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Filtres plantés de roseaux : limites hydrauliques et

rétention du phosphore
Pascal Molle

To cite this version:


Pascal Molle. Filtres plantés de roseaux : limites hydrauliques et rétention du phosphore. Sciences de
l’environnement. Doctorat discipline Energétique génie des procédés, Université Montpellier II, 2003.
Français. �tel-02583262�

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ACADEMIE DE MONTPELLIER

UNIVERSITE MONTPELLIER II
SCIENCES ET TECHNIQUES DU LANGUEDOC

THESE
Pour obtenir le grade de

DOCTEUR DE L’UNIVERSITE MONTPELLIER II

Discipline : Energétique, génie des procédés


Formation Doctorale : Génie des procédés
Ecole Doctorale : Science et procédés biologiques industriels

Présentée et soutenue publiquement


Par

Pascal MOLLE
Le 10 décembre 2003

FILTRES PLANTES DE ROSEAUX : LIMITES


HYDRAULIQUES ET RETENTION DU PHOSPHORE

JURY

M. Y. COMEAU, Professeur, Ecole Polytechnique de Montréal (Canada). Président & rapporteur


M. J.C. FARDEAU, Docteur, INRA Paris. Invité
M. A. GRASMICK, Professeur, Université Montpellier II. Directeur
M. A. IWEMA, Ingénieur, Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse. Examinateur
M. A. LIENARD, Ingénieur de recherche, Cemagref de Lyon. Examinateur
M G. MERLIN, Maître de conférence, Université de Savoie Examinateur
M. J.L. VASEL, Professeur, Fondation Universitaire Luxembourgeoise, Arlon Rapporteur
(Belgique).
De nombreuses personnes ont contribué à la réalisation de ce travail, tant au niveau de
l’expérimentation, des études, que les conseils, encouragements et soutien tout au long de ces
trois années.

En premier lieu je voudrais remercier Alain Liénard et Catherine Boutin du Cemagref de


Lyon, qui m’ont confié ce travail et m’ont fait partager, depuis de longues années maintenant,
leurs expériences dans le domaine du traitement des eaux résiduaires adapté aux petites
collectivités. Inutile est de rappeler leur qualité humaine que j’apprécie tout autant.

Je tiens également à remercier le professeur Alain Grasmick, de l’université de Montpellier II,


pour avoir accepté de diriger cette étude. Ses conseils éclairés sur la conduite des recherches,
et ses critiques constructives sur la compréhension des phénomènes et l’élaboration de ce
mémoire, m’ont été d’une aide précieuse.

Ce travail est également le fruit d’une collaboration positive avec plusieurs personnes
membres du comité de pilotage. Qu’ils soient ici remerciés de leur implication dans ce projet :
Arthur Iwema de l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse, qui a de plus initié et financé
ce travail ; Gérard Merlin de l’université de Chambéry, Philippe Duchêne et Jean Marc
Choubert du Cemagref d’Antony et Jean Claude Fardeau de L’INRA de versailles. Ce dernier
m’a été d’une aide considérable dans la compréhension des phénomènes de rétention du
phosphore ainsi que dans la rédaction de ce mémoire.

Je tiens également à remercier messieurs les professeurs Yves Comeau, de l’Ecole


Polytechnique de Montréal, et Jean-luc Vasel, de la Fondation Universitaire
Luxembourgeoise, pour avoir accepté de juger ce travail en tant que rapporteurs.

Ce travail n’aurait pu être mené à bien sans l’aide de Jean Luc Beckert pour la métrologie de
terrain, de Clément Crétolier et Fabien Perret pour le suivi des pilotes phosphore, ainsi que
Sandra Berniguaud pour son aide sur l’étude de l’hydraulique des filtres plantés. Qu’ils
reçoivent ici toute ma reconnaissance pour leur apport dans ce travail.

Ma gratitude va également au laboratoire de chimie du Cemagref de Lyon pour leur aide dans
les nombreuses analyses effectuées, ainsi qu’au service documentation pour avoir su répondre
à mes nombreuses demandes.

L’occasion m’est aussi donnée de remercier le professeur Marnik Vanclooster de l’Université


Catholique de Louvain, pour m’avoir accueilli et initié à l’hydrodynamique des sols.

J’associe à ces remerciements toute l’équipe épuration du Cemagref de Lyon pour leur
sympathie et leur disponibilité qui permet de travailler dans une ambiance conviviale et
motivante.

Sans pouvoir nommer toutes les personnes ayant eu une part de responsabilité dans ce travail
par leur soutien moral et affectif, je tiens tout particulièrement à remercier Corinne, qui a su
me soutenir, et Yaëlle, pour m’avoir changé les idées en dehors des heures de travail.
Table des matières

A : Introduction générale ...............................................................................3

B : Présentation générale des systèmes filtres plantés........................ 11


B.1. Classification des filières.............................................................................................. 12
B.1.1. Filtres à écoulement vertical.................................................................................. 12
B.1.2. Filtres à écoulement horizontal.............................................................................. 13
B.2. Mécanismes et rendements attendus............................................................................. 15
B.2.1. Mécanismes épuratoires ........................................................................................ 15
B.2.2. Rôle des végétaux .................................................................................................. 16
B.2.3. Rendements attendus ............................................................................................. 16
B.3. Le filtre, un réacteur triphasique................................................................................... 18
B.3.1. La phase solide ...................................................................................................... 18
B.3.1.1. Le granulat ...................................................................................................... 18
B.3.1.2. La matière organique ...................................................................................... 21
B.3.2. La phase liquide..................................................................................................... 22
B.3.3. La phase gazeuse ................................................................................................... 22
B.4. Conclusion .................................................................................................................... 23

C : La rétention du phosphore sur matériau défini................................ 25


C.1. Etude bibliographique................................................................................................... 26
C.1.1. Formes du Phosphore dans les eaux usées et voies d’élimination de la phase
liquide............................................................................................................................... 26
C.1.2. Mécanismes de fixation à l’interface liquide-solide.............................................. 29
C.1.2.1. L'adsorption .................................................................................................... 29
C.1.2.2. Nucléation et Précipitation ............................................................................. 37
C.1.2.3. Précipitation P-Ca........................................................................................... 39
C.1.2.4. Précipitation P-Fe ........................................................................................... 41
C.1.2.5. Adsorption et précipitation ............................................................................. 41
C.1.3. Cinétiques de rétention sur des matériaux granulaires .......................................... 42
C.1.4. Rôle de l’équilibre calco-carbonique de la solution .............................................. 44
C.1.5. Matière organique et rétention du P ...................................................................... 45
C.2. Protocole expérimental ................................................................................................. 47
C.2.1. Evaluation des capacités de rétention .................................................................... 47
C.2.1.1. Tests batch ...................................................................................................... 47
C.2.1.2. Colonnes ......................................................................................................... 49
C.2.1.3. Pilote calcite ................................................................................................... 50
C.2.2. Suivis analytiques .................................................................................................. 51
C.2.3. Matériaux étudiés pour leur aptitude potentielle à retenir les phosphates............. 52
C.2.3.1. Présentation des matériaux testés ................................................................... 53
C.2.3.2. Propriétés physiques ....................................................................................... 57
C.2.3.3. Composition chimique.................................................................................... 57
C.3. Résultats et commentaires ............................................................................................ 61
C.3.1. Essais en réacteur fermé ........................................................................................ 61
C.3.1.1. Isothermes....................................................................................................... 61
C.3.1.2. Cinétiques ....................................................................................................... 65
C.3.1.3. Conclusion des expériences conduites en réacteurs fermés ........................... 69
C.3.2. Etude sur colonne .................................................................................................. 69

i
C.3.2.1. Ferrosorp......................................................................................................... 69
C.3.2.2. Béton............................................................................................................... 72
C.3.2.3. Calcite............................................................................................................. 74
C.3.2.4. Apatite ............................................................................................................ 77
C.3.2.5. Récapitulatif des expériences en colonnes ..................................................... 78
C.3.3. Rétention dans le pilote de calcite en présence de biomasse................................. 79
C.3.4. Observation des matériaux par MEB et MET ....................................................... 80
C.3.4.1. Calcite............................................................................................................. 80
C.3.4.2. Apatite ............................................................................................................ 82
C.3.4.3. Béton............................................................................................................... 82
C.3.5. Etude détaillée des mécanismes de rétention du P sur les matériaux calcaires ..... 83
C.3.5.1. Influence de la concentration en P.................................................................. 83
C.3.5.2. Influence de la granulométrie ......................................................................... 84
C.3.5.3. Dissolution...................................................................................................... 85
C.3.5.4. Influence des carbonates................................................................................. 88
C.3.5.5. Influence du calcium ...................................................................................... 90
C.4. Discussion..................................................................................................................... 95
C.4.1. Mécanismes mis en jeu.......................................................................................... 95
C.4.2. Cinétiques .............................................................................................................. 97
C.4.3. Adéquation avec les filtres plantés et choix d’un positionnement du filtre
phosphore dans la filière .................................................................................................. 98

D : Limites hydrauliques des filtres plantés de roseaux à écoulement


vertical............................................................................................................ 103
D.1. Hydraulique en milieu poreux .................................................................................... 104
D.1.1. Généralités........................................................................................................... 104
D.1.1.1. Hydraulique en milieu saturé ....................................................................... 107
D.1.1.2. Hydraulique en milieu non saturé ................................................................ 108
D.1.1.3. Capacité d'infiltration ................................................................................... 111
D.1.1.4. Redistribution ............................................................................................... 113
D.1.1.5. Qualité de l’eau et vitesse d’infiltration ....................................................... 114
D.1.2. Conséquences des surcharges hydrauliques sur l’activité biologique................. 114
D.1.2.1. Temps de passage ......................................................................................... 115
D.1.2.2. Oxygénation ................................................................................................. 115
D.1.2.3. Colmatage..................................................................................................... 117
D.1.3. Performances des procédés par cultures fixées sur supports fins : effet des
surcharges hydrauliques. ................................................................................................ 119
D.1.3.1. Nitrification .................................................................................................. 119
D.1.3.2. Colmatage..................................................................................................... 120
D.2. Protocole expérimental............................................................................................... 121
D.2.1. Laboratoire .......................................................................................................... 121
D.2.1.1. Dispositif expérimental ................................................................................ 121
D.2.1.2. Suivi hydraulique ......................................................................................... 121
D.2.1.3. Suivi des rendements épuratoires ................................................................. 123
D.2.1.4. Mesure de la conductivité hydraulique à saturation ..................................... 123
D.2.2. Sites réels............................................................................................................. 124
D.2.2.1. Station de Colomieu ..................................................................................... 124
D.2.2.2. Station de Gensac la Pallue .......................................................................... 126
D.2.2.3. Instrumentation............................................................................................. 127

ii
D.2.2.4. Bilans 24 heures ........................................................................................... 127
D.2.3. Traçages............................................................................................................... 128
D.2.3.1. Choix du traceur ........................................................................................... 128
D.2.3.2. Méthode de traçage ...................................................................................... 129
D.2.3.3. La distribution des temps de passage. .......................................................... 130
D.2.3.4. Temps de séjour moyen................................................................................ 130
D.2.3.5. Dilution et eau libre. ..................................................................................... 130
D.2.4. Déroulement des expériences .............................................................................. 132
D.3. Résultats et commentaires .......................................................................................... 133
D.3.1. Caractéristiques du support de la station de Colomieu. ...................................... 133
D.3.1.1. Caractéristiques physiques ........................................................................... 133
D.3.1.2. Matières organiques ..................................................................................... 135
D.3.1.3. Hydrodynamique .......................................................................................... 136
D.3.2. Etude sur colonne ................................................................................................ 137
D.3.2.1. Historique des expérimentations .................................................................. 137
D.3.2.2. Comportement hydraulique .......................................................................... 140
D.3.2.3. Rendements épuratoires ............................................................................... 156
D.3.2.4. Conclusions des expériences en laboratoire ................................................. 161
D.3.3. Etude sur site réel : Station de Colomieu ............................................................ 162
D.3.3.1. Généralités.................................................................................................... 162
D.3.3.2. Traçages........................................................................................................ 166
D.3.3.3. Evolution des profils tensiométriques au sein des filtres ............................. 168
D.3.3.4. Vitesses d’infiltration ................................................................................... 172
D.3.3.5. Comportement hydraulique des filtres de Colomieu en surcharge continue 179
D.3.3.6. Rendements épuratoires ............................................................................... 184
D.3.4. Station de Gensac la Pallue : colmatage ? ........................................................... 193
D.3.4.1. Conditions des mesures ................................................................................ 193
D.3.4.2. Vitesses d’infiltration ................................................................................... 194
D.3.4.3. Valeur agronomique des boues de Gensac la Pallue .................................... 197
D.3.5. Conclusion des études sur sites réels................................................................... 197
D.4. Synthèse sur l’hydraulique des filtres plantés de roseaux .......................................... 199

E : Conclusion générale................................................................................205

Références bibliographiques ....................................................................209

Annexes ..........................................................................................................217

iii
Liste des Figures
Figure B-1: Schéma d’un filtre à écoulement vertical 12
Figure B-2 : Schéma d’un filtre à écoulement horizontal 14
Figure B-3 : Performances épuratoires moyens de deux STEP à écoulement vertical 17
Figure B-4. Importance du mode d'assemblage et de la taille des particules sur la porosité d'un
milieu poreux non consolidé. Pour un arrangement aléatoire de particules
monodispersées, la porosité moyenne sera de l'ordre de 36%. 19
Figure C-1 : Effet du pH sur des complexes de phosphates en solution (source Dixon et al.,
1989). 26
Figure C-2 : Cycle du phosphore dans les filtres plantés 29
Figure C-3 : Représentation des mécanismes responsables de l'adsorption selon Charlet
(1999). 30
Figure C-4 : Interprétation schématique d'adsorption sur une surface. Association avec des
groupes hydroxyles (s); complexes de sphère interne (a); complexes de sphère externe
(β); double couche diffuse (d). Tiré de Stumm and Morgan (1996). 32
Figure C-5: Représentation des différents types d'isothermes 34
Figure C-6: Courbe du coefficient de distribution. 35
Figure C-7: Diagramme schématique de solubilité et saturation en fonction du pH 39
Figure C-8: Diagramme de solubilité de divers composés de Ca, Fe et Al de phosphates. 40
Figure C-9 : Schéma d'un pore 43
Figure C-10: Dispositif expérimental des tests en colonnes 49
Figure C-11: Dispositif expérimental du bac extérieur 50
Figure C-12 : Représentation des prélèvements internes. 51
Figure C-13 : Répartition des sites de surfaces sur la calcite (Pokrovsky et al., 2000) 54
Figure C-14 : Concentration de surface de CaOH2+sur la calcite en fonction du pH et des
espèces carbonatés (Pokrovsky et al., 2000) 54
Figure C-15 : Observation MEB de la calcite vierge. 58
Figure C-16 : Observation MEB de l’apatite vierge. 58
Figure C-17: Isothermes d'adsorption (pH 7, Cond 1000 µS/cm) 61
Figure C-18: Coefficient de distribution et saturation 62
Figure C-19 : Isothermes du Regemat pour deux granulométries. 63
Figure C-20: Isothermes de la calcite suivant la granulométrie 64
Figure C-21: Influence du pH sur la capacité d'adsorption pour la calcite 64
Figure C-22: Influence de la granulométrie sur la sorption de l’Apatite 65
Figure C-23 : Cinétiques d’adsorption P0 =30 mg/l 66
Figure C-24 : Vitesse d’adsorption. P0 = 30 mg/l 66
Figure C-25: Cinétique suivant Freundlich q = kfCntb. Ferrosorp 67
Figure C-26: Cinétique suivant Freundlich q = kfCntb. Calcite 68
Figure C-27: Cinétique suivant Freundlich q = kfCntb. Apatite 68
Figure C-28 : Ferrosorp: colonne alimentée à 200 mg/l 70
Figure C-29 : Ferrosorp colonne alimentée à 20 mg/l une semaine sur deux 70
-1
Figure C-30 : Désorption des phosphates à partir du Ferrosorp 200 mg.l . 71
Figure C-31: Relargage Ferrosorp 20 mg/l 71
-1
Figure C-32: Colonne Regemat 1, 200 mg.l 72
Figure C-33: Regemat 2 alimenté à 20 mg.l-1 73
Figure C-34: Relargage béton 200 mg/l 74
Figure C-35: Calcite 200 mg/l 75
Figure C-36: Calcite 20 mg/l 75

iv
Figure C-37: Relargage après saturation de la calcite à 200 mg/l 76
Figure C-38: Relargage après saturation de la calcite à 20 mg/l 76
-1
Figure C-39: Apatite 1 alimentée à 20 mg.l 77
Figure C-40: Pilote expérimental, Rejet en phosphore du bac calcite 79
-1
Figure C-41 : Surface de calcite visualisée par MEB (20 mgP.l ) 81
Figure C-42 : Visualisation des différentes couches à la surface de la calcite (200 mg.l-1) 81
Figure C-43 : Surface de l’apatite observée par MEB 82
Figure C-44 : Surface du béton observée par MEB 83
Figure C-45 : Vitesse d'adsorption et concentration en P 84
Figure C-46: Granulométrie et vitesse d'adsorption. 84
Figure C-47: Evolution de la composition chimique en batch. 85
Figure C-48: Indice de saturation de l'eau vis-à-vis de la calcite (Calcite 2). 86
Figure C-49 : Evolution de la saturation vis-à-vis de l’HAP (Apatite 2) 87
Figure C-50 : Equilibre calco-carbonique et IS HAP pour l’apatite 2 en présence de calcium88
Figure C-51 : Influence des bicarbonates. 89
Figure C-52 : Influence des carbonates sur la rétention du P sur l’apatite 90
Figure C-53 : Impact du calcium 91
Figure C-54 : Evolution du calcium au cours de la réaction pour différentes conditions de
départ. 91
Figure C-55: Influence de la saturation sur l'adsorption 93
Figure C-56 : Sorption à l'équilibre sur la calcite (pH = 7,20 ± 0,2 ; HCO3- = 155 ± 45 mg.l-1)
94
Figure C-57: Ratio Ca/P de la solution de départ et vit ads à la première heure pour l'apatite.
94
Figure D-1 : Profils de charge en équilibre hydrostatique (source Musy et al., 1991). 105
Figure D-2 : Profil de charge et profil hydrique en phase d’évaporation (source Musy et al.,
1991). 105
Figure D-3 : Influence de la texture et de la structure sur la relation h(θ) 106
Figure D-4 : Effet d’hystérèse 106
Figure D-5 : Colonne de sol illustrant le principe de la loi de Darcy 108
Figure D-6 : Evolution du profil hydrique au cours de l’infiltration 112
Figure D-7 : Evolution du profil de charge au cours de l’infiltration (Source Musy et al.,
1991) 113
Figure D-8 : Schéma du dispositif expérimental de laboratoire pour l’étude de l’hydraulique.
122
Figure D-9 : Représentation schématique de la station de Colomieu 125
Figure D-10 :Traçages en régime pulsé-périodique 129
Figure D-11 : Estimation de l’eau libre 131
Figure D-12 : Profils de porosité et d’humidité résiduelle dans la colonne expérimentale 134
Figure D-13 : Relation MS – MVS du sol 135
Figure D-14: Variation de la masse de la colonne pendant un jour de fonctionnement. 140
Figure D-15 : Masse d’eau stagnante mesurée avant chaque bâchée 141
Figure D-16 : Profils tensiométriques dans la colonne lors des phases d’alimentation et de
repos en eau claire. 142
Figure D-17 : Volume restitués et dilution de la bâchée traçante : eau claire 143
Figure D-18 : Volumes restitués et dilution de la bâchée traçante : eaux usées 144
Figure D-19 : Simulation de l’évolution de la conductivité de sortie 145
Figure D-20 : Dilution de la bâchée traçante et volume d’eau stocké dans la colonne 146
Figure D-21 : Récupération du traceur en sortie colonne 147
Figure D-22 : Humectation et fréquence de bâchée en eau claire 148

v
Figure D-23 : Evolution de la masse de la colonne en eaux usées. 149
Figure D-24 : Courbe de ressuyage de la colonne alimentée en eaux usées 150
Figure D-25 : Relation entre la charge en DCO brute appliquée par jour de fonctionnement et
la décroissance de biomasse en fin de ressuyage. 151
Figure D-26 : Surcharge hydraulique en cours de cycle 152
Figure D-27 : Profils tensiométriques de la colonne lors d’une surcharge hydraulique 152
Figure D-28 : Evolution des charges au sein du massif alimenté en eaux usées 153
Figure D-29 : Evolution de la vitesse d’infiltration (cycle 0,75 l/30 mn eaux claires). 154
Figure D-30 : Evolution des débits spécifique entrée/sortie colonne pour les trois fréquences
de bâchées 155
Figure D-31 : Evolution du rejet en MeS, en début de cycle, au sein d’une bâchée 157
Figure D-32 : Evolution du rejet en MeS au cours du cycle 0,75/0,5 cycle 5 157
Figure D-33 : Lessivage des nitrates en début de cycle 158
Figure D-34 : Influence des fréquences d’alimentation sur les performances de dégradation de
la DCO brute 158
Figure D-35 : Influence des fréquence de bâchées sur la rétention des MeS 159
Figure D-36 : Relation fréquence de bâchées-rejet de MeS 159
Figure D-37 : Rendements de transformation de N-NH4 en fonction des fréquences de bâchées
160
Figure D-38 : Incidence d’un arrêt d’alimentation au sein d’un cycle (3/2) 160
Figure D-39 : Surcharge hydraulique en cours de cycle et rendements (cycle 8). 161
Figure D-40 : Importance de l’intensité de la pluie sur le débit d’entrée à la station 163
Figure D-41 : Atténuation du débit lors du passage dans les filtres 163
Figure D-42 : Evolution de l’humidité, appréciée par sonde capacitive, au cours d’une
semaine d’alimentation (Premier étage-Avril 2002) 164
Figure D-43 : Variation du volume d’eau stocké sur l’ensemble des filtres avec la charge
hydraulique 164
Figure D-44 : Drainage des filtres et de la zone stagnante de Colomieu 165
er
Figure D-45 : Débit cumulé entrée et sortie 1 étage (traçage Mars 2002) 166
Figure D-46 : Traçages Colomieu : récupération du traceur et DTP 166
Figure D-47 : Dilution de la première bâchée (traçage NaCl) 167
Figure D-48 : Faible sensibilité des mesures tensiométriques à l’hétérogénéité du milieu 168
Figure D-49 : Evolution du tensiomètre sous la couche de dépôt 169
Figure D-50 : Tensiométrie sous la couche de dépôt et à –20 cm 169
Figure D-51 : Tensiométrie Juin –Juillet 2003 Filtre 1 170
Figure D-52 : Effet de la température sur le signal tensiométrique 171
Figure D-53 : Tensiométrie en période de repos. Filtre 1 171
Figure D-54 : Profils tensiométriques en période d’humectation et de drainage 172
Figure D-55 : Représentation de la relation h(θ) 172
Figure D-56 : a)Evolution de la vitesse d’infiltration après une bâchée ; b) Relation vit.inf. et
hauteur d’eau 173
Figure D-57 : Evolution de la vitesse d’infiltration au cours d’une semaine (Octobre 2002) 173
Figure D-58 : Evolution de la relation vitesse d’infiltration-hauteur d’eau sur le premier étage,
au cours d’une semaine de temps sec (Février 2002) 174
éme
Figure D-59 : Relation vitesse d’infiltration – hauteur d’eau 2 étage 175
Figure D-60 : Impact d’un épisode pluvieux sur la relation flux-hauteur d’eau (du 1 au 9
septembre 2002 Filtre 2) 175
Figure D-61 : Surcharge en début de cycle et relation Vi-hauteur d’eau. 176
Figure D-62 : Evolution des paramètres de la relation Vi-hauteur d’eau. 176
Figure D-63 : Evolution des vitesses d’infiltration sur le 1er étage au cours de l’année 2002178

vi
Figure D-64 : Charges hydrauliques moyennes, mini et maxi reçues par les filtres en
surcharge continue. 179
Figure D-65 : Evolution de la submersion suivant les fréquences de bâchées 180
Figure D-66 : Temps de passage apparent suivant le régime de bâchées(2h/2h filtre 4 et
0,5/0,5 Filtre 2). 181
Figure D-67 : Evolution des vitesses d’infiltration au cours de l’année en surcharges
hydrauliques. 181
Figure D-68 : Relation hauteur d’eau – vitesses d’infiltration Filtre 2 4-11 Juin 2003 182
Figure D-69 : Dynamique de la surcharge hydraulique et submersion (Filtre 2 15-21 mai
2003). 183
Figure D-70 : Influence de la dynamique de la surcharge sur la relation hauteur d’eau –
vitesses d’infiltration (Filtre 2, 15-21 mai 2003). 183
Figure D-71 : Pente de la relation hauteur – vitesse d’infiltration sur l’ensemble des
expérimentations 184
Figure D-72 : Rendements et concentrations résiduelles. Colomieu – temps sec 186
Figure D-73 : Incidence d’un épisode pluvieux sur le traitement 187
Figure D-74 : Rendements et concentrations résiduelles lors des bilans en surcharge
hydraulique continue. 189
Figure D-75 : Régime hydraulique et rétention des MeS 190
Figure D-76 : Impact de la charge hydraulique sur les capacités d’oxydation des filtres du
premier étage. 191
Figure D-77 : Azote nitrifié a) :au premier étage, b) : au deuxième étage 192
Figure D-78 : Influence du fractionnement des bâchées sur la nitrification. Rendements de
nitrification du premier étage en fonction de la charge hydraulique 193
Figure D-79 : Evolution de la submersion ; Filtre 3 Gensac la Pallue. 195
Figure D-80 : Vitesses d’infiltration après vidange des dépôts 196
Figure D-81 : Représentation schématique des conditions d’écoulement dans les filtres du
premier étage. 200

vii
Liste des tableaux
Tableau B-1: Echelle texturale du U.S.D.A (United States Department of Agriculture). 19
Tableau B-2. Classification fonctionnelle des pores du sol (adaptée de Greenland, 1981) 20
Tableau C-1 : Différents composés de phosphates de calcium. 39
Tableau C-2 : Constantes de solubilité de différents composé de phosphates de fer 41
Tableau C-3: Conditions expérimentales des expériences en batch 49
Tableau C-4 : Charges reçues par les colonnes 50
Tableau C-5 : Charge hydraulique du pilote chargé de calcite 51
Tableau C-6 : Substitutions possibles dans la structure de l’apatite (d’après McClellan, 1980)
56
Tableau C-7: Caractéristiques physiques des matériaux testés. 57
Tableau C-8: Composition minéralogique des matériaux (% massique). 57
Tableau C-9 : Paramètres du modèle de Langmuir et de Freundlich. 62
Tableau C-10: Evolution des caractéristiques physico-chimiques entrée et sortie colonne 20
mg/l pour le béton concassé. 72
Tableau C-11 : Récapitulatif des expérimentations en colonnes 78
Tableau C-12 : Caractéristiques du dépôt sur le gabion du bac Calcite (% de la MS) 80
Tableau C-13: Composition des cristaux formés sur la calcite. 81
Tableau C-14: Etat physico-chimique de la solution avant et après réaction 86
Tableau C-15: Réaction avec une eau de distribution sans matériau. 91
Tableau C-16: Caractéristiques physico-chimique de la solution à l'équilibre (eau de
distribution avec calcite) 92
Tableau C-17: Comparaison expérimentation - PHREEQC 93
Tableau C-18 : Vitesses de rétention mesurées en batch et colonne 98
Tableau D-1: Caractéristiques granulométriques des matériaux des filtres de Colomieu 133
Tableau D-2 : Caractéristiques physiques du sol de Colomieu 133
Tableau D-3 : Caractéristiques organiques des dépôts et du gravier des filtres 135
Tableau D-4 : KS et résistance des couches prélevées à Colomieu 136
Tableau D-5 : Historique des expérimentations en eaux claires. Hydraulique en laboratoire.
138
Tableau D-6 : Récapitulatif des cycles d’alimentation de la colonne en eaux usées 139
Tableau D-7 : Conditions expérimentales de la simulation d’un épisode pluvieux : Cycle 8.
140
Tableau D-8 : Tableau récapitulatif des conditions de traçage 145
Tableau D-9 : Vitesses d’infiltration en eaux usées sur la colonne suivant les fréquences de
bâchées. 155
Tableau D-10 : Charges hydrauliques et organiques moyennes reçues par la colonne 156
Tableau D-11 : Charge hydraulique (Ch) en régime classique sur le filtre 2 (2002) 162
Tableau D-12 : Conditions hydrauliques lors des bilans 24 heures 185
Tableau D-13 : Charges reçues pendant les bilans 24 heures. 190
Tableau D-14 : Débits entrant sur la STEP de Gensac la Pallue. 193
Tableau D-15 : Charges organiques reçues pas la STEP de Gensac la Pallue 194
Tableau D-16 : Vitesses d’infiltration (m.s-1) Gensac la Pallue 194
Tableau D-17 : Valeur agronomique et éléments traces des boues 197
Tableau D-18 : Proposition de limites hydrauliques sur la filière 202

viii
Liste des symboles :

