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JURY
La présente thèse s’intègre dans cette dynamique et a pour objectif une meilleure connaissance
des géopolymères et des matériaux alcali-activés. Le cadre de travail est le développement de
formulations de coulis d’injection et renforcement de sols. Un programme expérimental basé
sur une sélection de compositions est établi afin de caractériser les principales propriétés de
ces matériaux. Les différences entre les deux processus de structuration sont relevées à travers
une étude physico-chimique (DRX, RMN) et liées aux évolutions macroscopiques au jeune âge.
La géopolymérisation se traduit par la formation d’un réseau aluminosilicate amorphe, une
stabilité volumique au cours du durcissement, piloté par un processus de polycondensation.
L’alcali-activation du laitier présente des aspects similaires à l’hydratation du ciment :
dissolution/précipitation, formation de gels CSH et retrait chimique. Un travail d’optimisation
de formulation est mené afin de répondre à des critères d’application et définir les paramètres
influençant le comportement rhéologique et mécanique des coulis. La substitution partielle du
métakaolin ou du laitier par des cendres volantes permet la régulation du comportement à
l’état frais et de la résistance du matériau. Une méthodologie basée sur l’analyse de la
microstructure est mise en place pour lier la micromécanique aux propriétés macroscopiques.
L’homogénéisation multi-échelles a permis d’évaluer le module élastique des matériaux et peut
servir de plateforme pour une analyse globale du comportement mécanique. Enfin, une étude
de durabilité de ces matériaux est entamée en évaluant la sensibilité au séchage et à la
lixiviation en milieu acide. Elle révèle différents mécanismes de dégradation en fonction de la
composition et de la sollicitation. Les matériaux sont sensibles au séchage mais les
géopolymères étudiés sont apparus très stables en milieu acide.
i
Abstract
The need for more durable, rational and ecological constructions encourages innovation and
the search for alternatives, such as geopolymerization and alkali-activation, with a growing
interest. These technologies allow the use of resources with a lower environmental impact in
developing a new class of materials. However, both reaction mechanisms are complex and
some issues need further investigation before a proper implementation: the confusion between
these processes, the absence of a rational design approach, the lack of knowledge concerning
some mechanisms of degradation, etc.
The present thesis joins this dynamic and aims at a better understanding of geopolymers and
alkali-activated materials to design soil injection grouts. An experimental program has been
established based on selected mix designs to study their main properties. The differences
between both structuration processes were determined through a physicochemical study (XRD,
NMR). They were correlated to the macroscopic phenomena observed at early age. An
optimization of the mixtures was carried to satisfy the application criteria and define the
parameters controlling the rheological and mechanical behavior of the grouts. Using a
micromechanical characterization and multiscale homogenization, a methodology has been
designed to determine the elastic modulus of the materials. This can be used as a first tool to
analyze the global mechanical behavior. Finally, the sensitivity to drying and exposure to acid
environments was assessed.
ii
Remerciements
Avant tout, je souhaite exprimer mes sincères remerciements à M. Christophe Lanos, Professeur
à l’Université de Rennes, pour avoir accepté de présider mon jury de thèse. Ses conseils me
seront très utiles pour la valorisation de ces travaux. Je voudrais ensuite remercier M. Martin
Cyr, Professeur à l’Université de Toulouse III, et M. David Bulteel, Professeur à l’Ecole des Mines
d’Alès, pour leurs précieux retours sur ce manuscrit et pour la discussion qui s’en suivit pendant
la soutenance. Je souhaiterais aussi exprimer ma gratitude à M. Dimitri Deneele, Directeur de
recherche à l’IFSTTAR Nantes, pour avoir fait partie de mon jury, sans oublier toute l’aide qu’il
m’a fourni pendant toute ma thèse.
En plus de sa participation à mon jury, tout ce travail de thèse n’aurait pas eu lieu sans la
confiance, l’initiative et le soutien de Mme Sabine Darson, Responsable du Laboratoire
Matériaux de Soletanche Bachy. Pendant plus de trois ans, son support a été de taille et j’ai
toujours pu et dû me tourner vers elle pour ses conseils et sa perspective.
Toute ma gratitude est également envers mon directeur de thèse M. Ahmed Loukili, Professeur
à l’Ecole Centrale de Nantes, pour avoir cru en moi pour cette thèse et pour m’avoir orienté,
aidé et défendu lors des trois ans.
Ensuite, je dois remercier M. Michael Paris, Ingénieur de Recherche à l’Institut des Matériaux
Jean Rouxel, pour m’avoir introduit, accompagné et formé lors de ma découverte de la RMN
du solide.
Je voudrais aussi remercier M. Frédéric Grondin, Professeur à l’Ecole Centrale de Nantes, pour
son aide qui m’a permis d’introduire les aspects d’homogénéisation multi-échelle et encouragé
à entreprendre l’étude micromécanique
iii
Mes remerciements vont aussi aux membres du GeM qui m’ont ouvert leurs portes et aidé
pendant mes travaux, j’en cite MM. Jean-Pierre Regoin, Patrick Denain, Vincent Wisniewski,
Yannick Benoît et François Bertrand. Leur disponibilité et bonne humeur a permis de me
faciliter les différents essais que j’ai eu à faire.
Je remercie également les autres personnes qui m’ont aidé pendant ces essais, à savoir Elodie
Coudert, pour tout la caractérisation physico-chimique, ainsi qu’Alexis Charpentier-Süter, Jules
Gibert, Melchior De Bourayne et Oussama Keddache pour l’apport qu’ils ont fourni pendant
leurs stages.
Je voudrais remercier mes collègues et anciens collègues, qui m’ont largement aidé d’une façon
ou d’une autre pendant ces années : Thibault, Hamza, Gildas, Zakaria, Benoît, Georges, Mounia,
Younes, Menghuan, Ahmed, Siyimane, Reda, Abderrahmane, leur souhaitant une bonne
continuation dans leurs carrières.
A mes autres amis, je souhaite exprimer la chance que j’ai eue de les avoir autour de moi. Merci
à Ilham, Leila, Ayoub, Mehdi et tous les autres que j’aurais pu oublier de citer pour votre
présence, humour et soutien pendant cette période de ma vie.
Enfin, je ne peux passer sans remercier ma famille ici à Nantes et au Maroc, pour leur aide
inconditionnelle, leurs encouragements et la motivation. Je n’aurais jamais pu atteindre cette
marque sans leur support qui m’a fourni l’environnement et les conditions nécessaires pour
mener à bien cette aventure.
iv
TABLE DES MATIERES
v
2 FORMULATION ET RHEOLOGIE __________________________________________ 59
2.1 COULIS D’INJECTION ET CAHIER DES CHARGES ________________________________ 59
2.2 BIBLIOGRAPHIE : LEVIERS POUR LA FORMULATION ______________________________ 61
2.2.1 Rhéologie et prise _________________________________________________ 61
2.2.2 Contrôle de la stabilité______________________________________________ 63
2.2.3 Résistance mécanique ______________________________________________ 63
2.2.4 Adjuvantation des géopolymères ______________________________________ 66
2.3 PROGRAMME EXPERIMENTAL ET METHODES __________________________________ 70
2.3.1 Programme expérimental ____________________________________________ 70
2.3.2 Essais relatifs au cahier des charges _____________________________________ 74
2.3.3 Caractérisation rhéologique __________________________________________ 75
2.4 RESULTATS ET DISCUSSION _____________________________________________ 76
2.4.1 Résultats préliminaires ______________________________________________ 76
2.4.2 Etude des coulis binaires ____________________________________________ 79
2.5 BILAN ____________________________________________________________ 88
RÉFÉRENCES _____________________________________________________________ 89
vi
4 SENSIBILITE AU SECHAGE ET A LA LIXIVIATION ___________________________ 131
4.1 BIBLIOGRAPHIE : DURABILITE DES GEOPOLYMERES ET AAM _______________________ 131
4.1.1 Retrait _________________________________________________________ 132
4.1.2 Autres actions environnementales _____________________________________ 137
4.1.3 Lixiviation et attaques acides _________________________________________ 138
4.1.4 Dégradation endogène (RAG) ________________________________________ 141
4.2 PROGRAMME EXPERIMENTAL ____________________________________________ 142
4.2.1 Formulations ____________________________________________________ 142
4.2.2 Méthodes expérimentales ___________________________________________ 142
4.3 RETRAIT DE SECHAGE _________________________________________________ 144
4.4 LIXIVIATION ACIDE __________________________________________________ 150
4.5 BILAN ___________________________________________________________ 159
RÉFÉRENCES ____________________________________________________________ 160
CONCLUSION ET PERSPECTIVES ____________________________________________ 167
vii
INTRODUCTION GENERALE
Au sein de ce marché, des applications telles que l’injection et le renforcement des sols n’ont
pas encore été suffisamment explorées. La transposition de ces technologies dans le contexte
des travaux géotechniques permettrait de répondre à des problématiques techniques et de
réduire l’impact environnemental de cette industrie. Ce domaine technologique est aussi bien
placé pour profiter des propriétés des géopolymères liées à la résistance en milieu agressif
et/ou pollué. La grande variété de matériaux possibles, liée à des matières premières tout aussi
variées, permet des degrés de liberté supplémentaires en fonction des conditions du terrain.
1
Les géopolymères et matériaux alcali-activés représentent donc une alternative à considérer
dans le but, non pas de remplacer totalement le ciment, mais d’élargir les possibilités
disponibles au moment de la prise de décision.
Une grande importance a donc été réservée à la caractérisation des matières premières et à la
compréhension de leur influence sur les mécanismes réactionnels et la structuration du
matériau durci. Le premier chapitre de ce manuscrit se focalise sur ces aspects, en soulignant
les principales différences entre la géopolymérisation et l’activation alcaline des systèmes
calciques. Pour ce faire, différentes techniques (diffraction des rayons X, résonance magnétique
2
nucléaire, calorimétrie, mesure des propriétés élastiques par ultrasons) ont été utilisées de
façon synergique pour décrire et expliquer les évolutions macroscopiques au jeune âge.
Ensuite, les principaux résultats obtenus sur le chemin de la formulation d’un coulis alternatif
optimal sont présentés. Dans ce deuxième chapitre, l’accent est mis non seulement sur la
réponse à un cahier des charges qui fait preuve de satisfaction sur le plan industriel à partir
des différentes matières premières, mais aussi sur la corrélation entre les grandeurs mesurées
et les propriétés physico-chimiques des matières premières et des mélanges. Les propriétés
rhéologique et mécanique sont traitées en lien avec l’utilisation de mélanges binaires de
précurseurs.
Le chapitre suivant détaille la méthodologie suivie afin d’établir des liens entre la
microstructure et le comportement mécanique du matériau. Une utilisation couplée de
différentes techniques y est mise en place afin de comprendre les particularités de la
microstructure. Elle est constituée d’une analyse de la microstructure des matériaux par MEB
et EDX avec détection des phases, d’une caractérisation par micro-indentation et de l’utilisation
de la micro-tomographie aux rayons X. Le but est d’effectuer une homogénéisation multi-
échelles permettant de remonter au module élastique macroscopique.
Le quatrième et dernier chapitre présente les principaux résultats obtenus lors de l’évaluation
de la résistance des coulis formulés face aux sollicitations physico-chimiques. En se focalisant
sur la dégradation par l’exposition au séchage et à la lixiviation acide, la performance de
formulations choisies est comparée à un matériau cimentaire suivant différents indicateurs de
performance. L’objectif est de définir les principaux mécanismes de dégradation présents et de
permettre la désignation des compositions les plus adaptées en fonction des conditions
d’utilisation.
3
1 CARACTERISTIQUES PHYSICO-CHIMIQUES
DES REACTIFS ET PRODUITS
Le premier à avoir émis cette hypothèse, le professeur français Joseph Davidovits, est
également le premier à avoir mis en place le mot géopolymère, dans les années 1970. Il l’utilise
pour distinguer une classe de matériaux fabriqués en utilisant une solution alcaline et une
source aluminosilicate [4], [5]. Ils ont été développés comme une alternative aux polymères
organiques classiques, afin de mieux résister au feu et éviter les dangers associés aux incendies
et aux fumées toxiques. Cependant, les géopolymères ont vite suscité l’intérêt en tant que liants
alternatifs au ciment pour les matériaux de construction. Au début, les géopolymères étaient
trop coûteux pour une telle application, nécessitant des matériaux de choix et une procédure
de fabrication soignée. Il y a eu un changement après les travaux de Wastiels et al. qui ont
démontré la possibilité d’obtenir des matériaux performants à partir de l’activation alcaline des
cendres volantes, un déchet des centrales thermiques [6]. Ceci a eu pour effet de donner un
nouvel élan aux géopolymères, les rendant économiquement et écologiquement attractifs.
Pendant une longue période, les connaissances globales sur les géopolymères ont progressé
lentement. Et pour cause, la majorité des informations présentes étaient sous la forme de
brevets [7]. Les premiers travaux fondateurs sur les géopolymères au métakaolin ont été
publiés dans les années 90 [8]–[11]. Ces études ont permis d’établir une base de connaissances
autour de la chimie des géopolymères et de leurs processus réactionnels. Par la suite, la
recherche sur les géopolymères s’est localisée dans quelques pays : la Nouvelle Zélande [12],
[13], l’Australie [14]–[16], l’Espagne [17]–[19] et la France [20]–[22].
5
porte à l’exploitation de produits secondaires silico-alumineux pour l’obtention de matériaux
hautement résistants et durables à moindre coût.
Cependant, une différence chimique majeure permet de distinguer les géopolymères des
laitiers alcali-activés. Ceux-ci sont principalement composés d’un gel de silicate de calcium
hydraté (CSH) avec des atomes Si en chaînes 1D [29], [30], des substitutions du silicium par
l’aluminium et une intégration du magnésium avec le calcium [31]. Les géopolymères sont un
réseau tridimensionnel d’aluminosilicate alcalin, présentant un caractère de gel amorphe [32].
La limite entre les géopolymères et les matériaux alcali-activés (AAM) est encore difficile à
déterminer, mais elle est principalement fondée sur le taux de calcium dans le mélange et le
rôle qu’il y joue. Un critère usuel est de parler de liants à fort taux de calcium (et donc d’AAM)
lorsque le rapport Ca/(Si+Al) est supérieur ou égal à 1 [33].
L’un des plus grands défis du développement des géopolymères est celui de la nomenclature.
Encore en 2015, la première conférence internationale sur les géopolymères a connu, lors de
son ouverture par Davidovits un débat soutenu sur ce que l’on peut qualifier de
« géopolymère ». Alors que le mot géopolymère est de plus en plus courant dans le milieu
scientifique, il n’y a pas encore de consensus sur les limites de son utilisation. Celui-ci est
réservé par les pionniers du domaine aux matériaux dont la phase liante est formée d’un réseau
tridimensionnel tétraédrique d’aluminium et silicium, amorphe et stable dans l’eau [34].
Néanmoins, étant simple d’utilisation, ce terme est parfois utilisé par abus pour qualifier des
matériaux ne remplissant pas ces conditions, notamment des AAM à base de laitier ou de
cendres volantes calciques, qui contiennent des CSH comme phase principale. Cependant, les
géopolymères ne sont qu’une petite classe au sein des AAM [28], qui englobent d’autres types
de matériaux (à base de sulfates, carbonates, …) (Figure 1.1).
Tout au long de ce travail, l’appellation ‘géopolymère’ est utilisée pour désigner les résultats
de l’activation alcaline du métakaolin et des cendres volantes. Les matériaux ‘alcali-activés’ ou
‘à activation alcaline’ (Alkali Activated Materials ou AAM) font principalement référence au cas
du laitier, ou du laitier avec substitutions, quel que soit l’activateur utilisé.
6
Figure 1.1 : Classification des liants selon [35]
Davidovits a également proposé des termes spécifiques pour la description de la structure d’un
réseau géopolymère : sialate (Si-O-Al), siloxo (Si-O-Si), … [4]. Ceci lui a permis de donner des
dénominations aux différentes familles de réseaux, en fonction du rapport Si/Al : poly(sialate)
[Si/Al =1], poly(sialate-siloxo) [Si/Al = 2], poly(sialate-disiloxo) [Si/Al = 3] et ainsi de suite. Il
reprend cette même classification afin de spécifier des familles d’applications pour chaque type
de réseau (Figure 1.2).
Figure 1.2 : Classification des applications en fonction du ratio Si/Al (J. Davidovits, geopolymer.org)
7
1.1 BIBLIOGRAPHIE
1.1.1.1 Géopolymérisation
L’utilisation du métakaolin pour former des matériaux aluminosilicates solides date de bien
avant les « géopolymères ». Barrer et Mainwaring [37], [38] ont publié en 1972 une étude
détaillée sur les « soil minerals », qui traite en partie de la transformation du métakaolin dans
des milieux alcalins sous hautes températures. Ces processus forment différents types de
zéolite, en fonction des conditions de la réaction. Un brevet pour la fabrication de zéolite à
base de métakaolin et d’hydroxyde de sodium a même été déposé dès 1961 [39]. Mais, depuis
l’étude de Palomo et Glasser [8], les travaux se sont intensifiés afin de mieux caractériser le
déroulement de la géopolymérisation.
Provis et al. [40] ont résumé les étapes de la géopolymérisation comme suit :
1) Les aluminates et silicates du métakaolin sont libérés dans la solution, suite à l’attaque
alcaline. L’aluminium de coordinence V et VI est alors converti en Al(IV) [41]. La
dissolution de l’aluminium a lieu avant celle du silicium, ses liaisons étant les premières
à être cassées [42]. Ceci est confirmé par la présence de particules de métakaolin
résiduelles à plus faible teneur en aluminium [43].
2) Formation d’oligomères aluminosilicates à partir des espèces dissoutes et des silicates
présentes dans la solution d’activation.
3) Lorsque la concentration en aluminates est suffisante pour déstabiliser la solution de
silicates, un gel commence à se former par précipitation. En parallèle, la dissolution se
poursuit, causant ainsi une concurrence entre les deux processus.
4) Au bout d’un certain temps, le mélange se solidifie suite à l’augmentation de
concentration en gel. La durée de la prise dépend de la température, de la composition,
ainsi que de la présence d’impuretés. Les réactions peuvent se poursuivre au-delà de la
prise, avec un éventuel gain en résistance et le développement de cristaux de zéolite
dans certains cas [44].
Le résultat de ce processus est ce que Davidovits appelle une structure géopolymère. Pour la
décrire, il a utilisé des modèles basés sur les zéolites, qui dépendent du ratio Si/Al du mélange
8
et du type d’alcalin utilisé [5]. Rahier et al. [9]–[11] utilisent la terminologie des polymères en
parlant de « verre polymère inorganique à basse température ». D’autres chercheurs ont parlé
d’« hydrocéramiques » pour les géopolymères au métakaolin à hautes températures [45], [46].
Barbosa et al. [47] ont proposé un modèle (Figure 1.3(a)) basé sur celui de Davidovits (Figure
1.3(b)), qui situe l’eau et l’alcalin au sein du réseau. Ce modèle a été amélioré par Rowles et al.
[48] grâce à des études RMN (Résonance Magnétique Nucléaire) du 29Si, de l’27Al, de l’1H et du
23
Na, en essayant de détailler encore plus la position du sodium et son rôle dans le réseau.
(a)
(b)
Figure 1.3 : (a) Structure semi-schématique d’un polysialate au sodium, proposée par Barbosa et al. [47], (b) Structure
3D basée sur un modèle de polysialate de Davidovits [49]
Malgré ces études, la nanostructure des géopolymères présente encore des zones d’ombre.
Toutefois, certaines caractéristiques semblent désormais bien connues :
9
- Le réseau géopolymère est équilibré électriquement : La charge des sites d’aluminium
tétraédrique est équilibrée par le cation alcalin, associé à un ou plusieurs atomes
d’oxygènes qui l’entourent.
- L’ordre local ressemble à celui des zéolites et autres minéraux aluminosilicates.
Cependant, cet ordre n’est pas suffisamment étendu dans l’espace, en faisant un
matériau globalement amorphe.
- Les atomes d’oxygènes présents dans le géopolymère sont généralement pontants,
donnant lieu à un réseau complètement connecté. Ceci peut être altéré par un excès
d’alcalin ou une cure insuffisante du géopolymère.
- L’une des plus grandes différences entre le géopolymère et les silicates de calcium
hydratés, constituants principaux des matériaux cimentaires classiques, est que l’eau
n’est pas liée à la matrice. Elle est en grande majorité présente dans les pores du
matériau, vu la quasi absence d’hydroxyles liés. Ces pores varient du nanopore au
macropore, et leur distribution dépend de la chimie du matériau ainsi que de ses
conditions de mise en œuvre.
- L’aluminium est généralement entouré de 4 voisins silicium, cette caractéristique
importante permet l’identification de réseaux géopolymère par RMN de l’27Al.
Ce qui a été dit ci-dessus est principalement fondé sur les études de la géopolymérisation du
métakaolin. Plusieurs principes de la réaction et de la structure finale sont applicables aux
cendres volantes. Cependant, vu la complexité de la matière première, les systèmes aux cendres
ont leurs propres spécificités. Ainsi, les auteurs ont tendance à utiliser une description
différente par rapport au métakaolin, se basant principalement sur la terminologie de la
structure N-A-S-H. Cet acronyme renvoie à un aluminosilicate alcalin amorphe hydraté avec
une unité de base sous la forme : (Mn-(SiO2)-(AlO2)n.wH2O) dont les tétraèdres de silicium et
d’aluminium sont distribués aléatoirement dans un squelette 3D (Figure 1.4). La réaction forme
également des produits secondaires tels que l’hydroxysodalite, la zéolite P, la chabazite-Na, la
zéolite Y et la faujasite [51]–[53].
10
Figure 1.4 : Structure du gel N-A-S-H (d’après [55])
Pour l’activation alcaline du laitier, il y a une sorte de consensus sur la terminologie utilisée
pour la description du système et de ses produits. Etant donné que le laitier alcali-activé est
utilisé en premier lieu comme un substitut des liants cimentaires classiques, une description
issue du domaine du ciment s’est imposée au cours des études.
L’une des premières études détaillées sur l’activation alcaline du laitier a été réalisée par Purdon
en 1940 [23]. Il y analyse l’utilisation d’hydroxydes et de carbonates alcalins pour activer un
laitier de haut fourneau, avec différents taux d’activateur. Ensuite, Glukhovsky [25], [56] a étudié
les mécanismes réactionnels qui ont lieu lors de l’activation alcaline du laitier. Ces étapes,
reprises ensuite par Krivenko [57], consistent en une dissolution des particules vitreuses du
précurseur, suivie d’une nucléation des phases solides initiales, puis d’interactions et liaisons
mécaniques aux frontières de ces phases. Les réactions se poursuivent par diffusion des
espèces réactives avec le temps, donnant lieu à un matériau évolutif [58]. Dans ce processus,
le cation alcalin joue principalement le rôle d’un catalyseur, dont le rôle est d’accélérer une
réaction d’hydratation qui nécessiterait une durée bien plus longue dans un système laitier +
eau [59].
Au niveau des produits formés, il y a un accord sur la présence majoritaire d’un gel
aluminosilicate de calcium hydraté, C-A-S-H [29], [30], [60]. Ce gel, de rapport C/S plus faible
(0,9-1,2) [61], diffère cependant des C-S-H présents dans les liants Portland. L’alcalin, en plus
de son rôle catalyseur, affecte les propriétés du gel formé et sa structure [62]. Les cations
alcalins (Na ou K) sont intégrés au gel C-A-S-H lorsque leur concentration est suffisamment
élevée et que le rapport Ca/Si est faible. Suite à la dissolution progressive des particules de
laitier, le ratio Ca/Si peut être amené à augmenter. Par conséquent, les alcalins sont remplacés
par le calcium et sont relâchés dans la solution interstitielle [63]. D’ailleurs, la lixiviation de ces
alcalins est rapide, et leurs liaisons dans le système sont assez faibles, prouvant leur rôle
11
principal comme catalyseur de la réaction d’hydratation. Ainsi, on retrouve parfois la notation
C-(N,K)-A-S-H, signifiant une substitution partielle du calcium par le sodium ou le potassium.
Cette substitution est plus rare dans le laitier activé à la soude NaOH, comparé au laitier activé
au silicate de sodium, où le rapport Ca/Si est plus faible à cause du silicium apporté par la
solution d’activation. Le gel formé dans le laitier activé au silicate a été assimilé à des phases
tobermorite par Puertas et al. [64]. Ce modèle a été ensuite développé par Myers et al. pour
prendre en compte les contraintes des structures réticulées et non-réticulées d’unités
assimilées à la tobermorite, permettant ainsi de mieux décrire le degré de réticulation et la
longueur des chaînes de la structure [31]. Ce modèle, baptisé CSTM pour « Cross-linked
Substituted Tobermorite Model » ou modèle réticulé substitué de tobermorite, permet de
mieux agglomérer les différents résultats actuels sur la structure des laitiers alcali-activés au
silicate de sodium.
Figure 1.5 : Illustration du modèle CSTM, incluant les hypothèses et contraintes prises en compte [31]
12
Dissolution d’une source Espèces silicates dans
aluminosilicate solide la solution d’activation
Réarrangement et
échange des
espèces dissoutes
(Magnésium
Gel N-A-S-(H)
Hydroxydes faible)
doubles lamellaires Gel C-A-S-H
Zéolites
cristallisées
Solidification, durcissement et
développement de résistance
Figure 1.6 : Schéma des processus de géopolymérisation et d'activation alcaline (traduit de [33])
Tableau 1.1 : Produits des réactions d'activation alcaline et de géopolymérisation comparés au ciment [55]
13
1.1.2 Matières premières et intérêt écologique
L’hydroxyde alcalin le plus souvent utilisé est l’hydroxyde de sodium (NaOH), alors que les
hydroxydes de potassium, lithium, rubidium ou césium sont réservés à des applications
particulières [68]. Ces hydroxydes, lorsqu’ils sont utilisés pour l’activation alcaline des cendres
volantes ou du laitier, conduisent à des problèmes d’efflorescence. En effet, la réaction est
stoppée par le durcissement rapide du matériau. Il en résulte une microstructure poreuse où
la solution interstitielle est alcaline et très mobile [69]. En outre, pour l’activation
d’aluminosilicates, et notamment ceux à faibles teneurs en calcium, les concentration et
quantité d’hydroxyde de sodium peuvent être élevées, et nécessitent souvent une cure
thermique (à 60°C usuellement). Ceci induit des risques à la production en masse vu la
corrosivité des solutions concentrées de soude et limite leur emploi à des unités de
préfabrication où l’environnement est plus facilement contrôlable [21]. Néanmoins, les
solutions de NaOH ont l’avantage d’être plus fluides et ainsi de produire des matériaux plus
maniables, comparées aux solutions de silicate.
Les hydroxydes alcalins sont majoritairement obtenus par un traitement électrolytique de sels
chlorures. Cette méthode n’est pas sans impact sur l’environnement du fait de la
consommation d’énergie et de la production de déchets de mercure [70], et d’autres polluants
[71]. Cependant, vu que le procédé chlore-alcali produit également du dichlore (Cl2), un calcul
d’allocation d’impact environnemental est à prendre en compte [72].
Les silicates alcalins les plus utilisés sont, comme pour les hydroxydes, à base de sodium et
moins fréquemment de potassium. Ils sont produits à partir de sels carbonates et de silice
(sable), qui sont fondus à haute température avant d’être dissous à haute pression dans de
l’eau, formant ainsi une solution visqueuse appelée également verre liquide. C’est à ce moment
qu’est fixé le rapport molaire SiO2:M2O (module de la solution, avec M=Na, K, etc. ), ainsi que
la concentration. En fonction de ces deux paramètres, la chimie de la solution va varier. Un
module faible implique l’augmentation d’espèces monomères Q0 [Si(OH)4], qui sont les plus
réactives. Cependant, en dessous d’un certain seuil (~ 1,7), la solution est instable et y a lieu
une précipitation des éléments dissous. La présence d’oligomères (chaînes de plusieurs atomes
Si) cause une diminution de la réactivité, ainsi qu’une augmentation de la viscosité, vu la taille
plus importante des molécules [73].
Le type de cation affecte également les propriétés de la solution. En effet, les silicates de
potassium sont sensiblement plus fluides que les silicates de sodium, parce que les atomes de
sodium mobilisent plus de molécules d’eau pour leur hydratation que les atomes de potassium.
L’eau est ainsi beaucoup moins mobile d’où une augmentation importante de la viscosité. La
14
même logique est respectée pour le mélange avec le précurseur, où les silicates dissous vont
augmenter le module du produit et, de ce fait, sa viscosité.
