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Chapitre 

1
Dans la brume
Il est sept heures du matin. La petite ville se réveille dans la brume, une brume 
épaisse, qui cache tout. L’automne est arrivé !

La ville commence à s’animer : une voiture se met en marche, des gens se 
rencontrent dans la rue et se saluent :

— Bonjour ! C’est bien toi Maël ? Quel brouillard !

— C’est toi Yannick ? Bonjour, bonjour !

Fleur ouvre un œil, puis un autre. Bien au chaud dans son lit, elle écoute les bruits 
du matin : quelqu’un ouvre un robinet, prend une douche, chante... et puis une odeur 
délicieuse remplit la maison, odeur de café, odeur de pain grillé.

Fleur n’a pas envie de se lever ; elle allume la radio. C’est l’heure des informations. 
Le journaliste annonce :
— La situation économique est préoccupante ; les ouvriers d’une usine de voitures sont
en grève ; la police a trouvé le corps d'une femme, horriblement assassinée... Et 
maintenant la météo. Aujourd'hui, baisse des températures, brouillard...

Oh là là ! La journée commence bien !

Fleur éteint la radio et court à la salle de bains. Elle prend une douche, met un 
pantalon, un pull et va à la cuisine, ses longs cheveux noirs encore mouillés.
Elle dit bonjour à sa mère qui boit son café au lait du matin. Fleur adore l’odeur du 
café mais le matin, elle, elle boit du thé. Aujourd’hui, elle n’a pas le temps de rêver 
devant sa tasse de thé, elle doit être à 9 heures à la « galerie d’art » de son amie Marie.
« La galerie d’art » ! En réalité, c’est une petite boutique d’objets pour touristes ; Marie
vend des cartes postales, des affiches qui représentent les jolies églises de la région, 
des dolmens, des menhirs1, Barbe­Bleue, un personnage horrible et sanguinaire, etc... 
Elle vend aussi des objets plus « artistiques » : des dessins originaux, des petites 
statues, des objets en céramique. Fleur, qui étudie dans une école d’art à Rennes, 
apporte à Marie des dessins, des bols, des tasses, des vases quelle fabrique et qu’elle 
peint elle­même. Parfois, elle trouve des acheteurs.

— Tu t’es levée tôt aujourd’hui, Fleur, dit sa mère. Tu vas voir Tanguy ?

— Non ! Je vais à la galerie. Marie n’est pas là aujourd’hui et je vais m’occuper de la 
boutique.

— Tu auras peut­être des acheteurs pour tes céramiques et tes dessins !

— Je ne crois pas ! L’été est bien fini. Les touristes sont partis...

— Peut­être un visiteur de passage...

— Je ne pense pas. Bon, j’y vais. Au revoir maman, à ce soir !

— Au revoir ma chérie, à ce soir.

***

Fleur sort de la maison et fait quelques pas dans la rue. Quel brouillard ! On devine 
à peine les maisons, les arbres et les gens. Une voix sort de la brume :

— Demat2 ! Bonjour, petite Fleur. Tu es matinale aujourd’hui ! Quel temps, hein ? 
Quel brouillard !

C’est la voisine, madame Le Guévennec, une vieille dame, toujours habillée en noir. 
D’où vient­elle à cette heure ? Elle marche à petits pas, la tête baissée, mais elle voit 
tout ; elle est sourde, mais chose étrange, elle comprend tout.

— Bonjour madame, répond aimablement Fleur.

— Comment va ton fiancé Tanguy, petite Fleur ?

— Je ne sais pas madame ! Et Tanguy n’est pas mon fiancé !

— Alors, vous allez vous marier ?

— Non, Tanguy n’est pas mon fiancé !

— Je suis très contente pour toi, et pour lui, ma petite Fleur !

1 un dolmen, un menhir : monuments du Ve siècle avant Jésus­Christ qu'on trouve en
Bretagne.
2 Bonjour, en breton
— Mais Tanguy n’est pas... Bon, au revoir, kenavo3, madame, bonne journée !

— Attends, Fleur ! Fleur... ! C’est pour quand...

Fleur est loin, elle marche vite, très vite.

— Bonjour Fleur ! Temps splendide ! Brouillard splendide, hein !

— Bonjour monsieur !

C’est Morvan, un vieux marin encore solide ; il marche à grands pas et respire à pleins
poumons l’air humide !

