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La Transverbération de Sainte-Thérèse

PASSAGE LE 21/02

Introduction

> L'œuvre que je vais vous présenter est la Transverbération de sainte-Thérèse


(aussi appelée l’Extase de Saint Thérèse) réalisée par Le Bernin entre 1644 et 1652. Cette
statue de marbre de 3m50 de hauteur est actuellement conservée en bon état de
conservation à l'église Santa Maria della Vittoria, dans la chapelle Cornaro, à Rome.
> La problématique de mon exposé sera la suivante: En quoi cette sculpture
révolutionne-t-elle les codes de représentations de la statuaire religieuse, et plus
particulièrement de la sainte ? Afin de répondre à cette question, nous étudierons 5
grands axes de réflexions : nous parlerons tout d’abord du lieu de conservation de cette
œuvre et du commanditaire​, pour ensuite s’intéresser directement au récit de la
transverbération de Sainte Thérèse, source d’inspiration de l’artiste. Puis, nous parlerons du
bel composto, pour ensuite étudier la polémique autour de l’érotisme qui se dégage de la
statue. Enfin, nous mettrons en lumière une nouvelle vision de la théologie que le Bernin
nous donne à voir à travers son œuvre.

A) Le lieu et les commanditaires

> Tout d’abord, je vais vous parler du contexte de création de cette statue.
Suite à la demande du Cardinal Frederico Cornaro, que vous pouvez voir représenté sur
cette toile, Le Bernin entreprend ce groupe statuaire afin de décorer la chapelle funéraire
dédiée à sainte Thérèse d'Ávila dans l'église Santa Maria della Vittoria à Rome. Federico
Cornaro est issu d’une famille vénitienne noble, élu cardinal en 1626 et patriarche de sa ville
en 1631. Il était intimement lié à l’ordre des carmes déchaux, ordre religieux réformé par
sainte Thérèse elle-même, ce qui justifie son choix de dédier sa chapelle à la sainte.
Il était très commun que l’Eglise fasse appel aux artistes afin de décorer les édifices
religieux. En effet, la décoration des lieux de culte était primordiale afin d’orner dignement la
maison de Dieu et de rappeler aux fidèles l’importance des scènes et personnages
représentés. Ce que l’on peut observer, c’est que cette église est très largement décorée,
elle est très riche en ornements. Par exemple, l’intérieur comprend une unique nef avec un
plafond orné des fresques représentant le Triomphe de la Vierge Marie sur l’hérésie, ou
encore l’Assomption de la Vierge au niveau de la coupole. Cette chapelle a été entièrement
construite par Le Bernin, elle est considérée comme l’une de ses plus grandes réussites
artistiques. Les chapelles de cet édifice sont encadrées par des piliers corinthiens colossaux
avec des chapiteaux dorés qui soutiennent un entablement décoré. Les marbres sont
également ornés d’anges et de chérubins. C’est ainsi que la statue de la transverbération de
sainte Thérèse vient compléter et enrichir le programme iconographique de l’édifice.

La Transverbération de Sainte Thérèse: un récit autobiographique


> Je vais maintenant vous décrire la statue et vous parler de la Sainte représentée.
Sainte Thérèse d'Ávila est une religieuse espagnole née en 1873 à Alençon, et a donc
majoritairement vécu au XXe siècle. Elle est relativement importante car c’est elle qui a
fondé l'ordre des Carmes Déchaux, mais aussi car son approche de la dévotion était
particulièrement controversée, celle-ci incluant une relation hautement spirituelle voire
charnelle avec le Seigneur. Dans son autobiographie Le livre de la Vie, où Thérèse raconte
sa détresse et sa quête de réponses spirituelles, la jeune femme rapporte également ses
différentes révélations divines, dont celle de sa transverbération. Une transverbération est
un phénomène mystique où Dieu augmente et purifie l’amour du croyant en transperçant
spirituellement son cœur.
> Afin de représenter la Transverbération de Sainte Thérèse, le sculpteur s’est inspiré de
l’autobiographie de la jeune femme, je cite:

