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«Décrocheurs» de portraits de Macron: «Notre société est

suffisamment solide pour gérer ce type d’actions politiques»

La Cour de cassation se penchait ce mercredi pour la deuxième fois sur les condamnations de
militants qui avaient décroché des portraits du président de la République pour protester
contre l’inaction climatique.

Liberation – 16/02/2022

Deuxième round pour les «décrocheurs» sous les dorures de la Cour de cassation. La plus haute
juridiction française examinait ce mercredi le pourvoi de militants écologistes condamnés pour
avoir subtilisé en 2019, dans des mairies, des portraits d’Emmanuel Macron, à Paris, et dans les
régions de Valence et Strasbourg. Une «action non-violente», réalisée à visage découvert, et qui
visait à «dénoncer l’inaction climatique du gouvernement», rappellent Cécile Marchand et Rémi
Donaint, du réseau ANV-COP21 à l’origine de l’initiative.

Dans une décision du 22 septembre, la Cour de cassation, saisie par les «décrocheurs» de Bordeaux,
de Lyon, et de l’Ain, a estimé que leur geste pouvait relever de «la liberté d’expression» et a ainsi
cassé leur jugement en appel. Cette fois, l’objectif va plus loin. «Partout en France, des gens ont
été jugés pour avoir saisi ces portraits présidentiels. Mais, alors même que les faits sont quasi-
identiques, les condamnations ou les relaxes sont très variables d’un tribunal à l’autre, expose Me
Ronald Maman, qui représente le groupe d’activistes parisiens. Il faut que la Cour de cassation
puisse déterminer une grille de lecture pour harmoniser ces décisions.»

«Non, ça ne va pas être l’anarchie»


Les douze décrocheurs dont il est question ce mercredi ont été condamnés en appel pour «vol en
réunion» à des peines de 200 à 500 euros d’amendes, parfois avec sursis. Plusieurs d’entre eux
étaient présents ce mercredi, collés serrés entre les étudiants en droit et les journalistes au fond de la
chambre criminelle. Les portraits n’avaient pas été seulement enlevés mais aussi récupérés pour être
utilisés pendant des manifestations. «Il s’agissait de sortir symboliquement le Président pour le
mettre face au dérèglement climatique», insiste Ronald Maman, qui souhaite montrer que cette
action «n’aurait jamais eu l’impact qu’elle a eu si les portraits avaient été uniquement décrochés.»
Avec son confrère, Me Paul Mathonnet, conseil des activistes de Strasbourg et Valence, ils ont
plaidé pour que la Cour reconnaisse à nouveau que leur action relève de la «liberté d’expression»
tout en faisant «avancer la décision du 22 septembre». Ronald Maman insiste : «Il faut approfondir
votre jurisprudence, préciser une grille de lecture à destination des juges pour qu’ils puissent
statuer sur la base de critères précis», dans les affaires liées au militantisme. «Notre société est
suffisamment pluraliste, solide, pour maîtriser, gérer ce type d’actions politiques», a abondé Paul
Mathonnet avant d’ajouter : «Non il n’y a pas de boîte de Pandore. Non, ça ne va pas être
l’anarchie.»

«Criminalisation de l’action militante»


Les deux avocats généraux ont de leur côté réclamé le rejet des pourvois, en estimant notamment
que les cours d’appel avaient vérifié qu’il n’y avait pas d’atteinte au droit fondamental que constitue
la liberté d’expression. «Le fait de décrocher portrait du chef de l’Etat n’est pas démonstratif de
son inertie sur les questions climatiques. Il doit y avoir un lien entre le délit et ce qu’on dénonce», a
argué le second, chargé du dossier parisien. Selon lui il ne s’agit que «d’un moyen d’attirer
l’attention». «Le message ne fait pas sens. On pourrait très bien s’imaginer que c’est un acte qui
traduit l’admiration du président de la République». La Cour de cassation rendra sa décision le 18
mai.

«On espère qu’ensuite, tous les tribunaux qui jugeront des faits similaires seront obligés de se
demander si oui ou non quelque chose d’aussi grave que le réchauffement climatique peut légitimer
un délit. Car non, il ne s’agit pas d’un simple “vol en réunion”», martèlent comme d’une seule voix
Rémi Donaint et Cécile Marchand du réseau ANV-COP21. En toile de fond, se joue un autre
combat, bien plus large, qu’ils décrivent ensemble à Libé. Celui de la «criminalisation de l’action
militante», de «l’intimidation» de ceux qui cheminent sur le terrain de la désobéissance civile. «Un
mouvement qui prend de l’ampleur et nous inquiète», et contre lequel aussi «il faut agir».

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