— Bonjour Fleur !

— Bonjour Gwenn !

C’est la marchande de journaux ; elle ouvre sa boutique. Elle va sûrement parler 
aussi du brouillard !

— Quel brouillard ! Ça va ? Qu’est­ce que tu fais dehors par ce temps ? Tu vas voir 
Tanguy ?

Fleur répond « oui » ...,« non »..., et disparaît... dans le brouillard.

3 au revoir, en breton
Chapitre 2
À la galerie

Elle arrive un peu agacée devant la boutique : « Mais qu’est­ce qu’ils ont tous ? 
Tanguy par­ci ! Tanguy par­là ! Ils sont vraiment pénibles ! Ah ! Et cette phrase : tu es
matinale, Fleur ! Ils croient peut­être que je passe mon temps au lit ! »

La boutique se trouve dans une petite rue qui descend vers la plage.
Fleur regarde un instant l’enseigne4 : Le Triskell. Elle a peint elle­même le triskell, 
cette roue celte à trois branches en spirale qui symbolise l’eau, la terre et le feu, ou le
passé, le présent et le futur.

Elle ouvre la porte et entre dans la boutique silencieuse. La journée sera tranquille, 
c’est sûr.

Elle consulte les mails sur l’ordinateur. Quelqu’un veut acheter un dolmen en 
plâtre5. Quelle idée ! Elle trouve ces reproductions horribles, mais bon... tout le monde 
ne pense pas comme elle... ! Elle prépare le paquet.

Elle s'ennuie. Tanguy, son ami d'enfance, passera sûrement la voir. Il travaille à 
côté, dans une agence immobilière. Tanguy ! Tout le monde l'appelle « son fiancé ». 
Mais pour elle, c’est seulement un ami... un frère.

***

Brusquement, la petite cloche de la porte d'entrée sonne. Quelqu'un ouvre la porte. 
Ah ! Un client ! Mais non, c’est seulement la jeune vendeuse de la crêperie.

— Marie n’est pas là ?

— Non, elle est absente pour la journée !

— Elle est malade ?

— Non, elle n’est pas malade.

— Ah bon !

La jeune fille part et revient peu après avec une assiette dans la main.

— J'apporte tous les matins deux crêpes à Marie. Vous les voulez ?

— Ah! je comprends tout maintenant ! dit Fleur. Marie a grossi de cinq kilos cette 
année ! Mes voilà, les coupables !

Et elle montre les deux belles crêpes couvertes de sucre.

— Alors, vous les voulez ?

Fleur met une main sur ses yeux, elle ferme le nez avec deux doigts et fait « non » de 
la tête. La jeune vendeuse rit et sort.

La petite cloche sonne. C’est la fleuriste d’à côté.

— Qu'est­ce que tu fais ici, Fleur ? Où est Marie ? Elle n'est pas malade, j’espère !

— Non ! Elle sera là demain.

— Ah bon !

4 panneau de bois, de métal qui a une inscription, un objet symbolique pour indiquer la 
présence d'un commerce, d'un  hôtel
5 matériau de couleur blanche, utilisé dans la construction, avec lequel on fait aussi 
des statues.
La fleuriste n’insiste pas et elle s’en va.

La petite cloche sonne une troisième fois.

C'est l’épicier, un beau garçon de trente ans.

— Marie n'est pas là ?

— Non, elle ne vient pas aujourd’hui.

Il reste un moment debout devant Fleur puis il s'en va. Fleur est surprise : « Tous les
commerçants vont venir ici aujourd’hui ? »

La petite cloche sonne une nouvelle fois. Fleur crie :

— Marie n'est pas là et elle n'est pas...

Mais à la porte, il y a un jeune homme qu’elle ne connaît pas. Ce dernier s'arrête, 
surpris..

— Oh, pardon, dit Fleur, je suis désolée, désolée…

Le jeune homme sourit et entre. 

— Ce n’est pas grave !

— Non, non ! Je suis désolée, j’ai crié et...

— Tout va bien, calmez­vous !

— Oui, mais...

— Je sais, je sais, vous êtes désolée...

Fleur rougit et ne dit rien. Elle constate alors que le jeune homme est très beau. 
Grand, brun, élégant, les yeux bleus, vifs et souriants. Il demande :

— Vous connaissez l’agence immobilière « Coup de cœur6 immobilier » ?

