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revue RÉFORME DES SYSTÈMES ÉDUCATIFS

trimestrielle
ET RÉFORMES CURRICULAIRES :
d’éducation comparée
SITUATION DANS LES ÉTATS AFRICAINS
AU SUD DU SAHARA
PERSPECTIVES publiée par le Bureau international d’éducation,
Case postale 199, 1211 Genève 20, Suisse
RAPPORT FINAL DU SÉMINAIRE-ATELIER
LIBREVILLE, GABON, 23 AU 28 OCTOBRE 2000
La table des matières la plus récente de la revue peut être consultée sur Internet : «POLITIQUE DE REFONDATION CURRICULAIRE,
http://www.ibe.unesco.org
PROCESSUS DE DÉVELOPPEMENT CURRICULAIRE,
RÉALITÉS LOCALES ET DÉFIS DU XXIe SIÈCLE»

«Dossiers » de Perspectives en 2001 — Volume XXXI

No 1, mars 2001 : La réforme de l’enseignement secondaire ▲▲ ▲▲▲▲


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No 2, juin 2001 : Le constructivisme en éducation ●● ●●




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No 3, septembre 2001 : Apprendre à vivre ensemble au vingt et unième siècle

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No 4, décembre 2001 : L’autonomie de l’école et évaluation

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Tarifs annuels d’abonnements :


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Particuliers et institutions de pays développés, 180 francs français (numéro simple: 60 FF)


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COMMISSION NATIONALE GABONAISE POUR L’UNESCO


BUREAU INTERNATIONAL D’ÉDUCATION
RÉFORME DES SYSTÈMES ÉDUCATIFS
ET RÉFORMES CURRICULAIRES :
SITUATION DANS LES ÉTATS AFRICAINS
AU SUD DU SAHARA

RAPPORT FINAL DU SÉMINAIRE-ATELIER


LIBREVILLE, GABON, DU 23 AU 28 OCTOBRE 2000
« POLITIQUE DE REFONDATION CURRICULAIRE,
PROCESSUS DE DÉVELOPPEMENT CURRICULAIRE,
RÉALITÉS LOCALES ET DÉFIS DU XXIe SIÈCLE»

Responsable de la publication: John Aglo

COMMISSION NATIONALE GABONAISE POUR L’UNESCO


BUREAU INTERNATIONAL D’ÉDUCATION
Table des matières

Introduction, par Ouri Sanou, Cheikh Diakhate et Catherine Nkie, page 3

PARTIE I: PRÉSENTATION
● Le XXIème siècle et le système éducatif du XIXème, par Cecilia Braslavsky, page 8
● Réforme des systèmes éducatifs et réformes curriculaires: situation dans les Etats-membres
représentés, par John Aglo, page 12

PARTIE II: RAPPORTS NATIONAUX SUR LA REFONDATION CURRICULAIRE ET


LE PROCESSUS DE DÉVELOPPEMENT CURRICULAIRE
● Bénin, par Djibril M. Debourou et François Mahougbé Labe, page 24
● Burkina Faso, par B. Didier Kam et Ouri Sanou, page 30
● Congo, par Joachim Mandavo et Marie Joseph Mallali-Youga, page 35
● Gabon, par l’Institut pédagogique national et Éric Dodo-Bouguendza, page 40
● Mali, par Sahaloum Ould Youba et Mamadou Sissima, page 47
● République Centrafricaine, par Abel Koulaninga, André-Edgar Benam, Philippe Hoornahert et
Alphonse Mabingui, page 50
● Sénégal, par le Cheick Diakhate, Serigne Fall et Souleymane N’Diaye, page 58
● Tchad, par Abderamane Koko et Goloun Dewa, page 64
● Togo, par Jean Adama Nyame et Yao Nuakey, page 71

PARTIE III: LES CONTRIBUTIONS THÉMATIQUES


● Une éducation appropriée aux peuples autochtones d’Amérique latine, par José Marin, page 78
● Articulation entre documents de politiques éducatives, programmes et manuels:
l’enseignement des valeurs universelles par John Aglo, page 87
● Politique sectorielle et réforme curriculaire, par Mohamed Radi, page 92
● La problématique du développement du curriculum: le cas sénégalais,
par Souleymane N’Diaye, page 95

ANNEXES
1. Motions de remerciement, page 111
2. Discours d’ouverture, page 112
3. Discours de clôture, page 114
4. Liste des participants, page 115

© 2001. Bureau international d’éducation, Case postale 199, 1211 Genève 20, Suisse. www.ibe.unesco.org
Introduction

Ouri Sanou, Cheikh Diakhate et Cathérine Nkie

Du 23 au 28 octobre 2000, s’est déroulé à Libreville, La Directrice du BIE, Cécilia Braslavsky, a quant à
le Séminaire-atelier sur le thème : «Politique de refon- elle attiré l’attention des participants sur les défis du
dation curriculaire, processus de développement curri- XXIème siècle aux plans politique, économique et cultu-
culaire, réalités locales et défis du XXIème siècle ». rel et préconisé la conciliation entre défis globaux et
Co-organisé par le Ministère gabonais de l’éducation défis locaux comme moyens d’humaniser la globalisa-
nationale et le Bureau international d’éducation (BIE) tion. Elle s’est ensuite référée au Forum de Dakar sur
de l’UNESCO, l’atelier a regroupé une cinquantaine de l’Education pour justifier la position de l’UNESCO en
participants, tous techniciens du curriculum et prove- matière d’éducation, qui ne se résume pas seulement à
nant des neuf pays suivants : Bénin, Burkina-Faso, l’éducation pour tous, mais qui veut la meilleure éduca-
Congo, Gabon, Mali, République Centrafricaine, tion qui soit pour tous.
Sénégal, Tchad et Togo. Après l’annonce de la composition du bureau du
La première journée a été consacrée à l’enregistre- Séminaire par le Ministre, les participants ont adopté la
ment des participants et à l’organisation du déroule- programme de travail et procédé à la désignation des
ment des travaux. modérateurs des différentes séances de travail. Le
La cérémonie d’ouverture, présidée par André Mba- bureau était composé comme suit :
Obame, Ministre de l’éducation nationale du Gabon, ● Président : Patrice Ondo-Mba (Gabon) ;
porte-parole du Gouvernement, est intervenue le 24 ● Vice-président : Souleymane N’Diaye
octobre à 10 heures, et a été ponctuée par trois allocu- (Sénégal) ;
tions. Il s’est agi de celles du Secrétaire général de la ● Rapporteur général : Ouri Sanou (Burkina-Faso) ;
Commission nationale gabonaise pour l’UNESCO, de la ● Rapporteurs adjoints : Cheikh Diakhate (Sénégal) et
Directrice du BIE et du Ministre de l’éducation nationa- Cathérine Nkie (Gabon)
le du Gabon.
Dans son discours d’ouverture, le Ministre de l’édu- En guise d’introduction aux travaux de l’atelier, la
cation nationale a souhaité la bienvenue à tous les parti- Directrice du BIE a présenté son institution à travers
cipants et à tous les encadreurs, remercié le BIE et son historique, ses missions et ses objectifs. Il est res-
exprimé sa gratitude aux organisateurs, avant de rappe- sorti de cette présentation que le BIE (créé en 1925)
ler l’objectif majeur de l’atelier, à savoir le partage est plus ancien que l’UNESCO. Par ailleurs, le BIE
d’expériences. Il a ensuite rappelé toute l’importance dispose des données les plus importantes sur l’éduca-
que le Gabon accorde à la rénovation des curricula et tion. Les lignes d’action actuelles du BIE sont les sui-
les actions entreprises par ce pays en la matière. Il a vantes:
souhaité que les conclusions qui ressortiront des tra- 1. l’organisation du dialogue politique à travers la
vaux aillent dans le sens de la collaboration avec
Conférence internationale sur l’éducation ;
l’UNESCO, notamment la création d’un réseau
2. la plate-forme et l’observatoire sur les contenus et
BIE/Afrique sur les curricula. Avant de déclarer ouvert
méthodes d’éducation ;
le Séminaire-atelier, il a affirmé la disponibilité de la
3. la formation des capacités transversales (communi-
République Gabonaise à abriter le siège d’un tel réseau,
cation, négociation, etc.) ;
s’il venait à être créé.
4. l’accompagnement d’assistance à travers un réseau
Dans son allocution, le Secrétaire général de la
d’experts.
Commission nationale pour l’UNESCO, Jean-Marie
Vianney Bouyou, a souhaité la bienvenue à tous, rappelé Les travaux proprement dits se sont articulés autour de
toutes les concertations préalables qui ont abouti à l’or- quatre axes :
ganisation de l’atelier, renouvelé l’espoir que le BIE et 1. les contributions des pays participants ;
le Gabon placent dans l’atelier et exprimé le vœu que 2. les contributions thématiques ;
cet atelier marque le début d’une nouvelle forme de 3. les séances de concertation;
coopération avec le BIE. 4. modalités de coopération.

3
I. LES CONTRIBUTIONS DES PAYS Comme problèmes mineurs, les points suivants ont été
retenus:
Ces séances ont été l’occasion pour chaque pays partici-
1. La prise en compte dans les réformes des nouvelles
pant de présenter son expérience en matière de reforme
technologies de l’information et de la communica-
du système éducatif et de développement des curricula.
tion (NTIC) ;
Les différentes contributions, toutes très riches et très
2. Les conséquences des options curriculaires ;
constructives, ont permis d’établir un certain nombre de
3. Les enjeux communautaires face aux enjeux mon-
constats parmi lesquels il convient de citer :
diaux.
1. La qualité, le coût et la pertinence des systèmes édu-
catifs sont des problèmes communs à tous les pays ;
II. LES CONTRIBUTIONS THEMATIQUES
2. Chacun des pays a formulé de grandes orientations
pour son système éducatif ; Ces contributions, faites à travers quatre exposés présen-
3. Tous les pays possèdent une expérience en matière tés respectivement par Mohamed Radi, Chef de la
d’utilisation des langues nationales dans l’enseigne- Section politique et Plan d’actions nationaux à
ment ; l’UNESCO, John Aglo, chargé du programme Afrique
4. Dans la plupart des pays, la priorité est accordée à au BIE, José Marin, Professeur à l’Université de Genève
l’éducation de base dans les réformes ; et Souleymane N’Diaye, ancien fonctionnaire de
5. Les partenaires techniques et financiers sont à l’UNESCO, spécialiste des curricula, ont porté sur les
quelques exceptions près les mêmes pour l’ensemble thèmes suivants :
des pays ; 1. Politique sectorielle et réforme curriculaire ;
6. Chaque pays est présentement engagé dans un pro- 2. Articulation entre politiques éducatives, pro-
cessus de réforme curriculaire, mais tous n’en sont grammes et manuels : enseignement des valeurs
pas au même stade ; universelles ;
7. Dans tous les pays, les réformes découlent générale- 3. Relations entre utilisation des langues nationales et
ment de la volonté politique. revalorisation des cultures nationales ;
Les débats, qui ont suivi ces présentations, ont tourné 4. Problématique du développement du curriculum.
autour des points suivants : Le premier de ces thèmes a fait ressortir certains
● Les critères de choix des langues nationales à intro- aspects-clés que toute réforme du système doit néces-
duire dans l’enseignement, ainsi que le statut de ces sairement aborder, ainsi que les étapes de l’approche
langues ; sectorielle.
● Les problèmes didactiques liés à l’utilisation de ces Le deuxième exposé a été le compte-rendu d’une
langues (méthodologie, matériel didactique) ; étude commanditée par le BIE et qui a porté sur les pro-
● L’option de l’approche curriculaire (par les contenus, grammes et manuels scolaires du Gabon, du Mali, du
par les objectifs, par les compétences) ; Sénégal et du Togo.
● L’insuffisance de l’expertise locale ; Quant au troisième exposé, il a mis l’accent sur la
● La formation des enseignants, ainsi que leur rôle relation étroite qui existe entre l’utilisation des langues
dans les réformes ; nationales et la revalorisation des cultures nationales.
● L’implication des partenaires (techniques, financiers, Le quatrième exposé a permis aux participants de
sociaux, etc.) ; bénéficier de la riche expérience en matière d’élabora-
● Le concept même de compétence ; tion du curriculum au Sénégal de Souleymane N’Diaye,
● La question de l’évaluation dans l’approche par les ancien fonctionnaire de l’UNESCO.
compétences.
Il ressort de tout ce qui précède que, tant au niveau des III. LES SEANCES DE CONCERTATION
contextes qu’à ceux de procédures de reforme et de pres-
cription, les pays font face à des problèmes communs, à Elles ont concerné trois aspects :
des problèmes spécifiques et à des problèmes mineurs. 1. L’identification des besoins en matière de réforme
Au titre des problèmes communs, les points suivants curriculaire ;
peuvent être énumérés : 2. La possibilité de mise en place d’un réseau
1. La situation économique des Etats ; BIE/Afrique sur les curricula ;
2. La forte dépendance des Etats vis-à-vis de l’extérieur ; 3. Les modalités de coopération entre les Etats partici-
3. La formation initiale et continue des enseignants ; pants et le BIE.
4. L’introduction des langues nationales. En ce qui concerne le premier aspect, les lignes d’action
Au titre des problèmes spécifiques, les points suivants ci-après ont été retenues :
ont été notés: ● l’assistance technique du BIE ;
1. Les situations politiques des Etats ; ● la création d’un réseau d’échanges ;
2. La polysémie du concept d’éducation de base ; ● la formation de spécialistes des curricula ;
3. L’expérimentation des curricula par rapport à la rapi- ● l’organisation de rencontres périodiques ;
dité des changements. ● l’appui matériel et financier du BIE aux Etats.

4
Pour ce qui est de la création d’un réseau d’échanges, le 4. La formation en planification, les manuels scolaires
principe a été unanimement accepté par les participants. et l’évaluation des apprentissages ;
Par ailleurs, ceux-ci ont souhaité que dans les pays où 5. La conduite des études sur l’éducation.
existent des Instituts pédagogiques nationaux, ces struc-
tures soient les points d’encrage du réseau. Par ailleurs, les participants ont souhaité que le BIE soit
leur interprète auprès des autres organismes de
IV. MODALITES DE COOPERATON l’UNESCO, pour leurs besoins en relation avec les com-
ENTRE LES PAYS ET LE BIE pétences de ces organes.
Les axes de coopération retenus concernent en priorité : La cérémonie de clôture, placée sous la présidence
1. La formation en développement du curriculum ; de S.E.M. André Mba-Obame, Ministre gabonais de
2. Les données sur l’éducation ; l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement,
3. Le développement des curricula ; est intervenue le 27 octobre 2000.

5
PARTIE I :

PRÉSENTATION
Le XXIème siècle
et le système éducatif du XIXème

Cecilia Braslavsky

I. GRANDES TENDANCES DU vement à la problématique de la transmission des


DEVELOPPEMENT MONDIAL ACTUEL connaissances de base et de la préparation à la vie acti-
ve. En fait, l’idée qui gagne progressivement du terrain
Les processus d’internationalisation et de globalisation, est celle d’une éducation globale de la personnalité.
qui débutèrent au XVème siècle, poursuivent leur expan- Dorénavant, l’éducation tout en devant préparer les indi-
sion à un rythme qui, peu de temps en arrière encore, vidus à une série d’activités, dont le travail productif,
aurait semblé inimaginable. De manière générale, de veillera aussi à s’attacher à certaines questions, telles
grandes tendances caractérisent le développement mon- que la créativité culturelle et l’harmonie d’une vie de
dial actuel, à la fois sur les plans économique, social et famille et sociale, ainsi que la préparation à une alter-
culturel, à travers tous les continents et affectant toutes nance de divers types d’activités qui se succéderont au
les populations. long de chaque existence individuelle.
L’éducation peut-elle encore être pensée en termes
1. Les tendances économiques de formation pour le travail, de spécialisation et de
On compte six processus économiques actuellement à filières ? La réponse se doit d’être négative. En effet, il
l’œuvre à travers le monde : semble de plus en plus que l’Education pour tous doive
1. la diminution du volume de travail disponible et former à la fois à l’action et à la réflexion. Au lieu de
même nécessaire pour satisfaire les besoins de base préparer l’individu à exercer une activité bien définie,
des sociétés ; l’éducation doit de manière croissante préparer l’indivi-
2. la diminution du volume de travail dans le secteur du à apprendre tout au long d’une vie. Ce ne sera
industriel, et l’augmentation des emplois dans le sec- qu’ainsi que chaque individu pourra faire face à l’an-
teur des services ; goisse de devoir toujours changer et s’adapter à des
3. la diminution des emplois formels et l’augmentation contextes en perpétuel changement.
des emplois informels ;
4. l’évolution toujours plus rapide du profil des 2. Les tendances sociales
emplois, notamment de la demande de compétences Une des caractéristiques les plus complexes, aux
spécifiques ; conséquences pour le moins imprévisibles, qui découle
5. la modification de l’échelle de la vie professionnelle du développement économique actuel est l’aggravation
du niveau local vers le niveau national, voire même des inégalités sociales existantes et l’apparition de
international ; nouvelles inégalités. Ces dernières donneront forcé-
6. les bonnes opportunités de travail sont aujourd’hui ment lieu à une marginalisation croissante des défavo-
celles qui amènent à agir et à penser à la fois. risés qui verront en la violence la seule forme de réac-
Sur le plan du secteur éducatif, ces nouvelles tendances tion.
économiques réunies confrontent l’éducation à deux défis Il n’est pas réaliste de considérer que ces inégalités
majeurs : celui de l’objectif que l’éducation souhaite se peuvent être renversées par des décisions prises dans le
donner et celui des moyens dont l’éducation dispose pour secteur de l’éducation. Pourtant, il serait important de
réaliser l’objectif en question. Ainsi, la question principale développer des structures curriculaires et des processus
est de savoir s’il est encore nécessaire, possible ou même éducationnels qui prétendent donner les mêmes oppor-
souhaitable que l’éducation se concentre sur la transmis- tunités de formation à tous les jeunes, quelle que soit
sion des connaissances dites de base et qu’elle prépare les leur origine socio-économique. Malheureusement, force
jeunes à un monde du travail, alors que ce dernier n’appa- est de reconnaître dans la réalité le renforcement de
raît plus en mesure d’absorber la nouvelle main-d’œuvre l’importance des conditions de naissance.
formée année après année? Un net renforcement des inégalités est également
Au cours des dix dernières années, l’opinion domi- observable à l’intérieur des différents groupes profes-
nante veut que l’éducation ne se consacre plus exclusi- sionnels. Traditionnellement, l’éducation formelle

8
était basée sur la croyance que les travailleurs manuels tiques de ces nouveaux groupes et secteurs sociaux qui
devaient être exclus de la formation intellectuelle et fréquentent l’école. L’école n’a pas non plus fait preuve
que les intellectuels ne nécessitaient pas d’un appren- de considération suffisante à l’égard des demandes et
tissage dans le travail manuel et physique. Or, cette des besoins, ni même à l’égard de cette culture propre-
tendance, tout en correspondant à une réalité écono- ment dite. Ceci sont autant de facteurs explicatifs de
mique datant des XIXème et XXème siècles, ne reflète pas l’abandon scolaire et de mauvaises performances d’ap-
la situation actuelle. En effet, les progrès scientifiques prentissage.
et technologiques récents ont eu pour effet progressif En résumé, il est important de relever que les jeunes
de modifier la nature des emplois. Alors que les éco- ne constituent pas un groupe homogène, mais qu’ils
nomies du XIXème siècle faisaient appel à des forma- représentent des individus aux intérêts et aux exigences
tions différenciées et distinctes, les individus étaient très diversifiés. Le droit à l’éducation doit être en essen-
préparés soit au travail manuel, soit au travail intellec- ce le droit de cultiver une identité propre.
tuel. La réalité étant celle du changement et de l’hétéro-
Plus récemment, le progrès technologique et scienti- généité, chaque génération possédera une culture propre
fique a transformé la nature des emplois à pourvoir dans et présentera une grande diversité. Les caractéristiques
le sens d’une diminution des postes manuels, remplacés de production et les structures de connaissances ne peu-
par l’automatisation de larges secteurs de l’économie, vent donc être considérées comme étant immuables
alors qu’ailleurs des structures très traditionnelles conti- dans le temps.
nuent à subsister. Afin d’assurer une meilleure qualité de En conclusion, l’éducation se trouve donc aujour-
vie, l’exigence va de manière croissante aller dans le d’hui placée devant le défi d’accepter la condition de
sens d’une formation intellectuelle solide et d’une capa- sujet des enfants et des jeunes, d’accepter et même de
cité aussi solide que renouvelable à résoudre des pro- promouvoir la diversité; tout en veillant à enseigner à
blèmes. Ceci signifie que l’enseignement au niveau apprendre.
secondaire devra inclure des composantes humanistes et
technologiques, ainsi que des opportunités de formation II. LE « SENS » DE L’EDUCATION
dans l’art de la résolution des problèmes. Ce n’est AU XXIème SIECLE
qu’une combinaison de composantes d’enseignement
De manière générale, on peut dire que le défi en ce
qui permettra aux jeunes de penser et d’agir de manière
début du XXIème siècle pour l’éducation est la formation
appropriée.
de compétences nécessaires pour dégager de meilleures
Au niveau de l’éducation, ces tendances sociales
solutions aux problèmes anciens et nouveaux, connus et
posent le défi du renforcement de l’enseignement des
inconnus, en veillant à la mise à jour des connaissances
valeurs. Il faut que nous comprenions tous qu’une répar-
et en pleine conscience des conséquences à court,
tition inégale et arbitraire des chances met en danger la
moyen et long termes.
survie de chacun.
Une compétence est une «aptitude à l’action basée
sur un savoir, combiné avec une conscience des consé-
3. Les tendances culturelles
quences de cette action». Par opposition à un savoir, à
Traditionnellement, le principe de tout système éducatif des valeurs ou à des capacités compartimentés, les com-
était de « transmettre la culture des générations adultes pétences incluent aussi savoir comment être, comment
aux générations plus jeunes ». Cette conception est penser et comment apprendre, comment faire et com-
basée sur l’hypothèse de stabilité et d’homogénéité ment vivre ensemble. Les mêmes compétences peuvent
entre les générations. C’est-à-dire, sur le principe que être acquises à travers différents contenus, méthodolo-
les générations plus jeunes ne possèdent pas de culture gies et modèles institutionnels.
propre et acceptent sans résistance les règles des L’amélioration des compétences fait appel à l’accès
adultes. aux opportunités éducationnelles et à des environne-
L’hypothèse de telles stabilité et homogénéité se ments éducationnels favorables. Les compétences elles-
retrouve également au sein d’une même génération. Il mêmes doivent être évaluées, et si possible mesurées. Il
est en effet admis que la jeunesse est culturellement peut être suggéré que, à la lueur des tendances mon-
homogène, et que les seules différences notées sont de diales observées, les populations doivent pouvoir béné-
nature biologique ou dues aux distinctions sociales. ficier de quatre conditions propices et nécessaires au
Ceci implique aussi en parallèle que la culture des développement de ces compétences :
adultes, ainsi que les caractéristiques de la production et 1. un nombre adéquat d’années d’une éducation de
la structure des connaissances sont des données stables qualité ;
dans le temps. 2. la garantie d’un environnement favorable à l’appren-
Dans les faits, de nombreux pays font de plus en plus tissage ;
fréquemment l’expérience de l’émergence et du renfor- 3. l’identification et l’acception préalables d’un certain
cement des jeunes cultures à travers la production et la savoir de base à être enseigné ;
consommation d’activités en dehors de l’école. L’échec 4. et idéalement, l’intégration par la société d’un vécu
de l’école est de ne pas avoir su s’adapter aux caractéris- démocratique.

9
III. TENDANCES DES REFORMES EN COURS institutions compteront non plus uniquement les gouver-
A LA LUMIERE DES DEFIS ACTUELS nements à leur compte, mais aussi les universités.
De même, alors que la gestion externe des réformes
1. En termes de structures des réformes se faisait dans le passé avec l’aide de la famille au niveau
de l’école primaire, et avec l’aide des entreprises au
Aux XVIIIème, XIXème et XXème siècles, la structure de toute
niveau secondaire, une diminution du poids des entre-
réforme de l’éducation était horizontale, la structure était
prises a pu être observée au cours des dernières années.
celle d’une « pyramide pour la pyramide ». En ce début de
XXIème siècle, la structure d’une réforme propre à une A l’avenir, la gestion externe des réformes sera prise en
société caractérisée par la mobilité permanente et multidi- charge par la communauté, par la famille et par les entre-
rectionnelle serait plutôt une structure en cercles. Une telle prises. Il est important de noter que l’acception de la
structure se mettra en place par étapes, avec chaque étape «famille» et de l’«entreprise» sera définie au cas par
correspondant à une étape spécifique dans la vie de chaque cas.
individu.
Pour les siècles passés mentionnés ci-dessus, la IV. TROIS QUESTIONS OUVERTES
structure des réformes prise au sens vertical laissait Actuellement, trois débats majeurs se partagent l’avenir
apparaître des filières correspondant aux différents sec- que l’éducation devra se donner :
teurs de l’économie de la société industrielle moderne, à 1. quels sont les contenus privés par opposition aux
savoir aux secteurs primaire, secondaire et tertiaire. En contenus publics que l’éducation cherche à définir ?
revanche, pour le XXIème siècle, la structure verticale de 2. quel est le lieu le plus adéquat pour dispenser l’édu-
toute réforme est envisagée en termes de différenciations cation: les institutions spécialisées à cet effet ou dans
successives et non de filières, afin d’accueillir et de pro- le lieu de vie, à la maison ?
mouvoir les identités différentes sans aggraver les inéga- 3. faut-il privilégier des systèmes nationaux, individuels
lités sociales existantes. Ainsi, et à titre d’exemple, la ou un système international qui se voudra universel ?
formation pour l’emploi sera complémentaire et s’articu-
lera en modules. V. QUELQUES TENSIONS A L’OEUVRE DANS
LES PROCESSUS DE REFORMES
2. En termes de qualité DE L’EDUCATION
En termes de qualité du curriculum, la tendance des Il convient de porter l’attention sur les tensions à l’œuvre
réformes de par le passé était clairement rigide et procé- dans les processus de réformes de l’éducation et qui s’ar-
dait par niveau et par filière de système. A l’avenir, la ticulent à la fois sur le terrain politique, sur le terrain
tendance des réformes de la qualité du curriculum sera idéologique, à l’intérieur du système et des écoles, et,
de s’orienter par rapport au niveau des acquis. enfin, entre les systèmes politiques idéologiques et
Pour ce qui relève de la qualité des contenus par le éducatifs.
passé, les contenus étaient intégrés à l’école primaire, Sur le terrain politique, différentes positions se
différenciés par «discipline académique» au niveau du dessinent et s’affrontent. C’est ainsi que les partisans du
secondaire. Dorénavant, les contenus seront de manière consensus s’opposent aux partisans de l’efficacité.
croissante intégrés et différenciés tout au long de l’en- Quelle formule est meilleure pour le changement ?
fance et de la jeunesse (disciplines, ateliers, projets, Celle qui regroupe l’accord et qui recueille le soutien de
etc.). tous les acteurs impliqués ou celle qui, au risque de
Du point de vue des méthodologies, la transmission déplaire à une minorité, a pour priorité d’être diligente
des contenus et des habilités était précédemment mesu- et performante ?
rée, alors qu’aujourd’hui on opte plutôt pour l’évaluation Et puis, il semblerait aussi que « critique » et
de la «construction» des capacités, à savoir de l’utilisa- «action» ne partagent pas le même camp. La question
tion du savoir dans un contexte précis. est ici de savoir si le changement est plus aisément
Et finalement, l’évaluation portant anciennement sur amené par une réflexion, un débat, une négociation ou
les acquis au sens des contenus et des habilités s’attache plutôt si le seul vrai changement est celui qui empirique-
dorénavant aux compétences, au sens de capacités. ment tente de se valider, au risque de l’échec.
Finalement, une tension existe aussi entre partisans
3. En termes de gestion d’une unité nationale groupée et porteuse de la réforme
L’examen des tendances de réformes dans le domaine de par opposition à des changements au gré des demandes
leur gestion interne et externe illustre également les et des besoins, et qui vaudraient par leur pertinence
changements en cours. La gestion interne de la réforme locale.
avait précédemment pour fonction de contrôler des Ces débats sont difficilement résolus sur le terrain
processus préétablis, dans un rapport d’institution à gou- politique, mais les tensions qui se manifestent sur le ter-
vernement. A l’avenir la gestion interne des réformes rain idéologique semblent encore plus périlleuses. En
sera axée sur la promotion de la capacité institutionnelle effet, il est quasi impossible de trancher quand il s’agit
à apprendre, selon un rapport inter-institutionnel. Les de savoir s’il vaut mieux privilégier la science par oppo-
10
sition à l’esprit, ou inversement. De même, dans quelle diales actuelles semble impossible. En effet, toute tenta-
philosophie faut-il s’inscrire ? Dans celle de l’épistémo- tive de changement dans un sens progressif et approprié
logie, science de la connaissance ou dans la pédagogie, est voué à l’échec et aboutit inexorablement à la conser-
science de l’éducation ? Enfin, la primauté revient-elle à vation du système du XXème siècle.
l’autonomie d’action et de pensée ou à la responsabilité Dans les pays pauvres, d’autres problématiques sup-
conjointe, partagée ? plémentaires viennent se greffer sur ces questions déjà
A l’intérieur du système et des écoles, d’autres dis- délicates. Dans ces pays qui connaissent des difficultés
cussions âpres ont lieu quand on se demande notamment économiques plus prononcées, on recueille des discours
si la préséance doit revenir à l’expérience ou plutôt à la différents selon que l’on traite avec des fonctionnaires
compétence dans la formulation et la mise en œuvre ou des consultants. Sur cette différence de discours et de
d’une réforme éducationnelle. L’expérience ne s’oppose priorités vient s’attacher l’origine des ressources prove-
pas seulement à la compétence, mais aussi à la capacité nant soit des caisses nationales propres, soit d’institu-
innovatrice. Néanmoins, la capacité innovatrice ne se tions de coopération internationale ou d’autres pays,
trouve pas pour autant davantage représentée dans le pour lesquels le terrain éducationnel est fécond en possi-
camp des professionnels spécialisés en éducation que bilités d’influence.
dans celui des professionnels chevronnés chez qui le
sens pratique prévaut sur les notions théoriques à propos
VI. CONCLUSION
de l’enseignement.
Finalement, on observe que lorsque les systèmes Comme il a été démontré plus haut, une réforme qui se
politiques idéologiques et les systèmes éducatifs se ren- veut à la hauteur des exigences et des attentes du XXIème
contrent, d’importantes difficultés surgissent sur le ter- siècle devra être capable d’aller au-delà des oppositions
rain de la communication. Chaque camp, idéologique et traditionnelles. Il est évident que tout changement
politique d’un côté et éducatif de l’autre, parle son implique une nouvelle direction inconnue et donc moins
propre langage et a une perception du temps différente confortable que celle mise à l’épreuve par la pratique.
en termes de la notion d’urgence et de la gestion du Le monde de l’éducation possède les moyens de se
calendrier. Et évidemment, les besoins et les motivations donner un projet d’avenir digne. La question n’est donc
sont très différents, ce qui se traduit en détriment pour pas une question de possibilités d’action ou d’opportu-
toute tentative d’apporter un changement utile et nités de changement. La question concerne bien plus la
constructif. volonté de changer, de vivifier et de permettre au monde
Ce qui est affligeant, considérant les temps, les de l’éducation de revivre. Tout changement porte la pro-
besoins et les intérêts de chaque acteur séparément, c’est messe d’un renouveau, d’une renaissance, tout comme
qu’un réel changement dans le sens d’une amélioration toute réforme contient en elle l’abandon nécessaire de
qui tiendrait compte et reflèterait les tendances mon- ce qui est connu et entraîne donc une perte.

11
Réforme des systèmes éducatifs
et réformes curriculaires :
situation dans les États-membres représentés

John Aglo

I. INTRODUCTION ● L’étude du milieu


● L’introduction des nouvelles matières et les innova-
II. LES PROBLÈMES DES SYSTÈMES ÉDUCATIFS tions pédagogiques
● Les approches curriculaires
1. La nature des problèmes
● Problèmes liés au contexte
IV. LES DIFFICULTÉS INHÉRENTES AUX
● Problèmes d’ordre qualitatif
RÉFORMES
● Faiblesse des rendements interne et externe.
● Insuffisance de matériels didactiques 1. Les difficultés liées aux contextes économiques et
● Insuffisance numérique et sous-qualification du per- financiers et à la trop grande dépendance des Etats
sonnel d’enseignement, d’encadrement pédagogique vis à vis de l’extérieur
et administratif 2. Les difficultés inhérentes à la mise en œuvre des
● Problèmes de structures et d’infrastructures réformes
3. Les difficultés liées à l’introduction des langues
2. Les préoccupations des États-membres nationales ou maternelles
3. Les recherches de solutions: les mécanismes de
mobilisation et les États généraux V. LES PERSPECTIVES D’AVENIR
1. La possibilité de mise en place d’un réseau
III. LES TENTATIVES DE SOLUTIONS : LES BIE/Afrique sur les curricula
RÉFORMES GLOBALES DES SYSTÈMES ÉDU- 2. L’identification des besoins en matière de réforme
CATIFS ET LES RÉFORMES CURRICULAIRES curriculaire
1. Options ou orientations politiques fondamentales 3. Les modalités de coopération entre les Etats parti-
servant de support éthique et politique à l’entrepri- cipants et le BIE
se de réforme
2. Les mesures juridiques
VI. SYNTHÈSES ET ORIENTATIONS
3. Les plans de développement de l’éducation et les
organes de pilotage des réformes
N.B. Les citations dans cet article ont été tiré des textes
4. La réforme curriculaire
originaux remis par les participants et pas nécessaire-
● L’introduction des langues nationales comme matière ment à partir des textes publiés dans cet ouvrage.
et à terme comme médium d’enseignement dans cer-
tains des États-membres

12
I. INTRODUCTION ● Une école orientée vers la formation des agents d’exé-
cution au service d’une administration aux intérêts
Le séminaire-atelier de Libreville a conduit à mettre en
orientés vers l’extérieur. «Les systèmes éducatifs afri-
relief deux aspects importants de leurs systèmes éduca-
cains émanant des régimes colonialistes étaient conçus
tifs de neuf Etats-membres d’Afrique au sud du Sahara.
pour former des agents d’exécution, servant la plupart
Il a donc permis :
du temps de courroie de transmission entre les admi-
● de faire l’inventaire de certains des problèmes que
nistrés (population analphabète) et l’administrateur
connaissent les systèmes éducatifs des Etats-
(colonisateur et son substitut). L’enseignement dispen-
membres représentés ; et,
sé ne répondait naguère aux besoins de l’apprenant et
● de rendre compte des tentatives de solutions
ne prenait jamais en compte les réalités socio-
envisagées à travers les politiques de réforme dans
économico-culturelles du milieu de l’apprenant». (cf.
ces Etats-membres pour faire face à ces problèmes.
la présentation de la délégation togolaise).
● Une école faisant trop peu de place à la créativité, à
II. LES PROBLEMES DES SYSTEMES ÉDUCATIFS
l’imagination, au développement de l’autonomie de
la réflexion. «L’enseignement dispensé tendait à
De nombreuses communications ont présenté les pro-
coloniser psychologiquement, culturellement l’ap-
blèmes des Etats-membres dans le domaine de l’éducation
prenant. Il tendait à maintenir les scolarisés dans un
en insistant sur leur nature, en montrant de quelles manières
mimétisme destructeur. Cet enseignement ne per-
les autorités s’en sont préoccupées, et les différentes
mettait pas aux scolarisés de développer l’esprit
démarches et mécanismes de recherches de solutions.
critique et la créativité afin de réaliser leur poten-
tiel» (cf. la présentation de la délégation togolaise).
1. La nature des problèmes
Une conséquence de cet héritage est la forte dépendance
Les problèmes des systèmes éducatifs sont indisso- des systèmes éducatifs concernés vis-à-vis de l’étranger.
ciables des contextes historique, politique et socio- Une autre conséquence de cet héritage est l’absence
économique des Etats. Ils se posent par rapport à la qua- d’un lien très fort entre l’école et le milieu de vie, entre
lité de l’éducation, aux rendements interne et externe du l’école et la vie. Comme le fait remarquer la délégation
système éducatif, à l’accès aux matériels didactiques, à béninoise : «L’école n’a pas enseigné à lire la réalité
la formation du personnel d’enseignement et d’encadre- dynamique qui nous entoure. La morale d’incitation à
ment, aux chances d’accès à la scolarisation, aux disposi- l’action transformatrice et à la manifestation de l’esprit
tions de pilotage stratégique et de gestion de l’éducation, de créativité fait défaut dans notre système éducatif»
et aux structures d’accueil. Il s’agit ainsi de problèmes (cf. la présentation de la délégation béninoise).
qui gravitent autour de la question de la qualité de l’édu-
cation et qui, en même temps, font de cette question un Faiblesse des rendements interne et externe
sujet central. De l’aptitude à résoudre ces problèmes La faiblesse du rendement interne s’explique par l’aban-
dépend en vérité la pertinence des systèmes éducatifs. don et le redoublement, celle du rendement externe, par la
difficulté qu’éprouvent les personnes scolarisées à s’insé-
Problèmes liés au contexte rer convenablement dans la vie active, à intégrer leur
Les travaux font remonter l’origine des difficultés que milieu, à s’adapter à leur environnement social et écono-
connaissent les systèmes éducatifs au fait historique que mique. Cette situation fait de l’école «une véritable
constitue la colonisation. Dès lors, l’affirmation selon fabrique de chômeurs» (cf. la présentation de la déléga-
laquelle «Le Burkina Faso, a accédé à l’indépendance tion béninoise). On observe pour un grand nombre de
(…), à l’instar d’autres pays de l’Afrique francophone pays ce que Mohamed Radi a observé pour le Gabon. On
subsahérienne, en héritant d’un système éducatif peu assiste à une coexistence du « chômage de diplômés uni-
développé», faite par la délégation burkinabé, n’est pas versitaires » avec une « pénurie » « d’enseignants, en par-
un point de vue isolé ni déplacé. ticulier de professeurs de mathématique et de français ».

Problèmes d’ordre qualitatif Insuffisance de matériels didactiques


Le contexte historique, tel que défini, avait une Dans tous les Etats-membres représentés, le système
caractéristique idéologique précise. Il avait engendré : éducatif est confronté à une insuffisance de manuels, à
● Une école sélective, étrangère aux préoccupations, une absence d’ouvrages et d’équipements pédagogiques
aux réalités et aux besoins des populations. On le note (ateliers technologiques, laboratoires). D’une façon
dans le texte présenté par la délégation centrafricaine : générale, on assiste à l’absence d’une politique rigou-
malgré «l’accession de la plupart des pays africains au reuse du livre scolaire et du matériel didactique.
Sud du Sahara à l’indépendance, l’école africaine [ est
demeurée ] une copie conforme, une suite logique du Insuffisance numérique et sous-qualification du personnel
modèle étranger. Le système d’enseignement, inspiré d’enseignement, d’encadrement pédagogique et administratif
de l’Europe, n’a pas subi de modification majeure et En plus d’une insuffisance numérique du personnel
reste inadapté aux réalités des pays africains». d’enseignement et d’encadrement, les Etats ont à gérer

13
une insuffisance de la qualification des enseignants dans sur l’aptitude et la capacité des enfants à l’apprentissa-
la didactique de leur discipline, une insuffisance en ge. Il s’agit des conditions difficiles de vie et de scolari-
matière de formation initiale et continue des ensei- sation des élèves, leurs conditions de vie sociale, sani-
gnants, et en expertise locale. taire et nutritionnelle. Tous ces problèmes et ceux qui
précèdent constituent des préoccupations très impor-
Problèmes de structures et d’infrastructures tantes pour les Etats.
Il apparaît alors que la forte dépendance des Etats vis-
à-vis de l’extérieur constitue à la fois un problème du 2. Les préoccupations des Etats-membres
système éducatif et une source des problèmes. Cette La volonté de résoudre ces problèmes va devenir centra-
dépendance et la situation économique des Etats- le aux préoccupations des Etats-membres qui vont poser
membres ne peuvent d’ailleurs pas être dissociées. pour les systèmes éducatifs les objectifs suivants:
Comme corollaires de cette double situation, apparais- ● l’adéquation de la formation à l’emploi ;
sent des problèmes d’infrastructures et d’équipe- ● l’adaptation de l’école au milieu en développement ;
ments. ● la rentabilité interne et externe de l’école ;
● Problèmes d’accès à la scolarisation. Les Etats ● l’égalité des chances à tous les citoyens sans discri-
sont confrontés à la question du déséquilibre entre mination de genre, d’origine sociale, d’ethnie, de
l’offre et la demande sociales d’éducation, entre race, de religion ou de nationalité ;
les milieux urbains et les milieux ruraux, entre les ● la scolarisation universelle: «l’éducation pour tous»
sexes. Ils ont aussi à faire face à la faiblesse du Conscients de l’importance à accorder à ces questions,
taux d’alphabétisation dans le sous-secteur non- les pouvoirs publics ont décidé d’inscrire l’examen des
formel. difficultés des systèmes éducatifs et la mise en œuvre
● Manque de dispositions de pilotage stratégique et des remèdes dans un cadre de mobilisation générale: ce
de gestion de l’éducation. L’administration de sont les États généraux.
l’éducation est caractérisée par la faiblesse des
fonctions de planification stratégique, de recherche 3. Les recherches de solutions: les mécanismes de
et de gestion pédagogique, de gestion administrati- mobilisation et les États généraux
ve et financière, de déficience du système d’infor- L’éducation étant conçue dans tous les Etats-membres
mation, d’absence de planification éducative, le concernés comme une affaire de toutes les citoyennes et
manque d’études et de recherche-action sur les de tous les citoyens, les autorités ont initié des consulta-
options de politique éducative et sur les aspects
tions générales. Pour la plupart des pays, ces consulta-
pédagogiques, de manque de coordination intra et
tions ont été appelées : Les États généraux de l’éduca-
intersertorielle.
tion ou les États généraux de l’éducation et de la
● Problèmes liés aux structures d’accueil. L’effectif
formation (Tableau 1).
d’élèves par maître est très élevé. Cela engendre des
Les États généraux ont mis en évidence avec une
classes pléthoriques.
certaine insistance la nécessité qu’il y a d’établir un lien
A ces déficiences endogènes (institutionnelles) s’ajou- fort entre l’éducation ou la formation et l’emploi. De ces
tent des déficiences exogènes qui ont des effets néfastes États généraux, il est ressorti en même temps et de

TABLEAU 1: États généraux, leurs dates et leurs appellations spécifiques dans les Etats-membres

BENIN 1990 États généraux de l’éducation

BURKINA FASO 1994 États généraux de l’éducation et de la formation

GABON 1983 États généraux de l’éducation et de la formation

MALI 1989 États généraux de l’éducation

REP. CENTRAFRICAINE 1994 États généraux de l’éducation et de la formation

SENEGAL 1981 États généraux consacrés à l’éducation (EGEF)

