallèle puisque le salaire n’est pas fonction
du niveau d’emploi. On considère que pour un niveau d’emploi inférieur
à NPE , le salaire est rigide à la baisse1. Par contre, à partir du point NPE , le
salaire nominal devient une fonction croissante du niveau de l’emploi.
En effet, si on peut facilement concevoir que le salaire ne peut se réduire
indéfiniment, il doit augmenter avec la hausse de l’emploi.

Côté salarié
w0

N1 NPE
Emploi
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

w/p

Côté entreprise 9
N1
Emploi

Figure 12 – Le marché du travail dans le modèle IS-LM

1 Il s’agit du salaire minimum en-dessous duquel l’économie ne peut pas aller.

277
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M acroéconomie

La demande de travail est tracée dans la partie inférieure de la figure 12.


Elle est une fonction décroissante du taux de salaire réel. En effet, le
salaire réel représente un coût pour l’entreprise. Plus ce coût augmente,
moins l’entreprise est incitée à embaucher1. Toutefois, le volume de
l’emploi n’est pas déterminé par la confrontation de l’offre et de la
demande de travail mais par le niveau des débouchés des entreprises. En
effet, selon le principe de la demande effective, le niveau de la production
des entreprises est déterminé par la demande effective tandis que
l’emploi correspond à la quantité de travail nécessaire pour produire ce
niveau de demande. Dès lors, si le niveau de l’emploi nécessaire pour
produire est égal à N1 , l’équilibre sur le marché du travail est un équilibre
de sous-emploi. En effet, c’est seulement à partir du point NPE que l’équi-
libre de plein-emploi serait atteint. L’écart entre les points NPE et N1
représente une situation de sous-emploi : un chômage keynésien, provo-
qué par une insuffisance de la demande de biens et services et non pas,
comme dans l’analyse classique, par la rigidité du salaire réel.
L’équilibre de sous-emploi peut être représenté par la figure 13.
Le quadrant (a) représente l’équilibre simultané sur le marché des biens
et services et sur le marché de la monnaie. L’intersection des courbes IS
et LM permet de déterminer un revenu et un taux d’intérêt d’équilibre
notés, respectivement, Y ∗ et i ∗.
Le quadrant (b) représente la relation entre le revenu (équivalent au pro-
duit) et le niveau de l’emploi. Il s’agit de la représentation de la fonction
de production liant l’emploi à la production (cf. chapitre 7). Pour facili-
ter l’analyse graphique, la fonction de production est représentée par une
droite alors qu’elle était représentée par une fonction croissante et conca-
ve dans le chapitre 7.
Enfin, le quadrant (c) représente la relation, décroissante, entre l’emploi
et le salaire réel. N s et N d étant, respectivement, l’offre de travail et la
demande de travail.

1 En fait, la demande de travail des entreprises résulte d’un comportement de maximisation

du profit. A l’optimum, le salaire réel doit égaliser la productivité marginale du travail.

278
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Le modèle IS-LM : l’équilibre global en économie fermée

i (Taux d'intérêt)

LM

i*

IS
w/p (salaire réel) (w/p)*
Y* YPE
Y (Revenu
Production)
Ns
N*
Situation de
sous-emploi
NPE
Nd

N (Niveau d'emploi)
Figure 13 – L’équilibre de sous-emploi dans le modèle IS-LM
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

La lecture d’un tel graphique se fait « dans le sens des aiguilles » d’une montre.

9
À partir de l’équilibre simultané sur le marché des biens et services et sur
le marché de la monnaie (quadrant (a)), un revenu d’équilibre ainsi
qu’un taux d’intérêt d’équilibre sont déterminés (Y ∗ et i ∗). Le revenu
d’équilibre détermine un niveau de production égal à Y ∗ qui, lui-même,
compte tenu de la fonction de production, détermine un niveau d’emploi
N ∗ (quadrant (b)). À partir de ce niveau d’emploi N ∗ , se détermine un
taux de salaire réel (w/ p)∗ .
Rien ne dit que ce niveau d’emploi N ∗ corresponde à un niveau de plein-
emploi (rien ne garantit que la demande de travail coïncide avec l’offre
de travail). En effet, étant contrainte sur ses débouchés, l’entreprise ne
produit pas autant qu’elle le souhaiterait. Elle limite donc ses embauches

279
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M acroéconomie

à celles strictement nécessaires pour produire le volume de la production,


compte tenu de l’état de sa technologie, ce volume de production étant
dicté par la demande effective. Ainsi, une situation de sous-emploi appa-
raît dans l’économie. L’équilibre de sous-emploi apparaît bel et bien
comme une conséquence de l’insuffisance de la demande effective. Cette
situation de sous-emploi correspond donc à une situation où la deman-
de de travail est inférieure à l’offre de travail. Cette insuffisance de la
demande de travail est due au volume limité de production assuré par
l’entreprise qui, lui-même, est la conséquence de l’insuffisance de la
demande effective.
Si le niveau de plein-emploi correspondait à un niveau d’emploi égal à
NPE , on voit bien que le revenu de plein-emploi, noté YPE, serait supérieur
au niveau d’équilibre Y ∗ . Il serait alors nécessaire de pratiquer une poli-
tique de la relance de la demande pour accroître le revenu d’équilibre
donc le niveau d’emploi. On voit alors qu’une politique budgétaire, ou
une politique monétaire, expansionniste, voire une combinaison des
deux (policy-mix), peut, en augmentant le revenu d’équilibre, accroître le
niveau d’emploi et atteindre le plein-emploi.

