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IMPLICATIONS MULTIPLES

"Et pendant ce temps, on se demande bien pourquoi l’équipe du Predator est partie dans
la Nation daeyaméenne… Alors les gars, vous êtes sur un gros coup ou vous êtes juste en
vacances ?"
- Sonny Dunkan, Hell-Point Radio -

***
Hôtel Shilla, Metroplexe de Kyusaka, Septembre 2515

Chemise à fleur sur les épaules, Melvyn traversa le hall de l’hôtel en courant pour
rattraper Assaï. La daeyaméenne était en effet sortie sans prévenir le reste de l’équipage
et attendait maintenant un taxi aérien pour se rendre au rendez-vous qu’elle avait pris
avec l’administration. Heureusement, Melvyn était par hasard venu récupérer un chargeur
universel à la réception quand il avait vu la jeune femme quitter l’hôtel.

- Tu me laisse t’accompagner ? lança-t-il d’une voix enjôleuse tout en essayant


de ne pas paraitre essoufflé par sa course.

La jeune femme poussa un soupir d’exaspération en s’apercevant de l’arrivée


impromptu du capitaine, ce qui amusa ce dernier. Pourtant, l’instant suivant, Melvyn eu
l’impression qu’Assaï semblait accepter sa présence à contrecœur. Au même moment, une
navette orange typique des taxis-drone de Kyusaka se posa devant eux.

- Ca va ? demanda le capitaine du Predator, contrarié par l’attitude de la


daeyaméenne.
- Oh, oui… ironisa froidement cette dernière en montant dans le taxi-drone.
Super… Et toi, tu as passé une bonne nuit ?

Au ton de la jeune femme, Melvyn sentit qu’il avait dû commettre un impair quelque
part. Il chercha quelque chose qu’il aurait pu lui dire la veille au soir mais impossible de
trouver quoi…

- Euh… Oui, pas mal. Pourquoi ? demanda-t-il soupçonneux.

Pour toute réponse, le capitaine n’eut droit qu’au regard noir de la daeyaméenne.
Décidément, il avait vraiment dû faire quelque chose de travers. Mais quoi ? Melvyn essaya
bien de détendre un peu l’atmosphère avec quelques blagues vaseuses mais le mutisme
de la jeune femme était décourageant. Le capitaine finit par abandonner tout en songeant
que le trajet de la veille, quand elle l’avait emmené voir Wu-mee, avait été plus sympa.
D’ailleurs, en pensant à la joueuse d’hyperball, le capitaine se fit la réflexion qu’il devait
absolument se débrouiller pour la revoir…

- Tu penses que ceux qui nous on suivit hier sont toujours après nous ? Demanda
Melvyn au bout d’un moment pour rompre le silence qui s’était installé entre les
deux spectres.
- Possible. Répondit laconiquement Assaï. Mais vu où on va, je leur souhaite bien
du plaisir…

Melvyn leva un sourcil interrogateur mais la daeyaméenne ne daigna pas donner


plus de détails. Une dizaine de minutes plus tard, le taxi-drone atterrissait aux abords
d’une petite place où il déposa les deux spectres. De là, Melvyn pouvait observer ce qu’il
prenait pour une sorte de monument. Du moins, avant qu’Assaï ne précise qu’il s’agissait
en fait d’une représentation moderne des anciennes pagodes asiatiques qui avaient
existées sur Solaris. Ensemble, ils contournèrent la place et Assaï entra dans un genre de
jardin daeyaméen zen gardé par deux agents du Nocho en armure noire. Celui-ci constituait
l’enceinte d’un bâtiment imposant ressemblant à s’y méprendre à un palais des temps
anciens… mais sans aucune fenêtre. Lorsque Melvyn comprit de quoi il s’agissait sa
mâchoire s’affaissa.

- Voici le Nokeum-bu, le QG du Nocho, lui confirma Assaï avec un sourire de


satisfaction en voyant la réaction du capitaine.
- Le… mais qu’est-ce qu’on vient faire ici ?! demanda ce dernier. Je croyais que
t’avais rendez-vous pour obtenir l’autorisation de voir ton père…
- C’est le cas, fit Assaï qui aimait visiblement l’idée de laisser Melvyn dans le flou.