ΨT Potentiel de charge total de la phase liquide (L)


ϕ2 module de Thiele

τp Tortuosité

εp porosité interne des grains (%)


dH o gradient hydraulique
dlio
ts Temps de séjour moyen (T)
ρ densité de l’eau (M.L-3)
η viscosité de l’eau (M.L-1.T-1)
λ Conductivité électrique (µS.cm-1)
θ Humidité (%)
ψ(t) DTP, Distribution des temps de passage (T-1)
∆Gr Energie de Gibbs (M.L2.T-2)
A Surface du filtre (L2)
AS aire de la section du filtre (L2)
b Constante éq. de Langmuir représentant le maximum d’adsorption (M.M-1)
C Concentration (M.L-3)
C* Concentration bruit de fond (M.L-3)
Ce Concentration d’entrée (M.L-3)
Ch Charge hydraulique (L3.L-2.T-1)
CS Concentration de sortie (M.L-3)
CU Coefficient d’uniformité (ad)
D Diffusivité (L2.T-1)
D0 coefficient de diffusion de l’oxygène dans l’air (L2.T-1)
D(θ) Diffusivité hydraulique fonction de l’humidité (L2.T-1)
d10 Maille du tamis laissant passer 10 % en masse du matériau (L)
d60 Maille du tamis laissant passer 60 % en masse du matériau (L)
DBO5 Demande biologique en oxygène 5 jours (M.L-3)
DCO Demande chimique en oxygène (M.L-3)
DCOd Demande chimique en oxygène sur phase dissoute (M.L-3)
Ddif coefficient de diffusion de l’oxygène dans le milieu poreux (L2.T-1)
De Diffusivité effective (L2.T-1)
dp Diamètre particule (L)
DGO Demande globale en oxygène (M.L-3)
EH Potentiel d’oxydoréduction (mV)
EqH Equivalent Habitant
ETP Evapotranspiration potentiel (L)
ƒ Porosité (ad)
ƒe Porosité libre à l’air (ad)
h Pression matricielle (L colonne d’eau)
Hr Humidité relative (%)
IS Indice de saturation (ad)
J Flux diffusif d’O2 (M.L-2.T-1)
Jw Flux hydrique
K Constante d’adsorption éq. de Langmuir relié à l’énergie d’adsorption.

ix
k constante globale de dégradation proportionnelle à la surface active par m2 de
filtre (L.T-1)
kD Conductance de transfert (L.T-1)
Kd Coefficient de distribution (q/C) (L3.M-1)
Keff Conductivité hydraulique à saturation effective (LT-1)
kf Coefficient de Freundlich
ki Conductivité hydraulique intrinsèque du matériau (L.T-1)
KS Conductivité hydraulique à saturation (LT-1)
Lj Epaisseur de la couche j (L)
MEB Microscope ou microscopie électronique à balayage
MeS Matière en suspension (M.L-3)
MET Microscope ou microscopie électronique à transmission
MS Matières Sèches (% du poids brut)
MVS Matières Volatiles en Suspension (% des MS)
NTK Azote Kjeldhal (azote arganique et azote ammoniacal) (M.L-3)
pHZPC pH de charge nulle à la surface des matériaux (Zero Point of Charge)
q Etat de la sorption (M.M-1)
Q Débit (L3.T-1)
R Constante des gaz parfaits (8,314 J.mol-1.K-1)
r Vitesse de réaction
RA Rayonnement extra terrestre (cal.cm-2)
Rdif rapport entre le coefficient de diffusion d’un gaz dans le milieu poreux et dans
l’air (ad)
Re Nombre de Reynolds
Rg Rayonnement global (cal.cm-2)
Sc Nombre de Schmidt
Sh Nombre de Sherwood
TA Température ambiante (°C)
Vi Vitesse d’Infiltration (L.T-1)

x
Résumé :
En France, la filière de filtres plantés à écoulement vertical connaît depuis quelques années un
succès important pour l'épuration des eaux usées domestiques des petites communes rurales.
Néanmoins certaines lacunes (dénitrification et déphosphatation) demeurent en matière de
traitement, et les limites hydrauliques du procédé ne sont pas clairement établies. Considérant
que le phosphore est l'élément de maîtrise de l'eutrophisation, les travaux présentés dans ce
rapport concernent les limites hydrauliques et la rétention du phosphore.
Basée sur des mécanismes relevant de la chimie des interfaces (adsorption, précipitation,
dissolution), l’étude phosphore conclut sur des avancées certaines pour faire évoluer la filière
vers de nouvelles perspectives d’utilisation. Nous avons, pour différents matériaux
spécifiques, expliqué leur comportement vis-à-vis de la rétention du phosphore et mis en
avant leur adéquation ou non-adéquation avec une utilisation dans ces filières extensives. A
partir de tests en batch, réacteurs ouverts, ainsi que d’observations par microscopie
électronique, nous avons mis en avant la forte potentialité fixatrice des apatites et discuté un
éventuel dimensionnement d'une filière déphosphatante.
A partir des connaissances issues de l’hydrodynamique des sols en milieu insaturé, l'étude des
limites hydrauliques des filtres plantés à écoulement vertical a fait ressortir la robustesse de la
filière à accepter les surcharges. Par l'intermédiaire d'expérimentations à l'échelle pilote et en
taille réelle, et en suivant les différents flux (débits, polluants, vitesses d'infiltration, profils
tensiométriques), de nouvelles limites ont été proposées avec les règles de conception et de
gestion qui s'accompagnent suivant la hauteur de dépôt sur les filtres. Des surcharges allant
jusqu’à 10 fois le débit de temps sec sont possibles, dans certaines conditions, sans problèmes
de respect du niveau D4.

Reed beds: hydraulics limits and phosphorus retention


Abstract:
Vertical subsurface flow constructed wetlands are experiencing a great success in wastewater
treatment for small communities in France. Nevertheless some deficiencies (denitrification,
phosphorus removal) still remain and hydraulic limits of the process are not yet well
established. Considering that phosphorus is the eutrophication control agent, work presented
here is focused on hydraulic limits and phosphorus removal.
Based on interface chemistry mechanisms (adsorption, precipitation, dissolution), the work on
phosphorus removal concludes in favour of real advances to develop these systems for new
ways of utilisations. We explained the behaviour of different specific materials towards
phosphorus retention and defined their adequacy or not with their use in such extensive
systems. From batch and open reactor tests to electronic microscopy observations, we pointed
out that apatite has a strong potential to fix phosphorus. Consequently, we discussed about the
sizing of a long-term phosphorus removal filter.
Based on the knowledge of hydrodynamic in unsaturated porous media, the study of reed beds
hydraulic limits reveals the robustness of the system to accept flow overloads. From pilot and
full scale experimentations, and measures of different parameters (flow, pollutant removal,
infiltration rate, pressure head profiles), we propose new hydraulic limits with their
accompanying rules of sizing and operation recommendations according to deposit level on
the surface filter. Ten times dry weather flow overloads are possible while respecting
European consent.

1
A : Introduction
générale

3
La capacité des zones humides naturelles et artificielles à épurer les eaux usées est
largement établie aussi bien aux USA qu'en Europe, au travers de systèmes divers tels les
systèmes lagunaires, les filtres à macrophytes …(Kadlec, 1996 ; Vymazal, 1998). Plusieurs
caractéristiques rendent attractifs ces systèmes: pouvoir tampon, adsorption physique des
polluants sur la surface des constituants du sol, dégradation de la matière organique par les
micro-organismes, assimilation par les végétaux... Les premières études de Seidel (1966) ont
inspiré Kickuth (1977) pour développer le concept de la "Root Zone Method". Il s'agit d'un
filtre planté à écoulement horizontal dans le sol. Les végétaux poussent sur le support du filtre
créant ainsi des conditions favorables à l’activité biologique grâce au développement racinaire
et microbien à l'intérieur du filtre. L'idée de la « Root Zone Method » a depuis été développée
aussi bien dans les zones humides naturelles qu'artificielles pour leurs performances
épuratrices.
Brix (1993) propose une classification des diverses filières d'épuration existantes à partir du
type de végétaux dominants :

• Systèmes dont les végétaux (jacinthes


d'eau, lentilles d'eau...) flottent
librement à la surface d'une tranche
d'eau libre. Un accroissement des
performances classiques des lagunes
peut être obtenu, principalement par
l'assimilation végétale. Les bases de
dimensionnement ont été revues par
Brix (1993).
• Systèmes dont les macrophytes
(Egeria densa, Elodea canadenis)
sont enracinés et submergés. L'emploi
d'un tel procédé est resté au niveau
expérimental et uniquement en tant
que traitement tertiaire (Vymazal
1998).
• Systèmes dont les végétaux (roseaux,
Phragmites australis, Typha latifolia,
iris) sont enracinés et émergents.
Trois cas se distinguent suivant les
régimes hydrauliques (cf. figure ci-
contre) : écoulement de surface (a),
écoulement horizontal à l'intérieur du
filtre (b), écoulement vertical dans le
filtre (c).

Représentation schématique de systèmes de traitement des


eaux usées par macrophytes émergents. Source: Brix (1993).

En France, la filière de filtres plantés à écoulement vertical, développée par le Cemagref,


connaît depuis quelques années un succès important pour l'épuration des eaux usées
domestiques des petites communes rurales. Elle se révèle intéressante pour le traitement des
matières en suspension (MeS), du carbone et la nitrification. Elle permet de plus de
s'affranchir d'une gestion contraignante et problématique des boues (alimentation en eau usée

4
brute sur le premier étage). Néanmoins, certaines lacunes (dénitrification et déphosphatation
limitées) demeurent en matière de traitement, et les limites hydrauliques du procédé ne sont
pas clairement établies même s'il apparaît que le ratio habituel de 150 litres par équivalent
habitant (EqH) peut être dépassé. Ces insuffisances méritent d’être comblées ou définies.

A partir de ces constats, et devant l’intérêt croissant des collectivités concernant les procédés
par filtres plantés, l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse, par l’intermédiaire d’A.
Iwema, a initié de nouvelles recherches pour accroître nos connaissances sur le
fonctionnement de ces systèmes. Les études menées conjointement par l’université de
Chambéry et le Cemagref concernent les points suivants :
• Evaluation de l’activité biologique des filtres.
• Hydraulique des filtres plantés à écoulement horizontal.
• Accroissement des processus de dépollution des nutriments (N, P).
• Hydraulique des filtres plantés à écoulement vertical.

Notre travail, développé au Cemagref de Lyon, concerne les deux derniers points.

L’accroissement des processus de dépollution des nutriments est bien entendu


directement lié au problème d'eutrophisation du milieu récepteur.

L’eutrophisation est une forme singulière mais naturelle de pollution de certains écosystèmes
aquatiques qui se produit lorsque le milieu reçoit trop de matières nutritives assimilables par
la végétation aquatique. Les principaux nutriments à l’origine de ce phénomène sont le
phosphore et l’azote (ammonium, nitrates, et nitrites). A l'origine, l’eutrophisation désigne
l'évolution qui accompagne le vieillissement d'un milieu aquatique de l'état oligotrophe (peu
nourri) à l'état eutrophe (bien nourri). En raison de l’intensification et de la diversification de
l’activité humaine, ces nutriments (dont les apports ont augmenté) constituent un véritable
engrais pour les plantes aquatiques. Cela se manifeste par la prolifération excessive de
végétaux dont la respiration nocturne puis la décomposition provoquent une diminution
notable de la teneur en oxygène dans les eaux. Il s'en suit, entre autres, une diversité animale
et végétale amoindrie et des pertes d’usages touchant de nombreux intérêts économiques,
voire vitaux (alimentation en eau potable, loisirs, usage industriel, agricoles...). On parle alors
d'eutrophisation artificielle ou anthropique, devenue "eutrophication", "dystrophisation",
"hypertrophisation", etc.

Pour lutter efficacement contre l’eutrophisation, outre l’indispensable réduction à la source


(mieux vaut ne pas polluer que de devoir dépolluer), il est nécessaire de savoir quel est le rôle
de chaque élément dans le processus et dépolluer en conséquence au niveau des rejets. Les
travaux de Barroin (1999, 2003…), à ce sujet, illustrent clairement l’importance d’agir
efficacement sur le phosphore. Il est, en conditions naturelles, le premier nutriment à faire
défaut pour assurer la synthèse cellulaire. Lors de pollutions excessives en phosphore, une
carence en azote peut apparaître, stimulant la production de cyanobactéries capables de fixer
l’azote moléculaire dissous provenant d’une réserve quasi inépuisable : l’atmosphère. Le
phosphore déclenche donc parfois la prolifération de cyanobactéries capables de combler un
manque (momentané) d’azote. Les cyanobactéries, de forte toxicité, empêchent ses prédateurs
de les consommer. Leur prédominance amplifie la dégradation du réseau trophique, et permet
par la même occasion de libérer les phosphates piégés dans les sédiments, par réduction des
composés du fer. Barroin (2003) montre alors que « le phosphore est bien le facteur limitant,

5
mais aussi le facteur de maîtrise puisque c’est en agissant sur lui qu’il est possible
d’augmenter ou de réduire les proliférations algales ».

Les origines du phosphore dans les eaux sont ponctuelles et diffuses. On peut ainsi citer les
rejets :
• Domestiques : Le phosphore des effluents domestiques est constitué d’une valeur
physiologique, évaluée à 1.2 gP.j-1 par personne (Billen et al.,1999), et de
polyphosphates utilisés dans la fabrication des poudres à lessiver. Introduits dans les
années 1960, leur utilisation a été maximale dans les années 1970. Leur réduction en
France et en Belgique, plus tardive qu’en Allemagne, est toutefois effective depuis le
milieu des années 1990. D’une manière générale, la charge spécifique en phosphore a
été réduite au moins de moitié au cours des dix dernières années (Billen et al.,1999).
Considérer 3 g de phosphore par jour et par EqH paraît sécuritaire (30 à 50 %
d’origine humaine et 50 à 70 % issus des détergents). Il s’agit de l’apport principal en
phosphore dans les cours d’eau.
• Industriels : Le développement industriel a provoqué une hausse des rejets organiques
et en nutriments au cours du 19ème siècle. La préoccupation environnementale a permis
une réduction des flux (organique et nutriments), au point de rendre les flux en
phosphore d’origine industrielle faibles comparés aux rejets domestiques.
• Agricoles : Ils représentent la seconde source des flux actuels vers les eaux. Ils
pourraient représenter une part plus importante étant donné que les flux ponctuels ont
tendance à décroître et que ceux originaires des milieux cultivés augmentent (Fardeau
et al., 2000). Les rejets agricoles sont constitués essentiellement de sources diffuses,
dont une partie est retenue dans les sols. L’exportation des sols en phosphore dans des
zones d’agriculture intensive moderne est généralement inférieure à 50 kg P.km-2.an-1
(Billen et al., 1999).
• Naturels : L’altération (physique, chimique et biologique) des roches est la cause de la
mobilisation du phosphore dans la biosphère. Il subit des transformations réversibles
et successives entre forme minérale et organique sous le contrôle des équilibres
biogéochimiques.

En ce qui concerne la réglementation, l’arrêté du 22 décembre 1994, pris en application de la


directive européenne 91/271/EEC relative au traitement des eaux usées, impose, pour les
stations d’épuration de capacité supérieures à 10 000 EqH situées en zone sensible, un niveau
maximal de 2 mg.l-1 sur le paramètre phosphore. Les niveaux de rejets peuvent être rendus
plus stricts par arrêtés préfectoraux si le milieu récepteur le nécessite. Les stations d’épuration
de capacité inférieure peuvent également voir leur rejet être limité en phosphore par arrêté
préfectoral pour lutter contre les phénomènes d’eutrophisation. Il devient de plus en plus
fréquent, dans les appels d’offre, de devoir faire face aux exigences plus contraignantes du
traitement de l'azote et du phosphore, notamment en "zones sensibles" à l'eutrophisation.

Les petites agglomérations (< 2000 EqH) se trouvent alors confrontées à des problèmes
technico-économiques pour faire face à cette contrainte. Parmi les procédés d'épuration
extensifs, seul le lagunage naturel permet d'atteindre des abattements en P de l'ordre de 60%,
ce qui reste inférieur aux nécessités réglementaires. De surcroît, sachant que ces performances
sont essentiellement liées à la précipitation par élévation du pH des eaux et à l'absorption par
le phytoplancton dont la croissance est maximale en été, on réalise l'ampleur de la tâche pour
mettre au point des filières de traitement fiables et efficaces en toutes circonstances.

6
La combinaison de filtres verticaux et horizontaux est une voie de recherche qui suscite un
intérêt croissant depuis quelques années (Cooper, 1999), pour espérer une rétention du
phosphore à l'aide de supports adsorbants conjointement à une dénitrification partielle de
l'effluent. Devant l’urgence de lutter contre les rejets ponctuels en phosphore, l’approche
nutriment a été focalisée sur la rétention de celui ci, en développant une technologie reposant
sur la rétention du phosphore sur des matériaux spécifiques garnissant le lit horizontal. Dans
ce but, une station expérimentale de 200 EqH, dont les caractéristiques peuvent être
visualisées dans Molle (2000), a été réalisée à Evieu (Ain). En raison de retards inhérents à ce
type de projet, la station, seulement opérationnelle depuis le second trimestre 2003, n’a pu
être étudiée dans le cadre des travaux présentés ici. Les travaux de recherche présentés dans
ce rapport, développés dans des unités pilotes, illustrent l’indispensable adaptation au
quotidien entre la demande scientifique (en matière d’accroissement de la connaissance sur le
sujet) et les contraintes temporelles (réalisation de la station expérimentale, échéance du
contrat) inhérentes à un travail de thèse.

Le second point de ce travail est lié à la problématique hydraulique des filtres plantés à
écoulement vertical, et notamment les conséquences des surcharges hydrauliques par
temps de pluie.

Pour comprendre la problématique hydraulique, et les surcharges qui l’accompagnent au


niveau des stations d’épuration, il est peut être utile de rappeler l’historique du développement
des réseaux d’assainissement. L’origine de la création des réseaux d’assainissement (XIXème
siècle) répond à des objectifs sanitaires mais aussi de maîtrise des inondations en évacuant le
plus loin possible les eaux usées des villes. Cela s’est fait par la création de réseaux unitaires
(collecte conjointe des eaux domestiques et pluviales). La remise en question de ces réseaux,
en raison des impacts environnementaux sur le milieu récepteur, a conduit à repenser cette
méthode de collecte. Cela a conduit au début du XXème siècle, à la création de stations
d’épuration biologique. Elles ont, de fait, répondu à la problématique de la collecte car
sensibles aux variations de charges hydrauliques (généralement acceptables d’un facteur un à
trois), il était nécessaire de limiter les débits entrant. La création d’ouvrages limitant le débit à
l’entrée des stations (déversoirs d’orage) permettait alors d’évacuer les trop pleins vers le
milieu récepteur mais ne préservait pas ce dernier des impacts du mélange des eaux pluviales
avec les eaux usées domestiques. La séparation de la collecte des eaux usées et pluviales s’est
alors intensifiée, pour ne traiter que les eaux domestiques et éviter les pertes d’eaux usées, par
les déversoirs d’orage, vers le milieu récepteur. Cependant, le développement de
l'urbanisation et l'imperméabilisation croissante des sols ont fait des eaux pluviales une
véritable menace pour de nombreuses collectivités. N'étant plus absorbées par le sol, les eaux
pluviales provoquent des inondations ou en aggravent les conséquences, drainant par la même
occasion différents types de polluants (MeS, métaux lourds …). Non traitées, les eaux
pluviales peuvent alors provoquer de graves dommages au milieu naturel. La reconnaissance
de la pollution des eaux pluviales, plus importante que ce que l’on croyait, a conduit à
chercher à minimiser leur impact sur le milieu naturel. De nouvelles solutions de limitation
des débits ont vu le jour (bassins de retenue, chaussées à structure-réservoir, fossés adsorbant
…). La loi sur l’eau de 1992, et ses textes d’application, ont imposé le traitement de toutes les
eaux collectées par les réseaux d’assainissement (unitaires et séparatifs) et celles des réseaux
séparatifs d’eaux pluviales suivant le milieu récepteur. Des moyens ont été mis en place pour
y répondre :

7
• surdimensionnement des stations d’épuration,
• décantation en bassin,
• nettoyage régulier des surfaces imperméabilisées…

Le choix du type de réseaux à mettre en place et des moyens de traitements est donc un
compromis entre plusieurs paramètres : économiques, institutionnels, techniques (contrôle des
branchements, stockage …).

Les études menées pour caractériser les eaux pluviales en matière de flux véhiculés et de
conséquences sur le milieu récepteur, concernent des zones géographiques généralement
densément peuplées, en raison du caractère intensif de la pollution dans ces zones. En France,
différentes mesures ont été regroupées dans la base de données QASTTOR (Saget, 1994)
faisant ressortir l’importance de la pollution des rejets urbains par temps de pluie, parfois
supérieure ou égale au regard des concentrations de plomb, MeS, demande en oxygène à celle
des eaux usées, et nettement supérieure en terme de flux. A l’échelle de l’année (Bachoc et
al., 1994), la masse de MeS et DCO déversée par une agglomération lors des épisodes
pluvieux est comparable à celle des rejets de station d’épuration.

La qualité des eaux de ruissellement dépend d’une part du lessivage de l’atmosphère et


d’autre part, du lessivage et de l’érosion des surfaces sur lesquelles elles ruissellent. En ce
sens, les caractéristiques des eaux pluviales peuvent varier considérablement suivant :
• pour le premier point : les sources locales de pollution atmosphérique, la topographie
du site (vallée encaissée ou plaine aérée), les conditions météorologiques (vents,
fréquences des pluies).
• pour le second point : le stock de polluant disponible sur les surfaces en début de
pluie, la quantité érodée par les gouttes d’eau et par l’écoulement et la quantité
pouvant être transportée par l’écoulement, donc de l’intensité de l’épisode pluvieux.

Nous ne nous attacherons pas à détailler ici les mécanismes qui conditionnent les flux de
polluants, ni leur quantification en fonction des origines. Pour ce faire le lecteur pourra
consulter notamment les travaux menés par Gromaire-Mertz (1998). Il ressort que les
polluants se trouvent principalement sous forme particulaire. Ceci est d’autant plus vrai pour
les réseaux unitaires dans lesquels les MeS peuvent se déposer en temps sec pour être remises
en suspension lors d’épisodes pluvieux. Ceci est un point important lorsqu’on connaît les très
bons rendements d’épuration des MeS obtenus sur les filtres plantés.
Les MeS proviennent principalement du lessivage des voiries dans les zones urbaines
(concentrations 10 fois supérieures à celles des toitures, Xanthopoulos et al., 1993). Dans les
zones rurales, on peut supposer la part végétale (déjà non négligeable en ville) comme
importante en terme de pollution carbonée et nutriments. La corrosion et l’érosion des
surfaces imperméabilisées et des sols (terre, sable, hydrocarbures, métaux) sera aussi notable.
Les MeS évacuées, relativement minérales, sont de forte densité (2,5 kg.m-3 environ) et
relativement fines (< 100 µm). En revanche, à l’exutoire des réseaux unitaires, les dépôts
remis en suspension lors d’épisodes pluvieux, sont moins denses (1,7 à 2,15 kg.m-3), ont des
teneurs en matières volatiles en suspensions (MVS) variant de 24 % à 55% et ont tendance à
s’agglomérer (Gromaire-Mertz, 1998).
La base de données QASTOR fait ressortir des concentrations maximales en sortie de réseau
unitaire lors d’épisode pluvieux de 1100 mg.l-1 de MeS et 480 mg.l-1 en DCO. Il serait peut-
être intéressant de corréler ces concentrations maximales à celles mesurées sur des eaux issues
de réseaux séparatifs d’eaux pluviales, pour avoir une idée des variations possibles en zone
rurale. En zone pavillonnaire ou résidentielle ces concentrations sont de 86 mg.l-1 de MeS et

8
43 mg.l-1 en DCO, selon une étude de Colandini (1997). Un caractère dilué de l’effluent est
donc à attendre avec la possibilité d’observer tout de même de fortes concentrations en MeS.

