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Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son

précurseur
Roxan Joncour

To cite this version:


Roxan Joncour. Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur. Catalyse. Univer-
sité Claude Bernard - Lyon I, 2014. Français. �NNT : 2014LYO10295�. �tel-01132399�

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abroad, or from public or private research centers. publics ou privés.
N° d’ordre : 295 - 2014 Année 2014

THESE DE L’UNIVERSITE DE LYON

Délivrée par :

L’UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1

ECOLE DOCTORALE DE CHIMIE

Pour l’obtention du

DIPLOME DE DOCTORAT

Spécialité : chimie

(arrêté du 7 août 2006)

Nouvelles voies de synthèses du paracétamol


et de son précurseur

soutenue publiquement le 11 décembre 2014

par

Roxan JONCOUR

Institut de Chimie et Biochimie Moléculaires et Supramoléculaires (ICBMS)


Laboratoire de Catalyse, Synthèse et Environnement (CASYEN)

Directeur de thèse : Pr. Marc LEMAIRE

JURY :
Pr. Franck DUMEIGNIL Université de Lille 1 Rapporteur
Dr. Florian MONNIER ENSCM Rapporteur
Dr. Catherine PINEL CNRS Examinateur
Dr. Amadéo FERREIRA Société Minakem Examinateur
Pr. Marc LEMAIRE Université Lyon 1 Examinateur
Dr. Nicolas DUGUET Université Lyon 1 Examinateur
UNIVERSITE CLAUDE BERNARD - LYON 1

Président de l’Université M. François-Noël GILLY

Vice-président du Conseil d’Administration M. le Professeur Hamda BEN HADID


Vice-président du Conseil des Etudes et de la Vie Universitaire M. le Professeur Philippe LALLE
Vice-président du Conseil Scientifique M. le Professeur Germain GILLET
Directeur Général des Services M. Alain HELLEU

COMPOSANTES SANTE
Faculté de Médecine Lyon Est – Claude Bernard Directeur : M. le Professeur J. ETIENNE
Faculté de Médecine et de Maïeutique Lyon Sud – Charles Directeur : Mme la Professeure C. BURILLON
Mérieux
Directeur : M. le Professeur D. BOURGEOIS
Faculté d’Odontologie
Directeur : Mme la Professeure C. VINCIGUERRA
Institut des Sciences Pharmaceutiques et Biologiques
Directeur : M. le Professeur Y. MATILLON
Institut des Sciences et Techniques de la Réadaptation
Directeur : Mme. la Professeure A-M. SCHOTT
Département de formation et Centre de Recherche en Biologie
Humaine

COMPOSANTES ET DEPARTEMENTS DE SCIENCES ET TECHNOLOGIE


Faculté des Sciences et Technologies Directeur : M. F. DE MARCHI
Département Biologie Directeur : M. le Professeur F. FLEURY
Département Chimie Biochimie Directeur : Mme Caroline FELIX
Département GEP Directeur : M. Hassan HAMMOURI
Département Informatique Directeur : M. le Professeur S. AKKOUCHE
Département Mathématiques Directeur : M. le Professeur Georges TOMANOV
Département Mécanique Directeur : M. le Professeur H. BEN HADID
Département Physique Directeur : M. Jean-Claude PLENET
UFR Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives Directeur : M. Y.VANPOULLE
Observatoire des Sciences de l’Univers de Lyon Directeur : M. B. GUIDERDONI
Polytech Lyon Directeur : M. P. FOURNIER
Ecole Supérieure de Chimie Physique Electronique Directeur : M. G. PIGNAULT
Institut Universitaire de Technologie de Lyon 1 Directeur : M. le Professeur C. VITON
Ecole Supérieure du Professorat et de l’Education Directeur : M. le Professeur A. MOUGNIOTTE
Institut de Science Financière et d'Assurances Directeur : M. N. LEBOISNE
Remerciements

Ces trois années de thèses ont été particulièrement riches aussi bien en termes
scientifiques qu’humains. Beaucoup de personnes méritent en conséquence mes
remerciements pour avoir contribuer à cela.

Je tiens tout d’abord à remercier Marc Lemaire pour son accueil, pour son soutien et
son enthousiasme débordant. Vos conseils et vos suggestions scientifiques, toujours plus
nombreuses et plus recherchées, ont été particulièrement enrichissantes ; ainsi que vos
suggestions de lectures non-scientifiques.

Je remercie également Minakem pour m’avoir fait confiance en début de thèse. Le


début n’a pas été simple mais vous m’avez soutenu jusqu’au bout. Je tiens donc à remercier
particulièrement Frédéric Gauchet, Olivier Jentzer et Amadéo Ferreira ainsi que Patrice
Demonchaux, Dominique Delbrayelle et Thomas Delacroix. Je n’oublie pas non plus Serge
Raton qui a été présent tout au long de la thèse et a apporté à chaque fois des remarques
pertinentes.

Je tiens à remercier également le Docteur Catherine Pinel, le Professeur Franck


Dumeignil et le Docteur Florian Monnier pour avoir accepté d’évaluer mes travaux de thèses.

Le laboratoire CASYEN possède une ambiance difficile a retrouvé tant l’entente,


l’entraide et la bonne humeur sont de mises. De ce point de vue, je tiens à remercier en
premier l’équipe dirigeante : Nicolas pour tes blagues aussi (voir plus) recherchées que les
miennes et pour avoir encadré ma thèse avec patience ; Marie, alias « Madame la Directrice »,
l’éternelle aura du labo ; Estelle, pour tes taquineries et ton franc-parler qui mettent de bonne
humeur ; Eric (promis je vais soigner mon langage à ton encontre).

Le laboratoire CASYEN c’est aussi de nombreuses têtes qui tournent. Mais


l’ambiance est également présente chez les non-permanents (qui sont sélectionnés pour ça il
paraît !). Je commencerais par remercier mes collègues de bureau : Carole (« Jacqueline »)
évidemment, pour avoir supporté mon humour douteux et mes entrées dans le bureau
fracassantes, et cela durant trois années complètes (tu as bien fait travailler les zygomatiques
en ma présence, mais y’a encore en peu de boulot) ; et Marc (« Junior »), t’as quand même
tenu deux ans ! On s’est bien amusé tous les trois ensembles.
Je remercie aussi Romain (Naruto, c’est bientôt fini ! Tu vas être autant dégouté que
moi à ce moment là je crois …), Charlotte (tu vas bientôt avoir plein de temps libre pour la
drague), Boris (tu vas t’amuser avec tous ces réacteurs !), Bilal (good luck with your columns)
ainsi qu’Antoine et Alison (les doctorants fantômes). J’ai également une pensée pour Alaa,
qui n’est malheureusement pas resté longtemps au laboratoire, mais qui a laissé sa trace dans
tous les esprits. Je remercie de même les anciens doctorants Adrien, Marco et Leyla ; Elsa
(bientôt 3 ans au labo tout de même !) pour ta bonne humeur, ton rire communicatif et ta
naïveté (je m’en suis bien amusé) ; ainsi que tous les anciens stagiaires du laboratoire (il y en
a eu beaucoup).

Je remercie également l’ensemble des membres de l’ICBMS et notamment les


thésards des autres laboratoires et les membres des services analytiques (toujours plus
indispensables à la recherche) ; ainsi que le service d’analyse chimique et texturale de
l’IRCELYON pour les analyses de catalyseurs.

Pour finir, je remercie ma famille, mes amis et ma compagne Tatiana, qui a été
présente au quotidien durant ces trois années de thèse.
Liste des abréviations

%m pourcent massique PPA acide polyphosphorique


%mol pourcent molaire ppm partie par million, ratio molaire entre
AAN acétanilide deux espèces chimiques x 1.000.000
AB azobenzène Pt/(X) platine supporté sur X(X pouvant être
Ac acétyl charbon, silice, alumine, etc)
Acac acétylacétone [Réd] réducteur
AN aniline Réf. référence
AP aminophénol Rdt. rendement
1
AOB azoxybenzène H RMN résonnance magnétique nucléaire du
AOAP N-acétyl-o-aminophénol proton
APAP N-acétyl-p-aminophénol (paracétamol) Sélec. sélectivité
aq. aqueux SNAr subtitution nucléophile aromatique
Bipy bipyridine TBAHS hydrogénosulfate de
CLHP chromatographie liquide à haute tétrabutylammonium
performance TA température ambiante
Co. company / compagnie tBu tert-Butyl
Conv. conversion TEA triéthylamine
Corp. corporation Temp. température
CPG chromatographie en phase gaz tr tour
DFT “density functional theory” THF tétrahydrofurane
DMSO diméthylsulfoxyde v/v ratio de volumes
éq. équivalent ZRS zircone sulfatée
Et éthyle
HQ hydroquinone
Inc. incorporation
Ind. industries
Int. International
i-Pr isopropyl
Jr. junior
liq. liquide
Ltd. limited company
M molaire (mol/l)
MCM-41 Mobil Crystalline Material n°41
NB nitrobenzène
NbOx/MOx niobium supporté sur un oxyde de
M
NOB nitrosobenzène
OAP o-aminophénol
[Ox] oxydant
PAP p-aminophénol
PHA N-phénylhydroxylamine
PIFA [bis(trifluoroacetoxy)iodo]benzène
Table des matières

Introduction générale 1

Chapitre 1 : Synthèse du paracétamol - état de l’art 7


Introduction 7
I. Synthèse du p-aminophénol et paracétamol à partir de précurseurs phénol ou
chlorobenzène 10
1. Synthèse du p-aminophénol et paracétamol par couplage 10
2. Synthèse du p-aminophénol à partir du p-nitrophénol 13
3. Synthèse du paracétamol par réarrangement de Beckmann de l’oxime de la p-
hydroxyacétophénone 21
4. Synthèse par substitution nucléophile sur l’hydroquinone 27
II. Synthèse du p-aminophénol et paracétamol à partir des précurseurs
nitrobenzène et aniline 28
1. Hydroxylation aromatique de l’aniline et de l’acétanilide 28
2. Synthèse du p-aminophénol par réduction sélective du nitrobenzène et
réarrangement de Bamberger 34
Conclusion 67

Chapitre 2 : synthèse du p-aminophénol par hydrogénation du


nitrobenzène et réarrangement de Bamberger 73
Introduction 73
I. Travaux précédents du laboratoire 74
II. Utilisation du niobium en catalyse acide hétérogène 77
III. Matériel et méthodes 79
1. Réacteurs utilisés 79
2. Conditions initiales retenues 81
3. Reproductibilités des réactions et entretien des réacteurs 82
4. Méthode analytique 84
IV. Etude des paramètres chimiques de la réaction 86
1. Mécanisme de l’hydrogénation du nitrobenzène en p-aminophénol 87
2. Etude du système acide 90
3. Etude du système de réduction 102
V. Etudes des paramètres physico-chimiques 108
1. Suivi de la réaction : effet de la conversion sur la sélectivité 108
2. Effet du surfactant 110
3. Influence de la concentration sur la sélectivité 115
4. Etude de solvants 116
5. Influence de la température 121
6. Conclusion sur l’optimisation 122
VI. Etude de faisabilité d’un procédé à l’échelle du laboratoire 123
1. Traitement de la réaction 123
2. Recyclabilité des catalyseurs 126
3. Procédé de synthèse envisagé 129
Conclusion 130

Chapitre 3 : synthèse du paracétamol par oxydation de l’acétanilide 137


Introduction 137
I. Méthode analytique 138
II. Résultats et discussion 138
1. Oxydation de l’acétanilide par l’oxygène 138
2. Oxydation de l’acétanilide par l’eau oxygénée 140
Conclusion 146

Chapitre 4 : synthèse du paracétamol par substitution nucléophile de


l’hydroquinone 151
Introduction 151
I. Matériel et méthode 152
1. Réacteur et protocole 152
2. Méthode analytique 153
II. Optimisation de la réaction de substitution nucléophile 154
1. Réaction sans solvant 155
2. Réaction en milieu acide acétique 158
3. Influence de l’eau 160
III. Extension de la réaction de substitution nucléophile 162
1. Essais sur les motifs polyhydroxybenzène et naphtol 162
2. Essais sur le motif phénol et alcool 164
IV. Proposition de mécanisme 166
1. Détermination de l’agent d’amidation actif 166
2. Mécanisme envisagé pour la réaction d’amidation de l’hydroquinone 168
V. Etude de faisabilité d’un procédé à l’échelle du laboratoire 170
Conclusion 172

Conclusion générale 177

Annexes 181
Introduction générale
Introduction générale

Le paracétamol (Figure 1) est un médicament parmi les plus consommés dans le


monde. C’est un analgésique et un antipyrétique particulièrement bien toléré et possédant peu
d’effets secondaires. Il est, par exemple, un des rares médicaments autorisés pour les femmes
enceintes ou chez les enfants en bas âges.

Figure 1 : formule du paracétamol

De ce fait la production actuelle mondiale de paracétamol est très importante : près de


150 000 t/an avec une progression annuelle de 2 à 3 %.1 La simplicité de sa formule en fait
une molécule aisément synthétisable. Du fait de cette simplicité, le prix de vente aux
laboratoires pharmaceutiques s’établit ainsi à environ 3 €/kg. Essentiellement produits en Asie
(en Chine et en Inde) et un peu aux Etats-Unis, le paracétamol n’est plus synthétisé en Europe
depuis l’arrêt, en 2008, de l’usine de Roussillon (Rhodia).
En France, le paracétamol est présent dans 124 médicaments autorisés par l’Agence
Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM, anciennement
AFSSAPS). Plus d’un tiers de ces médicaments (48) contiennent du paracétamol seul pour
près de deux tiers (76) utilisés en associations. D’après l’ANSM, la consommation de
paracétamol représente à elle seule 10 % des boîtes de médicaments vendues en officines,
avec le Doliprane, l’Efferalgan et le Dafalgan qui occupent les trois premières places des
ventes en quantités.2 Le paracétamol occupe également la première place des médicaments
vendus en valeur mais avec seulement 2 % de part de marché. Ceci est dû à son faible coût de
commercialisation : environ 2 € la boîte de 8 g de paracétamol.

Les synthèses actuelles du paracétamol font intervenir des réactions qui engendrent
une formation importante de sels due à l’utilisation de procédés non catalytiques. Ainsi la

1
www.bloomberg.com (www.bloomberg.com/apps/news?pid=newsarchive&sid=az9ShNouwC8U)
2
Pour une vision détaillée, voir : « Analyse des ventes de médicaments en France », année 2010, 2011 et 2013
publié par l’ANSM (ansm.sante.fr)
3
Rapport du Departement of Scientific and Industrial Research (DSIR) « Technology in Indian Paracetamol
1
réduction de Béchamp est utilisée (formation d’oxyde de fer)3 ainsi que la réduction du
nitrobenzène en milieu acide sulfurique, donc le traitement engendre la formation de sulfate
d’ammonium. Ces sels posent des problèmes de traitement qui induisent un coût non
négligeable pour les procédés et sont peu économes en atomes. Enfin, le recours à de l’acide
sulfurique ainsi que la formation de particule d’oxyde fer, dans le cas du procédé Béchamp,
engendre une corrosion au niveau des réacteurs. Pour ces raisons, le recours à de nouvelles
réactions ou des réactions optimisées représente un enjeu important.
Le paracétamol possède un coût particulièrement faible. Ainsi, les nouveaux procédés
de fabrication se doivent d’être particulièrement performants pour être compétitifs avec ceux
actuels. En outre, du fait de la demande sociale pour un développement durable, les anciens
procédés sont amenés à être remplacés par de nouveaux plus économes en atomes et plus éco-
compatibles.

C’est dans ce contexte que les présents travaux s’inscrivent. Ils ont pour but
l’élaboration de nouvelles voies de synthèse du paracétamol applicables à l’échelle
industrielle. Trois contraintes s’imposent alors aux voies choisies :
- La synthèse du paracétamol doit se faire à partir de réactifs peu onéreux et disponibles
en grandes quantités, de manière à pouvoir être utilisée à large échelle.
- Cette synthèse doit être compétitive avec celles déjà existantes (estimation du coût de
production < 2 €/kg), notamment en proposant des réactions générant un minimum de
sels, et donc économes en atomes, afin de limiter les coûts de traitement.
- Enfin, le procédé de fabrication envisagé doit permettre une synthèse avec un nombre
limité d’étapes afin de réduire les investissements.

Le manuscrit détaille, dans un premier temps, les voies de synthèses actuelles du


paracétamol, aussi bien celles industrielles que celles utilisées à l’échelle du laboratoire. Le
manuscrit décrit, dans un deuxième temps, les trois voies étudiées dans lors de nos travaux
(voies 1) nitrobenzène, 2) oxydation et 3) hydroquinone).

3
Rapport du Departement of Scientific and Industrial Research (DSIR) « Technology in Indian Paracetamol
Industry », 1994, téléchargé sur le lien : http://www.dsir.gov.in/reports/techreps/tsr131.pdf

2
Chapitre 1 : Synthèse du paracétamol - état de l’art

Introduction 7
I. Synthèse du p-aminophénol et paracétamol à partir de précurseurs phénol ou
chlorobenzène 10
1. Synthèse du p-aminophénol et paracétamol par couplage 10
1.1. Synthèse du p-aminophénol et paracétamol par couplage d’Ullmann-
Golberg 10
1.2. Synthèses du p-aminophénol et paracétamol par couplage de Buchwald-
Hartwig 11
2. Synthèse du p-aminophénol à partir du p-nitrophénol 13
2.1. Synthèse du p-nitrophénol 13
2.1.1. Synthèse du p-nitrophénol par nitration du phénol 13
2.1.2. Synthèse du p-nitrophénol à partir du chlorobenzène 17
2.2. Réduction du nitrophénol 18
2.2.1. Réduction par le procédé Béchamp 18
2.2.2. Réduction par hydrogénation catalytique 19
3. Synthèse du paracétamol par réarrangement de Beckmann de l’oxime de la p-
hydroxyacétophénone 21
3.1. Acylation du phénol 21
3.2. Oximation de la p-hydroxyacétophénone 23
3.3. Réarrangement de Beckmann sur l’oxime de la p-hydroxyacétophénone 24
3.4. Synthèse du paracétamol monotope à partir du phénol 25
4. Synthèse par substitution nucléophile sur l’hydroquinone 27
II. Synthèse du p-aminophénol et paracétamol à partir des précurseurs
nitrobenzène et aniline 28
1. Hydroxylation aromatique de l’aniline et de l’acétanilide 28
1.1. Hydroxylation de l’acétanilide en paracétamol 28
1.2. Hydroxylation de l’aniline 32
2. Synthèse du p-aminophénol par réduction sélective du nitrobenzène et
réarrangement de Bamberger 34
2.1. Hydrogénation du nitrobenzène en phénylhydroxylamine 35
2.1.1. Mécanisme chimique de l’hydrogénation du nitrobenzène en
phénylhydroxylamine 35
2.1.2. Mécanisme de surface de la réduction du nitrobenzène en
phénylhydroxylamine 36
2.1.3. Utilisation d’additifs pour la réduction du nitrobenzène en
phénylhydroxylamine 38
2.2. Réarrangement de la phénylhydroxylamine en p-aminophénol 41
2.2.1. Mécanisme du réarrangement de Bamberger 42
2.2.2. Réarrangement de la phénylhydroxylamine en présence d’acide en phase
homogène 44
2.2.3. Réarrangement de la phénylhydroxylamine en présence d’acide
hétérogène 47
2.3. Hydrogénation monotope du nitrobenzène en p-aminophénol 49
2.3.1. Hydrogénation du nitrobenzène en p-aminophénol par catalyse acide
homogène 49
2.3.2. Hydrogénation du nitrobenzène en p-aminophénol par catalyse acide
hétérogène 60
2.4. Réduction du nitrobenzène avec l’acide hypophosphoreux 65
Conclusion 67
Chapitre 1 : Synthèse du paracétamol - état de l’art

Introduction

Le paracétamol, aussi appelé acetaminophen dans certains pays, est une molécule
relativement simple possédant deux fonctions, un phénol et un amide, para substituées sur un
aromatique. Les arylamides peuvent être facilement obtenus par acétylation d’arylamines.
Cette réaction permet ainsi de synthétiser le paracétamol à partir du p-aminophénol par
l’action de chlorure d’acyle,4 d’anhydride acétique seul5 ou en milieu acide acétique6 ou
directement par l’acide acétique. Ce dernier peut être utilisé tel quel7 ou catalysé par une
variété d’oxyde métallique ou de sels de métaux.8 De ce fait, le p-aminophénol est devenu
l’intermédiaire clé de la synthèse du paracétamol et les synthèses de ces deux composés sont
donc indissociables.
D’un point de vue rétrosynthétique, deux choix sont possibles : introduire l’hydroxyle
sur l’aromatique en premier et l’acétamide en second (Schéma 1, Voie 1) ; ou bien l’inverse,
c'est-à-dire, introduire l’azote en premier, et l’oxygène ensuite (Schéma 1, Voie 2).

Schéma 1 : deux précurseurs possibles pour deux choix de synthèses

La formation de l’amide demande un nombre important d’étapes. En effet, un


« azote » est traditionnellement introduit sur un aromatique par nitration. Il faut ensuite
réduire ce dernier puis réaliser une acétylation afin d’obtenir le paracétamol (Schéma 2, Voie

4
Olson V. R., Feldman H. B., J. Am. Chem. Soc., 1937, 59, 2003-2005
5
(a) Yadav V. K., Babu K. G., J. Org. Chem., 2004, 69, 577-580 ; (b) Das B., Thirupathi P., Kumar R. A.,
Laxminarayana K., Adv. Synth. Catal, 2007, 349, 2677-2683 ; (c) Hosseini Sarvari M., Sharghi H., Tetrahedron,
2005, 61, 10903-10907 ; (d) Farhadi S., Panahandehjoo S., Appl. Catal., A, 2010, 382, 293-302
6
Manhas M. S., Ganguly S. N., Mukherjee S., Jain A. K., Bose A. K., Tetrahedron Lett., 2006, 47, 2423-2425
7
Krishna B. A., Abul H., Sirisha P., brevet Etats-Unien, US 2012/65423, 2012, pour Granules India Limited
8
(a) Brahamachari G., Laskar S., Sarkar S., J. Chem. Res., 2010, 5, 288-295 ; (b) Brahamachari G., Laskar S.,
Sarkar S., Indian J. Chem., 2010, 49B, 1274-1281

7
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

nitrophénol). Plusieurs alternatives existent pour former des amides comme le réarrangement
de Beckmann ou encore la substitution nucléophile aromatique (Schéma 2). Ainsi la
formation de l’amide représente le groupement le plus contraignant à introduire, quel que soit
le moment d’introduction.

Schéma 2 : Voies de synthèses du paracétamol à partir des précurseurs phénol et chlorobenzène

La synthèse de phénols, elle, peut être réalisée par hydroxylation aromatique. Cette
réaction est cependant peu sélective lorsqu’elle se déroule sur des noyaux substitués (Schéma
3, Voie hydroxylation aromatique). De plus, l’hydroxylation aromatique engendre un phénol
qui active le cycle aromatique et induit alors facilement des polyhydroxybenzènes. De ce fait
une introduction en aval est difficile. En revanche la synthèse du phénol (procédé Hock) est
particulièrement efficace et maîtrisée. De ce point de vue, le phénol représente donc le
meilleur précurseur pour la synthèse du paracétamol. Alternativement, le chlorobenzène peut
être utilisé comme un précurseur de la fonction phénol (Schéma 2, Voie chloronitrobenzène).

8
Synthèse du paracétamol – état de l’art Chap. 1

Schéma 3 : voies de synthèses du paracétamol à partir du précurseur nitrobenzène

Il existe cependant une deuxième possibilité pour introduire l’hydroxyle en aval : le


réarrangement de Bamberger. En partant du nitrobenzène, il est possible, lors de sa réduction,
de réarranger la phénylhydroxylamine intermédiairement formée afin d’hydroxyler la position
para de l’aromatique (Schéma 3, Voie nitrobenzène).

De manière générale l’introduction du deuxième groupement fonctionnel sur


l’aromatique se fait souvent par substitution électrophile aromatique, et posera donc des
problèmes de sélectivité ortho/para. Dans ce chapitre, une revue des différentes synthèses du
paracétamol sera faite. Les voies nitrobenzène et hydroquinone seront particulièrement mises
en avant et serviront de supports pour nos travaux.
Les méthodes de synthèse du paracétamol seront discutées et comparées en prenant en
compte le coût et la disponibilité des matières premières. Les chiffres donnés sont tirés
d’évaluations disponibles sur le site de l’ICIS9 ou de l’encyclopédie Kirk-Othmer10 et
éventuellement auprès du fournisseur Alibaba pour des produits spécifiques.11
Enfin, une annexe dépliante montrant l’ensemble des voies de synthèse du
paracétamol est disponible à la fin de la thèse. Ce dépliant permet d’avoir une vision globale
de la synthèse tout au long de la lecture de ce chapitre.

9
ICIS (Independent Chemical Information Service) est un fournisseur de données pour l’industrie chimique. Des
rapports sur la production de produits chimiques majeurs sont émis régulièrement et disponibles librement sur
leur site (http://www.icis.com), tandis que l’évaluation des prix des matières premières est disponible à
l’adresse : http://www.icis.com/chemicals/channel-info-chemicals-a-z
10
Kirk-Othmer Encycl. Chem. Technol., 4e Ed., 1994, 27 volumes
11
Alibaba est un grossiste qui fournit aussi bien du matériel que des produits ; et dont les quantités
commercialisées peuvent être supérieures à la tonne (www.alibaba.com)

9
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

I. Synthèse du p-aminophénol et paracétamol à partir de précurseurs


phénol ou chlorobenzène

1. Synthèse du p-aminophénol et paracétamol par couplage

Les couplages sont des réactions permettant la formation de liaisons C-C, C-O, C-N12
voire C-S et C-P. Généralement catalysés par des métaux de transition tels que le palladium,
le cuivre, le nickel ou plus récemment le fer, les couplages sont devenus des réactions
largement utilisées en synthèse organique. Ainsi les couplages d’Ullmann-Golberg avec du
cuivre ou de Buchwald-Hartwig avec du palladium permettent les synthèses d’arylamines et
d’arylamides, et sont potentiellement applicables aux synthèses du p-aminophénol et du
paracétamol (Schéma 4).13

Schéma 4 : schéma général de la réaction de couplage pour les synthèses du p-aminophénol et paracétamol

1.1. Synthèse du p-aminophénol et paracétamol par couplage d’Ullmann-Golberg

L’une des premières réactions de couplages a été découverte et développé par Fritz
Ullmann. Cette réaction permet la synthèse d’éther biarylique,14 mais également
d’arylamines15 et arylamides16 grâce aux travaux d’Irma Goldberg. La synthèse du p-
aminophénol par couplage d’Ullmann-Golberg a ainsi été rapportée (Tableau 1).17

12
Monnier F., Taillefer M., Angew. Chem. Int. Ed., 2009, 48, 6954-6971
13
Hassan J., Sévignon M., Gozzi C., Schulz E., Lemaire M., Chem. Rev., 2002, 102, 1359-1469
14
Ullmann F., Sponagel P., Ber. Dtsch. Chem. Ges., 1905, 38, 2211-2212
15
Goldberg I., Ber. Dtsch. Chem. Ges., 1906, 39, 1691-1692
16
Goldberg I., Ber. Dtsch. Chem. Ges., 1907, 40, 4541-4546
17
(a) Podall F., J. Org. Chem., 1958, 23, 280-281 ; (b) Ji P., Atherton J. H., Page M. I., J. Org. Chem., 2012, 77,
7471-7478

10
Synthèse du paracétamol – état de l’art Chap. 1

Tableau 1 : synthèse du p-aminophénol par couplage d’Ullmann-Goldberg

Entrée X Conditions Rdt. (%) Réf.

1 Br NH3 (30 % aq.), CuSO4, 140 °C 63 17a


2 I NH3 (liq.), CuI, 25 °C 57 17b

Le p-bromophénol est transformé en p-aminophénol avec un rendement modéré (63


%) en présence d’ammoniaque,18 de sulfate de cuivre à 140 °C (Tableau 1, entrée 1).
L’utilisation du p-iodophénol en présence d’ammoniac18 et de iodure de cuivre permet lui
d’obtenir un rendement similaire mais cette fois à 25 °C (Tableau 1, entrée 2).
En revanche, la synthèse directe du paracétamol à l’aide d’acétamide par cette réaction
n’a, à notre connaissance, pas été rapportée dans la littérature. En revanche, la synthèse du p-
aminoanisole à partir d’halogénoanisoles par un couplage d’Ullmann-Golberg a été
rapportée.19

Le couplage d’Ullmann-Goldberg est une voie possible pour la synthèse du p-


aminophénol mais demande l’utilisation de températures élevées, nécessite l’utilisation de
dérivés bromé ou iodé onéreux et génère une quantité de sels importante. Pour ces raisons,
cette voie de synthèse n’est pas utilisée industriellement.

1.2. Synthèses du p-aminophénol et paracétamol par couplage de Buchwald-


Hartwig

De manière analogue au couplage d’Ullmann, le couplage d’halogénoaryles avec des


nucléophiles est possible avec du palladium.20 Les travaux indépendants de Buchwald et
Hartwig ont mené à la découverte plus particulière des couplages entre ces halogénoaryles et

18
D’un point de vue orthographique, le terme « ammoniaque » désigne communément la forme solubilisée du
nitrure d’hydrogène (NH3) dans l’eau alors que le terme « ammoniac » désigne sa forme pure
19
(a) Quan Z.-J., Xia H.-D., Zhang Z., Da, Y.-X., Wang, X.-C., Appl. Organomet. Chem., 2014, 28, 81-85 ; (b)
Deng, W., Wang, Y.-F., Zou, Y., Liu, L., Guo, Q.-X., Tetrahedron Lett., 2004, 45, 2311-2315
20
Johansson Seechurn C. C. C., Kitching M. O., Colacot T. J., Snieckus V., Angew. Chem. Int. Ed., 2012, 51,
5062-5085

11
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

des amines ou des amides.21 Cependant, la synthèse du p-aminophénol ou du paracétamol par


ce couplage au palladium n’a pas fait l’objet de publication à notre connaissance. En revanche
les synthèses du p-aminoanisole et p-acétamidoanisole ont déjà été décrites (Tableau 2).22

Tableau 2 : synthèse du p-acétamidoanisole et du p-aminoanisole par couplage de Buchwald-


Hartwig

Entrée X Amine / amide Conditions Rdt. (%)

1 Br NH3 (5 éq.) Pd[(P(o-tol)3]2 (1 %mol), CyPF-t-Bu (1 %mol), 53


NaOt-Bu (1,4 éq.), 100 °C
2 Cl NH3 (3 éq.) [Pd(cinnamyl)Cl)]2 (1 mol%), BippyPhos 83
(4 %mol), NaOt-Bu (1,4 éq.), 110 °C
3 Cl AcNH2 (1 éq.) [Pd(cinnamyl)Cl)]2 (1,25 %mol), 92
BippyPhos (5 mol%), K2CO3 (2 éq.), 90 °C

En partant du dérivé bromé, l’équipe d’Hartwig a pu obtenir 53 % de rendement pour


la synthèse du p-aminoanisole (Tableau 2, entrée 1). Quelques années plus tard, l’équipe de
Stradiotto a proposé une méthode de synthèse pour former la liaison C-N pour obtenir le
même produit en partant du dérivé chloré (Tableau 2, entrée 2) et ce avec 83 %. Cette équipe
a proposé également une méthode pour synthétiser le p-acétamidoanisole à partir du même
dérivé (Tableau 2, entrée 3), donnant ainsi 92 % de rendement.

La synthèse directe du p-aminophénol ou du paracétamol n’a pas fait l’objet de


publication par couplage de Buchwald-Hartwig. Leurs analogues O-méthylés sont cependant
synthétisables. La réaction demande cependant une charge non négligeable en palladium et en
ligand, ainsi que des précurseurs chlorés ou bromés onéreux et générateurs de sels.

21
(a) Guram A. S., Rennels R. A., Buchwald S. L., Tet. Lett., 1995, 36, 3609-3612 ; (b) Guram, A. S., Rennels,
R. A., Buchwald, S. L., Angew. Chem. Int. Ed., 1995, 34, 1348-1350
22
(a) Vo G. D., Hartwig J. F., J. Am. Chem. Soc., 2009, 131, 11049-11061 ; (b) Crawford S. M., Lavery C. B.,
Stradiotto M., Chem. Eur. J., 2013, 16760-16771

12
Synthèse du paracétamol – état de l’art Chap. 1

2. Synthèse du p-aminophénol à partir du p-nitrophénol

Puisque les réactions de couplage ne peuvent être employées pour l’introduction de


l’acétamide, d’autres méthodes sont employées. Parmi celles-ci, la voie majoritaire utilise le
p-nitrophénol comme intermédiaire (Schéma 5). Le p-aminophénol peut ainsi être facilement
obtenu par réduction du p-nitrophénol. La difficulté va résider alors dans l’accès à ce dernier
composé.

Schéma 5 : synthèse du p-aminophénol par réduction du p-nitrophénol

2.1. Synthèse du p-nitrophénol

Les nitroaromatiques sont typiquement obtenus par nitration en présence d’acide


nitrique. Dans le cas de la synthèse du p-nitrophénol deux voies sont cependant possibles : la
première est la nitration directe du phénol ; et la deuxième est la nitration du chlorobenzène
suivie de la fusion alcaline de p-chlorobenzène obtenu (Schéma 6).

Schéma 6 : synthèse du p-nitrophénol par nitration du phénol ou du chlorobenzène

2.1.1. Synthèse du p-nitrophénol par nitration du phénol

La nitration de composés aromatiques est une réaction permettant la synthèse de


dérivés nitroaromatiques et de manière plus générale est la méthode de choix pour
l’introduction d’un « azote » sur des aromatiques. La réaction utilise de l’acide nitrique ou un
sel de nitrate en présence d’acide sulfurique. Le groupement nitro ainsi obtenu peut être

13
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

facilement réduit afin d’obtenir par une gamme de fonction importante, comme nitroso,
hydroxylamine ou amine.
Cependant, dans le cas du phénol, la réaction est peu sélective du fait de la double
orientation ortho et para induite par le groupement hydroxyle (Schéma 7).

Schéma 7 : dépendance de la sélectivité ortho/para en fonction de concentration en acide sulfurique

La proportion d’isomère para varie de 29 % à 61 % en fonction de la proportion


d’acide sulfurique utilisée.23 Cette variation serait due à un changement de mécanisme : pour
des concentrations en acide sulfurique fortes, la réaction est induite par une espèce azotée
ionique,24 donnant alors des sélectivités en faveur de l’isomère para (Schéma 8, mécanisme
(1)). Cette espèce, l’ion nitronium, est obtenue après protonation de l’acide nitrique par
l’acide sulfurique suivi de sa déshydratation.

Schéma 8 : mécanisme de la nitration du phénol en milieu acide nitrique et acide sulfurique

En revanche en milieu acide sulfurique plus dilué, la protonation de l’acide nitrique est
plus difficile est la nitration se déroulerait alors suivant un mécanisme radicalaire (Schéma 8,
mécanisme (2)).25 L’acide nitrique induirait dans ce cas la formation de phénylnitrate qui se

23
Coomes R. G., Golding J. G., Hadjigeorgiou P., J. Chem. Soc., Perkin Trans. 2, 1979, 1451-1459
24
Ross D. S., Kuhlmann K. F., Malhotra R., J. Am. Chem. Soc., 1983, 105, 4299-4302
25
Metivier P., Schlama T., Ind. Chem. Libr., 1996, 8, 368-378

14
Synthèse du paracétamol – état de l’art Chap. 1

dissocie alors en radicaux phénoxy et nitro. Ces deux espèces se recombineraient alors en
favorisant l’isomère ortho.

Schéma 9 : nitration du phénol par l’acide nitrique et catalysée par l’acide nitreux

La réaction de nitration peut être accélérée par la présence de nitrite. Les acides
nitrique (V) et nitreux (III) (issu de la protonation du nitrite) conduisent alors à la formation
de N2O4 (IV), une espèce azotée de degré d’oxydation IV (Schéma 9, (1)).25 Cette espèce
permettrait d’accéder à la formation du phénylnitrate (Schéma 9, (2)) qui conduirait au
nitrophénol dans des proportions para / ortho quasiment identiques à 45/55.25

La nitration permet d’accéder facilement à la formation de nitrophénol mais seules des


sélectivités en para proches de 50 % sont obtenues. De plus l’isomère ortho n’est pas
valorisable. Plusieurs solutions ont cependant été développées pour répondre à cette
problématique. La première utilise la réaction de nitrosation, chimiquement proche de la
nitration,26 mais dont les sélectivités en para sont bien supérieures à cette dernière.27 Un
brevet a été déposé en ce sens dans le cas de la nitration du phénol. 28 Le procédé est réalisé en
deux temps : dans un premier temps le phénol est nitrosé sélectivement en para à l’aide de
nitrite de sodium en présence d’acide sulfurique (Schéma 10, (1)); puis une solution aqueuse
d’acide nitrique est ajoutée afin d’oxyder totalement le p-nitrosophénol obtenu en p-
nitrophénol (Schéma 10, (2)).

26
Veibel S., Ber. Dtsch. Chem. Ges., 1930, 63, 1577-1582
27
(a) Challis B. C., Lawson A. J., J. Chem. Soc. (B), 1971, 770-775 ; (b) Morrison D. A., Turney T. A, J. Chem.
Soc. 1960, 4827-4828
28
Metitivier P., Bernard, L., Brevet Européen, EP 0626366, 1998, pour Rhône-Poulenc Chimie

15
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

Schéma 10 : nitrosation du phénol suivi de son oxydation en p-nitrophénol

Ensuite, l’utilisation de catalyseurs de type zéolithe peuvent, du fait de leurs porosités,


activer la réaction de nitration de manière sélective et permettent d’obtenir de fortes
proportions d’isomère para.29 La zéolithe ZSM-5 par exemple induit des sélectivités de 99 %
en milieu acétonitrile-acétate d’éthyle (Schéma 11).29a
Enfin, il est possible, lors de la nitration, d’encombrer le phénol par estérification30 ou
éthérification31 afin de rendre l’approche en ortho plus difficile (Schéma 11). Cette solution
demande cependant un nombre d’étapes plus important et induit la formation de produits
secondaires.

Schéma 11 : nitration du nitrophénol para sélective

La nitration du phénol offre des possibilités de synthèse à l’échelle industrielle


intéressantes pour arriver au nitrophénol : faible coût, réaction rapide, procédé facile à mettre
en œuvre. La nitration directe par l’acide nitrique en milieu acide sulfurique donne de faibles

29
(a) Arshadi M., Ghiaci M., Gil A., Ind. Eng. Chem. Res., 2010, 49, 5504–5510 ; (b) Esakkidurai T.,
Pitchumani K., J. Mol. Catal. A: Chem., 2002, 185, 305-309
30
Kanno H., Chida H., Otani Y., brevet États-Unien, US 5.847.231, 1998, pour Junsei Chemical Co.
31
Venneri F., brevet Européen, EP 2.266.949, 2013

16
Synthèse du paracétamol – état de l’art Chap. 1

sélectivités en position para, mais peut être remplacée par des voies alternatives (nitrosation /
oxydation, catalyse acide avec des zéolithes, encombrement du phénol) qui conduisent à des
sélectivités atteignant 90 % d’isomère para.

2.1.2. Synthèse du p-nitrophénol à partir du chlorobenzène

En plus de la nitration directe du phénol, il est possible de synthétiser le p-nitrophénol


par nitration du chlorobenzène puis hydrolyse du p-chloronitrobenzène obtenu (Schéma 12).

Schéma 12 : synthèse du p-nitrophénol à partir du chlorobenzène

Cette voie à trois intérêts : 1) la nitration est plus sélective en para que la nitration
directe du phénol, 2) le chlorobenzène a un coût inférieur au phénol et 3) le p-
chloronitrobenzène est un intermédiaire pour d’autres synthèses, de même que l’o-
chloronitrobenzène obtenu en sous produit est valorisé. Du fait de l’encombrement du
groupement chloro, la position ortho est défavorisée au profit de l’attaque en para. Ainsi des
ratios para/ortho de 60/40 à 70/30 sont typiquement observés.32
Le p-chloronitrobenzène est ensuite hydrolysé en milieu sodique à chaud afin
d’obtenir le p-nitrophénol.33 Cette réaction, dite de fusion alcaline, nécessite l’utilisation de
deux équivalents de soude car cette dernière déprotone aussitôt le phénol formé. Le phénolate
est ainsi obtenu et doit être reprotoné par un traitement acide (Schéma 12). Ainsi deux
équivalents de sels sont formés et nécessitent d’être retraités.

La formation du p-nitrophénol à partir du chlorobenzène est la voie de synthèse


privilégiée en Asie car elle engendre la formation de p-chloronitrobenzène et d’o-
chloronitrobenzène qui sont des intermédiaires de réactions pour l’industrie chimique.34 Ainsi

32
Bieber H. H., Schurig W. F., Ind. Eng. Chem., 1957, 49, 832-837
33
Cox W. L., brevet États-Unien, US 3.283.011, 1966, pour l’Universal Oil Products Co.
34
INERIS,. Données technico-économiques sur les substances chimiques en France : 1-chloro-4-nitrobenzène,
juin 2010, INERIS-DRC-10-102861-01255A, 34 p, disponible sur le lien suivant :
www.ineris.fr/substances/fr/substance/getDocument/3023

17
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

selon un rapport de l’Institut National de l'Environnement Industriel et des Risques (INERIS),


l’Inde aurait produit près de 80 000 tonnes de p-chloronitrobenzène en 2010 dont la moitié est
utilisée pour la production du paracétamol.34 Cette méthode de synthèse est cependant peu
économe en atomes et demande un nombre d’étapes important pour arriver au paracétamol (4
étapes à partir du chlorobenzène).

2.2. Réduction du nitrophénol

Une fois le p-nitrophénol synthétisé, il doit être réduit en p-aminophénol. Deux


systèmes sont principalement utilisés en industrie pour cela : la réduction de Béchamp et
l’hydrogénation catalytique.

2.2.1. Réduction par le procédé Béchamp

Les anilines ont été synthétisées pour la première fois par réduction de
nitroaromatiques en 1854 par le procédé Béchamp.35 La réaction ici discutée consiste à
engager le nitroaromatique avec un large excès de fer en présence d’acide chlorhydrique. La
réaction a été décrite dans le cas de la réduction du p-nitrophénol en p-aminophénol par Lyons
en 1927.36

Schéma 13 : réduction du p-nitrophénol en p-aminophénol par le procédé Béchamp

Ainsi à haute température en présence d’une quantité sub-stœchiométrique de chlorure


de sodium, à la place de l’acide chlorhydrique, la réaction conduit à un rendement quantitatif
en p-aminophénol en un peu plus d’une heure (Schéma 13).
La réduction de nitroaromatiques par le procédé Béchamp reste largement utilisée
pour la synthèse d’arylamines, notamment en Asie, du fait du faible coût du fer (< 0,2 €/kg) et
de la simplicité de mise en œuvre de la réaction comparée à l’hydrogénation.3 Cependant lors

35
Béchamp M. A., Ann. Chim. Phys., 1854, 3, 186-196
36
Lyons R. E., Smith L. T., Chem. Ber., 1927, 60, 173-182

18
Synthèse du paracétamol – état de l’art Chap. 1

de cette réaction, une quantité très importante d’oxyde de fer est formée, environ 1,2
kilogramme par kilogramme de PAP formé.37

2.2.2. Réduction par hydrogénation catalytique

Parmi toutes les méthodes de réduction, l’hydrogénation catalytique est de loin la plus
économe en atome puisqu’elle fournit, en théorie, uniquement les atomes nécessaires à la
transformation désirée. Bien qu’étant plus couteuse à mettre en œuvre du fait des pressions
élevées et du risque d’explosion que représente l’hydrogène, elle est favorisée par le faible
coût de l’hydrogène et l’absence de déchets en fin de réaction.
Une grande variété de métaux catalyse l’hydrogénation de nitrobenzènes, aussi bien en
catalyse homogène qu’hétérogène. Le p-nitrophénol peut être réduit par catalyse au platine,38
palladium,39 nickel,40 ruthénium ou rhodium.41 De plus, l’équipe de Chaudhari a comparé
l’effet de chacun de ces métaux pour la préparation du p-aminophénol par cette voie (Tableau
3).41

Tableau 3 : comparaison de catalyseurs pour l’hydrogénation du nitrophénol

Vitesse moyenne Vitesse moyenne


Entrée Catalyseur Entrée Catalyseur
d’hydrogénationa d’hydrogénation
1 1 % Pt/C 1,960 6 1 % Pt/Al2O3 0,812
2 1 % Pd/C 0,595 7 1 % Pt/SiO2 0,185
3 1 % Ni/C 0,446 8 0,5 % Pt/C 1,347
4 1 % Rh/C 0,380 9 2 % Pt/C 2,412
b
5 1 % Ru/C 0,034 10 3 % Pt/C 3,017
a
Exprimée en mmol de substrat par mg de catalyseur par heure, pour une conversion supérieure à 99 %
b
Déterminée pour 10 % de conversion après 5 h de réaction

Pour tous les métaux testés, l’hydrogénation du p-nitrophénol induit des rendements
quasi-quantitatifs (>95 %). Cependant leurs résultats montrent que le platine réduit plus

37
Nadgeri J. M., Biradar N. S., Patil P. B., Jadkar S. T., Garade A. C., Rode C. V., Ind. Eng. Chem. Res., 2011,
50, 5478-5484
38
Xie M., Zhang F.,Long Y., Ma J., RSC Adv., 2013, 3, 10329-10334
39
Freifelder, M., Robinson, R. M., brevet États-Unien, US 3.079.435, 1963, pour Abbot Laboratories
40
Czaplik W. M., Neudörfl J.-M., Jacobi von Wangelin A., Green Chem., 2007, 9, 1163-1165
41
Vaidya M. J., Kulkarni S. M., Chaudhari R. V., Org. Process Res. Dev., 2003, 7, 202-207

19
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

efficacement le nitrophénol que les autres métaux (Tableau 3, entrée 1) avec une vitesse
moyenne d’hydrogénation de près de 2 mmol/mg/h. Le palladium, le nickel et le rhodium
induisent eux des résultats près de quatre fois inférieurs (Tableau 3, entrées 2-4). Enfin le
ruthénium réduit soixante fois moins vite que le platine (Tableau 3, entrée 5) avec une vitesse
d’hydrogénation moyenne de 0,034 mmol/mg/h. Les auteurs ont également démontré que le
charbon représente le meilleur support pour le catalyseur comparé à l’alumine ou la silice
(Tableau 3, entrées 1, 6 et 7) et un effet progressif de la vitesse d’hydrogénation en fonction
de la charge de platine sur le support (Tableau 3, entrées 1 et 8-10).
De plus, l’hydrogénation peut conduire directement au paracétamol en utilisant l’acide
acétique en solvant. Un tel procédé a fait l’objet d’un brevet par la société Rhône-Poulenc,42
avec l’utilisation de carbure de tungstène comme catalyseur d’hydrogénation (Schéma 14). La
quantité de catalyseur est cependant très importante (30 %mol) comparée au platine (30
ppm).41

Schéma 14 : hydrogénation du nitrophénol en milieu acide acétique

L’hydrogénation représente à l’heure actuelle la voie la plus efficace pour réduire le


nitrophénol avec des rendements quantitatifs en p-aminophénol et avec l’eau comme seul sous
produit. De plus, il est possible de synthétiser directement le paracétamol en se plaçant en
milieu acide acétique en présence d’un catalyseur adapté. Cependant, ce procédé demande un
investissement très important du fait des pressions élevées (≥20 bar) et du risque lié à
l’hydrogène.3

42
Jacquot R., brevet Européen, EP 536.070, 1993, Rhône-Poulenc Chimie

20
Synthèse du paracétamol – état de l’art Chap. 1

3. Synthèse du paracétamol par réarrangement de Beckmann de l’oxime de la p-


hydroxyacétophénone

La synthèse du paracétamol utilisant le réarrangement de Beckmann a fait l’objet d’un


brevet dans les années 80 par la société Celanese.43 Bien que les réactions nécessaires pour
réaliser la synthèse étaient connues avant cela, cette société a développé un procédé
particulièrement performant et utilisable à l’échelle industrielle. Trois étapes de synthèse sont
nécessaires pour arriver au paracétamol en partant du phénol (Schéma 15) : l’acylation du
phénol pour obtenir la p-hydroxyacétophénone, l’oximation de cette dernière et enfin le
réarrangement de l’oxime ainsi obtenue pour donner le paracétamol. Ces trois réactions seront
détaillées séparément dans les prochaines parties.