TCHAD 1994 États généraux de l’éducation nationale

TOGO 1992 Les États généraux de l’éducation, de la formation


et de la recherche scientifique

14
manière prépondérante surtout l’exigence et l’urgence nécessaire à la formation de tout sénégalais. Ce socle est
d’entreprendre des réformes des systèmes éducatifs ou estimé à 75% et un contenu flexibilisé constitué de
de les ajuster. contenus régionaux, départementaux et locaux visant à
répondre à des besoins spécifiques de développement (il
III. LES TENTATIVES DE SOLUTIONS: est estimé) à 25%. Au Mali, la décentralisation de l’édu-
LES REFORMES GLOBALES cation est sous-tendu par une volonté formellement
DES SYSTEMES EDUCATIFS énoncée de décentralisation politique.
ET LES REFORMES CURRICULAIRES Dans les faits, le lien entre la formation et l’emploi ou
l’auto-emploi est devenu un impératif dont les différents
Deux exigences ont suivi les États généraux : il s’agit systèmes éducatifs sont obligés de tenir compte. Cette
d’une part de l’adoption des plans pour servir de support situation donne l’impression que l’objectif principal de
à la réforme et d’autre part d’un cadre juridique régis- l’éducation et de la formation est l’emploi. Toutefois, dans
sant cette réforme. Ces deux dispositions supposent une les principes, l’école africaine, comme l’a souligné la
prise de position en faveur de certaines orientations délégation sénégalaise, «vise à permettre à chaque indivi-
éthiques et politiques claires et précises. du de développer ses propres potentialités, sa créativité et
son esprit critique pour son épanouissement et son bon-
1. Options ou orientations fondamentales servant de heur personnels ; elle doit aider chaque individu à se com-
support éthique et politique à l’entreprise de réforme porter en citoyen imbu des valeurs de démocratie, de paix,
Les options les plus caractéristiques sont les suivantes : de justice sociale, de progrès, mais aussi devenir un pro-
● la décentralisation ; ducteur utile». D’après la délégation béninoise, la
● l’orientation de l’éducation vers les réalités locales Déclaration de politique éducative et de stratégie sectoriel-
et les besoins des populations ; le du Bénin précise que «l’école béninoise devra désor-
● l’introduction des langues nationales comme matière mais former des hommes [et des femmes] sans cesse per-
et à terme comme médium d’enseignement dans cer- formant dotés d’esprit d’initiative, ayant le goût de la
tains des Etats-membres ; recherche, capable de s’auto-employer, de créer des
● l’articulations des sous-secteurs formels et informels emplois et de contribuer efficacement au développement
conçus comme complémentaires ; du Bénin».
● l’entrée dans la réforme par les curricula et l’accent mis
de plus en plus sur la pédagogie par les compétences. 2. Les mesures juridiques
Ces options ne sont pas toutes explicites pour tous les Les États généraux ont conduit pour la plupart des États-
pays. Elles sont toutes formellement énoncées dans les membres à adopter et à promulguer des lois d’orienta-
plans de réformes des Etats-membres, dont l’entreprise tion de l’éducation. Elles avaient pour objectifs
de réforme est récente. Cette volonté de décentralisation l’accompagnement institutionnel de la réforme. Le
politique n’implique pas une autonomie totale de l’éco- Tableau 2 donne un aperçu de la situation dans les diffé-
le. Afin que l’école continue à assurer son rôle de pro- rents Etats-membres.
moteur d’unité nationale, l’école africaine des régions
concernées reste encore assez centralisée. Toutefois, une 3. Les plans de développement de l’éducation et les
grande importance est accordée à l’opinion des collecti- organes de pilotage des réformes
vités locales. Elles sont consultées de plus en plus et très
largement. Elles deviennent, plus que jamais, des parte- Les différentes réformes ont eu à se doter de plans
naires à part entière du système éducatif, et sont même nécessaires à leur conduite. La tendance majoritaire est
appelées dans certains cas à s’investir autant que faire se en faveur des plans décennaux (Tableau 3).
peut dans la gestion et la conduite de la vie de l’école. Le pilotage du plan et la mise en œuvre de la réfor-
Elles deviennent à ce titre des acteurs privilégiés au ser- me ont été confiés, selon les États, à un organe central
vice de la décentralisation et de la déconcentration. ou à plusieurs organes agissant conjointement et de
La décentralisation de l’éducation est le transfert aux façon complémentaire.
collectivités locales des responsabilités importantes en
4. La réforme curriculaire
matière d’éducation. La déconcentration consiste à
mettre en place des structures qui facilitent la promotion Tous les Etats-membres représentés sont à l’heure
d’une plus grande efficacité dans les prises de décisions actuelle engagés dans un processus de réforme curricu-
et leur exécution. La décentralisation et la déconcentra- laire. Ils n’en sont pas tous cependant arrivés au même
tion sont accompagnées d’une véritable volonté d’adap- niveau. L’examen du processus dans l’ensemble des
tation des contenus enseignés aux réalités locales, aux pays fait ressortir deux tendances. Pour certains des
besoins des populations et aux exigences climatiques, Etats-membres, «la réforme de l’éducation n’est plus
topologiques, alimentaires et aux mœurs des popula- synonyme de bouleversement immédiat des structures et
tions locales. Au Sénégal par exemple, la composante de des contenus mais le résultat d’un ensemble d’innova-
base du curriculum comporte un socle prioritaire, unifié tions et de rénovations pour répondre aux insuffisances
et obligatoire du savoir, savoir-faire et du savoir-être constatées au niveau du système éducatif». Ce point de

15
TABLEAU 2 : Les mesures juridiques dans les différents États-membres

BENIN

BURKINA Loi no. 13/96/ADP Loi d’Orientation de l’Education 9/5/96

CONGO Loi 25-95 du 17/11/95 Réorganisation du système 17/11/95


éducatif en Rép. Du Congo

GABON Loi 16/66 Organisation générale de l’enseignement 9/8/66


de la Rép. Du Gabon

MALI Loi No. 99-046 Loi d’Orientation sur l’éducation 28/12/99

REP. CENTRAFRICAINE Loi 97.014 du 10/12/97 Orientation de l’éducation 10/12/97

SENEGAL Loi no. 91-22 du 16/02/91 Loi d’Orientation de l’éducation nationale 16/2/91

TCHAD Le Plan d’Orientation «Le Tchad vers l’an 2000» /91

TOGO Ordonnance No. 16 La Réforme de l’enseignement du Togo 6/5/75


du 6/05/75

vue est celui du Burkina Faso et est partagé dans représenté, la priorité est accordée à l’éducation de base
d’autres pays. Toutefois, le point de vue de la grande dans la plupart des pays. De la même façon, les grandes
majorité des Etats-membres représentés correspond à la orientations formulées pour les différents systèmes édu-
vision suivante énoncée par les représentants du Tchad. catifs se rejoignent sur de nombreux points. L’un des
«Il ne s’agit donc pas d’un toilettage des anciens pro- points sur lesquels la plupart des systèmes éducatifs des
grammes. Il s’agit bien d’un travail de refondation d’un Etats-membres représentés se rejoignent est l’introduc-
nouveau programme». Dans les faits, la mise en œuvre tion des langues nationales.
des nouveaux programmes se fait suivant les mesures et
les formes que préconisent la tendance précédente. Cela L’introduction des langues nationales comme matière et
s’illustre bien par les expériences togolaises, sénéga- à terme comme médium d’enseignement dans certains
laises et maliennes. des États-membres
Néanmoins, quelles que soient les caractéristiques La dichotomie langue(s) officielle (s)/langue(s) nationa-
particulières de la réforme de chaque Etat-membre le(s) est toujours présente dans les Etats-membres repré-

TABLEAU 3 : Les plans éducatifs et leurs organes de pilotage dans les différents Etats-membres

BENIN 1991 janvier Document cadre de Politique


Educative

BURKINA FASO 1999 Juillet PDDEB (2000-2009) Plan décennal de développement


de l’éducation de base

CONGO Termes de référence pour la


réforme du système éducatif congolais

GABON

MALI PRODEC Programme décennal de


développement de l’éducation

REP. CENTRAFRICAINE PNDE Plan national de développement


de l’éducation

SENEGAL PDEF (2000-2010) Plan décennal de l’éducation et de


la Formation

TCHAD 1990 Stratégie EFE Stratégie d’éducation et de


formation en liaison avec l’emploi

TOGO 1975 mai La réforme de l’enseignement au Togo

16
sentés. Mais, une très forte prise de conscience de mation dans le sens des besoins et de la vision de l’hom-
l’importance et même de l’utilité pédagogique ou me». Elle sert «à la fois comme principe et cadre
psychopédagogique des langues nationales est la carac- méthodologique».
téristique fondamentale de la plupart des politiques de
réforme. D’après la délégation sénégalaise, l’école nou- L’introduction des nouvelles matières et les innovations
velle au Sénégal est envisagée entre autres comme «une pédagogiques
école ouverte sur le milieu, intégrant l’apprentissage des L’une des caractéristiques des programmes d’études est
langues nationales et le travail productif pour mieux l’introduction de nouvelles disciplines surtout dans l’en-
sécuriser l’enfant en l’enracinant d’abord dans sa cultu- seignement secondaire. Cette introduction s’est faite très
re nationale». souvent sous l’impulsion des organismes internatio-
Pour les représentants du Burkina-Faso: «Les langues naux. Presque tous les États ont introduit dans leurs pro-
nationales qui ont été utilisées comme langues d’ensei- grammes à un moment donné, certaines des disciplines
gnement ont été valorisées parce qu’elles ont fait la preu- suivantes : l’éducation en matière de population (EMP),
ve qu’elles pouvaient véhiculer des connaissances scienti- l’éducation environnementale, l’éducation à la vie fami-
fiques universelles». «Elles ont mis les enfants à l’aise et liale, l’éducation pour la santé, l’éducation civique,
ont valorisé leur culture. De même, toutes les langues l’éducation aux droits de l’homme, l’éducation artis-
nationales ont été valorisées, chacun tirant dans sa culture tique, l’initiation aux nouvelles technologies, et
des informations intéressantes pour tout (exploitation des d’autres. D’après les délégations du Burkina Faso, du
proverbes, contes, devinettes, coutumes)». Gabon, de la République Centrafricaine et du Congo,
D’après la délégation gabonaise, «le Gabon a com- l’introduction de ces nouvelles matières a nécessité des
pris que promouvoir et enseigner ses langues constituent réaménagements des horaires d’enseignement, une for-
plutôt une abondance, un enrichissement de plusieurs mation des enseignants à leur utilisation, l’organisation
cultures gabonaises». Le slogan du Ministère de l’Edu- des séminaires de sensibilisation et une diffusion des
cation Nationale est «l’enseignement de nos langues est programmes ainsi introduits.
le seul facteur de consolidation de la relation identité Certaines des matières introduites sont enseignées
culturelle et identité nationale». Ce sera, sans contredit, en tant que disciplines distinctes et évaluées comme
par les langues nationales que nous espérons donner aux telles. C’est le cas de l’éducation civique au Burkina
jeunes gabonais une éducation efficace. «A la suite Faso pour laquelle les méthodes préconisées sont essen-
d’une bonne campagne de sensibilisation qui a duré tiellement les méthodes actives : études de cas, simula-
deux ans, le Gabon a démontré que le fait de promou- tion, appel à un invité, recherche documentaire, discus-
voir ses langues n’entraîne pas pour conséquence immé- sion, jeu de rôle, brainstorming, etc. L’évaluation utilise
diate les conflits. Il y a conflits lorsqu’il y a conflit d’in- des QCM [questions à choix multiples], des tests d’atti-
térêt dans tout message». tude, des échelles numériques, etc.
Ces différents points de vue sont partagés par plu- L’introduction de ces nouvelles disciplines a permis
sieurs autres délégations. Aux yeux des décideurs des la mise en évidence du concept de discipline d’accueil.
politiques éducatives des Etats-membres représentées, il Par exemple, au Burkina Faso, «l’éducation en matière
existe un autre élément qui rivalise d’importance avec de population n’est pas enseignée comme discipline,
les langues nationales. C’est l’étude du milieu. mais ses contenus et ses méthodes sont intégrés dans des
disciplines d’accueil que sont : le français, les langues
L’étude du milieu vivantes, les sciences naturelles, les mathématiques, les
Toutes les délégations ont montré que leur système édu- sciences physiques, la philosophie».
catif porte un grand intérêt au milieu et surtout au lien Une autre caractéristique des systèmes éducatifs des
nécessaire entre école et milieu. Selon la délégation Etats-membres représentés est l’expérimentation de
sénégalaise, l’école sénégalaise se définit aussi comme nouvelles pratiques pédagogiques. Le Burkina Faso, le
une «école ouverte sur le milieu», «assurant une forma- Sénégal et le Mali, par exemple, connaissent au titre des
tion qui lie l’école à la vie, la théorie à la pratique, l’en- innovations pédagogiques, une ou plusieurs des pra-
seignement à la production». La délégation gabonaise a tiques pédagogiques ci-dessous énoncées :
fait remarquer que le 8ème séminaire des Inspecteurs ● les classes multigrades ;
régionaux du pays tenu en 1979 appelait à une réforme ● les classes à double flux ;
qui permettrait d’orienter «l’enseignement primaire ● les écoles satellites ;
pour qu’il devienne un facteur de développement et [de] ● les centres d’éducation de base non formelle.
former le futur citoyen par des programmes en prise
directe avec les réalités de la vie dans le milieu». Les approches curriculaires
D’après la délégation togolaise, «l’étude du milieu n’est Du point de vue méthodologique, les processus de
ni une matière, ni une discipline à enseigner. Elle est une développement des curricula sont passés de la pédago-
méthode d’enseignement. Elle est un support efficace gie par le contenu à la pédagogie par l’objectif. Une
pour favoriser d’une part la connaissance du milieu et nouvelle tendance très active, encore limitée à certains
d’autre part l’action sur le milieu en vue de sa transfor- États, se dégage et se renforce progressivement en

17
faveur de la pédagogie par la compétence. Cette derniè- représentants de cet Etat-membre, apparaissent comme
re apparaît comme se substituant à la pédagogie par une illustration concrète du point de vue précédent. «En
l’objectif ou la complétant. Les pratiques disciplinaires 1974 le Togo nationalise la Compagnie Togolaise des
classiques ont toujours cours, mais l’interdisciplinarité Mines du Bénin (CTMB). A partir de cette nationalisa-
fait du chemin et est prônée avec enthousiasme. Sa pra- tion, l’économie togolaise devenait florissante, et une
tique commence à se concrétiser dans des domaines année plus tard la Réforme de l’Enseignement et de
limités. Elle se sert de l’étude du milieu comme un sup- l’Education au Togo était promulguée. Le Togo avait les
port essentiel. Si elle tarde à se généraliser, c’est parce moyens de sa politique. Ainsi, la mise en œuvre de la
que son enracinement dans la formation des formateurs Réforme ne posait–elle pratiquement pas de problèmes
et son accompagnement matériel et logistique font aux Autorités. Beaucoup de structures prévues ont pu
défaut. être matérialisées. Mais à partir de 1980, les prix des
Les réformes curriculaires au Sénégal et au Bénin, le phosphates ont commencé à chuter et les Institutions de
projet de réforme curriculaire au Gabon préconisent une Bretton Woods commencèrent aussi à imposer les
approche systémique. Pour Souleymane Ndiaye, l’ap- Programmes d’ajustement structurel suite à la grande
proche systémique oblige l’enseignant de s’informer au crise financière conjoncturelle, aux pays en développe-
sujet : ment dont le Togo. La mise en œuvre de la Réforme a
● du contexte national, de ses variables écologiques, commencé à connaître des difficultés».
humaines, économiques, culturelles, information- «A partir du moment où le Togo, à l’instar des autres
nelles, etc. ; pays en voie de développement, est soumis au régime
● des cibles: les apprenants - qui sont-ils ? quels sont drastique des Programmes d’ajustement structurel, la
leurs antécédents ? que désirent-ils apprendre ? démocratisation de l’école lui devenait quasiment
● de l’école: du programme actuel, de ses aspects posi- impossible. Il fallait surseoir :
tifs, de ses lacunes ; ● au recrutement et à la formation des personnels d’en-
● des orientations prioritaires du Plan National de cadrement, d’enseignement et administratif ;
développement ; ● à la création et à la construction de nouvelles écoles
● des démarches analytiques qui conduiront à remédier ou établissements scolaires ;
à l’insuffisance de la pertinence, de la flexibilité et de ● à l’équipement en mobilier et en matériels scienti-
la cohérence, à organiser de manière méthodique des fiques des établissements ;
ateliers et des séminaires, à appliquer selon les cir- ● à la dotation en matériels didactiques etc. desdits éta-
constances une approche disciplinaire, inter ou pluri- blissements scolaires.»
disciplinaire, à consulter ou utiliser des personnes- «La croissance rapide des effectifs et le déclin
ressources. économique et surtout financier du pays ont entraîné le
secteur éducatif, à l’instar des autres secteurs, dans une
IV. LES DIFFICULTES INHERENTES crise aggravée ces dernières années».
AUX REFORMES «Le taux de scolarisation qui avait atteint en 1980,
71 % est descendu en 1993 à 62,2 % et est remonté en
Les difficultés que connaissent les réformes des sys-
1997 à 72,9 %».
tèmes éducatifs et celles du curriculum en Afrique peu-
«Sur le plan du financement du secteur de l’éducation,
vent être regroupées en deux catégories.
l’Etat a connu des problèmes. Si le financement a progres-
sé entre 1980 et 1989 passant de 12,5 milliards en 1979-
1. Les difficultés liées aux contextes économique et
1980 à 22,2 milliards en 1988 – 1989, cette progression
financier et à la trop grande dépendance des Etats
est moins évidente depuis 1990. La part du budget de
vis-à-vis de l’extérieur
l’éducation dans le budget de l’Etat est passée de 22,4 %
Dans la mise en œuvre des réformes, les Etats-membres en 1990 à 18,6 % en 1998 avec un seuil critique de 15,8 %
représentés sont confrontés à de nombreuses difficultés. en 1995. Les dépenses publiques ordinaires du primaire
La première conséquence de cette situation est l’abandon en % du PIB chute de 1,7 % en 1990 à 1 % en 1999. Cette
de fait du processus de réforme. Le point de vue de la tendance s’explique par plusieurs raisons :
délégation centrafricaine résume la situation d’en- ● Les restrictions budgétaires liées aux programmes
semble. «Beaucoup de réformes ont échoué faute de d’ajustement structurel ;
financement. Les difficultés sont dues à l’appauvrisse- ● La crise socio-politique ayant entraîné la suspension
ment du pays, à l’endettement de l’Etat vis-à-vis des ins- des aides multilatérales
titutions financières internationales, à des mesures de ● La dévaluation du franc CFA intervenue en janvier
contraintes imposées par la Banque mondiale et le FMI. 1994.»
L’application sectorielle de l’ajustement structurel ne De ces deux observations des délégations centrafricaine et
suffit pas à constituer une réforme des systèmes éduca- togolaise, il résulte que quelles que soient les qualités
tifs. Elle ne fait qu’accélérer leur paralysie». intrinsèques des plans de réforme du point de vue de leur
Les difficultés de la mise en œuvre du plan de la conception, leur succès au regard de la mise en œuvre
réforme au Togo, telles qu’elles ont été présentées par les dépend des facteurs qui leur sont extérieurs. Pour les pays
18
d’Afrique au Sud du Sahara, ce sont le plus souvent les L’Etat n’a initié « aucune action pour leur valorisation
facteurs d’ordre économique (telle que la détérioration dans l’administration (impression de documents
des termes de l’échange), et financier (telle que la déva- bilingues : cartes d’identité, actes de naissance, fiche
luation du franc CFA), aggravés par la trop grande dépen- d’impôt, patente etc…; possibilité de mettre les
dance des Etats vis-à-vis de l’étranger et du rôle, souvent adresses en langues nationales pour les envois postaux,
défavorable à terme des pressions des institutions finan- etc …).
cières internationales. A ces difficultés s’ajoutent les problèmes didac-
Même si cette catégorie des difficultés qui viennent tiques liés à l’utilisation de ces langues (méthodologie,
d’être évoquées reste celle qui détermine primordiale- matériel didactique), la formation des enseignants, ainsi
ment la réussite de la mise en œuvre des plans de réfor- que leur rôle dans les réformes. A ce sujet, le point de
me, force est d’indiquer qu’elle ne constitue pas la seule vue exprimé par la délégation du Burkina Faso à propos
catégorie des difficultés qui pèsent sur les réformes. de l’une des précédentes réformes du pays résume l’avis
D’autres types de difficultés sont à signaler. de la plupart des délégations. «Il faut noter aussi que le
rapport coût / formation dans la réforme était très élevé.
2. Les difficultés inhérentes à la mise en œuvre des Malgré les sommes investies, tous les maîtres n’ont pas
réformes été initiés à la transcription des langues nationales; le
Les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de la matériel de production octroyé aux écoles est demeuré
réforme en République du Bénin sont, d’après les repré- insuffisant, si bien qu’avec la fin du projet, d’énormes
sentants de cet Etat-membre, «la lourdeur administrati- difficultés se seraient présentées pour les écoles. Faute
ve», «la non disponibilité des fonds au moment oppor- de pouvoir acquérir du matériel pour la production, cette
tun», «la peur du changement», le «poids du vécu des activité serait vouée à l’échec ou demeurerait insigni-
enseignants», les «mouvements du personnel ensei- fiante».
gnant», «l’insuffisance du niveau académique des
enseignants, l’insuffisance des effectifs d’enseignants V. LES PERSPECTIVES D’AVENIR
qualifiés», le recours à des «répétiteurs à domicile non Les représentants des Etats-membres au Séminaire-ate-
formés», les «classes à grands groupes», l’insuffisance lier de Libreville, à travers leurs différents vœux et sou-
et l’inadéquation du mobilier scolaire, le «morcellement haits relayés en partie par leur motion adressée à
du temps scolaire». Pour la délégation du Burkina Faso, l’UNESCO, ont apprécié, avec une satisfaction notoire,
parlant plus spécifiquement de la réforme des pro- la nouvelle orientation de l’UNESCO. Car, à leurs yeux,
grammes de mathématiques, les «difficultés rencontrées en faisant du contenu et des méthodologies de l’éduca-
se situent au niveau du manque de formation pédago- tion un domaine d’intervention spécifique d’un de ses
gique initiale des enseignants et dans l’incapacité des Instituts et en chargeant ce dernier du renforcement des
libraires de la place à répondre à la demande des nou- capacités dans ce domaine, l’UNESCO, par le biais du
veaux manuels écrits et édités par la Direction des Bureau international d’éducation (BIE), inaugure une
Inspections et de la Formation des Personnels de nouvelle orientation. Cette dernière va être à nouveau
l’Education». d’une très importante contribution pour les États afri-
cains. Ils espèrent que l’action de l’Organisation, tout en
3. Les difficultés liées à l’introduction des langues s’inscrivant dans la perspective de l’éducation universel-
nationales ou maternelles le, de «la meilleure éducation pour tous tout au long de
la vie» s’organise en activités concrètes et pratiques pre-
L’utilisation des langues nationales à l’école a connu nant appui sur les données du terrain, et visant entre
dans certains pays une certaine réticence. autres exigences, l’amélioration de la qualité et de la
Avant 1997, on a toujours pensé que le fait de pro- pertinence des systèmes éducatifs. Pour que ces actions
mouvoir les langues gabonaises pourrait gêner soient efficace en Afrique, les représentants des
ce que le politique appelle « l’unité nationale ». Nous Etats-membres à ce séminaire-atelier encouragent
comprenons aisément et surtout sans peine un tel senti- l’UNESCO à poursuivre ses efforts tout en mobilisant
ment de crainte de vivre des oppositions nationales. Ces
ses partenaires au profit d’un réseau B.I.E/ Afrique dont
résistances ont été dépassées. Mais, l’introduction de
la mise en place est vivement souhaitée. En vue de la
ces langues dans l’enseignement pose encore des diffi-
conduite des activités dudit réseau dans un proche futur,
cultés. Certaines de ces difficultés sont relatives aux
les participants après concertation ont formulé leurs
critères de choix des langues nationales à introduire
souhaits et recommandations dans trois domaines.
dans l’enseignement, ainsi qu’au statut de ces langues.
De plus, dans la plupart des cas, comme le font remar-
1. La possibilité de mise en place d’un réseau
quer les représentants du Burkina Faso à propos de
BIE/Afrique sur les curricula
l’une des réformes qui n’a pas pu aboutir, l’introduction
des langues nationales dans le système éducatif n’a pas Le principe de la création d’un réseau d’échanges a été
été accompagnée d’une politique de réhabilitation et de unanimement accepté par les participants. Ils ont sou-
revalorisation de ces langues dans les autres secteurs. haité que les Instituts pédagogiques nationaux ou les

19
structures remplissant les fonctions analogues soient les premier des résultats de cette étude est une adéquate
points d’encrage du réseau. prise en compte des réalités des systèmes éducatifs et
des attentes des Etats-membres dans l’ordre du jour du
2. L’identification des besoins en matière de réforme séminaire–atelier de Libreville.
curriculaire ; Du point de vue technique, l’étude a montré que l’en-
Les participants souhaiteraient de la part du BIE : treprise d’une recherche sur les politiques éducatives, les
● l’assistance technique ; programmes d’études, le contenu des manuels au regard
de l’enseignement des valeurs, se heurte à des difficultés
● la création d’un réseau d’échanges ;
d’ordre épistémologique. Les États concernés étant tous
● la formation de spécialistes des curricula ;
engagés dans des politiques de réforme, tout résultat
● l’organisation de rencontres périodiques ;
auquel on aboutirait en examinant leurs programmes ou
● l’appui matériel et financiers aux Etats.
leurs manuels ne peut avoir qu’un caractère très provi-
soire. Néanmoins, l’étude a permis de rendre compte des
3. Les modalités de coopération entre les Etats partici-
progrès qui se font en vue de l’amélioration de la qualité
pants et le BIE
du contenu de l’éducation dans les Etats-membres
Les axes de coopération retenus concernent en priorité : concernés. Elle a permis de suivre l’évolution de certains
● la formation en développement du curriculum ; des documents et textes depuis les indépendances, et à
● les données sur l’éducation ; noter que les politiques éducatives, les programmes et
● le développement des curricula ; les manuels, bien qu’affectés par les réalités difficiles
● la formation en planification, manuels scolaires et auxquelles les États sont confrontés, reflètent, selon les
évaluation des apprentissages ; époques de leur élaboration, les exigences dominantes
● la conduite des études sur l’éducation. de la communauté internationale en matière de valeurs et
Par ailleurs, les participants ont souhaité que le B.I.E. d’idéaux énoncés.
soit leur interprète auprès des autres instituts, divisions José Marin, Professeur à l’Université de Genève,
et secteurs de l’UNESCO, en ce qui concerne leurs dans un texte intitulé «Une éducation appropriée aux
besoins relevant des compétences de ces organes. peuples autochtones d’Amérique Latine» a montré
qu’une éducation interculturelle est à la fois une expé-
VI. SYNTHESES ET ORIENTATIONS rience et un facteur d’une démocratie vraie. C’est un ins-
Pour donner aux participants une approche plus trument privilégié de revalorisation des savoirs tradition-
générale et plus théorique de la problématique des nels. Cette présentation, bien que partant de l’expérience
réformes, certaines des interventions ont été consa- historique américaine et surtout sud-américaine, ouvre
crées à des présentations d’ordre thématique. Elles des perspectives à l’Afrique au sud du Sahara, où, même
avaient pour objet d’enrichir les discussions avec des si la réalité sociale reste toujours multiculturelle, le pro-
apports théoriques de nature conceptuelle, technique, blème de l’interculturel n’est pas encore formellement
ou comparative. présent dans les systèmes scolaires.
Ainsi, dans la présentation intitulée «Politique secto- L’apport de ce texte se situe sur le plan conceptuel.
rielle et réforme curriculaire», Mohamed Radi, Chef de Un regard particulier a été porté sur les concepts d’iden-
la Section des politiques et plans d’action nationaux à la tité, d’altérité et sur leur relation mutuelle, ainsi que sur
Division des Politiques et stratégies du Secteur de le concept de culture. Les caractéristiques de l’éducation
l’Education, UNESCO, a présenté succinctement : les interculturelle, l’apport de l’éducation interculturelle
différentes causes possibles conduisant les États à entre- pour un monde en mutation, le rôle culturellement des-
prendre des réformes en matière d’éducation, les aspects tructeur de toute éducation du type monoculturel ont été
du système éducatif sur lesquels peut porter l’élaboration aussi examinés.
d’une politique et d’un programme de réforme, les Souleymane N’Diaye, ancien fonctionnaire de
objectifs poursuivis à travers la réforme de chacun de ces l’UNESCO et spécialiste des curricula, s’appuyant sur
aspects et les modes de coopération et les formes d’as- les responsabilités qu’il a exercées à la tête des cellules
sistance auxquels les États peuvent avoir recours dans techniques d’élaboration des curricula et sur sa très riche
leur entreprise de réforme, et l’approche de réforme en expérience dans le domaine des réformes, a donné une
cinq étapes que propose l’UNESCO aux Etats-membres présentation des articulations conceptuelles et tech-
et qui s’appuie sur le «leadership national» et «la parti- niques d’un processus de réformes. Se fondant sur le
cipation». En s’appuyant sur cette approche, M. Radi a contexte sénégalais, l’analyse met à jour les grands axes
exposé une analyse de la situation du système éducatif de ce processus. Les présupposés philosophiques, poli-
du Gabon. tiques, les repères, les points d’ancrage et les directives,
Dans un texte intitulé «Articulation entre politiques le cadre institutionnel et législatif, les grands axes de la
éducatives, programmes et manuels : l’enseignement des philosophie éducative, les différentes problématiques,
valeurs», John Aglo, Chargé du programme Afrique du les différentes composantes d’un curriculum, les diffé-
B.I.E., a présenté le résultat partiel d’une étude qu’il rentes orientations par rapport aux préoccupations inter-
conduit dans quatre pays d’Afrique. Il a montré que le nationales ont été exposés d’un point de vue à la fois
20
théorique et technique, avec des illustrations puisées tuant des projets et le fait que les États les acceptent
dans l’expérience sénégalaise. malgré eux, contraints par les besoins, n’aident pas non
Il apparaît à travers les travaux de ce Séminaire-ate- plus à la mise en œuvre constante, suivie et rigoureuse
lier que beaucoup d’efforts et de moyens ont été consen- de ces projets.
tis par les États dans leur volonté d’améliorer leur systè- C’est à ce niveau que le rôle de l’UNESCO apparaît
me éducatif. Les résultats atteints ne reflètent pourtant important. Les concepts de «leadership national» et de
pas cet engagement. «participation» sur lesquels l’Organisation appuie son
Il n’est pas toujours exact d’attribuer les échecs et approche d’élaboration des politiques et des pro-
les difficultés que connaissent les États dans leur grammes de réforme et de développement de l’éduca-
volonté de réformer leur système éducatif au manque tion pourraient être d’une grande contribution pour les
de savoir–faire technique et de compétence. Une gran- États. Ces derniers pourraient s’en servir pour renforcer,
de part de ces échecs peut être attribuée à la pauvreté. face à toute forme de pression, leur autonomie et leurs
C’est ce qui est traduit par le point de vue suivant pré- exigences marquées par leurs propres besoins, leurs
senté par Souleymane Ndiaye : « Au lieu de privilégier propres valeurs et représentations, dans la conception, la
ces signes de croyance en soi et de volonté de priori- mise en œuvre, le suivi et l’évaluation de leur politique
ser les stratégies qui libèrent culturellement et écono- de réforme.
miquement un peuple, on a souvent prêté plus d’atten- La mise en place des réseaux qui commence à
tion aux innovations en vogue dans les pays du Nord, prendre forme sous l’impulsion du BIE, permettrait
parce que, assuré que dans le train qui les amène le aux politiques de réforme de s’appuyer sur des acteurs
financement extérieur et l’assistance technique seront ayant une rigoureuse connaissance des réalités locales,
du voyage ». une politique de terrain, une expérience et un savoir-
En effet, dans un contexte de grandes difficultés éco- faire en adéquation avec les besoins des populations
nomiques et financières, les États africains n’ont plus la concernées. Elles permettrait aussi aux États d’organi-
maîtrise de leur propre politique éducative et les projets ser et de gérer avec efficacité les échanges d’expé-
des partenaires au développement, tant des relations riences et de compétences dans un cadre qui encoura-
bilatérales que multilatérales, ne sont pas nécessaire- gerait et renforcerait la coopération Sud–Sud, tout en
ment et toujours motivés par l’intérêt unique des États refondant et en réajustant celle qui existe présentement
qu’ils comptent aider. Le caractère changeant et fluc- entre le Nord et le Sud.

21
PARTIE II :

RAPPORTS NATIONAUX
SUR LA REFONDATION CURRICULAIRE
ET LE PROCESSUS DE
DÉVELOPPEMENT CURRICULAIRE

23
Bénin

Djibril M. Debourou et François Mahougbé Labe

I. INTRODUCTION réflexe et de rigueur dans la gestion s’observe chez


l’adulte à l’égard des ressources et dans les relations de
La République du Bénin a été, depuis son accession à la coopération. L’école n’a pas enseigné à lire la réalité
souveraineté internationale en 1960, secouée par des dynamique qui nous entoure. La morale d’incitation à
crises sociales. La plus grave et la plus décisive fut celle l’action transformatrice et à la manifestation de l’esprit
de 1989 qui conduit à la tenue de la « Conférence des de créativité fait défaut dans le système éducatif du
Forces Vives de la Nation » en février 1990. Le projet de Bénin.
société issu de cet important forum historique prescrit, Il importe donc de revoir le système éducatif qui en
entre autres, de doter le pays d’un système éducatif de bien des points est dépassé, pour l’adapter aux nouvelles
qualité. exigences et le rendre plus performant du point de vue de
Le Ministère en charge de l’éducation nationale, en l’efficacité tant interne qu’externe. Tenir compte de tout
application de cette recommandation, réunit en octobre cela, c’est cultiver dès le cycle primaire l’imagination, la
1990 les Etats généraux de l’éducation. A la lumière des créativité, le recours à la résolution de problème, la capa-
conclusions de ces Etats généraux de l’éducation, et sur cité de se prendre en charge et l’aptitude à réagir de
la base des résultats de l’audit du Ministère de l’éduca- façon adéquate face à une situation nouvelle.
tion nationale et d’un certain nombre d’études secto-
rielles réalisées sur le système éducatif, le III. BREVE DESCRIPTION DU PROGRAMME
Gouvernement adopta en janvier 1991 le «Document- DE REFORME DU SYSTEME EDUCATIF
cadre de politique éducative». Ce document marqua
l’engagement du système éducatif dans un programme Dans la perspective d’apporter des solutions aux pro-
de réforme. blèmes soulevés, il est apparu nécessaire d’engager le
Le présent article développera les quatre points sui- système éducatif béninois dans un vaste mouvement de
vants : réforme qui touche les ordres d’enseignement à la fois
● une analyse sommaire de la situation actuelle de primaire, secondaire général, secondaire technique et
l’éducation au Bénin; professionnel et enfin supérieur. Un «Document-cadre
● une brève description du programme de réforme du de politique éducative» fixant les grandes orientations a
système éducatif; été adopté, de même que la «Déclaration de politique
● la réforme de l’enseignement primaire ; et, éducative et de stratégie sectorielle» qui précise que
● les conséquences de la réforme sur l’encadrement «l’école béninoise devra désormais former des hommes
scolaire. sans cesse performants dotés d’esprit d’initiative, ayant
le goût de la recherche, capables de s’auto-employer, de
II. ANALYSE SOMMAIRE DE LA SITUATION créer des emplois et de contribuer efficacement au déve-
ACTUELLE DE L’EDUCATION AU BENIN loppement du Bénin».

Les caractéristiques de notre époque et ses tendances 1. Les objectifs fondamentaux de la nouvelle politique
déterminantes exigent de l’élève et de l’étudiant qu’ils éducative
développent des compétences diverses afin de gérer au
mieux leur avenir politique, économique, social et cultu- La nouvelle politique éducative fixe les objectifs fonda-
rel dans un environnement essentiellement instable et mentaux suivants :
complexe sur les plans local, national et international. ● favoriser l’égalité des chances pour tous ;
Le constat est que les jeunes élèves en fin de cycle ne ● renforcer la qualité de l’enseignement ;
perçoivent pas les notions du temps qui s’écoule et ni de ● réhabiliter l’appareil institutionnel ;
l’espace comme des biens précieux qu’ils ont l’obliga- ● assurer la formation à l’auto-emploi ;
tion permanente de gérer avec rigueur pour leurs propres ● réguler les flux à tous les niveaux ;
santé et survie. La lacune que constitue le manque de ● maîtriser les coûts de l’éducation.
24
2. Les mesures retenues mise au point d’un tableau de bord dynamique et
analytique du système éducatif ;
Un certain nombre de mesures ont été retenues. Il s’agit ● en mettant en place des procédures transparentes

notamment : de préparation et d’exécution budgétaires, ce qui


1. de renforcer les moyens pédagogiques et didactiques impliquera l’élaboration d’une nouvelle nomenclatu-
et d’actualiser les programmes d’études en vue de re budgétaire et le renforcement en moyens matériels
garantir un apprentissage efficace du savoir et du et humains des structures de gestion budgétaire et
savoir-faire nécessaires et utiles pour une insertion financière, y compris la gestion du personnel ;
productive des élèves et des étudiants dans la vie 6. d’élaborer une politique détaillée visant à rendre dis-
active. A cet effet, des études ont été réalisées, y ponibles les livres scolaires à des prix raisonnables ;
compris celles portant sur les facteurs contribuant à 7. d’encourager la création d’établissements privés.
l’amélioration de la qualité et au rendement des Les modalités de création desdits établissements
enseignants ; seront étudiées et feront partie d’une stratégie
2. d’appliquer une sélection renforcée à l’entrée de détaillée. En particulier, il pourrait s’agir d’établisse-
chaque cycle. L’examen du CEP servira à la fois de ments de formation professionnelle, conçus pour
certificat de fin d’études primaires et de concours orienter et préparer les sortants d’un cycle donné à la
d’entrée au Collège secondaire général sur la base de vie active.
la moyenne dans les matières fondamentales, à
savoir le français et le calcul. Le nombre de IV. LA REFORME DE L’ENSEIGNEMENT
nouveaux collégiens est déterminé par la capacité PRIMAIRE
d’accueil des établissements d’enseignement secon-
daire. L’entrée à l’enseignement secondaire tech- La mise en œuvre de la reforme n’a pas connu le même
nique se fera uniquement sur concours pour les rythme dans les différents ordres d’enseignement. A
titulaires du CEP, justifiant du niveau de la deuxième l’enseignement primaire, elle est très avancée.
année de l’enseignement secondaire. Tout en cou- L’enseignement secondaire général est en train d’emboî-
ronnant le premier cycle du secondaire, le BEPC ter le pas au primaire et l’enseignement secondaire tech-
sera un instrument de sélection. L’admission aux nique et professionnel vient de mettre au point un
études supérieures dépendra des résultats au document cadre d’orientation de la formation profes-
Baccalauréat et, pour certaines filières, elle sera sionnelle. A l’Université Nationale du Bénin, l’audit
subordonnée à la réussite à un concours ; vient d’être terminé.
3. de renforcer les structures de formation et de recy- Les transformations entreprises concernant les struc-
clage existantes et de mettre en place de nouvelles tures, les personnels, les curricula et la pédagogie sont
structures pilotes destinées à accueillir, en vue de davantage perceptibles à l’enseignement primaire que
leur insertion socio-professionnelle à court ou dans les autres ordres d’enseignement. Ceci découle du
moyen terme, des élèves qui seront en situation fait que l’enseignement primaire constitue pour le Bénin
d’échec scolaire ; la priorité des priorités.
4. d’établir un lien entre la performance des
enseignants et leur progression dans la carrière, ce 1. Le processus proposé pour la réforme de l’ensei-
qui nécessitera un renforcement de la formation gnement primaire
continue et de l’inspection, une gestion perfor-
mante du personnel, ainsi qu’une analyse fine des Le programme de réforme de l’enseignement primaire a
structures de l’éducation par rapport aux tâches à été conçu et élaboré suivant une approche systémique. Il
accomplir; est activé au moyen de quinze plans d’actions pour
5. de renforcer les capacités de planification et de réduire les incohérences constatées et optimiser les
management du système éducatif: résultats. Ces plans d’actions couvrent trois domaines :
● en mettant en œuvre des recommandations de 1. le volet «Pédagogie» qui regroupe les programmes
l’audit de management qui servira à rationaliser les d’études, la formation des enseignants, les manuels
structures et les procédures au sein du Ministère de scolaires et matériels didactiques, le réseau docu-
1’éducation nationale ; mentaire, 1’évaluation des apprentissages et l’orien-
● en élaborant une carte scolaire afin de parvenir à tation scolaire ;
une meilleure répartition des enseignants et des 2. le volet «Planification» qui regroupe la carte scolai-
implantations scolaires ; re, l’augmentation des chances d’accès, l’école de
● en renforçant les capacités de planification prévi- qualité fondamentale et le système d’information ;
sionnelle, par l’usage systématique du modèle de 3. le «Volet institutionnel» qui s’intéresse au processus
simulation financière déjà réalisé et l’amélioration budgétaire, à l’organisation, aux ressources
de l’appareil statistique ; humaines, à la formation administrative, à 1’équipe-
● en informatisant les fiches/ écoles qui sont à la ment et à la viabilité financière et à la participation
base des statistiques scolaires en vue de permettre la du public.