En ce qui concerne les stations d’épuration d'eaux usées des collectivités rurales, il faut
fréquemment ajouter la présence de réseaux imparfaitement séparatifs et de nappes qui
s’infiltrent dans les réseaux. Les stations sont alors souvent caractérisées par des surcharges
hydrauliques et des sous-charges organiques, qui expliquent en grande partie le
dysfonctionnement périodique ou chronique de ces ouvrages. En effet, les hypothèses de base,
quant aux volumes à traiter supposent, souvent à tort, une faible fraction d’eaux parasites
claires et une bonne séparativité des réseaux d’assainissement.

Le choix de gestion des eaux doit se faire alors entre une réduction des eaux parasites, un
surdimensionnement de la station ou le choix d’une filière de traitement adaptée au réseau
existant. La mise en séparatif, on l’a vu, ne résout pas forcément les problèmes, coûte cher, et
l’élimination des eaux claires a également un coût.

Les systèmes à filtres plantés de roseaux constituent une voie intéressante en matière de
traitement des surcharges hydrauliques ou des eaux pluviales. Plusieurs études signalent leur
intérêt en terme de traitement et d’écrêtage des débits (Boutin et al., 2000 ; Cooper 1996…).
Néanmoins, si les règles de dimensionnement et d’exploitation des filtres verticaux pour un
fonctionnement par temps sec sont bien établies, on manque d’éléments objectifs pour adapter
ces ouvrages aux conditions d’alimentation par des réseaux drainant et/ou unitaire. Dans
l’hypothèse où les filtres absorberaient correctement ces surcharges hydrauliques tout en
maintenant de bons niveaux de rejets, on peut alors se poser la question de l’intérêt
économique de la séparation du réseau pluvial et domestique (doublement du réseau),
induisant également la réalisation d’ouvrages spécifiques de traitements des eaux pluviales.
En effet, l’adaptation de la filière aux variations de charges hydrauliques pourrait être une
solution avantageuse pour certaines collectivités. Une définition précise des limites
hydrauliques de ces systèmes est donc un élément primordial pour les acteurs de l’eau afin de
pouvoir gérer les flux avec le moins de contraintes environnementales et économiques
possibles pour la collectivité. C’est dans le but d’apporter des éléments de réponse à cette
problématique, qu’ont été conduits les essais en laboratoire et sur site réel rapportés dans ce
mémoire.

Les travaux présentés concernent donc deux aspects qui, pour différents qu’ils soient,
s’intègrent dans le contexte général de l’étude :
• l’étude en laboratoire de la rétention du phosphore sur des supports spécifiques d’une
part,
• et l’étude en laboratoire et in situ des potentialités hydrauliques des filtres plantés à
écoulement vertical, d’autre part.

Ces deux thèmes sont précédés d’une partie rappelant quelques éléments de base relatifs aux
systèmes de filtres plantés.

9
10
B : Présentation
générale des systèmes
filtres plantés

11
B.1. Classification des filières

B.1.1. Filtres à écoulement vertical


Les filtres sont des excavations, étanchées du sol, remplies de couches superposées de gravier
ou de sable de différentes granulométries suivant la qualité des eaux usées à traiter (voir
Figure B-1). L'influent est réparti sur la surface du filtre, s'écoule en son sein en subissant un
traitement physique (filtration), chimique et biologique (biomasse fixée sur support fin). Les
eaux épurées sont drainées dans une couche de gros galets et récupérées par des drains.

Figure B-1: Schéma d’un filtre à écoulement vertical

La spécificité de cette filière est que, contrairement aux autres filières de traitement sur
support fin, on travaille en eaux usées brutes sur le premier étage de traitement. Seul un
dégrillage grossier est assuré avant les filtres. L'alimentation en eaux usées brutes permet
d’assurer une bonne répartition de l'influent sur le filtre en service. L'augmentation de la
couche de dépôt permet de submerger au mieux la surface du filtre. Les tiges des roseaux
percent la couche de dépôts permettant l’écoulement et créent simultanément des conditions
(encore mal définies) propices à la minéralisation de la fraction organique des dépôts,
atténuant ainsi leur accumulation. Ces conditions favorables permettent d'éviter la contrainte
de l'extraction fréquente et régulière des boues.

Pour assurer une bonne répartition hydraulique, les filtres sont alimentés par bâchées
(alimentation par à-coups après stockage temporaire des eaux) par pompes, chasses ou
siphons auto-amorçant. Les débits d'alimentation sont ainsi suffisants pour noyer la totalité de
la surface du filtre (alimentation homogène).

Plusieurs filtres en parallèle sont mis en place permettant d'instaurer des périodes
d'alimentation et de repos. Le rôle des périodes de repos est de réguler l'accroissement de la
biomasse dans les massifs filtrants, de restaurer le stock d’oxygène dans les interstices libres à
l’air et de favoriser la minéralisation des dépôts après leur ressuyage afin de réduire les
risques de colmatage.

12
Un élément clé de ce procédé est la qualité d’aération du système autorisant une dégradation
biologique aérobie importante. L'aération est assurée par :
• une convection au sein du massif liée au déplacement des lames d'eau apportées par
apports séquencés,
• une diffusion de l'oxygène depuis la surface des filtres et les cheminées d'aération, vers
l'espace poral,
• un apport par les radicelles des plantes (incontesté mais vraisemblablement faible).

Deux étages de filtres sont mis en place pour assurer un traitement fiable. Le premier étage est
garni d’un matériau présentant une granulométrie de 2-6 mm et le second étage de filtres d’un
sable similaire à ceux utilisés en infiltration percolation sur sable (Liénard et al., 2000).

Contrairement aux filtres horizontaux, le dimensionnement des filtres verticaux n’est basé sur
aucun modèle théorique. Il a été établi empiriquement en définissant les charges organiques
surfaciques journalières limites acceptables sur ce type de procédé (20 à 25 gDBO5 m-2.j-1 de
surface totale plantée).

Le premier étage est dimensionné pour recevoir environ 40 gDBO5 m-2.j-1 (60 % de la surface
totale), soit 1,2 m2.EqH-1 suivant la définition française de l'équivalent habitant. Quand le
réseau est unitaire ou partiellement unitaire, le premier étage est surdimensionné par sécurité à
1,5 m2.EqH-1 (Agence de l'eau, 1999). Cet étage est compartimenté en 3 filtres minimum
permettant d'obtenir des périodes de repos de 2/3 du temps.

Le dimensionnement du deuxième étage est basé sur la perméabilité du sable. Généralement il


correspondra à 40 % du dimensionnement total, soit 0,8 m2.EqH-1. La surface mise en jeu peut
être adaptée en fonction du sable mis en place. Ici, compte tenu des très faibles apports de
MeS (retenues à environ 85 % sur les filtres du 1er étage), le temps d'alimentation et le temps
de repos peuvent être équivalents, et de ce fait, la mise en place de 2 filtres est généralement
suffisante.

B.1.2. Filtres à écoulement horizontal


Dans les filtres à écoulement horizontal, le massif filtrant est totalement saturé en eau.
L’effluent est réparti sur toute la largeur et la hauteur du lit par un système répartiteur situé à
une extrémité du bassin ; il s’écoule ensuite dans un sens principalement horizontal au travers
du substrat. La plupart du temps, l’alimentation est continue car la charge organique apportée
est faible et la surface relativement importante (voir Figure B-2).

L’évacuation se fait par un drain placé à l’extrémité opposée du lit, au fond et enterré dans
une tranche de pierres drainantes. Ce tuyau est relié à un siphon permettant de régler la
hauteur de surverse, et donc celle de l’eau dans le lit de façon à ce qu’il soit saturé pendant la
période d’alimentation. Le niveau d’eau doit être maintenu environ à 5 cm sous la surface du
matériau. Ceci permet d’éviter les écoulements préférentiels en surface et d’assurer un flux
homogène.

13
Figure B-2 : Schéma d’un filtre à écoulement horizontal

Les bases théoriques de dimensionnement ont été élaborées suivant deux principes :
Un écoulement piston, et un couplage avec une cinétique de réaction biologique irréversible
du 1er ordre. Ces modèles permettent de prévoir la concentration de sortie d'un polluant en
fonction de celle d'entrée. Les variables sont déterminées à partir d’une multitude
d'observations. Elles représentent des conditions moyennes et ne prennent pas en compte les
inévitables variations, de débits d'entrée, de concentrations, de la porosité du filtre, de la
météorologie et de tous les facteurs influençant l'écosystème à petite échelle (journalière) ou
grande (saisons, années).

Une notion importante induite dans tout système dit de zone humide, est l'impossibilité
d'obtenir une concentration nulle en sortie de traitement. Cette impossibilité résulte du
relargage de matières par les plantes, les métabolites, qui se déposent dans le filtre ou
s'évacuent avec l'effluent. C'est un bruit de fond inévitable qui sera noté C*.

Pour un débit constant (et en considérant la somme des flux engendrés par les précipitations et
l’évapotranspiration comme nulle) la relation liant la concentration de sortie Cs d’un polluant
à celle d'entrée Ce s'écrit :
Q
(
A= ln Ce −C*
k Cs −C*
) Equation 1

Ce modèle est appelé modèle k-C* en raison des deux paramètres à ajuster.

Le coefficient k est fonction de la cinétique de dégradation de la pollution, de la température


de l’effluent et de la porosité du lit (Vymazal J. et al., 1998) ; Il permet de définir une surface
de filtre (A) nécessaire en fonction d’objectifs fixés. La surface peut être calculée sur la base
de concentrations en DBO5, N-total et P-total, suivant les performances attendues. Il convient
alors d'adapter le coefficient k en fonction du substrat considéré.

En dépit de la variabilité des paramètres, des données empiriques ont permis de confirmer
l'intérêt du modèle piston. Il permet de calculer, de manière simple, la surface d'un filtre en
fonction d'un rendement attendu, c.-à-d. les concentrations de sortie d'un filtre en fonction
d’une concentration d'entrée donnée.

14
Les valeurs des paramètres k et de C* ont été estimées pour différents polluants avec des
variations notables dues aux différences, à la fois des caractéristiques physiques et
écologiques des filtres, ainsi que de celles de l'effluent. L'influence de facteurs comme la
profondeur du filtre, la pente, le dispositif d'entrée et de sortie du filtre, le type de végétation,
la densité, le type de sol, peut expliquer la variabilité des paramètres. Le lecteur pourra se
référer à IWA (2000a) pour plus de précisions.

La section du filtre (AS) sera dimensionnée suivant les caractéristiques du matériau du filtre.
Le but est d'assurer un régime hydraulique stable dans le temps (risque de colmatage). La
vitesse de l’écoulement est fonction de la pente de la ligne d’eau et de la conductivité
hydraulique (ks) du milieu entièrement colonisé par les végétaux suivant la loi de Darcy.
dH o
Q = k S AS Equation 2
dlio
Avec Q le débit transitant dans le filtre.

La définition de la valeur ks a fait l'objet de nombreuses discussions, la valeur à atteindre étant


estimée à 3.10-3 m.s-1(Boon, 1985)( 1.10-3 à 3.10-3 selon Cooper 1996). L'hypothèse d'une
amélioration notable de la conductivité hydraulique initiale suite au développement racinaire
intense des roseaux, tant en densité qu'en profondeur, n'a pas été confirmée (Boon,1986). En
fait l'augmentation de la conductivité hydraulique par les passages préférentiels, créés par le
développement racinaire, est compensée en partie par l'accumulation de MeS et de matière
organique (Cooper, 1996).

En pratique, suivant le rôle du filtre horizontal (traitement secondaire ou tertiaire), on peut


généralement faire ressortir les dimensionnements suivants :
• pour des concentrations initiales de l'ordre de 150 à 300 mg.l-1 de DBO5, il est
communément pris kDBO5 = 0,1m.j-1 conduisant à définir des surfaces de l'ordre de 5
m2.EqH-1 en traitement secondaire,
• 1 m2.EqH-1 en traitement tertiaire (kDBO5 = 0,31 m.j-1),
• 0,5 m2.EqH-1 pour le traitement des eaux de pluies seule (Cooper, 1996).

B.2. Mécanismes et rendements attendus

B.2.1. Mécanismes épuratoires


Les filtres sont donc des réacteurs physico-chimiques et biologiques artificiels, imperméables
vis-à-vis du sol naturel, dans lesquels un support rapporté permet à une biomasse de se
développer. L'effluent va subir différents mécanismes épuratoires :
• Une filtration des MeS plus ou moins poussée suivant la granulométrie du milieu.
• Une dégradation biologique par la flore bactérienne développée sur le support et
les rhizomes.
• Des transformations chimiques (sorption, précipitation) suivant les caractéristiques
minérales du support mis en place.

De nombreux ouvrages détaillent ces mécanismes (Vymazal, 1998; IWA, 2000a …) auxquels
le lecteur pourra se rapporter. Dans ce rapport, seuls ceux concernant les sujets traités seront
détaillés. Il nous paraît néanmoins important de préciser ci-dessous quel est le rôle des
végétaux dans ces systèmes, pour éviter toute confusion pour les non-spécialistes.

15
B.2.2. Rôle des végétaux
Plusieurs espèces de plantes peuvent être utilisées, mais communément les roseaux (de type
Phragmites australis), par leur résistance aux conditions rencontrées (longue période
submergée du filtre, périodes sèches, forte teneur en matières organiques), et leur rapide
croissance de racines et de rhizomes, sont les plus souvent utilisés (Brix, 1987).

Le rôle direct des plantes dans l'assimilation des nutriments est négligeable en raison des
faibles surfaces mises en jeu comparativement aux charges apportées. Pour le phosphore
p.ex., l'assimilation végétale représente 30 à 150 kg ha-1 (Brix, 1997) dont la majorité est
stockée dans les racines. Seulement 2,5 à 12 kg.ha-1 peuvent être évacués par faucardage
(coupe et enlèvement des roseaux). On rappelle qu’un habitant rejette environ 1,1 kg de P par
an (sur la base d’un rejet en P de 3 g.EqH-1.j-1) afin de se rendre compte de la surface qu’il
faudrait mettre en oeuvre pour retenir le P uniquement par les roseaux. Les macrophytes ont
cependant un rôle essentiel, mais encore mal connu, pour les processus de traitement, ce qui
les rend indispensables pour une bonne transformation biologique ainsi que pour la longévité
du filtre :
• Les radicelles des plantes excrètent parfois de l'oxygène (Armstrong, 1979)
provoquant des zones aérobies autour des racines. Une partie significative de
l'oxygène passe des parties sommitales vers les racines (Brix ,1993; Schierup,
1990) et d'autres gaz (CO2,...) font le trajet inverse. Le surplus d'oxygène est
relargué par de petites racines et consommé rapidement par la demande locale en
oxygène. Brix (1997) estime un relargage de 0,02 g d'O2.m-2.j-1 pour des
Phragmites australis en hiver. Cela laisse penser que l'oxygénation due aux plantes
pendant les mois d'hiver où la partie aérienne des roseaux est flétrie, est
pratiquement nulle. Lawson (cité par Brix, 1997) calcule, pour des Phragmites, un
relargage de 4,3 g d'O2.m-2.j-1. Ces différences, suivant les auteurs, sont dues aux
écarts provenant des techniques de mesures, aux variations liées aux saisons, etc…
• La croissance des racines et rhizomes permet une régulation de la conductivité
hydraulique favorisant l’écoulement et de facto l’oxygénation du milieu. La faible
granulométrie (2 à 12 mm suivant les cas) et l'apport important de matière
organique créent des risques de colmatage du filtre que les rhizomes amoindrissent
en formant des pores tubulaires le long des racines.
• La couverture foliaire est un régulateur thermique ayant un impact sur les
rendements épuratoires sous des climats froids (Jenssen et al.,1994).
• Le développement racinaire accroît surtout la surface de fixation pour le
développement des micro-organismes (Brix, 1997). Ils contribuent également à
assurer une dégradation biologique de la partie organique des MeS et libèrent dans
le milieu des composés organiques de faible poids moléculaire, peu polymérisés,
aisément dégradables.

B.2.3. Rendements attendus

Filtres à écoulement vertical


Les rendements attendus sur les filtres à écoulement vertical sont généralement bons au regard
de la pollution carbonée, de la nitrification et des matières en suspensions (MeS). On obtient
des rendements de l’ordre de 95 % sur la DCO, >98 % sur la DBO5 et les MeS. Les
rendements sur l’azote ammoniacal et particulaire sont plus sensibles aux conditions
d’alimentation et de dimensionnement du filtre. On enregistre des variations importantes (60 à

16
95 %) suivant les charges hydrauliques et organiques reçues par les filtres. Au fil de la filière,
on peut noter que le premier étage dégrade principalement la pollution carbonée et les MeS,
mais que la nitrification y est plus limitée. Cette nitrification est complétée au deuxième
étage.
Cette filière permet, bien dimensionnée et bien gérée, de s’assurer de concentrations
résiduelles inférieures à 50 mg.l-1 pour la DCO, 10 mg.l-1 pour la DBO5, 5 mg.l-1 pour les
MeS et 5 mg.l-1 en NTk. La dénitrification et la rétention du phosphore, comme nous l’avons
déjà mentionné, ne sont pas suffisantes dans ce type de système au regard des risques
d’eutrophisation.

Les performances de deux stations à écoulement vertical (Queige, Savoie, 500 EqH, mise en
service en 1998 et Roussillon, Vaucluse, 1250 EqH mise en service en 1998) sont
représentées sur la Figure B-3. Les moyennes de rendements concernent 9 bilans 24 heures
sur le premier étage et 4 sur la station totale pour Queige, et 2 bilans pour le premier étage et 7
pour la totalité de la filière pour Roussillon.

% étage 1 %étage 2 % total Conc sortie STEP % étage 1 % étage 2 % total Conc sortie STEP
100% 50 100% 50

90% 45 90% 45

80% 40 80% 40
Rendements (%)
Rendements (%)

70% 35

Conc (mg.l-1)
70% 35
conc (mg.l-1)

60% 30 60% 30
50% 25
50% 25
40% 20
40% 20
30% 15
30% 15
20% 10
20% 10
10% 5
10% 5
0% 0
0% 0
MES DCO DBO5 NK NH4 P
MES DCO DCOf DBO NK NH4 P E coli E cocc

Figure B-3a) STEP de Queige Figure B-3b) STEP de Roussillon


Figure B-3 : Performances épuratoires moyennes de deux STEP à écoulement vertical

Les filtres voient, avec le développement de la biomasse et de la couche de dépôt organique


en surface du premier étage, une amélioration de leurs performances avec le vieillissement de
la station.
On peut vérifier que la qualité des eaux de sortie est conforme à celle attendue en zone
normale, mais insuffisante notamment sur le phosphore en zone sensible à l’eutrophisation.

Filtres à écoulement horizontal.


L’expérience française concernant les filtres à écoulement horizontal est plus limitée.
Différentes synthèses permettent de faire le point sur les performances attendues par les filtres
à écoulement horizontal (Vymazal et al., 1998 ; Agence de l’eau, 1999 ; IWA, 2000a…). Les
rejets attendus en traitement secondaire sont de l’ordre de 10 mg.l-1 pour les MeS et de 5 à 25
mg.l-1 pour la DBO5. Pour cette dernière il est possible d’obtenir des valeurs de l’ordre de 5
mg.l-1 en traitement tertiaire. Les performances dépendent, en plus de la granulométrie
utilisée, du temps de séjour. Il est souvent observé que la concentration résiduelle des
polluants suit un profil qui décroît exponentiellement avec la longueur du filtre. Alors que la
nitrification de l’azote est correcte avec des filtres à écoulement vertical, les filtres à
écoulement horizontal atteignent difficilement une nitrification de 50 % en raison d’un
manque d’oxygène. En revanche l’azote nitrifié est généralement totalement dénitrifié en
raison de ce même manque d’oxygène.

17
Une synthèse plus complète de l’état de l’épuration par filtres plantés de roseaux en France, et
de l’impact de leur dimensionnement sur les performances, en cours de réalisation, sera
publiée très prochainement (Molle et al., 2004).

B.3. Le filtre, un réacteur triphasique


Le massif filtrant est un milieu poreux triphasique (phases solide, liquide et gazeuse). Les
propriétés physico-chimiques du milieu et des polluants conditionnent la répartition de ces
derniers entre ces trois phases. La capacité de rétention de la phase solide vis-à-vis des
liquides, sa capacité à retenir plus ou moins fortement les polluants à la surface des particules
solides ainsi que son activité biologique donnent au filtre un rôle important dans l'évolution
des polluants en son sein. Les filtres doivent ainsi être considérés comme des réacteurs. Pour
comprendre leur comportement, il est indispensable de connaître leurs propriétés
fonctionnelles.

Dans ce chapitre, une description générale des caractéristiques principales du milieu est
donnée. Le chapitre résume les propriétés physiques et minéralogiques de base, essentielles
pour la compréhension des interactions solide – polluants, la rétention et le transfert des
polluants dans les filtres.

B.3.1. La phase solide


La phase solide est constituée d’un ensemble de particules élémentaires minérales (granulat),
ainsi que de matières organiques résultant du développement bactérien et de l'accumulation
des MeS. Les propriétés de ces divers composants sont décrites brièvement ci-dessous.

B.3.1.1. Le granulat
a) Caractéristiques physiques
• texture
La texture du granulat ne concerne que la phase minérale et est définie par la distribution
numérique des particules élémentaires en fonction de leur géométrie, soit la granulométrie.
Par rapport à la caractérisation de la texture, ces fractions minérales sont donc idéalement
décrites par leur volume et leur forme. Les notions de diamètre apparent et de masse relative
ont été substituées aux notions géométriques et numériques, en supposant par conséquent la
relative sphéricité des particules et l’homogénéité de leur masse volumique.

La courbe granulométrique, représentative de la fraction cumulée de granulat en fonction de


du diamètre des grains, donne une indication de la surface spécifique du matériau (voir
annexe p 219), et donc de l'importance des échanges possibles à l'interface solide-liquide ou
solide-gaz. En ce qui concerne l'hydrodynamique, on peut d'ores et déjà noter que plus les
grains seront de faible taille, et polydispersés (courbe granulométrique étalée), plus la
conductivité hydraulique sera faible et donc les temps de contact, mais aussi le risque de
colmatage, accrus. La pente de la courbe granulométrique permet de caractériser le degré
d’uniformité de la taille des éléments minéraux. Le coefficient d’uniformité (CU), rapport
entre deux diamètres apparents, constitue un indice d’uniformité ou d’irrégularité de la
distribution de la taille des particules de la manière suivante :
CU = d60 〈 2 la granulométrie est dite uniforme.
d10
d
CU = 60 〉 2 la granulométrie est dite dispersée.
d10

18
Afin de fournir une comparaison plus fine de divers type de solides, sur la base des propriétés
particulières que confère à un support la distribution des particules fines (< 2 mm), des classes
texturales ont été établies. Ces classes peuvent différer suivant les pays. Les principales
classes sont reprises au Tableau B-1.

Classe Diamètre
texturale (mm)
Gravier 2-20
Sable très grossier 1-2
grossier 0,5-1
moyen 0,25-0,5
fin 0,1-0,25
très fin 0,05-0,1
Limon 0,002-0,05
Argile < 0,002
Tableau B-1: Echelle texturale du U.S.D.A (United States Department of Agriculture).

• Structure
La structure de la phase solide dépend de l’organisation des constituants entre eux. Elle est
quantifiée soit en s’attachant à décrire le mode d’assemblage des éléments constitutifs de la
phase solide, soit en décrivant le réseau d’espaces lacunaires généré par sa structuration. Dans
la mesure où l’agencement des espaces lacunaires est une conséquence de la structuration du
substrat, leur étude apporte une méthode d’analyse indirecte plus aisée de la structure. La
texture et la structure influencent la porosité (ƒ) des matériaux poreux. Dans le cas de
matériaux non consolidés, la porosité sera notamment dépendante du tassement des particules,
de leur forme et de leur arrangement. La présence de particules de petite taille dans un
système polydispersé réduit la porosité, en remplissant les pores entre les grandes particules.
La présence de matière organique dans le matériau rend à ce dernier une certaine cohésion qui
aura un rôle déterminant sur l’hydraulique du filtre.

Assemblage cubique f = 47,6 %

Assemblage rhomboédrique f = 26 %

Système polydispersé f = 12,5 %

Figure B-4. Importance du mode d'assemblage et de la taille des particules sur la porosité d'un milieu poreux
non consolidé. Pour un arrangement aléatoire de particules monodispersées, la porosité moyenne sera de
l'ordre de 36%.

19
La structure d’un sol reste difficilement quantifiable malgré son rôle dominant dans les
propriétés hydrodynamiques (courbe caractéristique et courbe de conductivité hydraulique cf.
annexe p 229).

• Porosité
Les caractéristiques du réseau des vides sont décrites de manière globale par leur volume total
relatif, soit par le rapport du volume total des vides (Vv) au volume total apparent du sol (VT).

f = Vv Equation 3
VT
On peut étudier plus finement la distribution de la taille des pores en établissant une courbe
porosimétrique.

