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PRODUIRE PLUS AVEC MOINS

GUIDE POUR UNE INTENSIFICATION DURABLE DE LA PRODUCTION

Document d’orientation
2 Produire plus avec moins: Le manioc

L’
explosion de la demande en manioc offre
aux agriculteurs la possibilité d’intensifier la
production et d’améliorer leurs revenus. Mais le
passage à une monoculture intensive comporte
des risques, notamment la recrudescence des organismes
nuisibles et des maladies et l’appauvrissement des sols.

1
Le manioc: Coûts de production et revenus associés à trois essais de culture intercalaire
avec le manioc conduits au Viet Nam (en millions de dongs)

une culture Coûts de production Revenu brut Revenu net

du XXIe siècle. 25

20

L’«aliment des 15

pauvres» est devenu 10

une culture poly- 0


Manioc + arachides Manioc
+ pois mungo
Monoculture

valente qui apporte


une réponse, à la fois

2
aux priorités des pays Systèmes de
en développement, production
aux tendances de agricole.
l’économie mondiale Beaucoup de petits

3
et au défi posé par producteurs de Variétés et
le changement manioc appliquent matériel végétal.
climatique. [page 4] déjà trois Tant que les

4
recommandations variétés à haut Gestion de
essentielles du modèle rendement se l’eau. Une fois
Tropic of Cancer «Produire plus avec heurteront à des planté, le manioc
Equator
moins»: travail du problèmes de peut pousser dans
Tropic of Capricorn
sol limité ou labour production et que les des régions qui ne
0 >0-0.019 >0.019-0.194 >0.194-1.935 >1.935
zéro, protection de la planteurs de manioc reçoivent pas plus
surface du sol par une ne disposeront pas de 400 millimètres
couverture organique d’un accès fiable à de pluie par an en
et diversification des du matériel végétal
cultures. [page 6] exempt de maladies,
le manioc ne pourra
pas libérer tout son
potentiel.
[page 9]
moyenne. Cependant,
on peut obtenir des
rendements bien plus
élevés avec un apport
d’eau plus important.
[page 11]
Document d’orientation 3

L’application du modèle d’agriculture «Produire plus avec moins»


de la FAO fondé sur une approche écosystémique permet aux
planteurs de manioc d’exploiter pleinement le potentiel du manioc,
c’est-à-dire d’obtenir des rendements plus élevés, de lutter contre
la pauvreté rurale et de contribuer au développement économique
national, tout en évitant les risques inhérents à l’intensification.

7 8
Récolte, opé- Les politiques
rations après qui permettent
Surface infestée par la cochenille du manioc en Thaïlande, 2009-2012 (en milliers d’hectares)
250
récolte et valeur de produire
200 4
1 Guêpe Anagyrus importée du Bénin
2 Conduite d’essais avec la guêpe
3 Lâcher de guêpes dans 25 villages
ajoutée. Aliment plus avec moins.
3
150
1
4 Lâcher de guêpes dans tout le pays
pour le ménage, L’intensification du-
100
fourrage pour les rable de la production
2

animaux et matière de manioc passe par


50

première d’une large une volonté politique,


4 mai

déc.
janv.

déc.
janv.

déc.
janv.

juill.

6
Organismes gamme de produits à des investissements,
nuisibles et valeur ajoutée, de la un appui institution-
maladies. La nel et une approche
protection du manioc du développement
par un pesticide des technologies qui

5
Nutrition est bien souvent soit en prise sur la
des cultures. inefficace et rarement demande. [page 20]
Des processus économique.
écosystémiques Plusieurs mesures
associés à l’emploi non chimiques aident
judicieux d’engrais les agriculteurs à
minéral constituent la réduire les pertes
base d’un système de et protègent aussi
nutrition des cultures l’écosystème agricole.
durable qui produit [page 15]
plus et consomme
moins d’intrants farine grossière aux
externes. [page 13] gels d’amidon issus
de technologies de
pointe – le manioc est
indéniablement une

9
Laisser les agri-
culture polyvalente.
culteurs décider.
[page 18]
Pour intégrer la
gestion durable des
ressources naturelles
dans les systèmes de
production des petits
exploitants agricoles,
il faudra que la
recherche et la vulga-
risation abandonnent
l’«enseignement» au
profit de l’«apprentis-
sage». [page 22]
4 Produire plus avec moins: Le manioc

1. Le manioc: une culture


du XXIe siècle
L’«aliment des pauvres» est devenu une fabrication de contreplaqué, de papier
culture polyvalente qui apporte une et de bioéthanol. Dans certains pays, le
réponse, à la fois aux priorités des pays manioc est aussi cultivé pour ses feuilles,
en développement, aux tendances de dont la teneur en protéines peut atteindre
l’économie mondiale et au défi posé par 25 pour cent.
le changement climatique. Parmi les grandes cultures vivrières du
monde, le manioc a longtemps été consi-
Le manioc (Manihot esculenta Crantz) est déré comme la culture se prêtant le moins
cultivé par les petits exploitants agricoles, à l’intensification. L’approche de l’intensi-
dans plus de 100 pays tropicaux et subtro- fication promue par la Révolution verte – à
picaux. Il utilise l’eau et les éléments nutri- savoir, utilisation de variétés végétales
tifs du sol avec efficience et est tolérant à génétiquement uniformes, travail du sol
la sécheresse et aux attaques sporadiques intensif, irrigation et apport d’engrais et
de ravageurs, ce qui lui permet de pro- de pesticides – s’est avérée peu adaptée
duire des rendements raisonnables avec au manioc dans les zones d’agriculture
un apport d’intrants limité voire nul, dans pluviale.
les zones où les sols sont peu fertiles et les Mais l’importance du manioc s’est
précipitations imprévisibles. considérablement renforcée. Selon
Les racines (ou tubercules) de manioc, les estimations de la FAO, en 2012, la
qui sont très riches en glucides, consti- récolte mondiale s’est élevée à plus de
tuent une source d’énergie 280 millions de tonnes, ce
alimentaire importante. qui représente une
Elles peuvent être augmentation de
consommées à 60 pour cent par
l’état frais après rapport à 2000.
cuisson, être Au cours de la
transformées en dernière décennie,
divers produits ali- les rendements
mentaires ou servir moyens mondiaux
à nourrir les animaux. ont progressé de près
L’amidon de racine de de 1,8 pour cent par an pour
manioc est employé dans des atteindre 12,8 tonnes à l’hectare.
branches d’activité très variées, Avec une meilleure gestion des
depuis les secteurs alimentaires cultures et du sol et des variétés à
et pharmaceutiques jusqu’à la rendement élevé plus résistantes à la

Cultivé presque exclusivement par de petits


exploitants agricoles à faible revenu,
le manioc est l’une des rares cultures
vivrières que l’on peut produire avec
efficience à petite échelle.
Document d’orientation 5

Entre 1980 et 2011,


Croissance de la production mondiale des principales cultures vivrières, 1980-2011 (indice 1980=100)
la production
240
mondiale de
220 Maïs manioc a plus que
Manioc doublé, passant
200
de 124 millions
180 Riz de tonnes à
Blé
252 millions de
160
Pomme tonnes. Seul le
140 de terre maïs enregistre
une croissance
120 plus rapide.
100

