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Mention : Chimie
Pierre-François BIARD
Remerciements
Bien qu’étant une réalisation plutôt personnelle, le diplôme de l’Habilitation à Diriger les Recherches
permet de mettre en lumière la richesse de nombreuses interactions avec diverses personnes, à qui je
tiens à exprimer ma sincère gratitude. Je remercie ainsi très chaleureusement mes trois rapporteurs,
la Dr. Valérie MEILLE, le Pr. Urs Von GUNTEN et le Dr. Laurent FALK, ainsi que le Pr. Hervé GALLARD,
pour me faire honneur de leur présence dans ce jury d’HDR. C’est un jury très prestigieux !
Je tiens également à remercier le Pr. Pierre LE CLOIREC pour m’avoir soutenu et aidé dans la
préparation de cette HDR et pour s’en être porté garant. Jeune élève ingénieur potassant votre
précieux ouvrage « Les COV dans l’environnement », je n’avais pas imaginé vous côtoyer quelques
années plus tard.
Je souhaite également remercier la Pr. Annabelle COUVERT, ma directrice de thèse, souvent à mes
côtés pour abattre les COV et les micropolluants, qu’elle qu’en soit la technique ! Merci également au
Pr. Anthony SZYMCZYK, responsable de l’équipe CIP, pour ses encouragements dans la préparation de
ce diplôme.
Mes plus vifs remerciements vont également vers mes collègues de bureau à l’ENSCR et l’IUT de
Rennes, Catherine COURIOL et Patrick LOULERGUE, pour les heures passées ensemble, les bons
moments et les nombreuses discussions professionnelles et personnelles. Vous êtes une force
motrice et c’est toujours un plaisir que de vous retrouver! Je remercie également mes autres collègues
de l’équipe de génie des procédés du département chimie de l’IUT : Florence BUDE, Laurence
GUIHARD, Béatrice BALANNEC et Stéphane NICOLAS, pour m’avoir accueilli chaleureusement à l’IUT
et dans l’équipe.
Je remercie également le Pr. Abdeltif AMRANE pour m’avoir permis d’être recruté à l’IUT de Rennes et
le Pr. Dominique WOLBERT pour m’avoir accueilli au sein de l’équipe CIP.
Merci également à tous les étudiants de DUT, Master et Doctorat qui ont travaillé à mes côtés. J’espère
que l’exigence que j’avais envers vous vous aura été bénéfique.
Je tiens également à remercier tous les collègues avec qui j’ai l’occasion de collaborer ou
échanger régulièrement : Audrey DENICOURT, Alain ROUCOUX, Ronan LEBULLENGER, Antoine
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Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
LEJEUNE, Audrey CABROL, la PAT Patrouille (Isabelle SOUTREL, Valérie COUROUSSE, Pierre LARGILIERE,
Christelle GARDIN, Apolline DELALANDE), Khalil HANNA (merci pour ton aide sur cette HDR), Sylvain
GIRAUDET, Nicolas CIMETIERE, Florence FOURCADE, Jean-Luc AUDIC, Rémi MARSAC (merci pour ton
aide sur cet HDR), Alain LAPLANCHE, et j’en oublie surement. Ne m’en voulez pas ! De façon générale,
merci à tous les collègues, enseignants ou autres, de l’équipe CIP et du département chimie de l’IUT.
Je souhaite aussi remercier très sincèrement mes organismes de tutelle, l’Université de Rennes 1,
l’ENSCR et l’Institut des Sciences Chimiques de Rennes, pour leur confiance et pour l’attribution de
plusieurs financements m’ayant permis d’initier plusieurs axes de recherche.
Enfin, le mot de la fin sera pour les trois piliers de ma vie, mon épouse Marie et mes deux filles
Clémence et Lucie. Je vous embrasse très fort.
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Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Sommaire
Glossaire ...................................................................................................................................... 6
Introduction générale ................................................................................................................. 10
3
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
3.3 Développement de liquides ioniques pour l’absorption de COV neutres : mesure des
coefficients de partage et des coefficients de diffusion ................................................................... 81
3.3.1 Introduction ................................................................................................................... 81
3.3.2 Détermination des coefficients de partage ................................................................... 84
3.3.3 Mesure des coefficients de diffusion dans les liquides ioniques .................................. 85
3.4 Simulation du lavage physique de COV neutres dans des solvants organiques en colonne
garnie 91
3.4.1 Introduction ................................................................................................................... 91
3.4.2 Etude de l’hydrodynamique .......................................................................................... 92
3.4.3 Etude du transfert de matière : détermination de l’abattement.................................. 95
3.5 Conclusions.......................................................................................................................... 101
4 Oxydation de micropolluants émergents par le procédé peroxone ......................................103
4.1 Introduction- contexte ........................................................................................................ 103
4.2 Intensification du procédé peroxone par utilisation d’un réacteur tubulaire monophasique
105
4.2.1 Introduction-contexte ................................................................................................. 105
4.2.2 Procédé développé ...................................................................................................... 106
4.2.3 Résultats ...................................................................................................................... 107
4.3 Développement et application d’un réacteur à cellules agitées pour la mesure de la constante
cinétique entre l’ozone et l’anion hydroperoxyde .......................................................................... 112
4.3.1 Introduction-contexte ................................................................................................. 112
4.3.2 Caractérisation du réacteur et validation de la méthode ........................................... 113
4.3.3 Détermination de la constante cinétique de réaction de l’ozone avec l’anion
hydroperoxyde ............................................................................................................................ 119
5 Utilisation de nanoparticules supportées pour l’ozonation catalytique de polluants émergents
124
5.1 Introduction – contexte....................................................................................................... 124
5.2 Méthodologie suivie en ozonation catalytique ................................................................... 125
5.3 Résultats .............................................................................................................................. 126
6 Développement et applications d’un catalyseur cellulaire basé sur l’imprégnation de
nanoparticules métalliques sur des mousses de verre ................................................................130
6.1 Introduction- contexte ........................................................................................................ 130
6.2 Conception et étude de faisabilité ...................................................................................... 132
6.2.1 Les mousses de verre .................................................................................................. 132
6.2.2 Dépôt des nanoparticules et preuve de concept ........................................................ 134
6.2.3 Principales caractérisations du matériau catalytique ................................................. 136
6.3 Application en traitement d’air : ozonation catalytique et oxydation thermo-catalytique 138
6.3.1 Introduction ................................................................................................................. 138
6.3.2 Principaux résultats en ozonation catalytique ............................................................ 139
6.3.3 Principaux résultats en oxydation thermocatalytique ................................................ 139
6.4 Application en traitement d’eau : oxydation avancée par ozonation catalytique .............. 141
6.4.1 Introduction ................................................................................................................. 141
6.4.2 Résultats ...................................................................................................................... 142
6.5 Conclusion ........................................................................................................................... 144
4
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Conclusion générale……………………………………………………………………………………………………………………158
Liste des références…………………………………………………………………………………………………………………….160
Annexe I : Liste des publications de rang A, brevets et chapitres de livre……………………………………..172
Annexe II : Liste des communications orales……………………………………………………………………………..…176
Annexe III : Liste des communications par affiche……………………………………………………………………..…180
5
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Glossaire
Variables numériques
a°: aire interfaciale relative au volume de liquide ou au volume de garnissage si présent (m2 m-3)
A: facteur d’absorption (sans dimension)
Ap: surface spécifique du garnissage (m2 m-3)
AR: affinity ratio défini comme le rapport de H dans de l’eau sur H dans un solvant organique (sans
dimension)
CL : concentration d’un composé absorbé en phase liquide (mol m-3 ou mol L-1)
CG: concentration d’un composé en phase gazeuse (mol Nm-3 ou mol m-3)
CR: concentration d’un réactif en phase liquide (g L-1 ou mol L-1)
dp: dimension d’un élément de garnissage vrac (m)
Dc: diamètre d’une colonne (m)
DL : coefficient de diffusion d’un composé à dilution infinie dans la phase liquide (m2 s-1)
DG : coefficient de diffusion d’un composé dans la phase gazeuse (m2 s-1)
DR : coefficient de diffusion d’un réactif à dilution infinie dans la phase liquide (m2 s-1)
E : coefficient d’accélération du transfert (Ei : coefficient d’accélération du transfert pour une réaction
instantanée)
EG: abattement ou efficacité de transfert en phase gazeuse (sans dimension)
En : Entrée d’un modèle (unité variable)
ER : erreur ou écart relatif
ERM : erreur ou écart relatif moyen
F: débit volumique (m3 s-1 ou L s-1)
FT : débit molaire d’un composé transféré (mol s-1)
g: constante de gravitation (9,81 m s-2)
hL : rétention liquide (sans dimension)
H: constante de Henry (Pa m3 mol-1)
H’: constante de Henry (sans dimension, exprimée en rapport de concentration, telle que H’=H/(RT))
Ha : nombre de Hatta (sans dimension)
HUTOL: hauteur d’une unité de transfert globale en phase liquide (m)
IE : index d’élasticité (sans dimension)
J : flux de transfert (mol s-1)
k : constante cinétique (L mol-1 s-1 ou s-1)
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Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Lettres grecques
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Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Indices
A, B, C, D : relatif aux composés A, B, C et D tels que A/C et B/D soient des espèces à l’équilibre
ac : relatif à un acide
At : relatif à l’atrazine
App: apparent
at: atrazine
Ba : relatif à une base
c : consommé
Carb : relatif aux ions carbonates
ch: au point de charge
COV : relatif à un COV
e: à l’entrée
eq: à l’équilibre
eng: au point d’engorgement
G: relatif au gaz
HO•: relatif aux radicaux hydroxyles
HP : peroxyde d’hydrogène
L: relatif au liquide
O: overall (global)
Ox : relatif à une réaction d’oxydation
Oz: ozone
p: relatif au garnissage (packing en anglais)
R : relatif à un réactif
S: superficielle (dans le cas d’une vitesse)
s : en sortie
T : totale
0: initial
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Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Exposant
* : à l’interface gaz-liquide
Eq : à l’équilibre avec la concentration en phase gazeuse (Eq. 86)
Acronymes
BS: Billet-Schultes
CIP : Chimie et Ingénierie des Procédés
CMR : cancérigène, mutagène ou reprotoxique
COV : composé organique volatil
CPG : chromatographie en phase gazeuse
DCM: dichlorométhane
DCO : demande chimique en oxygène
DIO : demande instantanée en ozone
DEHA : Bis(2-ethylhexyl) adipate
ENSCR : Ecole Nationale Supérieure de Chimie de Rennes
HETD : heure équivalent TD
HPLC : high pressure liquid chromatography (chromatographie en phase liquide)
IPC-OES : Inductively coupled plasma optical emission spectrometry
ISCR: Institut des Sciences Chimiques de Rennes
LI : liquide ionique
MCF : maitre de conférences
OMC : Organométaliques, Matériaux et Catalyse
PDMS : polydiméthylsiloxane
SSR: Song-Seibert-Rochelle
TD: travaux dirigés
TP: travaux pratiques
TPPB: two phase partitioning bioreactor
UR 1: Université de Rennes 1
V&C: Verres et Céramiques
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Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Introduction generale
La qualité de l’environnement, et notamment de l’air et des ressources aquatiques, en lien avec la
santé humaine, sont devenues en l’espace de quelques décennies une préoccupation majeure des
citoyens et des pouvoirs publics. En parallèle, l’essor des techniques analytiques et des connaissances
scientifiques a mis en exergue l’impact négatif de diverses classes de composés nocifs d’origine
anthropique, tels que les composés organiques volatils (COV) ou les micropolluants organiques
émergents. Par conséquent, les Législateurs de nombreux pays ont imposé des mesures afin de limiter
la dégradation de notre environnement par les activités industrielles ou domestiques, les transports,
etc.
Ainsi, les COV sont très largement employés dans de nombreux procédés industriels et se retrouvent
partiellement émis dans l’air. De plus, leur incorporation dans de nombreux produits voués à un usage
domestique (revêtements de sol, produits nettoyants, ameublement, etc.) est la cause d’une
dégradation de la qualité de l’air intérieur. En effet, outre des effets néfastes sur l’environnement, liés
notamment à la formation d’ozone dans l’atmosphère et à une contribution à l’augmentation de l’effet
de serre, ces composés ont une action directe sur la santé humaine, certains étant même classés CMR
(cancérogène, mutagène et reprotoxique). Ces composés peuvent être également associés à des
problématiques de nuisances olfactives, impactant significativement la qualité de vie au voisinage des
installations concernées (stations d’épuration, usines de traitement des déchets, équarrissages, usines
agroalimentaires, papeteries, industries chimiques, élevages intensifs, etc.). Dans les nuisances
olfactives, les COV sont fréquemment retrouvés en association avec deux composés inorganiques, le
sulfure d’hydrogène (H2S) et l’ammoniac (NH3).
De leur côté, les micropolluants émergents sont une classe de polluants aux origines multiples
(médicaments, pesticides, produits cosmétiques ou d’entretien, etc.) présents en phase liquide et
réfractaires à la biodégradation. De fait, leur élimination dans les stations d’épuration traditionnelles,
basées principalement sur un traitement biologique, est très faible ; entrainant une lente accumulation
dans les eaux naturelles, et par voie de conséquence dans les filières de traitement et de distribution
d’eau potable. Ces composés présentent de nombreux impacts néfastes sur l’environnement, avec
notamment des effets sur la santé humaine, certains d’entre eux étant classés CMR, et sur les systèmes
endocriniens des espèces aquatiques.
De fait, la mise en place de procédés de traitement des matrices eaux et air est requise afin de procéder
à la récupération ou à la dégradation de ces composés. Ainsi, mes activités de recherche, marquées
10
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
En traitement d’air, mes recherches sont principalement orientées vers l’intensification et une
meilleure compréhension et modélisation des procédés de lavages physique et chimique des COV et
de l’H2S. Ces procédés mettent en œuvre un transfert gaz-liquide (en phase aqueuse ou organique),
couplé éventuellement à une réaction chimique ou une étape de biodégradation afin de régénérer la
solution voire d’améliorer les performances de transfert. A la fois des projets portant sur la nature de
la phase lavante (organique en lavage physique, aqueuse avec réactifs en lavage chimique) et sur sa
régénération ont été menés. Plus spécifiquement, concernant le lavage chimique en phase aqueuse,
l’oxydation de H2S par l’hypochlorite de sodium ou des COV par un procédé d’oxydation avancée (POA)
couplant l’ozone et peroxyde d’hydrogène (procédé peroxone), ont également été étudiées, faisant la
jonction avec mes activités en traitement d’eau.
La Figure 1 synthétise les activités de recherche menées et les moyens mis en œuvre pour atteindre
les objectifs visés. Elle servira de fil rouge à la lecture de ce manuscrit d’Habilitation à Diriger les
Recherches qui comporte trois parties principales. Après une présentation de mon curriculum vitae
détaillé, un bilan de mes activités de recherche permettra de dresser une cartographie des projets
menés. La dernière partie introduira mes projets de recherche pour les années à venir.
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Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Transfert gaz-
Procédés oxydatifs
Procédés de liquide
traitement
Modélisation Polluants
Objectif principal émergents
Elimination de
polluants nocifs COV
Cinétique
Développement pour la santé et
H2S
Dimensionnement l’environnement
Génie des
procédés Optimisation NH3
Dans
Modélisation Dans
Outils principaux Cibles principales
Air Eau
Deux matrices
Figure 1. Schéma synthétique des activités de recherche menées et des moyens mis en œuvre pour
atteindre les objectifs visés.
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Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Pierre-François BIARD, né le 25/04/1983, marié, père de deux filles nées en 2014 et 2017
Ingénieur chimiste ENSCR – Docteur en chimie de l’Université de Rennes 1 (Tableau 1)
Maître de Conférences de l’Université de Rennes 1 (section 62) depuis septembre 2010
Enseignant au sein de l’IUT de Rennes – Département chimie
Chercheur à l’Institut des Sciences Chimiques de Rennes – UMR CNRS 6226 – Equipe Chimie
et Ingénierie des Procédé, Ecole Nationale Supérieure de Chimie de Rennes (ENSCR)
Identifiant ORCID : 0000-0003-3299-0523 - Identifiant Scopus : 16232453300
Financement : Bourse CIFRE en partenariat avec Anjou Recherche (Centre de Recherche de Veolia
Eau)
Equipe de recherche : UMR CNRS 6226 – Equipe Chimie et Ingénierie des Procédés à l’ENSC Rennes
Equipe de recherche : UMR CNRS 6226 – Equipe Chimie et Ingénierie des Procédés à l’ENSC Rennes
Titre du stage de Master (et de fin d’étude ENSCR): Etude de la dégradation d’un mélange de deux
acides gras volatils par photocatalyse. Modélisation des phénomènes de compétition et du transfert
de masse.
Ingénieur Chimiste ENSC Rennes 2003-2006 Sans objet
Stage de 2ème année : effectué au SCK-CEN (Centre d'étude de l'Energie Nucléaire basé à Mol,
Belgique) – 4 mois
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Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Domaines de recherche :
Mes activités de recherche, marquées par un positionnement à l'interface de la chimie et du génie des
procédés, se concentrent sur le développement, l'optimisation et la modélisation de procédés de
traitements physico-chimiques de l'eau (par oxydations chimiques et avancées) et de l'air (par
absorption et catalyse). Ces procédés s'articulent autour de deux mécanismes complémentaires, les
transferts entre phases (gaz/liquide, gaz/solide, liquide/solide) et l'oxydation afin d’éliminer ou
dégrader des composés organiques nocifs pour la santé et l'environnement. Ce positionnement fait
appel à des compétences en cinétique chimique, chimie de l’eau, catalyse hétérogène, procédés et
modélisation.
J’exerce mes fonctions au sein de l’équipe Chimie et Ingénierie des Procédés, composées de 21
enseignants-chercheurs permanents de l’ENSCR et de l’Université de Rennes 1 (IUT – département
chimie). Cette équipe est rattachée à l’UMR CNRS 6226 – Institut des Sciences Chimiques de Rennes
(ISCR), qui compte près de 250 permanents dans 8 équipes de recherche.
Mots-clés :
Absorption; catalyse hétérogène; chimie de l’eau; composés organiques volatils ; cinétique; lavage;
génie des procédés; intensification; micropollution ; modélisation ; mousses de verre ; odeur ;
oxydation; ozone; procédés d’oxydation avancée; transfert de matière; traitement de l’eau; traitement
de l’air.
Depuis ma titularisation en tant que maître de conférences, j’ai initié et piloté le développement de
plusieurs nouveaux projets de recherche au sein de l’équipe CIP, notamment :
Le développement d’un dispositif comportant un réacteur à cellules agitées pour des études
cinétiques basées sur la méthode de l’absorption réactive ;
Le couplage de la nanofiltration et de l’ozonation en réacteur monophasique.
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Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
5 16
Nombre d'articles
Facteur d'impact 14
4
3 10
8
Facteur d'impact
2 moyen 6
4
1
2
0 0
1
Liste des articles en Annexe 1
2
Liste des communications orales en Annexe 2
3
Liste des communications par affiche en Annexe 3
16
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
5 co-encadrements de thèse de doctorat (Tableau 4), dont 3 avec un taux d’encadrement supérieur
à 50% (T .T. Dang, M. Azizi et R. Orhand).
10 encadrements de Master II dont 9 en tant qu’encadrant principal (Tableau 5). Participation à
l’encadrement d’un étudiant de Master II en chimie moléculaire (Pierre De la Motte Rouge).
2 ingénieurs de recherche (Audrey Cabrol et Antoine Lejeune) titulaires d’un doctorat supervisés
pendant 12 mois (2018-2019) dans le cadre d’un projet de maturation financé par la SATT Ouest
Valorisation (projet Mouvépur).
2 stagiaires (10 semaines) de DUT encadrés (Bastien Cherel et Théophile Lignelet).
Tableau 4. Nom, année de soutenance, type de financement, nom des directeurs de thèse et
nombre d’articles des doctorants co-encadrés.
Etablissement et Co- Nombre
Nom Financement
année de soutenance encadrement d’articles
PROFAS +
A. SZYMCZYK 1 en
Sara OUALI En préparation (UR 1) Défi Scientifiques
P. LOULERGUE préparation
Emergents
Titre : Couplage de la nanofiltration et de l’ozonation one-pot monophasique pour le traitement
des micropolluants émergents.
Thi Thom
2017 (ENSCR) Bourse USTH A. COUVERT 3
DANG
Titre : Contribution to the development and the intensification of the O3/H2O2 advanced oxidation
process
Santiago ANR SEMI (Projet A. COUVERT
2016 (ENSCR) 6
RODRIGUEZ ILABIO) A. AMRANE
Titre : Conception, synthèse et caractérisation de nouveaux absorbants (liquides ioniques) pour le
bio-traitement de COV hydrophobes
Mohamed A. COUVERT
2014 (ENSCR) Co-tutelle Tunisie 3
AZIZI M. BENAMOR
Titre : Étude de l’oxydation du sulfure d’hydrogène par le chlore en phase aqueuse. Détermination
des constantes cinétiques et développement d’un logiciel de simulation de lavage chimique de H2S
en milieu alcalin
Romain
Non soutenue MESR A. COUVERT 1
ORHAND
Le doctorant a abandonné sa thèse au cours de la 4ème année pour des raisons de santé (janvier
2015)
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Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Tableau 5. Noms, années de soutenance et nombre d’articles des étudiants de Master 2 encadrés.
Nom Année de soutenance Nombre d’articles
Nataly COHEN 2018 1 en projet
Titre : Utilisation de nanoparticules métalliques supportées sur mousse de verre pour l’oxydation
de polluants réfractaires par ozonation catalytique.
Valentin AUDEBERT 2017 0
Titre : Ozonation catalytique de composés organiques volatils par des nanoparticules supportées
sur un support original : les mousses de verre.
Jenny BOCANEGRA 2016 1
Titre : Intensification d’un procédé d’oxydation avancée basé sur le couplage de l’ozone et du
peroxyde d’hydrogène.
Pierre De La MOTTE ROUGE 2015 0 – Contribution dépôt de brevet
Titre : Nanoparticules métalliques supportées sur mousses de verre pour des réactions
d'hydrogénation catalytique en phase gaz. Encadrante principale : Audrey Denicourt.
Bebel VILLAR 2015 0 – Contribution dépôt de brevet
Titre : Ozonation catalytique de micropolluants émergents sur des mousses de verre imprégnées.
Baraa WERGHI 2013 1
Titre : Développement et Caractérisation de catalyseurs utilisés en ozonation catalytique
hétérogène.
Jean-Baptiste VILMAIN 2012 1
Titre : Caractérisation d’un réacteur gaz-liquide : Application à la détermination de la constante
cinétique d’oxydation de H2S par l’acide hypochloreux HOCl.
Houssem BEN ALI 2012 0
Titre : Développement d’un procédé compact et économe de lavage chimique de l’ammoniac en
élevage.
Candela DE LA SOTA SÁNDEZ 2011 0
Titre : Caractérisation d’un réacteur gaz-liquide agité par une turbine de Rushton
Hatem KHDHIRI 2011 0
Titre : Etude cinétique de l’oxydation du sulfure d’hydrogène par les ions hypochlorites.
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Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Referee régulier pour plusieurs journaux (plus de 45 reviews depuis 2010, Figure 3).
15 9
14 Nombre de review
13 8
12 Facteur d'impact 7
10 6
9
8 5
7 4
6
5 3
4
3 2
2 1
1
0 0
Figure 3. Nombres d’articles révisés (sans compter les relectures après modifications) et facteurs
d’impact des journaux correspondants.
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Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
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Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
4 Compétences
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Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
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Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Co-responsable avec Patrick Loulergue de l'UE " extraction, séparation et purification " de la Licence
Professionnelle « Spécialiste nouvelles voies d’extraction » (NoVEx) du département chimie de l’IUT
de Rennes
Montage de travaux pratiques d’extraction solide-liquide, d’hydrodistillation de plantes, de
préparation de la matière (broyage-granulométrie), etc.
Montage de cours-TD (distillation, préparation de la matière première, bilan de matière)
Participation régulière au jury d’admission du département chimie de l’IUT de Rennes et aux jurys
de validation de semestres.
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Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Après un stage de Master II et de fin d’étude ENSCR portant sur l’élimination de deux acides gras
volatils par oxydation photocatalytique, j’ai démarré en 2006 une thèse CIFRE avec le centre de
recherche de Veolia Eau sur le lavage chimique des composés organiques volatils (COV) et du sulfure
d’hydrogène dans un contacteur gaz-liquide compact. Cette thématique du lavage des gaz est restée
un de mes axes de recherche privilégié à l’issu de mon recrutement en tant que maître de conférences
à l’Université de Rennes 1.
Le lavage physique est une opération unitaire mettant en jeu une étape centrale d’absorption du ou
des composés à éliminer dans une phase liquide. La Figure 4 synthétise le principe du procédé tout en
mettant en évidence les principaux critères de conception du procédé. Une réaction chimique dans la
phase liquide (lavage chimique) est parfois mise en œuvre afin d’accélérer le transfert pour atteindre
de meilleures performances de traitement. En outre, cette réaction peut permettre la régénération de
la solution de lavage.
Outre la sélection de la nature du contacteur gaz-liquide, le choix de la nature de la phase lavante est
également un élément crucial. Compte-tenu de l’absence de valeur ajoutée en traitement d’air et pour
des raisons de simplicité et de sécurité, le choix d’une phase lavante aqueuse est dans de nombreux
cas la plus judicieuse, notamment pour le traitement de COV hydrophiles ou facilement réactifs. En
24
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
revanche, pour les COV hydrophobes et peu réactifs, l’utilisation d’une phase organique devient
indispensable.
Air traité
Critère #1: nature de la phase lavante
Solution de lavage régénérée Aqueuse
•Avec ou sans réactif
•Régénération chimique > biologique
Organique
•Régénération physique
Contacteur •Régénération biologique
gaz-liquide
Régénération:
-Chimique Critère #2: nature du contacteur
-Biologique G/L
-Physique Colonne garnie (très commune)
•Garnissages en vrac
•Garnissage structuré
Colonne à plateaux (rare)
Air vicié Solution de lavage
Contacteur compact
chargée
•Venturi
Critère #3: conditions opératoires •Mélangeurs statiques
Diamètre et hauteur du contacteur •Garnissage structuré à haute
•Conditionnent vitesse et temps de fraction de vide
séjour du gaz •Contacteurs rotatifs
Débit de liquide (rapport L/G) •Etc.
Eventuellement pH et concentration
réactif(s)
25
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Air traité
Partie 2.2
Solution de lavage régénérée Intensification du transfert
•Contacteur compact
•Réactifs: NaOH + NaOCl
Partie 2.3
Contacteur
Etude cinétique
gaz-liquide
•H2S dans NaOCl à pH basique
Régénération •Approche en réacteurs
chimique homogène et hétérogène
Partie 2.4
Modélisation lavage chimique
•H2S à pH basique
Air vicié Solution de lavage
•Colonne garnie
chargée
26
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
installations (partie 2.2.2). Une partie de ces travaux, consacrés au traitement du sulfure d’hydrogène,
seront exposés dans ce manuscrit afin d’introduire la problématique de la modélisation du transfert
d’H2S dans des solutions aqueuses et de présenter cette technologie réexploitée ensuite pour le
traitement de NH3 (partie 4.1). Ces travaux ont notamment mis en évidence des lacunes dans la
compréhension du mécanisme et la connaissance des cinétiques des réactions mises en jeu lors du
transfert d’H2S. Or, ces aspects sont indispensables pour optimiser les conditions de traitement (choix
des conditions chimiques, du temps de séjour, etc.). Cet axe de recherche sera ainsi développé dans la
section 2 de ce chapitre et est synthétisé sur la Figure 5.
27
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
2.2.1 Contexte
Le sulfure d’hydrogène est couramment absorbé dans des colonnes garnies comportant un
empilement de garnissages en vrac, plus rarement un garnissage structuré. Le flux gazeux à traiter et
la solution de lavage s’écoulent à contre-courant. Afin de maximiser le taux de mouillage, et donc l’aire
interfaciale gaz-liquide, tout en évitant le phénomène d’engorgement et une explosion des pertes de
charge, ces colonnes doivent fonctionner dans la zone de charge (Roustan, 2003). Dans la zone de
charge, les vitesses superficielles du gaz (USG) et du liquide (USL) sont telles que le liquide s’accumule
sur le garnissage tout en s’écoulant. Cette zone est comprise entre la vitesse de charge (USG,ch) et la
vitesse d’engorgement (USG,eng). Pour des solutions de lavage aqueuses, cela impose des vitesses de
l’ordre du mètre par seconde. Par ailleurs, compte-tenu des conditions opératoires généralement
appliquées, c'est-à-dire un pH légèrement basique (mais restant inférieur à 10-10,5 pour limiter
l’absorption parasite du CO2) et une concentration en hypochlorite de sodium de l’ordre du gramme
par litre, l’obtention de rendements d’élimination (EG) souhaités de l’ordre de 99% mène à une hauteur
de contact de quelques mètres de haut. De fait, le temps de séjour du gaz est en général de quelques
secondes et sous-tend la construction de tours de lavage possédant une emprise importante. Par
conséquent, l’intensification de cette opération de lavage s’avère particulièrement pertinente.
Mes travaux de doctorat portaient sur le développement d’un contacteur compact comportant un
garnissage structuré à haute fraction vide dans lequel le gaz à traiter et la solution de lavage s’écoulent
à co-courant et à haute vitesse (≥ 10-12 m s-1). Ce garnissage structuré à haute fraction vide, permet
d’éclater le liquide en fines gouttelettes pour maximiser l’aire interfaciale tout en optimisant les
turbulences dans la phase gazeuse (Couvert et al., 2008b; Sanchez et al., 2007a). En outre, la haute
fraction de vide limite la résistance à l’écoulement des deux phases et donc les pertes de charge. Il en
résulte des performances de transfert exacerbées (Tableau 8) avec une perte de charge compétitive
(20-200 mbar m-1 au laboratoire, en fonction des vitesses superficielles du gaz et du liquide). Par
conséquent, l’utilisation de vitesses superficielles élevées permet une réduction conséquente du
diamètre du contacteur quand les bonnes performances de transfert permettent de limiter la hauteur
28
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
de contact. Ainsi, que ce soit pour l’ammoniac ou le sulfure d’hydrogène, des abattements de l’ordre
de 99% ont été mesurés au laboratoire avec des solutions de lavage adaptées pour des temps de séjour
inférieurs à 50 ms (Couvert et al., 2008a).
Tableau 8. Comparatif des performances de transfert de contacteurs gaz-liquide compacts avec une
colonne garnie (pour un fonctionnement à l’eau). D’après (Biard, 2009).
USG (m s-1) hL (%) 104×kL (m s- 102×kG (m s-1) a° (m2 m-3)
1
)
Colonne garnie à 0.5-3 2-20 0,5-2 1-5 50-300
contre-courant
Venturi à gaz moteur 20-100 (à la vena 1-10 1-10 1-5 50-5000
contracta)
Mélangeurs statiques 1-14 <5 0,2-1 - 1000-3500
à gaz moteur
Aquilair PlusTM 10-25 <5 0,2-1 5-25 1000-2500
A l’échelle du laboratoire, le contacteur consistait en une grille métallique enroulée sur elle-même et
insérée dans un tube PVC offrant un taux de vide de 97,5% (Figure 6). Les bons résultats de laboratoire
pour le traitement du sulfure d’hydrogène et de l’ammoniac, obtenus lors d’une thèse précédente, a
conduit aux dépôts d’un brevet et d’un nom commercial au procédé par la société OTV (procédé
Aquilair PlusTM) (Couvert et al., 2008a, 2008b; Sanchez et al., 2007a, 2007b, 2007c). L’objectif de cette
étude menée au début de ma thèse de doctorat était de démontrer la faisabilité du procédé à l’échelle
semi-industrielle sur un effluent réel court-circuité de la gaine de ventilation de la station d’épuration
de Lyon Saint-Fons. La structure retenue pour ce garnissage consistait en l’empilement de galettes de
grilles de 20 cm de diamètre respectant un espacement d’environ 1 cm (Figure 6 et Tableau 9) pour
une hauteur totale de 60 cm. La taille des mailles et l’épaisseur des fils de garnissage employés au
laboratoire ont été conservés. Néanmoins, la structure retenue possédait un taux de vide supérieur (≈
99,0%) tout en offrant visuellement une meilleure tortuosité par rapport au laboratoire où
apparaissaient des canaux parallèles au sens de l’écoulement lors de l’enroulement de la grille. Un
pilote semi-industriel prévu pour le traitement de 2500 m3 h-1 d’air vicié a été construit, la solution de
lavage contenant de l’hypochlorite de sodium et de la soude.
29
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Du laboratoire au site
Les pertes de charge mesurées sur site se sont révélées proches de celles du laboratoire malgré des
structures de garnissage différentes. En effet, celles-ci étaient comprises dans une gamme de 20 à 140
mbar m-1 pour des vitesses superficielles du gaz de 5 à 20 m s-1 et un rapport L/G entre 1 et 10. Une
très bonne dispersion du liquide, caractérisée par de très fines gouttelettes, a été obtenue pour des
USG de l’ordre de 13-14 m s-1.
Des abattements tout à fait probants du sulfure d’hydrogène, compris entre 76 et 96% selon les
conditions opératoires, ont par ailleurs été mesurés malgré des temps de séjour inférieurs à 40 ms.
Ces abattements demeuraient cependant inférieurs à ceux observés au laboratoire où
vraisemblablement les effets de paroi et un taux de vide plus faible affectaient positivement l’aire
interfaciale.
30
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Tableau 10. Synthèse des conditions opératoires retenues lors de l’étude sur site pour le traitement
de H2S.
Conditions chimiques Conditions physiques
Paramètre
CG,e CR pH USG L/G
-1 -1
Unité ppmv g L ms adim.
Plage d’étude 6-80 1-3,4 9,5-11 14,1-18,6 2,5-5,5
Valeur centrale 40-50 2,5 10-10,5 15,0 3,5
Influence sur P Sans objet ↗↗ ↗
Influence sur EG Sans ↗ Sans ↗↗ ↗
L’abattement s’est notamment révélé particulièrement sensible à la vitesse superficielle du gaz USG, au
rapport L/G et à la concentration en chlore CR (Tableau 10). Une augmentation de USG possède deux
effets antagonistes puisque la meilleure dispersion des gouttelettes, et donc une plus grande aire
interfaciale, sont compensées par une réduction du temps de séjour. Ainsi, bien que pour de nombreux
contacteurs gaz-liquide le second effet soit souvent prépondérant, dans le cas de ces essais, le premier
effet se révéla prédominant. Toutefois, compte-tenu d’une plus forte sensibilité de la perte de charge
à USG, un compromis fut trouvé en sélectionnant une vitesse USG de l’ordre de 15 m s-1. Pour une vitesse
USG fixée, une augmentation de L/G, et donc de USL, impliqua une augmentation de la perte de charge
et de l’abattement, probablement en raison d’une plus grande aire interfaciale. En revanche,
l’abattement était indépendant de la concentration du sulfure d’hydrogène dans la gamme étudiée,
comprise entre 6 et 80 ppmv.
2.2.4 Modélisation
L’absorption d’H2S dans des solutions concentrées d’hypochlorite de sodium est reconnue pour obéir
à un régime de réaction rapide pour lequel le soluté absorbé est consommé très rapidement à
proximité de l’interface gaz-liquide sans diffuser dans le cœur de la solution (Bonnin, 1991; Couvert et
al., 2008a). Dans ces conditions, le débit molaire d’H2S transféré par section Sc de contacteur (dFT/Sc
en mol s-1 m-2) se calcule en fonction d’un élément infinitésimal de hauteur (dz) selon l’Eq. 1 (Roustan,
2003):
𝑑𝐹𝑇 𝑅𝑇𝐶𝐺
= 𝐾𝐿 𝑎° 𝑑𝑧 Eq. 1
𝑆𝐶 𝐻
Avec :
31
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
1 𝑅𝑇
𝐾𝐿 𝑎° = ( + ) 𝑎° Eq. 2
𝐸𝑘𝐿 𝐻𝑘𝐺
Avec :
Avec :
CL : la concentration du soluté dans le cœur du liquide (mol m-3). Cette concentration est nulle dans
le cas présent (régime de réaction rapide)
CL*: la concentration du soluté à l’interface côté liquide (mol m-3) qui peut être calculée selon l’Eq.