Schéma 15 : synthèse du paracétamol par réarrangement de Beckmann

3.1. Acylation du phénol

Les réactions d’acylation de Friedel-Craft et de réarrangement de Fries sont des


réactions de substitutions électrophiles aromatiques permettant la synthèse d’acétophénones
(Schéma 16).

Schéma 16 : acylation de Friedel-Craft (à gauche) et réarrangement de Fries (à droite) pour la synthèse de


la p-hydroxyacétophénone

43
(a) Davenport K. G., Hilton C. B., brevet États-Unien, US 4.560.789, 1985, pour Celanese Corp. ; (b) Fritch J.
R., Fruchey O. S., Horlenko T., et al., brevet États-Unien, US 5.155.273, 1992, pour Hoechst Celanese Corp.

21
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

De ce point de vue, ces réactions sont ortho / para directrices. A basse température
cette sélectivité est très en faveur de l’isomère para comme le montre les travaux
d’Hashimoto dans le cas de l’acylation du phénol par le chlorure d’acyle en milieu acide
triflique (Schéma 17). 44

Schéma 17 : acylation de Friedel-Craft du phénol à basse température

La réaction de Friedel-Craft a été développée initialement avec une activation par


acide de Lewis, typiquement le chlorure d’aluminium. Cet acide est utilisé en large excès du
fait de la formation d’une cétone, qui est une base de Lewis, au cours de la réaction. Cet acide
de Lewis, homogène, est perdu lors du traitement de la réaction. Le recours à des acides de
Brønsted45 ou d’autres types d’acides de Lewis, comme des dérivés de l’hafnium, du gallium
ou du bismuth,45 ont permis l’utilisation de quantités catalytiques d’acides. Dans les années
1990 puis 2000, l’utilisation d’acides hétérogènes pour catalyser la réaction de Friedel-Craft a
permis la récupération des acides mais également d’influencer fortement sur la sélectivité.46
Ainsi en présence d’Amberlyst, des sélectivités de 70 % de para, par rapport au total de
produit d’acylation, peuvent être obtenues47 ; tandis qu’en présence de HZSM5 l’isomère
ortho peut dépasser les 95 %.48 Ces sélectivités fortes en ortho seraient liées un mécanisme
intramoléculaire comme suggéré par les travaux de Sartori.46
De son côté, la société Celanese a opté pour l’utilisation d’acide fluorhydrique pour
faciliter l’acylation du phénol par l’acide acétique (Schéma 18).43a Cette méthode utilise
l’acide fluorhydrique en tant que solvant, avec 50 équivalents par rapport au phénol. Cet acide
a l’avantage d’avoir un point d’ébullition faible (Téb : 20 °C). Ainsi, la société Celanese a

44
Murashige, R., Hayashi Y., Ohmori S., Torii A., Aizu Y., Muto Y., Murai Y., Oda Y., Hashimoto M.,
Tetrahedron, 2011, 67, 641-649
45
(a) Le Roux, C., Dubac, J., Synlett., 2002, 2, 181-200 ; (b) Kobayashi S., Moriwaki M., Hachiya I.,
Tetrahedron Lett., 1996, 37, 4183-4186
46
Sartori G., Maggi R., Chem. Rev., 2011, 111, PR181-PR214
47
Olah G. A., Arvanaghi M., Krishnamurthy V. V., J. Org. Chem., 1983, 48, 3359-3360
48
Neves I., Jayat F., Magnoux P., Pérot G., Ribeiro F. R., Gubelmann L., Guisnet M., J. Chem. Soc., Chem.
Comm., 1994, 717-718

22
Synthèse du paracétamol – état de l’art Chap. 1

développé une méthode permettant de récupérer l’acide fluorhydrique par distillation.49 Les
rendements obtenus dépassent ainsi les 95 %.

Schéma 18 : acylation de Friedel-Craft par l’acide acétique en milieu acide fluorhydrique

3.2. Oximation de la p-hydroxyacétophénone

Après synthèse de la p-hydroxyacétophénone, cette dernière est condensée avec de


l’hydroxylamine. Ce composé étant peu stable, il est commun de l’utiliser sous forme de sel
(chlorure ou sulfate). Ainsi en présence de base il est possible de le faire réagir sur la p-
hydroxyacétophénone pour donner l’oxime correspondante (Schéma 19).49 Les rendements
obtenus peuvent atteindre 99 % à reflux dans un mélange eau / éthanol en présence
d’ammoniaque.

Schéma 19 : synthèse de la p-hydroxyacétophénone via son précurseur cétone

La réaction peut aussi bien intervenir en milieu acide qu’en milieu neutre ou basique.50
La société Celanese a fait le choix de cette dernière option pour sa méthode puisque qu’elle
utilise un à trois équivalents de base pour déprotoner le sel d’hydroxylamine.
Bien que la synthèse d’oxime par cette méthode de synthèse soit très efficace, le coût
de l’hydroxylamine (environ 1,6 €/kg sous forme chlorure ou sulfate) peut être un frein. Il est
cependant possible de former l’oxime de la p-hydroxyacétophénone par ammoximation de la

49
Ryan, T. R., Curtis T. A., demande PCT, WO 93/10875, 1993, pour Hoechst Celanese Corp.
50
(a) Smith M. B., March J., March’s Advanced Organic Chemistry, 5e edition (2083 p.), 2001, Wiley
Interscience, 1194-1195 ; (b) Carey F. A., Sundberg R. J., Advanced Organic Chemistry – Part A, 3e edition (803
p.), 1990, Plenum Press, 447-453 ; (c) Suratt E. C., Profitt J. R., Lester C. T., J. Am. Chem. Soc., 1950, 71, 2262-
2263

23
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

p-hydroxyacétophénone.51 L’oxime est générée à partir de la cétone par action de l’ammoniac


et un oxydant, ici de l’eau oxygénée, en présence de zéolithes (Schéma 20). Les sélectivités
atteignent les 100 % mais la conversion n’est pas totale (50 %).

Schéma 20 : ammoximation de la p-hydroxyacétophénone

La condensation d’une hydroxylamine sur une cétone est une réaction donnant des
bons rendements. L’hydroxylamine est cependant une espèce peu stable et est généralement
disponible sous forme de sel. Des sels sont alors formés après réaction et peuvent être gênant
d’un point de vue procédé. De plus, l’utilisation d’une base est dans ce cas nécessaire pour
générer in situ l’hydroxylamine sous forme neutre. La société Celanese a fait le choix
d’utiliser de l’ammoniaque pour cela et a pu obtenir des rendements de 99 %.

3.3. Réarrangement de Beckmann sur l’oxime de la p-hydroxyacétophénone

Le réarrangement de Beckmann permet l’isomérisation d’une oxime en amide. Dans le


cas des oximes dissymétriques, comme pour celle de la p-hydroxyacétophénone, deux
produits peuvent alors se former suivant le groupement qui va migrer. Cependant, l’étude de
la réaction montre que la migration est contrôlée (Schéma 21).52

Schéma 21 : mécanisme du réarrangement de Beckmann

51
Le Bars J., Dakka J., Sheldon R. A., Appl. Catal., A, 1995, 136, 69-80
52
(a) Blatt A. H., Chem. Rev., 1933, 12, 215-260 ; (b) Izumi Y., Ichihashi H., Shimazu Y., Kitamura M., Sato H.,
Bull. Chem. Soc. Jpn., 2007, 80, 1280-1287

24
Synthèse du paracétamol – état de l’art Chap. 1

Dans le cas de la p-hydroxyacétophénone, la sélectivité pour le groupement phényle


est totale et de bons rendements, supérieurs à 90 %, sont obtenus.53 De manière générale, le
réarrangement de Beckmann est également possible avec des acides de Lewis comme des sels
de Cérium54 ou des acides hétérogènes. Ces derniers peuvent être des sels supportés aussi bien
sur de la silice54 que sur du titane, de la Montmorillonite55 ou de la silice sulfatée.56
L’utilisation de la catalyse hétérogène permet une récupération du catalyseur, ce qui évite la
formation de sels et permet une réutilisation de l’acide. Cependant, cette catalyse nécessite
des temps de réaction plus longs55,56 (3 à 5 h dans le cas de la p-hydroxyacétophénone, contre
1 h pour la catalyse homogène43) et/ou l’utilisation d’activation micro-ondes.54,56 La société
Celanese a, elle, décrit l’utilisation d’acide phosphorique, d’acide méthanesulfonique et de
résine acide pour réaliser cette transformation.43

Le réarrangement de Beckmann est une réaction très sélective dans le cas du


réarrangement de la p-hydroxyacétophénone donnant des rendements quasi-quantitatifs. De
plus, les acides nécessaires pour cette transformation peuvent aussi bien être homogènes
qu’hétérogènes.

3.4. Synthèse du paracétamol monotope à partir du phénol

Comme vu précédemment, la préparation du paracétamol par la voie Beckmann fait


intervenir trois étapes de synthèse à partir du phénol dont deux sont catalysées en milieu acide
et la dernière est réalisable dans ces conditions. Partant de ce constat, une synthèse monotope
du paracétamol à partir du phénol a fait l’objet d’un brevet par le groupe de Strauss.57 Le
phénol subi ainsi, en milieu acide polyphosphorique (PPA), une acylation de Friedel-Craft par
l’acide acétique (Schéma 22, (1)). Il suffit alors d’ajouter intermédiairement l’hydroxylamine,
sous forme de sel, pour obtenir l’oxime de la p-hydroxyacétophénone qui se réarrange
spontanément par l’utilisation des conditions acides. Le rendement global pour la formation
de l’amide atteint les 71 % en paracétamol et O-acétylparacétamol (qui peut être saponifié en
paracétamol).
53
Quartarone G., Ronchin L., Tosetto A., Vavasori A., Appl. Catal., A, 2014, 472, 167-177
54
Li Z., Lu Z., Ding R., Yang J., J. Chem. Res., 2006, 668-670
55
Mitsudome T., Matsuno T., Sueoka S., Mitzugaki T., Jitsukawa K., Kaneda K., Tetrahedron Lett., 2012, 53,
5211-5214
56
Li Z., Ding R., Lu Z., Xiao S., Ma X., J. Mol Catal. A: Chem., 2006, 250, 100-103
57
Strauss C., Gurr P., Cablewski T., demande PCT, WO 94/01394, 1994, pour Common Wealth Scientific and
Industrial Research Organisation (CSIRO)

25
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

Schéma 22 : synthèse monotope du paracétamol à partir du phénol

Une autre synthèse directe du paracétamol via un réarrangement de Beckmann a été


publiée.58 La réaction consiste à faire réagir le nitroéthane sur le phénol en milieu PPA
(Schéma 22, (2)). Selon le mécanisme proposé par Aksenov, le nitroéthane se transformerait
en nitronate. Le carbone en alpha du nitro, devenu ainsi électrophile subirait l’attaque de
l’aromatique pour donner l’oxime de la p-hydroxyacétophénone avant de se réarranger en
paracétamol. Cette réaction est particulièrement intéressante puisque le nitroéthane, comme le
phénol, est un produit peu onéreux et induit un rendement de 77 %. La seule limitation réside
dans l’utilisation de PPA, qui doit être hydrolysé en fin de réaction et est non recyclable.

La synthèse du paracétamol par la voie Beckmann permet non seulement une synthèse
sélective (sélectivité forte en faveur de l’isomère para et peu ou pas de produits secondaires),
mais peut également être synthétisé en une étape à partir du phénol. Pour ces synthèses,
l’utilisation de PPA en tant que solvant représente une limitation. Cependant, sur les trois
réactions pour faire le paracétamol, deux (l’acylation et le réarrangement de Beckmann)
nécessitent l’utilisation d’acide, qui peut être différent du PPA, tandis que la troisième
(condensation de l’hydroxylamine) supporte l’utilisation de conditions acides. Ainsi, une
étude utilisant un acide différent, éventuellement hétérogène, permettrait théoriquement de
réaliser une synthèse monotope sans PPA.
Enfin, le nitroéthane peut également réagir avec le phénol en milieu PPA pour donner
directement le paracétamol. Au vu de la réactivité particulière du nitroéthane dans ces
conditions, le PPA semble jouer un rôle crucial dans la réaction. Une étude sur la formation

58
Aksenov A. V., Aksenov N. A., Nadein O. N., Aksenova I. V., Synlett, 2010, 17, 2628-2630

26
Synthèse du paracétamol – état de l’art Chap. 1

de l’acide nitronique, vraisemblablement formé intermédiairement, permettrait peut être de


proposer une synthèse sans PPA.

4. Synthèse par substitution nucléophile sur l’hydroquinone

Il a été montré que les phénols peuvent subir des réactions de substitution nucléophile
aromatique en ipso. Ainsi, le phénol peut être transformé en aniline par action de l’ammoniac
en phase gaz à 400 °C, en présence d’alumine, avec des conversions supérieures à 99 % et des
sélectivités de 99 %.59 Dans le même esprit, la substitution d’un hydroxyle de l’hydroquinone
avec un mélange ammoniac / ammonium est possible à des températures cependant plus
faibles de 200 °C.60 Cette réaction donne ainsi des rendements de 60 % après 12 h de réaction
(Schéma 23).

Schéma 23 : synthèse du p-aminophénol par amination de l’hydroquinone

Cette méthode représente donc une première approche de la synthèse du précurseur du


paracétamol par cette voie. Il est également possible d’obtenir directement le paracétamol par
substitution nucléophile aromatique de l’acétamide sur l’hydroquinone.61 Pour la première
fois décrite par Gopinathan et al., cette réaction nécessite l’utilisation de catalyseurs acides de
type hétéropolyacide et des températures de l’ordre de 300 °C (Schéma 24).

Schéma 24 : réaction de l’acétamide sur l’hydroquinone pour la formation du paracétamol

59
Yasuhara M., Matsunaga F., brevet Européen, EP 0.321.275, 1989, pour Mitsui Petrochemical Ind.
60
Bean F. R., Donovan T. S., brevet États-Unien, US 2.376.112, 1945, pour Eastman Kodak Co.
61
(a) Gopinathan S., Gopinathan C., Kuruvilla J., Pardhy S. A., Ratnasamy P., brevet États-Unien, US
5.856.575, 1999, pour Council of Scientific & Industrial Research (CSIR) ; (b) Qiu J., Wang J.-G., Dai J.-X.,
Huaxue Shijie, 2010, 51, 606–608

27
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

Catalysée par de l’acide phosphotungstique, la réaction induit une conversion de 95 %


pour 86 % de sélectivité. La synthèse du paracétamol ou du p-aminophénol par substitution
nucléophile aromatique sur l’hydroquinone à l’avantage de ne produire que de l’eau comme
sous-produit. Ces méthodes de synthèse sont cependant peu développées puisque seulement
trois brevets ont été déposés sur ces méthodes. La synthèse directe du paracétamol par cette
voie est limitée par les températures élevées, demandant des appareillages spécifiques, et
l’utilisation de catalyseurs métalliques, qui peut poser des problèmes de contamination du
produit final.

II. Synthèse du p-aminophénol et paracétamol à partir des


précurseurs nitrobenzène et aniline

1. Hydroxylation aromatique de l’aniline et de l’acétanilide

La synthèse de phénol est possible par oxydation directe de cycles aromatiques. Le


paracétamol est ainsi synthétisable par oxydation de l’acétanilide et le p-aminophénol par
oxydation de l’aniline (Schéma 25). Ces deux synthèses ne répondent pas aux mêmes
problématiques et seront donc étudiées séparément.

Schéma 25 : synthèse du paracétamol par hydroxylation de l’acétanilide (à gauche) ou par hydroxylation


aromatique de l’aniline puis acétylation de l’amine (droite)

1.1. Hydroxylation de l’acétanilide en paracétamol

Trois oxydants ont été rapportés pour l’hydroxylation de l’acétanilide : un iode (III)
hypervalent, l’eau oxygénée et enfin l’oxygène.

28
Synthèse du paracétamol – état de l’art Chap. 1

Les travaux de Kikugawa62a et ceux de Liu62b ont ainsi montré que l’acétanilide est
hydroxylé par le [bis(trifluoroacétoxy)iodo]benzène (PIFA) à température ambiante (Schéma
26).

Schéma 26 : hydroxylation de l’acétanilide par le [bis(trifluoroacétoxy)iodo]benzène

Le groupe de Kikugawa a obtenu 64 % en paracétamol avec de 1,2 équivalent de PIFA


et en présence de 10 équivalents d’acide trifluoroacétique. Dans des conditions proches, le
groupe de Liu a obtenu 89 % de rendement en présence de 1,5 équivalent de PIFA et de 1
équivalent de trifluorure de bore en milieu acide formique. Dans le même esprit, l’acétanilide
peut être oxydée par le PIFA en l’analogue O-triflate du paracétamol, en présence d’une
quantité stœchiométrique de triflate d’argent. Dans tous les cas, l’oxydation est
particulièrement sélective en para.63
Cette sélectivité est expliquée par le mécanisme de la réaction (Schéma 27). Selon les
auteurs, ce mécanisme commence par la substitution d’un trifluoroacétate de l’iode
hypervalent par l’acétanilide. L’espèce ainsi formée (1), subit l’élimination d’iodobenzène et
conduit alors à un ion nitrénium (2), qui est l’intermédiaire clé du réarrangement de
Bamberger (voir Sous-paragraphe II.2.2.1)).
L’ion nitrénium subit l’attaque d’un ion trifluoroacétate en position para. L’attaque de
cette position est connue pour être particulièrement sélective dans le cas du réarrangement de
Bamberger, ce qui explique également que l’isomère ortho n’ait pas été observé lors de la
réaction d’hydroxylation aromatique par l’iode hypervalent. La forme O-trifluoroacétylée du
paracétamol est alors obtenue et conduit au paracétamol après traitement.

62
(a) Itoh N., Sakamoto T., Miyazawa E., Kikugawa Y., J. Org. Chem., 2002, 67, 7424-7428 ; (b) Liu H., Wang
X., Gu Y., Org. Biomol. Chem., 2011, 9, 1614-1620
63
Pialat A., Liégault B., Taillefer M., Org. Lett., 2013, 15, 1764-1767

29
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

Schéma 27 : mécanisme de l’hydroxylation de l’acétanilide par le [bis(trifluoroacétoxy)iodo]benzène

Bien qu’induisant un bon rendement et une bonne sélectivité en para dans des
conditions douces, le PIFA n’est cependant pas un réactif très adéquat pour réaliser
l’hydroxylation aromatique de l’acétanilide en paracétamol car il s’agit d’un composé
onéreux64 et induit une formation importante de sous produits (iodobenzène, acide
trifluoroacétique).
Pour ces raisons, l’eau oxygénée représente un réactif d’oxydation plus compétitif.
L’hydroxylation aromatique par H2O2 a été publiée en milieu superacide de Morellet (Schéma
28).65

Schéma 28 : hydroxylation aromatique de l’acétanilide par H2O2 en milieu superacide

En présence d’un mélange d’acide fluorhydrique et de pentafluorure d’antimoine,


l’H2O2 provoque l’hydroxylation aromatique de l’acétanilide avec des rendements en
hydroxyacétanilide de 74 %. La sélectivité de la réaction induit cependant une répartition
64
A titre de comparaison, l’acétanilide (99%) est disponible auprès du fournisseur Sigma-Aldrich au prix 25,20
€ les 100 g, alors que le [bis(trifluoroacétoxy)iodo]benzène (à 97%) est disponible au prix de 154,50 € les 50
g (soit 12 fois plus cher à masses égales)
65
Morellet G., Jacquesy J.-C., Jouannetaud M.-P., brevet Européen EP 0.097.564, 1984, pour Produits
Chimiques Ugine Kuhlmann

30
Synthèse du paracétamol – état de l’art Chap. 1

presque statistique des hydroxyles sur l’aromatique (ratio ortho / méta / para : 37/29/34) qui
est peu intéressante pour la synthèse du paracétamol.
Alternativement, l’hydroxylation aromatique peut également être induite par H2O2 en
conditions radicalaires avec l’utilisation d’un sel de cuivre (Schéma 29).66 Le groupe d’Adapa
a publié l’utilisation de nitrate de cuivre (II) comme catalyseur d’hydroxylation aromatique
par H2O2 en milieu eau-acétonitrile tamponné (pH 7). Le rendement en hydroxyacétanilide est
de 90 % avec un ratio de 88 % en faveur de l’isomère para. Malgré ces bons résultats, la
méthode nécessite des quantités importantes d’oxydant (6 équivalents) et de catalyseur (20
%mol) ainsi que la présence d’un tampon phosphate indispensable à la réaction selon les
auteurs.

Schéma 29 : hydroxylation aromatique de l’acétanilide par le H 2O2 catalysée par le cuivre

Enfin, l’hydroxylation de l’acétanilide a été rapportée avec l’utilisation d’oxygène


comme oxydant (Schéma 30).67 Les conditions rapportées par Palmisano, utilisant l’oxygène
sous irradiation en présence d’oxyde de titane, induit une conversion de 50 % et une
sélectivité de 60 % en hydroxyacétanilide, donc 77 % en faveur de l’isomère para. La photo-
oxydation est cependant une méthode qui nécessite des concentrations faibles en substrat (0,5
mM dans le cas présent) et n’est donc pas adaptée pour une utilisation industrielle.

Schéma 30 : photo-hydroxylation aromatique de l’acétanilide par l’oxygène

66
Nasreen A., Adapa S. R., Org. Prep. Proced. Int., 2000, 32, 373-376
67
Palmisano G., Addamo M., Augugliaro V., Caronna T., Garcia-Lopez E., Loddo V., Palmisano V., Chem.
Commun., 2006, 1012-1014

31
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

L’hydroxylation aromatique de l’acétanilide est une réaction n’ayant que peu fait
l’objet de publication. Trois réactifs d’oxydation ont été rapportés : un iode hypervalent,
l’H2O2 et l’oxygène. Parmi eux, seuls les deux derniers sont économiquement viables dans le
cas de la synthèse du paracétamol.
L’oxygène représente le meilleur oxydant possible car c’est un réactif très abondant et
facile à produire. Cependant, et bien que très sélective en para, l’hydroxylation aromatique
par l’oxygène proposée par Palmisano67 n’est pas adaptée à une échelle industrielle du fait des
fortes dilutions utilisées.
Enfin, la méthode d’hydroxylation par H2O2 proposée par Adapa66 représente la
méthode de préparation du paracétamol par voie oxydante la plus intéressante car elle induit
la meilleure sélectivité para. Cependant, cette méthode nécessite un milieu tamponné
(phosphate), un large excès en H2O2 (6 équivalents) ainsi qu’une quantité importante de
cuivre (20 %mol). Les conditions développées par Adapa nécessiteraient cependant d’être
améliorées pour être économiquement viables.

1.2. Hydroxylation de l’aniline

Le cas de l’acétanilide représente un cas simple d’hydroxylation aromatique car seul


l’aromatique est susceptible d’être oxydé dans des conditions douces. Cependant, le cas de
l’aniline est beaucoup plus complexe car celle-ci est connue pour s’oxyder facilement.68
L’aniline est ainsi oxydée par H2O2 en nitrobenzène (98 %) et nitrosobenzène (2 %) en
présence d’un catalyseur à base d’oxyde de titane en 30 min à 25 °C. 69 Le groupe de
Ramaswamy a rapporté l’oxydation de l’aniline dans des conditions plus douces, conduisant à
une faible proportion de p-aminophénol (Schéma 31).70 Ainsi en présence de 1 équivalent
d’H2O2 et de catalyseur TS-1 en milieu méthanol à 0 °C, l’aniline est transformée à hauteur de
0,3 % en p-aminophénol avec la formation majoritaire de nitrosobenzène (4,3 %) et
d’azoxybenzène (4,1 %). Ce résultat montre que l’aniline est difficilement oxydée en p-
aminophénol mais conduit plutôt à la formation de produits d’oxydation au niveau de l’azote.

68
Après une exposition de quelques minutes à l’air, l’aniline fraichement distillée (incolore) devient jaune pâle
puis progressivement brune après plusieurs jours ; après plusieurs mois, l’aniline forme un solide de couleur
rouge.
69
Dewkar G. K., Nikalje M. D., Sayyed Ali I., Paraskar A., Jagtap H. S., Sudalai A., Angew. Chem. Int. Ed.,
2001, 40, 405-408
70
Sevam T., Ramaswamy A. V., Chem. Commun., 1996, 1215-1216

32
Synthèse du paracétamol – état de l’art Chap. 1

Schéma 31 : oxydation de l’aniline par l’eau oxygénée en présence de TS-1

Cependant, deux conditions ont été rapportées pour transformer l’aniline en p-


aminophénol. La première concerne l’hydroxylation par H2O2 en milieu superacide (Schéma
32).71

Schéma 32 : hydroxylation de l’aniline par H2O2 en milieu super acide

Ainsi, H2O2 activé par un mélange d’acide fluorhydrique et de pentafluorure


d’antimoine conduit à l’hydroxylation aromatique de l’aniline avec un rendement de 71 % en
hydroxyacétanilide, en milieu aqueux à -20 °C. Cependant les sélectivités sont très en faveurs
en l’isomère méta avec seulement 20 % de sélectivité en para. D’un point de vue
mécanistique, la réaction est rendue possible par le milieu très acide qui protone presque
totalement l’aniline. Cette protonation permet la protection du doublet électronique de l’azote,
empêchant ainsi toute oxydation de la fonction aniline, mais induit la formation de l’ion
anilinium qui est sélectif en méta.
Une deuxième méthode pour hydroxyler l’aniline concerne les travaux de Palmisano,
avec la photo-oxydation d’aromatique par l’oxygène.67 Cette méthode permet l’activation
sélective du noyau aromatique, sans oxydation au niveau de l’azote (Schéma 33).

Schéma 33 : photo-hydroxylation aromatique de l’aniline par l’oxygène

71
Jacquesy J.-C., Jouannetaud M.-P., Morellet G., Vidal Y., Tetrahedron Lett., 1984, 25, 1479-1482

33
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

En présence de 1 bar d’oxygène sous photo-oxydation en présence d’oxyde de titane,


l’aniline est transformée à hauteur de 40 % avec 50 % de sélectivité en faveur de
l’aminophénol. L’isomère para est cependant obtenu à hauteur de seulement 50 % par rapport
au total d’aminophénol, ce qui est moins que la sélectivité obtenue avec l’acétamide (77 %)
dans les mêmes conditions.

L’hydroxylation aromatique de l’aniline nécessite des conditions particulières du fait


de la sensibilité de l’amine aromatique. De ce fait, seules deux méthodes de synthèse ont été
rapportées permettant une sélectivité d’au moins 50 % en faveur de l’aminophénol : d’une
part l’hydroxylation par H2O2 en milieu superacide, formant seulement 20 % d’isomère para
(rendement en p-aminophénol 14 %) ; et d’autre part la photo-oxydation par l’oxygène
induisant une meilleure sélectivité en para (50 %) mais un rendement en p-aminophénol de
seulement 20 %.
En l’état, l’oxydation de l’acétanilide en paracétamol ou celle de l’aniline en p-
aminophénol ne présentent pas des conditions viables. Un des principaux problèmes réside
dans les faibles sélectivités en position para.

2. Synthèse du p-aminophénol par réduction sélective du nitrobenzène et


réarrangement de Bamberger

Les méthodes d’introduction d’hydroxyle sur un aromatique se font principalement par


oxydation au niveau de l’aromatique. L’obtention de ce groupement est cependant possible en
utilisant le réarrangement, dit de Bamberger, de la phénylhydroxylamine en milieu acide,
conduisant alors au p-aminophénol. La phénylhydroxylamine est synthétisable par
hydrogénation sélective du nitrobenzène. Ainsi l’hydrogénation du nitrobenzène en milieu
acide conduit en une seul étape au p-aminophénol (Schéma 34).

Schéma 34 : synthèse du p-aminophénol par réduction du nitrobenzène et réarrangement de Bamberger

Cette réaction a fait l’objet d’importants travaux qui seront développés dans cette
partie de la manière suivante : 1) hydrogénation sélective du nitrobenzène en
34
Synthèse du paracétamol – état de l’art Chap. 1

phénylhydroxylamine, 2) réarrangement de cette dernière en p-aminophénol et enfin 3)


synthèse monotope de ce dernier à partir du nitrobenzène.

2.1. Hydrogénation du nitrobenzène en phénylhydroxylamine

Les premières synthèses de la phénylhydroxylamine ont été réalisées par réduction du


nitrobenzène en présence de quantités stœchiométriques de métaux, typiquement le zinc,72 ou
en présence de sulfure de sodium.73 Bien qu’intéressantes pour la synthèse de petites quantités
de phénylhydroxylamine au laboratoire, ces synthèses ne sont pas économiquement viables à
l’échelle industrielle du fait du coût élevé des métaux utilisés et de la quantité des déchets
générés. C’est pourquoi l’hydrogénation est devenue la réaction de choix pour la synthèse
industrielle de la phénylhydroxylamine.

2.1.1. Mécanisme chimique de l’hydrogénation du nitrobenzène en


phénylhydroxylamine

L’hydrogénation du nitrobenzène est une réaction qui a beaucoup été étudiée pour la
synthèse de l’aniline. Le mécanisme de cette réaction a été proposé par Haber.74 Celui-ci
proposa, que la réduction du groupement nitro induise en premier la formation d’un groupe
nitroso intermédiaire puis la formation d’une hydroxylamine avant une totale réduction en
amine (Schéma 35, (1)).

Schéma 35 : mécanisme de Haber pour la réduction du nitrobenzène en aniline

72
Coleman G. H., McCloskey C. M., Stuart F. A., Org. Synth., 1945, 25, 80 (3 p.)
73
Lapworth A., Pearson L. K., J. Chem. Soc., Trans., 1921, 119, 765-768
74
Haber F., Z. Elektrochem., 1898, 4, 506-514

35
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

Il est possible de s’arrêter à la phénylhydroxylamine du fait que la liaison σ (N-O) sur


cette molécule est plus difficile à cliver que les liaisons π (N-O) du nitrobenzène et du
nitrosobenzène. Cependant, la phénylhydroxylamine, est instable et peut se dismuter en
nitrosobenzène et aniline.75 La phénylhydroxylamine peut également se condenser avec le
nitrosobenzène intermédiaire pour donner l’azoxybenzène76 et le nitroso peut se condenser
avec l’aniline pour donner l’azobenzène77 (Schéma 35, (2)). Ces réactions parasites sont
prépondérantes à des températures de l’ordre de 70 °C,78 lorsque le nitrosobenzène est
concentré ou en milieu acide ou basique.75 En travaillant à basse température et en présence
d’une quantité importante de catalyseur d’hydrogénation, il est possible de limiter la
concentration en nitrosobenzène et l’importance des réactions secondaires. La
surhydrogénation de la phénylhydroxylamine en aniline reste cependant un problème car cette
réaction intervient même à basse température. L’aniline représente ainsi, dans la plupart des
cas, le principal produit secondaire de la réaction d’hydrogénation du nitrobenzène en
phénylhydroxylamine.

2.1.2. Mécanisme de surface de la réduction du nitrobenzène en


phénylhydroxylamine

La réduction du nitrobenzène en phénylhydroxylamine a été étudiée en absence


d’additifs, par l’équipe de Basset.79 Leurs travaux ont mis en évidence que l’iridium et le
platine sont les métaux les plus sélectifs, comparés au palladium et au rhodium, pour réaliser
cette réaction mais que le platine donne lui de meilleures vitesses d’hydrogénation. Dans leurs
meilleures conditions, le nitrobenzène est hydrogéné en solution dans l’éthanol, sous des
pressions de 20 bar à 5 °C. Les sélectivités atteignent ainsi les 80 % pour une conversion de
98 % (Schéma 36).

75
Makaryan I. A., Savchenko V. I., Brikenshtein K. A., Bull. Acad. Sci. USSR, Div. Chem. Sci. (Engl. Transl.),
1983, 32, 692-695
76
Becker A. R., Sternson L. A., J. Org. Chem., 1979, 45, 1708-1710
77
Schmitt C. C., Moritz C. A., Pizzolatti M. G., Yunes R. A., Bull. Chem. Soc. Jpn., 1989, 62, 3684-3690
78
(a) Burge H. D., Collins D. J., Davis, B. H., Ind. Eng. Chem. Prod. Res. Dev., 1980, 19, 389-391; (b) Gelder E.
A., Jackson S. D., Lok C. M., Chem. Commun., 2005, 522-254
79
Pernoud L., « Préparation et caractérisation de catalyseurs hétérogènes métalliques actifs et sélectifs dans
l’hydrogénation du nitrobenzène en phénylhydroxylamine », thèse de l’Université de Lyon 1, 1997

36
Synthèse du paracétamol – état de l’art Chap. 1

Schéma 36 : hydrogénation du nitrobenzène en phénylhydroxylamine sans additif développée par Basset

Au cours de ces travaux, un mécanisme d’hydrogénation de surface a été proposé


(Schéma 37). Le nitrobenzène serait chimisorbé sur la surface possédant de l’hydrogène
adsorbé. L’intermédiaire formé réagit rapidement avec un hydrogène de surface pour donner
l’espèce (1). Cette espèce peut subir une coupure hydrogénante de la liaison M-O qui conduit
à la phénylhydroxylamine, ou subir la coupure au niveau de la liaison N-O formant ainsi
l’aniline

Schéma 37 : mécanisme de surface pour l’hydrogénation du nitrobenzène en phénylhydroxylamine


proposé par Basset

Le mécanisme de la réaction proposé par Basset ne formerait pas de nitrosobenzène en


intermédiaire et produirait l’aniline comme un produit primaire de réaction. Cette proposition
est en accord avec leurs résultats puisque le nitrosobenzène n’est pas observé au cours de la
réaction et une sélectivité quasiment constante de 20 % en aniline est obtenue dès que les
premières fractions de substrat réagissent. De plus, un intermédiaire similaire à l’espèce (1) a
également été proposé par l’équipe de Jackson pour l’hydrogénation du nitrobenzène en
aniline, à des températures de 50 °C.78a

37
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

L’étude de l’hydrogénation du nitrobenzène, en milieu éthanol homogène et sans


additifs, réalisée par l’équipe de Basset a permis de proposer un mécanisme d’hydrogénation
directe du nitrobenzène en phénylhydroxylamine, sans passage par un nitrosobenzène
intermédiaire. De plus, la réduction peut également induire la formation primaire d’aniline,
c'est-à-dire sans formation de phénylhydroxylamine. Ainsi les sélectivités obtenues dans leurs
conditions sont de 80 %. L’hydrogénation du nitrobenzène en phénylhydroxylamine présente
donc des limitations. C’est pourquoi des groupes ont étudié l’effet d’additifs pour réaliser
cette hydrogénation de manière plus sélective.

2.1.3. Utilisation d’additifs pour la réduction du nitrobenzène en


phénylhydroxylamine

L’équipe de Rylander a été la première équipe à proposer l’utilisation d’additif dans le


cas de la réduction du nitrobenzène en phénylhydroxylamine. Les auteurs utilisent ainsi le
diméthylsulfoxyde (DMSO) comme promoteur afin d’accroitre les sélectivités.80

Schéma 38 : hydrogénation du nitrobenzène en phénylhydroxylamine en présence de DMSO

Dans les conditions développées par Rylander sans DMSO, une sélectivité de 53 % est
obtenue pour 88 % de conversion ; alors qu’en présence de DMSO la sélectivité augmente à
87 %, pour 97 % de conversion (Schéma 38). Le profil du suivi de la consommation de
l’hydrogène permet de comprendre ce qui se passe en présence de DMSO (Figure 2). Sans
DMSO, la vitesse d’hydrogénation est constante tout au long de la réaction jusqu’à absorption
de 3 équivalents d’hydrogène, ce qui correspond à la formation d’aniline. En revanche en
présence de DMSO, la réaction est au début rapide jusqu’à la consommation de 2 équivalents
d’hydrogène, ce qui correspond à l’hydrogénation du nitrobenzène en phénylhydroxylamine.
Après cela, la vitesse d’hydrogénation chute brutalement ce qui montre que dans ces

80
(a) Rylander P. N., Karpenko I. M., Pond R. P, A, Ann. N. Y. Acad. Sci., 1970, 172, 266-275 ; (b) Rylander P.
N., Karpenko I. M., Pond R. P., brevet États-Unien, US 3.694.509, 1972, pour Engelhard Minerals & Chemicals

38
Synthèse du paracétamol – état de l’art Chap. 1

conditions, l’hydrogénation de la phénylhydroxylamine est beaucoup plus lente comparée à la


vitesse de réduction du nitrobenzène.

Equivalent d'hydrogène consommé

Sans DMSO
3

Avec DMSO
2

0
0 40 80 120
Temps (min)

Figure 2 : profil de consommation en H2 lors de l'hydrogénation du nitrobenzène avec et sans DMSO

L’explication est que la présence de dérivé soufré désorbe l’hydroxylamine de la


surface du catalyseur lorsqu’elle se forme sur le métal, ce qui limite son hydrogénation en
aniline.79 Alternativement, des dérivés phosphorés améliorent également les sélectivités de la
réduction du nitrobenzène en phénylhydroxylamine.81
Le DMSO permet donc d’augmenter les sélectivités mais réduit également la vitesse
d’hydrogénation globale, comme le montre la Figure 2. C’est pourquoi une amine peut être
ajoutée en plus du DMSO afin d’obtenir de meilleures vitesses d’hydrogénation tout en
conservant de bonnes sélectivités (Tableau 4).82
L’équipe de Takenaka a ainsi montré que sans DMSO, leurs conditions permettaient
d’atteindre 22 % de sélectivité pour 47 % de conversion (Tableau 4, entrée 1). Les auteurs
observent le même effet que Rylander puisqu’ils obtiennent des sélectivités atteignant les 99
% en présence de DMSO (Tableau 4, entrée 2) mais avec une forte chute de la conversion (7
% en 120 min avec du DMSO contre 47 % en 10 min sans).

81
Freudenreich J., Stohrer J., brevet États-Uniens US 6.211.410, 2001, pour Consortium für elektrochemische
Ind.
82
(a) Takenaka Y., Kiyosu T., Choi J.-C.,Sakakura T.,Yasuda H., Green Chem., 2009, 11, 1385-1390 ; (b)
Takenaka Y., Choi J.-C., Sakakura T., Yasuda H., Kiyosu T., brevet Européen, EP 2.154.125, 2010, pour Wako
Pure Ind.

39
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

Tableau 4 : Effet du DMSO et de la triéthylamine sur la conversion et la sélectivité de


l’hydrogénation du nitrobenzène en phénylhydroxylamine

Entrée DMSO (%mol) TEA (%mol) Temps (min) Conv. NB (%) Sélec. PHA (%)
1 0 0 10 47 22
2 20 0 120 7 99
3 20 4 120 54 99
4 20 20 120 100 99
5 0 4 10 42 29

En revanche, en ajoutant de la triéthylamine (TEA) en plus du DMSO, l’équipe de


Takenaka a montré que les conversions peuvent être améliorées sans pertes de sélectivités
comparées au DMSO seul (Tableau 4, entrées 3 et 4). 54 % et 100 % de conversion sont ainsi
obtenues en 120 min en présence de 4 et 20 %mol de TEA respectivement contre 7 % sans
TEA. Une dernière expérience montre que la présence d’une amine seule ne permet pas
d’accélérer les vitesses de réaction. En présence de TEA (Tableau 4, entrée 5), des
conversions et sélectivités similaires sont obtenues avec la réaction sans TEA (Tableau 4,
entrée 1).
Enfin, l’équipe de Takenaka a comparé les effets d’amines primaire, secondaire et
tertiaire ainsi qu’une aniline, pyridine et ammonium (Tableau 5). L’effet de l’amine dépend
fortement du caractère coordinant de l’azote puisque les amines aliphatiques (Tableau 5,
entrées 1-4) donnent des conversions en 1 heure pouvant atteindre jusqu’à 78 % alors que la
pyridine induit seulement 14 % de conversion (Tableau 5, entrée 5) et la diméthylaniline 7 %
(Tableau 5, entrée 6). Dans le cas d’un ammonium, la conversion est de seulement 1 %
(Tableau 5, entrée 7). L’encombrement stérique a aussi une influence sur la conversion
puisque l’éthyldiisopropylamine (l’amine la plus encombrée), induit 15% de conversion en 1
heure (Tableau 5, entrée 4) et la TEA 27 % (Tableau 5, entrée 3) ; alors que la diéthylamine
induit une conversion de 55 % (Tableau 5, entrée 2) et la n-butylamine 78 % (Tableau 5,
entrée 1).

40
Synthèse du paracétamol – état de l’art Chap. 1

Tableau 5 : effet de différentes amines sur la conversion du nitrobenzène en phénylhydroxylamine


en présence de DMSO

Entrée Amine Conv. (%) Sélec. PHA (%)


1 n-buthylamine 78 99
2 Diéthylamine 55 99
3 Triéthylamine 27 99
4 Ethyldiisopropyl-amine 15 99
5 Pyridine 14 99
6 N,N-diméthylaniline 7 99
Chlorure de benzyl
7 1 >99
triméthyl ammonium
8 - 4 98

L’hydrogénation du nitrobenzène en phénylhydroxylamine est rendue particulièrement


sélective par l’utilisation de DMSO, ou plus largement par des dérivés soufrés, mais au
détriment d’une vitesse de réaction plus lente. Cet effet d’inhibition peut cependant être
fortement diminué par l’utilisation d’une amine.

2.2. Réarrangement de la phénylhydroxylamine en p-aminophénol

Le réarrangement de Bamberger est connu depuis qu’Eugen Bamberger a décrit la


synthèse du p-aminophénol via cette réaction en 1894.83 La réaction consiste à réarranger la
phénylhydroxylamine à chaud (80 °C) en présence d’un acide fort, typiquement l’acide
sulfurique (Schéma 39). En outre, la réaction est particulièrement sélective en position para.

Schéma 39 : réarrangement de l’hydroxylamine décrit par Eugen Bamberger

83
Bamberger E., Ber. Dtsch. Chem. Ges., 1894, 27, 1347-1350

41
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

2.2.1. Mécanisme du réarrangement de Bamberger

Un premier mécanisme de la réaction a été proposé par Bamberger.84 Ce mécanisme


communément admis commence par la protonation de l’hydroxylamine (Schéma 40). Cette
protonation est majoritaire au niveau de l’azote (pKa de l’acide conjugué : 1,9)85 mais en
équilibre (Schéma 40, (1)) avec la protonation au niveau de l’oxygène. Dans ce dernier cas, la
phénylhydroxylamine peut perdre une molécule d’eau et forme alors l’ion nitrénium (Schéma
40, (2)) qui est l’intermédiaire clé de la réaction. L’eau attaque alors cette espèce activée en
position soit ortho soit para. Expérimentalement cette dernière est très largement majoritaire.
Seuls quelques travaux mentionnent la présence d’isomère ortho dans des proportions
pouvant néanmoins atteindre 38 % par rapport au total d’aminophénol.80

Schéma 40 : mécanisme du réarrangement de Bamberger communément admis

Les travaux indépendants de Manabe et al. et Williams et al., se basant sur l’étude des
cinétiques à différentes concentrations en acide, suggèrent que la protonation sur l’oxygène
n’est pas suffisamment importante pour induire une réactivité et que l’espèce active serait
plutôt une forme doublement protonée de la phénylhydroxylamine (sur l’oxygène et sur
l’azote).85 Leurs travaux montrent ainsi que la vitesse du réarrangement est très fortement
dépendante de l’activité du proton. De plus, l’ion nitrénium est très électrophile et peut en
conséquence réagir avec une variété de nucléophile comme des alcools84 ou l’ion chlorure.85a

84
Bamberger E., Ber. Dtsch. Chem. Ges., 1900, 33, 3600-3622
85
(a) Sone T., Tokuda Y., Sakai T., Shinkai S., Manabe O., J. Chem. Soc., Perkin Trans. 2, 1981, 298-302 ; (b)
Kohnstam G., Petch W. A., Lyn H. Williams D., J. Chem. Soc., Perkin Trans. 2, 1984, 423-427

42
Synthèse du paracétamol – état de l’art Chap. 1

Enfin, les travaux récents de Yamabe et al. ont apporté un regard nouveau sur le
réarrangement de Bamberger.86 Se basant sur des calculs DFT, les auteurs ont montré qu’une
cage d’eau s’organise autour de la phénylhydroxylamine afin de permettre le départ d’eau sur
l’azote concerté avec l’attaque du carbone en para (Schéma 41). Ce mécanisme se base
également sur l’intervention de 2 protons mais non pas au niveau de l’azote et de l’oxygène
comme suggéré par Manabe et Williams, mais sur l’azote et le deuxième au niveau de la cage
de solvant. En outre, ce mécanisme explique pourquoi les sélectivités sont si prononcées en
para.