80

2010
2011
1980

1985

1990

1995

2000

2005
sécheresse, aux organismes nuisibles et production mondiale de bioéthanol
aux maladies, le manioc pourrait produire pourrait atteindre 155 milliards de litres
un rendement moyen estimé à 23,2 tonnes d’ici à 2020.
de tubercules. Nouveaux usages industriels. Le ma-
La croissance de la production de nioc est la deuxième source d’amidon
manioc devrait s’accélérer pendant la après le maïs. Des mutations récentes
décennie actuelle. Longtemps considéré du manioc permettent d’obtenir à
comme l’«aliment des pauvres», le manioc partir des racines un amidon très
est devenu une culture polyvalente pour recherché par le secteur industriel.
le XXIe siècle – une culture qui apporte Adaptation au changement climatique.
une réponse, à la fois aux priorités des Parmi les principales cultures vivrières
pays en développement, aux tendances de produites en Afrique, le manioc devrait
l’économie mondiale et au défi posé par le être la culture qui souffrira le moins des
changement climatique. En résumé: conditions climatiques prévues en 2030.
Développement rural. Dans les pays
tropicaux, les responsables politiques Avec l’augmentation de la demande
reconnaissent le formidable potentiel sur les marchés, il est probable que l’on
du manioc, en tant que moteur du observera un développement sensible de la
développement industriel et source de monoculture de manioc sur des surfaces
revenus, en milieu rural. plus étendues, une adoption généralisée
Sécurité alimentaire urbaine. La hausse des génotypes à rendement élevé et un
des prix des céréales, qui a déclenché recours plus fréquent à l’irrigation et aux
l’inflation des cours mondiaux des produits agrochimiques. La monoculture
denrées alimentaires en 2008, sera un intensive peut simplifier la gestion et, dans
facteur majeur de l’augmentation de la un premier temps, favoriser l’amélioration
production. des rendements. Cependant, on sait
Substitut des importations. Dans le par expérience qu’elle favorise aussi la
pain, la farine de manioc produite loca- prévalence des organismes nuisibles et
lement peut remplacer partiellement la des maladies et accélère l’épuisement des
farine de blé. réserves d’éléments nutritifs présentes
Énergie renouvelable. La demande dans le sol.
en manioc, en tant que source de Lorsqu’ils promeuvent les programmes
bioéthanol, augmente rapidement. La d’intensification de la production de
6 Produire plus avec moins: Le manioc

manioc, les responsables politiques ne variétés végétales, soit en association, soit


devraient pas oublier les leçons données en rotation, soit successivement, emploi
par le saut quantitatif de la production de variétés à haut rendement adaptées et
céréalière mondiale: des décennies de de semences de qualité, gestion efficiente
culture intensive ont épuisé les ressources de l’eau pour produire plus par unité de
naturelles de nombreux écosystèmes agri- quantité d’eau et recours à la protection
coles, compromis la productivité future intégrée pour lutter contre les ravageurs.
de ces derniers et contribué à l’émission Ce document montre comment on
de gaz à effet de serre responsable du peut appliquer les principes du modèle
changement climatique. L’application du «Produire plus avec moins» à l’inten-
même modèle à la production de manioc sification de la production de manioc.
comporte des risques similaires. S’ils suivent ce modèle, les pays en
développement peuvent exploiter pleine-
Le modèle écosystémique de la FAO ment le potentiel du manioc, c’est-à-dire
«Produire plus avec moins» pour l’intensi- obtenir des rendements plus élevés, lutter
fication de la production agricole consiste contre la pauvreté rurale et contribuer
à rendre la Révolution verte «plus écolo- au développement économique national,
gique», par les moyens suivants: utilisation tout en évitant les risques inhérents à
de pratiques qui préservent la santé du sol, l’intensification.
culture d’un large éventail d’espèces et de

2. Systèmes de production
agricole
Beaucoup de petits producteurs Les rendements des cultures dé-
de manioc appliquent déjà trois pendent non du travail du sol mais des
recommandations essentielles du conditions de ce dernier. Les boutures de
modèle «Produire plus avec moins»: manioc peuvent être plantées, et produire
travail du sol limité ou labour zéro, de bons rendements, dans des sols qui
protection de la surface du sol par une n’ont pas été travaillés, sous réserve que
couverture organique et diversification les sols soient sains, bien structurés et non
des cultures. compactés. Si l’on ne travaille pas le sol,
les rendements du manioc sur des sols dé-
Le modèle d’agriculture de la FAO gradés peuvent être plus bas les premières
«Produire plus avec moins» vise à limiter années. Sur le long terme, cependant,
le bouleversement mécanique du sol, en le fait de ne pas travailler le sol – ce qui
réduisant autant que possible le labour, réduit la minéralisation, l’érosion et les
le hersage et le binage. Le travail du sol pertes en eau et favorise la formation de
conventionnel, pratiqué en continu avec matière organique, le maintien de la stabi-
des charrues, des herses et des charrues lité des agrégats et le drainage interne des
rotatives montées sur tracteur, contribue à sols – permet aux racines de fonctionner
enfouir la couverture protectrice du sol, à à plein. Une fois que la santé du sol est ré-
tuer la faune et la flore du sol, à provoquer tablie, la terre non travaillée peut produire
une décomposition rapide de la matière des rendements élevés, et ce à moindre
organique et à dégrader la structure du sol coût – tant pour l’agriculteur que pour les
en pulvérisant les agrégats. ressources naturelles qui servent de base
au système de production agricole.
Document d’orientation 7

Les planteurs de manioc devraient être Incidences du paillage sur le rendement en tubercules secs du manioc
encouragés à adopter le travail minimal tardif, en République démocratique du Congo (t/ha)
du sol et, idéalement, le labour zéro, en 6
particulier sur les sols friables présentant Avec paillage*
un bon degré d’agrégation et une teneur 5
suffisante en matière organique. Même Sans paillage
lorsqu’elle produit des rendements plus 4
faibles, l’agriculture de conservation offre
des avantages économiques aux agricul- 3
teurs: moins de dépenses consacrées au
carburant et au matériel requis pour le 2
travail du sol conventionnel et possibilité
de produire du manioc de manière plus 1
intensive et durable sans être obligé
d’apporter de grandes quantités d’intrants 0
Année 1 Année 2 Année 3 *paille de riz à raison
externes. de 5 t/ha
Dans les zones productrices de manioc
touchées par le changement climatique, le Parce qu’il améliore les conditions physiques du sol, le paillage
travail du sol limité et le labour zéro pour- fait grimper les rendements (voir ci-dessus). Le paillage aide les
ront aussi remplacer avantageusement agriculteurs à bénéficier de tous les avantages du labour zéro (voir
le travail du sol conventionnel. En effet, ci-dessous).
là où les précipitations diminueront, ces
techniques favoriseront la conservation Variation du rendement du manioc en fonction du paillage de surface,
de l’humidité du sol, tandis que là où les de l’apport d’engrais et du travail du sol, en Colombie (t/ha)
précipitations augmenteront, les mêmes 7
techniques contribueront à freiner l’éro- Avec engrais Sans engrais
sion du sol et à améliorer la structure de 6
ce dernier, ce qui permettra un meilleur
5
drainage interne.
4
Parallèlement au travail du sol limité
ou au labour zéro, la FAO recommande de 3
maintenir sur le sol une couverture orga-
2
nique, composée de résidus des cultures
et de paillis, afin de protéger la surface, 1
de réduire le ruissellement et l’érosion et
d’empêcher la croissance des adventices. 0
La couverture du sol est particuliè- Travail du sol Travail du sol Labour zéro Labour zéro
conventionnel conventionnel + paillage
rement importante dans la culture du + paillage
manioc, car la croissance initiale de la
plante est lente, le sol est directement
exposé à l’impact de la pluie pendant les indésirables qui prolifèrent normalement
deux à trois premiers mois du cycle de pendant le développement des plants de
croissance et l’écartement important des manioc et après la récolte.
plants est propice à l’apparition d’adven- Le paillis sert aussi de couche isolante,
tices. Les légumineuses à croissance rapide en réduisant les incidences de la variation
assurent un désherbage moins pénible que de température diurne et l’évaporation de
le désherbage manuel et moins coûteux l’eau. Il favorise la formation de matière or-
que la pulvérisation d’herbicides, car ganique dans le sol et crée un environne-
elles étouffent beaucoup des adventices ment favorable pour les micro-organismes
8 Produire plus avec moins: Le manioc