3 (Biard and Couvert, 2013) :
𝑘𝐺 (𝑅𝑇𝐶𝐺 −𝐻𝐶𝐿 )
𝐶𝐿 ∗ = 𝐻𝑘𝐺 +𝑅𝑇𝐸𝑘𝐿
+ 𝐶𝐿 Eq. 3
En milieu basique et oxydant, H2S peut potentiellement réagir de façon compétitive avec HO-, ClO- et
l’acide hypochloreux ClOH, dont la plus faible concentration que ClO- en milieu basique peut-être
compensée par une plus grande réactivité (Deborde and Von Gunten, 2008). En l’absence de
connaissance précise du mécanisme réactionnel et des constantes cinétiques associées, un mécanisme
32
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
simplifié impliquant une réaction d’oxydation bimoléculaire entre H2S et ClOH/ClO- a été considéré, ce
choix étant conforté par l’apparente dépendance du rendement de transfert avec la concentration en
oxydant (et non avec le pH). Pour une réaction rapide de second ordre, E dépend typiquement de deux
nombres adimensionnels, le nombre de Hatta (Ha) et le facteur d’accélération infini (Ei), qui
correspond au facteur E maximal qu’il serait possible d’obtenir pour des concentrations CL* et CR
(concentration du réactif) fixées dans le cas d’une réaction instantanée :
√𝐷𝐿 𝑘𝑜𝑥 𝐶𝑅
𝐻𝑎 = Eq. 4
𝑘𝐿
𝐷 𝐶
𝐸𝑖 = 1 + 𝜐𝐷𝑅 𝐶𝑅∗ d’après la théorie du double-film Eq. 5
𝐿 𝐿
𝐷𝐿 𝐶𝑅 𝐷𝑅
𝐸𝑖 = √ + √ d’après la théorie du renouvellement de Danckwerts Eq. 6
𝐷𝑅 𝜐𝐶𝐿 ∗ 𝐷𝐿
Avec :
−1
𝑑𝐹𝑇 1 𝑅𝑇 𝑅𝑇𝐶𝐺
=( + ) 𝑎° 𝑑𝑧 Eq. 7
𝑆 √𝐷𝐿 𝑘𝑜𝑥 𝐶𝑅 𝐻𝑘𝐺 𝐻
Par intégration sur la hauteur de garnissage (Z) en considérant un écoulement à co-courant isotherme
et piston de deux phases, l’Eq. 8 est obtenue :
−1
𝐹𝑇 𝐻 1 𝐶𝐺,𝑒 −𝐶𝐺,𝑠
𝑆𝐶
=( +𝑘 ) 𝑎° 𝐶 𝑍 Eq. 8
√𝐷𝐿 𝑘𝑜𝑥 𝐶𝑅 𝐺 𝑙𝑛( 𝐺,𝑒)
𝐶𝐺,𝑠
Cette équation est obtenue en considérant que CR ne varie pas significativement entre l’entrée et la
sortie du réacteur. En effet, d’après le bilan de matière :
33
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
𝐶𝑅 𝐹𝐿
≫ 𝐹𝑇 Eq. 9
𝜐
𝐶𝐺,𝑒 −𝐶𝐺,𝑠
𝐸𝐺 = 𝐶𝐺,𝑒
Eq. 10
Par ailleurs, le bilan de matière aux bornes de la colonne permet d’écrire que :
−1
𝐻 1 𝑎°𝐻
𝐸𝐺 = 1 − 𝑒𝑥𝑝 (− ( +𝑘 ) 𝑈𝑆,𝐺
) Eq. 12
√𝐷𝐿 𝑘𝑜𝑥 𝐶𝑅 𝐺
Cette équation met en évidence la forte dépendance du rendement de transfert à la vitesse du gaz
USG, à l’aire interfaciale a°, ainsi qu’à la concentration en oxydant CR. L’aire interfaciale peut être écrite
sous la forme d’une loi puissance en fonction des vitesses de deux fluides (𝑎° = 𝐶1 𝑈𝑆,𝐺 𝛼 𝑈𝑆,𝐿 𝛽 ),
permettant de réécrire l’Eq. 12:
−1
𝐻 1
𝐸𝐺 = 1 − 𝑒𝑥𝑝 (− ( +𝑘 ) 𝐻𝐶1 𝑈𝑆,𝐺 𝛼−1 𝑈𝑆,𝐿 𝛽 ) Eq. 13
√𝐷𝐿 𝑘𝑜𝑥 𝐶𝑅 𝐺
34
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
100 45
95
40
85 35
80 30
1 g/L
75 2 g/L
3 g/L 25
70 4g/L
Perte de charge
65 20
2.0 3.0 4.0 5.0 6.0
L/G
Ces simulations ont permis de valider les tendances mises en évidence dans le Tableau 10. Compte
tenu du fait que > 1, il est bien logique que EG augmente avec US,G, malgré une diminution du temps
de séjour du gaz. A l’aide des valeurs de kox, kG, C1, , déterminées, l’abattement obtenu pour
différentes conditions opératoires peut être simulé. En sélectionnant des doses d’hypochlorite de
sodium de 3 à 4 g L-1 et des rapports L/G supérieurs à 5, des rendements de 95% pourraient être
obtenus pour une vitesse du gaz de l’ordre de 14 m s-1 en limitant la perte de charge à une quarantaine
de mbar (Figure 7). Les valeurs de a° moyennes obtenues s’échelonnent de l’ordre de 102 à plus de 103
m2 m-3 ; compte tenu des observations expérimentales et des résultats préliminaires du laboratoire qui
soutiennent une aire interfaciale élevée supérieure à 1000 m2 m-3 (Sanchez et al., 2007b), il paraitrait
35
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
plus cohérent que la constante cinétique apparente kox soit inférieure à 107 L mol-1 s-1. Les valeurs
moyennes de kGa° obtenues, dans la gamme 300-500 s-1 mettent clairement en exergue la capacité du
contacteur à favoriser le transfert, tant en développant l’aire interfaciale qu’en augmentant les
turbulences, surtout dans la phase gazeuse.
Cette étude expérimentale sur site industriel, réalisée dans le cadre de mes travaux de doctorat, a
clairement mis en évidence le potentiel d’un contacteur compact à co-courant et haute vitesse de
gaz pour intensifier le transfert, permettant une augmentation de la compacité des installations. La
méconnaissance tant du mécanisme que des valeurs des constantes cinétiques associées à
l’oxydation du sulfure d’hydrogène par l’hypochlorite de sodium s’est cependant révélée
préjudiciable à la modélisation du transfert. Rapidement, j’ai souhaité développer une étude
cinétique de cette réaction, peu triviale du fait de la rapidité de cette réaction. L’approche que j’ai
mise en place est ainsi développée dans la partie 2.3.
36
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
2.3.1 Contexte
R. 5 Oxydation HS-
R. 6 Oxydation H2S
R. 7 Oxydation H2S
Le mécanisme réactionnel d’oxydation du sulfure d’hydrogène par l’anion hypochlorite et son acide
conjugué, l’acide hypochloreux ClOH, demeure mal connu malgré son application dans les tours de
lavage. La complexité du mécanisme repose notamment dans la dualité des espèces mises en jeu,
ayant toutes les deux un caractère oxydant (ClOH/ClO-) ou réducteur (H2S) ainsi qu’acide ou basique.
1
pKa,1 : pKa du couple H2S/HS- = 7,07 à 293 K (Roustan, 2003)
pKa,2 : pKa du couple ClOH/ClO- = 7,54 à 298K (Deborde and Von Gunten, 2008)
pKe : pK de la réaction de dissociation de l’eau. Déduit de Ke la constant de dissociation de l’eau = 10-14
à 298 K.
37
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Lors du transfert d’H2S en phase liquide, plusieurs réactions compétitives pourraient donc coexister
(Tableau 12), avec des influences variables selon le pH et la concentration totale en oxydant CR:
Réaction équilibrée de transfert de proton avec HO- (voire H2O selon le pH) ;
Réaction équilibrée de transfert de proton avec ClO- ;
Réaction irréversible de transfert d’électron avec ClO- ;
Réaction irréversible de transfert d’électron avec ClOH.
L’ion hydrogénosulfite HS-, formé lors des réactions R.1 à R.3, pourrait ensuite réagir par oxydation
(réactions R.4 et R.5, dont les constantes cinétiques ont été prédites selon la nucléophilicité de HS- par
Deborde et von Gunten (2008)). Les constantes cinétiques des réactions acido-basiques R.1 à R.3 ont
été estimées d’après les travaux d’Eigen (Eigen, 1964; Eigen et al., 1964).
D’un point de vue global, l’oxydation de H2S conduit dans un premier temps à la formation de soufre
élémentaire S8 (pouvant former des colloïdes), puis à l’ion sulfite SO3-, puis à l’ion sulfate SO42- en cas
d’oxydation totale (Choppin and Faulkenberry, 1937). Des thiosulfates sont aussi parfois produits selon
les conditions de pH et le potentiel redox (Bonnin, 1991). La réaction globale d’oxydation de H2S par
l’hypochlorite de sodium s’écrit donc selon la réaction R.8 à pH basique, et met en évidence la
consommation de quatre mole d’oxydant pour une mole d’H2S en cas de réaction totale :
𝑜𝑥𝑦𝑑𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑐𝑜𝑚𝑝𝑙è𝑡𝑒
H2S + 4 NaOCl + 2 NaOH → Na2SO4 + 4 NaCl + 2 H2O R. 8
La majorité des études cinétiques sont menées dans des réacteurs fermés parfaitement agités en
suivant l’évolution temporelle des concentrations des espèces impliquées dans la réaction. Compte-
tenu de la très grande rapidité de la transformation mise en jeu dans le cas présent, cette solution
n’est naturellement pas envisageable. En alternative, j’ai considéré deux méthodes
complémentaires et adaptées aux cinétiques rapides:
38
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
L’absorption réactive est une méthode cinétique consistant à déduire une constante cinétique à partir
de la vitesse de transfert d’un soluté réagissant idéalement rapidement (i.e E ≥ 3) à l’interface gaz-
liquide avec le réactif étudié. A la fois la vitesse de transfert et la vitesse de réaction doivent être
considérées dans les calculs afin de déterminer la constante cinétique k en fonction du facteur
d’accélération E mesuré. Cette méthode a notamment été mise en œuvre pour étudier les cinétiques
de l’hydrolyse du chlore, de désulfuration, de diverses réactions d’ozonation, d’oxydation de NOx ou
des réactions du CO2 avec des amines (Aieta and Roberts, 1986; Beltrán, 2004; Jia et al., 2010; Jing et
al., 2012; Kucka et al., 2003, 2002; Littel et al., 1999; Sema et al., 2012; Sotelo et al., 1991, 1990;
Versteeg et al., 1996; Vilmain et al., 2014). Le plus souvent, cette technique est appliquée par
manométrie dans des réacteurs fermés, dans lequel le gaz étudié est introduit pur et rapidement à t0.
Dans ce cas, le transfert intervient en régime transitoire et le facteur d’accélération est déduit de la
diminution temporelle de la pression liée à l’absorption du soluté. Compte-tenu de la toxicité de H2S,
létal au-delà d’un millier de ppmv, cette solution n’a pas été retenue pour éviter la manipulation de
bouteilles d’H2S pur. Alternativement, une solution avec un réacteur continu (alimentation en solution
de lavage et en gaz) a été employée, permettant d’obtenir un régime permanent et de déduire le
coefficient d’accélération E à travers le rendement de transfert (Figure 8).
P
Mélangeur statique
Hotte
Analyseur
Compresseur pH-mètre
Air
P Destructeur
Egout
N2/H2S Pompe
H2 0
ou HOCl +H2O
ou HO2-
Pompe
Eau de refroidissement
Figure 8. Schéma du dispositif expérimental développé pour l’étude cinétique de l’oxydation d’H2S
par ClOH/ClO- par absorption réactive.
39
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
La démarche scientifique retenue est synthétisée dans la Figure 9. La première étape de l’étude a
consisté à caractériser le réacteur gaz-liquide employé, un réacteur gaz-liquide mécaniquement agité
par une turbine de Rushton, afin de déterminer l’aire interfaciale a° et les coefficients de transfert de
film côté liquide et côté gaz (kL et kG) pour les conditions physiques optimales sélectionnées, détaillées
dans le Tableau 13.
Tableau 13. Synthèse des conditions opératoires sélectionnées pour l’étude cinétique de l’oxydation
d’H2S par ClOH/ClO- par absorption réactive.
Paramètre Gamme Incertitude
Conditions physiques
Température T 293 K ±1K
Volume de liquide 1,65 L ± 0,05 L (3%)
Vitesse de rotation 250 rpm
Débit liquide FL 7-30 L h-1 3,0%
Débit gaz FG 400-750 NL h-1 3,1%
Conditions chimiques
Mesure de a° CR (H2O2) 1173-2720 mg L-1 2,1%
Absorption O3 dans H2O2 pH 9,9-10,15 ± 0,1
CG,e 35-60 g Nm-3 2%
Mesure de kL pH 6,5 ± 0,1
Absorption physique d’O2 CG,e Oxygène pur
Mesure de kG pH 10,4-10,8 ± 0,1
Absorption d’H2S dans NaOCl CG,e 110-135 mg Nm-3 10%
à pH élevé CR 1 g L-1 2,1%
Absorption d’H2S dans l’eau pH 8-8,1 ± 0,1
CG,e 50-65 mg Nm-3 10%
Absorption d’H2S dans pH 5-7,5 ± 0,1
NaOCl CG,e 50-150 mg Nm-3 10%
CR 50-350 mg L-1 2,1%
Les conditions chimiques (pH, soluté transféré et éventuel(s) réactif(s) en solution) ont été adaptées
lors de chaque étape en fonction du paramètre à déterminer et du régime d’absorption
souhaité (Figure 9):
40
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Vilmain et al. (2014). Le choix de l’absorption de l’ozone dans une solution de peroxyde d’hydrogène
s’est justifié par la faible solubilité de l’ozone dans l’eau, permettant de localiser toute la résistance au
transfert côté liquide et donc de s’affranchir de l’influence de kG. Le concentration d’H2O2 et le pH en
entrée ont été sélectionnés de façon à accélérer modérément le transfert pour avoir une réaction
rapide (E ≥ 3), dans le cadre d’un régime de pseudo-premier ordre, sans risquer de déplacer la
résistance côté gaz. La détermination de kL par l’absorption physique de l’oxygène est couramment
décrite dans la littérature (Lara Marquez et al., 1994; Roustan, 2003). Pour la détermination de kG, de
fortes concentrations de NaOCl et un pH élevé ont été choisis pour accélérer le transfert de façon très
importante et donc pour bénéficier d’une réaction instantanée de surface pour laquelle le rendement
de transfert EG est indépendant de kL. Il est à noter que dans tous les cas, le pH et les concentrations
de réactifs en solution ne variaient pas de façon significative entre l’entrée et la sortie. Les valeurs de
a°, kL et kG, rassemblées dans la Figure 9, étaient cohérentes avec les ordres de grandeur attendus dans
un réacteur gaz-liquide mécaniquement agité (Calderbank, 1959, 1958; Joshi et al., 1982; Lee and Pang
Tsui, 1999).
CG,e CG,s
3. Etude cinétique Solution
(conditions
Analyse O2
chimiques fixées)
6,75×106 L
kk6 1== mol-1 s-1 dissous (kL)
kk72== 1,62×105 L mol-1 s-1
Figure 9. Schéma de principe de l’étude cinétique de l’oxydation d’H2S par ClOH/ClO- par absorption
réactive.
41
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
La deuxième partie de l’étude a consisté à transférer H2S dans de l’eau à pH très légèrement basique
et à modéliser le transfert à l’aide des valeurs de a°, kL et kG déterminées préalablement pour vérifier
leur cohérence. Des abattements en H2S, passants de 25 à 45%, ont été mesurés pour des débits de
liquide croissants. L’absorption d’un acide dans une solution légèrement basique est un cas d’étude
très intéressant d’absorption chimique avec réaction équilibrée (E ≥ 1). Le bilan de matière entrée-
sortie pour les deux phases s’écrit :
𝑑𝐹𝑇 𝑅𝑇𝐶𝐺
= 𝐾𝐿 𝑎° ( − 𝐶𝐿,𝑠 ) 𝑑𝑧 Eq. 15
𝑆 𝐻
En considérant un écoulement piston du gaz (rétro-mélange négligeable des bulles en ascension), l’Eq.
16 est obtenue par intégration sur la hauteur de contact :
𝑅𝑇𝐶𝐺,𝑒 𝑅𝑇𝐶𝐺,𝑠
( −𝐶𝐿,𝑠 )−( −𝐶𝐿,𝑠 )
𝐻 𝐻
𝐹𝑇 = 𝐾𝐿 𝑎°𝑉 𝑅𝑇𝐶𝐺,𝑒 Eq. 16
( −𝐶𝐿,𝑠 )
𝐻
ln( 𝑅𝑇𝐶 )
𝐺,𝑠
( −𝐶𝐿,𝑠 )
𝐻
𝑅𝑇𝐶𝐺,𝑒
( −𝐶𝐿,𝑠 ) 𝐾𝐿 𝑎°𝑉𝑅𝑇
𝐻
ln ( 𝑅𝑇𝐶𝐺,𝑠 )= 𝐻𝑘𝐺
Eq. 17
( −𝐶𝐿,𝑠 )
𝐻
Introduisons la définition du facteur d’absorption A, utile lors d’une absorption physique, ou chimique
avec déplacement d’équilibre (cas des réactions acide-base) (Roustan, 2003) :
𝑅𝑇𝐹𝐿
𝐴= 𝐻𝐹𝐺
Eq. 18
D’après la définition de l’efficacité de transfert (Eq. 10), l’équation 17 peut être reformulée :
𝐾 𝑎°A𝑉
𝐴(1+10pH−pKa,1 )(1−𝑒𝑥𝑝( 𝐿 ))
𝐹𝐿 𝐴(1+10pH−pKa,1 )(1−𝑒𝑥𝑝(𝑁𝑈𝑇𝑂𝐿 ))
𝐸𝐺 = = Eq. 19
1−(𝐴(1+10 pH−pKa,1 𝐾 𝑎°A𝑉
)+1)𝑒𝑥𝑝( 𝐿𝐹 ) 1−(𝐴(1+10pH−pKa,1 )+1)𝑒𝑥𝑝(𝑁𝑈𝑇𝑂𝐿 )
𝐿
𝑍 𝐹𝐿
avec 𝑁𝑈𝑇𝑂𝐿 = et 𝐻𝑈𝑇𝑂𝐿 =
𝐻𝑇𝑈𝑂𝐿 𝑆𝑐 ×𝐾𝐿 𝑎 °
42
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
𝐸 𝜕𝐸𝑛
𝐼𝐸𝐸𝐺 = 𝐸𝑛𝐺 𝜕𝐸 Eq. 20
𝐺
Tableau 14. Synthèse des index d’élasticité calculés pour deux sorties (KLa° et EG).
Sortie : Efficacité de transfert (EG)
Entrée pH pKa,1 QG HH2S a° et V E et kL QL kG
IE moyen 4,83 2,30 -0,81 -0,73 0,45 0,37 0,36 0,079
Ecart type 1,42 0,93 0,04 0,05 0,07 0,06 0,11 0,013
Sortie : Coefficient volumétrique de transfert (KLa°)
Entrée E et kL kG
IE moyen 0,83 0,17
Ecart type 0,004 0,004
Les index d’élasticité moyens calculés en tenant compte de chacune des conditions opératoires testées
figurent dans le Tableau 14. L’analyse de sensibilité révèle la forte sensibilité d’EG au pH et au pKa,1 avec
des index moyens de 4,83 ± 1,42 et 2,30 ± 0,93. Ces deux paramètres influencent directement le
gradient de concentration entre l’interface et le cœur de la solution. Le pH (mesuré avec une
relativement bonne précision) et le pKa,1 ne sont cependant pas susceptibles d’être affectés
d’incertitudes importantes. Les conditions opératoires sélectionnées (FL, FG et V) possèdent une
influence significative avec des index compris entre 0,36 ± 0,11 et 0,81 ± 0,04 en valeur absolue. Le
plus grand soin a été apporté à la précision des mesures de ces paramètres. Le Tableau 14 confirme la
bonne sensibilité d’EG à kL et a° avec des index de respectivement 0,37 ± 0,06 et 0,45 ± 0,07. Cela
signifie qu’une erreur de 10% sur l’un de ces paramètres engendrerait une erreur sur la valeur d’EG
43
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
calculé de 3,7 à 4,5%. Cela confirme que ces deux paramètres ont été déterminés avec une
relativement bonne précision, sans quoi l’écart entre les valeurs de d’EG calculées par l’Eq. 19 et les
valeurs expérimentales aurait été plus fort. En revanche, la sensibilité du modèle à kG reste faible dans
ce cas, avec un index inférieur à 0,1. Il n’est donc pas possible de valider la justesse de ce paramètre.
Ce résultat s’explique par le fait que, pour de faibles accélérations du transfert, comme celles mises en
jeu dans ces manipulations (1,2 ≤ E ≤1,3), la majorité de la résistance est localisée dans la phase liquide
(à plus de 80%) en accord avec le Tableau 14 où figurent les index d’élasticité pour la sortie KLa°. Le
pourcentage de résistance au transfert côté liquide a été calculé selon l’équation suivante (Hoffmann
et al., 2007; Rejl et al., 2009):
𝑅𝑇𝐸𝑘𝐿 −1
𝑅𝐿 = (1 + 𝐻𝑘𝐺
) Eq. 21
La dernière étape de cette étude a consisté à absorber H2S dans l’hypochlorite de sodium pour
déterminer la cinétique de réaction étudiée. Afin de limiter l’influence de la possible incertitude de kG
sur l’étude cinétique, il a donc été nécessaire de limiter la concentration totale en chlore pour ne pas
trop accélérer l’absorption afin de conserver une résistance côté liquide prépondérante. Des
concentrations de l’ordre de 50 à 300 mg L-1 ont ainsi été mises en œuvre. Le choix d’un pH légèrement
acide ou neutre (5 à 7,5) a été dicté par la nécessité de limiter la déprotonation d’H2S en HS- par R.1,
R.2 et R.3. Les constantes cinétiques relatives au réactions directes et indirectes (Tableau 12) ont été
estimées d’après Eigen (1964).
Compte-tenu des valeurs de E obtenues expérimentalement, supérieures à 3 dans la plupart des cas,
et au temps de séjour hydraulique du liquide (≥ 3 min), très nettement supérieur au temps de réaction
(cas d’un nombre de Damköhler élevé), la concentration d’H2S en phase liquide était négligeable. Dans
ce cas, KLa° peut être déduit d’EG par l’Eq. 22 (analogue à l’Eq. 12):
𝐻𝐹
𝐾𝐿 a0 = − 𝑉𝑅𝑇𝐺 ln(1 − 𝐸𝐺 ) Eq. 22
Pour chaque expérience, la valeur de E était ainsi déduite du KLa° expérimental et des valeurs de kL, kG
et a° préalablement déterminées (Tableau 15). Les résultats mettent en évidence une augmentation
de E avec le pH et la concentration totale en hypochlorite de sodium, qui par ailleurs ne variaient pas
entre l’entrée et la sortie du réacteur de façon significative. Au vue de la plus grande réactivité en
oxydation de ClOH par rapport à ClO-, ce constat semble indiquer que H2S est, au moins partiellement,
déprotoné en HS- avant d’être oxydé, sans quoi E ne devrait pas augmenter avec le pH. Compte-tenu
de la prépondérance de ClO- aux pH étudiés par rapport à HO- (par au minimum un facteur 105), les
réactions R.1 et R.2 peuvent être négligées. La première étape de déprotonation correspondrait à la
44
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
réaction R.3, suivie par la réaction d’oxydation R.4, dont la vitesse de réaction serait bien supérieure à
celle de R.5 aux pH étudiés (Deborde and Von Gunten, 2008). La succession de ces deux réactions
coïncide avec la réaction R.6. En outre, la possible oxydation directe d’H2S par ClOH (R.7) ne peut être
exclue. Le mécanisme pourrait donc être simplifié en ne considérant que les deux réactions
compétitives R.6 et R.7.
Tableau 15. Synthèse des résultats concernant l’absorption réactive d’H2S dans une solution
d’hypochlorite de sodium.
pH CR (ppm) CG,s y1 (%) Eexp Etheo E6/E6+72 (%) EG (%) EG (%) ER (%)
3 -3
(10 mol m )
4,90 293 1,50 84,3 7,0 5,41 38,5 89,0 85,6 4,0
4,92 301 1,65 83,2 6,4 5,49 38,8 88,0 86,1 2,3
4,93 305 1,43 85,3 7,5 5,55 39,5 89,7 86,0 4,3
4,94 222 2,50 73,9 3,6 4,69 38,6 79,3 84,3 5,9
4,95 229 2,38 75,2 3,8 4,78 39,1 80,4 84,4 4,8
4,95 233 2,01 78,5 4,8 4,83 39,7 83,6 83,8 0,2
5,59 278 1,19 88,6 4,2 6,64 67,4 79,4 86,8 8,5
5,59 282 1,25 88,1 3,9 6,66 67,0 78,1 86,8 10,0
5,58 284 1,28 87,9 3,8 6,66 66,7 77,8 86,9 10,5
5,80 45 2,17 70,0 2,3 2,86 74,8 68,7 74,4 7,8
5,88 170 2,05 80,6 5,2 6,01 76,9 85,1 87,2 2,4
5,88 178 2,12 80,4 5,0 6,15 76,8 84,3 87,5 3,5
5,88 182 2,07 80,9 5,2 6,23 76,9 85,2 87,8 3,0
5,99 351 1,78 87,8 9,6 9,64 82,1 90,0 90,1 0,0
5,99 365 1,72 88,3 10,0 9,85 82,2 90,3 90,2 0,1
6,04 202 1,21 90,1 9,6 7,76 84,5 92,0 90,1 2,1
6,50 187 1,47 91,2 6,9 11,25 93,8 88,7 93,1 4,7
6,51 191 1,45 91,5 7,0 11,48 94,0 88,9 93,2 4,6
6,94 269 0,39 98,6 27,8 21,13 97,9 96,6 95,9 0,7
7,53 257 0,46 98,9 23,6 32,10 99,4 96,2 96,8 0,7
7,53 265 0,25 99,4 44,1 32,67 99,4 97,3 96,8 0,4
Dans le cas de deux réactions irréversibles en parallèle, le facteur d’accélération E dépend des deux
constantes cinétiques impliquées (k6 et k7) et des concentrations en ClO- et ClOH (respectivement
notées Cba et Cac) selon l’équation approchée suivante développée par Onda et ses co-auteurs d’après
la théorie du double-film (avec CL = 0) (Onda et al., 1970a):
√𝑀2
𝐸≈ Eq. 23
tanh √𝑀2
1
x était compris entre 0,98 and 1,00 montrant que le régime de réaction entre H 2S et ClOH est de pseudo premier
ordre
2
Représente le ratio de E en considérant seulement R.6 sur le ratio des deux réactions R.6 et R.7.
45
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
∗ ∗
𝑘7 𝐷𝐿 𝐶𝑎𝑐 𝑘 𝐶𝑏𝑎 𝐶𝑎𝑐 𝐶𝑏𝑎
Avec 𝑀2 = 𝑘𝐿 2
(𝑥 + 𝑘6 𝑦) , 𝑥 = et 𝑦 = Eq. 24
7 𝐶𝑎𝑐 𝐶𝑎𝑐 𝐶𝑏𝑎
De plus, en considérant que les concentrations en hypochlorite et acide hypochloreux sont des
fonctions quadratiques de l’épaisseur du film, (Onda et al., 1970a):
1 𝐷𝑎𝑐 𝑘6
1− (1−𝑥)
6𝐷𝑏𝑎 𝑘7
𝑦= 5 𝐷𝑎𝑐 𝑘6 (1−𝑥) Eq. 25
1+
6𝐷𝑏𝑎 𝑘7 𝑥
Dba et Dac : coefficients de diffusion de ClO- (0,96×10-9 m2 s-1) et ClOH (1,13×10-9 m2 s-1) à dilution
infinie dans l’eau et à 293 K (Chao, 1968)
A partir des équations 22-25, les valeurs de k6 (6,75×106 L mol-1 s-1) et k7 (1,62×105 L mol-1 s-1) ont été
déterminées par résolution numérique en tentant de minimiser les écarts entre les valeurs
expérimentales de E et celles déduites du modèle par la méthode des moindres carrés. La valeur de k6,
supérieure à celle de k7, corrobore l’hypothèse que la réaction R.6 n’est probablement pas réalisée
sous la forme d’une réaction directe d’oxydation, mais qu’elle correspond à la réaction R.3 suivie de la
réaction R.4, c’est-à-dire à une réaction acide-base de déprotonation suivie d’une étape d’oxydation.
La valeur de k6 déterminée correspondrait donc à une constante apparente de ce mécanisme. Compte
tenu du ratio E6/(E6+7), compris entre 39% et plus de 99% (Tableau 15), les deux réactions successives
R.3+R.4 cohabitent aux pH étudiés avec la réaction d’oxydation directe de H2S par ClOH (R.7). A des pH
plus élevés, comme ceux mis en œuvre dans les colonnes garnies, la réaction R.1 devra probablement
néanmoins être prise en compte.
0.80
0.70
0.60
0.50
Elasticity Index
0.40
0.30
E, kL and kG E, kl et kG
0.20 V, T, H et QG
0.10
V, T, H and QG
0.00
0 10 20 30
E
Figure 10. Evolution du coefficient d’élasticité de EG en fonction de E pour les différentes entrées du
modèle.
46
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
L’écart relatif moyen entre les valeurs expérimentales et théoriques de E s’élève à 24% en raison de sa
forte sensibilité à des paramètres présentant des incertitudes expérimentales non négligeables (EG, FG
et le pH notamment). Toutefois, cette incertitude se répercute modestement sur les valeurs de EG
recalculées à partir des E théoriques (Tableau 15) du fait de la faible sensibilité de EG à E, avec un index
d’élasticité correspondant inférieur à 0,8 (Figure 10). Les valeurs de EG recalculées présentent en effet
une faible erreur relative de 3,8% en moyenne et sont dispersées de façon homogène autour des
valeurs expérimentales, démontrant l’absence d’erreur systématique dans l’approche utilisée. Afin de
contrôler la faible influence de l’incertitude pesant sur la valeur de kG, l’index d’élasticité pour la sortie
EG en fonction des entrées du modèle a été calculés en fonction des valeurs E mesurées (Figure 10).
Cette analyse de sensibilité confirme la faible sensibilité du modèle à kG.
Cette étude cinétique, menée par absorption réactive dans un réacteur gaz-liquide opéré en continu
que j’ai développé pour cette application, a permis d’éclairer le mécanisme réactionnel suivi par H2S
lors de son absorption dans des solutions d’hypochlorite de sodium. Deux réactions compétitives
peuvent intervenir aux pH proches de la neutralité : (i) la réaction de transfert de proton entre H2S
et ClO-, permettant de déprotoner H2S en HS-, HS- étant lui-même consécutivement oxydé par ClOH
(R.3 + R.4 = R.6) et, (ii) l’oxydation directe par HOCl (R.7). Les constantes cinétiques k6 (6,75×106 L
mol-1 s-1) et k7 (1,62×105 L mol-1 s-1) correspondant à ces deux réactions ont été déterminées, sachant
que la valeur de k6 déterminée correspondrait à une constante apparente tenant compte des deux
réactions successives R.3 et R.4. A des pH plus élevés comme ceux mis en œuvre dans les tours de
lavage, il sera impératif de tenir compte de l’éventuelle réaction compétitive de déprotonation avec
HO- et de vérifier si l’oxydation directe par HOCl sera toujours possible en fonction de la dose
d’hypochlorite appliquée. Cette étude, bien qu’ayant levée le doute sur une partie du mécanisme,
n’a cependant pas permis de déterminer les valeurs des constantes cinétiques des réactions
d’oxydation de l’ion sulfide HS- par ClO- et ClOH, ce qui sera l’objectif de l’étude cinétique
compétitive menée en complément (2.3.3).
47
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
La méthode par cinétique compétitive consiste à étudier la cinétique de réaction entre un composé A
(ici l’ion sulfide HS-) et un réactif R (ici le couple HOCl/ClO-) par comparaison, avec une réaction de
cinétique déjà connue entre un composé B de référence et R (Beltrán, 2004). Le composé R doit donc
être ajouté à t0 à un mélange d’A et B de concentrations connues et proches. Le rapport des constantes
cinétiques des réactions A+R et B+R peut alors être déduit des consommations respectives de chaque
espèce et donc du bilan de matière. La justesse de cette méthode est donc largement conditionnée
par la précision de la connaissance de la cinétique de la réaction de référence, des stœchiométries des
deux réactions et des techniques d’analyse des solutés. En outre, il est impératif que les deux
cinétiques de réactions soient proches pour que les deux composés A et B soient tous les deux
consommés dans des proportions non négligeables.
Tableau 16. Mécanisme d’oxydation de l’ion sulfite en phase aqueuse par ClOH/ClO-.
Réaction R.i Ki ki
R. 9 10pKe-pKa,2 = 2,88×106 1
k9 = 3×109 L mol-1 s-1
k-9 = 1,0×103 s-1
3
R. 11 10 pKe - pKa,3 =1,23×107 b
k11 = 2,5×1010 L mol- s-1
k-11 = 2,3×103 s-1
Ainsi, dans l’objectif de caractériser les cinétiques des réactions R.4 et R.5, l’ion sulfite, possédant une
nucléophilicité proche de l’ion sulfide et donc une cinétique de réaction comparable d’après Deborde
et von Gunten (2008), a été sélectionné comme composé de référence, sa cinétique ainsi que sa
1
D’après Eigen (1964).
2
D’après Fogelman et al. (1989).
3
pKa,3 : pKa du couple HSO3-/SO32- = 6,91 à 293 K pour des concentrations en ion sulfite inférieure à 10-4 mol L-1,
(Rhee and Dasgupta, 1985).
48
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Afin de limiter la désorption d’H2S, possible aux pH étudiés dans la gamme de 6 à 12, un réacteur
particulier, consistant en une seringue gas-tight de 100 mL équipée d’un septum, a été sélectionné. Le
volume de la seringue s’ajuste au volume de la solution grâce aux mouvements du piston afin de ne
pas générer d’espace de tête dans lequel H2S pourrait se désorber. De plus, l’utilisation d’eau ultra
pure dégazée et donc exempte d’O2 permet la préparation des solutions directement dans la seringue,
sans risque d’oxydation par l’oxygène de l’air.
Figure 11. Schéma de principe de la méthodologie suivie pour l’étude de l’oxydation de HS- par
HOCl/ClO- par la méthode des cinétiques compétitives.
La première étape de l’étude a consisté à étudier les stœchiométries des deux réactions, confirmant
la consommation d’une mole de sulfite pour une mole d’HOCl/ClO-. En excès d’HOCl/ClO-, une
consommation de quatre moles de HS- était constatée pour une mole d’oxydant, justifiée par une
oxydation totale (réaction R.8). A l’opposé, pour une concentration initiale de HS- supérieure à au
moins trois fois celle d’HOCl/ClO-, une seule mole d’oxydant était consommée pour une mole de HS-,
garantissant la formation de soufre au degré d’oxydation 0, sans risque de formation parasite de
sulfite, ce composé étant utilisé comme référence dans cette étude.
49
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
La seconde étape a consisté à mesurer les consommations relatives de sulfite et sulfure, introduite en
excès par rapport au chlore ([H2S]0 = 10-4 mol L-1, [SO32-]0 = 0,5×10-4 mol L-1 et [HClO]0 + [ClO-]0 = 3×10-5
mol L-1), à des pH compris entre 6 et 12, permettant de déduire le rapport krel défini selon :
𝑠𝑢𝑙𝑓𝑖𝑑𝑒
𝑘𝑎𝑝𝑝
𝑘𝑟𝑒𝑙 = 𝑠𝑢𝑙𝑓𝑖𝑡𝑒 Eq. 26
𝑘𝑎𝑝𝑝
𝑠𝑢𝑙𝑓𝑖𝑑𝑒
𝑘𝑎𝑝𝑝 : constante cinétique apparente (L mol-1 s-1) d’oxydation de l’ion sulfide par ClOH/ClO-
𝑠𝑢𝑙𝑓𝑖𝑡𝑒
𝑘𝑎𝑝𝑝 : constante cinétique apparente (L mol-1 s-1) d’oxydation de l’ion sulfite par ClOH/ClO-
Des valeurs de krel comprises entre 0,5 et 2 selon le pH ont ainsi été mesurées. Dans un troisième temps,
𝑠𝑢𝑙𝑓𝑖𝑡𝑒
la constante cinétique apparente 𝑘𝑎𝑝𝑝 a été calculée en fonction du pH de deux façons, (i) en
considérant que l’équilibre chimique entre HSO3-/SO32- et ClOH/ClO- (pKa,2 = 7,54 à 298K) était toujours
établie (kapp,cal), ce qui suppose que les étapes cinétiquement déterminantes soient les réactions R.14
et R.15, (ii) en résolvant le système d’équations différentielles des vitesses des réactions mises en jeu
(Tableau 16) sans aucune simplification (kapp,sim) en utilisant le logiciel Copasi. Dans le premier cas,
kapp,cal pour l’ion sulfite est ainsi déduit de l’équation suivante :
Pour un pH inférieur ou égal à 10, des valeurs de kapp,cal de deux à trois fois supérieures à kapp,sim ont été
déterminées pour les conditions initiales mises en œuvre expérimentalement, démontrant l’absence
d’équilibre chimique entre les différentes espèces acide-base liée à une vitesse de réaction trop élevée.