Bien qu’ils aient certainement déjà été scannés à distance à plusieurs reprises avant
d’entrer, les deux spectres durent se plier à un nouveau contrôle de sécurité une fois dans
le bâtiment.

- Raison de votre présence ? demanda sèchement l’officier en charge.


- J’ai rendez-vous avec le capitaine Hikesa, répondit Assaï d’un air blasé.

En entendant le nom du grand chef de la sécurité intérieure daeyaméenne, Melvyn


sentit l’attitude des agents du Nocho se tendre imperceptiblement.

Comment elle a fait pour être reçu à un niveau si élevé ?! se demanda le capitaine,
étonné de l’influence de sa coéquipière. Bah, au moins ça veut dire qu’elle a de bonnes
chances de pouvoir parler à son père…

Après vérification, les deux spectres furent escortés jusqu’à un bureau du troisième
étage. Celui-ci était sobrement décoré et il faisait peu de doute qu’il s’agissait là d’une
pièce dédiée aux rendez-vous et non le véritable espace de travail du chef de la sécurité
intérieure. Le garde qui les avait conduits ici se retira, laissant seuls les deux spectres dans
le bureau. Le capitaine du Predator allait demander à Assaï comment elle connaissait
Hikesa quand ce dernier entra énergiquement dans la salle par une porte située derrière
le bureau.

- Junee… commença le chef du Nocho d’un ton vif mais amical. Comment vas-tu
depuis tout ce temps ?
- Mon oncle… se contenta de répondre la jeune femme avec politesse.

Melvyn n’en revenait pas : Assaï était donc la nièce du chef de la sécurité intérieure
daeyaméenne ? Pourtant, au timbre de sa voix, Melvyn avait senti une étrange froideur de
la part de la jeune femme vis-à-vis de son oncle.

- Je n’ai pas beaucoup de temps à t’accorder, reprit Hikesa en jetant un regard


intrigué vers Melvyn mais si c’est pour être réintégré dans…
- Je dois voir mon père, coupa la daeyaméenne. Il faut que je lui parle.
- Ah… fit Hikesa en s’assombrissant. C’est ce que je craignais… Mais ce n’est pas
possible Junee. Il a été jugé et il purge sa peine en cryoprison… Il ne peut pas
y avoir de traitement de faveur.
- Allez, insista Assaï. Il y a toujours moyen d’avoir une dérogation, tu le sais…
- Pas dans le cas présent, trancha l’oncle de la daeyaméenne.
- Mais…
- Assez ! fit sèchement Hikesa. Arrête, Junee. Si tu continues je serais contraint
de te placer sous surveillance toi et tes amis… Ne fais pas la même erreur que
ton père s’il te plait. Ne te laisse pas manipuler par les mêmes personnes…
Il faisait bien entendu référence aux réseaux dissidents, songea Melvyn. Assaï lui
avait expliqué que son père avait été arrêté pour avoir soutenu et protégé activement l’une
de ces cellules terroristes au cours des dernières années. Mais elle lui avait aussi dit que,
malgré les désaccords que son père pouvait entretenir avec l’administrateur central, elle
avait toujours eu du mal à croire cette version… Quoi qu’il en soit, si Melvyn sentait bien
que le chef du Nocho était désolé de voir sa nièce dans cette situation, son intransigeance
ne faisait aucun doute : il n’hésiterait pas à mettre ses menaces à exécutions si elle
insistait… Bien sûr, Assaï le savait elle aussi. Le capitaine du Predator la voyait bouillir
intérieurement et il se sentait incapable de l’aider. La seule chose qu’il réussit à faire fut
de prendre maladroitement congé d’Hikesa tout en tirant la jeune femme par les épaules
pour éviter qu’elle ne dise ou face quelque chose de stupide.