6 Coup de cœur: enthousiasme subit pour quelque chose ou quelqu'un.
— Oui, c’est à côté. Vous prenez la rue à droite et vous marchez jusqu’à la deuxième 
rue à gauche ; c’est là.

— Merci beaucoup, mademoiselle. Au revoir.

Il va vers la porte, mais il s’arrête brusquement devant un dessin qui représente 
trois mouettes sur des rochers au bord de l’eau... trois mouettes qui observent la mer 
et la terre comme trois sentinelles. Le jeune homme le regarde un moment puis il fait 
un petit signe de la main et sort.

Soudain la boutique paraît vide.

« Je suis vraiment stupide ! Il ne se passe rien dans cette ville ; aujourd’hui, un beau 
garçon se présente et moi, qu’est­ce que je fais ? Je m’énerve, je crie, je m’excuse 
bêtement... Mais qui est cet homme ? D’où il vient ? »

La petite cloche sonne de nouveau. Le cœur de Fleur bat plus fort... c’est peut­être le 
jeune homme qui revient ! Eh bien non, c’est Tanguy, son copain Tanguy, son « fiancé »
!

— Salut Fleur ! Ça va ? Tu as beaucoup de clients ?

— Seulement des curieux qui veulent savoir où est Marie.

Fleur ne parle pas du jeune homme. Elle demande :

— Et toi, tu as des clients à l’agence ?

— Oui. Un jeune homme et une jeune fille. Ils veulent louer une maison près d’ici.

— Une jeune fille ? Tu es sûr ?

— Oui, pourquoi ?

— Pour rien... alors un jeune homme et une jeune fille...

— Oui, oui, un jeune homme et une jolie jeune fille...

Brusquement, Fleur est triste et ne comprend pas pourquoi.
Chapitre 3
Au bord de l'eau
Il est midi et demi. Fleur ferme la boutique et va vers la plage. Elle adore l’odeur, les 
couleurs de la mer, le bruit des vagues.

Elle marche sur le sable mouillé. De temps en temps, elle s’arrête. Où est le ciel ? où 
est la mer ? où est la terre ? Aujourd’hui, le brouillard couvre tout. Elle entend au loin 
les cornes de brume7. Des mouettes tournent et crient dans le ciel. Elle pense aux 
paroles de la très belle chanson du chanteur breton Denez Prigent « J’attends... », 
«Gortoz A Ran». Elle aussi, elle attend quelque chose... quelqu’un... Elle ne sait pas !

Elle est seule sur la plage ! Seule ? Non... ! Dans le brouillard, elle voit une silhouette
sur la dune, juste derrière elle. Une femme ? un homme ? Elle ne distingue pas bien. 
Mais cette personne l’observe, c’est sûr... Elle a froid. Elle se dirige d’un pas rapide 
vers la rue qui conduit à la boutique.

***

Brusquement, elle sent la chaleur d’un corps contre elle. Elle crie de surprise et de 
peur et en même temps, elle entend un grand rire. C’est le jeune homme de la 
boutique.

— Nous nous rencontrons pour la deuxième fois, et pour la deuxième fois, vous criez !
Vous avez eu peur ? Et il ajoute avec une grosse voix : Je suis Barbe­Bleue et je vais... 
Il s’arrête et rit.

— Oh, je suis désolée, c’est à cause du brouillard, je suis désolée, dit Fleur.

Le jeune homme rit :

— Vous êtes toujours désolée !!!

Ils avancent un moment en silence. Fleur est intimidée.

— Vous aimez marcher seule sur la plage ? demande le jeune homme.

— Oui, j’adore la mer, répond simplement Fleur.

— Moi aussi, dit le jeune homme. Quand j’ai des ennuis, j’ai besoin de la mer.

Et soudain, il se tourne vers la mer et à moitié sérieux, à moitié comique, il récite :

— Homme libre, toujours tu chériras la mer !

Fleur rit, et dit :

— J’aime aussi ce poème, mais parfois, je le corrige : Femme libre, toujours tu 
chériras la mer.

7 une corne de brume: instrument qui envoie des signaux sonores quand il y a du 
brouillard pour avertir les marins d'un danger ou d'une présence.
Ils rient tous les deux. Puis Fleur demande :

— Vous avez trouvé une maison ?

