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Un modèle numérique de canopée pour l'estimation de la hauteur dominante


des peuplements résineux en Région wallonne

Article · January 2009

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Stéphanie Bonnet
University of Liège
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UN MODÈLE NUMÉRIQUE DE CANOPÉE
© T. Gheysen POUR L’ESTIMATION DE LA HAUTEUR DOMINANTE
DES PEUPLEMENTS RÉSINEUX EN RÉGION WALLONNE

STÉPHANIE BONNET

Le développement des données et des outils de télédétection offre de nouvelles perspectives en


matière de cartographie et de caractérisation de la ressource forestière. L’une d’elle est la création
de Modèles Numériques de Canopée (MNC) et leur utilisation pour l’estimation de la hauteur
des peuplements forestiers. Le présent article propose une méthode d’estimation de la hauteur
dominante des peuplements résineux en Région wallonne, basé sur l’exploitation d’un MNC.

La gestion des ressources forestières de croissance ou encore les infrastructures


nécessite de disposer de manière récurren- et les différentes contraintes de gestion.
te de données quantitatives et spatialisées La caractérisation des peuplements fores-
décrivant le couvert végétal. Ce besoin est tiers doit pouvoir s’envisager à des échel-
renforcé par la multiplicité des facettes de les correspondant aux différents niveaux
nos forêts : production ligneuse mais aussi de prises de décision (arbre, peuplement,
puits de carbone, réservoir de biodiversité, coupe, série, propriété, région) et faire
protection des sols et de l’eau, activités ré- l’objet d’une actualisation régulière.
créatives… Cette vision multifonctionnel-
le de la forêt impose de mettre en œuvre La hauteur des peuplements est sans doute
une panoplie d’informations décrivant une des caractéristiques dendrométriques
autant les peuplements que les conditions les plus importantes en termes de plani-

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fication forestière. Elle intervient en effet tement visant à l’élimination des défor-
dans l’estimation du volume (tarif de cu- mations d’une image afin qu’elle puisse
bage), dans la définition du niveau de pro- se superposer à une carte), sont utilisées
ductivité (notion de hauteur dominante) comme couche de référence dans des Sys-
ou encore dans l’évaluation de la diversité tèmes d’Information Géographique (SIG)
structurale des écosystèmes et leur adé- dans de nombreux domaines : gestion des
quation à accueillir différentes espèces infrastructures, aménagement du territoi-
animales. L’estimation de la hauteur des re, foresterie, agriculture…
peuplements repose actuellement quasi
exclusivement sur la réalisation de mesu- La technique de production de ces ortho-
res de terrain. photographies numériques génère une
couche d’information connexe qui est le
Au cours des dernières années, plusieurs Modèle Numérique de Surface (MNS). Il
techniques de télédétection ont connu un s’agit d’une couche raster (constituée de
développement spectaculaire et offrent pixels) fournissant l’altitude du toit de la
désormais des possibilités très prometteu- canopée. Les possibilités d’utilisation de ce
ses en matière de cartographie et de carac- MNS sont nombreuses. Il est notamment
térisation de peuplements forestiers. possible de générer un Modèle Numéri-
que de Canopée (MNC), en combinant le
Dans ce domaine, la réalisation de cou- MNS avec un Modèle Numérique de Ter-
vertures photographiques aériennes nu- rain (MNT), soit une couche raster définis-
mériques à très haute résolution connaît sant l’altitude au niveau du sol. De part
un essor important. Ces données photo- sa conception, ce MNC donne en chaque
graphiques, une fois orthorectifiées (trai- pixel la hauteur des objets, comme par

Figure 1 – Illustration du principe de création du MNC à partir des MNS et MNT.

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Production du Modèle
Numérique de Canopée
(MNC)

Limites de parcelles

Extraction
des valeurs des pixels

Calcul des statistiques


de hauteur

Borne Borne
inférieure supérieure

Obtention d’un modèle


par ajustement
+
avec les données
de terrain

Application
du modèle
à de nouvelles
parcelles

Figure 2 – Présentation des différentes étapes de la démarche d’exploitation des données à partir de la
couche Modèle Numérique de Canopée et des données de terrain.

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L’étude s’est focalisée sur l’estimation de
la hauteur dominante de peuplements
résineux équiennes constitués d’épicéa
commun (Picea abies (L.) KARST.) et de
douglas (Pseudotsuga menziesii (MIRB.)
FRANCO), ces deux essences couvrant en-
viron 180 000 hectares, soit un peu plus
de 80 % des surfaces résineuses en Région
wallonne. La hauteur dominante telle que
définie dans cette recherche correspond
à la hauteur moyenne arithmétique des
cent plus gros bois à l’hectare.