• Distribution des pores


Le système poral, considéré comme un réseau communiquant de pores et de conduits de faible
dimension, peut être décomposé en plusieurs classes de porosité conduisant à parler parfois de
porosité résiduelle, pour la partie constituée de pores occlus, et de porosité effective pour les
pores communicant. Les plus gros pores correspondent à des fentes de retrait, à des trous de
vers, etc.… et jouent un rôle important dans le transfert des polluants. La porosité effective est
de plus subdivisée arbitrairement en deux parties : la macroporosité dans laquelle se déroule
l’essentiel des processus de transferts d’eau (et donc de solutés et de particules colloïdales) et
d’air, et la microporosité dans laquelle les faibles diamètres des orifices confèrent la propriété
d’empêcher l’écoulement gravitaire de l’eau. Un diamètre apparent de 30-60 µm est
généralement admis comme limite entre macro et micro porosité (Musy et al., 1991).
De manière simplifiée, il est possible de classer les pores en fonction de leur taille et de leur
fonction (Tableau B-2).
Diamètre équivalent des
Fonction Nom
pores
µm
Mouvement de la phase
gazeuse et drainage des eaux
> 50 Macropores
en excès. Permet des vitesses
d'écoulement rapide.
Rétention de l'eau, eau
disponible pour les plantes.
0.5 – 50 Pores de stockage ; mésopores
Vitesse d'écoulement de l'eau
moyenne à lente.
Rétention de l'eau, eau non
disponible pour les plantes,
< 0.5 diffusion des ions en solution. Pores résiduels ; micropores
Vitesse d'écoulement de l'eau
très lente.
Phase non mobile à l'interface
<0.005
solide –liquide.
Tableau B-2. Classification fonctionnelle des pores du sol (adaptée de Greenland, 1981)

20
b) Caractéristiques chimiques
Les minéraux utilisés dans les filtres vont pouvoir, suivant leurs caractéristiques, modifier le
devenir des polluants dans le réacteur. Les minéraux primaires (qui résultent de l'altération
physique de la roche) sont relativement moins réactifs que les minéraux secondaires
(minéraux reformés à partir de la dégradation des minéraux primaires) en ce qui concerne la
rétention des substances par adsorption du fait d'une charge spécifique faible. Ils peuvent
cependant être une source de substances potentiellement polluantes en concentration trace lors
de leur altération et, suivant leur solubilité, contrôler la composition chimique de la phase
liquide du sol. Ceci peut les amener à conditionner la solubilité (dissolution/précipitation)
d’autres substances, comme les phosphates (voir paragraphe C.1.2).

Les minéraux secondaires ont donc un rôle primordial dans le processus d’adsorption et
d’atténuation de la pollution par le sol du fait d'une surface spécifique généralement
supérieure à celle des minéraux primaires. Deux types de matériaux peuvent être cités :
• Les oxydes et hydroxydes de Fe et d'Al, étudiés dans de nombreuses recherches
portant sur la rétention des orthophosphates, sont des minéraux de forte réactivité.
Dans les sols naturels, goethite: FeO(OH); hématite: Fe2O3; gibbsite: Al(OH)3…, sont
réputés avoir un fort pouvoir adsorbant vis-à-vis notamment du phosphore.
• Les roches carbonatées comme la calcite (CaCO3) contrôlent la composition de la
solution du sol (teneur en carbonates, Ca2+, Mg2+) et le pH du fait d'une solubilité
élevée. De ce fait ils contrôlent également la solubilité des polluants. Ils ont une
affinité particulière pour certaines substances telles que les phosphates, phénomène
que nous détaillerons plus amplement par la suite.

B.3.1.2. La matière organique


Le développement bactérien et l’accumulation des MeS vont modifier les caractéristiques et
donc le comportement fonctionnel de la phase solide vis-à-vis de l’hydrodynamique et du
transport de solutés.
• L’écoulement et les transferts gazeux seront affectés par la réduction de la porosité
due à l’accumulation de matières au sein du media filtrant. Cunningham (1997) a
montré que la matière organique peut réduire de plus de 90 % la perméabilité d’un
milieu poreux initialement vierge. Le biofilm se comporte comme une zone stagnante,
et de fait, en augmentant l’humidité du massif filtrant, joue sur la perméabilité
(Ménoret, 2001).
• Le transport des solutés est également affecté en raison d’une augmentation du volume
d’échange. Schwager et Boller (1997) observent une augmentation des temps de
transport de traceurs de près de 5 heures en comparant des traçages sur filtres vierges
et colonisés.
• Les filtres à écoulement vertical, alimentés en eaux usées brutes, sont le siège de
dépôts de matière organique fraîche à la surface. Les résidus de la décomposition de
cette matière organique fraîche, l’humus, possèdent comme les minéraux argileux, des
propriétés colloïdales. Les charges électrostatiques proviennent dans ce cas de la
dissociation de groupes carboxyles et phénols entrant dans la composition de l’humus
(Musy et al., 1991). Suivant le pH des charges négatives peuvent permettre des
processus d’adsorption, d’échange ionique etc… La phase solide est rendue plus
cohésive par l’humus devenu encore plus important dans le cas de la formation de
complexes argilo-humiques.

21
B.3.2. La phase liquide
L'eau est une composante essentielle du milieu, non seulement pour le maintien de l'activité
biologique, mais aussi en tant qu'agent de dissolution pour une large gamme de substances et
comme vecteur pour le transfert de ces substances dissoutes.
L'eau est composée de molécules d'H2O, liées entre elles par des ponts hydrogène. Bien
qu'électriquement neutre, la molécule d'eau présente une certaine polarité due à la répartition
inégale des électrons entre l'atome d'oxygène et les deux atomes d'hydrogène. Ceci lui confère
une forte affinité pour les surfaces chargées et les ions. De ce fait, les molécules d'eau
adsorbées à la surface des particules et des ions (eau d'hydratation) présentent une plus faible
mobilité que l'eau libre. Ceci peut influencer l'adsorption d'autres substances dans la mesure
où l'eau d'hydratation peut, dans une certaine mesure, empêcher un contact étroit entre les
substances adsorbées et les particules solides.
En fonction des périodes d’alimentation, de repos, et des variations de débits entrant sur la
station, la phase liquide du massif se caractérise par une variabilité temporelle et spatiale qui
se manifeste autant sur le plan quantitatif que qualitatif. L’évolution de ces variables d’état
découle des propriétés spécifiques de la phase liquide et des caractéristiques structurales du
support. L’étude menée ici sur l’hydraulique des filtres à écoulement vertical est une
approche quantitative, et de ce fait, la phase liquide sera traitée de manière globale sans tenir
compte des spécificités de sa composition : elle sera assimilée à de l’eau pure.
Classiquement, dans un sol, on distingue trois types d'eau :

• L'eau gravitaire : c'est une eau libre qui circule dans la macroporosité sous l'effet de la
pesanteur. Cette eau peut s'écouler d'une façon lente ou rapide et la transition entre les
deux régimes correspond à la capacité au champ du massif.
• L'eau de rétention : c'est l'eau qui reste dans le massif après le drainage de toute l'eau
gravitaire. Dans cette eau de rétention, on a décrit plusieurs types d'eau à savoir : l'eau
adsorbable, l'eau capillaire …
• L'eau de constitution : qui fait partie intégrante de la composition chimique de la
matrice solide. Cette eau n'est ni mobilisable ni échangeable.

En fait, toute l'eau d'un massif subit l'effet de la gravité. La répartition de l’eau et son
mouvement est conditionné par un ensemble de potentiels énergétiques (gravitationnel, de
pression, osmotique …) dont nous détaillerons les mécanismes et les conséquences au
chapitre D.

B.3.3. La phase gazeuse


La phase gazeuse est généralement un mélange d’air et de vapeur d’eau. La vapeur d’eau est
toujours présente dans un sol non saturé. Sa quantité varie en fonction des échanges avec
l’extérieur, de la condensation dans le milieu poreux, de l’évaporation et du besoin hydrique
des plantes. Généralement l’écoulement sous forme liquide est le mode dominant dans les sols
non saturés (Hillel, 1988).

Dans les filtres plantés, l’impact de la phase gazeuse sur l’hydrodynamique ou les transferts
de solutés, sera indirect, via l’activité biologique plus ou moins active suivant les conditions
d’aérobiose ou d’anaérobiose du filtre. Si la phase gazeuse est souvent négligée dans l’étude
des écoulements, elle est un facteur clé dans le maintien des performances biologiques du
filtre. Il est nécessaire de se situer, le plus souvent possible, en conditions aérobies avec les

22
filtres à écoulement vertical. Trois mécanismes sont susceptibles d’apporter de l’oxygène
dans le filtre :
• L’apport par l’eau usée elle même qui est grossièrement limité à 10 mg d’O2 .l-1.
• L’apport convectif lié aux mouvements d’air dans le sol.
• L’apport diffusif lié au gradient de concentration d’oxygène entre l’atmosphère et le
massif, crée par la consommation bactérienne.
• L’apport par les radicelles

B.4. Conclusion

Les filtres sont donc des réacteurs triphasiques dans lesquels des phénomènes physiques,
chimiques et biologiques ont lieu. Afin d’aboutir à un relatif équilibre des conditions
physiques et biologiques, des dimensionnements empiriques ont été établis. Ces
dimensionnements se font à partir d’une charge organique admissible par temps sec et des
marges sécuritaires sont prises par temps de pluie. Cela revient à définir une surface
nécessaire par EqH. Les rendements obtenus sont excellents pour des zones non sensibles à
l’eutrophisation, mais restent insuffisants dès que des normes strictes sont requises sur le
paramètre phosphore. L’incidence des surcharges hydrauliques, sur les processus biologiques
notamment, est trop peu connue pour aboutir à des préconisations en matière d’acceptation et
de gestion des épisodes pluvieux. Ces deux aspects sont traités dans les parties suivantes.

23
24
C : La rétention du
phosphore sur
matériau défini

Cette partie est relative à la problématique phosphore. Elle est composée de trois chapitres :

– Le premier rappelle les différentes possibilités de rétention du phosphore et décrit


spécifiquement les mécanismes de transfert des ions de la phase liquide à la phase
solide des matériaux spécifiques,
– Le second présente les méthodologies expérimentales mises en œuvre dans cette
étude pour étudier la rétention du phosphore par les matériaux granulaires testés,
– Ce qui autorise une synthèse des résultats expérimentaux obtenus avec les
commentaires et conclusions associés.

25
C.1. Etude bibliographique

C.1.1. Formes du Phosphore dans les eaux usées et voies


d’élimination de la phase liquide
Dans les eaux usées, le phosphore se trouve principalement sous forme d'orthophosphates
(HXPO4X-3), de polyphosphates (polymères d'acide phosphorique) et de formes organiques du
phosphore dérivées du vivant ou xénobiotiques (p.ex. : Roundup®). Rapidement, la forme
orthophosphate est la principale, en raison de l'hydrolyse des deux autres. L'ion phosphate
peut se trouver dans trois états de protonisation (Syers, 1981) :
H 3 PO4 + OH − ⇔ H 2 PO4− + H 2O Equation 4
− − 2−
H 2 PO + OH ⇔ HPO
4 4 + H 2O Equation 5
2− − 3−
HPO 4 + OH ⇔ PO + H 2O
4 Equation 6

Les valeurs des constantes de dissociation (pK) sont respectivement de 2,1, 7,2 et 12,5.
Compte tenu des pH rencontrés dans les eaux, les formes principales sont H2PO4- et HPO42-
(Kadlec et Knight, 1996). Ces ions ne sont pas tous libres, des recombinaisons peuvent avoir
lieu avec plusieurs cations divalents ou trivalents suivant le pH de la solution. Les plus
importants complexes d'orthophosphates sont présentés dans la Figure C-1. Bien que les ions
H2PO4- soient la forme prédominante pour des pH inférieurs à 7,2, des complexes P-Fe, ou P-
Ca peuvent devenir signifiants suivant le pH.

Figure C-1 : Effet du pH sur des complexes de phosphates en solution (source Dixon et al., 1989).

La matière organique intervient également dans la mobilité des ions et des complexes de la
solution.

26
Classiquement, il existe deux grandes voies d’élimination du phosphore présent dans les eaux
usées : la déphosphatation physico-chimique et la déphosphatation biologique. Leurs
principes sont détaillés brièvement ci-dessous en s’attachant à analyser leur adéquation avec
la filière de filtres plantés. La déphosphatation naturelle dans les filtres, et à plus large échelle
dans les sols, est également présentée.

- Déphosphatation biologique
La déphosphatation biologique est basée sur l’accumulation de phosphates par la biomasse
au-delà des besoins métaboliques de croissance. Pour des boues activées classiques la teneur
en phosphore est d’environ 2 % de la masse de MVS. En déphosphatation biologique cette
teneur peut atteindre 10 %. Cette suraccumulation peut être observée lorsque l’on favorise le
développement de biomasse déphosphatante, qui peut contenir jusqu’à 0,38 mg de P. mg-1 de
MVS (Wentzel et al., 1997).

Concrètement la biomasse est séquentiellement exposée à une alternance de conditions


aérobie, et anaérobie, facilitant le développement de la biomasse capable d’accumuler des
phosphates sous formes de polyphophates. Les boues excédentaires sont extraites du réacteur
biologique dans des conditions où le relargage du phosphore est évité ou contrôlé.

Différentes conditions sont nécessaires pour une bonne déphosphatation biologique dont :
• la phase de développement de la biomasse : L’absorption est optimum pendant la
phase de latence, quand la croissance des bactéries est pratiquement stoppée (Cloete et
al., 1994), l’activité endogène induit un relargage du phosphore stocké.
• le temps de séjour hydraulique : Des temps de séjour minimum de 0,5 à 1,5 heures
dans la zone anaérobie, et des temps pas trop longs en zone aérobie pour éviter le
relargage en absence de matière organique à oxyder (Comeau, 1990).
• le potentiel redox : Il permet d’identifier les différentes phases d’anaérobiose,
aérobiose et d’anoxie. Il doit être inférieur à –150 mV dans la zone anaérobie et
supérieur à 300 mV en zone aérobie (Daigger et al., 1987 ; Charpentier et al., 1991).

Compte tenu du fonctionnement des filtres plantés de roseaux, plusieurs inconvénients


peuvent être énoncés quant à la transposition d’un tel procédé aux filtres :
• La maîtrise des phases d’anaérobie et aérobie, de leurs potentiels redox et des temps
de contact nécessaires dans chaque phase, est loin d’être aisée pour garantir les
conditions optimales de développement de la biomasse déphosphatante.
• Les filtres à écoulement vertical travaillent dans des phases de croissance de biomasse
et de régression par respiration endogène, incompatibles au maintien d’une population
en phase de latence.
• La production de boues ne pouvant pas être extraite du système, les phénomènes de
relargage risqueraient d’être importants.

- Déphosphatation physico-chimique
Méthode courante d’élimination du phosphore (92 % de l’élimination en France ; Deronzier et
al., 2003), la déphosphatation physico-chimique est mise en œuvre par ajouts de sels
métalliques (à base d’aluminium ou de fer), de CaO ou de Ca(OH)2, pour former des
précipités insolubles de phosphates. Trois types de traitements pourraient être envisagés selon
l’emplacement de la déphosphatation au sein de la filière filtres plantés de roseaux :

27
• En entrée station : Un phénomène de coagulation de la pollution colloïdale se
superpose à la précipitation, ce qui induit des doses élevées de réactif et une
production de boues accrue qui se déposera sur les filtres du premier étage.
• Traitement tertiaire : Réalisée sur l’eau traitée cette technique permet l’élimination
poussée de phosphore (sur la base de l’expérience des boues activées) mais nécessite
une étape supplémentaire de séparation de la phase solide et liquide et donc des coûts
et une contrainte d’exploitation supplémentaires.
• Traitement intermédiaire : entre les deux étages de filtres, cette solution serait un
compromis entre les deux précédentes. Cela permettrait de minimiser la dose de réactif
mais entraînerait un dépôt de boues sur le deuxième étage de traitement et donc un
risque de colmatage accru (non envisageable s’il s’agit d’un filtre à écoulement
horizontal). Une recirculation en tête de station peut être envisagée pour renvoyer les
boues sur le premier étage.

La quantité de réactif à ajouter est fonction, bien sûr, de la concentration du P dans l’influent
et du degré d’élimination souhaité, mais également du pH, de l’intensité du brassage dans la
cuve de contact, de la concentration en MeS, de la présence d’espèces interférentes …
(Maurer et al., 1998). L’optimisation doit donc être réalisée au cas par cas sur chaque station.
En boues activées, la surproduction de boues induite par une déphosphatation physico-
chimique est d’environ 20 % (Deronzier et al., 2003).

Si ce procédé d’élimination du phosphore est techniquement envisageable, on comprend


aisément qu’il induira une complexification de la gestion des filtres plantés (mise au point des
ajouts de réactifs proportionnels aux débits, suivi et réglage des appareils de dosage et de
mélange …). Cela demande donc une qualification supérieure du personnel exploitant. La
production de boues et donc le colmatage des filtres sera accru, augmentant ainsi les coûts de
gestion de la filière.

- Déphosphatation naturelle en filtres plantés de roseaux


La rétention des phosphates dans les filtres plantés de roseaux, et à plus large échelle dans les
zones humides, est la conséquence de plusieurs mécanismes (Figure C-2 p 29) :
• Une assimilation bactérienne ainsi qu’une incorporation dans la matière organique en
formant des complexes organiques faiblement solubles ou insolubles. Sachant que,
contrairement aux boues activées où la déphosphatation biologique est une voie
intéressante, les boues produites ne peuvent être évacuées régulièrement. En
conséquence, lors de la minéralisation (qui est recherchée pour minimiser le risque
d’engorgement du massif) le P est relargué en solution.
• Les roseaux, comme tous végétaux, utilisent du P pour leur croissance. Le P assimilé,
par ce biais, peut être partiellement évacué par faucardage de la partie aérienne.
Néanmoins les surfaces mises en jeu comparativement aux charges appliquées,
rendent ce phénomène négligeable (cf. paragraphe B.2.2). Il faudrait plus de 1000
m2.EqH-1 pour retenir le P à 3g. EqH-1.j-1. Leur rôle est néanmoins important car le
phosphore consommé par les végétaux est plus biodisponible que le phosphore
particulaire ou précipité.
• Des mécanismes de rétention par des phénomènes d’adsorption - précipitation sur la
phase solide, permettant des liaisons stables.

28
P-organique

immobilisation

minéralisation
(P en solution)
HxPO4x-3
Assimilation par les plantes
Évacuation par faucardage
Export négligeable Phase solide-PO4
(stable)
Figure C-2 : Cycle du phosphore dans les filtres plantés

Ce dernier point est un aspect intéressant de rétention du phosphore en respectant le caractère


extensif recherché dans l’élaboration des ces filières à filtres plantés. Plusieurs études vont
dans ce sens en essayant de trouver des matériaux adéquats pour garantir sur le long terme des
niveaux de rejet compatibles avec la réglementation (Drizo et al., (1999, 2002), Brix et al.,
(2000), Comeau et al., (2001), Zhu et al., (1997) ...).

Les recherches présentées dans ce rapport concernent donc cette thématique qui revient à
définir, en terme de qualité et de quantité fixée, quel est le « pouvoir tampon » de ces
matériaux adsorbants.

C.1.2. Mécanismes de fixation à l’interface liquide-solide


On peut considérer deux grands types d'interactions entre la phase solide du filtre et un
élément dissous dans la phase liquide: l'adsorption/désorption et la précipitation/dissolution.
La distinction entre ces deux mécanismes n'est pas toujours aisée à établir d'un point de vue
moléculaire.
Dans un premier temps, nous nous attacherons à décrire les différents types d’adsorption ainsi
que les facteurs qui les gouvernent. Les modèles qui permettent de les décrire seront
présentés. Après quoi, les réactions de nucléation et de précipitation seront explicitées en
mettant l’accent sur la nature des matériaux utilisés et leur comportement chimique vis-à-vis
des composés en solution intervenant dans la précipitation du phosphore. Une discussion sur
la différenciation des deux phénomènes dans les études menées viendra conclure ce
paragraphe.

C.1.2.1. L'adsorption
De manière générale, l'adsorption se définit comme "un processus résultant d'une
accumulation nette d'une substance à l'interface entre deux phases contiguës" (Sposito,
1984). Il s'agit donc d'un phénomène de surface. Les ions et molécules adsorbés ne deviennent
en aucun cas partie intégrante de la structure du solide sur lequel elles viennent s'adsorber. Le
terme "adsorption" ne précise pas la nature de la réaction entre le constituant adsorbé et la
phase solide.

29
Suivant la nature de la réaction d'adsorption et la proximité du contact entre la molécule
adsorbée et la surface adsorbante, on fera une distinction entre adsorption spécifique et non-
spécifique.
On se souviendra que l'eau dans un milieu poreux est présente sous trois "formes": l'eau libre,
l’eau capillaire et l'eau d'hydratation (Voir paragraphe B.3.2). Cette eau d'hydratation, dont
les molécules ont une mobilité réduite par rapport aux molécules d'eau libre, recouvre
l'ensemble des particules solides sur une épaisseur de quelques molécules d'eau. Elle est
également présente autour des ions dans la solution, sous forme d'une coquille de solvatation.
On qualifie de complexes hors sphère les réactions d'adsorption dans lesquelles ces molécules
d'eau d'hydratation sont maintenues, et de complexes de sphère interne les réactions
d'adsorption dans lesquelles ces molécules d'eau d'hydratation sont exclues (Figure C-3). Les
interactions de type sphère interne seront plus fortes que les interactions hors sphère où la
séparation entre la substance adsorbée et la surface du solide sera facilitée.

Figure C-3 : Représentation des mécanismes responsables de l'adsorption selon Charlet (1999).

De même, les particules minérales ou organiques possèdent une charge intrinsèque de surface
σint que l'on peut décomposer en deux contributions distinctes :
• σ0 la densité de charge structurale de surface. C'est une charge permanente qui résulte
de substitutions isomorphiques des ions par d'autres ions de charge différente au sein
des particules (uniquement valable pour des particules minérales telles les argiles).
Elle est indépendante du pH et de la force ionique mais peut cependant varier en
fonction du potentiel redox, suite à des réactions d'oxydo-réduction impliquant des
cations structuraux.
• σH la densité nette de charge protonique de surface. Elle résulte de l'adsorption et de
la désorption de protons au niveau de sites fonctionnels présents à la surface des
phases organiques ou inorganiques. Ce type de charge est dit "variable" car la quantité
de charge dépend du pH de la solution. Il est à noter que les constantes de dissociation
des groupes fonctionnels vont dépendre de la molécule organique dont ils font partie
ou de leur localisation à la surface des minéraux. Cette remarque est importante car,

30
bien que l'on puisse définir des groupes fonctionnels "type", il n’est généralement pas
possible, dans un sol, d'attribuer une constante de dissociation unique à tous les
groupes fonctionnels de même type (tout au plus une valeur moyenne). En d'autres
termes, même s'il n'existe qu'un seul type de groupe fonctionnel à la surface d'un
solide, il est probable que l'on trouve à sa surface plusieurs types de sites réactionnels,
en fonction de la localisation de ces derniers à la surface du solide (Charlet, 1999).

Pour les minéraux secondaires, la charge fixe nette est généralement négative. La charge
variable peut être négative, nulle ou positive selon le pH de la solution. Selon le type de
groupe fonctionnel, la charge variable nette aura tendance à être positive (ou moins négative)
pour des pH acides, alors que pour des pH basiques, la charge variable nette aura tendance à
être négative (ou moins positive).
Cette réactivité est à l'origine de l'adsorption de substances diverses à l'interface solide –
liquide. En fonction du type d'adsorption la réactivité globale des particules évolue.

L'adsorption va donc avoir un impact sur le transport des polluants dans le filtre, ainsi que sur
la charge de surface des particules.

- a) Adsorption spécifique

Dans le cas de l'adsorption spécifique, les liaisons entre la substance adsorbée et l'adsorbant
peuvent être de type ionique ou covalent, et les complexes formés sont de type "sphère
interne". Elle peut intervenir même si l'ion et la charge de surface sont de même signe, et il est
possible que la quantité d'ion adsorbé excède la charge de surface du minéral, conduisant
alors à une inversion de charge. Pour les anions (sujet qui nous intéresse) plusieurs types
d'adsorption peuvent être notés :

• Un échange de ligand résultant d'un échange entre l'ion hydroxyle et un anion. La


formation de tels complexes est dépendante du pH, car liée à un relargage d'ion OH-,
et donc favorisée par des pH faibles. On peut les schématiser de la manière suivante:
S – OH + L- ⇔ S – L + OH- Equation 7
- + -
2S – OH + L ⇔ S2 – L + 2OH Equation 8

• Une formation de complexe de surface suivant :

S – OH + L- + Mz+ ⇔ S – L – Mz+ + OH- Equation 9


S – OH + L- + Mz+ ⇔ S – OM – L(z-2)+ + H+ Equation 10

On peut p.ex. présenter l'adsorption d’ions phosphate sur FeOH :

FeOH Fe O O-
+ H2PO4 -
P + 2H2O Equation 11
FeOH Fe O O

Il est à noter que les complexes de type sphère interne, impliqués dans des liaisons de type
covalent, peuvent également être à l'origine de l'apparition de charges à la surface des
particules. Ceci peut, p.ex., s'observer lors de l'adsorption d'ions phosphates sur les oxydes

31
métalliques (goethite p.ex.). Ces ions phosphate peuvent être à l'origine de charges négatives
supplémentaires à la surface du solide.

Vu l'énergie d'activation plus élevée nécessaire pour ce genre de réactions, ces substances
seront plus difficilement échangeables. Il s'agit par exemple de l'adsorption des phosphates
sur les oxydes de fer ou sur les carbonates, de certains métaux lourds, des pesticides, etc…

Figure C-4 : Interprétation schématique d'adsorption sur


une surface. Association avec des groupes hydroxyles (s);
complexes de sphère interne (a); complexes de sphère
externe (β); double couche diffuse (d). Tiré de Stumm
and Morgan (1996).

- b) Adsorption chimique non-spécifique

Dans le cas de l'adsorption non-spécifique, les liaisons entre la substance adsorbée et


l'adsorbant sont essentiellement de type électrostatique. La substance adsorbée est présente
soit sous forme de complexe hors sphère, soit dans une couche diffuse d'ions présents autour
des particules solides mais pas en contact direct avec le solide.
Complexe de sphère externe
La formation d'un complexe hors sphère est due à des liaisons hydrogènes ou électrostatiques
entre une particule et un ion restant entouré de molécules d'eau d'hydratation (Figure C-4).
Ces complexes interviennent sur la charge nette de surface.
SOH2+ + L- ⇔ SOH2+ – L- Equation 12

La double couche diffuse


Les charges électriques fixes et variables des solides, décrites précédemment, engendrent des
propriétés électrostatiques à l’interface solide-liquide. Ces charges sont compensées par un
"nuage d'ions" en solution qui se développe à proximité de la surface chargée. On appelle ce
nuage, la double couche diffuse. Cette double couche diffuse aura bien évidemment une
influence sur la mobilité des polluants ioniques. Les anions, les cations échangeables ou
n'importe quelle molécule organique chargée, peuvent être présents dans la double couche
diffuse. Ces ions sont retenus par des forces électrostatiques relativement faibles et sont donc
facilement remis en solution lors des variations de la force ionique de la solution.