25
Le plan d’action «Réforme des programmes d’études» seignement secondaire général, des conseillers péda-
et les quatre autres plans d’action du volet « Pédagogie » gogiques, des directeurs d’école, des enseignants et
sont imbriqués. La mise en œuvre de la réforme des pro- enseignantes. Les professeurs d’université sont de
grammes d’études est fondée sur l’application de la temps à autre consultés sur des questions ponc-
recherche-action qui permet de confronter les théories tuelles.
éducatives élaborées au vécu pédagogique. Ce mouve- 2. Choix des écoles expérimentales. Elles sont au
ment dialectique, théorie- pratique, perçu dans ce plan nombre de trente (30) équitablement réparties dans
d’action est le moteur des succès enregistrés. les six départements (cinq par département) ;
Le plan de gestion de ces programmes d’études se 3. Elaboration de documents fondamentaux portant sur:
présente dans le tableau 1. ● Le profil souhaité pour l’élève à la fin de l’école pri-
La méthodologie d’implantation de ces programmes maire (mars 1994) et révisé en juin 1998 ;
d’études a suivi les étapes suivantes: ● Les valeurs de l’école béninoise : de l’excellence à la
1. Constitution de l’équipe nationale de conception et culture (mai 1995) ;
formation de ses membres. Cette équipe comporte ● Les nouveaux programmes d’études de l’enseigne-
des inspecteurs de l’enseignement primaire et de ment primaire : fondements, approches et stratégies
l’enseignement secondaire, des professeurs de l’en- (juin 1999) ;

TABLEAU 1 : Plan de gestion des programmes d’études

Niveaux Responsables Tâches/ responsabilités


1. Ministère de l’éducation Cabinet ● Supervision
nationale Cellule de généralisation ● Coordination Pilote du plan d’action
des nouveaux programmes d’études
DPP
D/ INFRE
DEP

2. Equipe nationale Pilote du plan d’action et son équipe ● Conception et élaboration


des projets de programmes
● Planification et coordination des
activités relatives à l’expérimentation
et à la généralisation des nouveaux
programmes
● Formation des équipes
départementales
● Suivi des activités relatives
aux programmes

3. Equipes d’encadrement DDE ● Organisation des équipes


départementales (DDE) d’animation
C/ SEP ● Supervision et formation des équipes
3 IEP de formation
● Organisation/ Expérimentation
● Organisation/ Généralisation

4. Equipes de formation (C.S) IEP ● Formation des Directeurs d’écoles,


CP des enseignants
D/ Ecoles
Enseignants

5. Ecoles IEP ● Mise en œuvre de l’expérimentation


CP ● Mise en œuvre de la généralisation
RUP ● Perfectionnement
D/ Ecoles
Enseignants

26
4. Élaboration de projets de programmes d’études et ciser les conditions nécessaires pour un apprentissage
leur expérimentation : significatif et durable de la part de l’élève. En effet :
● CI - CP (août - septembre 1994) ; ● on apprend avec les autres;
● CE1 - CE2 (juillet - août - septembre 1995) ; ● tout le monde n’apprend pas de la même façon ni au
● CM1 (juin - juillet - août 1996) même rythme;
● CM2 (juin - juillet - août 1997). ● l’apprentissage requiert une activité de la part de la
personne qui apprend;
5. Formation des maîtres et directeurs des écoles expé-
● une personne apprend à partir de ses représentations;
rimentales, des conseillers pédagogiques et des ins-
pecteurs ;
● une connaissance ou une habileté apprises sont utili-
6. Mise en œuvre, suivi et évaluation de l’expérimenta- sables dans tous les contextes;
tion des nouveaux programmes d’études ; ● un bon apprenant maîtrise sa démarche d’apprentis-
7. Production de manuels, cahiers d’activités et des sage;
planches pédagogiques adaptés ; ● on apprend mieux lorsqu’on est dans un environne-
8. Mise au point d’un système d’évaluation conforme ment stimulant;
aux nouveaux programmes d’études ; ● on apprend lorsque les apprentissages proposés ont
9. Amélioration progressive et finalisation des nou- un sens et qu’on leur accorde de la valeur;
veaux programmes d’études ; ● on apprend en créant.
10. Généralisation progressive puis totale des nouveaux Sur la base de ces principes généraux, les responsables
programmes d’études suivant le calendrier ci– de la réforme des programmes d’études ont privilégié la
après : conception de l’apprentissage qui, concrètement, fait
CI : 1999 - 2000 CP : 2000 – 2001 recours aux trois phases importantes de l’acte d’appren-
CE1 : 2001 – 2002 CE2 : 2002 - 2003 tissage :
CM1 : 2003 - 2004 CM 2 : 2004 - 2005 1. «Introduction». C’est la phase de l’éveil du désir
d’apprendre, de la mise en branle des pro-
2. Les fondements et les caractéristiques des nou- cessus mentaux des élèves, de l’activation de leurs
veaux programmes d’études savoirs ;
2. «Réalisation». C’est la phase du passage des
Les fondements des nouveaux programmes d’études
connaissances préalablement acquises aux nouveaux
Dans les orientations devant inspirer l’action éducative,
savoirs et l’intégration de ces derniers;
le Ministère en charge de l’éducation nationale a mis
3. «Retour et projection». A cette phase ont lieu :
l’accent principalement sur les valeurs que l’école béni-
● un retour sur ce qui a été appris et sur les
noise doit cultiver, sur les finalités qu’elle doit pour-
démarches utilisées pour apprendre ;
suivre et aussi sur les éléments du profil à dégager (com-
● un réajustement (consolidation) ou un enrichisse-
pétences recherchées) de l’élève à la fin du cycle
ment des apprentissages réalisés;
primaire.
● un énoncé des idées sur ce qu’on peut faire avec ce
Ces finalités trouvent leur référence dans les
qu’on a appris.
modèles psychocognitif et sociocognitif. Le modèle
psychocognitif valorise le processus d’apprentissage, le La conception de l’apprentissage ainsi caractérisée,
mode inductif, les représentations et les conceptions de davantage respectueuse des façons d’apprendre des
l’élève, les conflits cognitifs. Le modèle sociocognitif élèves, remet fondamentalement en cause le rôle de
met l’accent sur la dimension culturelle, l’environne- l’enseignant et l’ensemble de la vie de l’école. Elle a
ment social, le milieu ambiant, les déterminants sociaux aussi un effet direct sur le type de programmes d’études,
de la connaissance. le choix des contenus de formation et leur prise en
Deux approches ont été privilégiées par les nou- compte dans un guide pédagogique.
veaux programmes d’études. Il s’agit de l’approche
socioconstructiviste et de l’approche cognitiviste. Un Les caractéristiques des nouveaux programmes d’études
certain nombre de formules pédagogiques (stratégies) A la différence des programmes antérieurs qui prennent
s’inspirant de ces approches ont été également retenues. surtout en compte des contenus notionnels à enseigner,
Il s’agit notamment de la résolution de problème et du les nouveaux programmes d’études sont fondés sur des
développement de projets. compétences décomposées en capacités et habiletés que
les élèves ont à construire et à développer.
La conception de l’apprentissage Les orientations qui guident la réforme des pro-
Les mutations du monde actuel imposent à l’école la grammes d’études ont conduit les concepteurs à repen-
vocation de définir les habiletés et les attitudes néces- ser la pertinence de la multitude des programmes qui
saires pour préparer la jeune génération à la vie. Pour existaient auparavant. En 1993 la décision fut prise de
cette préparation à la vie, quelques principes de la psy- regrouper par intégration en six (6) champs de forma-
chologie cognitive, de l’épistémologie et des pédagogies tion les vingt-deux (22) disciplines en application à l’en-
nouvelles ont été identifiés. Ces principes servent à pré- seignement primaire. Les six champs de formation rete-

27
nus sont: le français, la mathématique, l’éducation scien- pect des fondements et orientations qui sous-tendent la
tifique et technologique, l’éducation sociale, l’éducation conception d’apprentissages privilégiée. Une attention
artistique et l’éducation physique et sportive. particulière est consacrée à la congruence entre les ins-
Les nouveaux programmes d’études sont conçus et truments de mesure et la conception d’apprentissage.
élaborés suivant une approche systémique. Ce sont des
programmes par compétences, des programmes à 4. Difficultés rencontrées
matières et à savoirs intégrés. Ce sont des programmes-
guides qui fournissent des informations à l’enseignant Les difficultés rencontrées sont liées notamment :
par rapport à son travail. ● à la lourdeur administrative ;
Trois catégories de compétences sont retenues : ● à la non-disponibilité des fonds au moment opportun;
1. les compétences transversales d’ordres intellectuel, ● à la peur du changement ;
méthodologique et social ; ● au poids du vécu des enseignants ;
2. les compétences transversales liées à l’expérience de ● aux mouvements du personnel enseignant ;
la vie ; ● à l’insuffisance du niveau académique des ensei-
3. les compétences par champ de formation (ou compé- gnants ;
tences disciplinaires). ● à l’insuffisance des effectifs d’enseignants qualifiés ;
Le programme d’études est une composante du curricu- ● aux répétiteurs à domicile non-formés ;
lum. Pour qu’il soit appliqué, un certain nombre de ● aux classes à grands groupes ;
conditions doivent être réunies. Nous retiendrons ici ● au mobilier insuffisant et souvent inadéquat ;
trois de ces conditions. Elles concernent : ● au morcellement du temps scolaire.
1. la formation des enseignants ;
2. le matériel didactique ; V. LES CONSEQUENCES DE LA REFORME
3. l’évaluation des apprentissages des élèves. SUR L’ENCADREMENT SCOLAIRE
Le perfectionnement de l’ensemble des acteurs de
l’école du Bénin a fait l’objet d’un vaste mais réaliste Des changements importants s’opèrent actuellement
programme. Les inspecteurs, les directeurs, les dans la définition du rôle du chef d’établissement. A une
conseillers pédagogiques, les enseignants sont tous des époque à laquelle sont gérés les anciens et les nouveaux
apprenants au regard de la réforme. Ils sont formés, programmes, le problème de mise à niveau des direc-
chacun selon leurs besoins et leurs fonctions en conte- teurs d’écoles se pose. En effet, il importe qu’ils puissent
nus de formation nécessaires (connaissances, habiletés, jouer le rôle de superviseur pédagogique vis-à-vis des
attitudes et stratégies) pour réussir respectivement leur maîtres qui appliquent les nouveaux programmes
mission. d’études et vis-à-vis de ceux qui continuent d’appliquer
Le matériel didactique élaboré est mis à la disposi- les programmes en extinction.
tion des enseignants et des élèves. Aux enseignants, il Les exigences croissantes rattachées au rôle de direc-
propose des situations d’apprentissage à offrir aux teur sont liées à l’introduction d’innovations susceptibles
élèves pour les aider à construire les contenus de for- d’ouvrir l’école sur la vie et de lui imposer la collabora-
mation précisés dans un ou plusieurs programmes don- tion avec les parents et la communauté entière. Les exi-
nés selon les orientations privilégiées et des indications gences relèvent aussi du partage de pouvoir qui doit
d’ordre pédagogique. Aux élèves, il présente des activi- s’opérer entre le directeur et ses collaborateurs, entre
tés d’apprentissage qui respectent l’esprit du ou des l’école et le milieu. Elles découlent enfin des nouvelles
programmes d’études concernés. Depuis la généralisa- attitudes qu’un directeur d’école doit adopter. En effet, il
tion des nouveaux programmes d’études à la rentrée ne se contentera plus de viser les fiches pédagogiques de
scolaire 1999 – 2000, les manuels, cahiers d’activités et ses adjoints, mais devra constamment faire preuve d’ou-
guides de mathématique et de français, les guides des verture d’esprit, se montrer de façon permanente entre-
autres champs de formation du CI et du CP ont été prenant et se révéler comme un homme de dialogue et de
conçus, rédigés, édités et imprimés entièrement au concertation.
Bénin. Le modèle le plus efficace est celui d’un réseau de
Les équipements nécessaires pour que les élèves développement professionnel à long terme. Les direc-
apprennent en agissant sont constamment mis à la dispo- teurs en tant que piliers de la réforme supporteraient les
sition des enseignants, et les pistes leur sont fournies enseignants pour leur permettre de s’approprier les nou-
pour en trouver ou en construire d’autres. Les élèves, les veaux programmes d’études. Ils se donneraient une soli-
parents et la communauté sont mis à contribution à cet de formation didactique et administrative pour agir
effet. Ils ont, de ce fait, l’occasion de se familiariser avec comme personnes- ressources dans l’école et de la cir-
des principes et procédés propres à la technologie en conscription scolaire. On facilitera les rencontres d’en-
donnant un sens à l’école. seignants des écoles et unités pédagogiques pour leur
L’évaluation des apprentissages des élèves est une permettre de partager leurs expériences et pour favoriser
autre composante importante de la réforme. Elle s’in- la réflexion sur leur enseignement, les approches, les
tègre au processus d’apprentissage, se fait dans le res- méthodes et formules pédagogiques.
28
VI. CONCLUSION ET PERSPECTIVES également tout en veillant à l’adéquation entre les prin-
cipes directeurs des programmes d’études et ces maté-
Nous sommes actuellement dans un contexte où l’an- riels didactiques.
cien système n’a pas vraiment disparu du point de vue La réforme des programmes d’études en cours au
de l’organisation pédagogique. Bénin se veut l’occasion de bâtir ensemble une école qui
Quand on s’inscrit dans la problématique de change- regarde l’avenir. Une telle école prête attention à ce que
ment, on comprend aisément la peur de l’inconnu qui sont les jeunes, les respecte et vise le succès de tous.
habite certains enseignants, parents d’élèves et autres Pour se donner du sens, elle sait allier des éléments de
usagers de l’école. théorie à des éléments pratiques, et sollicite la contribu-
A l’enseignement primaire, la généralisation des tion des élèves à leur apprentissage. Il faut être patient,
programmes d’études qui a atteint le cours préparatoire les effets réels ne se feront sentir que plus tard. Il s’agit
(CP) à la rentrée 2000-2001 va se poursuivre progres- aujourd’hui de donner de l’espoir aux jeunes en ce qui
sivement. Au secondaire, elle va se renforcer, et au concerne leur avenir. Cet espoir se concrétisera quand
supérieur, elle pourra démarrer sans délai pour établir l’ensemble du personnel éducatif - administrateurs sco-
l’articulation entre les trois ordres d’enseignement et laires, inspecteurs, conseillers pédagogiques, directeurs
garantir la continuité. Les actions de formation iront en d’écoles, enseignants - , et les parents d’élèves et enfin la
se renforçant pour mieux outiller les enseignants. La communauté toute entière seront déterminés à transfor-
production de matériels didactiques va se poursuivre mer l’école au quotidien.

Liste des sigles utilisés

BEPC Brevet élémentaire du premier cycle


CE1 Cours élémentaire première année (3ème année)
CE2 Cours élémentaire deuxième année (4ème année)
CI Cours d’initiation (1ère année)
CEP Certificat d’études primaires
CM1 Cours moyen première année (5ème année)
CM2 Cours moyen deuxième année (6ème année)
CP Conseiller pédagogique
CP Cours préparatoire (2ème année)
C/SEP Chef service enseignement primaire
D/ école Directeur école
DDE Directeur départemental de l’éducation
DEP Directeur de l’enseignement primaire
D/INFRE Directeur de l’Institut National pour la Formation et la Recherche en Education
DPP Directeur de la programmation et de la prospective
IEP Inspecteur de l’enseignement primaire
RUP Responsable d’unité pédagogique
UP Unité pédagogique

29
Burkina Faso

B. Didier Kam et Ouri Sanou

I. INTRODUCTION
2. Tentatives de réformes pendant la décennie 1960-
Le Burkina Faso, à l’instar de nombreux autres pays afri- 1970
cains, possède une certaine expérience en matière de
La grande préoccupation des pays africains au lende-
réforme du système éducatif, notamment des pro-
main des indépendances était d’ouvrir l’accès à l’éduca-
grammes d’enseignement.
tion à un nombre croissant d’enfants. La démocratisation
En effet, dès le lendemain des indépendances, une
de l’éducation étant perçue comme la condition principa-
réflexion fut amorcée quant au rôle de l’école dans le
le du développement d’une vraie démocratie, la confé-
processus d’émancipation et de développement de la
rence d’Addis-Abeba (1961) fixa à l’horizon de 1980 la
société voltaïque d’alors. Depuis, pas moins de cinq ten-
réalisation de la scolarisation universelle dans tous les
tatives de réformes ont touché soit la structuration de
pays participants.
l’école, soit les contenus d’enseignement ou les deux à la
Aussi en Haute-Volta de l’époque, comme partout
fois, certaines modérées, d’autres plus radicales.
ailleurs, la décennie des années 60 fut marquée par des
Si cette situation traduit le souci permanent des res-
efforts pour l’expansion de l’éducation de base et pour
ponsables du système quant au devenir de l’école, elle
l’accroissement de la rentabilité interne de cette éduca-
affecte aussi le système éducatif dans son ensemble, et
tion.
les politiques curriculaires en particulier.
3. La réforme de 1979 à 1984
II. HISTORIQUE DES REFORMES
AU BURKINA FASO En 1972, la question d’une possible réforme de l’ensei-
gnement basée sur les résultats d’une enquête auprès des
1. La situation de l’éducation au moment de l’indé-
populations fut abordée. En 1974, suite à la déclaration
pendance
présidentielle en faveur du développement communau-
Le Burkina Faso, anciennement dénommé Haute-Volta a taire comme projet de société, le projet de réforme appe-
accédé à l’indépendance le 5 août 1960, héritant, tout lé «Education pour le développement communautaire
comme d’autres pays d’Afrique francophone sub- rural» fut proposé.
sahérienne, d’un système éducatif peu développé. Au travers de nombreux séminaires et conférences,
Sur un plan structurel, il peut être globalement dit d’importantes données obtenues par consensus furent
que l’organisation du système éducatif de l’époque ne dégagées. Ces données furent ensuite utilisées par la
différait pas fondamentalement de celle que le pays Direction de la planification pour élaborer en 1975-1976
connaît aujourd’hui. En effet, le système éducatif était le Dossier initial de la réforme du système éducatif.
caractérisé par un enseignement préscolaire rudimentai- Le nouveau système proposé tranchait avec le systè-
re, un enseignement du premier degré comportant trois me existant tant dans ses objectifs que dans sa structure.
cours de divisions chacun (six années scolaires), un Les trois objectifs principaux suivants avaient été
enseignement secondaire général à deux cycles (celui du identifiés:
BEPC et celui correspondant au Baccalauréat), un ensei- 1. la démocratisation du savoir pour une éducation de
gnement secondaire technique préparant aux CAP, un masse;
enseignement normal pour la formation des enseignants 2. la liaison entre l’éducation et la production, c’est-à-
du 1er degré (cours normaux). L’enseignement supérieur dire entre l’acte d’apprendre et celui de produire;
ne pouvait être acquis qu’à l’étranger. 3. la revalorisation du patrimoine culturel avec l’intro-
Les programmes, tout en se voulant complets, duction des langues nationales à l’école, le dévelop-
n’étaient pas adaptés aux réalités économique, sociale et pement d’une culture nationale authentique, et la
culturelle du pays. Il y avait donc une nécessité urgente création de groupes artistiques.
de refondre le système en fonction des objectifs de déve- La mise en place de la réforme appela la création de
loppement du pays. cadres institutionnels. L’Institut national d’éducation
30
(INE) devint donc l’Institut pour la réforme et l’action révolutionnaire en 1986 nécessitait plus de 78 milliards
pédagogique (IRAP), chargé de la mise en œuvre de la de Francs CFA, ce qui représentait un coût dispropor-
réforme. tionné par rapport aux moyens du pays.
Un cadre financier fut instauré, alimenté par un Contrairement à la réforme de 1979 à 1984, cette
apport du Gouvernement de 746 millions de francs CFA réforme ne prévoyait pas de phase d’expérimentation. La
de 1976 à 1983. Le PNUD et l’UNESCO apportèrent réforme devait débuter en octobre 1986 au cycle fonda-
également leur contribution pour sept ans (1976 – 1983) mental. Toutefois, après avoir fait l’objet de larges dis-
arrêté à 2.530.000 dollars US, puis prolongé jusqu’en cussions au niveau de toutes les instances et structures, le
1986 pour un montant total de 3 millions dollars US. document du projet de réforme fut finalement rejeté.
En mai 1979, le Premier Ministre annonça le démar-
rage de l’expérimentation pour la rentrée d’octobre. Au III. LE SYSTEME EDUCATIF EN VIGUEUR
total, soixante et une écoles expérimentèrent la réforme AU BURKINA FASO
dans son volet consacré au cycle d’enseignement de
1. Les grands axes de la réforme actuelle
base ; et trois villages dans la zone moréphone l’appli-
quèrent pour le volet de la réforme consacré aux centres Pour la première fois dans l’histoire du pays, des Etats
d’éducation pré-scolaire. En 1983-84, une semi-généra- généraux de l’éducation et de la formation se tinrent du
lisation de la réforme fut décidée. 5 au 10 septembre 1994 à Ouagadougou. Leurs travaux
Alors que les premières classes expérimentales en étaient à inspirèrent l’Assemblée Nationale dans l’adoption de la
leur cinquième année, le Conseil national de la révolution Loi d’orientation de l’éducation, le 9 mai 1996. De cette
mit fin à cette réforme le 14 septembre 1984. En raison de loi se dégagent les grandes orientations qui constituent
cet arrêt, il ne fut pas possible d’évaluer la réforme de les grands axes de la réforme actuelle du système éduca-
l’éducation de 1979-84 dans son ensemble, étant donné tif burkinabé.
que son cycle ne fut jamais achevé. Mais un système Sommairement, les grands axes rejoignent les points
d’évaluation interne permit néanmoins de dégager cer- suivants. Premièrement, l’enseignement est envisagé de
taines conclusions. Il en ressorti que la réforme telle qu’el- telle sorte que chaque niveau d’enseignement est termi-
le avait été expérimentée, n’avait pas donné satisfaction. nal et se suffit à lui-même. En ce qui concerne plus spé-
Plus fondamentalement, le suivi de cette expérimen- cifiquement les différents niveaux d’enseignement, la
tation dégagea deux principes majeurs: priorité en matière d’éducation sera accordée à l’ensei-
1. le maître est un pilier dans la réussite de toute inno- gnement primaire. L’enseignement primaire, qui se
vation dans l’éducation et doit par conséquent être développera tout en sauvegardant sa qualité, poursuivra
impliqué dès le départ ; le but de la scolarisation universelle, avec pour objectifs
2. la sensibilisation des parents est primordiale afin numériques un taux de scolarisation de 60% en l’an
d’influer sur le changement de mentalité. Il s’agit de 2000 et 100% en l’an 2010.
faire d’eux les collaborateurs des enseignants. Pour ce qui est de l’enseignement secondaire, l’accent
sera mis sur l’expansion de l’enseignement technique, le
4. La réforme de 1986: l’«Ecole révolutionnaire bur- contrôle des effectifs, la formation et l’encadrement péda-
kinabé» gogique des enseignants, l’équipement et l’entretien des
Le 4 août 1983 un régime révolutionnaire s’instaura en établissements. Au niveau supérieur une ré-allocation des
Haute-Volta avec pour ambition d’édifier une société nou- ressources financières aura pour but de permettre une
velle. Selon son texte fondamental, le Discours d’orienta- amélioration de la qualité des enseignements et l’éléva-
tion politique (DOP), la société nouvelle exigeait une tion du niveau de la recherche scientifique. Les capacités
école nouvelle pour former le type d’hommes exigé par la d’accueil des établissements devront être respectées. Et,
révolution. Cette nouvelle école se devait nationale, réalis- la décentralisation sera mise en œuvre.
te, populaire, démocratique, ouverte, productive et révolu- La promotion des langues nationales dans l’enseigne-
tionnaire, en un mot au service du peuple. ment se poursuivra. La recherche scientifique appuiera
Sur le plan structurel, l’école révolutionnaire burki- cette politique. L’école s’ouvrira davantage sur son envi-
nabé était conçu à trois cycles principaux: le cycle pré- ronnement et les partenaires d’éducation seront associés
scolaire, le cycle des métiers et le cycle de la recherche à sa gestion. L’Etat encouragera et appuiera ses parte-
et de l’invention. Sur le plan financier, on tint compte naires dans le développement de l’éducation préscolaire.
pour la réalisation de l’école nouvelle des coûts liés à la Finalement, en lieu et place d’une réforme du systè-
construction et à l’équipement des classes, des coûts de me éducatif qui s’avérerait très onéreuse, l’introduction
production, et des coûts de recyclage et de formation du graduelle d’innovations et de rénovations dans le systè-
personnel enseignant. Le coût pour l’application de la me éducatif est préconisée.
réforme fut évalué à 32.067.901.000 Francs CFA au Ainsi, la réforme de l’éducation n’est plus synonyme
niveau fondamental, à 18.996.719.136 Francs CFA au de bouleversement immédiat des structures et des conte-
niveau polytechnique. Ainsi, sans tenir compte des coûts nus, mais le résultat d’un ensemble de mesures pour
du préscolaire et du cycle de la recherche et de l’inven- répondre aux insuffisances constatées au niveau du sys-
tion qui ne purent être évalués, le démarrage de l’école tème éducatif.

31
2. La réforme au niveau de l’enseignement primaire tion de l’éducation fait de l’éducation de base une priori-
té, introduit les langues nationales et de nouvelles disci-
La situation de l’éducation de base au Burkina Faso est
plines d’enseignement, et s’inscrit ainsi dans la mouvan-
préoccupante. En effet, le taux de scolarisation est bas
ce actuelle du changement mondial, donnant ainsi suite à
(environ 41 % en 1999), la qualité laisse à désirer (taux de
la conférence de Jomtien.
redoublement et d’abandon élevés, de succès au CEP
faible), et le sous-système manque d’équité (taux de scola-
3. La réforme de l’enseignement au niveau secondaire
risation des filles plus bas que celui des garçons et mau-
vaise fréquentation au niveau des filles scolarisées ; fortes Les innovations à ce niveau d’enseignement s’appuient
disparités géographiques). Le taux national d’alphabétisa- sur les grandes orientations énoncées plus haut, notam-
tion n’était que de 26% en 1997 ; et les problèmes de ges- ment le caractère terminal de chaque niveau, l’améliora-
tion du système se posent, notamment aux plans financier tion de la qualité de l’enseignement et le caractère gra-
et humain. Par ailleurs, on constate une perte de confiance duel de l’introduction des innovations.
des populations en l’école. Ce sont là autant de défis à Les innovations revêtent plusieurs aspects :
relever pour améliorer la situation de l’éducation de base. ● l’introduction de nouvelles disciplines dans l’ensei-
Par le passé, conformément aux grandes orientations gnement (éducation en matière de population, éduca-
qui préconisaient les innovations et les rénovations tion civique, éducation technologique) ;
comme moyens de réformer le système, le ministère ● la réforme ou la rénovation des curricula pour les
avait introduit un certain nombre d’innovations pédago- rendre conformes aux grandes orientations ;
giques. Pour relever les défis actuels, le Gouvernement a ● la mise au point de nouveaux outils d’évaluation et
adopté en juillet 1999 un Plan décennal de développe- de nouvelles approches pédagogiques (approche
ment de l’éducation de base (PDDEB) pour la période modulaire dans l’enseignements technique, pédago-
2000 – 2009. Ce plan est une des recommandations des gie des grands groupes).
Etats généraux de l’éducation et s’inspire du plan straté- Finalement, des études s’attacheront à enrichir les pro-
gique de développement de l’éducation. grammes de l’enseignement technique et à les ouvrir au
Véritable instrument de réforme et de développement monde du travail.
du sous-système, ce plan s’articule autour de quatre pro-
grammes : IV. ARTICULATION ENTRE
1. expansion, amélioration de la qualité et de la perti- LA REFORME DES CURRICULA ET
nence ; LE DEVELOPPEMENT CURRICULAIRE
2. intensification et amélioration de la qualité des
1. Situation au niveau de l’enseignement primaire
actions d’alphabétisation ;
3. amélioration des capacités de planification ; Les objectifs assignés au système éducatif burkinabé par
4. amélioration des capacités de gestion du système. les textes officiels figurent dans la Loi d’orientation de
l’éducation en ses articles 6, 7 et 8 et dans ses décrets de
Les objectifs généraux englobent l’accroissement de
mise en œuvre, dont le PDDEB.
l’offre d’éducation de base et la réduction des disparités
Les programmes actuellement en usage ont été éla-
de genre entre régions et entre situations socio-écono-
borés selon une démanche déductive des finalités, buts et
mique des élèves ; ainsi que l’amélioration de la qualité,
objectifs du système éducatif tels qu’édictés par la Loi
de la pertinence et de l’efficacité de l’éducation de base,
d’orientation constituent le point de départ. Cela a per-
parmi d’autres. Le plan décennal s’exécutera en trois
mis de retenir huit domaines d’apprentissage. Pour cha-
phases dont la première durera quatre ans et les deux
cun de ces domaines, un but a été défini. Et des objectifs
autres trois années chacune. Il s’inscrit dans l’objectif
généraux traduisant chaque but ont été élaborés. A partir
global de développement du pays qui est la lutte contre
de chaque objectif général, les objectifs spécifiques per-
la pauvreté, objectif auquel il veut contribuer par la for-
mettant de l’atteindre ont été conçus, ainsi que les dispo-
mation de ressources humaines adéquates.
sitions pédagogiques et les procédures d’évaluation.
Il ressort de l’analyse du texte de la réforme que la
Ces programmes ont été élaborés par une commis-
nécessité de réforme de l’éducation de base découle
sion nommée par arrêté ministériel et appuyée par deux
donc à la fois de la situation dans laquelle se trouve le
experts nationaux.
système éducatif et des tendances du changement mon-
dial en cours. Ceci se traduit par l’introduction de disci-
2. Situation au niveau de l’enseignement secondaire
plines d’enseignement, telles que l’éducation pour la
paix, l’éducation relative aux problématiques de l’envi- Introduction de nouvelles disciplines d’enseignement
ronnement, de la démocratie et du SIDA. En résumé, En guise d’illustration, trois disciplines parmi celles
cette tendance démontre la nécessité d’une éducation en récemment introduites, seront passées en revue. Il s’agit
matière de population. de l’Education en matière de population (Emp), de
La réforme est née d’une volonté politique du gou- l’éducation civique et de l’initiation technologique.
vernement traduisant une préoccupation majeure des Depuis 1976, date à laquelle se tint un séminaire de
populations pour le système éducatif. La Loi d’orienta- sensibilisation des cadres de l’Etat à Bobo-Dioulasso, le
32
Burkina Faso s’est engagé, avec l’aide du FNUAP et de réintroduction dans l’enseignement secondaire s’est
l’UNESCO, dans le processus d’introduction de l’Emp posée en 1984, peu de temps après l’avènement de la
dans son système d’éducation. révolution. Cependant, au vu de la délicatesse de la
La stratégie adoptée a été de sensibiliser le public- question sur le plan politique, elle ne fut suivie d’aucun
cible (enseignants, élèves, parents), de former des for- effet. Cela est d’autant plus compréhensible que la for-
mateurs et des enseignants, d’élaborer des curricula et mation à l’idéologie révolutionnaire était à l’ordre du
du matériel didactique, de lancer une phase d’expéri- jour! Suite au drame de Sapouy le 13 décembre 1998
mentation, d’en assurer le suivi et l’évaluation, et finale- qui entraîna le décès du journaliste Norbert Zongo et de
ment de généraliser la démarche. ses trois compagnons, la rue s’enflamma. Les jeunes
Les objectifs visés par l’introduction de l’Emp au scolaires, inspirés par des organisations de la société
Burkina sont de responsabiliser les individus et les col- civile posèrent des actes mettant à nu l’insuffisance de
lectivités en développant le sens de la responsabilité vis- formation civique de la jeunesse burkinabé. Un Conseil
à-vis des phénomènes de population, et en changeant les de cabinet réuni le 2 mars 1999 créa une commission
attitudes et les comportements. Plus spécifiquement, il interministérielle comprenant les ministères chargés des
s’agit d’améliorer la qualité de la vie dans les domaines secteurs sociaux pour se pencher sur la question de l’in-
de la santé, de l’habitat et de l’environnement ; de pro- troduction de l’éducation civique.
mouvoir la vie familiale et la condition de la femme. Les finalités assignées à l’éducation civique sont les
La Direction de l’éducation en matière de population suivantes :
(Demp) a été chargée de la mise en oeuvre de cette inno- ● développer chez les jeunes le sens de l’intérêt géné-
vation. Elle est financièrement appuyée par les parte- ral, le respect de la loi et des valeurs et l’amour de la
naires au développement (FNUAP), en plus de l’effort patrie ;
consenti par le Burkina. ● faire des jeunes des citoyens éclairés sur les droits et
Les acteurs de l’introduction de l’Emp au secondaire devoirs fondamentaux garantis par la Constitution ;
sont les formateurs de formateurs de l’Emp (principale- ● faire comprendre aux jeunes les règles de la vie
ment des inspecteurs de l’enseignement secondaire); les démocratique et de leurs fondements, la connaissan-
professeurs du secondaire formés en Emp; et la commis- ce des institutions et de leurs racines historiques, le
sion nationale des programmes de l’enseignement respect des droits de l’homme et des libertés fonda-
secondaire. mentales, le refus de toute forme d’exclusion, la
Les programmes et contenus de l’Emp ont été élabo- volonté de vivre ensemble, la culture de la paix, de la
rés par les sous-commissions des programmes. L’Emp tolérance, de la solidarité et de la justice ;
n’est pas enseignée comme discipline, mais ses contenus ● promouvoir les valeurs traditionnelles positives et la
et méthodes sont intégrés dans d’autres disciplines d’ac- protection de l’environnement ;
cueil telles que le français, les langues vivantes, les ● permettre aux jeunes de répondre à leur propre exi-
sciences naturelles, les mathématiques. L’introduction de gence de liberté et de justice, de respect de soi et des
l’Emp concerne toutes les classes du secondaire. Les autres et de faire face de manière responsable aux
ouvrages du maître ont été écrits par des nationaux et édi- problèmes et aux défis de notre temps.
tés notamment avec l’appui de l’UNESCO et du FUNAP. Conformément à ces finalités, des programmes d’éduca-
Ils sont disponibles à un prix modique. Il convient cepen- tion civique ont été élaborés. Outre les programmes, des
dant de relever la difficulté de reproduction en nombre et stratégies de mise en œuvre et de mobilisation des res-
en quantité suffisante du matériel didactique qui résulte sources ont été élaborées.
de la modicité des moyens matériels et financiers. Au niveau du Ministère en charge de l’enseignement
La phase de généralisation toujours en cours, inter- secondaire, la Direction des inspections et de la formation
venue après une expérimentation réussie, a pu avoir lieu des personnels de l’éducation (DIFPE) est chargée de la
grâce à la formation de la quasi totalité des professeurs mise en œuvre de l’introduction de l’éducation civique.
en exercice et à l’introduction de l’Emp dans les pro- La démarche retenue recouvre plusieurs étapes: de
grammes de formation initiale des professeurs à l’Ecole l’organisation de séminaires nationaux regroupant des
normale supérieure de Koudougou. Elle s’appuie sur des membres des sous-commissions de programmes, à l’or-
textes (arrêtés) pris par le Ministère en charge de l’en- ganisation de la formation des enseignants sur des
seignement secondaire. contenus spécifiques, des professeurs du secondaire
Les méthodes actives (centrées sur l’élève) qui favo- (professeurs d’histoire et de géographie notamment) et à
risent l’activité et la recherche collective, la résolution la formation initiale des professeurs à l’Ecole normale
des problèmes, sont préconisées et ce, au vu des objec- supérieure de Koudougou, à la sensibilisation du per-
tifs visés par l’Emp. L’évaluation doit porter sur les sonnel administratif des établissements secondaires, en
connaissances, certes, mais davantage sur les aptitudes passant par l’organisation de voyages et de formations à
et les attitudes et comportements traduisant un engage- l’étranger. D’un point de vue matériel, une documenta-
ment en rapport avec le thème traité. tion en quantité et en qualité est mise à la disposition des
La deuxième parmi ces nouvelles disciplines d’en- enseignants. L’étape consacrée au suivi et à l’évaluation
seignement est l’éducation civique. La question de sa constitue la dernière étape de la démarche.

33
L’éducation civique sera enseignée en tant que disci- matiques» du PFM était chargée de la réforme. Elle était
pline distincte et évaluée comme telle. Les méthodes dirigée par un inspecteur de mathématiques burkinabé et
préconisées pour l’enseignement de l’éducation civique comprenait cinq conseillers pédagogiques, professeurs
sont essentiellement les méthodes actives, telles que les coopérants français et quatre professeurs burkinabé.
études de cas, la simulation, l’appel à un invité, la dis- La démarche utilisée fut d’actualiser les contenus à
cussion ou le jeu de rôles. L’évaluation utilise des QCM, partir des travaux de réflexion menés par les professeurs
des tests d’attitude, des échelles numériques. de mathématiques en 1989, en prenant en compte les
Pour ce qui est de sa mise en œuvre, l’enseignement acquis du primaire (cas du calcul, de la géométrie, etc),
des nouveaux programmes d’éducation civique est effec- les actes des séminaires sous-régionaux. Ensuite, les pro-
tif à la rentrée scolaire 2000-2001, au premier cycle du jets de programmes par classe furent rédigés, contenant
secondaire. Les difficultés récemment vécues sont liées à les objectifs, la méthodologie, et l’évaluation. Enfin, des
la perturbation du calendrier scolaire 1999-2000. Le volet documents destinés aux professeurs (guides méthodolo-
financier quant à lui est pris en charge par le Project giques) et aux élèves (exercices) furent produits. La for-
Enseignement Post-Primaire (PEPP) dont la réforme des mation des professeurs expérimentateurs serait assurée
curricula est l’un des domaines d’intervention. par le biais de séminaires-ateliers. On expérimenterait
La troisième discipline d’enseignement nouvellement ensuite le nouveau programme et les documents produits
introduite constitue une vraie innovation. Il s’agit de par les professeurs expérimentateurs formés, pour ensuite
l’initiation technologique. Cet enseignement sera expéri- en faire un suivi et une évaluation, avant de passer à la
menté dans trois collèges d’enseignement général avant formation de tous les enseignants aux nouveaux pro-
d’être généralisé, et vise à faciliter le passage des élèves grammes et de généraliser la réforme. Un suivi-évalua-
de l’enseignement général à l’enseignement technique. tion des nouveaux programmes était prévu afin d’assurer
En plus, il aidera à réduire le déséquilibre entre enseigne- l’amélioration des matériels didactiques.
ment général et enseignement technique et professionnel Les difficultés rencontrées au moment de la mise en
au profit de ce dernier. La nouvelle discipline sera finan- œuvre se situent au niveau du manque de formation
cée par le projet pour l’enseignement post-primaire. pédagogique initiale des enseignants. Par ailleurs, les
libraires de la place sont dans l’incapacité de répondre à
Réforme des curricula des disciplines existantes la demande des nouveaux manuels écrits et édités par la
Etant donnée la décision prise par l’Assemblée Direction des inspections et de la formation des person-
Nationale à travers la Loi d’orientation de l’éducation, nels de l’éducation.
selon laquelle chaque niveau d’éducation doit constituer La question de la disponibilité des manuels a été
un tout (c’est-à-dire être conçu pour répondre aux résolue aujourd’hui grâce au projet pour l’enseignement
besoins aussi bien des élèves qui mettent fin à leurs post-primaire. Quant à la question de la formation des
études à la fin d’un cycle donné que de ceux qui conti- enseignants, leurs formations initiale et continue sont
nuent dans le cycle suivant), tous les programmes supposées soulever les difficultés subsistantes.
d’études secondaires doivent être réformés dans leurs En conclusion, des évaluations ont été conduites sur
structures et dans leurs contenus. Le processus de réfor- l’atteinte des objectifs et sur les perceptions des ensei-
me des programmes des disciplines suivant à peu près le gnants du secondaire en mathématiques sur les nouveaux
même schéma, nous décrivons celui des mathématiques. programmes. Outre la satisfaction de leur ouverture et de
Depuis l’indépendance du pays en 1960 et jusqu’en leur modernité, elles révèlent les difficultés liées aux
1990, les programmes de mathématiques en vigueur grands effectifs des classes qui rendent difficile l’applica-
étaient quasiment identiques aux programmes français tion des méthodes préconisées centrées sur l’apprenant.
des années 1960. Les mathématiques apparaissent
comme la discipline modulant la réussite ou l’échec des V. CONCLUSION
élèves et posent la question de leur utilité. Il s’en suit une Le Burkina Faso a expérimenté plusieurs types de
rupture entre l’attente de la société et la nature des réformes de son système éducatif, sans pour autant avoir
connaissances mathématiques dispensées. atteint tous ses objectifs. La plupart d’entre elles n’ont à
La réforme des programmes de mathématiques appe- vrai dire pas été évaluées ou ne sont pas allées à leur
lée de tous les vœux par les enseignants, encadreurs terme pour diverses raisons.
pédagogiques et parents d’élèves devait donc améliorer Le choix des innovations et des rénovations est le
la qualité de l’enseignement et des apprentissages en fruit d’un consensus national sanctionné par une loi. Les
mathématiques, à l’aide de la définition de nouveaux réformes actuelles s’effectuent donc dans un cadre poli-
contenus et de la mise à disposition de nouveaux docu- tique accepté par tous et mettent en exergue le partena-
ments didactiques. riat.
En 1989, un projet dénommé «Projet français-mathé- Certes, des risques existent quant à la capacité des
matiques» (PFM) fut mis en place reprenant pour objec- innovations à changer fondamentalement la nature du
tifs ceux énoncés ci-dessus, en plus d’autres ayant trait à système éducatif, si la volonté politique qui a prévalu à
l’enseignement du français dont la maîtrise conditionne leur adoption venait à s’émousser. Néanmoins la voie
les apprentissages en mathématiques. La cellule «mathé- choisie semble la plus sûre aux yeux des burkinabé.
34
Congo
Joachim Mandavo et Marie Joseph Mallali-Youga

I. INTRODUCTION éducative doit être dégagée, en vue d’améliorer la quali-


té de l’éducation par la pertinence des apprentissages. Il
Depuis plusieurs années, les perspectives de développe- s’agit de garantir à la population congolaise un environ-
ment socio-économique sont au centre de multiples nement indispensable au développement socio-écono-
débats tant au niveau national qu’international. Il serait mique dont la science et la technologie sont des outils
aujourd’hui irresponsable de fermer les yeux sur les indispensables.
défis que pose le processus de développement du monde
contemporain. Ce dernier n’a pas d’égal dans le passé, II. EVOLUTION DE LA POLITIQUE GLOBALE
car il s’articule en fonction des conditions spécifiques DE L’EDUCATION
caractérisées par des contradictions déchirantes sur les
1. Orientation et objectifs
plans à la fois socio-politique, économique et culturel.
Les interrogations sur le futur du monde, portant dans La décennies des années 60 fut marquées au Congo par
un premier temps essentiellement sur les limites de l’en- la nationalisation de l’enseignement (en 1965). Les
vironnement physique, ont rapidement dû aller au-delà conséquences de cet événement furent le départ massif
de cette première problématique pour embrasser des enseignants missionnaires, l’appel à l’assistance
d’autres facteurs importants du développement, en parti- technique étrangère, le recrutement des enseignants non
culier ceux liés à l’éducation. qualifiés ; entraînant une crise au sein du système édu-
Les facteurs qui stimulent les débats sur l’éducation catif congolais.
proviennent d’une part de la nature même de l’éducation A partir de 1970, et jusqu’en 1988, le gouvernement,
qui vise l’avenir et le prépare. L’éducation est appelée à fort de la prise de conscience de l’importance de l’édu-
contribuer aux efforts de l’homme et de la société dans cation, tenta de remédier à cette crise. C’est ainsi que
leur marche vers cet avenir. Quelle société l’homme durant cette période, un colloque de l’enseignement fut
aspire-t-il créer ? Et quel homme pour cette société ? organisé qui conduit à la reforme de l’école du peuple.
D’autre part, il est généralement admis que l’éducation Les principes de cette réforme étaient la démocratisa-
est d’un intérêt universel. Elle concerne tous : l’indivi- tion, la gratuité, la laïcité et la professionnalisation de
du, la collectivité, l’humanité tout entière et elle est pour l’école. Le système fut stratifié en niveaux préscolaire,
tous les âges et sexes, pour tout l’homme et tout homme. fondamental I, fondamental II, cycle secondaire (avec
L’éducation est universelle aussi de par le fait qu’elle les écoles secondaires d’enseignement et les centres
concerne à la fois les activités professionnelles et secondaires de formation professionnelle), et cycle
sociales, le temps libre, la vie dans toute son ampleur et supérieur (avec les instituts et les facultés).
ce, tout au long de la vie. Personne ne peut être neutre à L’absence d’un cadre juridique de base organisant
l’égard de l’éducation, ni la société, ni les classes L’Ecole du peuple occasionna par voie de conséquence
sociales qui la composent. un ensemble de correctifs successifs qui, en dépit de
Enfin, l’éducation est non seulement un objectif fon- tout, n’ont pas permis la maîtrise du projet. Les consé-
damental, mais aussi un moyen de favoriser l’établisse- quences de cette politique éducative mal conçue furent
ment des relations d’un type nouveau dans la commu- le taux de redoublement le plus élevé d’Afrique, la
nauté internationale. Il n’est donc pas surprenant que dégradation de la qualité de l’enseignement, une inadé-
tous les pays attachent une grande importance à la poli- quation entre la formation et l’emploi, le chômage, et la
tique éducative et à l’amélioration des contenus d’ap- rétention dans le système.
prentissages lorsqu’ils établissent des plans pour accélé- Suite à la tenue du colloque bilan sur l’enseigne-
rer leur développement. ment, différentes mesures virent le jour de 1988 à 1990.
Après 40 ans d’indépendance, le bilan du système Celles-ci consacrèrent l’abandon officiel du projet
éducatif congolais montre que l’action politique menée L’Ecole du peuple, la réduction du taux de redoublement
n’a pas donné entière satisfaction aux besoins de la par classe, la rationalisation de la gestion du système
nation. Au regard de ce bilan, une nouvelle politique éducatif. Par ailleurs, la loi de 1990 rendit obligatoire