MÉTHODE

L’objectif poursuivi est de construire un


Figure 3 – Extrait de la couche MNC (au dessus)
en regard de la couche d’orthophotos (en-dessous) modèle prédictif permettant d’estimer la
à très haute résolution affichée en composition hauteur dominante d’un peuplement à
infrarouge fausses couleurs sur la même zone. l’aide d’informations dérivées d’un Mo-
dèle Numérique de Canopée.

La méthode mise en œuvre dans ce tra-


exemple, la hauteur de la couverture vé- vail s’articule en cinq étapes, présentées
gétale en zone forestière. Une telle source dans les paragraphes suivants : la produc-
d’information peut être exploitée pour tion du MNC, l’extraction de données du
produire des estimations de la hauteur des MNC, la collecte de données de terrain,
peuplements forestiers, comme l’illustre l’ajustement d’un modèle prédictif de
la figure 1. hauteur dominante et enfin la validation
de ce modèle. La démarche adoptée est
Le présent article fait la synthèse d’une synthétisée à la figure 2.
étude visant à évaluer les possibilités
d’utilisation d’un MNC, dérivé d’un MNS Production du
(résolution de 5 mètres) et d’un MNT (ré- Modèle Numérique de Canopée
solution de 10 mètres), pour estimer la Le MNC est produit en soustrayant le MNT
hauteur de peuplements forestiers. Ces du MNS, disponibles tout deux sur l’en-
deux couches, bien qu’intrinsèquement semble de la Région wallonne. La figure 3
moins précises que des données à très présente un extrait du MNC et compare
haute résolution (1 mètre) de type LiDAR, celui-ci à l’orthophotographie contempo-
offre cependant une source d’information raine du MNS.
intéressante à deux niveaux. Elles ont
généralement un coût abordable et sont Préparation des données
d’ores et déjà disponibles sur l’ensemble Le MNC ainsi créé renseigne en chaque
de la Wallonie. pixel de la hauteur des objets par rapport à

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la surface du sol. Il constitue la base de l’es- faite sur base de mesures de terrain. Ces
timation de la hauteur dominante. Pour mesures ont été collectées dans soixante
construire le modèle prédictif, nous avons peuplements, constitués indifféremment
extrait, à l’aide d’une application infor- de douglas ou d’épicéa, répartis dans deux
matique-SIG, les valeurs du MNC corres- sites différents : quarante parcelles sur la
pondant à l’emprise spatiale des différents Donation Royale de Ciergnon et vingt
peuplements échantillonnés. Les données parcelles sur le cantonnement d’Eupen.
récupérées correspondent aux valeurs de Les données des quarante peuplements de
hauteur de canopée pour l’ensemble des Ciergnon ont été utilisées pour ajuster le
pixels situés au sein du peuplement. modèle de prédiction de la hauteur domi-
nante. Les données des vingt peuplements
Ces données sont ensuite agrégées pour du cantonnement d’Eupen ont été utili-
calculer une série de statistiques décrivant sées pour valider le modèle. Le tableau 1
la distribution des valeurs de ces pixels décrit brièvement ces parcelles. Les limites
pour le peuplement considéré. Ces sta- de ces peuplements ont été digitalisées sur
tistiques reposent principalement sur le base des orthophotographies aériennes
calcul de différents percentiles. Elles cor- numériques disponibles sur l’ensemble de
respondent à des valeurs pour un percen- la Région wallonne.
tile donné (par exemple h95 correspondant
au 95ème percentile) ou à la moyenne des Cette prise de données a été réalisée par
valeurs comprises entre deux percentiles voie d’échantillonnage systématique. La
(par exemple h67-95 correspondant à la circonférence à 1,5 mètre de tous les ar-
moyenne des valeurs comprises entre les bres, ainsi que la hauteur totale de l’arbre
67ème et le 95ème percentile). le plus gros de chaque placette (d’une sur-
face de 1 are) ont été mesurées. La hauteur
Pour évaluer l’impact de la variabilité du dominante d’un peuplement était définie
relief sur la prédiction de la hauteur domi- comme la moyenne arithmétique des
nante du peuplement, la moyenne, l’am- hauteurs totales mesurées au niveau de
plitude et l’écart-type de l’altitude et de la chaque peuplement.
pente ont également été ajoutés au jeu de
données. Estimation de la hauteur dominante
Un ensemble de variables « hauteur de
Mesures de terrain canopée » et « relief » a été pris en compte
Une estimation de la hauteur dominante dans l’analyse statistique afin de déter-
d’un certain nombre de peuplements a été miner le ou les paramètres estimant au

Tableau 1 – Informations sur les parcelles inventoriées.