(Figure 12(a)). Pour des concentrations initiales plus élevées de deux ordres de grandeur de HSO3-/SO32-
et ClOH/ClO-, la constante cinétique calculée par l’Eq. 27 surestime même la valeur réelle (simulée) par
un facteur 50, montrant la dangerosité de considérer les équilibres acide-base respectées dans des
milieux réactionnels avec des cinétiques très rapides.
Du fait des plus faibles cinétiques de réactions mises en jeu à pH 11 et 12, liées à une concentration
inférieure de l’acide hypochloreux, l’hypothèse des équilibres chimiques des différentes formes
acidobasiques était néanmoins bien respectée à ces pH, avec kapp,cal égal à kapp,sim (Figure 12 (b)). De
fait, à l’aide de l’Eq. 26 et des valeurs de kapp,cal à pH 11 et 12, les valeurs de kapp,exp pour l’ion sulfide
ont pu être calculées sans incertitude liée à l’absence d’équilibre chimique (Tableau 17). Ensuite, par
résolution numérique, les valeurs de k4 et k5 ont été déterminées en considérant l’équation suivante :
𝑠𝑢𝑙𝑓𝑖𝑑𝑒 𝑘6 𝑘5
𝑘𝑎𝑝𝑝,𝑐𝑎𝑙 = + +
(1+10𝑝𝐾𝑎,2−𝑝𝐻 )(1+10𝑝𝐻−𝑝𝐾𝑎,1 ) (1+10𝑝𝐾𝑎,2−𝑝𝐻 )(1+10𝑝𝐾𝑎,1−𝑝𝐻 )
𝑘7 𝑘4
+ Eq. 28
(1+10𝑝𝐻−𝑝𝐾𝑎,2 )(1+10𝑝𝐻−𝑝𝐾𝑎,1 ) (1+10𝑝𝐻−𝑝𝐾𝑎,2 )(1+10𝑝𝐾𝑎,1 −𝑝𝐻 )
50
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
1,E+09 1.E+07
kapp,cal
(a) (b) kapp,sim
kappcal sulfide
1,E+08 1.E+06 kapp sim sulfide
kapp (L mol-1 s-1)
Figure 12. Evolution de kapp,cal et kapp,sim en fonction du pH pour l’ion sulfite et l’ion sulfide entre pH 6
et 10 (a) et entre pH 10 et 12 (b).
𝑠𝑢𝑙𝑓𝑖𝑑𝑒
Le Tableau 17 met en évidence que 𝑘𝑎𝑝𝑝 est peu dépendant de la valeur de k5 dans la plage 0-104
L mol-1 s-1. A pH 12, dans le pire cas, la réaction 5 contribuerait pour 21,6% à l’oxydation d’HS-. Il n’est
donc pas possible de déduire la valeur de k5 avec certitude ce qui n’est pas préjudiciable dans la mesure
où cette réaction est négligeable à des pH inférieurs à 12. A contrario, une valeur relativement robuste
de k4 de 1,23×109 L mol-1 s-1 a pu être déterminée. Les réactions R.6 et R.7, bien que prises en compte
dans le calcul, ne possèdent néanmoins aucune influence aux pH 11 et 12 considérés dans la
détermination de k4.
A l’aide des données du Tableau 12, actualisé avec les valeurs de k4 et k5, il a donc été possible de
calculer les valeurs de kapp,cal et kapp,sim pour l’ion sulfide (Figure 12). Le bon accord entre kapp,cal et kapp,sim
pour les pH 11 et 12 confirme la validité de l’Eq. 28 et donc de la méthodologie suivie pour le calcul de
k4. En revanche, à des pH inférieurs, l’écart entre kapp,cal et kapp,sim devient significatif, comme pour l’ion
sulfite, et démontrent que l’équilibre chimique entre les formes acide et basique de l’oxydant et de
51
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
H2S/HS- ne sont pas maintenues. Dans ce cas, les réactions d’oxydation (R.4 à R.7) ne sont pas
cinétiquement déterminantes et les réactions R.1 à R.3 doivent être prises en compte dans les calculs
de kapp.
Lors de mes travaux de doctorat, la méconnaissance des cinétiques des réactions mises en jeu dans
l’oxydation d’H2S en présence d’hypochlorite de sodium s’était révélée préjudiciable pour la
modélisation du transfert gaz-liquide avec réaction chimique. J’ai donc initié cette étude cinétique
peu de temps après ma titularisation. Deux approches complémentaires, adaptées aux cinétiques
rapides, ont ainsi été mises en œuvre : la méthode des cinétiques compétitives et l’absorption
réactive. La méthode par absorption réactive, qui a nécessité le développement d’un pilote dédié
puis la caractérisation préalable du réacteur, a permis d’éclairer la première partie du mécanisme à
des pH neutres ou basiques, correspondant à une compétition entre (i) la déprotonation d’H2S en
solution, soit par réaction avec l’acide hypochloreux, soit avec l’anion hydroxyde, et (ii) une réaction
d’oxydation directe avec l’acide hypochloreux.
Cette étude a mis en exergue l’importance de bénéficier de données cinétiques fiables pour la
modélisation de l’absorption réactive. Dans de nombreux cas, des réactions acide-base peuvent être
mise en œuvre. Or les constantes cinétiques de telles réactions, souvent considérées comme
instantanées, sont généralement méconnues. J’ai ainsi souhaité étudier cet aspect, dans un axe de
recherche développé dans la partie 2.4.1 de ce chapitre.
52
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Contexte de l’étude : Travaux personnels pour la partie 2.4.1, travaux de doctorat de Mohamed
Azizi pour la partie 2.4.2.
Publications relatives : (Azizi et al., 2015; Biard and Couvert, 2013).
Collaboration : Laboratoire de traitement des eaux naturelles, Centre des Recherches et
Technologies des Eaux, Soliman, Tunisie, pour la partie 2.4.2.
2.4.1 Etablissement d’un état de l’art sur la détermination du facteur d’accélération pour
les réactions acido-basiques en phase aqueuse.
L’ajout de réactifs basique ou acide afin de fixer un pH adéquat permet d’atteindre de bonnes
efficacités d’absorption de solutés acide ou basique en solution aqueuse (Roustan, 2003). L’absorption
d’H2S dans des solutions de soude ainsi que d’ammoniac dans des solutions d’acide sulfurique sont
ainsi couramment mises en œuvre à l’échelle industrielle (Chen et al., 2001). Contrairement aux
réactions irréversibles, comme celles d’oxydation, ces réactions acide-base ne conduisent pas à la
dégradation du soluté transféré et reposent sur des réactions équilibrées. L’augmentation constatée
de la cinétique de transfert dans ces conditions est fondée sur deux mécanismes :
La nature réversible des réactions mises en jeu, pour lesquelles le calcul de E est plus compliqué
que pour des réactions irréversibles ;
La coexistence de plusieurs réactions en parallèle. Par exemple, la déprotonation d’H2S en solution
aqueuse peut être réalisée par dissociation (libération d’un proton rapidement capté par une
53
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Ainsi, bien que des réactions de cette nature soit couramment mises en œuvre aux niveaux
académiques et industriels (absorption du SO2 dans l’eau, absorption de CO2 dans des solutions
d’amine, etc.), peu d’auteur se sont intéressés à la détermination de E pour des réactions réversibles
mettant en jeu des espèces dissociées (Astarita and Savage, 1980; Danckwerts, 1968; Olander, 1960;
Onda et al., 1970b; Versteeg et al., 1990). Des simplifications parfois hasardeuses sont en revanche
parfois rencontrées, notamment en considérant la réaction comme irréversible et/ou instantanée
(Bonnin, 1991; Brettschneider et al., 2004). Cependant, une détermination fiable du coefficient
d’accélération E est impérative pour quantifier correctement la vitesse de transfert et ainsi
sélectionner les conditions opératoires, notamment le pH, adéquates afin d’obtenir le meilleur
compromis entre l’efficacité et les coûts relatifs à l’ajout de réactifs acide ou basique.
Cette étude avait ainsi pour objectif de formaliser un état de l’art du calcul du coefficient d’accélération
de E dans le cas de réactions acido-basiques en phase aqueuse tout en proposant des cas d’étude
relatifs à H2S, NH3 et au méthyl-mercaptan (Biard and Couvert, 2013). Dans ce manuscrit, seul les
résultats concernant le transfert d’H2S dans une solution de soude sont reportés.
Considérons ainsi le cas général d’une réaction entre un soluté A absorbé en phase aqueuse et le réactif
B (pouvant jouer le rôle d’acide ou de base) engendrant la formation des acides ou bases conjuguées
C (de A) et D (de B):
54
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
R. 17
Ci : concentration dans le cœur du liquide (mol L-1) de l’espèce i
k17 et k-17 : constantes cinétiques respectivement de la réaction directe et indirecte (L mol-1 s-1)
K : constante d’équilibre de la réaction = k17/k-17
Le calcul de la constante d’équilibre K assimile ici les concentrations aux activités des espèces, ce qui
se révèle vrai à relativement faible force ionique et donc à des pH dans la gamme 3-12 nécessitant
l’ajout de quantités modérées d’acide ou de base pour fixer le pH. Le développement mathématique
proposé par Onda et al. (1970b), basé sur une solution analytique approchée obtenue par linéarisation
de l’équation différentielle du bilan de matière, a principalement été considéré (Onda et al., 1970b).
Ce développement fait appel à la théorie du double-film, couramment employée en transfert gaz-
liquide avec ou sans réaction chimique. Dans ces conditions, les auteurs ont établi d’après les bilans
de matière et les conditions aux limites que :
𝐷
𝐶𝐴∗ −𝐶𝐴 + 𝐶 (𝐶𝐶∗ −𝐶𝐶 )
𝐷𝐴
𝐸= 𝐶𝐴∗ −𝐶𝐴
Eq. 29
𝐷
𝐶𝐵∗ = 𝐶𝐵 − 𝐷𝐶 (𝐶𝐶∗ − 𝐶𝐶 ) Eq. 30
𝐵
𝐷
𝐶𝐷∗ = 𝐶𝐷 − 𝐷𝐶 (𝐶𝐶∗ − 𝐶𝐶 ) Eq. 31
𝐷
1
∗ ∗ 1−
𝐷 𝐾𝐶 𝐷 𝐾𝐶 cosh √𝑀2
1+ 𝐶 ∗𝐵 + 𝐶 ( ∗𝐵 𝐶𝐴 −𝐶𝐶 )
𝐷 𝐶
𝐴 𝐷
𝐷 𝐶 𝐴 𝐷 𝐶∗𝐴 −𝐶𝐴
𝐸= ∗
𝐷 𝐾𝐶 tanh √𝑀2
Eq. 32
1+ 𝐶 ∗𝐵
𝐷 𝐶 𝐴√𝑀 𝐷 2
M2 est un nombre adimensionnel analogue au nombre de Hatta pour les réactions irréversibles :
∗
𝐷𝐴 𝑘17 𝐷 𝐶𝐷
𝑀2 = 𝑘𝐿 2
(𝐶𝐵∗ + 𝐷𝐴 ) Eq. 33
𝐶 𝐾
55
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Dans le cas d’une réaction instantanée (k17 →∞), M2 tend également vers l’infini et l’équation 32 peut
être simplifiée pour déterminer la valeur de Ei:
𝐷𝐶 𝐷𝐷 𝐶𝐷 𝐷𝐷 𝐾𝐶𝐴∗ 2 𝐷𝐷 𝐶𝐵 𝐷𝐷 𝐶𝐶 𝐷 𝐶 𝐷𝐷 𝐾𝐶𝐴∗
𝐸𝑖 = 1 + 2𝐷 ∗ ( √( + − 𝐶𝐶 ) + 4𝐾𝐶𝐴∗ ( + ) − 𝐷𝐷 𝐷 − − 𝐶𝐶 ) Eq. 34
𝐴 (𝐶𝐴 −𝐶𝐴 ) 𝐷𝐶 𝐷𝐵 𝐷𝐶 𝐷𝐵 𝐶 𝐷𝐵
Dans le cas particulier d’une recombinaison avec HO- ou H+ et donc la formation d’eau comme espèce
D, des solutions particulières peuvent être proposées. Ainsi, les équations 29 et 32 conduisent
respectivement aux équations 38 et 39 (Tableau 18). L’Eq. 39 a également été obtenue par d’autres
auteurs mais en opérant un traitement mathématique diffèrent (Astarita and Savage, 1980; Olander,
1960). Pour des réactions instantanées de cette nature, l’Eq. 41 peut être proposée.
Dans les cas particuliers d’une hydrolyse (réaction d’une base avec l’eau) ou d’une dissociation (perte
d’un proton par réaction avec l’eau), telles que B soit de l’eau, l’Eq. 32 conduit à l’Eq. 35. Pour des
réactions instantanées de cette nature, l’Eq. 37 a été proposée par Chang and Rochelle (1982) et
Astarita and Savage (1980).
𝐷𝐵 𝐶𝐵 −𝐶𝐵∗
Eq. 29 → 𝐸 = 1 + Eq. 38
𝐷𝐴 𝐶𝐴∗ −𝐶𝐴
𝐷 𝐾 𝐶∗ −𝐶𝐵 1
1+ 𝐶 (𝐶𝐵∗ +𝐶𝐴 𝐵 (1− ))
A+B=C 𝐷𝐴 𝐶∗𝐴 −𝐶𝐴 cosh √𝑀2
Eq. 32 → 𝐸 = Eq. 39
Ex. : recombinaison avec 𝐷
1+ 𝐶 𝐾𝐶𝐵∗
tanh √𝑀2
𝐷𝐴 √𝑀2
HO- 𝐷𝐴 𝑘17 𝐷𝐴
H2S + HO- = HS- + H2O 𝑀2 = 𝑘𝐿 2
(𝐶𝐵∗ + 𝐾𝐷𝐶
) Eq. 40
K = 10-pKa + pKe
𝐷 𝐶𝐵
𝐸𝑖 = 1 + 𝐷𝐴 𝐷𝐵𝐵 Eq. 41
+𝐷𝐴 𝐶𝐴∗
𝐾𝐷𝐶
56
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
A l’aide des équations précédentes, la quantification de E est alors possible par résolution numérique
(Figure 13) en fonction :
Des conditions opératoires (pH, concentrations totales des couples acide-base CA + CC et CB + CD) ;
Des conditions hydrodynamiques (kL) ;
De la cinétique et thermodynamique de la réaction (k17, k-17 et K) ;
Des propriétés physicochimiques des solutés (Di, pKa).
Input (propriétés):
Input (conditions
DA, DB, DC, DD, K, k17 ou k-17,
opératoires): kL,CA, CA*, CB, pH
pKa(A/C) et pKa(B/D)
Initialisation E
(1 E E )
Calcul de E (Eq. 32 ou 36 ou
38)
Figure 13. Diagramme de résolution numérique pour le calcul de E dans le cas de réactions
équilibrées acido-basiques.
57
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Quatre scénarios (Tableau 19) ont ainsi été investigués, correspondant à des concentrations faibles (1
mg m-3) ou élevées (100 mg m-3) d’H2S en phase gazeuse. Deux abattements ont été fixés, permettant
de calculer pour chaque scénario la valeur de CA + CC selon l’équation suivante correspondant au bilan
de matière en considérant un rapport L/G réaliste de 3,5:
𝜌𝐺
𝐶𝐴 + 𝐶𝐶 = 𝐸 𝐶 Eq. 42
𝜌𝐿 𝐿/𝐺 𝐺 𝐺
Les coefficients de diffusion et pKa employés dans les calculs sont répertoriés dans le Tableau 20.
Tableau 19. Synthèse des scénarios étudiés pour l’absorption de E dans la soude.
Conditions opératoires
T = 293,15 K kL = 10-4 m.s-1 kG = 10-2 m.s-1 L/G = 3,5
Scenario 1 Scenario 2 Scenario 3 Scenario 4
CG élevée CG faible
EG = 0,05 EG = 0,001 EG = 0,05 EG = 0,001
-3
CG (mg m ) 100 1
CG (mol L-1) 8,1×10-6 8,1×10-7
CA + CC (mg L-1) 1,7 0,034 0,017 0,00034
CA + CC (mol L-1) 5,1×10-5 1,0×10-6 5,1×10-7 1,0×10-8
Tableau 20. Synthèse des coefficients de diffusion calculés et des pKa utilisés.
109 Di
Composé pKa Référence ou méthode pour Di
(m2 s-1)
HO- 5,17 Self-diffusivity (Danckwerts, 1968)
pKe = 14,15
H+ 9,16 Self-diffusivity (Danckwerts, 1968)
NaOH Base forte 2,09 Nernst-Haskell (Chang and Rochelle, 1985)
H2S 1,75 (Tamimi et al,, 1994)
7,08 (Roustan, 2003)
HS- 1,75 Approximation
H2CO3 1,80 (Zeebe, 2011)
HCO3- 6,47/10,38 (Roustan, 2003) 0,966 (Zeebe, 2011)
CO3- 0,707 (Zeebe, 2011)
Ainsi, lors de son absorption dans l’eau ou dans une solution alcaline obtenue par ajout de soude, H2S
peut potentiellement réagir avec HO- (recombinaison) ou se déprotoner (réaction de dissociation), le
proton libéré étant capté par l’eau (Tableau 18). Concernant la réaction de dissociation, une valeur de
k-17 égale à 7,5×1010 L mol-1 s-1 a été proposée par Eigen (1964). L’évolution des valeurs de E pour les
différents scénarios proposés en fonction du pH est présentée sur la Figure 14. Globalement, E
augmente quand CA et CA* diminuent (scénario 4 > 3 > 2 > 1) et dénote un profil asymptotique en
fonction du pH (E devient constant pour des valeurs du pH supérieurs à pKa + 2). Il apparait que quels
soient le pH sélectionné et le scénario envisagé, la dissociation d’H2S conduit à des facteurs
d’accélération faibles, inférieurs à 3,5. De ce fait, dans bien des cas, ces réactions peuvent être
négligées par rapport à la réaction de recombinaisons avec HO-, surtout aux pH les plus élevés,
58
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
supérieurs à 9. Dans tous les cas, la valeur de E calculée est proche ou égale à la valeur déduite en
considérant une réaction instantanée. Ces résultats mettent en évidence que bien que rapide, les
réactions acide-base peuvent conduire à de faibles accélérations selon le pH. Enfin, contrairement à
ce que l’on pourrait présager intuitivement, même à des pH inférieurs au pKa pour lesquels H2S
prédomine face à HS-, une accélération du transfert est néanmoins possible.
3.5
pKa,1
3.0
Scenario 4
Enhancement factor E
Scenario 3
2.5
Scenario 2
2.0 Scenario 1
1.5
1.0
5 6 7 8 9 10 11 12
pH
Figure 14. Evolution de E en fonction du pH pour la réaction de dissociation. Les lignes discontinues
correspondent aux valeurs de Ei calculés selon l’Eq. 37.
La cinétique de réaction d’H2S avec HO- reste inconnue dans la littérature. Néanmoins, selon les
observations d’Eigen (1964), une valeur de k17 comprise entre 109 et 1011 L mol-1 s-1 pourrait être
suspectée. Les valeurs de E ont ainsi été calculées pour trois valeurs de k17 comprises dans cette plage,
ainsi que dans le cas d’une réaction instantanée (k17 →∞). Dans le cas présent, le calcul de E se révèle
non influencé par la valeur de CA, conduisant à des résultats identiques pour les scénarios 1 et 2 ainsi
que 3 et 4. La Figure 15 démontre clairement que, contrairement à la réaction de dissociation, la
réaction avec HO- permet d’atteindre des valeurs très élevées de E, de l’ordre de 103, susceptibles de
localiser la grande majorité de la résistance au transfert côté gaz, notamment aux pH les plus élevés,
et donc de maximiser la vitesse de transfert. En effet, pour les valeurs de kL et kG réalistes considérés
dans cette étude (Tableau 19), seulement 10% de la résistance serait encore localisée côté liquide pour
une valeur de E de 320. Dans le cas des scénarios 1 et 2, le calcul de E est quasiment indépendant de
la valeur de k17, la réaction pouvant être considérée comme instantanée par rapport au transfert de
matière. En revanche, cette hypothèse n’est pas respectée dans le cas des scénarios 3 et 4. De ce fait,
59
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
selon le pH étudié, la méconnaissance de k17 engendrerait ou non une incertitude pour le calcul de la
valeur de E.
(a) (b)
1 000.0 1 000.0
Scenario
k28 = 1091L.mol
9 -1.s-1 Scenario
k28 = 1093L.mol
9f -1.s-1
Scenario 1 10
k28 = 1010 L.mol-1.s-1
Scenario 3 10
k28 = 1010 L.mol-1.s-1
k28 = 10113L.mol
Scenarion 11 -1.s-1
Enhancement factor E
Enhancement factor E
Scenario 1 11
k28 = 1011 L.mol-1.s-1
100.0 100.0 k28 →∞3 Inf
Scenario
Scenario
k28 →∞ 1 Inf
10.0 10.0
1.0 1.0
5 6 7 8 9 10 11 12 5 6 7 8 9 10 11 12
pH pH
Figure 15. Evolution de E en fonction du pH pour la réaction de recombinaison avec HO- pour les
scénarios 1 et 2 (a) et 3 et 4 (b).
Enhancement factor E
TAC== 11mg/L
TAC mg/L–CO32-
CO32- 100 TAC==11mg/L
TAC – HCO3-
mg/LHCo3-
TAC== 11mg/L
TAC mg/L–HCo3-
HCO3-
10
10
1 1
5 6 7 8 9 10 11 12 5 6 7 8 9 10 11 12
pH pH
Figure 16. Evolution de E en fonction du pH pour les réactions de H2S avec HCO3- et CO32- pour les
scénarios 1 (a) et 3 (b). Les lignes discontinues correspondent aux valeurs de Ei calculés selon l’Eq.
34.
En plus des réactions de dissociation et de recombinaison avec HO-, la réaction d’H2S avec les anions
carbonates et hydrogénocarbonates doit être considérée dans les eaux naturelles. D’après les travaux
d’Eigen (1964), des valeurs de k-17 de 108 L mol-1 s-1 pour la réaction avec CO32-, et de 3,6×109 pour la
60
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
réaction avec HCO3-, peuvent être prévues. Deux simulations, correspondant à une concentration
faible de 1 mg de CO2 par L et à une concentration relativement élevée de 100 mg de CO2 par L ont été
effectuées. Il apparait clairement que les réactions « parasites » avec les différentes formes de
carbonates peuvent significativement contribuer à l’accélération du transfert d’H2S, avec des valeurs
de E pouvant tendre vers 103, particulièrement pour des faibles valeurs de 𝐶𝐴∗ (Figure 16). La réaction
avec CO32- est, en général, plus significative que celle avec HCO3- pour des pH supérieurs à environ 9.
Dans la majorité des cas, sauf aux pH extrêmes, la valeur de E peut être estimée avec un bon degré de
confiance en considérant une réaction instantanée (Eq. 34). Dans le cas de plusieurs réactions
intervenant en parallèle (réaction avec HO-, CO32-, HCO3-), le calcul du coefficient global d’accélération
ne peut être effectué simplement en théorie. Néanmoins, en première approche, pour les réactions
instantanées, le calcul du coefficient global d’accélération est possible en faisant la somme des
coefficients d’accélération (van Swaaij and Versteeg, 1992).
J’ai développé cette étude pour établir un état de l’art du calcul du coefficient d’accélération E dans
le cas de l’absorption de composés acide ou basique en phase aqueuse. La complexité de ce calcul
repose sur le caractère réversible des réactions mises en jeu, qui ne doivent en aucun cas être
considérées comme des réactions irréversibles, comme cela a pu être rencontré dans de nombreuses
études antérieures. Concernant le cas d’H2S, la réaction de dissociation avec l’eau peut en général
être négligée par rapport à la réaction de recombinaison avec HO- ou les réactions avec les anions
hydrogénocarbonate et carbonate. La connaissance des constantes cinétiques des réactions mises
en jeu est en principe cruciale pour le calcul de E. Néanmoins, dans certains cas, le coefficient
d’accélération peut être calculé ou approché simplement en considérant que la réaction est
instantanée par rapport au transfert de matière.
Une fois établi les bases de l’absorption réactive dans le cas de réactions équilibrées, il fut alors
possible de développer un simulateur de colonnes pour le traitement de composés acides ou
basiques. Cet axe de recherche est développé dans la partie 2.4.2 à suivre.
61
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
n
DC
i+1
CG,i Ci+1
Zi i
Z CG,i-1 Ci
i-1
2
CG,1 C2
1
CG,e C1 = CT,s
CG,e CT,s
Figure 17. Discrétisation de la colonne garnie avec indication des conditions aux limites.
A l’aide des équations présentées dans la partie 2.4.1, il est dorénavant possible de modéliser finement
le transfert de matière de composés acides ou basiques en solution aqueuse dans des colonnes garnies
à contre-courant. Peu d’études antérieures ont été menées en vue de cet objectif. Par exemple,
Brettschneider et al. (2005) ont développé un simulateur pour l’absorption simultanée de H2S, NH3 et
CO2, mais en considérant les réactions acido-basiques comme irréversibles. Globalement, pour des
conditions opératoires variables, la simulation doit pouvoir permettre de quantifier les éléments
suivants :
Les paramètres liés à l’hydrodynamique (perte de charge P, aire interfaciale a°, taux de mouillage
Tm) et au transfert de matière dans la colonne. Pour des systèmes aqueux, ces paramètres peuvent
être calculés avec une bonne précision et simplement à l’aide des relations d’Onda (Onda et al.,
1967, 1968; Roustan, 2003);
l’effet du pH de la solution de lavage sur la répartition entre la forme acide et basique du soluté
transféré dans la phase liquide, en fonction de la hauteur de la colonne ;
l’accélération du transfert dans la phase liquide, en fonction de la hauteur de la colonne ;
la variation du pH de la solution entre l’entrée et la sortie de la colonne.
En raison des relativement faibles concentrations à traiter (au maximum de l’ordre du g m-3),
l’exothermicité des réactions a été négligée et un procédé isotherme et adiabatique a été considéré.
Compte-tenu de la variation axiale des compositions du gaz et du liquide, une discrétisation par unité
62
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
de hauteur de colonne Zi a été adoptée avec des écoulements du gaz et du liquide du type piston. La
structure de la discrétisation de la colonne ainsi que les conditions aux limites sont résumées sur la
Figure 17. Deux simulateurs ont été développés, un pour le traitement de l’ammoniac et un pour le
traitement d’H2S. Seul le simulateur pour H2S est présenté dans cette partie. Le simulateur, programmé
sur Visual Basic for Applications intégré au logiciel Excel®, a été conçu de façon à pouvoir dimensionner
le diamètre (DC) et la hauteur (Z) de garnissage nécessaire pour pouvoir traiter un effluent donné avec
un abattement EG souhaité à partir d’une solution de lavage de concentration en carbonate (Ccarb),
concentration d’entrée en H2S (CT,e) et pH connus. Les propriétés de presque une quarantaine de
garnissages en vrac commerciaux ont été intégrées au simulateur. La première étape pour l’opérateur
(Figure 18) consiste à sélectionner les conditions opératoires de traitement (débit de gaz, température,
pression, rapport L/G, concentration en H2S, pH, choix du garnissage, etc.).
Calcul de:
kL, kG, a°
Si < 0
CG,s, CT,s, pHs
USG,eng, Dc, Tm,
pHi
Zi = 0,01 m si pH > 6
Z = Z + Zi Zi = 0,05 m si pH 6
CG,i CG,s
NON
OUI
SORTIE
63
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
la vitesse d’engorgement (USG,eng) selon les relations compilées par Roustan (2003), puis la vitesse
de travail d’après le rapport USG/USG,eng, en général compris entre 60 et 80% choisi par l’opérateur,
puis le diamètre de la colonne (déduit du débit de gaz FG et de USG) ;
La vitesse superficielle du liquide USL et le débit de liquide FL déduites du rapport L/G ;
Les coefficients locaux de transfert kL et kG ainsi que l’aire interfaciale, selon les relations de Onda
et al. (Onda et al., 1967, 1968) ;
Le taux de mouillage du garnissage, qui s’il n’est pas compris dans la gamme préconisée entre
2×10-5-2×10-4 m2 s-1 (Roustan, 2003) entraine l’apparition d’un message demandant à l’opérateur
d’adapter le rapport L/G ou le garnissage ;
La perte de charge linéique (en Pa/m de colonne) à l’aide de la corrélation GPDC (General Pressure
Drop Correlation) citée par Roustan (2003) ;
Les différentes constantes physico-chimiques relatives aux solutés, solvants ou gaz (constantes de
dissociation, coefficients de diffusion, viscosités, masses volumiques, tensions superficielles,
constante de Henry, etc.) ;
La concentration en H2S en sortie dans le gaz (CG,s) déduite de l’abattement (EG) et de la
concentration d’entrée spécifiée (CG,e);
La concentration totale en sulfide dans la solution en sortie (CT,s= [H2S] + [HS-] en sortie) déduite du
bilan de matière et de la concentration CT,e (pouvant être choisie comme égale à zéro ou à avoir
une valeur bien précise selon le choix de l’opérateur) :
𝐹𝐺 (𝐶𝐺,𝑒 − 𝐶𝐺,𝑠 ) = 𝐹𝐿 (𝐶𝑇,𝑠 − 𝐶𝑇,𝑒 ) Eq. 43
Le pH de sortie de la solution (pHs) déduit de l’Eq. 44 par résolution numérique (Figure 19) en tenant
compte des équations relatives aux déplacement des équilibres chimiques des espèces acido-
basiques (Tableau 21) engendrés par le transfert d’H2S (réactions R.18 à R.21) :
𝐶𝑇,𝑠 𝐹𝐺 (𝐶𝐺,𝑠 −𝐶𝐺,𝑒 ) 𝐶𝑇,𝑒
= + −𝛽−𝛿−𝜆−𝜉 Eq. 44
1+10𝑝𝐻𝑠 −𝑝𝐾𝑎,1 𝐹𝐿 1+10𝑝𝐻𝑒−𝑝𝐾𝑎,1
64
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
/ 1
pHi pHi+1
CT,i
Calcul Calcul
SORTIE
/
CT,i+1 / = 1
Tableau 21. Equations utilisées pour le calcul du pH de la solution sortant à l’étage i d’après la
Figure 19.
Concentration initiale Concentration finale
[𝑯𝑶− ]𝒊+𝟏 = 𝟏𝟎𝒑𝑯𝒊+𝟏−𝒑𝑲𝒘 [𝐻𝑂− ]𝑖 = 10𝑝𝐻𝑖−𝑝𝐾𝑤
Eq. 45 Eq. 46
[𝑯𝟑 𝑶 ]𝒊+𝟏 = 𝟏𝟎−𝒑𝑯𝒊+𝟏
+ [𝐻3 𝑂 ]𝑖 = 10−𝑝𝐻𝑖
+
Eq. 47 Eq. 48
𝑪𝑻,𝒊+𝟏 𝐶𝑇,𝑖
[𝑯𝟐 𝑺]𝒊+𝟏 = 𝑪𝑳,𝒊+𝟏 = [𝐻2 𝑆]𝑖 = 𝐶𝐿,𝑖 =
𝟏 + 𝟏𝟎𝒑𝑯𝒊+𝟏−𝒑𝑲𝒂,𝟏 1 + 10𝑝𝐻𝑖−𝑝𝐾𝑎,1
Eq. 49 Eq. 50
[𝑪𝑶𝟐−
𝟑 ]𝒊+𝟏 [𝐶𝑂32− ]𝑖
𝑪𝒄𝒂𝒓𝒃,𝒊+𝟏 𝐶𝑐𝑎𝑟𝑏,𝑖
= 1 = 𝑝𝐾 −𝑝𝐻
𝟏 + 𝟏𝟎 𝒑𝑲𝒂,𝟒 −𝒑𝑯 𝒊+𝟏 + 𝟏𝟎𝒑𝑲𝒂,𝟒−𝒑𝑲𝒂,𝟓−𝟐𝒑𝑯𝒊+𝟏 1 + 10 𝑎,4 𝑖 + 10𝑝𝐾𝑎,4 −𝑝𝐾𝑎,5 −2𝑝𝐻𝑖
Eq. 51 Eq. 52
𝑪𝒄𝒂𝒓𝒃,𝒊+𝟏 [𝐻2 𝐶𝑂3 ]𝑖
[𝑯𝟐 𝑪𝑶𝟑 ]𝒊+𝟏 = 𝒑𝑲 −𝒑𝑯
𝟏 + 𝟏𝟎 𝒊+𝟏 + 𝟏𝟎𝒑𝑲𝒂,𝟓 −𝒑𝑯𝒊+𝟏
𝒂,𝟒
𝐶𝑐𝑎𝑟𝑏,𝑖
Eq. 53 = 𝑝𝐾 −𝑝𝐻
1+ 10 𝑎,4 𝑖+1 + 10𝑝𝐾𝑎,5 −𝑝𝐻𝑖
Eq. 54
La résolution numérique par discrétisation de la hauteur de la colonne est ensuite initiée depuis l’étage
1 situé en bas de la colonne (Figure 18) :
Le coefficient d’accélération E1 ainsi que la concentration de H2S à l’interface CL,1* (Eq. 3) sont tout
d’abord calculés en considérant les outils développés préalablement (2.4.1).
Le coefficient global KLa° à l’étage 1 peut alors être déduit de l’Eq. 2. Si à ce stade, CL,1*- CL,1 est
1
pKa,4 correspond au pKa du couple H2CO3/HCO3- = 6,38 à 20°C. pKa,5 correspond au pKa du couple HCO3- /HCO3-
= 10,38 à 20°C. (Roustan, 2003)
65
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
inférieur à 0, la résolution numérique est interrompue. Cela signifie que l’abattement demandé par
l’opérateur est supérieur à l’abattement maximal possible avec le rapport L/G, la concentration CG,e
et le pHe sélectionnés. CL,i est déduite de CT,i par l’Eq. 55 en tenant compte de l’équilibre d’H2S en
solution (avec i = 1 à ce stade):
𝐶𝑇,𝑖
𝐶𝐿,𝑖 = Eq. 55
(1+10𝑝𝐻𝑖−𝑝𝐾𝑎,1 )
En considérant que le gaz est en écoulement piston et que le liquide est parfaitement agité au
niveau de chaque étage, l’Eq. 56 est obtenue :
𝑅𝑇𝐶𝐺,𝑖 𝑅𝑇𝐶𝐺,𝑖−1
( −𝐶𝐿,𝑖 )−( −𝐶𝐿,𝑖 )
𝐻 𝐻
𝐹𝐺 (𝐶𝐺,𝑖 −𝐶𝐺,𝑖−1 ) = 𝐾𝐿 𝑎°𝑆𝑐 𝑍𝑖 𝑅𝑇𝐶𝐺,𝑖 Eq. 56
−𝐶𝐿,𝑖
𝑙𝑛𝑅𝑇𝐶𝐻
𝐺,𝑖−1
−𝐶𝐿,𝑖
𝐻
En réarrangeant l’Eq. 56, CG,i (et donc CG,1) à la sortie de l’étage i d’épaisseur Zi fixée peut être calculé:
La concentration CT,i+1 (CT,2 à ce stade) est alors déduite du bilan matière aux bornes de l’étage i :
𝐹𝐺 (𝐶𝐺,𝑖 −𝐶𝐺,𝑖−1 )
𝐶𝑇,𝑖+1 = 𝐶𝑇,𝑖 − 𝐹𝐿
Eq. 60
Les étapes précédentes sont répétées pour n étage i jusqu’à ce que CG,i atteigne CG,s. La hauteur totale
de la colonne Z est alors déduite du nombre d’étage n de hauteur Zi (Figure 18). Les variations de E, du
pH, de CT et de CG en fonction de la hauteur de la colonne sont tracées automatiquement sur des
graphiques Excel. A l’aide du simulateur développé, il fut alors possible d’étudier l’influence de
différentes variables sur l’abattement d’H2S dans une colonne garnie de hauteur et diamètre définis et
réalistes pour le traitement d’un effluent industriel (Tableau 22).
