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L ’ i m p a c t d e s i n v e s t i s s e m e n t s d i r e c t s é t r a n g e r s ( I D E )

Les IDE, un facteur crucial de l’insertion


des pays d’Europe centrale et orientale
dans l’économie européenne
Les IDE n’ont cessé d’augmenter (IDE), au point de dépasser, en stock par les IDE n’ont cessé d’augmenter
habitant, le niveau de la plupart des depuis le début de la transition de ces
depuis le début de la transition pays émergents. pays vers l’économie de marché et ont
L’attractivité de ce groupe de pays, joué un rôle essentiel dans la restruc-
des pays d’Europe centrale et dont il faut souligner la diversité, turation de leur économie. Reste à se
orientale vers l’économie de résulte sans doute principalement de demander si les flux vont se pour-
la perspective de l’adhésion à l’Union suivre et recenser les obstacles que
marché. La dynamisation des éco- européenne, aujourd’hui effective ces pays auront à surmonter pour
pour huit d’entre eux. Pour les inves- assurer leur pérennité.
nomies par l’investissement étran- tisseurs, celle-ci garantissait le libre
ger s’observe à trois niveaux : un accès de leurs productions sur le mar-
ché communautaire, un cadre juri-
L’essor des IDE
rattrapage de la productivité dans dique qui se rapprochait progres- au cours de la transition
sivement du cadre européen grâce à la
les PECO, une spécialisation des reprise de l’acquis communautaire et
vers l’économie
économies qui reflètent sectoriel- une convergence progressive vers les de marché
niveaux de développement des pays
lement ces flux d’IDE et une géo- de l’Europe à 15. En outre, ces pays Chaque pays de la région a suivi un
disposent de nombreux atouts : une rythme propre, au fur et à mesure de
graphie économique de l’industrie main-d’œuvre éduquée et encore peu son avancement dans la transition insti-
coûteuse, leur proximité géogra-
européenne qui se transforme en phique avec l’Europe développée, le
dynamisme de leur consommation sti- (1) Olivier Louis est chef de la Mission économique
un jeu mutuellement bénéfique. régionale pour l’élargissement à Varsovie et Yann
mulée par la croissance du revenu des Lepape économiste régional dans cette même unité
relevant du service international unifié (DREE et
Reste à se demander si les flux ménages et les prémices d’une spécia- Trésor) du MINEFI. Les opinions exprimées ici n’en-
lisation sectorielle en cours de déve- gagent que les auteurs, qui tiennent à remercier
Marc Lantéri pour ses contributions régulières sur
vont se poursuivre et recenser les loppement (automobile, pharmacie, le sujet ainsi que sa relecture attentive du présent
article. D’autres analyses détaillées sur
textiles et ameublement). De ce fait,
obstacles que ces pays auront à l’Elargissement sont
www.dree.org/elargissement.
disponibles sur

surmonter pour assurer TABLEAU I


Stock d’lDE entrants dans les PECO (+Chine et Mexique), en M USD,
par habitant et en % du PIB et flux 2003 (M €)
leur pérennité.
Stock 2002 Flux 2003
M USD /Hab /PIB Me
par Olivier Louis
Chef de la mission économique BU 3 889 497 25,0 1 270
Elargissement CZ 38 450 3 766 64,3 2 747
et par Yann Lepape EST 4 226 3 121 65,9 142
Economiste régional Elargissement HU 24 416 2 410 38,2 -102
de l’UE (1) LET 2 723 1 171 32,4 373
LIT 3 981 1 150 28,9 524
POL 45 150 1 182 24,0 4 722
ROU 8 786 406 20,5 1300
SLK 10 225 1 900 43,2 720

E n près de quinze ans, les pays


d’Europe centrale et orientale
(PECO) ont attiré un flux impor-
tant d’investissements directs étrangers
SLV
CHIN
MEX
5
447
154
074
892
003
2 542
351
1 495
23,1
36,2
24,2
2 048

