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Au
cours
du
XIVe
siècle,
dans
l’ensemble
de
l’Europe,
et
plus
particulièrement
en
France,
nous
assistons
à
un
formidable
renouveau
artistique
qui
se
traduit
notamment
par
l’émergence
d’un
genre
nouveau,
celui
du
portrait.
S’il
est
vrai
que
les
artistes
ont
toujours
été
animés
d’une
volonté
de
représenter
des
personnages
illustres
tels
que
les
rois,
il
faut
cependant
remarquer
que
c’est
en
particulier
sous
le
règne
de
Charles
V
que
cet
intérêt
pour
des
représentations
physionomiques
de
plus
en
plus
fidèles
à
la
réalité
se
développe.
En
effet,
Charles
V
se
pose
en
mécène
des
arts
et
motive
ce
qui
est
en
fait
un
progrès
artistique
grâce
à
de
nombreuses
commandes
parmi
lesquelles
figure
le
Parement
de
Narbonne.
Il
s’agit
d’un
ornement
d’autel,
plus
précisement
d’une
grisaille
sur
soie,
réalisée
entre
1364
et
1378
(vraisemblablement
vers
1375)
peut-‐être
par
Jean
d’Orléans,
qui
était
en
fait
le
peintre
attitré
de
Jean
II
le
Bon,
Charles
V
et
Charles
VI.
Parvenue
jusqu'à
nous
détachée
de
son
contexte
d'origine,
cette
très
belle
et
longue
pièce
(75
x
208
cm)
a
fait
partie
d'une
«chapelle»,
autrement
dit
d'un
assortiment
d'ornements
et
de
vêtements
liturgiques
nécessaires
à
la
célébration
des
offices.
Le
Parement
de
Narbonne
était
probablement
le
«
dossier
»
(la
pièce
accrochée
derrière
la
table
d'autel)
d'une
chapelle
quotidienne
utilisée
pendant
les
jours
ordinaires
lors
du
Carême
(d’où
d’ailleurs
le
monochrome).
Cet
ornement
d'autel
se
présente
sous
la
forme
d’une
longue
frise
monochrome
sur
laquelle
sont
représentés
des
épisodes
de
la
Passion
du
Christ,
allant
ainsi
de
l’Arrestation
jusqu’à
l’Apparition
du
Christ
à
la
Madeleine.
Malgré
l’omniprésence
du
thème
religieux,
nous
pouvons
remarquer
deux
éléments
particuliers
:
les
portraits
de
Charles
V
et
de
Jeanne
de
Bourbon,
agenouillés
et
en
prière,
de
part
et
d’autre
de
la
scène
centrale
du
Parement,
la
Crucifixion,
ainsi
que
la
répétition
de
la
lettre
«
K
»
dans
la
bordure,
qui
fait
référence
à
«
Karolus
»,
c'est-‐à-‐dire
Charles
V.
Ainsi,
dans
quelle
mesure
pouvons-‐nous
dire
que
le
Parement
de
Narbonne
est
un
exemple
parfait
de
l’évolution
du
portrait
physionomique
et
de
la
représentation
des
expressions,
et
cela
malgré
la
prédominance
d’un
motif
parfaitement
classique
qui
est
la
représentation
d’épisodes
de
la
Passion
?
Nous
verrons
dans
un
premier
temps
que
le
Parement
propose
bien
des
apports
nouveaux
dans
la
représentation
malgré
le
recours
à
un
motif
pas
spécialement
original,
et
que
finalement
l’un
des
intérêts
majeurs
de
cette
pièce
est
précisément
de
proposer
une
représentation
nouvelle
de
la
figure
royale.
I) Le
recours
à
un
motif
classique
avec
des
apports
nouveaux
a) Une
composition
rythmée
Le
Parement
de
Narbonne
donne
donc
à
voir
un
enchainement
de
scènes
issues
de
la
Passion
du
Christ,
présentées
sous
la
forme
d’une
frise
insérée,
encadrée
véritablement
par
une
architecture
feinte
qui
n’est
pas
sans
rappeler
l’intérieur
des
églises.