Les simulations mettent clairement en évidence la nécessité de travailler à des pH d’entrée supérieurs
à 9,5-10 (Figure 20) pour tendre vers des abattements supérieurs à 90%. La faible variation du pH entre
l’entrée et la sortie (maximum 0,4 unités de pH pour L/G = 3) confirme le bon pouvoir tampon de la
solution relatif à la présence de carbonates. Ce résultat permet de confirmer que des pH trop élevés,
supérieurs à 10-10,5 ne sont pas impératifs, limitant ainsi la surconsommation de soude liée à
l’absorption parasite de CO2. L’augmentation de la hauteur de la colonne ne serait pas une solution
66
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
pertinente pour accroitre l’abattement en raison d’une chute du gradient de concentration dans la
partie basse de la colonne. En revanche, pour maximiser le gradient de concentration, une
augmentation du rapport L/G se révèle être une solution efficace (Figure 20 et Figure 21).
Tableau 22. Conditions opératoires retenues pour les simulations de transfert d’H2S en solution
aqueuse.
Caractéristiques du garnissage
Nom commercial Anneaux Pall en plastique
dp 50,10–3 m
Surface spécifique 102 m2 m3
Facteur de garnissage F 82 m2 m3
Masse volumique apparente 68 kg m–3
Caractéristiques du matériau
Matière PVC
Tension de surface 0,04 N m–1
Conditions opératoires
FG 10 000 m3 h–1
USG/USG,eng 0,70
P 1,013 bar
Z 3m
T 293,15 K
pHe 10
CG,e 20 mg m-3
L/G 1, 3 ou 5
Ccarb,e 100 mgCO2 L–1
100 11,5
90
11
80
10,5
70
60 10
EG (%)
pHs
50 9,5
40
L/G = 1 9
30 L/G = 3
L/G = 5 8,5
20
pH de sortie pour L/G= 3
10 8
9 9,5 10 10,5 11
pHe
Figure 20. Evolution de EG et de pHs (pour L/G = 3) en fonction du pHe pour les conditions
opératoires synthétisées dans le Tableau 22.
67
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
100
95
90
85
80
EG (%)
75
L/G = 1
70 L/G = 3
L/G = 5
65
60
55
50
5 15 25 35 45
Temperature (°C)
100
90
80
pH=9
70 pH=10
60 pH=11
EG (%)
50
40
30
20
10
0
0 20 40 60 80 100
Ccarb (mg CO2/L)
Figure 22. Evolution de EG en fonction de la concentration totale en carbonates pour les conditions
opératoires synthétisées dans le Tableau 22.
Ces simulations ont également permis d’éclairer l’influence de paramètres peu étudiés au niveau
expérimental, comme la température ou la concentration totale en carbonate. Contrairement à
l’intuition, une augmentation de la température s’avère positive pour améliorer le transfert d’H2S,
démontrant que le déplacement de l’équilibre, l’augmentation du facteur d’accélération E et
l’amélioration des performances de transfert, liés à une température supérieure, compensent
largement la diminution de la solubilité d’H2S en solution (Figure 21). Enfin, une concentration élevée
en carbonate limite la chute de pH entre l’entrée et la sortie par augmentation du pouvoir tampon de
68
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
la solution tout en maximisant l’accélération du transfert. De fait, l’abattement en H2S augmente avec
la concentration en carbonate (Figure 22).
Dans cet axe de recherche, j’ai développé un simulateur de colonnes garnies pour le transfert de
composés acides ou basiques en solution aqueuse. La résolution numérique est bâtie sur une
discrétisation selon la hauteur de la colonne. Les variations axiales de l’accélération du transfert et
du pH ainsi que le déplacement des équilibres chimiques des différentes espèces acido-basiques
impliquées ont été prises en compte. Ce simulateur a notamment été employé par Mohamed Azizi
durant sa thèse de doctorat pour étudier le transfert d’H2S dans des solutions de soude dans des
conditions opératoires définies, permettant d’établir l’influence précise de différentes variables
telles que le pH d’entrée, la concentration en carbonate, la température, le rapport L/G, etc. Une
élévation de la température et de la concentrations totale en carbonates influencent ainsi
positivement le transfert d’H2S.
2.5 Conclusions
Cette partie 2 a mis en évidence la pertinence de différents axes pour optimiser et comprendre le
transfert gaz-liquide de solutés présentant des réactivités spécifiques, telles qu’un caractère acide ou
basique ou un caractère réducteur comme H2S (Figure 5). Ce composé peut donc être facilement
éliminé en jouant sur le pH et/ou l’ajout d’un agent oxydant tel que l’hypochlorite de sodium. Les
études menées ont contribué à améliorer la compréhension des réactions mises en jeu lors de
l’oxydation d’H2S par cet oxydant ainsi qu’à appréhender l’influence du pH sur l’accélération du
transfert d’H2S en solution aqueuse (Critère #1, Figure 4). Les outils de modélisation et de simulation
se révèlent pertinents pour mieux quantifier l’influence des conditions opératoires, telles que le
rapport L/G, les conditions chimiques, etc. sur les vitesses de transfert, permettant d’aiguiller le choix
de conditions opératoires optimales (Critère #3, Figure 4). Enfin, il est aussi possible de jouer sur la
nature du réacteur gaz-liquide pour tenter d’intensifier le transfert de tels solutés (Critère #2, Figure
4). Dans le cas de COV peu hydrophiles et sans réactivité chimique identifiée, un des leviers possibles
pour améliorer les performances de transfert repose sur le choix de la phase lavante. Des solvants
organiques peuvent donc être proposés en alternative aux solvants aqueux (Critère #1, Figure 4). Cet
axe de recherche est développé dans la partie 3.
69
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
3.1 Introduction
De nombreux COV appartenant à différentes familles chimiques présentent de faibles affinités pour
l’eau en raison de leur caractère hydrophobe. En l’absence de fonctions acide ou basique, leur
absorption dans l’eau s’avère inefficace, même dans des réacteurs gaz-liquide à haute performance de
transfert (Biard et al., 2017). Les faibles affinités devraient être compensées par l’usage de rapport L/G
très élevés pour augmenter le facteur d’absorption A, inenvisageables pour des raisons techniques
(engorgement, perte de charge élevée, etc.) et économiques dans les contacteurs gaz-liquide à phase
liquide dispersée. Les BTEX (benzène, toluène, éthylène, xylène, etc.), les alcanes, certains soufrés
(dimethyldisulfide), les organochlorés (dichlorométhane, perchloroéthylène, etc.), etc., sont
particulièrement concernés. Or, ces COV sont mis en cause dans de nombreux secteurs industriels,
nécessitant l’emploi de méthodes de traitement dédiés (Le Cloirec, 1998).
Ainsi, plusieurs types de solvants organiques hydrophobes ont été proposés depuis une vingtaine
d’année pour l’absorption des COV de cette nature :
Les huiles de silicone ou polydiméthylsiloxane (PDMS) (Darracq et al., 2010b, 2010a; De Guardia et
al., 1996; Guillerm et al., 2015) ;
Les adipates, notamment le Bis(2-ethylhexyl) adipate (DEHA) (Darracq et al., 2012; Hadjoudj et al.,
2004; Heymes et al., 2006; Heymes et al., 2006; Vuong et al., 2009) ;
Les phtalates (Bourgois et al., 2008, 2006) ;
Les liquides ioniques (Guihéneuf et al., 2014; Quijano et al., 2011) ;
Des huiles de récupération (lubrifiants, etc.) (Bay et al., 2006; Lalanne et al., 2008; Ozturk and
Yilmaz, 2006) ;
Etc.
Pour cette application particulière, les solvants employés doivent respecter un certain nombre de
contraintes technico-économiques telles que :
Une pression de vapeur saturante faible voire nulle, afin d’éviter la désorption du solvant dans l’air
traité ;
Une viscosité modérée pour ne pas entraver la diffusion des solutés absorbés et limiter la résistance
aux frottements dans le contacteur gaz-liquide. En général, les solvants étudiés possèdent des
viscosités de 1 à 2 (voire 3 pour certains liquides ioniques) ordres de grandeur supérieurs à celle de
70
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
l’eau.
Un cout « acceptable », difficilement évaluable a priori ;
De bonnes stabilités thermiques et chimiques, notamment en vue de la régénération du solvant,
pouvant être envisagée principalement par voie physique (pervaporation, distillation,
nanofiltration, etc.), chimique (par oxydation à l’ozone par exemple) ou biologique (Chabanon et
al., 2014; Darracq et al., 2009; De Guardia et al., 1996; Heymes et al., 2006; Heymes et al., 2007;
Mai et al., 2014; Sirkar, 2008).
Le premier niveau de sélection d’un solvant potentiel pour l’absorption d’un composé repose en
général sur la mesure du coefficient de partition. Compte-tenu des relativement faibles concentrations
mises en jeu en traitement de l’air (quelques milliers de ppm en volume au maximum dans le gaz, et
quelques centaines de ppm au maximum dans la phase liquide), les équilibres gaz-liquide mis en jeu
se trouvent en général dans le domaine de la loi de Henry :
𝐻
𝐶𝐺 = 𝑅𝑇 𝐶𝐿 Eq. 62
Ainsi, les constantes de Henry peuvent être déterminées par des méthodes statiques, notamment la
méthode de l’espace de tête consistant à mesurer les concentrations en COV dans la phase liquide et
la phase gazeuse à l’équilibre dans un flacon fermé (Guillerm et al., 2015; Vuong et al., 2009), ou par
des méthodes dynamiques dans lesquels les coefficients de partage peuvent être déduits des profils
de concentration au cours du temps en régime transitoire (Bruneel et al., 2015; Liu et al., 2013;
Wieland et al., 2015). Les méthodes dynamiques possèdent l’avantage de pouvoir être automatisées
tandis que la méthode statique nécessite de nombreuses analyses de l’espace de tête. En outre, elles
peuvent donner accès à des critères qualitatifs sur le transfert de matière dans les solvants choisis,
notamment par comparaison des KLa° obtenus avec ceux dans l’eau.
71
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Chang, Scheibel, Tyn-Calus, Sidiqi-Lucas, Arnold, etc.), souvent développées pour des systèmes à faible
viscosité, proche de celle de l’eau, possèdent une précision toute relative pour la détermination des
coefficients de diffusion dans les solvants visqueux (Bourgois et al., 2008; Hadjoudj et al., 2008; Morgan
et al., 2005). Des sous-estimations d’un facteur deux, et plus fréquemment des surestimations pouvant
aller jusqu’à un facteur cinq, ont ainsi été notées par l’utilisation de corrélations semi-empiriques de
la littérature.
Les projets de l’équipe CIP sur cet axe de recherche ont notamment concerné le développement de
solvants non biodégradables et non toxiques en vue de leur mise en œuvre au sein de procédés de
régénération par voie biologique, par exemple par utilisation de contacteur à deux phases liquides
(TPPB, two phase partitioning bioreactor). La démarche retenue pour la sélection de solvants candidats
(screening) repose principalement sur la détermination des coefficients de partage des COV dans les
solvants étudiés, des mesures de différentes propriétés physico-chimiques des solvants (tension de
surface, viscosité, masse volumique, etc.), la vérification de la non biodégradabilité et du caractère
non-toxique des solvants et des études pilotes (absorption en colonne garnie, régénération dans un
TPPB). Ces recherches ont notamment mis en évidence le potentiel des huiles de silicone et des
liquides ioniques pour l’absorption des COV hydrophobes et leur régénération par voie biologique
(Darracq et al., 2010b, 2012; Guillerm et al., 2015, 2016; Nguyen et al., 2017; Rodriguez Castillo et al.,
2016, 2018b).
Mon apport sur cette axe de recherche a principalement concerné le développement d’un dispositif
dynamique de mesure des coefficients de partage et des coefficients de transfert de matière, la mesure
des coefficients de diffusion de COV dans des liquides ioniques, et la modélisation du transfert dans
des colonnes garnies, en écho aux simulations développées pour le transfert d’H2S et NH3 (partie 2.4.2).
72
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Dans le cadre du projet Européen CARVOC consacré au développement de charbons actifs issus de
résidus de chanvre pour le traitement des COV (étude menée avec Sylvain Giraudet et Annabelle
Couvert de l’ENSCR), des méthodes alternatives de traitement par absorption dans des solvants
organiques ont été proposées. La partie adsorption ayant été pilotée par Sylvain Giraudet, celle-ci n’est
pas détaillée dans ce manuscrit.
Cette méthode a été mise en œuvre dans un réacteur gaz-liquide de faible volume (Volume de liquide
V introduit de 100 mL) équipé d’un poreux, opéré en semi-continu par bullage d’air (FG constant de
100 NL h-1) contenant le COV étudié (Figure 23). Un des atouts de cette méthodologie repose sur
l’automatisation du contrôle du débit d’air ainsi que l’automatisation des mesures des concentrations
en COV à la sortie du contacteur, procurant ainsi reproductibilité, simplicité et précision. En outre,
73
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
cette méthode permet la détermination conjointe des constantes de Henry et des coefficients de
transfert de masse, donnant ainsi accès à davantage d’informations que la méthode statique. La
concentration de sortie du COV en phase gazeuse (CG,s) était quantifiée toutes les 3,5 min par un
chromatographe en phase gazeuse équipée d’une boucle de prélèvement et d’un détecteur FID. La
Figure 24 représente ainsi l’évolution typique du rapport CG,s/CG,e au cours d’une manipulation. Ce
rapport augmente classiquement d’une valeur à t0 correspondant à 1-EG calculé pour une
concentration CL nulle, jusqu’à 100% lorsque le système atteint l’équilibre. Le temps d’équilibrage
variait ainsi de quelques dizaines de minutes pour les systèmes avec le moins d’affinité (toluène et
dichlorométhane dans l’eau) jusqu’à plus de 24 h pour le système avec le plus d’affinité (isopropanol
dans l’eau), caractérisé par la constante de Henry la plus faible.
Absorber
Way 1 VOC
analyzer
Static FIC
mixer
Compressed
air
3-ways
valve
Syringe Check
driver FIC valve
Way 2
Hood
100% 100
90% 𝐻 𝐶𝐺,𝑒 90
=
𝑅𝑇 𝐶𝐿,𝑒
80% 80
70% 𝐶𝐿,𝑒 70
60% 60
CL (ppm)
CG,s/CG,e
CG,s
50% 50
40% 40
30% CL 30
CG,s/CG,e modèle
Model
20% 20
CG,s/CG,e exp.
Experiment
10% CG,e 10
Liq
CL théo
0% 0
0 5000 10000 15000 20000 25000 30000
t (s)
74
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Un modèle dépendant de deux variables (la coordonnée verticale z et le temps t) a été développé en
considérant un écoulement piston du gaz (pas de rétro-mélange des bulles en ascension) et une phase
liquide parfaitement agitée. L’absorption était isotherme à 293 ±1 K (absorbeur placé dans un bain
thermostaté) et le flux de transfert suffisamment faible pour que le débit de gaz FG ne varie pas
significativement entre l’entrée et la sortie du contacteur. Les conditions initiales et aux limites sont :
Une concentration du COV CG,e connue et constante dans le temps dans le bas du contacteur pour
z=0;
Une concentration CG,s mesurée et variable dans le temps dans le haut du contacteur pour z = Z
(hauteur de liquide de 3,1 cm sans rétention gazeuse) ;
Une concentration du COV dans la phase liquide CL nulle à t0 et égale à CL,t à tout instant t > 0.
Dans ces conditions, le bilan de matière peut s’écrire :
𝑑𝐶𝐿
𝐹𝐺 (𝐶𝐺,𝑒 − 𝐶𝐺,𝑠 ) = V 𝑑𝑡
Eq. 63
Après intégration par discrétisation du temps en intervalle de temps t, les Eqs. 64 et 65 sont
obtenues:
𝐹𝐺 𝑛
𝐶𝐿,𝑡 = ∑𝑗=1 Δ𝑡(𝐶𝐺,𝑒 − ̅̅̅̅̅
𝐶𝐺,𝑠 ) Eq. 64
𝑉
𝐶𝐺,𝑠,𝑡+Δ𝑡 +𝐶𝐺,𝑠,𝑡
Avec : ̅̅̅̅̅
𝐶𝐺,𝑠 = 2
Eq. 65
75
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
existaient, avec des écarts relatifs variant de 0 à un peu plus de 20%. Compte-tenu de la variabilité
possible de H, sur 4 voire 5 ordres de grandeur, de telles différences restent tout à fait satisfaisantes.
Tableau 24. Synthèse des valeurs de H et KLa° déterminées (teq en s, H en Pa m3 mol-1 et KLa° en s-1).
Solvant Eau DEHA PDMS
COV teq H 103KLa° teq H 103KLa° teq H 103KLa°
Toluène Rapide ND ND 35000 0,76 0,56 21000 1,36 0,67
DCM Rapide ND ND 9200 4,73 1,66 2500 22,01 3,53
Isopropanol >105 0,31 0,195 5000 6,57 1,90 3500 21,42 4,60
Acétone 30000 2,28 0,72 6500 12,68 2,20 1000 52,97 5,54
La détermination de KLa° pour un couple COV/solvant donné est ensuite possible. Par analogie avec
l’Eq. 56, pendant tout intervalle de temps t :
𝑅𝑇𝐶𝐺,𝑒 ̅̅̅̅̅̅̅
𝑅𝑇𝐶
̅̅̅𝐿̅)−( 𝐺,𝑠 ̅̅̅̅
( −𝐶 −𝐶𝐿 )
𝐻 𝐻
𝐹𝐺 (𝐶𝐺,𝑒 − ̅̅̅̅̅
𝐶𝐺,𝑠 ) = 𝐾𝐿 𝑎°𝑆𝑐 𝑍𝑖 𝑅𝑇𝐶𝐺,𝑒 Eq. 66
̅̅̅̅
−𝐶
𝐻 𝐿
𝑙𝑛 𝑅𝑇𝐶
̅̅̅̅̅̅̅
𝐺,𝑠 ̅̅̅̅
−𝐶𝐿
𝐻
𝑅𝑇𝐶𝐺,𝑒
𝐻
(1−𝑒𝑥𝑝(𝐵))−2𝐴𝐶𝐿,𝑡 𝑒𝑥𝑝(𝐵)
𝐶𝐿,𝑡+Δ𝑡 = 2 − 𝐶𝐿,𝑡 Eq. 68
1−(1+2𝐴)𝑒𝑥𝑝(𝐵)
𝑉𝑅𝑇 𝐾𝐿 𝑎°𝑉𝑅𝑇
Avec 𝐴 = 𝐻𝐹𝐺 Δ𝑡
et 𝐵 = 𝐻𝐹𝐺
Eq. 69
𝑉
𝐶𝐺,𝑠,𝑡+Δ𝑡 = 2 (𝐶𝐺,𝑒 − 𝐹 (𝐶𝐿,𝑡+Δ𝑡 − 𝐶𝐿,𝑡 )) − 𝐶𝐺,𝑠,𝑡 Eq. 70
𝐺 Δ𝑡
76
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Conditions Résultats
CG,s,t+t exp.
opératoires (V, FG, CG,i) expérimentaux
Eq. 71 Eq. 64
CG,s à t = 0 CL,équilibre
CL,t+t Détermination
modèle H
Eq. 70 De j = 1 à n
(n = Nbre intervalle t)
CG,s,t+t
modèle
Min(EF)
Résolution numérique avec Excel®
Les valeurs de KLa° trouvées, de l’ordre de 10-4-10-3 s-1, sont cohérentes avec l’ordre de grandeur
observé dans des colonnes à bulles. Les résultats confirment l’augmentation de KLa° avec la constante
de Henry, c’est-à-dire pour des affinités décroissantes, en accord avec l’Eq. 2. Cela ne signifie pas pour
autant que la vitesse de transfert diminue pour des affinités décroissantes, bien au contraire, la baisse
de KLa° étant largement compensée par l’augmentation du gradient de concentration. D’après la
théorie de la pénétration de Higbie, les coefficients volumiques locaux de transfert sont proportionnels
à la racine carrée des coefficients de diffusion (DL et DG) et inversement proportionnels à la racine
carrée du temps d’exposition des éléments de liquide ou de gaz à l’interface gaz-liquide (L et G):
4D
kL a° = √π𝜏 L 𝑎° Eq. 72
𝐿
4DG
kG a° = √ 𝑎° Eq. 73
π𝜏𝐺
4D
√ L 𝜏 √𝜏𝐺 RT DL
= √𝑎°𝐿 +
π
KL a°
√
𝑎° H DG
Eq. 74
𝜏 √ 𝜏𝐺
Les rapports √𝑎°𝐿 et 𝑎°
(Tableau 25) ont ainsi été obtenus par régression linéaire (Figure 26). Dans le
cas de l’eau, seuls deux points ont pu être employés, ce qui implique de considérer avec précaution
les résultats. Globalement, les régressions linéaires sont sensibles aux valeurs de DL, DG, KLa° et H. Les
valeurs de KLa° et H sont affectées d’incertitudes expérimentales, ce qui peut influencer la dispersion
des points autour de la régression linéaire, mais ce qui ne devrait pas engendrer d’erreur systématique
77
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
√ 𝜏𝐺
les valeurs des pentes trouvées, égale à 𝑎°
, et a priori non susceptible d’être affectées de façon très
significative par les différences de solvant, restent dans une plage de valeur étroite (de 1,28 à 2,24).
0.030
Water
y = 1.97E-03x + 2.89E-02
0.025
DEHA
0.020 y = 1.28E-03x + 7.15E-03
R² = 9.98E-01
0.200
4DL Water PMDS
0.015 0.180
KLa
m s
1/2 0.160
0.140
DEHA
y = 2.24E-03x + 2.63E-03
R² = 9.96E-01
PMDS
0.010 0.120
0.100
0.080
0.005 0.060
0.040
10 30 50 70 90
0.000
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20
RT DL
dimensionless
H DG
𝟒𝑫𝑳
√ 𝑹𝑻 𝑫𝑳
𝝅
Figure 26. Evolution de en fonction de √𝑫 pour les trois solvants étudiés.
𝑲𝑳 𝒂° 𝑯 𝑮
Tableau 25. Valeurs de L/a° et G/a°, déterminées pour les valeurs de DL calculées avec la relation
de Wilke-Chang et pour ces mêmes valeurs affectées de facteurs ½ et 2.
DL DL/2 DL×2
L G L L
1
Solvant ERM
103× 103× 103× 103×
a a a a
DEHA 7,15 1,28 3,3% 5,05 10,1
PDMS 2,63 2,24 11,0% 1,86 3,72
Eau 28,9 1,97
1
L’écart relatif moyen (ERM) prend en compte les valeurs de kLa° expérimentales (Tableau 24) et recalculées à
l’aide de l’Eq. 74 et de L/a° et G/a° (compilées dans le Tableau 26).
78
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Tableau 26. Valeurs de kLa°, kGa°, KLa° (s-1) et RL (%) calculées à l’aide des Eq. 21, 72-74 pour chaque
couple COV/solvant. Pour les couples toluène/eau et DCM/eau, des valeurs de H issues de la
littérature de respectivement 510 et 197 Pa m3 mol-1 ont été considérées (Altschuh et al., 1999).
Solvant Eau DEHA PDMS
103KLa° 103kLa° kGa° RL 103KLa° 103kLa° kGa° RL 103KLa° 103kLa° kGa° RL
Toluène 1,10 1,10 1,56 99,7 0,56 2,18 2,40 25,6 0,67 5,07 1,37 13,1
DCM 1,30 1,31 1,83 99,2 1,76 2,60 2,82 67,8 4,27 6,05 1,61 70,6
Iso-
0,19 1,23 1,82 15,9 1,84 2,43 2,80 75,6 4,04 5,66 1,60 74,3
propanol
Acétone 0,72 1,25 1,85 58,1 2,12 2,48 2,84 85,7 4,95 5,76 1,62 86,0
𝜏 √ 𝜏𝐺
A l’aide des rapports √𝑎°𝐿 et 𝑎°
, pour chaque couple COV/solvant, des valeurs de kLa°, kGa°, KLa° et RL
issues du modèle (Tableau 26) ont été recalculées (Eq. 21 et Eqs. 72-74). Le bon accord entre les valeurs
de KLa° expérimentales et recalculées selon le modèle (de 0,5% à 20%) est à corréler à la dispersion
limitée des points expérimentaux par rapport à la linéarisation effectuée selon la théorie de Higbie.
Les valeurs de RL, variant de 13 à plus de 99%, confirment que, dans la majorité des cas, la résistance
au transfert s’exerce de façon significative dans les deux phases. Les valeurs de kGa°, comprises entre
1,37 et 2,84 s-1, dépendent de la nature du solvant à travers le terme a°, le terme kG ne devant
dépendre, en théorie, que de la diffusivité en phase gazeuse dans ces manipulations menées avec une
vitesse du gaz constante. Ainsi, il semblerait que le DEHA exhibe une aire interfaciale supérieure de
54% à celle de l’eau et supérieure de 75% à celle du PDMS. L’aire interfaciale serait ainsi fortement
corrélée à la viscosité et à la tension de surface du solvant dans le dispositif employé, analogue à une
colonne à bulles. Les valeurs de kLa°, comprises entre 1,10 (dans l’eau) et 6,05 m s-1, sont de façon
surprenante supérieures dans les deux solvants organiques visqueux, notamment le PDMS. Les
coefficients de transfert locaux dans la phase liquide (kL) seraient ainsi de quatre (cas du DEHA) à cinq
fois (cas de l’eau) plus grand dans le PDMS. Compte-tenu de la viscosité élevée de ce solvant,
susceptible de rallonger de façon importante le temps de renouvellement des éléments de liquide à
l’interface, cette observation met clairement en évidence que des phénomènes non hydrodynamiques
sont impliqués dans le phénomène de transfert. Par exemple, la présence de tensio-actifs permet
d’augmenter les valeurs de kL par des effets du type Marangoni à la surface de bulles (Vázquez et al.,
1996). En outre, la structure polymérique du PDMS est favorable à la diffusion des solutés de petite
taille comme les COV étudiés et compenserait partiellement l’effet de la viscosité sur le phénomène
de diffusion. Enfin, il convient de considérer ces résultats avec précaution étant donné que seuls deux
𝜏 √ 𝜏𝐺
points étaient exploitables pour l’eau pour la détermination des rapport rapports √𝑎°𝐿 et 𝑎°
. Quoi qu’il
en soit, ces résultats mettent ainsi en évidence le potentiel du DEHA et des huiles de silicone pour
79
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
l’absorption des COV hydrophobes dans des contacteurs gaz-liquide dans lesquels la phase gazeuse
est dispersée sous forme de bulles. La partie 3.4 permettra d’analyser le potentiel de ce type de solvant
visqueux dans des contacteurs où la phase liquide est dispersée sous forme de film comme les colonnes
à garnissage.
Dans cette étude, j’ai développé un dispositif dynamique de mesure de coefficients de partage et de
coefficients de transfert de masse. Ce dispositif a été appliqué à l’absorption de quatre COV plus ou
moins hydrophobes dans l’eau, le PDMS 50 et le DEHA. Les résultats mettent en évidence le potentiel
de ces deux solvants, notamment du DEHA, pour l’absorption des COV hydrophobes tels que le
toluène et le dichlorométhane, avec des constantes de Henry de 50 à 650 fois plus faibles que dans
l’eau. Les fortes viscosités de ces deux solvants ne semblent pas entraver l’absorption des COV dans
le cas de ce contacteur où le gaz est dispersé sous forme de bulles, des phénomènes non
hydrodynamiques devant être mis en jeu. En revanche, l’eau est le solvant à privilégier pour le
traitement des COV hydrophiles. Les huiles de silicone, non biodégradables et non toxiques, sont
donc des candidats potentiels pour des applications avec de la biomasse dans des TPPB. En outre,
par application de la théorie de Higbie, les coefficients volumiques de transfert locaux kLa° et kGa° et
la part de la résistance dans chacune des phases ont été évalués. Cette procédure, basée sur des
absorptions physiques mettant en jeu des solutés possédant des constantes de Henry et des
diffusivités différentes, se révèle ainsi très commode par comparaison avec les techniques
traditionnelles de quantification des coefficients volumiques qui nécessitent l’emploi de méthodes
d’absorption chimique (Lara Marquez et al., 1994; Roustan, 2003). Celle-ci pourrait être adaptée à
n’importe quel type de contacteurs gaz-liquide (Chapitre 3, partie 1). Dans la partie suivante de ce
chapitre 2 (partie 3.3), le potentiel de liquides ioniques pour l’absorption de COV sera investiguée.
80
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
3.3.1 Introduction
Les liquides ioniques sont des sels fondus formés par un cation organique de grande taille lié à un
contre-anion de différentes natures (bis(trifluoroethylsulfonyl)imide [NTf2], hexafluorophosphate
[PF6], nonafluorobutylsulfonate [NfO], etc.) possédant des points de fusion inférieurs à 100°C. Il existe,
a priori, une infinité de combinaison de liquides ioniques pouvant ainsi être adaptés à l’application
visée. Ces solvants sont notamment caractérisés par une tension de vapeur quasi nulle et une bonne
capacité de régénération (notamment par voies biologiques ou physiques, par exemple par distillation,
filtration membranaire, etc.) ce qui leur vaut parfois la dénomination, à tort ou à raison, de solvants
verts. Il serait ainsi possible de varier la nature de l’anion et du cation pour obtenir des liquides ioniques
possédant une bonne affinité pour les COV hydrophobes, tout en cherchant à minimiser la viscosité
pour favoriser les écoulements. Le potentiel des liquides ioniques pour l’absorption de divers solutés,
tels que le CO2, le SO2, des hydrofluorocarbures ou quelques COV, a ainsi été étudié dans la littérature
(Camper et al., 2006; Ferguson and Scovazzo, 2007; Morgan et al., 2005; Quijano et al., 2011; Shiflett
et al., 2006a, 2006b; Shiflett and Yokozeki, 2010, 2006, 2005; Yokozeki et al., 2008).
Dans cette étude prospective menée dans le cadre de la thèse de Santiago Rodriguez financée par
l’ANR, en collaboration avec Ludovic Paquin et Solène Guihéneuf de l’équipe ICMV de l’Institut des
Sciences Chimiques de Rennes, 24 liquides ioniques contenant les anions [NtF2], [PF6] ou [NfO] ont été
synthétisés dans l’objectif d’investiguer le potentiel de ces solvants pour (i) l’absorption de COV
hydrophobes et (ii) leur régénération par voie biologique dans un bioréacteur de partage à double
phases (two-phase partitioning bioreactor, TPPB). A la fois la nature du cation (parmi les cations
imidazolium, isoquinolinium, triazolium, morpholinium, sulfonium, pyrrolidinium) et de la chaine alkyl
du cation (longueur de chaine, présence de fonctions éther, C=C, etc.) ont été variées (Tableau 27). Les
tensions de surface, masses volumiques et viscosités de tous ces liquides ioniques ont été mesurées
81
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
entre 5 et 45°C (selon le paramètre étudié) (Rodriguez Castillo et al., 2018c) et leur toxicité et
biodégradabilité mises à l’essai (Rodriguez Castillo et al., 2016). Une étude pilote conduite avec
l’[OctIq][NTf2], un des liquides ioniques synthétisés les plus compatibles avec un procédé biologique,
a également été conduite dans un TPPB de 12 L permettant de confirmer la faisabilité d’une
biodégradation avec des boues activées en vue de la régénération du solvant (Nguyen et al., 2017). En
outre, en collaboration avec Azziz Ghoufi (Institut de Physique de Rennes), des simulations de
dynamique moléculaire des interactions du toluène à l’interface de l’[OctIq][NTf2] ont été menées
(Delaunay et al., 2015).
3-Butyl-1-methylimidazolium [Bmim][PF6]
hexafluorophosphate
1-Butyl-3-methylimidazolium [Bmim][NfO]
nonafluorobutylsulfonate
3-Propyl-1-methylimidazolium [nPrmim][NTf2]
bis(trifluoromethylsulfonyl)imide
3-Isopentyl-1-methylimidazolium [iPentmim][PF6]
hexafluorophosphate
3-Isopentyl-1-methylimidazolium [iPentmim][NTf2]
bis(trifluoromethylsulfonyl)imide
3-Butenyl-1-methylimidazolium [Butenylmim][PF6]
hexafluorophosphate
3-Butenyl-1-methylimidazolium [Butenylmim][NTf2]
bis(trifluoromethylsulfonyl)imide
3-Butenyl-1-methylimidazolium [Butenylmim][NfO]
nonafluorobutylsulfonate
3-(1-methoxyethyl)-1- [MeOEmim][NTf2]
methylimidazolium
bis(trifluoromethylsulfonyl)imide
3-(1-ethoxyethyl)-1- [EtOEmim][NTf2]
methylimidazolium
bis(trifluoromethylsulfonyl)imide
82
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
1-octylisoquinolinium [OctIq][NTf2]
bis(trifluoromethylsulfonyl)imide
1-(-1-methoxyethyl)-isoquinolinium [DecIq][NTf2]
bis(trifluoromethylsulfonyl)imide
1-(-1-methoxyethyl)-isoquinolinium [MeOEIq][NTf2] 4 3 2
5
bis(trifluoromethyl-sulfonyl)imide NTf2
1
6 N 10
O 11
7 8 9
3-(4-butyronitrile)-1- [CNC3mim][NTf2]
methylimidazolium
bis(trifluoromethylsulfonyl)imide
1-butyl-3-methyl-1H- [BMTriaz][NTf2]
[1,2,4]triazolium
bis(trifluoromethylsulfonyl)imide
1-butyl-3-(1,1,2-trifluoro-1- [CF3CF2BTriaz][NTf2]
butenyl)-1H-[1,2,4]triazolium
bis(trifluoromethylsulfonyl)imide
1-Butyl-1-methylpyrrolidinium [BMPyrr][NTf2]
bis(trifluoromethylsulfonyl)imide
Allyl-diethylsulfonium [AllylEt2S][NTf2]
bis(trifluoromethylsulfonyl)imide
4-Methoxyethyl-4- [MeOEMMorph][NTf2]
methylmorpholinium
bis(trifluoromethylsulfonyl)imide
4-Ethoxyethyl-4- [EtOEMMorph][NTf2]
methylmorpholinium
bis(trifluoromethylsulfonyl)imide
83
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Tableau 28. Synthèse des coefficients de partage du toluène et du dichlorométhane mesurés à 25°C
dans les 24 liquides ioniques synthétisés.
VOC Toluene Dichloromethane
H 104×H´1 R2
AR 2
H 104×H´ R2 AR
Pa m3 mol-1 % 3
Pa m mol-1
%
Eau 677 2,73×103 - 1 243 9,79x103 - 1
[Bmim][NTf2] 1,44 5,81 99,86 470 11,58 46,71 99,46 21,0
[Bmim][PF6] 2,42 9,76 99,79 280 10,46 42,26 99,74 23,2
[Bmim][NfO] 2,81 11,35 99,62 241 13,96 56,32 98,83 17,4
[nPrmim][NTf2] 0,73 2,95 99,58 927 12,46 50,26 99,97 19,5
[iPentmim][PF6] 2,56 10,31 99,77 264 10,70 43,15 99,70 22,7
[iPentmim][NTf2] 0,63 2,54 99,58 1075 11,15 44,99 99,74 21,8
[Butenylmim][PF6] 3,66 14,77 99,43 185 9,96 43,31 99,60 24,4
[Butenylmim][NTf2] 1,91 7,71 99,67 354 12,00 48,41 99,94 20,3
[Butenylmim][NfO] 3,13 12,62 99,96 216 5,23 21,09 99,95 46,5
[MeOEmim][NTf2] 1,92 7,75 99,89 353 15,52 62,59 99,67 15,7
[EtOEmim][NTf2] 1,66 6,70 99,20 408 12,28 49,54 99,86 19,8
[MeOEOEmim][NTf2] 2,02 8,16 99,58 335 12,97 52,34 99,78 18,7
[MeOEmim][NfO] 0,78 3,16 99,91 868 Non déterminé
[OctIq][NTf2] 0,50 2,01 99,93 1354 9,96 40,16 99,57 24,4
[DecIq][NTf2] 0,52 2,11 99,93 1302 5,09 20,52 99,84 47,7
[MeOEIq][NTf2] 1,37 5,54 98,21 494 12,45 50,23 99,55 19,5
[EtOEIq][NTf2] 0,53 2,12 99,74 1277 12,27 49,51 99,68 19,8
[CNC3mim][NTf2] 3,12 12,60 99,87 217 15,48 62,44 99,71 15,7
[BMTriaz][NTf2] 0,95 3,84 99,73 713 14,13 56,99 99,72 17,2
[CF3CF2BTriaz][NTf2] 0,57 2,31 99,09 1188 17,00 68,60 99,51 14,3
[BMPyrr][NTf2] 1,76 7,10 99,78 385 10,51 42,41 99,88 23,1
[AllylEt2S][NTf2] 0,88 3,56 99,73 769 12,18 49,14 99,93 20,0
[MeOEMMorph][NTf2] 0,75 3,01 99,48 903 9,35 37,72 99,30 26,0
[EtOEMMorph][NTf2] 0,81 3,25 99,14 836 16,92 68,25 99,40 14,4
Par la suite, les coefficients de partage de deux COV hydrophobes modèles, le toluène et le
dichlorométhane, ont été mesurés à 25°C par la méthode statique de l’espace de tête, consistant à
mesurer par chromatographie en phase gazeuse (équipée avec un détecteur FID) les concentrations
obtenues dans l’espace de tête dans un flacon hermétique et thermostaté en fonction de la
1
H’: constante de Henry sans dimension, exprimée en rapport de concentration, telle que H’=H/(RT).