La production des silicates par la méthode mentionnée ci-dessus (dite au four) n’est pas sans
impact sur l’environnement. La décarbonatation des sels carbonates utilisés ainsi que l’énergie
nécessaire pour leur fusion sont des sources non négligeables d’émissions de CO2 (suivant
l’équation Na2CO3 + xSiO2 xSiO2 : Na2O + CO2) et d’autres gaz à effet de serre, dont une
quantification a été réalisée par Fawer et al. [74]. Par exemple, la production d’une tonne d’une
solution typique de silicate de sodium (concentrée à 37%) consomme 4623 MJ et émet 424 kg
de dioxyde de carbone. D’autres déchets nuisibles sont également rejetés dans l’eau, dont des
chlorures et autres sels et acides.
1.1.2.3 Métakaolin
15
1.1.2.4 Cendres volantes
Les cendres volantes proviennent de la combustion du charbon dans les centrales thermiques
pour la production de l’électricité. A la suite de cette combustion, les gouttelettes
d’aluminosilicates fondues refroidissent rapidement et forment des phases amorphes ou, si le
refroidissement n’est pas rapide, semi-cristallines, et notamment de la mullite (3Al2O3,2SiO2)
[85]. La morphologie et granulométrie des particules dépend des conditions de refroidissement
et de récupération des cendres, alors que la chimie dépend principalement du charbon et des
impuretés qu’il contient. Ainsi, on peut y retrouver des oxydes de fer, de titane, de soufre,
d’alcalins ou de calcium. Cette teneur en chaux est justement utilisée pour classifier les cendres
en cendres calciques et siliceuses/silico-alumineuses, selon la norme NF EN 197-1.
Les cendres calciques pouvant être hydratées grâce à leur teneur en chaux, elles sont assimilées
au laitier dans leur processus d’activation alcaline et sont utilisées également en substitution
partielle du clinker dans les ciments recomposés. En France, les cendres volantes produites
encore aujourd’hui sont du type silico-alumineux (type F fly ash) [93]. Ces cendres, dont une
grande quantité provient de décharges temporaires, sont valorisées principalement dans le
domaine du béton et de la restauration des mines [94]. Un grand potentiel existe en effet pour
la réintégration de cette matière abondante, peu chère et qui confère plusieurs propriétés
intéressantes au géopolymère : gain de résistance dans le temps [95], [96], ouvrabilité [97], [98]
et durabilité [19], [99].
Le laitier de haut fourneau est un coproduit du traitement du minerai de fer pour l’obtention
de la fonte. A l’issue d’un refroidissement rapide, le matériau aluminosilicate formé, très riche
en calcium, présente des phases peu cristallisées sous une forme de verre dépolymérisé [100].
Ce résidu solide est alors broyé afin de produire une poudre fine, très réactive, et dont les
caractéristiques et la composition varient en fonction du minerai de base et du type de
traitement. Les facteurs clés influençant la performance du laitier sont sa granulométrie, sa
teneur en calcium par rapport au silicium, ainsi que les cations tels que Mg2+ et Fe2+.
16
Le laitier de haut fourneau est le précurseur de référence pour l’activation alcaline dans des
systèmes riches en calcium. Cependant, ce matériau est en forte demande pour l’utilisation
dans les ciments recomposés, où le taux de substitution du ciment Portland peut atteindre
jusqu’à 95% (NF EN 197-1). L’utilisation du laitier dans ce type de contexte s’approche de son
activation alcaline, dans la mesure où le ciment fournit au laitier un milieu suffisamment
basique pour accélérer son processus d’hydratation et la formation de gels C-S-H/C-A-S-H
[101]. Ce type de ciments permet de viser de très bonnes résistances mécaniques en plus d’une
durabilité élevée face aux attaques acides et sulfatiques [102], [103]. En activation alcaline, le
laitier a été largement étudié et utilisé depuis les travaux de Purdon [23] et jusqu’aux études
plus récentes [29], [30], [69], [104], [105].
L’un des avantages majeurs de l’utilisation des géopolymères et des AAM serait la réduction
de l’impact environnemental des produits. Davidovits [106] indiquait une réduction pouvant
atteindre 80 à 90 % pour les émissions de CO2 et une baisse conséquente de la facture
énergétique. Le ciment constitue environ 5% de l’ensemble des émissions anthropogéniques
de dioxyde de carbone [107]. Par conséquent, ces matériaux suscitent beaucoup d’intérêt en
tant qu’alternatives envisageables. Cependant, l’évaluation de l’impact écologique des
géopolymères s’avère plus compliquée. Celle-ci dépend de plusieurs facteurs dont la
disponibilité des matières premières, leur traitement, la quantité de liant pour une résistance
équivalente, etc. En ce qui concerne les émissions de CO2, il apparaît que les matériaux à
activation alcaline ont en effet un impact généralement inférieur au ciment Portland, mais les
gains ne sont pas aussi importants que ce qui est souvent annoncé. Une exception est celle
des « one-part binders », qui se composent d’un mélange de laitier et de cendres volantes
mélangés à un activateur sec à base de carbonate, hydroxyde et d’albite thermo-activée [108],
[109]. Cette innovation, brevetée par Zeobond®, permet la fabrication d’un liant auquel seul
l’ajout d’eau est nécessaire. L’impact lié aux silicates ou autres activateurs polluants est éliminé
et conduit à une réduction des émissions carbone allant de 71 % à 93 % par rapport à un
ciment équivalent, comme l’indiquent les calculs effectués par Ouellet-Plamondon et Habert
[110].
Par ailleurs, Habert et al. [22] ont souligné les limites d’une analyse basée uniquement sur les
émissions carbone. D’autres catégories d’impact (10 au total) sont prises en compte dans une
analyse de cycle de vie. Ainsi, même si les géopolymères étudiés ont bien un potentiel de
réchauffement global inférieur au ciment, ils ont un effet particulièrement négatif du côté
d’autres facteurs comme l’épuisement des ressources non renouvelables, l’acidification ou
l’écotoxicité marine. Ces effets sont attribués principalement aux silicates alcalins et leur
analyse signale la nécessité d’améliorer les méthodes de formulation pour rendre les
géopolymères écologiquement plus intéressants. L’étude de Weil et al. [111], moins exhaustive,
offre des conclusions similaires. Un autre facteur non négligeable, lié au transport des matières
17
premières, a été étudié par McLellan et al. [112]. Ils concluent sur une grande variabilité de
l’impact environnemental et du coût, en fonction de la proximité des différents fournisseurs.
A la lumière de ces données, il ne se dégage pas une conclusion générale sur l’intérêt
écologique des géopolymères. Les gains sont à évaluer au cas par cas, en fonction des
différents paramètres géographiques, économiques et réglementaires liés à l’application
envisagée. Il y a également un choix à faire au niveau des indicateurs à étudier, afin d’effectuer
une analyse de cycle de vie qui soit complète et pertinente.
L’étape de formulation des géopolymères nécessite des choix sur les critères à remplir. Si la
formulation des matériaux cimentaires est fondée sur des matières premières normalisées
(types de ciments, coefficients d’activité des additions, etc.), des paramètres bien définis (E/C,
volume de pâte) et des principes techniques et empiriques bien établis. Ce n’est pas encore le
cas pour les géopolymères. En effet, on ne dispose pas encore des outils nécessaires pour
procéder de la sorte. Il n’est pas envisageable de définir des relations – théoriques ou
empiriques – entre les propriétés du matériau final et sa composition. Ceci est dû à plusieurs
facteurs :
Néanmoins, afin de mieux classer les géopolymères confectionnés, il faudra parvenir à les
distinguer sur la base de critères bien définis liés à la formulation. Deux courants se
distinguent : l’utilisation des rapports massiques ou volumiques (activateur/aluminosilicate,
18
eau/solide, soude/silicate, etc.) ou de rapports atomiques/moléculaires (Si/Al, SiO2/Al2O3,
Al/Na, H2O/Na2O, etc.). Le premier choix est limité par la variabilité des matières premières, le
deuxième par la difficulté de caractériser avec précision les compositions atomiques réelles de
ces matières premières. Dans notre étude, le deuxième choix a été retenu, sur la base de la
connaissance des analyses chimiques des matières premières. Ceci a conduit à la définition
d’équations basées sur les rapports molaires des éléments chimiques (Équation 1) :
𝑚(𝑋)
𝑛(𝑋) 𝑀(𝑋)
𝑋 ⁄𝑌 = =
𝑛(𝑌) 𝑚(𝑌)
𝑀(𝑌)
Équation 1 : exemple de calcul du rapport molaire
X et Y étant les éléments choisis, n(X) et n(Y) leurs quantités de matière respectives dans le
mélange, m(X), m(Y) leurs masses et M(X) et M(Y) leurs masses molaires.
Ainsi, on obtient :
𝑛(𝑆𝑖𝑂2 )
𝑆𝑖⁄𝐴𝑙 =
2. 𝑛(𝐴𝑙2 𝑂3 )
2. 𝑛(𝐴𝑙2 𝑂3 )
𝐴𝑙⁄𝑀𝑒 =
𝑛(𝑀𝑒𝑂𝐻) + 2. 𝑛(𝑀𝑒2 𝑂)
𝛼𝐴𝑙2 𝑂3 ×𝑚𝑠𝑜𝑢𝑟𝑐𝑒
2
𝑀(𝐴𝑙2 𝑂3 )
=
𝐶𝐻
𝑚𝐻 ×(1 − (1 − )×𝛿𝐻 ) 2×𝑆𝑠𝑖𝑙 ×𝑚𝑠𝑖𝑙
𝜌𝐻
+
𝑀(𝑀𝑒𝑂𝐻) [𝑅𝑀×𝑀(𝑆𝑖𝑂2 ) + 𝑀(𝑀𝑒2 𝑂)]
19
𝑛(𝐻2 𝑂)
𝐻2 𝑂⁄𝑀𝑒2 𝑂 =
𝑛(𝑀𝑒𝑂𝐻)
+ 𝑛(𝑀𝑒2 𝑂)
2
𝐶𝐻
𝑚𝑒 + (1 − 𝑆𝑠𝑖𝑙 )×𝑚𝑠𝑖𝑙 + 𝛿𝐻 × (1 − ×𝑚𝐻
𝜌𝐻 )
𝑀(𝐻2 𝑂)
=
𝐶𝐻
𝑚𝐻 ×(1 − (1 − )×𝛿𝐻 ) 𝑆𝑠𝑖𝑙 ×𝑚𝑠𝑖𝑙
𝜌𝐻
+
2×𝑀(𝑀𝑒𝑂𝐻) [𝑅𝑀×𝑀(𝑆𝑖𝑂2 ) + 𝑀(𝑀𝑒2 𝑂)]
Équation 4 : calcul du rapport H2O/Me2O
Avec :
𝜌𝑋 : densité du composant X
𝛿𝐻 : variable booléenne, valant 1 si l’hydroxyde est utilisé sous forme de solution, 0 sinon
Ces trois équations, rajoutées à l’équation de compatibilité des volumes, nous donnent le
système suivant, avec comme inconnues les masses des 4 constituants de base :
𝑚𝑠𝑜𝑢𝑟𝑐𝑒 𝑚𝑠𝑖𝑙 𝑚𝐻 𝑚𝑒
+ + + = 1000
𝜌𝑠𝑜𝑢𝑟𝑐𝑒 𝜌𝑠𝑖𝑙 𝜌𝐻 𝜌𝑒
________________________________________
𝑆𝑖⁄𝐴𝑙 = 𝑥
________________________________________
𝐴𝑙⁄𝑀𝑒 = 𝑦
_________________________________________
{ 𝐻2 𝑂⁄𝑀𝑒2 𝑂 = 𝑧
La résolution de ce système permet la définition d’une solution unique en fixant les scalaires
(x,y,z). La définition des rapports Si/Al et Al/Me définit principalement les composants actifs du
mélange. La partie solide du matériau se retrouve donc intégralement définie par ses deux
ratios. Le troisième, H2O/Me2O, définit la concentration du mélange. Il est directement lié à la
20
quantité d’eau ajoutée qui, nous devons le rappeler, n’est pas un réactif de la
géopolymérisation. Ce rapport est donc déterminé par l’application visée et pourrait être lié à
un autre rapport, Eau/Solide, qui peut être apparenté au rapport E/C dans les matériaux
cimentaires. Il n’a toutefois pas les mêmes implications que celui-ci. Son calcul se présente
comme suit :
𝐶𝐻
𝑚𝑒 + (1 − 𝑆𝑠𝑖𝑙 )×𝑚𝑠𝑖𝑙 + 𝛿𝐻 × (1 −
×𝑚𝐻
𝜌𝐻 )
⁄
𝐸𝑎𝑢 𝑆𝑜𝑙𝑖𝑑𝑒 =
𝐶
𝑚𝑠𝑜𝑢𝑟𝑐𝑒 + 𝑆𝑠𝑖𝑙 ×𝑚𝑠𝑖𝑙 + 𝑚𝐻 ×(1 − (1 − 𝐻 )×𝛿𝐻 )
𝜌𝐻
Équation 5 : Calcul du rapport massique Eau/Solide (E/S)
Il est bien visible d’après l’équation 5 que le rapport Eau/Solide est défini entre l’eau totale du
mélange (y compris celle provenant des silicates ou éventuellement de la soude) et la fraction
solide restante. A l’instar du rapport E/C, le rapport massique Eau/Solide (ci-après noté E/S) est
un paramètre primordial qui conditionne les propriétés du matériau aux états frais et durci,
malgré la non implication de l’eau dans les réactions chimiques.
Si Al E
Soit une formulation définie par les données suivantes : =x, =1, =z, comme définis
Al Me S
plus haut.
Une façon de résoudre le système est d’écrire toutes les masses en fonction de la masse de la
source aluminosilicate. Celle-ci étant fixée en premier, les ratios définis nous permettent d’en
déduire les masses des autres composants. La masse de silicate à utiliser est définie par une
équation de la forme :
𝑆𝑖
𝑚𝑠𝑖𝑙 = (𝑥 − )×𝑓(𝑅𝑀, 𝑆𝑠𝑖𝑙 , 𝛼𝐴𝑙2 𝑂3 )×𝑚𝑠𝑜𝑢𝑟𝑐𝑒
𝐴𝑙 𝑠𝑜𝑢𝑟𝑐𝑒
Équation 6 : Limite sur le rapport Si/Al
De cette équation, ressort une limite sur le rapport Si/Al. En effet, sauf à rajouter des aluminates
dans le mélange, il existe une limite basse sur ce ratio, qui est celui de la source aluminosilicate.
Dans le cas du métakaolin pur par exemple, de formule chimique Al2O3(SiO2)2, nous avons un
rapport molaire minimal Si/Al égal à 1. Par contre, il n’existe aucune limite haute théorique à
ce rapport. Ici, f, fonction du ratio molaire et masse sèche du silicate, ainsi que de la quantité
d’aluminium dans la source, définit la quantité à rajouter. Plus la solution silicatée est diluée,
plus il faudra augmenter sa quantité pour atteindre le ratio x.
La solution de silicate alcalin nous a donc permis de fixer le rapport Si/Al. Elle introduit par la
même occasion, dans le mélange, les oxydes alcalins et l’eau. L’alcalin introduit, nécessaire
21
comme exposé plus haut pour équilibrer les charges acquises par l’aluminium, est parfois
insuffisant, et doit être suppléé par des hydroxydes alcalins. Le ratio Al/Me est donc, en général,
fixé à 1 pour notre famille d’applications, et il n’y a pas de grand intérêt à le faire varier [41].
𝐸
𝑚𝑒 = (𝑧 − )×𝑚𝑠𝑜𝑙𝑖𝑑𝑒𝑠
𝑆 𝑠𝑜𝑢𝑟𝑐𝑒+𝑠𝑖𝑙+ℎ𝑦𝑑
Équation 7 : limite sur le rapport E/S
D’après l’équation, on voit que le rapport E/S ne peut passer en deçà du rapport E/S induit par
l’eau des silicates. Afin d’étendre le domaine de formulation, il convient donc d’utiliser des
solutions de silicate alcalin relativement concentrées. Pour un contrôle absolu de tous les
paramètres, il est également possible d’opter pour du silicate soluble et d’utiliser des additions
d’aluminates. La Figure 1.7 illustre un exemple de limitation qui existe pour le domaine de
formulation d’un coulis au métakaolin avec un silicate de sodium classique.
0.8
0.6 Limite MK
Eau/Solide
0.4
Formulations
0.2 irréalisables
0
0.9 1.1 1.3 1.5 1.7 1.9 2.1 2.3 2.5
Si/Al
Figure 1.7 : Exemple de limites de formulation pour un coulis au métakaolin et silicate ordinaire avec un rapport
Al/Na=1
1.3 MATERIAUX
La solution alcaline utilisée dans notre étude est composée d’un silicate de sodium en solution,
ajusté par de l’hydroxyde de sodium en pastilles et de l’eau déminéralisée. La solution de
silicate de sodium est fournie par WOELLNER® et fait partie de leur gamme GEOSIL®,
22
fabriquée spécifiquement pour les applications géopolymères. Elle se caractérise par un ratio
molaire SiO2:Na2O de 1,7, un contenu en masse sèche de 44% et une densité de 1,57. Ce ratio
est l’un des plus bas disponibles sur le marché et permet d’éviter l’utilisation de grandes
quantités de soude et de limiter ainsi les risques liés à la dissolution de la soude et au contact
potentiel avec la peau.
1.3.2 Précurseurs
Notre étude parcourt les différentes familles de précurseurs usuellement utilisés dans l’étude
des géopolymères : métakaolin, cendres volantes et laitier de hauts fourneaux. Le métakaolin
(MK) étudié provient de la calcination flash du kaolin des carrières de Fumel par ARGECO. Les
cendres volantes (CV) utilisées sont de type F (pauvres en calcium) et commercialisées sous la
désignation Silicoline de SURSCHISTE. Le laitier (GBFS) de hauts fourneaux est de la marque
ECOCEM. Les compositions chimiques issues des fiches techniques (Annexe A.1) sont reprises
dans le Tableau 1.2.
Les propriétés physiques des précurseurs ont également été mesurées afin de définir leurs
granulométries, densités et surfaces spécifiques. Les résultats sont présentés dans le Tableau
1.3 et la Figure 1.8.
23
Tableau 1.3 : Caractéristiques physiques des précurseurs
7
6
GBFS
5
Volume (%)
4
3 CV
MK
2
1
0
0.1 1 10 100 1000
Diamètre (µm)
Figure 1.8 : Distribution granulométrique des précurseurs
Les courbes granulométriques, obtenues par granulométrie laser, montrent une certaine
disparité entre les précurseurs. Ceci va affecter leur comportement lors du contact avec la
solution alcaline. De grosses particules, comme c’est le cas les cendres volantes, induisent une
dissolution plus lente et une hétérogénéité chimique au sein d’une même particule due à la
différence entre la couche externe et interne. Des poudres plus fines, comme le laitier dans
notre cas, sont dissoutes beaucoup plus vite et donnent lieu à des mélanges homogènes avec
des impuretés réparties uniformément dans le matériau. Le métakaolin, de son côté, se
distingue par une surface spécifique très importante. Il résulte de la calcination d’une argile
kaolinitique et garde une structure en feuillets qui développe une très grande surface au niveau
des particules. Ceci cause une demande en eau bien plus importante, impactant ainsi le
comportement rhéologique du géopolymère à l’état frais.
Toutes les formulations (Tableau 1.4) s’articulent principalement autour d’une formulation de
référence de géopolymère au métakaolin. Celle-ci a été obtenue suite à un processus
d’optimisation antérieur, basé sur les ratios Si/Al, Al/Na ainsi que le rapport E/S. Les critères
décisifs pour le choix de la formulation ainsi que la méthodologie suivie seront plus détaillés
24
dans le chapitre suivant. La formulation GMK se caractérise donc par Si/Al = 1,83 – Al/Na = 1
– E/S = 0,75. A partir de cette formulation, le volume de métakaolin a été substitué à 40 % par
des cendres volantes pour obtenir la formulation GMKCV40, puis totalement substitué par des
cendres volantes et du laitier pour obtenir les formulations GCV et SLAG respectivement. Cette
dernière a ensuite été adaptée par dilution de la solution alcaline, conduisant à SLAG45. Les
formulations CEM I (C1) et CEM III/C (C3) ont été utilisées comme références.
Les formulations GMK, GCV, GMKCV40 et SLAG ont été étudiées par DRX et RMN du 29Si et de
l’27Al au sein de l’Institut de Matériaux Jean Rouxel de Nantes (IMN) en collaboration avec D.
Deneele (IFSTTAR-IMN) et M. Paris (IMN). Cette campagne expérimentale a été menée dans le
cadre d’une collaboration ECN-IMN-Soletanche Bachy France, afin d’approfondir la
compréhension des mécanismes réactionnels dans les formulations caractérisées sous les
autres aspects (cinétique, mécanique, microstructure, etc.). Ce travail permet d’établir des liens
entre les différentes facettes de la structuration de ces matériaux et de dépasser la démarche
d’ingénierie de produits classique.
Par ailleurs, les formulations GMK, GMKCV40, SLAG45, C1 et C3 ont été étudiées par
calorimétrie isotherme, par suivi des propriétés élastiques par ultrasons et par mesure de la
déformation volumique. Cette partie de l’étude a été réalisée sur un mortier composé de 47 %
(en volume) de sable alluvionnaire siliceux (quartzite) 0/2 et de 53 % du coulis formulé.
Pour toutes les formulations, la solution alcaline est préparée en premier par dissolution de la
soude puis du silicate de sodium dans l’eau, le tout sous agitation magnétique. La solution est
ensuite versée dans un malaxeur à coulis à pales défloculantes, permettant l’élimination des
bulles d’air et le mélange efficace du coulis. Le précurseur est alors ajouté, et le tout est
mélangé à haute vitesse (1500 tr/min) pendant 5 min (voir Annexe A.2).
Les échantillons pour les analyses DRX et RMN sont immédiatement confectionnés dans des
éprouvettes cylindriques en polypropylène de diamètre 40 mm et de hauteur 100 mm. Celles-
ci sont ensuite fermées et conservées dans une salle climatisée à 20°C jusqu’à l’échéance de
l’essai. Elles sont alors écrasées, tamisées et la poudre est transmise à l’IMN pour analyse.
25
Tableau 1.4 : Formulations étudiées en g/l
Déformation Propriétés
DRX (1) RMN (1) Calorimétrie
volumique élastiques
GMK X X X X X
GCV X X
GMKCV40 X X X X X
SLAG X X
SLAG45 X X X
C3 X X X
C1 X X X
(1)
Essais réalisés à l’Institut des Matériaux de Nantes
La diffraction des rayons X est principalement utilisée pour l’analyse des matériaux cristallins.
Or, même si les géopolymères sont considérés comme amorphes, elle reste un outil pertinent
pour détecter la précipitation éventuelle de phases cristallines au cours de géopolymérisation.
Elle permet également de caractériser les matières premières, d’en évaluer le contenu amorphe
et de suivre leur évolution après la réaction. Les phases cristallisées éventuellement présentes
dans les précurseurs ne sont en effet pas prises en compte lors de la comptabilisation des
quantités de silicium et d’aluminium réactives. N’étant pas solubles dans les milieux alcalins
étudiés, elles se retrouvent inaltérées dans le matériau final.
26
Les diffractogrammes aux rayons X ont été obtenus avec un diffractomètre Bruker AXS D8
Advance. La tension et le courant de service ont été fixés à 40 kV et 40 mA. Le diffractomètre
est équipé d’un tube à anticathode de cuivre (Cu-Kα : λ = 1,5418 Å).
Enfin, les diffractogrammes de poudres désorientées ont été enregistrés entre 2°2θ et 60°2θ
avec un pas de 0,017°2θ et un temps de mesure de 1 seconde par pas.
Les spectres RMN-MAS de l’27Al et de l’1H ont été obtenus à l’aide d’un spectromètre Bruker
Avance 500 MHz dont le champ principal de l’aimant est de 11,7 T. Les spectres ont été acquis
sur des échantillons de quelques milligrammes placés dans un rotor de 4 mm de diamètre,
pour une vitesse de rotation de 14 kHz et un temps de répétition de 1 s. Les spectres 27Al ont
été réalisés avec un champ radiofréquence de 16 kHz et des impulsions respectives π/24 et
π/8. Les spectres 1H ont été obtenus avec une excitation π/2.
29
Enfin, les spectres RMN-MAS du Si ont été enregistrés à l’aide d’un spectromètre Bruker
Avance 300 MHz dont le champ principal de l’aimant est de 7 T. Les spectres ont été acquis sur
des échantillons placés dans un rotor de 7 mm de diamètre, pour une vitesse de rotation de 5
kHz, un temps de répétition de 60 s et une impulsion π/2. Le temps de répétition a été optimisé
afin d'assurer l'obtention de spectres quantitatifs.
Deux notations sont utilisées afin de décrire l’environnement local des atomes de silicium : la
notation Qn, où Q représente un atome de silicium et n son degré de connectivité (Figure
1.9(a)), en plus de la notation Qn(mAl), avec 0≤m≤n≤4 m étant le nombre d’atomes
d’aluminium second voisin [114] (Figure 1.10 (b)). La valeur du déplacement chimique δ varie
en fonction de n et de m [115] (Figure 1.9 & Figure 1.10 (b)). Elle est aussi reliée à la longueur
des liaisons formées ainsi que leur angle. Ainsi, un désordre au sein du matériau conduit à un
élargissement des résonances, tandis qu’une bonne cristallisation présente des résonances
fines.
27
Figure 1.9 : (a) Environnements locaux du silicium selon la notation Qn et (b) leurs déplacements chimiques associés
en RMN du 29Si
Figure 1.10: (a) Environnements locaux du silicium selon la notation Q4(mAl) et (b) leurs déplacements chimiques
associés en RMN du 29Si
L’abondance naturelle du 29Si étant faible (4,7 %) les spectres ont été acquis à la fois en MAS
et en CP-MAS. La Polarisation croisée (CP ou Cross-Polarisation) permet d’améliorer la
29
sensibilité de noyaux rares tels que le Si. Elle consiste à transférer l’aimantation d’un noyau
abondant, ici H vers un noyau peu abondant, le 29Si.
1
29
Le temps de contact choisi entre les deux noyaux étant court (500 μS), la RMN Si CP-MAS
permet d’observer uniquement les noyaux de silicium dont l’environnement proche contient
des protons. Ceci rend possible la distinction entre des environnements de types Q2 ou Q3
(pour lesquels le silicium présente des protons en tant que voisins proches), et des
environnements de type Q4(mAl) dont les gammes de déplacements chimiques sont identiques
(Figure 1.9 & Figure 1.10 (b)).
L’27Al possède un spin 5/2. Or, les noyaux dont le spin est supérieur à 1/2 présentent une
interaction supplémentaire appelée interaction quadripolaire, entraînant des déplacements
ainsi que des élargissements additionnels sur les spectres. Les spectres obtenus dans ces
conditions sont notablement plus larges que ceux obtenus pour des spins 1/2, ce qui rend
difficile leur interprétation et leur quantification [116].
28
1.3.4.2.1 Calorimétrie isotherme
Un calorimètre isotherme TAM Air a été utilisé pour mesurer le flux de chaleur dégagée par les
échantillons afin de relier l’évolution des propriétés au jeune âge à l’avancement de la réaction.
L’appareil est dédié à la mesure sensible et stable du flux de chaleur avec une plage de
température de fonctionnement entre 5° C et 90° C. Dans nos essais, une température de 20°C
a été utilisée. Le calorimètre isotherme contient trois canaux distincts chacun composé d’une
cellule pour l’échantillon et d’une autre pour la référence. Un flacon en verre d’un volume de
125 ml est utilisé. La sensibilité des détecteurs de chaleur est de l'ordre du µW, leur limite de
détection est de 4 µW avec une précision de ±20 µW et la stabilité du thermostat est égale à
± 0,02°C. La mesure calorimétrique est basée sur l'équation générale du bilan thermique
dQ dT
( C.( ) ).
dt dt
𝑑𝑄
Avec le taux de production de chaleur (J.s-1), Φ le flux de chaleur (propriété mesurée (J/s)),
𝑑𝑡
𝑑𝑇
C la capacité calorifique (J/degré) et 𝐶. le taux d'accumulation de chaleur (J/s).