Cette
insertion
des
scène
dans
un
cadre
architectural
est
elle
–
même
contenue
à
l’intérieur
d’une
longue
bordure
ponctué
de
médaillons
comprenant
le
chiffre
K,
et
qui
imite
tel
un
trompe
l’œil
le
cadre
d’un
tableau
et
propose
aussi
d’une
certaine
façon
un
portrait
de
Charles
V
:
c’est
une
façon
de
marquer
sa
présence
et
sa
qualité
de
mécène
et
de
commanditaire
en
ce
qui
concerne
le
Parement.
Par
ailleurs,
la
composition
en
frise
rappelle
la
tradition
antique
et
assoie
de
cette
façon
la
figure
du
roi
et
légitime
son
pouvoir.
En
représentant
le
roi
au
sein
de
cette
composition
en
frise,
l’artiste
traduit
en
fait
en
image
le
pouvoir
royal
grâce
à
la
représentation
de
la
figure
du
roi.
Le
décor
d’architecture
qui
rappelle
les
églises
permet
également
de
rythmer
la
composition
et
de
bien
délimiter
chaque
scène
sans
pour
autant
les
séparer
complètement
:
les
personnages
peuvent
parfois
dépasser
du
cadre,
ce
qui
suggère
l’idée
d’une
continuité
entre
les
scènes.
Cette
architecture
feinte
comprend
une
suite
d'arcs
brisés
(=une
arcature),
baies
géminées
et
triforium,
éléments
trilobés,
avec
écoinçons,
médaillons,
arcature
en
haut,
clef
pendante,
cadre
:
rinceau
avec
médaillons
et
initiale
K
qui
se
rapporte
à
Charles
V.
La
lecture
des
scènes
est
particulièrement
simple
:
de
gauche
à
droite:
baiser
de
judas
/
arrestation
du
Christ
(saint
pierre
qui
remet
son
épée
dans
son
fourreau
après
avoir
voulu
couper
l'oreille
d'un
militaire),
flagellation
du
christ
(pieds
et
poings
liés
à
une
colonne
de
l'architecture
feinte,
portement
de
croix
(présence
de
Marie,
jean
l'évangéliste
-‐>
cheveux
long,
très
féminin),
scène
centrale:
scène
de
la
crucifixion
du
christ
avec
les
deux
larrons,
Marie
à
droite,
Jean
à
gauche,
soldat
avec
le
sceau
de
vinaigre,
il
y
a
un
filactaire:
"assurément
c'était
le
fils
de
Dieu",
un
crâne
qui
fait
référence
au
mont
gogath
et
crâne
d'Adam,
séraphin
avec
trois
paires
d'ailes,
anges
qui
recueillent
le
sang
du
christ.
Avec
cette
architecture
et
cette
omniprésence
de
la
religion,
cette
pièce
de
soie
se
fait
l’écho
de
plusieurs
autres
œuvres
tels
que
des
manuscrits
enluminés
(le
Bréviaire
de
belleville
notamment,
qui
date
des
années
1380)
et
où
l’on
retrouve
des
représentations
des
personnages
emblématiques
de
l’histoire
religieuse
mais
aussi
des
retables
extrêment
nombreux.
b) Des
scènes
claires
et
classiques
-‐
A
gauche
:
Arrestation
du
Christ
/
Flagellation
/
Portement
de
croix
:
véritable
symétrie,
deux
groupes
sur
les
côtés
confus
avec
bcp
de
mouvements,
qui
se
répondent
entre
eux
avec
positions
des
bras
et
des
jambes
des
soldats
qui
flagellent
le
christ.
La
lecture
des
scènes
s’opère
grâce
aux
gestes
des
personnages
qui
nous
"amènent"
vers
les
scènes
suivantes.