N o v e m b r e 2 0 0 4 35
tutionnelle et économique. De façon TABLEAU II
assez naturelle, les entreprises installées Coût horaire de la main d’œuvre (€ et UE15=100)
en Allemagne sont les premiers investis- et productivité apparente du travail (€/employé et UE15=100)
seurs dans la région qui, pour elles, Coût horaire 2002 Pté apparente du travail
constitue un véritable Hinterland indus-
€* UE15=100 e/Emploi** UE15=100
triel (2).
Fin 2003, les stocks d’IDE en Europe BU 1,4 6 5,5 10
centrale et orientale étaient estimés à CZ 4,9 20 14,9 27
environ 160 Mrds USD, soit un montant EST 3,7 15 11,7 22
HU 5,0 21 17,8 33
de 1500 USD par habitant. En près de
LET 2,6 11 9,1 17
15 ans de transition, les PECO, dans
LIT 3,1 13 10,6 19
leur ensemble, ont donc rattrapé le
POL 5,2 21 14,7 27
niveau des autres zones émergentes. Le
ROU 1,8 7 6,2 11
tableau I ci-après est néanmoins diffé-
SLK 3,4 14 11,1 20
rencié selon les pays. SLV 10,5 43 28,6 52
En masse, la Pologne (50 Mrds USD), UE15 24,4 100 54,6 100
la République tchèque (41 Mrds USD)
et la Hongrie (24 Mrds USD) ont attiré
plus de 70 % du total. En IDE par habi-
tant, trois groupes de pays peuvent être entrants, les grandes privatisations chaque entrepreneur doit établir un
distingués : un premier comprend la expliquant la variabilité des flux d’une bilan entre des économies (coût direct
République tchèque, l’Estonie, la année sur l’autre : en 2002, année de la main-d’œuvre essentiellement) et
Hongrie, la Slovénie, la Slovaquie record, ils se sont élevés à 22 Mrds €, des coûts induits (logistique, investisse-
ainsi que les deux pays méditerranéens contre 8 Mrds € estimés l’an dernier. ments initiaux, mais aussi éloignement
qui ont été les grands gagnants dans Pour 2004, le consensus se situe autour de ses réseaux de fournisseurs et d’in-
l’accueil en IDE ; le second groupe, d’un flux de 12 Mrds € d’IDE entrants. formations).
avec un niveau autour de la moyenne En 2002, en Slovénie, le rachat de LEK Avec le rattrapage économique, la
régionale, inclut la Pologne, la (produits pharma- demande dans les
Lettonie et la Lituanie ; et le troisième ceutiques) par Le déclin démographique des PECO croît rapide-
est constitué de la Roumanie et de la Novartis pour 900 PECO - la Hongrie ou la ment en quantité
Bulgarie, pays disposant d’un fort M € a, par République tchèque pourraient et se diversifie
potentiel de rattrapage, qui est en train exemple, doublé le perdre 1,4 M d’individus (verticalement et
de s’amorcer. flux 2002. Cette en âge de travailler d’ici horizontalement).
Au sein des pays, on observe de fortes même année, la 2025 - devrait accélérer En masse, ces mar-
disparités. Les investissements se privatisation de la convergence des salaires chés restent margi-
concentrent dans les capitales, avec un SPP (gazier slo- naux à l’échelle
effet « sièges sociaux et services asso- vaque) au profit du européenne : les
ciés » notamment, le long des grand consortium GdF-RuhrGas-Gazprom a 75 millions d’individus qui viennent
axes européens de transports ou dans rapporté 2,7 Mrds USD à l’Etat, soit d’entrer dans l’Union (17 % de la popu-
les régions frontalières avec des régions plus de 60 % des investissements lation de l’UE 25) représentaient fin
riches de l’ex -Union à 15 (la frontière directs étrangers entrants totaux ; en 2003 un PIB de 435 Mrds € environ,
germano-polonaise peut ici être oppo- République tchèque, l’allemand RWE a soit 4,7 % du PIB de l’UE 25, mais
sée à celle entre l’Autriche et la fini de payer la facture de Transgas (4,1 9,5 % cependant en SPA (standard de
Hongrie ou le sud-ouest tchèque et la Mrds USD). En Pologne, en 2000, la pouvoir d’achat). A terme donc, les taux
Bavière). vente d’un peu moins de 50 % de l’opé- d’équipement d’automobiles, d’ordina-
L’instauration d’un cadre juridique rateur télécom national TPSA à France teurs ou de lave-vaisselle, convergeront
stable ainsi que l’implémentation de Telecom pour un montant de 4 Mrds vers les niveaux moyens de l’Union
l’acquis communautaire dans la pers- USD a fait monter les IDE à 10 Mrds d’une part, et la demande montera en
pective de l’adhésion à l’Union euro- USD cette année-là. gamme, d’autre part. Si l’on prend
péenne ont constitué, en amont, des Les facteurs d’attractivité se situent du l’exemple de l’automobile, les immatri-
éléments décisifs de l’attractivité des côté de la demande comme de l’offre : culations de voitures neuves d’entrée
PECO. On observe, en effet, une rela- ces pays constituent de nouveaux mar- de gamme représentent plus de 50 %
tion positive assez nette entre, d’une chés mais constituent également de du total en Slovénie contre 25 % en
part, les indicateurs de transition de la nouveaux concurrents. Les premiers Espagne, l’écart de PIB/habitant par rap-
BERD et, d’autre part, le stock sont en général à envisager dans une
d’IDE/PIB. perspective de moyen terme alors que
On estime que les privatisations ont les seconds paraissent plus immédiats.
représenté 40 % environ des flux d’IDE Dans le choix d’une localisation,
(2) Voir Dossier 38 de la Revue Elargissement,
Spécial PECO-Allemagne, novembre 2003.