35
la cotisation des parents d’élèves. Ceci impliqua la fin offerts. En effet, le nombre de salles de classes est insuf-
de la gratuité et la restauration de l’exercice privé de fisant; les classes sont pléthoriques; il existe des classes
l’éducation. multigrades; on note une insuffisance de tables-bancs et
Pour la période depuis 1990 et jusqu’à ce jour, il une absence de matériels didactiques. De plus, il faut
importe de retenir que la loi de 1995 ne contient pas de souligner la baisse de la qualité de l’enseignement, due à
textes d’application. En l’absence de ces derniers, le de mauvaises pratiques pédagogiques, à un taux d’échec
gouvernement adopta le 4 octobre 1996 des termes de de 30 à 40 % et à un taux d’abandon de 10%, ainsi qu’à
référence pour la réforme du système éducatif congolais. l’absence d’expérimentation et d’évaluation des
méthodes.
2. Politique de formation des formateurs Le secteur du secondaire compte environ 170.000
élèves, dont 90% suivent l’enseignement général et 10%
Un constat sur la formation des formateurs fait appa- l’enseignement technique. Ce secteur de l’éducation se
raître les points de faiblesse suivants : une absence d’ex- caractérise regrettablement par la caducité des pro-
pression véritable des besoins en matière de formateurs grammes, l’absence de professeurs des sciences, l’absen-
s’appuyant sur une planification rigoureuse et un ce de laboratoires et de matériels didactiques.
manque de maîtrise du système de formation.
Les conséquences de cet état des faits entraînent en 6. Secteur de l’éducation spécialisée
premier lieu un recrutement abusif des vacataires. On
L’éducation spécialisée a pour objectif d’assurer l’inser-
relève en outre un sous-emploi de certains professeurs
tion et la réinsertion socio-professionnelle des enfants en
(histoire–géographie), l’inexistence de certaines filières
danger, afin qu’ils puissent pleinement participer au pro-
dans les centres de formation de formateurs, l’absence
cessus de développement national. On déplore dans le
de formation des enseignements spécialisés dans l’ensei-
secteur de l’éducation spécialisée l’insuffisance de struc-
gnement des enfants handicapés, l’inadéquation entre la
tures, de moyens pédagogiques et financiers, et de for-
formation acquise et les programmes en application dans
mateurs ; ainsi que des difficultés pour des élèves titu-
les établissements scolaires, la fermeture des Ecoles
laires du BEPC ou du BEMT de poursuivre leurs études
nationales d’instituteurs.
au lycée ; et l’absence de filières de formation de forma-
teurs dans les instituts ou écoles de formation.
3. Financement du système éducatif
Sur le plan international, le système éducatif congolais III. RENOVATION DES CURRICULA
bénéficie de l’octroi de prêts de la Banque mondiale, de
En l’absence d’une politique de réforme globale tous les
dons et d’aides de la part de l’UNICEF, du FNUAP, du
programmes ont été rénovés. Deux principes directeurs
PRIMTAF et de l’UNESCO. De plus, la Coopération
ont guidé notre démarche : le principe du bien fondé et le
française met à la disposition du système éducatif des
principe d’équilibre.
personnes ressources.
Sur le plan national, une grande partie du finance-
1. Le principe du bien fondé
ment de l’Etat est consacré au payement des salaires des
enseignants ; très peu de dépenses bénéficient au volet L’idée première est que l’éducation ne se développe pas
pédagogique. dans l’absolu et qu’elle ne peut pas être isolée de son
environnement socio-économique, politique et culturel.
4. Politique de recherche en éducation Elle est donc influencée par le contexte national et inter-
national.
En termes de politique de recherche en éducation, il faut
Pour l’étude du contexte national, il convient de
malheureusement déplorer une insuffisance quantitative
prendre en compte trois aspects de la problématique: le
et qualitative de chercheurs, l’absence de prise en comp-
choix de société, les rapports qu’entretient la société
te des résultats de recherche effectuée par les étudiants
congolaise avec l’éducation, et enfin, le type de l’éduca-
de l’Ecole nationale supérieure, une trop grande confian-
tion pour la société congolaise de demain.
ce accordée aux experts étrangers, et l’insuffisance des
En ce qui concerne le choix de société, les objectif
moyens alloués.
majeurs sont d’une part la réduction des inégalités dans
la société congolaise, et, d’autre part, la possibilité d’as-
5. Politiques sectorielles de l’éducation
surer les besoins essentiels de la grande majorité de la
Le secteur du préscolaire compte cinquante-trois centres population, de préserver la diversité, entre autres, cultu-
de l’Etat, dits préscolaires. Ce secteur se développe relle. En résumé, tout enfant vivant sur le territoire de la
davantage dans les centres urbains. République du Congo a droit, sans distinction d’origine,
En ce qui concerne le secteur du primaire, il est de nationalité, de sexe, de croyance, d’opinion ou de for-
encourageant de noter que presque tous les enfants d’âge tune à une éducation qui lui assure le plein développe-
scolaire vont à l’école et que le taux de scolarisation est ment de ses aptitudes intellectuelles, artistiques, morales
supérieur à 100%. Néanmoins, il existe une dispropor- et physiques ainsi que sa formation civique et profes-
tionnalité entre les besoins en éducation et les services sionnelle.
36
Pour ce qui relève des rapports entre société et édu- ● connaître les principaux évènements des peuples du
cation, il paraît évident que l’éducation est extrêmement monde et leurs conséquences sur les plans politique,
influencée par les pratiques sociales, économiques et économique, et social, ainsi que les grands progrès
politiques. C’est la société qui détermine le système de l’humanité et leur impact dans les sociétés
éducatif, l’école devant contribuer à résoudre les pro- humaines ;
blèmes de la société. L’éducation étant adaptée à la ● maîtriser les éléments de base de l’activité mathéma-
société qui la détermine, elle peut contribuer aux grands tique à un niveau élémentaire, ce qui implique
changements. C’est elle qui prépare le terrain pour l’in- notamment la réalisation des mesures, des tracés et
troduction de ces changements et qui est à la fois une tous les calculs courants liés aux besoins de la vie
force d’équilibre et de déséquilibre de la société. sociale ;
Pour ce qui a trait au type d’éducation, il peut être ● procéder aux expériences scientifiques simples sus-
dit, dans la plupart des cas, que l’éducation est le reflet ceptibles de mettre en évidence certains faits impor-
économique ou politique d’un pays. Cependant, l’école tants et de déceler leurs causes ;
est une institution assez particulière. En effet, ses objec- ● reproduire un objet, une situation sous forme de des-
tifs sont définis en fonction des besoins futurs, mais éga- sin (d’art et industriel ), de schéma ou de graphique ;
lement en fonction de tous les facteurs politiques et éco- ● connaître les caractères essentiels de la nature vivante;
nomiques. ● comprendre l’environnement et contribuer à sa pro-
C’est ainsi que chaque niveau d’enseignement, du tection et à sa restauration ;
préscolaire au secondaire, se voit assigner une fonction ● expliquer scientifiquement les phénomènes naturels,
particulière. L’éducation préscolaire doit assurer le y compris les phénomènes géologiques, météorolo-
développement intellectuel, moral et physique de l’en- giques, sociaux et économiques, afin de lutter contre
fant et lui donner l’occasion d’exercer ses capacités et des préjugés et des superstitions ;
aptitudes par la manipulation, le jeu, les exercices d’ob- ● promouvoir sans cesse ses connaissances et compé-
servation et la prise en charge de certaines tâches. Elle tences par l’effort personnel ;
doit par ailleurs renforcer chez lui le sens de l’ordre et ● témoigner du respect pour les traditions nationales
de la régularité. L’enseignement primaire, quant à lui, positives (dans la morale, les arts, la culture, la poli-
dispense les savoirs, les compétences et les valeurs per- tique);
mettant la poursuite des études au secondaire. Il doit ● animer un spectacle public ;
assurer à l’enfant l’acquisition de la lecture, de l’écritu- ● combattre les stéréotypes discriminatoires sexistes ;
re, du calcul, des notions scientifiques élémentaires de ● pratiquer l’EPS pour le bien de la santé et les sports
base et aussi des notions d’éducation civique et morale pour la promotion sportive ;
et l’initier au travail productif, à l’éducation physique et ● organiser et utiliser convenablement les connais-
esthétique. Le premier cycle de l’enseignement secon- sances acquises, planifier son action et travailler
daire général vise l’élargissement et l’approfondisse- avec méthode ;
ment de la formation générale donnée par l’enseigne- ● s’adonner à toutes sortes de travaux manuels et tech-
ment primaire en vue de l’élévation des connaissances niques, aux travaux d’entretien, de réparation voire
théoriques et pratiques nécessaires à la poursuite ulté- de fabrication dans les domaines suivants : agricultu-
rieure des études. Le deuxième cycle de l’enseignement re, techniques générales, menuiserie, maçonnerie,
secondaire a pour objectif la poursuite des études supé- électricité... ;
rieures. Son développement doit répondre aux besoins ● maîtriser les techniques agricoles élémentaires,
en personnels qualifiés. organiser et gérer correctement les activités produc-
Pour l’enseignement secondaire du premier cycle, tives ;
les éléments de profil de sortie ont été élaborés. C’est ● lutter contre les mentalités et les préjugés négatifs
ainsi qu’on attend de la part des élèves sortant des col- sur le travail manuel ;
lèges d’enseignement général qu’ils soient en mesure ● respecter les lois de l’état et manifester une attitude
de: positive pour les institutions de la République ;
● comprendre, communiquer de manière satisfaisante ● exercer et défendre les droits et libertés dans son
à l’oral et à l’écrit dans la langue d’enseignement ; milieu (famille, école, quartier ) ;
● lire et comprendre tout support de lecture simple et ● promouvoir la solidarité dans la communauté envi-
communiquer oralement et par écrit dans la première ronnante en participant efficacement aux activités de
langue étrangère ; groupe et en recherchant le succès collectif ;
● comprendre les phénomènes physiques écono- ● gérer de manière responsable sa sexualité ;
miques, humains de son milieu immédiat, du Congo ● s’armer de bonnes méthodes de travail, de la
et de l’Afrique (particulièrement de l’Afrique confiance en soi et de l’effort de dépassement à toute
Centrale ) ; tout en ayant une vue globale sur la géo- épreuve ;
graphie de l’Europe, de l’Amérique, de l’Asie et ● favoriser l’unité dans la diversité ;
l’Océanie ; ● respecter, protéger et entretenir ses propres biens,
● situer l’histoire des peuples dans le temps; ainsi que les biens publics et privés ;

37
Pour une bonne prise en compte du contexte internatio- En ce qui concerne l’introduction des innovations, trois
nal, il faudra œuvrer en faveur de l’établissement d’un problèmes majeurs ont été rencontrés :
nouvel ordre éducatif où les systèmes éducatifs se déve- 1. la résistance à l’innovation ;
lopperont dans des conditions d’égalité, d’échange libre 2. la formation des enseignants ;
d’expériences nationales ; de développement des pro- 3. les manuels à utiliser.
grammes minimums (PMC), du respect des conventions. L’étalement des enseignements de génétique, de repro-
duction, d’immunologie allant de la classe de seconde à
2. Le principe d’équilibre la classe de terminale a été difficilement accepté par les
inspecteurs de biologie, contrairement aux enseignants
Pour un meilleur équilibre de ces nouveaux curricula, de la même discipline. Il paraît donc également nécessai-
trois éléments essentiels ont été pris en compte : re avant la mise en œuvre de ces nouveaux curricula de
● les aspects conceptuels ; former de manière systématique tous les enseignants. Le
● les innovations ; manuel est le support essentiel pour la mise en œuvre
● les grands contenus. d’un curriculum. La production des fascicules peut per-
Les aspects conceptuels ont porté sur les points mettre de pallier au manque de manuels.
suivants : tradition et innovation, exigence de la techno- A côté des disciplines classiques (histoire-géogra-
logie, le facteur socio-culturel, et une approche par phie, mathématiques, français, etc.) de nouveaux conte-
objectif. nus éducatifs ont été développés. Il s’agit de :
Pour ce qui est de la tradition et de l’innovation, il va ● l’éducation pour la paix ;
de soi que toute innovation et tout changement doivent ● l’éducation pour l’environnement ;
être contrôlés, et justifiés par une analyse approfondie ● l’éducation en matière de population et à la vie fami-
des besoins réels de rénovation, ainsi que des résultats liale (EMP/EVF) ;
prévisibles avant d’être diffusés. ● l’éducation civique et morale ;
Par exigences de la technologie, on entend toutes les ● l’initiation à la production ;
exigences accrues et renouvelables posées par la techno- ● l’économie familiale et domestique ;
logie à l’enseignement et qui doivent être détectées en ● la santé de la reproduction et la santé sexuelle.
amont afin qu’elles puissent être intégrées à temps dans
les curricula. L’identification des connaissances de base IV. PRESENTATION DES PROGRAMMES
des programmes scolaires constitue le noyau de connais-
sances fondamentales des sciences. Autour de ce noyau 1. Programmes du cycle primaire
sera regroupé les connaissances non durables qui reflè- Les particularités des programmes du cycle primaires
tent les besoins du présent. sont que, premièrement, ils sont tous formulés par objec-
En termes de prise en compte du facteur socio-cultu- tifs ; deuxièmement, les curricula sont en expérimenta-
rel, l’éducation devrait développer chez l’individu la tion depuis cinq ans ; et que finalement, de nouveaux
capacité de saisir le réel, d’entreprendre, et de risquer. modules ont été introduits. Parmi ces derniers, citons
Tous les curricula élaborés ont pris en compte les élé- l’éducation civique et morale, l’hygiène et la santé,
ments du milieu environnant de l’enfant. l’éducation pour la paix, l’initiation à la production,
L’approche par objectifs est la méthode qui a été l’économie domestique et familiale.
appliquée depuis le primaire. Elle a pour but de décloi- Les curricula du primaire sont regroupés en champs
sonner le savoir, en apprenant aux enfants à découvrir d’étude qui se présentent dans le Tableau 1. En termes de
par eux-mêmes le cheminement de la connaissance. la matière couverte, retenons plus particulièrement que

TABLEAU 1. Les champs d’étude du primaire

Classes
Champs d’étude CP1 CP2 CE1 CE2 CM1 CM2
Français + + + + + +
Mathématiques + + + + + +
Education physique + + + + + +
Activités d’éveil + + +
Education pour la paix + + + + + +
Education civique et morale + + + + + +
Sciences et technologie + + +
Hygiène et santé + + + + + +
Economie familiale et domestique + + +
Initiation à la production + + +
Histoire-géographie + + +

38
le curriculum consacré à l’hygiène et à la santé intègre Une étape importante est celle de l’évaluation, qui
les aspects liés à l’hygiène du milieu, la santé de la permet de formuler d’éventuels objectifs généraux
reproduction et la santé sexuelle, le VIH/SIDA ; et que absents.
le curriculum d’éducation pour la paix a été élaboré à En dernier lieu, intervient l’étape dite de l’intégra-
partir du document commun de l’UNESCO. Le curricu- tion. Celle-ci comporte deux difficultés, liées d’une part
lum des sciences et technologies, quant à lui, prend en au fait que les programmes existants ont été écrits par
compte les champs spécifiques liés aux sciences de la contenus, et d’autre part au fait que l’intégration ne
nature, la physique, et la chimie . porte que sur cinq disciplines. Pour une intégration har-
monieuse, il a donc fallu procéder à une relecture et une
2. Programmes du cycle secondaire réécriture de l’ensemble des programmes.
La réécriture des programmes de l’enseignement secon- Comme il a été mentionnée plus haut, les particulari-
daire s’est faite à partir des curricula d’Education en tés de ces curricula sont qu’ils ont été écrits par objectifs
Matière de Population et d’Education à la Vie et que le module consacré à l’éducation civique et mora-
Familiale(EMP/EVF). L’objectif du projet était de le, ainsi que le module sur l’écologie figurent dans tout
contribuer à l’amélioration du système éducatif congo- au long du cycle secondaire. Les modules tels que l’im-
lais par l’introduction des méthodologiques nouvelles munologie, la génétique, la reproduction sont introduits
centrées sur l’apprenant. dès la classe de seconde ; et ceux de géologie et d’écolo-
gie au collège sont introduits à partir de la classe de
V. LES ETAPES DU PROCESSUS DE sixième.
L’ELABORATION DES CURRICULA EVF/EMP Actuellement, les besoins existants se situent aux
niveaux de la formation de rédacteurs des curricula, de
La première étape consiste en une enquête socio-cultu-
l’expertise pour l’analyse des curricula élaborés et les
relle en vue de déterminer les besoins en formation
conditions de leur mise en expérimentation, et à celui de
(parents, élèves, enseignants). Ensuite, dans un deuxiè-
l’appui à leur mise en œuvre.
me temps, sont définis les domaines, les thèmes et les
sous-thèmes de manière conceptualisée. Ce n’est qu’en-
VI. CONCLUSION
suite que sont arrêtés les objectifs et les contenus d’ap-
prentissages. Le choix des disciplines d’accueil (fran- La mise en œuvre d’un curriculum comporte trois
çais, biologie, éducation civique et morale, géographie, grands défis. Afin de rencontrer ces défis, il faut assurer
philosophie) est effectué avant que ne débute l’étape la formation des maîtres, doter les établissements de
propre à l’expérimentation dans quatre collèges et matériels didactiques indispensables et mettre en place
quatre lycées. des outils d’évaluation et de suivi.

39
Gabon
Institut pédagogique national et Eric Dodo-Bouguendza1

I. INTRODUCTION 3. la contribution à l’unité nationale;


4. la réussite du parcours scolaire et la maîtrise de
De 1960 à 1980, le développement de l’éducation en compétences professionnelles.
Afrique a été marqué par une croissance des effectifs Ces objectifs ayant été adoptés par le Chef de l’État et le
globaux des trois degrés d’enseignement qui a été plus Conseil des ministres, mandat fut donné aux techniciens
forte que dans toute autre région du monde. Sur le plan du Ministère de l’éducation nationale et, plus précisé-
qualitatif, les efforts de réforme des systèmes éducatifs ment, à ceux de l’Institut pédagogique national, de déve-
ont été remarquables, malgré l’insuffisance générale des lopper des curricula adaptés.
résultats obtenus. Ayant défini le terme «curriculum» comme un
Conscient du rôle essentiel de l’éducation dans l’épa- «ensemble structuré des expériences d’enseignement et
nouissement de l’être humain, l’État gabonais a promul- d’apprentissage, planifiées et offertes sous la direction
gué, le 9 août 1966, la loi 16/66 portant Organisation d’une institution scolaire, en vue d’atteindre des buts
générale de l’enseignement dans la République du Gabon éducatifs prédéterminés», une démarche de développe-
qui stipule que «l’enseignement doit assurer la formation ment curriculaire conséquente a suivi. C’est cette
physique, intellectuelle, morale et civique du futur démarche qui va faire l’objet du présent développement
citoyen. Il doit contribuer à l’unité nationale et à la cohé- et qui prendra en revue l’enseignement primaire, puis
sion sociale, grâce à une information et une documenta- l’enseignement secondaire général, et enfin, l’enseigne-
tion réciproque avec tous les autres corps de l’État». ment technique et professionnel. Une présentation de la
Dès les années 1970, il s’est avéré que les redouble- politique et de l’organisation linguistiques sera aussi éla-
ments, les abandons et les retards scolaires progressaient borée, motivée par une des caractéristiques particulières
de manière exponentielle, dénotant ainsi de l’inefficacité du Gabon : son multilinguisme.
du système éducatif. C’est en vue d’améliorer la qualité
du système éducatif que les États généraux de l’éduca- II. LE DÉVELOPPEMENT CURRICULAIRE EN
tion et de la formation furent convoqués et se tinrent ENSEIGNEMENT PRÉSCOLAIRE ET PRIMAIRE
du 17 au 23 décembre 1983. En septembre 2000, une
L’année 1983 s’est clôturée par les États généraux de
réflexion de grande envergure fut suscitée sur l’échec
l’éducation et de la formation qui ont posé de solides
scolaire, en particulier sur le redoublement.
jalons pour une réforme fondamentale du système édu-
D’une façon générale, on admit que l’amélioration de catif gabonais. On souhaitait construire une société atta-
la qualité de l’enseignement devait passer par : chée à l’idée de nation, de justice sociale, d’égalité des
1. la transformation de l’école primaire en une structure chances, de liberté, de compréhension internationale, de
privilégiant les valeurs et les technologies tradition- paix. On souhaitait également former des hommes d’ac-
nelles, ainsi que le travail manuel ; tion, pleinement épanouis, conscients de leurs responsa-
2. l’instauration d’un tronc commun d’études du premier bilités, tolérants, réconciliés avec eux-mêmes et leur his-
cycle secondaire, destiné à élever le niveau d’instruc- toire.
tion et de culture générale, avant spécialisation; Tous les ordres d’enseignement allaient être touchés
1. la révision systématique des programmes à tous les par la réforme, y compris le préscolaire. C’est ainsi
niveaux, en vue du renforcement de l’enseignement qu’en juillet 1984, la loi 10/84 portant Définition et
scientifique et technologique, et d’une meilleure Organisation Générale de l’Éducation Préscolaire fut
adaptation au marché de l’emploi. promulguée, et que le décret du 10 février 1987 en fixa
A travers ces souhaits, les finalités de l’école gabonaise les modalités d’application. Pour les enfants de moins de
nouvelle pouvaient déjà être décelées, à savoir : trois ans, les activités d’éducation et d’éveil devaient se
1. le développement global harmonieux de l’enfant et fonder sur des finalités pédagogiques telles que l’accep-
de l’adulte; tation de l’enfant tel qu’il est, et le développement de la
2. l’intégration sociale et culturelle; confiance qui donne envie de grandir et d’apprendre.
40
Pour les enfants de trois à cinq ans, les activités d’édu- saires pour atteindre les objectifs visés se sont ajoutés et
cation et d’éveil devaient se fonder sur des programmes la nature des situations d’apprentissage appropriées
intégrant les aspects relatifs à la connaissance du corps, s’est précisée.
au développement sensori-moteur, à la prise de En juillet 1990, le Directeur général des enseigne-
conscience de soi et de l’environnement, à l’acquisition ments et de la pédagogie présentait au Ministre de l’édu-
du langage, à la créativité, au développement du raison- cation nationale les programmes officiels de l’école pri-
nement et de la conscience sociale. L’usage de la langue maire.
maternelle devait être développé. Toutefois, en 1994, ayant constaté, à l’usage, que ces
Les programmes de l’enseignement préscolaire fai- programmes étaient trop volumineux et peut-être même
saient partie des annexes au décret et ils n’ont pas, un peu trop ambitieux, l’Institut pédagogique national a
depuis, fait l’objet d’une réforme en profondeur comme remanié certains objectifs généraux et spécifiques et a
cela a été fait pour ceux de l’enseignement primaire. procédé à un élagage des contenus. Parallèlement à ces
Toutefois, lors du Conseil des ministres du 4 août 1999, travaux, on procéda à la révision des programmes de
le Ministère de l’éducation nationale, dans la recherche formation initiale des enseignants et on élabora des
de solutions visant l’amélioration du rendement interne modules de perfectionnement au regard de la lecture, de
du système éducatif, a obtenu du Gouvernement l’ac- la géométrie et de l’éveil scientifique.
cord de développer l’enseignement pré-primaire sur De plus, des innovations pédagogiques, à savoir
l’ensemble du territoire national. l’éducation en matière de population, l’éducation envi-
Quant à l’enseignement primaire, il devait désormais ronnementale et l’éducation artistique, se sont ajoutées.
viser à l’étude du milieu en vue de sa transformation, Un réaménagement des horaires d’enseignement s’est
grâce à l’alphabétisation fonctionnelle à partir de l’envi- imposé. La production d’outils didactiques s’est égale-
ronnement social, économique, géographique, culturel ment avérée nécessaire. Du matériel pédagogique
et technique de l’enfant. Les programmes devaient devrait bientôt être conçu pour les programmes d’éduca-
répondre aux réalités gabonaises, tenir compte de la tion environnementale, d’éducation artistique et d’édu-
psychologie de l’enfant et placer ce dernier au centre de cation en matière de population.
ses apprentissages. Jusqu’à présent, on a appliqué à l’enseignement
Donc, en 1984, suite aux États généraux, une com- primaire les programmes révisés en 1994. Mais, devant
mission du Ministère de l’éducation nationale composée la persistance de l’illettrisme et devant le taux de chô-
de représentants de l’IPN, ainsi que des membres du mage toujours élevé, le Ministre actuel de l’éducation
projet UNESCO/GABON a apporté des précisions nationale a donné mandat à l’Institut pédagogique
quant aux finalités de l’enseignement primaire. Cet national, en mai 2000, de redynamiser cet ordre d’en-
ordre d’enseignement devait assurer : seignement.
1. la formation d’une personne épanouie aux plans Pour mener à terme le projet de redynamisation de
physique, moral, civique et intellectuel; l’enseignement primaire, de grands défis doivent être
2. une formation ouverte aux sciences et aux tech- relevés. Parmi les plus pressants, citons :
niques, en tenant compte des expériences des tech- 1. la formation de cadres d’éducation à l’élaboration et
nologies traditionnelles; à l’évaluation des programmes;
3. une formation favorisant la justice sociale et le déve- 2. la formation à la rédaction de manuels scolaires;
loppement endogène; 3. la mise à disposition du matériel et d’équipement
4. une formation valorisant l’identité culturelle, en indispensables au travail de rédaction ordinateurs et
intégrant l’éducation artistique traditionnelle et en photocopieurs;
liant l’enseignement aux réalités de l’environne- 4. la mise en place d’un service d’imprimerie à l’IPN
ment; afin de reproduire et de diffuser, en quantité suffi-
5. une complémentarité entre une formation théorique sante, les documents demandés par les enseignants
et ses applications manuelles et pratiques en vue de et par les partenaires d’éducation que sont les
la transformation du milieu. parents;
C’est à partir de ces finalités que s’est amorcé le déve- 5. l’ouverture au changement de pratiques pédago-
loppement curriculaire de l’enseignement primaire. On giques et administratives;
a d’abord adopté une approche dite « par objectifs » et 6. une décentralisation des pouvoirs.
centrée sur l’élève. Ensuite, on a défini le profil de sortie
de l’enfant gabonais à la fin du cycle primaire. Ce profil III. LE DÉVELOPPEMENT CURRICULAIRE
EN ENSEIGNEMENT SECONDAIRE GÉNÉRAL
de sortie fut ensuite traduit en objectifs généraux et spé-
cifiques à atteindre par l’enfant dans les domaines des Malgré les recommandations des États généraux de
langues, des mathématiques, des disciplines d’éveil et l’éducation et de la formation de 1983, force est de
de l’éducation physique. Des performances, observables constater qu’aujourd’hui encore les programmes d’en-
et évaluables, sur les plans des savoirs, des savoir-faire seignement du Gabon restent très proches des pro-
et des savoir être, ont été déterminées. Un volume horai- grammes français d’avant 1990, et tiennent insuffisam-
re global a été alloué. Les contenus notionnels néces- ment compte des réalités sociales, culturelles et

41
économiques du pays. Cette situation s’explique en par- Le programme d’éducation en matière de population
tie par la validité de plein droit accordée à notre bacca- a pour sa part fait l’objet d’un processus de développe-
lauréat, mais de plus en plus remise en cause. ment curriculaire, dont il est intéressant de faire mention.
Néanmoins, certains programmes du secondaire La mission d’identification et d’évaluation des besoins
général ont été réaménagés pour répondre aux exigences en matière de population du FNUAP de novembre 1987
de l’école gabonaise. C’est le cas notamment du pro- a donné lieu, en 1992, à l’ambitieux projet d’intégrer
gramme d’éducation civique qui fut remanié en 1991. l’éducation à la vie familiale dans les programmes sco-
A partir de 1992, avec l’appui de la coopération fran- laires. C’est-à-dire d’y intégrer les notions de santé,
çaise, un projet d’harmonisation des programmes des d’éducation sexuelle, d’environnement, de famille et de
enseignements secondaires entre tous les pays franco- nutrition. L’éducation en matière de population devait
phones d’Afrique et de l’Océan Indien s’est progressive- être intégrée dans les disciplines classiques ou être
ment mis en place. enseignée comme discipline à part entière.
Depuis octobre 1997, le projet ARCHES (Appui aux Le cadre institutionnel mis en place, le Directeur
Recherches pour la Contextualisation et l’Harmonisation national du projet fut désigné et des cadres des différents
des Enseignements Secondaires) a apporté un soutien départements ministériels furent affectés au projet,
dans quatre disciplines: français (HPF), mathématiques constituant ainsi la Cellule technique permanente (CTP).
(HPM), sciences de la vie et de la terre (HPSVT), Dès lors, les bases de l’implantation de l’éducation en
sciences physiques et technologie (HPSPT). matière de population au Gabon étaient jetées. Les
Ce projet, auquel le Gabon participe activement, étapes suivies furent les suivantes:
répond aux orientations du Ministère de l’éducation 1. l’analyse de la situation;
nationale gabonais, largement exprimées dans les actes 2. l’identification des problèmes de population ;
des États généraux de l’éducation et de la formation. Il 3. la sélection et l’organisation des contenus ;
s’agit de mettre l’élève en situation d’activité, d’assurer 4. l’examen des programmes et des manuels scolaires,
une réelle continuité entre les cycles, de mettre en œuvre et l’intégration des contenus ;
des programmes raisonnables dans leurs contenus et exi- 5. l’élaboration des matériels didactiques ;
geants, sur le plan de la formation scientifique, et enfin, 6. la validation des curricula et des matériels didac-
de recourir résolument à l’environnement de l’élève et à tiques ;
la richesse de son milieu, tout en prenant en compte 7. formation des enseignants expérimentateurs et des
les évolutions technologiques, économiques, sociales et encadreurs pédagogiques ;
culturelles. 8. la pré-expérimentation et l’expérimentation
Les objectifs de ce projet ont été définis pour 9. l’évaluation de l’expérimentation.
répondre aux exigences d’intégration régionale expri- Les résultats de l’évaluation ont montré que la structura-
mées par les pays participants. Au bout de trois années tion des curricula et l’utilisation de certains supports
de mise en œuvre, les résultats sont concluants. didactiques qui les accompagnent, rendent la tâche de
Le Gabon doit aussi apporter sa contribution à l’en- l’enseignant plus aisée. Par ailleurs, les élèves se sont
semble des pays. En effet, il est chargé de l’harmonisa- montrés plus intéressés par ces cours que par le passé.
tion des programmes de mathématiques pour l’enseigne- Ce changement est tributaire des stratégies d’enseigne-
ment technique et professionnel. En sciences physiques, ment et d’apprentissage préconisées par les curricula. En
la démarche adoptée n’est pas la même pour le premier effet, l’objectif de l’innovation pédagogique de l’Emp
et le second cycle. Au regard du premier cycle, les dispa- était de mettre l’élève en action et en interaction avec
rités entre les pays étaient trop importantes pour obtenir son environnement; c’est une pratique pédagogique qui
un consensus. Une première réflexion est en cours sur le donne du sens au savoir et qui rapproche l’école des réa-
« Collège en Afrique », dont les outils seront développés lités vécues quotidiennement par les apprenants.
ci-dessous. Au regard du second cycle, après adoption de Par ailleurs, on constate que beaucoup d’efforts ont
la matrice commune des contenus, chaque pays partici- été déployés pour redynamiser l’enseignement secondai-
pant s’est vu attribuer une partie du programme pour re général. Un des grands défis qui se pose à toutes disci-
laquelle il devait construire le référentiel, rechercher et plines de cet ordre d’enseignement est de rénover les
mettre en œuvre les méthodes d’apprentissage adaptées curricula des collèges.
au contexte. Une approche curriculaire, prenant en compte les
Le Gabon s’est vu confier le thème «Optique en ter- programmes, mais qui intégrerait aussi l’organisation de
minale» et a dû franchir toutes les étapes proposées. l’école, la gestion du temps, la certification et les rela-
Après validation par le comité scientifique et le séminai- tions avec l’environnement, semble la mieux désignée.
re, des fiches pédagogiques élaborées par le «chantier» En effet, la construction des curricula ne peut se faire
alimentent une base de données interafricaine mise à dis- que par une approche systémique, permettant ainsi de
position de tous les pays par CD-ROM ou sur le site prendre en compte les dimensions philosophique, poli-
Internet. Ce travail a permis de constituer dans chaque tique, économique, scientifique, sociale et culturelle.
pays une équipe d’auteurs et pourra servir de base à Parler d’approche curriculaire, c’est penser en termes
l’élaboration de manuels le moment venu. d’un ensemble d’expériences d’enseignement et
42
d’apprentissage planifiées pour répondre à des finalités réorganisation de l’enseignement technique et profes-
bien identifiées, entre autres, le rôle du Collège et le sionnel, présidée par le Directeur général des enseigne-
profil de sortie de l’élève. ments et de la pédagogie de l’époque.
Certaines orientations ont déjà été données par cer- Lorsque la décision fut prise de procéder à une réfor-
tains pays d’Afrique. Reprenant l’idée qu’il faut mettre me en profondeur des programmes de l’enseignement
en place des méthodes et des moyens adaptés aux condi- technique et professionnel, deux mots caractérisaient le
tions locales, le Gabon a ouvert un chantier pédagogique système de formation professionnelle: fragilité et ineffi-
pour le premier cycle, où toutes les disciplines seront cacité.
appelées à travailler ensemble. D’autres axes de travail De graves insuffisances avaient été observées et un
ont également été préconisés, tels l’interdisciplinarité, le plan de redressement fut proposé. La Commission pro-
développement de compétences, le développement de posait que la refonte curriculaire s’articule autour de
méthodes de travail, une pédagogie centrée sur la réussi- l’implantation d’un régime pédagogique adapté aux
te de l’élève, la diversification des parcours pour respec- besoins diversifiés de formation, de la création d’un dis-
ter la double finalité du collège. positif de pilotage du système par la Direction de l’en-
seignement technique et professionnel (DETP), du
IV. L’ENSEIGNEMENT TECHNIQUE renforcement de l’autonomie des établissements, d’ajus-
ET PROFESSIONNEL tement des conditions et des moyens de formation et
Lors des États généraux de 1983, les délégués avaient enfin, de formation des formateurs et des personnels
affirmé que: «... l’éducation doit donner aux individus d’encadrement. Sur le plan pédagogique, deux orienta-
les connaissances et les aptitudes nécessaires pour tions étaient ainsi décrites:
qu’ils puissent jouer leur rôle de citoyens et de produc- 1. le nouveau régime pédagogique doit être souple et
teurs.» On avait alors constaté que «l’enseignement pro- flexible pour permettre à l’élève d’accumuler le
fessionnel, tel qu’il existe, ne répond pas aux besoins de moins de retard possible dans son cheminement sco-
notre appareil productif.» Les délégués avaient aussi laire ;
insisté pour que la formation professionnelle acquière la 2. le processus éducatif doit être fragmenté en unités
noblesse requise et ils souhaitaient y voir un relèvement d’apprentissage qui correspondent à des habiletés
conséquent de niveau. nécessaires à l’exercice professionnel.
En novembre 1988, un Comité, présidé par le délé- Les membres de la Commission avaient aussi précisé les
gué ministériel auprès du Ministre de l’éducation natio- assises sur lesquelles allait s’appuyer le développement
nale, se penchait sur la réorganisation de l’enseigne- curriculaire en enseignement professionnel. Finalement,
ment technique et professionnel. Son analyse a porté les objectifs opérationnels qui allaient guider le déve-
sur l’adéquation formation-emploi, sur le rendement loppement curriculaire furent déterminés. II s’agissait
interne de l’enseignement technique et professionnel, de :
sur les conditions pédagogiques de cet ordre d’ensei- 1. découper les programmes de formation en unités
gnement, et enfin, sur les conditions humaines et maté- élémentaires d’apprentissage ;
rielles qui y prévalaient. Plusieurs constatations et 2. concevoir des modules transmettant des valeurs,
recommandations ont été consignées dans un rapport telles que l’autonomie, la polyvalence, le goût du
général. travail bien fait, l’adaptation, le respect de l’éthique
Dans son document de juillet 1993, intitulé professionnelle, le sens des responsabilités ;
«Réforme de l’enseignement technique et professionnel 3. traduire le programme en objectifs de comporte-
- Cadre organisationnel», la Direction de l’enseigne- ments perçus comme essentiels à l’exercice du
ment technique et professionnel soulignait le souci métier ;
d’améliorer la qualité de la formation dans les établisse- 4. assurer la complémentarité des rôles entre le système
ments de l’enseignement technique et professionnel, scolaire et le milieu de l’entreprise ;
tout en veillant sur une adéquation formation-emploi. 5. développer une pédagogie du projet industriel ou de
On a fait valoir l’importance d’envisager la réforme en services ;
tenant compte des perspectives de développement éco- 6. procurer, aux personnes concernées, l’information
nomique. On a souligné aussi l’évolution excessivement relative aux méthodes d’enseignement et au nouveau
rapide des techniques. On a mentionné le besoin système d’évaluation basé sur une organisation
d’actualisation des méthodes d’enseignement. On a modulaire de la formation.
énoncé l’intention ferme de proposer aux élèves un Avant d’entreprendre le développement des curricula de
enseignement à la fine pointe de l’actualité technolo- l’enseignement professionnel, il a fallu se référer aux
gique. finalités de la réforme de l’enseignement technique et
En 1995 et en 1996, deux documents ont été élabo- professionnel. Celles-ci étaient de :
rés par la sous-commission chargée de préparer les pro- 1. réduire le taux d’échec scolaire ;
positions relatives à la réforme de l’enseignement 2. satisfaire les besoins de l’environnement socio-
technique et professionnel. Ces documents furent adop- économique ;
tés en séance plénière par la Commission chargée de la 3. garantir une main d’œuvre qualifiée ;

43
4. former des professionnels polyvalents capables de veaux curricula doivent être nécessairement franchies,
s’adapter aux exigences des progrès technologiques. avant que ne soient définitivement établis les pro-
En collaboration avec les partenaires des coopérations grammes dans les institutions.
canadienne et française, de nombreux efforts ont été L’un des plus grands défis liés à la validation du
déployés pour examiner en profondeur les programmes programme est sans doute d’obtenir un consensus sur le
de l’enseignement professionnel existants et pour propo- nouveau régime pédagogique et sur les textes d’applica-
ser les changements majeurs qui s’imposaient. tion qui doivent accompagner les documents de
La première étape fut donc de déterminer des fils programmation. En effet, les programmes élaborés en
conducteurs pour les nouveaux programmes. Dans un enseignement professionnel le sont, sur le plan organisa-
deuxième temps, un choix d’approches éducatives qui tionnel, selon une approche modulaire ; et, sur le plan
guideraient toutes les interventions de développement pédagogique, selon une approche basée sur des compé-
curriculaire s’imposa : une approche relative à la person- tences à acquérir. L’approche modulaire, par exemple,
ne en apprentissage, une approche relative à l’élabora- suppose la promotion par module. La moyenne annuelle
tion des programmes de formation et une approche rela- ne sert plus de base pour passer en classe supérieure. Sur
tive à l’organisation des programmes. le plan organisationnel, cela suppose que des modes et
Tous ces postulats ayant été posés, les techniciens se des outils de gestion fort différents de ceux qui existent
sont mis au travail. Ils ont d’abord adopté un plan de déjà doivent être développés. Et cela suppose surtout que
développement curriculaire par étapes successives : les pratiques de tous les acteurs du système éducatif se
1. procéder, pour chaque métier, à une analyse de la modifient.
situation de travail ; D’importants défis attendent les acteurs des nou-
2. rédiger les orientations ou les buts de la formation veaux programmes au regard de l’application du pro-
projetée ; gramme. Ces défis concernent surtout l’aspect de la for-
3. identifier les diverses compétences à développer ; mation des enseignants, du personnel d’encadrement
4. traduire les compétences en une liste de modules ; ministériel, et l’aspect de la construction et l’aménage-
5. rédiger des fiches-programmes, des fiches d’évalua- ment des locaux adaptés.
tion et des fiches pédagogiques pour tous les modules: Le suivi et l’évaluation du programme comportent
formation générale et formation spécialisée; quant à eux au moins trois grands défis. On devra, dès
6. proposer un nouveau régime pédagogique et un devis l’application, disposer d’un devis d’évaluation compor-
d’implantation ; tant les objets et les critères qui serviront à apprécier la
7. procéder à la validation des programmes avant qualité du programme et disposer d’outils permettant
l’application ; d’apprécier, à l’interne comme à l’externe, le déroule-
8. appliquer les programmes dans des établissements ment de l’implantation du programme et la qualité de la
pilotes ; formation dispensée. Il faudra mettre à la disposition des
9. assurer le suivi et l’évaluation des programmes en établissements les moyens matériels et financiers per-
cours d’application. mettant une atteinte optimale des résultats escomptés de
Les six premières étapes des travaux de développement la formation professionnelle. Enfin, il faudra s’assurer
curriculaire, engagés depuis bientôt trois ans, sont en les moyens permettant de publier les programmes et le
cours d’achèvement. Durant la première année, tous les matériel didactique et de les diffuser à tous les établisse-
conseillers pédagogiques de l’enseignement technique ments, en plusieurs exemplaires.
et professionnel furent invités à participer activement à
des sessions plénières bi-hebdomadaires. La deuxième V. LE CAS DE LA POLITIQUE MULTILINGUE
année du développement curriculaire a, quant à elle, DE L’EDUCATION
surtout été consacrée à la rédaction des documents
d’accompagnement des programmes : les fiches- 1. Le contexte multilingue du Gabon
modules, les fiches d’évaluation et les fiches pédago- Le Gabon est un pays multilingue qui ne possède pas de
giques. langue dominante, hormis sur le plan régional. On y
Quant à cette troisième année, elle est consacrée au dénombre actuellement environ 64 parlers1, parmi les
parachèvement de travaux entourant une application pro- innombrables langues bantoues et pygmées. Sur le plan
chaine des programmes, à savoir : de l’éducation, la catégorisation retenue distingue la
1. la rédaction d’un nouveau régime pédagogique; langue officielle, c’est-à-dire le français, et les langues
2. l’élaboration d’un plan de formation des formateurs internationales (anglais, espagnol, allemand, portugais,
et des administrateurs; italien et arabe), enseignées aux niveaux secondaire et
3. la confection d’outils didactiques et administratifs. supérieur.
Le développement curriculaire ne s’arrête pas à l’étape Depuis les Etats généraux de l’éducation nationale en
d’élaboration des documents de programmation et des 1983, le Gabon s’engage en faveur de ses langues. Le but
outils didactiques et administratifs. En effet, d’autres cardinal visé est d’une part la sauvegarde des cultures
étapes, importantes et cruciales, telles que la validation, gabonaises par l’entremise des langues, et d’autre part
l’application, ainsi que le suivi et l’évaluation des nou- l’insertion de ces langues dans l’éducation. Depuis 1987,
44
le Gabon s’efforce de mettre en place une politique lin- La réflexion actuelle du Ministère de l’éducation
guistique qui contribuerait au développement de ses nationale repose sur une politique et une organisation
langues nationales, aux côtés de la langue française. linguistiques générales d’utilisation de toutes les
Au cours des dernières années, la linguistique, scien- langues dominantes régionalement. Aussi, une première
ce qui étudie le langage et les langues, s’est répandue au approche, voire un premier accès sera d’enseigner ces
Gabon, au point que le nombre de personnes intéressées langues selon cinq zones.
par l’enseignement des langues gabonaises progresse La situation des langues gabonaises dans le système
annuellement. Des structures de recherches en linguis- éducatif peut se résumer pour l’an 2000 en termes de ce
tique se créent avec pour objectif de «penser les langues qui a été accompli et de ce qu’il reste à réaliser.
gabonaises».
Ce qui a été déjà fait
Les acquis à ce jour sont les suivants :
2. Les problèmes linguistiques liés à l’éducation au
1. l’enseignement des langues gabonaises se fait à titre
Gabon
expérimental à partir des manuels d’apprentissage de
Bien que seul le français ait le statut de langue véhicu- la Fondation Raponda-Walker. Il ne s’agit pour l’ins-
laire, bon nombre de jeunes Gabonais scolarisés ne tant que d’une initiative privée et non gouvernemen-
maîtrisent pas le français, en raison de l’absence d’une tale;
éducation de base efficace en français. Par ailleurs, le 2. une formation post-maîtrise est donnée à des étu-
nombre de jeunes ayant pour langue maternelle le fran- diants à l’Ecole normale supérieure de Libreville,
çais croît dans les capitales provinciales et départemen- qui en est à sa deuxième promotion;
tales, alors que dans les villages, le français garde 3. une filière «langues nationales» a été créée depuis
encore le statut de seconde langue véhiculaire. Malgré l’année académique 1999-2000 au Département des
les récentes tendances, globalement, les langues gabo- sciences du langage de l’Université Omar Bongo.
naises restent davantage parlées que le français. Elle prépare les étudiants au concours de l’Ecole
C’est pour ces raisons que le Ministère de l’éduca- normale supérieure pour la formation post-maîtrise
tion nationale a reçu pour mission de mettre en place en «langues nationales»;
une politique linguistique efficace pour la promotion et 4. un alphabet scientifique des langues gabonaises et
l’enseignement des langues nationales. Les mauvais une orthographe des langues gabonaises ont été éla-
résultats enregistrés dans l’enseignement du français borés;
aujourd’hui à tous les niveaux ne peuvent-ils pas trouver 5. un Département des langues nationales a été créé à
leur réponse dans la mauvaise maîtrise de cette langue l’Institut pédagogique national. Ce département tra-
chez les enseignants et les enseignés ? vaille actuellement sur l’élaboration des manuels
didactiques et a pour objectif de réfléchir sur l’ensei-
3. Pour ou contre l’intégration des langues nationales gnement des langues nationales comme langue
dans l’enseignement ? maternelle et sur celui des langues nationales
La question du pour et du contre l’intégration des comme langue non maternelle;
langues nationales dans l’enseignement constitue le 6. une association des enseignants du primaire et du
socle de la politique linguistique au Gabon. Avant 1997, secondaire pour les langues nationales a été mise en
le fait de promouvoir les langues gabonaises était consi- place. Elle servira de relais entre l’Institut pédago-
déré comme risquant de gêner la soi-disante «unité gique national et les élèves dès la rentrée des classes
nationale» et de créer des oppositions nationales. A la 2000-2001 ;
suite d’une bonne campagne de sensibilisation de deux 7. le Ministère de l’éducation nationale et la Radio
ans, le Gabon a compris que promouvoir et enseigner nationale ont mis sur pied une émission hebdoma-
ses langues constituent plutôt une abondance, un enri- daire de sensibilisation sur les langues gabonaises
chissement de plusieurs cultures gabonaises. Ceci est intitulée «Nos langues, notre culture»;
reflété dans le slogan du Ministère de l’éducation natio- 8. une réflexion est menée pour la mise en place d’un
nale: «l’enseignement de nos langues est le seul facteur module de langues nationales dans les Ecoles nor-
de consolidation de la relation identité culturelle et iden- males d’instituteurs pour l’année académique 2001-
tité nationale». 2002 et pour l’élaboration de guide d’auto-formation
et d’auto-perfectionnement des instituteurs.
4. La politique et l’organisation linguistiques pour Ce qui reste à faire
l’éducation
Il reste encore à :
Une Commission interministérielle, avec pour mission 1. installer des clubs de jeunes orientés vers des « jeux
de reprendre les travaux et d’analyser la réflexion sur et pédagogie des langues gabonaises », avec l’aide
la loi d’Orientation nationale de l’éducation dans le de l’association des enseignants du primaire et du
dessein d’accorder une place basique à la pratique des secondaire de langues nationales ;
langues gabonaises, a été mise en place en février 2. appliquer expérimentalement les matériels didac-
1997. tiques dans des classes témoins ;

45
3. évaluer les personnels d’encadrement et les matériels sans précipitation de l’élaboration des manuels en
didactiques ; langues gabonaises, de la formation des enseignants de
4. rencontrer les syndicats du secteur éducation pour langues nationales. Au regard des progrès effectués dans
s’assurer de leur collaboration ; la promotion et l’intégration des langues nationales dans
5. organiser la semaine pour l’« Ecole en langues natio- le système éducatif depuis trois ans, il serait fâcheux de
nales » ; s’arrêter en si bon chemin.
6. insister sur l’élaboration d’un projet de loi pour défi- De fait, le Ministère de l’éducation nationale consti-
nir le statut des langues nationales, une fois la pro- tue un des socles sur lequel reposent l’espoir et le sou-
duction de matériels didactiques achevée ; hait des gabonais de voir leurs langues enseignées. C’est
7. assurer à l’Institut pédagogique national les moyens pourquoi, deux axes principaux d’exécution ont été pri-
matériels pour la conception et la réalisation de maté- vilégiés pour la réussite de la réforme du système éduca-
tif dans son ensemble : la formation et l’élaboration de
riels didactiques.
matériels didactiques.
VI. CONCLUSION
Dans la réalisation de ses activités de refonte curriculai-
re, l’Institut pédagogique national a toujours visé un
objectif d’importance certaine : l’amélioration de la qua- Notes
lité de l’enseignement. Une approche curriculaire de la 1 Eric Dodo-Bounguendza, Conseiller technique du
formation constitue un facteur-clé qui influe de façon Ministère de l’éducation nationale est chargé de l’in-
décisive sur la qualité des enseignements et des appren- tégration des langues nationales dans le système
tissages. éducatif.
En termes de la définition des composants fonda- 2 Kwenzi-Mikala, J.T., L’identification des unités-
mentales d’une bonne politique et d’une bonne organisa- langues bantous gabonaises et leur classification
tion linguistique pour l’éducation de base au Gabon, le interne in Muntu 8. CICIBA-Présence Africaine,
Ministère de l’éducation nationale veille à la réalisation p. 54-64.