***
Quelque part au-dessus du Metroplexe de Kyusaka, un peu plus tard

Si Assaï avait passé l’aller à ruminer à cause de Melvyn, le retour fut de son côté
orienté contre son oncle. Comment avait-elle pu croire que ce dernier l’autoriserait à voir
son père ? Après tout, c’est lui qui avait ordonné son arrestation… En fait, elle était
tellement en colère contre son oncle qu’elle n’arrivait même plus à en vouloir à Melvyn. Le
pauvre, celui-ci n’osait d’ailleurs plus parler de peur de s’attirer de nouveaux regards
noirs… Et puis… Assaï commençait à se dire qu’il ne s’était peut-être rien passé entre lui et
Wu-mee finalement… Après tout, la joueuse d’hyperball était plutôt du genre tactile et la
spectre ne les avait pas vu faire quoi que ce soit qui…

Rah !!! se lamenta-t-elle intérieurement. Pourquoi est-ce que tout doit toujours être
si compliqué ?

Peu de temps après, le taxi-drone des spectres se posait au pied de l’hôtel Shilla.
Assaï en descendit sans un mot puis entra dans le hall suivit de près par Melvyn. Elle se
retourna alors vers lui, prête à s’excuser pour sa mauvaise humeur et à lui dire qu’elle
appréciait vraiment qu’il l’ait accompagnée. Mais, à cet instant, Wu-mee sortit de nulle part
pour faire profiter les deux spectres de son enthousiasme débordant. Elle serra ainsi Assaï
dans ses bras en guise de bonjour avant de déposer un bisou sur la joue de Melvyn.

Le cœur d’Assaï rata un battement et la jeune femme détourna immédiatement le


regard. Elle se sentait ridicule d’avoir assisté à ça et, puisqu’ils semblaient si bien
s’entendre, elle voulut laisser ses deux amis seuls ensemble. Mais Melvyn fut le premier à
réagir.

- Euh… je vais vous laisser entre vous, les filles. fit-il en passant une main derrière
la tête d’un air coupable. J’ai un truc à faire, là-haut…
- On se voit plus tard ! Lança Wu-mee en souriant tandis que Melvyn commençait
à s’éloigner.

Assaï n’aurait sût dire quoi, mais quelque chose dans sa démarche lui faisait penser
que le capitaine s’était sentit gêné… Une fois que ce dernier eut complètement disparu
dans les couloirs de l’hôtel, Wu-mee prit Assaï par le bras d’un air conspirateur puis
commença à marcher avec elle.

- Tu sais, commença-t-elle. Je vois vraiment pas pourquoi tu disais qu’il était


agaçant, je le trouve plutôt craquant au contraire…
- Mouais, fit Assaï d’un ton renfrogné. J’ai vu ça….
- Eh, j'y peux rien si j'ai un faible pour les grands bruns insouciants, se défendit
Wu-mee. D’ailleurs, c’est presque dommage qu'il ait rien tenté hier soir...
- Alors tu… vous… bafouilla une Assaï pleine d’espoir. Tu veux dire qu’il s’est rien
passé entre vous ?
- Quoi ? s’étonna Wu-mee. Bah non, je l’ai juste raccompagné jusqu’à l’hôtel,
pourquoi ?
- Ah, euh… Non, pour rien… répondit Assaï qui se sentit soudainement idiote de
s’être faite des films…
- Oooh, fit la joueuse d’hyperball avec un large sourire. Tu serais pas tombée
amoureuse toi des fois ?

***
Sous-district de Guro, banlieue de Kyusaka, dans l’après-midi

Peu après que l’amie d’Assaï leur ait laissé des places pour le match d’hyperball qui
avait lieu le soir même, les Spectres avaient reçu l’appel d’un inconnu affirmant avoir des
informations importantes concernant le père d’Assaï. Bien sûr, Akronn avait fait part de sa
réticence à foncer tête baissé dans ce qui ressemblait à un piège grossier mais Melvyn
avait comme à son habitude balayé ses objections du revers de la main, Assaï étant de
toute manière décidée à aller au rendez-vous. Le cyborg s’était donc résolu à préparer la
rencontre du mieux qu’il put. Il avait ainsi fait le nécessaire pour semer ceux qui les
suivaient mais, vu leurs moyens, Akronn doutait que cela soit suffisant. Ce n’était
probablement qu’une question de temps avant que les corpos ne les retrouvent, même
dans un sous-district…