36 A n n a l e s d e s M i n e s
port à la moyenne européenne étant de les PECO. Fin 2001, 22 Mrds USD de la restructuration
l’ordre de 18 points. avaient été investis dans les pays candi-
Le différentiel de salaires, charges dats par des entreprises installées en
des économies des PECO
sociales inclues (de l’ordre de 35 % du Allemagne, 15,5 Mrds USD prove-
salaire brut en moyenne) et corrigés des naient de France et 13 Mrds USD des Après l’effondrement des systèmes pro-
différentiels de productivité, rend ces Etats-Unis (5). En dynamique, ces flux ductifs entre 1990 et 1993, les investis-
pays particulièrement attractifs pour les en provenance d’Allemagne progres- sements étrangers ont permis d’une part
activités intensives en main-d’œuvre sent depuis 1990, l’émergence de
(voir le tableau II). Il faut cependant et sont surtout Entre 1990 et 2000, l’industrie nouvelles spéciali-
rappeler, premièrement que ces quasiment équi- et l’agriculture des PECO sations industrielles
moyennes cachent d’importantes dispa- valents depuis le ont perdu 9 millions d’emplois et, d’autre part, le
rités tant régionales (ils peuvent varier milieu des années alors que les services en développement du
de 30 % à 100 % selon les pays) que 90 aux flux qui se créaient environ 1,5 million secteur des services
socioprofessionnelles (schématique- dirigent vers la particulièrement
ment, le rapport de salaire ouest-est est F r a n c e . négligés pendant
inversement proportionnel à l’échelle L’économie française reste néanmoins l’époque communiste. Dorénavant, ces
des compétences / hiérarchie). une destination privilégiée avec plus du économies s’insèrent dans les processus
Deuxièmement, et d’après les Nations tiers du total investi en 2002 à l’étran- productifs européens et les gains de
Unies, le déclin démographique de ces ger par les firmes installées outre-Rhin, productivité associés s’accompagnent
pays - la Hongrie comme la République un poids qui, comme celui des PECO, d’un rattrapage des salaires, où déve-
tchèque pourraient, par exemple, n’a cessé de croître au cours de cette loppement de l’offre et rattrapage de la
perdre 1,4 M d’individus en âge de tra- décennie.
vailler d’ici 2025 - devrait accélérer la Deuxième constat, les IDE allemands se
convergence des salaires, qui sera vrai- concentrent dans le secteur manufactu-
semblablement plus rapide qu’en rier (plus de 50 %), ce qui n’est pas le (3) Jean-François Drevet, grand connaisseur de la
région, fait néanmoins état d’« une main-d’œuvre
Espagne, par exemple. cas de la France. On estimait, en effet, éduquée (qui) n’est pas nécessairement qualifiée ».
Voir Drevet J.-F. (2001), L’élargissement de l’Union
Une main-d’œuvre éduquée (3) permet fin 2001, que les services (grande distri- européenne, jusqu’où ? L’Harmattan, Paris, p. 206.
un rattrapage rapide de la productivité, bution, hôtellerie, services aux collecti- (4) Ernst & Young, « European Investment
Monitor ».
notamment dans les usines investies par vités et télécoms essentiellement), par (5) Les Pays-Bas auraient investi 19 Mrds €. Ce clas-
les capitaux, la technologie et les nature destinés à capter la demande sement est issu des balances des paiements des
pays investisseurs et ne tient compte que de la loca-
méthodes de management ouest-euro- locale, constituaient environ 75 % du lisation de l’investisseur et non de sa nationalité.
Certaines entreprises françaises par exemple inves-
péens. Parallèlement, l’effort de forma- stock français (6). tissent dans les PECO à partir de leur filiale alle-
tion continue est loin d’être négligeable A titre d’illustration, 30 % environ des mande ou autrichienne. De même, nombreuses
sont les entreprises nord-américaines qui s’implan-
(Voir Revue Elargissement n°33). A pièces détachées utilisées par l’indus- tent à partir de leur filiale européenne. Et dans le
cas des Pays-Bas, ce chiffre élevé s’explique par la
l’avenir, cependant, et à l’image du sec- trie automobile en Allemagne provien- présence de nombreux sièges sociaux dans ce
teur automobile, les économies nent des PECO. De manière plus pays. Les entreprises françaises se situeraient donc
plutôt au 3e rang après les Etats-Unis et
d’échelle externes générées par les générale, le poids de l’Allemagne dans l’Allemagne.
(6) Selon la dernière « Enquête filiales » réalisée par
effets d’agglomération devraient (et les échanges totaux de la République la DREE, la France compte 1756 implantations
devront) prendre de plus en plus d’im- tchèque, Hongrie, Pologne et Slovaquie dans les PECO, qui emploient plus de 300 000 per-
sonnes. Attirées par la taille et la croissance de
portance dans le processus de rattrapa- (en 2002, 30 % de leurs importations et leurs marchés, ainsi que par la qualité de leur main
d’œuvre, les entreprises françaises ont investi prin-
ge de la productivité. 35 % de leurs exportations en moyen- cipalement en Pologne, République tchèque,
Les relations industrielles restent plus ne), ainsi que la synchronisation de Hongrie, Roumanie et Slovaquie. A eux cinq, ils
regroupent 88 % des implantations françaises et
souples que dans la majorité des pays leurs cycles de production industrielle, 95 % des effectifs employés. Même si les PME sont
majoritaires en nombre dans les PECO, les grands
de l’ex- UE15 (voir Revue Elargissement conforte l’idée selon laquelle l’industrie groupes pèsent fortement en termes de montants
n°43), mais cette situation ne perdurera d’outre-Rhin a été beaucoup plus tou- investis. Les investissements sont souvent réalisés
par l’intermédiaire de leurs filiales scandinaves,
probablement pas. chée par les délocalisations que le terri- néerlandaises ou allemandes, en particulier dans
les Etats baltes.
On constate, en effet, que les deux tiers toire français, au bénéfice de la
Ces quantités viennent relativiser les craintes sur les
environ des investissements dans profitabilité et de la compétitivité des risques ou l’importance des délocalisations
d’usines du territoire français vers l’est de l’Europe.
l’Europe des 25 impliquant l’embauche firmes mais au détriment de l’emploi. En effet, les opérations qui consistent à arrêter la
de plus de 1 000 personnes sont réali- Les IDE ont, probablement, constitué le production d’un produit en France pour la réinstal-
ler dans un pays à faible coûts de main d’œuvre et
sés dans les nouveaux Etats membres facteur clé de la réussite de la transition de réexporter la production à partir de ce pays
représenteraient environ 10 % du cumulé des
(4), avec des externalités positives pour économique de ces pays, permettant au investissements français, soit autour de 1,5 Mrd
l’Union plus importantes que celles processus de destruction créatrice à USD. Rappelons que la « formation brute de capi-
tal fixe » (l’investissement) s’élève à près de 300
d’investissements directs étrangers qui l’œuvre en Europe centrale et orientale Mrds € annuellement dans l’Hexagone. Le progrès
technique et l’automatisation des tâches consti-
se feraient en Asie. de s’inscrire dans un cercle vertueux. tuent le premier facteur de réduction de l’emploi
Les investissements directs étrangers industriel qui, d’ailleurs, baisse actuellement égale-
ment en Chine.
réalisés à partir de l’Allemagne repré-
sentent près de 20 % du stock total dans
Les IDE, un facteur clé (7) Hunya G. (2004), « Central European Accession
Countries Losing Attractiveness for FDI ? », WIIW
Spring Seminar, Vienne.