46
Mali
Sahaloum Ould Youba et Mamadou Sissima

I. INTRODUCTION école performante et démocratique dans un contexte


décentralisé et couvrent les points suivants :
Le système éducatif tel qu’il existe actuellement au Mali 1. une éducation de base de qualité pour tous ;
doit être refondé. En effet, l’enseignement demeure trop 2. un enseignement professionnel adapté aux besoins
centralisé et ne touche qu’une faible partie des enfants de l’économie ;
en âge d’aller à l’école. Il est urgent qu’il prenne en 3. un enseignement secondaire et technique rénové et
charge les aspirations des couches sociales défavorisées. performant;
Le processus d’élaboration des grandes orientations 4. un enseignement supérieur de qualité adapté aux
de la politique éducative au Mali constitue une illustra- besoins prioritaires et aux coûts maîtrisés ;
tion du changement qui s’est produit au moment de la 5. une utilisation des langues maternelles dans l’ensei-
préparation du Programme décennal de développement gnement formel concomitamment avec le français ;
de l’éducation (PRODEC). En effet, ce document mar- 6. une politique du livre et du matériel didactique opé-
qua la prise en compte des préoccupations des popula- rationnel;
tions, à travers une démarche participative qui privilégia 7. une politique soutenue de formation des ensei-
la concertation et le dialogue avec tous les partenaires. gnants;
Le Programme décennal de développement de l’éduca- 8. un partenariat véritable autour de l’école ;
tion, adopté par le Gouvernement, est l’émanation d’un 9. une restructuration et un ajustement institutionnel
consensus national. nécessaire à la refondation du système éducatif ;
10. une politique de communication centrée sur le dia-
II. LE PROGRAMME DECENNAL logue et la concertation avec tous les partenaires ;
DE DEVELOPPEMENT DE L’EDUCATION 11. une politique de financement soutenue, rééquilibrée,
Dans le but de réussir une refondation de l’enseigne- rationnelle et s’inscrivant dans la décentralisation.
ment, le Programme décennal de développement de
l’éducation s’inscrit dans la politique de décentralisa- 2. Les résultats attendus
tion. Il est admis que, pour réussir une gestion décentra- Cette refondation du système éducatif, en partant des
lisée de l’éducation, il faut que la refondation reconnais- onze points énumérés ci-dessus, devrait donner lieu aux
se l’importance des facteurs suivants: résultats attendus suivants :
● la complémentarité des rôles des différents parte- 1. l’amélioration de la qualité de l’enseignement des
naires ; apprenants;
● la redéfinition des rôles ; 2. la maîtrise des coûts de formation notamment dans
● la décentralisation technique des activités éduca- le secondaire et le supérieur;
tives. 3. la correction du déséquilibre de scolarisation entre
Le diagnostic pouvant être établi actuellement est révé- régions, entre zones urbaines et rurales, entre
lateur d’un système éducatif peu performant. Il s’en sexes;
dégage la nécessité de bâtir une école non seulement 4. l’amélioration de la gestion des flux au secondaire et
réformée et rénovée, mais aussi et surtout refondée dans au supérieur;
son ensemble. 5. l’utilisation des langues maternelles dans l’enseigne-
ment formel concomitamment avec le français ;
1. Les axes de la réforme 6. la responsabilisation des services régionaux et
Face à cette double exigence de corriger les insuffi- sub-régionaux par rapport aux prises de décision
sances constatées et de mettre en place une politique concernant leur circonscription ;
éducative propice à la pérennisation d’un système édu- 7. le renforcement de la capacité institutionnelle des
catif de qualité, onze axes prioritaires ont été dégagés. structures déconcentrées chargées de la mise en
Ces onze axes traduisent l’option du Mali pour une œuvre;

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8. la répartition des coûts récurrents entre l’État, les col- 5. l’élaboration de plans régionaux et sub-régionaux ;
lectivités et les communautés, notamment le finance- 6. la création d’un cadre de recrutement des enseignants
ment de l’entretien des équipements et des locaux; des collectivités territoriales ;
9. la participation des communautés à la gestion de 7. l’appui à la mise en oeuvre de la décentralisation
l’école; dans les communes à travers certaines communes;
10. l’amélioration de la formation des formateurs; 8. l’amélioration de la qualité de la formation et des
11. l’encouragement de la participation du secteur privé conditions de travail.
dans le financement de l’éducation.
Mesures pour la coordination et l’exécution du PRODEC
3. Les mesures envisagées en vue de refonder le sys- En matière de coordination et d’exécution du program-
tème éducatif me, le Gouvernement se propose de faire exécuter le pro-
gramme par les services centraux et les services décon-
Il est établi qu’aucun pays ne peut prétendre à un déve-
centrés du Ministère de l’éducation. La Cellule
loppement durable sans un système éducatif performant
technique du PRODEC aura la charge du suivi de la
capable de s’adapter aux changements de plus en plus
réforme pour la durée de la première phase. Elle a égale-
fréquents auxquels il faut faire face. Conscient de cette
ment pour mission de procéder pendant la phase transi-
réalité et des insuffisances constatées, le Gouvernement
toire, à travers l’appropriation de la réforme à l’ensemble
du Mali entend adopter une série de mesures permettant
des membres du cabinet, des services centraux et des
un redressement irréversible de la situation. Ce sont
services déconcentrés.
entre autres des mesures d’ordre général, communes à
tous les ordres et types d’enseignement.
Mesures portant sur la refondation des curricula
Le principe de base est faire de l’école le point de
Les programmes d’études, tels qu’ils existent actuelle-
départ autour duquel le schéma pour le développement
ment, ne permettent pas de doter les apprenants de com-
du système éducatif est bâti. La reconnaissance de la
pétences utiles à la vie. Le nouveau Cadre général
complémentarité des actes des différents partenaires a
d’orientation du curriculum de l’enseignement fonda-
permis la clarification des rôles et des responsabilités de
mental va permettre de centrer le système éducatif sur
chacun. Le partenariat constitué a été l’espace de concer-
les besoins individuels des apprenants, aidant chacun à
tation où tous les acteurs concernés par le développe-
recevoir une éducation adaptée à sa propre vie et à sa
ment de l’école ont apporté leur contribution positive au
propre communauté.
retour de la tranquillité dans l’espace scolaire. Par
Ce cadre précise les finalités de l’enseignement fon-
ailleurs, il est vital d’instaurer et de nourrir un dialogue
damental; il donne des directives par rapport aux pro-
permanent avec et entre les partenaires à chaque phase
grammes d’études, divisés en domaines de formation et
de mise en ouvre du programme à travers l’information,
champs disciplinaires définis en termes de compétences,
la communication et la mobilisation de tous les acteurs
objectifs et contenus. Le Cadre général donne des
autour du programme.
consignes par rapport au calendrier scolaire et à l’emploi
Les mesures à entreprendre concerneront entre
du temps; il donne des directives par rapport au matériel
autres :
pédagogique (matériel didactique et manuel scolaire); il
1. la mise en oeuvre d’un nouveau schéma institutionnel;
prescrit l’emploi d’une pédagogie active et demande une
2. la mise en oeuvre d’un plan de communication;
description des situations d’apprentissage (activités et
3. la mise en oeuvre d’un véritable partenariat ;
projets des élèves); il commande la mise en place de
4. l’amélioration des conditions de travail des ensei-
nouvelles pratiques d’évaluation.
gnants.
Dans le Cadre général d’orientation du curriculum,
Mesures sur le plan institutionnel les objectifs assignés au système éducatif malien sont :
L’ensemble des mesures que le Département responsable 1. de faire acquérir à l’apprenant, au niveau de chaque
au sein du ministère entend adopter en vue de la refonda- ordre d’enseignement, des compétences lui permet-
tion du système éducatif passe préalablement par la tant de s’insérer dans la vie active ou de poursuivre
restructuration institutionnelle. Ce sont donc de nou- ses études;
velles structures qui seront créées et l’ensemble des 2. de doter l’apprenant des instruments de l’expression
textes relus de manière à les rendre conformes aux nou- et de la communication parlée, écrite, graphique et
velles orientations de la politique éducative que le symbolique ; de développer ses capacités de compré-
Département entend lui donner à travers : hension, d’analyse, de raisonnement formel et de
1. la mise en place d’une structure pour accompagner la résolution de problèmes;
décentralisation ; 3. d’amener l’apprenant à analyser, apprécier et exploi-
2. l’identification des compétences à transférer ; ter l’histoire et la culture de son pays, les caractéris-
3. l’information et la sensibilisation des partenaires de tiques principales de son organisation politique,
l’école ; sociale et économique et de l’informer des potentiali-
4. la mobilisation des communautés à travers une tés et des perspectives de développement dans un
communication appropriée et soutenue ; contexte de mondialisation;
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4. de développer les capacités de l’apprenant à planifier l’élaboration du nouveau curriculum et précisément
et à organiser ses apprentissages et son perfectionne- pour la formulation des compétences à faire acquérir
ment culturel, en lui fournissant les outils de base de aux apprenants.
son propre travail intellectuel autonome. La stratégie de développement du curriculum pré-
voit, selon une interaction entre le niveau national et le
III. CONCLUSION niveau régional et subrégional, le schéma suivant :
Le développement du curriculum se fait selon une ● rédaction;
approche participative. C’est ainsi qu’au niveau structu- ● mise à l’essai;
rel, il est créé une Unité centrale de développement des ● validation;
curricula et ses démembrements aux niveaux régional et ● implantation.
subrégional. Toutes les couches socioprofessionnelles Le futur curriculum prévoit des compétences discipli-
sont partie prenante dans le processus devant conduire à naires, transversales et de vie.

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République Centrafricaine
Abel Koulaninga, André-Edgar Benam, Philippe Hoornahert et Alphonse Mabingui

I. INTRODUCTION ● entreprendre une action vigoureuse en vue de pro-


mouvoir le système d’éducation et de formation par
La gestion du système éducatif centrafricain a souffert, l’entremise du Plan national de développement de
ces dernières années, de nombreuses carences. Les l’éducation (PNDE) ;
structures éducatives ont vu leurs performances s’user ● s’engager dans la voie d’une réforme en profondeur
considérablement, sans aucune possibilité de régénéra- du système éducatif pour qu’il soit apte à assurer
tion. Des orientations, partielles ou parcellaires ont été pleinement ses missions.
bien souvent définies à court terme et mal suivies. A
l’absence de visions stratégiques s’ajoute l’affaiblisse- Les objectifs de la réforme
ment des capacités de gestion des structures de concep- Avant d’établir de nouveaux programmes d’enseigne-
tion des politiques et d’exécution. Les ressources ment, et de déterminer la méthode ou le matériel à utili-
humaines ont considérablement perdu leur qualité et ser, le système s’est fixé pour objectifs les points sui-
leur efficacité. vants :
Cette dégradation du système éducatif prend d’année ● la promotion de l’enseignement technique et profes-
en année une dimension inquiétante, réduisant la possi- sionnel ;
bilité de la majorité des jeunes Centrafricains d’envisa- ● le développement de l’enseignement scientifique en
ger l’avenir avec assurance et détermination à la fin de insistant sur l’enseignement scientifique des filles ;
leur cursus scolaire. Face à la gravité de la situation, de ● la promotion de l’enseignement supérieur en vue de
grandes orientations ont été initiées. L’adoption de la Loi disposer des ressources humaines, seuls agents d’un
97.014 du 10 décembre 1997 portant orientation de développement durable et véritable ;
l’éducation constitue l’élément essentiel des grandes ● l’expansion rapide de l’enseignement de base pour
mesures prises pour arrêter la dérive du système éducatif accélérer et fortifier le processus de développement.
en République Centrafricaine. Cette expansion doit être liée à l’amélioration de la
La grande nouveauté dans l’approche curriculaire, production scolaire. Il importe que l’enseignement de
c’est le principe que l’attention est portée sur les appre- base trouve à partir des contenus renouvelés d’autres
nants, et non plus sur les enseignants. Le système tradi- finalités que le seul accès aux ordres d’enseignement
tionnel privilégie l’enseignant, qui focalise l’attention et supérieur, tout en conservant néanmoins cette voca-
distribue un savoir absolu. Le système curriculaire privilé- tion ;
gie l’apprenant qui devient le centre et l’enjeu de tout sys- ● l’éducation doit diffuser les idéaux de paix, de tolé-
tème d’apprentissage. L’enseignant est l’accompagnateur. rance, et de solidarité et contribuer à l’enracinement
des valeurs démocratiques. Elle doit combattre, par
II. LES PRINCIPAUX AXES DE LA REFORME son implantation et son action, l’ignorance et la pau-
vreté. Elle doit donner à chaque individu ou groupe
1. Brève présentation des caractéristiques fondamen-
d’individus la possibilité d’une promotion personnel-
tales de la réforme
le ou collective ;
Les présupposés de la réforme ● la promotion d’un développement humain durable, la
Pour mener à terme la réforme du système éducatif protection de l’environnement, l’affermissement de
national, le pays doit : l’unité nationale, ainsi que la cohésion sociale grâce
● aborder avec assurance et sérénité les défis du 3ème à un système éducatif performant.
millénaire;
● réconcilier l’école avec le développement; les acteurs Les justifications de la réforme
doivent connaître leurs rôles, tout en étant assurés En dépit de multiples tentatives de réformes interve-
des bénéfices qu’ils tireraient de l’action commune; nues en République Centrafricaine, l’Etat n’est pas par-
● consentir des sacrifices nécessaires pour rendre le venu à introduire des changements significatifs dans
système plus efficace et efficient; l’organisation et le contenu de 1’enseignement public
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hérité de la colonisation. Il continue à explorer les pos- Les acteurs du système d’éducation et de formation
sibilités d’une meilleure adaptation du système éduca- L’un des facteurs déterminant du développement de
tif aux impératifs du développement et aux réalités l’éducation est l’implication totale et effective des
nationales. acteurs du système. L’Etat doit partager son assistance
D’une manière générale, les maux qui gangrènent le avec tous ceux qui sont impliqués dans l’action éducati-
système sont : ve. Ces acteurs sont nombreux, interviennent de maniè-
1. un système organisationnel profondément altéré, re significative et peuvent être rassemblés en fonction
provenant du fait que les orientations souvent défi- des catégories suivantes :
nies à court terme sont loin d’être exécutées faute de ● Les apprenants (les élèves) à travers leurs associa-
suivi. Par ailleurs, on déplore un affaiblissement des tions sont les premiers bénéficiaires de l’action édu-
capacités de gestion des structures, de conception de cative; ils sont également le noyau vers lequel
politiques et d’exécution, ainsi que le faible niveau convergent les efforts de tous les autres partenaires ;
de ressources financières. Les systèmes de produc- ● Les parents: les associations des Parents d’Elèves
tion et d’information sont complètement inefficaces (APE) jouent un rôle de première importance dans
et l’infrastructure éducative est souvent victime toute décision concernant l’action éducative. La
d’actes de vandalisme. famille est la première salle de classe et l’enfant
2. un système éducatif disfonctionnel, en raison du passe plus de temps à la maison qu’à l’école ;
fait que le système connaît une instabilité de pilo- ● Les enseignants: Ils sont incontournables et consti-
tage quasi permanente. Le cycle préscolaire tuent « la courroie de transmission » de l’acte consti-
demeure embryonnaire et démuni. Les cycles fon- tutif ;
damental I et II s’érodent de la faiblesse des infra- ● Les institutions de l’Etat : l’éducation nationale et
structures, de l’indigence des ressources humaines les autres départements ministériels s’imposent pour
et du niveau croissant de la population scolaire. Le une meilleure rentabilité des ressources financières
cycle supérieur est confronté aux mêmes pro- disponibles, tant au plan national qu’international.
blèmes. Parmi les partenaires institutionnels de l’Etat, on comp-
Ces profondes distorsions minent le système, l’appau- te, outre le Ministère de l’éducation nationale, les
vrissent et réduisent considérablement ses capacités à Ministères de la fonction publique et de l’emploi, du
répondre à la résolution des grands défis du pays. développement rural, des travaux publics, de la justice,
L’incapacité du système à exploiter le puissant atout lin- de l’administration du territoire ; les collectivités
guistique qu’est la langue nationale ne facilite pas la locales ; l’Assemblée nationale ; les partenaires institu-
promotion chez les apprenants, de certaines valeurs tionnels internationaux qui apportent une assistance
humaines, et ne privilégie pas certains types de compor- matérielle, technique ou financière ; les confessions reli-
tements nécessaires à l’épanouissement individuel et gieuses, dont le rôle fut jadis important dans l’œuvre de
collectif. scolarisation et qui doivent à tout prix être à nouveau
Les procédures du cursus scolaire et universitaire associées à l’action éducative. Il y a aussi les ONG, dont
sont loin de garantir la qualité des bénéficiaires des ser- certaines assurent de remarquables actions d’éducation
vices scolaires. Très sélectives, elles concourent plutôt et d’alphabétisation surtout en milieu rural. Les
au gaspillage des populations scolaires. Les taux élevés Associations d’anciens élèves sont aussi des partenaires
d’échecs, de déperdition, de chômage et la qualité de à mobiliser autour de l’école pour expliquer les pro-
plus en plus altérée des résultats constituent des préoc- blèmes d’éducation et de formation à la société civile.
cupations majeures. Les opérateurs économiques ont une contribution
La situation est encore plus critique en ce qui importante à donner, non seulement par leur assistance
concerne l’éducation non-formelle. Le secteur manque financière ou matérielle, mais aussi dans la définition
d’initiatives. L’essentiel des activités est l’apanage des des objectifs éducatifs. En effet, trop souvent, l’école
ONG. Ce sont bien souvent des programmes de forma- Centrafricaine ne s’est pas souciée du renforcement de
tion des adultes établis par des groupes religieux. ses liens avec le monde du travail. Ceci explique en
Beaucoup reste à faire pour élargir les bases de l’alpha- grande partie l’inadéquation à l’emploi. Les opérateurs
bétisation fonctionnelle. économiques doivent désormais être associés à la
réflexion sur les programmes et les cursus de formation
Les orientations à promouvoir et l’évaluation de ceux-ci. Leur contribution en faveur
Face à la gravité de la situation, des grandes orientations de l’encadrement des stagiaires et le financement des
ont été retenues par l’adoption de la Loi 97.014 du 10 établissements de formation professionnelle seront
décembre 1997. Elle introduit de notables modifications d’autant plus généreux qu’ils se sentiront véritablement
dans l’organisation et le fonctionnement du système et concernés par le développement du système éducatif
accentue les chances de la meilleure communication national. A compter également parmi les partenaires ins-
possible entre les acteurs, avec la reconnaissance offi- titutionnels de l’Etat, les médias nationaux et privés qui
cielle de deux langues de travail: le Sango et le sont aussi sollicités pour contribuer au dialogue national
Français. autour de l’école. Enfin, les syndicats des personnels de

51
l’éducation nationale sont des partenaires dont la partici- tiques et de manuels scolaires coûtent excessivement
pation active au dialogue national est requise. Ceci per- cher. Malheureusement, l’INR.AP et IDIFAMADI, deux
mettra de créer un véritable climat consensuel autour des services importants de l’éducation nationale, dont le rôle
solutions à retenir face aux multiples problèmes du sys- est de concevoir et produire les matériels didactiques, ne
tème éducatif. sont pas opérationnels faute de crédits de fonctionne-
ments. La Loi d’Orientation n’a pas pris en compte la
2. Analyse succincte de la réforme par rapport à ses production et la diffusion de matériel didactique. Il
propres objectifs convient également de noter une insuffisance au niveau
Les divers constats négatifs effectués depuis plusieurs de la planification, de la prévision et de l’évaluation des
années et plus récemment encore, celui réalisé à l’occa- programmes et projets du PNDE : par exemple, de 2001
sion des Etats généraux de l’éducation et de la forma- à 2005, il est prévu la construction de combien d’écoles
tion, ont conduit à la nécessité d’une nouvelle politique au fondamental I et II, combien d’enseignants seront for-
en vue de résoudre la crise persistante du système. més ou recyclés ?
A cet effet, le cadre stratégique du PNDE est une
réponse globale à l’ensemble des problèmes identifiés et La pertinence du texte de la réforme et ses insuffisances
reconnus du système. Il permet, pour chacun des objec- Le texte de la réforme du système éducatif Centrafricain
tifs majeurs, de mettre en place une stratégie d’en- serait un excellent outil de travail, si son contenu était
semble, avec des résultats à atteindre et des activités à respecté et mis en pratique d’une manière concrète. Les
mener à court, moyen et long terme pour les réaliser. Il objectifs sont bien définis, et un accent particulier est
s’organisent autour des quatre objectifs supérieurs sui- mis sur la rénovation des structures à tous les niveaux
vants: d’enseignement. Cependant, il n’y a aucun projet sus-
1. la qualité ; ceptible de créer ou de maintenir les établissements spé-
2. l’efficacité ; cialisés formant aux technologies modernes (informa-
3. l’accessibilité ; tique, Internet), dont l’évolution se fait aujourd’hui à un
4. l’équité. rythme accéléré. Il faut préparer le pays à l’utilisation de
la technologie qui se mondialise.
Structure
La scolarité est organisée par niveau d’enseignement : Difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de la
1. l’enseignement préscolaire ; réforme
2. l’enseignement fondamental I ; Toute réforme est une entreprise de longue haleine qui se
3. l’enseignement fondamental II ; fait par étapes et nécessite surtout de moyens financiers
4. l’enseignement secondaire général ; pour une concrétisation optimale. Bon nombre de
5. l’enseignement technique, professionnel et agricole ; réformes ont échoué faute de financement. Les difficul-
6. l’enseignement supérieur : recherche scientifique et tés sont dues à l’appauvrissement du pays, à l’endette-
technique ; ment de l’Etat vis-à-vis des institutions financières inter-
7. l’éducation non-formelle ; nationales, à des mesures contraignantes imposées par la
8. les établissements spécialisés pour handicapés. Banque mondiale et le FMI. L’application sectorielle de
l’ajustement structurel ne suffit pas à constituer une
Langues réforme du système éducatif. Elle ne fait qu’accélérer
Par le passé, le français était choisi comme langue d’en- leur paralysie.
seignement à tous les ordres d’enseignement. Après la
reconnaissance du Sango comme langue officielle, le Stratégies et méthodes de mise en œuvre
Sango et le français devinrent les deux langues d’ensei- Il convient en premier de relever les acquis. En effet, la
gnement en République Centrafricaine. L’enseignement Loi portant sur l’Orientation de l’Education a été adop-
en Sango est introduit au préscolaire et dans le cycle fon- tée et promulguée. Le Comité de suivi des recommanda-
damental I en l’an 2000. Une politique rationnelle d’uti- tions des Etats généraux de l’éducation et de la forma-
lisation de ces deux langues officielles dans les services tion a été mis en place; et le Plan national de
de l’Etat est promue pour soutenir leur usage dans l’en- développement de l’éducation (PNDE) a été élaboré. A
seignement. court terme, on a assisté à une mobilisation des res-
sources aux niveaux national et international et à la mise
Production de matériels didactiques en place de structures de gestion et d’exécution du Plan
La réussite scolaire ne sera jamais effective, si l’ambi- national. A long terme, une évaluation du PNDE est pré-
tion de donner un manuel scolaire à chaque élève n’est vue.
pas réalisée. Il y a une nécessité de concevoir des
manuels scolaires, de diversifier ou créer les circuits de Dispositions concrètes d’amélioration du texte et des
distribution du livre, d’appuyer les réseaux de biblio- résultats
thèque et de soutenir le secteur de l’éducation au niveau Il est envisagé d’adapter et d’actualiser le texte de la
du pays. En effet, les importations de matériels didac- réforme au regard des modifications dues à l’évolution
52
du temps. Une possible retouche des stratégies est éga- ● la réinsertion des primes d’engagement aux
lement prévue dans le but d’infléchir les résultats meilleurs élèves pour susciter l’émulation.
escomptés. Parmi les mesures en vue de promouvoir les
L’enseignement fondamental II
réussites, les dispositions suivantes ont été retenues:
Les points et caractéristiques principaux de ce niveau
1. la mise en synergie des différentes commissions de
sont les suivants :
travail mises en place ;
● la revalorisation du concours d’entrée en sixième en
2. la coordination des activités ;
le rendant plus sélectif en vue de permettre la forma-
3. le partenariat avec les ONG nationales et internatio-
tion des futurs cadres moyens et supérieurs de la
nales ;
nation dans les trois filières définies par la Loi de
4. l’implication des programmes intéressés ;
1997 relative aux enseignements général, technique
5. l’évaluation à mi-chemin ;
et agricole ;
6. l’ajustement des stratégies et méthodes d’approche. ● le maintien du livret scolaire en vue de suivre l’élève;
● la lutte contre les pratiques de recrutements complai-
3. Programmes élaborés ou prévus par le texte pour
sants ;
soutenir la réforme ● la révision des programmes de formation en intro-
Les instructions officielles définissent pour chaque duisant, dès la classe de sixième, des enseignements
ordre d’enseignement les méthodes d’enseignement et scientifiques et techniques ;
les connaissances essentielles qui doivent être acquises. ● l’introduction du travail productif et la vulgarisation
du travail manuel ;
L’enseignement préscolaire
● la réintroduction des cours de morale et d’instruction
Le programme a pour bases :
civique ;
● l’exercice physique ;
● la mise en place des tests psychologiques au niveau
● les activités ludiques ;
des classes de 5ème, 3ème en vue d’une meilleure orien-
● l’esprit de créativité ;
tation des élèves ;
● l’initiation artistique ; ● la prise de mesures concrètes pour la formation de
● les activités d’éveil .
professeurs en adéquation avec les nouveaux pro-
● La finalité est de préparer l’enfant à vivre en harmo- grammes ;
nie avec son environnement. ● La modernisation de l’enseignement de l’anglais ;
L’enseignement fondamental I ● le recrutement des professeurs vacataires, soumis à
L’école nouvelle doit s’inspirer de la philosophie des une sélection plus rigoureuse et suivi d’une forma-
anciennes écoles de promotion collective (EPC), afin de tion pédagogique obligatoire ;
rendre les produits du système plus opérationnels et aptes ● l’application du texte régissant le transfert d’un
à s’intégrer dans leur milieu. Le programme comprend: élève à l’établissement public et vice-versa ;
● l’éveil scientifique et technique ; ● l’admission dans les établissements, assujettie à un
● les activités productives ; test.
● l’éducation à la santé et à l’environnement ; L’enseignement secondaire général
● l’éducation morale et l’éducation civique ; Les points et caractéristiques principaux de ce niveau
● l’éducation culturelle et artistique ; sont les suivants :
● la participation des coopératives scolaires, en vue ● la prise de mesures incitatives pour encourager les
d’apprendre à l’enfant à se prendre en charge et à élèves à s’orienter dans les filières scientifiques (sys-
s’intéresser à son environnement par le travail com- tème d’internat ou semi-internat) ;
munautaire et manuel. Ceci développera en l’enfant ● la révision des programmes en mettant l’accent sur
le sens des responsabilités ; les matières scientifiques même dans les séries litté-
● l’introduction du Sango ; raires ;
● la création des centres spécialisés pour les enfants de ● la mise en place des tests psychologiques au niveau
la rue en vue d’une meilleure insertion sociale ; ainsi des classes de seconde et de terminale ;
que la création et la maintenance des structures d’ac- ● la réinstauration du Baccalauréat probatoire en clas-
cueil pour les élèves ayant échoué leur passage en se de première, afin d’améliorer le niveau des futurs
sixième ; bacheliers ;
● le recyclage et la formation permanente des ensei- ● la révision des conditions d’accès à l’Ecole normale
gnants fonctionnaires et agents communaux (maîtres supérieure en privilégiant les critères d’excellence.
- parents) ; Pour ce faire, des mesures incitatives (bourses sub-
● la formation à distance ; stantielles, contrat d’intégration) seront mises en
● la création des classes pilotes ; place ;
● l’obligation pour chaque élève d’avoir un « livre » ● la réhabilitation ou la création, ainsi que la mainte-
scolaire qui permettra de le suivre tout au long de sa nance des laboratoires dans les lycées à vocation
scolarité ; scientifique ;

53
● la réhabilitation ou la création de bibliothèques et de ● la révision et l’actualisation du cadre juridique relatif
terrains de sport. A cet effet, des archivistes, docu- aux établissements privés de formation profession-
mentalistes et bibliothécaires seront formés ; nelle pour résoudre les problèmes de l’adéquation
● la construction de clôtures autour de tous les établis- formation - emploi.
sements pour une meilleure protection ;
Le secteur informel
● la création de classes pilotes. Il est prévu que le Lycée technique, en collaboration
L’enseignement technique et professionnel avec l’ex-ONIFOP, étudie et définisse à court terme un
Les points et caractéristiques principaux de ce niveau programme de formation ponctuelle à l’adresse des
sont les suivants : «Boubanguéré» qui peuvent s’organiser en coopérative.
● la révision du programme en fonction des besoins Des centres d’insertion de jeunes seront créés sur le
exprimés par le marché de l’emploi ; territoire national, à l’instar de l’école communautaire de
● la création ou la suspension de certaines filières ; la Nana-Gribizi, en projet dans le cadre de la micro-pla-
● la création d’un Baccalauréat de séries E (mathéma- nification soutenue par l’UNICEF.
tique et technique) pour la formation des ingénieurs. L’enseignement supérieur
Les titulaires du baccalauréat des séries F devront Les points et caractéristiques principaux de ce niveau
être orientés dans les filières de BTS ; concernent surtout la réactualisation des recommanda-
● la révision des statuts des établissements d’enseigne- tions des Etats généraux de l’enseignement supérieur de
ment technique et professionnel, en vue de permettre 1987 sur le rôle de l’université dans le développement
un partenariat simple avec les opérateurs écono- national en vue de leur application. Plus particulière-
miques ; ment, les mesures retenues prévoient :
● une série de mesures allant dans le sens d’une plus ● la création des filières professionnelles courtes (DES,
grande autonomie des établissements dans le cadre BTS, etc) ;
de la décentralisation et l’adaptation à l’environne- ● la professionnalisation des filières, soit en formation
ment ; initiale, soit en formation continue, en partenariat
● l’encouragement et la systématisation du partenariat avec les secteurs productifs qui devront jouer un rôle
entre l’enseignement technique et professionnel et le plus important dans la définition des politiques de
secteur privé ; le développement de relations complé- formation ;
mentaires avec les centres de formation profession- ● le développement des activités de production généra-
nelle des divers départements ministériels. Dans ce trice de ressources financières. Pour ce faire, des
but, le Comité national de l’enseignement technique moyens financiers seront mis à la disposition des ins-
et professionnel existant sera réhabilité ; tituts de technologie, en vue de créer des ateliers et
● le versement d’une partie des taxes d’apprentissage des juniors entreprises ;
aux établissements d’enseignement technique et pro- ● l’apprentissage de l’anglais sera rendu obligatoire
fessionnel et la mise en place d’un budget substantiel dans tous les secteurs de l’Université ;
d’équipement et de fonctionnement en faveur desdits ● la mise en place, si les conditions le permettent en
établissements. Certaines filières de ces centres termes de ressources humaines qualifiées et adé-
devront être maintenues et valorisées en fonction des quates, de maîtrises semi-professionnalisées ;
études locales de marché du travail et d’emploi. Les ● afin de garantir la qualité des services d’enseignement
formations dans ces centres seront prises en charge et de rechercher les recrutements des enseignants, les
conjointement par l’éducation nationale et les parte- autorités doivent passer obligatoirement par la com-
naires économiques bénéficiaires de ces formations ; mission de recrutement et d’avancement des ensei-
● le Collège d’enseignement technique féminin gnants par le conseil d’Université. Les ressortissants
(CETF) forme les élèves ayant terminé la classe de des pays africains et malgaches devront faire valider
5ème au Brevet d’études techniques (BTS), les élèves leurs diplômes et leurs grades par le CAMES. D’autre
possédant le BEPC ou BET, et des jeunes filles dans part, les enseignants sont appelés à se perfectionner
le domaine de l’économie familiale. Cette discipline par la formation pédagogique et par la recherche.
vise à aider individus et groupes à résoudre les pro- Pour ce faire, on encouragera leur participation à des
blèmes de la vie en société. Le recrutement dans ce séminaires, colloques, et stages de recherche;
centre devra faire l’objet d’une sélection ● le principe du congé sabbatique sera adopté, et géré
rigoureuse ; conjointement par le chef d’établissement et le recto-
● la création d’une école hôtelière et touristique pour la rat ;
formation de guides et d’agents de voyages, des ● l’âge de retraite des enseignants de l’université sera
hôtes et des restaurateurs ; fixé à 65 ans au moins ;
● la création d’une Ecole professionnelle des eaux et ● l’Université bénéficiera d’une autonomie financière
forêts pour la formation de gardes forestiers et de et administrative. Cette autonomie permettra, entre
techniciens de la pêche, ainsi que d’agents de lutte autres, le choix des principaux responsables par voie
anti-braconnage ; élective ;
54
● la recherche et le développement seront privilégiés, gnement de base dans le but d’accélérer et de fortifier le
en encourageant le partenariat avec les structures de processus de développement dans les pays défavorisés.
recherche existantes ; Par ailleurs, de plus en plus, on parle de l’introduction
● De ce fait, la notion d’acropole qui fait appel à la de l’informatique et de l’Internet dans l’enseignement et
fois à la recherche, à la formation et à la production la formation. Les recommandations de Séoul et de
dans un espace donné, doit être renforcée. Le domai- Budapest sur l’enseignement technique et professionnel,
ne agro-pastoral et minier devra bénéficier d’une ainsi que la science sont pris en compte.
formation supérieure. L’installation des diplômés Défis dérivés de ces tendances
sera favorisée par l’octroi de crédits au vue de pro- Après l’accession de la plupart des pays africains au Sud
jets viables ; du Sahara à l’indépendance, l’école africaine était une
● les sujets de mémoire des étudiants seront orientés copie conforme, une suite logique du modèle étranger.
vers des questions touchant au développement pour Le système d’enseignement, inspiré de l’Europe, n’a pas
créer une adéquation entre recherche et développe- subi de modifications majeures et est resté inadapté aux
ment ; réalités des pays africains. C’est également ce qui s’est
● les structures, l’enrichissement des collections et la produit en République Centrafricaine. Il en résulte la
modernisation du fonctionnement de la bibliothèque nécessité d’inventer un nouveau modèle d’école adaptée
seront développées pour les étudiants Un cours à l’enseignement du pays et qui réponde aux besoins
d’initiation à la bibliothèque sera institué pour les locaux, au développement. Cette nouvelle école doit de
étudiants ; manière croissante orienter sa formation vers l’emploi et
● l’Université sera associée à la conception des projets la profession. La priorité est donc accordée à l’éduca-
de développement du pays ; tion de base, à l’enseignement de la science et de la
● le développement sur le terrain des enseignants sera technologie. En République Centrafricaine, l’accent est
encouragé, ainsi que l’accès des étudiants aux sorties mis sur la formation scientifique et technologique des
pédagogiques. jeunes filles. Bref, l’éducation et la formation doivent
● une collaboration entre l’Université et l’ENAM sera être adaptées aux réalités de chaque pays africain et aux
établie, en vue de préparer les futures structures nouvelles technologies mondiales.
régionales.
Situation comparée des dispositions avec les réalités
4. Adéquation entre les besoins des populations et la locales
Les dispositions prises rencontrent les attentes et les
réforme face aux changements mondiaux
conditions réelles des populations centrafricaines. Elles
Réalité locale et besoins des populations prennent en compte l’environnement socioculturel des
Les programmes de développement de la réforme des populations et leur fournissent les moyens matériels et
différents ordres d’enseignement se trouvent en parfaite intellectuels adéquats leur permettant de présider à leur
adéquation avec les besoins des populations face aux propre destinée, de se prendre en charge et d’être utiles
changements mondiaux. Il faut inventer ou créer un dans la société. Les objectifs assignés à chaque ordre
modèle d’école qui privilégie l’enseignement fonda- d’enseignement, depuis la maternelle jusqu’à l’enseigne-
mental, technique et professionnel ; une nouvelle école ment supérieur, illustrent clairement le rapport qui existe
tournée vers la professionnalisation et l’emploi. Il faut entre les dispositions de la réforme et les réalités locales.
adapter l’enseignement et la formation à la réalité des
Actualisation de la réforme aux nouvelles donnes mon-
besoins du développement
diales
L’éducation de base doit favoriser les apprentissages
La réforme du système éducatif centrafricain est d’ac-
fondamentaux et l’insertion des jeunes dans la vie acti-
tualité. Elle prend en compte les nouvelles donnes mon-
ve. La nouvelle école doit cesser d’être la copie confor-
diales et les défis actuels. Les valeurs à enseigner pour y
me de l’école étrangère qui enseigne peu de savoir-faire
faire face sont nombreuses. Parmi celles-ci, on peut
utile et qui, dans la majorité des cas, ne débouche plus
citer:
sur l’emploi.
● Les Droits de l’Homme, la citoyenneté et leurs
Manifestation des grandes tendances du contexte mondial contenus d’enseignement respectifs qui sont indisso-
Le texte de la réforme du système éducatif est en harmo- ciablement liés. Ainsi la pratique démocratique a fait
nie avec les grandes tendances du changement mondial. son entrée à l’école ;
Dans la Loi portant orientation de l’éducation, la RCA ● Les droits et les devoirs de chaque individu doivent
reconnaît que l’enseignement est obligatoire pour tous intégrer la nouvelle éducation de base et parcourir
les enfants de deux sexes de l’âge de six à 16 ans. Elle a l’éducation tout a long d’une vie. Cette conception
adhéré au fameux slogan onusien de l’«Education pour conduira à un remaniement de la structure classique
tous en l’an 2000». Dans la loi de l’orientation, tout de l’enseignement en le désinstitutionnalisant. En
comme pendant la conférence de Jomtien sur mettant l’éducation à la portée de tous, on appelle à
l’Education pour tous en mars 1990, il s’est dégagé un une révision des contenus et méthodes d’apprentis-
accord pour favoriser une expansion rapide de l’ensei- sage ;

55
● Mondialisation et éducation : les nouvelles technolo- 3. l’expérimentation et la mise en œuvre des pro-
gies contribuent à faire de l’éducation un instrument grammes adaptés ;
qui non seulement permet d’accéder au champ mon- 4. le suivi et l’évaluation de la mise en oeuvre des pro-
dial caractérisé par la compétition, mais qui permet grammes.
également d’y participer avec profit en en prévenant Les difficultés rencontrées sont toujours d’ordre finan-
les effets pervers ; cier et matériel.
● La solidarité internationale: les rapports inégaux sur
le plan économique nécessitent des assistances 3. Résultats attendus par rapport à la pédagogie choisie
mutuelles entre les pays nantis et les pays pauvres.
Les résultats attendus par rapport à la pédagogie par
L’éducation devra être conçue de manière à dévelop-
objectifs sont nombreux:
per la coopération et l’entraide internationales ; ● l’amélioration et le développement de tous les ordres
● Education et bonne gouvernance: la bonne gestion
d’enseignement, et leur adaptation aux réalités locales;
de la chose publique devra s’apprendre dès l’école. ● une bonne formation des enseignants ; qualification
Le contenu de l’éducation devra être conçu de
du personnel d’encadrement pédagogique et du per-
manière à préparer les futurs responsables à la pra-
sonnel d’appui administratif ;
tique démocratique ;
● le suivi des apprenants et la planification de l’activité
● Tolérance et culture de la paix: le développement de
pédagogique du personnel, des ressources maté-
la compréhension internationale reste l’une des
rielles, financières et informationnelles ;
valeurs contribuant au règlement des conflits et au
● l’adaptation de l’enseignement aux réalités natio-
maintien de la paix. La République Centrafricaine
nales et aux défis du développement ;
avait introduit dans les écoles les «Ambassadeurs de
● le recyclage, l’encadrement, la rémunération, la pro-
la Paix» chargés de maintenir la paix dans les écoles,
tection des enseignants et le recyclage du personnel
les quartiers et les arrondissements ;
d’appui ;
● Education et environnement : en 1996, l’éducation
● l’adaptation des textes d’appui aux programmes, à la
environnementale fut introduite dans les program-
gestion du personnel, à la gestion financière, maté-
me scolaires, suite à des séminaires de sensibilisa-
rielle, informelle, aux règlements scolaires ;
tion et de formation des enseignants. Des modèles
● une meilleure efficacité des services financiers, de la
de fiche pédagogique ont été élaborés pour per-
gestion matérielle et informationnelle ;
mettre aux enseignants de transmettre efficacement
● l’augmentation de la capacité d’accueil des différents
cette matière ;
● Education à la vie familiale. ordres d’enseignement, de l’effectif du personnel ensei-
gnant et du personnel d’encadrement, de l’effectif du
personnel enseignant et du personnel d’encadrement,
III. L’ARTICULATION ENTRE
de la capacité de mobilisation des ressources maté-
LA REFORME DES CURRICULA
ET LE DEVELOPPEMENT CURRICULAIRE rielles, financières, informationnelles et humaines;
● un apprentissage plus efficace.
1. Objectifs assignés à l’éducation par la réforme.
Les objectifs assignés à l’éducation par la réforme sont 4. Méthodes et stratégies du développement des
au nombre de quatre. Il s’agit: curricula
1. D’améliorer la qualité du système éducatif; Le développement des curricula se résume au schéma
2. De renforcer l’efficacité du système éducatif; par étapes suivant:
3. D’étendre l’accès au système éducatif; 1. les finalités de l’éducation ;
4. D’assurer l’équité dans le système éducatif. 2. les objectifs généraux et spécifiques ;
3. les apprenants sont les élèves : il conviendra de tenir
Chacun des objectifs est découpé en objectifs straté-
compte de leurs aspirations, de leurs besoins, et de
giques à partir desquels ont été proposés des résultats et
leurs aptitudes ;
activités, des programmes et projets. Des objectifs ont
4. les contenus sont déterminés en fonction des pro-
aussi été assignés spécifiquement à chaque ordre d’en-
grammes et des intérêts des élèves ;
seignement.
5. les méthodes sont choisies en fonction des objectifs,
des contenus, et du niveau de la classe ;
2. Stratégie d’élaboration des programmes et des
6. les moyens didactiques, dont on conditionnera le
manuels
choix et l’usage ;
Pour la mise en œuvre des programmes du PNDE, plu- 7. les formes ou modes d’organisation de l’apprentissa-
sieurs stratégies ont été mises en place. Celles-ci concer- ge : en classes, en groupes, ou en cercles ;
nent : 8. le lieu de l’apprentissage : dans les salles de classe,
1. la mise en place d’une commission et l’établissement les bibliothèques, les laboratoires ;
du bilan-diagnostic de l’adaptation des programmes 9. l’évaluation des performances en fonction des objec-
aux réalités locales ; tifs; les instruments et techniques à choisir ou à éla-
2. l’élaboration de programmes adaptés; borer ;
56
10. les modalités d’articulation entre apprentissage for- les jeunes, porteurs des innovations et des valeurs de
mel, non formel et informel ; demain, à affronter les grands défis du XXIème siècle que
11. l’auto-évaluation de l’activité didactique. sont : la famine, la guerre, la dégradation de l’environ-
Le choix de la réforme des programmes par le systè- nement et la perte de la dignité humaine.
me des curricula abandonne ainsi les anciens programmes Ainsi, grâce au système des écoles associées regrou-
qui n’étaient que des «listings» proposant des contenus pant au niveau nationa1 26 établissements scolaires,
inadaptés et un sommaire plus ou moins complet. dont 19 du cycle primaire et 7 du secondaire, les ensei-
Le système curriculaire prend en compte l’ensemble gnants ont réussi à introduire des éléments instructifs
des différents paramètres qui entrent dans la composi- dans les différentes matières, visant à éveiller l’engage-
tion d’un programme; les apprenants, mais aussi leur ment des jeunes et à les encourager à prendre conscien-
environnement (social, économique, culturel...), les ce des problèmes mondiaux. Le projet vise également à
tenants et aboutissants de toute formation spécifique, les stimuler l’imagination et la créativité des enseignants et
besoins des populations, les débouchés, les profils d’en- des élèves, afin d’enrichir la pédagogie liée à l’éduca-
trée et de sortie. Bref, la réforme propose des pro- tion aux droits de l’homme, à la paix et à la protection
grammes adaptés à chaque secteur d’activité et à chaque de l’environnement, selon les approches multidiscipli-
groupe-cible donné. naires et interdisciplinaires.
Il convient de noter qu’en décembre 1998, le
5. Mode d’organisation de l’apprentissage Ministre de l’éducation nationale a organisé un séminai-
re-atelier de formation, afin de permettre aux ensei-
Les programmes élaborés selon le système des curricula
gnants de préparer un certain nombre de matériels
sont plus performants, parce que les stratégies utilisées
didactiques. Ces deniers apporteront aux élèves des
pour leur élaboration ainsi que les pédagogies spéci-
connaissances précises et les encourageront à acquérir
fiques (pédagogie par objectifs, active...) prennent réel-
les savoirs, afin qu’ils puissent décider et agir avec
lement en compte les problèmes posés par l’apprentissa-
maturité.
ge et la formation. Une fois le choix fait, la stratégie de
l’approche curriculaire exige plusieurs directions de
recherche. Ces directions s’orientent selon :
● les objectifs généraux et objectifs opérationnels ;
● les profils des apprenants ; Bibliographie
● l’environnement social, culturel, économique ;
● les profils de sorties ; Beauté, J. 1994. Les courants de la pédagogie contem-
● les contours des programmes ; poraine. Namur, Belgique, Erasme ; Lyon,
● le mode d’apprentissage ; France, Chronique sociale. 184 p.
● les profils et la formation des enseignants ; Centre international d’études pédagogiques. 1999. Le
● l’élaboration des manuels et documents didactiques ; droit à l’éducation: vers de nouveaux contenus
● le choix de pédagogies appropriées ; pour le XXIè siècle. Revue internationale de
l’éducation (CIEP, Sèvres, France), n° 24,
● l’interdisciplinarité, afin d’établir un pont entre les
partie 1, décembre.
disciplines enseignées, en permettant une circulation
Kraevskij, L.Y., et al. 1985. La théorie du contenu des
dynamique des idées entre enseignants et apprenants.
programmes d’enseignements en URSS. Paris,
UNESCO. 127 p.
6. Place accordée à l’approche interdisciplinaire des
Marger, R.I. 1977. Comment définir des objectifs péda-
sujets
gogiques. Paris, Édition Bordas. 131 p.
Suite aux recommandations formulées lors des Etats Ministère de l’éducation nationale. 1994. États géné-
généraux de l’éducation et de la formation organisées en raux de l’éducation et de la formation. Bangui.
République Centrafricaine en juin 1994, le Ministre de 133 p.
l’éducation nationale, en coopération avec l’UNESCO, ——. 1999. Plan national de développement de l’édu-
a décidé de mettre en application un programme expéri- cation 2000-2001. Bangui. 144 p.
mental basé sur l’éducation aux droits de l’homme et à ——. 2000. Éducation pour tous: Bilan à l’an 2000.
la culture de la paix. Bangui. 62 p.
Ce programme, destiné aux élèves des cycles pré- Rassekh, S. ; Vaideanu, G. 1987. Les contenus de l’édu-
scolaire, primaire et secondaire, a pour but de préparer cation. Paris, UNESCO. 311 p.