Car même la quasi-utopique cité de Kyusaka possédait ses zones d’ombres. En fait,
Akronn soupçonnait l’administrateur central Hiro Yadana-tsen de favoriser l’existence de
ces sous-districts de manière à y parquer ceux qui avaient du mal à rentrer dans le moule
de la société daeyaméenne. Cela justifiait également toutes les mesures destinés à
protéger les "honnêtes citoyens" aux seins des zones blanches aseptisées du metroplexe.
Quoi qu’il en soit, ici il n’y avait ni scan d’identités, ni contrôle des armes – qui restaient
extrêmement difficile à obtenir malgré tout, songea Akronn – ni drones de surveillance de
la police daeyaméenne dans le ciel.

Dissimulé à l’abri sur le toit d’un vieil immeuble, le cyborg observait la rue où devait
avoir lieu la rencontre. Assaï et Melvyn attendaient quant à eux assis à la terrasse d’un
café, observant les habitants du quartier passer devant eux. Même si elle n’était pas aussi
bien organisée que dans le reste du metroplexe et que les gangs et autres marginaux du
coin n’étaient pas tous recommandable, il y avait une vie ici.

Puis, alors que l’heure du rendez-vous était dépassée depuis dix minutes et que les
spectres commençaient à devenir nerveux, Akronn vit un homme approcher en direction
de la table d’Assaï et Melvyn. Tempes grisonnantes, costume corpo de haut standing et,
Akronn en aurait mis sa main à couper, pistolet cinétique lourd dissimulé sous sa veste.
L’homme prit une chaise et commanda à boire comme s’il était venu retrouver de vieux
amis. Il donnait vraiment l’impression de maitriser la situation et pourtant, Akronn sentait
une certaine tension dans ses mouvements. Cet homme avait beau être à l’aise, il restait
sur ses gardes.

- Veuillez pardonnez mon retard, entendit Akronn au travers du canal audio que
les spectres partageaient. Je devais m’assurer de ne pas avoir été suivit…
- Et vous êtes ? demanda Melvyn d’un ton neutre.
- Disons simplement que je suis quelqu’un qui s’est réveillé avec une conscience,
répondit mystérieusement l’inconnu.
- Vous vouliez parler de mon père, déclara Assaï en contenant difficilement son
impatience.
- Oui, répondit calmement l’homme. Votre père a été victime d’un complot
orchestré par Yun Yatsuzaka.

Le CEO de Yatsuzaka-shin Corporation, traduisit mentalement Akronn. L’une des


corporations les plus puissantes du Célesta… et aussi le possesseur des derniers artefacts
qui manquait à Adams. Est-ce que cela pouvait vraiment être une coïncidence ?

- Qu’est-ce qui vous fait dire ça ? Demanda Assaï, méfiante.


- Le jour où votre père a été arrêté, expliqua l’homme, Yun a eu une discussion
avec votre oncle. Comme vous le savez, il fait partit du clan Yatsuzaka lui aussi :
Il a dirigé la sécurité de la Corporation pendant cinq ans avant d’être placé à la
tête du Nocho. Même s’il est désormais théoriquement indépendant, Yun a
toujours conservé une certaine influence sur lui…
- Mais pourquoi faire ça ? s’interrogea Assaï.
- Votre père avait découvert quelque chose, répondit l’inconnu. Je ne sais pas
quoi mais cela a fait suffisamment peur à Yun pour qu’il décide de se débarrasser
de lui en le faisant cryogéniser…
- Et vous ? enchaina Melvyn, soupçonneux. Qu’est-ce que vous y gagner à nous
raconter tout ça ? Pourquoi devrait-on vous croire ?
- Vous n’avez aucune raison de me croire, c’est vrai, reconnu l’homme avec une
simplicité déconcertante. Mais Yun agit de façon de plus en plus étrange et je
ne peux plus laisser faire cela. C’est comme cet atlante avec qui il passe de plus
en plus de temps… Je pense que vous devriez enquêter à son sujet…

