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LES FIGURES DE STYLE (chapitre 1)

Pourquoi dit-on parfois que tel texte est bien écrit ? C’est parce que les écrivains expriment leurs
pensées avec art. C’est cette subtilité dans le langage employé grâce à de très savantes techniques
littéraires qui suggèrent beaucoup de sous-entendus qu’on appelle « figures de style ». Dans un
commentaire de texte aussi, l’analyste doit pouvoir s’en inspirer pour révéler la beauté. Nous allons
donc étudier ces figures de style classées par catégories. Je subdivise cette publication en deux
chapitres pour ne pas qu’elle paraisse volumineuse et contraignante à lire.

I. LES FIGURES D’ANALOGIE

Ce sont les figures qui établissent une relation de proximité entre au moins deux entités.

1. LA COMPARAISON

La comparaison tente d’établir un lien (d’égalité, de supériorité ou d’infériorité) entre un comparé


et un comparant par le moyen d’un comparatif.

Exemple :

Ce vieillard possédait des champs de blés et d’orge

Sa barbe était d’argent comme un ruisseau d’avril

Ses sacs de grains semblaient des fontaines publiques

Comme dormait Jacob, comme dormait Judith,

Booz, les yeux fermés, gisait sous la feuillée.

La respiration de Booz qui dormait

Se mêlait au bruit sourd des ruisseaux sur la mousse.

Victor Hugo, La légende des siècles, « Booz endormi », 1859.

2. LA MÉTAPHORE

La métaphore est une comparaison qui se passe du terme de comparaison.

Exemple :

Les astres émaillaient le ciel profond et sombre

Le croissant fin et clair parmi ces fleurs de l’ombre

Brillait à l’occident et Ruth se demandait

Quel dieu, quel moissonneur de l’éternel été,

Avait, en s’en allant, négligemment jeté


Cette faucille d’or dans le champ des étoiles.

Victor Hugo, La légende des siècles, « Booz endormi », 1859.

3. LA MÉTAPHORE FILÉE.

Il s’agit d’une métaphore qui s’étire, se prolonge, s’étale, s’amplifie dans un long passage textuel ;
finalement, la première métaphore en engendre d’autres, grâce à l’utilisation d’un champ lexical
unifiant, au point que le comparé se fond littéralement avec son comparant pour ne devenir qu’un.

Exemple :

Une multitude de Nègres, embusqués dans cette maison, se montraient à la fois à toutes les croisées
et jusque sur le toit ; et les torches, les piques, les haches, brillaient au milieu de coups de fusil qu’ils
ne cessaient de tirer contre le fort, tandis qu’une autre foule de leurs camarades montait, tombait et
remontait sans cesse autour des murs assiégés qu’ils avaient chargés d’échelles. Ce flot de Noirs,
toujours repoussés et toujours renaissant, ressemblait de loin à un essaim de fourmis essayant de
gravir l’écaille d’une grande tortue, et dont le lent animal se débarrassait par une secousse
d’intervalle en intervalle.

Victor Hugo, Bug Jargal, 1818.

4. LA PERSONNIFICATION

C’est le fait d’attribuer des qualificatifs humains (paroles, gestes, physique, morale…) aux animaux,
aux objets, aux choses, aux végétaux. Si cette relation de ressemblance s’établit entre une chose
abstraite et une autre concrète, cette personnification amplifiée est alors appelée « allégorie ».

Exemple :

Je veux peindre la France une mère affligée

Qui est, entre ses bras, de deux enfants chargés. […]

Cette femme éplorée, en sa douleur plus forte,

Succombe à la douleur, mi-vivante, mi-morte ;

Elle voit les mutins tout déchirés, sanglants,

Qui, ainsi que du cœur, des mains se vont cherchant […]

Elle dit : « vous avez, félons, ensanglanté

Le sein qui vous nourrit et qui vous a porté ;

Or vivez de venin, sanglante géniture,

Je n’ai plus que du sang pour votre nourriture ».

Agrippa d’Aubigné, Les Tragiques, 1677.

II. LES FIGURES DE SUBSTITUTION


Elles remplacent un terme par un autre pour rendre l’idée plus suggestive.

1. LA MÉTONYMIE

La métonymie désigne un objet ou une idée par un autre terme avec qui elle entretient un rapport
de voisinage. (contenu/contenant ; tout/partie ; activité/lieu de travail ; cause/effet…)

Exemple :

DON DIEGUE

Agréable colère !

