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la Direccte estimerait leur nombre trop élevé pour


qu’ils soient mis en œuvre sous la forme de ruptures
Aéroports de Lyon: le plan de
conventionnelles individuelles, comme l’envisageait
suppressions d’emplois de Vinci retoqué l’entreprise. Les services de l’État demandent à
PAR ISABELLE JARJAILLE (MEDIACITÉS)
ARTICLE PUBLIÉ LE JEUDI 15 OCTOBRE 2020 l’exploitant de négocier une rupture conventionnelle
collective.
« Avec un accord collectif, qui posera un cadre
général, tout le monde partira avec les mêmes
chances, estime un salarié. Les conditions négociées
(indemnités de départ, formation) seront valables
toute la durée de l’accord de performance [jusqu’à
cinq ans – ndlr]. On évitera ainsi de négocier un
À l'aéroport Lyon Saint-Exupéry, exploité par départ à la tête du client et dans la précipitation. »
Vinci Airports. © E/Brown/CC BY-NC-SA 2.0
D’après cet interlocuteur, depuis cet été, certains
Vinci Airports est contraint de renégocier l’accord
salariés seraient « poussés vers la sortie » plus ou
signé en juillet dernier qui prévoyait la suppression
moins volontairement.
d’un poste sur dix à Saint-Exupéry. En interne, une
alerte pour « dangers graves et imminents » sur Un témoignage corroboré par les procès-verbaux des
les personnels a provoqué la tenue d’une réunion dernières séances du comité économique et social
extraordinaire. (CSE) que Mediacités a consultés. Les représentants
des élus y parlent de « mal-être » et de « souffrance ».
Stop, on arrête tout ! D’après les informations de
Mi-septembre, une réunion extraordinaire de la
Mediacités, Vinci Airports, la filiale du groupe de
commission santé, sécurité et conditions de travail
BTP qui exploite l’aéroport Lyon Saint-Exupéry, a été
(CSSCT) a été convoquée à la suite d’une alerte pour
contraint par l’inspection du travail degeler ses projets
« dangers graves et imminents » : risques psycho-
de suppressions d’emplois.
sociaux concernant « tous les salariés » et « un salarié
Pierre Bel, le directeur des ressources parlant de suicide »(voir le document ci-dessous).
humainesd’Aéroports de Lyon (ADL),a adressé lui-
même un courriel aux salariés, le 6 octobre dernier :
« La Direccte [Direction régionale des entreprises,
de la concurrence, de la consommation, du travail
et de l’emploi – ndlr] nous demande de suspendre
le dispositif départ volontaire individuel, pour
Extrait du procès-verbal d’une réunion interne
reprendre de nouvelles négociations avec les délégués d’Aéroports de Lyon. © Document Mediacités
syndicaux. »
À la suite de cette alerte, la direction d’Aéroports
En attendant un nouvel accord avec les trois de Lyon estimait, lors d’un CSE qui s’est tenu le 24
organisations représentatives (CFDT, CFE-CGC et septembre, avoir « conscience qu’un grand nombre
Unsa), tous les dispositifs de l’accord de performance de salariés souffr[aient] de risques psycho-sociaux »
collective, signé mi-juillet en réaction à la crise et indiquait aux représentants du personnel qu’elle
du secteur provoquée par le coronavirus, sont « travaill[ait] à trouver des solutions ».
suspendus.
Quelques jours plus tard, le DRH envoyait un courriel
L’inspection du travail tique sur les 40 départs aux salariés pour leur rappeler les interlocuteurs à
volontaires prévus (sur un effectif total de leur disposition « en cas de besoin » : psychologues,
424 salariés). D’après une source interne à ADL, assistante sociale, infirmière ou médecin du travail.