𝑑𝑡
Les détails d'une unité calorimétrique sont représentés dans la Figure 1.11. Lorsqu'un
échantillon est placé dans l'unité, la chaleur produite par l'hydratation se dissipe rapidement
dans son environnement. Un détecteur de flux de chaleur, composé de petites plaques avec
thermopiles, est placé sur la principale voie d’échange de chaleur. Le flux de chaleur, provoqué
par la différence de température sur le capteur, crée un signal de tension proportionnelle au
flux de chaleur. Ce signal de tension est corrigé par la référence et converti en taux d'évolution
de la chaleur en appliquant le facteur d'étalonnage. Après étalonnage, le taux de production
de chaleur (dQ/dt) est égal au flux de chaleur mesuré par TAM Air. Afin de contrôler les
conditions de l’essai, le calorimètre isotherme a été placé dans une salle à température
contrôlée (20 °C). L’acquisition des données débute 30 minutes après le contact entre les
réactifs.
29
1.3.4.2.2 Variations volumiques
Les variations volumiques (ou retrait chimique) visent à suivre l’évolution du volume absolu
d’un mélange lors de sa structuration. En effet, lors d’une réaction chimique, alors que la masse
du système est conservée, il n’en est pas forcément de même pour le volume. Certains produits
peuvent avoir une masse volumique différente de celle des réactifs, conduisant à une
diminution ou augmentation du volume total du système. Dans les matériaux cimentaires, Le
Chatelier a pu mesurer en 1894 une diminution du volume au cours de la réaction
d’hydratation. Ce retrait volumique, qui est maintenant désigné comme la « contraction de Le
Chatelier » est dû au volume inférieur des hydrates par rapport à celui du système « ciment +
eau ».
La méthode choisie par Le Chatelier pour évaluer cette déformation est basée sur une mesure
dilatométrique. Celle-ci, décrite par la norme ASTM C 1608, consiste à suivre le niveau d’eau
dans un tube recouvrant une fiole de pâte de ciment. Ce niveau baisse au cours du temps, et
la lecture des graduations permet d’obtenir le volume perdu. Une dérivation de cette méthode,
dite méthode pycnométrique, consiste à rajouter de l’eau afin de maintenir le niveau constant
dans le tube du pycnomètre.
La méthode suivie dans notre étude est différente, tout en gardant le même objectif. Elle est
basée sur la gravimétrie et rend possible l’automatisation de l’essai avec un dispositif simplifié
[119].
Figure 1.12 : Les différentes méthodes de mesure de la déformation volumique (d'après Bouasker et al. [119])
La procédure est la suivante : juste après le malaxage, 100g du mélange sont versés dans un
récipient en plastique. Cette quantité est choisie afin de fournir un échantillon d’épaisseur assez
faible, de sorte à ce que les vides créés soient plus facilement comblés par l’eau. Le reste du
volume du récipient est alors rempli d’eau déminéralisée, en veillant à ne pas perturber la
30
surface de l’échantillon. Le tout est alors plongé dans un bain d’eau à température constante
(20 °C) et accroché par un fil métallique à une balance précise à ±0,01 g et reliée à un ordinateur
avec acquisition automatique des valeurs toutes les 5 minutes pendant 7 jours.
𝑚(0) − 𝑚(𝑡)
∆𝑉(𝑡) =
𝑉𝑝(0) . 𝜌𝑤
où m(t) est la masse de l’échantillon à l’instant t (g), m(0) sa masse à l’instant initial (g), ρw la
masse volumique de l’eau (g/ml). Vp(0) est le volume de pâte initial (ml) auquel la déformation
volumique est rapportée, étant donné que le sable n’occasionne pas de déformation dans le
mélange.
L’évaluation des vitesses des ondes ultrasonores de compression (P) et les ondes de
cisaillement (S) permet le suivi de l’évolution des propriétés élastiques au jeune âge [120].
L’appareil utilisé ici est le FreshCon, développé à l'Université de Stuttgart pour analyser la prise
et le durcissement de tout type de matériau (béton et mortier frais). Le moule est constitué de
deux parois en polyméthacrylate (PMMA) espacées de 5 cm et reliées par quatre vis, et d’une
paroi en forme de U en mousse à amortissement élevé pour absorber les ondes autour de
l'échantillon, d’un volume de 450 cm3 (Figure 1.13).
(b) (a)
(c)
Figure 1.13 : Moules utilisés pour mesurer les vitesses d’ondes ultrasonores : a) capteur piézoélectrique, b) moule pour
les ondes P (compression), c) moule pour les ondes S (cisaillement)
La face supérieure de l’échantillon de béton est protégée par deux blocs de mousse afin
d'éviter le séchage. L'essai est effectué dans une salle climatisée à 20 °C et 50 % HR. Chaque
cellule est équipée d'un émetteur à ultrasons et un transducteur (émetteur et récepteur). Une
impulsion est générée et amplifiée (800 V avec une largeur d'impulsion 2,5 µs) à des intervalles
prédéfinis. Les ondes ultrasoniques sont transmises à travers l'échantillon, et le signal reçu est
renvoyé à la carte d'acquisition de données. Le logiciel déduit ensuite la vitesse de transmission
31
de l’onde. L'évolution des propriétés dynamiques (coefficient de Poisson dyn et module
d'élasticité Edyn en GPa) a été obtenue en fonction de la vitesse des ondes P et S à l'aide des
Equation 8 et Equation 9.
1 2
( p s2 )
dyn 2 2 Equation 8
p s2
1.4.1 Constituants
L’analyse DRX du métakaolin, Figure 1.15, permet d’expliquer la forte teneur en SiO2 dans le
matériau. Celle-ci est due à la présence de quartz (43%) en plus de traces de kaolinite, calcite,
dioxyde de titane et hématite, qui donne à ce métakaolin une nuance rougeâtre caractéristique.
Ces phases minérales proviennent du kaolin d’origine (Figure 1.14), et demeurent dans le
métakaolin après la calcination. Celle-ci n’élimine pas en effet la totalité de la kaolinite et
n’affecte pas le reste des phases cristallines.
Q C : Calcite
K : Kaolinite
Q : Quartz
K Q
K Q Q Q C
K Q
C K K
0 10 20 30 40 50 60
2θ (degrés)
32
Q
Q : Quartz
C : Calcite
H : Hématite
K : Kaolinite
T : Dioxyde de titane
Q
Q Q Q
C Q
K T H Q Q Q Q
0 10 20 30 40 50 60
2θ (degrés)
29
La présence de kaolinite et de quartz est confirmée par l’analyse RMN du Si du métakaolin
(Figure 1.16). On voit ainsi la présence d’une raie caractéristique du quartz, à -107 ppm, liée au
silicium en structure Q4. Ce spectre contient également une raie large située entre -90 ppm et
-105 ppm. La largeur de cette raie est due à un ordre très faible dans les structures Si, et résulte
de la présence du silicium dans différents environnements du type Qn(mAl). Pour le kaolin,
cette raie apparaît de manière bien plus définie, autour de -91 ppm, qui est relatif au silicium
de la couche tétraédrique dans les feuillets de kaolinite (Figure 1.17).
Métakaolin
Kaolin
33
Figure 1.17 : Structure des feuillets de kaolinite (d'après USGS.gov, Open-File Report 01-041)
27
Le spectre Al (Figure 1.18) montre que l’aluminium dans le métakaolin brut se trouve dans
trois populations : l’Al(IV) à 60 ppm, l’Al(V) à 28 ppm et l’Al(VI) à 4 ppm. De plus, comme pour
le silicium, les pics sont larges et indiquent un certain désordre dans la géométrie des sites Al.
Ceci provient de la calcination, qui transforme l’Al(VI) présent dans le kaolin. L’aluminium s’y
trouve très majoritairement dans la couche octaédrique de la kaolinite. Une faible proportion
se substitue au silicium dans la couche tétraédrique (Figure 1.17), donnant lieu à de l’Al en
coordinence IV.
Kaolin
Métakaolin
L’analyse DRX des cendres volantes et du laitier donne beaucoup moins de résultats
exploitables (Figure 1.19). Vu leurs procédés d’obtention, les cendres volantes ainsi que le laitier
sont très majoritairement amorphes, et la cristallisation n’a lieu qu’en de faibles proportions
ou provient, dans le cas des cendres, de cristaux préexistents dans la matière première.
34
Q : Quartz
Q M : Mullite
Laitier
Cendres
volantes Q M
Q+M
MM Q+M
Q
0 10 20 30 40 50 60
2θ (degrés)
29
Ce caractère amorphe se retrouve confirmé par les analyses RMN du Si (Figure 1.20) et de
l’ Al (Figure 1.21). Pour les cendres volantes, on peut voir que le spectre du 29Si contient une
27
raie très large entre -115 ppm et -90 ppm, démontrant un relatif désordre dans les
environnements du silicium. On peut légèrement distinguer un pic autour de -107 ppm, qui
correspondrait au quartz précédemment observé dans le diffractogramme des cendres
volantes. Quant au laitier, le silicium se situe dans une variété de sites Q0, Q1 et Q2, donnant
lieu à un pic assez étendu. Du côté de l’aluminium, les spectres du laitier et des cendres volantes
ont une allure similaire, avec une majorité d’aluminium de coordinence IV. Les pics sont
toutefois assez larges et indiquent peu d’ordre dans les sites Al. Les cendres contiennent
également des environnements Al(VI) autour de 4 ppm.
-40 -50 -60 -70 -80 -90 -100 -110 -120 -130
(ppm)
Cependant, une différence majeure est à souligner entre les deux matériaux au niveau de leurs
compositions chimiques. En effet, là où les cendres sont pauvres en calcium (3%), celui-ci
35
constitue l’élément le plus abondant dans le laitier. Ceci modifie sensiblement le
comportement du précurseur lors du contact avec la solution alcaline [121]. Par conséquent,
même si les deux matériaux semblent contenir des phases silico-alumineuses amorphes, ils ne
peuvent être assimilés l’un à l’autre.
130 120 110 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 -10 -20 -30 -40 -50 -60 -70 -80 -90 -100
(ppm)
1.4.2 Produits
Bombement
par la réaction de géopolymérisation, confirmant ainsi notre hypothèse de départ. En effet, ce
qui paraît comme une diminution de l’intensité des pics n’est qu’un effet de la « dilution » des
géopolymère
phases cristallisées dans le géopolymère par rapport au métakaolin brut.
Bombement
géopolymère
10 20 30 40
0 10 20 30 2θ (degrés)
40 50 60
2θ (degrés)
36
Les mêmes constats peuvent être formulés en comparant les diffractogrammes des CV et du
géopolymère correspondant (Figure 1.23). On retrouve l’apparition d’une bosse similaire et le
maintien des phases cristallines, à savoir la mullite et le quartz.
Q : Quartz
M : Mullite
Q
Géopolymère
CV Bombement
géopolymère
Q M
Q+M
M Q+M Q
Cendres
volantes
0 10 20 30 40 50 60
2θ (degrés)
Géopolymère MK
Métakaolin
37
Au regard des classifications (voir Figure 1.9) on pourrait expliquer la position de la résonance
du géopolymère par des environnements de types Q1, Q2, Q3 et Q4. Cependant, les spectres
obtenus en CP-MAS présentent une résonance large et mal définie (Figure 1.25), indiquant qu’il
y a peu de transfert entre l’1H et le 29Si, et signifiant ainsi que l’environnement local proche du
silicium est pauvre en protons (très peu de liaisons Si – OH). Cette résonance est donc
principalement due à des environnements de types Q4 et s’explique ainsi par la présence
majoritaire d’environnements de types Q4(mAl) (Figure 1.10).
Figure 1.25 : Comparaison des spectres RMN du 29Si du géopolymère au MK obtenus en direct et en polarisation
croisée
L’Al(VI) présent dans le géopolymère provient du produit brut qui n’a pas réagi et non de la
formation d’Al(VI) lors de la géopolymérisation [123]. Par ailleurs, vu l’existence d’interactions
quadripolaires pour l’27Al à l’origine d’un élargissement possible du spectre, il est difficile de se
prononcer sur la proportion faible du métakaolin qui n’a pas réagi.
L’observation d’Al(VI) pourrait également être attribuée en partie aux feuillets résiduels de
kaolinite après la calcination (observée en DRX), pour lesquels l’aluminium présent dans la
couche octaédrique est en coordinence VI.
38
Géopolymère MK
Métakaolin
29
Par rapport au géopolymère au métakaolin, le spectre RMN du Si du géopolymère aux
cendres volantes est bien plus complexe (Figure 1.27). Si les déplacements chimiques observés
sont localisés dans la même zone [-110 ppm ; -80 ppm], l’allure en est assez différente. Certains
pics se distinguent et signalent la présence de phases siliceuses assez variées. On retrouve un
faible pic relatif au quartz entre -110 et -100 ppm et un autre à -88 ppm, que l’on peut associer
à la mullite [124], précédemment détectée par DRX (Figure 1.23). Cette définition des pics,
combinée à la largeur de la résonance, indique en tout cas que le silicium occupe une multitude
de sites dans des phases variées, dont certaines qui seraient plus structurées, voire cristallisées.
Ceci pourrait s’expliquer par l’âge du matériau (2 ans) [33], et un essai à plus courte échéance
éclaircirait ce point.
-96 ppm
-93 ppm
-88 ppm
Géopolymère CV 2 ans
-82 ppm
-80 ppm
Cendres volantes
39
Ce désordre observé pour le silicium ne retrouve pas d’écho dans le spectre RMN de l’27Al
(Figure 1.28). On retrouve ici une allure très similaire à celle observée pour le métakaolin (Figure
1.26), avec une abondance de l’Al(IV), caractéristique d’une structure géopolymère, et une
faible proportion d’aluminium en coordinence (VI). Cet aluminium est difficilement assignable
à une phase en particulier. Il pourrait s’expliquer par de l’aluminium présent dans la phase
mullite [124], comme il pourrait être lié à l’une ou l’autre des phases observées dans le spectre
29
du Si, et qui pourraient être néoformées. Cet Al(VI) peut également être justifié par une
consommation incomplète lors de la réaction de géopolymérisation.
Cendres volantes
Géopolymère
CV 2 ans
Il est alors légitime de se poser la question si les similitudes entre les produits formés dans le
géopolymère au métakaolin et celui aux cendres volantes (notamment du côté des sites Al)
sont un indicateur d’une interchangeabilité potentielle entre ces deux matières premières.
Les spectres RMN du 29Si sur la Figure 1.29 donnent une réponse positive à cette question. Le
spectre du géopolymère au métakaolin et cendres volantes est quasiment superposable à celui
à 100% de métakaolin. On retrouve ainsi le même pic du quartz à -107 ppm, ce qui n’est pas
surprenant vu que les deux précurseurs en contiennent avec abondance. La raie relative au
Q4(mAl) est également présente, avec un léger décalage de son pic vers un déplacement
chimique plus petit (-93 ppm au lieu de -90 ppm). Ceci peut être expliqué par un rapport Si/Al
plus important, lié à l’apport plus grand en silicium du côté des cendres volantes, comparées
au métakaolin. Une autre information que l’on peut déduire de ces spectres est la stabilité du
système entre 28 et 360 jours. On peut donc en conclure que dans cette configuration, le
matériau atteint une très bonne stabilité du point de vue chimique, à l’inverse de ce qu’on a
pu observer pour le laitier (Figure 1.32).
40
Cette similarité est encore plus prononcée du côté de la RMN de l’27Al (Figure 1.30). Les
spectres du géopolymère au métakaolin + cendres volantes, à 28 jours et à 360 jours, se
superposent très bien au spectre du géopolymère au métakaolin. Le pic d’Al(IV) à 58 ppm est
présent ici aussi, ainsi que le pic dû à l’aluminium résiduel de coordinence VI.
-90
ppm -93
ppm
___ Géopolymère MK
------- Géopolymère MK+CV 28 j
…… Géopolymère MK+CV 360 j
Figure 1.29 : Comparaison entre le spectre RMN du 29Si du géopolymère au MK + CV et celui au MK seul
58 ppm
___ Géopolymère MK
------- Géopolymère MK+CV 28 j
…… Géopolymère MK+CV 360 j
Figure 1.30 : Comparaison entre le spectre RMN du 27Al du géopolymère au MK + CV et celui au MK seul
41
Comme anticipé, le laitier ne suit pas la même tendance que les deux précurseurs pauvres en
calcium. Ici (Figure 1.31), on observe une modification significative du diffractogramme. Alors
qu’on garde l’aspect généralement amorphe du matériau, il semble qu’il y ait eu création de
nouvelles phases. Celles-ci se manifestent par l’apparition de pics assez larges et mal définis
autour de 2θ = 30° et 2θ = 50° qui correspondraient à une forme mal cristallisée de tobermorite
(Ca5Si6O16(OH)2·4H2O), un silicate de calcium hydraté (C-S-H) [125]. Ceci rapprocherait en effet
le laitier activé au silicate de sodium des matériaux cimentaires classiques, sans toutefois
pouvoir former des cristaux C-S-H bien définis. Cependant, étant donnée la position du pic de
tobermorite, qui coïncide avec la zone d’apparition du bombement dans les géopolymères au
métakaolin et aux cendres volantes, il est difficile de juger de l’apparition d’un tel bombement
pour le laitier.
Laitier activé
Bombement
géopolymère
Laitier
0 10 20 30 40 50 60
2θ (degrés)
Comme l’ont montré les résultats DRX (Figure 1.23 & Figure 1.31), le laitier suit un processus
réactionnel différent de celui du métakaolin et des cendres. Son spectre RMN du 29Si, que l’on
peut voir sur la Figure 1.32, permet d’expliquer cette différence. A 28 jours, une raie assez large,
entre -90 ppm et -75 ppm, montre que le silicium n’est pas contenu dans des sites du type
Q4(mAl) (Figure 1.10) comme c’est le cas pour le métakaolin par exemple (Figure 1.24). On y
distingue même l’influence de pics qui commencent à apparaître, mais qui sont noyés dans la
convolution. A 2 ans, ces pics se retrouvent bien définis et l’on peut déterminer plus facilement
leurs déplacements chimiques : -85 ppm, -82 ppm et -79 ppm. Ils peuvent être associés,
respectivement, à des sites du type Q1, Q2(1Al) et Q2. Cette configuration peut être expliquée
par la formation de cristaux de C-S-H [61], qui contiennent parfois des atomes d’aluminium
dans leur structure [126]. Ceci rappelle la notion de C-(N)-A-S-H, que l’on retrouve dans la
littérature (voir 1.1.1.2) pour qualifier les produits formés lors de l’activation alcaline du laitier
[55].
42
-82 ppm
-85 ppm
-79 ppm
-75 ppm
___ Laitier
- -- -- Laitier activé 28 j
…… Laitier activé 730 j
-40 -50 -60 -70 -80 -90 -100 -110 -120 -130
(ppm)
Les spectres RMN de l’27Al permettent de confirmer ces hypothèses (Figure 1.33). Le spectre à
28 jours peut être encore une fois vu comme une étape transitoire dans la transformation du
matériau. Les pics sont mal définis et ne permettent pas d’émettre d’hypothèse concluante,
autre que celle de la différence par rapport aux géopolymères au métakaolin et aux cendres
volantes. Le spectre obtenu à 2 ans est, quant à lui, bien plus instructif dans la mesure où les
raies sont bien plus visibles. On y distingue d’abord un pic à 9 ppm, qui est absent des spectres
des matériaux précédents. Celui-ci peut être dû à la présence d’hydrotalcite
(Mg6Al2CO3(OH)16·4(H2O)) [127] ou à la substitution de l’aluminium dans des phases de type
brucite (Mg(OH)2) double lamellaire [33].
68 ppm
63 ppm
74 ppm
___ Laitier
- -- -- Laitier activé 28 j
…… Laitier activé 730 j
9 ppm
Le laitier utilisé dans cette étude est bien susceptible de former ces deux phases, étant donné
son contenu non négligeable en magnésium (7%) (Tableau 1.2), ainsi que le milieu fortement
43
alcalin et riche en hydroxydes de la solution d’activation. Par ailleurs, le spectre contient deux
pics à 68 ppm et 74 ppm qui peuvent être attribués à des sites du type q2. Dans la littérature
[29], [64], [128], on retrouve que ces configurations de l’aluminium sont assez communes dans
le laitier à activation alcaline et ont été intégrées dans le Cross-linked Substituted Tobermorite
Model (CSTM) par Myers et al. [31]. Cette hypothèse permet d’expliquer également l’apparition
du pic de tobermorite dans le diffractogramme du laitier activé (Figure 1.31).
1.5.1 Méthodologie
Les précurseurs donnent naissance à différents produits à travers des processus chimiques
distincts. De plus, la réaction d’hydratation et celles de géopolymérisation ne suivent pas les
mêmes cinétiques et rendent les interprétations d’autant plus délicates : comment distinguer
en effet des différences d’avancement de réactions des différences de mode de structuration
du matériau ? L’avancement de réaction nous semble un paramètre comparatif plus fiable que
l’échelle du temps. Afin de l’obtenir, on peut se baser sur la mesure de la chaleur émise par
l’échantillon au cours de sa structuration par calorimétrie isotherme.
La définition de cet indicateur se fait en rapportant la chaleur cumulée (en Joules) émise à
l’instant t à la chaleur totale théorique émise à t = +∞ (Figure 1.34). En effet, la chaleur est
linéaire en fonction de t-1/2 pour des temps suffisamment grands. Une extrapolation permet
ensuite d’obtenir la chaleur à l’infini (notée Q∞) et d’exprimer ainsi l’avancement de
réaction comme suit :
𝑄(𝑡)
𝛼=
𝑄∞
50 0.35
45
Chaleur 0.3
40
0.25
35
0.2
30
Flux (mW/g)
Chaleur (J/g)
25 0.15
20
0.1
15
0.05
10 Flux
0
5
0 -0.05
0 2 4 6 8
Age (jours)
Figure 1.34 : Exemple d'une courbe de chaleur et de flux de chaleur en fonction du temps pour l'échantillon C3
44
Le paramètre α avance donc à partir de 0 au début de la réaction vers 1 à la fin théorique de
la réaction. En pratique, et vu que l’essai de calorimétrie ne dure que 7 jours, α s’arrête à une
valeur inférieure à 1 qui dépend de la cinétique de réaction. Par définition, il est proportionnel
à la chaleur émise et sa courbe en fonction du temps suit alors la même tendance.
La dernière étape consiste alors à tracer les différents paramètres mesurés, à savoir le module
d’Young (Figure 1.36) et la déformation volumique (Figure 1.35), en fonction de cet avancement
de la réaction. Ceci permet alors d’évaluer, à différents instants réactionnels – et non plus
temporels – les différents phénomènes qui sont associés à la structuration, tels que la prise, la
stabilité volumique (Figure 1.35) et le durcissement (Figure 1.36).
-2%
-4%
-6%
-8%
-10%
Figure 1.36 : Evolution des propriétés élastiques en fonction de l'avancement de la réaction (C3)
45
1.5.2 Influence du précurseur sur la cinétique de réaction
Comparer les flux de chaleur émise par les échantillons lors de leur structuration nous permet
de mettre en évidence plusieurs différences (Figure 1.37).
Les vitesses de réaction sont très différentes. Les mortiers cimentaires C1 et C3 connaissent
une phase « dormante » qui dure quelques heures, avant le début de l’émission de chaleur, qui
se présente sous la forme d’un pic de flux, simple pour le CEM I et double pour le CEM III [129].
Pour les géopolymères GMK et GMKCV40, la chaleur est émise dès le début du mélange juste
après la mise en contact du précurseur avec la solution alcaline. Ceci est dû à la simultanéité
des processus de dissolution et de condensation dans le cas des géopolymères, rendant
difficile la mesure exacte de toute la chaleur émise lors de la structuration. Après ce premier
pic, un deuxième plus faible est observé, que l’on peut lier à la phase de polycondensation du
réseau géopolymère. Dans le cas de l’activation du laitier, on voit que la courbe de SLAG45
comporte 2 pics bien définis. Ceci montre donc la présence de deux processus réactionnels
différents. Il est intéressant de noter que le deuxième pic a lieu bien après la prise et
durcissement du matériau, qui ne nécessitent que quelques heures. Cet effet est dû à
l’abondance et la disponibilité des monomères de silicium et d’aluminium dans le matériau
(Figure 1.20 & Figure 1.21).
8.0E-04
6.0E-04
4.0E-04
C3
GMK
2.0E-04
GMKCV40
0.0E+00
0 0.5 1 1.5 2
Temps (jours)
46
L’amplitude de cet écart pourrait également être expliquée en partie par la différence d’activité
entre le métakaolin et le laitier, ainsi que par la présence de CaO dans ce dernier.
La déformation volumique mesurée par gravimétrie répartit les matériaux en trois catégories
(Figure 1.38). On retrouve d’une part les deux mortiers cimentaires (C1 et C3), avec un retrait
final qui avoisine 9% du volume de pâte initial. Ceci est proche de la valeur de référence pour
la contraction de Le Chatelier dans les pâtes de ciment [119], [130].
Avancement de la réaction
0 0.2 0.4 0.6 0.8 1
0%
-1% GMKCV40
GMK
-2%
Déformation volumique
SLAG 45
-3%
-4%
C1
-5%
-6%
-7% C3
-8%
-9%
-10%
Le laitier activé se caractérise par un retrait plus faible, mais suit une tendance similaire aux
ciments. Ceci pourrait être expliqué par la formation d’une phase CSH, sans que cela ne
concerne tout le matériau. Si l’on se réfère en effet aux résultats de DRX et RMN sur
l’échantillon SLAG, de formulation très proche de SLAG45, il y aurait formation de phases
brucite et/ou hydrotalcite, qui a lieu avec augmentation de volume [65]. Cette expansion
viendrait alors compenser une partie du retrait volumique global causé par les phases
tobermorite.
Du côté des géopolymères, on observe une déformation relativement faible, signifiant ainsi
que la géopolymérisation se fait avec une bonne stabilité volumique. Ce résultat peut
s’expliquer par la nature de la réaction de géopolymérisation, où l’on retrouve dans le produit
final des liaisons similaires à celles du précurseur initial. Il s’agit en effet principalement d’une
restructuration des éléments, qui passe par une phase de dissolution. Le caractère amorphe de
la phase géopolymère y participe probablement aussi. La formation de cristaux implique en
effet la création d’un certain ordre à partir d’un réactif amorphe, conduisant ainsi à une
modification de l’utilisation de l’espace [131], [132].
47
1.5.4 Influence du précurseur sur les modules élastiques
Afin d’évaluer la prise des mortiers, on peut prendre comme référence le module de
cisaillement, et comme critère G > 0,3 GPa (Figure 1.39) [133]. On voit ainsi que pour le SLAG45,
la prise débute très rapidement (moins de 3h) après la mise en contact des constituants.
Ensuite, le module de cisaillement atteint un pseudo-palier, avant une deuxième augmentation,
qui coïncide avec le début du 2ème pic observé en calorimétrie. Cette évolution est plus
importante, et conduit à un module de cisaillement assez élevé par rapport aux autres
formulations. Celles-ci contiennent également quelques différences au niveau des valeurs des
modules et des instants de début de prise. On peut ainsi voir que les géopolymères ont des
temps de prise très longs (supérieur à 3h), et n’atteignent que des modules de cisaillement
assez faibles. Les allures de leurs courbes sont également particulières, car elles ne comportent
pas de point d’inflexion bien net, comme est le cas des matériaux cimentaires ordinaires.
14
Module de cisaillement (GPa)
12
10 SLAG 45
8
C3
6
4 C1
2 GMK
GMKCV40
0
0 0.5 1 1.5 2 2.5 3
Temps (jours)
Figure 1.39 : Module de cisaillement en fonction du temps
48
30
SLAG 45
20
C3
15
GMK
10 C1
5
GMKCV40
0
0 0.2 0.4 0.6 0.8 1
Avancement de la réaction
Figure 1.40 : Module d'Young en fonction de l'avancement de la réaction
En regardant de plus près les courbes des géopolymères (Figure 1.41), on peut voir que leur
comportement diffère sensiblement de celui des autres formulations. Jusqu’à 40%
d’avancement de la réaction, la prise n’a pas encore commencé (G ≈ 0,2 GPa). A ce stade, le
processus s’accélère et conduit à une augmentation du module. Le module d’Young présente
la même évolution, avec une augmentation plus rapide lors de la deuxième moitié de la
réaction. Ceci pourrait être dû à la fin de la dissolution et à la transition du système vers la
polycondensation, formant ainsi de plus en plus de liaisons Si – O – Al à travers le réseau. Les
ondes de cisaillement sont par conséquent transmises plus facilement dans le matériau,
signalant la transformation liquide solide.