N o v e m b r e 2 0 0 4 37
TABLEAU III trapage dans les secteurs industriels
Décomposition du commerce des PECO 10 par filière investis par les capitaux étrangers.
Imp. Exp. Actuellement, l’écart global de produc-
1990 2000 1990 2000 tivité constaté avec l’Allemagne varie
de 52 % (Estonie) à 33 % (Slovénie). En
Total 100 100 100 100 moyenne, le différentiel de productivité
Energie 24,9 10,7 10,0 5,6 dans le secteur industriel explique à lui
IAA 15,0 7,0 19,4 8,4
seul 30 % environ de cet écart en
Textiles 7,9 87 12 7 11 4
République tchèque, Estonie, Hongrie
Bois-Papier 4,5 6,3 7,4 9,4
et Slovaquie et près de 55 % en
Chimie 13,1 15,3 17,7 12,8
Slovénie. En Pologne, l’écart global de
Métaux 4,4 3,6 10,1 4,8
productivité résulte plus du retard de
Non-fer. 4,4 2,1 4,2 3,4
Mécanique 12,9 15,0 9,7 14,0 l’agriculture (33 % de l’écart global)
Véhicules 3,0 8,7 2,5 10,7 que de l’industrie (19 % de l’écart). La
Electricité 2,7 7,4 4,0 8,6 source principale de ces écarts persis-
Electronique 4,6 11,5 1,4 9,7 tants réside dans le développement
d’une économie duale avec, d’un côté,
le secteur « étranger » et, de l’autre, les
demande se renforcent ainsi mutuelle- s’effectue au fur et à mesure qu’un pays firmes à capitaux nationaux.
ment. devient plus « mature », a un impact L’industrie explique également de 20 %
Environ 60 % des montants investis se positif sur la productivité d’ensemble (Estonie) à 35 % (Slovénie) des gains de
sont portés vers le secteur des services des économies, cependant très variable productivité constatés au cours de la
(banque, assurance, hôtellerie, grande d’un pays à l’autre : il expliquerait entre période 1993-2000 (11). Viennent
distribution). Fin 2002 et d’après le 27 % des gains de productivité totaux ensuite les services aux ménages (la dis-
WIIW (7), le secteur manufacturier en Slovaquie et 0 % en Pologne (10). tribution notamment) et le secteur des
représentait 33 % du stock d’IDE en Ainsi, on peut calculer les réserves de transports et télécoms. Les équipements
République tchèque, 45 % en Hongrie productivité due à la structure de l’em- de transport ont le plus contribué à la
et 36 % en Pologne. Les avis d’experts ploi de ces pays : si la Pologne, par croissance de la productivité manufac-
convergent vers une répartition pour exemple, avait la même structure secto- turière, à hauteur de 23 %, 17 % et
moitié entre les biens produits destinés rielle d’emploi que l’Allemagne, l’écart 16 % respectivement en Slovaquie,
à servir une demande locale (y compris de productivité serait d’environ 25 % Hongrie et République tchèque. Le sec-
fournir le marché tchèque à partir d’une inférieur à son niveau actuel (soit un teur machines-équipements se place en
usine slovaque ou hongroise) et ceux écart de 45 % au lieu de 60 %), le poids seconde position en République
qui seront exportés vers l’ex-UE15 ou de l’agriculture jouant ici un rôle pré- tchèque (16 %), Slovaquie (15 %),
dans le reste du monde. pondérant. Slovénie (13 %) et Pologne (9 %). Les
Les secteurs des équipements de trans- Par ailleurs, la demande de services se équipements électriques-optiques ont
port (dont l’automobile), des équipe- caractérisant par son élasticité au
ments électriques et optiques (dont les niveau des revenus, leur développe-
produits blancs et bruns) et de la chimie ment sera fonction de l’évolution du (8) Hunya G. (2004), op. cit.
(industrie pharmaceutique incluse) ont pouvoir d’achat dans ces pays. (9 Voir Revue Elargissement Actualités n° 38,
MINEFI DREE, 2003.
attiré la majeure partie des flux qui se (10) Stephan J. (2003) : « Evolving structural pat-
sont dirigés vers le secteur secondaire, terns in the enlarging European division of