Scène
du
portement
de
croix
est
particlièrement
subtile
puisque
tout
s’organise
autour
de
la
croix.
Le
christ
se
retrouve
du
côté
de
ceux
qui
demande
sa
mort
et
du
côté
des
instruments
de
la
passion
:
ce
qui
est
en
fait
une
façon
de
signifier
qu’il
est
passé
du
côté
du
sacrifice.
-‐
Au
Centre
-‐
Crucifixion
:
La
croix
est
à
nouveau
l’élément
central
qui
sépare
les
personnages
mais
qui
les
fait
pourtant
tous
converger
vers
le
Christ.
On
remarque
que
la
gestuelle,
notamment
dans
les
bras
des
proches
du
Christ,
traduit
les
émotions.
4
compartiments
d’architecture
feinte
encadrent
cette
scène
centrale
du
Parement
et
on
remarque
notamment
les
portraits
de
Charles
V
et
de
son
épouse,
dont
les
mains
en
prière
convergent
vers
le
Christ.
Au-‐dessus
du
Roi
et
de
la
Reine,
on
a
l’Église
accompagnée
du
prophète
Isaïe
+
la
Synagogue
accompagnée
du
roi
David.
-‐
A
droite
:
Mise
au
tombeau
(Marie
embrasse
le
Christ,
Jean
l'Évangéliste,
Marie-‐Madeleine
et
la
troisième
femme
qui
peut
être
Marie
mère
de
Jacques,
les
deux
hommes:
jean
nicodème
-‐un
des
premiers
disciples
du
christ-‐
et
joseph
d'arimacie)
/
Descente
aux
limbes
(christ
au
centre
qui
tient
la
croix
qui
représente
la
résurrection
du
Christ,
Adam
accompagné
d'Eve
dans
les
enfers,
saint
Jean-‐Baptiste-‐
vêtement
de
peau
de
bête
car
il
a
vécu
dans
le
désert
-‐
qui
observe
la
scène)
/
Madeleine
va
au
tombeau
et
voit
une
apparition,
celle
du
Christ,
qui
lui
dit
"ne
me
touche
pas".
Scènes
de
la
mise
au
tombeau
:
lignes
qui
forment
des
cercles
concentriques
et
une
foule
de
personnages
qui
accentue
la
tristesse
de
la
scène
représentée,
alors
que
les
deux
autres
scènes
sont
construites
avec
moins
de
personnages
et
des
lignes
plus
droites.
c) Des
expressions
marqués
L’artiste
à
l’origine
du
Parement
allonge
les
personnages,
rend
leurs
silhouettes
verticales
et
rectilignes,
témoignant
ainsi
d’une
plus
grande
maîtrise
de
la
représentation.
Il
fixe
en
l'air
leurs
mouvements
et
leurs
gestes
les
plus
dramatiques.
La
douleur
des
uns
ne
s’exprime
que
par
une
délicate
tension
des
sourcils,
la
haineuse
cruauté
des
autres
fige
leur
faciès
en
masques
de
métal
ciselé.
Il
y
a
donc
une
vraie
variété
dans
les
expressions
et
c’est
ce
qui
fait
de
ce
parement
une
pièce
particulièrement
éloquente
en
ce
qui
concerne
la
représentation
de
l’être
humain.
Technique
de
la
grisaille
a
pour
effet
de
délimiter
toutes
les
formes
grâce
à
des
variations
de
la
couleur.
Les
personnages
sont
représentés
avec
bcp
de
réalisme
et
c’est
notamment
le
cas
de
Charles
V
/
comparaison
avec
son
gisant.
Qql
personnages
sont
montrés
de
dos
afin
d’accentuer
la
vivacité
de
leur
posture.
Autre
marque
et
innovation
de
l’artiste
:
l’aspect
tridimensionnel
qui
fait
ressortir
les
figures
du
fond.
Sa
science
consommée
du
modelé
a
été
servie
par
la
surface
lisse
de
la
soie.