1.6
Module de cisaillement (GPa)
1.4
1.2 GMK
1.0
0.8 GMKCV40
0.6
0.4
0.2
0.0
0 0.2 0.4 0.6 0.8 1
Avancement de la réaction
Figure 1.41 : Module de cisaillement des géopolymères GMK et GMKCV40 en fonction de l'avancement de la réaction
49
1.6 BILAN
Les géopolymères ainsi que le laitier alcali-activé se distinguent des liants cimentaires
ordinaires à différents niveaux. Dans ce chapitre, les différents matériaux, aussi bien les réactifs
que les produits, ont été caractérisés au plan physico-chimique. Des liens ont été établis avec
les observations liées à leur structuration macroscopique.
L’utilisation combinée de la DRX et de la RMN sur les matières premières et les produits finaux,
a permis d’obtenir une vision des processus chimiques à l’origine des différentes structures. La
géopolymérisation, d’une part, se caractérise par le caractère amorphe des produits formés et
par une certaine stabilité structurelle. Au niveau chimique, une certaine interchangeabilité entre
le métakaolin et les cendres volantes comme sources aluminosilicates pour la
géopolymérisation a été établie, ce qui offre un degré de liberté supplémentaire dans le
développement de formulations avec des critères technico-économiques. D’autre part, les
réactions d’hydratation qui ont lieu lors de l’activation alcaline du laitier contribuent à la
formation d’une microstructure hétérogène, complexe et évolutive. Sans toutefois être
identique à la réaction d’hydratation du ciment Portland, l’alcali-activation présente des points
communs au niveau de certains processus réactionnels et de leurs produits.
Ces différences au niveau des mécanismes physico-chimiques ont été confirmées par le suivi
de la structuration des différentes formulations par calorimétrie isotherme couplée à la mesure
des propriétés élastiques et de la déformation volumique. L’utilisation de la cinétique de la
réaction comme référentiel de l’analyse des différentes évolutions permet de mieux les décrire
en les liant aux processus réactionnels de chaque matériau. Les géopolymères se distinguent
à ce niveau par l’absence de déformation volumique au cours de la réaction ainsi que des
modules élastiques inférieurs aux matériaux cimentaires classiques, pour un rapport Eau/Solide
donné. En ce qui concerne le laitier activé, le retrait chimique reste présent, avec une cinétique
de réaction et un développement de rigidité plus rapides que le ciment.
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58
2 FORMULATION ET RHEOLOGIE
Les coulis d’injection constituent une classe spéciale des matériaux de génie civil dont il
convient de définir le cadre d’utilisation et les principes de formulation. Différentes techniques
existent pour mettre en place ces coulis dont l’injection et le soil-mixing. L’injection consiste à
introduire un coulis pour combler les vides, fissures ou cavités dans un sol ou une roche afin
d’en améliorer les propriétés (résistance, étanchéité). Le soil-mixing consiste à utiliser le sol in-
situ comme un matériau de construction : il est déstructuré lors de l’excavation et mélangé à
un coulis. Les applications de ces techniques sont multiples :
Les familles des coulis d’injection sont également très variées : suspensions fluides ou épaisses
en ciment et autres additions, solutions colloïdales, résines, etc. Le choix se fait en fonction du
résultat final désiré et des caractéristiques du milieu à traiter. Le mode de mise en place quant
à lui reste quasiment le même pour l’injection et consiste à injecter le matériau sous pression
jusqu’à atteindre le volume souhaité ou une pression maximale [1]. Cette technique a été mise
en place pour la première fois par Charles Bérigny pour la réparation du port de Dieppe en
1802 (bien avant l’invention du ciment Portland) [2]. Malgré la différence de matériaux
(pouzzolanes d’Italie et argile) et d’appareillage (piston en bois), le principe est similaire à celui
utilisé aujourd’hui. Par la suite, différents autres types de matériaux (chaux, ciment, …) sont
utilisés dans des applications de plus en plus complexes et variées et avec des pompes de plus
en plus performantes [3]. La première trace de l’application de matériaux alcali-activés pour les
coulis remonte à une étude réalisée en Pologne dans les années 80-90 pour des applications
hydrotechniques [4].
59
Différentes méthodes sont utilisées pour le renforcement des sols aux coulis. En plus de
l’injection classique, plusieurs procédés de soil-mixing sont utilisés par Soletanche Bachy et
sont décrits dans le Tableau 2.1. Chaque procédé nécessite des spécifications particulières sur
les propriétés du coulis.
Eléments verticaux
réalisées
Système de supervision
Système de supervision
Poids du ciment Système de supervision
Densité & Viscosité
Contrôle
qualité
Suite à cette variété dans le catalogue de matériaux et d’applications possibles, il est pertinent
de fixer un cahier de charges définissant les critères de performance visés en fonction de
l’application. Ainsi, dans le cadre de ce travail, Soletanche Bachy a fourni différents indicateurs
à examiner pour évaluer la validité des formulations étudiées. Ces critères sont définis à partir
d’une expérience industrielle et de la comparaison à des coulis de référence utilisés pour
60
chaque procédé (Tableau 2.1). Le cahier des charges s’articule autour de 4 points : résistance
mécanique, fluidité, ouvrabilité et perméabilité (Tableau 2.2).
La rhéologie des matériaux alcali-activés est étroitement liée à leurs modes de structuration.
Les réactions chimiques de dissolution, condensation et la formation de gels contrôlent
fortement le comportement à l’état frais. La rhéologie est également influencée par d’autres
paramètres purement physiques : fraction volumique des solides, morphologie des particules,
etc.
Un des facteurs les plus évidents impactant la rhéologie de toute suspension est la teneur en
solides. Cet effet est souvent exprimé en termes de rapports : Eau/Ciment, Liquide/Solide,
Eau/Solide, etc. Dans les géopolymères, on observe le même phénomène. Romagnoli et al. [5]
identifient la teneur en solide dans un géopolymère au métakaolin et silicate de sodium comme
le facteur principal contrôlant la viscosité du matériau. Dans le laitier alcali-activé, les travaux
de Jiang [6] et de Jolicoeur et al. [7] (rapportés dans [8]), soulignent le même comportement.
L’augmentation de la teneur en solides conduit à l’augmentation de la viscosité ainsi que du
seuil de cisaillement. Le type de solides utilisés (précurseurs) est également important. Les
critères à examiner sont principalement la surface spécifique qui contribue à augmenter la
viscosité, la morphologie des particules qui contrôle leur écoulement et la compacité. Une
substitution du précurseur permet d’améliorer l’ouvrabilité du matériau (Figure 2.1) [9], [10].
Figure 2.1 : Etalement des mortiers au laitier activé avec 15% de substitution par la fumée de silice (SF) ou des
cendres volantes (FA) (Gifford et Gillot [9])
61
Le type d’activateur joue également un rôle très important dans le comportement rhéologique.
Les solutions de silicates alcalins étant visqueuses, leur utilisation cause une augmentation de
la viscosité du mélange, pour tout type de précurseur. Ceci est limitant pour l’activation du
métakaolin, étant donné que c’est l’activateur alcalin permettant d’obtenir le matériau le plus
performant. Dans sa thèse, Favier [11] a étudié les différents mécanismes en jeu dans le
comportement rhéologique des géopolymères au métakaolin. L’auteur désigne la solution
alcaline comme le principal facteur à contrôler, avec un effet minoritaire de l’interaction entre
les particules. Ceci implique l’efficacité réduite des adjuvants classiques qui agissent
principalement sur la phase solide [5]. L’un des moyens les plus efficaces pour agir sur la
viscosité de la solution alcaline est le choix du cation : les silicates de potassium sont
significativement plus fluides que ceux au sodium [12], [13]. Le module de la solution de silicate
étant lié à sa viscosité [14], son impact est visible sur les géopolymères [15] mais également
sur le laitier [7], [8] (Figure 2.2 – b). Dans le cas du laitier activé, on observe également que le
silicate de sodium est un activateur qui conduit à une ouvrabilité réduite, comparée à d’autres
activateurs [16], [17] (« WG » sur la Figure 2.2 – a).
(a) (b)
Figure 2.2 : Variation de l'affaissement en fonction de (a) l'activateur [16], [17] et (b) du module du silicate de sodium
[7], [8]
La prise du laitier activé dépend de plusieurs paramètres. Des laitiers provenant de diverses
sources peuvent avoir des temps de prise différents, malgré de grandes similarités chimiques,
comme en attestent les travaux de Purdon [18]. La finesse du laitier induit également des
différences dans le temps de prise, quel que soit l’activateur choisi [8], [19]. Lorsque le laitier
est activé au silicate de sodium, le module de la solution affecte la prise de la même manière
donc il impacte la rhéologie [20]. Bakharev et al. [21] proposent l’utilisation d’un dosage en
silicate de 4% (en Na/laitier) et un module de 0,75 pour une ouvrabilité et résistance optimales.
L’utilisation de poudre de silicate de sodium permet l’augmentation du temps de prise, en
réduisant les résistances au jeune âge [22]. L’utilisation d’autres activateurs (NaOH ou Na2CO3)
conduit également à un retard de prise par rapport au silicate de sodium [16].
62
2.2.2 Contrôle de la stabilité
Lors du ressuage, la migration de l’eau vers la surface est due à la consolidation de la fraction
solide sous son propre poids [23], [24]. Ce phénomène est principalement affecté par les
interactions entre les particules solides, la perméabilité de la pâte fraiche et la viscosité de la
solution [25]. Afin d’éviter le ressuage, ces paramètres doivent alors être contrôlés. Dans le
laitier alcali-activé, le temps de prise a tendance à être assez rapide (cf. chapitre 1), synonyme
d’interactions très fortes au sein du squelette solide. Ceci augmente la cohésion entre les
particules et laisse peu de temps pour le développement du ressuage [26]. La situation est
similaire pour le métakaolin ou les cendres volantes calciques fines (type C) [27], contenant des
particules très réactives, et à surface spécifique élevée. Le ressuage reste cependant très
présent dans le cas des géopolymères aux cendres volantes à faible teneur en calcium [28]–
[30]. Ce type de cendres se caractérise d’un côté par une réactivité réduite en plus de ses
particules sphériques à faible surface spécifique. L’utilisation de superplastifiants ou de
retardateurs de prise [31], de solutions silicates à faible module [29] ou très diluées [30]
impliquent une viscosité réduite de la solution et donc une augmentation du risque de
ressuage.
Une des critiques adressées parfois aux géopolymères et à d’autres matériaux alcali-activés est
la nécessité d’un traitement thermique pour atteindre une bonne résistance mécanique. Ceci
est loin d’être le cas pour la majorité des matériaux testés aujourd’hui. Des résistances
mécaniques importantes sont en effet rapportées dans plusieurs études où la cure s’est
déroulée en conditions ambiantes [32]–[36]. Des bétons au laitier alcali-activé peuvent même
atteindre des valeurs supérieures à 100 MPa [37]. Ces résultats sont obtenus non seulement en
laboratoire, mais également dans des applications industrielles à grande échelle [37]–[40].
Ainsi, la performance mécanique ne peut être considérée une limitation envisageable pour
l’adoption des géopolymères. Plusieurs études comparatives utilisent même la résistance à la
compression comme un critère d’équivalence entre les différentes formulations. Les limitations
qui sont toutefois présentes sont dues aux différents facteurs affectant le comportement
mécanique de ces nouveaux matériaux.
63
On peut synthétiser ces facteurs en trois points principaux : type et propriétés du précurseur
utilisé, paramètres de formulation et conditions de cure. Pour notre application, le seul procédé
applicable est la cure à température ambiante. L’effet de la cure thermique, hydrothermale ou
autre n’est donc pas traité ici, relevant plutôt du domaine de la préfabrication, où les conditions
de préparation peuvent être rigoureusement contrôlées.
La performance d’un précurseur donné (d’un point de vue mécanique) dépend de deux
aspects : sa composition chimique et ses propriétés physiques. Partant du principe de
l’optimisation économique et/ou écologique, le fabricant d’un géopolymère ne dispose
généralement pas d’une multitude d’alternatives pour le choix de ses matériaux. La
connaissance du précurseur et des méthodes possibles pour améliorer sa qualité est alors
essentielle [41], [42]. Une synthèse des différents paramètres à examiner pour évaluer
l’adaptabilité d’un précurseur pour l’alcali activation est présentée dans le Tableau 2.3.
Degré de vitrification
Cendres volantes
Pour que l’activation alcaline produise des résultats optimaux, le choix de l’activateur et de son
dosage est crucial. Dans l’activation alcaline du laitier, il joue principalement un rôle de
64
catalyseur de la réaction d’hydratation (cf. chapitre 1). Ceci permet un large choix d’activateurs
qui ont des effets différents sur les propriétés mécaniques et leur développement. L’activation
au silicate de sodium conduit à la résistance la plus élevée avec un durcissement très rapide
dans certains cas [21], [33], [62]. L’utilisation des hydroxydes alcalins (sodium ou potassium)
donne une bonne résistance au jeune âge, mais avec une augmentation plus modérée au long
terme [61], [63]. Afin d’obtenir un temps de prise plus raisonnable (proche du ciment Portland),
l’activation au carbonate de sodium est une alternative viable, en sacrifiant la résistance
mécanique [64]. Quel que soit l’activateur utilisé, il existe un dosage optimal permettant une
meilleure résistance et une bonne stabilité de la microstructure, en fonction du type de laitier
(Figure 2.3)[33].
Dans le cas du métakaolin, l’activateur alcalin le plus souvent utilisé est à base d’une solution
de silicate, enrichie ou non d’hydroxyde de sodium. La teneur en hydroxyde contrôle la
cinétique de développement de la résistance en réduisant sensiblement le temps de prise [65].
La valeur de résistance obtenue dépend cependant principalement des rapports molaires entre
les trois éléments : Si, Al et Na-K. Dans la littérature, on retrouve pour le rapport Si/Al des
valeurs optimales qui vont de 1,9 d’après Duxson et al. [52] à 2,5 selon Rowles et O’Connor
[66]. D’après les modèles de géopolymères, un réseau tridimensionnel est conditionné par
l’équilibre électrique fourni par un Al/Me égal à 1 (cf. chapitre 1). Les études citent alors des
valeurs autour de cette référence (0,77-1,25) [52], [66], [67]. Cette variabilité est très
probablement due à la différence dans les méthodes d’évaluation des proportions réactives
des éléments et la concentration des activateurs [68], [69]. L’alcalin utilisé a un effet limité sur
la résistance mécanique, avec une légère augmentation suite à l’emploi du potassium.
Cependant, la combinaison Na-K semble améliorer la résistance ainsi que le module d’Young
comparée à l’utilisation d’un seul type d’alcalin [52].
Figure 2.3 : Résistance du laitier activé au Na2SO4, NaOH, Na2CO3 et silicate (WG) à 1,75 et 2 mol/l avec un
module de 1 et 1,5 [33]
65
Dans la perspective d’une utilisation industrielle, la détermination du meilleur activateur pour
les cendres volantes est compliquée par la tendance à utiliser la cure thermique pour ce
précurseur. En plus, la disparité entre les compositions des cendres en fonction de leur origine
(et notamment de par le Si/Al et la teneur en CaO) crée des différences entre les performances
des activateurs. Komljenovic et al. ont testé différents activateurs combinés à différents types
de cendres volantes [70]. Ils concluent que le silicate de sodium conduit à la meilleure
résistance, suivi par l’hydroxyde de sodium, la combinaison d’hydroxyde et carbonate de
sodium et enfin l’hydroxyde de potassium. Ils lient cet effet à la présence de silicium dissous et
partiellement polymérisé, améliorant la réactivité du mélange. L’étude d’Olivia et Nikraz des
géopolymères à base de cendres volantes par la méthode de Taguchi montre une amélioration
de la résistance à la compression suivant le rapport silicate/NaOH [35]. Le module du silicate
est également identifié comme un paramètre contrôlant la performance mécanique, avec une
valeur optimale entre 1 et 1,5 selon Provis et al. [71]. L’utilisation d’autres activateurs riches en
aluminium tels que l’aluminate de sodium [72], boue rouge du procédé Bayer [73] ou encore
les déchets de solution d’attaque d’aluminium [74] permet également d’obtenir de bonnes
résistances mécaniques.
Finalement, une des similarités entre les géopolymères, AAM et les matériaux cimentaires
classiques est l’effet de l’eau sur les propriétés mécaniques. L’ajout d’eau dans les
géopolymères cause une réduction du module et de la résistance du matériau, par ses effets
sur le volume et le réseau poreux [75]. Un rapport liquide/solide plus faible conduit à une
amélioration de la résistance [35], [76]. Cependant, Kobera et al. [77] soulignent l’effet de la
procédure du malaxage, qui permettrait d’améliorer la qualité du matériau durci résultant.
Il est à présent communément admis que l’activation alcaline des aluminosilicates est un
mécanisme très différent de celui de l’hydratation des ciments. La régulation des paramètres
des formulations géopolymères ou alcali-activées ne peut alors être atteinte par les mêmes
outils. Cependant, comme pour les essais de caractérisation, la formulation des géopolymères
commence par le test des adjuvants et additifs connus et utilisés pour les matériaux
cimentaires. Ces additifs peuvent avoir pour but la fluidification, l’accélération/retardation de
prise, l’entrainement d’air, etc. Leur rôle principal est rempli en modifiant les spécificités
chimiques ou physiques des réactions en jeu, sans y prendre part comme un réactif (cas des
substitutions minérales par exemple). Y compris dans le ciment, ces adjuvants conduisent
souvent à des effets secondaires sur d’autres propriétés du matériau (baisse de résistance
mécanique ou chimique, ressuage, etc.) qui doivent être pondérés en fonction des résultats
recherchés. Nous allons ci-après détailler l’état de l’art sur l’utilisation de tels produits dans les
géopolymères et AAM, et évaluer le degré de leur utilité.
66
2.2.4.1 Superplastifiants et réducteurs d’eau
Les données sur l’emploi des superplastifiants dans les systèmes alcali-activés sont assez
contradictoires. Bakharev et al. [78] ont testé un superplastifiant à base de lignosulfonates ou
de naphtalène sur du laitier activé aux silicates et au NaOH+Na2CO3. Ils citent une amélioration
de l’ouvrabilité accompagnée d’un ralentissement de la prise et du développement de
résistance pour les lignosulfonates. Concernant le naphtalène, ils ont observé une amélioration
de l’ouvrabilité, suivie d’une prise rapide et d’une baisse des performances au long terme
(résistance et retrait). D’autre part, Douglas et Brandstetr [79] citent l’inefficacité des adjuvants
à base de lignosulfonates ou de naphtalène-sulfonate dans l’amélioration de l’ouvrabilité en
plus d’une perte en résistance mécanique. L’utilisation de réducteurs d’eau à base de gluconate
de sodium et de calcium aide à améliorer l’ouvrabilité du laitier alcali-activé, mais conduit à du
ressuage et à une perte de résistance au jeune âge [31].
Hardjito et Rangan [80], dans leur étude détaillée des géopolymères aux cendres volantes,
indiquent un meilleur affaissement lors de l’utilisation d’un superplastifiant à base de
naphtalène-sulfonate. Cependant, au-delà de 2 % de la masse de cendres, ils notent une perte
de résistance mécanique. Un pourcentage maximal de 3 % est aussi préconisé pour
l’amélioration de l’ouvrabilité de géopolymères à base de cendres résiduelles [81]. Criado et al.
[82] désignent les superplastifiants à base de polycarboxylates comme les plus adaptés pour
les cendres volantes. Pour le métakaolin, peu d’études existent sur l’adaptabilité de
superplastifiants. Cependant, quelques données disponibles (ainsi que certains de nos essais)
pointent vers une incompatibilité des superplastifiants usuels (voir Figure 2.4) [83].
L’instabilité des polymères organiques utilisés comme réducteurs d’eau est probablement la
cause principale de leur inefficacité. Palacios et Puertas montrent qu’à l’exception du
naphtalène, les superplastifiants usuels sont chimiquement instables dans un milieu basique à
pH>13 et perdent ainsi leurs propriétés dispersantes [16], [84]. Dans une autre étude, ils ont
démontré que l’adsorption des superplastifiants dans les pâtes de laitier activé était très limitée
comparée au ciment à cause de leur potentiel zeta plus faible [85].
Figure 2.4 : Effet de deux superplastifiants (carboxylate et sulfonate) sur la résistance de géopolymères au
métakaolin [83]
67
2.2.4.2 Accélérateurs et retardateurs de prise
Les mécanismes de prise des géopolymères et des AAM sont variés et suivent des cinétiques
assez différentes. Afin d’adapter ces matériaux aux applications visées, il convient de pouvoir
réguler leur temps de prise. En effet, la dispersion géographique des matières premières
implique dans certains cas le recours à une fabrication centralisée et donc des durées de
transport parfois allongées. Dans d’autres cas, et notamment dans le cas de travaux souterrains,
il peut s’avérer nécessaire d’accélérer la prise par temps froid.
Nous avons déjà souligné la cinétique rapide de prise dans le laitier activé au silicate de sodium.
Dans certaines formulations, et dans le cas de températures élevées, ceci peut constituer un
réel obstacle à leur utilisation. L’acide phosphorique (ou le sel de phosphate dipotassique [86])
peut alors être utilisé comme un retardateur, à condition de bien optimiser la concentration à
utiliser. Chang [87] souligne l’efficacité de cet additif, avec la présence de certains effets
secondaires comme la perte de résistance mécanique ou l’augmentation du retrait de
dessiccation. L’utilisation du gypse pour pallier ce retrait semble être inefficace et annule l’effet
retardateur de l’acide phosphorique [88]. L’effet retardateur est expliqué par la précipitation
d’une phase (phosphate tricalcique Ca3(PO4)2 que l’on peut voir sur la Figure 2.5), qui dévie
ainsi le calcium de son rôle dans l’alcali-activation [89]. Provis et al. [90] ont démontré que
l’utilisation de nitrate/sulfate de césium ou strontium (CsNO3, Sr(NO3)2, Cs2SO4, SrSO4) causait
un retard de prise dans des géopolymères au métakaolin, mais dégradait également la
microstructure. Le nitrate ou chlorure de potassium sont aussi des alternatives proposées par
Lee et van Deventer [86], [91].
Figure 2.5 : Phase de phosphate tricalcique formée dans le laitier activé (Gong et Yang [89])
Ceux-ci ont également étudié l’effet de divers composés à base de calcium et magnésium sur
l’accélération de la prise dans des géopolymères à base de cendres volantes et de kaolinite
[91]. Leurs résultats sont synthétisés dans la Figure 2.6. On y voit que l’introduction de
carbonate de calcium ou de chlorure de calcium permettent une réduction significative du
temps de prise, alors que les autres additifs ont peu d’effet. Le chlorure de sodium (NaCl) a un
effet accélérateur sur la prise du laitier activé jusqu’à un certain dosage variable en fonction
des études, avant de commencer à agir comme un retardateur de la prise [92]–[94]. Malgré son
68
efficacité, il ne faut pas négliger l’impact potentiellement négatif d’une introduction de
chlorures dans un système destiné à passiver des armatures par exemple [95]. L’addition de
sulfate de sodium dans le laitier activé cause aussi une accélération de la prise, avec une
augmentation sensible dans la résistance au jeune âge [79].
Figure 2.6 : Effet des sels Ca et Mg sur le temps de prise de formulations géopolymères (Lee et van Deventer [91])
L’entrainement d’air est une technique utilisée pour répartir dans le béton des microbulles d’air
afin d’améliorer sa résistance au gel/dégel ou faciliter sa mise en œuvre. Bakharev et al. [78]
ont utilisé un entraineur d’air classique (alkyl-aryl sulfonate) dans un béton au laitier activé et
ont observé une amélioration de l’ouvrabilité, avec moins de retrait et sans perte en résistance
mécanique. Dans une autre étude sur du laitier activé, l’entrainement d’air à l’aide d’un adjuvant
classique a été possible [96]. Son utilisation dans un géopolymère au métakaolin a été moins
efficace pour la résistance au gel/dégel. Rostami et Brendley [97] ont souligné une dégradation
des propriétés mécaniques, signe de la non production d’une structure poreuse adéquate. Il
est toutefois possible de réguler la structure poreuse dans les géopolymères en utilisant de la
poudre d’aluminium ou d’autres agents (eau oxygénée, perborate de sodium). Cette
manipulation n’est toutefois pas un entrainement d’air, la création de porosité étant due à un
phénomène de moussage suite à la production de gaz dans le mélange.
La problématique du retrait de dessiccation (qui est traitée de manière plus approfondie dans
le chapitre suivant) peut être résolue dans les bétons ordinaires par des agents anti-retrait [98]–
[100]. Seules quelques études existent pour nos familles de matériaux. Sakulich et Bentz [101]
ont étudié une cure interne à l’aide de granulats légers humidifiés pour limiter le retrait
endogène. L’effet sur le retrait total est cependant négligeable, étant donné que le retrait de
dessiccation est dominant (cf. chapitre 3). Une autre piste concerne la formation de phases
69
expansives, telles que l’ettringite ou l’AFm, pour contrer le retrait en ajoutant du gypse ou de
l’oxyde de magnésium dans le matériau, ainsi que certains anti-retrait classiques [44], [78], [88].
Une dernière possibilité, proposée par Palacios et Puertas [102], consiste à réduire la tension
superficielle de la solution interstitielle tout en modifiant la structure poreuse, à l’aide d’un
anti-retrait à base de polypropylène glycol. Ceci a pour effet de diminuer le retrait endogène
et le retrait de dessiccation, sans perte de résistance mécanique.
Cette étude a pour but de déterminer la formule de référence pour le coulis géopolymère au
métakaolin. Les paramètres étudiés sont le rapport Si/Al, l’alcalin choisi et le rapport Eau/Solide
(E/S). Les formulations de rapports Si/Al variables sont données dans le Tableau 2.4 pour le
sodium et dans le Tableau 2.5 pour le potassium. Les rapports Si/Al étudiés sont 1,56 – 1,65 –
1,74 – 1,83, inspirés par l’étude de Duxson et al. [52]. Les formulations de rapports E/S variables
sont données dans le Tableau 2.6, avec des valeurs comprises entre 0,45 et 2. Il faut noter que
pour l’étude préliminaire, le silicate utilisé est Ligasil 38/40, conduisant à une quantité de soude
plus importante que pour la suite de l’étude.
70
Tableau 2.6 : Formulations au métakaolin avec E/S variable
Plusieurs essais d’activation du laitier ont été réalisés avec différents types d’activateurs.
Cependant, afin de garder un point de comparaison avec les géopolymères, le silicate de
sodium a été étudié plus en détails. Le point de départ a été défini par la substitution volumique
du métakaolin par du laitier dans la formulation de référence au métakaolin (Na183). Ceci
conduit à une formulation qui contient un excès de silicium par rapport à la quantité de laitier.
Afin de déterminer l’optimum de la teneur en silicate, la solution d’activation a été
graduellement diluée en substituant le silicate par de l’eau (Figure 2.7).
100%
Pourcentage volumique (%)
0%
REF SLAG SLAG 45 SLAG 55 SLAG65
71
Tableau 2.7 : Programme expérimental préliminaire
La combinaison de deux précurseurs a été étudiée dans le premier chapitre d’un point de vue
physico-chimique. Cette étude s’insère dans l’investigation des avantages potentiels sur les
propriétés à l’état frais et durci du matériau. Afin de déterminer le taux de substitution optimal
par les cendres volantes, différentes formulations sont étudiées. Afin de conserver une fraction
volumique solide constante, le taux de substitution est calculé en pourcentages volumiques de
précurseur : 20, 40, 60 et 80 %. La substitution est déterminée à partir de la formulation de
référence au métakaolin (GMK) et à partir de (SLAG REF) pour le laitier. Le détail des
formulations est donné dans le Tableau 2.8 pour les combinaisons métakaolin–cendres
volantes et dans le Tableau 2.9 pour les combinaisons laitier-cendres volantes.
72
Tableau 2.9 : Formulations binaires Laitier-Cendres volantes en g/l
Dispersant* 5 5 5 5 5 5
Une première phase de l’étude est consacrée à l’étude des propriétés rhéologiques des coulis.
Pour cette étude, seules les quantités nécessaires à la mesure du ressuage et pour le rhéomètre
ont été préparées (300 ml). Les essais au cône de Marsh ont été réservés aux formulations
stabilisées (à la bentonite et dispersant), vu le volume requis par essai (1,5 l). Le détail des
formulations et essais réalisés est donné dans le Tableau 2.10.