“ Quoique j’aie très souvent le bonheur de jouir de la présence des anges, je ne les
vois que par une vision intellectuelle [...]. Dans celle-ci, le Seigneur voulut que l’ange se
montrât sous cette forme : il n’était point grand, mais petit et très beau ; à son visage
enflammé, on reconnaissait un de ces esprits d’une très haute hiérarchie, qui semblent
n’être que flamme et amour. [...] Je voyais dans les mains de cet ange un long dard qui était
d’or, et dont la pointe en fer avait à l’extrémité un peu de feu. De temps en temps il le
plongeait, me semblait-il, au travers de mon cœur, et l’enfonçait jusqu’aux entrailles ; en le
retirant, il paraissait me les emporter avec ce dard, et me laissait tout, embrasée d’amour de
Dieu. La douleur de cette blessure était si vive, qu’elle m’arrachait ces gémissements dont je
parlais tout à l’heure : mais si excessive était la suavité que me causait cette extrême
douleur, que je ne pouvais ni en désirer la fin, ni trouver de bonheur hors de Dieu. Ce n’est
pas une souffrance corporelle, mais toute spirituelle, quoique le corps ne laisse pas d’y
participer un peu, et même à un haut degré.”

> Nous allons voir que le Bernin s’est largement inspiré du texte d’origine afin de
représenter l’extase de la Sainte. Tout d’abord, nous pouvons voir à la droite de l’image
Sainte Thérèse à moitié couchée sur une nuée (ou un nuage) le visage penché en arrière et
vêtue d’une robe dont les plis sont épais et ruisselants, se mêlant ainsi à la nuée qui la
soulève. Cette nuée est mentionnée un peu plus loin dans Le Livre de la Vie par la jeune
femme (je cite) “vous sentez cette nuée vous saisir”. C’est ainsi que le bernin n’a pas
représenté la sainte en lévitation ou soulevée par l’ange, mais selon les mots utilisés par la
Sainte. Seuls ses pieds, ses mains et son visage sont visibles, et ce dernier à la peau
souple et éclatante est idéalisé; Thérèse semble très jeune alors qu’elle était âgée de 45 ans
au moment de son extase. La forme idéalisée de la figure humaine est une des
caractéristiques de la sculpture du Bernin. Les yeux de Thérèse se révulsent en arrière et
ses paupières se ferment. Le fait que celle-ci ait la bouche ouverte témoigne d’un
gémissement involontaire, et montre que la jeune femme a déjà été transpercée par l’ange.
Elle semble à la fois tomber en arrière et se tendre vers le haut, comme saisie par une force
spirituelle. C’est ainsi qu’il est intéressant d’observer la gestion des poids dans cette œuvre,
et la manière dont l’artiste a représenté un personnage en train de tomber avec une grande
virtuosité. Le fait que Sainte Thérèse soit représentée pieds nus est sûrement une référence
à l’ordre déchaux, aussi appelé l’ordre déchaussé.
En ce qui concerne l’ange, celui-ci trouve face à elle, le visage animé d’un sourire, le regard
à la fois apaisé et souriant, recouvert lui aussi d’un drapé, et tenant dans sa main droite une
flèche dont le bout pointe en direction de Thérèse. Son autre main soulève délicatement un
pan de sa longue robe, afin qu’il n’y ait aucun obstacle entre son cœur et sa flèche; il
s’apprête à la transpercer. Son corps est à demi vêtu d’un drapé moulant qui laisse
apparaître sa poitrine, en opposition avec celui de la sainte qui est large et flottant.
Enfin, on observe une ligne verticale formée par le corps de l’ange qui vient contrebalancer
la ligne verticale formée par le corps de thérèse.