5 L’analyse des politiques


économiques
Le modèle IS-LM permet d’analyser les effets des politiques écono-
miques : politique de stimulation, ou de relance, de la demande globale,
sur l’activité économique. Il permet également de déterminer les multi-
plicateurs de ces différentes politiques économiques (donc leur efficacité).

5.1 La politique budgétaire


L’usage de la politique budgétaire par le gouvernement consiste, pour ce
dernier, à agir sur les dépenses publiques ou sur les impôts. Nous exami-
nerons, dans un premier temps, les effets d’une augmentation des
dépenses publiques puis, dans un second temps, les effets d’une diminu-
tion des impôts. Ces deux types de politiques ont pour objectif de stimu-
ler la demande donc l’emploi.

280
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Le modèle IS-LM : l’équilibre global en économie fermée

■ Une augmentation des dépenses publiques


L’effet d’une augmentation des dépenses publiques sur le revenu, mais
aussi sur le taux d’intérêt, s’analyse à partir des équations (18) et (19) en
calculant la dérivée première de, respectivement, Y ∗ et i ∗, par rapport à
G . Nous obtenons :
Y ∗ 1
= >0 (20)
G l1
(1 − c) + a
l2
1
L’expression correspond au multiplicateur de la dépense
l1
(1 − c) + a
l2
publique (appelé également multiplicateur budgétaire). Nous le notons
k G . Compte tenu des propriétés des paramètres c , a , l1 et l2, ce multipli-
cateur est positif.
L’augmentation des dépenses publiques (G > 0) provoque une aug-
mentation du revenu d’équilibre (Y ∗ > 0) , dans une proportion égale
1
à . Nous avons vu, cf. chapitre 7, que l’augmentation des
l1
(1 − c) + a
l2
dépenses publiques, dans le modèle keynésien simplifié, provoquait une
1
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

augmentation du revenu dans une proportion égale à . Nous


(1 − c)

9
voyons donc que, dans le cadre du modèle IS-LM, l’effet multiplicateur
est plus faible. Pourquoi ?
Pour répondre à cette question et analyser l’effet, dans le cadre du modèle
IS-LM, d’une augmentation des dépenses publiques sur le revenu, et in
fine sur le taux d’intérêt, appuyons-nous sur une représentation gra-
phique d’une telle politique.
L’augmentation des dépenses publiques provoque un déplacement de la
courbe IS vers la droite et passe de IS1 à IS2. Le passage de IS1 à IS2 s’effec-
tue en deux étapes. Dans une première étape, l’augmentation des
dépenses publiques provoque, toutes choses égales par ailleurs, une
augmentation de la demande globale. Les entreprises répondent à cette

281
9782100706471-guil-C09.qxd 16/07/14 12:02 Page 282

M acroéconomie

i (Taux d'intérêt)
LM
E2
i2
E1
i1

IS1 IS2
Y1 Y2 YA Y (Revenu, Production)

Figure 14 – Une politique budgétaire expansionniste

augmentation en augmentant leur production (donc leur offre). Le reve-


nu d’équilibre passe, dans une première étape, de Y1 à Y A. Le nouvel équi-
libre du marché des biens et services passe du point E 1 au point A. Ce
passage de Y1 à Y A se fait en ignorant le marché de la monnaie. C’est le
résultat que nous obtenons dans le modèle keynésien simplifié.
Toutefois, dans le modèle IS-LM, le marché de la monnaie n’est plus
ignoré. Mieux, il est interdépendant avec le marché des biens et services.
Dès lors, cette augmentation du revenu va avoir des conséquences sur le
marché de la monnaie. En effet, si le point A constitue un point d’équi-
libre sur le marché des biens et services, il n’en est pas un sur le marché
de la monnaie. Le marché de la monnaie est déséquilibré, plus exacte-
ment, il y a un excès de la demande de monnaie par rapport à l’offre de
monnaie : c’est la deuxième étape du raisonnement.
Dans une deuxième étape, l’augmentation du revenu, de Y1 à Y A, pro-
voque une augmentation de la demande de monnaie pour motif de tran-
saction. Ceci provoque donc un déséquilibre sur le marché de la monnaie
puisqu’il y a un excès de la demande de monnaie par rapport à l’offre (le
point A représente ce déséquilibre). L’offre de monnaie restant constan-

282
9782100706471-guil-C09.qxd 16/07/14 12:02 Page 283

Le modèle IS-LM : l’équilibre global en économie fermée

te, il faut, pour rétablir l’équilibre, que la demande de monnaie pour


motif de spéculation (la seconde composante de la demande de mon-
naie) diminue. Or ceci n’est possible que si le taux d’intérêt augmente.
L’excès de demande de monnaie va alors progressivement se résorber
jusqu’à ce que le marché de la monnaie soit à nouveau équilibré. Mais
l’augmentation du taux d’intérêt va, à son tour, avoir un effet sur le mar-
ché des biens et services. En effet, elle va provoquer une diminution de
l’investissement privé. C’est ce que l’on appelle un effet de second ordre
(ou effet de rétroaction). On parle alors d’un effet d’éviction de l’inves-
tissement privé par l’investissement public : l’augmentation des dépenses
publiques qui provoque, in fine, une augmentation du taux d’intérêt, a
pour effet d’évincer l’investissement des entreprises.
Au final, le point A, qui n’est pas un point d’équilibre global, se déplace, à
cause de l’effet d’éviction, au point E 2 . Le point E 2 constitue le nouveau
point d’équilibre global. Pour cet équilibre global, nous voyons que le reve-
nu d’équilibre augmente, de Y1 à Y2 , ainsi que le taux d’intérêt, de i 1 à i 2 .
Vérifions que cette augmentation du taux d’intérêt est confirmée par
l’approche analytique. Partant de l’équation (19), nous obtenons :
l1
i ∗ l2
= >0 (21)
G l1
(1 − c) + a
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

l2

9
Nous voyons que ce ratio est positif compte tenu des propriétés des para-
mètres c , a , l1 et l2.
Au final, le passage de l’équilibre global E 1 à E 2 se fait en deux temps :
 de E 1 à A : l’impulsion budgétaire qui a des conséquences tout d’abord
sur le marché des biens et services ;
 puis de A à E 2 : les changements intervenus sur le marché des biens et
services suite à l’impulsion budgétaire provoquent, via leur interdé-
pendance, des changements sur le marché de la monnaie qui à leur
tour (effet de second rang) provoquent des effets sur le marché des
biens et services.