Digne ressentiment à ma douleur bien doux !

Je reconnais mon sang à ce noble courroux ;

Ma jeunesse revit à cette ardeur si prompte,

Viens, mon fils, viens, mon sang, viens réparer ma honte ;

Viens me venger.

DON RODRIGUE

De quoi ?

DON DIEGUE

D’un affront si cruel

Qu’à l’honneur de tous les deux il porte un coup mortel ;

D’un soufflet. L’insolent en eût perdu la vie ;

Mais mon âge a trompé ma généreuse envie :

Et ce fer que mon bras ne peut plus soutenir,

Je le remets au tien pour venger et punir.

Pierre Corneille, Le Cid, acte I, scène 5, 1637.

2. LA SYNECDOQUE

La synecdoque est semblable à la métonymie, mais elle assigne à un mot un sens plus large ou plus
restreint qu’il ne comporte habituellement.

Exemple :

Que je sens de rudes combats !

Contre mon propre honneur mon amour s’intéresse :

Il faut venger un père, et perdre une maîtresse.

L’un m’anime le cœur l’autre retient mon bras.


Pierre Corneille, Le Cid, 1637.

3. LA PÉRIPHRASE

La périphrase tourne autour du mot au lieu de le désigner nommément. Permettant d’éviter les
répétitions et de mettre en valeur une ou des caractéristiques de la réalité évoquée, cette
désignation peut être populaire ou poétique.

Exemple :

Fer qui causes ma peine,

M’es-tu donné pour venger mon honneur ?

M’es-tu donné pour perdre ma Chimène ?

Faut-il laisser un affront impuni ?

Faut-il punir le père de Chimène ?

Pierre Corneille, Le Cid, 1637.

4. L’ALLÉGORIE

Si elle est parfois confondue à tort à la personnification, c’est parce que l’allégorie l’utilise
fréquemment. Elle décrit une idée abstraite en employant une image concrète, c’est-à-dire une
anecdote.

Exemple :

Je vis cette faucheuse. Elle était dans son champ

Elle allait à grands pas moissonnant et fauchant

Noir squelette laissant passer le crépuscule

Dans l’ombre où l’on dirait que tout tremble et recule,

L’homme suivait des yeux les lueurs de la faux.

Victor Hugo, Les Contemplations, 1857.

III. LES FIGURES DE RÉPÉTITION

Ce sont les figures qui contiennent une répétition de mot ou d’idée pour suggérer la force d’une
pensée ou sa fréquence.

1. L’ANAPHORE

C’est la répétition d’un même mot ou groupe de mots à chaque début de vers ou de phrase.

Exemple :
Rome, l’unique objet de mon ressentiment !

Rome, à qui vient ton bras d’immoler mon amant !

Rome qui t’a vu naître, et que ton cœur adore !

Rome enfin que je hais parce qu’elle t’honore !

Jean Racine, Horace, 1640.

2. L’ÉPIPHORE

C’est la répétition d’un même mot ou groupe de mots à chaque fin de vers, de phrase, de strophe,
de paragraphe,… qui se succèdent.

Exemple :

Avec cette foi, nous serons capables de travailler ensemble, de prier ensemble, de lutter ensemble,
d’aller en prison ensemble, de défendre la liberté ensemble.

Martin Luther King Jr.

3. LA REDONDANCE

C’est une idée dont la répétition n’a pas sa raison d’être. On dit « redondance » si c’est poétique,
suggestive, mais « pléonasme » si c’est populaire, voire fautif.

Exemple :

Pour obsèques, reçois mes larmes et mes pleurs.

Ce vase plein de lait, ce panier plein de fleurs

Afin que vif et mort, ton corps ne soit que roses.

Pierre de Ronsard, Amours, 1560.

4. LE PARALLÉLISME

Cette figure utilise une structure syntaxique qui repose sur des éléments symétriques. Elle se fonde
donc principalement sur la juxtaposition et la coordination de deux énoncés identiquement
construits. Le parallélisme crée alors un effet d’harmonie ou d’insistance pour mieux convaincre.

Exemple :

Ce vieillard possédait des champs de blés et d’orge ;

Il était, quoi que riche, à la justice enclin ;

Il n’avait pas de fange en l’eau de son moulin ;

Il n’avait pas d’enfer dans le feu de sa forge.

Victor Hugo, La légende des siècles, « Booz endormi », 1859.


D’autres figures de style seront examinées de la même manière (catégorie, figure, définition,
exemple) dans le second chapitre.

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