> J’ai souhaité faire une comparaison avec la représentation de la Pietà réalisée par
Michel Ange visible à la Basilique Saint Pierre de Rome. Le Bernin a de nombreuses fois fait
référence à Michel Ange à travers ses œuvres, et nous pouvons l’observer ici. Tout d’abord,
La transverbération de sainte Thérèse est une citation en miroir de la Pietà, même si
légèrement inclinée. > La main droite de Marie est ouverte en offrande comme celle de
Thérèse, et on observe également l’omniprésence du drapé, bien que beaucoup moins
épais chez Michel Ange. Au niveau des visages, on remarque un traitement commun des
expressions; tous les deux ont la tête renversée, la bouche ouverte ou entrouverte, des yeux
clos et des sourcils creusés. Malgré la mort pour le christ et la transverbération qui reste tout
de même douloureuse pour la sainte, les deux personnages semblent apaisés.
> Or, nous remarquons tout de même plusieurs différences entre les deux œuvres;
par exemple, alors que le Christ est nu et que ses pieds reposent sur le vêtement de sa
mère, Thérèse est recouverte de son épais drapé dont le pied tombe dans le vide. L’épaule
de la jeune femme reste elle aussi dans le vide alors que celle de Jésus est soutenue par
Marie. Le Bernin n’a volontairement pas représenté la jeune femme à l’image même de
Jésus; il l’assimile certe à la religion chrétienne, puisqu’elle est sainte, elle a été choisie par
Dieu et est à son image, mais elle n’est pas Dieu.

La technique : le bel composto et “l’unité des arts visuels”.

> Pour continuer, je voulais vous parler du fait que la lecture du sens de cette
sculpture et de sa place au sein de la chapelle ne peut être réduite qu’au deux personnages
de marbre; celle-ci doit être prise en compte et comprise dans un ensemble plus large, c’est
à dire au sein de l’architecture qui l’encadre, mais aussi à travers l'iconographie qui l'entoure
et les effets lumineux.
Pour commencer, la transverbération atteint ici le summum de la «théâtralité»
baroque dans l'utilisation par Le Bernin du bel composto, ou, comme le nomme l’historien de
l’art Irving Lavin, "l’unité des arts visuels” ou “unification des arts”. Cette notion réfère à
l’association de plusieurs disciplines artistiques, qui sont ici la sculpture, l’architecture, et la
peinture, afin de créer une unité artistique au sein d’un ensemble visuel cohérent.
Tout d’abord, le Bernin représente la transverbération à la manière d’un théâtre à
l’italienne. Sur les parois latérales, nous pouvons observer la représentation des membres
de la famille Cornaro qui assistent et commentent l’Extase de sainte Thérèse, au sein de
balcons figurés à la manière de loges de théâtres. Les personnages sont représentés dans
différentes poses et interagissent entre eux. Ces groupes de personnages sont appuyés sur
un rebord recouvert d’une somptueuse draperie de marbre jaune bordé de marbre noir.
C’est alors que Sainte Thérèse semblerait se positionner sur une scène de théâtre,
au sein d’une structure composée d’un fronton de marbre ainsi que de pilastres et colonne à
l’antique. Ces références théâtrales seraient dues à l’expérience du Bernin dans ce
domaine, ayant déjà lui-même été scénographe et producteur de pièces de théâtre.
> Ensuite, le choix d’utiliser le marbre comme matériau dominant n’est pas anodin;
les statues religieuses en marbre appartiennent à la tradition artistique et religieuse de
l’Italie, et la pureté de ce matériau souligne la valeur symbolique de la sculpture elle-même
et sa capacité de transcender la matière. Sa couleur et sa perfection sont des conducteurs
de spiritualité. De plus, on observe un jeu chromatique assez important avec les différentes
couleurs des marbres; par exemple, les colonnes marbrées noires qui encadrent cette
transfiguration permettent de mettre en valeur la sculpture en contrastant avec la blancheur
de l’ensemble. Le marbre blanc permet ainsi de mettre en exergue la volupté des drapés, la
douceur des visages et la valeur hautement symbolique du sujet représenté, la couleur
blanche étant synonyme de pureté.
Aussi, le Bernin exploite la lumière et travaille sur les détails lumineux, notamment à
travers le placement d'un oculus qui se trouve au-dessus de l’ensemble et qui illumine
naturellement la transverbération. La présence de rayons lumineux d’or derrière les
personnages permet à la fois d’accompagner l’ange, qui semble émaner de cette lumière,
mais également de symboliser la présence de Dieu. Cette illusion favorise cette idée de
consentement du ciel à la transverbération de la sainte, les détachant ainsi du monde des
vivants en les plaçant dans la sphère du spirituel, cette notion étant renforcée par le
placement de la statue en hauteur par rapport au croyant. Je tiens à préciser qu'aujourd'hui
cette lumière est artificielle, mais à l’époque elle était belle et bien naturelle.
> Enfin, le Bernin utilise également la peinture pour compléter le programme
iconographique de la chapelle, notamment à travers la voûte peinte où apparaît la source
céleste de la vision. Ici, on y voit une cohorte d’anges qui sont soit peints au niveau de la
voûte au sein de nuages blancs et brumeux, soit sculptés. Ces représentations angéliques
laissent penser que le séraphin est descendu du plafond vers Thérèse.
C’est ainsi que le talent du Bernin se prolonge au- delà des limites de la sculpture à
travers la théâtralisation de l’ensemble, à la fois à travers le maniement des différents art,
des matières et des éléments atmosphériques

