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17 septembre 2008 - N°404

Injecter des liquidités n'est jamais venu à bout d'une


crise d'aversion au risque et d'insuffisance de capital

La réaction des banques centrales à la crise financière et bancaire a


été, à plusieurs reprises, d'injecter des liquidités. Le dernier épisode
est celui de la semaine du 15 septembre 2008 : la BCE, la Banque
d'Angleterre, la Réserve Fédérale et la Banque du Japon ont, à elles
quatre, mis en deux jours 144 milliards de dollars de liquidités à la
disposition des banques. A ceci s'ajoute le prêt de 85 milliards de
dollars fait à AIG.
Cette réaction des banques centrales est nécessaire, mais nous
pensons qu'elle n'est pas suffisante pour venir à bout de la crise, qui
consiste essentiellement en l'interaction de la baisse des prix des
actifs et de la destruction de capital.

RECHERCHE
ECONOMIQUE
Rédacteur :
Patrick ARTUS
Flash
Les injections de De façon assez chronique depuis le début de la crise, et par moment (septembre
liquidité sont 2008 par exemple) de manière aigue, les banques ont des difficultés de
nécessaires, parce financement, comme le montre le niveau des spreads interbancaires (graphique
qu'elles compensent 1 a) ; les niveaux atteints par les taux au jour le jour dans les périodes de tension
les difficultés de en septembre 2008 (graphique 1 b), le coût de la dette bancaire (graphique 1 c)
financement des qui reflètent la réticence des épargnants à prêter aux banques.
banques (et aussi de
certains assureurs) Ceci peu aussi être le cas pour certains assureurs, par exemple amenés à accroître
le collatéral s'ils ont été vendeurs de CDS.

Graphique 1 a Graphique 1 b
Ecart des taux interbancaire - sw aps (3 m ois) Taux au jour le jour
6 6
1,2 1,2 Etats-Unis
Etats-Unis
5 Zo ne Euro 5
1,0 Zo ne Euro 1,0

0,8 0,8 4 4

0,6 0,6
3 3
0,4 0,4
2 2
0,2 0,2

0,0 0,0 1 1
Sources : Dat ast ream, NATIXIS
Sources : Dat astream, NATIXIS
-0,2 -0,2 0 0
04 05 06 07 08 04 05 06 07 08 09

Graphique 1 c
Spread contre sw aps des dettes senior
des banques
400 400
350 Etats-Unis 350
300 Zo ne Euro 300
250 250
200 200
150 150
100 Sources : M errill lynch, Bloomberg
100
50 50
0 0
04 05 06 07 08 09

L'intervention des banques centrales pour injecter des liquidités est alors
nécessaire pour éviter une crise de liquidité à condition qu'elle soit ciblée :
dirigée directement (bilatéralement) vers les établissements en difficulté.

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La liquidité globale est en effet abondante. Alimentés par la forte liquidité
mondiale (graphique 2), les actifs liquides et monétaires augmentent rapidement
(graphiques 3 a/b).

Graphique 2 Graphique 3 a
Base m onétaire m ondiale (en m onnaie Dépôts bancaires (GA en %)
nationale, GA en %)
20 20 16 16
Etats-Unis
14 Zo ne euro 14
18 18
12 12
16 16 10 10

14 14 8 8

6 6
12 12
4 4
Sources : Fed, Deut sche Bundesbank
Sources : Datast ream, NATIXIS
10 10 2 2
04 05 06 07 08 04 05 06 07 08 09

Graphique 3 b
Masse m onétaire (GA en %)
14 14
Etats-Unis : M 2
12 12
Zo ne Euro : M 3

10 10

8 8

6 6

4 4
Sources : Dat astream, NATIXIS

2 2
04 05 06 07 08 09

La crise n'est donc pas une crise de liquidité globale, mais une crise de l'arrêt de
la réallocation des liquidités des agents économiques excédentaires en cash
vers ceux qui sont déficitaires.