2
AR correspond à l’affinity ratio défini comme le rapport de H dans l’eau sur H dans le liquide ionique.
84
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
concentration en phase liquide (Tableau 28). En raison de la difficulté de synthétiser des quantités
suffisantes de liquides ioniques à l’échelle du laboratoire, il ne fut pas possible d’employer la méthode
dynamique développée précédemment qui nécessite un volume de liquide de l’ordre de la centaine
de mL (Chapitre 2 partie 3.2). Les coefficients de partage, exprimés sous la forme de constante de
Henry H, étaient compris entre 0,5 et 4 Pa m3 mol-1 et étaient donc de 200 à 1400 plus faibles que dans
l’eau, et comparables à ceux mesurés pour des solvants visqueux comme le PDMS ou le DEHA. Les
constantes de Henry pour le dichlorométhane étaient comprises entre 5 et 17 Pa m3 mol-1, soit de 14
à 50 fois moins que dans l’eau, en raison d’une plus faible hydrophobicité de cette molécule. Trois
liquides ioniques combinaient ainsi à la fois une bonne affinité pour le toluène et le dichlorométhane
ainsi qu’un bon potentiel pour une régénération biologique (Nguyen et al., 2017; Rodriguez Castillo et
al., 2018b, 2016) : l’[OctIq][NTf2], le [Bmim][PF6] et l’[AllylEt2S][NTf2]. Ces trois liquides ioniques, ainsi
que [Bmim][NTf2] en tant que liquide ionique de référence régulièrement cité dans la littérature, ont
par conséquent été sélectionnés pour des mesures de coefficients de diffusion.
Tableau 29. Synthèse des propriétés physico-chimiques à 20°C des quatre liquides ioniques
sélectionnés.
Solvant ML (g mol-1) L (mPa s) L (kg m-3) L (mN m-1) Vm,L (cm3 mol-1)
[AllylEt2S][NTf2] 411,4 50,9 1440,5 32,2 287
[Bmim][NTf2] 419,4 58,8 1441,3 32,6 292
[Bmim][PF6] 284,2 230,1 1373,0 41,4 208
[OctIq][NTf2] 522,5 620,6 1332,7 31,1 392
Figure 27. Schéma de principe de la balance thermogravimétrique Hiden Isochema IGA 003 (Hiden
Isochema, 2019).
85
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Les principales propriétés physico-chimiques des quatre liquides ioniques choisis pour la mesure des
coefficients de diffusion sont synthétisées dans le Tableau 29. Une microbalance thermogravimétrique
(Hiden Isochema IGA 003, Japon) a été employée dans cette étude (Figure 27). Cette machine permet
le suivi de cinétiques d’absorption dans des liquides à conditions que ceux-ci soient non volatils afin
d’éviter leur volatilisation, ce qui est le cas des liquides ioniques. L’appareil mesure très finement
l’augmentation de masse d’un échantillon au cours du temps, relative à l’absorption d’un composé
dont la pression partielle est parfaitement définie (travail en atmosphère pur), tout en contrôlant la
température de l’échantillon. Ces mesures cinétiques permettent la détermination conjointe de
coefficients de diffusion et de coefficients de partage. L’appareil peut être employé en mode statique
ou dynamique (sous flux de vapeur pour alimenter un spectromètre de masse couplé en aval),
toutefois la configuration statique est préférable dans l’optique de mesures de coefficients de diffusion
pour éviter des perturbations du signal liées à la convection (Shiflett and Yokozeki, 2005). En outre,
des corrections de flottabilité doivent être rigoureusement intégrées pour corriger les changements
de masses volumiques de la vapeur liées aux variations de température et pression opérées (Shiflett
and Yokozeki, 2005).
Experimental points
Model
t (min)
Figure 28. Exemple d’une cinétique d’absorption mesurée par la méthode thermogravimétrique
(toluène dans [OctIq][NTf2] à 350 Pa et 298 K). Les courbes avec des lignes discontinues
correspondent à des simulations pour lesquelles le coefficient de diffusion est sur ou sous-estimé de
20%.
86
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Ainsi, environ 70 mg de liquides ioniques étaient introduits dans une nacelle en acier 316. L’échantillon
était ensuite dégazé et desséché sous vide poussé à l’aide d’une turbopompe (10-7 mbar). La
température de travail était ensuite mise en place et l’atmosphère de vapeur de COV pur
(dichlorométhane ou toluène) était ensuite introduite à 50 Pa. Une fois l’équilibre atteint, des isobares
à 200, 350, 500, 650, 800 et 950 Pa étaient successivement mises en place. Pour chaque isobare, de
30 à 35 h étaient nécessaires pour atteindre l’équilibre, déterminé quand la variation de masse
devenait négligeable. L’évolution de la concentration du COV dans la phase liquide était alors déduite
de l’augmentation de masse correspondant à l’absorption du COV dans l’échantillon (Figure 28).
Pour chaque cinétique d’absorption réalisée, le coefficient de diffusion DL était déterminé par
résolution numérique en minimisant la somme des moindres carrés entre la concentration en phase
liquide CL mesurée et celle calculée par l’équation suivante :
𝐶𝐿,0 exp(−𝜆𝑛 2 𝐷𝐿 𝑡) 1
𝐶𝐿 = 𝐶𝐿,0 [1 − 2 (1 − ) ∑∞
𝑛=0 ] avec 𝜆𝑛 = (𝑛 + 2) 𝜋/𝐿 Eq. 75
𝐶𝐿,𝑠 𝑍 2 𝜆𝑛 2
n = 15 itérations étaient nécessaires pour chaque point calculé pour obtenir la convergence ;
Z correspond à la hauteur de la couche de liquide déduite de la masse de liquide ionique introduite,
de la masse volumique du liquide ionique et du diamètre de la nacelle ;
CL,0 et CL,eq correspondent à la concentration du COV respectivement à t0 et à l’équilibre ;
CL correspond à une concentration spatiale moyenne du COV dans le liquide ionique à tout instant
t.
L’Eq. 75, établie par Shiflett et Yokozeki, prend en compte un modèle de diffusion unidimensionnel
(selon la hauteur) isotherme et isobare (Shiflett and Yokozeki, 2005; Yokozeki, 2002). Le choix de
pressions partielles comprises entre 200 et 950 Pa était guidé par la volonté de limiter la fraction
molaire du soluté dans le solvant à moins de 10%, pour mimer un comportement à dilution infinie
(Roustan, 2003). Pour un couple solvant/soluté donné à une température fixée, la pression ne
possédait ainsi aucune influence significative sur les diffusivités mesurées, validant cette hypothèse.
Les cinétiques mesurées présentaient une sensibilité assez faible à la valeur du coefficient de diffusion
DL, comme l’illustrent les deux courbes discontinues tracées sur la Figure 28, obtenues à partir de l’Eq.
75 en considérant une valeur de DL sur ou sous-estimée de 20%. Cette faible sensibilité justifie une
dispersion relativement élevée des diffusivités autour de la moyenne. Les coefficients de diffusion du
toluène ont été mesurés dans les quatre liquides ioniques sélectionnés à 298 K (Tableau 30). L’écart
type relatif (RSD) des coefficients mesurés était ainsi compris entre 4 et 17% (Tableau 30). Le facteur
cinq calculé entre le plus faible des coefficients (obtenu dans l’[OctIq][NTf2]) et le plus élevé des
coefficients (obtenu dans l’[AllylEt2S][NTf2]) met en évidence la forte influence des propriétés des
87
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
liquides ioniques sur la diffusivité, notamment de la viscosité, l’[AllylEt2S][NTf2] étant 12 fois moins
visqueux que l’[OctIq][NTf2] à 25°C. En outre, le dichlorométhane, en raison d’un volume molaire
quasiment deux fois plus faibles que celui du toluène, facilitant ainsi sa diffusion, exhibe un coefficient
de diffusion 2,5 fois plus élevé que le toluène dans l’[OctIq][NTf2] à 298 K. Selon diverses corrélations
de la littérature, comme celles de Wilke-Chang, Scheibel ou Tyn-Calus, la diffusivité est inversement
proportionnelle à la viscosité (Hadjoudj et al., 2008; Morgan et al., 2005; Mostinsky, 2011). Or, des
coefficients de diffusion « seulement » de 18 à 90 fois plus faibles que dans l’eau ont été mesurés
malgré des viscosités de 50 à 600 fois supérieures. Ainsi, la viscosité élevée des liquides ioniques est
partiellement compensée par leur forts volumes molaires (10 à 20 fois plus grands que dans l’eau).
L’erreur relative moyenne entre les coefficients mesurés et ceux calculés avec les relations de la
littérature variaient entre 21 et 65% pour le toluène (erreur relative parfois positive, parfois négative)
et entre 61 et 91% pour le DCM (erreur relative toujours négative). Les relations de la littérature,
souvent développées pour des systèmes à faible viscosité, proche de celle de l’eau, corrèlent donc
avec une faible justesse les diffusivités aux différentes variables (L la viscosité du solvant, T la
température, Vm,L le volume molaire du solvant et Vm,COV le volume molaire du COV). Ainsi, une loi
puissance analogue à l’équation de Siddiqui-Lucas a été établie sur la base des résultats du Tableau 30:
Tableau 30. Synthèse des coefficients de diffusion mesurés pour le toluène et le dichlorométhane
(DCM) dans différents liquides ioniques.
Expérimental Modèle (Eq. 76)
11
COV LI T 10 ×DL RSD (%) 1011×DL ER (%)
(K) (m2 s-1) (m2 s-1)
Toluène1 [OctIq][NTf2] 298,15 0,98 ± 0,17 17 0,965 -1,54
[Bmim][NTf2] 298,15 3,42 ± 0,48 14 4,01 +17,2
[Bmim][PF6] 298,15 1,33 ± 0,26 27 1,32 -0,79
[AllylEt2S][NTf2] 298,15 4,86 ± 0,92 19 4,34 -10,7
2
DCM [OctIq][NTf2] 278,15 0,88 ± 0,06 7 0,876 -0,42
288,15 1,53 ± 0,15 10 1,51 -1,46
298,15 2,53 ± 0,28 11 2,51 -0,93
308,15 4,06 ± 0,17 4 4,04 +0,50
1
Dtoluene = 89,0×10-11 m2 s-1 dans l’eau à 298K (Biard et al., 2016a).
2
DDCM = 127×10-11 m2 s-1 dans l’eau à 298K (Biard et al., 2016a).
88
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Une erreur relative moyenne entre les diffusivités expérimentales et celles issues du modèle de
seulement 4,2 % a été obtenue avec cette corrélation. De plus, des valeurs du coefficient de diffusion
du CO2 dans le [Bmim][PF6] proches de celles mesurées par Shifflet et Yokozeki (2005) ont été calculées
(de 8 à 30% d’erreur relative selon la température). L’Eq. 76 indique une plus forte sensibilité de la
diffusivité des liquides ioniques à la température (exposant de 1,63) que les corrélations classiques
(exposant de 1,0), en accord avec les observations expérimentales de Hou et Baltus (2007) et de
Morgan et al. (2005). En revanche, la corrélation corrobore une plus faible sensibilité à la viscosité avec
un exposant de 0,702, proche de ceux déterminés par Scovazzo et ses collaborateurs (Condemarin and
Scovazzo, 2009; Ferguson and Scovazzo, 2007; Morgan et al., 2005), compris entre 0,34-0,47 pour des
liquides ioniques contenant des cations phosphoniums à 0,66 pour des liquides ioniques contenant
des cations imidazolium. Ces observations confirment ainsi l’intérêt des liquides ioniques contenant
des cations de grande taille afin de maximiser le volume molaire et donc la diffusion des solutés. Le
mélange de liquides ioniques est également une option envisageable pour moyenner les propriétés
des différents liquides ioniques. A titre d’exemple, un mélange [AllylEt2S][NTf2]/[OctIq][NTf2], avec une
fraction molaire d’[OctIq][NTf2] de 34%, présenterait une viscosité de 88 mPa s, environ 5 fois plus
faible que celle de l’[OctIq][NTf2] pur, et une constante de Henry de 0,70 mPa s, 20% plus faible que
celle de l’[AllylEt2S][NTf2] pur.
89
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Dans cette étude prospective, 24 liquides ioniques possédant des structures cationiques et
anioniques différentes ont été synthétisés et caractérisés (tension de surface, viscosité, masse
volumique, mesure des coefficients de partage pour le toluène et le dichlorométhane). Ce panel
élargie de liquides ioniques confirme ainsi la bonne affinité des liquides ioniques pour les COV
hydrophobes et donc leur potentiel pour l’absorption de tels composés. La masse volumique et la
tension de surface des liquides ioniques sont respectivement de 30 à 50% plus élevée et de 2 à 3,5
fois plus faible que celle de l’eau. En revanche, l’étude confirme la viscosité importante de ces
composés, pouvant varier sur deux ordres de grandeur (du cPa s au dPa s). Des viscosités de 50 à
plus de 600 fois celle de l’eau ont ainsi été mesurées. Les coefficients de diffusion du toluène dans
quatre liquides ioniques de choix ([AllylEt2S][NTf2], [Bmim][NTf2], [Bmim][PF6] et [OctIq][NTf2]) et du
dichlorométhane dans l’[OctIq][NTf2] ont été mesurés par la méthode thermogravimétrique
statique. Les mesures confirment la faible précision des corrélations de la littérature pour
l’estimation des coefficients de diffusion dans les liquides ioniques. Une corrélation empirique basée
sur une loi puissance a été développée et démontre la forte sensibilité de la diffusivité à la
température mais une sensibilité atténuée à la viscosité pour les liquides ioniques. En outre, le
volume molaire élevé des liquides ioniques (de 200 à 400 cm3 mol-1 pour les liquides ioniques
synthétisés) permet de compenser partiellement leur plus forte viscosité du point de vue de la
diffusivité. Des coefficients de diffusion de 18 à 90 fois plus faibles que dans l’eau ont ainsi été
mesurés.
Cette étude confirme le potentiel des liquides ioniques pour l’absorption des COV et pourvoit des
pistes pour la production de liquides ioniques spécifiquement conçus pour cette application. La
partie 3.4 à suivre aura pour vocation de vérifier par simulation l’applicabilité de tels solvants dans
des colonnes garnies, couramment employées dans les procédés de lavage, tant du point de vue de
l’hydrodynamique que du transfert de masse. Une comparaison avec l’eau et d’autres solvants
visqueux comme les huiles de silicone ou le DEHA sera effectuée.
90
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
3.4 Simulation du lavage physique de COV neutres dans des solvants organiques en
colonne garnie
3.4.1 Introduction
Cette étude visait à évaluer le potentiel de solvants lourds (DEHA et PDMS 50) ainsi que deux liquides
ioniques relativement peu visqueux ([Bmim][PF6]et [AllylEt2S][NTf2]) pour le traitement de COV plus
ou moins hydrophobes en colonne garnie. Pour cela, à la fois l’hydrodynamique et le transfert de
matière ont été modélisés à l’aide de corrélations semi-empiriques de la littérature, permettant
ensuite la détermination des pertes de charge et de l’abattement selon la stratégie détaillée dans la
Figure 29. Des conditions opératoires réalistes, notamment une colonne de 1 m de diamètre et de 3 m
de haut, garnie d’anneaux Pall en métal de 3,5 cm, ont été définies (Tableau 31). Le traitement de 4000
Nm3 h-1 de gaz dans une telle colonne a été considéré, conduisant à une vitesse superficielle de 1,52
m s-1, située dans la zone de charge quel que soit le solvant envisagé pour des L/G réalistes (variables
selon la masse volumique des solvants), compris entre 2 et 3.
1.0 m Solvants:
Propriétés du Conditions Air traité
•Eau
solvant ( L, L, L) opératoires •DEHA
•PDMS 50
Simulation •[Bmim][NTf2]
Coefficient de •[AllylEt2S][NTf2]
Vitesse de
partage H Hydrodynamique
transfert (KLa°) 3.0 m
Coefficient de
diffusion DL
Perte de Abattement
Anneaux Pall
charge P/Z EG
en métal
Evaluation de solvants pour Solvant
l’absorption de COV Air vicié (COV)
chargé
Figure 29. Stratégie d’évaluation des solvants organiques pour l’absorption de COV en colonne
garnie.
Tableau 31. Synthèse des conditions opératoires retenues pour les simulations d’hydrodynamique
et de transfert de matière.
Dcol Z P T FG FL L/G USG USL
(m) (m) (bar) (K) (Nm3 h-1) (m3 h-1) (m s-1) (mm s-1)
1,0 3,0 1 293 4000 11,0 2-3 1,52 3,89
91
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
La première étape a consisté à étudier l’hydrodynamique dans la colonne de façon à déterminer les
points de charge et d’engorgement de la colonne, puis à vérifier par conséquent que la vitesse
superficielle du gaz choisie se situait bien dans la zone de charge (Figure 30). Les corrélations
développées par Billet-Schultes dans les années 1990 ont été considérées pour la détermination des
points de charge et d’engorgement (Billet and Schultes, 1993a, 1995). Ces corrélations semi-
empiriques ont été bâties pour des solvants possédant des viscosité dynamiques d’une centaine de
m2 s-1, couvrant ainsi le DEHA et le PDMS. Elles ont été retranscrites en détail dans (Biard et al., 2018a)
et ne sont pas réécrites dans ce rapport par souci de concision. De manière générale, les corrélations
de Billet-Schultes (1999) font appel à six coefficients d’ajustement spécifiques à chaque garnissage et
déterminés par les auteurs pour un panel relativement étendu de garnissages commerciaux en vrac et
structurés, dont les anneaux Pall en métal. Les corrélations développées par une approche type réseau
de neurones par Piché et al. (2001a, 2001b) ont également été considérées mais ne permettaient pas
une estimation fiable des vitesses de charge et d’engorgement ; puisque des vitesses de charge très
élevées, de l’ordre de 2,7 m s-1, en désaccord avec les observations expérimentales de Heymes et al.
(2006) et Guillerm et al. (2016) sur respectivement le DEHA et une huile de silicone, ont été calculées.
Une fois la vitesse de travail validée et les vitesses de charge et d’engorgement connues, il est alors
possible à l’aide des corrélations de Billet-Schultes (1999, 1995, 1991) de déterminer la rétention
liquide, puis dans un second temps la perte de charge linéique et l’aire interfaciale.
Figure 30. Evaluation des paramètres de l’hydrodynamique dans la colonne garnie à l’aide de
corrélations de Billet-Schultes.
92
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Les vitesses de charge (de 1,15 à 1,41 m s-1) et d’engorgement (de 2,03 à 2,45 m s-1) calculées se
révèlent légèrement inférieures dans les solvants organiques, notamment dans le DEHA et le PDMS,
tandis que les masses volumiques supérieures des deux liquides ioniques permettent de compenser
leur viscosité importante (Tableau 32). De fait, quel que soit le solvant considéré, la vitesse superficielle
choisie de 1,52 m s-1 se situait bien dans la zone de charge. La viscosité élevée des solvants lourds
permet en contrepartie de favoriser la rétention liquide (de deux à trois fois plus grandes que dans
l’eau) et donc l’aire interfaciale.
Les pertes de charge estimées d’après la corrélation de Billet-Schultes seraient de 25 (DEHA) à 40%
(PDMS et liquides ioniques) supérieures à celle de l’eau. Ces résultats semblent confirmer que les
pertes de charge obtenues avec des solvants visqueux resteraient compétitives, au vue du gain attendu
en terme d’abattement. Toutefois, ces estimations doivent être considérées avec recul, les incertitudes
pesant sur les calculs de perte de charge étant importantes.
Quatre corrélations ont été considérées pour le calcul de l’aire interfaciale (Tableau 32). La corrélation
de Piché et al. (2002) possède une faible sensibilité aux propriétés physico-chimiques des solvants
étant donné que des aires interfaciales comprises dans une fenêtre trop étroite pour être crédible ont
été calculées (60-70 m2 m-3). Ainsi, de faibles aires interfaciales pour les quatre solvants organiques,
peu réalistes compte-tenu des rétentions liquides estimées à plus de 10%, ont été calculées. En
revanche, la corrélation historique d’Onda et al. (1967) procure des résultats crédibles malgré qu’elle
ait été développée pour des solutions aqueuses. La corrélation de Billet-Schultes (1999) a été établie
pour des solvants possédant des viscosités dynamiques faibles, comprises entre 0,14×10-6 et 1,66×10-
6
m2 s-1 en ce qui concerne le calcul de l’aire interfaciale, et conduit à des résultats peu réalistes pour
les solvants organiques, puisque des valeurs de 1,5 à 2,5 fois supérieures à la surface spécifique du
garnissage (139 m2 m-3) ont été calculées. Néanmoins, les corrélations de Piché et al., Onda et Billet-
93
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Schultes confirment que l’aire interfaciale pour l’eau devrait se situer autour de 70-80 m2 m-3. Plus
récemment, Song et al. (2018) ont développé une corrélation pour des solvants visqueux jusqu’à 70
mPa s, couvrant ainsi les solvants étudiés (Tableau 23 et Tableau 29). Selon leurs observations
expérimentales, l’aire interfaciale ne dépendrait pas directement de la viscosité au contraire de la
rétention liquide, et pourrait légèrement excéder la surface spécifique du garnissage du fait
d’écoulement du liquide sous forme de ruisseaux, gouttes et vagues et de la présence de zones
stagnantes. Des aires interfaciales crédibles, 30 à 40 % supérieures à la surface spécifique du garnissage
sont ainsi estimées pour les quatre solvants organiques. En revanche, la valeur élevée calculée pour
l’eau ne semble pas réaliste au vue des valeurs prédites par les autres théories et de la faible viscosité
de ce solvant, favorable à un écoulement traditionnel sous la forme d’un film quasi uniforme à la
surface du garnissage. Compte-tenu du fait que cette corrélation a principalement été développée sur
la base de résultats expérimentaux portant sur des solvants visqueux, cette écart observée pour l’eau,
peu réaliste, n’est pas illogique. La corrélation de Song et al. (2018) ne semble donc appropriée qu’aux
solvants visqueux.
Il convient de noter que la mesure d’aires interfaciales dans des colonnes garnies demeure une tâche
ardue faisant appel le plus souvent à des techniques basées sur des absorptions chimiques et
présentant de nombreuses sources incertitudes (effets de paroi, hétérogénéité de l’écoulement,
contraintes à respecter pour atteindre certains régimes d’absorption bien particulier, incertitudes de
mesure, etc.). En outre, il est souvent compliqué de déconvolutionner l’aire interfaciale des
coefficients de transfert de film kL et kG. Ainsi, de telles déviations entre les prédictions de différentes
corrélations ne sont pas aberrantes et induisent une influence limitée sur le dimensionnement des
colonnes.
Enfin, ces simulations semblent confirmer que l’utilisation de solvants visqueux dans des colonnes
garnies ne semble pas entraver l’hydrodynamique de façon significative. De tels solvants conduisent à
des zones de charges plus étroites, obtenues pour des vitesses superficielles inférieures à celles
obtenues avec des solvants tels que l’eau, mais permettent avantageusement de maximiser la
rétention liquide et l’aire interfaciale. Cependant, leur forte viscosité est à même de réduire
significativement la vitesse de transfert, à la fois indirectement en entravant la diffusion des solutés,
et à la fois directement en réduisant le degré de turbulence du liquide (plus forte épaisseur de film
selon la théorie du double-film ou plus fort temps de renouvellement selon la théorie de Higbie). Cet
aspect sera évalué dans la partie 3.4.3 à suivre.
94
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
A partir des propriétés du garnissage et du solvant, des vitesses superficielles des fluides et des
coefficients de diffusion en phase liquide et gazeuse (DL et DG), kL et kG ont pu être calculés. Deux
corrélations semi-empiriques ont été considérées pour chacun de ses paramètres :
Les corrélations de Billet-Schultes (BS, Méthode 1). Celles-ci, comme pour les corrélations relatives
à l’hydrodynamique de ces mêmes auteurs, font appel à des constantes spécifiques de chaque
garnissage (Billet and Schultes, 1999, 1993b). Elles ont été développées pour des viscosités
dynamiques inférieures à 1,66×10-6 m2 s-1, ce qui n’inclue aucun des solvants organiques considérés.
Cependant, les corrélations ne dépendent pas directement de la viscosité, mais dépendent des
coefficients de diffusion relatifs à la phase prise en compte. Les coefficients de diffusion en phase
liquide étudiés par Billet-Schultes était compris dans la gamme entre 2,9 et 65×10-10 m2 s-1, proche
d’inclure les valeurs de DL dans le DEHA et le PDMS (entre 1,4 et 2,71×10-10 m2 s-1), et environ 8 fois
plus grande que les valeurs de DL dans les deux liquides ioniques.
Les corrélations de Song-Seibert-Rochelle (SSR, Méthode 2), développées pour des solvants
possédant des viscosités jusqu’à 70 mPa s (Song et al., 2018), incluant ainsi tous les solvants
considérés.
Entrées du modèle
BS pour l’eau
SSR pour solvants visqueux Billet-Schultes (BS) Song-Seibert-Rochelle (SSR)
a° kL kG kL kG
Entrées du modèle
Estimation de l’abbatement
selon SSR et BS
Figure 31. Evaluation des coefficients de transfert de matière et des abattements dans la colonne
garnie à l’aide des corrélations de Billet-Schultes et Song-Seibert-Rochelle.
95
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
A l’aide de l’Eq. 2 et de l’Eq. 21, le coefficient global de transfert KLa° et le pourcentage de résistance
au transfert en phase liquide RL ont alors été calculés (Figure 31). Compte tenu des observations de la
partie précédente (3.4.2), la valeur de a° pour l’eau a été estimée selon la corrélation BS, tandis que
pour les solvants organiques, la corrélation SSR a été employée. Les valeurs de KLa° et RL calculées
selon les deux méthodes sont rassemblées du Tableau 33 au Tableau 36. Pour les deux liquides
ioniques, en l’absence de coefficients de partage connus avec l’isopropanol et l’acétone, les calculs
n’ont pu être effectués que pour le toluène et le DCM. De nombreux enseignements peuvent être tirés
de ces calculs :
Les coefficients de transfert locaux kG, de l’ordre de 10-2 m s-1, en accord avec l’ordre de grandeur
attendu dans une colonne garnie, sont peu dépendants de la corrélation utilisée. La corrélation BS
procure ainsi des valeurs environ 1,5 fois supérieures à celle de SSR. Ces coefficients dépendent
logiquement peu de la nature du solvant.
Les coefficients de transfert locaux kL varient au contraire sur deux ordres de grandeur, de 10-5 à
10-4 m s-1 pour la méthode 1, et de 10-6 à 10-5 m s-1 pour la méthode 2. Ce coefficient dépend
directement de la viscosité du solvant mais aussi indirectement, à travers le coefficient de diffusion
DL. Des coefficients de 3 (cas de l’eau) à 10 fois plus élevés (cas des solvants organiques) sont
calculés à l’aide de la corrélation de BS par rapport à la corrélation de SSR.
Une telle différence entre les deux théories conduit à des KLa ° environ quatre fois plus grands avec
la méthode 1 (Figure 32), un facteur dix pouvant même être observé dans certains cas.
Les KLa °sont de l’ordre de 10-4-10-3 s-1, en accord avec les mesures de Heymes et al. (2006) et
Guillerm et al. (2016). De façon générale, KLa ° et RL augmentent avec H, en accord avec les Eq. 2 et
21.
Quel que soit le couple soluté/solvant considéré, la résistance au transfert côté liquide est
significative, ce qui justifie la différence importante des KLa ° entre les deux méthodes, les kL étant
eux même très différents.
Dans un certain nombre de cas, la totalité de la résistance au transfert est localisée dans la phase
liquide (RL → 1). Ce cas correspond à des couples avec de faibles affinités, pour lesquels les
abattements ne seront pas significatifs et dénués d’intérêt pratique.
Pour les couples avec de bonnes affinités, la résistance au transfert côté gazeux est significative. Il
n’est donc pas raisonnable de la négliger en raison de la forte viscosité des solvants comme cela est
parfois fait dans la littérature (Heymes et al., 2006).
Les valeurs de KLa° déterminées par Guillerm et al. (2016) sur une colonne de laboratoire équipée d’un
garnissage en vrac (IMTP) ou d’un garnissage structuré (Flexipac) ont été comparées à celles estimées
96
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
d’après la méthode 2 (corrélation SSR). Les valeurs calculées sont ainsi relativement proches de celle
mesurées par les auteurs (Figure 33). Ces résultats confortent la validité de la méthode 2, développée
à l’aide de solvant visqueux, proches de ceux considérés dans cette étude.
Tableau 33. Détermination des coefficients de transfert de film locaux et globaux et de RL pour
l’eau. Méthode 1 : Utilisation des corrélations de BS uniquement. Méthode 2 : utilisation des
corrélations de SSR pour kL et kG et BS pour a°.
Méthode 1 Méthode 2
10 ×kL 102×kG 103×KLa°
4
RL 10 ×kL 102×kG 103×KLa°
5
RL
(m s-1) (m s-1) (m s-1) (%) (m s-1) (m s-1) (m s-1) (%)
Toluène 0,967 3,31 6,70 98,6 2,92 2,26 2,05 99,4
DCM 1,15 4,1 7,84 97,0 3,48 2,64 2,42 98,6
Iso-propanol 1,08 4,07 3,47 4,6 3,26 2,63 0,214 9,3
Acétone 1,09 4,15 2,01 26,3 3,32 2,67 1,00 42,9
Tableau 34. Détermination des coefficients de transfert de film locaux et globaux et de RL pour le
DEHA. Méthode 1 : utilisation des corrélations de BS pour kL et kG et de SSR pour a°. Méthode 2 :
utilisation des corrélations de SSR uniquement.
Méthode 1 Méthode 2
10 ×kL 102×kG 103×KLa°
5
RL 10 ×kL 102×kG 103×KLa°
5
RL
(m s-1) (m s-1) (m s-1) (%) (m s-1) (m s-1) (m s-1) (%)
Toluène 3,12 3,42 1,43 25,5 0,514 2,26 0,536 57,8
DCM 3,73 4,23 4,63 68,8 0,613 2,64 0,988 89,3
Iso-propanol 3,49 4,2 4,81 76,4 0,573 2,63 0,956 92,5
Acétone 3,55 4,29 5,53 86,3 0,583 2,67 1,01 96,0
Tableau 35. Détermination des coefficients de transfert de film locaux et globaux et de RL pour le
PDMS. Méthode 1 : utilisation des corrélations de BS pour kL et kG et de SSR pour a°. Méthode 2 :
utilisation des corrélations de SSR uniquement.
Méthode 1 Méthode 2
105×kL 102×kG 103×KLa° RL 105×kL 102×kG 103×KLa° RL
(m s-1) (m s-1) (m s-1) (%) (m s-1) (m s-1) (m s-1) (%)
Toluène 2,15 3,53 1,97 47,8 0,257 2,26 0,409 83,1
DCM 2,57 4,38 4,63 93,9 0,307 2,64 0,581 98,7
Iso-propanol 2,4 4,35 4,33 94,1 0,287 2,63 0,543 98,8
Acétone 2,44 4,44 4,56 97,5 0,292 2,67 0,557 99,5
97
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Tableau 36. Détermination des coefficients de transfert de film locaux et globaux et de RL pour les
deux liquides ioniques. Méthode 1 : utilisation des corrélations de BS pour kL et kG et de SSR pour
a°. Méthode 2 : utilisation des corrélations de SSR uniquement.
Méthode 1 Méthode 2
105×kL 102×kG 103×KLa° RL 105×kL 102×kG 103×KLa° RL
(m s-1) (m s-1) (m s-1) (%) (m s-1) (m s-1) (m s-1) (%)
Toluène dans 1,17 3,45 1,15 51,6 0,154 2,26 0,247 84,1
l’[AllylEt2S][NTf2]
DCM dans l’[AllylEt2S][NTf2] 1,89 4,25 3,31 91,8 0,249 2,64 0,467 98,1
Toluène dans le [Bmim][NTf2] 1,09 3,46 1,36 65,2 0,139 2,26 0,240 90,6
DCM dans le [Bmim][NTf2] 1,76 4,27 3,09 92,0 0,224 2,64 0,420 98,2
Figure 32. Comparaison des KLa° calculés selon les deux méthodes.
Connaissant les dimensions de la colonne (Z et Dc), les débits de fluide (FG et FL) et le coefficient de
partage H, le facteur d’absorption A (Eq. 18) et la hauteur d’une unité de transfert globale en phase
liquide (HUTOL) ont été évalués, de façon à ensuite calculer l’abattement obtenu (Figure 31) en
considérant un écoulement piston des deux phases (Roustan, 2003):
𝐴(1−𝑒𝑥𝑝((1−𝐴)𝑁𝑇𝑈𝑂𝐿 )) 𝑍 𝐹𝐿
𝐸𝐺 = avec 𝑁𝑈𝑇𝑂𝐿 = et 𝐻𝑈𝑇𝑂𝐿 = Eq. 77
𝐴−𝑒𝑥𝑝((1−𝐴)𝑁𝑇𝑈𝑂𝐿 ) 𝐻𝑇𝑈𝑂𝐿 𝑆𝑐 ×𝐾𝐿 𝑎 °
98
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
6,0E-03
y = 1.2×x y=x
5,0E-03 IMTP Flexipac
3,0E-03
2,0E-03
1,0E-03
0,0E+00
0,0E+00 2,0E-03 4,0E-03 6,0E-03
KLa° experimental (s-1)
Figure 33. Comparaison des KLa° déterminés expérimentalement par (Guillerm et al., 2016) et ceux
calculés à l’aide de la méthode 2 (corrélations SSR).
Seuls les abattements calculés selon la méthode 2, a priori plus réalises, sont représentés sur la Figure
34. Ces résultats mettent clairement en évidence la plus forte sensibilité de l’abattement au coefficient
de partage qu’à la viscosité. Ainsi, l’augmentation de l’affinité pour les COV hydrophobes (toluène et
dichlorométhane) en utilisant des solvants organiques se traduit par de meilleurs abattements même
avec des viscosités importantes. En revanche, les résultats soulignent le caractère non universel de ces
solvants, même si les coefficients de partage pour les solvants organiques sont compris dans une
gamme plus resserrée que pour l’eau. Malgré des affinités correctes pour le COV hydrophile
(isopropanol) et le COV peu hydrophobe (acétone), les abattements obtenus dans les solvants
organiques apparaissent nettement moins bons que ceux mesurés dans l’eau. En outre, les
abattements du DCM demeurent décevants malgré une hauteur de contact importante de 3 m (au
mieux environ 50% dans le DEHA). Ainsi, l’utilisation de solvants lourds pour traiter des cocktails de
COV pourrait se révéler insuffisante, justifiant l’emploi d’une étape de lavage à l’eau couplée à une
étape de lavage avec un solvant lourd. Le DEHA, en raison d’une meilleure affinité pour les COV, et
dans une moindre mesure d’une plus faible viscosité, conduit à des abattements significativement
supérieurs à ceux des trois autres solvants organiques. Néanmoins, ce solvant ne peut être régénéré
par voie biologique, ce qui nécessiterait l’emploi de séparations physiques énergivores pour le recycler
(pervaporation, séparation membranaire, distillation, etc.).