Entre érotisme et Amour de Dieu

> Nous allons nous intéresser à une des interprétations données pour cette statue,
qui a fait scandale à l’époque. En effet, le Bernin aurait introduit à travers cette sculpture une
notion d’érotisme, notamment à travers la figure de sainte Thérèse.
Tout d’abord, la scène mystique dont Thérèse raconte dans son livre qu’elle avait honte en
public, se trouve exposée sous tous les regards à travers cette sculpture. En grec, le terme
“mystique” signifie “se fermer, se tenir la bouche close, être silencieux”. C’est ainsi qu’à la
base, la véritable extase se doit d’être cachée et intérieure. C’est la raison pour laquelle la
présence de signes physiques extérieurs dérange, et sous-entend un rapport beaucoup plus
charnel avec le seigneur. D’ailleurs, en 1575, Sainte Thérèse d’Avila est dénoncée comme
une illuminée par l’Inquisition, et son livre est considéré comme beaucoup trop explicite aux
plaisirs des sens, puisque comme nous l’avons dit précédemment, ce ne sont pas tant les
sens qui sont exaltés mais l'expérience intérieure du croyant. Nous pouvons citer ce
passage que sainte Thérèse a écrit sur son extase : “Notre-Seigneur s’empare de mon âme
et la met en extase ; elle entre si promptement dans la jouissance, qu’elle n’a pas le temps
de souffrir beaucoup”. C’est ainsi que le bernin psychologise un comportement suggéré par
le texte à travers cette statue.
De plus, le modèle de la sainteté féminine, en dehors de la pratique des vertus
chrétiennes, passe par l’expérience spirituelle. Cependant, à cette époque, ces expériences
spirituelles abondent, vraies ou feintes, et les traités visant à distinguer l’extase de la
possession diabolique se multiplient, renforçant ainsi l’aspect épineux voire polémique de la
transverbération.
Ce sont pour ces raisons que la présence de la sculpture de la Transverbération de
Sainte Thérèse dans une chapelle a été critiquée; le décalage entre ce lieu saint et sacré et
une femme supposément en pleine jouissance sexuelle dérangeait.
> Cependant, les avis ne sont pas unanimes au sujet de la volonté érotique du
Bernin. Par exemple, Charles de Brosse, un historien du XVIIIe siècle et Caterina
Napoléon, une historienne du XXIe siècle, pensent tous deux qu’il n’y a aucun sous entendu
sexuel dans cette représentation. Je cite : « Elle est dans son habit de carmélite, pâmée,
tombant à la renverse, la bouche entr'ouverte, les yeux mourants et presque fermés ; elle
n'en peut plus ; l'ange s'approche d'elle, tenant en main un dard dont il la menace d'un air
riant et un peu malin (…) Si c'est ici l'amour divin, je le connais ».​ou encore « Jamais le
Bernin n’eut l’intention d’introduire dans son œuvre la moindre allusion érotique […] Sans
doute souhaitait-il, car il n’était pas naïf, qu’elle exprime un sentiment amoureux, presque
sensuel ». ​Cependant, nombreux sont les historiens qui réfutent l’hypothèse d’une simple
sensualité ou d'absence d’érotisme; l’historien Tomaso Montanari va même jusqu’à dire que
Thérèse est le portrait d’une prostituée tellement son attitude et sa représentation sont
choquantes.