Estimant surement qu’il était grand temps pour lui de partir, l’inconnu se leva et
balaya du revers de la main les questions d’Assaï et de Melvyn concernant le mystérieux
atlante dont il venait de parler. L’homme s’éloigna comme il était venu et laissa les spectres
avec leurs questions. Faisait-il référence à Adams ? Là encore, depuis son toit, Akronn ne
pensait pas qu’il puisse s’agir d’une coïncidence. Et si le psionic était en contact avec
Yatsuzaka, alors cela signifiait qu’il avait à sa disposition la totalité des artefacts de
l’expédition Sanders-Hardmuth…

***
Hôtel Shilla, Metroplexe de Kyusaka, le soir même

Allongée dans sa chambre d’hôtel à côté d’Orion, Assaï était pensive. La journée
avait été plutôt chargée et la proposition de Melvyn, suite au rendez-vous avec l’inconnu,
était lourde de conséquences. Tellement lourde qu’elle ne savait plus ce qu’elle devait faire,
en quoi elle devait croire.

Un appel de Fx la tira néanmoins de ses pensées. A l’heure qu’il était, les autres
devaient surement être prêts pour aller au stadium d’hyperball voir jouer Wu-mee. Mais
Assaï ne se sentait vraiment pas d’humeur à ça. Elle prit malgré tout l’appel et fut cueillie
par l’habituel enthousiasme du cycker.

- Assaï ! s’exclama Fx. On est en bas, tu nous rejoins ?


- Désolée, répondit la spectre, un peu gênée. Je… J’ai besoin de réfléchir et je
préfère rester un peu seule ce soir. Mais allez-y vous, amusez-vous bien.
- Ah… fit le cycker sans cacher sa déception.
- Tu auras qu’à me ramener quelques goodies, tu veux ? ajouta hâtivement la
daeyaméenne pour remotiver Fx.
- Oh ! Cool ! s’exclama ce dernier avant de raccrocher. Tu peux compter sur moi !

A nouveau seule avec elle-même, Assaï se dirigea vers le minibar de sa chambre et


en sortie une bouteille de Baek Sake ainsi qu’un verre à liqueur. Elle s’installa ensuite sur
le petit comptoir situé à côté de baie vitrée et se servie un verre. C’est alors que quelqu’un
frappa à la porte de sa chambre. La jeune femme jeta un regard désabusé en direction de
son verre puis alla ouvrir. Il s’agissait de Melvyn.

- T’es pas parti avec les autres ? s’étonna Assaï en faisant entrer le capitaine.
- Ca me disait rien, se justifia Melvyn avant de remarquer la bouteille de Baek
Sake posé sur le comptoir. Tu me sers un verre ?

La daeyaméenne hésita un instant puis alla chercher un nouveau verre au minibar.


Le capitaine du Predator, lui, commençait à prendre ses aises et s’installa sur l’une des
chaises hautes du comptoir.

- Ca va, toi ? demanda-t-il à la daeyaméenne pendant qu’elle le servait.


- Ca va… répondit-elle avant de descendre son verre de baek sake.

Melvyn vida lui aussi son verre puis resservit la daeyaméenne. Assaï l’observa en
se demandant s’il était vraiment en train de s’inquiéter pour elle ou si elle se faisait des
idées.

- Tu es sûr que c’est une bonne idée de vouloir exfiltrer mon père de sa
cryoprison ? demanda-t-elle après avoir pris la bouteille des mains de Melvyn
pour le resservir à son tour.
- Je ne sais pas exactement dans quoi on a mis le doigt, répondit le capitaine en
faisant tourner le liquide transparent contenu dans son verre à liqueur, mais je
ne pense pas qu’on puisse faire marche arrière… Et je pense vraiment que ton
père est la clé pour comprendre ce qui se trame.
- Il semblerait… répondit Assaï en soupirant. Mais en faisant ça on devient des
cibles pour les ERIIS et peut-être même pour les autres spectres…
- Pour ça, fit Melvyn avec son petit sourire habituel. J’ai un plan. Fais-moi
confiance.

Assaï leva la tête de son verre, intriguée, et observa longuement le capitaine du


Predator. Il était tellement attirant quand il prenait cet air satisfait… Elle aurait pu le suivre
n’importe où.