— Oui, une maison meublée, à l’extérieur de la ville ; l’endroit est un peu sauvage, 
mais nous aimons bien. Nous nous installons ce soir.

Nous ? Qui « nous » ?

Fleur ne lui pose pas la question.

Soudain, il dit :

— Nous avons envie de visiter la région. Je sais qu’il y a des sites magnifiques, ici... 
Nous cherchons un guide...

Il s’arrête, réfléchit... et demande :

— Vous voulez être notre guide ?

— Qui ? moi ? demande Fleur, surprise.

— Oui, vous ! Pourquoi pas ?

Fleur hésite. Elle adore sa région. Elle aime la montrer, elle aime parler de ses 
légendes, de ses mystères... elle a envie d’accepter. Mais elle se pose des questions : 
pourquoi elle ? et qui est cet homme ? qui est la femme qui l’accompagne ? que font­ils 
ici ?

Le jeune homme paraît deviner ses pensées. Il dit :

— Oh, pardon, mille fois pardon, je ne me suis pas présenté. Je m’appelle Marco 
Fabiani, et vous ?

— Moi, c’est Fleur.
— Fleur ? Quel beau nom ! Il vous va très bien ! C’est vraiment original ! C’est la 
première fois que je rencontre une « Fleur » ! Et vous ressemblez à une fleur !

La jeune fille, un peu gênée, rougit et ne dit rien.

— Alors, vous acceptez ? Nous nous voyons demain ? Devant votre boutique... ?

— Ce n’est pas ma boutique. C’est la boutique d’une amie... et... c’est une galerie 
d’art !

— D’accord, dit­il avec un sourire, devant la « galerie d’art » de votre amie. Demain 
matin, vers 10 heures ? Ça vous va ?

— Oui... je crois... oui, d’accord... Demain, à 10 heures...

Marco lui serre la main et s’éloigne. Au bout de la rue, il lui fait un petit signe. À cet 
instant, un homme le rejoint, et ils partent ensemble.
Fleur reste un moment dehors.

Marco Fabiani ! Il est italien ? Mais il n’a pas d’accent ! Alors, d’où est­il ? Qui est­il ?
Et qui est l’autre homme ?
Chapitre 4
Sur la lande
Le lendemain, Fleur attend Marco Fabiani devant Le Triskell. Le ciel est gris, mais il
n’y a plus de brouillard.

Marie sort de la boutique et lui demande :

— Tu viens travailler, Fleur ?

— Non, répond Fleur avec un grand sourire... j’attends quelqu’un.

— Quelqu’un ? Qui ? Tanguy ?

— Non, j’ai rendez­vous avec un homme que tu ne connais pas. C’est un étranger, je 
crois... Je vais visiter la région avec lui.

— Tu as rendez­vous avec un étranger, un inconnu ? Mais tu es folle ! Où tu as connu
cet homme ?
— Il est entré hier dans ta boutique pour demander l’adresse de l’agence 
immobilière.

— C’est tout ? Et tu as rendez­vous avec lui ? Mais qu’est­ce qu’il fait ? D’où il vient ? 
Pourquoi il est ici ?

— Je ne sais pas.

— Comment ? Tu vois un homme une fois et...

— Deux fois. Une fois dans la boutique et une fois sur la plage.

— Bon... deux fois, et tu as rendez­vous avec lui ? Fais attention, c’est peut­être un 
gangster, un ... un ... Barbe­Bleue !

— Je ne crois pas ! dit Fleur et elle rit.

— Mais pourquoi tu as accepté ce rendez­vous ?

— Je ne sais pas... Il m’intéresse !

— Voilà Tanguy ! Il va sûrement être d’accord avec moi, dit Marie.

— Salud8 les filles ! Que se passe­t­il ? Vous vous disputez ?

— Ta copine est folle. Elle va se promener seule avec un homme qu’elle ne connaît 
pas.

Tanguy intrigué demande :

— Un homme ? Quel homme ?

Fleur lui dit :

8 Salut en breton
—Tu sais, l’homme de l’agence.

— Ah oui ! L’homme avec la jolie fille ? Mais tu le connais, Fleur ?

— Quelle jolie fille ? demande Marie.

— Oh, sa petite amie, je crois !

Une grosse voiture noire arrive alors et s’arrête devant la boutique.