Une analyse de sensibilité a finalement été conduite pour évaluer l’influence sur l’abattement des
incertitudes pesant sur kL (et donc indirectement l’incertitude pesant sur DL), kG, a°, KLa° et H. Le
99
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
principal facteur d’incertitude demeure la valeur de la constante de Henry, en général déterminée avec
une relativement bonne précision, confortant le bien-fondé de ces simulations. En outre, dans le cas
de constantes de Henry faibles, donc pour de bonnes affinités correspondant à des cas pour lesquels
il existerait un intérêt industriel à ces simulations et qui nécessiteraient un besoin de précision, les
différents index d’élasticité calculés dans une analyse de sensibilité sont de l’ordre du dixième. Ainsi,
une erreur de 100% sur un de ces paramètres ne conduirait qu’à une erreur de calcul de l’abattement
de 10%.
100% water
90% DEHA
80% PDMS
70% [AllylEt2S][NTf2]
60% [bmim][NTf2]
EG(%)
50%
40%
30%
20%
10%
0%
Figure 34. Abattements estimés pour les quatre COV considérés dans l’eau, le DEHA, le PDMS,
l’[AllylEt2S][NTf2] et le [Bmim][NTf2] en utilisant la méthode 2 (corrélations SSR).
Sur cet axe de recherche, j’ai développé un simulateur permettant de prédire les paramètres relatifs
à l’hydrodynamique et au transfert de masse dans des colonnes garnies fonctionnant à contre-
courant. La simulation d’une colonne garnie alimentée par divers solvants a permis de démontrer la
faisabilité du lavage de COV hydrophobes dans des solvants organiques visqueux, tels que des huiles
de silicone, du DEHA ou des liquides ioniques. Toutefois, le traitement de COV hydrophiles par de
tels solvants conduirait à des performances décevantes, démontrant la nécessité de combiner deux
tours en série, alimentées par de l’eau et par un solvant organique pour traiter des effluents
contenant des cocktails de COV. En raison d’une meilleure affinité pour les COV et d’une plus faible
viscosité, le DEHA demeure le solvant le plus performant, mais reste moins efficace que l’eau pour
l’absorption des COV hydrophiles.
100
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
3.5 Conclusions
Cet axe de recherche portait sur l’évaluation de solvants organiques et hydrophobes pour l’absorption
de COV possédant une faible affinité pour l’eau. Le DEHA, une huile de silicone (PDMS 50), ainsi que
des liquides ioniques, développés pour cette application, ont notamment été étudiés. Un dispositif
dynamique d’évaluation de solvant a été conçu, permettant à la fois la détermination de coefficients
de partage et de coefficients de transfert de masse, et a permis de mettre en exergue les potentialités
du DEHA et du PDMS 50 pour l’absorption de COV hydrophobes, tels que le toluène, malgré des
viscosités d’un à deux ordres de grandeur plus élevées que celle de l’eau.
Outre la connaissance des propriétés physicochimiques classiques, telles que la masse volumique, la
viscosité et la tension de surface, l’évaluation de solvants organiques devrait également passer par la
mesure des coefficients de diffusion des COV ciblés, ce paramètre étant indispensable pour le calcul
de la vitesse de transfert. Or, cette mesure se révèle complexe et nécessite l’emploi de dispositifs
sophistiqués et couteux, et donc difficilement réalisable en pratique. Les corrélations de la littérature
pour le calcul des coefficients de diffusion sont de surcroit peu précises dans le cas de solvants
visqueux. La méthode thermogravimétrique statique a néanmoins été employée pour mesurer les
coefficients de diffusion du toluène et du dichlorométhane dans deux liquides ioniques. Une
corrélation semi-empirique permettant de corréler la diffusivité aux propriétés du solvant (viscosité et
volume molaire) et du soluté (volume molaire) et à la température a ainsi développée.
Dans un dernier temps, des simulations de l’hydrodynamique et du transfert de matière dans une
colonne garnie fonctionnant à contre-courant ont été réalisées. Celle-ci montrent la faisabilité de
l’usage de solvants organiques visqueux dans des colonnes garnies, et soulignent la forte sensibilité de
l’efficacité de transfert au coefficient de partage, facilement et précisément mesurable au laboratoire.
En revanche, le coefficient de diffusion DL en phase liquide possède une influence modérée sur
l’efficacité de transfert.
Ces simulations permettent ainsi de comparer des solvants entre eux avec un bon niveau de confiance.
Il ne fait par exemple aucun doute que les solvants organiques présentent des efficacités décevantes
pour le traitement des COV hydrophiles, pour lesquels un simple traitement à l’eau est préférable. En
outre, dans le cas de très bonnes affinités soluté/solvant, l’abattement EG est élevé et presque toute
la résistance au transfert est localisée dans la phase gazeuse, ce qui limite fortement la sensibilité de
EG à DL. Dans ces cas particuliers, qui sont ceux qui seraient mis en œuvre industriellement, une
101
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
estimation fiable d’EG serait donc possible en prédisant DL à l’aide de corrélations de la littérature
comme celle de Wilke-Chang.
Enfin, le choix du toluène comme composé modèle dans de nombreuses études peut être remis en
question. Ce composé, très hydrophobe, rend moins évidente la comparaison de solvants hydrophobes
entre eux. Le choix d’un panel de COV relativement large, ou bien d’un unique COV mais un peu moins
hydrophobe, tel que le dichlorométhane, apparaissent comme des solutions plus judicieuses.
102
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Les parties 2 et 3, essentiellement focalisées sur le traitement de COV et de l’H2S par lavage chimique,
étaient dans le prolongement de mes travaux de thèse, axés sur le développement d’un contacteur
compact présenté dans la partie 2.2 de ce chapitre. Au cours de ma thèse, j’ai également travaillé sur
le traitement de COV dans ce contacteur compact à l’échelle du laboratoire. Outre la modélisation du
transfert de ces composés dans le laveur (Biard et al., 2017), la régénération de la solution de lavage
par un procédé d’oxydation avancée, le procédé peroxone, combinant l’ozone et le peroxyde
d’hydrogène, a été étudiée (Biard, 2009). Ce procédé, basé sur la décomposition de l’ozone initiée par
le peroxyde d’hydrogène, permet la formation d’un cycle radicalaire en chaine et notamment de
radicaux hydroxyles, non sélectifs et avec un fort potentiel oxydant (Beltrán, 2004; Von Gunten, 2003;
Von Sonntag and Von Gunten, 2012). Plusieurs configurations ont été comparées. De façon à générer
les radicaux in situ dans le laveur, l’intérêt d’un mélange direct de la solution de lavage pré-ozonée et
d’une solution aqueuse de peroxyde d’hydrogène à l’entrée du laveur, au plus près des polluants
gazeux a été mis en évidence (Biard et al., 2011, 2009a). Une unité pilote avait alors été construite
(Figure 35). Les résultats obtenus sur ce pilote ont confirmé le bon potentiel de cette méthode pour
recycler la solution de lavage, que ce soit pour des COV acide (acide butyrique), basique
(triméthylamine) et neutres (butanal, méthyl-éthylcétone, butanol, diméthyldisulfide), dans les
conditions de traitement optimales, c’est-à-dire un pH de 8 et un rapport équimolaire des
concentrations d’entrée d’H2O2 et d’O3 dans le laveur (Biard, 2009). Des abattements en phase liquide
supérieurs à 90% de ces COV peuvent être aisément atteints, dans le laveur en quelques dizaines de
ms de temps de contact, puis dans la cuve placée en aval, servant à affiner le traitement et à pré-
ozoner la solution de lavage avant réintroduction dans le laveur. L’utilisation du procédé peroxone
permet ainsi une exploitation sur plusieurs heures du procédé en régime permanent, sans observer de
baisse d’efficacité liée à une accumulation des COV transférés dans la phase liquide.
Dans le cadre du Master II de Houssem Ben Ali (2012), le potentiel de ce procédé de lavage hybride a
été évalué pour le traitement de l’ammoniac, notamment en vue d’applications dans le secteur de
l’élevage, où les concentrations en COV et en ammoniac sont à l’origine de nuisances olfactives
importantes. L’ammoniac, en raison d’une bonne affinité pour l’eau et de son caractère basique, peut
être absorbé à plus de 95% à pH 3, et à plus de 90% à pH 8 dans le laveur. Cependant, en raison de
faibles réactivités avec les radicaux hydroxyles de NH3, et surtout de NH4+ majoritaire au pH de 8
nécessaire pour opérer le procédé peroxone (pKa = 9,24), une diminution de l’abattement de
103
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Mélangeur
T P
statique
Echangeur
de chaleur
Analyseur
Pompe
Pompe dedoseuse
dosage
ozone
Ventilateur Sonde
Débitmètre
Régulateur pH
de pH Pompe Ozoneur
Bidon de centrifuge
H2O2 Pompe
Purge Purge
centrifuge
O2
NaOH/HCl
Lors de ces études pilotes, l’observation d’une quantité très élevée de radicaux générés en un faible
temps de séjour s’est révélée surprenante. Un traçage des radicaux formés dans le laveur par ajout
d’acide para-chlorobenzoïque (pCBA) avait ainsi été entrepris (Biard et al., 2011). Des valeurs du Rct
très élevées, de l’ordre de 10-4, avaient ainsi été observées. Ces résultats m’ont conduit à proposer
une optimisation du procédé peroxone par l’utilisation d’une solution pré-ozonée et d’une solution
d’H2O2 que j’ai développé dans le cadre de la thèse de Thom Thi Dang. Cet axe de recherche sera
présenté dans la partie 4.2 à suivre.
104
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Contexte de l’étude : Travaux de doctorat de Thom Thi Dang et de Master II de Jenny Bocanegra
Publication relative : (Biard et al., 2018b)
4.2.1 Introduction-contexte
Mes travaux de thèse (partie 4.1) avaient permis de mettre en évidence une production radicalaire
très importante en un faible temps de réaction de quelques dizaines de ms suite au mélange d’une eau
pré-ozonée avec une eau vierge d’ozone mais dopée en peroxyde d’hydrogène. Ces résultats faisaient
écho aux observations de Buffle et ses collaborateurs, menées dans un dispositif expérimental continu
(continuous quench flow system) (Buffle et al., 2006; Buffle et al., 2006; Buffle and Von Gunten, 2006).
Ce système monophasique continu, utilisé en ozonation (c’est à dire sans ajout de peroxyde
d’hydrogène) permettait le suivi cinétique de réaction d’ozonation lors des premières centaines de ms
de mise en contact, correspondant à la phase de demande instantanée en ozone (phase DIO), pendant
laquelle la décomposition de l’ozone est très rapide, et concomitante avec la formation de nombreux
105
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
radicaux. Cette phase, pouvant durer jusqu’à plusieurs dizaines de s dans les eaux naturelles
(typiquement 20 s), mais de l’ordre de la seconde dans les eaux usées, met en jeu de nombreuses
réactions de l’ozone avec des composés ubiquitaires de la matière organique, des composés
inorganiques et avec des radicaux issus de la décomposition de l’ozone.
En outre, lors de l’utilisation de réacteurs gaz-liquide pour l’application du procédé peroxone, l’ozone
est en général consommé à proximité de l’interface gaz-liquide, correspondant à un régime
d’absorption rapide caractérisé par un nombre de Hatta supérieur à 3 (Beltrán, 1997). De fait, la
production des radicaux intervient au niveau de l’interface, alors que les polluants sont plus concentrés
au niveau du cœur de la phase liquide. De plus, le contrôle de la dose d’ozone rapportée à la dose de
peroxyde d’hydrogène optimale (0,5 mol d’H2O2/ mol d’O3, (Acero and Von Gunten, 2001)) s’avère
complexe en pratique en raison de la difficulté d’anticiper la dose d’ozone transférée, et donc
consommée.
Afin de bénéficier de cette production radicalaire importante pendant la phase de DIO, un dispositif
pour l’application du procédé peroxone, dans lequel une eau pré-ozonée est mélangée à l’eau à traiter
dopée en peroxyde d’hydrogène, a été développé (Figure 36). Pour maximiser le rendement de
réaction tout en favorisant le plus possible le micro-mélange des deux solutions, un réacteur tubulaire
équipé de mélangeurs statiques hélicoïdaux a été adopté. Un temps de mélange de l’ordre de quelques
dizaines de ms est attendu dans la gamme de vitesses superficielles de liquide étudiés (Fang and Lee,
2001). La Figure 37 présente ainsi le schéma de procédé du dispositif. Outre le réacteur tubulaire
(Partie # 4), une partie du dispositif était dédiée à la génération de l’ozone gazeux (Partie # 1), ensuite
dissous en phase liquide dans de l’eau du réseau (Partie # 2). La solution d’étude (eau du réseau dopée
en H2O2 et atrazine) était stockée puis pompée (Partie # 3) à l’entrée du réacteur tubulaire où elle était
mélangée à l’eau préozonée. L’atrazine a été sélectionné comme traceur de radicaux, en raison de sa
faible réactivité avec l’ozone (kOz = 6,3 L mol-1 s-1 à pH neutre et basique (Beltrán et al., 1994)) mais de
sa réactivité importante avec les radicaux hydroxyles (kHO• = 3×109 L mol-1 s-1 (Acero et al., 2000))
permettant l’évaluation du Rct (en mol mol-1) selon l’équation suivante (Biard et al., 2016b):
𝐶
𝑙𝑛( 𝐴𝑡 )
1 𝐶𝐴𝑡,0 1
𝑅𝑐𝑡 = 𝑘 [ 𝑡 −𝑘 ] Eq. 79
𝐻𝑂° ∫𝑡 𝐶Oz 𝑑𝑡 𝑂𝑧
0
En routine, les débits d’eau pré-ozonée F2 et d’eau à traiter F1 ont été fixés respectivement à 2 L h-1 et
6 L h-1. Quatre points d’échantillonnage ont été disposés à des distances variables de l’entrée, de façon
106
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
à pouvoir faire varier le temps de séjour hydraulique de 18 secondes à 137 secondes à la sortie du
réacteur tubulaire pour un débit total de 8 L h-1.
O3 Eau
traitée
Réacteur tubulaire rempli de
Eau + H2O2 +
mélangeurs en ligne
atrazine
Part #4
Tubular reactor filled with static mixers
Water outlet
1m 2m 2m 2m
FI
FI V-4 FI : Flowmeter
Part #1 V-3
Part #2 V-1
O3 O3 Part #3
outlet
FI
Water
O3 to treat
inlet Gas-liquid V-2
Pump Tank Pump
reactor
4.2.3 Résultats
𝐶𝑖,0 −𝐶𝑖,𝑡
𝜂𝑖 = 𝐶𝑖,0
Eq. 80
En excès de peroxyde d’hydrogène, c’est-à-dire dès que CHP,0/COz,0 ≥ 1, la consommation de l’ozone est
quasiment complète dès le premier point de prélèvement, pour un temps de réaction de 18 s. Dans ce
cas, la vitesse de consommation de l’ozone est significativement supérieure à celle prévue en tenant
107
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
100% 100%
1.00
(b) 0.18 0.65 1.04 181.50 137
3.08
90% 90%
0.90
80% 80%
0.80
(a)
(a) (b)
70% 70%
0.70
Atmol-1)
CHP,0/COz,0 ↗
60% 60%
0.60
At
CHP/COz (mol
0.50
40% 40%
0.40
30% 30%
0.30
20% 0.00 0.18 0.65 20%
0.20
CHP,0
CHP,0/C/COz,0
At,0
10% 1.04 1.50 3.08 10%
0.10
0% 0%
0.00
0 50 100 0 0 0,22 500,67 1,16 100 1,47 2,65
tt (s)
(s) t (s) -1
C
CHP,0HP,0/C
/Coz,0 (mol mol
Oz,0(mol mol ) )
-1
Figure 3 : Evolution of Oz (a) and of CHP/COz (b) with the reaction time without atrazine for
Figure 38. Evolution de Oz sans atrazine en fonction du temps de réaction pour différentes valeurs
different ratios CHP,0/COz,0 in the range 0-3.08 (drinking water, COz,0 ≈ 10-4 mol L-1, F1 = 6 L h-1, F2 = 2 L
du rapport CHP,0/COz,0 (a). Evolution de at pour différentes valeurs du rapport CHP,0/COz,0 à 18 et 137
h-1).
s de temps de contact (b). Eau du réseau, COz,0 ≈ 10-4 mol L-1, F1 = 6 L h-1, F2 = 2 L h-1.
Le Tableau 38, présentant les principaux critères quantifiés au niveau du premier point de
prélèvement, confirme l’intérêt de l’ajout du peroxyde d’hydrogène pour augmenter l’exposition aux
radicaux hydroxyles, avec des Rct de l’ordre de 10-6, à des concentrations équimolaires d’oxydants ou
en excès de peroxyde d’hydrogène. Dans ces conditions, les Rct n’ont pu être déterminés à des
concentrations initiales faibles d’atrazine de 0,3 ppm car les concentrations en atrazine au niveau du
premier point de prélèvement étaient situées sous le seuil de quantification. Les Rct obtenus sont ainsi
de un à deux ordres de grandeur supérieurs à ceux habituellement rencontrés dans les POA utilisant
l’ozone comme oxydant principal (Rosenfeldt et al., 2006).
108
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Les rapports de consommation entre deux espèces i et j (Ci/Cj) ont été évalués selon l’Eq. 91 :
Afin d’éviter une consommation inutile de peroxyde d’hydrogène, une concentration équimolaire des
oxydants est recommandée. Dans ce cas, le rapport CHP/COz est en effet inférieur ou proche de 0,5,
en accord avec les consommations théoriques du procédé peroxone (Staehelin and Hoigne, 1982;
Tomiyasu et al., 1985).
Tableau 37. Valeurs de COz/CAt, CHP/CAt, CHP/COz et du Rct pour un temps de réaction de 18 s
et pour des concentrations initiales d’atrazine de 3 et 0,3 ppm
(eau du réseau, COz,0 ≈ 10-4 mol L-1, F1 = 6 L h-1, F2 = 2 L h-1)
CHP,0/COz,0 (mol mol-1) COz/CAt (mol mol-1) CHP/CAt (mol mol-1) CHP/COz (mol mol-1) 107×Rct
CAt,0 (ppm) 3,0 0,30 3,0 0,30 3,0 0,30 3,0 0,30
0 14,0 278 - - - - 0,42 0,25
0,22 4,54 90 0,93 24 0,21 0,29 2,12 2,51
0,67 6,38 62 3,69 28 0,58 0,45 7,23 8,14
1,16 7,02 68 2,37 38 0,34 0,56 9,63 NDa
1,47 6,85 74 6,16 50 0,90 0,67 8,74 ND
2,65 6,82 80 8,92 48 1,31 0,60 9,32 ND
a
ND = non determiné
Tableau 38. Valeurs de At, Oz, HP et du Rct pour un temps de réaction de 18 s et pour CAt,0 = 2,0
ppm (eau du réseau, F1 = F2, COz,0 ≈ 6,55×10-5 mol L-1, CHP,0 = 8,08×10-5 mol L-1,
CAt,0 = 9,08×10-6 mol L-1).
t (s) F1 = F2 (L h-1) At (%) Oz (%) HP (%) 107×Rct
35,2 2 82,2 99,6 38,1 4,96
23,4 3 83,3 99,5 36,6 7,69
14,1 5 83,9 94,5 41,2 12,5
11,7 6 83,5 92,4 41,2 14,5
10,0 7 83,1 89,3 42,8 16,3
8,8 8 82,8 83,8 44,3 17,5
Afin d’étudier l’influence du temps de séjour et du temps de mélange, une série d’expérience a été
menée à débit croissant, permettant de varier le temps de séjour au niveau du premier point de
prélèvement entre moins de 9 s et 35 s. Les résultats (Tableau 38) confirment une diminution de la
consommation en ozone en diminuant le temps de séjour. Toutefois, et de façon surprenante de prime
abord, cette diminution s’accompagne d’une augmentation du rendement de consommation du
peroxyde d’hydrogène et de l’exposition aux radicaux, avec des Rct s’approchant d’une valeur de
2×10-6. Ces observations soulignent une amélioration du micro-mélange des deux solutions dans les
109
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Des essais supplémentaires ont été menés dans les conditions optimales (concentrations équimolaires
d’oxydants) sur une eau brute souterraine filtrée à 0,45 m (eau d’un puit), présentant un pH d’une
unité de moins que l’eau du réseau (environ 7,13 pour l’eau souterraine contre 8 pour l’eau du réseau
rennais). Ces essais ont mis en évidence une diminution des rendements de consommation de l’ozone
(de 94 à 66 %) pour 18 s de temps de contact. A pH équivalent, une plus grande vitesse de
consommation de l’ozone aurait pu être attendue sur cette eau brute présentant une plus faible
concentration en ion hydrogénocarbonate (0,74 mmol L-1 vs. 1,7 mmol L-1 pour l’eau du réseau) et une
plus forte concentration en matière organique (4,1 ppm vs. 2,4 ppm pour l’eau du réseau). Cette
diminution de la vitesse de consommation de l’ozone est donc a priori à corréler à la diminution du pH
entre les deux eaux. Cette plus lente décomposition de l’ozone se répercute de façon modérée sur
l’exposition à l’ozone puisqu’un Rct de l’ordre de 4×10-7 a été calculée (9×10-7 avec l’eau du réseau)
correspondant à un rendement de consommation de l’atrazine de 76% (90% avec l’eau du réseau).
Boucle de
recirculation
Eau (phase
d’appoint gazeuse)
Contacteur O3
gaz-liquide
O3
110
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Dans cette étude prospective, j’ai développé une nouvelle configuration pour l’application du
procédé peroxone. Cette évolution est basée sur l’emploi d’un réacteur monophasique liquide.
Un réacteur tubulaire rempli de mélangeurs statiques a ainsi été adopté, permettant de
mélanger, en quelques dizaines de ms, une eau préozonée et l’eau à traiter dopée en peroxyde
d’hydrogène. Cette preuve de concept a mis en évidence une consommation très rapide de
l’ozone en un temps de séjour de quelques secondes, permettant de tirer bénéfice de la phase de
décomposition de l’ozone dite instantanée. Cette décomposition s’accompagne d’une production
radicalaire très élevée, caractérisée par des Rct proches de 10-6 mol mol-1. La configuration
monophasique permet ainsi une production des radicaux directement dans le cœur du liquide au
plus près des polluants. Une concentration équimolaire d’oxydants est optimale pour maximiser
la production radicalaire et accélérer la décomposition de l’ozone tout en limitant la
consommation de peroxyde d’hydrogène. Parallèlement, une augmentation de la vitesse
superficielle du liquide dans la gamme étudiée a permis de maximiser le micro-mélange des deux
solutions. Le potentiel de cette configuration, étudiée en routine sur l’eau du réseau, a enfin été
confirmé sur un eau brute souterraine, mettant en évidence la forte influence du pH sur le
processus.
Sur la base de ces résultats, un schéma de procédé basé sur cette configuration a été proposé
(Figure 39). Il serait notamment possible d’optimiser la phase de dissolution de l’ozone en
employant des contacteurs gaz-liquide intensifiés à faible temps de contact tels que des
mélangeurs statiques ou un hydro-éjecteur. En outre, une boucle de recirculation sur la ligne
d’eau traitée serait indispensable pour atteindre des abattements suffisants tout en recyclant
une part élevée du peroxyde d’hydrogène non consommé.
Cette étude a été réalisée dans le cadre de la thèse de Thom Thi Dang. Cette thèse comportait un
deuxième volet, axé sur le développement d’un dispositif d’étude cinétique par absorption
réactive, appliqué notamment à l’étude de la réaction d’initiation de la décomposition de l’ozone
par l’anion hydroperoxyde. Ce volet sera présenté dans la partie 4.3 à suivre.
111
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
4.3.1 Introduction-contexte
Afin d’étudier la cinétique de réaction entre H2S et ClOH/ClO-, la méthode cinétique de l’absorption
réactive a été employée avantageusement dans la partie 2.3.2. Un réacteur gaz-liquide continu agité
mécaniquement avait été sélectionné. La détermination de l’aire interfaciale, liée aux bulles en
ascension dans le réacteur, avait été effectuée par l’absorption de l’ozone dans une solution de
peroxyde d’hydrogène sous un régime de pseudo-premier ordre. Cette méthode nécessitait la
connaissance de la cinétique de réaction entre O3 et HO2-, la base conjuguée d’H2O2 (pKa,6 ≈ 11,75 à
20°C d’après Evans and Uri (1949)), mise en jeu dans la réaction d’initiation de la décomposition de O3
qui conduit ensuite à l’établissement d’un cycle radicalaire en chaine impliquant plusieurs espèces
radicalaires, dont le radical hydroxyle HO• (Beltrán, 2004; Von Gunten, 2003; Von Sonntag and Von
Gunten, 2012). La réaction d’O3 avec H2O2 est quant à elle négligeable (Staehelin and Hoigne, 1982;
Taube and Bray, 1940). D’après Staehelin et Hoigné (1982) et Tomiyasu et al. (1985), HO2- initie la
décomposition d’O3 selon respectivement les réactions suivantes :
R. 24
112
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Les études menées sur cette étape d’initiation confirment ainsi une constante cinétique k de l’ordre
de 106 L mol-1 s-1. Staehelin et Hoigné (1982) déterminèrent cette constante (k = 2,80×106 L mol-1 s-1)
en suivant la consommation de l’ozone dans un spectrophotomètre en utilisant l’hydroxyde de
méthylmercure comme inhibiteur de radicaux. De leur côté, Tomiyasu et al. (1985) utilisèrent la
technique du stopped-flow mais sans ajout d’inhibiteur de radicaux (k = 2,20×106 L mol-1 s-1). Enfin,
Sein et al. (2007) déterminèrent par une technique analogue à celle de Staehelin et Hoigné une valeur
environ deux fois plus grande (k = 4,80×106 L mol-1 s-1), avec l’ajout d’une concentration importante de
tert-butanol (0,01 mol L-1) en tant qu’inhibiteur de radicaux. Cette constante cinétique serait celle
associée à la réaction directe de formation de l’intermédiaire HO5- (R.24), cette étape étant
cinétiquement déterminante. Globalement, dans le procédé peroxone, la cinétique de décomposition
de l’ozone augmente avec le pH et la concentration en peroxyde d’hydrogène (Beltrán, 1997).
Avec pour objectifs de confirmer la valeur de cette constante cinétique k, dont la connaissance est
cruciale pour la modélisation cinétique du procédé peroxone, et de déterminer l’énergie d’activation
de la réaction afin de pouvoir extrapoler k à différentes températures, la méthode cinétique de
l’absorption réactive a été adoptée dans cette étude. Néanmoins, afin d’améliorer la précision de la
méthode en éliminant l’incertitude expérimentale pesant sur l’aire interfaciale, un réacteur à cellules
agitées, possédant une interface plane, a été développé et caractérisé (Figure 40). La fiabilité de la
caractérisation du réacteur a été de prime abord confirmée en étudiant la cinétique d’oxydation par
l’ozone du résorcinol (m-dihydroxybenzène), relativement bien documentée dans la littérature (Gurol
and Nekouinaini, 1984; Hoigne and Bader, 1983; Sotelo et al., 1991). En outre, des conditions
opératoires atypiques pour l’absorption réactive, c’est à dire une concentration élevée en résorcinol,
ont été mises en œuvre pour travailler en régime permanent (4.3.2).
L’absorption réactive a été adoptée avec succès pour la mesure de constantes cinétiques dans le
domaine de l’ozonation, notamment par Beltrán et ses collaborateurs, dans des réacteurs de type
colonne à bulles agitée ou non (Beltrán, 2004; Beltrán et al., 1998; Cardona et al., 2010; Sotelo et al.,
1991, 1990). Peu d’étude ont été menées avec des contacteurs possédant une aire interfaciale bien
définie, tels que des colonnes à paroi mouillée, des absorbeurs à sphère mouillée ou des réacteurs à
cellules agitées (Augugliaro and Rizzuti, 1978; Beltrán et al., 1995; Rinker et al., 1999).
L’absorption réactive est gouvernée par la vitesse globale de transfert d’O3, qui dépend de
l’hydrodynamique et des performances de transfert du réacteur, des caractéristiques du réacteur, de
113
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
la nature des écoulements des deux phases, ainsi que de la cinétique et de la stœchiométrie de la
réaction. De fait, la constante de Henry (H) et les coefficients de diffusion de l’ozone dans les deux
phases (DL et DG), ainsi que le coefficient de diffusion du réactif (DR) en solution doivent être pris en
compte. En général, dans le cas d’études d’ozonation, des concentrations assez faibles en réactif sont
mises en œuvre (< 10-3 mol L-1), conduisant à des vitesses de transfert limitées, telles que la différence
de concentration de l’ozone en phase gaz entre l’entrée et la sortie est négligeable, nécessitant de
déduire la vitesse de transfert de la variation temporelle de la concentration du réactif CR.
O3 entrée O3 sortie
Vitesse de transfert et
bilan de matière
Caractérisation du
Etude cinétique
transfert
(20 T 35°C)
(20 T 35°C)
Constante de
kL kG réaction O3/
résorcinol
Solution
aqueuse Absorption Réaction de
Réaction de pseudo-
physique surface
premier ordre
Réacteur à
cellules Solution de Solution de
agitées de 2 L Solution acide
sulfite résorcinol
Tableau 39. Tableau de synthèse des conditions opératoires retenues pour l’étude cinétique
d’ozonation du résorcinol.
Conditions : 20°C ≤ T ≤ 35°C, N = 160 rpm, V = 1,3 L, FG ≈ 68,5 ± 1,5 NL h-1
Objectif Détermination de kL Détermination de kG Détermination de k
(constant cinétique de
la réaction
Ozone/résorcinol)
pH 2,5 ± 0,1 10,2 ± 0,2 2,5 ± 0,1
Conditions Tert-butanol (0,001 Sulfite (0,2 M) Resorcinol (0,1 M)
chimiques M) Tert-butanol (0,001 M) Tert-butanol (0,001 M)
Acide sulfurique Hydroxyde de sodium Acide sulfurique
Régime Absorption physique Absorption chimique – Absorption chimique –
d’absorption Réaction de surface Réaction de pseudo-
premier ordre
Localisation de la Phase liquide Phase gazeuse Dans les deux phases
résistance au
transfert
114
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Un réacteur en verre à cellules agitées de 2 L (vitesse d’agitation de 160 rpm), contenant un volume V
de liquide de 1,3 L, a été développé et utilisé dans cette étude dans une gamme de température
comprise entre 20 et 35°C (circulation d’eau à température contrôlée dans le double manteau du
réacteur). Les deux phases, parfaitement agitées par une turbine à deux double pales, étaient séparées
par une interface plane de 7,72×10-3 m2. Le réacteur était opéré en semi-continu.
kL a été déduit de l’absorption physique de l’ozone dans de l’eau ultra pure à pH acide en présence
de tert-butanol en monitorant l’évolution temporelle de la concentration en ozone dissous CL (CG,e
≈ CG,s). Des valeurs de kL comprises entre 1 et 2×10-5 m s-1, croissantes avec la température et la
diminution de la viscosité de la solution, ont été mesurées, pour des valeurs de RL supérieures à
99,9%, permettant de valider l’absence de résistance au transfert côté gaz. Ces valeurs sont
cohérentes avec les valeurs mesurées par Versteeg et al. (1987) et Littel et al. (1991) et le modèle
proposé par Kucka et al. (2003).
kG a été déduit de l’absorption chimique de l’ozone fortement accélérée dans une solution de sulfite
introduit en excès, de façon à obtenir un régime de réaction instantanée de surface pour lequel
toute la résistance au transfert est localisée dans la phase gazeuse. Des ratios CG,s/CG,e proches de
40 % ont été mesurés en régime permanent, conduisant à des valeurs de kG de l’ordre de 10-3 m s-
1
, croissantes avec la température. Des valeurs de RL inférieures à 5%, montrant la quasi absence
de résistance côté liquide, ont été mesurées.
La seconde étape de l’étude a permis de déduire la constante cinétique k de réaction de l’ozone avec
le résorcinol. Une concentration élevée en résorcinol a été avantageusement introduite pour atteindre
un régime permanent suffisamment long, d’au moins une vingtaine de minutes, permettant de
simplement déduire la vitesse de transfert de la différence de concentration CG,e-CG,s, et non de la
variation temporelle de la concentration du réactif introduit en phase aqueuse (Figure 40). La vitesse
de transfert dans ce cas peut s’écrire selon l’Eq. 82 :
1 𝑅𝑇𝐶𝐺,𝑠
𝐹𝐺 (𝐶𝐺,𝑒 − 𝐶𝐺,𝑠 ) = 1 𝑅𝑇 𝑆 Eq. 82
+ 𝐻
√𝑘𝐶𝑅 𝐷𝐿 𝐻𝑘𝐺
Un régime de réaction rapide de pseudo-premier ordre, caractérisé par un nombre de Hatta supérieur
à 5, ainsi que par un excès de résorcinol par rapport à la concentration interfaciale de l’ozone (CR >>
CL*), a été mis en place. Dans ce cas, le facteur d’accélération est égal au nombre de Hatta, quelle que
soit la théorie de transfert considérée (théorie du double film de Whitman ou théorie de la pénétration
115
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
de Higbie). Des facteurs d’accélération E compris entre 650 et 800 ont ainsi été mesurés pour des
rapports CG,s/CG,e de l’ordre de 60%. Les valeurs de la constante cinétique k ont ensuite été déduites
de l’équation suivante découlant directement de l’Eq. 82 :
−2
1 𝐻 2 𝑆𝐶𝐺,𝑠 1
𝑘=𝐶 ( ) ( − ) Eq. 83
𝑅 𝐷𝐿 𝑅𝑇 𝐹𝐺 (𝐶𝐺,𝑒 −𝐶𝐺,𝑠 ) 𝑘𝐺
1.4E+06
Ferre-Aracil et al.
1.2E+06
Perry
Sotelo et al.
1.0E+06
k in L mol-1 s-1
8.0E+05
6.0E+05
4.0E+05
2.0E+05
0.0E+00
270 280 290 300 310
T (K)
Plusieurs corrélations pour le calcul de la constante de Henry H ont été considérées : la corrélation de
Perry (1973), souvent employée en ingénierie dans le domaine de l’ozonation, ainsi que les corrélations
récentes et basées sur des protocoles expérimentaux robustes de Mizuno et Tsuno (2010) et Ferré-
Aracil et al. (2015) (Ferre-Aracil et al., 2015; Mandel, 2010; Mizuno and Tsuno, 2010; Perry and Green,
1997). Les corrélations de Mizuno-Tsuno et Ferre-Aracil et al. conduisent à des valeurs de H proches
dans la gamme de température 20-35°C, avec un écart relatif maximum de 4% à 20°C. Seules les valeurs
calculées avec la corrélation de Ferre-Aracil et al. sont ainsi présentées sur la Figure 41. L’écart entre
la corrélation de Ferre-Aracil et al. et celle de Perry est au maximum de 12% à 35°C. Les valeurs de k
calculées présentent ainsi un écart minimal de 6% à 25°C et un écart maximal de 23% à 35°C selon les
corrélations considérées. Des énergies d’activation de 58,7 kJ mol-1, en considérant la corrélation de
116
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Perry, et de 35,7 kJ mol-1, en considérant la corrélation de Ferre-Aracil et al., ont ainsi été déduites des
variations de k avec la température :
58,7×103
𝑘[L mol−1 s −1 ] = 1,02 × 1016 exp (− 𝑅𝑇[𝐾]
) avec H estimé selon Perry Eq. 84
35,7×103
𝑘[L mol−1 s −1 ] = 1,02 × 1012 exp (− 𝑅𝑇[𝐾]
) avec H estimé selon Ferre-Aracil et al. Eq. 85
Quelle que soit la corrélation considérée, les valeurs de k trouvées à 20°C étaient de 3,5 fois
(corrélation de Perry) à 4,5 fois (corrélations de Ferre-aracil et Mizuno-Tsuno) plus élevées que celle
trouvée par Sotelo et al (1991) par absorption réactive. Néanmoins, ces auteurs avaient employé un
réacteur gaz-liquide à bulles, dont l’aire interfaciale a été déterminée par la méthode d’absorption
chimique de l’oxygène dans du chlorure de cuivre et qui présente une importante incertitude.