57
Sénégal
Cheick Diakhate, Serigne Fall et Souleymane N’Diaye

I. INTRODUCTION Un cadre expérimental comportant divers éléments


fut mis en oeuvre. Il convient de souligner qu’il s’agit
En guise d’introduction à ce survol de la réforme de l’en-
d’une expérience et non d’une expérimentation. En effet,
seignement élémentaire au Sénégal, il peut d’entrée en
les critères devant guider l’évaluation terminale et un
être retenu que cette réforme a démarré en réalité dès le
schéma-type doublé de justification des choix opérés ne
début des années 1980. Au-delà de ses multiples facettes,
furent pas définis au préalable.
elle est caractérisée par le fait qu’elle a été traversée tout
L’Institut national d’étude et d’action pour le déve-
au long de son développement par un souci permanent
loppement de l’éducation (INEADE) fut chargé d’opéra-
d’évolution vers une approche curriculaire. De ce fait, le
tionnaliser ce projet, ce qui consista à introduire toute
Sénégal aujourd’hui envisage la mise à l’essai d’un nou-
une panoplie d’innovations d’ordres institutionnel, struc-
veau curriculum de l’école de base dont le contenu pres-
turel et pédagogique. Ces innovations feront l’objet du
criptif a été largement préparé par les phases antérieures:
présent développement.
classes, écoles pilotes dans le cadre du concept d’école
nouvelle ; et, plus récemment, depuis 1998, progression
1. Caractéristiques des contenus des nouveaux pro-
vers une approche curriculaire définie en fonction des
grammes définis pour l’école nouvelle
compétences.
Elaborés par différentes commissions spécialisées, les
II. APERÇU SUR LE PROJET D’ECOLE NOUVEL- nouveaux programmes ont les caractéristiques
LE AU SENEGAL suivantes :
● une nouvelle orientation pédagogique, à savoir l’en-
A l’issue des Etats Généraux consacrés à l’éducation et à
trée en pédagogie par les objectifs;
la formation (EGEF) en 1981, de nouvelles missions
● une révision de la notion de programme devant
découlant du consensus national ont été assignées au
désormais être approchée sous l’angle de profit, à
système éducatif national, afin que l’école Sénégalaise
l’issue de chacune des différentes étapes (3) du cycle
devienne :
fondamental de l’école nouvelle;
● une école nationale et démocratique, au service du
● une intégration de la formation pratique comme acti-
peuple ;
vité de formation;
● une école ouverte sur le milieu, intégrant à la fois
● une intégration de certaines disciplines (histoire, géo-
l’apprentissage des langues nationales et le travail
graphie, sciences) dès la première étape (CI - CP);
productif pour mieux sécuriser l’enfant en l’enraci-
● les nouveaux programmes visent une meilleure
nant d’abord dans sa culture nationale ;
● une école laïque et tolérante, intégrant l’éducation réconciliation de l’école avec son environnement et
concernent toutes les disciplines d’enseignement.
religieuse ;
● une école visant chez l’enfant le développement du
2. Le cadre expérimental des nouveaux programmes
savoir (connaissances), du savoir–faire (aptitudes et
compétences) et du savoir-être (attitudes), pour Le dispositif expérimental arrêté par les experts a identi-
garantir l’épanouissement de l’enfant dans un monde fié cent classes, choisies dans les dix régions administra-
en perpétuelle mutation. tives du Sénégal. Ces classes, appelées «classes
Pour traduire ces vœux exprimés lors de ces impor- pilotes», durent mettre en application ces programmes
tantes assises, le Ministre de l’éducation nationale, par pilotes expérimentaux à partir de l’année scolaire
l’intermédiaire de la Direction de la réforme de l’édu- 1987/88. Ceci se déroula sous la supervision de la DREF
cation et la formation (DREF) a décidé d’élaborer et et avec l’accompagnement technique et méthodologique
d’expérimenter de nouveaux programmes. Ceux-ci de l’INEADE, chargé d’introduire les innovations néces-
seraient déclarés en conformité avec la philosophie saires pour marquer les changements attendus.
générale du projet d’école nouvelle défini par les Etats Les classes pilotes étaient réparties de la manière sui-
généraux. vante:
58
● 25 classes de cours d’initiation (CI); gogie par les objectifs (PPO) qui constitue le référentiel
● 25 classes de cours élémentaire 1ère année (CE1); méthodologique des nouveaux programmes.
● 25 classes de cours élémentaire 2 ème année (CE2); Enfin, un séminaire visant les mêmes objectifs que
● 25 classes de petite section pour l’éducation présco- ceux cités plus haut a été organisé à Dakar pour les acteurs
laire. qui n’avaient pu participé aux deux premiers séminaires.
Le choix des maîtres et des classes a été opéré par le
corps de contrôle, à partir de critères de compétences, 5. Les stratégies d’application des nouveaux pro-
d’expérience et de dévouement aux idéaux de l’école grammes
nouvelle. L’application concerne essentiellement les tâches de
On veilla également à une répartition représentative coordination, d’encadrement et de suivi relatif à la mise
entre milieux urbain et rural. en oeuvre des nouveaux programmes dans les classes
Enfin, on choisit, à côté des classes pilotes devant pilotes. La coordination nationale de l’expérimentation
appliquer les nouveaux programmes, des classes dites fut assurée par la DREF.
témoins travaillant sur les anciens programmes. Au niveau régional, un coordonnateur régional fut
désigné et une cellule départementale de suivi consti-
3. Les documents pédagogiques de mise en oeuvre tuée. L’encadrement et le suivi revinrent aux inspecteurs
Deux documents fondamentaux ont été élaborés pour désignés et aux directeurs impliqués, avec l’appui des
accompagner les nouveaux programmes, permettant personnes-ressources présentes aux niveaux local et
ainsi au personnel désigné d’accomplir la tâche qui leur national (INEADE, Ecoles de Formation).
était dévolue. Il s’agit du guide pédagogique pour les Les interventions s’opéraient sous forme de séances
classes pilotes et du programme pour les classes pilotes. d’animation pédagogique, de visites de classes et d’or-
Ce dispositif d’accompagnement a été complété par ganisation systématique de stages stratifiés.
un programme de manuels scolaires élaborés à partir
d’un programme éditorial national dès 1989, couvrant III. ANALYSE CRITIQUE DE LA REFORME
ainsi les besoins des classes élémentaires (cf. le pro- Cette phase peut être circonscrite essentiellement en
gramme éditorial de l’INEADE 1988 – 1990). Les trois axes :
documents fondamentaux (guide et programme) rappel- 1. les objectifs ;
lent les finalités de l’action éducative et les missions de 2. les stratégies de mise en œuvre ;
l’école, en particulier au niveau de l’éducation présco- 3. les résultats tirés de la première phase (qui a duré
laire. Des indications pédagogiques y figurent égale- deux ans).
ment, à l’attention des enseignants. L’absence d’un schéma d’évaluation terminale signalée
Les documents mentionnent aussi l’organigramme plus haut conduit à limiter notre analyse aux deux pre-
du cycle fondamental et fournissent les horaires concer- mières années sur lesquelles porta une évaluation à
nant les différentes disciplines. mi-parcours. Sans prétendre aller en profondeur dans
Le guide méthodologique renseigne sur les objectifs l’analyse des acquis et des limites de l’expérimentation,
généraux, spécifiques et opérationnels relatifs à chacune nous nous contenterons de retenir quelques grandes
des disciplines tout en édictant un certain nombre de idées ou lignes fortes dégagées lors de la première éva-
conseils méthodologiques à suivre. Les objectifs péda- luation d’étape opérée par une équipe de spécialistes à
gogiques à atteindre par les élèves à la fin de chacune l’INEADE, après deux ans de mise en oeuvre des inno-
des différentes étapes ont été définis au niveau du docu-
vations introduites par la Réforme.
ment des programmes des classes pilotes, à la fin de
chacune des différentes étapes, à l’aide d’un inventaire
1. Les objectifs de mise en oeuvre
d’items.
La clarté et la pertinence des objectifs de la Réforme ont
4. Les séminaires préparatoires de mise en oeuvre été confirmées dans une conclusion tirée de la première
évaluation. En effet, dans le document de synthèse, on
Un premier séminaire d’information et de sensibilisa-
peut lire que «(l)a majorité des maîtres, directeurs, ins-
tion a été organisé pour les membres des corps de
pecteurs, déclarent que l’encadrement et le suivi organisés
contrôle de l’école élémentaire et de l’éducation présco-
respectivement par l’INEADE et les comités régionaux et
laire (2 et 3 septembre 1987 - ENDR - THIES). Ce
départementaux sont efficaces et ont aidé de manière
séminaire a permis aux inspecteurs de réfléchir sur les
positive au déroulement de l’expérimentation, ce qui sup-
innovations introduites par ces nouveaux programmes et
pose une perception claire par les acteurs des objectifs et
sur les problèmes soulevés par leur application.
de la ligne d’orientation tracée par la Réforme.»
Un deuxième séminaire de sensibilisation et de for-
mation à l’endroit des directeurs et des maîtres désignés
2. Les stratégies de mise en oeuvre
pour expérimenter les nouveaux programmes s’est
déroulé du 30 septembre au 3 octobre 1987 à Saly L’analyse porte essentiellement sur l’instrumentation de
(Mbour). II devait assurer une bonne initiation à la péda- la réforme, sous son volet pédagogique.

59
Le rapport signale que les documents pédagogiques responsabilisation sont les concepts permettant à la
que sont le guide pédagogique et les nouveaux pro- réforme de s’articuler par rapport aux réalités locales.
grammes ont facilité l’expérimentation. En effet, ils ont Le projet d’école, véritable creuset de compétences,
permis la diffusion de nouvelles techniques et d’indica- est une manifestation concrète de l’école nouvelle,
tions méthodologiques efficaces. tirant toute sa substance et ses ressources desdites ins-
Toutefois, des améliorations relatives à l’opération- tances.
nalisation des items, à la gestion du temps et à l’ap-
proche modulaire y sont vivement souhaitées. Par 2. Réforme et environnement pédagogigue
ailleurs, y sont également suggérés des indices d’amé-
L’année 1987 marqua le début de l’expérimentation
lioration, pour ne pas dire de remise en cause de la
des nouveaux programmes dans les classes pilotes.
réforme, notamment avec l’introduction du paramètre
Ceci conduisit les concepteurs à visiter de nouveaux
consacré à la gestion des innovations. La formation
domaines dans le champ éducationnel pour mettre en
des maîtres fait également l’objet de commentaires
oeuvre la pédagogie par objectifs (PPO). Par ailleurs,
critiques.
les maîtres furent initiés à la maîtrise de nouvelles
techniques d’enseignement et d’apprentissage :
3. Les résultats et les acquis de la réforme approche modulaire, gestion des grands groupes, péda-
Les résultats scolaires des élèves constituent le point gogie par alternance travail productif, etc. L’année
focal de l’évaluation des résultats. Les conclusions tirées 1987 a été également celle du lancement du program-
des tests menés à cet effet indiquent que le niveau des me éditorial national, en tant que stratégie d’accompa-
élèves des classes pilotes n’est pas inférieur à celui des gnement, comme l’avaient recommandé les Etats
élèves des classes témoins (ou classes traditionnelles). généraux.
Au contraire, il semble que le niveau des élèves des La conception et l’élaboration de nouveaux manuels
classes pilotes soit légèrement supérieur. Aussi, les adaptés aux réalités locales sénégalaises (collection, Sidi
élèves des classes pilotes ont acquis de nouveaux et Rama) est marquée par la spécificité suivante: les
savoirs; par contre, l’acquisition de nouveaux manuels sont élaborés à partir de corpus de programmes
savoir-faires paraît moins évidente. anciens et nouveaux.
Concernant le développement de l’innovation, la Néanmoins, le fait le plus marqué reste la mise sur
majorité est favorable à la poursuite de l’expérimenta- pied d’un partenariat actif au sein de la communauté
tion, mais seule une infime minorité est acquise à sa éducative par l’instauration de la cellule école-milieu
généralisation. Ainsi, une série de propositions a été for- (CEM) dans certaines écoles appliquant les pro-
mulée pour un développement plus efficace de l’innova- grammes pilotes. La cellule école-milieu a été un fac-
tion, qui soit davantage en rapport avec la formation. teur déterminant pour l’élaboration du projet d’école en
Une meilleure formation est exigée pour les acteurs et 1987.
les animateurs, à savoir les inspecteurs, les directeurs et Mais, en 1991, notre réforme a opéré un saut qualita-
les maîtres des classes pilotes. tif et quantitatif pour passer de l’entité de classe pilote à
celle d’école pilote, marquant ainsi l’intégration d’une
IV. QUELQUES PROBLEMATIQUES SOULEVEES technologie éducative.
PAR LA REFORME En résumé et de façon schématique, notre projet de
réforme, tel qu’il apparaît à travers l’école-pilote intro-
Sous ce registre, notre analyse portera sur les change- duit des changements selon les deux axes d’innovations
ments nés de la réforme en rapport avec les réalités présentés ci-dessous.
locales d’une part ; et avec l’environnement pédagogique
en évolution, d’autre part. 2.1. Les innovations d’ordre structurel notamment liées à:
1. Réforme et réalités locales
● L’organisation des instances chargées du pilotage :
– Cellule de coordination nationale de la réforme
Au titre des innovations institutionnelles, la mise en (DPRE - INEADE - DEPEE) ;
oeuvre de la réforme a introduit, entre autres innovations – Commission nationale d’étude et de concertation et
institutionnelles, la création à la base de structures de suivi (CNECS) ;
locales chargées de faciliter et de pérenniser le projet. – Commission nationale du programme ;
Parmi celles-ci, signalons : – Comité de pilotage (aux niveaux régional et départe-
● la cellule école-milieu ; mental).
● la coopérative scolaire ;
● l’équipe pédagogique. ● L’organisation de l’école :
Ce sont là des instruments indispensables à la gestion du – classes à double flux avec activités intra et extra
projet sous ses multiples formes. Ces structures qui muros ;
s’imbriquent constituent des sphères de conception et – cours multigrades dans les zones déshéritées ;
d’exécution, de prise en compte des besoins réels des – classes pilotes appliquant les nouvelles techniques
populations locales. Décentralisation, participation, d’enseignement et d’apprentissage.
60
2.2. Les innovations pédagogiques en rapport avec : initié par le ministère de l’éducation nationale pour les
● Les contenus enseignés : besoins d’une éducation de base, s’inscrit dans la même
dynamique que celle du nouveau programme évoqué
– nouveaux programmes formulés en items fondés sur
jusqu’ici. Néanmoins, le processus s’avère plus com-
la pédagogie par objectifs (P.P.O) ;
plexe, sensible et délicat. Toutefois, il n’existe pas de
– l’enseignement des langues nationales ;
dichotomie, ni de contradiction entre les deux projets,
– l’introduction de la formation pratique comme nou-
mais bien plus une complémentarité. L’un alimente
velle discipline de formation.
l’autre tout en l’enrichissant.
● Les approches et techniques pédagogiques : Dans notre développement, nous rappellerons
– la PPO comme entrée en pédagogie ; quelques conclusions tirées des premiers résultats de
– l’évaluation des apprentissages à partir des critères concertation nationale sur les nouveaux curricula. Ces
définis ; derniers servent de cadre d’action pour notre école de
– l’approche modulaire; base pour la décennie en cours (2000 - 2010).
– la pédagogie par alternance (PPA) ; Nous évoquerons ainsi trois points essentiels : pre-
– la pédagogie des grands groupes ; mièrement, la justification de la rénovation des pro-
– la pédagogie par projet (PPP) ; grammes; deuxièmement, la méthodologie d’élabora-
– les techniques d’intégration, d’enseignement et de tion des curricula; et enfin, troisièmement, la
production grâce au projet d’école. problématique des curricula (manuels scolaires).
● Les nouveaux supports didactiques :
1. Justification de la rénovation des programmes en
– conception et réalisation de supports didactiques à
cours
partir de matériaux locaux;
– conception de manuels scolaires adaptés par une La rénovation des programmes (anciens et pilotes) en
unité éditoriale locale en partenariat avec les acteurs vigueur dans notre système éducatif trouve sa justifica-
du terrain. tion dans la conception et la mise en oeuvre d’un pro-
Conformément à ce qui se dégage du présent développe- gramme fondamental pour notre éducation de base,
ment, la réforme du système éducatif s’est déployée conformément aux recommandations issues des ren-
selon un schéma, une planification. Tout au long de son contres de Jomtien et de Harare.
processus, elle a procédé à une intégration progressive Un tel projet cherche à contribuer à l’amélioration
et opportune de nouveaux concepts ou de contenus, significative et efficace de la satisfaction des besoins
selon les derniers résultats de recherches. Elle est donc fondamentaux, en tenant compte des mutations interve-
restée flexible et ouverte, ce qui lui a permis de franchir nant dans les différents secteurs de la vie. Un projet de
les résistances propres à toute action de réforme. rénovation curriculaire est donc la version enrichie de
Cependant, notre schéma expérimental ne saurait taire notre modèle d’école nouvelle. La construction d’un
ses difficultés inhérentes à toute recherche, notamment en curriculum représente par conséquent une traduction
rapport avec le milieu local. Tantôt c’est la dimension ins- concrète de cette préoccupation.
titutionnelle qui prend le pas, tantôt c’est le volet pédago- Pour rendre les programmes (anciens et nouveaux)
gique. Pour ne pas privilégier l’une par rapport à l’autre, plus pertinents, les apprentissages des élèves ont été
nous avons préféré procéder à un recentrage des objectifs orientés vers des acquis fonctionnels, permettant de
sur l’enfant, qui représente in fine la seule raison d’être du satisfaire les besoins fondamentaux. En d’autres termes,
projet. A ce titre, la pertinence des apprentissages doit il convient désormais de donner du sens à l’éducation de
nous préoccuper en premier lieu. base.
Au plan pédagogique, les démarches participative et Bref, l’école doit jeter les bases d’une éducation
intégrative de savoirs nous intéressent également. C’est durable, en vue de favoriser l’épanouissement individuel
pourquoi, en attendant les résultats d’une évaluation plus et collectif.
globale du projet, nous préférons, à partir d’indices tirés
du terrain, dégager de nouvelles pistes de réflexion ou de 2. Méthodologie d’élaboration des curricula
recherche pour parer à certaines dérives de projets.
Matérialisé par des livrets programmes rendus aujour-
Cet axe de recherche, centré sur l’organisation des
d’hui disponibles, le projet d’élaboration des curricula
contenus, nous ouvre la piste des nouveaux curricula
capitalise les acquis des innovations pédagogiques à
qui, en réalité, ne sont rien d’autre qu’une réorganisa-
l’œuvre dans les écoles pilotes. Il s’appuie sur la péda-
tion du savoir, du savoir-faire et du savoir-être, déjà défi-
gogie du projet, la pédagogie par alternance et la péda-
nis lors de la première phase de notre réforme.
gogie par objectifs tout en dépassant celles-ci grâce à
l’adoption d’une «pédagogie de l’intégration» qui met
V. PROCESSUS D’ELABORATION DES CURRI-
en relief l’approche par compétence à partir de situa-
CULA AU SENEGAL (à partir de 1998)
tions-problèmes. Ceci relève donc d’une réorganisation
Les programmes scolaires constituent le référentiel de des différents éléments structurants de l’éducation de
base de la réforme. Le projet d’élaboration des curricula, base à prendre en compte pour marquer l’unité de

61
celle–ci. En effet, les finalités, les objectifs, les contenus, sions ou encore afin de les enrichir de concepts nou-
les méthodes et les techniques d’enseignements, ainsi veaux.
que les matériels didactiques entretiennent dans le projet La réalisation des objectifs de la réforme sous cet
d’étroits liens de cohérence. angle a permis d’intégrer le développement d’une véri-
Les regroupements et les mises en relation concer- table politique éditoriale nationale. Cette dernière a per-
nent aussi bien les niveaux et les formes d’éducation que mis les résultats suivants :
les langues retenues, les domaines et activités d’appren- ● l’élaboration de nouveaux manuels adoptés aux réali-
tissage des programmes en vigueur et en cours d’expéri- tés locales ;
mentation ou de généralisation. ● la couverture de notre système en manuels scolaire
Enfin, les programmes curriculaires ont été réali- dans l’ensemble des disciplines fondamentales ;
sés avec la participation étroite des principaux acteurs ● la diffusion de certaines techniques pédagogiques à
de notre système éducatif. Une vaste mobilisation travers la conception et l’élaboration de nos manuels.
sociale autour d’un programme a créé une offre de Aujourd’hui, avec l’avènement du nouveau cadre
ressources susceptible de poursuivre tout au long du conceptuel qu’est le curriculum, le Sénégal est à même
processus d’élaboration et de mise en oeuvre du pro- de s’inscrire dans la dynamique actuelle, en puisant
jet. Ainsi, l’approche participative qui sous-tend le dans son expérience du projet Education IV. La même
programme doit pouvoir garantir sa dynamique de logique d’articulation est d’ailleurs à l’œuvre. La ques-
validation interne et externe. tion centrale à laquelle il convient de répondre aujour-
Dans le même ordre d’idées, l’accompagnement d’hui est : quel nouveau manuel pour une approche cur-
scientifique et technique et, plus tard, la mise à l’essai riculaire ?
sur le terrain ou l’expérimentation sont prévus pour une Si les fonctions classiques, voire essentielles d’un
mise à l’épreuve plus efficace des nouveaux produits. manuel scolaire demeurent la transmission de connais-
L’esquisse du programme s’est déroulée en 3 phases : sances, force est de reconnaître qu’aujourd’hui, face aux
1. la phase exploratoire a permis de mettre en place les nouveaux défis, un recentrage des besoins sociaux s’im-
structures de gestion du projet, d’identifier les diffé- pose. Une structuration d’un manuel plus opérant devrait
rentes ressources et contraintes, de dégager le cadre donner un autre profit, prenant en compte la demande
conceptuel permettant de procéder au diagnostic du sociale traduite en terme de contenus, de programmes et
secteur ; bâtie selon le cadre logique.
2. la phase de collecte des données confiée aux com-
missions techniques disciplinaires, qui ont procédé à Références
la critique des programmes et des manuels existants
avant de dégager de nouvelles compétences et des Institut national d’étude et d’action pour le développe-
objectifs pour les nouveaux programmes ; ment de l’éducation (Sénégal). 1998.
3. le traitement des données réalisé par un comité d’har- Expérimentation des nouveaux programmes dans
monisation et de rédaction des nouveaux pro- les classes pilotes rapport de la session nationale.
grammes en étroite collaboration avec le comité de INEADE, Dakar. 52 p.
pilotage et l’accompagnement technique et scienti- —— 1989. Analyse critique des nouveaux programmes
fique. dans les classes pilotes Enseignement Elémentaire
L’esquisse des programmes s’est achevée par un partage et Education Préscolaire. Dakar, INEADE. 86p.
du produit avec les différents acteurs nationaux permet- —— 1985. Mise en place dune politique de classe à
tant ainsi d’arriver à une validation interne des proposi- double flux et de classe à cours multiples : analyse
des possibilités et modalités d’une utilisation
tions à élaborer avec les régions. Ce nouveau curriculum
intense des ressources humaines. Dakar, INEA-
sera mis à l’essai à compter de l’année 2000 - 2001. Les
DE. 93 p.
programmes qui seront mis à l’essai dans le cadre de la
Herzoc, Jhon. R Détermination du niveau des classes à
nouvelle approche curriculaire prennent en compte de
double flux et des classes témoins : année scolaire
manière plus systématique les « compétences de vie cou-
1984 –1985. Dakar, INEADE.
rante » liées à la citoyenneté, à l’environnement, à la
Herzoc, Jhon. R. 1984. Pour l’introduction d’un système
santé et à l’économie domestique.
de classes à cours multiples Bans l’enseignement
élémentaire au Sénégal. Dakar, INEADE. 378 p.
3. Elaboration des programmes et conception des
Institut national d’étude et d’action pour le développe-
manuels scolaires
ment de l’éducation (Sénégal). Rapport de l’éva-
La rénovation des programmes, initiée dans le cadre de luation d’étape du FDS Bans 24 écoles des
l’école nouvelle, a donné lieu à la définition des pro- régions de Diourbel - Louga – Tamba. Novembre
grammes pilotes. II s’agissait, dans ce projet, d’amé- 1999. Dakar, INEADE. 59 p.
liorer les contenus d’enseignement en rapport avec le Institut national d’étude et d’action pour le développe-
contexte local d’alors et en rapport avec les défis mon- ment de l’éducation/SEDER. 1997. Projet
diaux. Cela a conduit à une revue des anciens pro- SNERS: l’Evaluation du rendement pédagogique
grammes et manuels en vue d’en corriger les distor- du français dans l’enseignement primaire: les
62
résultats au CM2 rapport final. Dakar, INEADE. des mathématiques dans l’enseignement primai-
56 p. re, les résultats et commentaires au CM2. Dakar,
Institut national d’étude et d’action pour le développe- INEADE. 152 p.
ment de l’éducation/SEDER. 1988. Projet
SNERS: l’Evaluation du rendement pédagogique

Demande sociale

E
O
V
Compétence de base B
A
J
L
E
U
C
A
Domaine d’activité T
T
I
I
1 2 3 4 F
O
S
N

Support/situation/domaine

63
Tchad
Abderamane Koko et Goloun Dewa

I. INTRODUCTION Partant des orientations contenues dans le document


de base « Options stratégiques de développement 1998-
Le Gouvernement de la République du Tchad a inscrit la 2000 » présenté à la IVème Table Ronde de Genève et
valorisation des ressources humaines au premier rang de dans la perspective de la réunion sectorielle de suivi sur
ses priorités. Le Plan d’orientation «le Tchad vers l’an l’éducation et la formation de janvier 2000, le
2000», adopté en 1991, marque la volonté du Gouvernement a proposé à ses partenaires un réajuste-
Gouvernement de satisfaire le droit légitime des citoyens ment des sous-programmes de la Stratégie EFE. Ce
à l’éducation et à la formation, dans la perspective de réajustement tiendra compte à la fois des conclusions de
l’accès à l’emploi rémunéré ou à l’auto-emploi, comme son évaluation et des résultats de huit études théma-
l’un des axes majeurs de sa politique de développement. tiques réalisées récemment. A cet égard, deux docu-
Cette politique s’est matérialisée par la tenue à ments fondamentaux ont été préparés : le premier docu-
N’Djaména les 7 et 8 novembre 1990 de la consultation ment a établi le diagnostic de la situation du secteur de
sectorielle consécutive à la Table Ronde de Genève III, l’éducation et de la formation et énoncé des stratégies
au cours de laquelle le Tchad a proposé à ses partenaires de développement du secteur pour les cinq prochaines
techniques et financiers de conduire, d’ici la fin du années (2000-2004) ; et le second a présenté un pro-
siècle, une nouvelle politique de valorisation des res- gramme d’actions couvrant la période indiquée, il est
sources humaines sous la forme d’une stratégie dénom- constitué de sept composantes d’un coût global estimé à
mée Stratégie d’Education et de Formation en liaison 156 milliards de Francs CFA.
avec l’Emploi (EFE).
La Stratégie EFE vise l’amélioration qualitative et II. LA REFORME
quantitative du système d’éducation et de formation à DU SYSTEME EDUCATIF TCHADIEN
finalité d’emploi. La priorité a été accordée à l’éducation
1. Evolution des années 60 à nos jours
de base (enseignement élémentaire à l’alphabétisation
des adultes), à l’enseignement technique et la formation L’école tchadienne dans sa forme actuelle a connu plu-
professionnelle. Cette priorité n’est pas synonyme d’ex- sieurs tentatives de réformes visant à la rendre plus per-
clusivité, c’est pourquoi il est prévu l’amélioration de la formante et mieux adaptée aux réalités du pays.
qualité des enseignements et des apprentissages à tous En 1962, les programmes ont été revus en termes de
les niveaux. «tchadisation» des contenus, suite à l’indépendance du
Depuis la mise en exécution de la Stratégie EFE à pays en 1960.
partir de 1991, et plus particulièrement la réunion de En 1966, la ruralisation de l’enseignement a été déci-
positionnement des partenaires techniques et financiers dée par le Gouvernement. Cette ruralisation consistait à
en juin 1993, le secteur de l’éducation et de la forma- introduire, en plus des matières prévues dans les pro-
tion a enregistré des résultats fort appréciables par grammes de 1962, des activités ayant trait au monde
endroits. A l’occasion de la tenue de la IVème Table rural et au civisme. Très vite tournée en dérision, la rura-
Ronde de Genève sur le Tchad, le Gouvernement a pro- lisation de l’enseignement s’est éteinte deux ans seule-
cédé à une évaluation de la Stratégie EFE qui a toute- ment après son lancement.
fois aussi relevé que certains taux de réalisation des Dans la même année, l’Assemblée Nationale vota
objectifs initiaux restent encore faibles. Plusieurs rai- une loi portant réforme du système éducatif. Dans ce
sons ont été évoquées pour expliquer ces résultats. cadre, le Tchad essaya à titre expérimental, un nouveau
L’insuffisance de financement de certains sous-pro- programme d’enseignement visant l’intégration de l’en-
grammes (notamment l’enseignement technique et la fant dans son milieu.
formation professionnelle ainsi que l’enseignement Entre 1966 et 1972, un programme de réforme de
supérieur et la recherche) a été identifiée comme raison l’enseignement primaire fut animé par le Groupe de
majeure des difficultés constatées à mi-parcours dans la Recherche Pédagogique (GRP), un service du Ministère
mise en œuvre de la Stratégie EFE. français de la coopération. Il se déroula en trois axes:
64
1. la rénovation de l’enseignement du français comme Aucune de ces tentatives n’a donné des résultats
langue étrangère; satisfaisants. La question de la rénovation des pro-
2. l’introduction de «l’étude du milieu» pour amener grammes demeure entière. C’est dans ce contexte que le
les enfants à s’interroger sur leur environnement; Ministre des enseignements de base, secondaire et de
3. la rénovation de l’enseignement des mathématiques l’alphabétisation a désigné quelques cadres pour une
avec en particulier, l’introduction de la logique ou concertation sur la rénovation des programmes de l’éco-
mathématique moderne. le de base.
L’idée globale de cette reforme était de développer la
liaison entre la production agricole et l’éducation. Mais 2. La réforme actuellement en vigueur
cette réforme, au lieu de favoriser la promotion des tra-
Les principaux axes de la réforme
vaux pratiques à l’école, a plutôt insisté sur le dévelop-
La réunion sectorielle EFE de novembre 1990, au cours
pement de la langue française parlée. Ce projet de réfor-
de laquelle le Tchad a présenté une politique d’éduca-
me se solda en échec en 1972.
tion et de formation, répond à deux orientations fonda-
En 1973, à la demande du Gouvernement tchadien,
mentales:
une commission conjointe Tchad-FAC-UNESCO-UNI-
1. une stratégie à but qualitatif visant l’amélioration du
CEF s’est réunie à Fort-Lamy (actuel N’Djaména) pour
rendement du système par la revitalisation des struc-
étudier les possibilités de mettre en place un système
tures d’éducation et de formation existantes ;
éducationnel à la fois rentable et adapté aux réalités
2. une stratégie à but quantitatif visant une expansion
socio-économiques du pays. Les réflexions de cette
modérée des effectifs scolaires et universitaires,
commission ont abouti à la création de l’Institut
mais permettant d’assurer le continuel ajustement de
National des Sciences de l’Education (INSE) en 1975.
l’accroissement démographique aux réalités écono-
La mission de l’INSE est de «préparer et d’assurer la
miques et socio-culturelles du pays.
réforme de l’enseignement».
En 1978, un nouveau système d’éducation a été ins- Les caractéristiques fondamentales de la réforme
titué par voie d’ordonnance qui dit que «le but principal Le présupposé de départ est que les systèmes éducatifs
du système éducatif est de faire acquérir aux individus des pays africains situés dans la région subsaharienne
et aux collectivités nationales et locales des informa- ont en commun certaines caractéristiques dont une
tions, des savoirs, des comportements, des attitudes, des faible efficacité interne et externe ; d’énormes disparités
compétences et des valeurs pouvant les rendre capables entre sexes, régions et couches sociales; la rigidité des
d’assurer le développement et leur bien-être compte appareils d’enseignement et de formation; l’inadéqua-
tenu de l’orientation politique et sociale du pays». Cette tion des formations aux besoins de l’économie; et, une
réforme n’aura pas lieu à cause de la guerre civile inter- insuffisance des ressources financières, humaines et
venue en 1979. matérielles dans un contexte de forte pression démogra-
En 1990, le Gouvernement tchadien adopte une nou- phique.
velle politique éducative dénommée Stratégie Les solutions préconisées pour supprimer ces distor-
d’Education et de Formation en liaison avec l’Emploi sions n’ont pas donné de résultats spectaculaires.
(Stratégie EFE). La Stratégie comporte une série de L’expansion quantitative a pris le pas sur la qualité de
mesures visant le développement du secteur d’éducation l’éducation, les taux d’analphabétisme sont toujours éle-
de 1990 à l’horizon 2000. Parmi le train de mesures vés, les disparités fortes et la misère croissante.
édictées, la rénovation des programmes de l’enseigne- Il n’existe de remède magique. Il faut revoir les stra-
ment figure en bonne place. A partir de la même année, tégies de développement des ressources humaines et les
des innovations pédagogiques sont introduites dans le cadrer dans un plan de développement national, en par-
système éducatif à titre expérimental dans le but de faite cohérence avec les contraintes budgétaires et envi-
prendre en compte les problèmes du monde contempo- ronnementales, ainsi qu’avec la capacité d’absorption et
rain dans les programmes scolaires. Ces innovations de gestion du pays. Selon cette logique, convaincu que
portent sur l’éducation environnementale, la population, «des femmes et des hommes instruits et en bonne santé
la santé et les droits de l’homme. sont, non seulement la ressource fondamentale à la base
En 1994, les Etats généraux de l’éducation nationale de l’accroissement et de la production, mais également
tenus du 19 au 29 octobre 1994, à N’Djaména, recom- la conscience novatrice qui permet la maîtrise de la
mandèrent la rénovation des programmes. science, le progrès et partant, le développement», le
En avril 1997, le Ministère de l’éducation nationale a Tchad a inscrit, à l’instar des autres nations du monde,
créé, par arrêté N°126/MEN/SE/DG/DEE/97, du 22 avril le développement des ressources humaines comme
1997, une commission nationale et des commissions l’une de ses priorités.
locales de rénovation des programmes de l’enseigne- La politique d’éducation et de formation conçue à
ment élémentaire. La commission nationale a mis en cet effet met un accent particulier sur les relations du
place quelques sous-commissions disciplinaires qui ont système éducatif et de formation et le système de l’em-
travaillé sur les programmes du cours préparatoire pre- ploi. Dans ce cadre, la formation professionnelle, posté-
mière année. rieure et complémentaire au processus éducatif est éga-

65
lement traitée comme un droit et source de sa réalisation ● L’UNESCO et le BIT dispensent une assistance tech-
personnelle par l’exercice d’un emploi qualifié. A partir nique dans le cadre du programme d’appui institu-
des acquis de l’enseignement élémentaire, le système tionnel du PNUD. Le service allemand pour le déve-
doit mettre en place des formations qui préparent les loppement (DED) apporte également son appui
adolescents et les adultes aux connaissances générales et technique au programme.
techniques nécessaires à l’exercice de nombreuses pro- L’exécution du programme d’action incombe aux direc-
fessions. La formation et le perfectionnement profes- tions techniques des ministères concernés. Les structures
sionnel, fonctionnent en modalités de transition vers nationales contribuent, selon leurs vocations respectives
l’emploi ou l’auto-emploi, répondant aux impératifs et leurs capacités propres, à l’élaboration et à l’exécution
d’insertion au marché du travail, tant formel que non for- des plans de formation. Pour leur part, les associations
mel, urbain et rural. des parents d’élèves (APE), et les communautés locales
La stratégie proposée repose essentiellement sur une qui assurent déjà 95% des frais de fonctionnement (hors
politique de concertation tripartite entre l’Etat, les salaires) des établissements, continuent à poursuivre,
employeurs et les travailleurs au sein des institutions voire intensifier, leur contribution au développement du
attachées à la valorisation des ressources humaines. A ce système éducatif. Les nombreuses ONG situées sur le
titre, l’ensemble du dispositif de formation technique et territoire national sont, en raison de leur approche parti-
professionnelle doit assurer une fonction d’interface cipative au niveau des bénéficiaires, davantage impli-
entre l’appareil national d’enseignement général et le quées dans l’exécution des travaux de constructions sco-
monde de l’emploi. laires entreprises et apportent un appui précieux au
La politique d’éducation et de formation, qui s’ins- sous-secteur EFE, selon leurs domaines d’intérêt.
crit dans le cadre global de la lutte contre la pauvreté, Les organes de pilotage de la réforme
sous-tend le programme d’action, sur la période 2000- Le dispositif de pilotage et de suivi de la stratégie et du
2004, et présenté en janvier 2000. L’objectif général est programme national EFE mis en place par décret prési-
d’assurer la promotion des ressources humaines par dentiel de décembre 1993, est constitué d’un ensemble à
l’éducation et la formation, afin de créer les conditions trois étages, comprenant :
permettant aux populations de jouer effectivement leur 1. une instance politique : le Comité National pour
rôle de moteur dans le processus de développement l’Education et la Formation en liaison avec l’Emploi
socio-économique du pays. L’accent est mis sur l’en- (CONEFE) ;
seignement de base (primaire, alphabétisation) et à l’in- 2. une structure de soutien: le Secrétariat Exécutif
térieur les écoles communautaires, puis sur l’enseigne- (SE) ;
ment technique et la formation professionnelle. A ces 3. trois organes techniques: l’Observatoire de
sous-secteurs prioritaires s’ajoutent l’enseignement l’Education, de la Formation et de l’Emploi (OBSE-
secondaire général, l’enseignement supérieur et le FE) et le Fonds National d’Appui à la Formation
sous-secteur consacré à la culture, la jeunesse et les Professionnelle et la Cellule de Concertation et de
sports. Coordination (CCC).
Trois objectifs spécifiques correspondant aux trois Les rôles respectifs de ces organes sont définis comme
axes stratégiques de la politique d’éducation et de forma- suit:
tion ont été définis par sous-secteur : Le CONEFE est une instance politique de décision et
1. améliorer l’accès à l’éducation et à la formation ; de coordination, chargée de formuler les orientations et
2. améliorer les conditions d’enseignement et d’appren- les programmes selon les priorités fixées par le
tissage ; Gouvernement. Il doit donc mobiliser les partenaires ins-
3. renforcer les capacités institutionnelles de planifica- titutionnels et sociaux ; organiser la concertation des par-
tion, de gestion et de pilotage. tenaires; opérer les arbitrages stratégiques et budgé-
taires. Le CONEFE se réunit deux fois l’an en session
Les partenaires impliqués dans la réforme ordinaire. Il est placé sous la tutelle du Ministère de la
Le processus EFE mobilise les partenaires dont les rôles Promotion Economique et du Développement qui en
respectifs sont les suivants: assume la présidence.
● L’Etat définit les grandes orientations et élabore les Le SE a pour fonctions de coordonner le fonctionne-
stratégies sectorielles qui impliquent les partenaires ment du réseau EFE ; de programmer et superviser les
intérieurs (patronat, syndicats, associations de activités de l’OBSEFE et du FONAP; d’assurer la cohé-
parents d’élèves (APE), organisations non gouverne- sion et le fonctionnement efficace du dispositif ; d’exécu-
mentales (ONG), collectivités locales, bénéfi- ter d’importantes activités d’interface qui doivent favori-
ciaires…), les partenaires extérieurs (bailleurs de ser l’approbation des processus EFE par les institutions
fonds bilatéraux et multilatéraux) ; nationales concernées; de s’impliquer dans les négocia-
● Le PNUD, en qualité de coordonnateur de toutes les tions budgétaires et de suivre l’exécution correcte des
consultations sectorielles, maintient le dialogue et engagements du Gouvernement en termes de contrepartie
fournit l’assistance technique et financière dans le et de charges récurrentes ; de veiller à l’allocation consé-
cadre d’un appui institutionnel ; quente de ressources au budget du sous-secteur.
66
L’OBSEFE est un instrument technique du CONE- La Stratégie EFE tire son fondement du Plan d’orienta-
FE, placé sous l’autorité du Secrétaire Exécutif. A ce tion «le Tchad vers l’an 2000»et des recommandations
titre, il doit assurer l’interface entre le marché du travail, de la Conférence mondiale sur «l’Education Pour Tous à
l’appareil éducatif et les sous-systèmes de formation l’horizon 2000», tenue en mars 1990 à Jomtien
professionnelle. Il dispose d’un Comité de Pilotage (CP) (Thaïlande). Son élaboration est basée sur une large
et d’un Groupe Opérationnel d’Appui (GOA) composé concertation entre les partenaires intérieurs et extérieurs.
des directeurs et des cadres issus des services techniques Les priorités ainsi retenues sont reflétées par des
impliqués dans le Programme EFE. actions dans le domaine de l’éducation de base (cycle
Le FONAP est le second instrument technique du élémentaire et alphabétisation des adultes) et sur la for-
CONEFE, placé sous l’autorité du Secrétariat Exécutif. mation professionnelle ; le renforcement de la politique
A ce titre, et en vertu de sa qualité d’établissement d’encouragement des initiatives communautaires ; la
public doté de la personnalité juridique et de l’autono- promotion de la scolarisation des filles ; des efforts par-
mie financière, il doit contribuer au financement du pro- ticuliers en faveur des zones déshéritées, notamment à
gramme de formation professionnelle et d’apprentissa- déficit vivrier chronique ; l’augmentation progressive de
ge, répondant aux priorités fixées par le Gouvernement la part des dépenses d’éducation dans le budget national
à travers le CONEFE. Il est doté d’un Comité et la diversification du financement vers le secteur privé.
Technique (CT) et d’un Conseil de Gestion Tripartite Conformément aux dispositions de la Constitution,
(CGT), composés respectivement des cadres et des le Gouvernement s’engage à traduire dans les faits l’op-
représentants des pouvoirs publics, du patronat et des tion du bilinguisme en rendant obligatoire l’enseigne-
syndicats. ment des deux langues officielles (français et arabe)
Rattachée au Secrétariat Exécutif du CONEFE, la dans tous les établissements scolaires du Tchad. Le
Cellule de Concertation et de Coordination (CCC) a Gouvernement mène également une politique de valori-
pour mission de mettre en synergie toutes les ressources sation de 120 autres langues nationales réparties en 12
disponibles dans les différents sous-systèmes d’ETFP, grands groupes dont trente huit (38) sont utilisées en
afin de satisfaire les besoins en main-d’œuvre qualifiée alphabétisation fonctionnelle.
des secteurs socio-économiques, d’une part, et d’inser- Il convient de souligner les points forts du texte de la
tion professionnelle des groupes cibles dévalorisés, réforme qu’il faudra néanmoins consolider, à savoir :
d’autre part. ● une meilleure connaissance des responsabilités entre
Les autres partenaires sont les APE constituées, dif-
les différents partenaires ;
férents représentants de la société civile, dont les syndi- ● la création de bonnes conditions de travail de tous
cats ; les artisanats et le patronat.
les partenaires impliqués dans la réforme ;
● l’augmentation sensible du taux brut de scolarisa-
Brève analyse de la réforme
tion, (46% à 67%) ;
Pour atteindre les deux buts fixés (quantitatif et qualita-
● la dynamisation du mécanisme de pilotage en l’éten-
tif), le processus stratégie EFE focalise ses efforts sur le
dant à tous les Directeurs Généraux des départe-
développement de cinq composantes. Il s’agit entre
ments ministériels impliqués ;
autres de :
● le renforcement des capacités institutionnelles de
1. la Formation Initiale et Continue (FIC) des person-
planification, de gestion et de pilotage ;
nels enseignant et d’encadrement afin de satisfaire
● le renforcement de l’équité en créant les conditions
les besoins de perfectionnement et d’adaptation des
enseignants aux nouveaux programmes, manuels, de scolarisation massive des filles et des enfants des
méthodes et modalités des classes multigrades ; zones déshéritées ;
2. la rénovation des programmes d’enseignement, afin ● le renforcement du système d’inspection et de suivi
de rendre les apprentissages scolaires plus perfor- pédagogique en renforçant les compétences du per-
mants et mieux adaptés au projet de société natio- sonnel d’encadrement ;
nal; ● le développement modéré de l’alphabétisation fonc-
3. le matériel didactique : la dotation des élèves et des tionnelle en créant des centres d’alphabétisation et
maîtres en matériels scolaires sera augmentée de en les dotant de moyens adéquats.
façon significative. Le choix des titres des manuels Toutefois, il reste du chemin à parcourir en particulier
est coordonné avec la rénovation des programmes ; pour remédier aux faiblesses actuelles qui sont d’une
4. les infrastructures scolaires : les salles de classe part le fait que depuis la tenue en 1994 des Etat
seront construites ou réhabilitées en étroite collabo- Généraux de l’éducation nationale, la rénovation des
ration avec les parents d’élèves et les communautés programmes n’a pas jusqu’ici commencé et les manuels
locales ; scolaires continuent d’être achetés de l’extérieur. Par
5. les appuis institutionnels : à tous les niveaux du sys- ailleurs, il est déploré que la qualité de l’enseignement
tème, la gestion administrative et l’encadrement ne se soit pas notablement améliorée.
pédagogique seront renforcés (formation, organisa- Les difficultés concrètes qui ont été rencontrées se
tion et dotation en moyens roulants. sont situées sur le plan de la mobilisation des partenaires

67
financiers; de la déficience de certains sous-programmes Quelques mesures concrètes ont été prises pour corri-
(plis précisément ceux consacrés à l’enseignement ger les points faibles tout en consolidant les points forts.
secondaire, l’enseignement supérieur, la culture, la C’est ainsi que la réunion sectorielle sur l’éducation et la
jeunesse et les sports). Enfin, la mise en route de l’élabo- formation de janvier 2000 a été l’occasion de faire le
ration des programmes tarde à se réaliser. bilan de la Stratégie EFE : des mesures concrètes ont été

1. Le plan d’action élaboré en avril 1999

N° Axes stratégiques Action à mener Echéance


1 Obtention d’un accord minimal - Rappel des acquis : accord dans un document Du 01-05-1999
sur la réalisation des curricula. à présenter au MEN au 30-06-1999
- Réunion du MEN avec les Directeurs
pour une large information
- Réunion regroupant MEN et autres
départements impliqués et à impliquer, plus
les partenaires socio-économiques

2 Installation d’une organisation - Réalisation des différents textes existants Du 26-04-1999


ou leur refonte (CNPEB) au 01-05-1999
Coordination

3 Installation d’une organisation - Relecture des textes juridiques y afférents Du 31-05-1999


au 31-10-1999

4 Appui technique et scientifique - Début des travaux et échanges avec le CEPEC Début des travaux
- CEPEC/International et l’Université Internationale de Langue Arabe 01-11-1999
- Autres Khartoum, Bamako, Dakar ; poursuite des travaux
- Installation d’un Secrétariat Permanent et
autonome

5 Liaison avec les IEB, AP, écoles Identification des IEB, AP, classes et maîtres Du 01-04-2000
expérimentales - Evaluation et réajustement au 30-04-2000

6 Voyages d’études Choix des lieux Du 01-09-1999


- Intérieur A la fin des activités
- Extérieur
(Lyon-Bamako-Dakar)

7 Budget Différentes rubriques:


- Expertises
- Formation
- Etudes et recherches
- Voyages et missions
- Equipement et fournitures
- Rapports
- Personnel d’appui
- Fonctionnement
- Traduction
- Duplication et ventilation

8 Sources de financement Lister ces sources de financement et leur


adresser des demandes de financement :
Coopération Française, IDA, BID, 7ème FED,
PFIE, FNUAP, UNICEF, ISESCO, GTZ (PEB),
ACCT, ACDI, CONFEMEN, CONEFE,
PNUD, CONFEJES Tchadienne, TAIWAN-
Gouvernement, UNESCO, Coopération Suisse etc.