Schéma 41 : mécanisme du réarrangement du Bamberger proposé par Yamabe, basé sur des calculs DFT

Enfin, le mécanisme proposé par Yamabe nécessite la présence d’un ion hydronium,
isolé de son anion, à proximité directe de la phénylhydroxylamine. Or l’utilisation d’acide
faible ne permettrait pas d’avoir une forte dissociation de l’acide. L’anion, présent dans la
cage de solvant, va alors bloquer ce mécanisme. Ce constat est en accord avec les
observations puisque l’acide acétique (pKa : 4,8), même utilisé en tant que solvant, ne permet
pas de réaliser le réarrangement de Bamberger (Chapitre 2, Section I) ; alors que les acides
sulfoniques (pKa < 0), sulfurique (pKa : -3,0 et 2,0), chlorhydrique (pKa : -8,0) ou même
phosphorique (pKa : 2,1) le peuvent.

Le mécanisme du réarrangement de Bamberger suggère que cette réaction est induite


par la formation d’un ion nitrénium. Cette espèce très réactive réagit rapidement avec l’eau
mais peut également réagir avec d’autres nucléophiles (solvant protique, anions nucléophile,

86
Yamabe S., Zeng G., Gun W., Sakaki S., Beilstein J. Org. Chem, 2013, 9, 1073-1082

43
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

etc) et conduire alors à la formation de produits secondaires. Il est donc important de limiter
l’utilisation de ces espèces en réaction.
Le réarrangement de la phénylhydroxylamine a été étudié par Bamberger
principalement avec l’acide sulfurique. Cependant une variété d’acides aussi bien en phases
homogène qu’hétérogène ont été testés par la suite et vont être présentés ci-après.

2.2.2. Réarrangement de la phénylhydroxylamine en présence d’acide en


phase homogène

L’acide sulfurique est l’acide de choix pour réaliser le réarrangement de la


phénylhydroxylamine du fait de la forte acidité de ses deux protons et de son coût
particulièrement faible (<0,1 €/kg) et il permet d’obtenir des rendements quantitatifs en p-
aminophénol par réarrangement de la phénylhydroxylamine.37 Cependant, d’autres acides ont
la capacité d’induire le réarrangement de Bamberger en milieu aqueux. Ainsi l’acide
trifluoroacétique (pKa : -0,3) a été testé en milieu acétonitrile-eau pour réaliser le
réarrangement de la phénylhydroxylamine (Schéma 42).87 Les rendements obtenus ne sont
cependant que de 80 %. L’acétonitrile employé en tant que solvant ne semble ainsi pas le
meilleur choix.

Schéma 42 : réarrangement de la phénylhydroxylamine par l’acide trifluoroacétique en milieu


acétonitrile-eau

L’acide perchlorique (pKa : -10) a aussi été testé, par l’équipe de McClelland, et
permet une conversion totale en p-aminophénol à 25 °C.88 Les auteurs ont également montré
que la réaction peut conduire à la formation de halogénoaniline en présence de chlorure ou
bromure de sodium dans des proportions pouvant atteindre 50 % de rendement. Dans le même
esprit, l’utilisation d’acide chlorhydrique (pKa : -8) permet le réarrangement de Bamberger
mais conduit à une formation importante de p-chloroaniline.85a Ce sont ainsi 36 % de dérivé
chloré qui peuvent être obtenus.
87
Quartarone G., Ronchin L., Tosetto A., Vavasori A., Appl. Catal., A, 2014, 475, 169-178
88
Fishbein J. C., McClelland R. A., Can. J. Chem., 1996, 74, 1321-1328

44
Synthèse du paracétamol – état de l’art Chap. 1

Schéma 43 : réarrangement de Bamberger par l’acide chlorhydrique

L’attaque par des nucléophiles a également été montrée dans le cas du réarrangement
de la phénylhydroxylamine par un mélange l’hydrogénosulfite de sodium (pKa : 7,2) en
milieu neutre (Schéma 44).89 Les conditions développées par Sternson permettent d’obtenir
l’aminophénol avec 36 % de rendement (en mélange ortho et para) mais conduisent
également à de l’aminobenzènesulfonate et de l’aniline.

Schéma 44 : réarrangement de la phénylhydroxylamine par l’hydrogénosulfite de sodium

Cependant le mécanisme de réaction diffère de celui de Bamberger car, selon les


auteurs, la réaction débuterait par l’attaque de l’hydrogénosulfite sur l’aromatique en para ou
en ortho (non représenté sur le schéma) pour donner l’intermédiaire (1). L’isomère para de
l’intermédiaire (1) peut soit conduire au p-aminobenzènesulfonate par prototropie, soit
conduire à l’o-aminophénol par attaque de l’eau et élimination d’hydrogénosulfite suivit
d’une prototropie, soit à l’aniline par élimination de trioxyde de soufre.

89
Sternson L. A., Dixit A. S., Becker A. R., J. Org. Chem., 1983, 48, 57-60

45
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

Enfin, des travaux très récents et prometteurs de Liu90 font état du réarrangement de
Bamberger à l’aide du dioxyde de carbone. Ainsi en milieu aqueux et en absence d’additifs, la
transposition donne 80 % de rendement en 1 heure à 40 bar à 100 °C (Schéma 45).

Schéma 45 : réarrangement de la phénylhydroxylamine par du CO2 et mécanisme proposé

Les auteurs de l’étude suggèrent que l’acide carbonique (pKa : 6,4 et 10,3) issu de la
dissolution du CO2 dans l’eau serait suffisamment acide pour réaliser le réarrangement de
Bamberger. Cela parait peu plausible car l’acide acétique (pKa : 4,8) n’est pas suffisamment
acide pour cela, même lorsqu’il est utilisé en tant que solvant. Nous suggérons que le CO2
réagisse avec l’oxygène de la phénylhydroxylamine et forme ainsi un intermédiaire de type
ester carbonique. Cet intermédiaire induirait la formation de l’ion nitrénium conduisant in fine
au p-aminophénol. Ces travaux offrent la possibilité de s’affranchir totalement de la présence
d’acide ce qui en fait le système le plus intéressant économiquement. L’utilisation de CO2
permettrait ainsi une avancée majeure dans les procédés actuellement utilisés.

De manière générale, l’acide sulfurique est largement utilisé pour réaliser le


réarrangement de l’hydroxylamine puisque qu’il est peu onéreux, disponible en grande
quantité, possède deux protons suffisamment forts pour induire la transposition et n’est pas
nucléophile. Cet acide est cependant corrosif pour les réacteurs et doit être neutralisé,
engendrant alors la formation d’une quantité de sels importante. Ces deux facteurs induisent
alors des coûts importants pour la production du p-aminophénol à grande échelle.
D’autres acides solubles ont été utilisés dans le cas de la réaction monotope de
réduction du nitrobenzène en p-aminophénol, et seront présentés ultérieurement.

90
Liu S., Hao Y., Jiang J., Ind. Eng. Chem. Res. Dev., 2014, 53, 8372-8375

46
Synthèse du paracétamol – état de l’art Chap. 1

2.2.3. Réarrangement de la phénylhydroxylamine en présence d’acide


hétérogène

La catalyse acide en phase homogène étant limitée du fait de la perte de l’acide lors du
traitement, des groupes se sont intéressés à la substituer par de la catalyse acide hétérogène.
En ce sens, il est possible de citer les travaux de Wang utilisant des ions peroxodisulfate
supportés sur catalyseur à base de zirconium (S2O82-/PSZ).91

Schéma 46 : réarrangement de Bamberger avec le catalyseur S2O82-/PSZ développé par Wang

Les auteurs ont ainsi obtenu une conversion totale mais seulement 34 % de p-
aminophénol a été obtenu, le reste étant de l’aniline et de l’azoxybenzène (Schéma 46). Le
catalyseur ici présenté est donc peu sélectif mais nécessite des températures de travail très
élevées. Ainsi à 75 °C, le rendement obtenu avec ce catalyseur est de seulement de 12 %.
Le groupe de Figueras a publié l’utilisation de plusieurs catalyseurs et notamment
d’oxydes sulfatés pour réaliser la transposition de Bamberger (Tableau 6).92 La zéolithe BEA
a ainsi induit 49 % de conversion de la phénylhydroxylamine en 30 minutes de réaction pour
une sélectivité en p-aminophénol moyenne à 62 %, le reste étant de l’aniline (Tableau 6,
entrée 1). Un oxyde de titane sulfaté a lui présenté une conversion totale mais seulement une
faible sélectivité de 30 % (Tableau 6, entrée 2). En revanche, les zircones sulfatées se sont
révélées être très sélectives pour réaliser le réarrangement de Bamberger puisqu’un tel
catalyseur commercial a induit 95 % de sélectivité (Tableau 6, entrées 3 et 4) tandis qu’une
zircone sulfatée préparée par le groupe de Figueras a induit des sélectivités similaires à 92-97
% (Tableau 6, entrées 5 et 6). Ces catalyseurs présentent des activités relativement faibles
dans la mesure où, en 1 heure de réaction, les conversions sont seulement de 40 %.

91
Wang S., Ma Y., Wang Y., Xue W., Zhao X., J. Chem. Technol. Biotechnol., 2008, 83, 1466-1471
92
(a) Jeeva Ratnam K., Sudarshan Reddy R., Sekhar N. S., Lakshmi Kantam M., Deshpande A., Figueras F.,
Appl. Catal., A, 2008, 348, 26-29 ; (b) Deshpande A., Figueras F., Lakshmi Kantam M., Jeeva Ratnam K.,
Sudarshan Reddy R., Sekhar N. S., J. Catal., 2010, 275, 250-256

47
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

Tableau 6 : réarrangement de Bamberger par des catalyseurs sulfatés

Entrée Catalyseur* Temps (min) Conv. PHA (%) Sélec. PAP (%)
1 Zéolithe BEA 30 49 62
2 SO4/TiO2 30 100 30
3 SO4/ZrO2 (C) 30 22 95
4 SO4/ZrO2 (C) 60 39 95
5 SO4/ZrO2 (F) 30 23 97
6 SO4/ZrO2 (F) 60 40 92
7 Zr(SO4)2 30 100 100
* catalyseurs synthéthisés par le groupe de Figueras (F) à l’exception du catalseur SO 4/ZrO2 (C),
commercialisé par MEL Chemicals

Enfin, leur catalyseur le plus performant a été un sulfate de zirconium qui donne non
seulement les meilleures conversions et présente donc la meilleure activité, mais induit
également les meilleures sélectivités (100 % de rendement en 30 minutes, Tableau 6, entrée
7). Néanmoins, le sulfate de zirconium est un composé soluble dans l’eau et ainsi libère in situ
de l’acide sulfurique. Il n’est donc pas étonnant que ce catalyseur présente une activité
particulièrement élevée.
Les argiles ont également été testées pour réaliser le réarrangement de Bamberger.
Ainsi en présence, de montmorillonite KSF ou K10, de bentonite ou de mordenite, le produit
obtenu n’a pas été le p-aminophénol mais des produits de dégradation de la
phénylhydroxylamine en aniline et p-nitrosodiphénylamine ou azoxybenzène.93

Le réarrangement de la phénylhydroxylamine avec des acides hétérogènes induit de


très bonnes sélectivités en présence de catalyseur adapté. Cependant, les solides révèlent une
activité catalytique plus faible que les acides en solution puisque les zircones sulfatées
n’induisent par exemple que 40 % de conversion en 1 heure alors que le sulfate de zirconium,
un sel soluble, induit lui une conversion totale en 30 min.
L’activité des catalyseurs est un point crucial puisque l’objectif est de pouvoir les
utiliser en conditions d’hydrogénation. Or, comme exposé par la suite, la vitesse du
93
(a) Naicker K.P., Pitchumani K., Varma R. S., Catal. Lett., 1998, 54, 165-167 ; (b) Grošková D., Štolcová, M.,
Hronec M., Catal. Lett., 2000, 69, 113-116

48
Synthèse du paracétamol – état de l’art Chap. 1

réarrangement de la phénylhydroxylamine doit être importante afin d’éviter l’accumulation de


cette dernière ainsi que sa dégradation.

2.3. Hydrogénation monotope du nitrobenzène en p-aminophénol

2.3.1. Hydrogénation du nitrobenzène en p-aminophénol par catalyse acide


homogène

L’hydrogénation sélective du nitrobenzène en phénylhydroxylamine est possible mais


est rendue difficile par l’accumulation de cette dernière qui peut être réduite en aniline et se
dégrader. Le réarrangement de Bamberger, lui, peut être induit par beaucoup d’acides, aussi
bien phases homogènes qu’hétérogènes, du moment que l’acide est fort. L’hydrogénation du
nitrobenzène en milieu acide conduit ainsi à la synthèse directe du p-aminophénol et évite
alors l’accumulation de la phénylhydroxylamine dans le réacteur. Dans ce domaine, les
premières publications disponibles sont essentiellement des brevets avec en premier exemple
les travaux de Henke en 1940 (Schéma 47).94

Schéma 47 : hydrogénation du nitrobenzène en p-aminophénol sans additif développée par Henke et al.

Les meilleures conditions ainsi développées sont particulièrement dures puisque la


température est alors de 110 °C, la pression de 34 bar et 1,5 équivalent d’acide sulfurique par
rapport au nitrobenzène (3 équivalents de protons) sont utilisés (soit une concentration en
acide de 25 %m). Le rendement global en p-aminophénol est alors de 57 % en présence d’un
catalyseur d’Adams (PtO2.2H2O), avec l’aniline comme produit secondaire majoritaire. Les
auteurs ont également testé l’acide p-toluènesulfonique, l’acide phosphorique et l’acide
chlorhydrique pour induire le réarrangement de Bamberger. Cependant, ce sont les acides

94
Henke C. O., Vaughen J. V., brevet États-Uniens, US 2.198.249, 1940, pour du Pont de Nemours & Co.

49
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

sulfoniques et sulfuriques qui ont donné les meilleures performances. Enfin, d’autres
catalyseurs d’hydrogénation ont également été testés tels que PdO2.2H2O, MoS2, MoS3 ou
encore Cr2O3-MoS3 avec des rendements approchants ceux obtenus avec le catalyseur
d’Adams (>50 %). Les temps de réaction nécessaires pour produire le p-aminophénol sont
cependant plus longs, entre 15 et 24 h et les températures supérieures, 150 °C, avec les
catalyseurs soufrés qu’avec l’oxyde de platine.

Les travaux suivant se basent principalement sur l’utilisation de l’acide sulfurique en


milieu aqueux afin d’induire le réarrangement de Bamberger. Quelques rares travaux ont
utilisé d’autres acides en phase homogène tels que les acides trifluoroacétique,87
phosphorique, benzène sulfonique ou trifluorométhane sulfonique.95 Ces acides ne donnent
cependant pas de meilleurs résultats que l’acide sulfurique.
En revanche les pressions ont été abaissées à moins de 2 bar absolus. En outre, le
catalyseur d’Adams a été rapidement remplacé par du platine sur charbon, permettant
d’atteindre des sélectivités de 85-90 % (Schéma 48).96

Schéma 48 : conditions et résultats « typiques » de la plupart des travaux d’hydrogénation du


nitrobenzène en p-aminophénol

Le platine avait déjà montré les meilleures sélectivités pour la formation de la


phénylhydroxylamine (Sous-paragraphe II.2.1.3). Les travaux de Henke montrent que le
platine est également le métal de choix dans le cas de l’hydrogénation du nitrobenzène en p-
aminophénol, comparé au palladium et au molybdène.94 De plus, les travaux de Chen
montrent également que le platine permet non seulement d’avoir une meilleure sélectivité,
mais également une meilleure vitesse d’hydrogénation (Tableau 7).97

95
Gubelmann M. M., Maliverney C. M., brevet Européen, EP 0.558.369, 1996, pour Rhône-Poulenc Chimie
96
Tanielyan S. K., Nair J. J., Marin N., Alvez G., McNair R. J., Wang D., Augustine R. L.,Org. Process Res.
Dev., 2007, 11, 681-688
97
Juang T.-M., Hwang H.-C., Ho H.-O., Chen C.-Y., J. Chin. Chem. Soc., 1988, 35, 135-140

50
Synthèse du paracétamol – état de l’art Chap. 1

Tableau 7 : essais de métaux nobles pour réaliser l’hydrogénation du nitrobenzène en p-


aminophénol

Métal / NB Conv. NB Sélec. PAP Sélect. AN


Entrée Cat. Autres (%)
(ppm) (%) (%) (%)
1 5 % Pt/C 39 100 70 25 5
2 5 % Pd/C 72 72 28 72 0
3 5 % Rh/C 74 28 57 43 0
4 5 % Ru/C 76 0 - - -

Dans les conditions décrites par Chen et al., le platine sur charbon induit une bonne
sélectivité en p-aminophénol à 70 % ainsi qu’une conversion complète en 90 min (Tableau 7,
entrée 1). En revanche, le palladium sur charbon se montre moins sélectif avec seulement 28
%, et conduit à une hydrogénation plus lente qu’avec le platine (72 %, Tableau 7, entrée 2).
Enfin le rhodium et le ruthénium présentent de faibles activités pour l’hydrogénation du
nitrobenzène puisque le rhodium engendre une conversion de 28 % seulement, avec une
sélectivité moyenne de 57 % (Tableau 7, entrée 3) alors que le ruthénium ne présente aucune
activité dans les conditions présentées par Chen (Tableau 7, entrée 4). Pour comprendre les
différences d’activité entre les différents métaux, les auteurs proposent un modèle d’affinité
de ces métaux avec les atomes d’oxygène. Ainsi l’oxophilie des métaux aurait pour ordre : Pt
< Pd < Rh < Ru. Pour le ruthénium, la forte affinité avec l’oxygène aurait pour conséquence
une inhibition totale de l’activité catalytique par le nitrobenzène. Le rhodium et le palladium
possédant une moins bonne affinité, seraient en ce sens plus enclin à hydrogéner le
nitrobenzène mais adbsorberait la phénylhydroxylamine intermédiaire et favoriserait alors sa
surhydrogénation en aniline. Enfin le platine qui posséderait la plus faible affinité avec
l’oxygène peut être inhibé par le nitrobenzène et désorberait alors facilement la
phénylhydroxylamine intermédiairement formée, induisant ainsi une bonne sélectivité.
Le palladium a fait l’objet d’investigation plus particulière par l’équipe de Liao.98 Les
auteurs utilisent un catalyseur de palladium supporté sur du poly(N-vinyl-pyrrolidone). En
absence d’additif, la meilleure sélectivité est de seulement 23 % pour une conversion totale.

98
Gao Y., Wang F., Lia S., Yu D., React. Kinet. Catal. Lett., 1998, 64, 351-357

51
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

Les auteurs ont alors testé l’association d’un deuxième métal tel que du cuivre, nickel, cobalt,
étain, etc. Le cobalt est l’additif le plus intéressant puisque, associé au palladium, la
sélectivité est de 40 %, pour 97 % de conversion. Enfin, les meilleurs résultats ont été obtenus
par l’addition de dérivés soufrés à la réaction, avec le palladium comme seul métal. Ainsi 5 %
de 2-mercaptopyrimidine par atome de palladium a permis d’atteindre 65 % de sélectivité
pour 91 % de conversion. Globalement, les sélectivités avec le palladium restent très en deçà
de celles obtenues avec le platine.
D’autres catalyseurs moins étudiés dans le cas de l’hydrogénation du nitrobenzène,
tels que le carbure de tungstène, le nickel ou de l’or, ont également été testés (Tableau 8).
Rhône-Poulenc a ainsi développé un catalyseur d’hydrogénation à base de carbure de
tungstène.42 Ce catalyseur a présenté une activité intéressante dans le cas de la préparation du
p-aminophénol puisqu’une sélectivité de 58 % a été obtenue pour une conversion totale
(Tableau 8, entrée 1). Cependant dans ces conditions, le carbure de tungstène est utilisé en
quantité importante (50 %mol), nécessite des températures (115 °C) et des pressions (5 bar)
supérieures comparées au platine (Schéma 48).

Tableau 8 : autres métaux testés dans le cas de l’hydrogénation du nitrobenzène en p-aminophénol

Métal / NB
Entrée Réf. Catalyseur Conv. NB (%) Sélec. PAP (%)
(%mol)
1 42 WC 50 100 58
2 99 Ni/ZSM-5 0,4 45 45
3 100 Au/ZrO2 0,1 80 81

Le groupe de Rode a, lui, testé des catalyseurs à base de nickel supporté sur silice ou
ZSM-5.99 Sur ce dernier support, Rode a ainsi obtenu au mieux une sélectivité de 45 % pour
45 % de conversion (Tableau 8, entrée 2), avec une température de 120 °C et une pression de
27 bar. C’est seulement avec des catalyseurs à base de nickel et platine que les sélectivités ont
dépassé les 60 %.

99
Rode C. V., Vaidya M. J., Chaudhari R. V., brevet Etats-Uniens, US 6.403.833, 2002, pour Council of
Scientific & Industrial Research (CSIR)
100
Zou L., Cui Y., Dai W., Chin. J. Chem., 2014, 32, 257-262

52
Synthèse du paracétamol – état de l’art Chap. 1

Enfin, l’équipe de Dai a développé la synthèse de catalyseurs d’or supportés sur


zircone et les a testés très récemment.100 Ces solides ont ainsi donné d’assez bonnes
sélectivités à 81 % pour une conversion de 80 % (Tableau 8, entrée 3). Les quantités d’or
nécessaires (0,1 % soit 1000 ppm), les températures (100 °C) et les pressions (10 bar) sont
cependant moins viables économiquement que les conditions utilisées avec le platine.

Parmi tous les métaux testés, la platine est le métal qui induit à la fois les meilleures
sélectivités et les meilleures activités catalytiques pour l’hydrogénation du nitrobenzène en p-
aminophénol. Ce métal a fait l’objet d’investigation approfondie avec notamment la
préparation du support du métal. Ainsi l’équipe d’Ahn a rapporté l’utilisation de charbons
mésoporeux comme support pour le platine, dans le cas de l’hydrogénation du nitrobenzène
en milieu acide (Tableau 9).101

Tableau 9 : effet de différents charbons comme supports pour le platine lors de l’hydrogénation du
nitrobenzène en p-aminophénol

Entrée Catalyseur* Pt/NB (ppm) Conv. NB (%) Sélec. PAP (%)


1 5 % Pt/C 190 66 72
2 2 % Pt/CMK-1 77 67 84
* 5 % Pt/C est un catalyseur commercial disponible chez le fournisseur Sigma-Aldrich alors que 2 % Pt/CMK-1 désigne un
catalyseur mésoporeux synthétisé par l’équipe d’Ahn

L’équipe d’Ahn a testé deux catalyseurs de platine sur charbon. Le premier catalyseur
(5 % Pt/C) est commercial et induit 72 % de sélectivité pour 66 % de conversion (Tableau 9,
entrée 1). Les auteurs ont utilisé un deuxième catalyseur dont le support, du charbon
mésoporeux, a été synthétisé dans leur laboratoire. Ce catalyseur (2 % Pt/CMK-1) induit la
même conversion (67 %) avec une quantité de platine plus faible (77 ppm par nitrobenzène
contre 190 ppm pour le 5 % Pt/C), pour une sélectivité meilleure à 84 % (Tableau 9, entrée 2).
L’équipe d’Ahn montre ainsi que le support influence à la fois la vitesse de l’hydrogénation et
la sélectivité.

101
Min K.-I., Choi J.-S., Chung Y.-M., Ahn W.-S., Ryoo R., Lim P. K., Appl. Catal., A, 2008, 337, 97-104

53
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

Le charbon n’a pas été le seul support pour le platine dans le cas de l’hydrogénation du
nitrobenzène en p-aminophénol. L’équipe de Dunn a ainsi rapporté l’utilisation de platine sur
alpha alumine et gamma alumine.102

Tableau 10 : effet de différents supports pour le platine lors de l’hydrogénation du nitrobenzène en


p-aminophénol

Entrée Catalyseur Conv. NB (%) Sélec. PAP (%) Sélec. AN (%)


1 Pt/ α-Al2O3 14 85 15
2 Pt/ γ-Al2O3 83 75 25
3 Pt/C 72 82 18

Dans les conditions développées par Dunn, la catalyse avec du platine sur alpha
alumine induit une conversion de seulement 14 %, pour 6 heures de réaction, avec une
sélectivité en p-aminophénol de 85 % (Tableau 10, entrée 1). Le platine sur gamma alumine
induit lui une meilleure conversion à 83 %, pour le même temps de réaction et la même
quantité de platine, mais avec une moins bonne sélectivité (Tableau 10, entrée 2). Enfin, les
auteurs ont également testé un catalyseur de platine sur charbon (Tableau 10, entrée 3). C’est
sur ce support que le platine a donné les meilleurs résultats puisqu’il permet d’obtenir à la fois
une bonne conversion (72 %) et une bonne sélectivité (82 %).
Parmi les catalyseurs d’hydrogénation possible, celui le plus couramment reste le
platine sur charbon ; qui induit les meilleures conversions et sélectivités. Si le catalyseur à son
importante, l’utilisation d’additif permet également d’avoir des effets très importants à la fois
sur la vitesse de conversion mais surtout sur la sélectivité.

L’équipe de Spiegler a ainsi rapporté l’utilisation de surfactant qui permet d’améliorer


les sélectivités jusqu’à 87 % dans les meilleures conditions, contre 55 % obtenues sans
surfactant (Schéma 49).103 Différents surfactants aussi bien ioniques que non-ioniques ont été
testés. Les résultats (Schéma 49) montrent que les surfactants ioniques donnent de bien
meilleures sélectivités (73-80 %) que les surfactants non-ioniques (55-70 % de sélectivité).

102
Dunn T., brevet États-Unien, US 4.264.529, 1981, pour Mallinckrodt Inc.
103
Spiegler L., brevet États-Unien, US 2.765.342, 1956, pour du Pont de Nemours & Co.

54
Synthèse du paracétamol – état de l’art Chap. 1

Schéma 49 : hydrogénation du nitrobenzène en p-aminophénol développée par Spiegler en présence de


surfactant

L’utilisation de surfactant représente une avancée majeure dans la réaction


d’hydrogénation du nitrobenzène en p-aminophénol. Ce point a été plus largement étudié avec
l’utilisation de surfactants ioniques tels que des ammoniums103,104 ou les amines N-oxyde105 et
les surfactants non-ioniques comme les polyalcools aliphatiques106 ou des amines
trisubstituées.107 Les constantes que l’on retrouve dans ces travaux résident dans les
sélectivités obtenues, environ 80 %, et les proportions de surfactants utilisées : 0,1 à 0,4 %m
avec un seuil de 0,25 %m au delà duquel aucune amélioration n’est généralement observée.
L’influence du surfactant dans le cas de l’hydrogénation du nitrobenzène en milieu
acide a plus particulièrement été étudiée par l’équipe d’Augustine.96 Dans leurs conditions,
avec la diméthyldodécylamine comme surfactant, les auteurs ont montré que la réaction se
déroulait selon plusieurs régimes : un premier régime d’hydrogénation avec des sélectivités en
p-aminophénol (87-85 %) et des vitesses d’hydrogénation élevées. Un deuxième régime
apparait alors avec des vitesses d’hydrogénation et des sélectivités légèrement inférieures à 83
%. Ces phénomènes ont été expliqués par le modèle dit de la « goutte » (Schéma 50).

104
Benner R. G., brevet États-Unien, US 3.383.416, 1968
105
Derrenbacker E. L., brevet États-Unien, US 4.307.249, 1981, pour Mallinckrodt Inc.
106
Brown B. B., Schiling F. A. E., brevet États-Unien, US 3.535.382, 1970, pour CPC Int.
107
(a) Sathe S. S., brevet États-Unien, US 4.176.138, 1978, pour Mallinckrodt Inc. ; (b) Miller D. C., brevet
États-Unien, US 5.312.991, 1994, pour Mallinckrodt Inc.

55
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

Schéma 50 : modèle de la goutte et son évolution au cours de la réduction du nitrobenzène

Selon ce modèle, les gouttes de nitrobenzène en suspension dans la phase aqueuse, où


se situe le platine sur charbon hydrophobe, servirait de microréacteur pour la réaction
d’hydrogénation du nitrobenzène en phénylhydroxylamine. Une fois formée, cette dernière
serait alors éjectée de la phase organique pour être réarrangée en phase aqueuse. Le surfactant
servirait à créer une émulsion entre les deux phases liquides permettant ainsi un bon échange
entre les phases.
En début de réaction, la taille des gouttes de nitrobenzène serait maximale et la vitesse
d’hydrogénation serait importante de même que les sélectivités (Schéma 50, (1)). Au cours de
la réaction, le nitrobenzène est consommé, la taille des gouttes se réduit et le platine est alors
plus « concentré » en phase organique (2). Les sélectivités baisseraient alors du fait que la
phénylhydroxylamine rencontrerait plus facilement un catalyseur d’hydrogénation dans les
gouttes de nitrobenzène. Une fois que la majeure partie du nitrobenzène a disparu, l’émulsion
n’est plus stable et se disperse alors. L’hydrogénation du nitrobenzène se ferait alors en phase
homogène (3), conduisant à des vitesses d’hydrogénation plus faibles et des sélectivités
moindres. Ce modèle proposé par l’équipe d’Augustine, s’appuie sur un suivi de la
consommation du nitrobenzène mais également sur des observations visuelles du
comportement de la phase organique lors de la réaction (vitesse de séparation de phase en
début de réaction et homogénéité du milieu à la fin). De plus, les travaux de Rode évoquent
également le modèle de la goutte,37 ainsi que l’importance du transfert de masse entre les
phases liquides dans l’élaboration d’un modèle cinétique.108
Le modèle de la goutte est ainsi une représentation des phénomènes physico-
chimiques se déroulant durant la réaction d’hydrogénation du nitrobenzène en p-aminophénol.
Le milieu biphasique liquide-liquide est donc, selon ce modèle, bénéfique pour la réaction
Dans la plupart des travaux sur le sujet, le solvant utilisé est effectivement l’eau. Seuls
quelques travaux rapportent l’utilisation de conditions homogènes pour la réaction

108
(a) Rode C. V., Vaidya M. J., Jaganathan R., Chaudhari R. V., Chem. Eng. Sci., 2001, 56, 1299-1304 ; (b)
Rode C. V., Vaidya M. J., Chaudhari R. V., Org. Process Res. Dev., 1999, 3, 465-470

56
Synthèse du paracétamol – état de l’art Chap. 1

d’hydrogénation du nitrobenzène en p-aminophénol : les travaux de Ronchin, avec


l’utilisation d’un mélange acétonitrile-eau-acide trifluoroacétique (85:10:5) induisant au
mieux 45 % de rendement en p-aminophénol ; et les travaux de Gubelmann95 en milieu acide
acétique, induisant également 47 % de rendement en p-aminophénol et paracétamol. Le
système biphasique liquide-liquide est donc un élément utile et nécessaire à la réaction
d’hydrogénation du nitrobenzène en p-aminophénol qui permet à la fois d’avoir de bonnes
conversions et de bonnes sélectivités. En ce sens, les travaux de Caskey ont également montré
que dans le cas de l’hydrogénation en milieu biphasique liquide-liquide, il était préférable de
s’arrêter à des conversions d’environ 80 % afin d’obtenir de meilleurs résultats.109 Ceci
permet de garder deux phases liquides jusqu’à la fin de l’hydrogénation.

Enfin, le DMSO est un additif qui a également été utilisé dans le cas de
l’hydrogénation du nitrobenzène en p-aminophénol. Les premiers travaux rapportant
l’utilisation de ce composé sont ceux de Rylander.80a,110 Selon les auteurs, l’hydrogénation du
nitrobenzène en présence d’oxyde de platine (1 %mol de Pt/NB) en présence de DMSO
permet de limiter la consommation d’hydrogène au cours de la réaction : de 5 moles
d’hydrogène consommées sans DMSO à 2 moles d’hydrogène en présence de 20 équivalents
de DMSO par platine. Cependant, les auteurs n’ont pas réalisé des réactions permettant de
comparer des résultats avec et sans DMSO.
L’utilisation de DMSO a été reprise par Caskey qui a breveté, de manière plus large,
l’utilisation de dérivés soufrés en additif pour l’hydrogénation du nitrobenzène en p-
aminophénol (Tableau 11).109
Ainsi Caskey montre que ces conditions permettent d’obtenir une sélectivité de 71 % en
p-aminophénol à 81 % de conversion (Tableau 11, entrée 1). En revanche en présence de 0,5
équivalent d’acide 2-thiophènoïque par platine, les mêmes conditions induisent une sélectivité
de 85 % pour 59 % de conversion (Tableau 11, entrée 2). De même, le diéthylsulfure à raison
de 1 équivalent par platine permet d’induire une bonne sélectivité à 79 % avec une conversion
de 75 % (Tableau 11, entrée 3). Caskey montre ainsi que les dérivés soufrés peuvent être
utilisés afin d’accroitre les sélectivités.

109
Caskey D. C., Chapman D. W., brevet États-Unien, US 4.571.437, 1986, pour Mallinckrodt Inc.
110
Rylander P. N., Karpenko I. M., Pond G. R., brevet États-Uniens, US 3.715.397, 1973, pour Engelhard
Minerals & Chemicals Corp.

57
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

Tableau 11 : utilisation de dérivés soufrés dans le cas de l’hydrogénation du nitrobenzène en p-


aminophénol

Entrée Sulfure (éq. /Pt) Conv. NB (%) Sélec. PAP (%)


1 - 81 71

2 59 85

3 75 79

L’utilisation de DMSO et plus largement de dérivés soufrés est loin d’être


systématique. On en retrouve uniquement dans les travaux d’Ahn101 en plus des travaux de
Rylander et de Caskey précédemment détaillés. Les sélectivités obtenues, de l’ordre de 85 %,
sont similaires à celles obtenues sans DMSO (Schéma 48). L’utilisation de dérivés soufrés
présente donc moins d’intérêt dans le cas de l’hydrogénation du nitrobenzène en p-
aminophénol du fait que la phénylhydroxylamine intermédiairement formée est aussitôt
réarrangée et n’est pas accumulée. En revanche lors de la réduction du nitrobenzène en
phénylhydroxylamine, celle-ci peut être à nouveau hydrogénée en aniline. Le DMSO est utile
dans ce cas pour limiter ce phénomène.

Enfin, l’hydrogénation du nitrobenzène en p-aminophénol a également été étudiée lors


de conditions en deux temps. D’une part par l’équipe de Rode, qui a proposé de réduire
sélectivement le nitrobenzène en phénylhydroxylamine à froid en milieu acide sulfurique
aqueux (Schéma 51).37,111 Une fois formée, l’hydroxylamine est réarrangée en chauffant le
milieu à 80 °C.

111
Nadgeri J. M., « Studies on mono-, bi-metallic and nano catalysts of nickel, palladium, platinum metals and
their applications in selective hydrogenation of acetylenic compounds and nitroaromatics of industrial
relevance », thèse de doctorat de l’Université de Pune, 2010

58
Synthèse du paracétamol – état de l’art Chap. 1

Schéma 51 : hydrogénation monotope du nitrobenzène en p-aminophénol, en deux temps développée par


Rode

Cette procédure en deux temps permet, selon leurs auteurs, d’améliorer les sélectivités
de 5 à 10 % par rapport à une procédure en une étape dans les mêmes conditions. Les
sélectivités en p-aminophénol atteignent ainsi 77 %.
Enfin, Caskey a aussi développé pour la société Mallinckrodt une procédure où la
phénylhydroxylamine est produite intermédiairement avant d’être réarrangée (Schéma 52).112

Schéma 52 : hydrogénation du nitrobenzène en p-aminophénol, en deux temps développée par Caskey

L’intérêt des travaux de Caskey est que la phénylhydroxylamine peut être synthétisée
avec de très bonnes sélectivités (Paragraphe II-2.1). La meilleure sélectivité rapportée atteint
91 % en phénylhydroxylamine et nécessite l’utilisation de DMSO et de NH3 à hauteur de 2
%mol par rapport au substrat en milieu méthanol-eau pour une température de 20 °C. La
phénylhydroxylamine est ensuite réarrangée en additionnant de l’acide sulfurique aqueux et
en chauffant le milieu à 80 °C sous atmosphère inerte. Les rendements en p-aminophénol à
l’issu des deux étapes sont cependant inférieurs à 70 %. L’écart entre les deux étapes peut
s’expliquer par la concentration de la phénylhydroxylamine en fin d’hydrogénation, qui induit
une dégradation rapide de ce composé. De plus, l’utilisation de méthanol induit la formation
de p-aminoanisole.

La réaction d’hydrogénation du nitrobenzène en p-aminophénol a conduit à


l’élaboration d’un procédé de fabrication par la société Mallinckrodt qui a produit, en 2005,

112
Caskey D. C., Chapman D. W., brevet États-Unien, US 4.415.753, 1983, pour Mallinckrodt Inc.

59
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

32 000 tonnes de p-aminophénol.37 Le procédé opère ainsi en milieu biphasique eau-


nitrobenzène à des températures de 80 °C sous 1 bar d’hydrogène, en présence d’acide
sulfurique, de platine sur charbon, d’un dérivé soufré et d’un surfactant de type amine.109 La
réaction est arrêtée à environ 80 % de conversion de nitrobenzène et permet d’obtenir une
sélectivité en p-aminophénol approchant 90 %. Les quantités de platine (environ 100 ppm de
platine / nitrobenzène) et de dérivé soufré (1 équivalent par platine), sont particulièrement
faibles ; de même que la quantité d’amine utilisée ne représente pas une forte limitation (0,1 à
1 %m du milieu réactionnel).
Le plus gros problème de ce procédé réside dans l’utilisation importante d’acide
sulfurique (0,9 équivalent par nitrobenzène engagé, soit une phase aqueuse contenant 10 à 15
%m d’acide sulfurique) qui est corrosif pour les réacteurs et qui génère, après traitement à
l’ammoniaque, une quantité d’autant plus importante de sulfate d’ammonium qui doit être
traitée et ne peut être réengagée en réaction. D’un point de vue économie d’atome, la
formation de ces sels (environ 1,5 kg de sel par kg de p-aminophénol produit)113 représente
une limitation forte pour ce procédé.

2.3.2. Hydrogénation du nitrobenzène en p-aminophénol par catalyse acide


hétérogène

La réduction du nitrobenzène en p-aminophénol nécessite une quantité importante


d’acide soluble (typiquement l’acide sulfurique). Lors du traitement de la réaction, l’acide est
transformé en sel non réutilisable. Afin de résoudre ce problème, l’essentiel des travaux sur la
réaction à partir des années 2000 s’est concentré sur le remplacement de l’acide sous forme
homogène par une forme hétérogène récupérable et réutilisable.
Partant du constat que l’acide sulfurique représente le meilleur acide pour réaliser la
transposition de Bamberger, des chercheurs ont cherché à le supporter. Ainsi le groupe de Liu
a publié l’utilisation de charbon traité par l’acide sulfurique aqueux (Schéma 53).114

113
En prenant en compte l’utilisation de 0,9 acide sulfurique par nitrobenzène engagé, la conversion de 80 % de
ce dernier et une sélectivité de 90 %, une récupération totale du p-aminophénol produit engendre la formation de
1,5 kg de sulfate d’ammonium par kg de p-aminophénol produit
114
Liu X., Fang Y., Lu X., Wei Z., Li X., Chem. Eng. J., 2013, 229, 105-110

60
Synthèse du paracétamol – état de l’art Chap. 1

Schéma 53 : hydrogénation du nitrobenzène en p-aminophénol en présence de charbon acide

Associé à du platine sur charbon, le charbon acidifié induit une sélectivité en p-


aminophénol de 76 % au mieux, avec une conversion de 61 %. Après recyclage, la conversion
reste relativement bonne (77 %) mais la sélectivité chute alors à 12 %. Cette perte en
sélectivité est corrélée avec la diminution du nombre de sites acides sur le catalyseur, estimé à
0,12 mmol par gramme de catalyseur après le deuxième recyclage contre 0,73 mmol par
gramme pour le catalyseur frais. Le charbon acidifié se comporte plutôt comme un vecteur
d’acide sulfurique, qui est libéré et non recyclable lors de la première réaction, plutôt que
comme un acide supporté stable et réutilisable.
Dans le même esprit, le groupe de Liu a proposé l’utilisation de sulfate supporté sur un
mélange de zircone et d’alumine.115 Les auteurs décrivent l’utilisation d’une variété de
catalyseur dont le ratio Zr/Al varie de 10/0 à 1/9 (Tableau 12).

Tableau 12 : utilisation de catalyseur SO42-/ZrO2-Al2O3 comme acide pour la réduction du


nitrobenzène en p-aminophénol, avec différents ratios Zr/Al

Entrée Ratio Zr/Al Conv. NB (%) Sélec. PAP (%)


1 10/0 50 12
2 9/1 50 16
3 7/3 47 21
4 1/1 48 38
5 3/7 47 60
6 1/9 45 75

L’équipe de Liu a ainsi montré que l’utilisation d’un catalyseur de zircone sulfatée
permet d’atteindre une sélectivité de seulement 12 % en p-aminophénol pour 50 % de

115
Liu P., Hu Y., Ni M., You K., Luo H., Catal. Lett., 2010, 140, 65-68

61
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

conversion de nitrobenzène (Tableau 12, entrée 1). L’incorporation d’aluminium dans le


solide permet cependant d’améliorer significativement les sélectivités. En effet, avec de
petites proportions d’alumine (ratio Zr/Al : 9/1 et 7/3), les sélectivités sont améliorées à 16 %
et 21 %, pour des conversions similaires (Tableau 12, entrées 2 et 3). Les meilleurs résultats
sont cependant obtenus avec une présence plus importante d’alumine : 38 % de sélectivité
avec un ratio Zr/Al de 1/1 (Tableau 12, entrée 3), 60 % avec un ratio de 3/7 (Tableau 12,
entrée 4) et jusqu’à 75 % de sélectivité avec un ratio Zr/Al de 1/9 (Tableau 12, entrée 5). En
outre les auteurs ont testé la réutilisation de leur catalyseur. Après récupération et calcination,
leur meilleur catalyseur (induisant 75 % de sélectivité en p-aminophénol pour 45 % de
conversion) a conduit à des sélectivités légèrement inférieures de 65 % pour le premier
recyclage et 63 % pour le deuxième, avec des conversions respectives de 42 % et 43 %. Les
travaux de Liu montrent ainsi qu’un catalyseur acide hétérogène réutilisable peut être utilisé
dans le cas de la réduction du nitrobenzène en p-aminophénol.
En plus des sulfates, l’ion peroxodisulfate supporté a également fait l’objet d’études,
par le groupe de Wang.91 Une des particularités de leurs travaux réside dans l’utilisation d’un
catalyseur hétérogène bifonctionnel puisque du platine est supporté sur une zircone qui
accueille également les ions peroxodisulfate (Schéma 54). La deuxième particularité réside
dans les températures utilisées très élevées : 150 °C.

Schéma 54 : hydrogénation du nitrobenzène en p-aminophénol par un catalyseur bifonctionnel Pt-S2O82-


/ZrO2 développé par Wang

L’équipe de Wang a ainsi pu synthétiser le p-aminophénol avec des sélectivités


de 51 %, pour 47 % de conversion avec leur catalyseur. La quantité de catalyseur utilisé est
relativement importante, 0,9 g de catalyseur pour 1 g de substrat. De plus la proportion de
platine par nitrobenzène est elle aussi importante à 570 ppm, avec une pression de 4 bar. En
comparaison, l’hydrogénation en milieu acide sulfurique se déroule en présence de 40 à 400
ppm de platine pour des pressions proches de 1 bar, ce qui peut expliquer les faibles
sélectivités. Les travaux de Wang se sont poursuivis par l’étude de catalyseurs acide différents

62
Synthèse du paracétamol – état de l’art Chap. 1

de type aluminophosphate (APO). Ils ont ainsi rapporté en premier l’utilisation de phosphate
d’aluminosilicate qui peut être fluoré (dénommé F-SAPO) ou non (SAPO).116

Tableau 13 : catalyseurs de type aluminophosphate développés par Wang comme acide hétérogène
dans le cas de l’hydrogénation du nitrobenzène en p-aminophénol

Entrée Réf. Cat. acidea Source Pt Cat./NB (m/m) Conv. NB (%) Sélec. PAP (%)
1 116 SAPO Pt/SiO2 0,8 Rdt. : 29
2 116 F-SAPO Pt/SiO2 0,8 Rdt. : 53
3 117 Pt/APO 2,5 100 2
4 117 Pt/MgAPO 2,5 100 41
5 118 Pt-Pb/MgAPO 2,5 100 60
b
6 118 Pt-Pb/MgAPO 2,5 100 76
a
SAPO = phosphate d’aluminosilicate, F-SAPO = phosphate d’aluminosilicate fluoré, APO =
aluminophosphate, MgAPO = aluminophosphate dopé au magnésium
b
Réaction à 165 °C

En présence de platine sur silice et dans des conditions qui sont similaires à leurs
précédents travaux, les auteurs ont obtenu 29 % de rendement en p-aminophénol avec le
catalyseur SAPO (Tableau 13, entrée 1) alors que le catalyseur F-SAPO permet d’atteindre
jusqu’à 53 % de rendement (Tableau 13, entrée 2). Les meilleures performances obtenues
avec ce catalyseur, comparé au Pt-S2O82-/ZrO2, ont poussé l’équipe de Wang à le faire
évoluer.
Les auteurs ont ainsi rapporté la même année un catalyseur acide de type
aluminophosphate (Pt/APO), qui sert également de support pour le platine.117 Ce catalyseur
n’induit cependant qu’une mauvaise sélectivité à 2 % en p-aminophénol, pour une conversion
totale (Tableau 13, entrée 3). En revanche dopé avec du magnésium (Pt/MgAPO), ce
catalyseur induit une meilleure sélectivité à 41 % (Tableau 13, entrée 4). Le groupe de Wang
a alors travaillé sur une amélioration de ce catalyseur en dopant le catalyseur avec du plomb
lors de l’introduction du platine sur le catalyseur.118 Le catalyseur ainsi obtenu (Pt-
Pb/MgAPO) permet alors d’obtenir, dans des conditions similaires, une sélectivité de 60 %

116
Wang S., Wang Y., Gao Y., Zhao X., Chin. J. Catal., 2010, 31, 637–644
117
Wang S, Jin Y., He B., Wang Y., Zhao X., Sci. China: Chem., 2010, 53, 1514-1519
118
Wang S., He B., Wang Y., Zhao X., Catal. Commun., 2012, 24, 109-113

63
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

(Tableau 13, entrée 5). Enfin en augmentant la température, la sélectivité atteint même 76 %
(Tableau 13, entrée 6).
Le groupe de Wang propose ainsi un solide hétérogène qui sert à la fois de catalyseur
d’hydrogénation et de catalyseur acide. Ce catalyseur, induit les meilleures sélectivités en p-
aminophénol pour une conversion totale en nitrobenzène, comparé aux autres catalyseurs
hétérogènes. De plus, les auteurs ont montré que leur catalyseur est réutilisable deux fois sans
changement important d’activité.