Une analyse de sensibilité a ensuite été menée pour étudier l’influence sur la valeur de k des
différentes entrées du modèle:
Dans un dernier temps, la validité de cette méthode cinétique, basée sur l’utilisation de concentrations
importantes de réactifs, a été discutée. Des constantes cinétiques comprises entre 104 et 107
L mol-1 s-1 pourraient être mesurées par cette méthode en validant les diverses hypothèses nécessaires
(régime rapide de pseudo-premier ordre, régime permanent pendant au moins 10 min, rapport
CG,s/CG,e ≤ 80%, etc.).
117
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Dans cette étude, menée dans le cadre de la thèse de Thom Thi Dang, j’ai développé un dispositif
d’application de la méthode cinétique de l’absorption réactive basé sur l’emploi d’un réacteur à
cellules agitées. Après avoir été caractérisé (détermination de kL et kG), ce réacteur semi-continu a
été employé pour la mesure de la constante cinétique de la réaction de l’ozone avec le résorcinol
entre 20 et 35°C. Une concentration importante en résorcinol a avantageusement été mise en place
pour atteindre un régime permanent afin de déduire la constante cinétique de la différence de
concentration CG,e-CG,s. Les résultats mettent en évidence la sensibilité importante de la méthode à
la constante de Henry de l’ozone, dont la valeur diverge dans la littérature selon les auteurs, en
raison de la complexité de la mesure de ce paramètre. Plusieurs corrélations ont ainsi été
considérées pour le calcul de k et de l’énergie d’activation.
La méthode développée, utile pour la mesure de réactions rapides, caractérisées par des constantes
cinétiques dans la gamme 104-107 L mol-1 s-1, est avantageuse pour les raisons suivantes :
118
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Cinq expériences avec des conditions initiales différentes ont été menées à chaque température testée
(20, 25, 30 et 35°C). A la fois la concentration en ozone de sortie dans la phase gazeuse (CG,s), le pH et
la concentration totale en phase liquide du peroxyde d’hydrogène (CR,T) ont été suivis au cours du
temps (Exemple à 20°C sur la Figure 43) :
119
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
CR,T diminuait au cours du temps d’autant plus rapidement que CG,e et/ou le pH initial étaient élevés
en raison d’une vitesse de réaction supérieure ;
CG,s augmentait au cours du temps en raison d’une diminution de la vitesse de réaction liée à la
diminution de CR,T.
Le pH diminuait de 1 à 3 unités de pH selon les expériences du fait de la consommation d’HO2-.
1.60 95
(a) 90 (b)
1.55
85
1.50 80
pH0 = 9,56
# 1 : Exp
1.45 75
# 1 : Model
Nm-3))
CR,T (g L-1)
70
-3
1.40 #2 : exp
(g Nm
pH0 = 9,74 65
# 2 : model
G,o (g
1.35 60
CCG,s # 3 : exp
55
1.30 #1
50 # 3 : Model
#2 pH0 = 9,80
1.25 45 # 4 : exp
#3 pH0 = 9,59
1.20 pH0 = 10,09
40 # 5 : exp
#4 35 # 4 : Model
1.15 #5 30 # 5 : Model
1.10 25
0 1000 2000 3000 4000 0 1000 2000 3000 4000
Time (s)(s)
Temps Time
Temps(s)(s)
120
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Un modèle de transfert a ensuite été développé pour déterminer la constante cinétique k entre O3 et
HO2-. Le flux de transfert d’ozone (J en mol s-1) à travers la surface d’échange S peut être déduit de l’Eq.
86, tenant compte de l’équation de la vitesse de transfert ainsi que des bilans de matière de l’ozone
et du peroxyde d’hydrogène:
𝑑𝑛𝑅,𝐶 𝑧𝐶𝐺,𝑒 𝐹𝐺 𝐹𝐺 𝐻
𝑑𝑡
= 𝑀𝑂𝑧
(1 + 𝐾 ) Eq. 87
𝐿 𝑆𝑅𝑇
En présence d’un régime rapide de pseudo-premier ordre, le facteur d’accélération E est égal au
nombre de Hatta :
−1
𝑑𝑛𝑅,𝐶 𝑧𝐶𝐺,𝑒 𝐹𝐺 1 𝑅𝑇 𝐹𝐺 𝐻
𝑑𝑡
= 𝑀𝑂𝑧
1+ + 𝐻𝑘 𝑆𝑅𝑇
Eq. 89
𝑘𝐶𝑅 𝐷𝐿 𝐺
√𝑀 (1+10𝑝𝐾𝑎,6−𝑝𝐻)
𝑅
( ( ) )
Celle-ci corrèle la dérivée de nR,C par rapport au temps, aux conditions opératoires (T, FG, CG,e), à la
surface d’’échange S, au coefficient kG, aux coefficients de partage H et de diffusion DL de l’ozone dans
l’eau, à la concentration totale en peroxyde d’hydrogène CR et à la constante cinétique k.
Il fut ainsi possible de déduire k pour chaque expérience en tentant de réduire la somme des moindres
𝑑𝑛𝑅,𝐶 𝑑𝑛𝑅,𝐶
carrés entre les valeurs de 𝑑𝑡
issues du profil de CR expérimental et les valeurs de 𝑑𝑡
calculées à
l’aide de l’Eq. 85. Les valeurs de k moyennes (Figure 44 (a)) augmentent ainsi de 2,40×106 L mol-1 s-1 à
20°C à 5,68×106 L mol-1 s-1 à 35°C en considérant la corrélation de Ferre-Aracil (2015) pour le calcul de
H, et de 1,91×106 L mol-1 s-1 à 20°C à 7,31×106 L mol-1 s-1 à 35°C en considérant la corrélation de Perry
(1973). Par ailleurs, par linéarisation de la loi d’Arrhenius (Figure 44 (b)), des énergies d’activation de
121
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
44,9 (à l’aide de la corrélation de Ferre-Aracil et al.) et 69,1 kJ mol-1 (à l’aide de la corrélation de Perry)
ont été déterminées :
69,1×103
𝑘[L mol−1 s −1 ] = 3,69 × 1018 exp (− 𝑅𝑇[𝐾]
) Eq. 90
44,9×103
𝑘[L mol−1 s −1 ] = 2,29 × 1014 exp (− 𝑅𝑇[𝐾]
) Eq. 91
9.0E+06 15.9
mol-1s s-1
15.5
-1 -1
6.0E+06
-1-1ss-1-1)
in LLmol
15.3
L mol
5.0E+06
in mol
withkken 15.1
4.0E+06
kk (L
14.9
3.0E+06 y = -44920x + 33.064
Ln(k)
14.7 R² = 0.9722
2.0E+06 Perry (1973)
1.0E+06 14.5 y = -69089x + 42.752
R² = 0.9882
0.0E+00 14.3
290 295 300 305 310 ×10-4
3.85E-04 ×10-4
3.95E-04 ×10-4
4.05E-04 ×10-4
4.15E-04
T (K) 1/(RT) (mol J-1)
6.0E+06
avec H
k with
kFA,modifH(LFrom
calculés-1)selon Ferre-Aracil
mol-1 Ferre-Aracil et al (2015)
et al. (2015)
5.0E+06 k with
avec HH From
kPerry,modif Perry
(L mol-1
calculé s-1) (1973)
selon Perry (1973)
selon
kk(Lfrom d’autres
mol-1 the
s-1) otherétudes
studies
4.0E+06
k (L mol-1 s-1)
2.80E+06 4.80E+06
3.0E+06
2.20E+06
2.0E+06
1.0E+06
0.0E+00
Tomiyasu et al., 1985 Staehelin et Hoigné, Sein et al., 2007 (pKa =
(pKa = 11.65) 1982 (pKa = 11.6) 11.8)
Figure 45. Comparaison avec les valeurs de la littérature des valeurs de k trouvées à 20°C, corrigées
avec les valeurs de pKa,6 utilisées dans la littérature.
122
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
En tenant compte de la valeur de H à 20°C calculée avec la corrélation de Ferre-Aracil et al., une valeur
de k supérieure de seulement 9% à celle de Tomiyasu et al. (1985), et inférieure de 14% à celle de
Staehelin et Hoigné (1982), a été déterminée. Toutefois, des valeurs différentes du pKa,6 avaient été
considérées par ces auteurs. La Figure 45 présente ainsi la variation de la valeur de k déterminée dans
cette étude, corrigée selon les valeurs du pKa,6 prises en compte par les différents auteurs. Suite à ces
corrections, la valeur de k devient inférieure de 14% à celle de Tomiyasu et al. (1985), et inférieure de
32% à celle de Staehelin et Hoigné (1982). Globalement, le meilleur accord est obtenu avec la valeur
de Tomiyasu et al. (1985) en considérant la corrélation de Ferre-Aracil et al. pour le calcul de H. Ces
derniers avaient développé une méthodologie expérimentale robuste pour la détermination de H à
différentes températures. En outre, leur corrélation donne des résultats très proches de ceux issus de
la corrélation de Mizuno et Tsuno. La relation de Ferre-Aracil et al. semblerait donc plus fiable que
celle de Perry. Quelle soit la valeur du pKa,6 considérée, l’écart avec la valeur de Sein et al. (2007) est
beaucoup plus important. Une analyse de sensibilité, analogue à celle proposée dans la partie 4.3.2, a
finalement été menée et a confirmé la forte sensibilité de la méthode au pKa,6 et au pH.
Dans cette étude, j’ai développé une méthodologie permettant la détermination de la constante
cinétique de la réaction de l’ozone avec l’anion hydroperoxyde dans la gamme de température 20-
35°C par la méthode de l’absorption réactive. Pour cela, le réacteur à cellules agitées, caractérisés
dans la partie 4.3.2, a été utilisé dans une configuration semi-continue et en régime transitoire. Les
conditions expérimentales ont été soigneusement optimisées pour obtenir un régime d’absorption
rapide de pseudo-premier ordre. Le bilan de matière a confirmé la consommation d’une mole
d’ozone transférée pour une mole de peroxyde d’hydrogène. Les valeurs de k trouvées augmentent
de 2,40×106 L mol-1 s-1 à 20°C à 5,68×106 L mol-1 s-1 à 35°C en considérant la corrélation de Ferre-Aracil
et al. (2015) pour le calcul de H, et de 1,91×106 L mol-1 s-1 à 20°C à 7,31×106 L mol-1 s-1 à 35°C en
considérant la corrélation de Perry (1973). Une énergie d’activation de 44,9 kJ mol-1 a été déterminée
en considérant la corrélation de Ferre-Aracil et al., qui semblerait plus fiable que la corrélation de
Perry.
123
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Lors de mon installation scientifique au sein de l’équipe CIP en tant que maître de conférences, j’ai
souhaité développer un nouvel axe de recherche appliqué au traitement de l’eau, l’ozonation
catalytique. L’ozonation catalytique est un procédé d’oxydation avancée couplant en solution aqueuse
l’ozone et un catalyseur homogène (Mn(II), Fe(II), etc.) ou hétérogène. La présence du catalyseur
permet d’accélérer la décomposition de l’ozone vers la formation d’espèces radicalaires de surface ou
en solution. De nombreux catalyseurs hétérogènes, tels que des oxydes métalliques, des zéolithes, du
charbon actif, etc. ont ainsi été étudiés dans la littérature (Beltrán, 2004). Comme tout procédé
catalytique hétérogène, des étapes de diffusion externe et interne et d’adsorption des solutés,
intermédiaires et de l’ozone, ainsi que des réactions à l’interface solide-liquide sont mises en jeu. En
raison d’une surface spécifique élevée et d’un nombre important d’atomes de surface, l’utilisation de
nanoparticules de métal (donc au degré d’oxydation 0) ou d’oxydes métalliques se révèlent
pertinentes pour catalyser la décomposition de l’ozone (Dong et al., 2010, 2009; Jung et al., 2008,
2007; Jung and Choi, 2006; Manivel et al., 2015; Mashayekh-Salehi et al., 2017; Pugazhenthiran et al.,
2011; Yang et al., 2007). Afin de faciliter la récupération de ces nanoparticules, celles-ci sont en général
hétérogénéisées sur des supports plus ou moins poreux, tels que des poudres, des granulés ou des
monolithes (catalyseurs structurés en forme de nid d’abeilles) ; ces supports pouvant être des oxydes
métalliques, des matrices inorganiques (argiles, zéolithes) ou encore des charbons actifs.
J’ai ainsi initié un rapprochement avec Audrey Denicourt et Alain Roucoux, membres de l’équipe OMC
de l’ISCR. Ces deux enseignants chercheurs ont développé une méthode douce d’imprégnation de
support inorganiques (SiO2 et TiO2 notamment) par des nanoparticules métalliques au degré
d’oxydation 0. Ces nanoparticules sont obtenues en solution aqueuse par réduction d’un sel métallique
𝑅é𝑑𝑢𝑐𝑡𝑖𝑜𝑛
par du borohydrure de sodium NaBH4 (Ex : RuCl3 → Ru0 + 3Cl-) en présence de tensioactifs
comme le chlorure de N,N-dimethyl-N-cetyl-N-(2-hydroxyethyl) ammonium pour contrôler la taille des
agrégats métalliques formés à l’échelle du nanomètre (Barthe et al., 2009; Hubert et al., 2011b, 2011a).
124
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
L’imprégnation des supports est ensuite réalisée en voie humide par trempage dans la solution de
nanoparticules stabilisées puis séchage à l’étuve. Outre des conditions douces liées à un travail en
phase aqueuse et sans étape de calcination, cette méthodologie permet avantageusement
d’imprégner les supports avec des charges métalliques très faibles, de l’ordre de 0,1%. De nombreux
métaux (Ru, Au, Pt, Pd, etc.) plus ou moins nobles ont ainsi été imprégnés avec succès.
25 °C
Step 2 : Saturated ozone Step 3 : Regular sample
solution (10 mL) introduction withdrawals for analysis (O3
and atrazine)
Step 1 : Ultra Pure Water +
atrazine + catalyst solution t0 ti
preparation (90 mL)
3.5E-05 220
O3
O3(SiO2)
(SiO2) 200
3.0E-05 O3
O3(SiO2@Ru
(SiO2@RuNPs)NPs)
At. (SiO(SiO2) 180
Atrazine 2)
140
-1
2.0E-05
Cat (ppb)
CCozO3(mol
120
1.5E-05 100
80
1.0E-05 60 SiO2
40
5.0E-06
20
0.0E+00 0
0 500 1000 1500 2000 2500 3000
SiO2@Ru NPs
Time (s)
125
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
prélèvements sans création d’espace de tête dans lequel l’ozone pourrait se désorber. L’évaluation
des différents catalyseurs a été réalisée dans de l’eau ultra pure dopée en atrazine (jouant le rôle de
traceur de radicaux) à 25°C acidifiée à pH 3 de façon à pouvoir quantifier l’influence du catalyseur sans
réaction parasite avec la matière organique ou les anions hydroxydes. Des concentrations initiales
d’environ 2 ppm d’ozone et 0,25 ppm d’atrazine avaient été mises en place. Une solution saturée
d’ozone produite dans un réacteur gaz-liquide était ainsi introduite à t0 puis des prélèvements réguliers
étaient effectués afin de quantifier les concentrations en ozone et atrazine. La Figure 47 présente ainsi
l’évolution typique des concentrations d’ozone et d’atrazine obtenues pour du SiO2 non imprégné et
imprégné de ruthénium.
5.3 Résultats
Le ruthénium, considéré comme très actif en oxydation, s’est révélée le plus prometteur des différents
métaux testés (Co, Pd, Pt, Rh et Ru). Aucun relargage des nanoparticules n’a été observé. La suite de
l’étude a ainsi été réalisée uniquement avec le ruthénium. Une série de tests témoins préliminaires a
permis de démontrer:
Pour chaque expérience réalisée, les cinétiques de consommation de l’atrazine et de l’ozone ont été
modélisées par des cinétiques d’ordre n, avec n variable et déterminé conjointement avec la constante
cinétique apparente associée kapp par résolution numérique à l’aide de l’équation suivante :
1⁄
𝐶𝑖 = (𝐶𝑖,01−𝑛 + (𝑛 − 1)𝑘𝑎𝑝𝑝 𝑡) 1−𝑛
si n ≠ 1 Eq. 92
𝐶𝑖 = 𝐶𝑖,0 𝑒𝑥𝑝(−𝑘𝑎𝑝𝑝 𝑡) si n = 1
Le temps de demi-vie de chaque espèce t1/2 était ainsi déduit de l’Eq. 93 :
126
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Tableau 40. Temps de demi-vie de l’ozone et de l’atrazine et valeurs du Rct (calculé au temps
nécessaire pour consommer 90% de l’ozone introduit) mesurés pour les différents catalyseurs
pulvérulents.
Catalyseur Masse de Ru Concentration O3 Atrazine HO•
imprégnée (mg L-1) t1/2 (s) 2
R (%) t1/2 (s) R2 (%) •
∫[HO ]dt Rct
Sans catalyseur > 104 87,00 4500 98,30 2,9×10-9
SiO2 Sans Ru 250 1841 87,00 4092 99,66 2,0×10-10 2,8×10-9
500 2147 98,40 1373 99,76 6,2×10-10 7,3×10-9
1000 3365 94,95 986 99,62 9,0×10-10 5,9×10-9
SiO2@Ru(0) NPs 0,1% (m/m) 250 1005 99,75 1603 98,58 3,0×10-10 6,5×10-9
500 333 94,61 619 99,64 3,7×10-10 2,9×10-8
1000 272 99,61 436 97,99 4,5×10-10 2,6×10-8
TiO2 Sans Ru 250 4101 91,17 3119 99,44 6,6×10-10 3,8×10-9
500 4390 94,84 2032 99,63 5,4×10-10 3,9×10-9
1000 1741 89,83 2712 99,04 4,1×10-10 5,2×10-9
TiO2@Ru(0) NPs 0,1% (m/m) 250 579 88,62 1158 99,87 5,9×10-10 2,0×10-8
500 258 89,28 699 99,39 4,0×10-10 2,9×10-8
1000 238 87,42 525 99,67 3,0×10-10 2,8×10-8
Le Tableau 40 présente ainsi les valeurs des temps de demi-vie de l’atrazine et de l’ozone ainsi que de
l’exposition aux radicaux hydroxyles et du Rct déterminées (Eq. 79). Trois concentrations initiales de
catalyseur ont été testées. Les résultats mettent clairement en évidence que :
Les supports non imprégnés permettent d’atteindre des t1/2 pour l’ozone dans la plage 1,7×103-
4,4×103 s, alors que plus de 104 s sont nécessaires sans catalyseur. L’activité en ozonation
catalytique du TiO2, bien documentée dans la littérature, met en jeu à la fois des acides de Lewis
(localisés sur le cation métallique) et de Brønsted (groupe hydroxyle de surface) (Kasprzyk-Hordern
et al., 2003; Nawrocki and Kasprzyk-Hordern, 2010). L’activité catalytique intrinsèque de la silice
est plus surprenante et pourrait mettre en jeu des effets de collision et/ou d’adsorption (Ouederni
et al., 1996). Pour la silice non imprégnée, une diminution de la cinétique de décomposition de
l’ozone est ainsi observée pour des concentrations croissantes en catalyseur, ce qui indique que la
silice pourrait à la fois catalyser et inhiber la décomposition de l’ozone.
Les Rct mesurés avec les supports non imprégnés sont relativement proches de celui mesuré sans
catalyseur, ce qui indique qu’une exposition équivalente aux radicaux est obtenu mais en un temps
avantageusement plus court.
Les supports imprégnés sont significativement plus actifs que les supports vierges avec des t1/2 pour
l’ozone compris entre 0,2×103 et 1,0×103 s. Quel que soit le support, une augmentation de la
quantité de catalyseur permet d’augmenter la vitesse de décomposition de l’ozone, démontrant
l’activité des nanoparticules.
127
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Cette accélération de la décomposition de l’ozone est couplée à une exposition supérieure aux
radicaux hydroxyles, caractérisée par des Rct jusqu’à 10 fois plus grands qu’avec les catalyseurs non
imprégnés. Il est ainsi possible de maximiser conjointement la décomposition de l’ozone et la
production radicalaire permettant donc d’atteindre des temps de demi-vie de l’atrazine inférieur à
500 s, soit environ 9 fois plus faibles que sans catalyseur.
Ces essais, bien que concluants en terme d’activité, ont mis en évidence une des limitations des
supports pulvérulents : la difficulté de récupérer le catalyseur qui nécessite une étape de filtration
contraignante. Pour lever cette contrainte, un support papier composé de fibres de cellulose
enrobées d’un mélange de TiO2 (13,3 g m-2), SiO2 (16,7 g m-2) et zéolithe (3,4 g m-2) a ainsi été
imprégné avec succès par percolation par une solution stabilisée de nanoparticules de ruthénium.
Deux volumes de solutions colloïdales ont été employés pour imprégner 50 mg de papier, un
volume de 1 mL correspondant à une charge massique en Ru sur le papier théorique de 0,1 %, et
un volume de 7 mL permettant de saturer le support en Ru. Deux températures de séchage du
papier ont également été considérées (20°C à l’air ambiant et 60°C à l’étuve). Les résultats ont mis
en évidence la capacité de ce matériau à accélérer la décomposition de l’ozone et de l’atrazine,
mais dans une moindre mesure que les catalyseurs pulvérulents (Tableau 41). Ces résultats
semblent mettre en évidence des limitations diffusionnelles, le système n’étant agité que par un
simple barreau magnétique, et/ou une diminution de la surface de contact. Des Rct intéressants,
supérieurs à 10-8, ont néanmoins été obtenus avec les catalyseurs séchés à 60°C. Ces supports se
révèlent donc pertinents pour des applications dans un procédé réel. Des optimisations de la
méthode d’imprégnation seraient nécessaires. En outre, des essais dans un réacteur dynamique
avec des vitesses du liquide variables, seraient souhaitables pour confirmer l’influence de
limitations diffusionnelles.
Tableau 41. Temps de demi-vie de l’ozone et de l’atrazine et valeurs du Rct mesurés pour les
différents catalyseurs supportés sur papier.
Volume de solution T. de séchage O3 Atrazine HO•
2 2
t1/2 (s) R (%) t1/2 (s) t1/2 (s) R (%) t1/2 (s)
0,47 20 4850 99,00 3468 95,95 1,41×10-10 1,96×10-9
0,47 60 984 97,60 1267 98,45 1,70×10-10 1,38×10-8
3,3 20 5190 89,83 2712 99,04 5,33×10-10 6,76×10-9
3,3 60 4047 88,62 1158 99,87 7,44×10-10 2,36×10-8
128
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Dans cette étude, j’ai initié une collaboration avec Audrey Denicourt et Alain Roucoux de l’équipe
OMC de l’ISCR afin de développer une nouvelle activité thématique, l’ozonation catalytique. Des
nanoparticules métalliques de ruthénium, imprégnées par une méthode douce en phase aqueuse
sur de la silice et du dioxyde de titane, ont ainsi été utilisées dans un réacteur diphasique liquide-
solide. Les résultats mettent en évidence une intensification de la production radicalaire combinée
à une accélération de la décomposition de l’ozone. Toutefois, ces essais ont souligné la difficulté de
récupération des catalyseurs pulvérulents, nécessitant une étape de filtration contraignante. Les
nanoparticules métalliques ont ainsi été imprégnées avec succès sur un support cellulosique enrobé
de silice, de dioxyde de titane et de zéolithe. Ce catalyseur structuré et flexible, qui pourrait
facilement être intégré dans des réacteurs d’ozonation, a montré un potentiel intéressant pour
catalyser la décomposition de l’ozone et la production radicalaire.
A l’issu de cette première collaboration avec l’équipe OMC, j’ai souhaité poursuivre sur le concept
de dépôts de nanoparticules sur des supports non pulvérulents pour faciliter la mise en œuvre du
procédé. Un rapprochement avec l’équipe Verres et Céramiques a alors été initié. Ce nouvel axe de
recherche est développé dans la partie 6 de ce chapitre.
129
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Contexte de l’étude : Travaux de Master II de Pierre de la Motte Rouge, Bebel Vilar et Nataly Cohen,
projet de maturation SATT Ouest Valorisation (Ingénieurs maturation : Audrey Cabrol et Antoine
Lejeune).
Publication relative : (Lejeune et al., 2019) en préparation
Brevets relatifs : (Biard et al., 2015), un deuxième brevet est en préparation
Collaborations académiques : Audrey Denicourt et Alain Roucoux (équipe Organométalliques :
Matériaux et Catalyse de l’Institut des Sciences Chimiques de Rennes) et Ronan Lebullenger (équipe
Verres et Céramiques de l’Institut des Sciences Chimiques de Rennes)
La catalyse hétérogène est d’une importante cruciale dans l’industrie chimique ainsi que dans le
domaine de l’environnement, avec des applications en traitement des gaz, notamment en oxydation
catalytique, et en traitement de l’eau, pour lequel plusieurs procédés d’oxydation avancée y font
appel. Historiquement, des catalyseurs sous forme de poudres, grains ou pellets, employés en lit fixe,
lit fluidisé ou encore lit transporté, ont été développés (Houzelot, 2005; Trambouze and Euzen, 2002).
Plus tardivement, des catalyseurs structurés, principalement des monolithes avec une structure en nid
d’abeille, rencontrés par exemple dans les pots catalytiques automobiles (Williams, 2001), sont
apparus. Les monolithes sont en général en céramique (cordiérite notamment) et recouverts d’une
couche d’enduction (washcoat) en alumine sur laquelle des espèces catalytiques (métaux plus ou
moins nobles et/ou oxydes métalliques) sont déposés par diverses méthodes (Meille, 2006). Les
monolithes, composés de canaux parallèles au sens du flux, induisent une baisse sensible des pertes
de charge et permettent une mise en œuvre simplifiée par comparaison avec les catalyseurs non
structurés nécessitant une séparation avec le fluide réactionnel. Cependant, le caractère rectiligne des
canaux parallèles composant les monolithes reste un de leurs inconvénients majeurs puisqu’il peut
être à l’origine de mauvais échanges de matière et de chaleur radiaux et d’une mauvaise distribution
du fluide, chaque canal pouvant être considéré comme adiabatique (Heck et al., 2001). De plus, les
techniques d’extrusion pour leur mise en forme restent assez complexes et coûteuses à mettre en
œuvre (Avila et al., 2005). Des monolithes ont ainsi été développés par Zhao et ses collaborateurs pour
l’oxydation de micropolluants en ozonation catalytique (Zhao et al., 2009b, 2009a, 2008a, 2008b).
130
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
De manière plus confidentielle, des matériaux cellulaires comme des mousses de céramique, ou plus
rarement des mousses métalliques, ont été employés comme support catalytique (Tronconi et al.,
2014; Twigg and Richardson, 2002). Leur structure tortueuse en forme d’éponge diffère fortement des
monolithes de par la multitude d’interconnections entre des pores de forme polyédriques permettant
ainsi une meilleure dispersion radiale du fluide. Des densités de pores dans la gamme de 10 à 100 PPI
(pores per inch), relatives à des taux de porosité ouverte compris entre 75 et 90%, sont classiquement
recherchées (Twigg and Richardson, 2007). Les mousses métalliques sont ainsi utilisées depuis les
années 80 en catalyse. Toutefois, leur coût semble freiner leur développement industriel. Plus
abordable, les mousses de céramique ont émergé dans la littérature pour des applications en catalyse
il y a une vingtaine d’années. Des structures macroporeuses avec des pores de plusieurs centaines de
micron sont en général recherchées de façon à limiter la résistance aux frottements, et donc les pertes
de charge. A surface spécifique et vitesse équivalentes, les pertes de charge des mousses céramiques
sont inférieures à celles des lits fixes (packed bed) mais supérieures à celle des monolithes (Garrido et
al., 2008). Les pertes de charge des matériaux cellulaires peuvent être modélisées par des équations
de type Darcy-Forchheimer, découlant de la relation d’Ergun (Garrido et al., 2008; Regulski et al., 2015;
Richardson et al., 2000). En outre, les structures cellulaires permettent d’accéder à de larges surfaces
spécifiques avec des performances de transfert de matière et de chaleur et des facteurs d’efficacité
élevés (Twigg and Richardson, 2007). Les transferts de matière et de chaleur dans les mousses
céramiques et métalliques ont ainsi été étudiés par diverses équipes de recherche, notamment celles
de Richardson et de Tronconi (Bianchi et al., 2015, 2013; Bracconi et al., 2018; Garrido et al., 2008;
Giani et al., 2005; Groppi et al., 2007; Peng and Richardson, 2004; Richardson et al., 2003).
Les mousses de céramique nécessitent des conditions de fabrication assez lourdes (en général par
frittage de 1100 à 1700°C) et le dépôt par calcination d’une couche d’enduction mésoporeuse
d’alumine de quelques dizaines de m d’épaisseur, permettant d’augmenter la surface spécifique du
matériau et l’accroche des espèces actives (oxydes métalliques le plus souvent) (Hammel et al., 2014;
Richardson et al., 2003).
Suite aux premiers essais réalisés en ozonation catalytique sur un catalyseur flexible à base de
cellulose, j’ai opéré un rapprochement avec l’équipe V&C de l’ISCR pour tenter le dépôt d’espèces
actives en catalyse sur des supports rigides en verre ou en céramique. A l’origine, l’idée était plutôt
d’ancrer des nanoparticules sur des matériaux pleins comme des garnissages ou des billes en verre.
Cependant, la rencontre avec Ronan Lebullenger a permis de s’orienter sur un matériau cellulaire
innovant dans le cadre d’applications en catalyse hétérogène, les mousses de verre.
131
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Les mousses de verre sont des matériaux cellulaires possédant des épaisseurs de paroi en général de
l’ordre de quelques m et des porosités comprises entre 75 et 90%, voire 95% dans certains cas
(Fernandes et al., 2009; Scheffler and Colombo, 2005). Contrairement aux mousses de céramique,
obtenues par frittage à des températures comprises entre 1100 et 1700 °C, la production des mousses
de verre par la méthode de la poudre (powder method) est simple, nécessite peu d’étapes et est peu
énergivore. Classiquement, une poudre de verre de granulométrie inférieure à 400 m est mélangée
à un ou plusieurs additifs (agents moussants, tels que AlN, SiC, CaCO3, MnO2, etc. et dopants, tels que
TiO2, MnO2, Fe2O3, etc.) dans un moule réfractaire (Lebullenger et al., 2010). Le mélange est porté à
une température comprise entre 750 et moins de 1000°C, supérieure à la température de
ramollissement du verre, au-delà de laquelle sa viscosité diminue rapidement. La formation de bulles
de gaz (bulles de CO2 lors de l’utilisation de SiC ou CaCO3, de N2 lors de l’utilisation d’AlN, etc.) par
transformation des additifs sous l’effet de la température donne ainsi naissance aux futures pores
obtenus lors du refroidissement. L’ajout d’agents dopants permet d’accélérer le processus de
formation des bulles et de réduire la quantité d’agent moussant. Par exemple, la réaction R.25
correspond à la formation de bulles d’azote obtenues en présence de TiO2 comme agents dopants :
𝑇𝑒𝑚𝑝é𝑟𝑎𝑡𝑢𝑟𝑒
3TiO2(s) + 4 AlN → 2Al2O3(s) + 3 TiN(s) + ½ N2(g) R. 25
Figure 48. Photographie d’une mousse de verre vierge et zoom obtenue par microscopie
électronique à balayage.
La Figure 48 présente ainsi une photographie d’une mousse de verre fabriquée au laboratoire ainsi
qu’un zoom sur les pores, obtenu par microscopie électronique à balayage. Une distribution bimodale
peut-être observée, avec une majorité de pores de quelques centaines de micron dans lesquels se
132
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
logent des pores plus petits de quelques dizaines de microns. Cette distribution bimodale a été
confirmée par traitement d’images sur le logiciel Image J.
Ces matériaux ont été développés historiquement pour des applications de filtration ou en génie civil
(isolations phonique et thermique de bâtiment) et sont en général issus avantageusement du recyclage
de déchets domestiques ou industriels de verre (à plus de 90 et jusqu’à 97,5%) s’inscrivant dans une
démarche d’économie circulaire (Bai et al., 2014). En fonction de l’application visée, les proportions
de pores ouverts (interconnectés les uns avec les autres) ou fermés peuvent être modulées en jouant
sur la nature du verre, la quantité et la nature des additifs, la technique de chauffage et les gradients
de température imposés. Les mousses de verre sont notamment caractérisées par une haute
résistance chimique, une bonne surface spécifique, une faible densité apparente de l’ordre de 0,1 à
0,6 g cm-3 et des résistances à la compression de 0,4 à 6 MPa (Fernandes et al., 2009; Scheffler and
Colombo, 2005). Le Tableau 42 présente ainsi les propriétés de quelques mousses de verre
synthétisées au laboratoire, issues de déchets de verre blanc (verre de consommation), comportant
des quantités d’AlN, TiO2 et MnO2 variables. Des porosités ouvertes supérieures à 90%, mesurées avec
un pycnomètre à l’hélium, peuvent ainsi être obtenues avec des tailles de pores moyennes de quelques
dixièmes de mm (déterminées par traitement d’image sur le logiciel Image J). La porosité fermée est,
dans tous les cas, négligeable sur ces échantillons.
Tableau 42. Propriétés (masse volumique, pourcentage de porosité ouverte , diamètre moyen de
pores dp et angle de contact ) de différentes mousses de verres possédant des compositions en
agents dopants et moussants variables (proportions massiques) et une granulométrie initiale
variable.
Composition Propriétés mousse
Granulo. T Temps
Ech. vraie ρapp ε dp
AlN TiO2 MnO2 (µm) (°C) (min)
(g cm-3) (g cm-3) (%) (mm) (°)
1 1,48 0,00 3,00 < 100 880 30 2,95 0,30 90 0,20 76
2 2,90 3,00 3,00 < 100 880 30 2,84 0,34 88 0,23 65
3 1,48 3,00 0,00 < 100 880 30 2,49 0,67 73 0,19 nd
4 0,60 1,16 1,16 < 100 880 30 2,63 0,59 77 0,11 47
5 0,60 4,84 4,84 < 100 880 30 3,50 0,26 92 0,43 76
6 0,60 4,84 4,84 < 100 850 30 2,40 0,22 91 0,50 nd
7 0,60 4,84 4,84 200 < X < 350 880 60 2,58 0,31 88 0,55 nd
8 0,60 4,84 4,84 < 100 850 60 2,12 0,23 89 0,51 nd
133
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Figure 49. Photographie d’une mousse de verre imprégnée de nanoparticules de Ru(0) (tâches
noires) obtenue par microscopie électronique à transmission.
134
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
V-3
Purge
Réacteur
V-1
Sens 2
Réservoir PI
(500 mL) FI
Injection CyE
Prélévements
Sens 1
By-pass
Pompe à gaz V-2 V-4 Té en verre
H2
Clapet anti-retour
N2
Figure 50. Montage développé pour l’hydrogénation d’alcènes par un procédé discontinu
dynamique en phase gaz.
Une matériau catalytique cellulaire basé sur le dépôt de nanoparticules métalliques sur des mousses
de verre a été développé en collaboration avec les équipes OMC et V&C de l’ISCR. L’activité
catalytique du matériau a été validée de prime abord sur deux applications :
135
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Les diverses caractérisations de ce matériau ont été réalisées principalement lors du projet de
maturation Mouvépur, financé par la SATT Ouest Maturation entre 2018 et 2019, dont j’étais le
coordinateur scientifique. Deux ingénieurs de maturation titulaires d’un doctorat, Audrey Cabrol et
Antoine Lejeune, ont été recrutés sur ce projet. Plus de soixante-dix mousses de verre ont été
synthétisées avec des compositions variables d’agents moussants et dopants, des profils de
températures différents et des granulométries initiales du verre variables. Les méthodes de fabrication
des mousses et d’imprégnation par les nanoparticules ont notamment été optimisées (savoir-faire
soumis à confidentialité). La montée en échelle de la production des mousses a également été validée
lors de la fabrication d’un lit d’un diamètre de 5,5 cm et d’une longueur de 24,5 cm. Les caractérisations
du matériau ont mis en évidence :
Le caractère hydrophile des mousses de verre, avec des angles de contact déterminés par la
méthode de Washburn, compris entre 45 et 80°. Ce caractère hydrophile facilite l’imprégnation à
cœur du matériau par la méthodologie développée en phase aqueuse ;
La présence de plusieurs phases dans le matériaux (diffraction RX), notamment de la silice SiO2 et
des silicates de sodium et calcium ;
Une force de compression de 2,9 MPa ;
Des pertes de charge fortement influencées par la porosité ouverte et la taille des pores. Un
exemple est illustré sur la Figure 51, qui présente les pertes de charge des huit mousses recensées
dans le Tableau 42. A une vitesse de 1 cm s-1, un facteur 40-50 entre la perte de charge la plus faible
(échantillon 7 à 88% de porosité ouverte) et la plus élevée (échantillon 4 à 77 % de porosité ouverte)
est observé, démontrant une sensibilité très élevée à la porosité ouverte. Les pertes de charge ont
été modélisées par l’équation de Darcy-Forchheimer avec une précision satisfaisante ;
Un déplacement du point isoélectrique de 2,3 pour une mousse vierge, à 3,0 pour une mousse
imprégnée (Figure 52), avec une charge négative moins élevée en raison des charges positives des
particules de Ru(0), validant l’accroche des nanoparticules de Ru(0) ;
L’absence de relargage significatif de nanoparticules tant en phase aqueuse que dans l’air. Des
échantillons de quelques cm3 de mousses de verre imprégnées ont été soumis à des conditions
agressives dans un soxhlet contenant de l’eau à pH acide ou neutre. La solution résiduelle, analysée
ensuite par ICP-OES ne contenait que 0,05 ppm de ruthénium, a priori lié davantage à l’attrition de
la mousse de verre, plus qu’à un véritable décrochage des nanoparticules du support. Enfin, une
mousse a été alimentée pendant 72 h par 21 m3 d’air. Un flacon laveur contenant de l’eau était
placé en aval du circuit afin de piéger les éventuelles particules désorbées et n’a pas révélé de
136
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
#3
#2
#4
#1
#5 #6
#8
#7
Figure 51. Evolution des pertes de charge à l’air à température ambiante en fonction de la vitesse
du fluide (calculée en fut vide). Les courbes pleines correspondent aux modèles de Darcy-
Forchheimer.