32
La charge nette compensée par la double couche diffuse provient donc de 4 sources:
• Charges fixes (σ0)
• Charges variables (σH)
• Charges dues aux complexes de type "sphère interne" (σsi)
• Charges dues aux complexes de type "sphère externe" (σse)

Du point de vue d'un ion en solution, la charge nette d'une particule solide correspond à la
somme de ces 4 types de charges. Les molécules adsorbées présentes sous forme de
complexes de sphère interne ou de sphère externe, étant très proches de la surface du solide et
ne faisant pas partie de la double couche diffuse, doivent être prises en compte dans la balance
des charges, telle que
σ 0 + σ H + σ is + σ os = σ D Equation 13
où σD représente la somme des charges présentes dans la double couche diffuse.

- c) Isothermes

Les processus d'adsorption se décrivent au moyen d'isothermes d'adsorption reliant la


concentration de la substance en solution à l’équilibre (mg.l-1) et la quantité (q) adsorbée sur
la phase solide (mg.g-1) à température constante. On distingue 4 grands types d'isothermes :
S, L, H et C (Figure C-5).
• L'isotherme en S est caractérisé par une pente croissante en fonction de la
concentration de la substance considérée en solution. Elle traduit une affinité variable
de l'adsorbant par rapport à la substance adsorbée.
• Les isothermes en L sont caractérisés par une pente qui décroît en fonction de la
concentration de la substance en solution. C'est le résultat d'une affinité relativement
haute de la phase solide pour la substance adsorbée, couplée avec une diminution du
nombre de sites adsorbants.
• La courbe H est une version extrême de la courbe L traduisant une très grande affinité
de la phase solide pour la substance adsorbée.
• La courbe C (linéaire) est caractérisée par une pente constante quelle que soit la
concentration de l'espèce considérée jusqu'au maximum d'adsorption. Ce type
d'isotherme peut être produit, soit par une répartition constante de la substance entre la
région interfaciale et externe, soit par une croissance proportionnelle du nombre de
sites adsorbants avec la concentration de l'adsorbat.

33
Courbe-S Courbe-L
A A
d d
s s
o o
r r
b b
é é

Solution Solution
A Courbe-H A Courbe-C
d d
s s
o o
r r
b b
é é
Solution Solution
Figure C-5: Représentation des différents types d'isothermes

L’isotherme en L est de loin le plus répandu dans la littérature de la chimie des sols (Sposito,
1984). Plusieurs équations d’isothermes sont utilisées pour reproduire les données
expérimentales. De nombreux ouvrages et articles décrivent ces modèles (Anderson et al.,
1981 ; Barrow, 1978 ; Sposito, 1984 ; Sanyal et al., 1991 …). Ces équations, bien que définies
pour un état d’équilibre, peuvent être modifiées pour y adjoindre la cinétique réactionnelle
comme variable supplémentaire ce qui, dans le cas de filtres où se produisent des transferts,
est un impératif.

- d) Modèle de Langmuir

Développée à l’origine pour décrire les mécanismes d’adsorption de gaz sur des solides,
l’équation de Langmuir est largement utilisée pour les systèmes diphasiques liquide-solide.
Dans la théorie initiale, Langmuir suppose que la surface de l'adsorbant comporte un nombre
déterminé et constant de sites d'adsorption, et que l’adsorption est réversible. Par la suite,
d'autres hypothèses de validité se sont greffées pour simplifier l'équation:
• chaque site ne peut adsorber qu’un ion,
• il n'y a aucune interaction entre les ions qui s'adsorbent,
• la constante d'adsorption K est dépendante du site d'adsorption.

L’équation de Langmuir est de la forme suivante :


q= KbC Equation 14
1+ KC

où b et K sont des paramètres ajustables. b représente la valeur de l’adsorption quand C


devient grand soit le maximum d’adsorption, et K un paramètre d’affinité relié à l’énergie
d’adsorption. Pour déterminer ces paramètres avec des données expérimentales il est utile de
représenter le ratio,
q
Kd = Equation 15
C

34
nommé coefficient de distribution, en fonction de l’état de saturation q. Kd est donc la pente
de l’isotherme, et peut être interprété comme l’affinité entre le substrat et l’ion à réagir. Ce
coefficient ne renseigne en rien sur le(s) type(s) de mécanisme(s) mis en jeu. En multipliant
les deux membres de l’équation par 1/C + K et en introduisant Kd, on aboutit à l’expression
linéaire suivante :
K d =bK − Kq Équation 16

Si l’équation de Langmuir est applicable, une droite, de pente –K interceptant l’axe des
abscisses à la valeur de bK, devrait être obtenue. Il est souvent observé qu’une telle relation
n’est pas linéaire mais suit une courbe convexe (Figure C-6).

Kd

q
Figure C-6: Courbe du coefficient de distribution.

L’isotherme peut alors être modélisé en une somme de deux équations de Langmuir, dont les
paramètres peuvent être évalués par les deux asymptotes. La méthode pour les déterminer
peut être trouvée dans Sposito (1984). Les différences entre les données et le modèle à une
équation de Langmuir, pour de fortes concentrations, ont amené à penser que plus d'un
mécanisme de sorption avaient lieu (plusieurs types d’adsorption, précipitation). Ryden et al.
(1977) décrivent la sorption par trois équations de Langmuïr distinctes.

Ce modèle a été largement critiqué (Parfitt,1978) en raison de la non prise en compte des
changements de charge de la surface au fur et à mesure de l’adsorption. En fait, dans le cas de
la problématique phosphore, les hypothèses de non interaction entre les différentes espèces de
P adsorbé, et d'énergie d'adsorption constante ne sont pas en accord avec le fait que le P
apporte une charge et donc, que le potentiel de surface décroît au fur et à mesure que
l'adsorption croît (Sanyal, 1991).

De nombreuses études ont été réalisées pour faire évoluer ce modèle et améliorer la
corrélation, en accord avec les connaissances des mécanismes mis en jeu (Barrow, 1978,
1983b; Sposito, 1982; Lin et al., 1983; Blanchard et al., 1984, ...). Malgré les discordances,
cette équation reste largement utilisée avec une bonne corrélation pour des valeurs de P < 15
mg.l-1 (Sanyal, 1991).

35
La dépendance par rapport au temps, importante à connaître pour prédire le comportement
d’un substrat dans un système dynamique, revient à introduire une vitesse de réaction (r)
suivant :
−r =− dC = KbC Equation 17
dt 1+ KC
Soit en intégrant par rapport au temps :
ln(C0 /C)
ln(C0 )+ K(C0 −C)= Kbt ⇔ = Kb t − K Equation 18
C (C0 −C) (C0 −C)

ln(C0 C ) t
En traçant la courbe en fonction de on en déduit les valeurs de Kb (pente
(C0 − C ) (C0 − C )
de la droite) et K (valeur de l'ordonnée pour t=0).

- e) Modèle de Tempkin

Ce modèle est basé sur l'hypothèse que l'énergie de liaison décroît linéairement avec
l'augmentation de la saturation de la surface. Pour une saturation moyenne du sol, l'équation
s'écrit :
q RT
= ln(EC ) Equation 19
b a
E et a sont des coefficients, b le maximum d’adsorption de l’équation de Langmuir, T la
température (°K) et R la constante des gaz parfaits (8,314 J.mol-1.K-1).

La comparaison avec les données expérimentales est en général meilleure, sur une plus grande
gamme de valeurs, qu'avec le tracé de Langmuïr (Sanyal, 1991). Cependant ce modèle
comporte trois paramètres à identifier.

L'allure, généralement curviligne, des données indique que la décroissance de l'énergie de


liaison en fonction de la saturation des sites d'adsorption, est non linéaire. Cela remet donc en
cause l’hypothèse formulée dans ce modèle.

- f) Modèle de Freundlich

Le modèle de Freundlich est peut être le plus largement utilisé, bien qu'il soit empirique
(Walter, 1993). Ici l'affinité (l'énergie de liaison) est supposée décroître exponentiellement
avec l'augmentation de la saturation de la surface, supposition peut être plus proche de la
réalité que les modèles précédents (Sanyal, 1991). L'équation (un détail rigoureux de
l'établissement peut être trouvé dans Parfitt, 1978) prend la forme suivante :
q = kfCn Equation 20

Certains auteurs attachent moins d'importance à ce modèle car il ne permet pas la mesure d'un
maximum d'adsorption. Néanmoins, le coefficient de Freundlich, kf, est un indicateur
intéressant du P adsorbé. Sanyal et al (1991), lors d'une étude sur plusieurs sols, ont trouvé
une forte corrélation entre le coefficient kf et le maximum d'adsorption de l'équation de
Langmuïr. kf peut être pris comme un indicateur de comparaison de différents matériaux. Il
représente la quantité retenue par la phase solide pour une valeur unité de C.
L’ajustement des paramètres k et n est rendu plus facile en écrivant l’Equation 20 sous forme
logarithmique.

36
logq =logk f + nlogC Equation 21
Néanmoins, la transformation logarithmique opérée entraîne une perte de sensibilité sur les
variations des variables C et q (Gaultier, 1994).

Barrow (1983a) introduit la dépendance du temps de l’équation de Freundlich suivant :


q = kfCntb Equation 22

Les constantes, déterminées en test batch, sont affectées par de nombreux facteurs comme les
propriétés du matériau, le pH, la température, l’électrolyte et le ratio-sol solution (Barrow et
al., 1979).

Polyzopoulos (1985), Ratkowsky (1986) ont testé sur plusieurs sols, différents modèles
d'adsorption du P, concluant que si plusieurs équations permettent d’obtenir de bonnes
corrélations, la plus pertinente, et la plus simple, est celle de Freundlich.

C.1.2.2. Nucléation et Précipitation


Si l'adsorption est définie comme l'accumulation nette d'une substance à une interface, la
précipitation elle, peut être définie comme l'accumulation d'une substance formant une
nouvelle phase solide tridimensionnelle. La précipitation nécessite, en premier lieu, la
formation d'un germe de nucléation stable. Ces germes peuvent se former par collisions de
réactants dans la solution (nucléation homogène), ou par adsorption et formation de germes à
la surface d'un solide (nucléation hétérogène) (Anderson et Rubin, 1981). La distribution des
formes phosphatées et donc leur précipitation, est gouvernée par le pH. La solubilité des
précipités sera donc fortement régie par le pH comme nous le verrons par la suite.

- a) Saturation

La réaction de dissolution-précipitation d'un minéral MnXm(s) s'écrit suivant:


MnXm(s) ⇔ nM(aq) + mX(aq) Equation 23

Comme pour toute réaction chimique, l'enthalpie libre, ou énergie de Gibbs, ∆Gr s'écrit:
(M )n ( X )m
∆Gr = ∆Gr0 + RT ln Equation 24
(M n X m )

Où ∆Gr0 (kJ.mol-1) est l'enthalpie libre standard à 25°C et sous 1 atm, R la constante des gaz
parfaits, T la température absolue et (M), (X) et (MnXm), les activités des éléments impliqués
dans la réaction. Le signe de ∆Gr indique le sens de la réaction qui se produit vers la gauche si
∆Gr > 0, vers la droite si ∆Gr < 0.

A l'équilibre, ∆Gr = 0 soit,


n m
( M ) éq ( X ) éq
∆Gr0 = − RT ln Equation 25
(M n X m )

en substituant l'Equation 25 dans l'Equation 24 on fait apparaître le produit de solubilité ks:

37
 (M ) n ( X ) m 
 
∆Gr = RT ln 
0 (M n X m )  = RT ln  QM n X n  Equation 26
 ( M ) éq
n m   
( X ) éq  ks 
 
 ( M n X m ) 

Avec QM n X n le produit ionique de la solution. La valeur du produit de solubilité dépend de la


température, calculée selon la loi de Van't Hoff ou ajustée empiriquement, et de la pression
d ln k ∆H 0
(Loi de Van't Hoff à pression constante: = avec ∆H 0 , l'enthalpie standard de la
dT RT 2
∂ ln k ∆V 0
réaction) De même l’influence de la pression se traduit par : =− avec V0, volume
∂P RT
molaire partiel.

On peut alors apprécier l'état de saturation d'une solution, par rapport à un minéral, en
comparant le produit ionique à la constante d'équilibre :
QM X
IS = log n n Equation 27
kS

Si IS > 0, la solution est sur-saturée


Si IS = 0, la solution est équilibrée
Si IS < 0, la solution est sous-saturée

La validité de l'utilisation de cette constante, reposant sur l’hypothèse d’un équilibre, pour
établir des hypothèses de précipitation dans les filtres, peut être remise en cause lorsque le
temps de séjour des polluants, trop court, ne permet pas d’atteindre un état d’équilibre.

- b) Nucléation homogène

Si l'on accroît la concentration en solution, de manière à sur-saturer la solution vis-à-vis d'un


précipité, la nouvelle phase ne sera formée qu'après un certain degré de sur-saturation. Les
germes de nucléation stables ne peuvent être formés qu'après le franchissement d'une barrière
d'énergie d'activation, fonction de l'état de sur-saturation et de l'énergie interfaciale,
correspondant à une taille critique du germe. Une fois la taille critique franchie, la
précipitation sera plus aisée. Au fur et à mesure que la sur-saturation décroît, les précipités
inférieurs à la taille critique se dissolvent. Les vitesses de précipitation-dissolution sont très
lentes à l'approche de l'équilibre, permettant la stabilité des cristaux formés. La vitesse de
formation des germes est fonction de l'efficacité des collisions, de l'énergie libre de formation
d'un germe sphérique, elle-même fonction de la saturation de la solution et de la taille du
germe.

- c) Nucléation hétérogène

Dans les sols, la précipitation homogène est une exception. Les particules présentes vont
catalyser la précipitation en abaissant l’énergie d’activation nécessaire pour la nucléation.
Stumm et al. (1996), expliquent cet effet catalyseur par le fait que l’énergie interfaciale entre
deux particules, est inférieure à celle entre un cristal et la solution. Dans un cas extrême, où le
substrat et le nucléon sont identiques, l’énergie interfaciale est nulle et donc la précipitation

38
fortement favorisée. En état de sursaturation la précipitation hétérogène sera fortement
favorisée par rapport à la précipitation homogène.

Le temps de contact et l’état de sursaturation sont des paramètres de première importance


pour permettre la précipitation. Cependant la constante de solubilité ne sépare pas nettement
les mécanismes de précipitation dissolution. Une zone dite « metastable » dont la géométrie
varie suivant les conditions physico-chimiques du milieu existe (voir Figure C-7).

Limite de la zone
metastable
zone sur-saturée Solubilité de la
phase solide
Concentration

Zone metastable

zone sous-saturée

pH
Figure C-7: Diagramme schématique de solubilité et saturation en fonction du pH

Une solution fortement sursaturée pourra former des précipités spontanément. Une solution
se situant dans la zone metastable peut ne pas former de précipités pendant une période
relativement longue si aucun germe de nucléation n’est introduit. Dans cette zone, des formes
non stables peuvent également se former. On comprend qu’il est donc important de connaître
les différentes formes de précipités qui peuvent se former et comment ils évoluent dans le
temps.

C.1.2.3. Précipitation P-Ca


Parmi les différentes formes solides de phosphates de calcium (Tableau C-1), les apatites sont
les plus stables. Plusieurs substitutions isomorphiques sont possibles dont les formes les plus
connues sont l’hydroxyapatite (HAP) (Ca10(PO4)6(OH)2) et la fluoroapatite (FAP)
(Ca10(PO4)6F2).

Composé Formule chimique Ca/P


Hydroxyapatite Ca10(PO4)6(OH)2 1,67
fluoroapatite Ca10(PO4)6F2 1,67
Phosphate octocalcique Ca4H(PO4)3 1,33
Phosphate tricalcique Ca3(PO4)2 1,5
Phosphate dicalcique CaHPO4 1
Phosphate monocalcique Ca(H2PO4)2 0,5
Tableau C-1 : Différents composés de phosphates de calcium.

La phase initiale formée lors de la précipitation de phosphates de calcium dépend des


caractéristiques de la solution. Zoltek (1974) rappelle que les formes trouvées dans différentes
études diffèrent énormément. La théorie de Ostwald-Gay Lussac, généralement admise,
établit que la forme thermodynamique la moins stable, et donc la plus soluble, est souvent la

39
plus facilement précipitable. Dans ces conditions, l’ordre de formation de précipités de
phosphates de calcium serait : phosphate dicalcique, phosphate tricalcique, phosphate
octocalcique puis les apatites si des impuretés ne perturbent pas le système.
La précipitation de phosphates de calcium dépend fortement des conditions physico-
chimiques de la solution. Les pH basiques favorisent cette précipitation, comme le montre la
Figure C-8.

Figure C-8: Diagramme de solubilité de divers composés de Ca, Fe et Al de phosphates.


Calculés pour une concentration en Ca de 1.10-3 M (Stumm et al., 1996)

Plusieurs caractéristiques de la précipitation homogène de phosphates de calcium ont été


montrées dans des travaux de Song et al (2001, 2002). On le comprend, par le calcul de
l'indice de saturation vis-à-vis de l'HAP (Equation 28), le pH, la concentration en calcium et
en phosphate de la solution initiale, sont des facteurs contrôlant la précipitation.

IS = 5log (Ca2+) + 3 log (PO43-) +log (OH-) + log (f25f33f1) – log kS Equation 28
fi représente le coefficient d'activité de l'ion et i sa valence.

Song et al (2001) montrent qu'une phase première de précipitation a lieu qui par la suite, avec
l'avancement de la réaction, permet une nouvelle phase de précipitation. Ce phénomène est à
mettre en relation avec une évolution des précipités formés. Il apparaît que le ratio Ca/P de la
solution initiale influence la vitesse de précipitation et son amplitude. Si le précipité formé au
départ peut être différent de l'HAP, il a tendance à avoir une composition stœchiométrique
proche de l'HAP à la fin. Le précipité sera d'autant plus proche de l'HAP que le pH de la
solution et que le ratio Ca/P initial de la solution seront importants. Pour un ratio Ca/P de la
solution initiale de 1,67, la précipitation homogène devient effective pour un pH de 8,5 – 9.
Le précipité formé est d'un ratio de 1,67 pour des pH supérieurs à 9. Pour des pH plus proches
de la neutralité, et de faible ratio Ca/P dans la solution de départ, le précipité peut avoir un
ratio supérieur à 2-3 et redescendre vers 1,67 avec l'avancement de la réaction.

D'autres paramètres vont avoir un rôle sur la précipitation de phosphates de calcium.


L'augmentation de la force ionique de la solution aura tendance à faire décroître l'indice de
saturation. Une augmentation de la température permettra, inversement, de rendre la solution
plus saturée. Les substances humiques vont également avoir un rôle négatif sur la
précipitation en fragilisant les cristaux. Leur effet peut être non négligeable pour des pH
inférieurs à 9.

40
C.1.2.4. Précipitation P-Fe
La précipitation P-Fe en solution peut se faire avec deux sortes de composés : le Fe3+ et le
Fe2+. Le niveau de précipitation dépendra du pH, du type de composé ferrique ainsi que du
degré de mélange dans la solution, soit, des chances de contact entre les ions P et Fe.
Néanmoins, les mécanismes de précipitation P-Fe ne sont que peu compris, et parmi les
différentes études des variations existent relativement aux cinétiques, à la stœchiométrie des
précipités formés, ainsi qu’au rôle de différents paramètres comme le pH ou la force ionique
(Thistleton et al., 2001). Le fer ajouté dans la solution va s’hydrolyser. Si ce composé
hydrolysé est à proximité d’un composé phosphaté une réaction aura lieu, et dans le cas
contraire il réagira avec des molécules d’eau pour former un hydroxyde de fer (Fe(OH)3). La
compétition entre P et OH dépendra du pH. La formation d’hydroxyde de fer sera favorisée
par des pH basiques. La réaction avec le Fe2+ dépendra de sa conversion en Fe3+, elle-même
dépendant du pH, de la concentration en oxygène dissous et d’inhibiteurs comme les sulfures
et les carbonates.
La précipitation P-Fe dans des filtres plantés à écoulement horizontal, on le comprend,
dépendra donc des caractéristiques du matériau mis en place. Si l’on ne veut pas faire d’ajout
de réactif, ce qui est souhaitable pour simplifier la maintenance de tels procédés, et compte
tenu de la faible concentration en Fe dans les eaux usées, il est nécessaire que le matériau
puisse partiellement se solubiliser pour fournir le Fer nécessaire aux réactions.
De nombreuses formes de composés P-Fe ont été observées suivant les conditions
d’expérimentation (complexes, précipités amorphes ou non). Parmi les précipités on trouve la
strengite pour le fer ferrique et la vivianite pour le fer ferreux, ainsi que différentes formes
pouvant précipiter quand des excès de Fer sont présents en solution (Fytianos et al., 1998). En
précipitation homogène, l’efficacité de la réaction est fortement dépendante du pH (Figure
C-8) et favorisée pour des pH acides.

Composé Formule chimique Log Ks Référence


Strengite FePO4.2H2O -26 Morgan et
Stum (1996)
Fe2,5PO4(OH)4,5 -97 Fytianos et
al,(1998)
Fe1,6H2PO4(OH)3,8 -67 Fytianos et
al,(1998)
Vivianite Fe3(PO4)2 -32 Morgan et
Stum (1996)
Tableau C-2 : Constantes de solubilité de différents composé de phosphates de fer

Des problèmes de redissolution peuvent être observés suivant les conditions d’oxydoréduction
du milieu. En conditions aérobies, le phosphore peut être retenu par le Fe(III) qui, sous des
conditions anaérobies, est remis en solution par la réduction du Fe(III) en Fe(II), composé
plus soluble. Le potentiel d’oxydoréduction critique pour la réduction de Fe3+ a été évalué à
300mV pour un pH de 5, entre 300 et 100 mV pour un pH de 6 et -100 mV pour un pH de 8
(Gotoh et Patrick, 1974 ; Patrick et Anderson, 1981).

C.1.2.5. Adsorption et précipitation


La précipitation comme l'adsorption impliquent la disparition de matière de la phase liquide.
La distinction entre les deux n'est pas évidente si l'on réalise que les liaisons chimiques
formées dans les deux cas peuvent être proches et que de plus, dans les sols, les précipités
peuvent se déposer à la surface du matériau composant le filtre. Si aucune donnée ne permet

41
de différencier les deux phénomènes, l'observation de la disparition de matière dans la phase
liquide nous permettra uniquement d'englober les deux phénomènes: on parlera alors de
sorption.

Quelles données expérimentales permettent alors de différencier les deux phénomènes ?


Sposito (1984) indique déjà quelles données ne permettent pas de les différencier:
• Le calage d'un modèle d'isotherme sur les données expérimentales ne renseigne en
rien sur la nature du phénomène régissant la sorption.
• Un produit ionique inférieur au produit de solubilité ne doit pas être interprété comme
un élément interdisant la précipitation. La coprécipitation, par substitution d'un
élément par un autre de rayon comparable, peut baisser l’activité du solide et donc
celle de l’élément ionique.
• Inversement, un produit ionique supérieur au produit de solubilité n’assure pas
forcément la présence de précipitation. La sursaturation n’est pas obligatoirement
suffisante pour observer une vitesse de précipitation. Les vitesses de précipitation
dépendent du degré de sursaturation ou de la présence de germes de nucléation. Les
phénomènes de nucléation sont efficaces quand la phase solide est la même que celle
supposée précipiter.

Les tracés d’isotherme et le principe de produit de solubilité ne permettent donc pas de


distinguer les deux phénomènes sans ambiguïté. La détermination complète des espèces
chimiques présentes en solution avant et après sorption permettent bien sûr d’émettre
certaines hypothèses. Depuis quelques années, des méthodes ont été développées pour
permettre de répondre plus précisément à ces questions (spectroscopie à rayons X, microscope
électronique à balayage …) mais elles demandent des matériels importants.

En ce qui concerne la rétention des phosphates dans les sols, il est souvent mentionné (Sanyal
et al., 1991) une étape rapide de moins de 50 h, et une autre plus lente continuant bien après
50 jours de contact. Il n’est pas déraisonnable (Sposito, 1984) de supposer, si la solution n’est
pas sursaturée par rapport à un précipité phosphaté, que l’étape rapide corresponde
principalement à de l’adsorption. En revanche, si l'état de sursaturation vis-à-vis d'un précipité
est fort, la précipitation peut influencer l'adsorption de départ. Le pH, le type de métaux
composant le matériau, la solution ionique, la température… ont une influence sur l'étape
rapide d'adsorption.

C.1.3. Cinétiques de rétention sur des matériaux granulaires


Les cinétiques de rétention décrivent les vitesses de réactions qui permettent de déterminer le
temps de contact nécessaire pour atteindre les objectifs visés. L'étude de la cinétique est donc
d'une grande importance pour définir l'efficacité d'un process.

Deux mécanismes sont donc suspectés dans notre cas :


• L'adsorption, qui met en jeu une phase solide et une phase liquide.
• La précipitation qui peut avoir lieu au sein même de la phase liquide.

Compte tenu des concentrations ioniques présentes dans les eaux usées, la précipitation peut
être considérée comme un phénomène de surface, par précipitation autour de germes de
nucléation. Ceci est important car cela implique qu'en plus des variables qui affectent les
vitesses de réaction des systèmes homogènes (température, composition, pression), les
vitesses de transfert de matière peuvent également, dans notre cas, les affecter.

42
Lors de réactions fluide-solide, plusieurs étapes déterminent séquentiellement la vitesse de
réaction. La Figure C-9 schématise un pore dans un matériau granulaire.

Figure C-9 : Schéma d'un pore

La vitesse de fixation d’un élément dépendra de plusieurs mécanismes : cinétique de réaction,


diffusion dans les pores, gradient de température au sein de la particule et dans la couche
externe, et diffusion moléculaire dans la couche externe. Dans des systèmes liquide-solide, les
gradients de température au sein de la particule et dans la couche limite n’affectent que
rarement les vitesses de réaction (Levenspiel, 1999), et les facteurs prépondérants sont donc la
nature de la réaction chimique et les vitesses de diffusion.