GMK*/GMKCV40* X X X X
LTCV20*/60* X X X
GMKCV20* X X X
GMKCV60*/80* X X
LTCV80* X X
GCV* X X
* formulations stabilisées
73
2.3.2 Essais relatifs au cahier des charges
Une première détermination de la viscosité des coulis formulés est basée sur un essai standard
utilisé pour la caractérisation des coulis cimentaires ainsi que des boues de forage : le
viscosimètre de Marsh. Ce dispositif a été proposé par Marsh en 1931 [103] afin de permettre
la qualification rapide de la viscosité des boues de forage, sans passer par des essais plus
complexes comme celui adopté en 1916 par Bingham [104]. Depuis, son dispositif a été adapté
pour différents types de matériaux, en modifiant l’embout, la grille ou la quantité de fluide à
utiliser. Dans notre essai, la norme suivie est l’ASTM D6910/D6910M – 09, qui est basée sur le
cône proposé par Marsh (Figure 2.8) [105]. Elle consiste à placer 1,5 litres de coulis/boue dans
le cône et de chronométrer le temps nécessaire pour l’écoulement d’un quart de gallon
(946 ml). Ce temps, dénommé viscosité Marsh, est d’autant plus grand que le fluide testé est
visqueux. Le cône doit être régulièrement calibré en vérifiant que la viscosité Marsh de l’eau
est de 26±0,5 secondes.
L’essai au cône de Marsh est un essai qui sert à caractériser une viscosité apparente du fluide.
Il est principalement utilisé dans un but comparatif ou de contrôle qualité. La viscosité Marsh
ne peut pas être facilement liée aux paramètres rhéologiques intrinsèques du matériau
(modèle, viscosité dynamique, seuil de cisaillement, etc.). En effet, le cône de Marsh ne permet
d’effectuer qu’une seule mesure, sous une seule condition d’écoulement. Cependant, vu le côté
pratique de l’essai, il est largement utilisé sur chantier et en laboratoire et plusieurs études
tentent de lier la viscosité Marsh aux paramètres rhéologiques du fluide [106], [107]. Ces
méthodes sont plus pertinentes que la proposition émise par Marsh : il décrivait une
proportionnalité entre le temps Marsh et la viscosité absolue, à travers la densité du matériau
[103]. Dans notre étude, les valeurs de viscosité Marsh sont utilisées comme un critère
d’acceptation des formulations, sur la base des spécifications du cahier des charges (Tableau
2.2).
Afin d’évaluer le ressuage, nous avons suivi une procédure classique visuelle. Elle consiste à
préparer des éprouvettes de 4 cm de diamètre et de 10 cm de hauteur, et les remplir du coulis
frais juste après le malaxage. Les éprouvettes sont ensuite placées sur un support stable en
veillant à ne pas les déplacer afin d’éviter de perturber la sédimentation potentielle. Les
éprouvettes sont également refermées pour que l’évaporation n’affecte pas l’épaisseur de la
couche d’eau ressuée. Ensuite, les valeurs de la ressuée sont mesurées 1 h puis 24 h après le
malaxage en rapportant l’épaisseur de la couche d’eau à la hauteur totale de l’éprouvette, eau
comprise (Figure 2.8). La valeur retenue est la moyenne de deux observations et fournit une
bonne répétabilité. Cette valeur est ensuite comparée à la valeur limite spécifiée par le cahier
des charges (Tableau 2.2).
74
152 mm
Grille 3,2 mm
305 mm
Embout 4,75 mm 51 mm
Figure 2.8 : Viscosimètre proposé par Marsh [103] et méthode d'évaluation de la ressuée
La résistance à la compression a été mesurée sur des cubes de 4 cm de côté, prélevés à la scie
dans les éprouvettes 4 x 4 x 16 cm3. Les moules en silicone permettent l’obtention d’une paroi
lisse, réduisant ainsi la dispersion des valeurs de résistance. Les valeurs représentées sont la
moyenne de 3 essais de compression, réalisés à une vitesse de 2,4 kN/s et des valeurs mesurées
avec une précision de 0,01 kN.
Les mesures rhéologiques sont effectuées sur un rhéomètre TA Instruments AR 550, en utilisant
une géométrie plan-plan avec une température maintenue à 20 °C ± 0,2 grâce à un dispositif
Peltier. La procédure utilisée consiste en deux rampes continues de montée et descente en
vitesse de cisaillement entre 0,1 et 400 s-1. 30 points sont récupérés par décade de vitesse. La
géométrie utilisée est un disque lisse en acier de 40 mm de diamètre, maintenu à un
espacement de 1 mm par rapport au plateau inférieur.
75
2.4 RESULTATS ET DISCUSSION
L’étude de l’effet du rapport Si/Al est réalisée sur des formulations à base de métakaolin et de
silicate alcalin (sodium et potassium, noté Me). Le rapport Al/Me est maintenu constant à 1 et
le rapport Eau/Solide varie légèrement entre 0,42 et 0,47. Une première constatation concerne
la différence notable de la viscosité en fonction de l’alcalin utilisé. Alors que les coulis à base
de potassium sont fluides et peuvent être caractérisés au cône de Marsh, leurs équivalents au
sodium présentent une viscosité plus élevée. Ceci est lié au comportement vis-à-vis de l’eau
de chacun des cations (Na+ et K+), qui se reflète d’abord sur la viscosité des solutions de
silicates. Concernant la résistance à la compression, les valeurs atteintes à 28 jours sont assez
proches pour les deux alcalins (Figure 2.9). Le rapport Si/Al, conformément à ce qui est retrouvé
dans la littérature [52], pilote la résistance à la compression du matériau. On observe ainsi une
augmentation de la résistance pour les Si/Al plus élevés, et ce pour les deux alcalins, et qui
peut être en partie due à la baisse du E/S. Une augmentation de la viscosité est aussi
remarquée, mais elle est probablement attribuable aux quantités plus grandes de silicate
ajoutées (voir Annexe A.5).
Sodium Potassium
50
45
40
Résistance à 28j (MPa)
35
30
25
20
15
10
0
1,56 1,65 1,74 1,83
Si/Al
Les coulis se distinguent des autres types de matériaux de construction par une teneur en eau
plus importante qui n’est pas sans effets sur leurs propriétés. L’ajout d’eau dans la formulation
76
est principalement motivé par la volonté d’atteindre une certaine maniabilité. Afin d’examiner
son effet sur nos matériaux, différents rapports Eau/Solide sont testés sur un géopolymère au
métakaolin à base de silicate de sodium. Les rapports Si/Al et Al/Na sont constants, à 1,83 et 1
respectivement. Le rapport Eau/Solide varie de 0,45 à 2, qui est une valeur usuelle du E/C de
coulis cimentaires. L’observation de l’évolution de la viscosité Marsh en fonction du E/S montre
le rôle de celui-ci dans la régulation de la rhéologie du système (Figure 2.10). On remarque
évidemment la baisse de la viscosité Marsh avec l’ajout d’eau dans la formulation, qui est liée
à la baisse de la fraction volumique solide. Au-delà de E/S = 0,75, la viscosité Marsh atteint des
valeurs qui remplissent le seuil défini par le cahier des charges. Cependant, l’ajout d’eau dans
le mélange s’accompagne d’une augmentation du ressuage qui devient trop important,
conduisant ainsi à un matériau hétérogène et inutilisable en pratique (Figure 2.11). Ceci cause
également une baisse sensible de la résistance à la compression. A partir de ces observations,
une formulation de référence pour le métakaolin a été définie avec un rapport Si/Al de 1,83,
un rapport Al/Na de 1 ainsi qu’un rapport massique Eau/Solide de 0,75.
360 50
300 40
Viscosité Marsh (s)
60 60 s 10
3%
0 0
0 1 2 3
Eau/Solide
Figure 2.10 : Evolution de la viscosité Marsh et de la ressuée en fonction du rapport Eau/Solide à Si/Al = 1,83
(les limites du cahier des charges sont représentées par les lignes en pointillés)
Figure 2.11 : Photos des éprouvettes à différents E/S, comparées à un coulis de ciment E/C = 2
77
2.4.1.3 Alcali-activation du laitier
16
14
12
Module d'Young (GPa)
10
8
6
4
2
0
36.7 45.0 55.0 65.0
Pourcentage d'eau (%)
78
2.4.1.4 Bilan de l’étude préliminaire
Au cours de cette étude, l’objectif principal était de déterminer les formulations les plus
adaptées par rapport au cahier des charges spécifié. Pour les géopolymères au métakaolin, une
formulation (GMK) a été définie après une étude de l’influence des rapports molaires (Si/Al et
Al/Na). Les rapports théoriques Si/Al = 1,83 et Al/Na = 1 sont retenus, avec le choix d’utiliser
le sodium comme cation. Le potassium, malgré ses propriétés rhéologiques et mécaniques
intéressantes (la caractérisation au cône de Marsh a été possible, contrairement au sodium,
voir Annexe A.5), a été écarté à cause de problèmes de stabilité à haute teneur en eau et du
coût plus élevé du silicate. Cependant, il reste une alternative potentiellement intéressante
pour des applications spécifiques, notamment là où l’efflorescence poserait un problème.
L’utilisation du potassium évite la formation de cristaux de carbonates au niveau des surfaces
exposées. Concernant l’activation alcaline du laitier, une solution d’activation plus diluée que
celle du métakaolin est retenue (SLAG45), afin d’éviter les excès de silicium, optimiser les coûts
et améliorer les propriétés à l’état frais. Ces formulations sont celles retenues pour l’analyse
des propriétés au jeune âge (présentées dans le chapitre 1) et de la durabilité (chapitre 4).
𝜂 𝜙 [𝜂]𝜙
= (1 − ) 𝑀
𝜂0 𝜙𝑀
Où 𝜂 est la viscosité de la suspension, 𝜂0 la viscosité de la solution alcaline, 𝜙 la fraction
volumique des particules, 𝜙𝑀 la compacité maximale et [𝜂] la viscosité intrinsèque. Du fait
de la compacité plus élevée des cendres volantes, la viscosité d’une suspension de cendres est
plus faible que celle d’une suspension de métakaolin.
79
L’instabilité mentionnée dans les paragraphes précédents est principalement due au
phénomène du ressuage. Vu que le temps est un facteur décisif pour son développement, les
valeurs de la ressuée sont relevées à 1 h et 24 h après la préparation du coulis. Dans cette
partie, la bentonite ainsi que le dispersant ne sont pas introduits, afin d’évaluer les tendances
propres aux formulations. Pour les systèmes métakaolin – cendres, le ressuage est significatif,
notamment pour les valeurs à 24h, qui sont celles considérées par le cahier des charges (Figure
2.14). Ce ressuage s’accompagne d’une séparation de phases entre une partie des cendres
volantes et le métakaolin. Les particules de cendres plus légères (cénosphères et autres),
migrent vers la partie supérieure, surmontée d’une phase gélifiée qui est probablement due à
une réaction de géopolymérisation imparfaite (Figure 2.19). Lors de la substitution du laitier
par des cendres, une augmentation du ressuage est également observée (Figure 2.15). Les
ressuées à une heure ont des valeurs similaires au coulis métakaolin – cendres. Cependant, on
peut voir que les ressuées sont beaucoup moins importantes après 24 h. Cette faible évolution
est due à la cinétique de prise plus rapide. La matrice se solidifie assez rapidement, empêchant
le développement du ressuage après les premières heures.
50
40
Ressuée (%)
30
20
10
3%
0
0 20 40 60 80 100
% Cendres volantes
Figure 2.14 : Evolution du ressuage en fonction du taux de substitution du métakaolin par les cendres volantes
50
40
Ressuée (%)
30
20
10
3%
0
0 20 40 60 80 100
% Cendres volantes
Figure 2.15 : Evolution du ressuage en fonction du taux de substitution du laitier par les cendres volantes
80
Afin d’expliquer l’augmentation de la ressuée avec l’ajout de cendres volantes, le
comportement rhéologique des coulis a été étudié. Des rhéogrammes ont donc été établis
pour les différentes formulations et la solution d’activation. La solution d’activation présente
un comportement qui suit la loi de Newton, où la contrainte de cisaillement σ est
proportionnelle au taux de cisaillement γ̇ . Le coefficient de proportionnalité η (viscosité
dynamique) est égal à 0,014 Pa.s pour la solution d’activation. Pour la détermination du
comportement rhéologique des coulis, le modèle le plus adapté est celui de Herschel-Bulkley :
𝜎 = 𝜎0 + 𝑘. 𝛾̇ 𝑛
Figure 2.16 : Calibration des paramètres rhéologiques du géopolymère au MK dans TA Rheology Advantage ®
A partir de l’examen des paramètres (Figure 2.17) on observe que les coulis de métakaolin –
cendres volantes ont un comportement légèrement rhéofluidifiant en général (n < 1). L’ajout
de cendres volantes contribue à une augmentation graduelle de cet indice qui contribue à
rapprocher le système du comportement d’un fluide newtonien – comme la solution
d’activation (Figure 2.17). L’augmentation de la compacité du mélange solide, liée à la
substitution du métakaolin par les cendres, semble ainsi permettre une réduction des
interactions entre les particules, car leurs distances relatives augmentent. D’autre part, les coulis
81
au laitier ne présentent pas de tendance particulièrement remarquable en ce qui concerne le
seuil de cisaillement et l’indice d’écoulement (Figure 2.17). La seule allure détectable concerne
la consistance, qui baisse avec l’ajout de cendres, de la même manière que pour le métakaolin.
Cependant, on peut voir la présence d’un maximum de la consistance pour le coulis à 20% de
cendres, moins prononcé pour le métakaolin.
Indice d'écoulement n
Consistance k (Pa.s)
Indice d'écoulement n
k 1.08
Consistance k (Pa.s)
n
k n 1.05 1.06
0.1 0.1
1.04
1
1.02
0.05 0.05
1
0.95
0.98
0 0.9 0 0.96
0 50 100 0 50 100
% de subsitution en CV % de subsitution en CV
Afin d’établir le lien entre les paramètres rhéologiques et les valeurs mesurées du ressuage, la
consistance et la ressuée ont été représentées sur un même graphe (Figure 2.18). On peut y
observer une assez bonne corrélation entre la consistance et le ressuage pour les systèmes
MK-CV. Ce lien semble logique étant donné le caractère du phénomène de ressuage. Il dépend
des paramètres physiques des particules, qui semblent avoir une grande influence sur la
structure de la suspension. Par contre, pour le laitier, la corrélation n’est pas significative,
indiquant le rôle joué par d’autres facteurs que la morphologie de la phase solide. Les réactions
chimiques d’hydratation, notamment, affectent le ressuage en mobilisant une partie de l’eau
de la solution et en contribuant à la baisse de la perméabilité de la phase solide.
Métakaolin - CV Laitier - CV
60 60
50 50
Ressuée 24h (%)
R² = 0.917 R² = 0.5115
40 40
30 30
20 20
10 10
0 0
0 0.05 0.1 0 0.05 0.1
Consistance (Pa.s) Consistance (Pa.s)
82
2.4.2.2 Seconde phase
L’utilisation de bentonite est très courante dans les coulis cimentaires à E/C élevé dans le but
d’éviter le ressuage [1]. La bentonite est une argile à surface spécifique élevée, l’addition de
petites quantités réduit le ressuage et augmente la stabilité des coulis. Son utilisation a donc
été envisagée ici pour obtenir des coulis plus homogènes, permettant leur caractérisation
ultérieure (Figure 2.19). Le dispersant, à base d’acide phosphonique, est utilisé pour améliorer
la viscosité des peintures à base de silicates. Dans le cas de nos coulis, il permet de réduire
légèrement la consistance des mélanges, tout en améliorant leur stabilité.
L’addition de cendres volantes permet, de même que sur les rhéogrammes de la première
phase, de réduire la viscosité Marsh (Figure 2.20) des mélanges binaires métakaolin-cendres
volantes stabilisés. On remarque une baisse importante de la viscosité suite à l’introduction de
20 % de cendres volantes. Pour des taux de substitution plus élevés, le gain est moins
important, indiquant l’impact plus fort de la solution alcaline sur la viscosité du mélange [11].
50
40
Ressuée (%)
40
30
30
20
20
10 10
3%
0 0
0 20 40 60 80 100
% Cendres volantes
Figure 2.20 : Evolution de la viscosité Marsh en fonction du taux de substitution du MK par les cendres volantes
83
L’effet de la substitution du laitier par les cendres volantes est plus modéré. On peut voir sur
la Figure 2.21 que la viscosité Marsh ne diminue que de très peu et se stabilise au-delà de 20
%. Ceci est dû à l’écart moins important entre les morphologies des particules de cendres
volantes et celles du laitier. En effet, on remarque que la viscosité du coulis au laitier seul est
assez proche du coulis aux cendres volantes seules. L’autre facteur influent ici est la baisse de
réactivité du mélange solide. L’activation du laitier seul conduit en effet à des processus de
dissolution/précipitation très rapides, qui affectent dès les premières minutes la rhéologie du
système.
40 40
Ressuée (%)
30 30
20 20
10 10
3%
0 0
0 20 40 60 80 100
% Cendres volantes
Figure 2.21 : Evolution de la viscosité Marsh en fonction du taux de substitution du laitier par les cendres volantes
Au niveau du ressuage, on peut voir que l’ajout de bentonite permet de contrôler l’instabilité
des coulis. Pour le métakaolin, la ressuée reste raisonnable (même si elle dépasse 3 %) jusqu’à
40 % de substitution. Dans le laitier, les coulis restent stables jusqu’à 60 % d’introduction de
cendres. A partir de ces taux, les coulis présentent une ressuée trop importante, accompagnée
d’une séparation de phases qui nous empêche d’évaluer leur résistance à la compression ou
leur comportement au jeune âge.
84
ne saurait, à elle seule, expliquer le gain en résistance observé pour GMKCV20. L’évolution
entre 7 et 28 jours peut être attribuée à la réaction progressive des cendres volantes, qui
conduit à une poursuite de la géopolymérisation.
16 7 jours 28 jours
Résistance à la compression 14
12
10
(MPa)
8
6
4
2 INSTABLES
0
GMK GMKCV20 GMKCV40 GMKCV60 GMKCV80 GCV
Figure 2.22 : Evolution de la résistance en fonction du taux de substitution du métakaolin par les cendres volantes
85
1 GMKCV40 GMK
0.9
Figure 2.24 : Evolution de la résistance en fonction du taux de substitution du laitier par les cendres volantes
86
Ce maintien de réactivité peut être observé sur la mesure du flux de chaleur d’un coulis avec
et sans cendres volantes (Figure 2.25). On y voit un premier pic plus faible, lié à la réduction
dans la teneur en calcium, et donc à la formation de moins de C-S-H dans le système.
Cependant, la baisse est plus importante pour le deuxième pic, lié à la réaction entre les
aluminates et les ions Na+ et Ca2+. Cette baisse est liée à la dissolution plus lente de l’aluminium
des cendres volantes. Le maintien d’une bonne réactivité dans les premières heures permettrait
aussi de justifier l’absence d’évolution observée pour le ressuage entre 1 h et 24 h (Figure 2.15).
Cette première étape de la réaction est en effet accompagnée du déclenchement de la prise
et cause une fixation de la phase solide du mélange (Figure 2.26).
4 LTCV40 LT
3.5
Flux de chaleur (mW/g)
2.5
1.5
0.5
0
0 10 20 30 40 50
Temps (h)
10 4 LTCV40 LT
Module de cisaillement (GPa)
83.5
Flux de chaleur (mW/g)
3
6
2.5
4 2
1.5
2
1
0
0.5
0 10 20 30 40 50
0 Temps (h)
0 10 20 30 40 50
Temps
Figure 2.26 : Evolution du module de (h) pour LT et LTCV40
cisaillement
87
2.4.2.3 Bilan de l’étude des coulis binaires
2.5 BILAN
88
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95
3 ETUDE MICROMECANIQUE ET
HOMOGENEISATION
97
sensiblement la microstructure. Dans les géopolymères à faible Si/Al (1 – 1,4), la phase
géopolymère est déconnectée, hétérogène et plus poreuse [1]–[4]. Ceci est notamment le cas
lorsque le métakaolin est activé par une solution d’hydroxyde de sodium ou de silicate de
sodium faiblement concentrée. Le résultat est une agglomération de particules de métakaolin
gélifiées et poreuses liées entre elles tout en gardant leur morphologie initiale. L’activation
avec du silicate de sodium conduit à la formation d’un gel qui permet de combler les porosités
et de créer une meilleure liaison entre les particules dissoutes (Figure 3.1). La taille des pores
passe ainsi de quelques centaines de nm à moins de 50 nm [4], [5]. Le même effet est observé
pour l’activation des cendres volantes, avec une porosité plus faible lors de l’activation par une
solution riche en silicates [6].
Dans les cendres volantes, vient s’ajouter l’effet de leur réactivité et de leur morphologie. Au
vu d’une réactivité parfois limitée [7], la microstructure se construit autour des particules de
cendres partiellement dissoutes. Ainsi, quand la compacité des cendres volantes augmente,
avec une granulométrie plus étalée, le gel géopolymère a moins d’espace à remplir, conduisant
à un matériau moins poreux. Cette compacité améliorée conduit de même à une quantité d’eau
ajoutée moins importante, qui permet de réduire encore plus la porosité du système. Le rôle
que joue le rapport liquide/solide dans les géopolymères est en effet similaire à celui du E/C
pour les matériaux cimentaires vis-à-vis de la porosité. Les formulations contenant (ou
nécessitant) une quantité d’eau élevée pour leur ouvrabilité sont généralement caractérisés par
une porosité plus élevée [5], [8], [9].
A B
Figure 3.1 : Géopolymère MK + NaOH (A) et Géopolymère MK + Silicate (B) (Zhang et al. [2], [3])
L’activation du laitier conduit à des produits de réaction différents du gel géopolymère, plus
similaires aux hydrates de ciment (cf. chapitre 1). Cependant, la microstructure du laitier activé
se distingue par plusieurs caractéristiques propres. Lecomte et al. [10] ont comparé la
microstructure d’un géopolymère, géopolymère/AAM hybride, laitier activé et d’un ciment
CEMII hydraté. La Figure 3.2 souligne les similarités (et les différences) entre le laitier et le
ciment hydraté observés au MEB. Les deux contiennent des particules qui n’ont pas réagi
(anhydres dans le cas du ciment) incorporées dans la matrice liante. Celle-ci n’est pas identique
entre les deux matériaux, plus vitreuse dans le cas du laitier activé et présentant une meilleure
98
homogénéité. On y voit également la présence de plusieurs microfissures propagées dans
toute la matrice. Ces fissures sont dues au processus de séchage dans le MEB et se retrouvent
dans plusieurs exemples d’observation microscopique du laitier alcali-activé [11]–[13]. La
sensibilité du laitier activé au séchage sera étudiée de manière plus approfondie dans le
chapitre suivant.
Le laitier alcali-activé est doté d’une porosité plus fine que celle du ciment hydraté [14]. On
observe ici le même effet de l’activateur cité pour les géopolymères : la présence de silicates
dans l’activateur réduit la taille des pores [15]–[17]. D’une manière générale, les diamètres des
pores restent dans un domaine équivalent à celui des géopolymères au métakaolin et silicates.
La répartition des pores est souvent bimodale [18], avec la présence d’un pic dans la zone 1-
20 nm et un autre pic de macropores, et continue de s’affiner au cours du temps. L’observation
de la fraction des pores très fins par porosimétrie au mercure (la méthode la plus fréquente)
ou par adsorption de gaz (BET ou BJH) ne permet pas leur caractérisation complète à cause du
diamètre minimum mesurable (2-3 nm). Des méthodes de caractérisation plus adaptées aux
micropores seraient préférables pour ce type de matériaux [19].
A B
Figure 3.2 : Comparaison entre la microstructure d'un laitier activé (A) et un ciment hydraté (B) (Lecomte et al. [10])
L’effet de la porosité sur le comportement de la pâte de ciment durcie est connu et a déjà été
largement étudié, notamment par Powers [20], Rossler et Odler [21], [22]. Différentes équations
issues de l’étude des céramiques peuvent être appliquées. Par exemple, on peut trouver celles
de Ryshkewitch (𝜎 = 𝜎0 𝑒 −𝐵𝑃 ) [23] ou Hasselman (𝜎 = 𝜎0 (1 − 𝐴𝑃)) [24]. A et B, sont des
coefficients calibrés à partir des expériences, σ0 la résistance mécanique quand la porosité est
égale à 0 et P la porosité globale du matériau. Shi a étudié par régression linéaire l’adaptation
de différentes équations pour la description de l’effet de la porosité sur la résistance de
mortiers au laitier activé et des mortiers au ciment Portland [15]. On peut ainsi voir sur le
Tableau 3.1 que le coefficient de variation des constantes pour le laitier activé est compris, pour
toutes les équations, entre 2,83 % et 10,79 %. Ceci montre la possibilité de prédire assez
99
précisément la résistance à la compression à partir de la porosité pour le laitier activé, comme
l’avaient fait Rossler et Odler pour le ciment [21].
Tableau 3.1 : Comparaison des relations porosité-résistance entre le laitier activé et le ciment Portland (Shi [15])
100
limites supérieure de Voigt et inférieure de Reuss, issues respectivement du principe de
minimum de l’énergie potentielle et du principe de minimum de l’énergie complémentaire.
Voigt (sup) ∑ 𝑓𝑗 𝐾𝑗 ∑ 𝑓𝑗 𝜇 𝑗
𝑗 𝑗
1 1
Reuss (inf) 𝑓𝑗 𝑓
∑𝑗 𝑗 ∑𝑗 𝑗𝑗
𝐾 𝜇
𝑓𝑖 (𝐾 𝑖 − 𝐾 𝑚 ) 𝑓𝑖 (𝜇𝑖 − 𝜇𝑚 )
Mori-Tanaka 𝐾 𝑚 (1 + ) 𝜇𝑚 (1 + )
𝐾 𝑚 + 𝛼(1 − 𝑓𝑖 )(𝐾 𝑖 − 𝐾 𝑚 ) 𝜇 𝑚 + 𝛽(1 − 𝑓𝑖 )(𝜇 𝑖 − 𝜇 𝑚 )
Schéma 𝑓𝑖 (𝐾 𝑖 − 𝐾 𝑚 ) 𝑓𝑖 (𝜇𝑖 − 𝜇𝑚 )
𝐾 𝑚 (1 + ) 𝜇𝑚 (1 + )
Dilué 𝐾 𝑚 + 𝛼(𝐾 𝑖 − 𝐾 𝑚 ) 𝜇 𝑚 + 𝛽(𝜇 𝑖 − 𝜇 𝑚 )
Avec :
𝟑𝑲𝒎 𝑓𝑖 : fraction volumique de l’inclusion
𝜶=
𝟑𝑲𝒎 + 𝟒𝝁𝒎 𝐾 𝑚 , 𝐾 𝑖 : modules de compressibilité de la
𝟔(𝑲𝒎 + 𝟐𝝁𝒎 ) matrice et de l’inclusion
𝜷=
𝟓(𝟑𝑲𝒎 + 𝟒𝝁𝒎 ) 𝜇𝑚 , 𝜇𝑖 : modules de cisaillement de la
matrice et de l’inclusion
Les équations synthétisées dans le Tableau 3.2 utilisent les valeurs des modules de
compressibilité et de cisaillement. Or, les résultats expérimentaux nous fournissent le module
d’Young et le coefficient de Poisson. Le passage du couple (E,ν) à (K,µ) et inversement se fait à
travers les équations données dans le Tableau 3.3. En outre, les modèles présentés concernent
des matériaux bi-phasiques, i.e. avec une seule inclusion. Or, nos matériaux présentent 3 phases
dans le cas de MK et 4 dans le cas de CV. L’exploitation des modèles d’homogénéisation
nécessite alors une succession d’étapes, où chaque phase est intégrée au résultat de
l’homogénéisation précédente (Figure 3.3). Le résultat final obtenu est le couple de propriétés
élastiques du matériau à l’échelle macroscopique.
(K,µ) (E,ν)
9𝐾𝜇
E
3𝐾 + 𝜇
3𝐾 − 2𝜇
ν
2(3𝐾 + 𝜇)
𝐸
K
3(1 − 2𝜈)
𝐸
µ
2(1 + 𝜈)
101
Figure 3.3 : Procédure d'homogénéisation dans un matériau multi-phases
La micro-indentation est utilisée sur les matériaux cimentaires depuis le début de ce siècle, afin
de caractériser les propriétés mécaniques des différents hydrates présents [30], [31]. Les
données obtenues ont ouvert la voie à l’application des modèles d’homogénéisation multi-
échelles présentées ci-dessus [32], [33]. L’homogénéisation multi-échelles a également été
utilisée pour la modélisation des phénomènes de transfert [34], [35]. Un débat a été soulevé
en 2009 par Trtik et al. [36] quant à la fiabilité de la micro-indentation pour l’évaluation des
propriétés des phases à l’aide de simulations de structures virtuelles. Il est toutefois nécessaire
de souligner que si les conditions d’essai décrites par Constantinides et al. [37] sont appliquées,
102
les résultats semblent fournir des informations cohérentes sur la microstructure. Nous
reviendrons plus loin dans nos résultats sur ces aspects liés à la méthode.