Les zéolithes comptent parmi les catalyseurs hétérogènes possédant des propriétés
acides et pouvant donc être utilisées dans le cas de l’hydrogénation du nitrobenzène en p-
aminophénol. Le groupe à Komatsu a ainsi orienté ses recherches sur du platine supporté sur
de tels catalyseurs.119 La particularité de leurs travaux est que leurs réactions se déroulent en
phase gaz à 250 °C (Schéma 55).

Schéma 55 : hydrogénation du nitrobenzène en p-aminophénol en phase gaz, par des hétéropolyacides

Les auteurs ont ainsi comparé les activités respectives des zéolithes bêta, SAPO-11,
USY, mordenite, MCM-22, ferrierite, ZSM-11 et ZSM-5. Seuls les ZSM-5 et ZSM-11 ont
induit des sélectivités intéressantes (42 % et 30 % respectivement contre des sélectivités
inférieures à 15 % pour les autres catalyseurs). La ZSM-5 a plus particulièrement été étudiée.
Celle-ci induit une conversion du nitrobenzène de 50 % pour une sélectivité de 45 % en p-
aminophénol, après 30 minutes de réaction en flux. En revanche, le catalyseur est très
rapidement désactivé puisqu’après 120 minutes, la sélectivité est de seulement 30 % et la
conversion de 25 %. La zéolithe ZSM-5 n’induit pas des sélectivités suffisantes pour pouvoir
être utilisée en remplacement de l’acide sulfurique.
Enfin, l’équipe de Rode a également tenté de remplacer l’acide sulfurique par des
acides hétérogènes dans le cas de l’hydrogénation du nitrobenzène en p-aminophénol. Ils ont
ainsi rapporté l’utilisation de résine acide et d’hétéropolyacide (Schéma 56).120

119
Komatsu T., Hirose T., Appl. Catal., A., 2004, 276, 95-102
120
Chaudhari R. V., Divekar S. S., Vaidya M. J., Rode C. V., brevet Etats-Unien, US 6.028.227, 2000, pour
Council of Scientific & Industrial Research (CSIR)

64
Synthèse du paracétamol – état de l’art Chap. 1

Schéma 56 : hydrogénation du nitrobenzène en présence d’acide hétérogène développé par Chaudhari

Les résultats obtenus sont cependant décevants puisque le meilleur rendement obtenu
est de 14 % à conversion presque complète, avec l’Indion 130. En présence
d’hétéropolyacide, le rendement est encore moins bon à 3 %. Le groupe de Rode a cependant
revendiqué l’utilisation de manière large de solides hétérogènes comme catalyseurs acides
pour la synthèse du p-aminophénol à partir du nitrobenzène.

Dans l’ensemble, les catalyseurs hétérogènes n’ont pas donné de bons résultats en tant
qu’acides lors de l’hydrogénation du nitrobenzène en p-aminophénol. Les résines acides, les
hétéropolyacides et les zéolithes, en phase gaz pour ce dernier, ont induit des sélectivités
inférieures à 50 % et ne sont donc pas compétitifs avec l’acide sulfurique.
Les catalyseurs de type sulfate ou peroxodisulfate ont induit des sélectivités allant
jusqu’à 76 % en p-aminophénol. Cependant ces catalyseurs posent des problèmes de
désactivation dûe à la perte de groupement sulfate au cours de la réaction.
Enfin, le groupe de Wang a proposé l’utilisation de catalyseur de type
aluminophosphate. Les meilleures performances ont été atteintes avec un catalyseur de Pt-
Pb/MgAPO qui a induit des sélectivités de 80 % en p-aminophénol pour une conversion totale
en nitrobenzène. En outre les catalyseurs ont montré une bonne recyclabilité.

2.4. Réduction du nitrobenzène avec l’acide hypophosphoreux

L’acide hyphosphoreux (H3PO2) et ses sels, les hypophosphites, sont des donneurs
d’hydrogène utilisés par exemple pour la réduction de cétone ou de nitro. Leurs réactivités ont
l’avantage d’être modulables puisque, suivant les conditions, la p-nitroacétophénone peut être
réduite soit en p-aminoacétophénone soit en p-éthylaniline.121 De plus, l’acide hyphosphoreux
est un acide relativement fort avec un pKa de 1,2, suffisant pour réaliser la transposition de
Bamberger. L’acide hypophosphoreux peut donc à la fois servir à la réduction du

121
Guyon C., Baron M., Lemaire M., Popowycz F., Métay E., Tetrahedron, 2014, 70, 2088-2095

65
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

nitrobenzène et dans le même temps servir d’acide pour le réarrangement de la


phénylhydroxylamine intermédiairement formée. Ainsi, la réduction du nitrobenzène en p-
aminophénol en présence de catalyseur de palladium a été conduite par l’équipe de Sasson
avec ce réducteur en absence d’autre acide ou additif (Schéma 57).122

Schéma 57 : réduction du nitrobenzène en p-aminophénol par l’acide hypophosphoreux

Leurs travaux montrent que l’acide hypophosphoreux donne de bonnes sélectivités en


p-aminophénol à faible conversion (85 % de sélectivité en p-aminophénol à 40 % de
conversion). Cependant cette sélectivité chute à 55 % à 90 % de conversion (Schéma 57).
Un des paramètres importants de la réaction est la proportion d’isomère ortho
d’aminophénol par rapport au para. De 1 % d’ortho dans leurs meilleures conditions, cette
proportion peut atteindre 10 % à haute concentration et même 50 % si l’on se place en milieu
THF.

Du fait de la simplicité de mise en œuvre, la réduction du nitrobenzène par


l’hypophosphite, considérée comme peu toxique à l’heure actuelle (enregistrée à REACH
comme pouvant être utilisé sans limitation),123 représente une alternative intéressante à
l’hydrogénation. Cependant, deux équivalents de réducteur sont nécessaires ce qui induit la
formation d’autant d’équivalents de sels d’oxyde de phosphore.

122
Zoran A., Khodzhaev O., Sasson Y., J. Chem Soc., Chem. Commun., 1994, 2239-2240
123
Donnée disponible sur : http://www.echa.europa.eu

66
Synthèse du paracétamol – état de l’art Chap. 1

Conclusion

Au cours des dernières décennies, le p-aminophénol est devenu l’intermédiaire clé de


la synthèse du paracétamol. Il est synthétisable à partir de plusieurs précurseurs :
nitrobenzène, p-nitrophénol, p-chloronitrobenzène. La voie majoritaire utilise cependant ce
dernier car elle permet la formation de l’o-chloronitrobenzène et du p-chloronitrobenzène qui
servent d’intermédiaires de synthèse. Bien que demandant de nombreuses étapes et induisant
une quantité de sels importante, l’essentiel de la production de paracétamol en Asie passe par
la voie chloronitrobenzène (voir Annexe dépliante).

Tableau 14 : comparatifs des voies de synthèse du paracétamol par prix des matières premières et
des réactifs nécessaires

Précurseur Prix Réactifs Coût réactifs Coût réactifs Coût total


Voie
commercial (€/kg) nécessaire* (€/kg) (€/mol) réactifs (€/mol)*
HNO3 0,2 0,013
p-chloronitro 0,18
1,0 NaOH (x2) 0,3 0,008
benzène
HCl (37%) 0,08 0,008

p-nitrophénol 1,3 HNO3 0,2 0,013 0,17

HO-NH3Cl 1,6 0,111


Beckmann 1,3 0,27
Na2CO3 (x0,5) 0,15 0,016

Hydroquinone 4,0 AcNH2 2 0,118 0,59

H2SO4 < 0,1 0,010


Nitrobenzène 0,6 0,14
NH3 (x2) 0,6 0,010

Hydroxylation
0,7 H2O2 (70%) 0,85 0,041 0,14
aromatique

* L’acide acétique étant nécessaire pour l’ensemble des voies de synthèse (excepté la voie hydroquinone), il
n’a pas été représenté dans les réactifs pour des raisons de clarté ; il est cependant prix en compte dans le coût
total (acide acétique : 0,5 €/kg soit 0,034 €/mol)

Trois autres voies de synthèse du paracétamol partent du phénol : 1) la voie


nitrophénol, qui permet d’économiser une étape de synthèse par rapport à la voie
chloronitrobenzène en partant directement du phénol mais est peu sélective en para et induit
un produit secondaire non valorisable ; 2) la voie Beckmann, qui est peu développée et peu
utilisée car elle demande un nombre d’étapes tout aussi important et requiert l’utilisation

67
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

d’hydroxylamine, qui est un réactif onéreux (Tableau 14) ; et enfin 3) la voie hydroquinone
qui est économe en étapes (seulement deux étapes) et sélective mais utilise un produit,
l’hydroquinone, qui est également onéreux (Tableau 14).
Alternativement, le paracétamol peut être produit par oxydation de l’acétanilide. Cette
voie est cependant peu intéressante car elle induit de mauvaises sélectivités, demande une
quantité importante d’eau oxygénée, qui est onéreuse. De plus, aucune condition à l’heure
actuelle n’est applicable pour une synthèse à l’échelle industrielle.
Pour finir, la synthèse du paracétamol peut être réalisée par réduction du nitrobenzène
en milieu acide pour conduire au p-aminophénol, suivit de l’acétylation de ce dernier. Cette
voie est probablement la plus intéressante économiquement car elle permet en deux étapes
seulement de synthétiser le paracétamol et utilise des réactifs bon marché et disponibles en
grande quantité (Tableau 14). La plus grande limitation de cette méthode est qu’elle utilise de
l’acide sulfurique qui engendre une formation de sel importante et pose des problèmes de
corrosion ; et elle demande également un investissement de base important du fait de cette
corrosion et de l’utilisation d’hydrogène sous pression.

68
Chapitre 2 : synthèse du p-aminophénol par hydrogénation du
nitrobenzène et réarrangement de Bamberger

Introduction 73
I. Travaux précédents du laboratoire 74
II. Utilisation du niobium en catalyse acide hétérogène 77
III. Matériel et méthodes 79
1. Réacteurs utilisés 79
2. Conditions initiales retenues 81
3. Reproductibilités des réactions et entretien des réacteurs 82
4. Méthode analytique 84
IV. Etude des paramètres chimiques de la réaction 86
1. Mécanisme de l’hydrogénation du nitrobenzène en p-aminophénol 87
2. Etude du système acide 90
2.1. Catalyse hétérogène par un oxyde de niobium supporté 90
2.1.1. Synthèse et caractérisation du catalyseur d’oxyde niobium sur silice 91
2.1.2. Réarrangement de Bamberger en présence d’acide solide 93
2.2. Catalyse acide mixte : acide sulfurique avec un catalyseur d’oxyde de
niobium 95
2.2.1. Choix du support du catalyseur de d’oxyde de niobium 96
2.2.2. Optimisation de la charge en catalyseur d’oxyde de niobium dans la
réaction 98
2.2.3. Optimisation de la charge en niobium sur le catalyseur 99
2.3. Stœchiométrie en acide de Brønsted pour le réarrangement de Bamberger
100
3. Etude du système de réduction 102
3.1. Choix du catalyseur d’hydrogénation 102
3.2. Optimisation de la charge en platine et en DMSO 105
3.3. Effet de la pression 107
V. Etudes des paramètres physico-chimiques 108
1. Suivi de la réaction : effet de la conversion sur la sélectivité 108
2. Effet du surfactant 110
2.1. Essais de différentes structures de surfactants 110
2.2. Effet d’anion 112
2.3. Optimisation de la concentration en surfactant 114
3. Influence de la concentration sur la sélectivité 115
4. Etude de solvants 116
4.1. Utilisation d’un solvant apolaire 116
4.2. Réaction en milieu acide acétique 118
5. Influence de la température 121
6. Conclusion sur l’optimisation 122
VI. Etude de faisabilité d’un procédé à l’échelle du laboratoire 123
1. Traitement de la réaction 123
1.1. Récupération du p-aminophénol sous forme sulfate 123
1.2. Récupération du p-aminophénol sous forme neutre 125
2. Recyclabilité des catalyseurs 126
3. Procédé de synthèse envisagé 129
Conclusion 130
Chapitre 2 : synthèse du p-aminophénol par hydrogénation du
nitrobenzène et réarrangement de Bamberger

Introduction

L’hydrogénation sélective du nitrobenzène (NB) en p-aminophénol (PAP) est à l’heure


actuelle la réaction la plus performante pour la synthèse du paracétamol (APAP) puisqu’elle
utilise un réactif parmi les moins onéreux (0,6 €/kg, contre 1,3 €/kg pour le phénol) et
disponible en grande quantité (>3 Mt/an) et permet d’obtenir le PAP en une seule réaction.
C’est pourquoi de nombreuses équipes cherchent à en améliorer les performances (Chapitre 1,
Sous-section II.2).
Nos travaux ont démarré en tenant compte des travaux du Dr. François Figueras qui a
déposé un brevet et publié deux articles sur la réduction du NB en PAP en 2010. Les travaux
de l’équipe du Dr. François Figueras, utilisant un catalyseur de sulfate de zirconium, ont été
repris à Lyon, avec sa collaboration, par le groupe CASYEN du Pr. Marc Lemaire en
partenariat avec la société MINAKEM. Ces recherches ont en premier lieu été entreprises par
le Dr. Santiago Casu puis par le Dr. Nicolas Duguet. La collaboration s’est ensuite poursuivie
dans le cadre d’un contrat doctoral CIFRE qui constitue les travaux ici décrits.
L’objectif initial de la thèse a été de proposer un catalyseur acide hétérogène qui
permet d’induire le réarrangement de la phénylhydroxylamine (PHA), l’intermédiaire clé de
la réaction. Ce catalyseur doit également être suffisamment actif pour remplacer
partiellement, ou dans l’idéal, totalement l’utilisation d’acide sulfurique en condition
d’hydrogénation du NB. En outre, ce catalyseur devra pouvoir être brevetable, c'est-à-dire
qu’il ne doit pas avoir fait l’objet de publication ou soit revendiqué par des brevets dans le cas
de l’hydrogénation du nitrobenzène en p-aminophénol. Sur ce point, le brevet déposé par
Rode qui concerne l’utilisation d’acides hétérogènes (résine acide, hétéropolyacide, argiles et
zéolithe acide) en remplacement de l’acide sulfurique est pris en référence.120

73
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

I. Travaux précédents du laboratoire

L’objectif des travaux du Dr. Santiago Casu était d’améliorer l’hydrogénation


sélective du NB et notamment en utilisant l’acide acétique comme solvant.124 Dans ces
conditions, cette synthèse permettrait en théorie de produire directement l’APAP (Schéma
58).

Schéma 58 : objectif des travaux de Santiago Casu

La première hydrogénation du nitrobenzène en PAP et APAP en milieu acide acétique


a été rapportée par l’équipe de Gubelmann.95 Ces derniers ont montré que l’hydrogénation du
nitrobenzène en milieu acide acétique ne conduit qu’à de faibles rendements en PAP + APAP,
47 % au mieux en présence de 1 équivalent d’acide trifluorosulfonique à 120 °C, avec une
formation de 24 % d’aniline (AN). L’acétylation est relativement faible puisqu’au mieux, le
rendement en APAP est de 10 % en présence d’un équivalent d’acide phosphorique à 120 °C.
L’objectif des travaux du Dr. Casu était de comprendre quels sont les problèmes liés à
l’utilisation d’acide acétique et d’utiliser les catalyseurs solides du Pr. Figueras pour la
synthèse directe de l’APAP dans ce milieu. Pour ce faire, le Dr. Casu a étudié le
réarrangement de la PHA en milieu acide acétique seul et en présence d’acide de Brønsted
fort et comparé ces résultats avec le réarrangement de Bamberger dans l’eau.
Ces travaux montrent qu’en présence d’Amberlyst 35 le réarrangement de la PHA est
relativement facile en milieu aqueux, puisque 93 % de sélectivité en PAP est obtenue
(Tableau 15, entrée 1). En revanche en milieu acide acétique une sélectivité de seulement 13
% a été obtenue (Tableau 15, entrée 2).

124
Travaux non publiés

74
Synthèse du p-aminophénol par hydrogénation sélective du nitrobenzène Chap. 2

Tableau 15 : réarrangement de la N-phénylhydroxylamine en milieu acide acétique et en milieu


aqueux

Sélec. PAP Sélec. AN


Entrée Acide Solvant
(%) + AAN (%)
1 Amberlyst 35 (0,3 g) H2O 93 7
2 Amberlyst 35 (0,3 g) AcOH 13 87
+
3 H2SO4 (2,4 H /PHA) AcOH 85 15
4 - AcOH 0 100

Cependant, l’utilisation d’acide sulfurique permet d’obtenir une sélectivité de 85 %


dans l’acide acétique. Le réarrangement de la PHA en milieu acide acétique ne permet pas
d’obtenir l’APAP mais seulement le PAP. Ces essais montrent donc que le réarrangement de
la PHA est difficile dans l’acide acétique comparés aux résultats dans l’eau. Enfin, l’acide
acétique seul, même en tant que solvant, n’est pas assez acide pour induire un réarrangement
de la PHA (Tableau 15, entrée 4).
Afin d’aller plus loin dans l’étude de l’hydrogénation du NB en APAP en milieu acide
acétique, le Dr. Casu a testé le réarrangement de la N-acétyl-N-phénylhydroxylamine
(APHA), intermédiaire potentiellement formé au cours de la réaction, en présence de sulfate
de zirconium en milieu acide acétique (Tableau 16).

Tableau 16 : réarrangement de la N-acétyl-N-phénylhydroxylamine en milieu acide acétique et en


milieu aqueux

Sélec. APAP Sélec. PAP Sélect.


Entrée Acide Solvant
(%) (%) AN+AAN (%)
1 Zr(SO4)2 (0,3 g) H2O 0 90 10
2 Zr(SO4)2 (0,3 g) AcOH 15 8 77

75
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

Les résultats obtenus montrent que le réarrangement de l’APHA en milieu acide


aqueux avec le sulfate de zirconium induit 90 % de sélectivité en PAP (Tableau 16, entrée 1) ;
alors que dans l’acide acétique la sélectivité en APAP + PAP atteint 23 %, le restant étant de
l’AN et de l’acétanilide (AAN) (Tableau 16, entrée 2). L’eau est là aussi un meilleur solvant
pour induire le réarrangement de Bamberger comparée à l’acide acétique. En outre, en milieu
aqueux, seul le PAP est formé avec 0 % d’APAP ; alors qu’en milieu acide acétique 15 %
d’APAP est obtenu, soit une acétylation de 65 % par rapport au total PAP + APAP.
Enfin, des tests d’hydrogénation en milieu acide acétique ont été conduits en présence
d’acide sulfurique (Tableau 17).

Tableau 17 : hydrogénation du nitrobenzène directement en paracétamol en milieu acide acétique

Entrée Acide Conditions Conv. NB (%) Sélec. PAP (%)

1 H2SO4 (5 %m) 1 % Pt/Zr(SO4)2, 12 81


CNB = 0,4 M
5 % Pt/C,
2 H2SO4 (5 %m) 40 21
CNB =1,2 M

Ces expériences montrent que l’hydrogénation du NB en milieu acide acétique en


présence d’acide sulfurique ne permet pas d’obtenir directement l’APAP et induit que de
faibles conversions (12 %, Tableau 17, entrée 1) ou de faibles sélectivités en PAP (21 %,
Tableau 17, entrée 2).

Les travaux du Dr. Santiago Casu ont donc montré que l’hydrogénation du
nitrobenzène en milieu acide acétique est rendue difficile pour deux raisons : d’une part parce
que le réarrangement de Bamberger est peu efficace dans ce solvant ; et d’autre part parce que
l’hydrogénation se déroule alors en milieu homogène ce qui induit un mécanisme différent de
celui de la goutte (Chapitre 1, Paragraphe II.2.3), ce qui est défavorable pour la réaction. Cette
étude s’est conclue par l’exploration de nouvelles perspectives et notamment l’utilisation de
catalyseur acide hétérogène pour induire le réarrangement de Bamberger. Le choix du
catalyseur s’est basé sur l’utilisation d’oxyde de niobium qui possède des propriétés acides et

76
Synthèse du p-aminophénol par hydrogénation sélective du nitrobenzène Chap. 2

qui n’a pas fait l’objet de publication ou de dépôt de brevet dans le cas de l’hydrogénation du
nitrobenzène en p-aminophénol.

II. Utilisation du niobium en catalyse acide hétérogène

Le niobium est un métal très utilisé en tant qu’additif d’alliage car il permet par
exemple d’améliorer la résistance de l’acier au choc et à la température. Il trouve également
des applications dans l’industrie nucléaire, en électronique et possède des propriétés de
supraconducteur.125
D’un point de vue chimique, la forme la plus courante du niobium est le degré
d’oxydation V et il est particulièrement résistant au milieu basique et très résistant aux
acides.125 En catalyse hétérogène, deux propriétés du niobium sont utilisées : son acidité et ses
propriétés oxydantes. Ces dernières ne seront pas développées dans cette partie, mais à titre
d’exemple on peut citer l’oxydation d’alcène cyclique en époxyde126 ou diol127 par des
peroxydes, la photooxydation d’alcool primaire en aldéhyde128 ou l’oxydation de méthanol en
formaldéhyde,127a en présence d’oxyde de niobium supporté ou non ; ou encore l’utilisation de
niobium en tant que dopant pour des catalyseurs d’oxydation.129
Le niobium possède également des propriétés acides dont la fonction de Hammet a été
évaluée à H0 ≤ -5,6 pour l’acide niobique (Nb2O5·H2O)130 et H0 ≤ -8,2 le phosphate de
niobium (NbOPO4).125 L’acidité du niobium peut aussi bien être de type Lewis que de
Brønsted. La « présence » de ces deux acidités dépend des conditions de synthèse du
catalyseur et notamment de la température de traitement (calcination).125 Ainsi des
températures trop élevées peuvent provoquer la perte de l’acidité du catalyseur.131
D’un point de vue pratique, l’acidité de l’acide niobique et du phosphate de niobium
permet la catalyse de réaction de déshydratation telle la transformation de l’isopropanol en
propène132 ou du fructose en HMF.133 Ces catalyseurs sont également actifs pour les réactions

125
(a) Nowak I., Ziolek M., Chem. Rev., 1999, 99, 3603-3624 ; (b) Ziolek M., Catal. Today, 2003, 78, 47-64
126
(a) Tanaka M., Shima H., Yokoi T., Tatsumi T., Kondo J. N., Catal. Lett., 2011, 141, 283-292 ; (b) Gallo J.
M. R., Pastore H. O., Schuchardt U., J. Non-Cryst. Solids, 2008, 354, 1648-1653
127
(a) Trejda M., Tuel A., Kujawa J., Kilos B., Ziolek M., Microporous Mesoporous Mater., 2008, 110, 271-
278 ; (b) Gao X., Wachs I. E., Wong M. S., Ying J. Y., J. Catal., 2001, 203, 18-24
128
Ohuchi T., Miyatake T., Hitomi Y., Tanaka T., Catal. Today, 2007, 120, 233-239
129
(a) Guerrero-Pérez M. O., Bañares M. A., Catal. Today, 2009, 142, 245-251 ; (b) Wachs I. E., Jehng J.-M.,
Deo G., Hu H., Arora N., Catal. Today, 1996, 28, 199-205 ;
130
Tanabe K, Mater. Chem. Phys., 1987, 17, 217-225
131
Ushikubo T., Koike Y., Wada K., Xie L., Wang D., Guo X., Catal. Today, 1996, 28, 59-69
132
Lebarbier V., Houalla M., Onfroy T., Catal. Today, 2012, 192, 123-129

77
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

de cétolisation, comme dans le cas de l’acétone,134 pour les substitutions benzyliques135 ou


pour les réactions d’estérification.136 De plus, le niobium peut être utilisé supporté (sur Al2O3,
Fe2O3, TiO2, ZrO2, SiO2) permettant ainsi d’induire les mêmes types de réaction
(déshydratation du propanol, condensation de l’anisole avec l’alcool benzylique).137,138 Il est
également possible de citer l’ouverture de l’oxyde de styrène, l’hydratation de l’éthylène138 ou
encore l’hydrolyse du saccharose en présence de niobium supporté.139 Enfin, le niobium
permet également de catalyser le réarrangement de Beckmann (Schéma 59).140

Schéma 59 : réarrangement de Beckmann catalysé par du niobium supporté

Les solides à base de niobium permettent donc de catalyser un grand nombre de


réactions chimiques de manière hétérogène. Ces solides, facilement recyclables, ont un
potentiel aussi bien en pétrochimie qu’en valorisation de la biomasse. Associés à d’autres
métaux, ils participent à l’enchaînement de transformations comme pour le lévulinate d’éthyle
qui est converti en γ-valérolactone et, en durcissant les conditions, est transformé en
pentanoate d’éthyle, en présence de catalyseurs de niobium associés à du palladium (Schéma
60).141

Schéma 60 : transformation du lévulinate d’éthyle en γ-valérolactone et de cette dernière en pentanoate


d’éthyle en présence de niobium et de palladium supporté

133
(a) Carniti P., Gervasini A., Biella S., Auroux A., Catal. Today, 2006, 118, 373-378 ; (b) Armaroli T., Busca
G., Carlini C., Giuttari M., Raspolli Galleti A. M., Sbrana G., J. Mol. Catal. A: Chem., 2000, 151, 233-243
134
Paulis M., Martín M., Soria D. B., Díaz A., Odriolzola J. A., Montes M., Appl. Catal., A., 1999, 180, 411-420
135
Morais M., Torres E. F., Carmo L. M. P. M., Pastura N. M. R., Gonzalez W. A., dos Santos A. C. B., Lachter
E. R., Catal. Today, 1996, 28, 17-21
136
Bassan I. A. L., Nascimento D. R., San Gil R. A. S., Pais da Silva M. I., Moreira C. R., Gonzalez W. A., Faro
Jr. A. C., Onfroy T., Lachter E. R., Fuel Process. Technol., 2013, 106, 619-624
137
(a) Kitano T., Shishido T., Teramura K., TanakaT., J. Phys. Chem. C, 2012, 116, 11615-11625 ; (b) Abdel-
Rehim M. A., dos Santos A. C. B., Camorim V. L. L., da Costa Faro Jr. A., Appl. Catal., A., 2006, 305, 211-218
138
Tanabe K., Catal. Today, 2003, 78, 65-77
139
Sumiya S., Oumi Y., Sadakane M., Sano T., Appl. Catal., A., 2009, 365, 261-267
140
Anilkumar M., Hoelderich W. F., J. Catal., 2012, 293, 76-84
141
Ye F., Zhang D., Xue T., Wang Y., Guan Y., Green Chem., 2014, 16, 3951-3957

78
Synthèse du p-aminophénol par hydrogénation sélective du nitrobenzène Chap. 2

Le niobium représente donc un élément important pour la catalyse acide hétérogène


aussi bien sous forme d’oxyde seul que d’oxyde supporté ou associé à d’autres métaux. Nous
avons donc fait le choix d’étudier ce métal comme catalyseur acide hétérogène dans le cas de
l’hydrogénation du NB en PAP.

III. Matériel et méthodes

1. Réacteurs utilisés

Notre étude porte sur la réduction du NB en PAP. Plus précisément, la réaction étudiée
est une hydrogénation qui se déroule à des pressions pouvant atteindre quelques dizaines de
bar suivant les conditions retenues (voir Chapitre 1, Paragraphe II.2.3). C’est pourquoi un
appareillage spécifique est requis pour réaliser la réaction ; d’autant plus que le gaz utilisé est
combustible. Ainsi, trois réacteurs sous pression ont été utilisés lors de l’étude, dont les
caractéristiques sont les suivantes :

Un réacteur Parr instrument


- Réacteur en acier inoxydable (résistant jusqu’à 250 bar)
- Cuve de 300 ml
- Contrôle automatique de la température (± 1 °C)
- Turbine 4 pales inclinées
- Vitesse d’agitation maximale à 800 tr/min
- Introduction de l’hydrogène in situ

Un réacteur AutoclaveFrance
- Réacteur en acier inoxydable (résistant jusqu’à 250 bar)
- Cuve de 300 ml
- Contrôle automatique de la température (± 1 °C)
- Turbine Rushton à axe d’agitation creux
- Contrôle de la vitesse d’agitation (maximum à 1500 tr/min)

79
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

Un réacteur Büchi
- Réacteur en verre avec régulateur de pression (3 bar
maximum)
- Cuve de 300 ml
- Chauffage par fluide caloporteur
- Turbine 3 pales droites à axe d’agitation creux
- Contre-pale
- Vitesse d’agitation 800 tr/min

La réduction du NB en PAP est influencée par plusieurs paramètres du réacteur. Tout


d’abord, la forme de l’hélice et la vitesse d’agitation ont une très grande influence sur la
dispersité des gouttes de nitrobenzène et vont donc fortement influencer la diffusion des
molécules entre les phases. Ainsi la turbine Rushton est réputée particulièrement efficace pour
disperser les milieux hétérogènes. Ensuite, la largeur de la cuve et la taille de l’hélice vont
influencer l’homogénéité. Or, l’étude bibliographique (Chapitre 1, Sous-paragraphe II.2.3.1)
montre que le modèle de la goutte, utilisé pour représenter les phénomènes présents lors de
l’hydrogénation du NB en PAP, influencerait fortement la réaction. Ainsi, la vitesse
d’agitation peut influencer la dispersion des gouttes de nitrobenzène et doit donc être
contrôlée. Enfin, le recours à un axe d’agitation creux, qui permet d’envoyer des bulles de gaz
directement dans le milieu, permet une dissolution plus rapide de l’hydrogène. Dans notre cas
particulièrement, ce point peut être un inconvénient puisqu’un environnement riche en
hydrogène peut provoquer une hydrogénation trop importante conduisant à la formation d’AN
plutôt que de PHA.
Plusieurs réactions ont été réalisées avec le réacteur Büchi en verre. Ce réacteur a
l’avantage de permettre de visualiser ce qui se passe dans le réacteur. Cependant, bien que
muni de grandes pales, ce réacteur possède une cuve particulièrement large ce qui limite
l’efficacité de l’agitation. De plus, les pales ne descendent qu’à mi-hauteur de la cuve ce qui
limite d’autant plus l’agitation. Ainsi, seuls de mauvais résultats ont été constatés avec ce
réacteur. Les réactions présentées dans la Section IV ont donc été réalisées avec le réacteur
Parr instrument et le réacteur AutoclaveFrance, tout deux en acier inoxydable. De plus, un
revêtement en verre a été également utilisé pour une partie de l’étude.

80
Synthèse du p-aminophénol par hydrogénation sélective du nitrobenzène Chap. 2

Enfin, le volume mort des réacteurs étant limité, la


conversion du nitrobenzène devient incomplète en absence de tout
apport supplémentaire d’hydrogène. Il a donc été nécessaire
d’utiliser une réserve d’hydrogène avec une vanne de régulation et
un lecteur de pression. Ainsi, la pression en hydrogène peut non
seulement être régulée à une valeur donnée, mais un suivi de la
consommation est possible.

2. Conditions initiales retenues

L’étude de la littérature (Chapitre 1, Sous-section II.2) montre que les conditions


favorables pour réaliser la réaction d’hydrogénation du NB en PAP sont les suivantes :
- Réaction en milieu biphasique eau-nitrobenzène
- Utilisation d’un catalyseur de platine pour l’hydrogénation
- Utilisation de l’acide sulfurique à chaud pour induire le réarrangement
- Utilisation d’un ammonium et éventuellement de DMSO pour favoriser la réaction

Nous avons ajouté à ces conditions l’utilisation d’un catalyseur à base d’oxyde de
niobium, connu pour son acidité (Chapitre 2, Section II). Ainsi les conditions données dans le
Schéma 61, issues de la littérature et de premières expériences, ont été retenues.

Schéma 61 : conditions utilisées pour l’hydrogénation sélective du NB en PAP

Le système étudié est donc composé de deux phases liquides (la phase NB et la phase
aqueuse), une phase gazeuse (hydrogène) et deux solides de natures différentes (platine sur
charbon et silice niobiée).

81
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

3. Reproductibilités des réactions et entretien des réacteurs

Une problématique de systèmes aussi complexes concerne la reproductibilité. En effet,


en présence de 5 phases, une « homogénéité » du milieu est difficile à cause des points
suivants :
- les catalyseurs supportés : la taille des particules et la dispersité du métal sont
rarement strictement identiques et reproductibles d’un lot à l’autre ou même au sein
d’un même lot,
- pour la phase gazeuse, la pression est délivrée avec une certaine imprécision,
dépendante du manomètre, et le réacteur doit être correctement purgé afin d’éviter
toute trace de gaz contaminant,
- enfin, la dispersion du nitrobenzène est un paramètre très sensible à la vitesse
d’agitation.

Ainsi, tous ces paramètres vont induire des variations sur les sélectivités qui ont été
évaluées. De nombreuses expériences ont été réalisées dans des conditions identiques et sont
présentées dans le Tableau 18, en présence d’une cuve en verre dans le réacteur et en absence
de cette cuve.

Tableau 18 : résultats avec les mêmes conditions en présence et en absence d’une cuve en verrea

Réactions sans cuve en verre Réactions en présence d’une cuve en verre


Entrée Conv. NB (%)b Sélec. AP (%)b Entrée Conv. NB (%)b Sélec. AP (%)b
1 100 79,4 7 100 84,3
2 100 80,7 8 100 82,7
3 100 80,8 9 100 85,0
4 100 81,2 10 100 84,2
5 100 82,9 11 100 81,8
6 100 79,9
Moyenne ± écart type : 80,8 % ± 1,2 Moyenne ± écart type : 83,6 % ± 1,3
a
Conditions : NB (9 ml), 1 % Pt/C (20 mg), DMSO (6,5 μl), TBAHS (0,6 g), H2SO4 (2,5 ml), NbOx/SiO2 (1 g,
sans la cuve en verre, 0,2 g avec la cuve en verre), eau (75 ml), H2 (10 bar), 80 °C, 14 h, réacteur Parr Instrument
b
Déterminées par HPLC

82
Synthèse du p-aminophénol par hydrogénation sélective du nitrobenzène Chap. 2

Dans nos conditions, les sélectivités obtenues sont en moyenne de 80,8 % en absence
de cuve en verre et de 83,6 % en présence d’une cuve en verre. Les écarts types sont
respectivement de 1,2 et 1,3 % et avec des écarts à la moyenne maximums respectifs de 2,1 et
1,8 % ; ce qui nous montre que la reproductibilité de nos réactions est assez bonne. Ainsi une
différence de sélectivités supérieure à 2 % entre deux expériences sera considérée comme
significative. En revanche au-delà d’un écart de 2 %, il sera considéré que la variation d’une
condition aura un effet significatif sur la sélectivité.
Malgré ces vérifications, il arrive ponctuellement que le réacteur soit contaminé de
manière durable et induise alors une perte importante de sélectivité pouvant dépasser les 40
%. Ceci arrive notamment en cas de réutilisation d’un matériel non-utilisé durant des
semaines ou pour des manipulations dédiées à d’autres réactions. C’est pourquoi le réacteur
est traité de trois manières différentes afin de limiter ce phénomène :
- Un lavage récurrent après chaque réaction est appliqué au réacteur et comprend un
rinçage abondant à l’eau et au méthanol afin d’enlever l’essentiel des résidus solides.
Du méthanol est ensuite chauffé dans le réacteur, sous pression autogène (~5 bar) à
100 °C durant au moins 1 h, si possible au moins 3 h et jusqu’à une nuit complète
suivant le temps disponible ou en cas d’anomalie forte, afin d’éliminer d’éventuelles
traces persistantes.
- En cas de pertes importantes de sélectivités, le réacteur est décapé à l’acide acétique à
50 % chauffé à 80 °C durant 1 à 4 h.142
- Il est également nécessaire de passiver la cuve régulièrement ou si le décapage à
l’acide acétique ne suffit pas. Pour ce faire, de l’acide nitrique à 10 % est chauffé à 60
°C durant 1 à 2 heures.142 Après décapage et passivation, il est important de rincer le
réacteur abondamment à l’eau puis de procéder à un lavage au méthanol décrit ci-
dessus afin d’éliminer les traces d’acides.

De plus, il est important de vérifier régulièrement les sélectivités obtenues avec une
réaction test afin de s’assurer qu’à cet instant aucune dérive par rapport à une valeur de
référence n’existe. En cas de dérives constatées les traitements exposés ci-dessus s’imposent.
De plus, il est parfois nécessaire de réaliser 2 à 3 réactions afin de « conditionner » le réacteur
et ainsi obtenir à nouveaux de bonnes sélectivités.

142
L’acide acétique et plus particulièrement l’acide nitrique sont des composés volatils irritants. En cas de
manipulations, notamment à chaud ou après chauffage et en cas de rinçage à l’eau (réaction exothermique), il est
important de manipuler ces composés sous hotte. De plus, du fait de son caractère oxydant fort, l’acide nitrique
est un déchet à éliminer séparément des autres acides minéraux.

83
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

4. Méthode analytique

La réaction étudiée est tétraphasique incluant deux phases liquides non miscibles qui
doivent donc être séparées des solides et analysées ensembles. De plus, le PAP à tendance à
précipiter en fin de réaction et doit être également solubilisé. Ainsi une analyse par RMN
n’est pas envisageable. De plus, en fin de réaction les espèces majoritairement obtenues (AP,
AN) se trouvent sous forme de sels puisqu’elles se trouvent en milieu acide. Une analyse par
CPG n’est donc pas envisageable ; à moins de neutraliser le milieu mais cela provoque la
précipitation du PAP qui est peu soluble en milieu neutre ou basique. De plus, des espèces
intermédiairement formées sensibles à l’oxydation et à la chaleur, comme le nitrosobenzène
(NOB) ou la PHA, ne peuvent être analysées par CPG sans se dégrader. Ainsi, la méthode de
choix pour analyser une telle réaction reste la CLHP.

Les analyses CLHP ont été réalisées en phase inverse, par un mélange H2O:CH3CN
(v/v) + 0,1% H3PO4 en gradient d’élution, à l’aide d’un appareil de modèle PerkinElmer. Les
conditions utilisées sont les suivantes :
- pompe PerkinElmer series 200,
- injecteur manuel (boucle de 20 μl),
- précolonne Security Guard
- colonne PerkinElmer C18 (5 μm ; 250x4,6 mm),
- détecteur PerkinElmer series 200 UV-visible (λ = 254 nm),
- dégazeur de solvant DG 1210
- débit d’éluant fixe à 1 ml/min
- éluant [H2O:CH3CN] + 0,1 % H3PO4 de 95:5 à 10:90 (Figure 3).

100%

80%
Proportion de CH3CN

60%

40%

20%

0%
0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50
Temps d'acquisition (min)

Figure 3 : gradient d’élution utilisé en CLHP (pourcentage de CH 3CN en fonction du temps)

84
Synthèse du p-aminophénol par hydrogénation sélective du nitrobenzène Chap. 2

Les étalons de PAP, o-aminophénol (OAP), AN, PHA, NB, NOB et AOB ont alors été
injectés dans les conditions CLHP précédemment décrites et les chromatogrmmes obtenus ont
été superposés sur la Figure 4.

Figure 4 : chromatogramme recomposé des composés analysés en CLHP

Dans ces conditions, le pH est proche de 1 et les arylamines présentes dans le milieu
sont donc totalement protonées. L’éluant est d’abord très polaire, avec seulement 5 %
d’acétonitrile, afin de séparer le PAP, OAP et l’AN (Figure 4). Ensuite, le gradient monte
progressivement à 50 % en séparant la PHA puis le NB et le NOB qui ont des polarités très
proches. En pratique, le NOB s’est révélé être très peu présent. Il est le plus présent lorsque la
conversion est faible et donc au moment où la quantité de NB est forte. Il n’a donc pas été
possible de séparer les deux composés puisque ce dernier, fortement concentré, masque alors
complètement le NOB. Néanmoins, la présence de NOB est visible par la coloration bleu-
violet du milieu réactionnel caractéristique de ce composé. Finalement, la proportion
d’acétonitrile atteint 90 % afin de séparer les composés les plus apolaires comme
l’azoxybenzène (AOB) ou l’azobenzène (AB). Ce dernier n’a été visible que ponctuellement
et seulement à l’état de trace, et n’a donc pas été représenté sur la Figure 4.
Un étalonnage externe de ces composés a alors été effectué et un bilan précis pour
chaque réaction est réalisé. Cela permet d’en déduire la sélectivité, la conversion mais
également de faire un bilan massique qui nous assure de la bonne corrélation des résultats
(Schéma 62). Un bilan massique doit être supérieur à 95 % pour être sûr que l’ensemble du
milieu réactionnel est bien pris en compte.

85
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

Schéma 62 : bilan massique et calculs des conversions et sélectivités

Enfin, une estimation de la précision de l’analyse a été réalisée par injection


successive d’une même solution et par traitement des chromatogrammes CLHP ainsi obtenus.
Une très bonne reproductibilité de l’analyse a ainsi été mise en évidence (écart-type de 0,09
%).
Sauf indication contraire, les analyses des réactions de réduction du NB en PAP se
font par CLHP. Une bonne reproductibilité de l’analyse a été vérifiée et un bilan massique
pour chaque réaction permet de s’assurer qu’aucun produit secondaire non identifié ne se
forme en quantité significative.

IV. Etude des paramètres chimiques de la réaction

L’étude bibliographique (Chapitre 1, Sous-section II.2) montre que les bonnes


sélectivités obtenues lors de la réaction d’hydrogénation du NB en PAP sont dues
principalement à deux facteurs :
- D’une part par l’utilisation de vitesses d’hydrogénation volontairement réduites et le
choix d’un métal d’hydrogénation adapté ; et par l’utilisation d’un acide performant
afin d’induire un réarrangement de Bamberger rapide.
- D’autre part car la présence de deux phases liquides qui, selon le modèle de la goutte,
permettrait une vitesse d’hydrogénation plus rapide et de très bonnes sélectivités en
PAP.

86
Synthèse du p-aminophénol par hydrogénation sélective du nitrobenzène Chap. 2

Ces deux points représentent deux aspects mécanistiques différents : le premier


concerne le côté chimique de la réaction d’hydrogénation du NB en PAP tandis que le
deuxième concerne le côté physico-chimique. De ce fait il est important de faire un rappel sur
ces deux aspects afin de permettre une bonne compréhension de la réaction.

1. Mécanisme de l’hydrogénation du nitrobenzène en p-aminophénol

Le mécanisme de l’hydrogénation du NB en PAP intervient à deux niveaux différents


qui sont liés entre eux : au niveau chimique (mécanisme de la réduction du NB et
réarrangement de Bamberger), et au niveau physico-chimique (modèle de la goutte).
Le modèle de la goutte (Chapitre 1, Sous-paragraphe II.2.3.1) est une représentation de
ce qui se passe physiquement dans le milieu biphasique liquide-liquide utilisé lors de la
réaction (Schéma 63).

Schéma 63 : modèle de la goutte

Ainsi le nitrobenzène est dispersé en gouttelettes au sein de la phase aqueuse et elles


se comportent alors en microréacteur. De part la nature hydrophobe du platine sur charbon
généralement utilisé, celui-ci se trouve dans la phase nitrobenzène où se déroule
l’hydrogénation du NB en PHA. La vitesse d’hydrogénation dans cette phase est optimale car
la concentration en substrat au contact du platine y est maximale (activité de 1), alors qu’en
phase aqueuse cette vitesse dépend de la solubilité du NB dans l’eau, c’est-à-dire 38 mmol/l à

87
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

80 °C.143 De plus, la solubilité de l’hydrogène dans le NB, de 2,1 mmol/l/bar à 80 °C, 144 est
près de 3 fois supérieure à celle dans l’eau, 0,71 mmol/l/bar,145 à la même température. Ainsi,
l’hydrogénation en phase NB est la plus rapide et donne par conséquent de meilleures
conversions. Une fois la PHA formée elle est protonée, ce qui augmente son hydrophilie et
change alors de phase. Elle subit alors en milieu aqueux le réarrangement de Bamberger pour
donner le PAP.
Cette description du mécanisme d’hydrogénation du NB en PAP est loin d’être
complète. De nombreuses réactions parallèles peuvent intervenir au cours de la réaction,
comme le montre le Schéma 64.