> Je souhaite faire un parallèle avec ces deux œuvres, dont, premièrement, une autre
sculpture du Bernin intitulée La Bienheureuse Ludovica Albertoni qu’il a réalisée en 1674.
Ici, l’érotisme est flagrant: l’artiste place la sainte non pas sur un nuage mais sur un lit, et la
féminité de la jeune femme est accentuée avec la présence d’un drapé près du corps. Ici,
Ludovica ne flotte pas dans un large habit, mais comprime sa poitrine et son ventre, ce qui
laisse apparaître la silhouette de ses membres et dévoile ses formes. Son visage, lui,
ressemble de près à celui de sainte Thérèse, avec les yeux fermés et la bouche entrouverte
en signe de gémissement. Ici aussi, cette sculpture avait fait polémique puisqu’il s’agit ici de
la représentation d’une sainte non pas sous l’angle de la décence mais de l'indécence, en
toute sensualité. Puis, cette peinture de Saint Sébastien de Guido RENI réalisée en 1616
exalte le corps du martyr, son dos est cambré, son visage et ses yeux levés vers le ciel.
Aucune douleur n’émane de cette œuvre, alors que c’est normalement le sujet principal à
traiter puisque nous savons selon les textes, notamment avec La Légende dorée de
Jacques de Voragine, que saint sébastien est mort dans la souffrance, criblé de flèches. Ici,
le corps du Saint est exalté, et sa musculature est bien marquée, accentuant la sensualité
qui émane de l’oeuvre.

Un questionnement sur la foi; une nouvelle vision de la théologie

> Je voudrais conclure cet exposé sur cette dernière partie, qui est tout de même liée
à la partie précédente, qui concerne le contexte religieux lors de la création de cette statue.
Au XVIe siècle, l’église catholique est menacée par le protestantisme, notamment
incarné par Luther, qui dénonce ses actes immoraux. Nous pouvons citer par exemple les
ventes d’indulgence à une population effrayée par l’arrivée du jugement dernier.
Le Concile de Trente, qui découle de la contre réforme (1545-1563) est l’un des moyens
utilisés par l’Eglise catholique pour lutter contre la montée de la pensée protestante qui
représentait une réelle menace. L’une des notions de ce concile légitimise le culte de la
vierge et des saints; en effet, les protestants condamnent le culte rendu aux intercesseurs
auprès de Dieu, dont les saints, dans la conviction que seul Dieu décide du salut des âmes.
Il en était de même pour les images et reliques, leur vénération et culte étaient interdits, on
parle ici d’iconoclasme.
C’est ainsi que le Concile de Trente, contrairement à la pensée protestante,
encourage le culte des saints et leur représentation, qui entraînerait les fidèles à conformer
«leur vie et leurs mœurs à l’imitation des saints» et qui les encouragerait à «cultiver la
piété». La représentation de la transverbération de sainte Thérèse n’est donc pas anodine,
et on pourrait même dire que l'œuvre aurait été utilisée par Cornaro et l'Église comme une
arme contre la pensée du protestantisme. En effet, même si la contre réforme à eu lieu
presque cent ans avant, les idées vont mettre du temps à se propager et auront un impact
différent selon les différents territoires.
Aussi, le ressort majeur du renouveau artistique du XVIIE siècle tient à la volonté
d'impliquer le spectateur dans l'expérience mystique et la vie spirituelle des saints à travers
leur représentation. L'art doit faciliter une implication dans la contemplation à travers
l'illustration du moment le plus intime et extraordinaire de l'expérience spirituelle, et le thème
de la transverbération suit cette pensée. On représente alors les épisodes miraculeux de la
vie des saints, et notamment leur rencontre avec le divin; la transverbération de sainte
Thérèse s’inscrit donc parfaitement à cette idée de favorisation de la communion religieuse.
Pour le Bernin qui est un fervent catholique, la représentation de cette extase de sainte
Thérèse n’était pas seulement la question d’une simple commande mais un véritable
exercice de dévotion.
L’Art doit également parler au peuple; le concile souhaite appuyer sur l’idée
que l’on ne peut plus se satisfaire des caprices de l’Art Maniériste, on souhaite s’en détacher
pour le rendre plus accessible et compréhensible, et non pas élitiste.