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En parallèle, une commission d’enquête interne, des postes de « coordinateur sécurité », présentés en
composée de représentants des personnels, de CSE le 8 septembre. Ils récupéreraient les missions
membres du CSE, de la direction, du médecin du d’aides et assistance aux personnes à mobilité réduite à
travail et d’un psychologue externe, a été mise en place la montée ou la descente des avions, auparavant sous-
fin septembre. traitées. Lors de la réunion interne, un élu indiquait
Plus que jamais, les salariés de Saint-Exupéry que « 44 pompiers sont prêts à se mobiliser contre ces
pâtissent des incertitudes générées par la crise changements ».
sanitaire. « Les perspectives ne sont pas bonnes La première commission d’attribution de « la bourse
[…]. Le trafic de septembre est inférieur à nos à l’emploi » s’est réunie le 22 septembre. D’après les
prévisions », leur écrivait dans un courriel, le 22 chiffres exposés par la direction, « 170 des candidats,
septembre, le directeur de l’aéroport Tanguy Bertolus. soit plus de 75 %, retrouvent un taux d’emploi
En septembre 2020, le trafic était en recul de 70 % contractuel [correspondant à leur contrat de travail
par rapport au même mois de l’an dernier. Résultat : initial – ndlr]. Il reste donc à trouver de nouvelles
d’après une estimation de la direction d’ADL, « les propositions pour 60 salariés, une vingtaine d’entre
besoins [de l’entreprise] sont évalués à 266 emplois eux ont encore un taux d’emploi à zéro ».
à temps plein ». Or, aujourd’hui, 424 personnes sont Depuis le mois de mars, Vinci Airports sollicite
salariées par Aéroports de Lyon. Que proposer aux les aides publiques, via le chômage partiel prolongé
personnels sans activité ? C’était l’objet de l’accord jusqu’au 15 mars 2021. Les salariés de l’entreprise qui
signé fin juillet, mais son application n’est pas sans en bénéficient voient leur salaire maintenu à 84 %,
dommages. payé par l’État. Mais sur les « 300 000 heures prévues
Aux 40 départs volontaires évoqués plus haut [par le chômage partiel – ndlr] », la direction estimait,
s’ajoutent 83 emplois « ré-internalisés ». En clair, le 27 août, que « seuls 30 ou 35 % de ces heures ont
il s’agit de missions retirées aux sous-traitants été consommées car les salariés ont également pris des
afin qu’elles soient assurées directement par Vinci congés et des RTT ».
Airports. La liste comprend une soixantaine de postes,
du « développement du fret aérien » au « traitement
des réponses sur les réseaux sociaux », en passant par
« la supervision sûreté ». Au total : plus de 120 emplois
seraient ainsi supprimés sur la plate-forme de Saint- Extrait du procès-verbal d’une réunion interne
d’Aéroports de Lyon. © Document Mediacités
Exupéry.
In fine, la direction d’Aéroports de Lyon espère
Pour remplacer les départs volontaires et « ré- réaliser 32 millions d’euros d’économies sur le
internaliser », l’exploitant doit procéder à un jeu de personnel, comme elle l’avait présenté à ses
chaises musicales via une « bourse à l’emploi » : actionnaires lors du conseil de surveillance du 25
les salariés qui travaillent sur des postes non juin. C’est d’ailleurs l’objectif annuel majeur assigné
indispensables pendant la crise doivent postuler à à Tanguy Bertolus.
un autre poste, pour une durée indéterminée. Les
changements peuvent être majeurs, comme passer Un rapport présenté en conseil de surveillance, le
d’horaires administratifs à des horaires décalés, ou 25 septembre, indique qu’en plus de sa part de
voir sa mission remplacée par une autre, au risque de rémunération fixe (139 000 euros brut annuels), le
perdre en compétences. directeur de Lyon Saint-Exupéry touche une part
variable, plafonnée à 55 000 euros par an, en fonction
Exemple : la direction estime qu’une vingtaine de des objectifs qui lui sont fixés. Les années précédentes,
pompiers professionnels sont de trop par rapport à ceux-ci étaient calculés en fonction du trafic, du
l’activité de l’aéroport. Elle a donc prévu de créer résultat de l’entreprise, de la qualité du service et de la

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sécurité. Mais pour l’année 2020, la donne a changé : le objectifs de l’aéroport restent inchangés : préserver
bonus de Tanguy Bertolus sera calculé par rapport aux l’emploi à travers l’internalisation de certaines
économies réalisées sur « la masse salariale »(voir le missions et recourir à des départs volontaires. La
document ci-dessous). Une prime à la casse sociale en mise en œuvre de ces évolutions fait l’objet d’un suivi
quelque sorte. Les employés d’ADL apprécieront… régulier entre organisations syndicales et direction,
notamment en vue d’assurer l’accompagnement
adéquat des salariés concernés. »

Extrait du rapport présenté en conseil de surveillance. © Document Mediacités

Boite noire
La région Auvergne-Rhône-Alpes et le Grand Lyon Mediacités est un journal en ligne d’investigation
n’ont pas donné suite à nos demandes d’entretien. locale présent dans plusieurs villes : Lille, Lyon,
Représentant de la collectivité de Laurent Wauquiez Toulouse, Nantes. Média indépendant, fondé par
au conseil de surveillance d’Aéroports de Lyon, Paul sept journalistes issus notamment des rédactions de
Vidal, conseiller délégué aux transports, avait assuré L’Express et de L’Expansion, Mediacités renoue
le 25 juin que « la région est solidaire de Vinci avec les fondamentaux du journalisme en mettant à
Airports » car « sauver l’aéroport permet de sauver l’honneur des sujets d’enquête.
des emplois ». Côté métropole, nous avons sollicité
Média à la fois local et national, Mediacités
la première vice-présidente Emeline Baume (EELV),
ambitionne d’être présent dans les dix plus grandes
qui siège désormais au conseil de surveillance d’ADL.
métropoles de France (hors Paris) d’ici trois ou quatre
La nouvelle majorité écologiste n’a pas donné suite à
ans. Sans publicité et sans être adossé à un groupe
notre demande. On attendra donc pour connaître les
financier ou industriel, ce journal en ligne fait le choix
positions qu’elle défendra en tant qu’actionnaire de
d’un modèle par abonnement (6,90 euros par mois ; 59
l’aéroport…
euros par an).
De son côté, le service presse d’Aéroports de Lyon
nous confirme par mail que « les discussions sont en
cours avec les délégués syndicaux ». Il ajoute : « Les

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