Schéma 64 : mécanisme chimique de la réduction du NB en PAP

143
Valeur extrapolées de la publication : Vermillon H. E., Werbel B., Saylor J. H., Gross P. M., J. Am. Chem.
Soc., 1941, 63, 1346-1347
144
Rhadhakrishnan K., Ramachandran P. A., Brahme P. H., Chaudhari R. V., J. Chem. Eng. Data, 1983, 28, 1-4
145
Jáuregui-Haza U. J., Pardillon-Fontdevilla E. J., Wilhelm A. M., Delmas H., Lat. Am. Appl. Res., 2004, 34,
71- 74

88
Synthèse du p-aminophénol par hydrogénation sélective du nitrobenzène Chap. 2

Le mécanisme de Haber (voir Chapitre 1, Sous-paragraphe II.2.1.1) prévoit en effet


que le NB est hydrogéné en NOB puis en PHA et enfin, si les conditions le permettent, en
AN. Dans ces conditions, la PHA peut soit se dismuter en NOB et AN soit se condenser avec
un NOB pour donner l’AOB. De plus, le NOB peut également se condenser avec l’AN pour
donner l’AB. En condition d’hydrogénation, l’AOB peut être réduit en AB qui lui-même peut
être réduit en AN. La PHA est plus difficilement réduite que le NB et NOB ce qui explique
les sélectivités élevées obtenues. Cependant, deux problématiques apparaissent tout de
même : premièrement, une accumulation de PHA en phase organique est gênante car elle
engendrerait des réactions secondaires (réduction, dismutation, condensation) qui produirait
de l’AN et de l’AOB (qui est ensuite réduit en AN). Cette accumulation est contrôlée par la
vitesse de réduction mais également par le transfert de la PHA vers la phase aqueuse. C’est
pourquoi des vitesses d’agitation élevées et des surfactants sont utilisés afin d’améliorer
l’échange entre les phases liquides. Cependant, si les gouttes de NB sont trop dispersées cela
reviendrait à travailler en milieu « pseudo-homogène » ce qui nuirait aux sélectivités.
Enfin, la deuxième problématique concerne l’accumulation de l’AN en phase
organique. De même que la PHA, celle-ci peut se condenser avec le NOB et former alors de
l’AB (Schéma 64). Le NOB a rarement été accumulé au cours de nos expériences (visible par
une coloration bleue du milieu réactionnel). Ce constat est en accord avec les travaux de
Basset (voir Chapitre 1, Sous paragraphe II.2.1.2) qui a mis en évidence que le NB
directement hydrogéné en PHA sans formation de NOB intermédiaire. Cependant une
accumulation d’AN est possible et peut alors favoriser la condensation. Ainsi, le transfert de
l’AN en phase aqueuse est, comme pour celui de la PHA, un problème important à prendre en
compte.

Le mécanisme de la réduction du NB en PAP montre que la PHA est l’intermédiaire


clé de la synthèse puisque sa concentration doit être contrôlée afin d’éviter des réactions
secondaires ; à la fois par une vitesse d’hydrogénation faible, par une concentration en acide
forte afin de protoner la PHA et par un échange entre les phases important. L’étude du
mécanisme de formation du PAP se résume ainsi à comprendre comment se forme, se
comporte et se transforme la PHA. Cette compréhension se fait à plusieurs niveaux : à
l’échelle chimique par l’étude des réactions secondaires et les paramètres qui les favorisent ;
et à l’échelle physico-chimique par la description des échanges entre les gouttes de NB et la
phase organique.

89
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

Enfin, le réarrangement de Bamberger est connu pour être particulièrement sélectif en


position para. La formation d‘OAP est d’ailleurs rarement présentée. Rylander l’a cependant
décrite dans des proportions variables pouvant atteindre 38 % d’ortho par rapport au total en
AP, avec un catalyseur d’oxyde de platine en présence de DMSO, sans que l’origine puisse
être identifiée.80 Dans nos conditions, la formation d’OAP est observée dans des proportions
faibles et constantes, 6 % par rapport au total d’AP, et ce quelles que soient les conditions.
Lors de la présentation des résultats, la sélectivité totale en AP sera présentée comprenant 6 %
d’ortho.

2. Etude du système acide

L’étude du système acide représente une part importante de nos travaux. Là où


beaucoup d’équipes cherchent à améliorer seulement la sélectivité en AP, d’autres aspects
sont très importants pour la réalisation d’un procédé de fabrication du PAP par cette voie. En
effet, l’hydrogénation du NB en milieu acide se déroule typiquement avec une quantité
importante d’acide sulfurique, qui est certes peu onéreux mais qui provoque la corrosion des
réacteurs et induit la formation d’une quantité très importante de sels (NH4)2SO4 dont le
retraitement engendre un coût non négligeable pour le procédé.

2.1. Catalyse hétérogène par un oxyde de niobium supporté

Afin de limiter le traitement de l’acide en fin de réaction et de pouvoir le recycler, des


groupes tentent de substituer l’acide sulfurique par des acides hétérogènes (voir Chapitre 1,
Sous-paragraphe II.2.3.2). De ce point de vue, notre réflexion est que les acides de Brønsted
ne peuvent jouer un tel rôle car les protons seraient alors captés par le PAP produit et seraient
rendus inactifs. De plus, le couple d’ion formé ne pourrait être dissocié facilement et poserait
un problème de récupération du PAP (Schéma 65).
Ainsi un acide de Lewis serait plus facilement récupérable et recyclable comparé à un
acide de Brønsted. En ce sens, nous avons opté pour l’utilisation d’oxyde de niobium supporté
dont l’acidité peut être de « Lewis » (voir Section II). De plus, cet acide n’a, à notre
connaissance, jamais été décrit dans le cas du réarrangement de Bamberger (voir Chapitre 1,
Sous-paragraphe II.2.3.2) et pourrait donc être breveté.

90
Synthèse du p-aminophénol par hydrogénation sélective du nitrobenzène Chap. 2

Schéma 65 : réarrangement de Bamberger avec des acides de Brønsted hétérogènes

2.1.1. Synthèse et caractérisation du catalyseur d’oxyde niobium sur silice

La synthèse des catalyseurs d’oxyde de niobium est faite par imprégnation d’un
précurseur de niobium sur un support. Ainsi, en partant d’un support adéquat, il est possible
d’obtenir un solide possédant une surface spécifique élevée. De plus, cette méthode permet de
réduire le coût du solide puisqu’un support peu onéreux peut être utilisé. Enfin, nous avons
choisi des conditions d’imprégnations simples afin de permettre une synthèse transposable à
l’échelle industrielle.

L’oxyde de niobium a en premier lieu été imprégné sur une silice pyrogénée qui a
l’avantage, de posséder une très grande surface spécifique et d’être non poreuse. Afin d’avoir
l’activité maximale, nous avons fait le choix d’occuper le plus possible de sites –OH
disponibles à la surface de la silice. Le nombre de –OH libre en surface est généralement
considéré à environ 5 OH/nm2 pour une silice.146 La silice utilisée possède une surface
spécifique de 395 m2/g.147 Ainsi la quantité de –OH est n(OH) = 5 x 395 x (109)2 / 6,02x1023
= 3,28 mmol OH/g de silice. En prenant en compte ce résultat, un excès de niobium par
rapport à la stœchiométrie de 1 Nb/OH a été utilisé afin de permettre ainsi un greffage le plus
complet possible des sites actifs. Ainsi, 4 mmol de NbOx/g de silice ont été utilisés, soit un
ratio Nb/Si (mol/mol) de 0,24.
La procédure suivante a donc été utilisée pour la synthèse du catalyseur d’oxyde de
niobium sur silice, possédant un ratio Nb/Si de 0,24 (mol/mol) :
- La silice (19,6 g) est mise en suspension, dans un ballon de 1 l, sous argon dans de
l’éthanol (500 ml) et sous vive agitation.
146
Ek S., Root A., Peussa M., Niinisto L., Thermochim. Acta, 2001, 379, 201-212
147
« Silica, fumed » disponible chez le fournisseur Sigma-Aldrich sous la référence S5130 ; surface
spécifique de 395±25 m²/g

91
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

- Le précurseur de niobium (V), l’éthanoate de niobium (Nb(OEt)5 ; 99,9 %, Strem réf.


93-4104), est ajouté goutte à goutte sur une durée de 15 min à TA ; puis laissé sous
agitation durant 2 h.
- Le catalyseur est alors filtré sur fritté (taille de pore 4) puis placé à l’étude à 120 °C
durant une nuit. Environ 30 g de catalyseur sec sont généralement obtenus.
- Le catalyseur est calciné avant réaction à 650 °C par lot de 5 à 6 g sous flux d’air à
l’aide d’un four tubulaire Nabertherm P320, suivant le programme de température
disponible sur la Figure 5.

800
Température (°C)

600 Montée Pallier 3 h


2 °C/min
400

200

0
0 1 2 3 4 5 6 7 8
Temps (h)

Figure 5 : programme de température de la calcination du NbOx/SiO2

Trois lots identiques ont été préparés et caractérisés afin de s’assurer de la bonne
reproductibilité de la synthèse. Les résultats obtenus sont présentés dans le Tableau 19.

Tableau 19 : analyses de différents lots d’oxyde de niobium sur silice

Catalyseur (NbOx/Si Perte à 1000 Dosage Nb Ratio Nb/Si Surface BET


Lot
introduit, mol/mol) °C (%) (%m)a (mol/mol) (m²/g)b

1 NbOx/SiO2-0,24 6,5 17,2 0,15 235

2 NbOx/SiO2-0,24 1,9 17,4 0,15 246

3 NbOx/SiO2-0,24 4,6 15,8 0,13 264

Moyenne (écart) 16,8% (±1,0) 0,14 248 (±16)


a
Appareillage ICP-OES « Activa » Jobin Yvon, quantité de niobium déterminée après dissolution du
catalyseur par H2SO4 + HNO3 + HF à 150 °C durant une nuit
b
Appareillage ASAP 2020, surface déterminée par adsorption d’azote à -196 °C et après désorption des
gaz de surface à 300 °C sous vide durant 5 h

Le catalyseur d’oxyde de niobium sur silice synthétisé par notre méthode possède une
surface BET moyenne de 246 m²/g pour une proportion de niobium de 16,8 %m. Cette valeur
correspond à un ratio moyen Nb/Si mol/mol de 0,14 alors que les quantités introduites l’ont
été pour un ratio de 0,24. Cela indique que le niobium engagé n’a été que partiellement
imprégné sur la silice (environ 60 % du niobium introduit est supporté). Si on considère que

92
Synthèse du p-aminophénol par hydrogénation sélective du nitrobenzène Chap. 2

tous les –OH sont occupés, alors il y a en moyenne 1,4 –OH utilisé par niobium greffé. De
plus, le dosage du niobium nous montre que cette quantité est reproduite à ±1 % et que la
surface spécifique l’est à ±16 m2/g, ce qui nous montre que la préparation du catalyseur
possède une bonne reproductibilité. D’autres catalyseurs ont été synthétisés selon la même
procédure mais en utilisant des supports (MCM-41, alumine et zircone) ou des ratios Nb/Si
différents (Tableau 20). Ces catalyseurs ont été engagés en réaction d’hydrogénation du NB
en PAP (Sous-paragraphe IV.2.2.3) mais n’ont pas fait l’objet d’analyses.

Tableau 20 : lots de catalyseurs synthétisés et engagés en réaction, non caractérisés

Masse (g) Masse (g) Masse (g) Masse (g)


Entrée Catalyseur Entrée Catalyseur
Nb(OEt)5 support Nb(OEt)5 support
NbOx/SiO2 NbOx/MCM41
1 10,1 3,9 5 5,1 3,9
0,48 0,24
NbOx/SiO2 NbOx/Al2O3
2 2,9 4,5 6 5,0 3,5
0,12 0,24
NbOx/SiO2 NbOx/ZrO2
3 1,4 4,5 7 5,1 8,1
0,06 0,24
NbOx/SiO2
4 0,69 4,5
0,03

2.1.2. Réarrangement de Bamberger en présence d’acide solide

Le catalyseur à base d’oxyde de niobium sur silice a été testé dans un premier temps
sur le réarrangement de la PHA et les résultats ont été comparés à d’autres acides solides
(Tableau 21).
Un blanc sans catalyseur a été réalisé afin de voir la stabilité de la PHA dans nos
conditions réactionnelles (Tableau 21, entrée 1). Celui-ci montre que la PHA est dégradée en
une heure à 80 °C à hauteur de 16 % en AOB. Un deuxième blanc avec de la silice sans oxyde
de niobium nous a montré que celle-ci n’induit pas de réarrangement et seul 13 % d’AOB
sont obtenus (Tableau 21, entrée 2). Deux catalyseurs à base d’oxyde de niobium ont alors été
testés : le premier synthétisé à partir d’une proportion de réactifs telle que Nb/Si = 0,24
(mol/mol), qui est notre catalyseur de référence ; et le deuxième avec un ratio Nb/Si = 0,48.
Le premier induit des rendements en AP atteignant 9 % avec 0,1 g (Tableau 21, entrée 3) et
20 % avec 0,4 g de catalyseur (Tableau 21, entrée 4). L’oxyde de niobium provoque donc le
réarrangement de Bamberger.

93
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

Tableau 21 : réarrangement de la phénylhydroxylamine avec des acides solides a

Entrée Catalyseur Masse (g) Conv. PHA (%)b Rdt. AP (%)b Rdt. AN (%)b Rdt. AOB (%)b
1 - - 18 0 2 16
2 SiO2 0,4 13 0 0 13
3 NbOx/SiO2-0,24 0,1 84 9 19 56
4 NbOx/SiO2-0,24 0,4 91 20 12 59
5 NbOx/SiO2-0,48 0,1 27 6 5 16
6 NbOx/SiO2-0,48 0,4 54 19 11 24
c
7 Amberlyst 35 0,4 100 0 0 19
8 ZSM5 0,4 91c 19 4 13
9 SO4-HfO2-0,5 M 0,1 19 10 2 7
10 SO4-HfO2-1 M 0,1 27 (4 h) 11 2 14
a
Conditions : PHA (109 mg), acide solide (0,1 à 0,4 g), eau (7 ml), chauffé à 80 °C durant 1 h
b
Conversions et rendements déterminés par CLHP
c
Bilan massique par CLHP montrant une perte importante (>50 %)

En revanche, il est difficile de conclure sur sa capacité à être utilisé dans des
proportions catalytiques car 0,1 g de NbOx/SiO2 représente 0,18 mmol d’oxyde de niobium ce
qui est plus que l’AP formé (0,09 mmol). Avec 0,4 g de catalyseur à base d’oxyde de niobium
représente 0,73 mmol et induit la formation 0,2 mmol d’AP. Le catalyseur d’oxyde de
niobium a cependant un effet négatif lorsqu’il est placé en présence d’une quantité importante
de PHA. Il provoque en effet la formation d’AOB dans des proportions très importantes 55-60
%. Cette proportion est de l’ordre de 10-15 % lorsque la PHA est placée à 80 °C sans
catalyseur (Tableau 21, entrée 1) ou juste en présence de silice (Tableau 21, entrée 2). Cet
effet est cependant beaucoup moins visible avec le deuxième catalyseur à base d’oxyde de
niobium (NbOx/SiO2-0,48) puisque l’AOB représente respectivement 16 et 24 % avec 0,1
(Tableau 21, entrée 5) et 0,4 g (Tableau 21, entrée 6) de catalyseur.
Ces catalyseurs ont été comparés avec d’autres acides solides. Ainsi l’Amberlyst 35 a
été engagée ainsi que la zéolithe ZSM5 (Tableau 21, entrées 7 et 8 respectivement). Ces deux
solides posent problèmes puisque des défauts de masse importants ont été observés. Cet effet
a été attribué aux pores et aux couples ions formés entre la PHA, l’AP et l’AN avec les sites
protiques de ces catalyseurs. Ces composés ont probablement été piégés dans les catalyseurs
sans qu’un lavage avec une solution acide ait pu permettre une récupération efficace. Enfin

94
Synthèse du p-aminophénol par hydrogénation sélective du nitrobenzène Chap. 2

des catalyseurs d’oxydes d’hafnium sulfatés, préparés par Alaa Hussein, doctorant du groupe
CASYEN en cotutelle avec l’Université Libanaise, ont été testés (Tableau 21, entrées 9 et 10).
Ces catalyseurs sulfatés avec des solutions d’acide sulfurique à 0,5 et 1 M ont induit
respectivement 10 et 11 % de rendement et ce avec une faible formation d’AOB. Ils n’ont
cependant pas donné de résultats intéressants (aucun gain en sélectivité) lors de
l’hydrogénation du NB contrairement aux catalyseurs d’oxyde de niobium. Les résultats
obtenus pour l’isomérisation de la PHA ont été attribués au relargage de sulfate en milieu
aqueux qui est comparable à l’utilisation directe d’acide sulfurique.

Ainsi l’oxyde de niobium est un catalyseur prometteur pour réaliser le réarrangement


de la PHA. En revanche, lorsque cette dernière est concentrée, l’oxyde de niobium provoque
sa dégradation en AOB. Ainsi il sera important de veiller à ce que la PHA ne s’accumule pas
dans le milieu lors de l’hydrogénation du NB. Du fait de la forte concentration en substrat,
l’étude du réarrangement de la PHA s’est révélée inadaptée avec l’utilisation du catalyseur à
base d’oxyde de niobium.

2.2. Catalyse acide mixte : acide sulfurique avec un catalyseur d’oxyde de


niobium

Le catalyseur de niobium a ensuite été engagé seul en réaction afin d’étudier son
activité catalytique en conditions d’hydrogénation du NB (Tableau 22). De plus, il a été
comparé avec les sélectivités obtenues avec l’acide sulfurique.
Nos expériences montrent que dans nos conditions, le niobium seul n’induit
que 7 % de sélectivité avec la formation de 6 % de PHA et 9 % d’AOB, le reste étant de l’AN
(Tableau 23, entrée 1). Son acidité est suffisante pour réaliser le réarrangement de Bamberger
mais son activité est moindre que l’acide sulfurique soluble, qui induit lui 76 % de sélectivité
avec seulement la formation d’AN en sous produit (Tableau 22, entrée 2). En revanche
l’association des deux apportent un réel gain pour la réaction car, dans ce cas, la sélectivité en
AP atteint 84 % soit 8 % de mieux qu’avec l’acide homogène seul (Tableau 22, entrée 3). Ce
gain est bien meilleur que celui obtenu en utilisant une quantité plus importante d’acide
sulfurique puisqu’avec deux protons par NB (Tableau 22, entrée 4) la sélectivité est à peine
améliorée à 79 % comparée à l’utilisation d’une quantité stœchiométrique. En ajoutant du
niobium avec cet excès (Tableau 22, entrée 5), le bénéfice de la catalyse acide mixte
homogène-hétérogène se confirme avec 86 % de sélectivité obtenues.

95
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

Tableau 22 : association d’oxyde de niobium sur silice et l’acide sulfurique dans le cas de
l’hydrogénation du nitrobenzène en p-aminophénola

H+/NB NbOx/SiO2 Conv. NB Sélect. AP Sélec. AN


Entrée
(%mol) (g) (%)b (%)b (%)b

1 2c 1 98 (7 h) 7d 77d
2 106 - 100 76 24
3 106 0,2 100 84 16
4 209 - 100 79 21
5 209 0,2 99 86 14
a
Conditions : NB (9 ml), 1% Pt/C (20 mg), DMSO (6,5 μl), TBAHS (0,6 g), H2SO4 (2,5 ml), NbOx/SiO2 (1
g), eau (75 ml), H2 (10 bar), 80 °C, 14 h, réacteur Parr Instrument
b
Déterminées par CLHP
c
Provenant du TBAHS
d
Sélectivité PHA 6 %, sélectivité AOB 9 %

L’association d’oxyde de niobium sur silice avec l’acide sulfurique a montré une
synergie puisqu’un tel système permet d’avoir des sélectivités 8 % meilleures qu’avec l’acide
sulfurique seul. Des expériences complémentaires ont été menées afin de détailler la portée et
les limites de cet effet.

2.2.1. Choix du support du catalyseur de d’oxyde de niobium

Le premier support utilisé pour l’oxyde de niobium a été la silice pyrogénée.


Cependant, d’autres ont rapidement été testés afin d’identifier le support le mieux adapté pour
l’oxyde de niobium (Tableau 23). Les solides ont été préparés de la même manière que le
NbOx/SiO2 (Sous-paragraphe IV.2.1.1), avec un ratio Nb/M identique. Les résultats sont
rassemblés dans le Tableau 23. Les catalyseurs à base d’oxyde de niobium ont été engagés en
réaction à conversion incomplète.

96
Synthèse du p-aminophénol par hydrogénation sélective du nitrobenzène Chap. 2

Tableau 23 : effet du support de l’oxyde de niobium sur la sélectivité de l’hydrogénation du NB en


PAPa

Entrée Catalyseur Conv. NB (%)b Rdt. AP (%)b

1 0,24-NbOx/SiO2 43 32
2 0,24-NbOx/MCM41 53 35
3 0,24-NbOx/MCM41* 47 34
4 0,24-NbOx/Al2O3 35 26
5 0,24-NbOx/ZrO2 35 26
a
Conditions : NB (9 ml), DMSO (6,5 μl), TBAHS (0,6 g), H 2SO4 (1 ml), NbOx/MOx (1 g), eau (75 ml), H2
(10 bar), 80 °C, 2 h, réacteur Autoclave France
b
Déterminés par CLHP, AN observée en produit secondaire

Ainsi, l’oxyde de niobium sur silice permet d’atteindre 32 % de rendement en AP pour


43 % de conversion (Tableau 23, entrée 1). En présence d’une silice de type MCM41, la
conversion atteint 53 % et le rendement en AP 35 % (Tableau 23, entrée 2), ce qui est
meilleur que la silice pyrogénée. Lorsqu’il est non calciné, dl’oxyde de niobium sur MCM41
permet d’atteindre également de meilleures conversions et sélectivités (Tableau 23, entrée 3),
mais dans une moindre mesure : 47 % et 34 % respectivement. Enfin, un oxyde de niobium
sur alumine et un autre sur zircone ont été testés. Ces solides donnent tout deux des
conversions de 35 % et des rendements de 26 % (Tableau 23, entrées 4 et 5), ce qui est bien
inférieur aux résultats obtenus avec les silices.

Les meilleurs résultats ont été obtenus avec des supports de type silice et plus
précisément avec la MCM-41. Ce support possède une surface spécifique particulièrement
importante (~1000 m²/g) ce qui explique sa performance. Pour la suite de l’étude, la silice
pyrogénée a été retenue comme support car elle offre des résultats proches de la MCM-41 tout
en étant significativement moins coûteuse.

97
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

2.2.2. Optimisation de la charge en catalyseur d’oxyde de niobium dans la


réaction

L’effet de la charge en catalyseur NbOx/SiO2-0,24 placé en réaction a été testé de 0 à 2


g en conditions d’hydrogénation du NB en PAP. Les résultats obtenus sont représentés sur la
Figure 6.

86%

84%

82%
Sélectivité en AP

80%

78%

76%

74%

72%
0 0,5 1 1,5 2
Masse de Nb/SiO2 (g)

Figure 6 : effet de la charge en catalyseur de NbOx/SiO2-0,24 sur la sélectivité de l’hydrogénation du NB


en PAP ; conditions : NB (9 ml), 1 % Pt/C (20 mg), DMSO (6,5 μl), TBAHS (0,6 g), H2SO4 (2,5 ml),
NbOx/SiO2 (0-2 g), eau (75 ml), H2 (10 bar), 80 °C, 14 h, réacteur Parr Instrument

Sans catalyseur de niobium, la sélectivité obtenue est de 76 % en AP. En engageant


0,05 g de NbOx/SiO2-0,24, une sélectivité proche à 75 % est également obtenue. Cependant,
une fois le pallier de 0,05 g de catalyseur dépassé, les sélectivités obtenues sont de l’ordre de
80 à 82 %. Le maximum en sélectivité est atteint avec 0,2 g de catalyseur de niobium
supporté. La sélectivité diminue ensuite légèrement de manière constante à mesure que la
charge de catalyseur augmente. Ainsi avec 2 g de catalyseur, la sélectivité est de 80 %.

L’utilisation de niobium sur silice subi un phénomène de pallier : en absence ou avec


une charge faible (< 0,1 g) de catalyseur de faibles sélectivités à 75-76 % sont obtenues ; alors
qu’avec une charge de NbOx/SiO2 suffisante (≥ 0,1 g) des sélectivités de 80 à 82 % sont
obtenues. Ce résultat, surprenant, n’a cependant pas trouvé d’explication. Pour la suite de
l’étude, une masse de 0,2 g de NbOx/SiO2-0,24 a été utilisée.

98
Synthèse du p-aminophénol par hydrogénation sélective du nitrobenzène Chap. 2

2.2.3. Optimisation de la charge en niobium sur le catalyseur

Différents lots de catalyseurs de niobium sur silice ont été synthétisés avec des ratios
Nb/Si (mol/mol) introduits lors de la synthèse variant 0,03 à 0,24 (Sous-paragraphe IV.2.1.1)
et comparés avec une silice ayant subi le même traitement, hormis pour l’adjonction de
niobium, que les catalyseurs. Ces solides ont été utilisés comme catlyseurs pour la réduction
du NB en PAP (Figure 7). Deux masses différentes de catalyseurs ont été utilisées (0,2 et 1 g).

86%

84%

82%
0,2 g de catalyseur
Sélectivité en AP

80%
1 g de catalyseur
78%

76%

74%

72%
0 0,06 0,12 0,18 0,24 0,3
Ratio Nb/Si (mol/mol)

Figure 7 : effet du ratio Nb/Si utilisé lors de la préparation des catalyseurs, sur la sélectivité en AP lors de
l’hydrogénation du NB en PAP, avec 0,2 et 1 g de catalyseur ; conditions : NB (9 ml), 1 % Pt/C (20 mg),
DMSO (6,5 μl), TBAHS (0,6 g), H2SO4 (2,5 ml), NbOx/SiO2 (0,2 ou 1 g), eau (75 ml), H2 (10 bar), 80 °C, 14
h, réacteur Parr Instrument avec cuve en verre

Le catalyseur habituellement utilisé est préparé avec un ratio de Nb/Si de 0,24. Dans
ces conditions, les sélectivités obtenues sont de 84 % avec 0,2 et 1 g de catalyseur. Avec des
catalyseurs moins chargés en niobium, les sélectivités obtenues sont du même ordre, allant de
83 à 85 %. Le meilleur résultat est obtenu avec le catalyseur NbOx/Si-0,06 qui induit des
résultats légèrement meilleurs à 85 % de sélectivité. En revanche, la silice seule donne de
faibles sélectivités, comparables à celles obtenues sans catalyseur. Ceci montre que le
niobium est responsable du gain en sélectivité obtenu avec ces solides. Si on considère un
greffage total de ce dernier sur la silice, la limite atteinte sans perte de sélectivité est alors de
0,05 %mol de niobium par NB réagit.

99
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

2.3. Stœchiométrie en acide de Brønsted pour le réarrangement de Bamberger

Les systèmes les plus performants utilisent de l’acide sulfurique à hauteur de 10 à 15


%m dans l’eau (Chapitre 1, Sous-paragraphe II.2.3.1). Cela assure une concentration
importante en acide, permet de protoner efficacement la PHA et induit un réarrangement
rapide. Ainsi, l’acide sulfurique représente généralement un équivalent par NB introduit, soit
deux fois plus de proton. La société Mallinckrodt a par exemple présenté comme optimal 0,9
mole d’acide sulfurique par mole de NB et en travaillant de préférence à 80 % de
conversion.71 Ainsi, 2,3 protons par NB réagit sont réellement nécessaires. L’ensemble du
milieu réactionnel doit ensuite être neutralisé avec de l’ammoniaque. Cette étape engendre
alors, dans leurs meilleures conditions, 1,9 kg de sulfate d’ammonium pour 1 kg de PAP
formé ; soit une économie d’atome de 34 %.
Nos conditions nécessitent également l’utilisation d’acide sulfurique. Nous avons
établi la quantité d’acide sulfurique réellement nécessaire lors de du réarrangement de la PHA
(Tableau 24).

Tableau 24 : réarrangement de la phénylhydroxylamine avec l’acide sulfurique a

H+ / NB Conv. PHA Rdt. AOB


Entrée Rdt. AP (%)b
(%mol)b (%)b (%)b
1 0 18 0 16
2 50 58 50 7
3 100 92 81 10
a
Conditions : PHA (109 mg), H2SO4 (0-30 μl), eau (7 ml), 80 °C, 0,5 h
b
Conversions et rendements déterminés par CLHP ; pour AP : ratio PAP/OAP de 98/2

En absence de proton, la PHA ne peut se réarranger puisque dans ces conditions


(Tableau 24, entrée 1) aucune formation d’AP est observée, seulement la dégradation de la
PHA en AOB. En présence de 50 %mol de proton (Tableau 24, entrée 2), la réaction induit 50
% de rendement en AP, montrant ainsi qu’une quantité catalytique de proton n’induit pas les
meilleurs performances pour le réarrangement de Bamberger. C’est seulement en présence
d’une quantité stœchiométrique de proton que des rendements supérieurs, à 81 %, sont
obtenus dans ces conditions, pour 92 % de conversion (Tableau 24, entrée 3). Ces expériences

100
Synthèse du p-aminophénol par hydrogénation sélective du nitrobenzène Chap. 2

confirment que les protons sont piégés par la fonction arylamine formée au cours de la
réaction (voir Chapitre 1, Sous-paragraphe II.2.2.1). Une quantité stœchiométrique de proton
est donc nécessaire pour réaliser le réarrangement de Bamberger.
Le réarrangement de la PHA n’est cependant pas totalement représentatif des
phénomènes présents lors de l’hydrogénation du NB puisqu’en début de réaction la PHA est
dans ce cas très concentrée et peut induire la formation de produits secondaires, notamment en
milieu acide. C’est pourquoi cet effet a également été testé lors de la formation du PAP à
partir du NB (Tableau 25).

Tableau 25 : effet de la charge en acide sulfurique sur la sélectivité de l’hydrogénation de


nitrobenzènea

Entrée H+ / NB (mol%)b Conv. NB (%)b Sélec. AP (%)b


1 2c 98 (7 h) 6d
2 52 100 54
3 106 100 84
4 209 99 86
a
Conditions : NB (9 ml), DMSO (6,5 μl), TBAHS (0,6 g), H2SO4 (0-5 ml), NbOx/SiO2 (0,2 g), eau (75
ml), H2 (10 bar), 80 °C, 14 h, réacteur Parr Instrument avec une cuve en verre
b
Déterminée par CLHP
c
Provenant du TBAHS
d
Présence de 6 % de PHA et 9 % d’AOB en fin de réaction, le reste étant de l’AN

En conditions d’hydrogénation, sans acide sulfurique, avec seulement le niobium sur


silice en présence de 2 %mol de TBAHS, une sélectivité de seulement 6 % en AP est obtenue
pour 98 % de conversion (Tableau 25, entrée 1). En outre, la réaction induit la formation
d’AOB et de PHA à hauteur de 9 et 6 % respectivement. En présence de 52 %mol de proton
(25 %mol d’acide sulfurique), une sélectivité de 54 % est alors obtenue (Tableau 25, entrée 2)
et monte à 84 % avec juste 1 équivalent en proton (Tableau 25, entrée 3). Ces réactions
confirment que l’acide sulfurique, en conditions d’hydrogénation, est nécessaire en quantité
stœchiométrique pour réaliser le réarrangement de Bamberger. Enfin, un excès en acide
n’améliore pas grandement les performances puisqu’avec 209 %mol de proton (soit 104
%mol d’acide sulfurique) la sélectivité est de 86 % (Tableau 25, entrée 4).

101
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

La quantité de proton disponible est donc une donnée critique puisque une forte
concentration assure un réarrangement de Bamberger efficace mais induit une formation de
sels importante. La quantité minimale de proton nécessaire est de 1 par NB qui a réagi. Afin
de minimiser au maximum la quantité d’acide sulfurique utilisée, nous nous sommes donc
limités à l’utilisation de 1 équivalent de proton par NB réduit.

3. Etude du système de réduction

Le système de réduction a été étudié indépendamment du système acide. Les quantités


d’acide sulfurique et de catalyseur solide ont donc été conservées, de même que la
température, la quantité d’ammonium et la quantité d’eau. De plus, le temps de réaction a été
maintenu à 14 h afin d’assurer une conversion maximale, et permettre une meilleur
comparaison des réactions. L’optimisation de la quantité et du type de catalyseur de platine,
de la pression en hydrogène et de la quantité de DMSO sera donc présentée ici (en gras sur le
Schéma 66).

Schéma 66 : étude du système de réduction lors de la réduction du NB en PAP

3.1. Choix du catalyseur d’hydrogénation

La première étape de la transformation du NB en PAP est l’hydrogénation. Comme vu


précédemment (Chapitre 1, Sous-section II.2), la littérature montre que le meilleur choix du
métal est le platine. Ce dernier doit être préférentiellement supporté sur charbon ou sur silice
dans le cas de la réduction en PHA et sur charbon lorsque la réduction se réalise en milieu
acide pour donner le PAP. Cependant, les travaux de Figueras et al. montrent que dans
certaines conditions le support n’a que peu d’influence sur la réaction.92
Notre première approche a été d’utiliser un catalyseur de platine sur oxyde de titane,
donnant de bons résultats dans les conditions développé par Figueras. Cependant les

102
Synthèse du p-aminophénol par hydrogénation sélective du nitrobenzène Chap. 2

premières expériences ont montré que de faibles conversions et sélectivités sont obtenues
avec ce platine. Une variété de catalyseur a donc été testée afin d’identifier les meilleurs pour
réaliser l’hydrogénation (Tableau 26).

Tableau 26 : effet du support du catalyseur de platine sur la conversion et la sélectivitéa

Entrée Nature du catalyseur Catalyseur Pt/NB (ppm) Conv. NB (%)b Sélec. AP (%)b

1 1 % Pt/C 12 100 81
2 1 % Pt/C 12 50 (2 h) 88
Catalyseur
3 5 % Pt/C (50% aq.) 12 100 80
hydrophobe
4 5 % Pt/C 15 5 88
5 5 % Pt/C 59 42 (5 h) 86
6 5 % Pt/SiO2 12 9 27
7 Catalyseur 5 % Pt/Al2O3 12 4 63
8 hydrophile 1 % Pt/ZRS 12 3 71
9 PtO2 -H2O 70 19 69
a
Conditions : NB (9 ml), DMSO (6,5 μl), TBAHS (0,6 g), H 2SO4 (2,5 ml), NbOx/SiO2 (1 g), eau (75 ml), H2 (10
bar), 80 °C, 14 h, réacteur Parr Instrument
b
Déterminées par HPLC

Les catalyseurs testés peuvent être répartis en deux catégories : les catalyseurs à
supports hydrophobes (Tableau 26, entrées 1-5) et ceux à supports hydrophiles (Tableau 26,
entrées 5-8). Les catalyseurs hydrophobes induisent des conversions totales, exceptées pour le
5 % Pt/C non hydraté (Tableau 26, entrées 3 et 4). De plus, les sélectivités atteignent les 80 à
81 % à conversions totales (Tableau 26, entrées 1 et 3) et atteignent 86 à 88 % à des
conversions inférieures ou égales à 50 % (Tableau 26, entrées 2, 4 et 5). En revanche, les
supports hydrophiles induisent de très faibles conversions, inférieures à 10 % pour les platines
supportés (Tableau 26, entrées 5-7) et 19 % pour le catalyseur d’Adams (PtO2·H2O) utilisé en
forte proportion (Tableau 26, entrée 8). De plus, les sélectivités sont nettement inférieures à
celles obtenues avec les platines sur charbon et très variables, de 27 à 71 %. Il est possible de
noter ici une très grande influence du support à la fois sur la conversion et sur la sélectivité.
Ces résultats peuvent être expliqués avec le modèle de la goutte (Schéma 67).
Ce mécanisme, essentiellement présenté lors de l’utilisation de platine sur charbon,
montre que l’hydrogénation du NB s’opère en phase organique. Comme vu précédemment,

103
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

l’hydrogénation est la plus rapide en phase organique et donne par conséquent de meilleures
conversions. Un catalyseur sur charbon, hydrophobe, va se trouver principalement dans cette
phase et va donc montrer de bien meilleures conversions qu’un catalyseur supporté sur silice,
hydrophile, présent en phase aqueuse.

Schéma 67 : influence du support du platine sur la réaction d’hydrogénation du nitrobenzène en p-


aminophénol

Si l’on considère la littérature (Chapitre 1, Paragraphe II.2.1), l’hydrogénation du NB


en PHA peut aussi bien être réalisée en présence de platine sur charbon que platine sur silice.
Cependant ces réactions sont réalisées en milieu liquide monophasique. Ainsi, le mécanisme
est différent. Si l’on considère maintenant l’hydrogénation de NB en PHA suivi du
réarrangement de cette dernière en PAP, alors les conditions le plus souvent retenues utilisent
un catalyseur sur charbon. Seuls les travaux de Figueras,92 montrent un effet relativement
faible du support du platine. Cependant, les conditions utilisées présentent des ratios NB/eau
(v/v) de l’ordre de 0,02 à 0,03 alors que pour la plupart des autres équipes, ce ratio est de
l’ordre 0,1 à 0,2 et de 0,12 dans notre étude. Ainsi, leurs conditions induiraient un régime
réactionnel « pseudo-homogène » qui s’éloigne du modèle de la goutte.

Le choix du support pour le catalyseur de platine est conditionné par le modèle de la


goutte. Ainsi des supports hydrophobes, de type charbon, sont préférés pour la réaction afin
que ce dernier soit en phase organique. Pour notre part, la suite de l’étude se déroulera avec le
platine à 1 % sur charbon.

104
Synthèse du p-aminophénol par hydrogénation sélective du nitrobenzène Chap. 2

3.2. Optimisation de la charge en platine et en DMSO

Lors de la réaction d’hydrogénation du NB en PAP, les sélectivités sont conditionnées


par le type de platine mais également par sa charge. En effet, une vitesse d’hydrogénation trop
importante par rapport à la vitesse du réarrangement de Bamberger induit une accumulation
de la PHA ce qui provoque la formation de produit secondaire. De plus, le DMSO a
également un rôle dans cette vitesse puisque celui-ci non seulement permet la désorption de la
PHA sur la surface du catalyseur, mais induit une baisse de la vitesse d’hydrogénation. Ainsi
la charge en DMSO et en platine sont très liées et ce dernier a été étudié à quantité de DMSO
identique, ce qui provoque une modification du ratio DMSO / Pt ; et à ratio constant, ce qui
modifie la charge de DMSO dans le système (Figure 8). Cette étude s’est faite pour un temps
de réaction de 14 h, ce qui assure une conversion totale dans la plupart des cas.

95%
360 éq.; conv. 30%
90% 90 éq.; conv. 72%

85%
Sélectivité en AP

80%
180 éq. 90 éq.
conv. 98% 90 éq. conv. 100%
75%
conv . 100% 36 éq.
conv. 100%
70%

65%
0 5 10 15 20 25 30 35
Charge de platine en mol Pt / mol NB (ppm)

Figure 8 : effet de la charge en platine sur la sélectivité, à différentes charges de DMSO, sur
l’hydrogénation du nitrobenzène en p-aminophénol ; conditions : NB (9 ml), 1 % Pt/C (5-50 mg), DMSO
(1,6-16,3 μl), TBAHS (0,6 g), H2SO4 (2,5 ml), NbOx/SiO2 (1 g), eau (75 ml), H2 (10 bar), 80 °C, 14 h,
réacteur Parr Instrument

La Figure 8 montre que la sélectivité est très dépendante de la charge en métal


d’hydrogénation. Pour une charge faible (3-6 ppm), les sélectivités sont élevées à 84-86 %
mais avec des conversions incomplètes en 14 h de réaction. En présence d’une quantité plus
importante de platine (30 ppm), la séléctivité n’est alors que de 75 %. Une quantité importante
de catalyseur d’hydrogénation conduit ainsi à une surhydrogénation de la PHA intérmédiaire
en AN. Une quantité de 12 ppm représente ainsi une quantité optimale pour le platine. Enfin,
les différentes charges en DMSO n’ont pas montrés d’effet particulier.

105
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

L’effet de la charge en DMSO a ensuite été étudié de manière approfondie de 0 à 180


équivalents de DMSO par atome de platine (Figure 9), en présence et en absence d’une cuve
en verre.

90%
Avec cuve en verre

86% Sans cuve en verre


Sélectivité en AP

82%

78%

74%

70%
0 50 100 150 200
Ratio mol DMSO / mol Pt (sans unité)

Figure 9 : effet de la charge en DMSO sur la sélectivité ; conditions : NB (9 ml), 1 % Pt/C (20 mg), DMSO
(0-13 μl), TBAHS (0,6 g), H2SO4 (2,5 ml), NbOx/SiO2 (1 g), eau (75 ml), H2 (10 bar), 80 °C, 14 h, réacteur
Parr Instrument

Le DMSO permet d’augmenter jusqu’à 7 % les sélectivités puisqu’en présence de 90


et 180 équivalents de DMSO par platine, sans cuve en verre, une sélectivité de 81 % est
obtenue contre 74 % sans DMSO. Une charge de cet additif inférieure à 90 équivalents induit
une diminution progressive de la sélectivité. Le même constat est observé si une cuve en verre
équipe le réacteur puisque 84 % de sélectivité sont obtenus avec 90 équivalents de DMSO par
platine contre 80 % avec 10 fois moins de DMSO.

Pour la suite de notre étude, nous avons utilisé une quantité 90 équivalents de DMSO
par platine. Cette quantité se retrouve également dans la littérature puisqu’elle des quantités
de 20110 à 400112 moles de DMSO par platine sont typiquement décrites. En revanche, la
quantité de platine fixée à 12 ppm de platine par NB, est relativement faible si on la compare
avec d’autres travaux utilisant des dérivés soufrés en additifs comme ceux de Caskey (90112 à
170109 ppm) ou de Rylander110 (1300 ppm).

106
Synthèse du p-aminophénol par hydrogénation sélective du nitrobenzène Chap. 2

3.3. Effet de la pression

Dans la continuité des travaux du Dr. Figueras, la pression a été fixée initialement à 10
bar. Cependant, cette pression a également de l’influence sur la vitesse d’hydrogénation et
donc sur la sélectivité. L’effet de celle-ci a donc été évalué pour des temps de réactions de 14
h permettant des conversions totales pour des pressions supérieures ou égales 10 bar (Figure
10).

90%
Conv. 98%
Conv. 88%
85%

80%
Sélectivité en AP

75%

70%

65%

60%
0 5 10 15 20 25
Pression absolue d'hydrogène (bar)

Figure 10 : effet de la pression en hydrogène sur la sélectivité ; conditions : NB (9 ml), 1 % Pt/C (20 mg),
DMSO (6,5 μl), TBAHS (0,6 g), H2SO4 (2,5 ml), NbOx/SiO2 (0,2 g), eau (75 ml), H2 (2,5-20 bar), 80 °C, 14
h, réacteur Parr Instrument

A 10 bar d’hydrogène, 84 % de sélectivité en AP sont obtenus. Si l’on augmente cette


pression à 20 bar, la sélectivité chute fortement à 64 %, ce qui s’explique par la
surhydrogénation de la de la PHA en AN. En revanche, une diminution de la pression en
hydrogène n’améliore pas significativement la sélectivité puisque 83 et 85 % de sélectivité
sont obtenus avec respectivement 2,5 et 6 bar d’hydrogène. De plus, des conversions
incomplètes sont obtenues à ces pressions puisque qu’elles sont alors de 88 % et 98 %
respectivement.

L’étude de la pression montre que notre système de réduction est déjà proche de
l’optimal pour nos conditions puisqu’une diminution de la pression induit des conversions
incomplètes sans gain en sélectivité tandis qu’une augmentation induit une perte de
sélectivité.

107
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

V. Etudes des paramètres physico-chimiques

Comme vu dans la sous-section IV.1, le mécanisme de la réaction est perceptible à


deux niveaux : d’un point de vue chimique, dont les composantes ont été détaillées dans la
même partie ; et d’un point de vue physico-chimique. C’est ce dernier aspect qui sera abordé
dans la présente partie.

1. Suivi de la réaction : effet de la conversion sur la sélectivité

L’étude de l’aspect physico-chimique de la réaction commence par le suivi de la


réaction (Figure 11). La réaction se faisant en milieu biphasique liquide-liquide, un
prélèvement régulier est difficile à réaliser. Ce suivi s’est donc fait en déterminant la
conversion et la sélectivité de réactions interrompues à différents temps de réaction.

100%
B
Conversion NB et sélectivité AP

80%
A'
60%
Conv. NB
40%
Sélect. AP
A
20%

0%
0 2 4 6 8 10 12 14
Temps de réaction (h)

Figure 11 : conversion et sélectivité en fonction du temps de réaction lors de l’hydrogénation du NB ;


conditions : NB (9 ml), 1 % Pt/C (20 mg), DMSO (6,5 μl), TBAHS (0,6 g), H2SO4 (2,5 ml), NbOx/SiO2 (1 g),
eau (75 ml), H2 (10 bar), 80 °C, 0,5 à 14 h, réacteur Parr Instrument

La Figure 11 nous montre que la vitesse de réaction ne varie pas de manière linéaire
tout au long de la réaction. Pour un temps de réaction inférieur à 3,5 h (A), la vitesse de
réaction est constante jusqu’à 70 % de conversion. A partir de ce moment là, la courbe de
conversion s’infléchit et la vitesse de réaction diminue (B). De plus, la sélectivité elle aussi
n’est pas constante au cours du temps : elle diminue lentement de 89 % à 81 % tout au long de
la réaction.

108
Synthèse du p-aminophénol par hydrogénation sélective du nitrobenzène Chap. 2

90%
A
A'
88%
Sélectivité en AP

86%

84%
B
82%

80%
0% 20% 40% 60% 80% 100%
Conversion en NB

Figure 12 : sélectivité en AP en fonction la conversion en NB lors de l’hydrogénation de ce dernier

Si on regarde la sélectivité en fonction de la conversion (Figure 12), deux régimes se


distinguent nettement : dans la région A, pour une conversion inférieure à 70 %, la sélectivité
diminue légèrement de 89 à 87 % au cours du temps mais reste relativement bonne. Dans la
région B en revanche, la sélectivité chute et passe de 87 % à 81 % pour seulement 30 % de
conversion supplémentaires. La sélectivité dans cette région est donc moins importante
comparée à celle en début de réaction. La sélectivité relative de la réaction dans cette région
est ainsi estimée à 65-70 %.148 La présence de ces deux régimes correspond au modèle de la
goutte décrit par Augustine (Schéma 68).96

Schéma 68 : évolution du modèle de la goutte au cours de la réaction

Le platine sur charbon réalise l’hydrogénation dans la phase NB. En début de réaction,
la taille des gouttes de NB est maximale et le catalyseur se situe dans un environnement
optimal pour la réaction (A). A mesure que la réaction évolue, la taille de ces gouttes diminue
du fait de la consommation du réactif-solvant. Ainsi le catalyseur d’hydrogénation est plus

148
Le rendement en AP à 70 % de conversion (région A) est de 61 % (70 % x 87 % sélectivité). Le rendement à
conversion totale (région A+B) est de 81 % (81 % x 100 %). En prenant en compte cela, la contribution de la
région B pour le rendement final est donc de 20 % (81% - 61 %) pour une conversion de 30 % ; soit une
sélectivité de 67 % (20 % / 30 %).