du sol et la faune souterraine. Le paillage Dans de nombreuses régions tropi-


qui améliore les conditions physiques du cales, les petits producteurs de manioc
sol – réduction des températures dans plantent des cultures intercalaires à
le sol, accroissement de la teneur en eau, maturation précoce, telles que le maïs, le
augmentation de la capacité d’infiltration riz de montagne et diverses légumineuses
En Thaïlande, de l’eau et réduction de l’éva- à grains. Les cultures interca-
les cultures poration – contribue à faire laires protègent le sol de l’im-
intercalaires de grimper les rendements. pact direct de la pluie, limitent
manioc et de l’érosion du sol et freinent la
niébé produisent Dans le modèle «Produire croissance des adventices. En
généralement plus avec moins», les agri- outre, ces cultures peuvent
des rendements culteurs sont encouragés à être récoltées à d’autres
en tubercules cultiver, soit en association, moments de l’année, accroître
plus faibles mais soit en rotation, soit suc- le revenu net global par unité
suffisamment de cessivement, un plus large de surface et réduire le risque
fourrage pour que éventail d’espèces végétales, de perte totale de la récolte.
le revenu net soit qui peut englober des arbres, En outre, la culture de manioc
plus élevé. des arbustes et des plantes fourragères. La et de légumineuses à cycle court fournit à
polyculture diversifie la production, ce qui la fois des glucides et des protéines, ce qui
aide les exploitants à réduire les risques, à constitue la base d’un régime alimentaire
répondre à l’évolution de la demande du sain pour le ménage agricole.
marché et à s’adapter aux chocs externes, Dans les zones marginales où il est
notamment le changement climatique. la culture principale, le manioc peut être
Le fait de produire, en rotation ou en cultivé en rotation avec des légumineuses
association, des cultures qui utilisent les à grains, telles que les arachides, les hari-
éléments nutritifs et des légumineuses qui cots mungo, le niébé et le soja, qui fixent
enrichissent le sol, ou bien des cultures à l’azote atmosphérique et le mettent à la
enracinement superficiel et des cultures disposition de la culture de manioc sui-
a enracinement profond, favorise la vante. La culture alternée de manioc et de
conservation de la fertilité du sol et la niébé améliore la fertilité du sol, au point
productivité des cultures et interrompt la que l’on peut réduire l’apport d’engrais
transmission des organismes nuisibles et minéral sans faire baisser le rendement.
des maladies propres à certaines cultures.
Document d’orientation 9

3. Variétés et matériel végétal

Tant que les variétés à haut rendement diffuser les données avec plus d’efficience,
se heurteront à des problèmes de si l’on veut faciliter l’acquisition de ma-
production et que les planteurs de tériel génétique susceptible d’être utilisé
manioc ne disposeront pas d’un accès pour compléter les variations héréditaires
fiable à du matériel végétal exempt localement disponibles, aux fins de l’amé-
de maladies, le manioc ne pourra pas lioration génétique du manioc. Par le biais
libérer tout son potentiel. du Traité international sur les ressources
phytogénétiques pour l’alimentation et
Le réservoir de gènes du manioc se l’agriculture, la FAO peut fournir une
compose des espèces cultivées Manihot plate-forme neutre de coopération, propice
esculenta et d’une centaine d’espèces à la création de synergies.
sauvages. Les espèces sauvages apparen-
tées et les variétés locales traditionnelles Au cours des 30 dernières années, la
constituent la principale source de gènes et sélection de variétés à haut rendement
de combinaisons de gènes pour la création présentant une résistance ou une tolérance
de nouvelles variétés. aux agressions biotiques et abiotiques a
Les spécialistes en biotechnologies et contribué à une amélioration notable des
les sélectionneurs moléculaires ont utilisé rendements du manioc. Le Centre inter-
les échantillons de manioc conservés national d’agriculture tropicale (CIAT) a
dans les banques de gènes pour identifier produit des clones résistants à la bactériose
les gènes qui contrôlent des caractères du manioc et aux insectes ravageurs et
spécifiques. Avec la baisse des coûts de tolérants à la pourriture des racines. En
la biologie moléculaire et des biotech- Afrique, l’Institut international d’agricul-
nologies, le moment est venu de s’atteler ture tropicale (IITA) a produit des variétés
à la description de la diversité génétique améliorées caractérisées notamment par
du manioc, à l’échelle du génome, et de leur résistance à la mosaïque du manioc et
combler les lacunes dans les collections de aux acariens verts.
matériel génétique avant qu’une précieuse Avec les menaces que le changement
diversité ne soit perdue. climatique fait peser sur l’agriculture dans Les racines
Les espèces sauvages apparentées au beaucoup de parties du monde, la sélection de manioc
manioc pourraient contribuer de manière va porter de plus en plus sur «l’empilage» sont coniques,
non négligeable à la sélection de variétés de multiples caractéristiques dans des cylindriques ou
se prêtant à une intensification à faible variétés d’élite. Une plus grande attention irrégulières et de
apport d’intrants. Malheureusement, les devrait aussi être accordée au dévelop- couleur crème,
espèces Manihot sauvages ont été rare- pement de variétés localement adaptées, jaune ou marron
ment mises en collection et sont menacées capables de produire de très bons rende- clair à marron
dans beaucoup de leurs habitats naturels. ments pour une série d’usages finaux et foncé.
Il est urgent de prendre des mesures pour
créer des collections in situ des espèces
Manihot sauvages.
Il est nécessaire d’harmoniser les don-
nées relatives aux échantillons conservés
dans les banques de gènes et de générer et
10 Produire plus avec moins: Le manioc

pour la multiplication rapide du manioc,


mais rares sont les pays qui disposent
d’un système semencier officiel pour cette
culture.
Faute de tels systèmes, les programmes
de développement de la culture du manioc
en Afrique adoptent une approche com-
peu exigeantes en produits agrochimiques munautaire à trois niveaux pour assurer
ou irrigation. une multiplication rapide. Au niveau
On devrait encourager l’intégration supérieur, le matériel produit par les sélec-
des résultats des activités de présélection tionneurs est multiplié dans des centres de
du CIAT et de l’IITA dans les programmes recherche et des exploitations publiques
de sélection nationaux qui utilisent les pour produire du matériel végétal de base
variétés locales et les autres génotypes fa- propre et sain. Au deuxième niveau, la
voris des agriculteurs, en tant que parents. poursuite de la multiplication est assurée
Jusqu’ici, l’accent a été mis sur l’évaluation dans des exploitations souvent gérées par
des lignées aux fins d’une adaptation de des groupements d’agriculteurs et des
Les feuilles des large portée; ces travaux doivent main- ONG. Le matériel certifié est ensuite dis-
plants de manioc tenant être complétés par l’introgression tribué aux sites de multiplication tertiaires
comptent de 3 de caractéristiques provenant du matériel situés dans les zones de plantation.
à 11 lobes lisses localement adapté. Partout ailleurs, l’utilisation de maté-
ou enroulés et La participation des planteurs aux riel végétal de mauvaise qualité demeure
sont disposées en essais variétaux et à la définition des l’une des causes majeures de la faiblesse
spirale autour de critères de sélection doit devenir une des rendements. Les agriculteurs peuvent
la tige. étape essentielle de la mise au point de contribuer à améliorer la situation en
nouvelles variétés. Les critères définis par adoptant des pratiques agronomiques
les exploitants agricoles doivent être pris améliorées. Ils devraient couper les tiges
en compte à tous les stades de la sélection destinées à fournir les boutures sur des
et les essais réalisés dans leurs champs plants vigoureux ne montrant aucun
devraient commencer le plus tôt possible symptôme d’attaques de ravageurs ou de
dans le processus de sélection. maladies. Les tiges doivent être stockées
en position verticale, à l’ombre, leur base
La disponibilité et l’utilisation de maté- reposant sur de la terre ameublie à la houe
riel végétal de qualité, propre à garantir la et régulièrement arrosée. Les boutures
pureté génétique et exempt de maladies et coupées à partir des tiges devraient mesu-
d’agents pathogènes, sont cruciales pour rer quelque 20 cm de longueur, compter
l’intensification de la production de ma- 5 à 7 nœuds et être mises à tremper de 5 à
nioc. Des protocoles ont été mis au point 10 minutes dans de l’eau chaude pour tuer
les ravageurs ou les agents pathogènes qui
pourraient être présents.
Les planteurs peuvent accroître leur
future récolte de manioc en ne coupant
des boutures que sur des plants à haut ren-
dement bien fertilisés. Ces pratiques très
simples contribueront à améliorer nota-
Les boutures blement la production, en particulier pour
issues de plants les variétés traditionnelles qui peuvent être
sains et exempts sensibles aux organismes nuisibles et aux
d’organismes maladies.
nuisibles et de maladies
poussent mieux et produisent des
rendements en tubercules plus
élevés.
Document d’orientation 11