283
9782100706471-guil-C09.qxd 17/07/14 11:29 Page 284

M acroéconomie

Il faut s’arrêter quelques instants sur le mode de financement des


dépenses publiques. Pour financer une augmentation des dépenses
publiques, l’État (cf. chapitre 7) a trois possibilités : l’emprunt (émission
de titres), l’impôt (il augmente les impôts pour obtenir un budget équi-
libré1) ou la création monétaire (émission de monnaie). Implicitement2,
dans le modèle IS-LM, le financement des dépenses publiques s’effectue
par l’emprunt. Un tel mode de financement vient renforcer la hausse du
taux d’intérêt. En effet, en émettant des titres, l’État provoque, toutes
choses égales par ailleurs, un déséquilibre sur le marché des titres : l’offre
de titres devient supérieure à la demande de titres. Ceci provoque une
baisse du prix des titres donc une hausse du taux d’intérêt.
Suite à cette analyse, nous voyons bien que l’interdépendance des mar-
chés des biens et services et de la monnaie entraîne un effet multiplica-
teur plus faible que dans le modèle keynésien simplifié (où le marché de
la monnaie était absent). Nous voyons également que l’effet multiplica-
teur, c’est-à-dire l’effet de l’augmentation des dépenses publiques sur
l’activité, va être fonction de l’ampleur de l’effet d’éviction : l’efficacité de
la politique budgétaire sera d’autant plus élevée que l’effet d’éviction sera
faible. Autrement dit, l’effet multiplicateur sera d’autant plus fort que la
sensibilité de l’investissement au taux d’intérêt ( a ) est faible et que celle
de la demande de monnaie au taux d’intérêt (l2 ) est élevée.
Distinguons à présent deux cas « extrêmes » : l’effet d’éviction total et
l’effet d’éviction nul. L’effet d’éviction est total lorsque :
 la courbe LM est verticale (figure 15a). Ce cas signifie que la demande
de monnaie est uniquement composée d’un motif de transaction (la
demande de monnaie pour motif de spéculation est nulle : l2 = 0 )3.
L’augmentation des dépenses publiques provoque un déplacement de
la courbe IS vers la droite de IS1 à IS2. Dans ce cas, le taux d’intérêt
augmente alors que le revenu ne varie pas. La politique budgétaire est

1 Ceci fait référence au théorème d’Haavelmo (cf. chapitre 7).


2 Si ce n’est pas le cas, nous en ferons la précision. Par ailleurs, un encadré, disponible sur
www.dunod.com, présente le cas des financements par l’impôt et la création monétaire.
3 Ceci signifie que la demande de monnaie est totalement insensible au taux d’intérêt.

284
9782100706471-guil-C09.qxd 17/07/14 11:30 Page 285

Le modèle IS-LM : l’équilibre global en économie fermée

dans ce cas totalement inefficace puisqu’elle ne permet pas d’augmen-


ter le revenu d’équilibre. Seul le taux d’intérêt augmente. Le nouvel
équilibre global se traduit par un taux d’intérêt plus élevé et un revenu
identique ;
 la courbe IS est horizontale (figure 15b). Ce cas signifie que l’investis-
sement privé est infiniment élastique au taux d’intérêt (a −→ ∞) .
Dans ce cas, le taux d’intérêt est constant. L’augmentation des
dépenses publiques provoque une augmentation du taux d’intérêt qui
entraîne une diminution de l’investissement privé. La courbe IS ne se

i (Taux d'intérêt) LM

E2
i2
E1
i1

IS2

IS1

Y1 = Y2 Y (Revenu, Production)

Figure 15a – La courbe LM est verticale


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

i (Taux d'intérêt)

LM
9
E
i 1 = i2 IS1 = IS2

Y1 = Y2 Y (Revenu, Production)

Figure 15b – La courbe IS est horizontale

285
9782100706471-guil-C09.qxd 16/07/14 12:02 Page 286

M acroéconomie

déplace pas puisque la courbe IS2 (celle obtenue suite à l’augmentation


des dépenses publiques) se confond avec la courbe IS1 (celle avant
l’augmentation des dépenses publiques). L’équilibre global ne se
modifie alors pas.