109
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

concentré en phase organique et favorise alors la réduction de la PHA en AN. D’un autre côté,
la diminution de la taille des gouttes de NB favorise les échanges entre les phases et par
conséquent favorise le départ de la PHA formée dans les gouttes vers la phase aqueuse. Ces
deux effets cumulés induisent une sélectivité quasiment stable lors de l’étape A’ ainsi qu’une
vitesse d’hydrogénation élevée.
Les travaux d’Augustine96 suggèrent qu’au-delà d’un certain seuil (70 % de
conversion dans notre cas), les micelles formées par le NB et le surfactant ne sont plus stables
et le NB ne contient alors plus de platine et se retrouve en régime « pseudo-homogène ». A ce
moment là, l’hydrogénation est moins efficace et moins sélective (Sous-section IV.1).

L’étude de la sélectivité en fonction de la conversion montre ainsi deux régimes


différents de réaction : un premier avec une vitesse de réaction et une sélectivité (87-89 %)
élevées jusqu’à 70 % de conversion ; et un deuxième avec une vitesse et une sélectivité plus
faibles (65-70 %) au-delà de ce seuil. Ces deux régimes sont révélateurs du modèle de la
goutte et montrent que ce dernier évolue au cours de la réaction.

2. Effet du surfactant

Les travaux d’Augustine permettent de comprendre l’effet du surfactant sur la


sélectivité.96 Bien que l’étude soit détaillée, seul un surfactant a été utilisé et l’effet de la
structure de ce dernier n’a pas été proposé. De nombreuses études ont présenté l’utilisation de
surfactants non ioniques, comme des polyols, amines ou oxydes d’amines, mais également
des surfactants ioniques (Chapitre I, Sous-paragraphe II.2.2.2). Ces derniers ont d’ailleurs
donné des performances supérieures.103 C’est pourquoi notre choix s’est porté principalement
sur cette catégorie de surfactants.

2.1. Essais de différentes structures de surfactants

Différentes structures de surfactants ont été testées afin d’identifier la classe d’agent
donnant les meilleures performances. Les résultats issus de ces expériences sont répertoriés
dans le Tableau 27.

110
Synthèse du p-aminophénol par hydrogénation sélective du nitrobenzène Chap. 2

Tableau 27 : effet de la structure du surfactant sur l’hydrogénation du NB en APa

Conv. NB
Entrée Surfactant (2 %mol) Sélect. AP (%)b Sélect. AN (%)b
(%)b

1 - 100 74 26

2 100 84 16

3 100 83c 17

4 13 46 54

5 100 59 41

6 7 76c 24

7 100 70 30

8 100 79 21

9 100 76 14

a
Conditions : NB (9 ml), DMSO (6,5 μl), surfatant (2 %mol), H2SO4 (2,5 ml), NbOx/SiO2 (0,2 ou 1 g), eau
(75 ml), H2 (10 bar), 80 °C, 14 h, réacteur Parr Instrument
b
Déterminées par CLHP
c
Utilisation de 1 %mol de surfactant

Les premiers tests de surfactants nous montrent des résultats très disparates. Ainsi, en
absence d’additifs, 74 % de sélectivité en AP sont obtenus (Tableau 27, entrée 1) contre 83 à
84 % (Tableau 27, entrées 2 et 3) avec l’hydrogénosulfate de tétrabutylammonium (TBAHS),
montrant un effet positif de l’ammonium. Cependant, l’utilisation du bromure
d’héxadécyltriméthylammonium (Tableau 27, entrée 3) et du chlorure de

111
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

benzyltriméthylammonium (Tableau 27, entrée 4) induisent de faibles sélectivités, inférieures


à 60 % et de faibles conversions dans le cas du dérivé bromure. Les phosphoniums peuvent
être utilisés à la place des ammoniums. L’éthylsulfate de tributyléthylphosphonium, dont la
structure est proche du TBAHS, n’a cependant pas donné le résultat escompté puisqu’il a pour
effet d’inhiber fortement le catalyseur de platine (Tableau 27, entrée 6). Les sulfates et acide
sulfoniques font partie d’une autre catégorie de composés ioniques non explorée dans la
littérature. Ainsi, le dodécylsulfate de sodium a été testé (Tableau 27, entrée 7) mais n’a pas
montré d’amélioration comparé à notre blanc puisque 70 % de sélectivité ont été obtenus.
L’acide camphorsulfonique a également été testé (Tableau 27, entrée 8) et a montré un effet
légèrement positif sur la sélectivité, à 79 %. Enfin, un effet faible de la triéthylamine (76 % de
sélectivité) a été constaté (Tableau 27, entrée 9) comparé à l’absence de surfactant.
Différentes structures de surfactants ont été testées afin de déterminer la plus adéquate
dans le cadre de l’hydrogénation du NB en PAP, telles que sulfate, acides sulfonique,
phosphonium et ammoniums ainsi qu’amine, avec les longueurs de chaînes variables. Le
TBAHS a cependant montré les meilleures performances et a été retenu pour la suite.

2.2. Effet d’anion

L’effet négatif observé pour les surfactants 4 et 5 (Tableau 27) a retenu notre attention.
L’explication proposée pour expliquer cela est la nature des contre-ions. Les halogénés sont
en effet connus pour être des poisons vis-à-vis des métaux nobles.149 Cependant, du fait de la
synthèse plus aisée des halogénures et notamment chlorures, ces contre-ions sont les plus
couramment rencontrés lors du recours à des surfactants ioniques dans le cas de
l’hydrogénation du NB en PAP.103,104 Des expériences complémentaires ont été réalisées afin
d’évaluer l’effet d’anion dans nos conditions (Tableau 28).
Sans surfactant, la sélectivité de l’hydrogénation du NB en PAP dans nos conditions
est de 74 % en AP (Tableau 28, entrée 1). Divers tétrabutylammoniums ont ainsi été testés
avec une variété de contre-ion. L’hydrogénosulfate (Tableau 28, entrée 2) a ainsi été comparé
avec le triflate (Tableau 28, entrée 3).

149
Rylander P., « Catalytic Hydrogenation over Platinum Metals », Academic Press, New York, 1967

112
Synthèse du p-aminophénol par hydrogénation sélective du nitrobenzène Chap. 2

Tableau 28 : effet de la présence d’anion sur l’hydrogénation du NB en AP a

Entrée Contre-ion X- Conv. NB (%)b Sélect. AP (%)b Sélec. AN (%)b

1 Sans ammonium 100 74 26


2 HSO4- 100 84 16
2 CF3SO3- 100 76 24
-
3 Cl 38 45 55
4 Br- 14 43 57
5 BF4- 29 54 46
a
Conditions : NB (9 ml), DMSO (6,5 μl), Tétrabutylammonium (2 %mol), H2SO4 (2,5 ml), NbOx/SiO2 (1 g),
eau (75 ml), H2 (10 bar), 80 °C, 14 h, réacteur Parr Instrument
b
Déterminées par CLHP

Ce dernier donne cependant de moins bons résultats puisque 76 % de sélectivité ce qui


est à peine meilleur qu’en absence d’ammonium. Cependant, la conversion est totale montrant
ainsi peu ou pas d’inhibition du catalyseur avec cet anion. En revanche, l’utilisation
d’halogénures provoque un empoisonnement puisque qu’en présence de chlorure, bromure ou
tétrafluoroborate (Tableau 28, entrées 4-6) les conversions deviennent incomplètes, de 14 à 38
% ; et les sélectivités chutent elles aussi drastiquement à 43-54 %. L’utilisation de chlorure
rapportée par d’autres équipes, n’affecte cependant pas autant les résultats. La différence de
conditions expliquant ces écarts de résultats réside dans les quantités de platine et de
surfactant utilisées. Nos conditions utilisent ainsi plus de 1500 ammonium par platine alors
que dans le cas des travaux de Spiegler par exemple,103 ce ratio est d’environ 30. Le
catalyseur d’hydrogénation est donc beaucoup plus affecté par la présence de chlorure dans
notre cas.

Nos expériences ont montré que la présence d’halogénure est néfaste pour
l’hydrogénation du NB dans nos conditions du fait de la faible proportion de platine utilisée.
De plus, l’hydrogénosulfate a montré de bien meilleurs résultats que l’ion triflate. La
principale différence entre ces deux espèces réside dans le fait que ce dernier n’apporte pas de
proton en phase organique alors que hydrogénosulfate oui. Ainsi ce dernier permet la
protonation de la PHA en phase organique (Schéma 69) contrairement à l’ion triflate. Ainsi il

113
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

est possible que l’ammonium fonctionne comme un agent de transfert de phase plutôt que
comme un surfactant.

Schéma 69 : protonation de la phénylhydroxylamine en phase organique

2.3. Optimisation de la concentration en surfactant

Une fois l’ammonium sélectionné, il est important de déterminer sa quantité nécessaire


pour produire une réaction suffisamment efficace. La Figure 13 montre ainsi les sélectivités
obtenues avec une proportion de TBAHS allant de 0 à 2 %mol par NB.

86%

84%

82%
Sélectivité en AP

80%

78%

76%

74%

72%
0,0% 0,5% 1,0% 1,5% 2,0% 2,5%
TBAHS (%mol par NB)

Figure 13 : effet de la concentration en ammonium sur la sélectivité de l'hydrogénation du NB en AP ;


Conditions : NB (9 ml), DMSO (6,5 μl), TBAHS (0-2 %mol), H2SO4 (2,5 ml), NbOx/SiO2 (1 g), eau (75 ml),
H2 (10 bar), 80 °C, 14 h, réacteur Parr Instrument avec une cuve en verre

En absence de TBAHS, la sélectivité en AP est de 74 %. En présence d’ammonium, la


sélectivité s’améliore fortement en fonction de la quantité de surfactant jusqu’à 82 % pour 0,5
%mol de TBAHS. Arrivé à ce point, le TBAHS a un effet bien plus faible puisque la
sélectivité est à peine améliorée à 84 % en présence de 2 %mol de TBAHS. Le point
d’inflexion de la courbe, à 0,5 %mol d’ammonium, correspond à une concentration de 2 mg/l

114
Synthèse du p-aminophénol par hydrogénation sélective du nitrobenzène Chap. 2

ou encore 0,2 %m de la phase aqueuse. Une quantité d’ammonium de 2 %mol a été conservée
pour la suite de l’étude.

3. Influence de la concentration sur la sélectivité

Les travaux précédents d’Augustine96 ou de Rode108 montrent une forte influence de la


concentration du NB dans l’eau. Afin de confirmer ces résultats, nous avons évalué ce
paramètre en conditions d’hydrogénation du NB en PAP. Cependant avant d’évaluer un tel
paramètre, il faut s’assurer que la modification du volume réactionnel n’affectera pas les
performances de la réaction. Le volume réactionnel a ainsi été testé de 87 à 173 ml (Tableau
29). Dans nos conditions habituellement utilisées, le volume réactionnel est de 87 ml de
phases liquides, permettant ainsi d’atteindre 84 % de sélectivité (Tableau 29, entrée 1).

Tableau 29 : effet du volume réactionnel sur la sélectivité de l’hydrogénation du NB en PAP a

Entrée Volume total Conv. NB (%)b Sélect. AP (%)b


du milieu (ml)
1 87 100 84
2 129 98 83
3 173 97 78
a
Conditions de base (volume total 87 ml) : NB (9 ml), DMSO (6,5 μl), TBAHS (0,6 g), H2SO4 (2,5 ml),
NbOx/SiO2 (0,2 g), eau (75 ml), H2 (10 bar), 80 °C, 14 h, réacteur Parr Instrument avec une cuve en verre ;
pour les autres conditions, toutes les quantités x1,5 et x2 pour les entrées 2 et 3
b
Déterminées par CLHP

En augmentant de moitié l’ensemble des réactifs, catalyseurs, solvant et additifs, la


sélectivité est restée la même (Tableau 29, entrée 2). En revanche, une augmentation du
volume réactionnel total à 173 ml de phases liquides, proche du volume total de la cuve en
verre (200 ml), engendre une réaction moins performante (Tableau 29, entrée 3). L’effet de la
concentration a donc été évalué entre 85 et 130 ml de volume réactionnel (Tableau 30).
Pour un ratio NB/H2O de 0,08 (Tableau 30, entrée 1), la sélectivité en AP est de 81 %.
Avec un ratio supérieur à 0,12 qui constitue les conditions développées au laboratoire
(Tableau 30, entrée 2), la sélectivité est meilleure à 84 %. Cette valeur constitue l’optimum
puisqu’en utilisant un ratio supérieur à 0,17 (Tableau 30, entrée 3) ou 0,23 (Tableau 30, entrée
4), la sélectivité en AP chute à 77-78 %.

115
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

Tableau 30 : effet de la concentration du milieu réactionnel sur l’hydrogénation du NB en APa

Ratio NB/H2O Volume total Sélect. AP Sélect.


Entrée Conv. NB (%)b
(v/v) du milieu (ml) (%)b AN (%)b
1 0,08 124 100 81 19
2 0,12 87 100 84 16
3 0,17 92 100 78 22
4 0,23 98 100 77 23
a
Conditions de base (volume total 87 ml) : NB (9 ml), DMSO (6,5 μl), TBAHS (0,6 g), H2SO4 (2,5 ml),
NbOx/SiO2 (0,2 g), eau (75 ml), H2 (10 bar), 80 °C, 14 h, réacteur Parr Instrument avec une cuve en verre ;
pour les autres conditions, volume d’eau x 1,5 pour l’entrée 1 et toutes les quantités x1,5 et x2 exceptée
pour l’eau, pour les entrées 3 et 4
b
Déterminées par CLHP

Ce constat est en accord avec le modèle de la goutte puisque, suivant ce modèle, une
concentration trop importante en NB induit un échange entre les phases liquides difficile qui
conduit à de moins bonnes sélectivités. En revanche, une concentration trop faible en NB
induit changement de régime réactionnel (voir Sous-section V.1) plus précoce voir un régime
« homogène », induisant alors des sélectivités plus faibles.

L’effet de la concentration de la réaction a ainsi été mis en avant et induit une


sélectivité maximale pour un ratio NB/H2O à 0,12. Les résultats observés sont en accord avec
le modèle de la goutte dont la proportion relative des phases est une composante importante.

4. Etude de solvants

4.1. Utilisation d’un solvant apolaire

Nous avons montré que l’utilisation d’un système biphasique liquide-liquide est
cruciale lors de l’hydrogénation du NB en AP. De plus, il a été observé dans la Sous-section
V.1 que l’hydrogénation du NB en AP se déroule suivant deux régimes de réaction différents.
Ce phénomène, dû à la consommation du réactif-solvant NB au cours de réaction, peut être
exploité afin d’améliorer les performances du système. En effet, nous sommes partis du
principe que l’ajout d’un solvant insoluble dans l’eau, permettrait de conserver une phase

116
Synthèse du p-aminophénol par hydrogénation sélective du nitrobenzène Chap. 2

organique même après consommation totale du NB. Ainsi, lors de la consommation des
dernières fractions de réactif, le catalyseur de platine serait toujours présent en phase
organique pour réaliser l’hydrogénation, ce qui permettrait de conserver de bonnes sélectivités
Le choix d’un tel solvant est cependant limité par les conditions suivantes :
hydrophobicité pour assurer un milieu biphasique, stabilité à la chaleur, à l’hydrogénation et à
l’acidité, point d’ébullition >80 °C et enfin non-réactivité face aux réactif, produit ou
intermédiaires. Notre choix s’est porté sur le dodécane, le toluène mais également le
nitrobenzène (Tableau 31) !

Tableau 31 : effet de l’ajout d’un solvant apolaire sur l’hydrogénation du NB en AP a

Ratio solvant Conv. NB Sélect. AP Sélect. AN


Entrée Solvant
/ NB (v/v) (%)b (%)b (%)b

1 - - 100 81 19
2 Dodécane 0,4 100 83 17
c
3 Nitrobenzène 0,4 99 (5,5 h) 83 17
4 Dodécane 1 100 81 19
5 Toluène 1 100 84 16
c
6 Nitrobenzène 1 95 (4,25 h) 86 14
a
Conditions : NB (9 ml), DMSO (6,5 μl), TBAHS (0,6 g), H2SO4 (2,5 ml), NbOx/SiO2 (1 g), eau (75 ml),
solvant organique (4 ou 9 ml), H2 (10 bar), 80 °C, 14 h, réacteur Parr Instrument
b
Déterminées par CLHP
c
basé sur une consommation de 9 ml de NB

Ainsi le nitrobenzène seul induit 81 % de sélectivité (Tableau 31, entrée 1) alors qu’en
présence de 40 % volumique de dodécane ou d’un excès de 40 % en NB (par rapport à l’acide
sulfurique) (Tableau 31, entrées 2 et 3) les sélectivités augmentent légèrement à 83 %.
Cependant, en ajoutant plus de solvant organique (1 équivalent en volume par NB), la
sélectivité diminue à 81 % avec le dodécane (Tableau 31, entrée 4) alors qu’avec du toluène
(Tableau 31, entrée 5) ou un excès en NB (Tableau 31, entrée 6) les sélectivités atteignent
respectivement 84 et 86 %. Les moins bonnes sélectivités observées avec le dodécane sont
probablement dues à la faible miscibilité du NB dans le dodécane, particulièrement apolaire,
observée à froid.

117
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

De plus, l’utilisation d’un excès de solvant ne permet pas seulement d’améliorer la


sélectivité. Elle permet en effet d’améliorer les temps de réaction puisque qu’en son absence
un temps de réaction de 6 h est nécessaire pour avoir 95 % (Figure 11) de conversion contre
5,5 h pour 99 % de conversion avec 40 % de NB en excès et 4,25 h avec 100 % de NB de
plus.

Le NB utilisé en excès, s’est révélé être le solvant organique de choix pour conserver
une phase organique en fin de réaction et obtenir ainsi de meilleures vitesses d’hydrogénation
et sélectivités. Caskey avait précédemment décrit l’utilisation d’une hydrogénation
incomplète, préférentiellement à 50-90 %, afin d’avoir de meilleures performances.109
Cependant, leurs conditions nécessitent une forte quantité d’acide sulfurique par NB. En se
plaçant à faible conversion, la proportion d’acide par rapport au PAP formé devient
particulièrement importante. Ainsi, leur procédé utilise 1,6 équivalent d’acide sulfurique par
NB qui réagi et produit, après traitement, 2,2 kg de sulfate d’ammonium par kg de PAP formé
; là où nos conditions nécessitent 0,5 équivalent d’acide sulfurique soit 0,77 kg de sels formés
par kg de PAP (soit une économie d’atome de 56 %). L’utilisation du NB comme « solvant »
pose cependant un problème puisque cela implique de devoir s’arrêter au moment où
l’ensemble de l’acide sulfurique est consommé. L’utilisation d’un solvant organique autre,
comme le toluène, permet ainsi d’avoir des conditions opératoires plus simples. L’utilisation
de NB en excès a été retenue pour la suite de l’étude tandis que l’utilisation de toluène
représente une alternative.

4.2. Réaction en milieu acide acétique

L’utilisation de l’acide acétique comme solvant de réaction permettrait d’aboutir à un


procédé particulièrement intéressant pour deux raisons : premièrement le PAP formé pourrait
être acétylé directement en APAP lors de la réaction évitant ainsi l’utilisation d’une étape
supplémentaire pour former la molécule cible ; deuxièmement, l’acétylation du PAP lors de
l’hydrogénation du NB permettrait un procédé utilisant une quantité catalytique d’acide. En
effet, l’APAP ainsi formé ne serait pas basique, contrairement au PAP, évitant ainsi la
consommation des protons au cours de la réaction.
Cependant, un tel procédé n’est pas simple à réaliser comme l’ont montré les travaux
de Santiago Casu ainsi que ceux de Gubelmann (Section I). La première problématique réside
dans le fait que le milieu devient monophasique avec l’utilisation d’acide acétique et empêche

118
Synthèse du p-aminophénol par hydrogénation sélective du nitrobenzène Chap. 2

donc le modèle de la goutte. La deuxième est que le réarrangement de la PHA en milieu acide
acétique est rendu difficile par ce solvant. L’explication que l’on peut avancer est que l’acide
acétique est réputé être moins bon nucléophile que l’eau et par conséquent diminue la vitesse
du réarrangement de Bamberger au détriment de la dégradation de la PHA (Schéma 70, voie
1).

Schéma 70 : mécanisme hypothétique du réarrangement de la PHA en APAP en milieu acide acétique

Enfin, l’acétylation du PAP formé après réarrangement s’avère très faible dans le cas
des travaux de Gubelmann, voir inexistante dans les travaux de Santiago Casu. Ce résultat est
probablement dû au fait que l’acide utilisé pour réaliser le réarrangement de Bamberger
protone rapidement le PAP formé provocant sa désactivation vis-à-vis de l’acétylation
(Schéma 70, voie 1). Le réarrangement de Bamberger dans l’acide acétique pur est donc
difficilement envisageable. Les travaux de Santiago Casu avaient néanmoins montré que
l’APAP pouvait être obtenu en partant non pas de la PHA mais de l’APHA (Schéma 70, voie
2). L’acétylation en amont du réarrangement serait ainsi la clé de la synthèse directe de
l’APAP.

Au vu de ces remarques, il devient cohérent de ne pas utiliser l’acide acétique pur,


mais plutôt de l’utiliser dilué dans l’eau afin de permettre d’avoir un système biphasique
liquide-liquide et de permettre un réarrangement de Bamberger efficace. Le Tableau 32 donne
les résultats d’essais d’hydrogénation en milieu acide acétique. En milieu aqueux,
l’hydrogénation du NB en PAP induit une sélectivité en AP de 84 %. En comparaison,
l’utilisation d’acide acétique à la place de l’eau induit une plus faible conversion (51 %) mais

119
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

surtout une très faible sélectivité en AP à 8 % (Tableau 32, entrée 2). Ce résultat se rapproche
de ceux obtenus par Gubelmann et Santiago Casu.

Tableau 32 : essais d’hydrogénation du NB en milieu acide acétique a

Conv. NB Sélect. AP + Acétylation du


Entrée Solvant
(%)b APAP (%)b PAP (%)b

1 H2O 100 84 0
2 AcOH 51 8 0
3 AcOH 50 % aq. 100 82 8
4 AcOH/dodécanec 2 32 0
a
Conditions : NB (9 ml), DMSO (6,5 μl), TBAHS (0,6 g), H2SO4 (2,5 ml), NbOx/SiO2 (0,2 g), eau + acide
acétique (75 ml), H2 (10 bar), 80 °C, 14 h, réacteur Parr Instrument avec cuve en verre
b
Déterminées par CLHP
c
1 équivalent volumique de dodécane par rapport au NB est ajouté

Afin de rendre le milieu biphasique, des tests de miscibilité du NB dans un mélange


eau-acide acétique ont été conduits et ont montré qu’une séparation de phase est obtenue à
partir d’une proportion eau-acide acétique égale à 1/1 en volume. Ainsi dans un tel système,
l’hydrogénation du NB dans nos conditions induit de bonnes sélectivités à 82 % (Tableau 32,
entrée 3), à peine inférieures aux 84 % de sélectivité obtenues dans l’eau pure (Tableau 32,
entrée 1). Toutefois, un des facteurs importants de ce système réside dans le taux
d’acétylation du PAP en APAP. Malheureusement, l’addition d’eau est défavorable pour cette
réaction induisant seulement 8 % d’acétylation.
Ajouter de l’eau à la phase acide acétique est donc un moyen pour rendre le milieu
liquide biphasique. Un deuxième moyen a été envisagé. Il s’agit d’utiliser un solvant apolaire
insoluble dans l’acide acétique. Malheureusement, ce dernier est un très bon solvant et seul
les alcanes à longues chaînes ont été identifiés comme candidats potentiels. Ainsi le dodécane,
a été utilisé dans l’acide acétique mais une très faible conversion a été obtenue (2 %) ainsi
qu’une faible sélectivité à 32 % (Tableau 32, entrée 4). La conversion observée, inférieure
même à celle obtenue dans l’acide acétique pur, confirme que le NB est peu soluble dans le
dodécane et se solubilise probablement mieux dans l’acide acétique. Ainsi, l’hydrogénation se
déroulant dans la phase apolaire est rendue particulièrement difficile.

120
Synthèse du p-aminophénol par hydrogénation sélective du nitrobenzène Chap. 2

Les expériences menées sur l’hydrogénation du NB en milieu acide acétique


confirment qu’un système biphasique liquide-liquide est indispensable à la réaction. Ainsi en
rendant le système biphasique par ajout d’eau, il est possible d’obtenir des sélectivités très
proches de celles obtenues dans l’eau pure. De plus, une acétylation in situ du PAP, certes
faible, a été obtenue montrant ainsi que la synthèse de l’APAP dans ces conditions est
possible. Les travaux précédents de Santiago Casu suggèrent que cette acétylation doit passer
par l’APHA. Une étude sur sa formation en milieu acide acétique améliorerait ainsi les
rendements en APAP dans le cas de l’hydrogénation du NB et ainsi permettrait d’utiliser une
quantité catalytique d’acide sulfurique.

5. Influence de la température

L’hydrogénation du NB en PAP se déroule typiquement à des températures proches de


80 °C. Nos conditions initiales utilisent une telle température. Une température élevée est
indispensable pour induire le réarrangement de la PHA et contrôle donc la vitesse de ce
réarrangement, mais également la vitesse d’hydrogénation du NB. Ainsi prédire l’effet de la
température est difficile et dépend des conditions opératoires. L’effet de la température a été
évalué dans les nôtres (Tableau 33).

Tableau 33 : effet de la température sur l’hydrogénation du nitrobenzène en p-aminophénola

Entrée Temp. (°C) Conv. NB (%)b Sélect. AP (%)b

1 60 100 82
2 80 100 81
3 100 100 82
c
4 120 27-37 28-38c
a
Conditions : NB (9 ml), DMSO (6,5 μl), TBAHS (0,6 g), H2SO4 (2,5 ml), NbOx/SiO2 (1 g), eau (75 ml), H2
(10 bar), 60-120 °C, 14 h, réacteur Parr Instrument avec cuve en verre
b
Déterminées par CLHP
c
Résultats de deux expériences

De 60 à 100 °C, nos expériences montrent que la sélectivité est constante à 81-82 %,
pour une conversion totale (Tableau 33, entrées 1-3). En revanche à 120 °C, la sélectivité et la

121
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

conversion sont fortement affectées puisque qu’elles sont de 28-38 % et 27-37 %


respectivement (Tableau 33, entrée 4). Cette perturbation peut être due à une diminution de la
solubilité de l’hydrogène dans ces conditions.

Dans le domaine 60 à 100 °C, la température n’a que peu d’influence sur la sélectivité.
En revanche à plus haute température (120 °C), la réaction est fortement perturbée et de
faibles conversion et sélectivité sont obtenues.

6. Conclusion sur l’optimisation

La réaction d’hydrogénation du NB en PAP est couramment réalisée à 80 °C, en


milieu acide sulfurique aqueux (10-15 %m), en présence de Pt/C, sous hydrogène, en
présence d’un surfactant avec éventuellement du DMSO.
Partant de conditions similaires, nous avons montré que l’ajout d’un catalyseur
hétérogène à base d’oxyde de niobium sur silice (NbOx/SiO2) induit des sélectivités jusqu’à 8
% meilleures comparé à une réaction sans ce catalyseur. De plus, la sélectivité de la réaction
est peu dépendante de la quantité de catalyseur engagé en réaction puisqu’une fois un seuil
atteint (0,1 g de NbOx/SiO2-0,24 pour 9 ml de NB), les sélectivités obtenues sont de 80 à 82
%. En revanche, en dessous de ce seuil, la sélectivité est proche de celle obtenue sans
catalyseur. En outre, les quantités d’oxyde de niobium nécessaires sont relativement faibles
puisque le minimum utilisé, permettant d’atteindre des sélectivités supérieures à 80 %,
représente moins de 0,1 %mol de Nb/mol NB (avec 0,2 g de NbOx/SiO2-0,03 pour 9 ml de
NB).

D’un point de vue plus large, notre étude confirme à de nombreuses reprises la
pertinence du modèle de la goutte dans le cas de l’hydrogénation du NB en PAP. En effet, nos
expériences ont montré que le modèle de la goutte permet d’apporter un éclairage sur les
points suivants :
- Choix du solvant de réaction (aqueux afin d’obtenir deux phases liquides)
- Choix du support pour le catalyseur d’hydrogénation (hydrophobe de préférence)
- Utilisation de surfactant afin d’améliorer l’échange entre les phases liquides
- Ratio entre les phases liquides durant la réaction (optimum NB/H2O de 0,12 dans nos
conditions)

122
Synthèse du p-aminophénol par hydrogénation sélective du nitrobenzène Chap. 2

- Ratio entre les phases liquides en fin de réaction : nécessité d’une conversion
incomplète afin de maintenir une phase organique en fin de réaction

VI. Etude de faisabilité d’un procédé à l’échelle du laboratoire

L’analyse et la compréhension de la réaction sont des aspects importants pour


améliorer les résultats. Cependant, l’objet de notre étude concerne également des aspects
pratiques à prendre en compte. L’objectif est de pouvoir proposer un procédé industriellement
viable basé sur les conditions développées. Ainsi, des essais de traitement de la réaction ont
été menés dans nos conditions optimales à 50 % de conversion (Schéma 71).

Schéma 71 : conditions utilisées pour les essais de récupération du PAP

1. Traitement de la réaction

Le traitement de l’hydrogénation du NB en PAP a déjà fait l’objet de plusieurs dépôts


de brevet, notamment par la société Mallinckrodt.105,112 Se basant sur leurs travaux, des tests
ont ainsi été effectués à l’échelle du laboratoire. Les meilleures conditions ont été utilisées
pour cela, c'est-à-dire en présence d’un excès en NB. Ce dernier peut être récupéré par
décantation après filtration des catalyseurs. La récupération est difficile du fait des faibles
volumes utilisés (9 ml de NB à récupérer) mais, après des extractions au toluène et
évaporation, une récupération de 95 % du NB non réagi a été obtenue.

1.1. Récupération du p-aminophénol sous forme sulfate

En milieu aqueux acide, le PAP se solubilise plus facilement. Cependant, nous


utilisons une quantité moins importante d’acide sulfurique comparée aux autres méthodes

123
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

développées. Ainsi, dans nos conditions, le PAP a une tendance à précipiter lors du
refroidissement du milieu réactionnel après réaction. Il a donc été possible d’isoler le produit
par filtration. En partant des conditions utilisant un excès en NB, la procédure suivante a été
suivie afin de récupérer le PAP :
- Après réaction, filtration à chaud des catalyseurs
- Récupération de la phase NB par décantation à chaud
- Le PAP précipite alors après une heure de refroidissement à température ambiante. Le
milieu est ensuite refroidi par un bain de glace pour faire précipiter au maximum le
produit
- Le PAP est isolé par filtration et rincé à l’eau

Le rendement isolé est ainsi de 37 % par rapport au NB converti. Une analyse RMN
1
H montre que le produit récupéré se trouve sous forme protoné. De plus, l’analyse CLHP du
produit révèle une pureté de 92 % (Figure 14).

aniline : 7 %
o-aminophénol : 1 %

Figure 14 : spectre CLHP du produit isolé sans neutralisation

Ainsi, 7 % d’AN et 1 % d’OAP sont présents dans le brut isolé. La présence


importante de ces impuretés peut s’expliquer par le fait que le PAP précipite sous forme
sulfate. Cet anion favorise la co-précipitation des autres cations (Schéma 72).

Schéma 72 : précipitation du p-aminophénol sous forme sulfate

124
Synthèse du p-aminophénol par hydrogénation sélective du nitrobenzène Chap. 2

L’utilisation d’une quantité adaptée d’acide sulfurique permet ainsi une récupération
facile du PAP sous forme de sels sans étape de neutralisation. Ce phénomène permettrait une
réutilisation de la phase aqueuse. Cependant, seul 47 % du PAP obtenu précipite sous cette
forme, le reste restant en solution. Une réaction plus concentrée améliorerait ce taux, mais
cela induirait une perte en sélectivité. Ainsi une récupération par une telle méthode n’est, en
l’état, pas intéressante.

1.2. Récupération du p-aminophénol sous forme neutre

En milieu acide, le PAP se protone et est particulièrement soluble en milieu aqueux.


Cependant, lorsqu’il est neutralisé, il est alors peu soluble et précipite en conséquence. En
neutralisant le milieu réactionnel, avec de l’ammoniaque par exemple, il est possible de faire
précipiter le PAP. Ce traitement a pour conséquence de basifier tout l’acide engagé en
réaction le rendant alors inutilisable. C’est cette manière de faire qui est généralement utilisée
pour récupérer le produit. La procédure suivante a donc été testée pour récupérer le PAP sur
les mêmes quantités de matière avec les mêmes conditions de réaction :
- Après réaction, filtration à chaud du catalyseur
- Récupération de la phase NB par décantation à chaud
- De l’ammoniaque est additionné lentement à la phase aqueuse, jusqu’à un pH de 8, 150
pour faire précipiter le PAP
- Le milieu est refroidi avec un bain de glace et le PAP est alors isolé par filtration et
rincé à l’eau

Le rendement isolé est ainsi de 64 % par rapport au NB converti ce qui représente une
récupération de 84 % du PAP formé. De plus, le produit révèle une bonne pureté à 97 % avec
la présence de 3 % d’OAP, sans AN (Figure 15).

150
Le contrôle du pH est important car le PAP possède une fonction phénol dont le pKa (10,5) provoque sa
solubilisation en milieu fortement basique

125
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

Figure 15 : spectre CLHP du produit isolé après neutralisation

La précipitation du PAP en milieu basique représente ainsi la meilleure solution de


récupération du produit du fait de la faible solubilité du PAP dans l’eau. De plus, ce dernier
peut être récupéré directement avec une bonne pureté (97 %).

2. Recyclabilité des catalyseurs

La réutilisation des catalyseurs est un point très important de la réaction car, si les
quantités de platine (12 ppm) et de niobium (0,2 %) utilisés sont relativement faibles, les
coûts élevés de ces métaux, notamment du platine, représentent une limitation. Les
catalyseurs peuvent être facilement récupérés par filtration après réaction. Ainsi, leur
recyclabilité a été étudiée en suivant la réaction jusqu’à 50 % de conversion (Tableau 34). Les
catalyseurs sont réengagés en réaction après lavage et séchage à l’étuve sous vide.
Les catalyseurs frais induisent 84 % de sélectivité en AP pour 50 % de conversion
(Tableau 34, entrée 1). Une récupération de ce catalyseur avec un lavage à l’eau a donné une
moins bonne sélectivité à 81 % mais avec un temps de réaction de 6 h pour arriver à 53% de
conversion (Tableau 34, entrée 2). Une désactivation due au séchage à l’étuve a été suspectée.
Ainsi une autre procédure qui consiste à garder mouillé le catalyseur et à le concentrer en
phase aqueuse a été utilisée (Tableau 34, entrée 3). Les résultats ont cependant été décevants
puisque une conversion de 13 % est obtenue avec une sélectivité cependant correcte (81 %).
Une autre stratégie a été de réactiver les catalyseurs après séchage en les calcinant sous flux
d’argon à 450 °C pendant 3 h (Tableau 34, entrée 4).

126
Synthèse du p-aminophénol par hydrogénation sélective du nitrobenzène Chap. 2

Tableau 34 : essais de procédure de récupération des catalyseurs de l’hydrogénation du


nitrobenzène en p-aminophénola

Traitement des Conv. NB Sélec. PAP


Entrée Masse catalyseur Temps (h)
catalyseurs (%)b (%)b

1 % Pt/C 20 mg +
1 Réaction initiale NbOx/SiO2 200 4 50 84
mg
2 Lavage à l’eau 250 mg 6 53 81
Concentration des
3 - 6 13 81
catalyseurs
4 Calcination sous Ar 201 mg 4 <1 -
Lavage au toluène et
5 253 mg 4 51 84
méthanol
a
Conditions : NB (18 ml), DMSO (6,5 μl), TBAHS (0,6 g), H2SO4 (2,5 ml), NbOx/SiO2 (0,2 g), eau (75 ml),
H2 (10 bar), 80 °C, réacteur Parr Instrument avec cuve en verre
b
Déterminées par CLHP

Avec ce traitement, les catalyseurs ont été complètement désactivés et seules des
traces de produits sont observées. L’hypothèse alors formulée est que les solides sont
contaminés par des dérivés soufrés (DMSO, sulfates) ou azotés (arylamines) qui ne sont pas
éliminés par le lavage à l’eau. Cette hypothèse est renforcée par le fait que les catalyseurs sont
récupérés après séchage avec une masse supérieure aux conditions de base : environ 250 mg
contre 220 mg engagés en réaction initialement. Ainsi, la calcination provoquerait
l’incorporation de souffre ou d’azote dans le catalyseur et donc sa désactivation. Les
catalyseurs ont alors été lavés abondamment au toluène et au méthanol lors de la filtration.
Après ce traitement, les catalyseurs ont induit des résultats proches de la réaction initiale
(84%, Tableau 34, entrée 5).
Cette méthode a ensuite été appliquée pour réaliser des recyclages successifs afin de
montrer son potentiel (Tableau 35).
La réaction initiale a induit 85 % de sélectivité et 52 % de conversion en un peu moins
de 4 h de réaction (Tableau 35, entrée 0). Trois recyclages successifs ont montré une
conservation des sélectivités à 85-86 % mais avec une augmentation progressive du temps de
réaction (Tableau 35, entrées 1-3).

127
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

Tableau 35 : recyclages successifs des catalyseurs de l’hydrogénation du nitrobenzène en p-


aminophénola

Recyclage Masse catalyseur Temps (h) Conv. NB (%)b Sélec. PAP (%)b

1 % Pt/C 20 mg +
0 3,75 52 85c
NbOx/SiO2 200 mg
1 253 mg 4 52 85c
2 219 mg 5 52 85
3 191 mg 6,3 48 86
4 185 mg 7h 36 83
a
Conditions : NB (18 ml), DMSO (6,5 μl), TBAHS (0,6 g), H2SO4 (2,5 ml), NbOx/SiO2 (0,2 g), eau (75 ml),
H2 (10 bar), 80 °C, réacteur Parr Instrument avec cuve en verre
b
Déterminées par CLHP
c
Présence de PHA et AOB en fin de réaction

Lors du premier recyclage une augmentation de la masse des catalyseurs a été


observée. Cependant après cela, une baisse significative de cette masse est observée et est
corrélée avec la baisse d’activité du catalyseur d’hydrogénation. Enfin, lors du quatrième
recyclage, une très forte perte d’activité est visible puisque la conversion n’est plus que de 36
% et s’accompagne d’une plus faible sélectivité (83 %, Tableau 35, entrée 4). Le suivi de la
pression de ces réactions est présenté en Figure 16. Ce suivi montre qu’initialement et lors du
premier recyclage, la consommation en hydrogène est linéaire. Cependant lors des derniers
recyclages, une baisse de la vitesse de consommation au cours de la réaction est visible et finit
quasiment nulle après 6 h de réaction lors du quatrième et dernier recyclage.

5
Consommation H2 du balaste (bar)

4 Réaction initiale
1er recyclage
3
2e recyclage

2 3e recyclage
4e recyclage
1

0
0 2 4 6 8
Temps de réaction (h)

Figure 16 : suivi de la pression en hydrogène consommé lors des recyclages de catalyseurs ; conditions :
NB (18 ml), TBAHS (0,6 g), DMSO (6,5 μl), H 2SO4 (2,5 ml), et pour la réaction initiale 1 %Pt/C (20 mg) +
NbOx/SiO2 (0,2 g) ; H2 (10 bar), 80 °C, dans le réacteur Parr instrument avec cuve en verre

128
Synthèse du p-aminophénol par hydrogénation sélective du nitrobenzène Chap. 2

Divers traitements lors de la récupération des catalyseurs ont été appliqués afin de
permettre qu’ils soient réutilisés. Il a été mis en avant qu’un lavage au toluène et au méthanol
lors de la filtration suffisent pour que les catalyseurs conservent l’essentiel de leurs activités.
Ainsi les catalyseurs utilisés pour réaliser l’hydrogénation du NB en PAP ont montré qu’ils
pouvaient être réutilisés jusqu’à 3 fois sans perte de sélectivité. Une baisse de la vitesse
d’hydrogénation a été observée et correspond à une perte en masse de catalyseur lors du
traitement.

3. Procédé de synthèse envisagé

Nous avons montré que le NB en excès, le produit et les catalyseurs pouvaient être récupérés
récupérés après réaction. Partant de ce principe, un procédé de préparation du PAP est alors envisagé (

envisagé (

Schéma 73).

NB : 1 éq.
H2SO4 : 0,5 éq.
TBAHS : 0,5 % NH4OH
1 % Pt/C
DMSO : 0,1 %
17 % NbOx/SiO2
+H2O

Précipitation
Filtration à froid
à chaud

NB : Réaction
1 éq. 80 °C, 10 bar H2 PAP

Filtration Phase aqueuse


Séparation de (NH4)2SO4 : 0,5 éq.
phase à chaud AN + ε PAP
TBAHS + DMSO

Schéma 73 : procédé 1 envisagé pour la préparation du p-aminophénol par hydrogénation du


nitrobenzène

Le procédé envisagé utiliserait une conversion incomplète (50 %) afin d’avoir des vitesses
vitesses d’hydrogénation et des sélectivités maximales, ainsi que 0,5 %mol de TBAHS et 0,1 %mol de
%mol de DMSO par rapport au nitrobenzène réagi. Après réaction, les catalyseurs doivent être filtrés et

129
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

être filtrés et puis les phases séparées à chaud afin d’éviter la précipitation du PAP. Ce dernier est alors
précipité à l’aide d’ammoniaque à froid puis séparé par filtration. La phase aqueuse contiendrait alors les
sels de sulfates, l’AN formée et des quantités de PAP non-précipité ; ainsi que le TBAHS et le DMSO qui
ne peuvent pas être récupérés. Enfin, le NB récupéré au moment de la décantation, peut être soit distillé
avant d’être réengagé soit être réutilisé tel quel. Dans ce dernier cas, il serait même possible de récupérer
directement la phase aqueuse du milieu et la traiter directement (

Schéma 74). Ainsi la phase NB, plus lourde, contenant également les catalyseurs solides,
serait conservée dans le réacteur, évitant ainsi les étapes de séparation des phases solides et
liquides.

NB : 1 éq.
H2SO4 : 0,5 éq. NH4OH
TBAHS : 0,5 %
DMSO : 0,1 %
+H2O Récupération
phase aqueuse Précipitation
à froid

Phase aqueuse
Phase NB PAP
Catalyseurs

Réaction Filtration Phase aqueuse


80 °C, 10 bar H2 (NH4)2SO4 : 0,5 éq.
AN + ε PAP
TBAHS + DMSO

Schéma 74 : procédé 2 envisagé pour la préparation du PAP par hydrogénation du NB

Conclusion

Le réarrangement de Bamberger est une réaction permettant d’obtenir de manière


efficace le PAP à partir de la PHA. Ce réarrangement est couramment utilisé, notamment par
la société Mallinckrodt, dans le cas de l’hydrogénation du NB en PHA intermédiaire qui est
alors réarrangée in situ en PAP. Elle nécessite cependant l’utilisation d’acide sulfurique dans
des concentrations voisines de 10 %m, provoquant la corrosion des réacteurs et générant des
quantités de sels importantes après traitement. Nous avons développé un catalyseur
hétérogène à base d’oxyde de niobium permettant de réaliser le réarrangement de la PHA sans

130
Synthèse du p-aminophénol par hydrogénation sélective du nitrobenzène Chap. 2

acide soluble. Ce catalyseur n’a pas montré d’activité suffisante pour approcher les
performances des acides solubles. Notre catalyseur d’oxyde de niobium a cependant induit
une synergie lorsqu’il est associé à l’acide sulfurique, donnant ainsi des sélectivités jusqu’à 8
% meilleures qu’en absence de cet acide solide. A notre connaissance, une telle synergie entre
acide hétérogène et acide homogène n’avait jamais été démontrée dans le cas de la synthèse
monotope du PAP. Cette méthode permet ainsi de limiter fortement la quantité d’acide
sulfurique utilisée. Les conditions que nous avons développées permettent d’utiliser
seulement un proton par NB réagi, là où les brevets de la société Mallinckrodt décrivent
l’utilisation de trois protons109 (Tableau 36).

Tableau 36 : comparaison entre les conditions développées au laboratoire et le procédé


Mallinckrodt pour la préparation du p-aminophénol par hydrogénation du nitrobenzène en milieu
acide

Conditions Procédé
Paramètre
développées Mallinckrodt151

Ratio H+/NB 0,5 1,8


Conversion NB 50 % 59 %
Sélectivité en PAP 86 % 85 %
kg (NH4)2SO4 formé
par kg de PAP produit 0,76 2,2

Au cours de nos travaux, nous avons mis en parallèle le mécanisme chimique de


l’hydrogénation du NB (mécanisme de Haber) et un modèle physico-chimique, dit « de la
goutte ». Il a ainsi été montré que la préparation du PAP par cette voie est bien plus efficace
en milieu biphasique liquide-liquide. De plus, dans un tel système, la réaction se déroule
suivant deux régimes : un premier pour une conversion faible, inférieure à 70 % dans nos
conditions, où la vitesse d’hydrogénation et la sélectivité sont maximales et constantes ; et un
deuxième, au-delà de 70 % de conversion où la vitesse de réaction et la sélectivité chutent. Ce
constat s’est montré cohérent avec le modèle de la goutte. De plus, cela a permis de montrer
que se placer à conversion incomplète du NB, ou d’utiliser un solvant apolaire à la place
d’une partie de la phase organique, permet de rester dans le premier régime favorable décrit
précédemment.