Marco descend. Il salue Fleur avec un grand sourire puis Tanguy. 

Fleur lui présente Marie. Ils parlent un instant puis ils montent dans la voiture.

***

— Nous allons chercher quelqu’un puis nous commencerons la visite, dit Marco. Ça 
ne vous dérange pas ?

— Non, absolument pas, dit Fleur.

Elle ne pose pas de questions, mais elle pense à la jolie fille. Ils roulent en silence. 
Soudain, Marco demande :

— Tanguy, c’est votre... votre... ?

— Ami, répond Fleur très vite...

— Ami...?

— Ami.

Marco sourit. Fleur dit alors :
— Moi aussi, je suis curieuse. Vous parlez parfaitement français, mais vous avez un 
nom italien, c’est étrange...

— Ma famille vient d’Italie, mais je vis à Genève. Je parle italien comme un Italien 
et français comme un Français ; je parle aussi anglais... et un peu allemand. Je suis un
vrai Européen, et je vis dans un pays qui n’est pas dans l’Union européenne ! Il rit.

La voiture s’arrête devant une maison cachée au milieu des arbres. Un gros chien 
aboie devant la porte du jardin. Marco sort de la voiture et entre dans le jardin. Un 
homme apparaît alors et s’approche de Marco. Ils parlent tous les deux un instant puis
Marco pénètre dans la maison. L’homme s’éloigne dans le jardin.

Peu après, Marco sort en compagnie d ’une jeune fille au visage fin, très pâle. Elle a 
des cheveux courts et blonds et des yeux bleus, un peu tristes.

Marco fait les présentations.

— Fleur, Annie. Et il ajoute : Alors Fleur, où allons­nous ?

— Je vous emmène sur la lande.

La voiture roule pendant un bon moment. Le paysage commence à changer : il n’y a 
plus d’arbres mais seulement de la mousse verte et de la bruyère en fleurs qui donne à
la lande une belle couleur rouge violet.

— Regarde Annie, dit Marco. C’est beau, non ?!

Annie est silencieuse. Marco la regarde avec tendresse.

— Ça va, Annie ?

— Oui, oui, ça va !

Ils descendent enfin de voiture. Marco pousse un cri d’admiration. En bas de la 
falaise couverte de bruyère, la mer est là... une mer verte et argentée...
— C’est magnifique, magnifique !!! Merci, Fleur, dit Marco.

Il la regarde un moment et dit à voix basse :

— Vos yeux ont la couleur de la mer...

Fleur très gênée ne répond pas. Annie est face à la mer ; elle n’a rien entendu.
Chapitre 5
Sous le dolmen
Deux jours plus tard, la voiture noire s’arrête devant la boutique de Marie. Marco 
entre peu après. Marie a un petit coup au cœur : il est vraiment très beau ! Mais il y a 
les crêpes et... les cinq kilos ! Dommage !

— Bonjour mademoiselle, je voudrais voir Fleur, mais je n’ai ni son adresse ni son 
numéro de portable.

Marie réfléchit et dit :

— Je vais l’appeler. Elle vous les donnera elle­même.

Marie appelle Fleur et transmet le message.

Fleur hésite ; la situation n’est pas simple. Marco lui plaît et elle lui plaît aussi, elle 
le sait. Mais, en même temps, le jeune homme paraît amoureux d’Annie.
Brusquement, Marco prend le téléphone :

— Pardon, mademoiselle, je dois parler à Fleur. Allô, Fleur ! Bonjour ! Vous allez 
bien ? Vous vous rappelez, vous nous avez promis une autre visite dans la région ! 
Annie a envie de voir les dolmens ! S’il vous plaît, Fleur, dites oui !!!

Après un petit silence :

— Ah merci ! Donc, demain, à 10 heures devant Le Triskell ! D’accord ? Je passerai 
vous prendre en voiture.

Il ne sort pas immédiatement. Il va regarder le dessin des mouettes et des rochers. Il 
demande à Marie :

— Qui est l’auteur de ce dessin ?

— Fleur ! répond Marie.

— Fleur ? C’est une artiste !

Il achète le dessin et s’en va.

***

Le jour suivant, Fleur arrive en même temps que la voiture devant la boutique. Le 
ciel est gris et un léger brouillard monte de la mer.