II) Une
représentation
nouvelle
de
la
figure
royale
a) Une
commande
royale
pour
un
édifice
sacré
Cette
œuvre
est
probablement
commandée
et
offerte
par
Charles
V
à
la
cathédrale
de
Narbonne,
sanctuaire
qui
représente
beaucoup
pour
les
rois
de
France.
Le
parement
de
la
cathédrale
Saint-‐Just
de
Narbonne
fait
partie
de
toute
une
chapelle
de
carême,
il
aurait
été
offert
par
Charles
V
pour
faire
suite
à
la
tradition
des
donations
royales
au
sanctuaire
qui
abritait
le
tombeau
des
entrailles
de
Philippe
III
(mort
en
1285).
De
plus
Charles
V
confie
à
l’archevêque
de
Narbonne
une
mission
diplomatique
à
la
cour
de
Navarre.
Pour
marquer
le
don
il
se
fait
représenter
sur
la
pièce,
qui
devient
alors
un
prétexte
à
un
portrait
royal.
En
effet
on
trouve
de
part
et
d'autre
de
la
Crucifixion,
dans
un
cadre
architectural
gothique,
la
figure
du
roi
Charles
V
et
sa
femme
Jeanne
de
Bourbon,
agenouillés
dans
des
niches,
tournés
vers
la
Crucifixion.
Le
couple
royal
est
représenté
en
prière,
la
position
de
leur
main
créant
des
diagonales
de
composition
menant
le
regard
vers
le
visage
du
Christ.
Le
roi
ne
se
fait
pas
représenté
dans
des
vêtements
d’apparat
mais
au
contraire
dans
un
tissu
d’une
grande
sobriété.
Sa
position
en
prière
montre
qu’il
veut
témoigner
de
sa
piété
sur
une
œuvre
visible
de
tous
les
fidèles
qui
participent
au
cérémonie
du
Carême,
placée
sur
l’autel
principal
de
la
Cathédrale
de
Narbonne.
Au-‐dessus
de
la
niche
de
Charles
V,
une
femme
est
couronnée
et
porte
le
calice
et
l’Ostie,
c’est
une
allégorie
de
l’église
chrétienne.
Doctrine
affirmant
que
l’église
Chrétienne
existe
par
la
cérémonie
de
l’Eucharistie
qui
répète
la
dernière
scène,
précédent
la
passion
de
Jésus.
Elle
est
accompagnée
du
prophète
Isaïe,
qui
annonce
la
venue
du
messie,
c’est-‐à-‐dire
Jésus
Christ.
De
façon
symétrique
on
trouve
au-‐dessus
de
la
niche
de
Jeanne
de
Bourbon
l’allégorie
de
la
Synagogue
avec
le
roi
David
et
une
femme
aux
yeux
bandés
car
n’a
reçu
la
révélation
de
façon
imparfaite.
Elle
porte
les
tables
de
la
loi
qui
sont
à
l’ancien
testament
ce
que
l’eucharistie
est
au
nouveau.
Elle
porte
aussi
une
lance
brisée
symétrique
de
la
croix
que
porte
l’église
et
qui
rappelle
peut-‐être
l’arme
par
laquelle
Jésus
en
croix
fut
achevé.
Il
nous
présente
un
discours
théologique
complet
sur
l’histoire
du
salut
qui
s’accomplie
par
la
mort
de
Jésus
sur
la
croix.
Ces
deux
niches
exposent
la
relation
entre
l’ancien
testament
et
le
nouveau,
la
loi
mosaïque
qui
fit
place
à
la
loi
d’amour
symbolisé
par
l’eucharistie.
b) L’occasion
de
portraits
physionomiques
royale
L’apparition
du
portrait
physionomique
est
très
présente
lors
du
règne
de
Charles
V.
Le
parement
associe
les
traits
caractéristiques
du
couple
royal
à
un
objet
extrêmement
précieux
d’une
grande
qualité
technique.
