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L’ironie dans Antéchrista

Le registre1 ironique consiste à établir une relation de complicité avec le destinataire


(le lecteur) en s’exprimant de manière allusive et indirecte. Il s’agit en particulier de
dire autre chose que l’on pense, pour mieux faire partager un jugement critique.

1. L’ironie, un double discours

Le registre ironique joue sur l’écart entre un discours apparent et un discours réel.
En apparence, le locuteur2 adhère à une opinion ou dit du bien de quelqu’un. En
réalité, il veut dire autre chose, et met à distance le discours apparent.

Ce double discours sert à dévaloriser, par la raillerie, le point de vue du discours


apparent.

L’ironie a donc un but critique. Elle s’adresse à un destinataire complice, qui doit être
capable de déceler le sens caché sous le sens apparent. Le locuteur pousse son
destinataire à partager son regard moqueur et à tirer par lui-même les conséquences
du propos allusif qu’il aura su interpréter.

L’ironie prend ses lettres de noblesse au XVIIIème siècle : elle est un outil
philosophique, pour faire comprendre des vérités censurées. Elle permet de
décrédibiliser des dogmes en les tournant en ridicule.

Mais en soi, elle n’est pas forcément littéraire : elle est très commune dans le
langage courant. On parle de sarcasme quand l’ironie est tournée contre une
personne que l’on cherche à décrédibiliser. La victime peut être blessée par ce
discours. On parle de cynisme quand l’ironie est contraire à la morale (ex : « les
vieux, il faudrait les tuer dès la naissance » dit un personnage du film Marius et
Jeanette sorti en 1997).

2. Les procédés de l’ironie

o L’antiphrase

Cette figure de style consiste à faire comprendre que l’on pense le contraire
de ce que l’on dit.

« C’est malin ! » = c’est idiot ce que tu as fait

« Quel courage ! » quand quelqu’un prend la fuite.

o Le discours rapporté

L’énoncé ironique rapporte le discours dont il fait ressortir les faiblesses.

Il peut reprendre un ou plusieurs mots, avec ou sans guillemets, ou citer au


discours direct, de façon fidèle ou déformée.

1
Un registre littéraire est un mode d’expression qui correspond à une manière de voir le réel, selon la
sensibilité du locuteur et l’émotion qu’il cherche à produire sur son destinataire : tragique, lyrique,
comique.
2
Celui qui parle : le personnage, le narrateur ou l’auteur

Source : Français, méthodes et pratiques, Bordas


« Le rire, c’est bon pour la santé »

o Le décalage discours/réalité

L’ironie peut se traduire par une disproportion entre le propos et la situation


évoquée. Ce décalage montre que le locuteur n’assume pas vraiment ce qu’il
dit.

 Les figures de l’atténuation (= minimiser le discours) :

o la litote, qui consiste à dire moins pour dire plus.

Expression toute faite : sa tenue en dit long sur lui. Toute personne
contrevenante s’expose à des sanctions.

« Je crois que nous n’avons plus rien à nous dire »


Réplique de Carl9000 dans 2001 L’Odyssée de l’espace
= J’ai gagné, vous allez mourir.

o L’euphémisme : atténuer vraiment, pour contourner un tabou (sexe, mort,


digestion)
Ex : Il est là où les rois ne se rendent qu’en personne = les toilettes.

 L’exagération consiste à donner une image caricaturale des faits, par


exemple par l’hyperbole.

« Quelle galère » ! = quelle situation pénible

o Les modalisateurs

Ils indiquent un engagement du locuteur dans son propos. C’est un clin


d’œil qui éveille, le soupçon du destinataire : bien sûr, évidemment, …

« Je crois que…. » Carl9000. Ici le modalisateur est une antiphrase (= je


suis certain que nous n’avons plus rien à nous dire).

o L’incohérence logique

Le discours apparent peut être sapé par son manque de logique interne ou
par une fausse logique qui révèle l’intention ironique.

Réplique d’Otis dans Astérix et Cléôpatre :

— C’est une bonne situation, scribe ?


— Vous savez, je ne crois pas qu’il y ait de bonnes ou de mauvaises
situations. Moi, si je devais résumer ma vie, aujourd’hui avec vous,
[…] ». (= le personnage s’en moque ; il est vraiment content de parler de
lui, comme s’il était une star en interview).

Dans Antéchrista

Source : Français, méthodes et pratiques, Bordas


Pour chacun de ces exemples tirés de notre roman, reformulez le discours sans
ironie en mettant en évidence ce que veut vraiment dire le locuteur. Comme l’ironie
ne se comprend qu’en contexte, allez dans le roman pour lire le passage.

p. 100 : « Mon père, les larmes aux yeux, évoqua cette jeune fille admirable qui
vivait désormais avec nous.
— C’est ta maîtresse ? »

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p. 17 « — « Ça ne me force pas à t’imiter », singea-t-elle avec une voix grotesque »

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p. 104 : « Tandis que moi, rustre comme je suis, j’avale des soldats de plomb à
longueur de journée ! »

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p.110
« — Déjà qu’ils se servent de moi pour se rendre intéressants !
— C’est intolérable. Tu devrais t’en plaindre auprès d’eux.
— Ne sois pas idiote, Blanche. Tu sais bien que la politesse me l’interdit. »

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p. 96 « — Quelle importance ? Tout le monde sait que tu es la meilleure en


philosophie et que je manque de profondeur. Ces systèmes de cotations n’ont aucune
valeur. » (+ discours rapporté p. 95)

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Source : Français, méthodes et pratiques, Bordas


p. 80 « — Equité […] Moi qui viens d’un milieu défavorisé, c’est une notion qui a
valeur d’engagement.
— Bien sûr. »

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p. 106 « une jeune fille de seize ans massacre ses parents et sa meilleure amie avec
un couteau de cuisine pour une curieuse affaire de galette des rois. »

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p. 93 « — C’est pour contester un résultat, évidemment, bougonna-t-il en me


voyant. »

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p.113 « Comment en douter, ma chère Christa, puisque tu étais ta propre


favorite ? »
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Conclusion

« L’ironie est la bravoure des faibles et la lâcheté des forts ». A. Berthet

L’ironie, comme toutes les formes d’humour, permet de porter un discours difficile.
Elle rend la situation drôle. Sans l’ironie, le roman serait lugubre, car le thème du
harcèlement est un thème dur : elle permet de prendre de la distance avec les
souffrances des personnages, d’autant plus que le personnage qui en est le plus
souvent victime, Christa, est un être malfaisant. [analyse]

Dans Antéchrista, c’est en effet Blanche qui y a très souvent recours, en particulier
quand elle commence à reprendre le contrôle de sa vie. L’ironie est son arme
préférée, car Blanche n’est pas un personnage frontal. Mais à la fin du roman, quand
Blanche se bat contre Christa, elle n’y a plus recours : elle ose enfin s’affirmer telle
qu’elle est. [interprétation]

Source : Français, méthodes et pratiques, Bordas


Source : Français, méthodes et pratiques, Bordas

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