Annie, toujours silencieuse, paraît fatiguée. Marco l’observe d’un air préoccupé. Il dit 
à Fleur :

— Alors, Fleur, mon cher GPS, montrez­moi le chemin.

Ils partent immédiatement.

Fleur donne des indications à Marco et la voiture traverse des villages aux vieilles 
maisons en granit. Elle s’arrête enfin et ils descendent. Marco reste un moment en 
arrière ; il est au téléphone. Il parle bas mais Fleur entend quelques mots : « ...à la 
sortie d’un petit village qui s’appelle... Rostavel... Non... un chemin qui part de la 
route... » Il regarde autour de lui et il ajoute : « Il y a un panneau routier entre deux 
arbres... Oui, c’est ça ! »

Fleur, tout à coup, se sent mal. Elle a un peu peur. Elle ne sait pas qui est Marco. 
Elle sait seulement qu’il lui plaît mais qu'elle ne doit pas l’aimer : il y a Annie. Elle 
pense à sa plaisanterie sur Barbe­Bleue et elle frissonne.

L’endroit est désert. Ils marchent dans de hautes herbes. Tout à coup, Marco et 
Annie poussent un cri de surprise. Devant eux, un groupe de dolmens bien plantés 
dans le sol présentent aux visiteurs leurs énormes tables de pierres.

Marco s’approche des mégalithes et murmure :

— Regarde­les, Annie ! Ils ressemblent à de vieux éléphants très sages. Ils attendent 
là depuis des milliers d’années et ils racontent une histoire que personne ne comprend 
vraiment.

— La vie aussi nous raconte, parfois, une histoire que nous ne comprenons pas, 
murmure Fleur...

Sur un des dolmens, elle leur montre un dessin à moitié effacé. Annie demande :

— Qu’est­ce que c’est, Fleur ?

— C’est un triskell. C’est une roue à trois branches, une roue qui symbolise l’éternel 
retour, l’éternel recommencement9... de la vie.

— Cet endroit est magique, dit Marco, et vous êtes magique, Fleur... il s’arrête tout à
coup et dit : Écoutez...

9 action de commencer de nouveau
Quelqu’un marche dans les hautes herbes. Marco prend rapidement Annie par le 
bras et passe avec elle sous le dolmen. Ils se cachent derrière les pierres. Marco 
appelle Fleur à voix basse.

— Fleur, venez vite.

Fleur les rejoint et demande :

— Mais que se passe­t­il ?

— Chut ! dit Marco.

Ils attendent tous les trois en silence.

Soudain un homme apparaît sur le chemin. Annie ouvre la bouche ; elle va crier, 
mais Marco lui met la main sur les lèvres. L’homme regarde autour de lui. Il a entre 
vingt et vingt­cinq ans. Fleur ne l’a jamais vu.

Tout se passe alors très vite. Un deuxième homme sort des herbes et se précipite sur 
le premier. Après une courte lutte, le garçon se retrouve au sol.
Marco, Annie et Fleur abandonnent alors le dolmen. Marco pousse les jeunes filles 
devant lui. Il crie :

— Vite, vite, à la voiture !

Fleur interroge Marco :

— Mais qui sont ces hommes ? Vous les connaissez ? De quoi avez­vous peur ?

Il répond seulement :

— Pas maintenant, Fleur, pas maintenant, plus tard, je répondrai plus tard à vos 
questions.
Chapitre 6
Près des menhirs

Pendant deux jours, Fleur n’a pas de nouvelles de Marco. Elle est inquiète. Est­ce 
que lui et Annie sont en danger ?

Elle va à la boutique et raconte tout à Marie.

— Tu vois, dit Marie, j’ai raison. C’est un gangster, c’est un ... et elle caresse sur son 
menton une barbe imaginaire.

Fleur rit :

— Non, ce n’est pas vrai. Je ne peux pas le croire.
— Pourquoi ? Tu le connais à peine !

— Peut­être, mais je sais, je sens que ce n’est pas possible.

— Ma parole ! Tu es amoureuse !!! C’est incroyable ! Et Tanguy ? Que va dire 
Tanguy?

Fleur ne répond pas. À cet instant, son téléphone portable sonne. C’est Marco ! 
Marie, surprise, dit à voix basse :

— Comment ? Tu lui as donné ton numéro de téléphone ?