Figure 3.4 : Influence de la profondeur de l'indentation sur les phases détectées (d'après Constantinides et al. [29])
MEB/EDX Micro-indentation
Caractérisation des phases
% Matrice E
% Inclusions E
% Macroporosité
Micro-
tomographie
Module du
Homogénéisation
matériau
Analytique Eléments finis
104
Dans notre étude, la procédure de polissage a constitué une problématique de taille à
résoudre. En effet, les coulis ont une cohésion relativement faible, ce qui rend leur polissage
particulièrement difficile. Certaines particules étant plus résistantes que le reste de la matrice,
elles nécessitent plus de temps pour être polies alors que les disques de papier SiC (avec ou
sans eau) emportent des éléments de la matrice. On se retrouve alors souvent avec une surface
moins lisse que celle obtenue lors du sciage. Les essais d’indentation ne peuvent donc pas être
réalisés sur coulis car l’état de la surface ne le permet pas. Pour pallier ce problème, nous avons
opté pour des pâtes concentrées, qui ne diffèrent des coulis que par la quantité d’eau qu’elles
contiennent (et donc le rapport E/S). L’augmentation de résistance qui s’en suit permet une
qualité et un temps de polissage raisonnables, sans avoir à utiliser un appareillage spécifique.
Les deux formulations étudiées (Tableau 3.4) sont élaborées à partir d’activateurs différents
afin de pouvoir prendre en compte la faible réactivité des cendres volantes. Ceci nécessite
l’utilisation de plus de soude et d’une solution silicate moins riche en silicium. Les deux
formulations ont un rapport E/S de 0,35.
105
Dans cette étude, un microscope JEOL® JSM-6060LA a été utilisé, couplé à une sonde EDX
SAMx. Le microscope et la sonde sont pilotés par des logiciels propriétaires indépendants. Le
logiciel IDFIX/MaxView de la sonde permet l’établissement d’une cartographie des phases
présentes en fonction des différences dans la composition chimique. L’analyse MEB/EDX a été
effectuée à une distance de travail de 17 mm, avec une tension d’accélération de 15 kV et un
temps d’acquisition des spectres EDX de 60 s.
3.3.2.3 Micro-indentation
Les essais d’indentation, dits de dureté, permettent l’investigation plus fine des propriétés
mécaniques des matériaux [42]. L’application à des indenteurs de plus en plus petits a fait suite
aux avancées de Sneddon dans la résolution du problème de Boussinesq pour différentes
formes d’indenteurs [43]. Le principe consiste à établir un contact entre un indenteur, dont le
matériau et la géométrie sont connus, et le matériau à tester afin d’obtenir la variation de la
profondeur de pénétration (h) et de l’aire de contact (A) en fonction du chargement (P) (Figure
106
3.7). L’exploitation de cette courbe, à l’aide de modèles mécaniques [44], donne la dureté et le
module du système indenteur + matériau E* :
1 𝑑𝑃 √𝜋
𝐸∗ =
2 𝑑ℎ √𝐴
A partir de ce dernier, un modèle d’élasticité linéaire permet d’extraire le module d’Young du
matériau E [45] :
1 (1 − 𝜈 2 ) (1 − 𝜈 ′2 )
= +
𝐸∗ 𝐸 𝐸′
Cependant, l’une des principales questions relatives aux essais d’indentation concerne l’aspect
local des mesures effectuées. En effet, l’indentation se base sur les caractéristiques de la surface
testée, alors que les zones affectées s’étendent dans le volume de l’échantillon. Ainsi,
différentes études ont été réalisées pour définir les limites de la zone concernée par chaque
indentation, et qui varient en fonction de la forme de l’indenteur et de la force exercée [47]–
[49] (Figure 3.8). Outre le fait que cette zone s’étend dans la profondeur du matériau, elle ne
correspond pas à l’empreinte laissée par l’indentation. Il est important de prendre en compte
ce phénomène lors de la définition de la grille d’indentation, en particulier la force exercée (ou
la profondeur maximale) ainsi que l’espacement entre les points d’essais, afin d’éviter les
interférences entre les zones étudiées. Par conséquent, principalement dans les matériaux
composites ou multi-phases, la définition des paramètres de l’essai conditionne fortement les
résultats [29].
107
Figure 3.8 : Image de la zone déformée (ligne blanche) lors de l’indentation d’un échantillon de plomb (d’après [48])
Nos essais d’indentation ont été effectués sur un micro-duromètre FISCHERSCOPE® HM2000
équipé d’une aiguille diamantée de type Vickers (pyramide à base carrée). L’appareil dispose
également d’un microscope optique (grossissements x4 à x40) qui permet de déterminer la
zone à indenter. Ensuite, le plateau échantillon se déplace sous l’aiguille (avec une précision
entre 1 et 2 µm) afin de procéder à l’indentation. La force peut être réglée entre 0,1 mN et 2
N, avec une résolution de 400 nN, alors que la profondeur d’indentation peut atteindre 150
µm avec une résolution de 0,1 nm.
108
une déconvolution statistique des valeurs mesurées du module d’indentation (Ei). La fiabilité
du traitement dépend de la taille de l’échantillon statistique défini par le nombre d’indents
réalisés. Le point de départ de ce traitement statistique est l’histogramme de fréquence des
valeurs du module en chaque point d’indentation, qui est alors transformé en densité de
probabilité expérimentale (PDF). La déconvolution se base alors sur l’hypothèse suivante : la
PDF est la somme pondérée de plusieurs lois normales. L’ensemble de ces lois, caractérisées
par leurs espérances/moyennes, leurs écarts-types et leurs poids, i.e. la fraction que chacune
d’elles représente dans le mélange, est appelé un modèle de mélange gaussien (GMM pour
Gaussian Mixture Model).
Afin d’obtenir le GMM le plus pertinent, la méthode la plus utilisée est l’algorithme EM
(Expectation Maximization) qui se base sur l’estimation du maximum de vraisemblance, pour
le cas de données incomplètes [51]. Cet algorithme itératif part de valeurs initiales pour les
différents paramètres, et les ajuste en maximisant la vraisemblance par rapport à la loi
expérimentale. L’algorithme détermine ainsi le maximum de vraisemblance local en fonction
des paramètres initiaux. Afin d’obtenir un maximum global, différentes itérations sont
effectuées en modifiant à chaque fois le set de valeurs initiales. Cette initialisation est basée
sur une variante de la méthode des k-moyennes, appelée k-means++. Cet algorithme permet
de partitionner l’ensemble des données et de choisir les valeurs initiales en réduisant les erreurs
et augmentant la vitesse de résolution [52].
La procédure de résolution ne dépend alors plus que de deux données d’entrée : l’échantillon
de valeurs du module et le nombre de composants du mélange. La taille de l’échantillon est
primordiale pour une caractérisation précise de l’hétérogénéité du matériau. Vu que les
composants se présentent sous forme de lois normales, il faut avoir suffisamment de points
pour représenter chacune d’elles. Plusieurs études ont été réalisées sur le nombre minimal de
valeurs à utiliser en identifiant les paramètres qui l’influencent : le nombre de composants, les
fractions volumiques et les variances [53]–[55]. Ces estimations dépendent de l’algorithme
étudié mais concluent sur l’importance de la taille d’échantillon comme un facteur de réduction
de l’erreur. A travers nos essais, un nombre minimal de points égal à 1000 a été retenu, afin de
couvrir une plus grande surface et disposer d’un échantillon représentatif du matériau.
109
L’algorithme de déconvolution est implémenté sur MATLAB®, avec comme données d’entrée
le vecteur des modules mesurés et les coordonnées des points. Une boucle interne de
vérification permet de choisir le meilleur modèle en fonction de l’AIC et effectue la
déconvolution. L’algorithme fournit alors les courbes de déconvolution, ainsi qu’une
cartographie des modules en fonction des coordonnées des points (Figure 3.9 et Figure 3.10)
et (Annexe A.4). Fréquence
E (GPa)
Figure 3.9 : Exemple de déconvolution : la PDF expérimentale est représentée par la ligne rouge et les différentes
phases sont colorées
La variabilité des résultats et leur dépendance aux paramètres de l’essai nécessitent une longue
réflexion sur la méthodologie. Dans ce contexte, la simulation des essais de micro-indentation
110
s’avère utile. Elle permet d’éviter la multiplication des essais longs (la réalisation d’une grille
d’indentation 40 x 40 dure 48 heures) et d’étudier l’effet des différentes combinaisons de
paramètres sur les résultats, tout en les liant aux propriétés de la microstructure.
Cette simulation peut être réalisée sur des images binaires de microstructures réelles obtenues
par cartographie MEB+EDX (Figure 3.11) ou fictives (générées sur MATLAB® à l’aide de l’outil
développé par Tschopp [57]) (Figure 3.12). Cette segmentation binaire permet d’obtenir une
image pour chaque phase (représentée en blanc) et d’associer ainsi à chacune d’elles une
distribution normale du module. Cette distribution (moyenne et écart-type) est définie à travers
des essais ponctuels effectués sur chaque phase, à l’aide du microscope optique du micro-
indenteur. Ensuite, les essais d’indentation simulés sont réalisés un par un en définissant un
point de départ et les espacements dans chaque direction. Chaque essai est représenté par un
disque avec un rayon spécifié qui détermine la zone testée et est assimilé dans l’essai réel à la
zone affectée. Une moyenne des modules de l’ensemble des pixels délimités par le disque est
calculée et est rapportée dans une matrice qui représente les différents modules de la grille
(Figure 3.12).
(a) (b)
(c) (d)
Figure 3.11 : (a) image MEB d'un géopolymère au MK, (b) cartographie des phases (orange: géopolymère, bleu:
quartz, vert: particules résiduelles de MK), (c) image binaire de la phase quartz, et (d) image binaire de la phase
géopolymère
111
Figure 3.12 : Microstructure synthétique générée avec la grille d'indentation (gauche) et la cartographie des modules
associée (droite)
L’analyse EDX de l’échantillon MK reflète la présence de plusieurs phases dans le matériau, qui
se distinguent par leur composition chimique. La première (en orange sur la cartographie
Figure 3.14 (b)) représente la phase géopolymère réelle, qui forme la matrice dominante du
matériau (90,4 %). La deuxième phase la plus présente est le quartz présent initialement dans
le métakaolin (8,1 %) (Figure 3.13), particulièrement visible sur la cartographie du silicium
(Figure 3.14 (c)), et représentée en bleu dans la cartographie des phases. L’intégration du quartz
dans la matrice géopolymère est bonne, comme l’indiquent les images MEB. Aucune zone de
transition n’est apparente et les particules de quartz sont uniformément distribuées dans le
volume du matériau (Figure 3.14). Ensuite, à moins de 1 %, une troisième phase minoritaire,
comportant une concentration plus forte en aluminium, peut être identifiée comme des
particules partiellement dissoutes de métakaolin. Cette association est appuyée par la
dissolution de l’aluminium en premier lieu ce qui diminue le rapport Al/Si dans ces particules.
La distinction entre ces deux types de particules est possible grâce à l’EDX (Figure 3.15) et un
exemple de chacune d’elles est présenté sur la Figure 3.16.
112
Figure 3.13 : Hétérogénéité du métakaolin (gauche) et particule grossière de quartz (droite)
Figure 3.14 : Image MEB (a) et cartographie EDX des phases (b) de l'échantillon MK, avec les cartographies des
éléments Si (c) et Al (d)
113
MK
Quartz
Figure 3.16 : Particule de métakaolin partiellement dissoute (gauche) et particule de quartz (droite)
114
Figure 3.17 : Hétérogénéité des cendres volantes (gauche) et particule de cendres creuse (droite)
115
Les analyses EDX décrivent les différentes phases présentes dans les échantillons, mais ne
permettent pas d’obtenir des informations quantitatives sur la porosité du matériau. Cette
phase poreuse a néanmoins un grand impact sur les propriétés élastiques du matériau [58]. Il
convient donc de la quantifier avant de mieux modéliser les propriétés élastiques
macroscopiques. Cependant, cette quantification doit distinguer les pores en fonction de leurs
tailles, de sorte à ne pas comptabiliser la porosité dont l’effet est déjà pris en compte dans les
propriétés mesurées de la matrice. En effet, les pores dont le diamètre est inférieur à la taille
de la zone investiguée par l’indentation réduisent le module de la matrice et sont ainsi exclus
de cette analyse. Dans ce cadre, la micro-tomographie aux rayons X a été utilisée pour évaluer
la macroporosité du matériau (Figure 3.20). En prenant un échantillon suffisamment petit (1,5
mm x 1,5 mm de section), la résolution atteinte est de 1 µm et permet ainsi d’examiner les
pores dont le diamètre est supérieur à 2 µm. Un traitement d’image est appliqué pour
segmenter les images en phase solide et phase poreuse. Les bords de l’échantillon ne sont pas
pris en compte afin d’éviter les altérations potentielles dues à la préparation. Le résultat est
une image binaire où les pores sont plus visibles et qui peut être utilisée pour quantifier la
surface totale qu’ils représentent (Figure 3.21). En effectuant ce calcul sur toutes les sections
obtenues, parcourant ainsi une épaisseur représentative de l’échantillon, la macroporosité du
matériau est quantifiée. Pour l’échantillon MK, la macroporosité ainsi évaluée représente 8,45
% du volume total du matériau.
116
Figure 3.21 : Section transversale de l'échantillon MK (gauche) et sa segmentation (droite)
117
3.4.2 Caractérisation micromécanique
3.4.2.1 Détermination des paramètres
Afin de tester ces effets, une simulation sur une microstructure synthétique à 2 phases a été
réalisée (cf. Figure 3.12). L’espacement entre les différents points de la grille et le rayon des
disques étaient les paramètres de l’étude numérique. Les résultats de chaque simulation ont
alors été soumis à une déconvolution. Une première observation concerne le nombre de
composants détectés qui ne correspond pas toujours au nombre de composants réels (dans
ce cas, deux). Dans certaines configurations, la déconvolution détermine la présence d’une
seule phase homogène. Dans d’autres, une troisième phase apparaît, intermédiaire entre la
matrice et les inclusions. Les essais ont alors été répartis en classes en fonction du rapport
espacement/rayon et le pourcentage d’erreur a donc été quantifié pour chaque classe (Figure
3.23). Ce pourcentage est défini comme le rapport du nombre de grilles conduisant à 1 ou 3
composants sur le nombre total de grilles. On remarque qu’un rapport espacement/rayon plus
élevé permet de réduire sensiblement l’erreur sur la détermination du nombre de composants.
En effet, un rayon plus petit traduit une analyse locale de la microstructure et un espacement
plus grand permet de couvrir une surface plus représentative, tout en évitant les interférences
entre les points de mesure. A partir de ces données, un espacement au moins égal à 10 fois la
profondeur d’indentation a été choisi pour les essais. Ceci assure un espacement au moins
supérieur à 3 fois la taille de la zone investiguée [47]. En outre, la profondeur d’indentation
ainsi que la force appliquée ont été limitées à des valeurs aussi faibles que possible, en fonction
de la qualité du polissage atteinte. L’ensemble de la procédure est résumé dans la Figure 3.24.
118
Figure 3.24 : Organigramme de la procédure de micro-indentation
3.4.2.2 Résultats
D’après les résultats de l’anlyse MEB/EDX, l’hypothèse de ne considérer que deux phases dans
le matériau a été retenue, à savoir la matrice géopolymère et les grains de quartz, en négligeant
les grains de métakaolin partiellement dissouts qui ne représentent qu’une faible fraction (< 1
%). La micro-indentation réalisée sur le géopolymère au métakaolin (MK) a permis de confirmer
les effets des paramètres d’indentation.
La Figure 3.25 montre les résultats de déconvolution des modules d’indentation mesurés. On
y observe trois phases, dont l’une est un « composite » provenant des points à l’interface entre
les deux phases réelles. La fraction occupée par cette phase fictive est affectée par les
paramètres de l’essai et peut être réduite par la diminution de la profondeur d’indentation
appliquée (Figure 3.26).
119
Figure 3.25 : Résultats de déconvolution des modules d'indentation à différentes profondeurs (MK)
50
Phase intermédiaire (%)
40
30
20
10
0
0 1 2 3
Profondeur de pénétration (µm)
L’application de la même méthodologie sur l’échantillon CV est moins directe et nécessite une
étape supplémentaire pour l’identification de la phase intermédiaire. Ceci est probablement lié
à la présence de 3 phases dans l’échantillon, qui se reflète dans la déconvolution à travers
l’apparition de 4 phases (Figure 3.27). A la différence du métakaolin, il est plus difficile de
déterminer la phase intermédiaire dans cette configuration [41]. La procédure suivie a donc été
la suivante. La déconvolution est réalisée avec 3 composants (ce qui induit un AIC plus élevé)
120
et la phase disparue du modèle optimal (à 4 phases) est considérée comme la phase fictive.
L’évolution de la fraction représentée par cette phase est similaire au MK (Figure 3.28). Il est
intéressant de remarquer qu’avec une profondeur de pénétration de 0,2 µm, la déconvolution
fournit 3 phases, dont les propriétés se rapprochent de celles mesurées ponctuellement à l’aide
du microscope optique. Ces mesures ponctuelles ont également permis de définir 3 phases,
confirmant ainsi le lien avec la répartition chimique dans le matériau (Figure 3.29).
Figure 3.27 : Résultats de déconvolution des modules d'indentation à différentes profondeurs (CV)
40
Phase intermédiaire (%)
30
20
10
0
0 1 2 3
Profondeur de pénétration (µm)
121
Matrice géopolymère Quartz
E = 13 GPa E = 43 GPa
Figure 3.29 : Exemples (microscope optique) des différentes phases présentes dans l'échantillon CV (graduations en
µm)
Une des limitations de la micro-indentation est l’écart présent entre les fractions surfaciques
mesurées et celles données par l’analyse MEB/EDX. Cette limitation est principalement due à
l’aspect « régional » de la mesure, qui est inévitablement affectée par les phases environnantes
[37]. Ceci cause, comme nous l’avons observé, l’apparition de phases fictives ainsi qu’un écart
type assez élevé pour les propriétés élastiques des phases les plus rigides. Une solution à ce
problème peut être la réduction de la zone investiguée en diminuant la profondeur
d’indentation. Cependant, ceci n’est possible que tant que cette profondeur reste supérieure à
la rugosité de la surface [50]. D’où l’autre limitation qui concerne ces types de matériaux : le
polissage. Une optimisation de la procédure de préparation des échantillons est nécessaire
pour avoir des informations plus localisées sur les phases [59].
- Le coefficient de Poisson pour les phases solides est pris égal à 0,2 quelle que soit la
phase. En effet, la valeur du coefficient de Poisson dans la gamme usuelle pour ces
matériaux (0,2-0,3) n’a pas d’effet sensible sur les résultats d’homogénéisation du
module d’Young [60].
122
- Cette même valeur a été utilisée pour l’estimation du module d’Young à partir du
module d’indentation, suivant l’équation : 𝐸 = 𝐸𝑖 ×(1 − 𝜈 2 ). La valeur de la correction
est toutefois très faible (multiplication par 0,96), d’où la confusion fréquente entre les
deux modules.
- Les pores sont considérés remplis d’air, et un module d’Young égal à 0,0001 GPa leur
est associé.
- Les valeurs des modules de chaque phase ont été définies à partir des moyennes
d’essais ponctuels de micro-indentation réalisés à hmax = 0,2 µm pour chaque phase et
corrigées par l’équation ci-dessus. Leurs fractions volumiques sont celles définies par
MEB/EDX (pour les phases solides) et par micro-tomographie (pour les macropores).
Toutes les données d’entrée sont rappelées dans le Tableau 3.6.
A partir de ces hypothèses, deux scénarios sont envisageables : 1) l’intégration des pores dans
la matrice géopolymère avant les inclusions ou 2) l’intégration des pores à la phase solide
(matrice + inclusions). En fonction des résultats de l’observation par MEB et micro-
tomographie, les macropores dans MK semblent principalement dus à l’air occlus donc les
scénarios 1 et 2 sont envisagés. Pour CV, la micro-tomographie a montré (Figure 3.22) que les
pores se retrouvent dans la matrice ainsi que dans les particules de cendres volantes : le
scénario 2 est donc plus approprié à ce cas.
MK CV
E (GPa) % E (GPa) %
Matrice GP 11,5 (±1,1) 84,1 17,9 (±2) 83,2
Phase solide Quartz 68,2 (±5) 7,4 68,5 (±5,1) 8,6
Particules - - 94,1 (±6,3) 1,3
Macropores 0,0001 8,5 0,0001 6,9
Les modules homogénéisés ont été calculés suivant la procédure détaillée ci-dessus, en
utilisant les modèles de Mori-Tanaka et celui du schéma des distributions diluées (Tableau 3.7).
L’ordre d’introduction des phases pour MK a peu d’effet sur le résultat final de
l’homogénéisation. En général, les deux modèles donnent des résultats assez proches, et qui
restent supérieurs à la valeur du module mesuré à partir des fréquences de résonance. L’écart
est plus prononcé pour CV et reflète la difficulté d’appliquer ces modèles sur une
microstructure aussi hétérogène. Il peut s’expliquer par la grande dispersion dans l’estimation
des différentes données d’entrée à l’image de l’écart type pour les modules d’indentation. Une
solution serait d’agrandir encore plus la surface analysée et le nombre de points d’indentation,
tout en diminuant la profondeur. Une meilleure estimation de la porosité pourrait aussi aider
à l’obtention de résultats plus proches de la réalité.
123
Tableau 3.7 : Résultats de l'homogénéisation
MK CV
Mori- Schéma Mori- Schéma
Tanaka Dilué Tanaka Dilué
Scénario Matrice + pores 9,6 9,4 - -
1 Matrice poreuse + quartz 10,7 10,5 - -
Matrice + quartz 12,9 12,8 19,5 19,5
Scénario
Matrice + quartz + particules - - 19,9 19,8
2
Phase solide + pores 10,9 10,6 17,3 17,1
Module d’Young mesuré (1) 9,1 16,7
(1) Méthode dynamique, à l’aide du Grindosonic
Rapport
Phase Forme Interpénétration Orientation Cohésion
de forme
Quartz Prismes 0,5 : 0,3 Aucune Aléatoire 3D
Particules CV Sphères 1 - Parfaite
Oui
Pores Sphères 1 -
124
spécification de données de cohésion entre les phases [61]–[64]. Une meilleure définition de la
microstructure et une étude sur la taille du VER peut permettre d’améliorer les résultats.
Afin de définir les paramètres à améliorer au cours des expériences futures, une étude de
sensibilité a été effectuée. Les valeurs d’entrées du module de la pâte et du quartz ainsi que la
porosité ont varié et les modèles de Mori-Tanaka (MT) et du schéma dilué (SD) ont été
appliqués. Les fractions volumiques des différentes phases solides sont supposées connues
avec une précision suffisante. Ensuite, une régression linéaire est effectuée afin de comparer
les influences de chacun de ces paramètres, représentées par les pentes des régressions. Dix
valeurs générées aléatoirement autour de celle présentée dans le Tableau 3.6 ont été utilisées
pour chaque facteur. Les pentes des régressions pour chaque modèle et paramètre sont
présentées dans le Tableau 3.9. On peut remarquer une grande influence du module de la
matrice sur le résultat final, pour les deux modèles. Ceci reflète la nécessité de porter une
grande attention à l’évaluation du module de la matrice par indentation. Le pourcentage de
porosité est aussi important à connaître avec une bonne précision. Il est alors nécessaire de
définir, en fonction des paramètres de l’indentation, le seuil de taille des pores à considérer, et
ensuite la méthode la plus adéquate pour l’évaluer.
125
Tableau 3.9 : Pentes de régression linéaire par rapport aux différents paramètres
MK CV
S1 MT S1 SD S2 MT S2 SD MT SD
Module Matrice
0,90 0,88 0,90 0,89 0,90 0,89
(GPa/GPa)
Module Quartz
0,00 0,00 0,01 0,01 0,01 0,01
(GPa/GPa)
SD : Schéma dilué
MT : Mori Tanaka
3.5 BILAN
Dans ce chapitre, une méthodologie pour la caractérisation micromécanique des
géopolymères a été développée. La micro-indentation a été utilisée pour mesurer le module
élastique des différentes phases présentes dans le matériau. Les résultats obtenus ont montré
la sensibilité de cette technique aux différents paramètres de l’essai. Une analyse des différents
effets a été présentée, avec la mise en place d’un traitement statistique des données pour une
meilleure fiabilité. Les phases observées par indentation ont été confirmées par observation
microscopique et analyse EDX. Dans les deux géopolymères étudiés, on note la présence de
particules non réactives (quartz, particules de cendres) qui remplissent le rôle d’inclusions dans
le comportement global.
126
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explosives using the recursive cell method,” Int. J. Solids Struct., vol. 41, no. 2, pp. 481–509, 2004.
[62] T. Kanit, F. N’Guyen, S. Forest, D. Jeulin, M. Reed, and S. Singleton, “Apparent and effective
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2006.
[63] D. Bednarowski, Ł. Malinowski, P. Laskoś, and G. Kmita, “Modeling of short fibers composites
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Composite Materials (FPCM10), 2010.
[64] M.-C. Miron, H. Katzinger, S. Neudorfer, E. Pitz, and Z. Major, “Mechanical testing and numerical
predictions of the behavior of braided carbon fiber components,” Procedia Struct. Integr., vol. 2,
pp. 3593–3600, 2016.
130
4 SENSIBILITE AU SECHAGE ET A LA
LIXIVIATION
Plusieurs études ont ainsi été réalisées pour évaluer la performance des géopolymères face aux
phénomènes à l’origine de la dégradation des matériaux cimentaires : corrosion des aciers,
réaction alcali-granulat, attaques sulfatiques, carbonatation, gel-dégel, feu, attaques acides,
séchage, etc. Cependant, du fait des différences microstructurales entre les matériaux
cimentaires et alcali-activés (chapitre 3), les mécanismes de dégradation et les réactions
chimiques ne sont pas similaires. Nous allons présenter succinctement un état de l’art sur la
durabilité des géopolymères et AAM, en se focalisant sur les aspects relatifs à l’emploi de ces
matériaux dans les ouvrages souterrains, avant de détailler les études réalisées sur le séchage
et les attaques acides. L’accent est mis sur ces deux phénomènes au vu des conditions
présentes dans les sols pollués (souvent acides) et les mouvements d’eau (saturation/séchage)
qui peuvent affecter certaines parties des ouvrages.
131
qui associent souvent plusieurs sollicitations physico-chimiques, et les exigences relatives aux
paramètres de formulation. Les agents pris en compte sont la corrosion par carbonatation, par
chlorures et chlorures marins, le gel-dégel et les environnements chimiques agressifs
(lixiviation, milieux acides, etc.). Enfin, il y a les sources de dégradation endogène : la réaction
sulfatique interne (RSI) et la réaction alcali-granulat (RAG). Parmi ces différents facteurs ont été
retenus dans cette synthèse bibliographique ceux relatifs à notre application et aux matériaux
étudiés, à savoir : le retrait de séchage, la carbonatation, le gel-dégel, la lixiviation en milieu
acide et la RAG.
4.1.1 Retrait
Le matériau durci est principalement sujet à deux types de retrait : le retrait d’auto-
dessiccation/endogène (dû à la poursuite de la réaction d’hydratation donc au retrait chimique)
et le retrait de dessiccation. Dans les deux cas, la contraction du matériau est due à la
diminution de l’humidité relative dans le matériau. L’une de ses conséquences est l’apparition
de ménisques et donc de dépressions capillaires dans les pores. Dans une éprouvette exposée
au séchage, les deux composantes du retrait coexistent et causent une déformation qui, en cas
d’empêchement, peut conduire à des fissurations réduisant ainsi la durée de vie de la structure
en la rendant plus vulnérable aux différentes attaques externes [3]. L’évaluation de ces deux
composantes du retrait du béton durci est généralement réalisée en mesurant le retrait en
conditions endogènes (typiquement en recouvrant l’éprouvette pour empêcher l’échange
d’humidité) et en conditions de dessiccation (éprouvette exposée à l’air ambiant). Si l’on
néglige le couplage entre l’hydratation et le séchage, la différence entre ces deux déformations
permet ainsi de déduire le retrait de dessiccation. Pour une formulation ordinaire, le retrait
endogène est relativement faible car le rapport eau/ciment assez élevé donc l’eau excédentaire
par rapport à l’hydratation complète du ciment compense partiellement les effets de l’auto-
132
dessiccation. Ce type de retrait est donc plus pertinent à étudier pour les bétons à hautes
performances (BHP) où l’eau du mélange est en défaut par rapport à l’hydratation du ciment
[4]. En ce qui concerne les coulis, de rapports E/C généralement élevés, il convient donc de se
focaliser sur le retrait de dessiccation.