0 pH
2 3 4 5 6 7 8
-5
Zeta potential (mV)
-10
-15
-20
-25
Figure 52. Mesure du potentiel Zéta d’une mousse de verre vierge (▲) et d’une mousse de verre
imprégnée de nanoparticules de Ru(0) (■).
137
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
6.3.1 Introduction
Dans le cadre du projet de maturation, deux applications de traitement des COV dans l’air ont été
étudiées :
L’oxydation thermo-catalytique, dans laquelle l’oxygène de l’air joue le rôle d’oxydant primaire. Des
températures élevées, de 100 à 400°C (de 250 à 350°C préférentiellement), sont nécessaires pour
activer la réaction (Kamal et al., 2016; Liotta, 2010).
L’ozonation catalytique, dans laquelle l’ozone de l’air est l’oxydant primaire. Des températures plus
faibles, voire proche de l’ambiante, sont dans ce cas suffisantes pour activer la réaction (Kwong et
al., 2008).
Dans un premier temps, un banc de test avait été dimensionné pour alimenter des mousses de verre
de 16 mm de diamètre et de 3,5 à 5 cm de longueur, avec des vitesses superficielles de quelques
cm s-1 (débits de l’ordre du NL h-1). Des concentrations en ozone de l’ordre de 10 à 15 g Nm-3 étaient
ciblées lors des expériences d’ozonation catalytique tandis qu’un four tubulaire était employé en
oxydation thermocatalytique.
Dans un second temps, sur la base des premiers résultats obtenus sur ce banc de test, une montée en
échelle a été opérée, avec le développement d’un pilote capable de traiter des débits de l’ordre de
quelques centaines de NL h-1, avec des mousses de 5,5 cm de diamètre et 25,5 cm de longs.
By-pass (sortie
vers Sorbonne)
débitmètre
Point prélèvement
échantillon
Emplacement
pour la mousse Manomètre
Sortie (vers piège à gaz)
Point injection
COV Connexion poche
remplie d’ozone
Pousse-seringue (alimentation circuit
(COV) par une pompe)
Figure 53. Photographies du banc de test et du pilote développés lors du projet de maturation.
138
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Les principaux facteurs étudiés dans cette étude sont le rapport entre les concentrations initiales
d’ozone et de COV, la température (de la température ambiante à 90°C), et le temps de séjour. Les
résultats ont clairement mis en évidence la capacité de la mousse de verre imprégnée de Ru(0)
(mousse possédant une porosité de 92% et un diamètre de pore moyen de 0,585 mm) à décomposer
l’ozone à température ambiante, avec des abattements de l’ordre de 15-20% pour un temps de séjour
de quelques secondes, jusqu’à plus de 95% pour des temps de séjour de 30 s avec une vitesse
superficielle de l’ordre du cm s-1. Les résultats ont souligné une limitation par le transfert de matière à
de telles vitesses, une augmentation de l’abattement étant constatée pour une augmentation de la
vitesse superficielle à temps de séjour identique. La modélisation de la cinétique de réaction par un
modèle du type Langmuir Hinshelwood (Biard et al., 2007), en tenant compte du transfert de matière
et d’un écoulement de type piston, a permis de montrer que des vitesses supérieures à quelques
cm s-1 sont nécessaires pour lever toute limitation par le transfert. Dans de telles conditions, des
abattements de l’éthanol (à ≈ 1 g m-3) et de l’acétone (à 2 ≈ g m-3) de respectivement 97 % en 9 s de
temps de séjour et de 40 % en 4 s de temps de séjour ont été mesurés à température ambiante. Le
ratio entre les concentrations initiales en ozone et celles en COV est un paramètre crucial. En effet, en
défaut d’ozone, l’ozone peut-être entièrement consommé avant la sortie de la mousse. Dans ce cas, la
longueur de mousse supplémentaire devient inefficace pour abattre les COV. En trop large excès
d’ozone, des effets de compétition sont observés au détriment de l’abattement des COV. En
augmentant la température du four, jusqu’à 90°C, il est possible de dégrader à près de 100% l’éthanol,
l’acétone et l’ozone, avec des bons taux de minéralisation, en 5 s de temps de séjour.
A 250°C, l’abattement en éthanol, acétone et acétate de butyle est de 100%, sans détection de sous-
produit organique. L’abattement du toluène à cette température est de 94%, et de 98% à 300°C. Celui
139
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
du xylène est de 88% à 250°C et de 100% à 300°C. Le COV le plus récalcitrant à l’oxydation, l’heptane,
nécessite une température de 350°C pour obtenir 100% d’abattement sans sous-produit détecté en
chromatographie en phase gazeuse (CPG). A 300°C, l’abattement en heptane est tout de même de 88%
mais plus d’une vingtaine de sous-produits différents sont observés en chromatographie gazeuse
Après 36 h d’utilisation d’une mousse, il n’a pas été observé de baisse d’efficacité malgré les
concentrations relativement importantes en COV mises en place. Cela restera à confirmer sur des
durées d’utilisation plus longue. Les performances observées sur le banc de test ont finalement été
confirmées sur le pilote de traitement avec une mousse de 5,5 cm de diamètre et 25,5 cm de longueur.
100
90
80
70
Abattement (%)
60
50
40
30
20
10
0
100 150 200 250 300 350
Température (°C)
Ethanol Acetone Toluène Heptane Xylène Acetate de butyle
1 g m-3 2 g m-3 1 g m-3 1 g m-3 0,18 g m-3 0,12 g m-3
Figure 54. Evolution de l’abattement en COV en fonction de la température sur une mousse de
verre imprégnée de Ru(0) pour un temps de séjour de 9 s.
140
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Le potentiel des mousses de verre imprégnées par des nanoparticules de Ru(0) pour l’oxydation de
COV a été validé sur deux procédés distincts : l’ozonation catalytique (entre 20 et 90°) et l’oxydation
thermocatalytique (entre 100 et 350°C). Des abattements significatifs, voire totaux, de l’ozone et des
COV ont en effet été mesurés pour des temps de séjour de quelques secondes. Une montée en
échelle a été opérée à travers le développement d’un pilote capable de traiter quelques centaines
de NL h-1. Les essais menés ont permis de démontrer qu’il serait possible d’augmenter la vitesse
superficielle du gaz afin d’augmenter avantageusement la vitesse de transfert vers le
dimensionnement de pièces plus compacts. Un compromis entre les pertes de charge et le transfert
de matière devra cependant être trouvé.
6.4.1 Introduction
Thermoplongeur
25
Catalyseur
Colonne
à bulles FI FI
Débitmètre
V-1 V-2
Bain
thermostaté
V-4
Génération O3
Analyse O3 entrée Purge
Pompe à membrane
141
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
la quantification du Rct, une configuration diphasique liquide-solide a été employée, dans laquelle le
catalyseur est alimenté par la solution d’étude pré-ozonée, permettant de séparer les étapes de
transfert et de décomposition de l’ozone sur le catalyseur (Figure 55). Deux matrices d’eau, de l’eau
du réseau à son pH naturel de 8 et acidifié à pH 7, et de l’eau ultra-pure acidifiée à pH 3 pour visualiser
uniquement l’effet intrinsèque du catalyseur, ont été étudiées. Une faible concentration d’atrazine (<
500 ppb) était ajoutée à ces différentes matrices d’eau à t0 afin de quantifier le Rct (Eq. 79). Après la
synthèse de plus d’une vingtaine de mousses, trois mousses aux caractéristiques différentes ont été
sélectionnées (Tableau 43). Une vitesse superficielle de 0,86 m s-1 (correspondant à un débit de 6 L h-1
dans un lit de 16 mm de diamètre) a été ciblée, permettant d’atteindre un temps de séjour de 4,6 s
avec des mousses d’environ 3 cm de longueur.
Tableau 43. Composition et porosité des mousses de verre développées et valeurs du Rct
déterminées pour les différentes matrices d’eau.
2% AlN, 1,5% TiO2, 1%
Composition 2% TiO2, 3% MnO2 1,5% AlN, 2% TiO2
MnO2
Porosité
86% 83% 80%
ouverte
Réseau Réseau EUP Réseau Réseau EUP Réseau Réseau EUP
Matrice et pH
8,07 6,93 3,06 8,09 6,97 2,24 8,19 7 ± 0,1 3,05
106×Rct 21,91 30,42 10,33 14,2 8,0 17,9 25,9 16,6 14,1
6.4.2 Résultats
Avec des mousses vierges, aucun abattement significatif de l’ozone et de l’atrazine n’a été observé
entre l’entrée et la sortie du lit catalytique, quel que soit le pH. En revanche, avec des mousses
imprégnées, à la fois l’ozone et l’atrazine étaient consommés de façon significative, permettant la
1
2,71 sans catalyseur
2
1,98 Sans catalyseur
3
0,36 sans catalyseur
142
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
détermination du Rct selon l’Eq. 79. La Figure 56 permet ainsi de visualiser les abattements en ozone
et atrazine observés en seulement 4,6 s de temps de séjour dans de l’eau ultra-pure (EUP) à pH 3 sur
la mousse NC022. Les résultats mettent ainsi en évidence de façon probante la capacité des catalyseurs
à décomposer l’ozone en un temps de contact réduit. Des abattements de 20 à 60% (à pH 3 dans l’EUP),
de 30 à 70% (à pH 7 dans l’eau du réseau) et de 30 à 90% (à pH 8 dans l’eau du réseau) ont ainsi été
mesurés. Parallèlement, des Rct relativement constants pendant la durée de chaque manipulation, et
donc quasiment indépendant des concentrations d’entrée d’ozone et d’atrazine, ont été quantifiés
(Tableau 43). Ainsi, en général, des valeurs du Rct de l’ordre de 2×10-7, de 10 à 50 fois plus élevées que
sans catalyseur, ont été observées. Ces valeurs de Rct intéressantes, couplées à une forte capacité de
décomposition de l’ozone du catalyseur, quel que soit le pH, démontre la capacité du catalyseur à
intensifier la production d’espèces réactives en un temps réduit. Cette étude prospective a ainsi
démontré le potentiel des mousses de verre pour catalyser la décomposition de l’ozone et la
génération d’espèces radicalaires. Des essais de vieillissement ont été menés et n’ont pas montré de
désactivation du catalyseur au bout de trois cycles d’utilisation.
Ozone Atrazine
7.0 0.5 Entrée
(a) Modèle
6.0
5.0
0.4 = 4,6 s Sortie
Modèle
Coz (ppm)
(b)
Cat (ppm)
4.0 0.3
3.0 0.2
2.0 Entrée
Modèle 0.1
1.0 Sortie
Modèle
0.0 0
0 100 200 300 400 500 600 700 800 0 100 200 300 400 500 600 700 800 900
Temps (s) Temps (s)
Figure 56. Evolution temporelle de la concentration en ozone (a) et en atrazine (b) à l’entrée et à la
sortie du lit fixe (exemple avec la mousse NC022 dans l’eau ultra-pure à pH 3).
143
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Dans cette étude, le potentiel des mousses de verre imprégnées par des nanoparticules de Ru(0)
pour l’oxydation de micropolluants dans l’eau a été confirmé. J’ai ainsi développé un dispositif
dynamique permettant de tester les mousses en ozonation catalytique. Ce dispositif a été utilisé
dans le cadre du stage de Master 2 de Nataly Cohen. En un court temps de séjour, les mousses de
verre ont la capacité de dégrader l’ozone, même à pH acide. Cette décomposition s’accompagne
d’une formation importante d’espèces actives de surface ou en solution, puisque des abattements
significatifs de l’atrazine ont été constatés, permettant ainsi de quantifier la production radicalaire
à travers le calcul du Rct. Des Rct de l’ordre de 2×10-7, de 10 à 50 fois plus élevés que sans catalyseur,
ont ainsi été observés. Par conséquent, les mousses de verre catalytique s’intègrent pleinement dans
la démarche d’intensification des procédés.
6.5 Conclusion
Cette collaboration a abouti au dépôt d’un premier brevet en 2015. Un second brevet et un premier
article sont également en préparation.
144
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Mes activités de recherche, marquées par un positionnement à l'interface de la chimie et du génie des
procédés, se concentrent sur le développement, l'optimisation et la modélisation de procédés de
traitements physico-chimiques de l'eau (par oxydations chimique et avancée) et de l'air (par absorption
et catalyse). Ces procédés s'articulent autour de deux mécanismes complémentaires, les transferts
entre phases (gaz/liquide, gaz/solide, liquide/solide) et l'oxydation afin d’éliminer ou dégrader des
composés organiques nocifs pour la santé et l'environnement.
Ces transferts de phase ont avantageusement été mis en œuvre dans des dispositifs adaptés à la
mesure de constantes cinétiques ou de coefficients de partage et de transfert de masse. Je souhaiterais
ainsi optimiser le dispositif développé dans la partie 3.2 du Chapitre 2 pour la mesure dynamique de
coefficients de partage et de transfert de masse afin de pouvoir déterminer les coefficients de diffusion
correspondants. Cet axe sera développé dans la partie 2 de ce chapitre.
Dans le cadre du développement d’un nouveau matériau catalytique (Chapitre II, partie 6), une
nouvelle orientation thématique vers la chimie fine a été opérée tout en étudiant des réactions
d’intérêt dans le domaine de l’environnement. Ce sujet de la catalyse hétérogène basée sur l’utilisation
de mousses de verre imprégnées de nanoparticules métalliques est particulièrement porteur, et de
nombreux aspects sont encore à développer/étudier tels que l’optimisation et la caractérisation fine
du couple support/catalyseur ou encore le développement de nouvelles applications, tant en
oxydation qu’en réduction, quelle que soit la nature de la phase réactive (liquide ou gazeuse). Cet axe
sera développé dans la partie 3 de ce Chapitre III.
Par ailleurs, désireux de poursuivre mes recherches dans le domaine de l’ozonation, j’envisage le
développement de trois nouveaux couplages du procédé d’ozonation. Cet axe de recherche sera
développé dans la partie 4 de ce chapitre.
145
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
En effet, selon Versteeg et al. (1987), dans un réacteur à cellules agitées, le coefficient de transfert
local côté liquide kL est proportionnel à L-0,39, à L0,39 et à DL0,66. Quant à lui, kG est proportionnel à
DG0,50, en accord avec la théorie de Higbie. Des influences proches de ces divers paramètres ont été
confirmées par Kucka et al. (2003). Contrairement à DL, DG peut être calculé dans l’air avec une bonne
146
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
précision à l’aide des corrélations de la littérature, notamment celle de Fuller, Schetter and Gittings
(Roustan, 2003). Dans des conditions opératoires définies (vitesse d’agitation des phases, débit de gaz,
température, pression et volume de la phase liquide constants), KL dépend ainsi des caractéristiques
du solvant, de H et de DL selon l’Eq. 94 :
1 1 RT
KL
=𝐶 0,39 𝜇 −0,39 𝐷 0,67 + H𝐶 0,50 Eq. 94
1 𝜌𝐿 𝐿 𝐿 2 𝐷𝐺
Par conséquent, en absorbant un jeu de plusieurs solutés dans un ou plusieurs solvants de référence
(notamment de l’eau), pour lequel les coefficients de diffusion DL sont connus (soit expérimentalement
soit à l’aide de corrélations semi-empiriques), il serait possible d’en déduire C1 et C2 par régression
linéaire. En conservant les mêmes conditions opératoires mais en remplaçant le ou les solvants de
référence par des solvants d’étude, tels que des liquides ioniques, du DEHA, du PDMS, etc., le
coefficient DL pourrait être calculé selon l’Eq. 96:
1 𝑅𝑇 −1 1
𝐷𝐿 0,67 = ( − 0,50 ) Eq. 96
𝐾𝐿 𝐻𝐶2 𝐷𝐺 𝐶1 𝜌𝐿 0,39 𝜇𝐿 −0,39
147
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Dans la partie 6 du chapitre II, un nouveau catalyseur hétérogène développé en collaboration avec les
équipes OMC et V&C de l’ISCR ont été introduit. Dans le domaine de la remédiation, plusieurs
applications de ce catalyseur ont été présentées. Néanmoins, faute de ressources financières et
humaines suffisantes, ces applications restent encore largement à optimiser et approfondir, que ce
soit en phase liquide ou en phase gazeuse (partie 3.1 et 3.2). En outre, plusieurs applications d’intérêts
possibles en synthèse organique ont été identifiées (partie 3.3).
Les essais préliminaires menés dans le cadre du Master II de Nataly Cohen ont mis en évidence le
potentiel des mousses de verre imprégnées de Ru(0) pour décomposer l’ozone et induire la formation
d’espèces actives capables de dégrader l’ozone. Contrairement aux procédés d’oxydation avancée
monophasiques qui induisent uniquement la formation de radicaux libres en solution, les procédés
hétérogènes peuvent induire la formation de radicaux de surface. En outre, le mécanisme implique la
diffusion puis l’adsorption de l’ozone et/ou des composés organiques à dégrader (Beltrán, 2004; Yang
and Wu, 2019). Afin de mieux appréhender la nature du mécanisme mis en jeu, l’addition d’inhibiteurs
et de traceurs de radicaux sera indispensable. Yang and Wu (2019) ont ainsi employé le tert-butanol
et le méthanol pour respectivement tracer les radicaux libres et les radicaux de surface. Ce type
d’étude sera à effectuer avec diverses matrices d’eaux naturelles, telles que des eaux de surface ou
des eaux souterraines, ainsi que des eaux usées.
Une modification du pilote actuel devra également être envisagée, l’ozonation de l’eau à traiter avant
de l’introduire dans le catalyseur n’étant pas une solution réaliste pour un procédé réel. Ainsi, il sera
possible de mélanger directement à l’entrée de la mousse l’eau à traiter à une eau possédant une
faible demande en ozone préalablement pré-ozonée dans un réacteur gaz-liquide dédié (configuration
liquide-solide, Figure 57). Ce type de mise en œuvre a déjà fait ses preuves pour le couplage de l’ozone
et du peroxyde d’hydrogène (Chapitre 2, partie 4.2) et devrait permettre dans le cas présent de
148
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
CONFIGURATION LIQUIDE-SOLIDE
Eau O3
propre
O3
Réacteur
Réacteur gaz- gaz-liquide
Catalyseur Eau
liquide
O3 Eau
Catalyseur
O3 traitée
Eau à
traiter
149
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
En épuration d’air industriel, caractérisé par des concentrations souvent de l’ordre de la centaine voire
des milliers de mg m-3, à la fois l’oxydation thermocatalytique et l’ozonation catalytique pourraient
être envisagées. Le dimensionnement d’un pilote capable de traiter environ 50 m3 h-1 d’air est ainsi à
l’étude, et sa réalisation sera conditionnée à l’obtention d’un financement adéquat.
Fan
Fresh air
Polluted air
HVAC
module
Fan
Heating device
Cleaned
Heat exchanger
air
Polluted
air Filter
Fan Catalytic material
Integration to Autonomous
confined spaces Air cleaner 900mm
4600mm
3450mm
900mm
Foamidable
900mm
air purifier
Foamidable
air purifier
900mm
Figure 59. Intégration des mousses de verre catalytiques pour l’épuration d’air intérieur.
150
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
En épuration d’air intérieur, caractérisé par de faibles concentrations en COV, inférieures à la dizaine
ou centaine de g m-3, seule l’oxydation thermocatalytique pourrait être envisagée. A la fois une
intégration en tant qu’épurateur autonome (épurateur mobile) ou à un système de ventilation,
chauffage et climatisation (HVAC en anglais) sont imaginables à ce stade (Figure 59). Un projet ANR
(InOx) a été déposé en ce sens en 2018 (échec au premier tour) et 2019 (échec au second tour). Ce
projet a été resoumis pour l’appel à projet 2020 en collaboration avec le CSTB. Il vise notamment à
parfaire la préparation des mousses de verre et leur imprégnation, ainsi que la sélection des particules
actives. Dans un second temps, des essais pilotes à l’échelle du laboratoire (débit de l’ordre de la
centaine de L h-1) sont prévus pour mieux appréhender l’influence des conditions opératoires sur les
vitesses de réaction et de minéralisation des COV (débit/vitesse du gaz, concentration, caractéristique
des particules et de la mousse, etc.) ainsi que pour identifier les sous-produits formés (Figure 60). Le
développement d’un modèle de transfert de masse couplé à un modèle cinétique ainsi que d’un
modèle de transfert de chaleur sera nécessaire pour pouvoir prédire les performances d’abattement
en fonction des conditions opératoires. En outre, la caractérisation du procédé développé dans une
maison témoin du CSTB est prévue avec une montée en échelle basée sur le développement d’un
prototype (débit de l’ordre de la dizaine de m3 h-1).
Catalyst
(Analytical pool Deterministic models
VOC
P RH
(CO2, VOC, GC-FID, Oxidation kinetics
etc.)
Pressure drop
Air Hood Mass-transfer
Heat-transfer
RH T T
Oven
By-pass
By-products
detection and
quantification
Figure 60. Intégration des mousses de verre catalytique pour l’épuration d’air intérieur.
151
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Outre les applications environnementales développées dans les paragraphes 3.1 et 3.2, l’utilisation des
mousses de verre en synthèse chimique est envisageable. Des résultats probants avaient ainsi été
obtenus pour l’hydrogénation du cyclohexène en cyclohexane dans une configuration discontinue
(réduction). Ces essais pourraient être poursuivis en bénéficiant des améliorations obtenues depuis
peu sur le matériau. En outre, il serait pertinent de transposer ces essais dans une configuration
continue et de s’atteler à l’hydrogénation de molécules plus complexes à réduire, telles que le toluène
ou le benzène. Pour exemple, l’hydrogénation du benzène en cyclohexane (précurseur de l’acide
adipique pour les nylons) est une réaction stratégique au niveau industriel (IFP process, Hydrar
(Unibon), Stamicarbon (DSM), Hytoray (Toyo Rayon)). Enfin, la réduction des oxydes d’azote pourrait
être étudiée.
152
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Fontmorin et al. (2014) soulignent que l’efficacité de minéralisation de ce procédé dépend de trois
facteurs cruciaux : la génération des radicaux en surface, la nature et la stabilité de l’anode et la
compétition des réactions d’oxydation des polluants organiques avec la réaction de relargage
d’oxygène. En effet, une part substantielle des radicaux de surface peut être décomposée
spontanément (selon la réaction Anode(HO•) → Anode + ½ O2 + H+ + e-), sans permettre l’oxydation
des composés d’intérêt. Deux types d’électrodes dépendant de la nature du matériau sont ainsi
considérées. Les électrodes actives désignent des électrodes pour lesquelles les radicaux sont
chimisorbés à la surface de l’électrode, le pouvoir oxydant est ainsi faible. Au contraire, dans le cas des
électrodes non actives et d’une adsorption faible (physisorption), les radicaux peuvent facilement se
désorber en solution et le pouvoir oxydant est élevé.
De fait, des anodes de diverses natures ont été testées dans la littérature (Pt, IrO2, RuO2, SnO2, SbO2,
PbO2, etc.) et ont montré, pour certaines, de faibles activités pour la génération de radicaux et pour
d’autres une faible stabilité et durabilité (encrassement). Ainsi, à ce jour, les anodes non actives BDD
(électrodes en diamant dopé au bore) ont celles qui ont démontré le potentiel le plus élevé pour
l’oxydation anodique (Pérez et al., 2010).
De nombreux couplages de procédés d’oxydation avancées ont été étudiés dans la littérature.
Cependant, le couplage de l’ozonation et de l’oxydation anodique ne semble avoir été employé que
par García-Morales et al. (2003). Dans une configuration semi-continue (bullage d’O3 dans la cellule
153
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
électrochimique), ils ont montré une synergie entre les deux procédés couplés, sans proposer
d’explication en dehors des activités intrinsèques des deux POA (García-Morales et al., 2013). Une
explication plausible serait la consommation des radicaux de surface par l’ozone, permettant d’initier
sa décomposition, tout en générant de nouveaux radicaux de surface ou libres disponibles pour oxyder
les polluants organiques présents en solution. Cette hypothèse sous-tendrait une baisse de la
compétition de la réaction de relargage d’oxygène. Il est également envisageable que l’ajout d’ozone
permette de limiter l’encrassement des électrodes responsable d’une baisse d’activité au cours du
temps.
La nature de l’eau traitée. Le pH, la matière organique, les carbonates, la présence d’un électrolyte
et les ions chlorures sont notamment susceptibles d’affecter à la fois la décomposition de l’ozone
et l’oxydation anodique. Il serait particulièrement intéressant d’étudier l’influence des ions
chlorures, susceptibles d’être oxydés en chlore libre à l’anode. Cette formation de chlore libre est
redoutée en électro-oxydation en raison de la possible formation parasite de composés organo-
chlorés. L’ozone serait également susceptible de réagir avec le chlore libre formé conduisant
notamment à la formation de chlorate dont la toxicité reste à évaluer (von Gunten, 2003).
La nature de l’anode et la densité de courant à l’électrode ;
La dose d’ozone apportée ;
La configuration du réacteur. A la fois des tests dans une configuration gaz-liquide et dans une
configuration monophasique, nécessitant l’apport d’une eau pré-ozonée (Chapitre 2, partie 4.2)
pourraient être envisagés. La configuration monophasique serait particulièrement avantageuse
pour contrôler finement la dose d’ozone apportée afin d’évaluer un critère analogue au Rct et donc
de quantifier l’exposition aux radicaux sur l’exposition à l’ozone. Un intérêt particulier sera porté
tant à la nature des écoulements qu’à l’agitation de la ou des phases au sein de la cellule de façon
à tenir compte des problématiques de transport des espèces.
154
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Les procédés membranaires, notamment la nanofiltration et l’osmose inverse, capables de retenir des
molécules de très petites tailles comme les micropolluants, font l’objet d’une attention croissante de
la part de la communauté scientifique et des traiteurs d’eau. Ces technologies non destructives, bien
que matures d’un point de vue technologique, souffrent de deux limitations majeures, (i) le colmatage
de la membrane susceptible d’altérer sa perméabilité et sa capacité de rétention, et (ii) son
vieillissement, notamment au contact des agents chimiques employés lors des phases de nettoyage.
Ces deux aspects font partie des axes de recherche du groupe « membrane » de l’équipe CIP.
Afin de limiter ces deux phénomènes tout en tentant de dégrader au moins partiellement les composés
organiques à traiter, le couplage de la filtration membranaire et de l’ozonation a été proposée dans la
littérature, s’inscrivant dans la tendance de l’intensification des procédés (Ganiyu et al., 2015). La
configuration retenue dans ce cas est celle d’un réacteur gaz-liquide-solide, dans lequel l’ozone est
introduit sous forme gazeuse en ressortant dans le retentât. Les membranes fonctionnant sous
pression, cette mise en œuvre permet d’obtenir de fines bulles et de bonnes performances de
transfert.
Une configuration alternative a également été proposée, dans laquelle la membrane est utilisée
comme un contacteur membranaire, c'est-à-dire que l’ozone gazeux est forcé de traverser la
membrane pour rejoindre la phase liquide. La membrane joue ainsi le rôle d’interface entre les deux
phases. Les contacteurs membranaires sont réputés pour offrir de bonnes performances de transfert
et d’excellentes aires interfaciales pour tendre vers de bons rendements de transfert de l’ozone. En
contrepartie la membrane ne joue pas son rôle sélectif dans le tri des solutés entre le perméat et le
retentât et la technologie. Merle et al. (2017) ont ainsi utilisé cette configuration avec une membrane
poreuse en PTFE hydrophobe (procédé MEMBRO3X) afin de transférer l’ozone dans l’eau à traiter
dopée en peroxyde d’hydrogène.
Des cascades de ces deux procédés, soit pour prétraiter l’eau par ozonation avant filtration
membranaire, soit pour post-traiter le perméat et/ou le retentât, ont également été envisagées mais
présentent moins d’intérêt en l’absence de réelle synergie entre les deux procédés.
Ainsi, dans la logique d’intensifier le transfert de l’ozone dans le cadre d’un couplage avec une filtration
membranaire, utiliser un réacteur triphasique s’impose assez logiquement. Néanmoins, cette
configuration implique une forte consommation de l’ozone à l’interface gaz-liquide, avec formation
155
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
concomitante des radicaux à l’interface, alors que les polluants sont plutôt concentrés dans le cœur
du liquide. Sur la base des résultats obtenus en appliquant le procédé peroxone dans un réacteur
tubulaire monophasique (Chapitre 2, partie 4.2), il serait pertinent d’assurer le transfert d’ozone en
solution en amont de la membrane (eau pré-ozonée), puis de mélanger cette eau pré-ozonée à l’eau
à traiter juste en amont de la membrane ou directement dans le réacteur membranaire (Figure 61).
Dans ce type de réacteur diphasique liquide-solide, une formation des radicaux au cœur du liquide est
donc attendue, au plus proche des polluants concentrés par la membrane. De plus, le mélange d’une
eau pré-ozonée et d’une eau polluée entraîne une décomposition brutale de l’ozone concomitante
avec une génération de radicaux très intenses. Enfin, l’étape de transfert de l’ozone, cruciale pour la
faisabilité économique du procédé, est plus facilement optimisable dans un contacteur dédié placé en
amont en dosant au plus juste la quantité d’ozone nécessaire, sans réaction parasite. En outre, une
limitation du colmatage de la membrane est espérée. Dans le cadre de cette configuration inédite, à
la fois un fonctionnement à l’ozone seul ou en couplage avec le peroxyde d’hydrogène seront
envisagés. J’ai d’ors et déjà initié une collaboration avec Anthony Szymczyk et Patrick Loulergue,
membres de l’équipe CIP sur cette thématique. Une doctorante en co-tutelle avec l’Université des
sciences et de la technologie Houari Boumédiène (Algérie), Sara Ouali, a été recrutée. Dans un premier
temps, Sara s’est focalisée sur le vieillissement de diverses membranes de nanofiltration, capables de
retenir les micropolluants, en présence d’ozone. Un pilote a été conçu et sera mis en service en
novembre 2019. Ce pilote permettra de valider la faisabilité du projet et d’optimiser les conditions de
traitement.
Réacteur Rétentat
gaz-liquide
Eau d’appoint
Ozone pré-ozonée
156
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Le développement de réacteurs miniatures, opérables en continu, tels que les milli et microréacteurs
offre des perspectives intéressantes pour l’intensification des opérations de réaction, mélanges et
transfert (Aubin and Xuereb, 2008; Yao et al., 2015). Je souhaiterais ainsi étudier le potentiel de type
de réacteurs pour intensifier la production de radicaux et/ou le transfert de l’ozone en phase liquide.
Deux configurations sont imaginables :
Une configuration gaz/liquide dans laquelle l’ozone serait transféré directement au sein du
réacteur. Le microréacteur se placerait ainsi en alternative aux mélangeurs statiques ou hydro-
éjecteur souvent employé pour intensifier le transfert de l’ozone par comparaison avec des
colonnes à bulles. Les travaux de Monnier et Falk au LRGP de Nancy ont ainsi démontré l’intérêt
d’employer des réacteurs microstructurés pour des opérations de transfert gaz-liquide, avec des
épaisseurs de films très faibles inférieures à 100 m, une aire interfaciale élevée liée au rapport
surface/volume important des microréacteurs, ainsi que de bons degrés de turbulences à des
vitesses modérées de quelques cm s-1 (Mhiri et al., 2011; Monnier et al., 2010; Monnier and Falk,
2011).
Une configuration monophasique dans laquelle une eau pré-ozonée serait mélangée à l’eau à
traiter dans un microréacteur en Y ou T. Cette configuration est analogue à celle développée dans
le chapitre 2, partie 4.2 en remplaçant le réacteur tubulaire par un microréacteur. Outre un contrôle
aisé du temps de séjour, les microréacteurs permettent d’établir des écoulements du type piston
et d’obtenir des vitesses de mélange très faibles, intéressantes pour cette application (Falk and
Commenge, 2010).
Ce couplage serait particulièrement pertinent pour des applications dans des domaines à haute valeur
ajoutée, tels que l’électronique, la pharmacie, etc., caractérisés souvent par des débits faibles mais des
charges à traiter en DCO dure significative. Un des enjeux cruciaux de ce projet de recherche serait la
mise en place de méthodes d’analyse compatibles avec les contraintes miniatures des microréacteurs,
ce qui pourrait passer par l’emploi de microcapteurs.
157
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Conclusion generale
Mes activités de recherche, marquées par un positionnement à l'interface de la chimie et du génie des
procédés, se concentrent sur le développement, l'intensification et la modélisation de procédés de
traitements physico-chimiques de l'eau (par oxydation chimique et par oxydation avancée) et de l'air
(par absorption et catalyse). Ces procédés s'articulent autour de deux mécanismes complémentaires,
les transferts entre phases (gaz/liquide, gaz/solide, liquide/solide) et l'oxydation. Ce positionnement
fait appel à des compétences en cinétique chimique, chimie de l’eau, catalyse hétérogène, procédés
et modélisation. L’articulation entre ces différents procédés est détaillée dans la Figure 1, figurant pour
rappel ci-dessous.
Transfert gaz-
Procédés oxydatifs
Procédés de liquide
traitement
Modélisation Polluants
Objectif principal émergents
Elimination de
polluants nocifs COV
Cinétique
Développement pour la santé et
H2S
Dimensionnement l’environnement
Génie des
procédés Optimisation NH3
Dans
Modélisation Dans
Outils principaux Cibles principales
Air Eau
Deux matrices
Depuis mon intégration à l’équipe CIP en tant que maître de conférences, j’ai ainsi initié les
thématiques ou méthodes suivantes dans le laboratoire :
158
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
Dans l’avenir, je souhaite renforcer mon expertise sur mes thématiques actuelles tout en confortant
mon positionnement récent dans la conception et mise en œuvre de catalyseurs structurés (mousses
de verre). Ce sujet est particulièrement porteur et de nombreux aspects sont encore à
développer/étudier tels que l’optimisation et la caractérisation fine du couple support/catalyseur, le
développement de nouvelles applications, etc. Désireux de nouer de nouvelles collaborations et
d’étendre le champs d’application de l’ozonation, j’ambitionne de développer trois nouvelles
thématiques :
Ayant eu l’opportunité d’être recruté directement à l’issu de ma thèse dans la même université, j’ai pu
rapidement développer de nouvelles thématiques ou axes de recherche tout en poursuivant sur les
thématiques abordées lors de mon doctorat. J’ai ainsi noué diverses collaborations, notamment avec
des chercheurs de l’ISCR. Afin de progresser dans mes recherches, je suis conscient de l’intérêt de
développer de nouvelles collaborations avec des laboratoires extérieurs ou étrangers. J’envisage ainsi
de candidater dans le futur à des dispositifs comme Erasmus + ou des Partenariat Hubert Curien pour
pouvoir bénéficier de courts séjours dans des universités étrangères, afin de dispenser des
enseignements et/ou être accueilli dans des laboratoires. Ces mobilités géographiques ne pourront
que renforcer les mobilités thématiques entreprises depuis mon installation scientifique.
159
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
phases et oxydation chimique
160
Intensification du traitement de composés indésirables dans l’eau et dans l’air : complémentarité entre transferts entre
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