- Et puis… ajouta-t-il d’un ton malicieux, si ça marche pas tu pourras toujours


ressortir ton costume de wicca et virer pirate…
- Hey ! s’indigna faussement la daeyaméenne. Je remettrais pas ce déguisement,
c’est clair ?
- Il t’allait bien pourtant, fit Melvyn en se retenant de rire.
- Tu sais, fit-elle en retrouvant un peu son sérieux. Quand j’étais petite, mon père
me répétait toujours…

Et la soirée se passa ainsi à boire, échanger des souvenirs… rire. L’alcool aidant,
Assaï commençait à se dire que c’était peut-être le moment de se lancer et d’avouer ses
sentiments à Melvyn.

- Tu sais comment pousser un homme à t’embrasser ? demanda subitement ce


dernier, prenant Assaï au dépourvue.
- Je… non, avoua timidement la daeyaméenne en sentant ses joues s’empourprer.
- Il te faut un endroit calme, commença à expliquer le capitaine. Puis, lorsque
vous êtes seuls, tu dois le regarder droit dans les yeux.
- C… comme ça ?
Assaï avait les yeux plongés dans ceux de Melvyn et son cœur battait la chamade
comme jamais. Le temps sembla rester en suspend l’espace d’un instant puis, hésitant, le
capitaine se pencha vers la jeune femme. Celle-ci eut un léger mouvement de recul mais
pas suffisant pour empêcher les lèvres de Melvyn de rencontrer les siennes. L’émotion
qu’elle ressentit alors fut si forte que les nanocapteurs de ses tatouages Ætheriques
s’activèrent tout seul. Surpris, le capitaine du Predator eut un mouvement de recul mais
Assaï ne le laissa pas s’éloigner. Les deux spectres s’embrassèrent à nouveau, plus
passionnément cette fois, et, tandis qu’elle posait la paume de ses mains sur le torse
musclé du capitaine et se blottissait contre lui, Assaï sentit celles du capitaine s’aventurer
sous son débardeur pour lui caresser le dos avec sensualité. Elle frissonna de plaisir à ce
contact et sentit monter en elle une irrésistible vague de désir.

***
Hôtel Shilla, le lendemain matin

Melvyn se réveilla avec un mal de crâne assez violent. Il voulut se retourner dans
son lit mais un bras posé sur son épaule ainsi qu’un poids non identifié sur ses jambes l’en
empêchèrent. Le capitaine du Predator ouvrit alors subitement les yeux. Il n’était pas dans
sa chambre d’hôtel et Assaï dormait paisiblement à côté de lui. Il n’en revenait pas : avait-
il vraiment passé la nuit avec elle ?!

Il ferma les yeux et, peu à peu, des fragments de souvenirs commencèrent à se
frayer un chemin à travers sa conscience embrumée. Il souleva doucement le drap pour
confirmer ces craintes et en profita pour observer un instant le corps nu de la daeyaméenne
allongée à ses côtés.

Elle est quand même sacrément bien foutue, songea-t-il en souriant.

Mais il n’arrivait pas à assumer ce qui s’était passé. Il avait vraiment déconné sur
ce coup. Qu’est ce qui avait bien pu lui prendre ?! Et lorsqu’il se rendit compte que le poids
sur ses jambes le fixait d’un air de reproche avec deux petits yeux jaunes phosphorescent,
Melvyn sut que cela avait définitivement été une mauvaise idée…

A ce moment, Assaï changea de position en poussant un faible gémissement,


toujours profondément endormie. Elle aussi devait avoir bu plus que de raison, songea
Melvyn. Et avec un peu de chance, elle ne se souviendrait de rien ou passerait vite à autre
chose… Le capitaine se leva alors discrètement, non sans recevoir un coup de griffe éclair
sur les pieds lorsque ceux-ci s’agitèrent sous le drap. Le capitaine se retint le lâcher une
bordée d’injures à l’attention du félin et récupéra plutôt ses affaires avant de regagner sa
chambre d’hôtel. Là, il se fit livrer une bonne dose d’aspirine et se laissa tomber comme
une masse sur son propre lit.

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