Vous êtes sur la page 1sur 3

LE JOUR DU CONTROLEUR

« Ma fille, ne pleure pas. Le contrôleur t’envoie loin de moi mais je te rendrai souvent
visite, je te le promets. Cette école t’aidera à maîtriser tes capacités psioniques et te
préparera à protéger notre nation et ses habitants. Je suis fier de toi tu sais. Je serai
toujours fier de toi. »
Sinji Assayaka à sa fille, juin 2501.

Nariyang, Nation Daeyaméenne, juin 2506

6 heures du matin… Le réveil holographique d’Assaï se mit à projeter au plafond un


clip du dernier boys band à la mode. Au même moment, la Daeyaméenne de 17 ans sortait
de la douche à multijets de sa petite chambre d’étudiante du campus de Nariyang.
Aujourd’hui, c’était le jour du Contrôleur et elle n’avait pas pu fermer l’œil de la nuit. Elle
termina de se sécher les cheveux et se laissa tomber bras et jambes en étoile sur son lit.
Elle resta ainsi à peine une seconde avant de se relever et de s’habiller. Rien n’y faisait,
elle était trop excitée à l’idée de connaître le choix du Contrôleur pour la suite de sa
formation et de sa carrière…

La nation Daeyaméenne était à la pointe dans bien des domaines et Assaï savait
que l’Intelligence de Synthèse du Contrôleur optimisait au maximum ses choix en fonction
du potentiel et des aptitudes de chacun par rapport aux besoins de la nation. Lorsqu’elle
avait été diagnostiquée psi-positive à l’âge de 12 ans, le Contrôleur l’avait tout
naturellement orienté vers une école semi-spécialisée qui lui avait apporté des
connaissances concernant l’énergie Ætherique et la préparait à une carrière sportive,
policière ou militaire. Cinq ans s’étaient écoulés depuis et dans quelques heures elle saurait
quelle spécialité le Contrôleur avait finalement choisi pour elle, quel serait son métier, son
avenir… Secrètement, elle s’imaginait rejoindre le centre de formation Yonseï sur Kyoghaï
pour devenir une joueuse d’hyperball avec son amie Wu-mee. Elle avait clairement le
niveau, elle pouvait y croire.

Discrètement, Assaï passa la tête par la porte de sa chambre et jeta un œil dans le
couloir. Le campus semblait encore endormi et seul le piaillement de quelques oiseaux
matinaux rompait le silence qui planait dans la résidence. La jeune daeyaméenne se glissa
silencieusement hors de sa chambre et alla frapper à la porte de son amie un peu plus loin.
Comme elle s’y attendait, celle-ci était également réveillée et Assaï entra rapidement. Les
deux amies eurent un sourire complice et s’installèrent en tailleur sur le lit de Wu-mee.

- Toi non plus t’as pas fermé l’œil de la nuit ? demanda Wu-mee.
- Non… confirma Assaï.
- Ah…. Ça va être trop long d’attendre !!!

Les heures passèrent lentement et, tandis que le campus s’éveillait, Assaï et Wu-
mee furent rejointes par deux autres amies. Ensemble, les quatre adolescentes refirent
une dernière fois le monde en essayant de deviner quelle direction allait prendre leur futur…

- Je suis sûre que tu vas être sélectionnée à Yonseï, fit Assaï à Wu-mee.
- C’est obligé ! confirma Zaoky en avalant une pièce de kimbap issue du piquenique
improvisé se trouvant au milieu des adolescentes.
- Moi, repris Feng, j’espère juste ne pas finir dans la police…
- Pourtant ce serait un honneur d’assurer la sécurité de notre nation, fit Zaoky en
se redressant.
- C’est vrai, confirma Assaï, et puis faut pas oublier que 80% des étudiants de
Nariyang finissent dans les forces corporatistes, la police ou l’armée… Il y a que les cracks
comme Wu-mee qui finissent à Yonseï.
- Je sais, reprit Feng. Je ferais de mon mieux quoi qu’il arrive mais je préfèrerais
juste éviter de me retrouver sur le terrain… Et toi As ? Tu penses que tu seras orientée
vers Yonseï ?
- J’espère, répondit Assaï avant de râler à moitié. Mais à tous les coups le Contrôleur
va m’orienter vers une filière foireuse… Je le sens trop arriver…
- Mais non, la rassura Wu-mee. Je t’ai dit, j’ai entendu le doyen dire qu’avec tes
résultats t’avais une place assurée à la crim’.
- Pff, souffla Assaï. Ça m’étonnerait…