Mais les injections de L'injection de liquidités évite soit des cessations de paiements, soit des ventes
liquidités par les forcées d'actifs par les intermédiaires financiers qui ne trouvent pas les
Banques Centrales ne financements à court terme nécessaires ; elle est donc nécessaire.
peuvent pas venir à
bout de la crise,
compte tenu de sa
nature

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Mais elle n'évite pas le cycle dépressif déstabilisant pour les prix d'actifs
représente dans le schéma ci-dessous :

Pertes pour les banques, les


Baisse des prix d'actifs investisseurs institutionnels

Pertes pour Hausse des Réduction des


les fonds "Value At Risk" fonds propres

Retraits d'épargnants
(rédemptions)

Coût élevé du
capital
Nécessité de vendre
des actifs

Lorsque les prix des actifs commencent à baisser, trois phénomènes


s'enclenchent :

− les banques et les investisseurs institutionnels doivent comptabiliser


ces pertes (normes IFRS), ce qui réduit leurs fonds propres ; les règles
prudentielles liant leur capacité à détenir des actifs risqués à leurs fonds
propres, ils ont le choix entre lever du capital ou vendre des actifs ; le coût
du capital ayant été rendu très élevé par la baisse des prix des actifs
(graphique 4), ils préfèrent vendre des actifs, d'où un renforcement de la
baisse des prix des actifs. Ceci explique le parallélisme (à l'envers), par
exemple entre les cours boursiers des banques et les spreads de crédit
(graphiques 5 a/b) ;

Graphique 4 Graphique 5 a
Spread dette subordonnée des banques : Etats-Unis : Indice boursier dans le secteur des
Low er Tier I banques et spread des crédits
Spreads de crédit high yield (asset swaps, G)
500 500
Indice boursier dans le sect eur des banques (100 en 2004:1, D)
450 Etats-Unis 450
700 160
400 Zo ne Euro 400
600 140
350 350
300 300 500 120
250 250 400 100
Sources : M errill Lynch, IBOXX,
200 200
JP M organ NATIXIS 300 80
150 150
100 100 200 60
Sources : Dat ast ream, NATIXIS
50 50 100 40
04 05 06 07 08 09 04 05 06 07 08 09

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Graphique 5 b
Zone euro : Indice boursier dans le secteur
des banques et spread des crédits
Spreads de crédit high yield (asset swaps, G)

Indice boursier dans le secteur des banques (100 en 2004:1, D)


800 220
700 200
600 180
500 160
400 140
300 120
200 100
Sources : Dat ast ream, NATIXIS
100 80
04 05 06 07 08 09

− la chute des prix des actifs entraîne la hausse de la volatilité des prix
d'actifs (graphique 6), ce qui accroît le risque des portefeuilles (les Value
At Risk), réduit la détention d'actifs risqués, d'où une nouvelle baisse des
prix ;

− la baisse des prix des actifs réduit la performance des fonds (le
graphique 7 montre le cas des hedge funds), d'où des retraits
d'investisseurs (des rédemptions), et des ventes forcées d'actifs par les
fonds.

On voit bien que les injections de liquidité ne peuvent rien pour arrêter ces
cercles vicieux.

Graphique 6
Volatilité im plicite des actions Graphique 7
Rendem ent des hedge funds (GA en %)
40 40 24 24
S&P To tal
35 Euro sto xx 35 21 Lo ng Sho rt 21
30 30 18 18

25 25 15 15
12 12
20 20
9 9
15 15
6 6
10 10
3 Sources : Dat ast ream, NATIXIS 3
5 5
Sources : Dat ast ream, NATIXIS 0 0
0 0 04 05 06 07 08
04 05 06 07 08

Synthèse : comment Ce qui précède montre que les injections de liquidités par les banques centrales
arrêter la crise ? évitent l'aggravation de la crise (en évitant des cessations de paiements, des ventes
d'actifs), mais ne peuvent pas arrêter la dynamique déstabilisante entre la baisse
des prix des actifs, la perte de fonds propres par les intermédiaires financiers, et les
ventes forcées d'actifs.

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Pour arrêter ce cercle vicieux, on peut penser :

− à un relâchement (relaxation temporaire des règles comptables ou


prudentielles) ;

− à des injections de fonds publics dans le capital des banques ;

− à des achats importants d'actifs risqués par des investisseurs publics.

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