Figure 4.1 : Schéma de la relation entre le rayon de courbure du ménisque et la pression ([5] d'après [6])
Le premier mécanisme qui cause le retrait de dessiccation est celui de la pression capillaire. Le
séchage fait baisser l’humidité relative, ce qui induit une baisse de pression dans la phase
liquide. Se forme ainsi un ménisque à l’interface avec les phases gazeuses où naissent des
tensions superficielles qui appliquent une contrainte sur le squelette solide. Ce phénomène est
p 2γVM
décrit par l’équation de Kelvin (dans le cas simple d’un pore cylindrique) : ln (p ) = rRT
avec
0
p la pression de vapeur, p0 la pression de vapeur pour une surface plane (pression de vapeur
saturante), γ la tension superficielle, VM le volume molaire, r le rayon de courbure du ménisque,
R la constante des gaz parfaits et T la température. La force générée par l’eau au niveau du
ménisque est de 2γ/r, et elle est équilibrée par des contraintes de compression dans la surface
solide causant une diminution du volume. Le diamètre du ménisque ne pouvant être inférieur
au diamètre du pore d (Figure 4.1), l’eau est évacuée à la pression correspondant à r=d/2 [5].
Ainsi, les pores se vident en ordre décroissant de taille et la pression capillaire n’est plus
considérée comme un mécanisme conduisant au retrait dès que l’humidité relative est
inférieure à 50% [7].
Ce phénomène peut être associé à la pression de disjonction : l’épaisseur de la couche d’eau
adsorbée dépend de l’humidité relative locale à une température donnée. Lorsque deux
133
surfaces sont trop proches, leurs couches adsorbées respectives ne peuvent pas atteindre leur
épaisseur dictée par l’humidité environnante [8]. Celles-ci génèrent ainsi des pressions de
disjonction (gonflement), dues à l’apparition d’une zone d’adsorption empêchée, qui auront
tendance à éloigner les deux surfaces et ainsi gonfler le matériau (Figure 4.2). Ainsi, en cas de
séchage, l’épaisseur de la couche adsorbée baisse et les particules se retrouvent plus proches,
ce qui conduit à un retrait dans le matériau [9].
Enfin, la variation de l’énergie de surface libre concerne les particules de gel C-S-H. Etant
donnée l’asymétrie des forces d’attraction exercées sur une molécule à l’interface entre la
particule et la couche d’eau adsorbée, des contraintes de compression naissent sur le solide.
Ces contraintes diminuent avec l’augmentation de l’épaisseur de la couche (et donc de
l’humidité) et augmentent de même lors du séchage. Cette tension cause une diminution du
volume de la particule, ce qui est non négligeable dans le cas des C-S-H qui se caractérisent
par une surface spécifique importante. Le résultat du séchage sur le matériau à l’échelle
macroscopique est donc un retrait volumique [11].
A cette complexité des mécanismes de retrait de dessiccation viennent se rajouter les différents
mécanismes qui régissent le séchage lui-même. De plus, ces mécanismes sont couplés et
dépendent de la distribution des pores qui évolue avec le temps au fur et à mesure de
l’hydratation du ciment. Ces mécanismes incluent la diffusion, l’adsorption-désorption, la
perméation et la condensation-évaporation (Figure 4.3) [12].
Figure 4.3 : Schéma des mécanismes de transport de l'eau dans la pâte cimentaire (d'après Benboudjema [12])
134
Le retrait de dessiccation peut ainsi être affecté par plusieurs facteurs : ceux liés au séchage
(humidité, température, vent) et ceux liés aux différents mécanismes exposés. Au niveau de la
pâte cimentaire, le retrait de dessiccation dépend du rapport E/C, car celui-ci détermine le taux
de séchage ainsi que la quantité d’eau évaporable [13]. La présence de granulats conditionne
le retrait du mortier ou du béton et dépend du volume de pâte ainsi que de la nature des
granulats utilisés [14], [15]. Ainsi, en connaissant le retrait de la pâte, la fraction volumique de
granulats et leur module d’Young, une estimation du retrait du béton peut être effectuée [16].
La taille de la structure en béton affecte relativement peu l’amplitude finale du retrait, mais
modifie la cinétique de celui-ci [17]. Par contre, la nature du ciment Portland semble avoir peu
d’effet sur le retrait de dessiccation [3], même si la teneur en gypse semble réduire le retrait
jusqu’à un certain degré [18] là où la teneur en alumine accélère la cinétique [19]. L’utilisation
de substitutions (cendres volantes, laitier, fumée de silice) contribue à l’augmentation du retrait
jusqu’à 60% dans le cas de taux élevés de substitution au laitier [20]. En effet, ces matériaux
influencent à la fois le retrait chimique intrinsèque du liant et les propriétés du réseau poreux.
L’étude du retrait sur le béton au laitier alcali-activé, réalisée par Douglas et al., met en évidence
un retrait bien plus important que pour les bétons ordinaires ou ceux incluant du laitier en
substitution du ciment [21]. Ils ont également montré que l’augmentation du retrait de
dessiccation est liée au rapport silicate de sodium/laitier, tout en n’ayant qu’un faible impact
sur le retrait endogène. Collins et Sanjayan ont également trouvé des amplitudes de retrait
plus importantes pour le laitier activé par différents types d’activateurs. Ils indiquent cependant
qu’un fluage accru, une meilleure résistance à la flexion et un module élastique plus faible
pourraient réduire le risque de fissuration dans le cas de retrait empêché [22]. Ils suggèrent
l’utilisation de granulats à base de laitier pour atténuer le retrait, mais il s’en suit une perte
d’ouvrabilité du béton [23]. Ils attribuent le gain en retrait (ainsi qu’en résistance à la
compression) à la cure interne générée par ces granulats dans le matériau. Dans une autre
étude, ils ont identifié la distribution des tailles de pores comme une cause probable du retrait
supérieur du laitier alcali-activé. Celui-ci contient en effet plus de mésopores (2 nm – 50 nm)
ce qui induit des dépressions capillaires plus importantes durant le séchage, malgré une perte
de masse inférieure au ciment Portland hydraté [24].
Il existe plusieurs paramètres qui peuvent être exploités pour réduire le retrait dans le laitier
alcali-activé. Le premier, proposé par Bakharev et al. consiste en l’utilisation d’entraineurs d’air,
superplastifiants et réducteurs de retrait [25]. L’addition de ciment Portland [26], de gypse [27]
ou d’oxyde de magnésium réactif (MgO) [28] peuvent permettre de réduire le retrait.
L’utilisation de MgO, étudiée par Jin et al., doit cependant se faire à un taux inférieur à 5% et
des précautions sont à prendre par rapport à la teneur initiale en MgO du laitier afin d’éviter
la création de fissures. Pour le choix de l’activateur, Atis et al. concluent que l’activation au
carbonate de sodium produisait le retrait le plus faible, comparée à l’utilisation de l’hydroxyde
135
ou du silicate de sodium [29]. Aydin et Baradan ont identifié qu’un rapport SiO2/Na2O de la
solution d’activation plus élevé causait une augmentation du retrait de mortiers au laitier alcali-
activé [30].
Figure 4.4 : Retrait de géopolymères aux cendres volantes : cures thermique et ambiante (Wallah et Rangan [31])
Pour les géopolymères aux cendres volantes et au métakaolin, il n’y a pas encore suffisamment
d’études qui traitent du retrait et des facteurs qui l’engendrent. Wallah et Rangan ont comparé
le retrait dans des géopolymères aux cendres volantes selon leur mode de cure (thermique ou
ambiante). Les éprouvettes qui ont subi une cure thermique à 60°C pendant 24 h ont un retrait
bien plus faible que celles conservées à température ambiante. La valeur finale était même plus
de 10 fois inférieure (Figure 4.4) [31]. Ceci peut s’expliquer par le départ par évaporation d’une
grande partie de l’eau produite lors de la géopolymérisation pendant la cure thermique [32].
L’eau résiduelle après la cure thermique étant confinée en plus faible quantité dans les
micropores, le retrait mesuré est plus faible. Ceci n’est pas le cas des éprouvettes conservées à
température ambiante où l’eau conservée dans les pores est évacuée lors de l’exposition du
matériau aux conditions de séchage. D’ailleurs, cette évacuation a lieu très rapidement (dans
les deux/trois premiers jours) et conduit à une augmentation rapide du retrait, dans les
géopolymères ainsi que le laitier alcali-activé [31], [33].
Pour le métakaolin, même si le retrait a été noté comme une problématique à résoudre ([34],
[35]), une seule étude est disponible dans la littérature. Elle comporte des données sur l’effet
de la formulation sur le retrait. Kuenzel et al. [36] y définissent une teneur en eau « structurale »,
dont le départ cause le début du retrait (Figure 4.5). Cette teneur en eau minimale varie en
fonction des paramètres de la formulation, et son augmentation conduit à un retrait plus
prononcé. Un rapport Si/Al plus élevé se traduit par un retrait plus grand qu’ils interprètent par
une quantité plus importante d’eau mobilisée dans le gel ou alors l’augmentation du
pourcentage de pores capillaires. La teneur en alcalin est également liée à l’augmentation de
la teneur en eau « structurale » car les cations sont associés à de l’eau dans la structure du
matériau. Le remplacement du sodium par du potassium a permis de réduire cette quantité et
le retrait lié.
136
Figure 4.5 : Retrait en fonction du rapport molaire eau/aluminium restant dans l'éprouvette (Kuenzel et al. [36])
4.1.2.1 Carbonatation
Dans les matériaux à base de ciment Portland, la carbonatation est définie comme la réaction
du dioxyde de carbone atmosphérique avec le calcium dissous dans la solution interstitielle
puis celui provenant des hydrates de la matrice cimentaire pour former du carbonate de
calcium solide. Ce phénomène commence à l’interface avec l’air puis se propage au fur et à
mesure de la diffusion du CO2 dans la structure. Ceci cause une acidification de la solution
interstitielle qui, si le pH devient inférieur à 9, conduit à une dépassivation de l’acier dans un
béton armé. Le CO2 peut également réagir avec les autres cations alcalins minoritairement
présents dans la solution pour former des carbonates. En cas de séchage, la diffusion de cette
solution vers la surface du matériau puis l’évaporation de l’eau cause l’apparition de taches
blanches de précipités. Ce sous-phénomène, l’efflorescence, est nuisible à l’aspect esthétique
du parement. La carbonatation est le plus souvent étudiée par des essais accélérés qui
consistent à augmenter la concentration du dioxyde de carbone et suivre le front de
carbonatation par phénolphtaléine.
Dans les géopolymères et les AAM, l’addition d’une grande proportion d’alcalins (sodium ou
potassium) les rend sensibles à la carbonatation. Ces alcalins, étant relativement libres et très
présents dans la solution, réagissent avec le dioxyde de carbone dissous pour former des
carbonates alcalins (Me2CO3, avec Me le cation) [37], [38]. Dans le cas de systèmes riches en
calcium, une décalcification de la matrice est possible, formant ainsi des carbonates de calcium
de la même manière que dans le ciment Portland [39]. Cependant, pour cette famille de
matériaux, la présence d’alcalins remet en cause la méthode d’accélération de la carbonatation.
En effet, l’exposition à une concentration élevée en CO2 cause la formation de bicarbonates. La
différence est conséquente car les carbonates (formés dans une atmosphère naturelle) ne font
pas baisser pas le pH en-dessous de 10 (comme le cas du carbonate de calcium dans le ciment)
137
et ne constituent donc pas un risque de dépassivation. D’autre part, les bicarbonates
correspondent à un pH bien plus bas [37], [38], [40]. Une autre grande différence entre les
matériaux cimentaires d’un côté et les géopolymères et AAM de l’autre, est la solubilité des
carbonates formés. Le CaCO3 aura en effet une plus grande tendance à précipiter de par sa très
faible solubilité, tandis que le Na2CO3, par exemple, est très soluble (300 g/l) [41].
4.1.2.2 Gel-dégel
Dans un sol, le matériau peut se trouver continuellement ou ponctuellement saturé en eau. Sa
dilatation due au gel peut endommager la matrice si elle dépasse sa résistance en traction. Ce
problème engendre un écaillage voire une fissuration des bétons, notamment dans la zone
superficielle des sols exposée aux températures les plus basses. Dans les géopolymères et AAM,
les mécanismes de dégradation sont similaires au ciment Portland. Ceci est dû à la nature
physico-chimique des phénomènes impliqués dans le gel/dégel qui est susceptible d’affecter
tout matériau poreux. Les caractéristiques du réseau poreux, la résistance à la traction de la
matrice et le degré de saturation sont des paramètres bien plus influents que la composition
chimique du matériau. La chimie peut cependant intervenir en ce qui concerne la solution
interstitielle. En effet, la nature de la solution interstitielle affecte sa température de gel et les
pressions atteintes. Ainsi, les études sur les géopolymères et AAM, qui restent insuffisantes,
montrent que leur résistance au gel/dégel et notamment à la fissuration interne est supérieure
ou égale à celle des matériaux cimentaires classiques [42]. Des examens des bâtiments
construits en Russie et Ukraine n’ont montré aucun endommagement qui serait dû au gel. Les
essais en laboratoire de leur part ne signalent aucune spécificité du mécanisme de dégradation.
Les mêmes paramètres sont alors à considérer que pour le ciment, à savoir : la résistance de la
matrice [43]–[45] et le développement d’un réseau de bulles d’air homogène au sein du
matériau [21], [42].
138
(Figure 4.6). Ce processus aboutit à la formation de sels calciques dans la solution et de résidus
décalcifiés des produits de l’hydratation du ciment [49]. La détermination de l’épaisseur
affectée peut se faire par phénolphtaléine (comme pour le front de carbonatation) et peut
également être estimée par un calcul qui se base sur la teneur en calcium de l’échantillon et la
quantité d’ions lixiviés [46].
Figure 4.6 : Epaisseur dégradée dans un béton et sens des échanges ioniques (d'après [48])
Les essais comparatifs réalisés par Shi et Stegemann [50], Shi [51], Bakharev et al. [52], Bernal
et al. [53] et Allahverdi et Skvara [54], [55] montrent tous que le laitier alcali-activé résiste mieux
aux milieux acides que le ciment Portland hydraté. En effet, les chutes de résistance mécanique
associées à la dégradation ainsi que les épaisseurs dégradées étaient inférieures. Le
comportement était identique pour plusieurs types d’acides minéraux (nitrique, chlorhydrique,
sulfurique). Dans certains cas, une augmentation de la résistance peut même être observée.
Elle est attribuée à la maturation qui a lieu au cœur des éprouvettes [53]. Cependant, pour
l’acide acétique, qui est un acide organique, la dégradation est bien plus prononcée pour les
deux types de matériaux, tout en gardant une meilleure résistance pour le laitier alcali-activé.
Les effets de l’acide acétique sont expliqués par la solubilité plus élevée de l’acétate de calcium,
sel résultant de l’attaque. Bernal et al. soulignent aussi que les solutions d’acide acétique ont
une tension superficielle plus faible que l’eau déminéralisée ou les autres acides minéraux [53].
Le mouillage de la structure par cet acide est ainsi plus élevé et conduit à une pénétration plus
importante dans le réseau poreux.
139
Allahverdi et Skvara proposent ainsi les étapes suivantes pour l’attaque de l’acide (nitrique) sur
les matériaux alcali-activés [54]:
1) Lixiviation du calcium et sodium : les cations de sodium, présents pour l’équilibre des
charges, sont remplacés par les H+ de la solution qui attaquent en même temps les
liaisons Si-O-Al et en éjectent l’aluminium (IV).
2) Les sites libres sont occupés par de la silice, conduisant à un gel majoritairement
siliceux. Les ions d’aluminium s’accumulent dans l’espace du réseau.
Ces études et d’autres ([58]–[60]) ont toutes montré que les géopolymères aux cendres
volantes sont généralement plus résistants que les ciments ordinaires. Cependant, toutes ces
études ont utilisé comme indicateur le paramètre de perte de masse qui n’est peut-être pas le
plus pertinent dans ce cas. En effet, comme le soulignent Lloyd et al., pendant l’attaque acide,
il y a précipitation au sein du réseau des éléments dissous qui cause une certaine stabilité de
la masse malgré la dégradation du matériau [61]. Ils proposent ainsi d’opter pour l’étude de la
profondeur dégradée qui reflète mieux l’avancement des effets de l’attaque acide sur
l’éprouvette. Selon ce critère le géopolymère aux cendres volantes est moins résistant que le
ciment Portland et le laitier alcali-activé. Ces résultats, contradictoires avec ceux de Shi et
Stegemann cités plus tôt [50], sont expliqués par l’utilisation d’éprouvettes de pâtes de liant
plutôt que de bétons. L’absence d’une auréole de transition dans les matériaux alcali-activés
donne un avantage à ceux-ci lors de la diffusion de l’acide, alors qu’elle constitue un chemin
préférentiel dans les bétons au ciment Portland.
140
En ce qui concerne les géopolymères au métakaolin, les études montrent une meilleure
résistance de ceux-ci à l’acide par rapport au ciment Portland. La première étude effectuée par
Palomo et al. en 1999 montre une augmentation de la résistance à la flexion après immersion
dans de l’acide sulfurique à pH 3 pendant 9 mois [62]. Ils ont également observé la formation
de zéolites de types faujasite dans la solution acide. Burciaga-Diaz et al. ont étudié l’effet d’une
solution concentrée à 0,5 mol/l d’acide chlorhydrique (pH de départ 0,8) et à une température
de 60°C [63]. Malgré cet environnement très agressif, les éprouvettes étudiées n’ont perdu que
2% et 33% de leur résistance à la compression après 10 jours, avec des Si/Al de 1,3 et 1,5
respectivement. Gao et al. ont montré que l’attaque acide d’un géopolymère au métakaolin et
au potassium s’accompagne de la libération d’une grande quantité d’ions potassium dans la
solution (15-20 % du contenu initial) après 28 jours d’immersion dans une solution de HCl à
0,01 mol/l [64]. La plus grande partie de ce lixiviat est libérée dès les premiers jours de
l’immersion, accompagnée d’une montée rapide en pH (de 2 à 12).
Dans les matrices cimentaires, les réactions alcali-granulat (RAG) ont lieu suite à l’interaction
entre les ions hydroxyles dans la solution poreuse et la silice réactive dans le granulat. Les
produits de ces réactions sont des gels expansifs qui créent des contraintes et, par la suite, des
fissures dans le matériau [65], [66]. Dans les géopolymères et matériaux alcali-activés,
l’évaluation de ce risque est importante car l’excédent d’alcalin pourrait réagir avec la silice des
granulats, rompant ainsi les liaisons siloxane. Cependant, les résultats divergent largement
autour de la performance de ces matériaux par rapport à ce phénomène. Comme on peut le
voir à travers une revue de la bibliographie réalisée par Cyr et Pouhet [67], les expansions dues
à la RAG dans le cas du laitier activé peuvent être : faibles [68]–[71], non négligeables [72], [73]
ou plus grandes que le ciment [72], [74]. Ces résultats variables sont dus à une grande disparité
dans les normes utilisées pour les essais, ainsi que dans les formulations et les matériaux
utilisés. Concernant les géopolymères, une bonne résistance à la RAG a été rapportée par
Davidovits [75], et confirmée par les essais de Li et al. [76] et Cyr et Pouhet [67] sur le
métakaolin, et de Fernandez-Jiménez [77] et Garcia-Lodeiro [78] sur les cendres volantes. Pour
le métakaolin, le gel qui se forme ne cause aucune expansion dangereuse, alors que pour les
cendres volantes une formation de zéolites et d’autres phases non expansives et restreintes
aux pores de la matrice a été rapportée.
141
4.2 PROGRAMME EXPERIMENTAL
4.2.1 Formulations
La procédure de préparation des formulations est la même que celle présentée dans le
chapitre 1. Les éprouvettes utilisées pour les essais sont prismatiques 2x2x16 cm3, préparées à
partir des coulis (Tableau 4.1) avec un volume de 47 % de sable siliceux. Elles sont conservées
dans leurs moules sous film plastique à 20 °C pendant 7 jours pour les essais de retrait et 28
jours pour les tests de lixiviation.
Pour l’essai de retrait, les éprouvettes sont équipées de plots métalliques disposés dans le
moule à chaque extrémité. Les éprouvettes sont placées sur des bâtis verticaux où la
déformation longitudinale est mesurée à l’aide de capteurs de déformation LVDT, avec une
précision de 0,001 mm. Une valeur est enregistrée chaque heure et jusqu’à stabilisation de la
déformation. La perte de masse est suivie grâce à une balance à acquisition automatique (une
valeur toutes les 5 min) sur une éprouvette similaire et rapportée ensuite à la quantité d’eau
initiale présente dans le mélange.
142
Figure 4.7 : Dispositif de mesure de la perte de masse et du retrait de séchage [79]
Afin de ne pas affecter les phénomènes de diffusion et garantir un gradient permanent entre
l’éprouvette et la solution, celle-ci est renouvelée régulièrement en fonction du volume d’acide
injecté. Tous les 20 ml d’acide ajouté, la cellule est vidée, nettoyée et remplie d’eau
déminéralisée. Des échantillons de la solution évacuée ainsi que de l’eau ajoutée à chaque
renouvellement sont gardés pour être analysés ultérieurement. Des mesures dimensionnelles
sont également effectuées sur les éprouvettes par la même occasion : pesée hydrostatique et
143
pesée à l’état saturé surface sèche (SSS) pour suivre les changements de masse et de volume,
mesure de longueur pour estimer les déformations longitudinales.
L’essai de lixiviation en milieu acide a été élaboré dans le cadre du développement d’une
approche performantielle de la durabilité [46]. Le mortier au ciment CEM III/C sert ici de
référence pour comparer les performances des autres matériaux, étant l’un des ciments a priori
les moins vulnérables face à l’attaque acide. Les ciments au laitier sont en effet les seuls à
pouvoir être utilisés en classe d’exposition XA3 (milieux acides très agressifs) selon la norme
FD P18-011 [83]. Cette même norme spécifie que l’utilisation dans des milieux acides dont le
pH est inférieur à 4 nécessite la mise en place d’une protection externe (enduit, revêtement)
ou interne (imprégnation), quel que soit le type de ciment utilisé. Ceci justifie le choix effectué
dans cette étude d’utiliser un pH de 3,5 qui permet ainsi d’évaluer la performance des
géopolymères dans un milieu où les liants classiques ne peuvent être déployés sans un coût
supplémentaire conséquent.
La Figure 4.9 montre l’évolution de la perte de masse, rapportée à la masse d’eau initialement
présente, déduite des compositions. Les géopolymères GMK et GMKCV40 se distinguent par
une perte d’eau très rapide qui se stabilise 4 jours seulement après l’exposition au séchage des
éprouvettes. De plus, cette évaporation concerne une très grande proportion de l’eau présente
(~ 70 %). Comme détaillé auparavant, une des spécificités des géopolymères est le rôle joué
par l’eau dans la structure. On peut donc penser que celle-ci, majoritairement libre dans les
pores, est évacuée très rapidement à cause du gradient d’humidité provoquant ainsi un
séchage très rapide du matériau. Ces résultats rejoignent les conclusions sur la facilité de
transport de l’eau à travers la microstructure des géopolymères – ce qui justifie d’ailleurs
l’intérêt que ces matériaux suscitent pour des applications comme les murs isolants/coupe-feu.
144
80%
70% GMK
GMKCV40
Dans les autres formulations, on observe un comportement similaire entre les laitiers activés et
le C3. L’allure diffère clairement de celle suivie par les géopolymères par sa cinétique ainsi que
l’absence d’un plateau de stabilisation après les 15 premiers jours de l’essai. Cette distinction
est d’importance car elle souligne, comme mentionné ci-dessus, la particularité du rôle de l’eau
dans le réseau géopolymère. La présence d’hydrates et d’eau adsorbée dans ces 3 formulations
affecte la diffusion des phases aqueuses (eau et vapeur) dans le matériau.
Cependant, cette similarité n’empêche pas que les cinétiques soient assez différentes,
principalement entre SLAG 45 et SLAG N. Le séchage du laitier activé au silicate de sodium
(SLAG 45) est plus lent que celui activé au carbonate de sodium (SLAG N). Ce résultat peut
s’expliquer par la différence dans la microstructure des deux matériaux. Selon Shi [84],
l’activation au silicate de sodium produit un matériau qui contient plus de pores fins (< 100 Å)
que l’activation au carbonate de sodium. La structure est également moins perméable, ce qui
pourrait ralentir le séchage. En plus, SLAG N avait une cinétique de réaction bien plus lente que
les autres formulations, ce qui devrait conduire à une porosité plus ouverte au moment de
l’exposition. Le séchage peut également être affecté par la carbonatation qui vient modifier la
distribution des pores. Celle-ci est plus rapide dans le laitier activé au silicate [39], et
contribuerait à un affinement de son réseau poreux.
La différence entre les géopolymères et les matériaux cimentaires apparaît encore plus
clairement sur les courbes de retrait (Figure 4.10). Alors que les retraits ultimes (au-delà de 30
jours) semblent identiques, la vitesse pour les atteindre n’est pas la même pour les deux
familles. Les deux formulations de géopolymères atteignent 75% de leurs valeurs maximales –
très proches – moins de 6 heures après l’exposition au séchage. Ceci est un paramètre à
considérer si des structures sont sujettes à un retrait empêché, qui pourrait conduire à
l’apparition de fissures à travers le matériau. Ce risque dépend également de la résistance à la
145
traction, du module d’Young et de la capacité de fluage/relaxation du matériau au moment de
l’exposition. La présence d’un plateau de stabilisation de la déformation de retrait total, atteint
moins de 5 jours après l’exposition, consolide le parti pris de négliger le retrait endogène. En
outre, cette constatation est en accord avec les conclusions du premier chapitre concernant la
déformation volumique absolue lors de la structuration. En effet, quand bien même on
supposerait la poursuite de la géopolymérisation dans le matériau, celle-ci se ferait sans
phénomène d’auto-dessiccation (liée à la contraction de Le Chatelier [2]).
Les formulations au laitier activé ont, comme pour la perte de masse, un retrait très différent.
Alors que SLAG N suit une allure qui se rapproche beaucoup de C3, avec une valeur finale
comparable, le cas de SLAG 45 est pour le moins intéressant. L’amplitude finale de son retrait
est très élevée : plus de 7500 µm/m, presque quatre fois plus que les autres formulations, pour
une même teneur en eau initiale et malgré un séchage relatif plus faible. Ce retrait se développe
également plus rapidement que le ciment ou le laitier activé au carbonate, ce qui pourrait
accentuer le risque de fissuration étant donné le module d’Young assez élevé de cette
formulation (cf. chapitre 1). Une dépression capillaire très poussée dans les pores fins du
matériau pourrait expliquer en partie l’étendue de cette déformation. La dépression étant
inversement proportionnelle au rayon des pores, son effet est d’autant plus important que le
rayon est petit. Le faible rayon des pores peut s’expliquer par la réactivité très importante du
laitier, observée dès les premières heures pour cette formulation (cf. chapitre 1). Ce phénomène
pourrait être amplifié par l’alcalinité de la solution interstitielle, qui cause une augmentation
des dépressions capillaires dans les pores [85].
8000
7000 SLAG45
6000
Retrait (µm/m)
5000
4000
3000 GMKCV40 SLAG N
2000
GMK
1000 C3
0
0 10 20 30
Age (jours)
Figure 4.10 : Retrait total en fonction du temps
Afin de mieux visualiser la relation retrait-perte de masse, ces deux grandeurs sont liées entre
elles sur la Figure 4.11. Ceci permet de distinguer les différentes phases du retrait en fonction
de l’avancement du séchage. Dans une matrice cimentaire, ici C3, une première phase est
caractérisée par l’absence de retrait global [17]. Dans la couche superficielle de l’échantillon,
146
l’eau quitte les pores du plus grand diamètre au plus petit, ce qui induit des dépressions
capillaires négligeables dans un premier temps. Ensuite, lorsque les plus petits pores sont vidés,
et que le front de séchage progresse vers l’intérieur de l’éprouvette, le retrait global se
développe [86].