Leur discussion continua ainsi jusqu’aux alentours de 11h où le silence s’empara


peu à peu de la petite chambre. A mesure que l’heure fatidique approchait, les quatre
amies étaient de plus en plus absorbées par les flux d’informations diffusés dans leurs
environnements de Réalité Augmenté via leurs lentilles connectées. À l’annonce dans les
médias de l’envoi des premières affectations, l’angoisse monta d’un cran, chacune
demandant régulièrement à son IR de vérifier qu’aucun message de l’administration
Daeyaméenne n’avait été reçu. L’attente dura ainsi quelques minutes jusqu’à ce que la
sonnerie de Wu-mee retentisse. Les filles sursautèrent et toutes furent immédiatement
pendues à la réaction de Wu-mee lorsque cette dernière ouvrit son message.

- T’es pas prise, c’est ça ? demanda Feng, inquiète par le manque de réaction de
Wu-mee. Il t’envoie où ?
- Yonseï. Fit Wu-mee d’un air presque blasé jusqu’à ce qu’un immense sourire
apparaisse sur son visage.
- Wouhou ! Yeeha !! Lui répondirent un concert de cris strident tandis que les filles
sautillaient sur place en applaudissant.
- Asa ! lança Assaï à son amie. Je te l’avais bien dit que tu irais là-bas ! Bien joué !

La seconde à recevoir son affectation fut Zaoky, immédiatement suivie par Feng.
La machine était lancée. Zaoky était affectée au corps orbital Zang formant les futurs
officiers de l’armée Daeyaméenne tandis que Feng eu le soulagement de recevoir une
affectation dans une université de Kyoghaï la destinant à la recherche Ætherique. Chaque
fois, les filles sautèrent de joie et se félicitèrent. Toutefois, l’euphorie commençait à se
dissiper sans qu’Assaï n’ait reçu son affectation. Inquiète, la jeune daeyaméenne tapota
nerveusement sur le clavier holotouch™ projeté par le petit appareil collé à son avant-bras
et demanda à son IR de vérifier à nouveau les paramètres de sa messagerie.

- Le Contrôleur t’a oublié As, lança Zaoky d’humeur taquine.


- Il sait pas où l’envoyer, enchérit Wu-mee en donnant un coup de coude amical à
Assaï. Il cherche où elle fera le moins de dégât.
- Hey ! fit cette dernière à la fois vexée et amusée. C’est pas marrant !

L’adolescente allait ajouter quelque chose mais le son tant attendu et tant redouté
se fit soudainement entendre. Les railleries s’arrêtèrent immédiatement et tout le monde
se mit à observer Assaï. Cette dernière retint sa respiration et le temps sembla s’étirer.
Elle ouvrit le message et lut le texte en pesant le poids de chaque mot qui s’inscrivait dans
son champ de vision augmenté. Elle n’en croyait pas ses yeux… Elle était soudainement
incroyablement excitée mais tout aussi terrifié par ce qu’elle lisait.

- Alors ?! S’impatienta Wu-mee.


- Vas-y, crache le morceau ! ajouta Zaoky.
- Osa-do sur Shenzaki, fit Assaï en retenant difficilement son excitation.
- Osa-do ? répéta Feng. Mais c’est l’académie du Nocho ça… Tu vas intégrer la
sécurité publique ?!
- « Centre de formation des Escouades de Recherches, d’Investigations et
d’Interventions Spéciales », récita fièrement Assaï.
- Tu vas faire partie d’une ERIIS ?! s’étonna Wu-mee. Tu vas vraiment devenir
inquisitrice ?!
- Et elle qui se la jouait modeste, fit Zaoky en souriant.

Si intégrer le Nocho était en soit un honneur, être choisi pour faire partie de l’élite
des forces d’interventions de la sécurité publique Daeyaméenne avait de quoi effrayer. La
formation d’Assaï n’allait pas être une partie de plaisir et elle allait devoir s’accrocher pour
tenir le rythme. Pourtant, si le Contrôleur l’avait sélectionné pour cela, c’est qu’elle en était
capable... Mais avant cela et avant de partir faire la fête avec ses amies, l’adolescente se
remémora les paroles de son père cinq ans plus tôt, lorsque le Contrôleur avait choisi de
l’envoyer ici à Nariyang : « Cette école te préparera à protéger notre nation et ses habitants.
Je suis fier de toi tu sais. Je serai toujours fier de toi. » A ce moment, Assaï se jura de ne
pas décevoir son père et de tout faire pour devenir une "inquisitrice".

Vous aimerez peut-être aussi