L’effet d’éviction est nul lorsque :


 la courbe LM est horizontale (figure 16a). Ce cas signifie que la
demande de monnaie est infiniment élastique au taux d’intérêt
(l2 −→ ∞) .

i (Taux d'intérêt)

E1 E2
i1 = i2 LM

IS1 IS2

Y1 Y2 Y (Revenu, Production)
Figure 16a – La courbe LM est horizontale

i (Taux d'intérêt) IS1 IS2


LM

i2 E2

i1
E1

Y1 Y2 Y (Revenu, Production)

Figure 16b – La courbe IS est verticale

286
9782100706471-guil-C09.qxd 16/07/14 12:02 Page 287

Le modèle IS-LM : l’équilibre global en économie fermée

Nous nous trouvons dans le cas de la trappe à liquidités. Dans cette


zone, toute augmentation des dépenses publiques provoque une aug-
mentation du revenu sans que le taux d’intérêt ne soit affecté. En effet,
les agents ont une préférence absolue pour la monnaie. Le taux d’inté-
rêt est donc invariant. L’augmentation des dépenses publiques n’a pas
d’impact sur l’investissement privé ;
 la courbe IS est verticale (figure 16b). Ce cas signifie que l’investisse-
ment est inélastique au taux d’intérêt (a = 0) . L’investissement est
alors uniquement constitué par une composante autonome. L’aug-
mentation du taux d’intérêt, suite à l’augmentation des dépenses
publiques, n’a donc aucun effet sur l’investissement privé.
Ces résultats peuvent également se retrouver à partir des équations (18)
et (19).
Ainsi, lorsque :
Y ∗
 la courbe LM est verticale (effet d’éviction total) : =0;
G
Y ∗
 la courbe IS est horizontale (effet d’éviction total) : =0;
G
Y ∗ 1
 la courbe LM est horizontale (effet d’éviction nul) : = ;
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

G (1 − c)

9
Y ∗ 1
 la courbe IS est verticale (effet d’éviction nul) : = .
G (1 − c)

■ Une diminution des impôts

Dans le modèle IS-LM, une variation des impôts, à condition qu’ils


soient exogènes – indépendants des variations du revenu (cf. chapitre 6)
– a des répercussions sur le revenu d’équilibre, comme pour les dépenses
publiques. La seule différence tient dans les canaux de transmission. En
effet, la diminution des impôts provoque, dans un premier temps, une
augmentation du revenu disponible qui, dans un second temps, entraîne
une augmentation de la consommation. L’augmentation de la consom-

287
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M acroéconomie

mation provoquant in fine l’augmentation de la demande globale1. Le


raisonnement à partir de là est identique à celui des dépenses publiques :
l’augmentation de la demande globale provoque une augmentation de
l’offre des entreprises. Dès lors le revenu d’équilibre augmente (de Y1 à
Y2 ). La courbe IS se déplace vers la droite de IS1 en IS2. Le nouveau point
d’équilibre sur le marché des biens se déplace donc du point E 1 vers le
point A. Le point A n’est pas un point d’équilibre global puisqu’il corres-
pond à une situation de déséquilibre sur le marché de la monnaie (excès
de demande de monnaie par rapport à l’offre de monnaie). En effet, si le
revenu augmente, cela provoque une augmentation de la demande de
monnaie pour motif de transaction. L’offre de monnaie restant constante,
il est donc nécessaire, pour rétablir l’équilibre sur le marché de la mon-
naie, que la demande de monnaie pour motif de spéculation diminue.
Ceci ne peut se produire que si le taux d’intérêt augmente. Mais, effet de
second rang oblige, la hausse du taux d’intérêt freine l’investissement des
entreprises venant ainsi diminuer l’effet multiplicateur initial. Au final, le
nouveau point d’équilibre correspond au point E 2 où le revenu a aug-
menté (de Y1 à Y2 ) ainsi que le taux d’intérêt (de i 1 à i 2 ).
L’approche analytique confirme nos résultats. Partant des équations (18)
et (19), nous obtenons :
Y∗ −c
= >0 (22)
T l1
(1 − c) + a
l2

l1
−c
i ∗ l2
= >0 (23)
T l1
(1 − c) + a
l2

−c
L’expression correspond au multiplicateur fiscal. Nous le
l1
(1 − c) + a
l2

1 La variation des dépenses publiques augmente « directement » la demande globale.

288
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Le modèle IS-LM : l’équilibre global en économie fermée

notons k T . Compte tenu des propriétés des paramètres c , a , l1 et l2, ce


multiplicateur est positif. Par ailleurs, nous voyons que :
1 c
kG = > |k T | = (24)
l1 l1
(1 − c) + a (1 − c) + a
l2 l2

Relancer la demande est donc plus efficace par une politique budgétaire
(augmentation des dépenses publiques) que par une politique fiscale
(diminution des impôts)1.

5.2 La politique monétaire


La politique monétaire consiste, pour les autorités monétaires, à modifier la
quantité de monnaie en circulation dans l’économie. Si les autorités moné-
taires choisissent d’augmenter, ou de diminuer, la quantité de monnaie,
nous parlerons alors de politique monétaire expansionniste ou restrictive.
Dans le cas d’une politique monétaire expansionniste, les autorités
monétaires décident d’augmenter l’offre de monnaie (m > 0) , parce
qu’elles considèrent que l’économie est dans une situation de sous-
emploi et qu’elle souhaite, au même titre que la politique budgétaire
expansionniste, réduire le chômage.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Débutons tout d’abord par l’effet de cette politique monétaire expan-


sionniste sur le revenu et le taux d’intérêt. Pour cela, nous repartons des
équations (18) et (19) à partir desquelles nous calculons les dérivées par-
tielles par rapport à m . Nous obtenons :
a
9
Y ∗ l2
= >0 (25)
m l1
(1 − c) + a
l2

1Un encadré, disponible sur www.dunod.com, présente le modèle IS-LM avec imposition
endogène.