8000
7000 SLAG45
6000
Retrait (µm/m)
5000
4000
3000
GMK
2000
GMKCV40 C3
1000 SLAG N
0
0% 20% 40% 60% 80%
Perte de masse (%)
Figure 4.11 : Retrait total en fonction de la masse d'eau perdue
La courbe de SLAG N présente aussi la même allure, ce qui confirme que les mécanismes en
jeu dans le retrait du laitier activé au carbonate de sodium se rapprochent de ceux qui régissent
les matériaux cimentaires et conduisent à des valeurs de retrait du même ordre de grandeur
[29]. D’autre part, le laitier activé au silicate de sodium se distingue par un retrait significatif
dès le début de la perte de masse. La porosité de SLAG 45 étant plus fine (Figure 4.12), les
dépressions capillaires sont importantes dès le début du séchage, et conduisent à un retrait
considérable. Ce retrait se poursuit à un taux constant par rapport à la perte de masse, ce qui
indique une certaine homogénéité au niveau de la microstructure.
0.35
Log differential intrusion (ml/g)
0.3 GMK
Porosité totale
0.25 28,4 %
0.2
0.15
SLAG45
Porosité totale
0.1
20,8 %
0.05
0
1 100 10000 1000000
Diamètre (nm)
Figure 4.12 : Distributions des diamètres de pores des éprouvettes GMK et SLAG45
147
En ce qui concerne les géopolymères (GMK et GMKCV40), l’allure des courbes est
complètement différente. On observe un déclenchement du retrait, dès l’exposition du
matériau, avec peu de perte de masse. Par la suite, la taille des éprouvettes reste stable malgré
la poursuite de l’évaporation de l’eau. Ces résultats sont différents de ceux de Kuenzel et al.
[36], qui présentaient une allure similaire à celle des matériaux cimentaires (Figure 4.13). Cette
distinction pourrait être due à deux facteurs. Le premier est la différence par rapport aux
formulations qu’ils ont étudiées qui contiennent moins d’eau que les coulis GMK et GMKCV40
et sont fabriquées à base de métakaolin plus fin et plus réactif. Ceci implique une viscosité plus
élevée et donc une porosité différente due à la présence d’air occlus (Figure 4.12). Une teneur
en eau plus élevée pourrait également être liée à des mécanismes de séchage et de retrait
différents. Deuxièmement, les conditions expérimentales sont différentes : une durée de cure
plus courte (2 jours au lieu de 7) qui conduit à une microstructure différente, ainsi que
l’utilisation d’éprouvettes d’essai plus petites. Dans notre cas, l’essentiel du retrait se produit
avec une perte de masse très faible. On peut donc supposer qu’il résulte de l’apparition d’une
tension en surface de l’éprouvette.
Figure 4.13 : Retrait en fonction de la perte de de masse de géopolymères au métakaolin (Kuenzel et al. [36])
148
exposée de l’éprouvette vers son centre, en suivant dans certaines zones un chemin privilégié
à travers l’interface coulis-sable. Ces fissures atteignent en moyenne une largeur de 4 µm et
sont présentes à travers toute la longueur de l’éprouvette.
L’origine de cette fissuration est probablement le retrait important subi par l’éprouvette dès
son exposition au séchage (Figure 4.10). Elle aurait pour cause le développement de contraintes
dues à l’empêchement créé par le gradient de séchage présent dans l’éprouvette. L’apparition
des fissures sur la surface de l’éprouvette conduirait alors à une accélération du mécanisme de
séchage.
149
4.4 LIXIVIATION ACIDE
Le premier paramètre suivi au cours de la lixiviation est le volume d’acide ajouté. C’est le cumul
des volumes injectés lors de chaque phase (i.e. entre deux renouvellements) relevés
quotidiennement. On en exclut la phase initiale (atteinte du pH cible) afin de ne prendre en
compte que le volume injecté pour maintenir le pH à 3,5. Cette première phase permet
d’atteindre un équilibre pendant la re-saturation de l’éprouvette après la réalisation des
mesures. Le volume injecté au pH 3,5 est une indication directe de la quantité d’ions OH-
lixiviés, dont la neutralisation se fait suivant l’équation :
𝐻𝑁𝑂3 + 𝑂𝐻 − → 𝐻2 𝑂 + 𝑁𝑂3 −
Ainsi, on peut en déduire la quantité de matière lixiviée des ions hydroxydes :
𝑛(𝑂𝐻− ) = 𝐶(𝐻𝑁𝑂3 ). 𝑉(𝐻𝑁𝑂3 ) = 0,5×𝑉(𝐻𝑁𝑂3 )
C(HNO3) = 0,5 mol/L étant la concentration de la solution d’acide nitrique utilisée dans cette
campagne.
En traçant l’évolution de la quantité d’OH- lixiviée dans le temps, on observe une différence
significative entre les géopolymères GMK et GMKCV40 et les deux autres formulations (Figure
4.17). En effet, alors que la formulation SLAG45 à base de laitier activé libère presque autant
d’OH- que la formulation C3 de référence au ciment CEM III/C, les deux géopolymères, et
notamment à 100% de métakaolin, ont une tendance plus prometteuse. Le comportement du
SLAG45 peut s’expliquer par la forte teneur en calcium du laitier en plus de la solution alcaline
utilisée pour son activation. Les géopolymères quant à eux ne contiennent que les alcalins de
la solution, à l’exception d’une faible teneur en CaO et en Na2O dans les cendres volantes.
140
C3
120
100 SLAG45
n(OH-) (mmol)
80
GMKCV40
60
40 GMK
20
0
0 20 40 60 80 100 120 140
Temps (jours)
Figure 4.17 : Quantité de matière d'OH- lixiviée par éprouvette en fonction du temps
150
changement de variable, on obtient des évolutions linéaires (R²> 0,99) (Figure 4.18). La
cinétique de la lixiviation peut alors être approchée par une équation du type :
𝑛(𝑂𝐻− ) = 𝑎√𝑡 + 𝑏
Les coefficients a et b peuvent ainsi être déterminés pour chaque formulation et sont détaillés
dans le Tableau 4.2. L’absence d’augmentation significative de pente au cours du temps sur les
courbes indique que les éprouvettes n’ont subi aucune dégradation du réseau des pores ou
propagation de fissures qui viendrait modifier sensiblement les mécanismes de diffusion vers
la solution.
140
120 C3
100
SLAG45
n(OH-) (mmol)
80
GMKCV40
60
40 GMK
20
0
0 2 4 6 8 10 12
√Temps (jours1/2)
Figure 4.18 : Quantité de matière d'OH- lixiviée par éprouvette en fonction de la racine carrée du temps
Tableau 4.2 : valeur des coefficients de lixiviation pour les différentes formulations
a (mmol/j1/2) b (mmol)
C3 12,67 -7,88
SLAG45 11,16 -4,51
GMKCV40 6,99 -1,08
GMK 4,56 1,15
Un autre indicateur souvent utilisé pour la caractérisation des attaques chimiques est celui de
la variation de masse. Les modifications qui ont lieu au niveau de la masse des éprouvettes
peuvent être liées à la dissolution ou substitution d’éléments chimiques dans la matrice, à la
perte de granulats (sable dans le cas des mortiers) ou alors, s’il y a augmentation de la masse,
à la précipitation de nouveaux composés dans le réseau du matériau suite à l’interaction avec
la solution. Les courbes de perte de masse des éprouvettes suite à la lixiviation sont présentées
dans la Figure 4.19. On observe un écart plus prononcé entre les formulations. La formulation
GMK garde une masse quasi constante au fil de l’essai, ce qui n’indique pas pour autant
151
l’absence de dégradation. Des éléments dissous pourraient en effet être re-précipités dans les
pores, comme le soulignaient Lloyd et al. [61].
La courbe de GMKCV40 est également intéressante ici car on y observe une perte de masse
plus proche de la formulation de référence (C3) que ne l’était sa courbe de lixiviation (Figure
4.17). Ceci est cohérent avec l’observation des éprouvettes de GMKCV40 qui ont subi un
décrochement de particules bien plus prononcé que les autres formulations. On voit aussi que
la perte de masse de SLAG45 n’est plus confondue avec celle de C3, indiquant une meilleure
conservation de l’intégrité de la structure. L’écart est probablement dû à la perte des grains de
sable des éprouvettes C3 (Figure 4.20).
Age (jours)
0 20 40 60 80 100 120 140
0%
-1% GMK
-2%
Perte de masse (%)
-3% GMKCV40
-4%
-5% SLAG45
-6%
-7% C3
-8%
-9%
152
Figure 4.20 : Photos des éprouvettes et sections après 4 mois de lixiviation
Le suivi du volume des éprouvettes affiche une tendance similaire à celle de la perte de masse
(Figure 4.21). Toutes les formulations subissent une diminution du volume, mais avec des
amplitudes et cinétiques assez différentes. GMK garde dans ce cas également une très bonne
stabilité volumique, avec l’absence de retrait (ou de gonflement) des éprouvettes. Comme pour
la masse, on voit que SLAG45 perd moins de volume que le C3. Ces deux observations
permettent de déduire une différence significative entre les mécanismes de dégradation des
deux matériaux. Les phases formées dans le SLAG45 paraissent plus stables dans ce type de
milieu que les phases cimentaires classiques. Ceci est en accord avec les données de la
littérature et peut s’expliquer par la teneur plus faible en Ca dans les phases hydratées et ainsi
un rapport Ca/Si inférieur aux C-S-H présents dans C3 par exemple [50], [51], [54].
Age (jours)
0 20 40 60 80 100 120 140
0%
-1% GMK
SLAG45
Changement de volume (%)
-2%
-3% GMKCV40
-4%
-5%
-6%
-7%
-8%
C3
-9%
-10%
Après les 4 mois de lixiviation, les éprouvettes ont été analysées en micro-tomographie (Figure
4.22) afin de détecter les dégradations internes (fissuration ou augmentation de porosité).
L’essai permet également, connaissant la taille de pixel (15,83 µm), de mesurer avec une bonne
précision la diminution de la section et le recul de l’interface, en comparaison avec les
éprouvettes conservées en conditions ambiantes (Figure 4.23). On peut voir que GMK a
conservé une bonne intégrité volumique, cohérente avec l’absence de perte de masse et de
déformation volumique mesurées. Les dimensions de l’éprouvette ainsi que les facettes sont
restées relativement inchangées par rapport au début de l’essai (Figure 4.20). A l’opposé, on
peut voir que l’éprouvette C3 comporte une épaisseur dégradée moyenne de 0,5 mm. Cette
dégradation graduelle semble avoir contribué au décrochement des grains de sable,
conduisant au cours du temps à une perte de masse et à une déformation volumique. Celle-ci
est retrouvée au niveau de la section à travers la perte de plus de 1 mm sur chaque facette.
153
Une tendance similaire est observée pour le laitier activé, mais de plus faible amplitude. On
peut y voir en effet une épaisseur dégradée de 0,3 mm avec des dimensions plus petites qu’au
lancement de l’essai. L’éprouvette de GMKCV40 présente également des dimensions plus
faibles (Figure 4.23), avec des facettes relativement endommagées (Figure 4.20).
C3 GMK
SLAG45 GMKCV40
25%
20%
15%
10%
5%
0%
C3 SLAG45 GMK GMKCV40
Figure 4.23 : Diminution de la section et recul d'interface pour les différentes éprouvettes lixiviées
154
Ensuite, afin d’étudier les effets sur la microstructure des mortiers, des sections ont été
analysées sous MEB/EDX. Les principaux éléments qui ont été considérés pour l’analyse sont :
Si, Al, Ca, Na et Mg, les plus représentés dans les formulations. En commençant par C3, on peut
remarquer à partir de l’image MEB une zone de densité nettement différente par rapport au
cœur de l’échantillon (
Si
épaisseur
dégradée
Al Ca
Figure 4.24). Cette zone, qui coïncide avec les observations par micro-tomographie, présente
une concentration plus faible en Si, Al et Ca. Cette perte indique que ces éléments ont diffusé
vers la solution, conduisant à une perte de densité dans cette zone. L’une des manifestations
de cette perte de densité (et ainsi l’augmentation de la porosité) est l’émergence vers la surface,
au cours de l’observation, de cristaux de calcite sur toute la zone dégradée, absents dans le
cœur de l’échantillon (Figure 4.25).
155
Si
épaisseur
dégradée
Al Ca
Figure 4.24 : Image MEB et cartographies EDX des éléments dans l’éprouvette C3 après lixiviation
Figure 4.25 : Image MEB des cristaux de calcite sur la zone dégradée
L’analyse de GMK a permis d’observer la présence de trois zones distinctes à travers les
cartographies de l’aluminium et du sodium principalement (Figure 4.26). Les cartographies
montrent en effet une petite épaisseur (0,5 mm) pauvre en aluminium et une épaisseur plus
grande (2 mm) pauvre en sodium. Ceci indique une lixiviation plus rapide des ions de sodium,
présents principalement dans la solution interstitielle alcaline, avant le départ de l’aluminium
présent dans le réseau géopolymère. Le silicium, mieux intégré grâce à des liaisons plus fortes
Si – O, reste présent à travers l’échantillon sans grande variabilité. Afin de mettre en évidence
ces trois zones, un profil de concentration de l’Al et du Na a été effectué à partir de la surface
externe de l’éprouvette (flèche sur la Figure 4.26). Les variations longitudinales des
concentrations atomiques sont représentées sur la Figure 4.27. Les courbes permettent de
retrouver les différentes zones 1, 2 et 3 mises en évidence par les cartographies. Ces zones ne
156
semblent toutefois pas souffrir de dégradation importante, suite aux résultats de l’observation
macroscopique, de l’imagerie MEB et micro-tomographie. Ceci suggère une bonne résistance
à l’environnement acide des géopolymères au métakaolin, comme le soulignent les études
disponibles dans la littérature. Cette résistance ne semble pas être affectée par la dilution
notable de notre solution d’activation.
Si
Al Na
Figure 4.26 : Image MEB et cartographies EDX des éléments dans l’éprouvette GMK après lixiviation
157
1.6 Na Al 7
1.4 6
1.2
5
1
n(Na) (%)
n(Al) (%)
0.8
2 3
1
0.6
2
0.4
3
0.2 1
0 0
0 0.5 1 1.5 2 2.5 3
Distance du bord (mm)
Figure 4.27 : Evolution de la présence de l'Al et du Na depuis le bord de l'éprouvette GMK après lixiviation
Sur les éprouvettes SLAG45, il est difficile de détecter la présence d’une quelconque variation
de la présence des éléments étudiés au niveau de la zone externe des éprouvettes (Figure 4.28)
Les images MEB mettent en évidence un endommagement des facettes qui a causé le
décrochement des grains de sable dans les deux éprouvettes. Cet endommagement n’est
cependant pas observable au niveau des cartographies des éléments. Les analyses EDX
réalisées au cœur de l’échantillon donnent en effet une répartition des éléments similaires à ce
qui est retrouvée sur la zone exposée. Ceci laisse supposer que dans ces éprouvettes, comme
c’est le cas pour C3, l’endommagement de la zone dégradée conduit rapidement à un départ
des particules de sable. Ceci pourrait être accentué par une vulnérabilité particulière de
l’interface pâte-granulats avec la présence possible d’une auréole de transition (ITZ) dans C3
et SLAG45 (voir Figure 4.14 et Figure 4.16), et à une faiblesse causée par la présence des
particules de cendres volantes, non réagies, dans GMKCV40. La Figure 4.29 confirme la moins
bonne cohésion de l’échantillon GMKCV40. L’analyse EDX semble toutefois indiquer une part
commune du mécanisme de dégradation avec les échantillons de GMK, à savoir une perte de
sodium et d’aluminium.
158
Si
Al Ca
Figure 4.28 : Image MEB et Cartographies EDX des éléments dans l’éprouvette SLAG45 après lixiviation
Si
Al Na
Figure 4.29 : Image MEB et Cartographies EDX des éléments dans l’éprouvette GMKCV40 après lixiviation
159
4.5 BILAN
Dans cette partie, le retrait de séchage et la lixiviation de quelques formulations ont été
étudiées. Les essais de retrait ont montré une amplitude relativement élevée, notamment pour
le laitier activé au silicate. L’évolution du retrait en fonction de la perte de masse a mis en
évidence un comportement original pour les géopolymères. Ceci a été expliqué par le
développement rapide de tensions de surface importantes dès l’amorçage du séchage, à cause
de la présence de porosité plus fine.
Concernant la lixiviation en milieu acide, deux mécanismes différents sont observés : i) la perte
des propriétés liantes de la pâte, causant un décrochement des granulats et un recul d’interface
et ii) le départ du sodium et aluminium sans effet notable sur la masse et le volume du matériau.
Ces résultats confirment l’intérêt des géopolymères (GMK) et du laitier activé (SLAG45), et
souligne leur potentiel à être utilisés dans un domaine d’exposition inaccessible aux matériaux
cimentaires classiques.
160
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166
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
C’est dans ce contexte que cette thèse a été initiée afin d’évaluer la validité de la
géopolymérisation et de l’activation alcaline comme bases de formulations des coulis. La
demande industrielle ne s’est pas réduite à un cahier des charges : elle a encouragé la
compréhension de la spécificité de ces matériaux. Il ne s’agissait pas de développer une
composition optimale pour une ou plusieurs applications, mais d’acquérir des connaissances
et de développer des méthodes scientifiques pour comprendre les comportements observés
et donc atteindre l’optimum désiré. Les mécanismes réactionnels, la structuration, le
comportement rhéologique et mécanique ainsi que la durabilité sont les principaux points qui
ont été abordés. Les résultats montrent que les géopolymères au sens large constituent une
alternative viable aux matériaux cimentaires, grâce notamment à leur flexibilité et leur
durabilité en milieux agressifs en plus de leur impact écologique réduit.
Deux familles de matériaux ont été étudiées : les géopolymères aluminosilicates à base de
métakaolin et le laitier activé. Pour chaque famille de matériau la substitution des précurseurs
principaux, respectivement le métakaolin et le laitier, par des cendres volantes, a fait l’objet
d’études systématiques. Il a d’abord été confirmé que l’activation alcaline du laitier ne peut
être décrite avec les mêmes mécanismes que la géopolymérisation. Les systèmes riches en
calcium subissent une évolution particulière. Les produits du laitier activé se rapprochent dans
une certaine mesure des C-S-H cimentaires et ne peuvent être assimilés aux réseaux
géopolymères classiques. La teneur plus importante en aluminium, silicium et magnésium
conduit toutefois à une microstructure hétérogène qui dépend fortement du type et du dosage
de l’activateur. D’autre part, les systèmes à faible teneur en calcium tels que le métakaolin et
les cendres volantes jouent des rôles interchangeables d’un point de vue chimique. Il en résulte
la formation d’un réseau géopolymère aluminosilicate, qui peut être décrit en fonction du
rapport Si/Al du système, quels que soient les précurseurs utilisés.
167
Ces différences dans les produits de la réaction entre le laitier activé et les géopolymères sont
le résultat de processus réactionnels dont les disparités peuvent être observés dans le
comportement au jeune âge. La structuration du laitier activé au silicate de sodium est
relativement rapide grâce à une phase de dissolution accélérée par l’alcalinité du milieu. Cette
structuration est accompagnée d’un retrait volumique similaire à celui du ciment hydraté mais
d’une amplitude beaucoup plus faible. Cette atténuation est attribuée aux produits secondaires
expansifs formés (hydrates d’aluminium et/ou de magnésium). A l’inverse, les géopolymères
conservent une bonne stabilité volumique et qui se traduit à l’état durci par l’absence de retrait
endogène. La substitution du métakaolin par les cendres volantes, quoique conduisant à des
produits similaires, affecte fortement la cinétique de la réaction.
Les effets de la substitution partielle par les cendres, notamment sur le comportement
rhéologique, ont été étudiés. Malgré leur influence négative sur la cinétique, leur utilisation
s’avère avantageuse pour l’optimisation des propriétés d’écoulement des coulis. Les particules
de cendres permettent en effet de diminuer la viscosité des coulis à base de métakaolin ou de
laitier. Ceci est accompagné d’une augmentation du ressuage et nuit à la stabilité globale du
mélange. Un taux optimal de substitution a pu néanmoins être défini à 20 %, conduisant à une
viscosité plus faible, une ressuée acceptable et une amélioration de la résistance mécanique.
Les propriétés des coulis au laitier activé peuvent également être régulées à travers la variation
du dosage de l’activateur, en fonction des performances visées (fluidité, prise, résistance). Cette
approche multi-paramètres de formulation a permis d’une part de répondre à un cahier des
charges préétabli, basé sur les spécificités des procédés d’injection et du soil-mixing, d’autre
part de mettre en évidence quelques phénomènes en jeu dans le comportement rhéologique
de cette famille de matériaux.
Afin de mieux lier la composition des géopolymères et leur comportement mécanique à l’état
durci, une méthodologie basée sur l’homogénéisation multi-échelles a été mise en place. Une
caractérisation multi techniques de la microstructure a été entreprise, complétée par une étude
des propriétés micromécaniques de deux géopolymères au métakaolin et aux cendres
volantes. Cette procédure, encore perfectible, a toutefois permis d’établir une base de travail
qui lie la microstructure au comportement macroscopique du matériau. Les méthodes
d’homogénéisation analytique, à l’aide des modèles de Mori-Tanaka ou des schémas dilués
par exemple, donnent une approximation acceptable et plus précise que le code éléments finis
utilisé dans cette étude. Ceci est attribué en partie au grand nombre de paramètres dont
dépendent les calculs (maillage, incréments, liaisons des phases, etc.). Dans les deux cas,
analytique et numérique, on trouve ensuite l’effet prononcé des données d’entrée : le module
de la matrice ainsi que la porosité semblent avoir le plus grand impact sur le résultat final
comme toute approche d’homogénéisation.
Enfin cette étude a été complétée par une première évaluation de la durabilité potentielle des
formulations retenues face à deux causes de dégradation : le séchage et la lixiviation en milieu
acide. Il en ressort que l’évaluation des risques présents pour chaque cas d’application
168
conditionne le choix de la formulation adaptée. Le géopolymère au métakaolin résiste le mieux
aux deux types de sollicitations. Le retrait qu’il subit, quoique rapide et associé à une grande
perte de masse, reste équivalent à celui d’un coulis cimentaire classique. En milieu acide à un
pH de 3,5, il garde relativement une bonne stabilité physique, malgré des modifications
chimiques à l’interface exposée. L’ajout de cendres volantes dans le système, amenant une
certaine hétérogénéité, affaiblit significativement la matrice face aux attaques chimiques sans
grand effet sur le retrait. Le laitier activé au silicate présente un comportement particulier lors
de son exposition au séchage. L’amplitude du retrait est très grande et conduit à l’apparition
de microfissurations dues à la rigidité élevée du liant. Néanmoins, après 4 mois de lixiviation
acide, une bonne performance est observée vis-à-vis des indicateurs adoptés (quantité d’OH-
lixiviée, perte de masse et de volume, dégradation microstructurale).
Globalement, les résultats obtenus permettent d’affirmer que les géopolymères ainsi que le
laitier activé constituent des options pratiques et économiquement/écologiquement valables.
Cependant, ce travail ne constitue qu’une étape sur la route vers l’application terrain de ces
matériaux. Plusieurs questions d’ordre scientifique et industriel restent à traiter suite à ces
travaux.
Perspectives scientifiques :
Dans cette thèse, la méthodologie mise en place pour l’étude multi-échelles a été appliquée
sur une gamme limitée de matériaux. L’élargissement des formulations testées en variant les
différents paramètres des compositions et avec l’inclusion du laitier activé sera une suite
logique. Ceci permettra d’affiner les paramètres de caractérisation, de mieux comprendre les
différences au niveau micromécanique et d’établir un cadre plus générique pour la démarche.
Les mêmes outils peuvent être envisagés pour faciliter le passage de l’étude de la phase liante
à la compréhension du comportement dans un sol consolidé, un mortier ou un béton.
Dans ces travaux, l’étude de la durabilité a été entamée, mais plusieurs questions se posent
encore. Les coulis géopolymères sont-ils sensibles au gel/dégel, aux cycles de
saturation/désaturation, aux sulfates ? Les méthodes de caractérisation établies pour le ciment
sont-elles applicables pour répondre à ces évaluations ? Le comportement face à ces
sollicitations est-il dépendant du type de sol ? Quels moyens permettraient d’améliorer la
résistance des formulations les moins performantes ?
169
Perspectives industrielles :
Dans l’optique d’une utilisation sur le terrain, un passage à une échelle supérieure est
inévitable. Il faudra ainsi réaliser des essais d’injection et de soil-mixing (travail entamé), et
définir les paramètres à adapter. Des tests in situ sont aussi à envisager pour vérifier
l’adaptation matériaux-matériel. Le retour de tels tests permettra d’orienter d’une façon plus
précise les travaux de recherche vers les aspects à améliorer. Il sera également nécessaire
d’associer les formulations aux différentes techniques (injection, soil-mix, ancrage, parois, etc.)
et cas d’utilisation (type du sol, saturation, température, pollution, etc.).
Des résultats d’optimisation prometteurs ont été obtenus en variant des paramètres de base
de la formulation, mais l’étendue de cette optimisation reste limitée. L’introduction d’adjuvants
sera un enjeu de taille pour renforcer la position des géopolymères parmi les choix offerts. Le
développement de superplastifiants, d’agents de viscosité et d’adjuvants anti-retrait ouvrira
aux géopolymères la porte de plusieurs applications, et réduira la dépendance à des matières
premières particulières. Dans le même sens, la compétitivité des géopolymères d’un point de
vue économique doit passer par un affranchissement des contraintes géographiques. D’autres
sources de matières premières (métakaolin, cendres, laitier et activateurs) sont à tester afin
d’établir un cadre général pour la formulation. Des critères d’évaluation en amont des
différents matériaux sont à définir, en fonction de la composition chimique et des propriétés
physiques.
170
Anass CHERKI EL IDRISSI
Géopolymérisation et activation alcaline des coulis d'injection :
structuration, micromécanique et résistance aux sollicitations
physico-chimiques
Geopolymerization and alkali-activation of injection grouts: structuration,
micromechanics and resistance to physicochemical effects
Résumé Abstract
La nécessité de construire de manière durable, The need for more durable, rational and ecological
rationnelle et écologique incite à l’innovation et la constructions encourages innovation and the search
recherche d’alternatives, telles que la géopolymérisation for alternatives, such as geopolymerization and
et l’activation alcaline, qui suscitent un intérêt croissant. alkali-activation, with a growing interest. These
Dans ce sens, ces technologies permettent de valoriser technologies allow the use of resources with a lower
des matières premières à plus faible impact environmental impact in developing a new class of
environnemental pour le développement d’une nouvelle materials. However, both reaction mechanisms are
famille de matériaux. Cependant, ces mécanismes complex and some issues need further investigation
réactionnels sont complexes et il est encore nécessaire before a proper implementation: the confusion
de lever plusieurs verrous avant leur implémentation : la between these processes, the absence of a rational
confusion entre les deux processus, l’absence design approach, the lack of knowledge concerning
d’approches de formulation rationnelles, la some mechanisms of degradation, etc.
méconnaissance de certaines vulnérabilités, etc. The present thesis joins this dynamic and aims at a
La thèse s’intègre dans cette dynamique et a pour better understanding of geopolymers and alkali-
objectif une meilleure connaissance des géopolymères activated materials to design soil injection grouts. An
et des matériaux alcali-activés. Le cadre de travail est le experimental program has been established based
développement de coulis d’injection. Un programme on selected mix designs to study their main
expérimental basé sur une sélection de compositions est properties. The differences between both
établi afin de caractériser leurs principales propriétés. structuration processes were determined through a
Les différences entre les deux processus de structuration physicochemical study (XRD, NMR). They were
sont relevées à travers une étude physico-chimique correlated to the macroscopic phenomena observed
(DRX, RMN) et liées aux évolutions macroscopiques au at early age. An optimization of the mixtures was
jeune âge. Un travail d’optimisation de formulation est carried to satisfy the application criteria and define
mené afin de répondre à des critères d’application et the parameters controlling the rheological and
définir les paramètres influençant le comportement mechanical behavior of the grouts. Using a
rhéologique et mécanique des coulis. Une méthodologie micromechanical characterization and multiscale
basée sur l’analyse micromécanique et homogenization, a methodology has been designed
l’homogénéisation multi-échelles a permis d’évaluer le to determine the elastic modulus of the materials.
module élastique des matériaux et peut servir de This can be used as a first tool to analyze the global
plateforme pour une analyse globale du comportement mechanical behavior. Finally, the sensitivity to drying
mécanique. Enfin, une étude de la durabilité est entamée and exposure to acid environments was assessed.
en évaluant la sensibilité au séchage et à la lixiviation en
milieu acide.