151
Dans le brevet US 4.571.437 (réf. 109), Caskey décrit ses résultats dont l’un d’eux, présentant la meilleure
sélectivité, a été utilisé en exemple pour comparer les résultats.

131
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

De plus, la récupération de cet excès en NB a été testée, ainsi que celui du PAP formé
et le recyclage des catalyseurs. Ces derniers ont induit des sélectivités constantes jusqu’au
troisième recyclage. Sur la base de ces résultats, un procédé de préparation du PAP a pu être
proposé.
Enfin, une des grandes avancées de la réaction serait la synthèse directe de l’APAP à
partir du NB en se plaçant en milieu acide acétique. Une telle réaction permettrait en plus
d’utiliser l’acide sulfurique en quantité catalytique. Cependant, il s’agit d’un solvant
particulièrement efficace qui rend le milieu homogène et inhibe de fait l’hydrogénation et
induit une chute de la sélectivité. De plus, il a été montré que le réarrangement de la PHA en
milieu acide acétique pur est difficile. La compréhension du modèle de la goutte a permis de
proposer une solution à ces deux problématiques puisqu’en se plaçant dans un mélange
eau/acide acétique (1/1 en volume), des sélectivités proches de celles de nos conditions en
milieu aqueux ont été obtenues. De plus, une légère acétylation en APAP a été obtenue
montrant que la réaction est concevable. Le résultat de cette étude est que l’APHA serait
l’intermédiaire clé qui permettrait une acétylation du PAP lors de l’hydrogénation du NB.
Une étude approfondie de l’acétylation de la PHA en milieu eau/acide acétique,
éventuellement catalysée, permettrait d’améliorer encore le taux d’acétylation et de pouvoir
utiliser une quantité catalytique de proton.

132
Chapitre 3 : synthèse du paracétamol par
oxydation de l’acétanilide

Introduction 137
I. Méthode analytique 138
II. Résultats et discussion 138
1. Oxydation de l’acétanilide par l’oxygène 138
2. Oxydation de l’acétanilide par l’eau oxygénée 140
2.1. Oxydation de l’acétanilide par l’eau oxygénée catalysée par le cuivre 140
2.2. Oxydation de l’acétanilide par l’eau oxygénée catalysée par d’autres métaux
142
2.3. Oxydation de l’acétanilide par l’eau oxygénée catalysée par le fer 143
Conclusion 146
Chapitre 3 : synthèse du paracétamol par
oxydation de l’acétanilide

Introduction

La synthèse du p-aminophénol (PAP) par réduction du nitrobenzène en milieu acide


conduit à la formation d’une proportion non négligeable (10-20 %) d’aniline (AN) (voir
Chapitre 2). En se plaçant dans une optique d’utilisation de cette réaction à grande échelle,
l’AN représenterait une quantité importante de déchets à traiter. C’est pourquoi nous avons
cherché un moyen de valoriser ce produit secondaire.
L’étude de la littérature (Chapitre 1, Sous-section II.1) montre qu’il est possible
d’oxyder l’AN en PAP ou en paracétamol (APAP) par l’intermédiaire de l’acétanilide (AAN)
(Schéma 75). Cependant, cette oxydation est, actuellement, peu intéressante du fait des
conditions peu applicables à l’industrie chimique (photo-oxydation, synthèse en milieu
tamponné).

Schéma 75 : synthèse du paracétamol par voie hydroxylation aromatique de l’aniline

Nous nous sommes donc intéressés à l’hydroxylation aromatique et plus


particulièrement celle de l’AAN. Afin de proposer une synthèse à la fois économiquement
viable et éco-compatible, nous avons dans un premier temps ciblé l’oxygène comme agent
d’oxydation, puis dans un second temps H2O2. De plus, nous avons voulu minimiser le
nombre d’étapes en proposant une oxydation dans l’acide acétique qui permettrait une
acétylation de l’AN in situ avant de réaliser l’hydroxylation.
Les résultats présentés dans cette partie constituent des travaux préliminaires, réalisés
en un lapse de temps réduit, qui avaient pour but d’établir des conditions simples et

137
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

innovantes d’oxydation de l’AN. Ces travaux constituent ainsi une piste de réflexion pour
d’éventuels travaux et présentent donc un intérêt que nous avons voulu valoriser en la
rapportant dans le présent manuscrit.

I. Méthode analytique

La méthode analytique utilisée dans le cas de l’hydrogénation du nitrobenzène en PAP


a été reprise (Chapitre 2, Sous-section III.4). Cette méthode permettant de séparer tous types
de composés, a été réutilisée pour l’analyse de la réaction d’hydroxylation de l’AN et AAN en
APAP (Figure 17).

Figure 17 : spectre CLHP du paracétamol, de l’o-acétylaminophénol et de l’acétanilide

Dans nos conditions CLHP, le paracétamol est le premier composé élué avec un temps
de rétention de 13 minutes tandis que l’acétanilide est le dernier composé élué avec un temps
de rétention de 21 minutes. L’o-acétylaminophénol (AOAP) a également été injecté et a été
dosé pour certaines réactions.

II. Résultats et discussion

1. Oxydation de l’acétanilide par l’oxygène

Seule une méthode d’hydroxylation de l’AN ou AAN par l’oxygène a été rapportée et
nécessite une activation photochimique (Chapitre 1, Sous-section II.1).67 Cette méthode n’est

138
Synthèse du paracétamol par oxydation de l’acétanilide Chap. 3

cependant pas adéquate pour une utilisation industrielle. Nous avons alors testé différents
métaux afin d’identifier ceux susceptibles d’induire l’oxydation de l’AAN par l’oxygène. Les
conditions initiales sont relativement simples : utilisation d’acide acétique ou d’acétonitrile
comme solvant, pression d’oxygène ou d’air à 1 bar et chauffage à 60-120 °C (Tableau 37).

Tableau 37 : essais d’oxydation de l’acétanilide par l’air ou l’oxygène a

Cat.
Entrée Cat. Oxydant Solvant (temp.) Conv. (%)b
(mol%)
1 Ag(OAc) 5 Air AcOH (120) 0
2 Cu(OAc)2 5 Oxygène AcOH (120) 0
Pd(NO3)2 /
3 5 / 10 Oxygène AcOH (120) 0
Cu(OAc)2
Fe(Acac)2 /
4 5/5 Oxygène CH3CN (60) 0
Fe(Acac)3
diméthylacétamide
5 CuCl2 9 Oxygène 0c
(100)
a
Conditions : AAN (0,68 g), solvant (5 ml), Air/O2 (ballon), 14 h
b
Déterminée par RMN
c
Réaction en présence de 1 équivalent de tBuONa

En milieu acide acétique à 120 °C sous air ou oxygène, l’acétate d’argent et l’acétate
de cuivre ont été testés en tant que catalyseurs d’oxydation de l’AAN en APAP (Tableau 37,
entrées 1 et 2). Cependant aucune conversion du produit de départ n’a pu être observée. Les
essais se sont poursuivis avec l’utilisation d’un mélange palladium / cuivre (Tableau 37,
entrée 3) qui est connu dans le cas du procédé Wacker pour l’oxydation d’alcène en cétone,152
par l’utilisation de fer connu comme catalyseur pour les réactions non-heme d’oxydation
d’alcanes (Tableau 37, entrée 4),153 ou par l’utilisation de cuivre en solvant azoté et en
présence de base utilisée dans le cas d’hydroxylation de noyaux aromatiques appauvris ou
d’hétéroaromatiques (Tableau 37, entrée 5).154 Cependant, aucune de ces conditions n’a
permis d’obtenir une conversion de l’AAN (Tableau 37, entrées 3-5).

152
Stille J. K., Divakaruni R., J. Organomet. Chem., 1979, 169, 239-248
153
He Y., Goldsmith C. R., Chem. Commun., 2012, 48, 10532-10534
154
Liu Q., Wu P., Yang Y., Zeng Z., Liu J., Yi H., Lei A., Angew. Chem. Int. Ed., 2012, 51, 4666-4670

139
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

La conclusion de cette étude est que l’acétanilide est trop peu réactive dans des
conditions simples. L’utilisation de cet oxydant n’a donc pas été poursuivie.

2. Oxydation de l’acétanilide par l’eau oxygénée

2.1. Oxydation de l’acétanilide par l’eau oxygénée catalysée par le cuivre

Au vu de l’échec des essais d’hydroxylation par l’oxygène, nous avons entrepris de


nouvelles expériences avec H2O2 comme oxydant. En ce sens, nous sommes partis des
résultats intéressants d’hydroxylation de l’AAN en APAP dans l’acétonitrile en présence de
tampon phosphate (pH 7) développés par l’équipe d’Adapa (Schéma 76).66

Schéma 76 : hydroxylation aromatique de l’acétanilide par H2O2 catalysée par le cuivre développée par
Adapa

Le catalyseur clé de leur synthèse était le nitrate de cuivre (II). Afin de rester dans
l’optique d’une synthèse monotope de l’APAP à partir d’AN et en partant de ce métal, nous
avons réalisé un essai en milieu acide acétique (Schéma 77).

Schéma 77 : hydroxylation aromatique de l’acétanilide par H2O2 catalysée par le cuivre en milieu acide
acétique

Ainsi, en présence de 4 équivalents d’H2O2, de 5 %mol d’acétate de cuivre (II) en


milieu acide acétique à 60 °C, l’AAN a été convertit en APAP à hauteur de 7 %. Ce résultat
est très inférieur de celui obtenu par l’équipe d’Adapa. Nous avons remarqué que la couleur

140
Synthèse du paracétamol par oxydation de l’acétanilide Chap. 3

bleue du cuivre (II) en solution changeait, après quelques minutes de réaction, en brune avec
la formation d’un précipité. Nous avons alors postulé que ce précipité était le cuivre. En allant
plus loin, nous postulons que sous cette forme le cuivre était inactif. Nous partons également
du principe que, dans le cas des conditions développées par Adapa, l’acétonitrile contribue à
la stabilisation du complexe de cuivre. Afin de vérifier cela, nous avons réalisé des essais de
solvants (Tableau 38).

Tableau 38 : essais d’oxydation de l’acétanilide par H2O2 en présence de cuivrea

Rdt. APAP Temps de


Entrée Cuivre Cat. (%mol) Solvant
(%)b coloration (brune)
EtOH + 50
1 Cu(OAc)2 10 0 < 1 min
%mol CH3CN
2 Cu(OAc)2 10 AcOH 2,9 ~15 min
AcOH + 50
3 Cu(OAc)2 10 4,5 ~30 min
%mol CH3CN
AcOH + 30
4 Cu(OAc)2 10 1,5 Coloration verte
%mol Bipy
a
Conditions : AAN (0,68 g), solvant (5 ml), 30 % H2O2 (2 ml), 25 °C, 14 h
b
Déterminé par CLHP, produit de départ majoritairement observée

Ainsi, en milieu éthanol et en présence de 50 %mol d’acétonitrile, une coloration du


milieu en brun est obtenue en quelques secondes et le rendement en APAP est alors nul
(Tableau 38, entrée 1). En comparaison, le rendement en milieu acide acétique sans
acétonitrile est de 2,9 % et la coloration brune apparait au bout d’environ 15 minutes (Tableau
38, entrée 2). Le rendement s’améliore à 4,5 % si l’on place 50 %mol d’acétonitrile en milieu
acide acétique, avec un temps avant coloration du milieu d’environ 30 minutes (Tableau 38,
entrée 3). Ces trois réactions confirment les hypothèses formulées, à savoir que les faibles
rendements obtenus sont dus à la précipitation rapide du cuivre au cours de la réaction. En
dernier essai, nous avons utilisé la bipyridine à hauteur de 30 %mol (soit 3 équivalents par
rapport au cuivre) en milieu acide acétique afin de pouvoir stabiliser le cuivre (Tableau 38,
entrée 3). Malheureusement, le rendement obtenu dans ces conditions est de 1,5 % soit un
résultat moins bon qu’en absence de bipyridine (2,9 %).

141
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

Les résultats obtenus avec un catalyseur d’acétate de cuivre sont, en l’état, peu
intéressants du fait des quantités importantes de H2O2 utilisées et des faibles rendements
obtenus (7 % au mieux). La stabilité du cuivre semble être en cause et utiliser des conditions
similaires à celles développées par Adapa ne seraient pas intéressantes. En outre, l’utilisation
d’une température de 60 °C a permis d’obtenir un meilleur rendement qu’à 25 °C. Au vu des
résultats et des conditions nécessaires la catalyse au cuivre a donc été abandonnée.

2.2. Oxydation de l’acétanilide par l’eau oxygénée catalysée par d’autres métaux

En plus du cuivre, nous avons testé une variété de métaux susceptibles de catalyser
l’hydroxylation de l’AAN par l’eau oxygénée (Schéma 78).

Schéma 78 : essais de catalyseurs pour l’oxydation de l’acétanilide par H 2O2

Des catalyseurs d’oxyde de vanadium, d’oxyde de niobium sur silice et de ruthénium


sur alumine ont été testés à 25 °C en milieu acide acétique pour l’oxydation de l’AAN. Seul le
niobium sur silice à induit une transformation du substrat en APAP avec seulement 1 % de
rendement. Un fort dégagement gazeux attribué à l’oxygène ainsi qu’une exothermie ont été
visibles avec l’oxyde de vanadium et le ruthénium, sans transformation de l’AAN. La
formation d’oxygène suppose que ces catalyseurs dégradent H2O2, en formant probablement
des radicaux. La réaction avec le ruthénium a été testée avec moins de catalyseur afin d’avoir
une quantité de radical moins importante. Le dégagement d’oxygène a là aussi été visible
mais dans des proportions moins importantes. Aucun APAP n’a été observé après réaction.
Aucun des métaux n’a donc montré une activité intéressante pour la catalyse de
l’hydroxylation de l’AAN en APAP par H2O2 dans nos conditions.

142
Synthèse du paracétamol par oxydation de l’acétanilide Chap. 3

2.3. Oxydation de l’acétanilide par l’eau oxygénée catalysée par le fer

Les réactions d’hydroxylation de l’AAN en APAP par H2O2 catalysées par des métaux
nous ont amené à penser que le mécanisme serait de type radicalaire, comme proposé par
Adapa dans le cas de l’utilisation de cuivre.66 Afin d’aller plus loin, nous avons cherché quel
métal pourrait jouer un rôle similaire en réaction d’oxydation. Dans le domaine, la
dégradation de H2O2 en radicaux est connue sous le nom de réaction de Fenton et constitue un
système oxydant efficace (Schéma 79).155

Schéma 79 : dégradation du H2O2 en radicaux par les ions fers

Ces radicaux interviennent alors dans le cas de réactions d’oxydation de noyaux


aromatiques.155 De ce fait, notre réflexion a été de recourir à une catalyse au fer afin de
générer des radicaux dans le milieu qui pourraient alors attaquer l’AAN. Nous avons ainsi
réalisé des essais en ce sens, qui sont répertoriés dans le Tableau 39.
Le premier essai de catalyse par du sulfate de fer(II) en absence de ligand n’a pas
induit d’oxydation de l’AAN, malgré les 4 équivalents de H2O2 utilisés (Tableau 39, entrée 1).
En revanche, l’utilisation de 3 équivalents de bipyridine par atome de fer s’est révélée
bénéfique pour la réaction car l’AAN a pu être oxydé à hauteur de 11 % en APAP (Tableau
39, entrée 2). L’utilisation d’une quantité plus faible de fer (0,1 %) en présence de bipyridine
permet d’obtenir 1 % d’APAP à l’aide d’un équivalent d’oxydant (Tableau 39, entrée 3).
Comparé à l’utilisation de 1 ou de 10 % de FeSO4 en présence de 1 équivalent de H2O2, le
rendement de APAP est inférieur (3 %, Tableau 39, entrées 4 et 5). Enfin le résultat utilisant 1
équivalent d’oxydant avec 1 % de fer à 25 °C a été repris pour tester 3 variations de
conditions. D’une part une concentration en substrat plus forte a été entreprise (Tableau 39,
entrée 6), et a permis d’obtenir un rendement de 4 %. L’utilisation d’une température de 60
°C a été utilisée (Tableau 39, entrée 7) et a induit des rendements de 5 %. Enfin une addition
lente du réactif d’oxydation (Tableau 39, entrée 8) a permis d’augmenter le rendement en
APAP à 7 %.

155
Martire D. O., Caregnato P., Furlong J., Allegretti P., Gonzalez M. C., Int. J. Chem. Kinet., 2002, 34, 488-494

143
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

Tableau 39 : essais d’oxydation de l’acétanilide par H2O2 en présence de fer(II)a

Entrée Fer (mol%) Bipy (%mol) Eq. H2O2 Rdt. APAP (%)b
1 1 - 4 0
2 1 3 4 11
3 0,1 0,3 1 1
4 1 3 1 3
5 10 30 1 3
6 1 3 1 4c
7 1 3 1 5d
8 1 3 1 7e
a
Conditions : AAN (0,68 g), AcOH (5 ml), 30 % H2O2 (0,5-2 ml), 25 °C, 14 h
b
Déterminé par CLHP, avec le produit de départ majoritairement observé
c
Volume AcOH : 1 ml
d
Température : 60 °C
e
Addition du H2O2 en 2 h, et réaction laissée 2 h de plus

La méthode ainsi développée ne conduit qu’à de rendements faibles en APAP. En


outre, les conditions nécessitent l’utilisation d’un catalyseur de fer homogène et de ligands
non récupérables et qui peuvent induire une contamination du produit final. Ainsi nous avons
opté pour un changement de catalyseur. En partant toujours sur le même type de réactivité, à
savoir la formation de radicaux issus de la dégradation de H2O2, nous avons décidé d’utiliser
un oxyde de fer comme catalyseur, qui se révèle être un bon catalyseur de la dégradation de
H2O2 en radicaux.156 Ainsi la magnétite (Fe3O4) a été utilisée en tant que catalyseur dans le
cas de l’hydroxylation de l’AAN en APAP (Tableau 40). Les conditions ont été modifiées par
rapport à celles du Tableau 39 (addition de H2O2 lente, concentration plus élevée,
augmentation de la température, absence de ligand). En outre, lors de l’utilisation de ce
catalyseur, la quantité d’isomère ortho a également été mesurée par CLHP.

156
Lin S.-S., Gurol M. D., Environ. Sci. Technol., 1998, 32, 1417-1423

144
Synthèse du paracétamol par oxydation de l’acétanilide Chap. 3

Tableau 40 : essais d’oxydation de l’acétanilide par H2O2 en présence d’oxyde de fer (II,III)a

Fe3O4 Rdt. APAP Rdt. AOAP


Entrée Eq. H2O2
(%mol) (%)b (%)b
1 4 0,4 3 9
2 4 3 8 14
3 2 3 10 16
4 2 1 9 15
a
Conditions : AAN (3,4 g), Fe3O4 (100-231 mg) AcOH (1,5 ml), 30 % H2O2 additionnée en 10 h à l’aide
d’un pousse-seringue (1,6-7,5 ml), 80 °C, 14 h de réaction
b
Déterminées par CLHP

Engagé avec 0,4 équivalent de H2O2, l’AAN a pu être oxydé à hauteur de 3 % en


APAP et 9 % AOAP en présence de 4 %mol de magnétite (Tableau 39, entrée 1). L’utilisation
d’une quantité plus importe de H2O2 (3 équivalents) permet d’accéder à des rendements de 8
% en APAP et 14 % en AOAP (Tableau 39, entrée 2). L’utilisation d’une quantité moins
importante en catalyseur à 2 %mol induit de meilleurs rendements en APAP (10 %) et AOAP
(16 %) avec la même quantité d’oxydant (Tableau 39, entrée 3). Enfin, l’utilisation de 1
équivalent de H2O2 permet de mieux se rendre compte de la réelle utilisation de cet oxydant.
Ainsi avec une telle quantité, le rendement en APAP est de 9 % et celui de l’AOAP est de 15
% (Tableau 39, entrée 4). La quantité de H2O2 réellement utilisée pour hydroxyler l’AAN est
de 24 %, le reste est probablement dégradé en oxygène par le catalyseur ou induit une
oxydation différente des molécules présentes.

Il a été montré que le fer, aussi bien homogène qu’hétérogène, pouvait induire la
réaction d’hydroxylation de l’AAN en APAP avec H2O2 comme oxydant. L’utilisation de
sulfate de fer (II) requiert cependant l’utilisation de ligand bipyridine afin de pouvoir catalyser
la réaction. En revanche, avec du Fe3O4 aucun ligand n’est nécessaire et ce catalyseur est
récupérable. Avec ce solide, un rendement cumulé en APAP et AOAP de 24 % a ainsi été
obtenu avec 1 équivalent de H2O2. Le ratio para/ortho obtenu est ainsi de 38/62.

145
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

Conclusion

L’hydroxylation de l’AAN en APAP par H2O2 a en premier lieu été conduit avec un
catalyseur d’acétate de cuivre (II) homogène en milieu acide acétique. A 25 °C, des
rendements inférieurs à 5 % ont été obtenus en présence de 10 %mol de cuivre. Il a été montré
que les faibles rendements obtenus étaient dus à la faible stabilité du catalyseur dans nos
conditions. La présence d’espèce azotée comme l’acétonitrile a ainsi permis une légère
amélioration des rendements de paracétamol à 5 % avec 4 équivalents de H2O2 contre 3 %
sans acétonitrile. Enfin, un rendement meilleur à 7 % en APAP a été obtenu à 60 °C et ce sans
acétonitrile
L’étude s’est poursuivie avec l’exploration de nouveaux métaux et notamment par
l’utilisation de fer qui induit la formation de radicaux à partir de H2O2 par la réaction de
Fenton. Le sulfate de fer (II) (1 %mol) a ainsi été engagé en réaction en milieu acide acétique
mais nécessite l’utilisation de ligand bipyridine pour catalyser la réaction. Un rendement de 7
% a été obtenu en additionnant lentement 1 équivalent de H2O2. Les résultats les plus
encourageants ont cependant été obtenus non pas avec une catalyse homogène, mais avec
l’utilisation de Fe3O4. Ce solide a ainsi permis d’obtenir 9 % d’APAP avec en plus 15 %
d’AOAP (soit un ratio para / ortho de 38/62) avec 1 équivalent d’oxydant et ce sans ligand.

Cette ébauche d’étude nécessiterait un approfondissement et notamment en optant


pour l’utilisation de catalyseurs plus performants comme du fer supporté. L’utilisation de
support poreux permettrait probablement d’améliorer les sélectivités pour l’isomère para.
Enfin, l’acide acétique avait été pris comme solvant afin de pouvoir réaliser l’acétylation de
l’AN et l’hydroxylation de manière monotope. Cependant, une étude de solvant pourrait être
un plus.

146
Chapitre 4 : synthèse du paracétamol par substitution
nucléophile de l’hydroquinone

Introduction 151
I. Matériel et méthode 152
1. Réacteur et protocole 152
2. Méthode analytique 153
II. Optimisation de la réaction de substitution nucléophile 154
1. Réaction sans solvant 155
1.1. Influence de la température 155
1.2. Influence de la charge en acétate d’ammonium 156
2. Réaction en milieu acide acétique 158
2.1. Influence de la charge en acétate d’ammonium 158
2.2. Essais de catalyseurs 159
3. Influence de l’eau 160
III. Extension de la réaction de substitution nucléophile 162
1. Essais sur les motifs polyhydroxybenzène et naphtol 162
2. Essais sur le motif phénol et alcool 164
IV. Proposition de mécanisme 166
1. Détermination de l’agent d’amidation actif 166
2. Mécanisme envisagé pour la réaction d’amidation de l’hydroquinone 168
V. Etude de faisabilité d’un procédé à l’échelle du laboratoire 170
Conclusion 172
Chapitre 4 : synthèse du paracétamol par substitution
nucléophile de l’hydroquinone

Introduction

La synthèse du p-aminophénol (PAP) par réduction sélective du nitrobenzène n’a pas


permis de s’affranchir complètement de l’acide sulfurique qui représente la principale
limitation de cette réaction. Nous nous sommes donc tournés vers une autre voie.
L’expérience du laboratoire en termes de substitution nucléophile aromatique (SNAr)
nous a conduits à étudier la voie hydroquinone (HQ). Les travaux de Clément Cazorla ont par
exemple permis de réaliser l’O-alkylation de l’HQ (Schéma 80).157

Schéma 80 : O-alkylation de l’hydroquinone

La réaction est cependant difficile dans le cas des dihydroxybenzènes et plus efficace
dans le cas du phloroglucinol et des naphtols. Les alcools et les phénols ont été testés comme
nucléophiles mais également l’aniline. Enfin l’acétamide a également été engagé avec l’HQ,
mais n’a pas conduit à la formation de paracétamol (APAP).
En dehors du laboratoire, les synthèses du PAP60 et de l’APAP61 ont fait l’objet de
dépôt de brevet dans des conditions similaires : haute température et catalyse acide dans le cas
de l’APAP (Schéma 81).
La synthèse de l’APAP par SNAr requiert des températures particulièrement élevées de
l’ordre de 300 °C, du fait de la faible nucléophilie de l’acétamide utilisé. En revanche,
l’amination de l’HQ avec un mélange d’ammoniaque et d’ammonium (phosphate ou arsenate)
nécessite des températures plus basses, 200 °C « seulement ».

157
(a) Cazorla C., Pfordt É., Duclos M.-C. Métay E., Lemaire M., Green Chem., 2011, 13, 2482-2488 ; (b)
Cazorla C., « Etude de la réactivité polyvalente des composés borés : de la fluoration électrophile à la synthèse
d’amides par substitution nucléophile oxydante; O-alkylation de dérivés phénoliques par substitution nucléophile
: vers la mise au point d’un système éco-compatible. », thèse de l’Université Lyon 1, 2011

151
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

Schéma 81 : amination et amidation de l'hydroquinone

L’amidation de l’HQ présente un certain intérêt pour la synthèse de l’APAP du fait de


l’absence de sels formés au cours de réaction. Cependant cette réaction est, en l’état, peu
intéressante du fait de la présence de catalyseurs métalliques, qui pose des problèmes de
contamination du produit final, et des températures particulièrement hautes. De ce point de
vue, l’amination semble être plus intéressante mais induit alors la synthèse du PAP et non de
l’APAP. Partant de ces deux conditions, nous avons proposé l’utilisation d’acétate
d’ammonium comme réactif. L’idée est ainsi de réaliser la réaction d’amination en présence
d’un sel d’ammonium dont le contre ion peut également servir d’agent acétylant (Schéma 82).

Schéma 82 : amidation de l’hydroquinone par l’acétate d’ammonium

I. Matériel et méthode

1. Réacteur et protocole

Les réactions d’amidation ont été effectuées à des températures particulièrement


élevées (jusqu’à 240 °C) et ont nécessité par conséquent l’utilisation de réacteur résistant à la
pression autogène. Ainsi un autoclave en acier d’une capacité de 30 ml, muni d’une cuve en
verre a été utilisé avec une agitation magnétique. Le chauffage de la réaction a été assuré en
posant l’autoclave au fond d’un bain de graphite et recouvert d’un film d’aluminium. Enfin,

152
Synthèse du paracétamol par substitution nucléophile de l’hydroquinone Chap. 4

pour atteindre des températures plus élevées, il fut nécessaire de couper la hotte aspirante. Le
contrôle de la température a été fait directement dans le milieu par une sonde. Des
températures de 230-240 °C peuvent être atteintes. La pression autogène dans le réacteur
dépasse ainsi les 10 bar suivant les conditions utilisées et plus particulièrement en cas de
présence d’eau.
Enfin, le réacteur Parr instrument d’une capacité de 300 ml, décrit dans le Chapitre 2,
Sous-section III.4, a été utilisé pour tester la réaction sur une échelle plus grande. Une
température de 230 °C a ainsi été employée.

2. Méthode analytique

La méthode analytique utilisée dans le cas de l’hydrogénation du nitrobenzène en PAP


a été reprise (Chapitre 2, sous-section III.4). Cette méthode permettant de séparer tous type de
composés, elle a été particulièrement intéressante dans le cas présent et a été réutilisée pour
l’analyse d’amidation de l’HQ en APAP (Figure 18).
La méthode CLHP a cependant dû être adaptée aux composés en présence. L’HQ a par
exemple montré une absorption moyenne sous détection à 254 nm alors que l’APAP lui
absorbe beaucoup plus (Figure 18).

Figure 18 : étalon CLHP de l’hydroquinone (à Figure 19 : étalon CLHP de l’acétamide


gauche) et du paracétamol quatre fois moins (à gauche) et de l’acide acétique et ion
concentré (à droite) à 254 nm acétate (à droite) à 210 nm

153
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

Un programme de longueurs d’ondes a donc été utilisé afin de permettre une analyse
de réaction en une seule injection. Ainsi la longueur est changée après 6,5 min à 290 nm,
correspondant au maximum d’absorption de l’HQ. Enfin, l’acétate l’ammonium (AcONH4)
est en équilibre avec l’acétamide à haute température (Schéma 88). Ainsi, ces deux composés
ont été étalonnés par CLHP à 210 nm (Figure 19).
L’étalonnage de ces composés permet ensuite d’évaluer les conversions et sélectivités
de la réaction suivant le mode de calcul présenté sur l’Équation 1.

Équation 1 : calculs de la conversion et de la sélectivité dans le cas l’amidation de l’hydroquinone

II. Optimisation de la réaction de substitution nucléophile

Afin d’éprouver notre approche, l’HQ a été mise en réaction en présence de 3,3
équivalents d’AcONH4, sans solvant,158 et portée à une température de 180 °C durant 15 h.

Figure 20 : chromatogramme CLHP de l’amidation de l’hydroquinone (détection à 254 nm)

158
L’acétate d’ammonium possède un point de fusion de 114 °C et sert donc de solvant-réactif à 180 °C

154
Synthèse du paracétamol par substitution nucléophile de l’hydroquinone Chap. 4

Dans ces conditions, la réaction a induit une bonne conversion (58 %) et le PAP formé
a été acétylé à hauteur de 87 % (Figure 20). La réaction a été étudiée sur cette base.

1. Réaction sans solvant

1.1. Influence de la température

La température joue un rôle important dans la réaction car cette dernière nécessite une
énergie d’activation importante. Il est donc important d’évaluer son influence sur la
conversion mais également la sélectivité car une hausse des températures pourrait engendrer
la formation de sous-produits (Tableau 17).

Tableau 41 : influence de la température sur l’amidation de l’hydroquinone

Sélec. PAP + Ratio APAP /


Entrée Temp. (°C) Conv. HQ (%)
APAP (%) PAP
1 180 48 >95 85/15
2 200 65 >95 85/15
3 220 98 >95 79/21

Chauffé à 180 °C, l’HQ a été engagée avec 10 équivalents d’AcONH4. Une
conversion de 48 % avec une très bonne sélectivité >95 % a ainsi été obtenue (Tableau 17,
entrée 1). De plus, l’acétylation du PAP est relativement bonne puisqu’elle atteint 85 %. A
200 °C, la conversion atteint 65 % (Tableau 17, entrée 2) et 98 % à 220 °C (Tableau 17,
entrée 3), avec une acétylation de 79 à 85 %. La température influe donc sur la conversion de
l’HQ, qui est quasiment complète à 220 °C, sans affecter sa sélectivité ni le taux
d’acétylation.

155
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

1.2. Influence de la charge en acétate d’ammonium

La réaction en l’état est peu intéressante pour en faire un procédé. En effet, la quantité
d’AcONH4 utilisée est relativement importante. C’est pourquoi nous avons cherché à
diminuer le nombre d’équivalents d’ammonium (Tableau 42).

Tableau 42 : influence du nombre d’équivalents en ammonium sur l’amidation de l’hydroquinone

Equiv. Sélec. PAP + Ratio


Entrée Conv. HQ (%)
AcONH4 APAP (%) APAP/PAP
1 10 48 >95 85/15
2 3,3 58 94 87/9
3 1 63 68 91/9
4 10* 98 >95 79/21
5 1* 98 42 83/17
* Réaction à 220 °C

Avec 10 équivalents d’AcONH4 à 180 °C, les sélectivités sont supérieures à 95 %


(Tableau 42, entrée 1). En revanche, diminuer la proportion d’ammonium a un effet négatif
sur cette sélectivité puisqu’elle n’est alors plus que de 94 % lorsqu’on utilise 3,3 équivalents
d’agents d’amidation (Tableau 42, entrée 2) et chute à 68 % avec 1 équivalent (Tableau 42,
entrée 3). Cet effet est encore plus visible à plus haute température puisque dans ce cas, à
conversion presque complète, la sélectivité est >95 % avec 10 équivalents d’AcONH4
(Tableau 42, entrée 4) chute à 42 % avec 1 équivalent (Tableau 42, entrée 5). En outre les
taux d’acétylation ne varient que peu puisqu’ils sont compris entre 79 et 91 % pour tous les
essais effectués.
Au cours de la réaction de nombreux sous produits se forment et sont visibles sur le
bruit de fond des chromatogrammes en CLHP. Avec 10 équivalents d’AcONH4, ces sous-
produits sont peu visibles (Figure 21, à gauche). En revanche, lorsque des proportions égales
en réactifs sont utilisées, ces sous-produits dépassent fortement du bruit de fond du spectre
CLHP (Figure 21, à droite).

156
Synthèse du paracétamol par substitution nucléophile de l’hydroquinone Chap. 4

APAP Æ APAP Æ

Figure 21 : chromatogrammes CLHP de bruts après réaction à 220 °C, avec un ratio 10/1 (à gauche) et 1/1
(à droite) d’acétate d’ammonium / hydroquinone

Une analyse par chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse a


montré que ces impuretés étaient des dérivés de diarylamides (Schéma 83). Ces dernières
peuvent être obtenues par réaction d’un PAP ou de l’APAP avec l’HQ, un PAP ou l’APAP.
De nombreuses possibilités existent alors auxquelles il faut rajouter la possibilité de faire
réagir les diarylamides avec d’autres phénols donnant ainsi des triarylamines.

Schéma 83 : diarylamides observées par CL-SM

Ces réactions parasites apparaissent donc qu’en présence de faible excès en AcONH4
ou, dit autrement, lorsque l’HQ est concentrée. Dans ces conditions, les produits formés au
cours de la réaction entrent en compétition avec l’ammonium pour attaquer l’HQ. Ainsi il est
important de diluer les produits formés pour éviter qu’ils réagissent entre eux ou sur le produit
de départ.

Les conditions ici développées permettent d’accéder à une conversion quasi-totale en


HQ et une sélectivité en APAP + PAP >95 % par l’utilisation de 10 équivalents d’AcONH4 à
haute température (220 °C). De plus, le substrat possède deux hydroxyles qui sont tous deux
substituables mais la réaction est sélective que pour la monoamidation. Cependant, cette

157
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

méthode présente en l’état deux limitations : d’une part l’utilisation d’un grand excès en agent
d’amidation ; et d’autre part, l’acétylation du PAP qui, bien qu’élevée, n’est pas complète.

2. Réaction en milieu acide acétique

La réaction d’amidation de l’HQ en présence d’acétate d’ammonium a été rendue plus


sélective en diluant le milieu. De plus, l’acétylation du PAP est incomplète et pourrait être
améliorée par l’utilisation d’acide acétique. Ce dernier a donc été utilisé comme solvant de
réaction en présence d’un excès moins important en réactif afin de résoudre les deux
limitations des conditions développées.

2.1. Influence de la charge en acétate d’ammonium

La réaction d’amidation de l’HQ a été testée en présence de 5 équivalents d’acide


acétique, servant de solvant mais aussi sûrement d’agent acétylant, et de 1,2 à 10 équivalents
d’acétate d’ammonium (Tableau 43).

Tableau 43 : influence de l’excès en acétate d’ammonium lors de l’amidation en milieu acide


acétique

Equiv. Sélec. PAP + Ratio


Entrée Conv. HQ (%)
AcONH4 APAP (%) APAP/PAP
1 1,2 76 >95 100/0
2 2 85 >95 100/0
3 10 96 >95 100/0
4 2* 32 >95 99/1
* Réaction en présence de 1 éq. d’acide acétique à 180 °C

L’acide acétique à hauteur de 5 équivalents provoque l’acétylation totale du PAP


formé au cours de la réaction avec une sélectivité supérieure à 95 % (Tableau 43, entrées 1-3).
Le nombre d’équivalents en ammonium a une influence sur la conversion de réaction

158
Synthèse du paracétamol par substitution nucléophile de l’hydroquinone Chap. 4

puisqu’en présence d’un fort excès elle est de 96 % (Tableau 43, entrée 3) alors qu’avec de
légers excès la conversion atteint 76 à 85 % (Tableau 43, entrées 1 et 2). Cela pourrait
s’expliquer par la dilution de l’agent d’amidation dans ce dernier cas qui limite la vitesse de
réaction. L’utilisation de moins d’AcONH4 a une deuxième conséquence puisqu’elle engendre
une formation supérieure de diarylamines visibles en CLHP. Cependant, la proportion de ces
composés ne dépasse pas les 5 %.
Enfin, un essai de réaction en présence d’une quantité plus faible d’acide acétique a été
conduit. En présence d’un seul équivalent de solvant à 180 °C, une acétylation de 99 % a été
obtenue avec une sélectivité >95 % (Tableau 43, entrée 4).

La réaction d’amidation de l’HQ a été considérablement améliorée par l’utilisation


d’acide acétique. Dans ces conditions, non seulement une quantité plus faible d’acétate
d’ammonium peut être utilisée, mais en plus une acétylation totale est également obtenue.
L’utilisation de 2 équivalents d’AcONH4 et de 5 équivalents d’acide acétique a été retenue
comme meilleur compromis entre de bonnes conversions et de faibles excès en réactifs.

2.2. Essais de catalyseurs

Afin de réduire les températures de travail particulièrement élevées, nous avons


cherché à catalyser la réaction. Notre expérience sur la réactivité des phénols157 montre que la
présence d’acide pourrait catalyser la réaction. De plus, nous avons fait le choix d’utiliser
uniquement des acides solides afin que cette catalyse puisse être potentiellement utilisée en
procédé. Dans ces conditions, l’utilisation de triflate de cérium ou de trifluorure de bore,
utilisés avec succès lors des travaux de Clément Cazorla, auraient l’inconvénient de
contaminer le produit final. De plus, la présence d’ion acétate dans le milieu neutraliserait des
acides de Brønsted empêchant alors leurs utilisations. Ces restrictions induisent qu’une
gamme assez limitée de solides peut être utilisée. Parmi eux, seuls deux ont été testés
(Tableau 44).
A 180 °C, une conversion de 21 % est obtenue en absence de catalyseur (Tableau 44,
entrée 1). En présence d’alumine acide ou de niobium supporté sur silice des conversions
similaires ont été obtenues puisque 24 % et 20 % sont respectivement obtenues (Tableau 44,
entrées 2 et 3). Le seul fait notable est la formation d’un produit secondaire qui correspondrait
à de la quinone détectée par CLHP, lors de l’utilisation d’oxyde de niobium. La présence de
ce produit peut s’expliquer par les propriétés oxydantes de ce dernier.

159
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

Tableau 44 : essais de catalyseurs acide hétérogènes introduis en réaction

Entrée Catalyseur (1 g) Conv. HQ (%)


1 - 21
2 Al2O3 (acide) 24
3 NbOx/SiO2 20*
* Présence de quinone en fin de réaction

Deux catalyseurs acides hétérogènes ont ainsi été testés. Aucune amélioration
significative n’a cependant été observée en leur présence. Au vu de ces résultats, aucun autre
solide n’a été testé. La littérature montre que d’autres catalyses sont éventuellement possibles
comme le recours à des métaux nobles qui induisent l’amination par l’ammoniac du phénol en
aniline en présence de cyclohexanol.159 Ces catalyseurs permettent de diminuer de plus de 100
°C les températures de travail car l’amination du phénol nécessite des températures de 380 °C
en présence d’oxyde métallique,59 alors que dans le cas présent elle est de seulement 250 °C.
Cependant cette réaction induit la formation de sous-produits comme des amines secondaires,
en quantités non négligeables. Les métaux nobles n’ont donc pas été testés.

3. Influence de l’eau

Lors de l’amidation de l’HQ en APAP, une acétylation totale du PAP a pu être


obtenue par l’utilisation de l’acide acétique. Cependant, la présence d’eau est une
problématique importante pour cette réaction puisque qu’elle peut induire une désacétylation.
Dans l’optique d’utiliser cette transformation dans un procédé, il est nécessaire de savoir si la
réaction d’amidation peut résister à la présence d’eau, qui serait apportée par l’acide acétique
ou l’acétate d’ammonium qui sont des composés hygroscopiques.

Tableau 45 : influence de l’eau sur la réaction d’amidation de l’hydroquinone

159
Hamada H., Yamamoto M., Kuwahara Y., Matsuzaki T., Wakabayashi K., Bull. Chem. Soc. Jpn., 1985, 58,
1551-1555

160
Synthèse du paracétamol par substitution nucléophile de l’hydroquinone Chap. 4

Ratio
Entrée AcONH4 (éq.) AcOH (éq.) H2O (éq.) Conv. (%) Sélec. (%)
APAP/PAP
1 10 - - 98 >95 79/21
2 10 - 10 98 >95 79/21
3 2 5 - 85 >95 100/0
4 2 1 4 97 86 96/4

L’influence de l’eau a été testée d’une part en présence de 10 équivalents d’AcONH4


sans acide acétique (Tableau 45, entrées 1 et 2); et d’autre part en présence de 2 équivalents
d’agent d’amidation et en présence d’acide acétique (Tableau 45, entrées 3 et 4). Sans acide
acétique et sans eau, la réaction induit 98 % de conversion pour 79% d’acétylation (Tableau
45, entrée 1). Les mêmes conversions et sélectivités ont été obtenues avec 10 équivalents
d’eau introduits en réaction (Tableau 45, entrée 2).
En présence d’acide acétique et de 2 équivalents d’AcONH4, une conversion 85 % est
obtenue avec une acétylation totale (Tableau 45, entrée 3). En revanche avec 4 équivalents
d’eau pour 1 d’acide acétique, la conversion s’améliore, du fait de la hausse de la
concentration de la réaction, mais l’acétylation à 96 % devient incomplète et la sélectivité,
habituellement >95 %, baisse à 86 % (Tableau 45, entrée 4). En présence de peu d’ammonium
et lorsqu’une certaine proportion de PAP apparait, il y a donc formation de diarylamines
constatées. L’acide acétique aurait un rôle important puisqu’il induirait une acétylation totale
mais de ce fait réduirait la nucléophilie des arylamines présentes dans le milieu et donc réduit
le risque de formation de produits lourds.

Les conditions opératoires développées montrent une très bonne résistance à la


présence d’eau lors de l’utilisation d’un excès d’ammonium sans acide acétique. En revanche,
la présence importante d’eau lors de l’utilisation d’un faible excès en agent d’amidation et en
présence d’acide acétique induit une acétylation incomplète et de moins bonnes sélectivités.
La quantité d’eau dans ces conditions doit donc être limitée

161
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

III. Extension de la réaction de substitution nucléophile

Nos travaux sur la réaction d’amidation ont montré une très bonne réactivité vis-à-vis
de l’HQ permettant ainsi une formation efficace de l’APAP cible. Afin de valoriser la
méthode et de mieux comprendre la réaction, des essais sur d’autres substrats ont été menés.

1. Essais sur les motifs polyhydroxybenzène et naphtol

Deux classes de molécule présentant des réactivités similaires ont d’abord été testées :
les poly (di et tri) hydroxybenzènes, et les naphtols (Tableau 46).

Tableau 46 : essais d’amidation sur les polyhydroxybenzènes et sur les naphtols en milieu acide
acétique

Entrée Réactif Produit Conv. RMN 1H Rdt. isolé (%)

1 10 9

2 70 50

3 __ 100 01

4 42 36

5 722 56

1
Formation d’un produit insoluble
2
Formation importante de dinaphtylamine

162
Synthèse du paracétamol par substitution nucléophile de l’hydroquinone Chap. 4

Ainsi le catéchol a été transformé en o-acétamidophénol à l’aide de 2 équivalents


d’acétate d’ammonium et de 5 équivalents d’acide acétique à 220 °C (Tableau 46, entrée 1).
Le rendement obtenu avec ce substrat est cependant très inférieur à celui obtenu avec l’HQ
puisque seul 9 % ont pu être isolés. En revanche, le résorcinol a lui donné 50 % de rendement
pour 70 % de conversion (Tableau 46, entrée 2), ce qui se rapproche des résultats obtenus
pour la synthèse du paracétamol (85 % de conversion). Le phloroglucinol a lui induit une
conversion totale mais aucun produit n’a pu être identifié car un solide insoluble noir est
obtenu avec ce composé (Tableau 46, entrée 3). La réaction a été reproduite à plus basse
température mais dès 100 °C le même solide insoluble est obtenu après 2 h de réaction. Nous
avons donc supposé que ce produit est issu d’une polymérisation des arylamines formées au
cours de la réaction. Cette réaction montre une réactivité nettement supérieure du
phloroglucinol comparé aux dihydroxybenzènes. La meilleure réactivité du phloroglucinol
face à l’attaque de dérivé azoté a été montrée par Dodge lors de l’attaque de 3 oximes sur le
substrat à température ambiant.160
De plus, les 1- et 2- naphtols ont également conduits à la formation d’arylamides. Ils
ont ainsi conduit à respectivement 36 % (Tableau 46, entrée 4) et 56 % (Tableau 46, entrée 5)
de rendement. Dans le cas du 2-naphtol, une proportion conséquente de dinaphtylamine a été
constatée. Des dihydroxynaphtalènes ont également été engagés en réaction mais ils
conduisent à des mélanges de composés difficilement séparables.

Les dihydroxybenzènes ont conduit exclusivement à de la mono-amidation. Afin de


rendre la réaction plus intéressante, nous avons cherché à forcer les conditions pour induire de
la diamidation. Un essai sur l’hydroquinone a été mené en ce sens, en présence de 4
équivalents d’acétate d’ammonium et de 5 d’acide acétique pour 62 h de réaction (Schéma
84).