68
prises pour consolider les acquis et corriger les fai- tine. La raison principale à cette inertie est que la
blesses. Commission nationale de rénovation des programmes
Par ailleurs, le mécanisme de pilotage a été amélioré créée par arrêté n° 126/MEN/SE/DG/DEE/97 du 22 avril
au deuxième niveau, en impliquant les directeurs géné- 1997 n’est pas pleinement opérationnelle.
raux des Ministères en charge de l’éducation et de la Des tentatives de rénovation des programmes amor-
formation. Un comité technique de suivi de la réunion a cées en 1966 et poursuivies jusqu’aux Etats généraux de
été créé en mai 2000, par un arrêté du Premier Ministre. l’éducation nationale d’octobre 1994, n’ont pas donné
Ce comité est chargé, entre autres, de valider les pro- des résultas satisfaisants. La question de rénovation des
grammes et projets du secteur et de veiller à la cohéren- programmes demeure donc entière.
ce des interventions par rapport au programme d’action C’est dans ce contexte que le Ministère de l’édu-
à l’horizon 2004. cation nationale a désigné en avril 1999 quelques
cadres pour une concertation sur la rénovation des
III. ARTICULATION ENTRE programmes. Cette concertation a débouché sur
LA REFORME DES CURRICULA ET quelques axes stratégiques susceptibles de relancer le
LE DEVELOPPEMENT CURRICULAIRE problème de rénovation des programmes de l’école
Si le Tchad a pu clairement mettre au point le texte de base.
d’orientation politique en matière d’éducation, l’élabo- La réunion de concertation adopta les axes straté-
ration des curricula qui devrait aussitôt en découler pié- giques et le plan d’action ci-dessous, ainsi que l’ap-

FIGURE 1. L’approche systémique des curricula

Choix politique Orientations philosophiques

Demande socio-économique Attentes socio-culturelles

Quels élèves former ?


Quels profils de compétence ?

Participation des
Apports des innovations
communautés villageoises
(PFIE, EvF/EmP)
ou urbaines

Construction du curriculum
progression, cycle, module

Objectifs, contenus, Organisation, classe-école,


méthodes environnement

Propositions scientifiques Pratiques scolaires en


et didactiques vigueur I.0.

- Evaluation du curriculum
- Evaluation des élèves (diagnostic formatif)

69
proche qui se veut systémique, comme l’illustre le Formation en liaison avec l’Emploi (EFE) a été adoptée.
tableau ci-dessous, dans le cadre de la rénovation des Elle a été consolidée par les Etats généraux de l’éduca-
programmes. tion nationale, tenus en octobre 1994, et les dispositions
pertinentes de la constitution du Tchad, adoptée en 1996.
IV. CONCLUSION Lors de la préparation de la IVème Table Ronde de
Depuis l’accession du Tchad à l’indépendance en 1960, Genève sur le Tchad, la Stratégie EFE a été évaluée :
le problème de l’adaptation du système éducatif, hérité des résultats certes positifs ont été enregistrés, mais des
de la colonisation, s’est toujours posé. Des tentatives de difficultés subsistent encore et elles ont été identifiées
réformes des programmes scolaires et de leur contenu et analysées par sous-programmes. En tant que proces-
ont été certes amorcées, mais elles n’ont pas donné les sus itératif, cette stratégie intègre les éléments évolutifs
résultats attendus. du système d’éducation et de formation en corrigeant
C’est seulement en 1990, au lendemain de la les faiblesses et en consolidant les forces afin de
Conférence mondiale sur l’Education pour tous de répondre aux attentes des partenaires internes et
Jomtien en Thaïlande que la Stratégie d’Education et de externes.

70
Togo
Jean Adama Nyame et Yao Nuakey

I. INTRODUCTION En novembre 1969, le Rassemblement du peuple


togolais, un parti unique, fut fondé. En matière d’éduca-
Le système éducatif du Togo est déterminé par deux
tion et de formation il était inscrit aux priorités du
grandes orientations:
Gouvernement que l’école devait « (...) constituer un
1. la réforme de l’enseignement décrétée en 1975;
système dynamique au service du développement natio-
2. la Politique nationale du secteur de l’éducation et de
nal tout en permettant la libération de dynamisme inem-
la formation définie en décembre 1993.
ployés ainsi que la familiarisation avec les exigences de
Dans la première, le Gouvernement affirmait sa volonté
la productivité ». Ceci appela une réforme de l’ensei-
de rendre l’école accessible à tous les enfants âgés de 2
gnement.
à 15 ans, rentable et adaptée aux besoins nationaux.
A cet effet, on créa, le 13 juillet 1970, le Conseil
Dans la deuxième, le Gouvernement, face aux
supérieur de l’éducation, avec des attributions admi-
contraintes du secteur, et conformément aux objectifs du nistratives et pédagogiques, et on le chargea de la
cadre macro-économique de 1997 – 98, s’engageait à réorganisation du système d’enseignement et d’éduca-
mettre en œuvre une stratégie globale de l’éducation et tion.
de la formation. Cette dernière vise surtout à améliorer
l’efficacité interne et externe du système éducatif, en 2. Processus d’élaboration de la réforme de 1975
accordant une attention particulière à l’enseignement
primaire. A la suite des déclarations d’intentions du parti, une
consultation nationale fut organisée par les cadres du
II. LA REFORME DE L’ENSEIGNEMENT DE 1975 Ministère de l’éducation nationale auprès d’un échan-
tillon de la population (1000 personnes) en vue de
1. Contexte général recueillir leurs attentes. Des commissions procédèrent à
Le Togo connut successivement trois colonisations l’analyse des données recueillies pour faire émerger les
européennes. Durant la période allemande (1884-1913), grandes tendances concernant les priorités de l’éduca-
la langue Ewé s’affirma au travers de son utilisation tion et de la formation du type de citoyen à former. En
comme langue d’enseignement. La colonisation anglai- référence aux grandes orientations définies par le parti
se (1913-1919) imprégna l’éducation du pragmatisme unique d’une part, et d’autre part en prenant les besoins
anglo-saxon, et favorisa le développement des valeurs et les attentes exprimés par les populations, la commis-
sociales spécifiques à chaque groupe ethnique domi- sion ministérielle élabora un projet de réforme scolaire
nant. La longue période française (1919-1960) contribua et le soumit aux gestionnaires de l’action éducative pour
au développement de la scolarisation dans les régions validation. Par la suite, le projet de réforme fut présenté
intérieures et à l’implantation du français comme langue par le Ministre de l’éducation nationale au
unique d’enseignement, reléguant les langues nationales Gouvernement réuni en Conseil des ministres présidé
au dernier plan. A l’indépendance du Togo en 1960, par le Chef de l’Etat, président fondateur du parti
l’école portait l’empreinte des intérêts politiques et éco- unique.
nomiques de la métropole. Très vite, la révision ou la
refondation des curricula s’imposa aux nouvelles autori- 3. Finalités et objectifs généraux de la réforme de
tés du pays, car les faiblesses de l’école n’étaient que 1975
trop visibles. La réforme, promulguée par ordonnance présidentielle
De 1960 à 1975, des efforts furent entrepris pour n° 16 du 6 mai 1975, était accompagnée de mesures
accroître les effectifs dans les classes. Les grandes politiques, administratives et pédagogiques nécessaires
conférences, dont celle d’Addis-Abeba en 1961 en à sa mise en œuvre. Elle se proposait de former un
matière d’éducation dans la sous-région, invitèrent les citoyen à l’esprit critique, capable de s’adapter aisément
autorités des pays à développer des stratégies opération- à toutes les situations nouvelles, plein d’initiatives et
nelles. apte à agir sur le milieu pour le transformer.

71
La réforme se donnait comme option fondamentale Au niveau primaire, l’enseignement comprenait trois
la mise en place d’une école démocratique, offrant à domaines de disciplines:
chaque enfant sans distinction les mêmes chances d’ac- 1. langues et littérature (langues nationales et français);
cès à l’école. Certains principes généraux furent ainsi 2. mathématique et calcul ;
arrêtés dont: 3. les disciplines d’éveil à dominances intellectuelle et
● l’obligation et la gratuité de l’école pour tous les esthétique.
Togolais âgés de 2 à 15 ans; A ces derniers s’ajouta «l’étude du milieu», conçue de
● l’introduction des langues nationales dans les pro- façon transversale en tant que principe et cadre méthodo-
grammes scolaires; logiques pour favoriser l’intégration des divers contenus
● la mixité de l’école dans les ordres et les niveaux du à transmettre.
système éducatif ; Les curricula avaient le mérite de spécifier pour
● la réintégration de la jeune fille-mère à l’école en vue chaque discipline retenue, les éléments suivants : défini-
de la promotion de la scolarisation des filles. tion, objectifs généraux et spécifiques pour les cours pré-
La formation intégrale de l’individu visée impliquait la paratoire, élémentaire et moyen, ainsi que les principes,
prise en compte des priorités suivantes : la méthodologie, et l’évaluation.
● l’épanouissement intégral de la personne humaine ; Quelques stratégies d’enseignement et activités d’ap-
● l’enracinement de l’élève dans son milieu ; prentissage furent indiquées de façon globale pour toutes
● la participation active de l’élève au processus de les disciplines. Elles s’adressaient aux centres d’intérêt
développement de la communauté ; et aux thèmes de chaque cours et non aux contenus,
● l’intégration sociale harmonieuse dans la vie de la comme il aurait été souhaitable.
communauté. Comme le préconisait la réforme, les programmes
La réforme entendait promouvoir un ensemble de devaient accorder une place privilégiée à la connaissance
valeurs en rupture avec celles transmises par l’école du milieu immédiat, comme base pour l’élargissement
coloniale qui avaient conduit au déracinement culturel des connaissances vers le monde extérieur. Ainsi conçue,
des formés. Les valeurs étaient donc liées : l’étude du milieu n’était ni une matière, ni une discipline
● au renforcement de l’identité culturelle ; à enseigner. Elle était une méthode d’enseignement.
● au développement chez l’élève du sens de responsa- Le livret bleu des programmes n’a pas défini une
bilité individuelle et collective, et du sens de la justi- politique claire en matière d’évaluation. Néanmoins les
ce sociale et de la solidarité nationale ; instructions officielles recommandaient des interroga-
● à une véritable initiation culturelle, au sens complet tions écrites et orales, des devoirs surveillés, des compo-
du terme, de chaque individu. sitions trimestrielles. Les notes de ces dernières étaient
La Réforme définit trois objectifs généraux: consignées dans les livrets scolaires. En 1976, un exa-
1. rendre l’école démocratique; men de fin de cycle primaire (CEPD) fut institué, suppri-
2. promouvoir une école rentable; mant désormais le concours d’entrée en sixième (1ère
3. promouvoir une école adaptée au contexte socio- année du cycle secondaire).
économique.
III. ANALYSE DES FORCES ET FAIBLESSES DES
4. Structure de la réforme de 1975 CURRICULA ISSUS DE LA REFORME DE 1975
L’école dite nouvelle est divisée en quatre degrés : La présente analyse critique sommaire sera centrée sur
1. l’enseignement du premier degré (le préscolaire et le les grandes composantes communes des curricula
primaire); (objectifs, contenus, méthodes et évaluation) et sur les
2. l’enseignement du second degré (des classes de conditions particulières de la mise en œuvre de ces curri-
sixième aux classes de troisième, et l’enseignement cula.
technique);
3. l’enseignement du troisième degré (des classes de 1. Analyse critique des composantes des curricula
seconde aux classes terminales) ; Du point de vue des objectifs, on retiendra que les
4. l’enseignement du quatrième degré (écoles de concepteurs des curricula ont opté pour le principe du
l’Université et instituts supérieurs). «globalisme» à l’école primaire, mais n’ont pas au
moment de l’élaboration des curricula respecté ce princi-
5. Les curricula issus de la réforme de 1975
pe. Sinon, en effet, ils n’auraient pas identifié en guise de
La réforme entra en vigueur à la date de sa promulgation centres d’intérêt des thèmes, mais des profils de sortie.
le 6 mai 1975. Paradoxalement, les nouveaux pro- Or, ces derniers sont totalement absents dans les pro-
grammes et instructions officielles conformément aux grammes.
orientations du parti ne furent élaborés et diffusés par Dans les programmes, les contenus d’enseignement
une commission nationale que cinq ans plus tard, en sont présentés sous forme de thèmes ou de découpages
avril 1980. A l’analyse, il ressort que ces programmes au sein d’une discipline. Les thèmes sont structurés au
avaient été développés suivant l’approche disciplinaire. niveau des cours soit pour la semaine, soit pour le mois
72
ou le trimestre, sans qu’ils figurent en relation apparente Dans la réalité, la mise en œuvre de la réforme s’est
avec des objectifs clairement définis. La question est : réduite à produire les programmes puis à les diffuser
que vise-t-on essentiellement à travers ces contenus ? Et dans les écoles pour application. Le nombre d’exem-
cette question pose en outre le problème de la pertinence plaires remis aux écoles était limité au point où les
de ces contenus. Les contenus sont organisés de façon enseignants ne pouvaient en disposer individuellement.
linéaire et non de façon interdisciplinaire comme le pré- Le miracle souhaité devait intervenir au travers de l’ac-
conisait pourtant la réforme: «l’interdisciplinarité se tion des maîtres dont on avait néanmoins surestimé le
doit de règle à tout moment. Cela signifie qu’aucune degré de motivation et la capacité d’adaptation.
discipline n’est isolée et ne suffit à elle-même. Les diffé- Ajoutons que les mesures incitatives au bénéfice du per-
rents disciplines prendront appui les unes sur les autres sonnel enseignant pour garantir la réussite de la réforme
dans un esprit de globalité qui caractérise la vie elle- n’ont été réalisées.
même.» En conclusion, tout semble avoir été mis en place
Par ailleurs, les instructions officielles relatives aux dans l’euphorie générale déclenchée et orchestrée par le
programmes insistent sur le fait que: «L’enfant sera le parti, dans la précipitation et la panique, car les pro-
propre artisan de son savoir». Beau principe, mais cela grammes étaient attendus depuis 1975. Aucune stratégie
ne peut se réaliser qu’avec des expériences d’apprentis- globale n’a été définie, les ressources humaines, maté-
sage appropriées, pertinentes et significatives. rielles et financières n’ont pas été mobilisées pour assu-
Malheureusement, les programmes ne mentionnent pas rer un changement planifié de la réalisation.
clairement les activités d’apprentissage au niveau des Dans la pratique pédagogique quotidienne des
disciplines. Tout semble se résumer aux «exercices maîtres, comment les nouveaux programmes ont-ils été
d’application et aux devoirs». Or, une définition des introduits? Le soin fut laissé aux directeurs d’école d’as-
activités d’apprentissage en séquences ou unités d’ap- surer un encadrement rapproché des maîtres. En 1970,
prentissage avec l’identification de l’apprenant-cible, de on institua le colloque des inspecteurs de l’enseigne-
l’objectif d’apprentissage, des comportements nouveaux ment primaire en fin d’année scolaire. Les inspecteurs
attendus, des conditions de leur réalisation et de seuil de étaient également invités à animer des conférences
performance aurait été beaucoup plus utile aux maîtres pédagogiques à l’intention des maîtres au niveau de
pour la conduite des leçons. leurs inspections pédagogiques respectives. Les thèmes
Les nouveaux programmes développent clairement développés portaient sur le contenu des programmes.
au niveau de chaque matière d’enseignement les prin- Au niveau du cabinet ministériel, le Secrétariat per-
cipes méthodologiques et la méthodologie d’enseigne- manent du Conseil supérieur de l’éducation était chargé
ment. La grande méthodologie (méthodologie englo- du suivi de la réforme et du développement des pro-
bante) préconisée par la réforme de 1975 est l’étude du grammes dans les écoles.
milieu. «Les nouveaux programmes doivent être essen- Replacés dans le contexte historique de leur élabora-
tiellement pratiques et axés, de ce fait, sur la connais- tion par des cadres non formés à la méthodologie de
sance du milieu». Bref, «l’étude du milieu doit contri- développement du curriculum, les programmes d’ensei-
buer à rapprocher l’école et le milieu, l’école et la vie». gnement du premier degré ont indubitablement des
Les instructions officielles insistent sur l’importance mérites en dépit des lacunes certaines que l’on peut faci-
du contrôle des acquisitions des élèves au niveau de lement relever. Ce que l’on déplore dans la mise en
chaque matière. Les instruments de mesure privilégiés œuvre de la réforme, c’est que les maîtres – non tou-
sont les exercices d’application et les devoirs. Les prin- jours qualifiés à souhait – ne bénéficièrent pas des aides
cipes d’adaptation de progressivité, de variété et de nécessaires pour introduire des changements tangibles
motivation doivent guider le maître dans le choix des dans la pratique de la classe conformément aux instruc-
exercices et des devoirs. Les questions cruciales que tions officielles.
l’on doit se poser encore ici concernent la pertinence et
la validité des instruments privilégiés. Ces derniers ne IV. ELEMENTS POUR LA REFONDATION DU
semblent-ils pas convenir aux seuls objectifs de connais- CURRICULUM DE L’ENSEIGNEMENT
sances ? Comment les maîtres parviennent-ils à mesurer PRIMAIRE AU TOGO.
les habiletés (savoir-faires), les attitudes et les valeurs
1. Les nouvelles orientations en matières d’éducation
visés chez les élèves ? En l’état, les contrôles ne portent
donc que sur des acquisitions isolées et non sur des Plan d’action national d’Education pour tous (1991)
compétences de synthèse. L’action éducative doit offrir Après la Conférence mondiale sur l’Education pour tous
aux enfants l’occasion et le moyen de découvrir leurs (EPT) tenue à Jomtien en mars 1990, le Togo a initié en
pouvoirs et de les mettre en œuvre. Il s’agit donc essen- août 1991 un séminaire de mobilisation de divers parte-
tiellement et progressivement d’organiser ces pouvoirs naires sociaux autour des thèmes ou centres d’intérêt
créateurs, de veiller à ce qu’ils n’en viennent pas à retenus lors de la conférence. Au terme du séminaire
s’exercer «à vide» entraînant lassitude et désintérêt, une plate-forme d’actions prioritaires à entreprendre fut
d’aider ces enfants à se doter d’instruments permettant élaborée. Les objectifs d’Education pour tous définis à
un nouveau progrès. Jomtien et opérationnalisés en plans triennaux d’inves-

73
tissement publics ou en programmes d’action à réaliser innovations pédagogiques dans les écoles. Cette compo-
ont été intégrés dans le document de politique sectorielle sante devra également apporter un appui logistique à
élaboré en 1993. toutes les écoles primaires du pays.
Les Etats généraux de l’éducation, de la formation et de Le Projet FAC – Éducation
la recherche scientifique (mai 1992) En juin 1996, un projet de coopération entre le Togo et le
Le Ministre de l’éducation nationale et de la recherche Comité directeur du Fonds d’aide et de coopération
scientifique déclarait à l’inauguration de la rencontre ce (FAC) fut signé pour le secteur prioritaire de l’éducation.
qui suit : Le projet FAC «Education Togo» comporte quatre com-
«Le processus de démocratisation engagé depuis lors, posantes:
bref, tout ce cheminement vers un Etat de droit, ne sau- 1. un appui institutionnel ;
rait en aucune façon aboutir, s’il ne s’appuyait, sur un 2. un appui à la formation et à l’auto-formation ;
système éducationnel entièrement rénové, qui sache pré- 3. l’adaptation et la professionnalisation des
parer le citoyen togolais à assumer ses responsabilités formations ;
en homme libre.» 4. un appui aux réseaux d’information et de communi-
Les Etats généraux de l’éducation et de la formation cation.
devaient « examiner, analyser, évaluer » l’école dans son Le Programme du nouveau gouvernement en matière
fonctionnement, ses résultats (rendement), ses relations d’éducation (septembre 1996)
avec la société globale, avec le monde.
La recommandation relative à l’actualisation de la Dans la présentation de son programme à l’Assemblée
Nationale, le Premier Ministre a insisté sur une rénova-
réforme de 1975 fut présentée en ces termes :
tion profonde du système éducatif. Tout en souscrivant
« Bien qu’il soit reconnu à la Réforme de 1975 une
aux objectifs de démocratisation et de sensibilisation
pertinence indéniable, les Etats généraux recommandent
préconisés par la réforme de 1975, il a déclaré que, son
la mise sur pied d’une commission d’actualisation de la
gouvernement s’attachera à consacrer ses efforts à :
Réforme, commission qui tiendra compte de l’évolution
● l’aménagement de l’environnement scolaire ;
de l’environnement pédagogique, économique, socio-
● le renforcement de la gestion de l’offre en éducation ;
culturel, national et international ».
● l’accroissement de l’offre en éducation ;
La Déclaration de politique sectorielle de l’éducation ● l’instauration d’une politique active de formation
(1993) professionnelle.
Cette déclaration s’inscrit dans l’esprit de Jomtien et tra- Le gouvernement entend «relever le défi éducatif et
duit la volonté du Togo de poursuivre une plus grande culturel» à travers une politique hardie en matière d’édu-
justice sociale. cation et de formation. La politique de développement
Tout en tenant compte des contraintes financières, du secteur éducatif visé par le gouvernement tend à
matérielles, institutionnelles et humaines, la politique mettre l’accent sur l’enseignement primaire en vue d’at-
sectorielle maintient les trois objectifs prioritaires déjà teindre un taux net de scolarisation de 80 % d’ici l’an
définis dans la réforme de 1975. Pour atteindre chacun 2000 à 2010.
de ces objectifs, l’Etat entend entreprendre des actions
urgentes et bien ciblées, retenues dans une requête de 2. Nécessité de changer l’école
financement rédigée par le Togo et soumise à la Banque
En dépit des progrès notoires qui ont été réalisés sur le
mondiale. Il s’agit du Projet d’appui à la gestion de
plan éducatif par l’Etat, la situation actuelle n’offre
l’éducation (PAGED).
guère de raison d’être satisfait. Les signes de déclin sont
Le Projet d’appui à la gestion de l’éducation (PAGED) évidents. Le problème majeur provient de ce que l’ac-
1995 – 2001 croissement des effectifs scolaires dépasse largement la
Conçu en 1990, initialement sous forme d’assistance capacité de l’économie nationale à subvenir aux besoins
technique de la Banque mondiale au redressement du du système éducatif. Mais, on peut distinguer plusieurs
secteur de l’éducation, le PAGED a subi une nouvelle autres de difficultés.
orientation en 1992, afin de pouvoir couvrir l’ensemble Tout d’abord, les moyens dont dispose le Togo en
des problèmes dont souffre le secteur à la suite de la matière d’éducation sont inadéquats, tant du point de vue
crise socio-politique vécue par le pays. Le projet com- des impératifs économiques que des répartitions budgé-
porte deux volets : taires.
1. l’amélioration de la qualité de l’école ; En second lieu, l’augmentation des effectifs sco-
2. l’amélioration de la gestion du système scolaire. laires a pour conséquence qu’une bonne partie des éta-
La composante «formation continue des enseignants et blissements du primaire et du secondaire ne constituent
école de qualité» constitue l’innovation du projet, car guère plus qu’une façade d’enseignement. On y trouve
cette composante vise deux objectifs: la formation des des classes surchargées, sans équipement ni de matériel
enseignants en cours d’emploi; et l’amélioration de la pédagogique adéquat. Plus grave encore que l’incom-
qualité de l’enseignement, dans le sens du management pétence des enseignants, est leur perte de prestige. En
(leadership) de l’ensemble du personnel enseignant aux effet, tandis qu’ils jouissaient autrefois d’un statut
74
enviable dans la société et que leur profession était structure administrative du système, la formation sur le
recherchée, les enseignants constituent aujourd’hui un tas des instituteurs, et les matières enseignées.
corps fatigué et désenchanté parfois relayé par des Les réformes sont fondées sur l’hypothèse qu’il
jeunes diplômés non formés pédagogiquement et non suffit d’avoir une politique et de fournir (quelquefois)
motivés. ce dont les écoles ont besoin pour modifier la pratique
En troisième lieu, l’égalité de chances est encore de la classe des enseignants. Néanmoins, les investis-
mal répartie, au niveau des régions, des préfectures et sements massifs dans cette optique ont produit des
des sexes, où les statistiques scolaires affichent des dif- résultats décevants.
férences notoires. Les récents projets financés par la Banque mondia-
La confiance du public dans l’enseignement s’est le dans plus de 25 pays de l’Afrique subsaharienne
étiolée en même temps que la qualité du système sont orientés dans une nouvelle perspective. Désormais
d’éducation nationale. Les jeunes diplômés des écoles les efforts ne sont plus centrés sur les intrants (équipe-
primaires et secondaires ont de plus en plus du mal à ments scolaires pratiques d’administration du système)
trouver un emploi dans le secteur moderne. Comme mais sur le « rôle central de l’école individuelle ». Les
les postes que ces jeunes convoitent se trouvent en directives visant à améliorer la qualité de l’enseigne-
ville, les mouvements migratoires vers les zones ment-apprentissage se fondent entre autres sur l’hypo-
urbaines deviennent partie intégrante des problèmes à thèse que :
résoudre. « L’Ecole, en tant que système social et les interactions
A la lumière des taux de redoublement et de pro- entre les éléments qui constituent cet élément ont une
motion actuels dans le primaire, sur 1000 élèves ins- influence significative sur l’apprentissage des élèves
crits au CP2 en 1994 – 1995 seuls 43 d’entre eux qui va bien au-delà de l’impact individuel des intrants
auront leur certificat de fin d’études primaires (CEPD) fournis à l’école ». (Heneveld, 1994.)
au bout des 6 ans de scolarité normale, seuls 230 autres Il s’agit donc d’identifier, d’analyser et d’agir
élèves auront le leur en 7 ou 8 ans et 727 quitteront le directement au sein de l’école sur les facteurs détermi-
système sans aucun diplôme. Ces réalités alarmantes nants de l’amélioration des apprentissages des élèves.
posent le problème crucial de l’amélioration de l’éffi- Dans cette perspective, dans quel sens rénover le curri-
cacité interne et externe de l’école. culum dans l’enseignement primaire pour espérer amé-
A la rentrée 1999 – 2000 , le Ministère de l’éduca- liorer la qualité de l’apprentissage des élèves dans les
tion nationale et de la recherche a introduit dans l’en- écoles togolaises ?
seignement primaire deux importantes innovations : la Le curriculum, tel que nous le concevons, s’inspire
double vacation et l’organisation de l’école en sous- des principes qui coïncident avec ceux déjà définis par
cycles. Le double flux ou double vacation vise à Arnould Clausse (1973) pour un enseignement
accroître le nombre de places disponibles à l’école rénové : principes de focus, de contexte, de scolarisa-
sans créer de graves contraintes budgétaires (équité tion d’individualisation, de séquence et de significa-
sociale) et à réduire le ratio maître – élèves (il s’agit de tion.
le stabiliser autour de 50 élèves par classe). Quant à Le profil de l’élève à la sortie de l’éducation de
l’organisation de l’école en sous-cycles, elle permet base est donc constitué par un ensemble de connais-
d’éviter les ruptures liées au cloisonnement et à la sances, d’habiletés et d’attitudes centrées sur les points
fragmentation des cours scolaires. L’école primaire focaux suivants :
comporte désormais trois sous-cycles. ● apprendre à lire, écrire, compter et communiquer.
L’implantation de ces innovations dans l’enseigne- Ces savoirs fondamentaux seront toujours néces-
ment passe obligatoirement par la refondation des pro- saires ;
grammes issus de la réforme de 1975 qui sont restés ● apprendre à penser, à analyser, à synthétiser, à
généralement lourds du point de vue du volume des acquérir le sens critique, le sens du travail métho-
contenus à apprendre par mémorisation et en même dique et discipliné, la capacité de recueillir et d’in-
temps redondants sur plusieurs années. Les pro- terpréter l’information ;
grammes comportent en outre beaucoup d’éléments ● acquérir « l’art de vivre» c’est-à-dire tout ce qui
superflus. touche aux dimensions personnelle, sociale, et
éthique de la vie.
3. Nouvelles tendances en théorie de développement Que devraient savoir les jeunes à la fin du cycle pri-
du curriculum maire ? Que devraient-ils savoir faire et savoir être ?
Surtout en Afrique subsaharienne, les récentes initia- Telles sont les questions fondamentales au cœur de la
tives en vue d’améliorer la qualité de l’enseignement recherche de l’efficacité de l’école. Elles orientent et
primaire, y compris celles financées par les institutions conditionnent l’action éducative des instituteurs. Les
internationales, ont généralement tendance à s’appuyer deux problèmes essentiels à résoudre désormais se
sur des réformes de la politique d’éducation nationale. posent en termes clairs et limpides : comment
Ces réformes visent à modifier la durée du cycle de apprendre aux élèves à penser ? Comment les
l’enseignement primaire, la langue d’instruction, la motiver ?

75
Dans la réforme de 1975, l’étude du milieu est C’est bien à partir des objectifs en termes de compor-
fortement recommandée. Nous la réitérons dans la tements observables que l’on sélectionne les contenus et
méthodologie de l’enseignement rénové, car il n’y a les stratégies d’enseignement, que l’on choisit et organi-
pas d’enseignement valable sans un milieu, un contex- se les activités d’apprentissage, et que l’on détermine les
te, un problème qui mobilisent la volonté. La motiva- instruments d’évaluation.
tion n’est pas le résultat d’un processus déclenché du C’est dire qu’élaborer un profil de sortie réaliste et
dehors, mais la conséquence d’une signification que fonctionnel de l’apprenant à la fin du cycle primaire
l’élève découvre à propos d’un enseignement que l’on apparaît désormais comme un passage obligé de l’amé-
lui donne, d’une activité d’apprentissage qu’on lui pro- lioration de l’efficacité de l’école. Plus encore, il repré-
pose de faire. Toute leçon, disait déjà Dewey, doit être sente le pilier du curriculum rénové.
une réponse.
Le curriculum rénové doit être considéré comme un Bibliographie
changement introduit dans le système social qu’est
l’école. Ce changement revêt deux formes essentielles: Banque Mondiale. 1992. L’enseignement primaire.
rénovation ou innovation. La rénovation selon Marmoz Washington, DC. (Documents de politique générale.)
est une remise à neuf sans bouleversement dans la conti- Barbier, J.M. 1985. L’évaluation en formation. Paris,
nuité de ce qui existait précédemment. Elle maintient un P.U.F.
système en régénérant ses structures internes et en lui Birzea, C. 1980. Rendre opérationnels les objectifs
communiquant un nouveau souffle. Selon Hameline pédagogiques. Paris, P.U.F.
l’innovation introduit une rupture avec le mode de fonc- Clausse, A. 1973. Philosophie et méthodologie d’un
tionnement en vigueur. enseignement rénové. Paris, Armand Colin –
Concernant le mode approprié de renouvellement du Bourrelier.
curriculum, la recherche a beaucoup tiré parti du modèle CONFEMEN. 1995. L’éducation de base : vers une nou-
plus général dit de «recherche et développement» qui velle école. Dakar.
préconise le modèle «RED» (review – evaluate – deve- D’Amours, Y. 1993. Faire avancer l’école : vers oú ?
lop). Ce modèle conjugue mieux la contribution du per- pour qui ?. Québec, Canada, Ministère de l’éduca-
sonnel enseignant et des écoles avec la contribution des tion et de l’enseignement supérieur, Conseil perma-
organes centraux en matière d’éducation. Le partage des nent de la jeunesse.
responsabilités constitue un facteur déterminant dans le De Landsheere, V. ; De Landsheere, G. 1980. Définir les
renouvellement du curriculum. objectifs de l’éducation. Paris, P.U.F.
La refondation, en tant qu’activité novatrice du curri- D’Hainault, L. 1988. Des fins aux objectifs d’éducation.
culum peut s’orienter dans l’une ou l’autre des perspec- Éducation 2000. Bruxelles, Éditions Labor.
tives suivantes: innovation de la gestion de l’élaboration, Hallak, J. 1990. Investir dans l’avenir. Définir les priori-
enrichissement du contenu, amélioration de la qualité tés de l’éducation dans le monde en développement.
des instruments et des stratégies d’enseignement, défini- Paris, UNESCO – IIPE/Editions l’Harmattan.
tion de profils de sortie. Ce qui est essentiel c’est de Heneveld, W. 1994. Planification et suivi de la qualité de
considérer désormais le curriculum comme un facteur l’enseignement primaire en Afrique subsaharienne.
déterminant la qualité de l’école, facteur sur lequel on Washington, D.C., Banque Mondiale, Africa
peut agir pour améliorer la formation des élèves dans le Technical Department, Human Resources Division.
sens de l’accroissement de la qualité et l’efficacité. (Note technique, n° 14.)
Jarousse, J-P. ; Mingat, A. 1991. L’école primaire en
V. CONCLUSION Afrique, fonctionnement, qualité, produits : le cas
Dans la plupart des pays en voie de développement, il y du Togo. Dijon, France, Institut de recherche sur
a peu d’exemples de refondation curriculaire réussie l’économie de l’éducation – IREDU.
dans le système éducatif. Martin, J.Y. ; Chau, T.N. 1993. La qualité de l’école pri-
Ce manque de réussite s’explique en partie par le maire en Guinée. Paris, UNESCO – IIPE.
fait que les projets de programmes sont souvent telle- Onwuka, U. 1985. Curriculum development for Africa.
ment « expédiés » qu’il n’est pas possible d’envisager Onitsha, Nigéria, Africana-FEP Publishers.
une évaluation sérieuse. Il est très fréquent de constater Rassekh, S. ; Vaideanu, G. 1987. Les contenus d’éduca-
dans le cadre des activités pédagogiques que générale- tion. Paris, UNESCO.
ment les finalités (options fondamentales, priorités et Safar, H. 1978. Élaboration et référence des pro-
valeurs) ne sont pas traduites en buts (profils de for- grammes scolaires. Paris, UNESCO.
més). Quant aux buts, ils sont rarement formulés en ——. 1990. Investir dans l’avenir. Définir les priorités
termes d’objectifs spécifiques (connaissances, compé- de l’éducation dans le monde en développement.
tences, attitudes). Paris, UNESCO – IIPE/Éditions l’Harmattan.
L’élaboration de profil de sortie se trouve au cœur du Togo. Ministère de l’éducation nationale et de la
processus général d’amélioration de l’efficacité de recherche scientifique. 1993. Déclaration de poli-
l’école. tique sectorielle. Lomé.
76
PARTIE III:

LES CONTRIBUTIONS THÉMATIQUES

77
Une éducation appropriée
aux peuples autochtones d’Amérique latine
José Marín

I. INTRODUCTION relle. L’éducation qui est appropriée est une éducation


aux programmes planifiés et réalisés conjointement avec
À la fin du XX siècle, les peuples autochtones reven-
ème
les Indiens, en fonction de leurs intérêts et à partir des
diquent leur droit à l’autonomie, et à l’autogestion de
associations et fédérations indigènes. Il s’agit de leur
leurs territoires ancestraux par le biais de la revalorisa-
permettre de renforcer leurs identités et leur rendre le
tion de leurs langues et cultures. Ceci est un mouve-
statut de sujets de leur propre histoire, ce dont ils ont été
ment d’une profonde signification, en vertu duquel sont
si longtemps privés.
réaffirmées les connaissances, les savoirs et les modes
Actuellement, dans la grande majorité des pays où
d’apprentissage autochtones. Ce fait devient très
vivent ces peuples, les institutions scolaires de l’éduca-
important dans plusieurs régions du monde.
tion officielle, monolingues et par essence monocultu-
L’éducation constitue le véhicule par lequel toutes ces
relles, se trouvent confrontées au défi de savoir comment
demandes sont canalisées avec une approche bilingue
gérer cette diversité linguistique et culturelle. Nous
et interculturelle en Afrique, en Asie, en Océanie, en
croyons que l’éducation interculturelle peut devenir le
Amérique latine, ainsi qu’en Amérique du Nord (Gale,
fondement de programmes qui mettent en valeur les
1995; Godenzzi, 1996; Lewin, 1995; Lipka & Stairs,
langues et les cultures autochtones, en les associant aux
1994; Pridmore, 1995; Rostkowski, 1973; Singh, 1995;
perspectives de la culture occidentale à travers l’échan-
Teasdale, 1994). Les peuples autochtones tiennent leur
ge. Dans certains cas, le respect des langues et cultures a
nom du fait qu’ils ont été les premiers occupants d’une
déjà été pris en compte par une politique éducative qui
terre ou d’un territoire donné (Teasdale, 1994). En
facilite l’intégration démocratique des minorités eth-
1993, les Nations Unies déclarèrent la décennie des
niques dans les sociétés multiculturelles. L’éducation a
peuples autochtones.
un rôle très important en ce qui concerne la défense des
En Europe, les programmes officiels d’éducation
droits des peuples autochtones et la politique de leur
sont confrontés à l’existence de minorités nationales et
développement économique, social et culturel.
ethniques, à des populations immigrantes, ainsi qu’à
La première partie de notre article est consacrée à
des populations itinérantes; c’est le cas des tziganes,
une brève introduction théorique concernant les peuples
principalement dans les pays de l’Europe de l’Est
autochtones et leur dimension culturelle et historique
(Jäggi, 1988; Janodet & Ferreira, 1992; Liégeois,
dans le contexte latino-américain. Nous aborderons, en
1994). Les approches interculturelles dans l’éducation
deuxième partie, l’étude des programmes d’éducation
en Europe sont souvent destinées aux seuls étrangers. Il
bilingue et interculturelle conçus à partir des années 80
devient pourtant nécessaire d’abandonner la place mar-
dans différents pays de l’Amérique latine. Comme on ne
ginale que cette approche occupe de façon à assumer la
peut pas parler d’approche interculturelle sans faire réfé-
diversité socioculturelle et linguistique comme finalité
rence à la dimension politique sous-jacente aux pro-
de l’éducation (Allemann-Ghionda, 1999; Perez, 1998;
grammes éducatifs officiels imposés par les États-
Perregaux, 1994). D’ailleurs, Gasché (1999) affirme
Nations, nous les envisagerons en rapport avec la
que «l’éducation interculturelle doit intéresser tous les
diversité culturelle et linguistique brimée et avec le rôle
pays qui abritent des populations minoritaires à carac-
de l’école associée à cette politique d’assimilation des
téristiques sociales, religieuses, linguistiques et cultu-
minorités ethniques.
relles qui les différencient d’une société, religion,
langue ou culture qui prétendent être représentatives de
II. DIMENSION HISTORIQUE DU CONTEXTE
la nation, en tant que mythe unificateur prôné par
INTERCULTUREL
l’État» (p. l ).
Dans le contexte de l’Amérique latine, la question Nous sommes le produit de différents métissages surve-
centrale qui anime ici notre réflexion est de savoir nus au cours de l’histoire des civilisations (Laplantine &
comment imaginer une éducation appropriée aux Nouss, 1997). Ce processus s’est développé dans le
peuples autochtones, à partir d’une approche intercultu- cadre d’une énorme diversité écologique de laquelle est
78
issue la diversité culturelle malgré l’appartenance de Chaque culture construit sa propre vision du monde
l’homme à une seule espèce biologique (Langaney, Van et peut prétendre à la considérer comme universelle dans
Blijenburgh & Sánchez-Mazas, 1992). Dans cette pers- une perspective ethnocentrique. «Cette mise au centre
pective, toute prétention de pureté biologique est insen- de sa propre culture est basée sur une observation des
sée, chacun de nous possédant une histoire génétique anthropologues: les cultures sont autocentrées; chacune
unique. L’histoire des sociétés humaines est associée à procède d’un modèle de départ par rapport auquel ses
l’histoire des migrations, aux contacts culturels source représentations et ses valeurs sont justifiées», comme
de multiples influences. Ces rencontres ont été à carac- l’affirmait Camilleri (1993, p. 35).
tères divers: soit refus et confrontations, soit échanges L’implication sociale de notre vie quotidienne, et
pacifiques et apprentissages mutuels. Les cultures se l’interaction des uns avec les autres mettent en question
sont construites et modifiées dans des contextes dyna- nos identités. Cette mise en question engendre une insé-
miques. Autant les collectivités que les individus, en tant curité qui empêche une dynamique interculturelle. On
que participants aux interactions de leur histoire, soumis peut donc imaginer la difficulté qu’il y a pour que la
à ses influences et à ses conditionnements multiples, ont décentration indispensable rencontre une réflexion
façonné leurs identités de façon multiple. interculturelle, tenant compte de la complexité de la réa-
Actuellement le processus de mondialisation de lité et des exigences éthiques qui accompagnent la
l’économie, ainsi que la révolution technologique des réflexion. On ne peut pas se restreindre à la lutte contre
communications et de l’information, multiplient les les préjugés, l’intolérance, l’ethnocentrisme, le nationa-
contacts entre les peuples dans plusieurs domaines. lisme et le racisme. On ne peut pas non plus se contenter
Cependant, bien que l’ordre néo-libéral facilite le libre de la seule approche descriptive et comparative sans se
trafic des marchandises, il impose des barrières au «compromettre» dans la recherche des mécanismes qui
libre transit des personnes: la planète devient un «villa- président au respect de la pluralité de nos sociétés: le
ge» aux multiples clivages à l’échelle mondiale sentiment de sécurité mutuelle en est sans doute le point
(Chomsky & Dietrich, 1998; Forrester, 1996; Hallak, de départ.
1998; Hobsbawm, 1999; Oman, 1996; Ramonet, Les approches interculturelles sont applicables dans
1997). Au-delà des intérêts géopolitiques des groupes plusieurs domaines à partir de l’histoire de la rencontre
hégémoniques, nous vivons tous - six milliards d’êtres de l’identité et de l’altérité - du dialogue entre soi-même
humains - sous le même ciel et dans la même «mai- et les autres, dans une perspective qui permette la recon-
son». La question devient comment faire pour vivre naissance de ce qui est commun à tous. Cette approche
ensemble ? Comment faire pour nous respecter et pro- permet d’imaginer l’existence d’autres formes de per-
fiter mutuellement de nos diversités ? Telle est la ception des connaissances et d’interprétation de la réali-
dimension interculturelle de l’histoire humaine té. La démarche interdisciplinaire utilisée par l’approche
contemporaine (Demorgon, 1998; Demorgon & interculturelle permet la rencontre des multiples visages
Lipianski, 1999). de la société et de leur complémentarité, en vue d’une
Le mode même de développement des sociétés intégration participative.
contemporaines devient interculturel dans des contextes Actuellement, certaines conceptions sont véhiculées
bien différents: décolonisations, guerres, génocides, par l’ethnocentrisme colonial sous forme de «vérités»:
crises économiques, migrations, formation de blocs l’existence des races, la hiérarchisation biologique et
régionaux, construction européenne, mondialisation, culturelle par exemple. Or, tous les êtres humains appar-
mutations et clivages socio-économico-culturels, chô- tiennent à la même espèce alors que chacun est différent
mage et exclusion. Ces contextes associent le tragique à de l’autre. Cette diversité n’est pas un défaut, mais un
la complexité où s’articulent le local et le mondial avec trait déterminant qui préserve l’espèce humaine entière.
la perte des certitudes passées (Hess, 1998). Le décalage socio-économique entre les individus et les
peuples ne se justifie ni biologiquement, ni culturelle-
III. L’APPROCHE INTERCULTURELLE ment (Marín, 1994a).
ENTRE IDENTITE ET ALTERITE
IV. LE CONCEPT DE CULTURE
L’espace interculturel engage à une réflexion de base en
vue d’imaginer une pédagogie appropriée aux sociétés Le concept de culture permet une meilleure compréhen-
multiculturelles. La communication se construit alors sion de la nature humaine. L’individu est le produit de
sur la base du respect de la diversité et permet de déve- l’interaction entre son héritage naturel avec le milieu
lopper une perception du monde, en tant que lieu histo- culturel dans lequel il a été socialisé. II est issu d’un
rique dont l’exploration nous est donnée en partage. Le vaste processus d’accumulation de connaissances, selon
fait de reconnaître et de respecter l’existence de l’altéri- les différences de chances et d’expériences qui font
té nous oblige à réfléchir aux questions afférentes à la l’histoire de sa vie. Chacun de nous devient le fruit des
qualité de ces rapports. Cette réflexion touche à la socié- contextes culturels dans lesquels il est capable de se
té, à ses clivages et à l’école en tant qu’institution inter- reconnaître et sur lesquels il construit son identité -
médiaire entre l’État et la société - en tant que médiatri- contextes riches et dynamiques, à partir desquels il
ce de la diversité culturelle et linguistique. essaye de s’adapter constamment.