4. Gestion de l’eau
Dans le sud
Une fois planté, le manioc peut pousser Incidences de la date de plantation sur le rendement
du Nigéria, les
dans des régions qui ne reçoivent pas en tubercules du manioc tardif, au Nigéria (%)
rendements
plus de 400 millimètres de pluie par 120
peuvent subir
an en moyenne. Cependant, on peut une réduction
obtenir des rendements bien plus élevés 100
drastique, allant
avec un apport d’eau plus important. jusqu’à 60 pour
80
cent, lorsque la
Le manioc peut supporter des périodes de plantation est
60
sécheresse mais est très sensible au déficit repoussée après le
hydrique dans le sol pendant les trois mois de juin.
40
premiers mois qui suivent sa plantation.
Tout stress hydrique subi à n’importe quel
20
moment de cette période initiale entraîne
une réduction sensible de la croissance 0
des racines et des parties aériennes et Juin Juill. Août Sept. Oct.
compromet par la suite le développement Mois de plantation
des tubercules.
Une fois planté, le manioc peut spectaculaire du rendement. Dans les
pousser dans des régions qui ne reçoivent zones caractérisées par deux saisons des
pas plus de 400 millimètres de pluie pluies annuelles relativement brèves, le
par an en moyenne. Cependant, on manioc peut être planté au début ou au
peut obtenir des rendements plus élevés milieu de l’une de ces deux saisons et être
avec un apport d’eau beaucoup plus récolté après 10 à 14 mois, de préférence
important. Des recherches conduites en pendant la saison sèche.
Thaïlande indiquent que les rendements La plantation en début de saison
en tubercules les plus élevés sont corrélés des pluies produit généralement les
à une quantité totale de précipitations de rendements les plus élevés parce que les
quelque 1 700 mm pendant la période qui plants trouvent suffisamment d’eau dans
s’étend du quatrième au onzième mois le sol pendant la phase la plus critique de
après la plantation. En outre, le manioc leur cycle de croissance. Cependant, les
réagit bien à l’irrigation. Lors d’essais au recherches ont montré que les rendements
Nigéria, les rendements en tubercules ont pouvaient varier en fonction de la variété
été multipliés par six lorsque l’irrigation plantée, du type de sol, de l’âge de la
au goutte-à-goutte d’appoint a apporté une plante à la récolte et de l’intensité et de la
quantité d’eau égale aux précipitations de distribution des précipitations pendant
saison. une année donnée.
Pour la production pluviale, les mé-
Dans la plupart des parties du monde, thodes de plantation doivent être adaptées
le manioc est presque exclusivement une à la teneur en humidité des sols. Quand le
culture pluviale. Dans les zones où il n’y sol n’est pas bien drainé et trop humide en
a qu’une seule saison des pluies annuelle, raison de fortes pluies, il est conseillé de
les producteurs plantent généralement le planter les boutures au sommet de billons
manioc dès les premières pluies. En effet, ou de buttes pour maintenir les racines
tout retard peut entraîner une baisse au-dessus de l’eau stagnante.
12 Produire plus avec moins: Le manioc

autres grandes activités agricoles et qu’il y


a donc moins de compétition au niveau de
la main-d’œuvre.

Le manioc réagit de manière positive à


l’irrigation d’appoint pendant les périodes
non pluvieuses. Des recherches conduites
en Inde ont montré que, pendant les
périodes de sécheresse, les rendements
augmentaient en même temps que les
quantités d’eau fournies par l’irrigation de
surface. L’irrigation complète, soit l’apport
de 100 pour cent des besoins en eau de la
culture, a multiplié par deux le rendement
en tubercules obtenu sans irrigation.
Avec l’irrigation au Cependant, lorsque le manioc est L’irrigation au goutte-à-goutte est plus
goutte-à-goutte, planté pendant les saisons sèches, les taux efficiente: elle fournit fréquemment de
les chercheurs de pousse et de survie sont beaucoup plus petites quantités d’eau, ce qui économise
ont fait passer élevés si les boutures sont plantées sur l’eau mais maintient le degré d’humidité
les rendements un terrain plat, parce que la teneur en du sol à un niveau propice à la croissance
en tubercules humidité est légèrement plus élevée dans de la culture. Lors d’essais conduits en
de 4,6 tonnes le sol de surface. Les boutures devraient Inde, l’irrigation au goutte-à-goutte a
à 28 tonnes à être plantées à faible profondeur, soit 5 à produit quasiment le même rendement en
l’hectare. 10 cm, dans les sols lourds et humides, tubercules que l’irrigation par submersion
mais un peu plus profondément dans les – environ 60 tonnes à l’hectare – mais
sols secs et légers pour éviter la chaleur et avec 50 pour cent d’eau en moins. Quand
le manque d’eau qui règnent en surface. la quantité d’eau apportée par l’irrigation
Si les premières pluies sont intenses, au goutte-à-goutte était égale à la quantité
le risque d’engorgement est plus élevé fournie en irrigation par submersion,
dans les sols peu profonds et dans les sols le rendement continuait à progresser
mal drainés qui ont été compactés par du sensiblement, pour atteindre 67,3 tonnes à
matériel de travail du sol trop pesant. Le l’hectare.
labour zéro atténue le risque d’engorge- Des essais conduits dans le sud-ouest
ment car il améliore le drainage interne. du Nigéria ont donné des résultats simi-
Lorsqu’un travail du sol est effectué, il faut laires. Sur des parcelles bénéficiant d’une
veiller à ce que le sol ne soit ni trop sec ni irrigation au goutte-à-goutte d’appoint, les
trop humide pendant la préparation. Si né- rendements progressaient fortement avec
cessaire, on peut utiliser une sous-soleuse l’augmentation des quantités d’eau appor-
pour fragmenter la «semelle» compactée. tées. Aux faibles niveaux d’apport d’eau,
La plantation en fin, plutôt qu’en les augmentations de rendement étaient
début, de saison des pluies entraîne particulièrement importantes – la four-
généralement des rendements plus faibles niture de 20 pour cent d’eau d’irrigation
mais n’est pas sans présenter quelques supplémentaire faisait quasiment doubler
avantages: moins de compétition des les rendements.
adventices et – si la récolte est effectuée en
contre-saison – possibilité d’obtenir des
prix plus intéressants sur le marché. Un
autre avantage de la plantation tardive du
manioc est qu’elle ne coïncide pas avec les
Document d’orientation 13

5. Nutrition des cultures


Des processus écosystémiques associés Il est de plus en plus nécessaire d’apporter
à l’emploi judicieux d’engrais minéral des engrais au manioc, parce que les
constituent la base d’un système de moyens traditionnellement employés pour
nutrition des cultures durable qui maintenir la fertilité des sols sont aban-
produit plus et consomme moins donnés dans les systèmes de production
d’intrants externes. plus intensifs.
Les rendements du manioc pourraient
Très tolérant aux sols acides, le manioc être sensiblement améliorés si les agri-
a formé une association symbiotique culteurs avaient accès à l’engrais minéral
avec des champignons du sol, qui aident à un prix raisonnable. En République
ses racines à prélever le phosphore et les démocratique du Congo, l’utilisation de
micronutriments. Dans la mesure où la variétés améliorées et d’engrais minéral a
plupart des éléments nutritifs absorbés se permis de faire augmenter les rendements
retrouvent dans les tiges et les feuilles, le en tubercules de 30 pour cent à 160 pour
fait de restituer celles-ci au sol contribue cent.
à maintenir la fertilité pour la culture Dans un premier temps, le manioc
suivante. devrait être fertilisé avec des quantités à
Parce qu’il peut produire des rende- peu près équivalentes d’azote (N), de phos-
ments raisonnables sur des sols pauvres, phore (P) et de potasse (K). Cependant, si
on a longtemps cru que le manioc n’avait la culture est produite sans interruption
pas besoin d’engrais minéral et était même pendant de nombreuses années, il faudra
incapable de l’utiliser. Les résultats d’essais modifier l’équilibre N-P-K pour compen-
approfondis vérifiés par la FAO ont mon- ser l’extraction des éléments nutritifs, en
tré, au contraire, que beaucoup de variétés particulier la potasse, par la récolte. On
de manioc tiraient parti de la fertilisation. peut le faire en employant des engrais