289
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M acroéconomie

(1 − c)

i ∗ l2
= <0 (26)
m l1
(1 − c) + a
l2

L’expression (26) correspond au multiplicateur monétaire. Compte tenu


des propriétés des paramètres c , a , l1 et l2, ce multiplicateur est positif.
L’expression (26) a, quant à elle, un signe négatif. Une politique monétaire
expansionniste a donc pour effet d’augmenter le revenu et de diminuer le
taux d’intérêt.

i (Taux d'intérêt)

LM1 LM2

E1
i1
E2
i2

iA
A
IS

Y1 Y2
Y (Revenu, Production)

Figure 17 – Une politique monétaire expansionniste

Nous avons vu, au chapitre 8 ainsi que dans la section 3 de ce chapitre,


qu’une politique monétaire expansionniste (restrictive) provoquait une
diminution (augmentation) du taux d’intérêt. C’est ce que l’on appelle
une politique d’open-market. Une politique d’open-market consiste,
pour une banque centrale, à acheter des titres pour injecter de la

290
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Le modèle IS-LM : l’équilibre global en économie fermée

monnaie ou, à l’inverse, à vendre des titres pour diminuer la quantité de


monnaie disponible dans l’économie. Lorsque les autorités monétaires
augmentent l’offre de monnaie en circulation, elles procèdent, en contre-
partie1, à l’achat de titres. L’achat de titres provoque, toutes choses égales
par ailleurs, un déséquilibre sur le marché des titres : la demande de titres
devient supérieure à l’offre de titres. Ceci provoque une hausse du prix
des titres, donc une baisse du taux d’intérêt (en vertu de la relation
inverse entre le prix des titres et le taux d’intérêt). La baisse du taux
d’intérêt provoque une augmentation de l’investissement qui entraîne
une hausse de la demande globale. Les entreprises augmentent alors leur
offre ce qui permet l’augmentation du revenu d’équilibre.
L’augmentation de l’offre de monnaie provoque un déplacement de la
courbe LM vers la droite et passe de LM1 à LM2. Le passage de LM1 à LM2
s’effectue en deux étapes.
Dans une première étape, l’augmentation de la quantité de monnaie pro-
voque, toutes choses égales par ailleurs, un excès d’offre de monnaie sur
le marché de la monnaie. Ceci provoque une baisse du taux d’intérêt. En
effet, comme nous raisonnons à revenu constant, l’excès d’offre de mon-
naie ne peut être absorbé que si la demande de monnaie pour motif de
spéculation augmente. Or ceci n’est possible que si le taux d’intérêt dimi-
nue. L’équilibre passe du point E 1 au point A (le taux d’intérêt diminue
de i 1 à i A ). Le point A n’est pas le nouveau point d’équilibre global. En
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

effet, au point A, le marché des biens et services est déséquilibré. Ce désé-

9
quilibre se caractérise par une insuffisance de l’investissement par rap-
port à l’épargne2. La baisse du taux d’intérêt, il s’agit là de la seconde
étape du raisonnement, stimule alors, sur le marché des biens et services,

1 Les autorités monétaires n’augmentent pas l’offre de monnaie gratuitement ! Pour résu-

mer brièvement et de façon assez simple : une politique monétaire expansionniste consis-
te, pour les autorités monétaires, à fournir des liquidités au marché (hausse de la quantité
de monnaie offerte) en achetant des titres. Inversement, une politique monétaire restricti-
ve consiste, pour les autorités monétaires, à vendre des titres, donc à retirer de la liquidité
du marché.
2 Nous pouvons aussi dire que ce déséquilibre se caractérise par l’excès de l’offre de biens et

services sur la demande de biens et services.

291
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M acroéconomie

l’investissement qui, à son tour, augmente le revenu (puisque l’investis-


sement est une composante de la demande). Suite à cette seconde étape,
le nouvel équilibre global se trouve au point E 2 où, suite à la politique
monétaire expansionniste, le revenu a augmenté (de Y1 à Y2 ) et le taux
d’intérêt a diminué (de i 1 à i 2 ).
Nous voyons donc qu’une politique monétaire expansionniste provoque
une augmentation du revenu et une baisse du taux d’intérêt conformé-
ment aux équations (25) et (26).
Regardons à présent, comme pour la politique budgétaire, l’efficacité de
la politique monétaire. L’efficacité de la politique monétaire est maxima-
le lorsque :
 la courbe IS est horizontale (figure 18a). L’investissement est infini-
ment élastique au taux d’intérêt (a −→ ∞) . Le taux d’intérêt étant
constant, l’augmentation de la quantité de monnaie en circulation
provoque une augmentation du revenu d’équilibre ;
i (Taux d'intérêt)
LM1
LM2

E1 E2
i1 = i2 IS

Y1 Y2 Y (Revenu, Production)

Figure 18a – La courbe IS est horizontale

 la courbe LM est verticale (figure 18b). Dans ce cas, la demande de


monnaie est uniquement composée d’un motif de transaction ; la
demande de monnaie est totalement insensible au taux d’intérêt
(l2 = 0). L’augmentation de l’offre de monnaie provoque une baisse

292
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Le modèle IS-LM : l’équilibre global en économie fermée

i (Taux d'intérêt)
LM1 LM2

i1 E1

i2 E2

IS

Y1 Y2 Y (Revenu, Production)

Figure 18b – La courbe LM est verticale

du taux d’intérêt qui se répercute intégralement sur l’investissement.


Ce dernier, en augmentant, provoque une hausse du revenu d’équi-
libre. La baisse du taux d’intérêt se répercute intégralement sur l’inves-
tissement car les agents n’ont plus à répartir l’excès de monnaie entre
les motifs de transaction et de spéculation mais consacrent cet excès
uniquement au motif de transaction.
L’efficacité de la politique monétaire est nulle lorsque :
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

 la courbe IS est verticale (figure 19a). Dans ce cas, l’investissement est


totalement insensible au taux d’intérêt (a = 0) . L’augmentation de la
quantité de monnaie en circulation a pour seul effet de diminuer le
taux d’intérêt ; 9
 la courbe LM est horizontale (figure 19b). Il s’agit du cas de la trappe
à liquidités. Dans ce cas, la demande de monnaie est infiniment élas-
tique au taux d’intérêt (l2 −→ ∞) . Toute augmentation de la quantité
de monnaie en circulation dans l’économie tombe dans une trappe. Le
taux d’intérêt étant si bas qu’il ne peut plus diminuer. Les agents
absorbent tout supplément de monnaie offerte sous forme de liquidité.