soit 63 %, 49 % et 36 % cumulés, fin


Une dynamisation labour », Working Paper, IWH Halle.
(11) Stephan J. (2003), op. cit. Il convient ici de rap-
2002, pour la Pologne, la République à trois niveaux peler que l’écart de productivité mesuré en unités
produites par employé serait dans de nombreux
tchèque et la Hongrie (8) respective- secteurs inférieur à celui mesuré en €/employé, les
biens produits dans les PECO ayant en général une
ment. La dynamisation des économies par valeur unitaire plus faible par rapport à ceux sortant
Les services apparaissent néanmoins l’investissement étranger s’observe à des usines de l’ex-UE15, comme l’indique la com-
paraison des échanges PECO-UE en valeur et en
comme le principal moteur des créa- trois niveaux : un rattrapage de la pro- volume. Pour reprendre l’exemple de l’automobile,
les nombres de véhicules produits par employé
tions d’emploi, à un rythme qui reste ductivité dans les PECO, une spécialisa- dans les usines de Slovénie ou de Slovaquie sont
cependant encore insuffisant pour com- tion des économies qui reflètent tout à fait comparables, voire supérieurs, à la
moyenne européenne (61 véhicules/employé en
penser les pertes des autres secteurs sectoriellement ces flux d’IDE et une 2002).
(12) On parle de commerce intra-branche par
(agriculture, industrie) affectés par les géographie économique de l’industrie opposition à l’inter-branche lorsqu’il y a échange
restructurations. En effet, entre 1990 et européenne qui se transforme en un jeu de produits identiques (voitures contre voitures). Il
est horizontal lorsque les qualités sont compa-
2000, l’industrie et l’agriculture ont mutuellement bénéfique. rables, en l’occurrence le différentiel de prix infé-
rieur à 15 %. Au delà de ce seuil, il est considéré
perdu 9 millions d’emplois alors que les L’écart de productivité avec les pays de comme vertical. Le commerce intrabranche hori-
services en créaient environ 1,5 million l’ex -UE15 s’est réduit au cours des zontal représentait déjà 12 % du commerce de la
République tchèque avec l’UE en 1998, contre 3 %
(9). Ce transfert d’emploi du secteur pri- années 90, du fait notamment d’un rat- pour la Grèce, 25 % pour la France et 14 % pour
l’UE15 dans son ensemble (voir Revue Spéciale
maire vers le secondaire et tertiaire, qui « Impact économique et social de l’Elargissement
pour l’Union Européenne et la France », n° 27).