En Thaïlande,
Incidences de l’apport d’engrais minéral et de la gestion des résidus de cultures sur les rendements
en tubercules du manioc, pendant une période couvrant 25 cycles culturaux, en Thaïlande (t/ha) quand aucun
engrais n’a été
50
Engrais + parties aériennes recyclées Pas d’engrais + parties aériennes recyclées apporté et que les
45
parties aériennes
40 Pas d’engrais, pas de recyclage des parties aériennes ont été retirées
35
du champ, les
30
rendements
25 par hectare ont
20 fortement décliné.
15
10
5
0
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25
Cycles de culture du manioc
14 Produire plus avec moins: Le manioc

composés riches en potasse et en azote et leucocephala et Gliricidia sepium, a eu


relativement pauvres en phosphore. à long terme un effet positif marqué et
Pour limiter le coût des intrants, les constant sur le manioc, que celui-ci soit
producteurs devraient toujours recouvrir ou non fertilisé.
de terre les engrais épandus, afin de La fumure verte – c’est-à-dire le
réduire la volatilisation de l’azote et les paillage avec des résidus de cultures
pertes d’éléments nutritifs imputables au de légumineuses avant la plantation
ruissellement et à l’érosion. du manioc – améliore aussi la fertilité
L’apport d’engrais azoté du sol. Les engrais verts efficaces sont
peut aussi être optimisé par notamment le niébé, les arachides, le
l’emploi, soit de supergra- pois d’Angole et le pois mascate. En
nules d’urée compressée soit Colombie, le paillage avec des légu-
de perles d’urée enrobées mineuses autochtones a entraîné une
de tourteau de neem. Ces augmentation des rendements similaire
deux techniques ralentissent à celle que l’on obtient avec l’engrais
considérablement la nitrifi- minéral. En République démocratique
cation de l’urée et réduisent du Congo, l’incorporation dans le sol de
ainsi les pertes par volatilisa- la matière sèche d’un tournesol sauvage,
Tithonia tion dans l’air et ruissellement des eaux de Tithonia diversifolia, à raison de 2,5
diversifolia, un surface. tonnes par hectare, a produit un ratio
tournesol sauvage L’engrais minéral peut contribuer à coûts-avantages plus élevé que celui de
tropical, donne améliorer les rendements mais, sur le long l’utilisation d’engrais minéral.
un paillis riche en terme, il ne peut pas maintenir à lui seul la Les déjections animales et le compost
éléments nutritifs. production sur des terres dégradées. Les sont de bonnes sources de matière
agriculteurs peuvent conserver et amélio- organique, qui améliorent la structure
rer la qualité et la santé du sol en mettant du sol, renforcent les capacités de
en œuvre un certain nombre d’autres rétention d’eau et d’échange cationique,
mesures du modèle «Produire plus avec apportent des micronutriments et
moins»: favorisent l’activité souterraine des lom-
La culture intercalaire avec des légu- brics, des bactéries et des champignons.
mineuses à grains permet de mettre Lors d’essais conduits en Indonésie,
de l’azote à la disposition du manioc. l’épandage de 5 tonnes de compost
Au Nigéria, après deux ans de culture associé à l’emploi judicieux d’engrais
intercalaire manioc-soja, l’incorpora- minéral a produit des rendements plus
tion des résidus de soja a entraîné une élevés que l’engrais utilisé seul.
augmentation du rendement de 10 pour
cent à 23 pour cent. Des recherches La lutte contre l’érosion du sol est un
conduites sur deux sites en République élément essentiel de la gestion durable de
démocratique du Congo ont permis de la fertilité du sol. La culture du manioc
conclure que la plantation de quatre entraîne, plus que les autres cultures, des
lignes d’arachides entre des rangées de pertes de sol par érosion, en particulier si
manioc largement espacées entraînait les planteurs ne protègent pas le sol avec
aussi une amélioration des rendements. des plantes de couverture ou du paillis.
La culture en couloirs avec des arbres Les pratiques du modèle «Produire
de la famille des légumineuses à plus avec moins» réduisent considérable-
croissance rapide peut aussi être un ment le ruissellement et l’érosion. On peut
moyen efficace d’améliorer la fertilité opter pour le travail du sol minimal ou le
du sol. Au Viet Nam, la culture en labour zéro, qui contribuent à ralentir la
couloirs avec deux espèces d’arbres de décomposition de la matière organique,
la famille des légumineuses, Leucaena préservent la stabilité des agrégats du sol et
Document d’orientation 15

favorisent le drainage interne. Si le sol est pour freiner le ruissellement et retenir les
préparé d’une manière conventionnelle, sédiments érodés.
le labour et le billonnage effectués sur Des recherches conduites en Colombie
des terrains en pente doivent suivre les et dans plusieurs pays asiatiques ont mon-
courbes de niveau. En outre, celles-ci tré que l’efficacité de toutes les mesures
devraient être plantées de haies de grami- anti-érosion était améliorée par l’apport
nées ou d’arbustes ou arbres de la famille d’engrais minéral, car celui-ci accélérait la
des légumineuses, non compétitives, couverture du sol par les plantes.

6. Organismes nuisibles
et maladies
La protection du manioc par un moins» vise à réduire autant que possible
pesticide est bien souvent inefficace leur utilisation et fait appel à la protection
et rarement économique. Plusieurs phytosanitaire intégrée, une stratégie qui
mesures non chimiques aident les stimule les processus biologiques et la
agriculteurs à réduire les pertes et biodiversité propices à la production. Une
protègent aussi l’écosystème agricole. série de mesures non chimiques et du-
rables peut aider les planteurs de manioc à
Comme les autres cultures, le manioc est limiter les pertes imputables aux insectes
sensible à des organismes nuisibles et des nuisibles et aux maladies.
maladies qui peuvent entraîner de fortes La bactériose du manioc, l’une des
baisses de rendement. Dans certaines maladies du manioc les plus répandues,
régions, on observe une recrudescence des est transmise par du matériel végétal
organismes nuisibles et des maladies parce et des outils agricoles contaminés. On
que la culture est plus intensive, qu’elle peut lutter contre cette maladie de
couvre de plus grandes surfaces et qu’elle diverses façons: utilisation de variétés
est pratiquée pendant toute l’année à des tolérantes, trempage des boutures dans
fins industrielles. de l’eau chaude avant la plantation,
Étant donné que les insecticides, les stérilisation des outils avec un désinfec-
fongicides et les herbicides de synthèse tant et culture intercalaire pour freiner
détruisent l’équilibre écosystémique la dissémination de plante à plante.
naturel de la culture et sont susceptibles Les maladies virales sont généralement
d’exacerber les problèmes de ravageurs et transmises par du matériel végétal in-
de maladies, le modèle «Produire plus avec fecté. En outre, les aleurodes véhiculent

Les amis et les ennemis du manioc. À gauche,


l’aleurode et les cochenilles du manioc, souvent
responsables de lourdes pertes de récoltes. À droite,
deux ennemis naturels des organismes nuisibles du
manioc: des coléoptères de la famille des coccinellidés
et la chrysope africaine.
16 Produire plus avec moins: Le manioc

Feuilles déformées,
chlorose, marbrures et
flétrissement: ce sont
les symptômes de la
mosaïque du manioc.