— Chut, lui dit Fleur. Puis : Allô Marco, non, je suis avec Marie. Demain ? Au 
Triskell ? D’accord ! Oui, oui, je serai là... Au revoir !

Marie va et vient dans la boutique.

— Cet homme est peut­être dangereux et tu veux de nouveau le rencontrer ? Fais 
attention Fleur ! Ne va pas seule avec lui sur la lande ! Tu promets ?

Fleur sourit et dit :

— Je ne promets rien. Je suis sûre qu’il n’est pas dangereux.

***

Le lendemain, la voiture s’arrête devant la boutique et Fleur monte à côté de Marco. 
Il est seul. Le ciel est gris, un vent violent souffle de la mer. La voiture roule sur des 
routes désertes.

Tout à coup, Marco freine. Face à la mer, il y a d’énormes pierres, debout les unes à 
côté des autres.

— Des menhirs ! dit Marco. Ils sont impressionnants ! Descendons !

Ils marchent vers les menhirs. Le vent souffle de plus en plus fort ; il soulève les 
longs cheveux noirs de Fleur. Marco s’arrête et la regarde :

— Vous êtes belle, Fleur, belle et secrète comme votre pays de brume, comme ces 
témoins muets d’un autre temps.

— Chut, Marco, ne dites rien.

— Pourquoi ?

— Je préfère rentrer. Ramenez­moi, s’il vous plaît.

— Pourquoi Fleur ? Vous l’avez peut­être compris, je suis amoureux de vous et vous 
aussi peut­être...

— Non, non, ce n’est pas possible.

— Pourquoi ?

— Ce n’est pas possible !

— Mais pourquoi ?
— Pensez à Annie !

— Je ne comprends pas. Pourquoi parlez­vous d’Annie ?

— Vous l’aimez !

— Bien sûr, je l’aime, mais je ne vois pas...

— Vous ne pouvez pas m’aimer aussi, voyons !!! Vous ne pouvez pas aimer deux 
femmes à la fois !

— Comment ? Je ne peux pas aimer une femme et... ma sœur ?
— Votre sœur... ? Ce n’est pas votre... votre... ?

Marco éclate de rire.

— Ah, je comprends ! Vous croyez qu’Annie est ma femme ou ma petite amie ?

Et il rit. Il s’arrête enfin et dit plus sérieux :

— Je vais tout vous expliquer. Annie est ma demi­sœur. Notre père est mort l’année 
dernière. Il nous a laissé sa galerie d’art à Genève (il sourit) et une magnifique 
collection de tableaux.

Dans une réception, Annie a connu Tom, un jeune homme très séduisant. Elle est 
tombée amoureuse de lui. Ils ont eu de nombreux rendez­vous ; elle l’a invité chez 
nous, il est venu à la galerie.

Un jour, un dessin de Picasso a disparu. J’ai eu des soupçons. J’ai cherché des 
informations sur Tom ; j’ai appris qu’il a travaillé pour des trafiquants d’objets d’art et
qu’il a fait de la prison. À cause d’Annie, je n’ai rien dit à la police. Mais j’ai demandé à
ma sœur de ne plus le voir. Et puis j’ai reçu des lettres de menace : « ...Nous aurons 
vos tableaux ou votre sœur... » J’ai eu peur pour elle. J’ai tout raconté à la police et j’ai 
quitté Genève avec Annie. Je suis comme les mouettes de votre dessin, qui veillent 10 
sur la terre et le ciel ; moi je veille sur ma sœur. Nous avons voyagé, nous avons 
traversé la France et nous sommes arrivés dans votre petite ville perdue en Europe. 
Mais Annie, toujours très amoureuse, a gardé le contact avec Tom. Heureusement, la 
police a surveillé ce jeune bandit et elle l’a suivi jusqu’ici.

L’autre jour, près des dolmens, un policier l’a arrêté. Nous connaissons maintenant 
les hommes qui le payent et qui nous menacent. Annie est très malheureuse. J’espère 
sincèrement qu’elle va vite oublier Tom et cette triste aventure !... Voilà, voilà toute 
notre histoire, Fleur... Alors, est­ce qu’il est interdit d’aimer une femme et... sa sœur ?

— Nous allons parler tranquillement de tout ça, Barbe­Bleue ! dit Fleur et tous les 
deux éclatent de rire...

10 contrôler pour protéger si c'est nécessaire

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