Le
parement
est
exécuté
en
encre
sur
soie,
au
style
de
la
grisaille,
ce
qui
réclame
un
véritable
savoir-‐faire.
En
effet
cela
ne
permet
pas
une
grande
reprise.
Les
dessins
préparatoires
doivent
être
très
approfondie
avant
d’être
reporté
sur
le
tissu.
Cependant
on
peut
faire
l’hypothèse
que
le
roi
est
intervenu
dans
la
création
ce
qui
expliquerait
la
retouche
sur
la
figure
assez
ingrate
de
la
reine.
Un
infrarouge
a
mis
en
évidence
un
repentir
qu’on
peut
voir
facilement
à
l’œil
nu
sur
le
buste
et
le
nez
tout
deux
amincis.
La
véracité
du
portrait
peut
donc
être
discuté
car
ce
rétrécissement
est
une
idéalisation
de
la
forme
pour
une
meilleure
image
de
la
reine.
Cet
élément
permet
de
faire
une
hypothèse
quant
a
la
datation
de
ce
parement
car
il
a
dû
être
réalisé
du
vivant
de
Jeanne
de
Bourdon
morte
le
6
février
1378.
Il
n’y
a
aucune
raison
de
voir
dans
le
portrait
si
réaliste
de
la
reine
une
effigie
posthume.
D’autre
part
divers
éléments
conduise
à
penser
que
l’homme
ainsi
représenté
a
ainsi
environ
35
ans,
donc
la
commande
aurait
été
passée
dans
les
alentours
de
1375,
trois
ans
avant
la
mort
de
la
reine.
En
Europe
occidentale,
le
goût
pour
le
portrait
n'a
cessé
de
s'affirmer
tout
au
long
du
XIVème
siècle.
Dans
les
territoires
de
langue
française,
la
transposition
fidèle,
sous
la
forme
d'une
œuvre
d'art,
des
traits
d'un
visage
singulier
commence
à
être
appelé
«
semblance
».
Cette
forme
se
distingue
du
«
pourtrai
»
qui
désigne
vers
1400,
toute
espèce
de
dessin,
quel
que
soit
l'objet
représenté.
Qu’il
faille
utiliser
un
nouveau
terme
indique
bien
le
caractère
illusoire
que
les
contemporains,
attachait
aux
représentations
réalisé
au
cour
de
la
période
précédentes
durant
laquelle
le
portrait
n'étaient
pas
identifiables
grâce
aux
particularités
physionomiques,
mais
par
des
codes
et
des
attributs.
Charles
V
a
favorisé
la
diffusion
de
sa
propre
image
en
s’appuyant
sur
l’intérêt
pour
le
portrait
qui
se
développait
à
la
cour
des
Valois.
Pour
cela
il
se
sert
de
différents
supports
destinés
à
circuler
au
sein
d’une
élite,
les
manuscrits
enluminés,
ou
à
être
vus
du
plus
grand
nombre,
les
sculptures.
Dans
cette
entreprise,
le
roi
a
été
bien
servi
par
sa
physionomie
marquée
qui
est
décrite
avec
précision
par
sa
biographe
Christine
de
Pizan
vers
1404
:
«
un
peu
longuet
»,
au
«
grant
front
et
large
»,
aux
«
sourcils
en
archier
»,
au
«
hault
nez
assez
»
et
à
la
«
bouche
non
trop
petite
».
On
peut
voir
ces
caractéristiques
sur
le
gisant
du
roi
à
l’église
abbatiale
de
Saint
Denis
par
André
Beauneveu,
commandé
vers
1364
à
sa
montée
au
trône.
Le
portrait
est
réalisé
«
ad
vivum
»,
au
vif,
d’après
le
modèle
vivant
du
roi.
Il
montre
donc
son
visage
individuel
sur
son
tombeau
témoignant
de
la
volonté
d’exister
en
tant
que
roi
personne
en
même
temps
que
le
roi
fonction.