les virus responsables de la mosaïque conduit au Cameroun a permis de


du manioc et de la maladie des stries constater que la culture intercalaire de
brunes, qui peuvent entraîner une perte manioc avec du maïs et du niébé entraî-
totale de la récolte. Pour lutter contre nait une diminution de 50 pour cent de
ces deux maladies, il est principalement la population d’aleurodes adultes et un
recommandé de respecter strictement recul de 20 pour cent de l’incidence de
les procédures de quarantaine lors des la mosaïque.
échanges internationaux de matériel Les cochenilles se nourrissent de
génétique et de recourir à des pratiques manioc et injectent une toxine qui
culturales, telles que l’utilisation de provoque le flétrissement des feuilles.
cultivars résistants ou tolérants et de Une infestation régionale de cochenilles
matériel végétal exempt de virus. en Afrique subsaharienne a été jugulée
La pourriture des racines s’observe grâce à l’introduction d’un ennemi
principalement dans les sols mal naturel venu d’Amérique du Sud,
drainés pendant les périodes de pluie Anagyrus lopezi, une guêpe minuscule
intense. En Colombie, les agriculteurs qui pond ses œufs dans l’insecte
ont éliminé la pourriture des racines nuisible (les larves tuent l’hôte pendant
en plantant des boutures provenant de leur croissance). En 2009, une grave
plants sains, en utilisant des cendres et invasion de cochenilles en Thaïlande a
des feuilles sèches pour amender et fer- été rapidement endiguée par le lâcher
tiliser le sol et en plantant du niébé en de 3 millions de couples de A. lopezi
tant que culture intercalaire. Un moyen dans la zone infestée.
de lutte biologique efficace consiste Les acariens du manioc sont des orga-
à immerger les boutures dans une nismes nuisibles majeurs dans toutes
suspension de Trichoderma viride, un les régions productrices. Au début des
champignon du sol parasitant tous les années 1970, l’introduction des acariens
autres champignons qui se disséminent verts venus d’Amérique latine a quasi-
dans le sol. ment anéanti la production de manioc
Les aleurodes sont probablement les africaine. Leur développement a été en-
insectes nuisibles qui provoquent le rayé par un acarien prédateur introduit
plus de dégâts dans toutes les régions du Brésil, qui a considérablement limité
productrices de manioc. Certains les dégâts provoqués par l’organisme
planteurs utilisent des insecticides nuisible. On peut aussi lutter contre
pour lutter contre les aleurodes mais les acariens du manioc en utilisant des
la pulvérisation est généralement sans variétés résistantes ou tolérantes et en
effet. En revanche, si l’on ne pulvérise apportant des engrais pour renforcer la
pas d’insecticide, les ennemis naturels vigueur des plants.
des aleurodes peuvent assurer une
lutte biologique. Un essai de deux ans
Document d’orientation 17

Certains organismes nuisibles et maladies court qui peuvent être récoltées quand
du manioc ont été introduits acciden- les frondaisons du manioc se rejoignent
tellement sur des espèces végétales très et que les adventices ne peuvent plus se
proches du manioc, telles que Jatropha développer faute de lumière.
curcas. Il faut être particulièrement Le désherbage manuel 15 jours,
attentif lorsque l’on déplace entre pays du 30 jours, 60 jours et 120 jours après la
matériel de plantation végétatif d’espèces plantation a permis d’obtenir des rende-
apparentées et les grandes plantations de ments en tubercules de 18 tonnes à l’hec-
Jatropha ne devraient pas être situées dans tare, soit seulement 8 pour cent de moins
des régions productrices de manioc. que le rendement obtenu avec l’utilisation
d’herbicides.
La lenteur de la croissance initiale du Cependant, les herbicides sont souvent
manioc laisse aux adventices le temps de employés sur les grandes exploitations
pousser et de devenir des concurrentes ou lorsque la main-d’œuvre n’est pas
sérieuses pour la lumière du soleil, l’eau et disponible ou trop coûteuse. Étant donné
les éléments nutritifs. Les pratiques cultu- que beaucoup de produits sont fortement
rales promues par le modèle «Produire toxiques, les planteurs doivent faire
plus avec moins» pour lutter contre les attention à l’herbicide qu’ils choisissent
adventices sont notamment de favoriser et suivre les conseils des spécialistes
une croissance précoce vigoureuse grâce à locaux de la protection phytosanitaire.
la fertilisation et – en saison sèche – l’irri- Les produits devraient être répertoriés et
gation au goutte-à-goutte, de couvrir le sol homologués localement et être accom-
avec du paillis et de planter des cultures pagnés d’instructions précises pour une
intercalaires à croissance rapide et à cycle manutention et une utilisation sans risque.

Surface infestée par la cochenille du manioc en Thaïlande, 2009-2012 (en milliers d’hectares)
250
1 Guêpe Anagyrus importée du Bénin
2 Conduite d’essais avec la guêpe
200 4
3 Lâcher de guêpes dans 25 villages
3 4 Lâcher de guêpes dans tout le pays L’arme secrète
150
1 utilisée par la
Thaïlande pour
enrayer une
100
invasion nationale
dévastatrice de
cochenilles du
manioc a été la
50 2
minuscule guêpe
Anagyrus lopezi
0
(ci-dessus).
14 mai

8 déc.
15 janv.

24 déc.
18 janv.

9 déc.
15 janv.

30 juill.

2009 2010 2011 2012


18 Produire plus avec moins: Le manioc

7. Récolte, opérations après


récolte et valeur ajoutée
Aliment pour le ménage, fourrage Les racines de manioc sont lavées et
pour les animaux et matière première épluchées avant d’être bouillies, cuites à la
d’une large gamme de produits à valeur vapeur ou grillées. En Afrique de l’Ouest,
ajoutée, de la farine grossière aux gels les racines râpées sont mises à fermenter,
d’amidon issus de technologies de puis grillées pour produire une farine
pointe – le manioc est indéniablement granuleuse appelée gari, ou séchées au
une culture polyvalente. soleil, pilées et mélangées à de l’eau pour
donner une pâte épaisse appelée fufu. En
Les tubercules de manioc peuvent être Indonésie, les racines coupées en fines
récoltés à tout moment, entre 6 et 18 mois tranches sont frites, saupoudrées d’épices
après la plantation. Pendant les disettes, on et vendues sur les marchés locaux.
peut les extraire en fonction des besoins, La farine de manioc de haute qualité
souvent un plant – voir un tubercule – à n’est pas fermentée et peut être utilisée
la fois. Une fois récoltées, les racines à la place de la farine de blé dans le pain
sont consommées directement par le et la pâtisserie. L’amidon natif extrait
ménage agricole, données aux animaux des racines est employé dans beaucoup
ou vendues pour être transformées en une de produits alimentaires. L’extraction de
large gamme de produits à valeur ajoutée. l’amidon peut être effectuée à quasiment
Cependant, les tubercules récoltés se dété- toutes les échelles – depuis les unités de
riorent rapidement et doivent commencer production artisanales familiales jusqu’aux
à être transformés dans les 48 heures. grandes usines entièrement mécanisées.
La racine n’est pas la seule partie de Au Cambodge, en Inde, en Indonésie et au
la plante qui peut être mise à bon usage. Viet Nam, on trouve beaucoup d’unités de
Les feuilles de manioc peuvent être cuites production artisanale d’amidon qui pro-
comme un légume ou utilisées pour élever duisent chaque jour 60 kilos par travail-
des vers à soie. L’extrémité verte de la leur. La transformation semi-mécanisée
tige est donnée au bétail et aux buffles et peut produire jusqu’à 10 tonnes par jour.
le limbe des feuilles aux cochons et à la
volaille. Les souches servent de combus- Usages industriels. De l’amidon de ma-
tible pour le feu et les tiges ligneuses sont nioc modifié est produit, principalement
broyées et utilisées comme substrat pour en Asie, pour servir de matière de base à
la culture des champignons. la production d’édulcorants, de fructose,
d’alcool et de glutamate monosodique et
Aliment pour la consommation directe. à la fabrication de contreplaqué, de papier
En Afrique centrale, les jeunes feuilles de et de textile. Dans les usines d’extraction
manioc sont régulièrement cueillies et d’amidon modernes, la production journa-
cuisinées pour la consommation humaine. lière peut atteindre 300 tonnes.
Les feuilles tendres contiennent jusqu’à De plus en plus, le manioc est égale-
25 pour cent de protéines et sont une ment employé pour la production d’étha-
précieuse source de fer, de calcium et de nol-carburant; en 2012, la Chine a produit
vitamines A et C. La valeur marchande 780 millions de litres de bioéthanol à
des feuilles de manioc dans les zones où partir de 6 millions de tonnes de manioc
elles sont consommées est souvent plus sec. Deux mutations récentes du manioc
élevée que celle des tubercules. pourraient donner un coup de fouet à
Document d’orientation 19