Transport externe limitant:


Si une concentration d'équilibre Ce règne au sein du liquide, la concentration à la surface du
matériau dépendra de la diffusion à travers la couche limite (étape 1). Si la réaction est une
réaction de surface, seules les étapes de diffusion à travers la couche limite et de vitesse de
réaction détermineront la vitesse globale. Le flux de matière est alors:
N D = k D (C e − C s ) Equation 29

Les ouvrages de cinétique physique donnent des corrélations adaptées aux différentes
configurations, pour déterminer la conductance de transfert kD (Levenspiel, 1999). Pour un lit
fixe la formule de Ranz permet de calculer le nombre de Sherwood (Sh) afin de déterminer
kD:
1 1
kDd p
Sh = = 2.0 + 1.8 Re Sc
2 3 Equation 30
D
µ ρud p
avec le nombre de Schmidt Sc = et le nombre de Reynolds particulaire Re =
ρD µ
Le nombre de Schmidt (Sc) représente le rapport entre la diffusivité cinématique et la
diffusivité moléculaire.
En supposant la vitesse de réaction uniquement limitée par la diffusion dans la couche limite
(Cs = 0), on peut calculer une vitesse de réaction théorique. En la comparant aux vitesses de
réaction mesurées, on peut déterminer l'importance de la diffusion externe dans la réaction.

43
Transfert interne limitant :
Pour un grain poreux, les ions de taille inférieure à celles des pores peuvent migrer à
l'intérieur du grain (étape 2). Le transport interne sera alors dépendant de la diffusivité
moléculaire des ions et des caractéristiques des pores (diamètre, tortuosité…). Le flux de
matière s'écrit:

N D = − De grad C Equation 31
ε pD
avec De = , la diffusivité effective fonction de la tortuosité et de la porosité interne des
τp
grains.
Pour une réaction interne (étape 3), la vitesse apparente de la réaction dépendra donc d'un
nombre d'étapes supérieur à celui d'une réaction de surface.

Quel est le facteur limitant régissant la réaction, la sorption elle-même, le transport externe ou
le transport interne ? Si le transport externe n’est pas limitant, on peut apprécier les deux
autres facteurs par le module de Thiele, rapport entre le débit maximum de transformation
chimique et le flux diffusif.
re L2
ϕ2 = Equation 32
De C e
L est une longueur caractéristique de la particule (Volume de la particule / surface
externe de la particule), re est la vitesse de réaction, De la diffusivité moléculaire
effective des PO4 dans notre cas et Ce la concentration externe en PO4.

La diffusivité moléculaire est égale à 2,52.10-6 m2h-1 mais peut varier d'un facteur 1 à 10 dans
la littérature (Gaultier (1994)). La diffusivité moléculaire en phase aqueuse libre et dans un
pore d'une particule ne sera pas la même. Il faut pour cela corriger cette valeur en calculant
une diffusivité effective avec ε p la porosité interne du grain et τ p sa tortuosité. Le problème
est alors d'évaluer ces paramètres. Villermaux (1995) décrit la variation de la tortuosité de
certains catalyseurs commerciaux (de 2,1 à 7,5).

C.1.4. Rôle de l’équilibre calco-carbonique de la solution


L'eau est le siège d'un équilibre chimique entre les bicarbonates, les carbonates et l'acide
carbonique. La présence de minéraux carbonatés dans une solution aqueuse va générer des
phénomènes de précipitation ou de dissolution suivant l’équilibre calco-carbonique de la
solution. Ainsi à partir d'une analyse de l'eau, peut-on déterminer si l'eau aura une tendance
entartrante, c.-à-d. qu'un dépôt peut se former ou, au contraire, agressive vis-à-vis du
carbonate de calcium, c.-à-d. qu'elle peut dissoudre un dépôt existant. Ces phénomènes de
dissolution précipitation vont avoir un rôle, dont l’impact reste à évaluer, sur les matériaux
calciques contenant des carbonates de calcium.

44
Le système calco-carbonique CaCO3-CO2-H2O fait intervenir des éléments fondamentaux :
• Acide carbonique (H2CO3)
• Bicarbonates (HCO3-)
• Carbonates (CO32-)
• Calcium (Ca2+)
• Hydrogène (H+) et hydroxyde (OH-)
et des éléments caractéristiques des solutions de sol tels que Mg2+, Na+, K+, SO42-, Cl-, NO3-

Suivant le pH de la solution, on peut estimer la saturation de l'eau vis-à-vis de la calcite par


l'indice de saturation (IS, ou Indice de Langelier).
IS = pHréel- pHsaturation Equation 33
Un détail du calcul est donné en annexe p 223.

Si IS est inférieur à zéro, l'eau est agressive vis-à-vis de la calcite qui se dissout, supérieur à
zéro, l’eau est entartrante et CaCO3 précipite. Si IS est nul l’eau est équilibrée.

C.1.5. Matière organique et rétention du P


En plus du rôle du matériau, de la concentration des différents composants de la solution, de
son pH, de la température etc… sur les mécanismes d’adsorption et de précipitation, la
matière organique va également jouer un rôle, sur la mobilité du P, par des processus
d’immobilisation et de minéralisation.

Le développement de la biomasse induit par l’application d’eaux usées sur le massif filtrant
s’accompagne d’une consommation de phosphore pour leurs besoins constitutifs. Le rapport
DBO5/N/P de 100/5/1, communément employé dans le milieu de l’épuration pour décrire les
besoins en nutriments de la biomasse, indique les faibles rendements épuratoires en P induits
par celle ci (considérant une DBO5 de 300 mg.l-1, cela revient à utiliser 3 mg.l-1 de P contre
les 10 à 20 mg.l-1 présents en entrée station pour des effluents domestiques). De plus, comme
nous l’avons déjà mentionné, lors des périodes de mise en repos des filtres, la minéralisation
recherchée de la biomasse risque de s’accompagner d’une remise en solution des phosphates
réduisant d’autant les rendements d’épuration.

La matière organique est également mentionnée comme ayant un impact sur la sorption des
phosphates dans les sols. Certains auteurs, comme Sanyal et al., (1991), reportent une
corrélation positive entre le taux de matière organique et la sorption du P. Ce rôle
d’accroissement de la sorption est souvent attribué à l’association de la matière organique
avec les sesquioxides « libres ». A l’opposé, la réduction de la sorption induite par la présence
de matière organique a également été mentionnée par Anderegg et al. (1988). Ceci est
expliqué par une possible compétition, entre la matière organique et le P, sur les sites
d’adsorption des hydroxydes de fer et d’aluminium. En accord avec cette théorie, Sibanda et
al., (1986) ont montré la forte compétition entre le P et les acides humiques et fulviques sur
goethite et gibbsite.

Van der Houven et al., (2001) observent également une précipitation de phosphate de calcium
plus difficile en présence de citrate. Cet effet négatif de matière organique n’est par observé
en présence d’acétate. Une liaison entre la molécule organique et les nucléons de précipité
semble inhiber la précipitation.

45
On peut aussi craindre une baisse de la rétention si l’on considère que la surface occupée par
la biomasse sur le matériau risque de ne pas être accessible pour les réactions de surface
comme l’adsorption et la précipitation hétérogène.

Les effets possibles de la matière organique sur la rétention du P dans les filtres sont donc
contradictoires et nécessitent d’être évalués avant de proposer une transposition aux
conditions réelles.

46
C.2. Protocole expérimental

C.2.1. Evaluation des capacités de rétention

Trois méthodes peuvent permettre de déterminer les caractéristiques de l'adsorption : les


données terrains, les tests à flux continu et les tests en batch. Ces derniers permettent dans un
premier temps d'évaluer les caractéristiques de chaque matériau vis-à-vis de la sorption, de
manière simple et relativement rapide. Cependant, ces conditions de fonctionnement étant
bien différentes de celles rencontrées dans les filtres horizontaux, des études, en colonnes
immergées puis en pilote alimenté en eaux usées, nous sont apparues indispensables pour
vérifier les mécanismes mis en jeu, et introduire des notions d’échelle incluant la distribution
des fluides dans le système. Ceci dans le but d’approcher le dimensionnement de tels procédés
ou d’évaluer la pertinence de leur réalisation.

C.2.1.1. Tests batch


Les tests en batch consistent à mélanger une série d'échantillons de substrat avec un soluté
dans un réacteur parfaitement agité, et de suivre au cours du temps, jusqu’à l’atteinte de
l’équilibre, l’évolution des composés en solution. La mesure de la concentration en P
(méthode décrite par Murphy et Riley, 1962), avant et après réaction permet de déterminer la
quantité de soluté adsorbé ramenée à la masse de substrat mise en jeu. La simplicité apparente
de la manipulation ne doit pas être surestimée et plusieurs facteurs doivent être pris en
compte :

- Préparation des granulats : Les échantillons sont souvent séchés avant utilisation. Des
études, comme celles menées par Barlett et James (1980), montrent que le fait de
sécher les échantillons peut modifier leurs propriétés chimiques, pouvant ainsi
influencer les résultats d'adsorption. Le passage à l'étuve accroît l'hydrophobicité du
sol pouvant de ce fait accroître l'affinité de l'adsorbant envers des solutés
hydrophobiques. Barlett et James (1980) ont montré qu'un sol séché à 40 °C adsorbe
plus de phosphates que des échantillons humides. Dans notre cas les échantillons ont
été partiellement séchés à l'air ambiant, et leur taux d'humidité mesuré afin de
travailler toujours avec une même masse sèche de substrat.

- Température : En raison de l'influence de la température sur l'adsorption, les mesures


doivent être effectuées sous des conditions de température constantes. Roy et al
(1991), recommandent une variation de température inférieure à 6 °C (par ex: 22 ±
3°C) si une régulation thermique n'est pas possible. Dans notre cas une isolation
spécifique nous a permis de ne pas obtenir de fluctuations supérieures à cette
fourchette. Un suivi de la température a été réalisé lors de chaque expérimentation.

- Stabilité du soluté : La stabilité physico-chimique du soluté dans la solution doit être


considérée. Des processus comme la précipitation, la photodégradation, la
volatilisation, l'hydrolyse ou la dégradation microbiologique doivent être évités. Dans
le cas des phosphates, de nombreuses études sont conduites en tamponnant le milieu
avec du CaCl2. Pour ne pas risquer de faire précipiter des phosphates de calcium, on a
choisi d’utiliser du NaCl à une concentration permettant d'obtenir une conductivité de

47
l'ordre de 1000µS.cm-1 (ordre de grandeur de la conductivité des eaux en sortie d'un
premier étage vertical).

- pH: Le pH influence considérablement l'adsorption et la précipitation comme nous


l’avons vu au paragraphe C.1.2. Dans un souci de se rapprocher des conditions réelles
de sortie d'un étage vertical, la solution est neutralisée à pH 7 avec de la soude. Des
tests à pH basique ont également été réalisés.

- Mélange: Les méthodes de mélange peuvent influencer l'adsorption. Une forte


agitation peut altérer le support et produire de nouveaux sites d'adsorption (Barrow et
Shaw, 1979) ainsi qu'un renouvellement plus fréquent du soluté sur la surface
d'adsorption. Dans le but de se rapprocher des conditions hydrauliques présentes dans
les filtres (écoulement laminaire), l'agitation devra être la plus douce possible. Une
agitation de 30 cycles par minute (± 4) avec un agitateur rotatif (à l'instar des travaux
menés par Barrow) a été réalisée.

- Etape de séparation: La séparation du soluté par filtration doit être faite en


s'affranchissant d'une éventuelle rétention du soluté. La centrifugation est un moyen de
détourner le problème si l'on ne peut pas montrer une éventuelle rétention par filtration
sur membrane à 0,45µm. Dans notre cas, aucune différence n'a été notée entre une
séparation par filtration à 0,45µm ou par centrifugation (Molle 2000). Néanmoins,
pour des raisons de simplicité, tous les échantillons ont été centrifugés avant analyse.

- Ratio sol/solution: Le choix du ratio sol/solution doit être judicieux. Un ratio trop
faible risque de provoquer une chute infime de la concentration dans la solution.
Inversement si le ratio est trop fort, le sol aura adsorbé la totalité du soluté. Nair et al
(1984) établissent une procédure donnant de bons résultats avec un ratio 1/25 pour des
prises d'échantillons de 1 ou 2g. A. Drizo (1998) recommande d'utiliser des
échantillons de 20g, pour une bonne représentativité de la mesure. Des prises
d'échantillons de 1 ou 2g, risquent d’induire une reproductibilité médiocre ainsi que
des extrapolations délicates pour déterminer la durée de vie d'un filtre. Nous avons
donc retenu les recommandations de Drizo (1998).

- Temps d'équilibre: L'adsorption est, en général, une réaction rapide. Cependant, en


raison de la difficulté d'atteindre certains sites d'adsorption, le niveau d'équilibre n'est
jamais réellement atteint. Face à la difficulté de déterminer quand l'adsorption domine
et quand elle devient moins importante par rapport à d'autres processus (diffusion à
l'intérieur des grains, précipitation ...), Roy et al (1991) suggèrent que le temps
d'équilibre soit le temps minimum nécessaire pour obtenir un changement de
concentration plus ou moins égal à 5% dans un intervalle de 24 heures. Pour de
nombreux sols, un temps d'équilibre de 24 heures définit des coefficients d'adsorption
pertinents. Les études de Drizo (1999), similaires aux nôtres, sont également conduites
avec des temps de 24 heures. Une cinétique permettra d’évaluer ce temps d’équilibre
nécessaire.

A partir de ces « garde fous » un protocole a été établi et testé (Molle, 2000) afin d’établir les
isothermes d’adsorption ainsi que les cinétiques des différents matériaux. Chacun des tests
consiste à mettre en contact 20 g de matériau avec 500ml de solution phosphatée
(conductivité 1000 µS. cm-1, température 22 ± 3 °C) dans un flacon d’un litre. Les conditions
expérimentales sont données dans le Tableau C-3 :

48
isotherme cinétique
Temps de réaction (h) 24 De 1 à 48
pH 7,0 ± 0,1 Variable suivant paramètre à tester
P (mg.l-1) 1 à 500 10, 30, 100
Paramètres variables dm Ca2+ , HCO3-, dm
Tableau C-3 : Conditions expérimentales des expériences en batch

C.2.1.2. Colonnes
La saturation au cours du temps des matériaux en conditions de saturation hydraulique est
évaluée par des expérimentations sur colonnes en régime permanent.

Des colonnes en PVC de 35 cm de haut et de 8,5 et 9,8 cm de diamètre ont été utilisées
suivant le dispositif représenté en Figure C-10. Pour l’étude des saturations à forte
concentration en P, une hauteur de matériau de 30 cm a été utilisée. Pour l’étude des
saturations à faible concentration en P, une hauteur de matériau de 10 cm a été placée entre
deux couches de matériau neutre vis-à-vis du phosphore pour atteindre plus rapidement la
saturation.

Pompe péristaltique

10 cm

30 cm 10 cm
Mesures de pH et
10 cm
conductivité en
continue
Échantillonnage et
analyses de P-PO4
8 cm réguliers.

200 mg P/l 20 mg P/l


Solution pH 7,
conductivité 1000 µS/cm,
Débit: 1350 ml/j

Figure C-10 : Dispositif expérimental des tests en colonnes

Deux solutions de 20 et 200 mg P.l-1 (pH: 7,0 ± 0,1; conductivité: 1000 ± 100 µS.cm-1) ont été
appliquées en continu pour chaque matériau. Le débit d'alimentation est identique sur chaque
colonne (1,35 l.j-1). Correspondant à des temps de contact de l’ordre de 17,7 heures pour les
colonnes alimentées à 200 mg.l-1 et de 5,5 heures pour les colonnes alimentées à 20 mg.l-1. Un
échantillonnage régulier de la solution percolée permet de suivre l’évolution du rejet et donc
la saturation du matériau. Des mesures de température, de pH et de la conductivité sont
également mises en oeuvre.
La solution est préparée une fois par semaine à partir d’eau déminéralisée. La réversibilité de
la rétention est observée en préparant une même solution exempte de phosphate (injection
purge). Par la suite certains matériaux ont été alimentés avec une solution préparée à partir

49
d’eau du robinet. Ceci dans le but d’observer l’effet d’une eau plus tamponnée sur
l’importance réactionnelle.

Les charges hydrauliques en phosphore, ainsi que les vitesses interstitielles, sont consignées
dans le Tableau C-4.

Matériau Charge hydraulique Charges phosphatées Vitesse interstitielle


(m3.m-2.j-1) (mg.g-1.j-1) (m3.m-2.j-1)
Ferrosorp 200 mg.l-1 0,24 0,13 puis 0,26 0,40
-1
Ferrosorp 20 mg.l 0,24 0,076/0,038 * 0,40
Regemat 1, 200 mg.l-1 0,18 0,05 puis 0,12 0,38
Regemat 2, 20 mg.l-1 0,18 0,031 0,43
Calcite 2, 200 mg.l-1 0,24 0,09 0,60
Calcite 2, 20 mg.l-1 0,18 0,027 0,45
-1
Apatite 1, 20 mg.l 0,24 0,036 0,44
* pour le Ferrosorp : Charge reçue en alimentation/Charge reçue périodes de repos
comprises
Tableau C-4 : Charges reçues par les colonnes

C.2.1.3. Pilote calcite


Le pilote expérimental, de surface horizontale de l'ordre du mètre carré, est plus représentatif
de la configuration réelle des filtres horizontaux (cf. Figure C-11). A l’amont et à l’aval du
filtre des gabions de répartition (gravier 5-10 mm) permettent une bonne distribution de
l’effluent au sein du massif. A l’entrée, une rampe de distribution permet de répartir en 4
points l’effluent à la surface du gravier. Une plaque en PVC sépare le gabion d’entrée et le
massif actif sur une profondeur de 5cm. Cela permet d’éviter tout court circuit hydraulique
par la surface. En sortie l’effluent est récupéré au fond du gabion par un drain.
Le pilote est alimenté avec une eau usée issue du décanteur primaire de la station de Saint
Germain en Mont d’Or (Rhône), prélevée chaque semaine, et stockée dans un tank à lait
réfrigéré (3°C) à partir duquel, tous les deux jours, la solution d’alimentation du pilote est
effectuée. Afin de se ramener à des concentrations en DCO de l’ordre de celles rencontrées à
l’aval d’un filtre à écoulement vertical du premier étage, une dilution au quart est effectuée,
pour obtenir une concentration d’entrée de 120 ± 50 mgDCO.l-1.

Alimentation

60 cm
Rejet

40 cm Support

15 cm 70 cm 15 cm
Vanne pour vidange
Figure C-11: Dispositif expérimental du bac extérieur

L’effluent ainsi préparé est beaucoup plus biodégradable qu’un effluent issu d’un filtre à
écoulement vertical, avec pour conséquence de favoriser le développement bactérien au sein
du massif, dont l’impact sur la rétention du P est recherché. La concentration en P est portée à
20 mg.l-1 par un ajout de KH2PO4. Le débit est de 30 l.j-1 (alimentation 1mn toutes les 8mn)
soit un temps de séjour de l'ordre de 3,4 jours au total et 2,6 jours dans le matériau adsorbant.

50
Des traçages au NaCl ont permis d’observer une importante dispersion dans le milieu et un
volume mort de 40 % sur la totalité du bac (cf. annexe Figure 1 p 224).
Les conditions physico-chimiques (pH, Température, Conductivité, potentiel
d’oxydoréduction) sont mesurées en continu et enregistrées sur une centrale d’acquisition.
Des analyses régulières de P-PO4 en sortie sont réalisées suivant la même méthode que décrite
précédemment.
Un dispositif de prélèvement d’échantillons au sein du massif a également été mis en place.
Son but était de visualiser l’avancement du front de saturation à l’intérieur du massif. Le
réseau de points de prélèvements permet un échantillonnage tridimensionnel du massif
comme le montre la Figure C-12 , avec une attention particulière pour la partie amont.

Figure C-12 : Représentation des prélèvements internes.


Sont présentés pour chaque point la profondeur d’échantillonnage en cm.

Les charges hydrauliques (exprimées par rapport à la section horizontale) et vitesses


interstitielles du bac sont consignées dans le tableau suivant.

Charge hydraulique Vitesse interstitielle


(m3.m-2.j-1) (m3.m-2.j-1)
Calcite 2 0,071 ± 0,018 0,30 ± 0,05
Tableau C-5 : Charge hydraulique du pilote chargé de calcite

C.2.2. Suivis analytiques


- Analyses chimiques et sondes
Les méthodes d’analyses chimiques (en solution et sur phase solide) sont présentées en
annexe (Tableaux 1 p220 et 2 p221). Toutes les analyses effectuées sur échantillons bruts ont
été réalisées dans les 24 heures. En ce qui concerne l’analyse d’éléments dissous, les
échantillons étaient filtrés, acidifiés et stockés à 4°C pour être analysés une fois par semaine.
Le suivi du pH et du potentiel d’oxydoréduction (EH) a été réalisé à l’aide de sondes Mettler
Toledo étalonnées régulièrement au cours des expérimentations (environ une fois par
semaine).

51
- Microscopie électronique
La connaissance précise des cristaux formés lors de la précipitation de sels est rendue difficile
par la nécessité d’analyser des dépôts de très faible épaisseur. Par exemple le pouvoir
séparateur d'un microscope optique (i.e. son grossissement) est limité par la longueur d'onde
de la lumière visible réduisant la précision des observations. Plusieurs techniques ont été
développées pour analyser l’état de surface des matériaux : la microscopie électronique à
balayage (MEB), la microscopie électronique à transmission (MET) et la diffraction des
rayons X. La microscopie permet la caractérisation locale de particules alors que la diffraction
permet d’identifier la nature des cristaux formés en surface.

Les microscopes électroniques utilisent des particules accélérées de courte longueur d'onde
associée permettant d'augmenter le grossissement. Il existe deux types de microscopes
électroniques, dits à balayage, lorsque l'image est obtenue point par point (6 à 10 nm) :
• à transmission : ils permettent d'observer des échantillons d'épaisseur suffisamment
faible pour être transparents aux électrons (quelques dizaines de nanomètres). Lorsque
le faisceau d'électrons traverse l'échantillon, une très grande proportion en est
directement transmise, ce qui permet d'obtenir une image du matériau interprétable à
l'aide de la théorie cinématique. Une autre partie de ce faisceau est diffractée par le
potentiel cristallin. C'est la recombinaison de ces faisceaux qui permet d'obtenir une
image dite haute résolution du matériau.
• à réflexion : Il opère à la surface d'objets massifs. Le principe consiste à explorer la
surface de l'échantillon par lignes successives et à transmettre le signal du détecteur à
un écran cathodique. Sous l'impact du faisceau d'électrons accélérés, des électrons
rétrodiffusés et des électrons secondaires émis par l'échantillon sont recueillis
sélectivement par des détecteurs qui transmettent un signal à un écran cathodique dont
le balayage est synchronisé avec le balayage de l'objet.

L’étude des précipités par microscopie électronique est facilitée quand la saturation du
matériau est importante, car la représentativité des analyses des zones précises est meilleure.
Une étude qualitative des précipités a donc été menée par le biais du MEB (à 20kV) et du
MET, couplé à un logiciel d’analyse au laboratoire de microscopie électronique de l’unité
science du sol de l’INRA de Versailles-Grignon.
Pour les analyses au MET, un décrochage des précipités formés à la surface des particules, a
été réalisé par ultrasons pendant une minute. Seuls les précipités ont été observés au MET.

Notons que les résultats obtenus peuvent être faussés par une recristallisation d’éléments
sorbés lors du séchage des matériaux. Il convient également de préciser que ces techniques ne
peuvent en aucun cas permettre d’étudier les vitesses de nucléation en cours
d’expérimentation.

C.2.3. Matériaux étudiés pour leur aptitude potentielle à retenir les


phosphates
Lors d'études précédentes (Molle, 2000) une sélection de deux matériaux avait été faite, parmi
une quinzaine, présentant des potentialités intéressantes de rétention du P (Ferrosorp et béton
concassé). Les potentialités des matériaux calciques à réagir, grâce une dissolution partielle
conduisant à de fortes concentrations de calcium, et favorisant donc la sursaturation de la
solution, nous ont amené à rechercher d’autres matériaux de ce type. Des études (Brix, 2000)
confirmaient cet intérêt. Il nous parut alors indispensable de tester la calcite, puis au fur et à
mesure de notre compréhension des phénomènes mis en jeu, de l’apatite.

52
C.2.3.1. Présentation des matériaux testés

- a) Béton concassé
Ce matériau a l'avantage d'être un produit de récupération, donc bon marché. Il est fabriqué
par la société Regemat (69). Il provient du broyage de pylônes EDF composés de 400 kg.m-3
de ciment Portland mélangé à du sable alluvionnaire ou concassé. Le ciment Portland répond
à une fabrication bien définie. Le cru de départ (CaCO3 entre 77 et 83 %; SiO2 (argile) entre
13 et 14 %; Al2O3 entre 2 et 4%; Fe2O3 entre 1,5 et 3 %), broyé en poudre, est chauffé dans un
four rotatif à 1450°C pour former le clinker. Pendant cette opération, un ensemble de
réactions chimiques conduit aux transformations suivantes :
• La décarbonatation du carbonate de calcium donne de l’oxyde de calcium (chaux
vive).
• L'argile se scinde en ses constituants, silice et alumine, qui se combinent aux oxydes
de calcium pour former des silicates et aluminates de calcium.
Au clinker obtenu, broyé, est ajouté du gypse (3 à 5 %) ainsi que d’autres additifs (laitiers de
hauts fourneaux, cendres de centrales thermiques, pouzzolane …) suivant les qualités de
ciment que l'on veut obtenir.
Le béton étudié intègre donc des éléments (Ca, Fe, Al) favorables, suivant les conditions de
pH, à la rétention du P.

- b) Calcite
La calcite étudiée provient de Provence S.A. (66). La calcite est relativement pure (CaCO3) et
contient moins de 0,1% en masse de matière organique (perte de masse à 550°C).