38 A n n a l e s d e s M i n e s
représenté 23 %, 13 % et 11 % de la mécaniques ou la mécanique en géné- pays et l’approfondissement du déve-
hausse en Hongrie, Slovaquie et en ral. loppement pour remédier au caractère
Estonie. A terme, le rattrapage de la productivi- très dual de leurs économies.
Deuxièmement, ces investissements té et la spécialisation des territoires La chute drastique des flux d’IDE entre
ont, d’une part, notablement renforcé le devraient continuer à se renforcer 2002 et 2003, 21,7 Mrds € contre 8,3
poids dans les échanges des secteurs mutuellement, avec des effets d’agglo- Mrds € pour dix des nouveaux
qui ont attiré le plus d’investissements mération qui généreront des économies membres, amène naturellement la
et, d’autre part, stimulé le commerce d’échelle externes et permettront de question de la continuation de ces flux
intra-branche (12) entre ces pays et compenser les hausses de salaires d’investissement, doublement impor-
l’Union, signe d’une intégration crois- inévitables mais également souhai- tants : pour le processus de convergen-
sante des processus productifs entre ces tables, car elles conduisent à un ce économique (et technologique),
deux régions. accroissement et une sophistication de mais aussi, point non abordé dans cet
La structure du commerce des PECO a la demande intérieure de ces pays. article, pour financer les déficits cou-
été profondément modifiée, comme La Slovaquie pourrait devenir l’archéty- rants de ces pays. Pour les prochaines
l’indique le tableau III, avec quatre pe d’une « petite économie années, les flux d’IDE entrants pour-
branches industrielles dont le poids spécialisée » : en effet, le secteur auto- raient se situer légèrement en-deçà de
dans les échanges a particulièrement mobile représentait en 2003 environ 15 Mrds €. Plusieurs arguments vien-
augmenté au détriment des autres : la 25 % de la production industrielle avec nent appuyer cet ordre de grandeur :
mécanique, l’automobile, les équipe- Volkswagen pour seul constructeur pré- - différentes enquêtes microécono-
ments électrique et électronique. sent ; un doublement du poids de ce miques auprès d’entrepreneurs mon-
Si l’analyse des échanges commerciaux secteur est probable avec l’arrivée trent que les PECO sont considérés
montre que la division du travail entre annoncée de PSA et de Hyundaï, cer- comme une localisation particulière-
l’Europe occidentale et orientale reste tains analystes anticipant même l’arri- ment attractive pour de futurs investis-
encore très verticale, celle-ci devient de vée d’un quatrième constructeur à l’est sements (15) ;
plus en plus horizontale pour les pays du pays. - à partir d’un modèle gravitationnel
les plus avancés. La République Dans le même temps, le potentiel (16) et d’une extrapolation des taux de
tchèque ou la Hongrie s’avèrent d’échanges entre nouveaux Etats
capables de fabriquer des composants membres à l’horizon 2010 semble par-
13) Boillot JJ., Lefilleur J., Lepape Y. (2004), « New
de qualité occidentale et, progressive- ticulièrement important, notamment Trade geography of Eastern Europe », Economic
ment, surtout des produits finis dans des entre pays d’Europe centrale (13). La and Political Weekly, Vol. XXXIX n° 20, pp. 2005-
2008.
gammes proches de la demande spécialisation de plus en plus fréquente (14) A l’extrême, il s’agit du principe « une usine,
moyenne de l’UE15. La réindustrialisa- des usines et de plus en plus marquée un produit », d’ores et déjà appliqué par Whirlpool
en Europe notamment ou encore, de plus en plus,
tion rapide de ces économies, sous la des territoires au niveau microécono- par les constructeurs d’automobiles (« une usine,
une plate-forme » en l’occurrence), avec une spé-
houlette des meilleures firmes mon- mique reflètent et confirment ce poten- cialisation sectorielle des territoires à l’image des
diales, a permis d’accroître la qualité tiel (14). belts aux Etats-Unis (voir l’article de Jean-Joseph
Boillot et Olivier Louis à la fin de ce numéro).
des produits, comme dans l’industrie (15) La dernière enquête effectuée par la CNUCED
agroalimentaire par exemple. Ce déve- auprès des multinationales, publiée en juin 2004,

