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Economie politique de la Russie, 1918-2018, Julien Vercueil, éditions du Seuil, collection

Points, 2019, 360 p. 9,90€

Rares sont les ouvrages qui abordent l’histoire économique de la Russie sur un siècle, soit
de la révolution bolchevique à nos jours. Et pourtant, peu de pays auront connu durant la période
d’aussi radicales mutations.
Julien Vercueil distingue ainsi quatre moments. Le premier va de la mise en place d’une
économie planifiée (surtout à partir de 1928) à la fin de l’URSS, accélérée par la perestroïka de
Gorbatchev. La seconde, la « Grande Transition », de la chute de l’empire soviétique au krach fi-
nancier et monétaire de 1998. Viennent ensuite la « décennie brillante » et la période actuelle,
depuis l’année 2000.
L’une des images convenues de l’URSS, celle des files d’attente devant les magasins et
des pénuries permanentes, résume les déboires d’une économie planifiée. Malgré la volonté d’une
rationalisation intégrale, l’improvisation fût souvent de mise afin de pallier des directives irréalistes.
L’inscription dans la constitution du droit au travail (opposé au chômage des économies capital-
istes) a conduit à un accord tacite entre responsables et salariés: contre un salaire peu élevé, une
moindre implication était acceptée. D’où, au niveau national, une faible productivité. C’est durant
les Trente Glorieuses que l’écart de niveau de vie se creuse entre l’URSS et l’Occident. Voulant
réformer un système à bout de souffle, Gorbatchev ne fera qu’en précipiter la chute.
Transformer l’économie d’un pays tout en continuant d’assurer son fonctionnement était
une tâche immense. Elle fût réalisée sans ménagement. En fait, la libéralisation de l’économie en-
traîna la mise à l’encan de toutes les richesses du pays, permettant la constitution de fortunes con-
sidérables et leur concentration aux mains de quelques oligarques. Accroissant d’autant les inégal-
ités avec une inflation atteignant 2400% en 1992. Fin 1998, l’économie de la Russie représente
autant que celle de l’Ile de France, avec une population 20 fois plus nombreuse.
La reprise en main d’un Etat jusque là très conciliant conduit à un surprenant redressement
au cours des dix années suivantes. Grâce à une meilleure politique fiscale et à la hausse du prix
des hydrocarbures, le déficit budgétaire est comblé.
Mais depuis, l’annexion de la Crimée (2014) et les sanctions internationales qui en ont dé-
coulé, la dépréciation du rouble, la baisse de la consommation intérieure et du prix des hydrocar-
bures ont grevé l’économie russe. Comme le conclut J. Vercueil, il faudra sans doute attendre une
nouvelle génération d’hommes politiques pour que le pays trouve sa place dans l’économie mondi-
ale.

Thierry Jobard

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