La rétention du P sur de la calcite a déjà été mentionnée comme attractive dans la littérature
notamment par Brix (2000). Dans les sols, les mécanismes de fixation des phosphates ont
également été largement étudiés. Une mono-couche de phosphate sur la calcite a été
remarquée pour de faibles concentrations en P. L'adsorption est supposée être le premier
processus de rétention sur des sites spécifiques de la surface de la calcite, puis, avec le temps,
des formes cristallines de phosphates se forment permettant une rétention supplémentaire
(Griffin et al., 1973). Les premiers précipités seraient du phosphate dicalcique, évoluant par la
suite vers du phosphate octocalcique.

Les phénomènes d'adsorption peuvent être expliqués par des études plus récentes de
complexation de surface. Le concept de base est que les molécules d'eau et les espèces
dissoutes vont se lier à la structure, et suivant le pH, être sujettes à des phénomènes de
protonation ou de déprotonation. La surface de la calcite contient différentes formes de
groupes (groupes hydroxyles et groupes carbonatés) ayant un impact sur la charge de surface.
La calcite, suivant le pH de la solution et l’équilibre calco-carbonique n’aura pas la même
répartition d’espèces (>CaOH2+, >CaOH0, >CaO-, >CaHCO30, >CaCO3-, >CO3Ca+, >CO3-,
>CO3H0). Pokrovsky et al., (2000) montrent (Figure C-13) que l’espèce dominante à la
surface est >CaOH2+ pour des pH acide et neutre jusqu’à un pH d’environ 8. Ensuite c’est
l’espèce >CaCO3- qui devient prépondérante. Cette concentration de surface est dépendante
de la concentration en carbonate de la solution et donc de l’équilibre calco-carbonique comme
le montre la Figure C-14. La concentration de surface de >CaOH2+ diminue avec
l’augmentation de carbonate en solution pour un même pH.

En l'absence d'espèces adsorbables différentes de H+, la distribution des complexes détermine


la charge globale de surface. Cette distribution est dépendante du pH de la solution. La
surface peut être caractérisée par un pH spécifique de charge nulle (pHZPC) en dessous duquel

53
la surface est chargée positivement et au-dessus duquel elle devient négative. Déterminer le
point de charge nulle par titrage, sur la calcite, est rendu difficile par l’adition de phénomènes
de précipitation/dissolution. Par un raisonnement sur l’éléctroneutralité à l’équilibre, Stumm
et al., (1996), définissent le point de charge nulle à un pH de 8,2 pour une solution en
équilibre avec l’atmosphère. Ceci est en accord avec plusieurs études sur la calcite (Van
Capellen et al., (1993), Pokrovsky et al., (2000)). Vdovic (2001), en mesurant le potentiel
Zeta, trouve des potentiels positifs pour des calcites synthétiques pour une gamme de pH de 7
à 9,5 avec un maximum pour un pH de 8,4 (point d’équilibre). Sur des calcites naturelles, le
potentiel est constamment négatif sur cette même gamme de pH ; la charge de surface est
affectée par d’autres facteurs comme la présence de matière organique.

Figure C-13 : Répartition des sites de surfaces sur la calcite (Pokrovsky et al., 2000)

Figure C-14 : Concentration de surface de CaOH2+sur la calcite en fonction du pH et des espèces carbonatés
(Pokrovsky et al., 2000)

54
On comprend donc que l’augmentation du pH de la solution va favoriser la présence de
groupes négatifs en surface et rendre de plus en plus négative la charge de surface, comme
cela a été remarqué par Vdovic (2001) sur la calcite synthétique. La présence de carbonates va
également favoriser cette diminution de potentiel.

La dissolution et la précipitation des carbonates est donc influencée par de nombreux


paramètres, comme le pH, la pression partielle en CO2, les conditions hydrodynamiques, la
température, la salinité, mais aussi par la présence d’inhibiteurs (Mg2+, HPO42-). Les réactions
susceptibles d’être mises en jeu lors de la dissolution de la calcite sont les suivantes :
CaCO3(s) + H+ ⇔ Ca2+ + HCO3- k1=8.9 10-5
2+ -
CaCO3(s) + H2CO3 ⇔ Ca + 2HCO3 k2=5.0 10-8 Equation 34
CaCO3(s) ⇔ Ca2+ + CO32- k3=6.5 10-11 k-3=1.9 10-2
(valeurs de k en mol.cm-2.s-1 , obtenues à 25°C, d'après CHOU et al., 1989).

La vitesse globale de réaction peut alors s’écrire:


R= k1aH+ + k2aH2CO3* + k3aH2O – k-3aCa2+aCO32- Equation 35

Pour des solutions fortement sous-saturées, afin d'éviter toute re-précipitation, la vitesse de
dissolution de la calcite est stable sur la gamme de pH étudiée, ici de l'ordre de 5.10-7
mmol.cm-2.s-1 (Van Capellen et al., 1993).

Dans des solutions riches en éléments ioniques comme les eaux usées, la formation de
complexes avec les ions réactifs en solution ou l’adsorption sur la surface de réaction peuvent
influencer les cinétiques de réaction. Les phosphates sont des ions inhibiteurs puissants des
cinétiques de réactions des carbonates (Noiriel, 2001). L’adsorption des ions phosphate a pour
effet de diminuer le nombre de sites actifs pour les réactions de surface, ralentissant ainsi les
vitesses de réaction de dissolution.

- c) Apatites
Les phosphates naturels comportent une grande variabilité texturale suivant leurs histoires et
origines géologiques. A l’intérieur même d’une couche géologique, l’aspect, la dureté et la
compacité peuvent varier. On comprend alors le problème que peut poser une telle diversité si
les caractéristiques nécessaires pour une bonne déphosphatation doivent être précises.

L’apatite utilisée, est d’origine sédimentaire (Maroc). Les phosphates naturels d’origine
sédimentaire sont formés par des microcristaux d’apatite plus ou moins substitués associés à
une multitude d’autres composés et minéraux accessoires qui forment la gangue.

La substitution la plus importante est le remplacement des PO43- par CO32- suivi d’une
substitution de l’oxygène par du Fluor ainsi que Na+ pour le calcium. On obtient alors de la
francolite, carbonates-apatites naturels. Les apatites, obtenues à haute température, sont
caractérisées par une substitution de OH- par CO32-. D’autres substitutions sont également
mentionnées (PO43- par CO32-, Ca2+ par Na+ ou K+) et concomitantes afin de respecter
l’éléctroneutralité. Les différentes substitutions possibles sont représentées dans le tableau
suivant.

55
Ion Ion substitué
Ca2+ Na+, Sr2+, Mn2+, K+, U4+, Mg2+, Ba2+, Re2+
PO43- CO32-, S6+, Si4+, As5+, V5+, Cr6+, Al3+
F- OH-, Cl-
O2- F-, OH-
Tableau C-6 : Substitutions possibles dans la structure de l’apatite (d’après McClellan, 1980)

La nature, la taille et la quantité de la gangue influence l’aptitude de l’apatite à une utilisation


directe. Les minéraux accessoires les plus répandus sont les carbonates (calcite, dolomite …),
le Quartz et les argiles (silicates tels que la Kaolinite, Montmorillonite …). On peut également
trouver des oxydes et hydroxydes de fer et d’aluminium ainsi que du Gypse. On notera que la
présence d’oxydes ou hydroxydes de Fer et d’aluminium peut être bénéfique pour la rétention
du P. De même les minéraux carbonatés, se dissolvant plus rapidement que l’apatite, peuvent
libérer des ions carbonates et calcium en solution. Il en résultera une augmentation du pH et
de la concentration en calcium de la solution qui, en ce qui concerne les processus
réactionnels, favorisent la précipitation de phosphates de calcium.

La formation et la dissolution de l'hydroxyapatite (HAP) et de la Fluorapatite (FAP), étudiées


dans les phénomènes de biominéralisation (constituants des dents et des os), peuvent être
expliquées par des précipitations de surface (Christoffersen et al., 1996). Le concept de base
est que la croissance du cristal d’HAP va être dépendante de la fréquence d’interaction des
ions calcium pour réaliser un saut de diffusion et simultanément se déshydrater partiellement.
Pour l’HAP également, la production d’ions hydroxyle, par dissociation de molécules d’eau
contenues dans le cristal, semble être un facteur influençant la vitesse de croissance
(Christoffersen et al., 1998). Le pH de charge nulle (pHZPC) est de 8,6 d’après Huang (1981).
Behi (2003), observe, pour des pH ≥ 6,5, que l’apatite est quasiment insoluble, et que le
calcium remis en solution provient uniquement de la dissolution de la calcite présente dans la
gangue, ce qui rend encore plus improbable la dissolution des apatites. Mieux encore, à ces
pH une reprécipitation d’apatite régi par le ratio Ca/P est observée.

- d) Ferrosorp
Le FerrosorpPlus est un hydroxyde de Fer commercialisé par la société Allemande HeGo
Biotec. En cours de fabrication, des agents de liaison lui sont ajoutés conférant une structure
plus résistante à l’abrasion, ainsi qu’une porosité importante (porosité totale de 70 % d’après
le constructeur). Pour réguler le pH pendant la fabrication, de l’acide sulfurique est ajouté.
Ce matériau est vendu pour la rétention d’arsenic, de métaux lourds et des phosphates. Le
fabricant annonce une rétention des phosphates de 60 mgP.g-1.

L’adsorption du P sur des hydroxydes de Fer a été largement étudiée en agronomie. Les
oxydes ou hydroxydes de Fer (Goethite, hematite, limonite) de par leurs propriétés
amphotériques, vont se coordonner aux molécules d’eau pour créer des liaisons hydroxyles
qui vont donc être fonction du pH de la solution.

>O- + H3O+ ⇔ >OH +H2O ⇔ >OH2+ + OH- Equation 36

La rétention des phosphates par adsorption sera donc améliorée si la charge de surface du
matériau est positive, soit en dessous du pHZPC . Pour des hydroxydes de fer purs, le pHZPC est
de 7 d’après Lopez et al., (1992) et 7,7 d’après Huang (1981). Une compétition importante
avec les autres anions est observée. P.ex., les silicates et les phosphates sont fortement
avantagés par rapport aux sulfates, nitrates et chlorures (dans l’ordre) (Talibudeen, 1981).

56
C.2.3.2. Propriétés physiques

Les courbes granulométriques des matériaux ont été établies par passage sur des colonnes de
tamis (Méthode Normalisée NF X 11.507). Les points caractéristiques d10 et d60 sont reportés
dans le Tableau C-7 ci-dessous ainsi que d'autres caractéristiques physiques des matériaux
testés. Les courbes granulométriques elles-mêmes sont reproduites sur la figure 2 en annexe p
224. Les méthodes de détermination de la densité, de la porosité, de la masse volumique à sec,
de l’aire spécifique de chaque matériau, sont également indiquées en annexe p 219.

Regemat Regemat Calcite Calcite Apatite Apatite


Ferrosorp
1 2 1 2 1 2
d10 (mm) 1,96 0,3 1 0,4 0,5 0,1 1,9
d60 (mm) 2,9 1,2 1,6 0,6 0,9 0,2 2,7
CU (d60/d10) 1,5 4 1,6 1,5 1,9 2 1,45
-1
Aire spécifique (m ) 1220 6150 2300 5500 3500 15900 940
d (kg.m-3) 2300 2750 2480 1600
Masse volumique à
1265 1450 1340 640
sec (kg.m-3)
Porosité totale [%] 45 47 46 60
Tableau C-7: Caractéristiques physiques des matériaux testés.

Une précision doit être apportée pour comparer avec plus d’objectivité les résultats obtenus
avec l’apatite. La comparaison des performances suivant la granulométrie et, au final, le choix
de la granulométrie la plus adaptée pour notre utilisation, doit se faire en ayant à l’esprit les
conséquences d’un tamisage des apatites. En effet, le broyage conduit à une séparation de
l’apatite et de sa gangue conduisant à une sélection granulométrique par tamisage. On observe
alors que les fractions les plus fines sont susceptibles d’avoir une teneur plus élevée en calcite
et donc plus faible en P.

C.2.3.3. Composition chimique


La composition chimique des différents matériaux est consignée dans le Tableau C-8 suivant.

Regemat Calcite Apatite 1 Ferrosorp


Fe 1,3 0 ND 23,1
Al 1,1 0 ND 0,5
Mg 0,2 2,4 1,6 0,1
P 0,04 0 16,8 0,09
Ca 7,7 41 37,3 2,7
Tableau C-8: Composition minéralogique des matériaux (% massique).
ND : non déterminé.

La calcite et l’apatite ont fait l’objet d’examens microscopiques. Il en ressort que la calcite,
conformément aux analyses minéralogiques ne comporte que de faibles traces de magnésium.
Le reste est composé de calcium et de carbonates. L’étude morphologique montre que le
matériau n’est pas complètement propre, et que des grains en poudre s’attachent aux
imperfections du relief de la calcite (voir Figure C-15). L’analyse en MET de cette poudre
décrochée par ultrasons montre qu’il s’agit également de carbonates de calcium.

57
a) surface de la calcite b) grain en poudre
Figure C-15 : Observation MEB de la calcite vierge.

L’analyse de l’apatite révèle une hétérogénéité de la forme des particules et de leur


composition. On observe des particules ovoïdes, agrégées par un ciment (Figure C-16a)),
ainsi que des grains de forme cylindrique dont la taille est de l’ordre du millimètre (Figure
C-16b)). Ces derniers peuvent être des coprolithes c.-à-d. des excréments et déjections
phosphatisés (Behi, 2003).

a) ovoïde agrégé b) cylindre


Figure C-16 : Observation MEB de l’apatite vierge.

L’analyse de ces grains révèle que les ovoïdes et les cylindres sont bien de l’apatite, avec du
fluor ainsi que des traces de Mg, Na, S et d’Al. Les ratios Ca/P et Ca/F, estimés au MEB, sont
respectivement de 1,71 et 1,39. Le ratio Ca/F peut surprendre au regard de celui de la
fluorapatite. Cependant l’apatite peut avoir des propriétés physiques morphologiques et
chimiques fortement différentes. Dixon et al., (1989) indiquent qu’il y a parfois des
substitutions isomorphiques dans les phosphates naturels commercialisés, dont la forme la
plus commune est l’apatite carbonatée. Une formule empirique peut être généralisée de la
forme :
Ca(10-a-b)NaaMgb(PO4)(6-X)F(2+0,4X) Equation 37
X serait de 3,3 dans notre cas.

58
Néanmoins, les analyses des cristaux détachés par ultrasons, en MET, révèlent des ratios plus
proches de ceux habituellement mesurés sur de la fluorapatite, soit un ratio Ca/P de 1,70
(écart type 0,07) et Ca/F de 5,6 (écart type 1,2).

Le ciment observé (la gangue) entre les ovoïdes est composé principalement d’argiles
minéralogiques ou de carbonates de calcium. Des cristaux de dolomite sont parfois coincés
entre des ovoïdes. Ces constituants rappellent l’origine marine des apatites.

59
60
C.3. Résultats et commentaires

Les résultats sont présentés en s’attachant à décrire en premier lieu les mécanismes observés
sur solutions synthétiques en réacteur fermé, puis ceux, plus complexes et plus proches des
conditions de fonctionnement des filtres, obtenus en réacteurs ouverts. C’est pourquoi les tests
en batch sont présentés dans un premier temps, suivis des tests en colonne, puis de ceux du
pilote alimenté en eaux usées. Les analyses en microscopie électronique viendront apporter
des renseignements complémentaires sur les processus ayant eu lieu en systèmes ouverts.
Enfin une étude plus fine des mécanismes mis en jeu sur les matériaux calciques sera
présentée.

C.3.1. Essais en réacteur fermé


Les tests en batch, outre l’intérêt de pouvoir comparer les matériaux entre eux dans des
conditions biens maîtrisées, permettent d’identifier les mécanismes possibles mis en jeu dans
la rétention du P en analysant les réponses de type C = f(t), intégrant la vitesse de réaction et
la saturation du matériau. L’exploitation des résultats repose sur l’utilisation d’outils de
modélisation basés sur le principe de l’adsorption (voir paragraphe C.1.2.1).

C.3.1.1. Isothermes
La représentation de la répartition à l’équilibre (24 h de réaction), entre les ions phosphates
présents dans la phase liquide et ceux retenus par la phase solide, conduit au tracé des
isothermes d’adsorption.

C.3.1.1.1 Généralités
Les isothermes obtenus sur les différents matériaux sont représentés sur la Figure C-17 ci-
dessous :
8
2
q (mg P.g-1)

6 1,5
q (mg P g-1)

4 1
Regemat 2
2 Calcite 1 0,5
Ferrosorp
Apatite 2 0
0
0 50 100 150 200 250 300 0 0,2 0,4 0,6
P équilibre (mg l-1) P équilibre (mg.l-1)
Figure C-17: Isothermes d'adsorption (pH 7, Cond 1000 µS/cm)

Les isothermes ont une allure générale à peu près similaire, de type L (cf. Figure C-5). Parmi
les matériaux calciques, la calcite semble montrer la capacité de sorption la plus importante.
La modélisation par les équations de Freundlich et Langmuir (estimation des paramètres par
la méthode des moindres carrés) est pertinente. Les valeurs des paramètres et du coefficient de
corrélation sont consignées dans le Tableau C-9. Les maximums d’adsorption estimés par le
coefficient b de Langmuir illustrent, dans les conditions de batch, une forte potentialité de la
calcite.

61
Modèle de Langmuir Modèle de
Freundlich
Max d'adsorption b K r2 kf n r2
(mg.g-1)
Regemat 7,225 0,023 0,96 0,66 0,403 0,88
Calcite 10,24 0,018 0,81 0,47 0,551 0,91
Apatite 4,76 0,15 0,97 1,29 0,276 0,98
Ferrosorp 1,99 10,96 0,98 2,29 0,382 0,98
Tableau C-9 : Paramètres du modèle de Langmuir et de Freundlich.

Une attention particulière peut être apportée sur la pente initiale des isothermes, représentative
de l’affinité entre le P et les matériaux. Cette affinité peut être appréciée par la valeur du
coefficient kf du modèle de Freundlich. Deux matériaux (apatite et Ferrosorp) apparaissent
plus efficaces à réagir avec le P. Ceci est un point important afin de pouvoir respecter la
norme de rejet de 2mg P/l, si le temps de séjour est limitant (P.ex. pour 100 mgP.l-1 appliqué
sur les matériaux, il ne reste que 3,9 mgP.l-1 en solution au bout de 24h pour l'apatite, contre
16 mgP.l-1 pour le béton et environ 12 mgP.l-1 pour la calcite).

La bonne corrélation observée avec le modèle de Langmuir peut être sujette à caution au
regard de l’évolution du Kd avec la saturation du matériau. La non linéarité de la courbe pour
les matériaux calciques, montre que plusieurs mécanismes sont mis en jeu dans la rétention du
P (voir Figure C-18).

0,3 0,15
Calcite 1 Regemat 2
Regemat 1
0,1
Kd (L.g-1)

0,2
Kd (L.g-1)

0,1 0,05

0 0
0 5 10 0 2 4 6 8
q (mg P. g-1) q (mg P. g-1)

1,6 30
1,4 apatite 2 Ferrosorp
25
1,2
20
Kd (L.g-1)

Kd (L.g-1)

1
0,8 15
0,6
10
0,4
0,2 5
0 0
0 1 2 3 4 5 6 0 0,5 1 1,5 2
q (mg.g-1) q (mg.g-1)

Figure C-18: Coefficient de distribution et saturation

Le béton montre une décroissance brutale du Kd, traduisant une diminution de l’affinité entre
le P et le béton, au-delà d’une certaine saturation du matériau. Cette chute correspond à une

62
saturation de 1,03 gP.m-2 et 0,82 gP.m-2 respectivement pour Regemat 2 et Regemat 1, ce qui,
compte tenu de la méthode d’estimation de la surface spécifique, n’est pas significativement
différent. Par la suite le coefficient reste constant. La Calcite et l’apatite montrent une
décroissance curviligne du coefficient de distribution en fonction de la saturation. Pour les
trois matériaux calciques, le Kd semble se stabiliser pour une valeur de 0,03 ± 0,01 L.g-1. Cela
signifie, qu’à partir d’une certaine saturation, la relation sorption-concentration en P dans la
solution devient linéaire et comparable pour les trois matériaux calciques. Cela peut laisser
supposer un mécanisme de rétention semblable pour ces matériaux.

C.3.1.1.2 Regemat
Le béton concassé (Regemat) provoque, lors de sa réaction avec une solution phosphatée, une
augmentation importante de pH et de conductivité. Le pH augmente de 5 unités et la
conductivité augmente d'autant plus que la sorption est faible. Ceci peut être relié au fait que
le béton, composé pour partie d’oxydes de calcium, se dissout rapidement, provoquant un
relargage important de Ca2+ et d'OH- suivant :
CaO-H2O → Ca2+ +2OH- Equation 38

La baisse de la variation de la conductivité avec l'augmentation de la sorption indique


l'importance de la dissolution du support dans la rétention des phosphates. Le pH fortement
basique, et la concentration importante de calcium, favorisent la précipitation de phosphates
de calcium (voir paragraphe C.1.2.3). On peut noter p.ex. une réaction de type :
KH2PO4 + Ca2+ + OH- → CaHPO4↴ + K+ +H2O Equation 39

La diminution brutale du Kd peut être liée à la consommation d’oxydes de calcium


accessibles en surface du matériau. Une fois la dissolution stoppée, les conditions physico-
chimiques de la solution sont nettement moins favorables à la précipitation. La surface de
réaction, et donc la granulométrie, jouent un rôle prépondérant. La valeur de saturation, lors
de la diminution du Kd, et les représentations données à la Figure C-19, illustrent bien cette
caractéristique.

7
6
5
q (mg P g-1)

4
3
2 Regemat 2

1 Regemat 1
0
0 50 100 150 200 250 300
P equil (mg L-1)
Figure C-19 : Isothermes du Regemat pour deux granulométries.

C.3.1.1.3 Calcite
Lors du contact solution phosphatée - calcite, la variation de conductivité est nulle. Celle du
pH est faible et diminue avec l'accroissement de la sorption. Le pH d'équilibre ne dépasse
jamais 8,4, ce qui peut être mis en relation avec le pHZPC mesuré sur des calcites synthétiques
par Vdovic N. (2001) (voir paragraphe C.2.3.1).

63
La surface de contact, dans la gamme de variation de granulométrie qui nous intéresse, n'est
pas un paramètre limitant dans la sorption du P, comme le montre la figure suivante. Pour 24
heures de temps de contact, les isothermes pour les deux granulométries extrêmes testées sont
identiques.
10

q (mg.g-1)
6

4
Calcite 1
2
Calcite 2
0
0 100 200
P équil (mg.l-1)

Figure C-20: Isothermes de la calcite suivant la granulométrie

En revanche, l'influence du pH de la solution initiale sur la capacité d'adsorption est


considérable. La Figure C-21 illustre bien le rôle inhibiteur d'une augmentation de pH sur la
sorption des ions phosphates par la calcite.
6
pH 11.1
5 pH 7
4
q( mg.g-1)

0
0 50 100 150

P équil (mg.l-1)

Figure C-21: Influence du pH sur la capacité d'adsorption pour la calcite

Ce résultat est dépendant de plusieurs mécanismes ayant des impacts parfois opposés. Une
augmentation de pH augmente la sursaturation vis-à-vis des précipités de phosphates de
calcium, et donc favorise la précipitation au détriment de l'adsorption (pHZPC de la calcite de
8,2). En revanche un pH basique limite également la précipitation du fait d'une diminution des
mécanismes de dissolution (voir paragraphe C.1.4) et donc du calcium disponible pour
précipiter avec les phosphates. Ce résultat ne nous permet pas de conclure sur la
prédominance de l'adsorption ou de la précipitation dans les phénomènes de rétention du P par
la phase solide de la calcite, mais montre que les phénomènes de dissolution jouent un rôle
significatif avec un tel matériau. Ces mécanismes seront plus amplement analysés
ultérieurement.

C.3.1.1.4 Apatite
Lors du contact solution phosphatée - Apatite, la variation de conductivité est nulle. Celle du
pH est faible et son amplitude diminue avec l'accroissement de la sorption. Le pH ne dépasse
jamais 8,6 valeur estimée du pHZPC (cf. paragraphe C.2.3.1). Cette similitude avec la calcite

64
peut laisser supposer une dépendance également non négligeable de phénomènes de
dissolution. Si la dissolution est dépendante de la surface de contact mise en jeu, à l’issue de
24 h de réaction, on n’obtient pas de différence notoire sur les isothermes suivant la
granulométrie (Figure C-22).

4
q (mg.g-1)

Apatite 2
2 Apatite 1

0
0 20 40 60 80 100 120 140 160
P équil (mg.l-1)
Figure C-22: Influence de la granulométrie sur la sorption de l’Apatite

C.3.1.1.5 Ferrosorp
Le Ferrosorp, pour des concentrations en P initiales de 0 à 75 mg/l, montre une capacité
d'adsorption intéressante. Au bout de 24 h d'agitation il ne reste jamais plus de 0.6 mg.l-1 en P.
Le pH évolue très peu pendant les 24 heures de contact (pH équilibre < 7,4). En revanche la
conductivité augmente considérablement (3300 µS/Cm à l'équilibre), significatif d'un
relargage ionique important. Cette augmentation de conductivité n'est pas due à un relargage
de fer (< 0,2 mg/l) et ne semble avoir aucun lien avec la quantité de P retenu. Même sans
ajout de P à la solution de départ, cette augmentation est constatée.

L’estimation du maximum d’adsorption, au regard de la linéarité acceptable du Kd avec la


saturation du matériau, doit être relativisée du fait que la gamme des variations de la mesure
est faible. Les études en colonnes viendront valider ou non cette estimation.

C.3.1.2. Cinétiques
La vitesse de réaction PO4 – matériaux, pour chaque cas, apparaît comme plus ou moins
rapide en début d’opération en fonction des matériaux utilisés. L’évolution de la réaction pour
chaque matériau peut être visualisée sur la Figure C-23 et la Figure C-24.

65
0,8

0,7

0,6

q (mg.g-1)
0,5

0,4

0,3
Calcite 1
0,2 Regemat 1
Ferrosorp
0,1
apatite 2
0
0 10 20 30 40 50 60
temps (h)
Figure C-23 : Cinétiques d’adsorption P0 =30 mg/l

16
Regemat 1
14 Calcite 1
apatite 2
Vit Ads (mg.g-1.j-1)

12
Ferrosorp
10

0
0 10 20 30 40 50 60
Temps (h)
Figure C-24 : Vitesse d’adsorption. P0 = 30 mg/l

La vitesse de réaction est calculée en fonction de la disparition de phosphore dans la phase


liquide pour chaque pas de temps de mesure.