En Afrique centrale, les jeunes feuilles de


manioc encore tendres sont régulièrement
cueillies et cuisinées, car elles constituent
un légume riche en protéines.

animale nutritif. Les animaux nourris


avec des aliments à base de manioc sont
généralement en bonne santé, résistent
bien aux maladies, ont un faible taux de
mortalité et n’ont besoin que de faibles
apports d’antibiotiques, voire aucun, dans
leur alimentation.
La farine de feuilles de manioc sèches
(ou «foin de manioc») est généralement
obtenue en coupant les extrémités de la
plante tous les deux mois et demi ou trois
mois, pendant le cycle de croissance. Des
recherches ont montré que la complémen-
tation avec du foin de manioc, à raison de
son utilisation dans le secteur industriel: 1 à 2 kilos par animal et par jour, stimulait
une mutation induite qui se traduit par la production des vaches laitières et pou-
la production de très petits granulés vait améliorer la qualité et la conservation
d’amidon susceptibles d’être hydrolisés du lait.
plus rapidement que les autres amidons, et L’ensilage de feuilles se compose de
une mutation spontanée qui se traduit par feuilles hachées mélangées à de petites
la production d’un amidon sans amylose quantités de farine de racine de manioc ou
susceptible de concurrencer l’amidon très de son de riz. Scellées dans des conteneurs
prisé du maïs «cireux». étanches, les feuilles fermentent pendant
90 jours environ avant d’être données
Aliment pour les animaux. Tant les aux cochons et aux bovins. Lors d’essais
racines que les feuilles du manioc peuvent conduits au Viet Nam, une alimentation
être données aux animaux sur l’exploi- comportant 15 pour cent de feuilles de ma-
tation ou entrer dans la composition nioc ensilées a amélioré la prise de poids
d’aliments pour animaux vendus dans le journalière des cochons et réduit le coût de
commerce. En Asie, les petits producteurs leur alimentation de 25 pour cent.
et leurs partenaires de commercialisation
fournissent de grandes quantités de
cossettes de manioc au secteur des
produits d’alimentation animale destinés
à l’exportation. Les cossettes séchées au
soleil sont réduites en poudre et mélangées
avec des sources de protéines végétales
pour donner un produit d’alimentation
20 Produire plus avec moins: Le manioc

8. Les politiques qui permettent


de produire plus avec moins
L’intensification durable de la pour assurer des services écosystémiques
production de manioc passe par une tels que la conservation du sol et la protec-
volonté politique, des investissements, tion de la biodiversité.
un appui institutionnel et une approche
du développement des technologies qui Contribuer à l’amélioration des circuits
soit en prise sur la demande. d’approvisionnement en intrants. Les
pouvoirs publics devraient encourager
Dans la plupart des pays, la production de l’investissement privé dans la production
manioc est gourmande en main-d’œuvre d’intrants et établir des lignes de crédit
et est pratiquée à des fins de subsistance. pour donner à des fournisseurs privés les
Elle est caractérisée par une faible moyens d’organiser des achats en gros qui
utilisation des technologies, des coûts de garantissent la disponibilité des intrants
production élevés, des pertes après récolte en temps utile. Les institutions qui
importantes et un isolement relatif par encouragent la participation, telles que les
rapport au marché. Pour transformer le organisations paysannes, contribuent à ré-
sous-secteur, il sera nécessaire d’identifier duire les coûts de transaction liés à l’accès
les filières rentables et les préférences du au marché des intrants. Les mécanismes
marché et d’élaborer des stratégies visant à de «subvention intelligente» peuvent aider
limiter la variabilité des prix et à améliorer les petits producteurs à acheter de l’engrais
la qualité, le volume et la régularité de la à des prix plus intéressants que ceux du
production. Il n’existe pas de recomman- marché, mais les fonds de crédit renouve-
dations «universelles» mais il est possible lable gérés par des groupes constituent une
d’esquisser les caractéristiques essentielles source de financement plus durable.
des politiques et des institutions sus-
ceptibles de favoriser une intensification Lutter contre les menaces que font
durable de la production de manioc par les peser les organismes nuisibles et les
petits exploitants agricoles. maladies. Les programmes d’intensifica-
tion de la production de manioc devraient
Promouvoir les approches et les pra- promouvoir la protection intégrée, qui
tiques agricoles du modèle «Produire s’appuie sur l’utilisation de cultivars ré-
plus avec moins». Dans beaucoup de sistants, d’agents de lutte biologique et de
pays, les systèmes de production à faible biopesticides et sur la gestion des habitats,
apport d’intrants intègrent déjà les princi- pour protéger les cultures. Compte tenu
pales pratiques du modèle «Produire plus de la multiplication des déplacements in-
avec moins», telles que la limitation du ternationaux de matériel génétique du ma-
travail du sol, la plantation de cultures de nioc, il faudra mettre en œuvre de mesures
couverture et le paillage, et la polyculture. phytosanitaires améliorées pour que le
Les services de vulgarisation auront matériel végétal soit exempt d’organismes
un rôle capital à jouer pour valoriser nuisibles et de maladies. Il est essentiel de
ces pratiques, car il leur incombera de disposer de méthodes de détection et de
faciliter l’accès aux connaissances externes diagnostic efficaces pour éviter les dépla-
pertinentes et de faire le lien avec la mine cements d’agents pathogènes, si l’on veut
de connaissances détenue par les petits améliorer la protection de quarantaine et
exploitants agricoles. Les planteurs de ma- aligner les réglementations phytosanitaires
nioc pourraient avoir besoin d’incitations
Document d’orientation 21

nationales sur les conventions et les proto- l’établissement d’associations rassemblant


coles commerciaux internationaux. les planteurs et les transformateurs.
Les acteurs du sous-secteur du manioc
Appuyer la recherche sur le manioc peuvent avoir besoin d’une assistance
et le développement des technologies. pour établir des associations, que ce soit
La recherche appliquée peut faciliter la au niveau du sous-secteur ou autour d’une
transformation du secteur du manioc, en activité spécifique. Les responsables de la
facilitant le développement de variétés planification devraient coupler les aides
résistantes aux maladies et aux organismes accordées au sous-secteur du manioc
nuisibles, la mise au point de technologies à des actions visant le développement
d’irrigation permettant d’économiser l’eau des industries associées – par exemple,
et la conception de machines agricoles l’accroissement de la production de farine
adaptées. Les politiques devraient pro- de manioc de haute qualité demandera un
mouvoir les partenariats public-privé axés renforcement des liens avec le secteur de la
sur le développement de technologies et boulangerie.
créer des passerelles avec le marché, afin
de faciliter la transposition à plus grande Coûts de production et revenus associés à trois essais de culture intercalaire
échelle des innovations performantes. avec le manioc conduits au Viet Nam (en millions de dongs)
Par exemple, en Thaïlande, l’Institut de
développement du tapioca travaille avec le Coûts de production Revenu brut Revenu net
CIAT et l’université Kasetsart à la sélec-
25
tion de variétés de manioc productrices
d’amidon «cireux», qui soient adaptées aux 20
conditions du pays.
15
Améliorer les infrastructures rurales.
10
Dans les zones de production, l’investis-
sement dans les routes et les installations 5
d’entreposage et de transformation
contribuera à relier les producteurs 0
Manioc + arachides Manioc Monoculture
et les transformateurs de manioc aux + pois mungo
marchés en pleine expansion des produits
intermédiaires qui ont une plus longue
durée de conservation. Cet investissement Réduire l’exposition des agriculteurs La polyculture,
contribuera aussi à la stabilisation des prix, à l’instabilité des prix. Si l’on veut l’une des
à la réduction des pertes après récolte et encourager les agriculteurs à investir dans pratiques
à la baisse des coûts de transaction. Avec la production, il faut garantir un prix rai- agricoles promues
des technologies et du matériel adaptés, sonnable pour leur récolte. Le versement par le modèle
les unités de transformation de niveau de subventions publiques constitue une «Produire plus
communautaire pourraient produire de approche possible. Parmi les approches avec moins»,
la farine de manioc de haute qualité, des plus durables, on peut citer l’agriculture génère un revenu
granulés et des cossettes pour les indus- sous contrat, qui permet de réduire les net plus élevé que
tries rurales et urbaines, et permettre ainsi coûts de transaction liés à l’acquisition la monoculture.
aux planteurs de s’adjuger une part plus d’intrants et à la commercialisation de la
substantielle de la valeur ajoutée. production, grâce au regroupement de pe-
tites parcelles de terre. Les gouvernements
Développer les filières et les marchés. des pays en développement devraient aussi
Les gouvernements devraient pro- promouvoir les assurances récolte qui ren-
mouvoir l’investissement privé dans la forcent la capacité des exploitants agricoles
transformation du manioc et encourager à surmonter les risques.
22 Produire plus avec moins: Le manioc

