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20 avril 1918

Ma chère famille,

Avant tout je tiens à vous dire à quel point vous me manquez. J’espère que vous entretenez bien notre petit
magasin et que les journées sont agréables.
Ici on ne peut pas en dire autant, tout peut passer de très calme à des coups de feu qui viennent des
tranchées ennemies. Cela fait maintenant plusieurs jours que le sommeil m’échappe, la fatigue tourne
autour de moi et quand elle me serre dans ses bras, des coups de feu ou des obus me ramènent à la réalité.

Quelques fois je me dis qu’il serait plus facile de mourir, puis je pense à vous et en vous sachant en sécurité
je me dis que je ne fais pas cela pour rien, je me battrai jusqu’à la mort pour vous.
Certaines rumeurs circulent comme quoi un armistice va être signé. Je dois avouer que je suis sceptique,
cela pourrait être un coup des Boches pour que les soldats les plus pressés de rentrer baissent leur garde.
Je dis les soldats et non moi car bien que je vous aime et que vous me manquez terriblement, les journées
calmes sont plutôt agréables. Pendant ces journées « détentes » l’ambiance est très agréable. Nous sommes
assis tranquillement à fumer et à écrire des lettres pour nos familles et nos proches. D’ailleurs aujourd’hui
c’est une de ces fameuses journées, sans cela je n’aurais pas le temps de vous écrire.

Comme nous sommes tous rationnés, et à l’étroit, nous faisons connaissance plus facilement. Mes deux
amis les plus proches sont Léon et Pierre. Léon avant d’être appelé pour le front était boucher. Pierre lui
était professeur de primaire je crois. J’avais également un troisième ami qui m’était cher. Il s’appelait
Gaston et lui aussi tenait un petit magasin dans son village. Il était de garde cette nuit là et comme la
majorité des soldats il manquait de sommeil et ce soit là il s’assoupit, mais il ne se réveilla pas le
lendemain. La fatigue, la faim et le froid avaient eu raison de lui. Il n’était pas le premier ni le dernier à
mourir.
On aurait pu éviter plus de morts si les officiers ne nous forçaient pas à encore avancer. Ils ne pensent
qu’à eux, ils veulent avoir plus de territoire pour pouvoir se vanter, mais ils ne pourront se vanter à
personne si tous leurs soldats meurent.

Il n’y avait pas qu’avec eux que je me disputais, il y avait également les soldats qui les suppliaient de les
laisser rentrer chez eux. Je leur disais que si c’était pour leur famille qu’ils voulaient rentrer, il fallait
mieux qu’ils restent ici pour se battre pour leur liberté.

Cette expérience me fait réaliser à quel point la vie est courte, elle peut s’arrêter brutalement suite à une
balle ou plus paisiblement comme Gaston.
Alors si je ne reviens pas, je veux que vous me promettiez de profiter de votre vie et quoi qu’il arrive, quoi
qu’on vous dise, battez-vous pour vos idées.

Je vous aime tellement.


Albert

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