293
9782100706471-guil-C09.qxd 16/07/14 12:02 Page 294

M acroéconomie

i (Taux d'intérêt) IS
LM1 LM2

I1 E1

I2 E2

Y1 = Y2 Y (Revenu, Production)

Figure 19a – La courbe IS est verticale

i (Taux d'intérêt)

E
i1 = i 2 LM1 LM2

IS
Y1 = Y2 Y (Revenu, Production)

Figure 19b – La courbe LM est horizontale

Nous pouvons retrouver ces résultats avec les multiplicateurs :


Y ∗
 la courbe LM est horizontale (efficacité nulle) : =0;
m
Y ∗
 La courbe IS est verticale (efficacité nulle) : = 0.
m
Y ∗ 1
 la courbe IS est horizontale (efficacité totale) : = ;
m l1

294
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Le modèle IS-LM : l’équilibre global en économie fermée

Y ∗ 1
 La courbe LM est verticale (efficacité totale) : = .
m l1

5.3 Le policy-mix
■ Principe
La section 5.1 analysait les effets d’une politique budgétaire expansion-
niste à politique monétaire inchangée tandis que la section 5.2 analysait
les effets d’une politique monétaire expansionniste à politique budgétai-
re inchangée. Il est cependant possible d’utiliser simultanément ces deux
politiques économiques pour accroître l’efficacité de l’intervention (de
l’État et de la Banque centrale) afin de réguler l’activité économique.
La combinaison des politiques budgétaire et monétaire constitue ce que
l’on appelle le policy-mix. Il consiste à utiliser la politique budgétaire et
la politique monétaire pour renforcer l’efficacité de l’intervention
publique ou atteindre des objectifs qui seraient sinon contradictoires1.

■ Analyse
Analysons une combinaison, un policy-mix, de la politique budgétaire et
de la politique monétaire.
Supposons à nouveau que l’économie se situe dans une situation de sous-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

emploi. Pour y remédier, l’État peut entreprendre une politique budgétaire

9
expansionniste en augmentant les dépenses publiques (cf. section 5.1 ; sur
la figure 20 infra, l’équilibre passe du point E1 au point E2)2. Nous savons
qu’une telle politique accroît le revenu (donc diminue le

1 Jan Tinbergen (prix Nobel d’économie en 1969) recommandait ainsi d’utiliser autant

d’instruments de politique économique qu’il y avait d’objectifs à atteindre. Si, par exemple,
l’État souhaite réduire son déficit sans pénaliser l’emploi, il doit combiner une politique
budgétaire restrictive et une politique monétaire expansionniste. Le policy-mix consiste
alors à trouver la « bonne » pondération entre ces deux politiques pour atteindre ces deux
objectifs.
2 Mankiw (2010) propose l’étude du policy-mix à partir d’une politique fiscale restrictive

(Mankiw, 2010, p. 401).

295
9782100706471-guil-C09.qxd 16/07/14 12:02 Page 296

M acroéconomie

chômage) mais également le taux d’intérêt (c’est l’effet d’éviction). Cet


effet d’éviction vient amoindrir les effets de la relance, donc les effets du
multiplicateur et, in fine, la résorption du chômage. Pour contrer l’effet de
la hausse du taux d’intérêt, les autorités monétaires peuvent décider d’une
politique monétaire expansionniste. En effet (cf. section 5.2), nous savons
qu’une telle politique accroît le revenu et diminue le taux d’intérêt. Dès
lors, en souhaitant maintenir constant le taux d’intérêt, les autorités
monétaires vont alors procéder à une augmentation de l’offre de monnaie
afin de « contrer » les effets négatifs de la politique budgétaire expansion-
niste (la hausse du taux d’intérêt qu’elle génère). Nous voyons qu’avec un
tel policy-mix, le taux d’intérêt reste constant alors que le revenu aug-
mente. Le point E 3 est le nouveau point d’équilibre. Sans l’accompagne-
ment de la politique monétaire, la politique budgétaire expansionniste
aurait abouti au point E2 comme nouveau point d’équilibre.

i (Taux d'intérêt)
LM1 LM2

E2
i2
i1 = i3 E3
E1

IS1 IS2

Y1 Y2 Y3 Y (Revenu, Production)

Figure 20 – Le policy-mix

L’analyse graphique se fait, là aussi, en deux temps. Premier temps, la


politique budgétaire expansionniste accroît le revenu et le taux d’intérêt.
Le nouveau point d’équilibre (à politique monétaire inchangée) se trouve
en E2. La courbe IS se déplace vers la droite, de IS1 à IS2. Second temps,
la Banque centrale décide, afin de contrer la hausse du taux d’intérêt,

296
9782100706471-guil-C09.qxd 16/07/14 12:02 Page 297

Le modèle IS-LM : l’équilibre global en économie fermée

d’accroître l’offre de monnaie. La courbe LM se déplace alors vers la


droite, de LM1 vers LM2. L’équilibre se déplace alors du point E2 vers E3.
À ce point, le taux d’intérêt n’a pas, au final et grâce au policy-mix, bougé
(i 3 = i 1 ) mais le revenu a augmenté de Y1 à Y3 .
Le policy-mix permet donc, dans le cas de notre exemple, de maintenir
constant le taux d’intérêt et d’accroître le revenu.
Comment calculer les multiplicateurs associés à une telle politique ?
Pour répondre à cette question, nous devons repartir des équations
d’équilibre du modèle (équations (18) et (19)). L’objectif du policy-mix
étudié ici est de maintenir constant le taux d’intérêt, soit i ∗ = 0 .
Compte tenu du fait que nous voulons agir simultanément sur les
dépenses publiques et la masse monétaire, pour maintenir constant le
taux d’intérêt, la masse monétaire doit varier en fonction des dépenses
publiques dans une proportion égale à :
l1
m = G (27)
1−c
Ainsi, nous obtenons le multiplicateur suivant :
Y ∗ 1
= (28)
G 1−c
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Nous retrouvons l’expression du multiplicateur keynésien élémentaire.