9. Laisser les agriculteurs


décider
Pour intégrer la gestion durable des promeuvent ni ne recommandent aucune
ressources naturelles dans les systèmes pratique ou technologie particulière. À
de production des petits exploitants la place, ils proposent un choix d’options
agricoles, il faudra que la recherche que les exploitants peuvent tester par le
et la vulgarisation abandonnent biais d’essais réalisés dans leurs propres
l’«enseignement» au profit de champs, avec l’aide de scientifiques ou
l’«apprentissage». d’agents de la vulgarisation.
Le Centre international d’agriculture
Il sera indispensable de convaincre les tropicale a largement utilisé ce système
planteurs de manioc que les pratiques en Asie pour mettre au point et transférer
agricoles écosystémiques du modèle les technologies de production de manioc.
«Produire plus avec moins» sont Dans le cadre d’un tel partenariat, les
meilleures que celles qu’ils utilisent déjà membres d’un groupement d’agriculteurs
et – surtout – qu’elles présentent des ou les agriculteurs d’un village ou d’un
avantages économiques à court terme. Il district donné, établissent le diagnostic
est donc important que les planteurs de des principaux problèmes rencontrés dans
manioc soient associés à tous les stades de la production de manioc et examinent les
la recherche agricole et du développement solutions possibles.
des technologies et qu’ils expérimentent et Ensuite, les agriculteurs
valident eux-mêmes les pratiques visant conçoivent et conduisent
à améliorer la productivité de leurs les essais pour 3 à 5
systèmes de production et à rendre traitements possibles et
ceux-ci plus durables. réservent une parcelle
à l’application de la
Le système de partena- pratique tradition-
riat entre agriculteurs nelle. Au moment
La récolte est
et scientifiques a de la récolte, tous
transportée à la
fait son apparition les agriculteurs de
maison. En 2012,
dans les années la zone sont invités
les planteurs
1990, la recherche à participer à une
de manioc du
agronomique journée sur le terrain,
monde entier
«descendante» au cours de laquelle ils
auraient produit
ayant échoué à examinent les essais et
280 millions de
donner des résultats débattent des résultats.
tonnes de racines
propres à améliorer Pendant la journée sur
fraîches.
substantiellement les condi- le terrain, le personnel
tions de vie des agriculteurs présente les moyennes
à faible revenu vivant dans des résultats des divers types
des environnements exposés d’essais, ainsi que les coûts de
aux risques. La différence production, le revenu brut
entre ce système et l’approche et le revenu net associés à
traditionnelle du «transfert chaque traitement. Forts
de technologies» est que les de cette information,
agents de la vulgarisation ne les agriculteurs peuvent
Document d’orientation 23

sélectionner les traitements qu’ils jugent En République démocratique du


les plus adaptés aux conditions qui sont les Congo, un projet de la FAO a assuré la for-
leurs. mation d’animateurs chargés d’intervenir
Une évaluation d’impact indépendante dans 30 écoles pratiques d’agriculture de la
a conclu que, en Thaïlande, 100 pour cent province de Kinshasa, où les rendements
des agriculteurs qui avaient participé aux du manioc s’étaient effondrés suite aux
essais avaient adopté les variétés amé- attaques de ravageurs, aux maladies
liorées et 98 pour cent l’engrais minéral. et à l’épuisement des sols. Grâce aux
Dans une province du Viet Nam, les tech- formations sur l’utilisation de boutures
nologies et les pratiques agricoles amélio- saines, le paillage et la culture intercalaire,
rées ont fait passer les rendements moyens qui leur ont été dispensées dans les écoles
en tubercules de 8,5 tonnes à l’hectare en pratiques d’agriculture, les planteurs ont
1994, quand les essais ont commencé, à obtenu des augmentations de rendement
36 tonnes à l’hectare en 2003. allant jusqu’à 250 pour cent.
Les essais conduits en Asie ont aussi Au Gabon, les dégâts importants pro-
clairement montré que les agriculteurs voqués par les ravageurs et les maladies,
préféraient les traitements qui produi- l’absence de variétés améliorées et les
saient à la fois des rendements durables et pratiques agricoles improductives faisaient
le revenu net le plus élevé. que les rendements en tubercules des
cultures de manioc des petits exploitants
Les écoles pratiques d’agriculture qui ne franchissaient pas la barre des 8 tonnes
encouragent l’apprentissage en groupe à l’hectare. Quelque 750 planteurs ont
ont été établies pour la première fois par appris dans des écoles pratiques d’agricul-
la FAO à la fin des années 1980, pour ture comment sélectionner du matériel de
promouvoir la protection intégrée dans plantation sain. Beaucoup d’entre eux ont
les rizières asiatiques. Dans ces écoles commencé à utiliser des variétés à haut
pratiques, les agriculteurs ont la possibi- rendement résistantes à la mosaïque du
lité de mieux comprendre les processus manioc et à adopter des pratiques amélio-
sous-tendant les écosystèmes agricoles, rées, par exemple, éviter la culture dans les
d’expérimenter diverses pratiques de lutte sols humides et planter les boutures le long
contre les organismes nuisibles et les ma- des courbes de niveau sur les terrains en
ladies et de rendre les rendements de leurs pente, afin de limiter les dégâts provoqués
cultures plus durables. par la pourriture des racines. Ils ont aussi
En Afrique, la diffusion de nouvelles appris l’importance de procéder à un
souches des virus provoquant la maladie désherbage régulier, de planter en ligne et
de la mosaïque et, plus récemment, celle d’optimiser les densités de plantation.
des stries brunes, a donné l’occasion de En 2012, une évaluation a constaté
promouvoir la protection intégrée et la que, grâce essentiellement à l’adoption de
production «écologique». Les écoles pra- variétés à haut rendement et à la mise en
tiques, qui sont en contact avec des pro- œuvre des pratiques de la protection in-
grammes assurant la distribution de va- tégrée et de l’agriculture de conservation,
riétés de manioc tolérantes aux maladies, les planteurs avaient multiplié par trois les
conduisent des essais sur ces variétés dans rendements de leurs cultures de manioc.
des champs de multiplication. Cette ap- Dans une province, les rendements attei-
proche pragmatique donne aux exploitants gnaient 30 tonnes à l’hectare.
agricoles la possibilité, tant d’élaborer des
stratégies pour gérer plus efficacement les
problèmes de maladies, que d’améliorer
leurs pratiques de production de manioc.
Comment rendre la production intensive
de manioc plus productive, rentable et durable,
grâce au modèle d’agriculture de la FAO
«Produire plus avec moins».

Ce document d’orientation reprend des Save and Grow: Cassava Pour acquérir un exemplaire de cet
éléments de l’ouvrage intitulé Save and A guide to sustainable production ouvrage, veuillez écrire au Groupe des
Grow: Cassava, le premier d’une série intensification (FAO, 2013) ventes et de la commercialisation de la
consacrée à l’application pratique du FAO: publications-sales@fao.org
D GROW
modèle d’agriculture «Produire plus avec SAVE AN

moins» de la FAO, qui se fonde sur une Cassava


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Conception: Thomas+Sansonetti
approche écosystémique. Illustrations: Cecilia Sanchez

140 pp. 182 x 257 mm, livre broché


ISBN 978-92-5-107641-5
E-ISBN 978-92-5-107642-2
www.fao.org/ag/save-and-grow/

ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR L’ALIMENTATION ET L’AGRICULTURE

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