> Cependant, une question reste en suspend concernant cette oeuvre puisque
l’ambiguité érotique supposée de cette statue n’est pas en accord avec le Concile de Trente,
et les contemporains de l’artiste se sont souvent appuyés sur la contre-réforme pour qualifier
cette œuvre de scandaleuse.
En effet, le concile de trente, je cite: “défend que l’on place dans les églises aucune
image qui s'inspire d'un dogme erroné qui puisse égarer les simples, il veut qu’on évite toute
impureté, qu’on ne donne pas aux images des attraits provocants”​.
C’est ainsi que, par exemple, entre autres, il n’est pas correct de représenter la
Vierge Marie Enceinte. L'Église catholique proscrit la nudité, et la décence devient le
caractère essentiel de l’art. Les artistes doivent traiter les scènes et personnages avec
respect, sans artifice inutile.
De plus, comme précisé précédemment, l’image est d’autant plus importante qu’elle
est menacée par l’iconoclasme protestant, qui touche les représentations figurées des saints
puisque celle-ci est tout simplement proscrite. C’est pour cela que pendant mes recherches,
cette contradiciton entre la nécéssité de représenter des saints mais aussi celle de prohiber
toute connotation érotique dans les oeuvres m’a étonné. C’est pour cela que la connotation
sexuelle de la sculpture reste une hypothèse et n’est pas évidente, et que cette question
reste toujours en suspens et débattue aujourd'hui.

> En conclusion, à travers le thème de l’extase, l’un des sujets favoris du XVIIe
siècle, le Bernin représente l’un des points culminants de la vie spirituelle de Thérèse, en
réussissant parfaitement à allier l’architecture et la sculpture. Fondateur du baroque Italien, il
pense que son talent vient de dieu, et réalise donc un grand nombre d'œuvres religieuses,
alliant fougue et méditation intérieure,au plus grand plaisir de ses commanditaires. Cette
œuvre didactique marque le croyant et fait une véritable apologie de la sensualité et de
l’érotisme.

Bibliographie

● https://www.mfab.hu/artworks/the-ecstasy-of-saint-theresa-2/
● https://journals.openedition.org/rsr/6668
● https://www.cairn.info/revue-savoirs-et-cliniques-2007-1-page-27.htm
● https://www.cairn.info/journal-societes-2008-4-page-15.htm
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ernini+sculpture&ots=vhwcbWoA_k&sig=2y5js7n79ZmRH8ZFxDEGudiU4mE#v=snip
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● https://www.beauxarts.com/expos/lextase-de-sainte-therese-a-retrouve-son-eclat/
● https://archive.org/details/lebernin00reymuoft/page/88/mode/2up
● https://www.larousse.fr/encyclopedie/oeuvre/l_Extase_de_sainte_Th%C3%A9r%C3
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● https://www.carmel.asso.fr/sites/carmel.asso.fr/IMG/pdf/le_livre_de_la_vie-2.pdf
● https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84005654
● R.GIORGI, L’Art et XVIIe siècle, Edition brochée Beau Livre, 2008.
● R.WITTKOWER, Bernin: Le sculpteur du baroque romain, Phaidon Press Ltd, 2005.
● T. GAUDIN MAZZARIOL, Le Bernin et Michel-Ange - Une lecture eucharistique du
bel composto de la chapelle Cornaro, 2019.
● H.HIBBARD, Le Bernin, Macula Eds, 2018.
● T.A.MARDER, Bernin - Sculpteur et Architecte, Abbeville Press France, 2000.
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