Ceci est une « demi-surprise » puisque notre objectif était de maintenir
constant le taux d’intérêt, donc d’éliminer l’effet d’éviction. L’équation
(28) est bien celle obtenue lorsque l’effet d’éviction est éliminé. 9
5.4 Estimation des multiplicateurs
L’estimation des multiplicateurs s’effectue à l’aide des modèles macro-
économétriques1. Un modèle macroéconomique « est un système
1 Notons que si les modèles macroéconométriques ont connu un développement massif à
partir des années 1960, des premiers modèles apparaissent dès les années 1920-1930. Ce
sont, essentiellement Ragnar Frisch et Jan Tinbergen qui les développèrent. J. Tinbergen et
R. Frisch furent les premiers lauréats du prix Nobel d’économie en 1969 pour leurs travaux
en macroéconométrie. J. Tinbergen a même, dans le cadre d’un travail pour la Société des

297
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M acroéconomie

d’équations basé sur une théorie dans lequel les coefficients sont chiffrés
à l’aide de techniques d’estimation économétrique, c’est-à-dire en déter-
minant leurs valeurs afin de permettre au modèle de reproduire le plus
fidèlement possible l’évolution historique telle qu’elle ressort des comptes
nationaux passés » (Hairault, 2000). La structure théorique de la plupart
des modèles macroéconométriques repose sur le modèle IS-LM à court
terme. À la différence près du modèle théorique présenté dans ce chapitre
(comportant un nombre raisonnable d’équations), les modèles macroé-
conométriques peuvent comporter un très grand nombre d’équations. À
titre d’exemple, le modèle MÉSANGE (Modèle Économétrique de
Simulation et d’ANalyse Générale de l’Économie) de la Direction généra-
le du Trésor comporte environ 500 équations dont une quarantaine retra-
ce des comportements2. Il existe un grand nombre de modèles :
MÉSANGE, OPALE, NiGEM, INTERLINK, etc. chacun pouvant évaluer
les multiplicateurs. Ce chiffrage est propre à chaque modèle, donc aux
hypothèses faites dans chacun d’eux. De plus, la crise financière interve-
nue depuis 2007 et ses conséquences ont remis en cause l’estimation des
multiplicateurs. Un grand nombre de travaux a montré que les multipli-
cateurs étaient affectés par la crise comme, par exemple, les travaux de
Cogan et al. (2010).

6 Critiques théoriques et validation


empirique
D’un point de vue théorique, le modèle IS-LM souffre d’un certain
nombre de lacunes, parmi lesquelles :
 absence de fondements microéconomiques ;
 absence d’anticipations des agents ;
 fixité des prix ;

Nations en 1939, estimé un modèle qui se voulait proche des travaux de Keynes. Keynes,
sollicité pour évaluer le travail, fut très sceptique sur celui-ci.
2 MÉSANGE est considéré comme un modèle macroéconométrique de taille moyenne. En

effet, le modèle DMS (un des tous premiers modèles mis en place par l’Insee) comptait
presque 2000 équations !

298
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Le modèle IS-LM : l’équilibre global en économie fermée

 stabilité de la fonction de consommation ;


 la Banque centrale contrôle le taux d’intérêt plutôt que l’évolution de la
masse monétaire. Comme nous l’avons étudié, la Banque centrale fixe
la quantité de monnaie en circulation alors que, dans la pratique, les
banques centrales fixent le taux d’intérêt. L’étude centrale de Clarida et
al. (1998) montre en effet que la politique monétaire prend en compte
le taux d’intérêt (réel, nominal corrigé de l’inflation) comme variable de
contrôle et que les agrégats monétaires jouent un rôle secondaire.
Malgré toutes ces critiques et les reformulations du modèle IS-LM qui ont
eu lieu depuis plusieurs années, il faut bien reconnaître que ce modèle
reste encore de nos jours un instrument d’analyse majeur de la théorie
économique car il offre une représentation macroéconomique simple à
comprendre du fonctionnement d’une économie fermée à court terme. Il
permet également d’analyser les politiques de stimulation de la demande.
D’un point de vue empirique, le modèle IS-LM a fait l’objet d’un certain
nombre d’estimations. Le travail le plus souvent cité (car reconnu) mené
par Christiano et al. (1996) permet de rendre compte de la compatibilité
du modèle IS-LM avec la réalité. Cette étude s’intéresse aux effets des
changements du taux d’intérêt directeur de la Réserve fédérale (Fed) sur
l’économie américaine entre 1960 et 1990. Cette étude faisant l’objet
d’une analyse détaillée dans l’ouvrage de Blanchard et Cohen (2006)1,
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

nous ne ferons que rappeler les principaux résultats. À court terme, une
hausse du taux d’intérêt directeur provoque :
 une baisse de la production ;
 une hausse du taux de chômage. 9
Ceci est conforme aux prédictions du modèle IS-LM.
L’étude des prix est particulièrement intéressante. En effet, à court terme,
l’effet de la politique monétaire menée (hausse du taux d’intérêt direc-
teur) a peu, voir pas, d’effet sur les prix. Ce n’est qu’à moyen terme (à
compter du 7e trimestre suivant la hausse du taux d’intérêt) que les prix
commencent à baisser. Dès lors, le modèle IS-LM semble approprié pour
étudier les fluctuations d’une économie à très court terme mais devient
obsolète à moyen terme. Si les prix peuvent être considérés comme fixes
à court terme, ce n’est absolument plus le cas à moyen terme.