Si
le
parement
de
Narbonne
n’a
pas
été
exécuté
au
vif
ce
gisant
a
pu
servir
de
modèle
au
peintre,
mais
l’hypothèse
est
peu
probable
étant
donné
la
précision
de
la
représentation
peinte.
L’exécution
de
ce
parement,
seul
objet
de
ce
type
conservé,
est
le
point
de
départ
d'un
style
et
d'un
tradition
française.
c) Une
œuvre
qui
s’inscrit
dans
une
lignée
héritière
de
l’enluminure
et
du
dessin
Les
ensembles
similaires
au
Parement
de
Narbonne
paraissent
avoir
été
rares
et
limités
à
l'usage
des
princes
de
très
haut
rang.
La
technique
de
la
grisaille
est
très
prisée
à
la
cour
et
ici
maîtrisée
avec
autorité
par
un
artiste
de
grande
envergure,
dans
la
lignée
de
Jean
Pucelle.
(Comparaison
avec
la
grisaille
de
J.
Pucelle
dans
les
Heures
de
Jeanne
d'Evreux)
L'auteur
du
Parement
s'est
nourri
des
traditions
gothiques
de
l'art
de
Jean
Pucelle
dont
il
reprend
les
schémas
de
plusieurs
compositions
et
le
répertoire
des
visages
virulents
des
ennemis
du
Christ.
Mais
il
abandonne
le
dessin
sinueux,
les
arabesques
et
le
mouvement
accentué
de
Pucelle,
proche
des
Siennois,
ses
inspirateurs.
En
revanche
les
contacts
avec
l'art
italien
ne
cessant
de
s’intensifier,
il
est
naturel
d’en
observer
dans
le
parement
de
Narbonne
une
certaine
influence,
sans
qu’il
s’agisse
une
imitation
directe.
Les
historiens
voient
dans
l’auteur
de
ce
parement
en
camaïeu
un
peintre
plutôt
qu’un
enlumineur.
Il
existait
en
France,
à
la
fin
du
XIVe
siècle,
des
tableaux
sur
bois
peints
en
grisaille
:
l’inventaire
des
collections
du
duc
de
Berry,
rédigé
en
1402
mentionne
un
panneau
où
un
Christ
de
Pitié
et
un
Vierge
à
l’Enfant
qui
étaient
peints
«
de
noir
et
de
blanc
».
Parmi
les
peintres
travaillant
à
Paris
au
XIVe
siècle,
Jean
d’Orléans
est
parmi
les
mieux
documentés.
Divers
éléments
font
présumer
qu’il
s’agirait
de
l’auteur
du
parement
de
Narbonne.
Il
est
durant
le
dernier
tiers
du
siècle,
l’artiste
le
plus
important
à
Paris
à
côté
de
Jean
Bondol.
L’étude
de
l’historien
Philippe
Henwood
nous
a
permis
de
connaitre
l’activité
de
cet
artiste
entre
1361
et
1407.
En
décembre
1361,
Jean
d'Orléans
prend
la
succession
de
son
père
Girard
d'Orléans,
comme
peintre
et
valet
de
chambre
du
roi
Jean
II
le
Bon
(mort
en
1364).
Déjà
au
service
du
dauphin,
il
devient
à
son
avènement
peintre
en
titre
de
Charles
V
qui,
lui
fera
don
d'une
maison
à
Paris
1367
et
l'anoblira
en
mai
1368.
Jean
d'Orléans
a
travaillé
à
l'échelle
monumentale,
à
plusieurs
reprises
il
exécute
des
peintures
murales
et
peintes
des
retables
d'autel,
notamment
pour
le
duc
de
Berry
avec
qui
il
aura
un
contact
privilégié
dès
1369.
On
a
trouvé
dans
l’inventaire
de
Charles
V
la
description
d’un
camaïeu
pour
le
carême
rattaché
au
nom
de
Girard
d’Orléans,
ce
qui
signifiait
ou
bien
le
père
de
Jean
exécutait
de
telle
œuvre
ou
bien
que
l’attribution
au
père
plutôt
qu’au
fils
est
trompeuse.