Nombre Superficie Nombres Nombres Nombres
de parcelles moyenne des de placettes de placettes de placettes
inventoriées parcelles (ha) en épicéa en douglas
Donation Royale 40 2,47 286 24 16
Eupen 20 1,28 150 18 2

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mieux la hauteur dominante. Cette ana- la différence entre la valeur fournie par
lyse a permis de retenir deux modèles. Le le modèle (valeur estimée) et la mesure
premier fait intervenir uniquement une terrain (valeur de référence). Les résul-
variable dérivée du MNC, en l’occurrence, tats sont présentés au tableau 2. Les mo-
H675-95 (figure 4). Le second intègre en plus dèles sont non biaisés (erreur moyenne
de H675-95, une variable traduisant l’hété- non significative) et caractérisés par une
rogénéité du relief (logarithme de l’écart- erreur résiduelle moyenne de 1,7 mètre
type de la pente). Les équations obtenues (modèle 1) et 1,4 mètre (modèle 2). Dans
sont présentées en figure 5. le cas du deuxième modèle, on peut rete-
nir que 40 % des estimations sont enta-
Validation des modèles chées d’une erreur inférieure à 1 mètre,
Les équations mises au point ont été tes- 45 % ont, quant à elles, une erreur entre
tées sur les données issues des parcelles 1 et 2 mètres et enfin, les 15 % restant
de validation. La précision des modèles sont caractérisés par une erreur de 2 à
a été évaluée par le résidu, c’est-à-dire, 3 mètres.

Figure 4 – Modèle d’estimation de la hauteur dominante par ajustement des hauteurs estimées par le
modèle, d’une part, et d’autre part, par les mesures de terrain.

Figure 5 – Équations des deux modèles retenus lors de l’analyse des résultats des traitements statistiques.

Modèle 1
HDom_est = 3,69 + 1,03 * H675-95
(R2 = 95,3 %)
Modèle 2
HDom_est = 5,9 + 0,882 * H675-95 + 1,24 * ln(stdev_slope)
(R2 = 96,3 %)

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Validation sur le cantonnement d’Eupen
Modèle 1 Modèle 2
Moyenne de l’erreur (m) 0,417 -0,293
Écart-type de l’erreur (m) 1,714 1,376
Tableau 2 – Résultats de la validation.

vraient pouvoir être obtenus par l’exploi-


CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES tation de données de type LiDAR qui re-
posent sur le même principe, mais qui se
L’outil présenté dans cet article permet une caractérisent par une résolution beaucoup
estimation rapide, peu coûteuse et relati- plus fine (de l’ordre du mètre carré). n
vement précise de la hauteur dominante
de peuplements résineux équiennes.
L’étude présentée dans cet article a été réalisé
Il présente le double intérêt d’être applica- dans le contexte de l’« accord cadre de re-
ble sur l’ensemble du territoire wallon et cherche et vulgarisation forestières » financé
de ne nécessiter aucune mesure de terrain, par la Région wallonne. L’auteur tient à re-
particulièrement coûteuse dans le cas de mercier le Domaine de la Donation Royale
hauteurs d’arbres. de Ciergnon et le cantonnement d’Eupen
pour leur collaboration à la collecte des don-
Il convient d’apporter deux nuances à ce nées de terrain, ainsi que la DGARNE pour
constat : la mise à disposition des données cartogra-
• la qualité du résultat est fortement tri- phiques numériques.
butaire de la précision avec laquelle la
limite du peuplement dont on souhaite
estimer la hauteur dominante est carto-
graphiée ;
• la validation du modèle, bien que re-
posant sur un nombre significatif de
peuplements, s’est concentrée sur un
seul site. Avant d’envisager une ex-
ploitation plus large de ce modèle, il
convient d’étendre cette phase de va-
lidation sur un plus grand nombre de STÉPHANIE BONNET
peuplements répartis sur l’ensemble du bonnet.s@fsagx.ac.be
territoire wallon.
Unité de Gestion des Ressources
forestières et des Milieux naturels,
Quoi qu’il en soit, ces résultats tendent à
Faculté universitaire des Sciences
confirmer tout le potentiel que recèlent
agronomiques de Gembloux
les techniques d’exploitation des Modèles
Passage des Déportés, 2
Numériques de Canopées et permettent
B-5030 Gembloux
d’entrevoir les gains de précision qui de-

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