loppement de commerce horizontal


Problématiques place l’Europe centrale et orientale au premier rang
des économies en développement en termes de
perspectives d’attraction d’IDE.
inter-branche s’explique aussi par des pour l’avenir (16) Buch M. C., Piazzolo D. (2000) « Capital and
remontées de filières, observées notam- Trade Flows in Europe and the Impact of
Enlargement », Working Paper, Kiel Institute of
ment dans l’automobile et les pièces La première question qui se pose est World Economics. Le modèle utilisé cherche à
expliquer quantitativement les flux d’investisse-
détachées, ainsi que par les effets celle de la pérennité des investisse- ment sortants en 1997 et le stock entrant 1998 de 7
induits des investissements modernes ments étrangers. Mais elle ne doit pas pays de l’UE, du Japon et des USA, par 7 variables
géographico-économiques : le Pib/hab. (en loga-
sur certaines spécialisations anciennes cacher deux autres points qui sont éga- rithme), la population (en logarithme), l’agrégat
monétaire M2 rapporté au Pib, Imports/Pib, la dis-
des pays de la zone, qui se renforcent, lement cruciaux pour la réussite du tance, l’appartenance ou non à l’UE et une variable
comme dans les biens d’équipements développement des PECO : l’émergen- muette « centre financier ». Lorsque le coefficient
de la variable « appartenance à l’UE » est statisti-
ce de multinationales originaires de ces quement significatif, ce qui est le cas pour 7 des
pays considérés, son signe est systématiquement
positif.
TABLEAU IV
Poids des multinationales en République tchèque, en Hongrie, en Pologne et en Slovénie

Capital Emploi Investissement Ventes Export


1996 1998 1999 1996 1998 1999 1996 1998 1999 1996 1998 1999 1996 1998 1999
CZ 11,5** 27,9 41,8 13,1 19,6 26,9 33,5 41,6 52,7 22,6 31,5 42,4 15,9 47,0 60,5
HU 67,4* 72,7* 72,9* 36,1 44,9 46,5 82,5 78,7 82,2 61,4 70,0 73,0 77,5 85,9 88,8
POL 29,3 43,2 50,5 12,0 26,0 29,4 30,6 51,0 63,1 17,4 40,6 49,0 26,3 52,4 59,8
SLV 15,6 21,6 21,8 10,1 13,1 13,0 20,3 24,3 22,3 19,6 24,4 23,3 25,8 32,9 30,3
Source : WIIV (2003) ; * Capital social nominal (à la création) ** Capital social + réserves