On
peut
facilement
rapprocher
le
langage
figuratif
du
parement
de
Narbonne
de
celui
de
quelques
feuillets
des
Très
Belles
Heures
de
Notre-‐Dame
du
duc
de
Berry
avec
notamment
la
figure
du
Christ.
On
voit
la
même
posture,
le
même
visage
et
la
même
grâce.
Conclusion
Finalement,
même
si
au
premier
abord,
nous
pouvons
être
tenté
de
limiter
cette
pièce
à
sa
fonction
liturgique,
celle
d’ornement
d’autel,
il
faut
bien
avouer
que
le
Parement
de
Narbonne
apparaît
comme
étant
un
objet
particulièrement
exceptionnel
et
intéressant
du
point
de
vue
du
développement
de
la
représentation
physionomique,
et
cela
grâce
notamment
grâce
à
la
présence
des
portraits
de
Charles
V
et
de
son
épouse
Jeanne.
Le
Parement
de
Narbonne
témoigne
ainsi
d’une
tendance
qui
tend
à
s’affirmer
sous
le
règne
de
Charles
V.
Celle-‐ci
vise
à
livrer
des
représentations
de
plus
en
plus
fidèles
(et
donc
reconnaissables)
de
personnages
bien
réels,
mais
aussi
à
accentuer
le
rendu
des
sentiments
dans
les
expressions
faciales
et
la
gestuelle.
Le
Parement
de
Narbonne
se
fait
donc
l’écho
d’une
multitude
d’œuvres
qui,
d’une
certaine
façon,
constituent
les
prémices
d’une
nouvelle
ère
dans
le
monde
artistique.
A
l'origine
d'un
genre,
le
parement
développe
le
thème
du
portrait
dans
les
figures
royales,
réalistes
et
simples.
La
technique,
à
la
mode
à
Paris,
sert
aussi
pour
les
vitraux
(ceux
de
jean
de
Berry
à
la
sainte
chapelle
de
bourges)
comme
pour
les
miniatures
(cf
heures
de
jeanne
d'Evreux).
En
raison
de
ses
scènes,
de
ses
teintes
et
de
ses
dimensions,
le
parement
ornait
sans
doute
le
dos
d'un
autel.
Encre
noire
sur
soie.
Vers
1375,
dimension
:
75
sur
208
centimètres.
Commandée
par
Charles
V,
servait
à
la
cathédrale
de
Narbonne,
durant
la
période
de
la
passion
et
était
tendu
devant
l'autel.
Couleurs
absentes
car
technique
de
la
grisaille
car
but
est
de
favoriser
le
recueillement.
Problématique
:
Dans
quelle
mesure
peut-‐on
dire
que
ce
parement
est
l’occasion
d’observer
une
évolution
du
portrait
malgré
un
motif
des
parfaitement
classique
?
Dans
quelle
mesure
ce
parement
témoignage
d’une
représentation
physionomique
réservée
aux
figures
royale
et
d’une
évolution
dans
la
représentation
des
expressions
de
manière
plus
générale
?
Par
un
clair-‐obscur
peaufiné,
l’autel
du
Parement
prête
aux
corps
un
volume
tactile.
Composés
de
telles
figures,
les
groupes
gagnent
en
dignité,
en
force
et
en
sensibilité.
Ils
sont
savamment
rythmés
et
les
scènes
de
la
Passion
s’enchainent
sous
un
décor
d’architecture
continu
qui
n’est
pas
sans
rappeler
les
intérieurs
d’églises
(système
de
baies
géminées
pour
encadrer
les
scènes
et
en
arrière-‐plan,
on
reconnaît
des
triforium).
Ainsi,
ce
dessin
monochrome,
long
de
près
de
trois
mètres,
égale
en
éloquence
monumentale
un
retable
peint
sur
un
panneau
capable
de
s’imposer
de
loin.