299
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1 Cet ouvrage a été traduit en français et est paru en 1952 sous le titre Théorie Monétaire et

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2 Cet ouvrage a également été traduit en français et est paru en 1953 sous le titre

Introduction à la pensée keynésienne.

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302
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Index
A demande sur le marché de la
accélérateur fixe 158 de monnaie pour motif monnaie 264
accélérateur flexible 161 de transaction 235 sur le marché des biens et
actualisation 144 effective 276 services 254
administrations publiques 64 globale 201, 254 excédent primaire 190
agrégat(s) 19, 79 dépenses publiques 38, 40, 183 exportations 38, 40
monétaires M1 228 désinflation 48 nettes 38, 40
monétaires M2 229 diagramme IS-LM 274 F
monétaires M3 228 double coïncidence des
besoins 223 flux 60
augmentation de son capital 165 fonction
autofinancement 164 dynamique d’accumulation
du capital 141 de consommation concave 114
B d’investissement 152
E de consommation 108
branche 89
économie de consommation affine 112
C
de troc 223 de consommation
capitalisation 144 normative 24 linéaire 113
ceteris paribus 23 positive 24 formation
circuit économique 58 effet brute de capital fixe 135
comptabilité nationale 56, 57 d’éviction 283 nette de capital fixe 143
compte(s) d’imitation ou de
chaînés 34 H
démonstration 123
d’affectation des revenus de cliquet 124 hyperinflation 49
primaires 72 Pigou 236 hypothèse du revenu relatif
d’exploitation 72 efficacité marginale du 123
d’utilisation du revenu 73 capital 154 I
de capital 73
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

encaisses illusion monétaire 276


de distribution secondaire oisives 270
du revenu 73 importations 38, 40
endettement 165 indice des prix à la consom-
de patrimoine 100 entreprise publique 174
de production 72 mation 47
équation inflation 44
financier 73, 98
des échanges de Fisher 232 Institut national de la sta-
consommation 38, 39
des encaisses de tistique et des études éco-
de capital fixe 143
Cambridge 235 nomiques (Insee) 61
finale 103
équilibre institutions sans but lucratif
intermédiaire 103
comptable 199 au service des ménages 64
courbe
de sous-emploi 280 investissement 38, 39, 135
IS 254
épargne-investissement 254 brut 142
LM 265
coût d’opportunité 240 ex ante 199 de remplacement 142
ex post 199 en stocks 40
D global 200, 253 net 142
déficit primaire 190 macroéconomique 199
déflateur du PIB 29, 46 macroéconomique global 274 L
déflation 49 ressources-emplois 41, 75 loi

303
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M acroéconomie

d’Okun 55 du produit PIB 79 permanent 126


psychologique fonda- du revenu (PIB) 81 transitoire 126
mentale 105 P S
M PERRUC 68 secteur 89
macroéconomie 15, 18 PIB institutionnel 62
main invisible 169 nominal 27 situation de sous-emploi 253
ménages 64 réel 27 sociétés
microéconomie 18 policy-mix 295 financières 63
modèle 21 politique non-financières 63
IS-LM 252 budgétaire 280 budgétaire 176, 188
monnaie 222, 224 d’open-market 290 conjoncturel 189
agrégats monétaires 228 monétaire 289 primaire 190
cours forcé 227 monétaire expansionnis- public 176, 188
cours légal 227 te 271 structurel 189
cours libre 227 monétaire restrictive 271 stocks 60
intermédiaire des échanges 224 préférence
monnaie pour les titres 270 T
fiduciaire 227 pour la liquidité 238, 240 tableau
métallique 226 prélèvements obligatoires des opérations financières 98
scripturale 227 64, 180 économique d’ensemble
réserve de valeur 225 principe (TEE) 68, 83
unité de compte 224 de l’accélérateur 156 entrées-sorties 88
monopole naturel 173 de la demande effective taux
motif 202, 253 d’inflation 44
de précaution 239 prix de chômage 50
de spéculation 238 d’acquisition 76 de croissance moyen annuel 38
de transaction 238 de base 76 de prélèvements obliga-
multiplicateur 256 produit toires 180
budgétaire 281 intérieur brut 26 de rendement interne 149
fiscal 288 national brut 26 théorème de Modigliani-
monétaire 290 propension Miller 165
N marginale à consommer 109 théorie
marginale à épargner 116 du revenu permanent 126
nationalisation 175 moyenne à consommer 109
neutralité de la monnaie 223 quantitative de la monnaie 232
moyenne à épargner 115
non-exclusion 171 V
non-rivalité 171 Q
valeur actuelle nette (VAN) 146
O q de Tobin 166 variable(s) 20
offre globale 201 R nominale 27
opérations recettes publiques 180 réelle 27
de patrimoine 67 règlementation 172 endogènes 20
de répartition 66 régulation 172 exogènes 20
financières 67 représentation à quatre vitesse
sur produits 65 quadrants 267 decirculationdelamonnaie232
optique reste du monde 65 de revenu 237
de la demande PIB 80 revenu 126 de transaction 237

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