Schéma 84 : essai de diamidation de l’hydroquinone

160
Bottaro J. C., Malhotra R., Dodge A., Synthesis, 2004, 499-500

163
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

L’HQ a ainsi été converti à hauteur de 97 %. Cependant, seul 1 % de 1,4-


diacétamidobenzène a été obtenu le reste étant de l’APAP. La réaction sur l’APAP produit
n’est donc pas efficace malgré la quantité importante d’agent d’amidation et le temps de
réaction long. Des températures supérieures permettraient probablement de réaliser la double
attaque sur l’hydroquinone.

La réaction d’amidation de l’HQ développée au laboratoire a ainsi été étendue à


d’autres dihydroxybenzènes et aux naphtols. Des rendements isolés allant de 9 à 56 % ont été
obtenus à 220 °C pendant 15 h. Ces résultats, obtenus dans des conditions optimisées pour
l’HQ, pourrait être améliorés en adaptant les conditions. De plus, le phloroglucinol a montré
une réactivité bien plus importante puisque dès 100 °C, ce dernier conduit à la formation d’un
solide insoluble qui a été attribué à des polyarylamides. Enfin, la réaction d’amidation sur
l’HQ a été conduite en présence d’un excès d’AcONH4 et avec un temps de réaction plus long
afin de substituer les deux hydroxyles, mais seul le monoamide est essentiellement obtenu.

2. Essais sur le motif phénol et alcool

La réaction d’amidation par AcONH4 induit des conversions intéressantes sur les
polyhydroxybenzènes et les naphtols. Nous avons également essayé la réaction sur des
monohydroxybenzènes (Schéma 85). Cependant, aucune conversion n’a été observée aussi
bien avec des groupements électro-attracteurs (nitro- et chloro- phénol) qu’avec des
groupements électro-donneurs (2,6-diméthylphénol) ou sans groupement (phénol)

Schéma 85 : monohydroxybenzènes inactifs testés en conditions d’amidation

Ainsi les monohydroxybenzènes ne réagissent pas avec AcONH4 dans nos conditions.
En dernière expérience, la réaction d’amidation a été testée sur le p-hydroxyanisole, dont les
effets électroniques sont proches de ceux de l’HQ.

164
Synthèse du paracétamol par substitution nucléophile de l’hydroquinone Chap. 4

Schéma 86 : essais d’amidation sur le p-hydroxyanisole

Chauffé à 220 °C en milieu acide acétique, le p-hydroxyanisole a montré une légère


conversion. Ce substrat a alors été engagé dans des conditions plus dures, à 240 °C en
présence de 10 équivalents d’acétate d’ammonium (Schéma 86). Le p-hydroxyanisole a ainsi
montré une conversion de 42 %, mais le produit obtenu n’a pas été le p-acétamidoanisole
mais l’APAP et le PAP (13 et 28 % respectivement). De plus de l’HQ, issu de la
déméthylation du substrat, a été également observé. Ainsi l’HQ, possédant une très bonne
réactivité dans nos conditions, serait la véritable espèce active menant à l’APAP et au PAP
obtenus.
La réaction est possible sur des alcools aromatiques. Afin de pouvoir étendre la
réaction, un essai sur un alcool aliphatique a été entrepris (Schéma 87). Ainsi l’octanol a été
engagé, mais aucun amine ou amide n’a pu être observé. Seul l’ester issu de la réaction entre
l’acide acétique et l’octanol a été détecté en plus du produit de départ.

Schéma 87 : essais d’amidation sur l’octanol

La réaction d’amidation a été entreprise sur une variété de monohydroxybenzènes. Ces


derniers se sont montrés non-réactifs dans nos conditions, et ce quels que soit les groupements
présents sur l’aromatique. Seul l’hydroxyanisole a montré une conversion, mais le produit
d’amidation obtenu est issu de la déméthylation du produit de départ, montrant que les
dihydroxybenzènes sont plus réactifs que les monohydroxybenzènes. Enfin, un alcool
aliphatique, l’octanol, a été engagé dans les conditions d’amidation mais n’a pas conduit à de

165
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

la substitution nucléophile. Ces essais, en plus de ceux sur les polyhydroxybenzènes et


naphtols (Sous-section III.1), vont servir de base pour proposer un mécanisme réactionnel.

IV. Proposition de mécanisme

Une proposition de mécanisme a été orientée sur deux points qui peuvent être
dissociés : d’une part sur la détermination de l’intermédiaire au niveau du nucléophile azoté ;
et d’autre part au niveau de l’intermédiaire du phénol. Ces deux points seront abordés et
concernant l’espèce active sur phénol, l’étude sera principalement orientée sur la réactivité de
l’HQ.

1. Détermination de l’agent d’amidation actif

Du fait qu’il soit sous forme de sel, l’AcONH4 ne présente pas ou peu de nucléophilie
au niveau de l’azote (Schéma 88, (1)). AcONH4 est cependant en équilibre avec l’acétamide
lorsqu’il est placé à haute température (Schéma 88, (3)).161 A 220 °C, cet équilibre est atteint
en moins d’une heure et induit des ratios acétamide / AcONH4 d’environ 4/1. Noyes et al. ont
suggéré que cet équilibre est rendu possible par la dissociation de AcONH4 en ammoniac et
acide acétique (Schéma 88, (2)).

Schéma 88 : équilibres de l’acétate d’ammonium

Ainsi deux espèces peuvent attaquer l’HQ : l’ammoniac et l’acétamide. Cet équilibre
est possible avec la formation d’acétamide à chaud ; cependant en absence d’eau, l’acétamide
ne peut donner d’AcONH4. Il est donc possible d’étudier la nucléophile de l’acétamide
séparément. Ainsi des essais en présence de ce dernier ont été effectués (Tableau 47).

161
Noyes W. A., Goelber W. F., J. Am. Chem. Soc., 1922, 44, 2286-2295

166
Synthèse du paracétamol par substitution nucléophile de l’hydroquinone Chap. 4

Tableau 47 : amidation de l’hydroquinone avec l’acétamide

Conv. HQ Sélec. PAP +


Entrée Agent d’amidation* AcOH (éq.)
(%) APAP (%)
1 AcNH2 (10 éq.) 0 27 84
2 AcONH4 (10 éq.) 0 98 >95
3 AcONH4 (2 éq.) 5 85 >95
4 AcNH2 (2 éq.) 5 56 >95
AcONH4/AcNH2 /
5 5 82 >95
H2O (1/1/1 éq.)
* Conditions : réaction à 220 °C durant 15 h

L’acétamide en absence d’acide acétique permet l’amidation de l’HQ mais celle-ci est
considérablement ralentit puisque seule une conversion de 27 % est obtenue (Tableau 47,
entrée 1) alors que dans les mêmes conditions AcONH4 induit 98 % de conversion (Tableau
47, entrée 2). De plus, les sélectivités obtenues sont moins bonnes qu’avec AcONH4 (84 %
contre >95 %). L’acétamide engagé avec l’acide acétique induit 56 % de conversion (Tableau
47, entrée 3) contre 85 % avec son analogue hydraté (Tableau 47, entrée 4). Enfin, il est
possible de s’assurer que l’équilibre amide / sel d’ammonium est présent dans nos conditions
puisque, lorsque ces deux composés et de l’eau sont engagés en réaction, une conversion
similaire est obtenue par rapport à la réaction avec AcONH4 seul (Tableau 47, entrée 5).

Il a été montré que l’acétamide n’est pas un agent d’amidation efficace car il induit,
dans les mêmes conditions, des conversions bien inférieures à AcONH4. Les travaux de
Gopinathan61 confirment ce résultat car, dans leurs conditions, des températures de 280-300
°C sont nécessaire pour faire réagir ce réactif sur l’HQ, là où nous utilisons 220 °C avec
AcONH4. Ainsi l’ammoniac, intermédiaire formé lors de l’équilibre acétamide-AcONH4,
semble être l’espèce nucléophile réagissant dans nos conditions. De plus, nos travaux
montrent qu’il est possible d’utiliser de manière indifférente AcONH4 ou le mélange
ammonium / acétamide / H2O, du fait de l’équilibre existant entre ces espèces à hautes
températures.

167
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

2. Mécanisme envisagé pour la réaction d’amidation de l’hydroquinone

Dans nos conditions (température 220 °C), les phénols présente une réactivité
particulière puisque, quels ques soient les groupements présents sur l’aromatique, aucune
conversion n’a été observée avec les monohydroxybenzènes. En revanche, les
dihydroxybenzènes eux sont réactifs à 220 °C tandis que le phloroglucinol lui est converti dès
100 °C. Au vu de ces résultats, nous proposons que l’intermédiaire est la forme cétone du
phénol. Un tel intermédiaire est cohérent avec nos résultats car il n’est pas ou peu affecté par
la présence de groupements sur l’aromatique. La présence d’une cétone serait issue de
l’équilibre céto-énolique de l’HQ (Schéma 89).

Schéma 89 : équilibre céto-énolique de l’hydroquinone

La forme cétone est généralement favorable dans le cas d’un équilibre céto-
énolique.162 Cependant, dans le cas d’un phénol, cet équilibre est très en faveur de la forme
énol du fait de l’aromaticité du cycle benzénique.162 Nous proposons ainsi que la forme cétone
est favorisée par la protonation de l’aromatique par l’acide acétique. De plus, dans le cas des
monohydroxybenzènes, la forme cétone est moins favorisée que dans le cas de
dihydroxybenzènes du fait de la formation d’une forme dicétone dans ce dernier cas. Nous
avons ainsi estimé les constantes d’équilibres entre les formes cétones et les formes énols du
phénol et des polyhydroxybenzènes (Tableau 48). La méthode utilisée pour le calcul est
décrite en Annexe 1.

162
L’énergie de stabilisation de la forme cétone de la cyclohexanone, comparée à sa forme énol, est estimée à 36
kJ/mol (voir Keeffe J. R., Kresge A. J., Schepp N. P., J. Am. Chem. Soc., 1990, 112, 4862-4868) ; tandis que
l’énergie d’aromaticité est estimée à 152 kJ/mol pour le benzène (voir Katrizky A. R., Jug K., Oniciu D. C.,
Chem. Rev., 2001, 101, 1421-1449)

168
Synthèse du paracétamol par substitution nucléophile de l’hydroquinone Chap. 4

Tableau 48 : mise en parallèle des constantes de l’équilibre céto-énolique (pour la formation de


cétone) avec les résultats obtenus pour la réaction d’amidation et les résultats de la littérature
concernant la réaction d’amination de phénols par l’ammoniac

Conv. Temp.
Keq (équilibre Rdt. mono Réf.
Entrée Phénol considéré amidation à amination
céto-énolique) amination (%) amination
220 °C (%) (°C)

1 10-16 0 99 380 59

2 10-14 10 20 200 60

3 10-12 70 70 200 60

4 10-9 85 60 200 60

100
5 10-8 69 TA 163
(100 °C)

La constante de l’équilibre céto-énolique dans le cas du phénol a été estimée à 10-16


(Tableau 48, entrée 1). Ce composé n’a cependant pas été converti dans nos conditions à 220
°C tandis qu’en condition d’amination par l’ammoniac, il est transformé en aniline à hauteur
de 99 % à une température de 380 °C.59 Les constantes d’équilibre dans le cas des
dihydroxybenzènes ont elles été estimées respectivement à 10-14, 10-12 et 10-9 pour l’ortho-,
méta- et para- dihydroxybenzène (Tableau 48, entrées 2-4). La réaction d’amidation à 220 °C
a induit des conversions allant de 10 à 85 % tandis que la réaction d’amination, opérant à 200
°C avec ces substrats, induit des rendements de 20 à 70 %.60 Enfin, le 1,3,5-
trihydroxybenzène, dont la constant d’équilibre céto-énolique est estimée à 10-8, induit une
conversion dans nos conditions dès 100 °C et est réactif face à l’ammoniac à température
ambiante163 (Tableau 48, entrée 5).
Ce comparatif montre que la présence de deux ou trois hydroxyles sur un phénol
permet d’améliorer la réactivité de ce substrat face à l’attaque de dérivés azotés. Ce constat
est corrélé avec les constantes d’équilibres céto-énoliques estimées. Des travaux similaires

163
Yamanaka M., Higashi D., brevet Européen, EP 2.684.868, 2014, pour Nissan Chemical Ind.

169
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

avaient fait l’objet d’une publication par Thomson, qui a décrit l’équilibre céto-énolique dans
le cas de mono- et poly- hydroxybenzènes.164

L’estimation de la constante d’équilibre céto-énolique dans le cas des phénols permet


d’avoir une approche qui va dans le même sens que leurs réactivités face la SNAr. Une étude
théorique permettrait une description quantitative précise mais notre méthode permet déjà
d’avoir une interprétation qualitative.

V. Etude de faisabilité d’un procédé à l’échelle du laboratoire

Nous avons montré que l’HQ pouvait être transformée efficacement en APAP par
réaction avec AcONH4. D’un point de vue pratique, les conditions sont relativement simples :
deux réactifs dont l’un éventuellement en excès et 5 équivalents de solvant. La principale
problématique de la récupération de l’APAP va être la séparation de l’HQ non réagi avec
l’excès en AcONH4 et l’acétamide (issu de la déshydratation de AcONH4).
Il a été rapporté dans la littérature que l’acétamide et AcONH4 sont quasiment solubles
en toutes proportions dans l’eau, l’HQ a une solubilité dans l’eau de 94 g/l.165 En revanche, le
paracétamol possède une solubilité moyenne dans l’eau, à 17 g/l à 30 °C, et une solubilité plus
forte, à 87 g/l, dans l’acide acétique.166 Une extraction est difficilement envisageable dans la
mesure où l’APAP est peu soluble dans les solvants non-miscibles à l’eau.166 Il est cependant
possible de faire précipiter l’APAP en évaporant l’acide acétique. Il est ensuite possible de
récupérer l’excès en réactif (HQ et agent d’amidation) par lavage à l’eau. Une telle procédure
a ainsi été expérimentée pour la synthèse de l’APAP (Schéma 90).

164
Thomson R. H., Q. Chem. Rev. Soc., 1956, 10, 27-43
165
Li X., Yin Q., Chen W., Wang J., J. Chem. Eng. Data, 2006, 51, 127-129
166
Granberg R. A., Rasmuson Å. C., J. Chem. Eng. Data, 1999, 44, 1391-1395

170
Synthèse du paracétamol par substitution nucléophile de l’hydroquinone Chap. 4

Schéma 90 : essai de récupération du paracétamol et de l’acide acétique lors de l’amidation de


l’hydroquinone

44 g d’HQ ont été engagés en présence de 2 équivalents d’AcONH4 et de 5 d’acide


acétique, à 230 °C pendant 15 heures. Après réaction, l’acide acétique a été distillé avec un
taux de récupération de 85 % par rapport au solvant engagé. Le produit a alors précipité et a
été filtré et lavé à l’eau donnant ainsi 53 g d’APAP, soit un rendement de 88 %, avec une
grande pureté de 99 % avec juste 1 % d’HQ détecté dans le produit final (Figure 22). En
outre, la présence d’acétamide n’a pas été observée par UV-visible à 210 nm.

Figure 22 : chromatogramme du paracétamol brut obtenu après amidation de l’hydroquinone

De cette expérience un procédé de préparation a alors été proposé (

Schéma 91). L’APAP et l’acide acétique seraient récupérés de la même manière que décrit
précédemment. L’essentiel de l’eau formée au cours de la réaction serait ainsi récupéré au
cours de la distillation. L’eau utilisée pour laver le produit pourrait être distillée et réutilisée.
De plus, le mélange AcONH4 / d’acétamide serait récupéré et nos expériences ont montré
qu’il pouvait être utilisé tel quel sans perte significative de rendement (Tableau 47).

171
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

HQ : 1
AcONH4 : 1 AcOH

AcONH4 /
AcNH2 + HQ Eau : 2

Distillation

Réaction

Eau

Distillation
AcONH4 / AcNH2
+ HQ en solution
Paracétamol

Filtration

Schéma 91 : procédé envisagé pour la préparation du paracétamol par amidation de l’hydroquinone

Conclusion

Au laboratoire, nous avons développé des conditions innovantes pour synthétiser


directement l’APAP par SNAr sur l’HQ. Ces travaux ont fait l’objet d’une publication
scientifique ainsi qu’une demande de brevet.167 Cette synthèse requiert l’utilisation d’acétate
d’ammonium et de faibles quantités d’acide acétique à 220 °C. Dans ces conditions,
l’acétylation est totale et la sélectivité est supérieure à 95 %, pour une conversion atteignant
85 %. En outre, la réaction est robuste à la présence d’eau.
Nos travaux ont montré que l’amidation de l’HQ est peu efficace avec l’acétamide, au
contraire de l’acétate d’ammonium. Ainsi les travaux précédents de Gopinathan, utilisant
l’acétamide comme agent d’amidation pour la synthèse de l’APAP, utilisent des températures
de 300 °C en présence de catalyseurs acides métalliques. L’utilisation de l’acétate
d’ammonium et d’acide acétique permet, dans nos conditions, d’utiliser des températures
nettement inférieures à 220 °C et cela en absence de catalyse métallique. La réaction a été
étendue à d’autres polyhydroxybenzènes et aux naphtols.

167
(a) Joncour R., Duguet N., Métay E., Ferreira A., Lemaire M., Green Chem., 2014, 16, 2997-3002 ; (b)
Lemaire M., Joncour R., Duguet N., Métay E., Ferreira A., demande de brevet d’invention Fr n° 13 59972,
octobre 2013

172
Synthèse du paracétamol par substitution nucléophile de l’hydroquinone Chap. 4

De plus, un mécanisme a été proposé sur la base de nos observations. Notre étude
suggère, dans un premier temps, que l’espèce active azotée nucléophile est l’ammoniac issu
de la dissociation du couple d’ion acétate d’ammonium (Schéma 92).

Schéma 92 : dissociation de l’acétate d’ammonium à haute température

L’espèce active électrophile, au niveau de l’aromatique, a également fait l’objet


d’investigation. De façon similaire aux travaux de Thompson,164 un mécanisme faisant
intervenir l’équilibre céto-énolique des phénols a été proposé (Schéma 93).

Schéma 93 : mécanisme envisagé pour la réaction d’amidation de l’hydroquinone

Ce mécanisme permet d’expliquer pourquoi le phloroglucinol possède une réactivité


pour la SNAr bien supérieure aux dihydroxybenzènes, et pourquoi les monohydroxybenzènes,
eux, sont très peu actifs.

173
Conclusion générale
Conclusion générale

L’objectif de ces travaux de thèse était de rechercher et de proposer de nouvelles


approches de synthèse du paracétamol ou de son précurseur, le p-aminophénol. Ces méthodes
devaient être économiquement viables faces à celles déjà existantes. Nous nous sommes
intéressés en particulier à trois voies.

Notre première approche a concerné l’hydrogénation sélective du nitrobenzène en p-


aminophénol en milieu acide, via un réarrangement de Bamberger. Cette voie, déjà exploitée
industriellement, nécessite l’utilisation de quantité très importante d’acide sulfurique
(typiquement 0,9 équivalent par nitrobenzène engagé) et engendre, après traitement, jusqu’à
2,2 kilogrammes de sulfate d’ammonium par kilogramme de p-aminophénol produit.151 En
outre, de l’aniline est produite à hauteur de 15-20 % en réaction secondaire. Nous avons
développé au laboratoire un catalyseur à base d’oxyde de niobium sur silice présentant une
synergie avec l’acide sulfurique. Ce catalyseur peut être utilisé jusqu’à 0,1 %mol et permet
d’améliorer les sélectivités en aminophénol à 82 % en présence d’oxyde de niobium sur silice
(contre 74 % sans). Le catalyseur d’oxyde de e niobium sur silice et d’hydrogénation ont ainsi
pu être recyclés jusqu’à 3 fois sans perte de sélectivité et avec une diminution de la vitesse de
réaction correspondant à une perte en masse des catalyseurs. En outre, nous avons développé
des conditions permettant de réduire l’acide sulfurique à 0,5 équivalent par rapport au
nitrobenzène sans perte significative de sélectivité, et cela avec ou sans oxyde de niobium sur
silice. La quantité de sulfate d’ammonium générée dans nos conditions est ainsi de 0,76
kilogramme par kilogramme de p-aminophénol produit, soit 3 fois moins que le procédé
actuellement utilisé.
De plus, une étude de la réaction a permis de mettre en avant l’importance du modèle
de la goutte. Selon ce modèle, la réaction d’hydrogénation du nitrobenzène en p-aminophénol
nécessite l’utilisation de catalyseur d’hydrogénation hydrophobe et doit opérer en milieu
biphasique liquide-liquide. Nous avons également montré que la disparition de la phase
organique en fin de réaction contribue à une perte en sélectivité. Il est ainsi préférable de
s’arrêter à une conversion incomplète de nitrobenzène (50 % dans nos conditions) ou
d’utiliser un solvant organique afin de conserver de bonnes sélectivités (86 % en aminophénol
obtenu) et des vitesses d’hydrogénation importantes (Schéma 94).

177
2014 Nouvelles voies de synthèses du paracétamol et de son précurseur

Schéma 94 : conditions d’hydrogénation du nitrobenzène en p-aminophénol développées au laboratoire

Au vu de la formation d’aniline (15-20 %) lors de l’hydrogénation du nitrobenzène en


p-aminophénol, nous avons tenté de valoriser ce produit secondaire. L’aniline peut être
acétylée en acétanilide. L’hydroxylation de l’acétanilide par de l’eau oxygénée a ainsi été
conduite dans un premier temps par un catalyseur de cuivre homogène. Il a ainsi été montré
que les faibles rendements obtenus été dus à la faible stabilité du catalyseur dans nos
conditions. La présence d’espèce azotée comme l’acétonitrile a ainsi permis une légère
amélioration des rendements de paracétamol à 5 % avec 4 équivalents d’eau oxygénée. Les
meilleurs résultats ont cependant été obtenus avec un catalyseur Fe3O4 (2 %mol) en milieu
acide acétique qui a induit un rendement 9 % en paracétamol avec la formation de 15 % de
l’isomère ortho (soit un rapport para/ortho de 0,6) avec 1 équivalent d’eau oxygénée (Schéma
95). Pour le moment, la conversion et la sélectivité sont trop faibles pour envisager une
application.

Schéma 95 : acétylation / oxydation de l’aniline en acétylaminophénol

Enfin, la voie hydroquinone a également été explorée. Les conditions développées au


laboratoire requièrent l’utilisation de 2 équivalents d’acétate d’ammonium en présence de 5
équivalents d’acide acétique pour réaliser la substitution nucléophile aromatique d’un
hydroxyle de l’hydroquinone en acétamide et conduire ainsi directement au paracétamol.
Comparées aux conditions existantes dans la littérature (température de 300 °C et catalyse par
des hétéropolyacides), nos conditions nécessitent une température moins élevée à 220 °C et

178
Conclusion générale

sans catalyseur (sans métal notamment). A une telle température, une conversion de 85 % a
été atteinte en 15 heures de réaction pour une sélectivité supérieure à 95 %.

Schéma 96 : amidation de l’hydroquinone en paracétamol

Une réaction à 230 °C, ainsi qu’une récupération du produit (88 % de rendement isolé)
et de l’acide acétique (85 % de récupération) ont été menées à large échelle afin de démontrer
la faisabilité d’un procédé (Schéma 96). La réaction a également été testée avec succès sur le
catéchol, le résorcinol et les 1- et 2-naphtol.
Enfin, notre étude a permis de mettre en évidence la réactivité particulière des
dihydroxybenzènes, qui s’est révélée être proche de celle des naphtols. Ce constat suggère que
la substitution nucléophile aromatique de l’hydroquinone dans nos conditions serait due à
l’équilibre céto-énolique des fonctions phénol qui sont plus favorable dans les cas des
polyhydroxybenzènes.

179
Annexes
Annexe 1 : partie expérimentale

1. General information

Chemicals were supplied by Sigma-Aldrich, Acros Organics, Janssen Chimica, Strem


Chemicals, VWR and Alfa Aesar; gases are supplied by Air liquide and water for reactions
and HPLC was prepared with milli-Q purification system. All products were used without
further purification.
NMR spectra were acquired on DRX Bruker 300 spectrometer (1H, 300 MHz; 13C, 75
MHz) at 293 K. Shifts are referenced relative to the deuterated solvent residual peak. The
chemical shifts (δ) are expressed in ppm and the coupling constants (J) are given in Hz. The
following abbreviations are used to explain the multiplicities: s = singlet, d = doublet, t =
triplet, dd = doublet of doublets, dt = doublet of triplets, td = triplet of doublets, ddd = doublet
of doublets of doublets, m = multiplet, br = broad. Electrospray ionization (ESI) mass spectra
(MS) were recorded in the positive mode using a LCQ Advantage-Thermofinnigan
spectrometer. Thin-layer chromatography (TLC) was carried out on aluminium sheets coated
with silica gel Merck 60 F254 (0.25 mm). Flash column chromatography was performed with
silica gel Merck Si 60 (40–63 μm). Infrared (IR) spectra were recorded in a SMART iTR-
Nicolet iS10 spectrometer using Attenuated Total Reflectance (ATR) and the wavenumbers (ν
max) are expressed in cm-1. Melting points were measured using a Kofler Heizbank apparatus
and noted in °C.

2. Experimental part of Chapter 2

2.1. General procedures

2.1.1. Typical procedure for optimisation

In a typical experiment, 1% Pt/C (20 mg, 1.0 μmol), NbOx/SiO2 (0.2 g), TBAHS (0.6
g, 1.8 mmol), water (75 ml), DMSO (6.5 μl, 91 μmol) and nitrobenzene (9 ml, 87 mmol) were
successively added in the Parr Instrument steel reactor equipped with an inner glass tube, an
inner temperature sensor and a mechanical stirring. The reactor was purged 3 times with 5 bar
of hydrogen. The reactor was then drained, the stirring was started at 300 rpm, and the
mixture was heated at 80 °C (heating mantle). When the desired temperature was reached, the
stirring was increased to 800 rpm and the H2 pressure was adjusted to 10 bar with a
continuous addition of gas supplied by an hydrogen reservoir. The reaction was stirred in
these conditions during 15 hours.
After reaction, the reactor was cooled down to ambient temperature. The solid
catalysts were filtered off and washed several times with methanol and HPLC eluent. The
reaction mixture was transferred into a 500-ml volumetric flask and completed with methanol
and HPLC eluent, to obtain an homogeneous phase. The reaction mixture was analysed after
dilution using the HPLC method described in part 2.III.4.

183
2.1.2. General procedure for p-aminophenol recovery (procedure a)

1% Pt/C (20 mg, 1.0 μmol), NbOx/SiO2 (0.2 g), TBAHS (0.6 g, 1.8 mmol), water (75
ml), DMSO (6.5 μl, 91 μmol) and nitrobenzene (18 ml, 174 mmol) were successively added
in the Parr Instrument steel reactor equipped with an inner glass tube, an inner temperature
sensor and a mechanical stirring. The reactor was purged 3 times with 5 bar of hydrogen and
the pressure was then adjusted to 1 bar. The stirring was started at 300 rpm and the mixture
was heated at 80 °C (heating mantle). When the desired temperature was reached, the stirring
was increased to 800 rpm and the pressure was adjusted to 10 bar with a continuous addition
of gas supplied by an hydrogen reservoir. The reaction was monitored by pressure
consumption until the desired conversion (50%) was reached.
After reaction, solid catalysts were filtered off and washed several times with toluene
and water. The organic phase was recovered by decantation and the aqueous phase was
extracted with toluene (2 x 100 ml).
For the recovery of p-aminophenol under sulphate form, the aqueous phase was cooled
down to 0 °C to induce precipitation of product. p-Aminophenol was then filtered off and
washed with water.
For the recovery of p-aminophenol under neutral form, the aqueous phase was
neutralised with ammonium hydroxide to pH 8 and cooled down to 0 °C. p-Aminophenol was
then filtered off and washed with water.

2.1.3. General procedure for NbOx/MOx catalyst preparation

Fumed silica (20 g, 326 mmol) was suspended in dry ethanol (500 ml) in a 1-l round
bottomed flask under argon atmosphere with a magnetic stirring. Nb(OEt)5 (25 g, 79 mmol)
was added dropwise in 15 minutes and the mixture was further stirred during 2 hours.
The catalyst was recovered by filtration with a sintered glass (pore size n° 4), dried at
120 °C for 15 hours to yield 30 g of a white solid. Before use, the catalyst was calcinated
under air atmosphere in a tube furnace at 650 °C over a 3 hour-period (temperature gradient: 2
°C/min).

2.2. Characterisation data of the products

p-Aminophenol (sulphate salt) [123-30-8]. The title compound was prepared


from nitrobenzene (18 ml, 174 mmol) following the procedure a to give p-
aminophenol under sulphate form (5.11 g, 19%) as a light gray solid. M.p. >260
°C; 1H NMR (300 MHz, d6-DMSO): δ 6.68 (dt, 2H, J = 8.8), 6.83 (dt, 2H, J = 8.8),
7.84 (brs, 4H); 13C NMR (75 MHz, d6-DMSO): δ 114.1 (2 CHAr), 120.3 (2 CHAr),
130.7 (CqAr), 153.2 (CqAr); IR (ATR) Qmax: 3372, 2873, 1094; MS (ESI+): 110.1
(M+, 100).

184
p-Aminophenol [123-30-8]. The title compound was prepared from nitrobenzene
(18 ml, 174 mmol) following the procedure a to give p-aminophenol (6.16 g, 32%) as
a gray solid. M.p. 182 °C; 1H NMR (300 MHz, d6-DMSO): 4.37 (s, 2H), δ 6.41 (dt,
2H, J = 8.9), 6.47 (dt, 2H, J = 8.9), 8.33 (s, 1H); 13C NMR (75 MHz, d6-DMSO): δ
115.2 (2 CHAr), 115.5 (2 CHAr), 140.7 (CqAr), 148.2 (CqAr); IR (ATR) Qmax: 3338,
3279, 1471; MS (ESI+): 110.1 ([M+H]+, 100).

3. Typical procedure of Chapter 3

In a typical experiment, acetanilide (3.4 g, 25 mmol), Fe3O4 (0.1 g, 0.43 mmol) and
acetic acid (1.5 ml) were successively added in a Schlenk flask and the temperature was
regulated to 25 °C with oil bath under magnetic stirring. H2O2 (2.6 ml, 25 mmol) was then
added over a 10 hour-period with a syringe pump and the mixture was further stirred during 4
hours.
After reaction, the catalyst was filtered off washed, with methanol and water. The
reaction mixture was transferred into a 250-ml volumetric flask and completed with the HPLC
eluent. The reaction mixture was analysed after dilution using the HPLC method described in
part 3.I.

4. Experimental part of Chapter 4

4.1. General procedures

4.1.1. General procedure for scope and optimisation (procedure b)

A phenol derivative (40 mmol, 1 equiv), ammonium acetate (6.3 g, 80 mmol, 2 equiv)
and acetic acid (11.5 ml, 200 mmol, 5 equiv) were successively added in a 30-mL steel
reactor equipped with an inner glass tube and an inner temperature sensor. The reactor was
purged with argon and heated to 160 °C (graphite bath) before stirring. The temperature was
then increased to 220 °C and the mixture was stirred at this temperature for 15 hours.
For optimisation reactions, the mixture was diluted with methanol and water, poured
into a 250-ml volumetric flask and completed to 250 mL with water and methanol. The
reaction was finally analysed by HPLC using the method described in part 3.I.2.
For the scope, the mixture was diluted with water (75 ml) and neutralised with sodium
carbonate (Na2CO3, 22 g) and extracted three times with ethyl acetate (EtOAc, 3 x 75 ml).
The organic layers were combined, dried (MgSO4) and the solvent was removed under reduce
pressure (60 °C, 8 mbar). The crude product was purified by column chromatography
(cyclohexane / EtOAc).

185
4.1.2. Medium-scale preparation of paracetamol (procedure c)

Hydroquinone (44.0 g, 0.4 mol, 1 equiv), ammonium acetate (63.0 g, 0.8 mol, 2 equiv)
and acetic acid (114 ml, 2 mol, 5 equiv) were added in a 300-mL Parr Instrument reactor
equipped with a temperature sensor and a mechanical stirrer. The autoclave was purged with
argon and heated to 160 °C (heating mantle) before stirring. The temperature was further
increased to 230 °C and the mixture was stirred at this temperature for 15 hours. The reactor
was cooled down to room temperature and the homogeneous mixture was transferred to a
250-mL flask (a sample was taken at that stage in order to run HPLC analyses). A distillation
set-up was then installed and acetic acid was evaporated under reduced pressure. A total
amount of 98 ml was recovered which corresponds to a 85% recovery. The reaction mixture
was cooled down to room temperature and the precipitate was filtered, washed twice with
water (2 x 20 ml) and dried to give paracetamol (53.0 g, 88%) as a white solid. HPLC analysis
revealed a 99% purity.

4.2. Characterisation data of the products

N-(4-Hydroxy-phenyl)-acetamide [103-90-2]. The title compound was prepared


from hydroquinone (44.0 g, 0.4 mol) following the procedure c to give paracetamol
(53.0 g, 88% yield) as a white solid. M.p. 170 °C; 1H NMR (300 MHz, CD3OD): δ
2.08 (s, 3H), 6.72 (d, 2H, J = 8.7), 7.30 (d, 2H, J = 8.7); 13C NMR (75 MHz,
CD3OD): δ 23.5 (CH3), 116.2 (2 CHAr), 123.4 (2 CHAr), 131.5 (CqAr), 155.3 (CqAr),
171.4 (CqC=O); IR (ATR) Qmax: 3322, 3160, 1651; MS (ESI+): 110.1 ([HO-C6H4-
NH3]+, 9), 152.1 ([M+H]+, 100).

N-(3-Hydroxy-phenyl)-acetamide [621-42-1]. The title compound was prepared


from resorcinol (4.40 g, 40 mmol) following the procedure b. The crude product
was purified by column chromatography (cyclohexane / EtOAc 90 : 10) to give
N-(3-hydroxy-phenyl)-acetamide (3.01 g, 50% yield) as a white solid. M.p. 148
°C; 1H NMR (300 MHz, CD3OD): δ 2.09 (s, 3H), 6.53 (ddd, 1H, J = 8.1, 2.4,
0.9), 6.91 (ddd, 1H, J = 8.1, 2.1, 0.9), 7.08 (t, 1H, J = 8.1), 7.17 (t, 1H, J = 2.1);
13
C NMR (75 MHz, CD3OD): δ 23.8 (CH3), 108.4 (CHAr), 112.1 (CHAr), 112.3 (CHAr), 130.5
(CHAr), 140.9 (CqAr), 158.8 (CqAr), 171.6 (CqC=O); IR (ATR) Qmax: 3322, 3058, 1604; MS
(ESI+): 110.1 ([HO-C6H4-NH3]+, 18), 152.1 ([M+H]+, 100), 174.1 ([M+Na]+, 28).

186
N-(2-Hydroxy-phenyl)-acetamide [614-80-2]. The title compound was prepared
from catechol (4.40 g, 40 mmol) following the procedure b. The crude product
was purified by column chromatography (cyclohexane / EtOAc 60 : 40) to give
N-(2-hydroxy-phenyl)-acetamide (0.52 g, 9% yield) as a grey solid. M.p. 207 °C;
1
H NMR (300 MHz, CD3OD): δ 2.17 (s, 3H), 6.80 (td, 1H, J = 7.7, 1.5), 6.85 (dd,
1H, J = 7.8, 1.5), 6.99 (td, 1H, J = 7.8, 1.5); 13C NMR (75 MHz, d6-DMSO): δ 23.6 (CH3),
116.0 (CHAr), 119.0 (CHAr), 122.4 (CHAr), 124.7 (CHAr), 126.4 (CqAr), 147.9 (CqAr), 169.0
(CqC=O); IR (ATR) Qmax: 3400, 3031, 1656; MS (ESI+): 110.1 ([HO-C6H4-NH3]+, 25), 152.0
([M+H]+, 100), 174.0 ([M+Na]+, 19).

N-Naphthalen-1-yl-acetamide [575-36-0]. The title compound was prepared


from 1-naphthol (5.77 g, 40 mmol) following the procedure b. The crude
product was purified by column chromatography (cyclohexane / EtOAc 95 :
5) to give N-naphthalen-1-yl-acetamide (2.70 g, 36% yield) as an orange solid.
M.p. 160 °C; 1H NMR (300 MHz, d6-DMSO): δ 2.20 (s, 3H), 7.48 (t, 1H, J =
7.8), 7.52-7.56 (m, 2H), 7.71 (d, 1H, J = 7.5), 7.75 (d, 1H, J = 8.1), 7.92-7.95 (m, 1H), 8.08-
8.11 (m, 1H), 9.93 (br s, 1H, NH); 13C NMR (75 MHz, d6-DMSO): δ 23.5 (CH3), 121.5
(CHAr), 122.7 (CHAr), 125.0 (CHAr), 125.6 (CHAr), 125.7 (CHAr), 126.0 (CHAr), 127.7 (CqAr),
128.1 (CHAr), 133.7 (2 CqAr), 168.9 (CqC=O); IR (ATR) Qmax: 3269, 1654, 1540; MS (ESI+):
([C10H7NH3]+, 37), 186.1 ([M+H]+, 100).

N-Naphthalen-2-yl-acetamide [581-97-5]. The title compound was


prepared from 2-naphthol (5.77 g, 40 mmol) following the procedure b.
The crude product was purified by column chromatography (cyclohexane
/ EtOAc 95 : 5) to give N-naphthalen-2-yl-acetamide (4.12 g, 56% yield)
as a white solid. M.p. 130 °C; 1H NMR (300 MHz, CD3OD): δ 2.15 (s, 3H), 7.32-7.43 (m,
2H), 7.52 (dd, 1H, J = 8.9, 2.0), 7.71-7.77 (m, 3H), 8.18 (d, 1H, J = 1.8); 13C NMR (75 MHz,
CD3OD): δ 23.9 (CH3), 117.7 (CHAr), 121.2 (CHAr), 125.9 (CHAr), 127.4 (CHAr), 128.5 (2
CHAr), 129.5 (CHAr), 132.0 (CqAr), 135.2 (CqAr), 137.3 (CqAr), 171.8 (CqC=O); IR (ATR)
Qmax: 3281, 1685, 1547; MS (ESI+): 144.2 ([C10H7NH3]+, 34), 186.1 ([M+H]+, 100).

187
Annexes 2

1. Energie d’aromaticité

L’énergie d’aromaticité est estimée à 152 kJ/mol selon deux méthodes (Schéma 97).168

Schéma 97 : énergie d’aromaticité du benzène évaluée par hydrogénation et par combustion

D’une part, en utilisant la réaction d’hydrogénation. L’énergie libérée lors de cette


réaction sur le cyclohexène est de 120 kJ/mol. Partant de ce résultat, l’énergie
d’hydrogénation du cyclohexadiène devrait être de 240 kJ/mol mais est en réalité de 230
kJ/mol. La différence indique que la conjugaison des doubles liaisons induit une stabilisation
dont l’énergie est de 10 kJ/mol. De la même manière l’énergie d’aromaticité du benzène est
estimée à 152 kJ/mol. Une autre méthode utilise les énergies de combustion de cyclohexanes.
Ainsi l’énergie de combustion du benzène ne possédant par d’aromaticité devrait être égale à
trois fois l’énergie du cyclohexène moins deux fois l’énergie du cyclohexane. La différence

168
Katrizky A. R., Jug K., Oniciu D. C., Chem. Rev., 2001, 101, 1421-1449

188
avec l’énergie réellement libérée lors de la combustion du benzène nous montre une
estimation de l’énergie d’aromaticité de 150-155 kJ/mol, en accord avec l’estimation faite par
hydrogénation.

2. Equilibre céto-énolique du phénol

L’enthalpie libre de l’équilibre céto-énolique est estimée par les énergies de


stabilisation de la forme cétone qui sont comparées à celles de la forme énol du phénol
(Schéma 98). Les comparaisons sont faites en négligeant les entropies lorsque qu’un manque
de donnée ne permet pas de les déterminer.

Schéma 98 : estimation de l’enthalpie libre de formation de la forme cétone du phénol

Les travaux de Kresge et al. montrent que l’enthalpie libre de l’équilibre céto-énolique
dans le cas de la formation de la cyclohexanone est de -36 kJ/mol.169 De plus, l’énergie de
conjugaison de la cétone α,β-insaturée sur un cycle à six carbones est estimé à -13 kJ/mol170 et
celle des liaisons doubles à -10 kJ/mol (voir Schéma 97). Ainsi l’enthalpie de formation de la
forme cétone du phénol peut être estimée à +152-36-13-10 = +93 kJ/mol donnant ainsi une
constante d’équilibre de 10-16 à 25 °C. Cette valeur est sous-estimée comparée à celle
rapportée par Wirz171a et l’estimation ab initio faite par McClelland171b (toutes deux à 10-13).

3. Equilibre céto-énolique dans le cas des polyhydroxybenzènes

De la même manière il est possible d’estimer l’énergie de stabilisation de la forme


dicétone dans le cas de l’hydroquinone (Schéma 99). Elle nous indique ainsi que la perte

169
Keeffe J. R., Kresge A. J., Schepp N. P., J. Am. Chem. Soc., 1990, 112, 4862-4868
170
Katrizky A. R., Jug K., Oniciu D. C., Chem. Rev., 2001, 101, 1421-1449
171
(a) Capponi M., Gut I., Wirz J., Angew. Chem., Int. Ed. Engl. 1986, 25, 344-345 ; (b) Gadosu T. A.,
McClelland R. A., J. Mol. Struct. (THEOCHEM), 1996, 369, 1-8

189
d’aromaticité est plus compensée par la formation des deux cétones et la conjugaison de la
double liaison résultante puisque l’estimation est de +152-2x36-2x13=-54 kJ/mol, montrant
ainsi une constante d’équilibre de 10-10 plus favorable que celle du phénol.

Schéma 99 : estimation de l’énergie de stabilisation de la forme cétone de l’hydroquinone

Les autres di et trihydroxybenzènes utilisés dans l’étude ont également été scrutés
(Schéma 100). Selon le même type d’estimation qu’utilisées précédemment, le résorcinol
posséderait une constante d’équilibre de 10-12, le catéchol une constante de 10-14 et le
phloroglucinol une constante d’équilibre de 10-8. Dans le cas du catéchol la liaison hydrogène
intramoléculaire est négligée.

Schéma 100 : estimation de l’énergie de stabilisation de la forme cétone du résorcinol, catéchol et


phloroglucinol (de haut en bas respectivement)

190
Annexe dépliante
Nouvelles voies de synthèse du paracétamol et de son précurseur

Le paracétamol est un analgésique parmi les plus consommés dans le monde. Les synthèses
actuelles de cette molécule induisent la formation de quantités non-négligeables de sels ou de produits
secondaires non valorisables. En plus d’induire de faibles économies d’atomes, la présence de ces
déchets engendre des surcoûts importants pour la synthèse du paracétamol dus aux lourds traitements
des réactions. Les objectifs de la thèse étaient à la fois de proposer une synthèse plus respectueuse de
l’environnement mais également économiquement viable.
En ce sens, deux synthèses du paracétamol ont été étudiées. La première synthèse étudiée
concerne la réduction sélective du nitrobenzène en p-aminophénol, l’intermédiaire clé du paracétamol.
Cette synthèse nécessite typiquement une quantité importante d’acide sulfurique qui est corrosif et
engendre la formation de sels (sulfate d’ammonium) importante. Un catalyseur acide recyclable à base
d’oxyde de niobium a été utilisé et associé à l’acide sulfurique. Ainsi les sélectivités en aminophénol
de 74 % sans catalyseur de niobium ont été améliorées à 82 % en présence de ce catalyseur. En outre,
la quantité d’acide sulfurique a été réduite au minimum sans pertes significatives de sélectivité.
La deuxième synthèse est la substitution de l’hydroquinone par l’acétate d’ammonium en
milieu acide acétique. Cette synthèse innovante s’est révélée être particulièrement performante car elle
induit la formation du paracétamol en une étape en partant d’un produit disponible en grande quantité,
avec de très bons rendements et sélectivités. De plus, un test à large échelle a permis de montrer que le
paracétamol produit est facilement récupérable par précipitation et l’acide acétique récupérable par
distillation. Enfin, la réaction a été testée avec succès à d’autres polyhydroxybenzènes et aux naphtols.

New synthetic routes to paracetamol and its precursor synthesis

Paracetamol is an analgesic among the most consumed in the world. Currents syntheses of
paracetamol induce a quantity of salts and non-reusable by-products. These wastes lead to both a low
atom economy and a high process cost due to the work-ups. The main objectives of this thesis were to
propose eco-friendly and competitive synthesis of paracetamol.
Two syntheses have been studied. The first one was the selective reduction of nitrobenzene to
p-aminophenol, the key intermediate of paracetamol. This synthesis requires a large amount of
sulphuric acid which is corrosive and induces salts formation. A reusable niobium oxide-based catalyst
has been associated with sulphuric acid. This association gave better selectivities to aminophenol
(82%) compare to sulphuric acid alone (74%). Moreover, the quantity of sulphuric acid has been
minimized without significant loss of selectivities.
The second synthesis study was the hydroquinone substitution to paracetamol with ammonium
acetate in acid acetic. This new synthesis is very powerful due to the one-step synthesis of paracetamol
from bulk quantity available products, with very good conversion and selectivity. Moreover, a large
scale synthesis has been tested which demonstrates that paracetamol and acetic acid were easily
recovered by precipitation and distillation, respectively. The reaction has been successfully extended
to other polyhydroxybenzenes and naphtols.

Discipline : chimie

Mots-clés : paracétamol, p-aminophénol, nitrobenzène hydrogénation, réarrangement de Bamberger,


niobium, catalyse, hydroquinone, amidation, acétate d’ammonium
Key-words: paracetamol, p-aminophenol, nitrobenzene hydrogenation, Bamberger rearrangement,
niobium, catalysis, hydroquinone, amidation, ammonium acetate

Institut de Chimie et Biochimie Moléculaires et Supramoléculaires (ICBMS)


Laboratoire de Catalyse, Synthèse et Environnement (CASYEN)
UMR 5246 CNRS - Université Claude Bernard Lyon 1
Domaine scientifique de la Doua - Bât. CPE (Curien 308) - 2ème et 3ème étage
43 boulevard du 11 novembre 1918 - F-69622 Villeurbanne cedex France

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