Pour le Ferrosorp et l'apatite, environ 85 % du P sont retenus dès la première heure et


pratiquement 100 % au bout de 5 heures. La cinétique la plus lente est observée avec la
calcite. La sorption nécessite, de facto, une phase de latence avant d'être effective. Le béton
(Regemat) possède une vitesse de réaction intermédiaire et, comme le Ferrosorp et l'Apatite,
ne présente pas de phase de latence.

La comparaison des matériaux, en terme de vitesse de réaction, doit se faire au regard des
différentes granulométries (apatite fine), et du fait que la concentration de P appliqué au
départ (30 mg.l-1) n'est peut être pas limitante pour les deux matériaux les plus prometteurs en
raison de leur propriétés adsorbantes.

C.3.1.2.1 Ferrosorp
La modélisation de la vitesse de fixation suivant l'équation de Langmuir ou une cinétique du
premier ordre, n’est pas pertinente. Pour l'équation de Freundlich, en utilisant la méthode des

66
moindres carrés, on constate une faible dépendance de la vitesse par rapport au temps (cf.
Figure C-25).
0,8
0,7
0,6 modèle

q (mg.g-1)
0,5 données
0,4
0,3
0,2 q = 0.025C^0.96t^0.05
0,1
0
0 5 10 15 20 25
temps (heure)
Figure C-25: Cinétique suivant Freundlich q = kfCntb. Ferrosorp

Le coefficient kf ainsi déterminé est bien différent de celui déterminé par les isothermes, et
l’introduction du kf déterminé au paragraphe C.3.1.1.1 ne permet pas de corrélation
satisfaisante. L’importante vitesse initiale de réaction ne permet pas d’observer les limites
réactionnelles et donc une détermination judicieuse des coefficients.
La non corrélation avec Langmuir vient confirmer la délicate interprétation de la pertinence
des coefficients déterminés par extrapolation des isothermes quand l’étendue des
concentrations de P est faible (cf. paragraphe C.3.1.1).

C.3.1.2.2 Béton (Regemat)


Comme observé à l’occasion de l’établissement des isothermes, la réaction produit une
augmentation importante de pH. Le pH croît dès la première heure de contact à 10,3 pour
atteindre au bout de 24 heures une valeur proche de 12. Cette augmentation de pH, ainsi que
celle de la conductivité, confirment l'importance de la dissolution de certains des constituants
du béton.

La vitesse de réaction ne suit pas de manière pertinente les modèles de Freundlich et de


Langmuir. On peut supposer que dans la vitesse globale de réaction intervient la cinétique de
dissolution du béton. Si les deux phénomènes précipitation et adsorption sont présents, ils
rentrent en compétition, et dépendent de la vitesse de dissolution du béton. Nous mesurons
alors la vitesse globale de la réaction. Il en ressort que la modélisation par Langmuir ou
Freundlich (quel que soit l’ordre) n’est pas et ne peut pas être pertinente.

C.3.1.2.3 Calcite
Une phase de latence apparaît avec la calcite avant que ne démarre réellement la réaction de
sorption. Cette phase de latence peut être synonyme d’un phénomène de maturation c.-à-d. de
transformation du matériau avant que la réaction ne se mette en place. Les analyses ioniques
de la solution montrent un relargage d’ions Ca2+ et carbonate dès la première heure. Par la
suite les ions calcium réagissent pour se stabiliser à l’équilibre calco-carbonique. Considérer
cette phase de maturation comme un processus de dissolution permettant par la suite une
précipitation paraît justifiable, mais il est également possible que cette dissolution puisse
engendrer par la suite une adsorption spécifique par formation d’un complexe de surface. La
présence des deux phénomènes est bien entendu envisageable.

67
La modélisation par Langmuir n’est pas pertinente. Elle peut éventuellement être établie en
utilisant la formulation de Freundlich comme l’illustre la figure suivante.
0,8
0,7 données
0,6 modèle

q (mg.g-1)
0,5
0,4
0,3
q = 0.012C^0.33t^1.05
0,2 r2= 0,98
0,1
0
0 20 40
Temps (heure)
Figure C-26: Cinétique suivant Freundlich q = kfCntb. Calcite

Cependant, encore une fois, les valeurs des coefficients sont différents de ceux déterminés par
les tracés d’isothermes. On peut faire l’hypothèse que, suivant la concentration initiale du P,
les réactions impliquées, et surtout leur ampleur, ne seront pas identiques. Les isothermes
intègrent ces variations.

C.3.1.2.4 Apatite
La réaction avec l’apatite est immédiate. On observe une légère augmentation de pH ainsi
qu’une remise en solution d’ions Ca2+ et HCO3- dès la première heure. Ces valeurs restent
constantes par la suite. Une similitude peut être supposée avec la calcite avec ici une
dissolution-réaction beaucoup plus rapide.

La modélisation par Langmuir n’est pas pertinente. Par Freundlich une corrélation peut être
établie mais doit être prise avec précaution en raison de la vitesse rapide de réaction observée.
Une remarque similaire à celle faite pour le Ferrosorp peut être réitérée au sujet des
différences des valeurs des coefficients déterminés d’une part par l’analyse de la cinétique et
d’autre part par l’étude des isothermes.
0,76
0,74
0,72
q (mg.g-1)

0,7 données
0,68 modèle

0,66
0,64 q = 0.975C^0.0033t^0.95
0,62
0 20 40
Temps (heure)
Figure C-27: Cinétique suivant Freundlich q = kfCntb. Apatite

68
C.3.1.3. Conclusion des expériences conduites en réacteurs fermés
Des potentialités intéressantes de sorption sont apparues et quelques caractéristiques
réactionnelles diffèrent suivant les matériaux :
• pour le Ferrosorp on observe un accroissement significatif de la conductivité
illustrant ainsi un échange ionique ou une dissolution nette. L’affinité P-
matériau est forte.
• Pour les matériaux calciques, des phénomènes de dissolution plus ou moins
rapides en relation avec l’intensité de la sorption, sont observées. Pour le béton
une dissolution importante (forte concentration du calcium, pH fortement
basique à l’équilibre) favorise par la suite les phénomènes de précipitation.
Cette dissolution est limitée dans le temps suivant la granulométrie utilisée.
Pour la calcite une dissolution de moindre ampleur pourrait expliquer le
phénomène de latence observée avant que la sorption soit effective. Pour
l’Apatite une dissolution (même faible) permet rapidement une réaction P-
matériau intense.

La modélisation par les équations usuelles représentant les phénomènes d’adsorption est
possible mais non cohérente avec l’évolution du Kd en fonction de la saturation du substrat.
Plusieurs processus semblent intervenir pour les matériaux calciques. L’incorporation du
facteur temps, auxdits modèles, n’est pas pertinente. Ces modèles ne permettent pas de décrire
convenablement la complexité des phénomènes mis en jeu dans la rétention du P (dissolution,
adsorption, précipitation …) pour les matériaux calciques. Ces mécanismes demandent à être
mis en évidence afin de pouvoir appréhender le comportement des matériaux dans des filtres.

C.3.2. Etude sur colonne

C.3.2.1. Ferrosorp

• Réponse à une injection échelon de 100 puis 200 mg.l-1


Au début de l’expérience la concentration d’entrée était fixée à 100 mg.l-1. Pour atteindre plus
rapidement la saturation, la concentration a été portée à 200 mg.l-1 après 24 jours de
percolation à 100 mgP.l-1.

La saturation du Ferrosorp suit une évolution classique de courbe de percée obtenue pour des
phénomènes d'adsorption. Au cours de la saturation du matériau, le pH ne subit pas de
variation importante, contrairement à la conductivité. Les études en test batch ne révélaient
pas de lien direct entre l'adsorption et l’accroissement de la conductivité. Néanmoins
l'expérience en colonne montre clairement le lien entre l'état de saturation du matériau et la
variation de cette conductivité (Figure C-28). Lors de la fabrication du matériau, le pH des
hydroxydes de fer est régulé par de l'acide sulfurique. D'après le fabricant, ce relargage
ionique est du aux ions sulfate. La chute brutale de ce relargage au moment de l'atteinte de la
saturation permet de faire l’hypothèse d’un échange ionique entre les ions sulfate et phosphate
à la surface du Ferrosorp, étant donné l’affinité supérieure des orthophosphates vis-à-vis des
oxydes de Fer (cf. paragrapheC.2.3.1).

69
200 4000

180 Concentration d'entrée: 200mg/l


3500
Concentration de sortie (mg P/l)

160
3000
140

Conductivité (µS/cm)
2500
120

100 2000
Concentration d'entrée: 100mg/l

80 1500

60
1000
40
Concentration de sortie
500
20 Conductivité

0 0
0,00 10,00 20,00 30,00 40,00 50,00 60,00 70,00 80,00 90,00 100,00
Temps (jours)

Figure C-28 : Ferrosorp: colonne alimentée à 200 mg/l

La saturation finale est de 9,5 mg.g-1 de matériau, et celle du début de la percée de 7,2 mg.g-1.
Les vitesses de rétention observées lors d’un rejet nul en P, sont de l’ordre de 0,34 mg.g-1.j-1
en considérant un temps de passage effectif de 17,7 heures au sein du matériau.

• Réponse à une injection échelon de 20 mg.l-1


La saturation à 20 mg.l-1 sur le Ferrosorp a été accomplie en alternant des périodes
d'oxydation et d'alimentation afin d’éviter le relargage de phosphates observé par réduction du
fer (Fe3+ → Fe2+) comme nous le verrons ultérieurement. L'évolution du rejet (Figure C-29)
est beaucoup plus rapide que pour une alimentation à 200 mg.l-1. La saturation finale est de
4,2 mg.g-1, et les rejets commencent à être observés dès 1,7 mg.g-1.
30
Rejet
25 alimentation

20
P (mg.l-1)

15

10

0
0,00 50,00 100,00 150,00 200,00

temps (j)

Figure C-29 : Ferrosorp colonne alimentée à 20 mg/l une semaine sur deux

Les vitesses de rétention observées lors d’un rejet inférieur à 0,1 mg.l-1 en P, sont de l’ordre
de 0,31 mg.g-1.j-1 en considérant un temps de passage effectif de 5,6 heures au sein du
matériau.

• Réponse à une injection purge


Le phénomène de remise en solution des phosphates retenus par le Ferrosorp est important.
Les conditions d'expérimentation (matériau constamment immergé) font que la liaison P-Fe

70
établie est fortement réversible. Pendant la période de mesure, 12 % du P adsorbé est désorbé
et le rejet semble pouvoir perdurer encore quelque temps.

180

160

140

120
tps de
P (mg.l-1)

séjour
100 théo

80

60

40

20

0
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
temps (j)
Figure C-30 : Désorption des phosphates à partir du Ferrosorp 200 mg.l-1.

L'adsorption du P sur le Fer nécessite une oxydation du fer ferreux en fer ferrique qui ne peut
se produire qu'en condition aérobie.

L’intérêt de travailler avec des périodes d’oxydation pour favoriser la rétention du P a


notament été mis en évidence lors d’une étude précédente sur des systèmes d’infiltration
percolation (Esser, 1989). En effet, on s'aperçoit que la réversibilité de la sorption, pour la
colonne alimentée en alternant des périodes d'alimentation et d'oxydation, est moindre. Les
résultats sont représentés sur la Figure C-31 suivante.

4,5

3,5
Conc (mg/l)

2,5

1,5

0,5

0
0,00 1,00 2,00 3,00 4,00 5,00 6,00 7,00 8,00 9,00
Temps (j)

Figure C-31: Relargage Ferrosorp 20 mg/l

Pendant la période de mesure 1 % seulement du P retenu est remis en solution.

71
C.3.2.2. Béton

• Réponse à une injection échelon de 100 puis 200 mgP.l-1


Une augmentation de la conductivité et du pH est observée lors du passage de la solution au
travers du matériau. Rapidement le pH de sortie se stabilise à 12. La hausse de la conductivité
est due à la monté du pH et à un relargage d'ions Ca2+. La dissolution de constituants du béton
paraît importante. L’apparition de la courbe de percée est à corréler avec une diminution
rapide du pH à 10, puis progressive pour atteindre 9 en fin d'expérience. Le lien entre la
hausse du pH et la vitesse de rétention peut être visualisé en annexe (Figure 3 p 225). La
conductivité baisse également rapidement pendant l'établissement du "plateau" comme le
montre la figure suivante. La fin de la dissolution de l’oxyde de calcium induit une baisse
considérable de la rétention.

200 4500

180 4000
Concentration de sortie (mg P/l)

Concentration d'entrée: 200mg/l

160 3500

140 3000

Conductivité µS/cm
120
arrêt de la manip 15 jours 2500
100
2000
80 Concentration d'entrée: 100mg/l
1500
60
1000
40
Concentration de sortie
20 500
Conductivité
0 0

0,00 10,00 20,00 30,00 40,00 50,00 60,00 70,00 80,00


temps jours

Figure C-32: Colonne Regemat 1, 200 mg.l-1

La saturation finale du béton est de 3,7 mgP.g-1, et la percée a lieu à 1,2 mgP.g-1 (soit environ
0,85 g.m-2).

• Réponse à une injection échelon de 20 mg.l-1


La granulométrie est ici plus fine que celle utilisée pour l'alimentation à 200 mg.l-1 (Regemat
2). Les changements du pH et de conductivité sont représentés dans le Tableau C-10. On
retrouve les mêmes évolutions que précédemment.

pH Conductivité (µS/cm)
Entrée Sortie colonne Entrée Sortie colonne
colonne colonne
Béton concassé 7 ± 0,1 11-12 puis 9* 1000 ± 100 2500 –3000 puis
1300*
* Les conditions changent lors de l'augmentation de la concentration du rejet, indicatrice de
l'approche de la saturation
Tableau C-10: Evolution des caractéristiques physico-chimiques entrée et sortie colonne 20 mg/l pour le
béton concassé.

72
Alors qu’alimentée en eau propre sans Ca2+, la teneur en calcium dans le rejet varie entre 82
et 144 mg Ca.l-1 indiquant l’importance de la dissolution. A titre indicatif, connaissant le débit
d’alimentation, environ 11 g de Ca2+ on été rejetés pendant les 70 premiers jours
d’expérience, soit environ 1,2 % de la masse de béton présente dans la colonne.
Le pH fortement basique ainsi que la forte teneur en Ca, peuvent induire une précipitation
importante, et expliqueraient ainsi la spontanéité de la réaction pour le béton.

40
P alim
35 Psortie
vitesse d'adsorption
30
vit ads (mg.kg-1.j-1)

25
P (mg.l-1)

20

15

10

0
0 100 200 300 400 500 600 700
temps (j)
Figure C-33: Regemat 2 alimenté à 20 mg.l-1

L'apparition d'un rejet de P est à corréler avec la baisse des paramètres physico-chimiques et
du relargage de Ca. Par la suite des variations similaires à celles de la calcite sont observées.
Une fois le pouvoir tampon de l’oxyde de calcium éliminé, la rétention semble être de même
nature que celle de la calcite (rejet identique pendant 150 jours, voir paragraphe C.3.2.3).

Au jour 592 (trait vertical noir sur la Figure C-33), la solution d’alimentation a été préparée
avec de l’eau du robinet pour pallier au manque de calcium. Le béton ne se dissolvant plus, le
manque de calcium était limitant pour obtenir une bonne précipitation. Le passage à une eau
équilibrée contenant du calcium permet d’accroître la rétention des phosphates. Le trait rouge,
au jour 610, correspond à un retour momentané à une préparation à base d’eau déminéralisée.
Aussitôt le rejet en P augmente pendant cette période. L’utilisation d’eau de distribution
provoque une baisse de la concentration de P et de Ca en sortie dans un rapport molaire Ca/P
de l'ordre de 1,2. Ce ratio se situe entre ceux du phosphate dicalcique et du phosphate
octocalcique (cf. paragraphe C.1.2.3).

Les vitesses de rétention sont de l’ordre de 0,03 mgP.g-1.j-1 en début d’expérience, et de 0,02
mg.g-1.j-1 avec l’eau du robinet en fin de période.
L'état de saturation est de 15,6 mgP.g-1 en fin d’expérience et de 6 mgP.g-1 au début de la
montée de la courbe de percée (soit environ 1,25 gP.m-2).

73
• Réponse à une injection purge
La rétention du P sur le Regemat est un phénomène irréversible comme le montre la figure
suivante. Pendant la purge, moins de 1 % du P retenu est remis en solution.

180

160

140
conc de sortie (mg P/l)

120

100

80
temps
60 de
séjour
40 théo

20

0
0,00 2,00 4,00 6,00 8,00 10,00
temps (jours)

Figure C-34: Relargage béton 200 mg/l

C.3.2.3. Calcite
• Réponse à une injection échelon de 200 mg.l-1
La concentration de P en sortie est, dès le départ, importante (environ 45 mg/l), comme le
montre la Figure C-35. Les valeurs de vitesse d'adsorption sont inférieures à celles mesurées
en test batch. La vitesse d'adsorption calculée est une moyenne sur les 14 heures de temps de
séjour dans la colonne. En test batch, la vitesse d'adsorption, moyennée sur 14 heures pour des
concentrations en P appliquées de 100 mg.l-1, est d'environ 3 mgP.g-1.j-1. La réaction apparaît
donc 50 fois moins rapide en colonne. L'utilisation de la totalité du volume de la colonne n'est
pas évidente, compte tenu de la dépendance de la sorption avec l'état de la saturation de la
solution. En effet, la solution, sous-saturée au départ, peut s'équilibrer dans les premiers
centimètres de la colonne, et ainsi minimiser la rétention par la suite. Ce point sera vérifié lors
des expériences sur le pilote.

Les valeurs de vitesse de rétention en fin d’expérimentation sur la colonne, chutant vers les
0,05 mg.g-1.j-1, indiquent bien une baisse significative de la cinétique de sorption. Néanmoins
la rétention est encore effective, et stable (50 % d'abattement). Un phénomène de sorption
(amoindri, différent ?) est donc toujours actif.

74
200 0,100

180 P rejet vitesse d'adsorption


0,090
160
0,080

Vit ads (mg.g-1.j-1)


140
0,070
120
P (mg.l-1)

100 0,060

80
0,050
60
0,040
40
0,030
20 Arrêts accidentels de l'alimentation

0 0,020
0 20 40 60 80 100 120 140
temps (jours)
Figure C-35: Calcite 200 mg/l

La saturation finale de la calcite est de 8,3 mgP.g-1. Au début de la percée, cette saturation est
de 2,4 mgP.g-1.

• Réponse à une injection échelon de 20 mg.l-1


Les évolutions du rejet en P et des vitesses de sorption, sont représentées sur la Figure C-36.
L'allure est bien différente de celle observée pour une alimentation à 200 mg.l-1. On observe
des variations dans la qualité du rejet assez surprenantes. Ces pics de rejet, excepté celui de
départ, correspondent à la régénération des colonnes de déminéralisation de l'eau. Au fur et à
mesure que les colonnes de déminéralisation se saturent, l'eau est moins agressive vis-à-vis de
la calcite : la dissolution de la calcite et la rétention du P diminuent. Une régénération de la
résine augmente l’agressivité de l’eau et provoque alors un accroissement brutal de la
rétention du P. On apprécie par-là la sensibilité de la calcite à son environnement et les
conséquences que cela peut avoir en terme de fiabilité de la rétention du P.
Le fort rejet en P, observé au début, doit être mis en relation avec le phénomène de maturation
observé en test batch, c.-à-d. au temps nécessaire pour dissoudre une partie de la calcite.
P alim P sortie vitesse d'adsorption
25 0,03

0,025
20
vit ads (mg.g-1.j-1)

0,02
15
P (mgP/l)

0,015

10
0,01

5
0,005

0 0
0 50 100 150 200 250 300 350
temps (jours)
Figure C-36: Calcite 20 mg/l

75
Il est intéressant de noter l'évolution des concentrations de rejet, aux points bas, après chaque
régénération. Cette concentration a tendance à croître régulièrement avec le temps, traduisant
l'état de saturation du matériau.

Les processus fonctionnels existant dans le domaine des faibles concentrations en P semblent
plus sensibles aux variations de l'équilibre de l'eau. La saturation finale du matériau est de 6,5
mgP.g-1, mais la rétention est encore effective. Les vitesses de rétention varient entre 0,025 et
0,005 mgP.g-1.j-1.

• Réponse à une injection purge


L'étude de la désorption montre que les mécanismes de rétention sont quasi irréversibles.
Quelles que soient les concentrations d'entrée appliquées, le relargage est inférieur à 0,5 % du
P retenu. Cette valeur est de plus majorée par le fait qu'une partie du P est due au temps de
séjour et à la dispersion de la solution dans la colonne.

100
Moins de 0,5% du P adsorbé est relargé pendant la période considérée
90
Concentration du rejet (mg P/l)

80

70

60

50
tps
40 de
séj
30 théo

20

10

0
0,00 1,00 2,00 3,00 4,00 5,00 6,00 7,00 8,00 9,00 10,00
temps (jours)

Figure C-37: Relargage après saturation de la calcite à 200 mg/l

6
tps de
5
séjour
théo
P (mg.l-1)

0
0 1 2 3 4 5 6 7
Temps (J)

Figure C-38: Relargage après saturation de la calcite à 20 mg/l

76
C.3.2.4. Apatite
Expérience sans présence de biomasse
L'étude en colonne de l'apatite n'a été faite qu'avec des concentrations d'entrée de P égale à 20
mg.l-1. On note une faible augmentation de pH lors du passage de la solution au travers du
matériau. Le pH de sortie est de 8,0 ± 0,2 en début puis baisse légèrement dans le temps. La
conductivité reste stable, et une concentration de calcium de l’ordre de 5 mg.l-1 est mesurée en
sortie, significative d’une dissolution partielle, mais faible, d’un des constituants du matériau.
La saturation lors de la montée du rejet au-dessus de 2mg.l-1 en P est de 4,9 mgP.g-1, et la
saturation finale est de 13,9 mgP.g-1. Les vitesses de rétention sont de l’ordre de 0,035 mgP.g-
1 -1
.j en début d’expérience. La réaction est moins sensible aux variations de l’agressivité de
l’eau d’entrée, qu’avec la calcite. Une fois que la percée en sortie de colonne a eu lieu, la
réaction devient plus sensible.

40

35

30
vit rét (mg.kg-1.j-1)

25
P (mg.l-1)

20
eau usée
eau de distribution
15
P alim
10 P sortie
vit de rétention
5
2
0
0 100 200 300 400 500
Temps (j)
Figure C-39: Apatite 1 alimentée à 20 mg.l-1

Au jour 360 l’alimentation de la colonne est réalisée à partir d’une eau de distribution (trait
vertical sur la Figure C-39). Le calcium présent dans l’eau de distribution ( de l’ordre de 70
mg.l-1), permet d’accroître la rétention du phosphore. Des concentrations de 55 mg.l-1 en
calcium sont encore mesurées en sortie de colonne.

La rétention est stable. Aucun relargage n’est observé lors d’une alimentation avec une eau
exempte de phosphate.

Présence de biomasse
La colonne d’Apatite au jour 460 a été alimentée avec des eaux de sortie station complétées
par 10% d’eau d’entrée, le tout filtré de manière à ne pas introduire de facteur supplémentaire
dans la complexité des phénomènes de rétention (stockage ou précipitation dans les dépôts).
La solution était par la suite ramenée à 15 mg de phosphore par litre avec du KH2PO4. La
Figure C-39 montre l’évolution du rejet. La DCO en entrée est entièrement sous forme
dissoute. Elle varie de 30 à 60 mg.l-1. Celle de sortie est du même ordre de grandeur et se
trouve même la plupart du temps supérieure. Ceci en raison de relargages de MeS dont la part

77
sur la DCO n’est pas négligeable (20 à 60%). L’azote ammoniacal en entrée (entre 0 et 12,5
mg.l-1) est consommée entre 10 à 25 %. Des potentiels d’oxydoréduction toujours positifs
confirment l’état oxydant du milieu.
Aucune évolution notable du rejet en P n’est observée par l’alimentation en eaux usées. Si la
caractéristique de l’eau d’alimentation peut être comparée à celle issues de deux étages de
traitement, le développement de biomasse n’est assurément pas très développé, et l’impact sur
la rétention du P, est ici, difficile à mettre en évidence. Des expérimentations plus longues
avec des ratios C/N/P différents méritent d’être effectués pour préciser le rôle de ces éléments.
Dans nos expériences le rejet est de l’ordre de 2 mg.l-1, et les variations observées ne sont pas
différentes de celles observées en eau de distribution où les concentrations ioniques (calcium
notamment) variaient aussi.

C.3.2.5. Récapitulatif des expériences en colonnes


Le comportement des matériaux diffère suivant leur composition :
• Les processus impliqués avec le Ferrosorp semblent être du type échange
d’ions. Les cinétiques de rétention ne sont pas dépendantes de la concentration
du P appliqué (aux concentrations testées). Pour ce matériau il est nécessaire
de permettre des périodes d’oxydation pour s’assurer d’une fixation stable. Les
périodes d’oxydation permettent une transformation du fer ferreux en fer
ferrique et probablement une cristallisation des formes adsorbées lors du
séchage du massif.
• Les matériaux calciques sont soumis à des phénomènes de dissolution. Si la
dissolution du béton est importante, amenant de fortes concentrations en
calcium et des pH basiques favorisant la précipitation, l’amplitude des
variations est moindre pour la calcite et l’apatite. Cette dissolution semble être
limitante pour la calcite alors que pour l’apatite, malgré une relative stabilité
ionique de la solution, la vitesse de rétention est supérieure à celle du béton.
Une fois la dissolution limitée, le rejet de P croît par manque de calcium en
solution pour réagir avec le P. L’introduction d’eau contenant du calcium
permet une reprise de la rétention.

Les valeurs de saturation, vitesses de réaction des matériaux pour les différentes conditions
testées sont consignées dans le Tableau C-11.

Saturation à la Saturation en fin Fixation Vitesse de


percée d’expérience stable réaction avant la
(mgP.g-1) (mgP.g-1) percée