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croissance anticipés, c’est-à-dire d’un représente près du tiers de l’ensemble les PECO, dont l’intra-branche, en
point de vue macroéconomique, la des capitaux investis à l’étranger. constitue la partie la plus visible, une
région revêtirait un potentiel de 250 Les IDE se concentrent dans quelques dynamique à laquelle les IDE ont large-
Mrds d’IDE à l’horizon 2010. Il faut secteurs, différents selon les pays d’ori- ment contribué. En effet, les pays
néanmoins ici distinguer trois situations gine et sont le fait essentiellement de d’Europe centrale et orientale :
et groupes de pays. La Hongrie et la stratégies régionales de firmes. Les ser- - constituent de nouveaux marchés, lar-
République tchèque auraient d’ores et vices, et plus particulièrement le com- gement investis par les entreprises euro-
déjà atteint leur niveau théorique ; il merce et le secteur bancaire, dominent péennes, soit commercialement, soit au
sera vraisemblablement largement en République tchèque, Pologne et travers d’investissements lorsqu’il s’agit
dépassé, le réinvestissement des béné- Estonie. Mais l’industrie représente la de services ;
fices des filiales de multinationales majorité des flux en Hongrie et en - permettent aux firmes européennes de
paraissant prendre partiellement le Slovénie, avec la pharmacie et l’énergie renforcer leur compétitivité mondiale,
relais des flux dus aux privatisations qui jouent un rôle moteur (18). grâce à un éventail élargi de conditions
notamment ; le second groupe com- Ces économies dans leur ensemble de production à leur disposition au sein
prend la Pologne et les trois pays baltes, paraissent aujourd’hui duales, avec de d’une même zone économique, et de
qui se situeraient actuellement entre fortes disparités entre les entreprises maintenir nombre d’emplois en
50 % et 70 % de leur potentiel ; ce der- investies par les capitaux étrangers et Europe ;
nier resterait élevé en Slovaquie, mais celles s’appuyant sur des capitaux - ont ainsi pu rapidement restructurer
surtout en Bulgarie et en Roumanie, ce exclusivement locaux. leurs industries, intégrer les processus
que semble confirmer une autre métho- Dans le secteur industriel, pour lequel productifs européens et accélérer leur
dologie (17). les données disponibles sont les plus transition vers l’économie de marché (à
L’analyse des IDE sortants des nou- nombreuses, on s’aperçoit que les un coût social certain, faut-il le rappeler
veaux membres de l’UE montre que firmes multinationales (FM) occupent également ?).
l’émergence de groupes transnationaux une part significative et fréquemment De manière intéressante d’ailleurs, une
reste limitée en nombre, concentrée dominante dans les économies d’ac- étude montre que les investissements
géographiquement et sectoriellement, cueil (voir le tableau IV). La Hongrie est allemands, ne se sont pas réalisés au
avec des montants en jeu faibles à le pays où la présence étrangère est la détriment des pays du Sud de l’Europe.
l’échelle internationale. Cette dyna- plus forte, puisque 9 filiales de firmes Le risque, avec une réunification euro-
mique est surtout le fait de quelques multinationales y assurent 50 % des péenne qui aurait alors eu un coût
acteurs à la recherche d’une taille cri- ventes du secteur manufacturier et la direct, comme indirect, particulière-
tique, leur marché d’origine étant en Slovénie est l’économie la moins inves- ment élevé, consistait en une non-com-
général étroit. tie par les FM. En République tchèque pétitivité internationale et une
Les IDE sortants des PECO représentent et en Pologne, la place occupée par les non-attractivité des PECO pour les IDE
moins de 10 % des flux inverses et ne entreprises étrangères dans l’industrie par rapport à d’autres zones ou pays
concernent que quelques pays. En est à peu près comparable (19). émergents. Dans notre économie mon-
masse, le stock d’IDE à l’étranger de ces En termes de productivité du travail, les dialisée, ce risque n’a cependant pas
pays représentait, fin 2003, un peu filiales de FM se situent très au-dessus disparu et la croissance de la producti-
moins de 12 Mrds USD, en croissance des entreprises locales : mesurée pour vité, y compris des entreprises à capi-
plus rapide cependant ces dernières l’année 1999 leur productivité est trois taux locaux dans ces pays, continuera
années, la moitié provenant de fois plus élevée en Hongrie, deux à trois d’être cruciale afin d’assurer une
Hongrie, soit 6 Mrds USD. Rapportés fois en Pologne et deux fois en convergence équilibrée des revenus
au PIB, les 650 M USD investis à République tchèque. Cette supériorité vers les niveaux de l’Union. Et qu’une
l’étranger depuis l’Estonie placent ce se confirme lorsque l’on s’intéresse à la entreprise chinoise vienne de décider
pays en tête dans la région (10,5 % du productivité du capital : en règle géné- de sous-traiter en Hongrie des produits
PIB) devant la Hongrie (10 %) et la rale, ces filiales utilisent une technolo- qu’elle destine au marché européen
Slovénie (environ 4,5 %). A titre de gie plus récente et plus intensive en constitue peut-être un signe qui incite à
comparaison, mais fin 2001, les stocks capital (20). Et les micro et petites entre- l’optimisme. •
d’IDE à l’étranger s’élevaient à 5 % du prises, qui représentent 55 % de l’em-
PIB en moyenne pour les pays ploi dans les PECO, paraissent dans ce
((17) Henriot A. (2002), « Prospects for the Location
d’Amérique du Sud, à 1,4 % au contexte particulièrement fragile (21). of Industrial Activities after the EU Enlargement »,
Mexique ou encore 2,5 % en Chine et Working Waper, COE-CCIParis.
(18) Dans la pharmacie par exemple, Gedeon
en Malaisie. Géographiquement, ces
investissements se dirigent pour les
Un jeu à somme positive Richter (Hongrie) a investi en Pologne et en Russie ;
dans l’énergie, MOL (Hongrie) a racheté Slovnaft en
Slovaquie et INA en Croatie ; la quantité d’actifs
deux tiers d’entre eux vers les autres Pour conclure, faut-il rappeler que détenus à l’étranger par Gorenje, le fabricant d’élec-
troménager slovène ou encore Krka (pharmacie,
pays de la région. Ainsi, pour la l’élargissement constitue un jeu à Slovénie) sont parmi les plus importantes d’entre les
groupes d’Europe centrale et orientale, etc.
République tchèque, la Slovaquie somme positive ? Le développement
(19) L’évolution des parts de marché des FM, instal-
rapide des échanges entre l’ex UE15 et lées dans les PECO, dans les importations extra-

40 A n n a l e s d e s M i n e s
communautaires de l’UE sur la période 1995-1999,
ainsi que leur taux d’ouverture à l’exportation, tra-
duisent une partie de la stratégie de ces firmes : plus
orientées vers le marché domestique en Pologne
(27 % de la production était exportée, contre 60 %
en République tchèque ou en Hongrie), beaucoup
plus tournée à l’export pour la Hongrie, qui a accru
sa part de marché de 60 % en 5 ans (1,65 % en
1995 contre 2,65 % en 1999), et pour la
République tchèque qui progresse aussi de façon
notable sur le marché européen. Le contre-exemple
de la Slovénie illustre en quelque sorte le raisonne-
ment précédent : moins investie par les FM cette
part de marché a recule de 1 % à 0,8 %.
(20) Hunya G. (2003) : « Recent impacts of FDI on
growth and restructuring in central European transi-
tion economies », Working Paper, WIIW.
(21) Commission européenne (2004), « SMEs in
Europe – Candidate countries », DG Entreprises.
Pour une synthèse, voir Revue Elargissement
Actualités 62, MINEFI-DREE, 2004.

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