79
Si la culture peut constituer une ressource très pré- cas de la lutte pour l’indépendance en Tchétchénie et au
cieuse pour notre émancipation, elle peut aussi être un Daghestan, ainsi qu’en Asie Centrale et au Caucase.
obstacle insurmontable - une sorte de camisole de force - L’exemple le plus dramatique des tensions provoquées
selon l’utilisation que nous en faisons. La culture peut par le non-respect de la diversité religieuse, linguistique
devenir la négation de l’individu. Si nos cultures sont des et culturelle de la part d’un nationalisme extrémiste, se
portes ouvertes au développement humain, en même manifeste dans le drame de la purification ethnique:
temps elles peuvent constituer des pièges. celui qui a suivi l’éclatement de la Fédération yougosla-
L’ethnocentrisme sur lequel chaque culture essaye de ve (Serbie, Bosnie et Croatie) au début des années 90 et
s’appuyer est une affirmation identitaire exacerbée qui dernièrement celui vécu entre les Serbes et les Kosovars,
produit des effets pervers et justifie des inégalités de et entre les Kosovars et les Tziganes (Derens, 1999).
toutes sortes, dans les rapports des uns avec les autres. Cependant, le cas des Kurdes de Turquie est à remar-
La culture se traduit sous forme de traditions et de quer: il relativise le discours de ceux qui prétendent
comportements qui s’expriment par des systèmes de défendre les droits de l’homme en Yougoslavie, tout en
symboles, des codes, des valeurs, des techniques. Tout ce laissant la Turquie effectuer son propre nettoyage eth-
processus fonde les identités. C’est dans ce «contexte de nique. Les intérêts économiques et géopolitiques pri-
départ» que les individus peuvent «négocier» constam- ment ici sur toute priorité «humanitaire» (Picard, 1991).
ment les influences, les apprentissages, le partage ou La situation contemporaine est donc caractérisée de
l’imposition d’autres contraintes culturelles avec leur multiples mutations. L’approche interculturelle récupère
propre histoire quotidienne. C’est ici que se nouent les là sa propre dimension historique: au-delà de sa problé-
liens entre l’individu et sa culture d’origine confrontée à matique éducative, psychologique et migratoire, elle
des interactions qui dépassent largement tout déterminis- aide à mieux comprendre la nécessité du respect de la
me culturel. Nous parlons de la culture au pluriel au-delà diversité, de la pluralité et de la difficile gestion de la
de toute classification hiérarchique. Chaque peuple se démocratie. Dans ces conditions, l’approche intercultu-
pose des questions sur le sens de la vie, de la mort, de la relle permet de mieux se comprendre pour vivre
santé, de ses rapports avec la nature et de la transmission ensemble. Une décentration culturelle permanente, en
de ses connaissances dans ces différents domaines; il se tant que travail quotidien sur soi-même (donc aussi sur le
pose aussi la question du «comment» les transmettre. monde extérieur) reste la seule possibilité de gérer une
approche interculturelle propre à entamer un véritable
1. Un monde en mutation dialogue des cultures.
Alors qu’actuellement la mondialisation de l’économie
contrôle aussi le domaine de l’information et des com- 2. L’école et les populations autochtones
munications, nous vivons les contraintes d’une culture dans les Amériques
de masse. Ce processus se traduit par l’affaiblissement Dans les deux Amériques l’école officielle est tributaire
économique et politique des États-Nations. Parallèle- du modèle occidental. Dès le XIXème siècle l’école est
ment, il permet l’émergence d’un réveil des identités instituée simultanément à la création des Républiques.
culturelles, en tant qu’expression d’une résistance à cette Au XXème siècle, cette éducation officielle et les pro-
hégémonie, et favorise, entre autre, la création de pro- grammes d’alphabétisation des adultes essayent d’accen-
grammes éducatifs alternatifs en Amérique latine tuer l’implantation des valeurs étrangères aux cultures
(Gasché, 1998a). autochtones. Malgré leur résistance, l’Occident a imposé
En Europe, un double mouvement revendicatif se sa vision du monde, sa langue et sa culture (Montoya,
manifeste. D’une part, certaines régions se considèrent 1990).
opprimées par un État centralisateur et revendiquent les En Amérique du Nord - comme partout ailleurs -
droits à leur langue et leur culture dans les institutions l’école obligatoire provoque des résistances qui s’expri-
éducatives et culturelles: c’est le cas, entre autres, des ment par le refus explicite de l’école de la part des chefs
Catalans en Espagne et des minorités nationales hon- indiens eux-mêmes. Ainsi en 1744, dans un passage de
groises en Roumanie. D’autre part, certaines régions son autobiographie, Tatanga Mani (Indian Story), com-
recourent parfois à des stratégies violentes, dès que leurs
mentait l’éducation qu’il avait reçue chez les hommes
aspirations sont associées à une demande d’indépendan-
blancs de la manière suivante:
ce politique comme c’est le cas des nationalistes basques
en Espagne et des Corses en France (Ferrer, 1998; Oh oui ! Je suis allé à l’école des hommes blancs, j’ai appris à
Gasché, 1998b; Perez, 1998; Salvi, 1973). Un deuxième lire leurs livres de classe, les journaux et la Bible. Mais j’ai
mouvement revendicatif au niveau européen est celui des découvert à temps que ce n’était pas suffisant. Les peuples civi-
lisés dépendent beaucoup trop de la page imprimée. Je me
populations d’immigrés qui cherchent à perpétuer leurs
tournai vers le livre du Grand Esprit qui est l’ensemble de sa
héritages religieux, linguistique et culturel dans leur création. Vous pouvez lire une grande partie de ce livre en étu-
nouveau pays de résidence. diant la nature. Vous savez, si vous prenez tous vos livres et les
Dans un cadre semblable, des conflits appelés «inter- étendez sous le soleil en laissant, pendant quelque temps, la
ethniques» ont surgi à la suite de la disparition de pluie, la neige et les insectes accomplir leur œuvre, il n’en res-
l’URSS et ont donné lieu à des conflits armés: c’est le tera plus rien. Mais le Grand Esprit nous a fourni la possibilité,

80
à vous et à nous, d’étudier à l’université de la nature, les forêts, toutes les institutions, sociales, politiques, écono-
les rivières, les montagnes, et les animaux dont nous faisons miques, qui influencent directement leurs vies.
partie (Mc Luhan, 1971, p. 110). 2. La langue est cruciale pour la survie culturelle, et les
Pour l’ensemble des peuples autochtones des peuples autochtones devraient bénéficier du soutien
Amériques, la culture est considérée comme le produit le plus entier pour faire revivre, pour maintenir ou
des rapports étroits qu’entretient l’homme avec la natu- pour développer leurs langues, en particulier lorsque
re. La nature y est considérée comme un système vivant de telles initiatives sont nourries par la communauté,
duquel l’homme fait partie (Descola, 1986; Gasché, et pas seulement par l’école.
1999; Marín, 1996; Montoya, 1990; Narby, 1995). 3. Les groupes autochtones devraient obtenir la liberté
En 1970, désireux de prendre en main leurs propres de repenser l’école en fonction de leurs propres para-
affaires au moyen de l’«American Indian Mouvement» mètres culturels. Ils devraient disposer de ressources
(AIM), les Amérindiens des États-Unis décident d’orga- qui leur assurent la possibilité de choisir des
niser un système d’enseignement parallèle à celui des modèles de scolarisation favorisant le développe-
écoles du Bureau des affaires indiennes, qui leur sem- ment linguistique et culturel.
blent trop orienté vers l’histoire, la culture et les valeurs 4. Tout en reconnaissant les droits culturels des
européennes (Rostkowski, 1973). En effet, par assimila- groupes autochtones, les éducateurs non autochtones
tion forcée, les enfants étaient expédiés de force dans devraient rejeter la supposition que la connaissance
des écoles éloignées des réserves où il leur était interdit occidentale serait plus valable ou plus légitime que
de parler leur langue. On les contraignait à se couper les les autres connaissances. Ils devraient affirmer que
cheveux et à s’habiller comme les blancs; cela trouble les cultures de la connaissance locale ont le droit de
encore les mémoires aujourd’hui. jouer un rôle significatif à l’intérieur des écoles et
En imposant le système d’éducation de la société des autres institutions d’éducation.
majoritaire, ne risquait-on pas de tourner le dos à l’héri- 5. Les enseignants, conseillers et gestionnaires ne
tage indien ? En raison d’un passé lourd de souvenirs, devraient pas dispenser la connaissance, mais la par-
l’éducation est demeurée longtemps synonyme de tager, en recourant à une approche «qui consiste à
«désindianisation» pour les peuples autochtones. Leur négocier du sens, et dans laquelle les incompatibili-
volonté étant renforcée par leur résistance culturelle, tés entre les deux systèmes d’apprentissage sont
certains Indiens se sont orientés vers un autre système repérées et analysées.» (Teasdale, 1999, p.17).
scolaire: les écoles de survie où l’enseignement des lan-
gues indiennes, longtemps interdit, est maintenant assu- V. DE L’ALPHABETISATION BILINGUE A
ré dans de nombreux établissements scolaires (Lipka & L’APPROCHE INTERCULTURELLE
Stairs, 1994; Rostkowski, 1973). Le principe du respect DANS LE CONTEXTE LATINO-AMÉRICAIN
de la nature chez les Indiens est en rapport avec les Les peuples autochtones d’Amérique latine comptent
mouvements écologistes actuels, qui essayent de faire approximativement 50 millions de personnes; ces
pression pour que cet enseignement ait sa place en peuples font partie de la configuration historique et cul-
milieu scolaire. turelle du continent. En conséquence, ils ont un rôle à
Ailleurs que sur le continent américain, nous avons jouer dans l’avenir de la culture et de l’éducation de
l’exemple des peuples autochtones d’Océanie (en parti- leurs peuples.
culier les polynésiens de Hawaii et de Nouvelle Une alphabétisation en castillan et en portugais a été
Zélande) et les Aborigènes d’Australie qui ont subi des développée par les jésuites pour évangéliser les indi-
bouleversements considérables de par le colonialisme et gènes, dans le cadre du territoire des Missions au
qui continuent d’être agressés par les puissantes forces Paraguay et au Brésil au XVIIIème siècle. Dans ce contex-
d’uniformisation culturelle que représentent les sociétés te, des cours d’éducation bilingue ont été donnés, des
industrielles dominantes. Même lorsque les peuples grammaires et des dictionnaires des langues autochtones
indigènes sont numériquement et politiquement domi- (tupi-guarani) ont été conçues. II y a une similitude avec
nants, leurs valeurs et leurs traditions culturelles sont les missions protestantes fondamentalistes nord-améri-
menacées. caines de l’Institut linguistique d’été (Instituto
Selon Teasdale (1999), des solutions commencent à Linguistico de Verano, ILV): alphabétisation limitée à la
émerger de certaines cultures autochtones. Les condi- traduction en castillan et en portugais de textes reli-
tions socioculturelles varient énormément et des gieux, et conversion des indigènes à une religion occi-
approches qui «marchent» dans un contexte peuvent ne dentale, dans le but d’une politique d’assimilation. Au-
pas convenir à tel autre. Toutefois, les tendances qui sui- delà de l’intention des missionnaires, l’alphabétisation
vent sont certainement importantes: réalisée au cours de cette période a permis l’implanta-
1. Il est indispensable que les peuples autochtones tion précoce d’un système d’éducation bilingue (cas-
aient vraiment la liberté de prendre leurs propres tillan-guarany) au Paraguay, système qui se poursuit de
décisions concernant l’éducation. Ils ont parfaite- nos jours.
ment le droit d’avoir pleine et entière propriété et Les rapports entre les colonisateurs et les peuples
autorité, non seulement sur l’éducation, mais sur autochtones ont provoqué des conflits de pouvoir. La

81
condition d’une véritable relation interculturelle ne pou- mination raciale, linguistique et culturelle d’autre part
vait pas être remplie: il a donc fallu beaucoup de temps (Albo & D’Emilio, 1990; Chioldi, 1990; Mayer, 1987;
et de souffrances pour reconnaître une dignité aux indi- Montoya, 1998; Rodriguez, Masferrer & Vargas Vega,
gènes et à leur culture (Amodio, 1993). 1983; Varese, 1985, 1987; Zuñiga, Ansión & Cueva,
En Amérique latine nous avons affaire à des popula- 1987; Zuñiga, Pozzi-Escot & López, 1991). Quelle est la
tions autochtones - minoritaires en Colombie ou mino- place des indigènes dans le présent et le futur écono-
rées au Guatemala - qui, alimentées par les revendica- mique, social et culturel de ces pays ? Cette question
tions politiques face aux États-Nations, sont en train de importante nous fait comprendre que la dimension poli-
se constituer en différentes organisations. Elles revendi- tique de l’éducation a une grande importance dans l’his-
quent un certain degré d’autonomie de leurs territoires et toire des peuples.
aspirent à prendre sous leur contrôle direct la gestion de Au début des années 70, les fédérations indigènes
leurs ressources naturelles et démographiques et de leurs revendiquent la reconnaissance de leurs territoires et du
affaires civiles: l’éducation, la santé et la commercialisa- droit à leurs langues ainsi que la revalorisation de leurs
tion de leurs produits (Gasché, 1998a). cultures. C’est à cette époque qu’une alternative éducati-
Dès 1971, le mouvement indien a ainsi permis de ve s’est développée dans la perspective de contrer la
définir une orientation radicalement nouvelle dans le politique d’assimilation de l’État.
domaine de l’éducation. Depuis le début du siècle, émer- Dans les années 80, une autre innovation prend de
geait en Amérique du Sud une pensée politique où l’éco- l’ampleur en Amérique latine: les programmes d’éduca-
le devenait un véhicule important du changement social. tion bilingue et interculturelle. Ceux-ci cherchent à
Le marxisme d’origine européenne a été repris et adapté rendre l’école plus adaptée aux peuples indigènes de ce
aux réalités de l’Amérique latine. Au Pérou, José Carlos continent. Tous ces projets sont développés par des
Mariategui, écrivait avant 1930, l’ouvrage Thèmes de équipes multidisciplinaires (anthropologues, linguistes,
l’éducation dans lequel il présentait l’éducation comme pédagogues, psychologues, ingénieurs agronomes et
l’axe de la pensée économique et politique. Plus récem- forestiers, biologistes etc.), par des institutions universi-
ment, au Brésil, Paulo Freire publia en 1970 Pédagogie taires, des organisations religieuses, et des organisations
de l’opprimé dans laquelle il développe sa réflexion sur non gouvernementales (ONG), par la coopération inter-
l’éducation populaire. Son innovation éducative est nationale en association avec les syndicats et fédérations
conçue en tant qu’instrument de libération de l’individu indigènes.
et de changement fondamental de la société (Dasen & Dans le cas particulier de l’Amazonie péruvienne, le
Marín, 1996). premier programme d’éducation bilingue et intercultu-
Les premiers programmes d’éducation bilingue se relle est développé en 1975, comme projet de revalorisa-
sont développés avec l’alphabétisation des peuples indi- tion des langues et des savoirs des cultures indigènes.
gènes en 1937 au Mexique, et plus tard, dans les années L’idée du respect des droits de ces peuples à leurs identi-
50 dans plusieurs pays d’Amérique Latine. Ils ont été tés est prise comme point de départ d’une politique d’in-
principalement réalisés par les missionnaires nord-amé- tégration démocratique à l’intérieur d’une société multi-
ricains du protestantisme fondamentaliste de l’ILV. Cette culturelle, caractéristique de plusieurs États d’Amérique
institution religieuse a eu, à cette époque, une couverture latine.
académique qui lui a permis de signer des accords avec La participation des organisations indigènes à ces
les gouvernements; ceux-ci ont trouvé dans les mission- programmes permet d’ouvrir le débat sur le problème
naires d’excellents supporters de leur politique «d’inté- relatif à la possession de leurs territoires - programmes
gration nationale» destinée au contrôle politique, écono- sans lesquels ces sociétés sont condamnées à l’extinction
mique et culturel des indigènes. En réalité, cette (AIDESEP / ISP Loreto / PFMB, 1998; Gasché, 1989,
politique s’est réduite à une simple assimilation dans le 1998a/b).
cadre d’un modèle politique d’État-Nation incapable de Dans le cas de la région andine sud-américaine, le
reconnaître la diversité culturelle et linguistique dans Programme de formation en éducation interculturelle
chaque pays. L’alphabétisation proposée est centrée bilingue pour la région andine (PROEIB ANDES), desti-
principalement sur l’imposition du castillan ou du portu- né à développer l’éducation interculturelle bilingue
gais comme langues officielles et la traduction en (EIB), à travers la formation de ressources humaines et à
langues indigènes des textes de la culture occidentale et développer la recherche a été créé à Cochabamba en
du Nouveau Testament - ceci afin de faciliter l’évangéli- 1996. Ce programme est le produit des accords conclus
sation, objectif fondamental de l’ILV (Marín, 1992). en 1995 entre le gouvernement de la République fédérale
En Amérique latine, au niveau officiel, les indigènes allemande et le Gouvernement bolivien. Sont associés à
sont considérés comme un obstacle au développement et ce programme la coopération technique allemande
au progrès du pays. Ils sont l’expression de cultures (GTZ), et pour la Bolivie, l’Université majeur de San
«arriérées» qui font barrière à la modernisation. La pro- Simón à Cochabamba, centre d’études supérieures situé
blématique indigène a été construite principalement sur dans une des régions indigènes Quechua de la Bolivie.
une double situation d’oppression des peuples autoch- Actuellement le PROEIB-ANDES, conçu au début pour
tones: l’exploitation économique d’une part et la discri- la région andine bolivienne quechua et aymara, s’adresse
82
aux populations indigènes amazoniennes de la Bolivie, valorisation, la reconnaissance et le respect mutuel aux
et aux autres populations autochtones du Chili et du niveaux social, économique, politique, religieux et cul-
Nord de l’Argentine. Le programme PROEIB-ANDES turel. Dans le cas des peuples autochtones, le respect des
participe avec d’autres institutions au réseau des pro- personnes qui appartiennent à une culture déterminée
grammes d’éducation bilingue et interculturelle en paraît fondamental.
Équateur, au Pérou et en Colombie. Ses activités sont L’interculturalité est conçue comme fondement d’un
soutenues par le Bureau régional d’éducation pour projet démocratique à l’intérieur des politiques éduca-
l’Amérique et les Caraïbes (OREALC), par l’UNESCO, tives; elle imprègne la société et la démocratise dans le
par le Fond des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) sens le plus large. Sa référence est associée aux pro-
et par l’Institut de la coopération ibéro-américaine (ICI). grammes éducatifs, en vue de renforcer les identités
Ces dernières années les gouvernements latino-amé- propres aux peuples indigènes du continent américain
ricains ont pris conscience de cette réalité, et ils ont (Arratia, 1994). Pour certains, le concept d’intercultura-
consenti quelques concessions et reconnu certains lité représente avant tout la relation entre une culture
droits. Les revendications politiques concernent aussi indigène et la culture occidentale. Gasché (1999) affir-
l’éducation, et nous assistons au développement de me que: «L’éducation indienne chez les peuples autoch-
diverses initiatives à ce sujet (Amadio, 1990; Amadio & tones d’Amérique Latine, vue dans la perspective plus
López,1993; Gasché, 1998a/b; Godenzzi, 1996; López, générale d’une éducation interculturelle bilingue, dépas-
1990). se aujourd’hui la problématique concernant les indi-
Actuellement, au Mexique, les Indiens du Chiapas gènes» (p. 1).
luttent pour conquérir leur droit à leurs territoires et une L’approche interculturelle peut aider à un véritable
certaine autonomie vis-à-vis de l’État mexicain. Ils pro- dialogue entre ethnies et nationalités et peut corriger la
posent de construire une école destinée à mettre en situation actuelle de discrimination, dépendance et
valeur leurs langues et leurs cultures. (Campa Mendoza, soumission. En Amérique latine dans les années 80, il
1999; Diaz Polanco, 1997). a été question de l’éducation biculturelle. Actuelle-
Ces programmes ne se limitent pas aux seuls pays où ment, le choix se porte sur une éducation inter-
la population indigène est importante (Mexique, culturelle (Jung, 1992, p. 62-65). Selon Godenzzi
Guatemala, Équateur, Pérou et Bolivie) mais s’adressent (1996), cette approche dans le contexte d’Amérique
aussi aux pays, comme la Colombie et le Chili, qui ont latine tient compte de certains faits que peuvent être
une plus faible proportion de population indigène. résumés comme suit:
L’approche interculturelle développée dans les pro- ● la perspective de l’approche interculturelle est de
grammes d’éducation bilingue et interculturelle s’inscrit constituer des rapports équitables en termes écono-
comme l’axe principal de la réponse à la question de miques, sociaux, politiques et culturels;
savoir comment construire une éducation appropriée ● le passage à une situation d’égalité est issu d’un pro-
aux peuples autochtones d’Amérique latine. Or, ce défi cessus de négociation sociale au cours duquel les
se pose dans le sens du respect de la diversité culturelle participants, surtout les peuples autochtones les plus
et linguistique, en vue des programmes éducatifs déve- marginalisés, arrivent à construire leur autonomie et
loppés par les États-Nations. à définir leurs droits en tant que citoyens.
Ces peuples deviennent sujets de leur propre histoi- Dans ce cadre théorique on peut concevoir l’éducation
re, après avoir été des objets de la politique d’assimila- interculturelle comme une proposition pédagogique à
tion forcée et imposée par les États-Nations. Constitués partir d’un contexte politique donné, cherchant à orien-
en fédérations et soutenus par des ONGs, exigeant le ter les acteurs éducatifs à répondre à la subordination
respect de leur droit aux territoires qu’ils occupent imposée par les systèmes de connaissances et des
depuis des siècles, ils aspirent à une éducation capable valeurs de la culture dominante. La situation espérée fait
de revaloriser leurs langues et leurs cultures: une éduca- référence à des relations pédagogiques et des dialogues
tion apte à répondre à leur réalité écologique et aux équitables où s’articulent, de façon créative, les divers
besoins de leur vie quotidienne. systèmes de connaissances et de valeurs.
L’approche interculturelle, dans le contexte latino- Brandão (1991) suggère deux démarches pour abor-
américain, ne se limite pas à une simple approche théo- der l’analyse de l’interaction des cultures, celle de type
rique. Elle développe aussi un cadre de recherches socio-politique, centrée sur le pouvoir et celle de type
actives et participatives aux réalités concrètes, telle que symbolique, centrée sur le savoir. La première démarche
l’élaboration des programmes d’éducation bilingue et considère la culture comme l’ensemble des réponses
interculturelle. (Gasché, 1989, 1998a/b; Godenzzi, aux besoins de sa reproduction et de son organisation
1996; Montoya, 1990). Par cette approche, il ne s’agit sociale, en tant qu’instrument de ce pouvoir qui légitime
pas d’enfermer les individus dans leurs identités cultu- l’ordre social existant. La culture se transforme pour se
relles sous prétexte de les libérer de l’universalisme et reproduire. La deuxième démarche envisage la culture
de la standardisation culturelle, mais de construire un comme une création solidaire autour d’un consensus,
nouveau paradigme basé sur les échanges, tout en res- qui permet d’arriver à des accords sur la signification
pectant la dignité de chacun – celle-ci étant basée sur la des codes et du sens du monde. Ces deux démarches

83
existent actuellement; elles font mention des points clés riences vécues en vue d’un partage des Bavoirs dans ce
à prendre en compte pour la recherche et l’application dialogue entre cultures ? Ceci reste à réaliser.
pratique de l’approche interculturelle. II est possible d’imaginer une approche intercultu-
La tendance dominante des États-Nations latino- relle à travers la radio diffusant en langues indigènes et
américains s’inscrit dans le cadre des politiques néo- participant à la socialisation familiale. II est aussi pos-
libérales qui sont imposés par les mythes du progrès et sible de développer ces programmes au niveau interna-
du développement économique de la pensée unique tional. Les expériences en Bolivie et en Équateur sont
hégémonique. Dans cette perspective, nous assistons à la une bonne démonstration de la mise en pratique de
négation et à la destruction arbitraire des traditions cultu- l’interculturalité, tant au niveau linguistique que cultu-
relles, ce qui érode la dignité et les droits fondamentaux rel (Albo & D’Emilio, 1990; Albo, 1995; Amadio,
des personnes et des peuples autochtones. Cette mondia- 1989, 1990; Amadio, Varese & Picon, 1987;
lisation de l’économie ne possède pas de projet de socié- Chuqimantari & Quishpe, 1996; Howard-Malverde,
té humaine. Des réponses concrètes aux défis contempo- 1996; Moya, 1990).
rains du respect de l’environnement et de la dignité La décentration culturelle paraît une étape incontour-
humaine me paraissent indispensables. nable. Ce préalable se traduit par un refus des préjugés et
Dans le contexte latino-américain, il faut imaginer la un changement d’attitude; elle évite la reproduction des
création de projets capables de répondre aux besoins schémas mentaux de catégorisation et de hiérarchisation
fondamentaux des secteurs populaires. En Amérique des valeurs. Elle correspond à un effort constant de se
latine, l’interculturalité est une réponse en construction, mettre à la place de l’autre pour essayer de comprendre
encore limitée à l’éducation «destinée aux indigènes». les points communs qui nous rassemblent, en tant que
En Europe, nous avons mentionné que, pour le moment, membres de la seule espèce humaine. Le rôle de sociali-
elle est destinée aux seuls étrangers; il devient pourtant sation de l’école pourrait être efficace dans une stimula-
nécessaire d’abandonner la place marginale qu’elle y oc- tion de la décentration culturelle.
cupe et d’assumer la diversité socioculturelle et linguis- Créer les conditions qui nous permettent de vivre
tique comme finalité de l’éducation (Allemann-Ghionda, ensemble, avec nos différences, devrait former un défi
1999). collectif. En effet, à partir d’une réflexion interculturelle
des stéréotypes et des préjugés, il est possible de
VI. CONCLUSION construire ensemble les savoirs nécessaires aux besoins
L’approche interculturelle latino-américaine est déjà présents et d’imaginer les réponses aux défis futurs. Les
associée aux politiques sociales et éducatives, en tant peuples autochtones en tant qu’ensemble de sociétés
que référence dans le débat pédagogique, dans la forma- multiculturelles des différentes régions d’Amérique lati-
tion et la création des programmes et du matériel didac- ne trouveront nécessairement dans la richesse de leur
tique. L’axe «éducation et démocratie» constitue un diversité les matériaux nécessaires à une construction
débat obligé. Cette approche est considérée comme le sociale démocratique respectueuse de la dignité humai-
fondement d’une école appropriée à la diversité culturel- ne. Les questions soulevées par le problème des peuples
le et linguistique de chaque pays, une école capable de autochtones du continent américain peuvent éclairer
mettre en valeur et de coordonner les différents apports aussi celles rencontrées sur d’autres continents, dont
des cultures existantes. l’Europe confrontée au défi de l’intégration de ses mino-
L’interculturalité n’est pas la simple transmission de rités nationales ou ethniques.
programmes; elle permet l’articulation des approches
différentes aux connaissances nouvelles, au profit d’une Notes
construction globale élaborée ensemble autour d’un 1. Populations autochtone, chiffres approximatifs:
même sujet. En fait, elle enrichit les programmes de
Argentine 1,5%; Bolivie 59,2%; Brésil 0,2%;
l’ensemble des originalités de chaque culture, de l’acti-
Colombie 2,2%; Costa Rica 0,8%; Chili 5,7%; El
vité interculturelle vécue (Howard-Malverde, 1996).
Salvador 2,3%; Équateur 33,9%; Guatemala 59,7%;
Appliquée au domaine de l’éducation, une approche de
Honduras 3,2%; Mexique 12,5%; Nicaragua 8%;
la réalité observable par les différentes cultures implique
Panama 6,8%; Pérou 36,8%; Venezuela 1,5%.
l’étude des conditions de la transmission de savoirs dans
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différents types d’apprentissages. L’étude transversale de
l’éducation, au sens le plus large, permet de mieux com-
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86
Articulation entre documents de politiques
éducatives, programmes et manuels:
l’enseignement des valeurs universelles
John Aglo

I. INTRODUCTION nologique des textes de politique éducative sur les pro-


grammes et d’une précédence chronologique des pro-
L’objectif de la présente étude est de s’interroger sur la
grammes sur les manuels. L’hypothèse est partiellement
place et l’importance accordées aux valeurs dites univer-
vérifiée pour le Gabon et le Togo, elle ne l’est pas du tout
selles dans les documents de politique éducative, les pro-
grammes d’enseignement et les manuels scolaires des pour le Mali et elle ne l’est qu’imparfaitement pour le
quatre Etats-membres suivants: le Gabon, le Mali, le Sénégal. La loi d’orientation sur l’éducation au Mali est
Sénégal et le Togo. L’expression de «valeurs univer- entrée en vigueur le 28 décembre 1999, les programmes
selles» renvoie généralement à un ensemble d’idéaux du 1er et 2e cycle de l’enseignement fondamental aux-
moraux prônés dans le concert des nations et qui servent quels nous avons eu accès datent respectivement de 1994
de contenu référentiel pour la communauté internationale et 1990 ; et les manuels de lecture de la collection
sous l’auspice des Nations Unies. Certaines de ces Dzoliba que nous avons pu avoir entre les mains ont été
valeurs sont : la tolérance, le respect des autres et de l’en- édités entre octobre 1994 et décembre 1997. Le Sénégal
vironnement, la paix et la non-violence, le vivre- a promulgué, le 16 février 1991, une loi d’orientation de
ensemble, la compréhension mutuelle entre les peuples, l’éducation nationale. De nouveaux programmes tenant
l’égalité entre les peuples, les genres et les personnes, etc. compte de la politique de réforme en cours sont en
vigueur depuis octobre 1999. Les manuels de lecture de
II. LES APORIES DE LA PRÉSENTE ÉTUDE la collection Sidi et Rama édités au 3e trimestre 1999
sont inspirés des nouveaux programmes. Il reste cepen-
D’entrée de jeu, la présente étude, consacrée à l’articula-
tion entre document de politiques éducatives, programmes dant que d’autres manuels en usage ne sont pas en
et manuels, pose des difficultés qui ne sont pas sans affec- conformité avec les nouveaux programmes et ne s’accor-
ter la méthode d’analyse et même le plan du travail prévu. dent donc pas clairement avec l’esprit de la réforme qui
Des difficultés apparaissent lorsque notre problématique les inspire. A titre d’exemple, il convient de signaler le
est saisie au niveau d’un même Etat-membre, tout comme manuel d’histoire, 2e étape et celui de géographie, 2e
lorsqu’elle est abordée au niveau de l’ensemble des quatre étape, cours élémentaire, Ineade/Edicef 1996 ; le manuel
Etats étudiés: Gabon, Mali, Sénégal et Togo. de français, cours élémentaire, 1995 ; le manuel d’éduca-
tion environnementale à l’école élémentaire, intitulé
1. L’écart de temps entre les documents de référence Pour mieux vivre au Sahel, 1998, PFIE/Sénégal. Il y a
des différents pays même des ouvrages antérieurs à la loi d’orientation de
1991 qui sont toujours en usage. Le manuel intitulé,
La première difficulté d’ordre méthodologique que pose cette
Langage, livre du maître 1ère étape, INEADE, 1990, en
étude se situe au niveau de la comparaison des politiques édu-
est un exemple.
catives et des programmes des quatre pays impliqués.
Entre la loi gabonaise n° 16/66 du 9 août 1966, por-
3. Les raisons
tant l’Organisation générale de l’enseignement dans la
République du Gabon et la loi n° 99-046/ du 28 L’explication de cet état de fait est qu’une profonde
décembre 1999, portant loi d’orientation sur l’Education réforme du système éducatif impliquant une refondation
au Mali, trente-trois ans se sont écoulés. Comment est-il curriculaire est en cours d’expérimentation au Sénégal et
concevable d’envisager une comparaison dans une telle au Mali. Les programmes d’octobre 1999, qui, au
situation? L’écart entre les deux textes suffit à découra- Sénégal, sont élaborés en tenant compte des exigences
ger toute tentative à ce sujet. de la réforme n’ont pas encore été généralisés. Ils sont
introduits dans le système à côté des anciens pro-
2. L’articulation dans le temps entre les différents grammes qu’ils remplaceront progressivement, si la mise
types de documents d’un même Etat-membre à l’essai est concluante. Au Mali, les programmes et
Au niveau national et suivant le plan de travail annoncé, manuels conformes à l’esprit de la réforme n’étaient pas
l’hypothèse serait celle d’une antériorité logique et chro- encore validés à la fin du premier trimestre de 2000.

87
Au Togo et au Gabon, l’antériorité des textes de poli- III. L’ÉTUDE DES VALEURS D’APRÈS
tiques éducatives (loi portant organisation de l’enseigne- L’OPTIQUE DE LA PRÉSENTE ÉTUDE
ment, document officiel présentant la réforme de l’ensei-
Malgré les problèmes d’ordre épistémologique posés par
gnement) sur les programmes et celle des programmes
cette étude, il reste que non seulement elle a commencé,
sur les manuels sont plus manifestes. La loi n°16/66 por-
connaissant ainsi un début d’existence, mais encore, elle a
tant Organisation Générale de l’Enseignement dans la
permis de dégager des centres d’intérêts pertinents. Ceux-
République du Gabon, encore en vigueur à la fin du pre-
ci mettent en évidence la prise en compte de certaines
mier trimestre de 2000, date du 9 août 1966.
valeurs, dites universelles, dans les textes de politiques
L’ordonnance promulguant l’Ecole Nouvelle au Togo est
éducatives. Ces valeurs se manifestent comme des objec-
du 6 mai 1975. Les programmes de l’enseignement du 1er
tifs éthiques relayés ou non dans les programmes et
degré du Togo datent des années 1980. Les programmes
manuels. Elles permettent alors de poser avec pertinence
du Gabon qui nous ont été communiqués sont de 1990.
la problématique de l’articulation du contenu axiologique
Toutefois, force est de reconnaître que l’antériorité des
des systèmes éducatifs de certains Etats-membres avec les
programmes sur les manuels n’est pas toujours évidente.
grandes valeurs éthiques et humanistes. Ces dernières sont
Ainsi, au Gabon, un manuel de français du CE1 date de
défendues dans le cadre du courant de progrès contempo-
1989 alors que le programme est de 1990. Le Togo et le
rain et nécessitent d’être prises en charge en vue d’une
Gabon, eux aussi, manifestent de façon explicite leur
adéquate «adaptation du contenu de l’éducation aux défis
volonté d’engager de nouvelles réformes.
du XXIe siècle».
Cette situation transitoire dans laquelle se trouvent les
Il est important d’attirer d’ores et déjà l’attention sur le
systèmes éducatifs des Etats-membres directement concer-
fait qu’il n’est pas question ici d’une évaluation et encore
nés par cette analyse a une incidence sur la disponibilité, la
moins d’une analyse de type pédagogique. Il ne s’agit
collecte et le rassemblement du matériel sur lequel va porter
donc pas d’examiner si les objectifs prévus, d’un point de
l’étude. Certains documents susceptibles d’intéresser cette
vue strictement pédagogique, ont été atteints, ou si les
étude ne sont pas accessibles parce qu’ils sont encore pour
outils pédagogiques mis en œuvre dans un projet détermi-
la plupart au statut de documents de travail. Les administra-
né ont été opérationnels ou continuent à l’être. Il s’agit
tions nationales ne s’en séparent donc pas volontiers ou ne
plutôt de rechercher si les matériaux, les plans, les pro-
souhaitent pas leur divulgation en l’état. Des manuels de
grammes et les manuels utilisés dans des systèmes éduca-
lecture de certains pays, élaborés conformément aux exi-
tifs concernés font place à des exigences éthiques. Il s’agit
gence de la réforme, n’étaient pas encore validés au
aussi d’évaluer dans quelle mesure ils véhiculent des idées
moment où nous en avions besoin. Il n’y a en définitive que
et des valeurs relatives au bien-être, au développement, à
le Sénégal et le Togo pour lesquels notre étude a pu dispo-
la paix, à la protection de l’environnement, à l’épanouisse-
ser de matériel conséquent en vue d’un examen cohérent.
ment de l’humain, à la protection de la vie et de la nature,
Les divers constats faits plus haut ne sont pas motivés
à la tolérance, à la nécessité de vivre ensemble pour le plus
par l’intention de montrer qu’il existerait une incohérence
grand bien de l’humanité. De ce point de vue, deux docu-
entre textes de politiques éducatives, programmes et
ments nous servent de référence immédiate :
manuels. Ils nous indiquent plutôt que la recherche d’une
1. le rapport à l’UNESCO de la Commission interna-
relation entre les objectifs éthiques et axiologiques mani-
tionale sur l’éducation pour le vingt et unième siècle,
festés dans les textes de politiques éducatives, les pro-
présidée par Jacques Delors, intitulé L’éducation, un
grammes et les manuels ne pourraient aboutir à des résul-
trésor est caché dedans, Paris, Éditions Odile Jacob,
tats très satisfaisants à l’heure actuelle. Si on tenait à
UNESCO, 1996;
rechercher la relation existant entre les objectifs des poli-
2. le programme-cadre du BIE intitulé L’adaptation du
tiques éducatives, les programmes et les manuels, la ques-
contenu de l’éducation aux défis du XXIe siècle,
tion qui devrait la mettre en évidence ne devrait se poser ni
Genève, BIE, juin 1998.
dans l’ordre que nous avons prévu, ni dans les termes
Sur ces bases, la place et l’importance accordées dans les
envisagés. Dès lors, à la question de savoir s’il existe une
textes de politiques éducatives, dans les programmes et
articulation entre politique éducative, les programmes et
dans les manuels aux valeurs universelles, telles que la
les manuels, la réponse de toute évidence est que l’heure
paix, la tolérance, le respect de l’autre et de l’environne-
n’est pas à une telle interrogation. Il faut entendre par là
ment, le vouloir vivre ensemble (en apprenant à travailler
que la question ne saurait se poser, compte tenu de la
en équipe, à écouter les autres), la compréhension du
situation de réforme dans laquelle les Etats-membres
milieu économique, social et politique seront étudiées, à
concernés se trouvent engagés ou de la volonté de réforme
l’échelle locale, nationale, régionale et internationale.
qu’ils manifestent. Cette double situation s’impose
comme sous-jacente à toute réponse à ce questionnement.
IV. LES VALEURS UNIVERSELLES DANS
Une telle étude, pour être rigoureuse et dense, devra
LES TEXTES DE POLITIQUE ÉDUCATIVE
par ailleurs se doter de moyens appropriés en ressources
ET LES PROGRAMMES
humaines nécessaires, en matériels diversifiés et en
temps suffisant. Elle ne peut être précipitée, ni être hâti- Ces valeurs dites universelles apparaissent comme des
vement conduite. finalités et des objectifs recherchés, et même comme des

88
thèmes à valeur pédagogique, dans les documents de ment pour l’édification d’une société démocratique, soli-
programmes. Elles figurent aussi en préambule des ins- daire et juste, qui a choisi la décentralisation. Elle accorde
tructions officielles. une priorité au développement des ressources humaines à
Ainsi, parmi les grands objectifs assignés à «l’Ecole travers des valeurs culturelles maliennes, tournées vers des
Nouvelle» par la réforme de l’enseignement au Togo valeurs universelles, une éducation à la citoyenneté, la
figurent: capacité de promouvoir le développement socio-politique,
● «la réhabilitation des langues et des valeurs cultu- économique et culturelle du Mali. Elle insiste sur «l’im-
relles positives» ; portance du rôle et de la place des communautés et des col-
● la préparation de l’apprenant à la vie et non seule- lectivités décentralisées pour réaliser un changement pro-
ment au diplôme ; fond, pour refonder son système d’éducation». Elle
● l’adaptation des productions de l’école aux besoins demande que «les communautés s’approprient l’école»,
du développement rapide du pays, au milieu en déve- que l’école soit «conforme à leurs aspirations», que l’éco-
loppement ; le réponde à «leurs besoins vitaux de développement»,
● l’égalité des chances à tous les citoyens, aux filles que l’école fasse «partie de leur vie de tous les jours» et
comme aux garçons ; qu’elle soit «intégrée à l’environnement socio-culturel».
● la confiance en soi ; La loi n° 99-046 du 28 décembre 1999 portant Loi
● le sens de la liberté ; d’orientation sur l’éducation au Mali précise que «le
● la «connaissance du milieu» ; système éducatif malien a pour finalité de former un
● l’esprit enraciné dans les réalités togolaises et afri- citoyen patriote et bâtisseur d’une société démocratique,
caines ; un acteur du développement profondément ancré dans sa
● apprendre à être et à faire ; culture et ouvert à la civilisation universelle, maîtrisant
● la lutte contre le sous-développement ; les savoir-faire populaires et apte à intégrer les progrès
● l’autodiscipline ; scientifiques, techniques et à la technologie moderne».
● l’institution de l’éducation post-secondaire et perma- Ces textes mettent l’accent sur l’importance :
nente pour tous ; ● d’une société démocratique respectueuse de la paix
● la formation de l’esprit critique ; et des droits fondamentaux de l’homme et du
● la formation d’un citoyen ouvert d’esprit capable de citoyen ;
s’adapter aisément à toutes les situations nouvelles, ● de la protection de l’environnement ;
plein d’initiative et apte à agir sur le milieu pour le ● de l’utilisation dans l’enseignement des langues
transformer ; maliennes ;
● l’interdisciplinarité. ● de doter l’apprenant d’une capacité d’analyse, d’ap-
L’éducation nationale, au sens de la loi no. 91-22 préciation et d’exploitation de la culture de son pays,
d’Orientation de l’éducation nationale au Sénégal a pour des caractéristiques principales de son organisation
but, entre autres, de «former des hommes et des femmes politique, sociale et économie et d’information sur
capables de travailler efficacement à la construction du des potentialités et des perspectives de développe-
pays». Elle porte un intérêt particulier aux problèmes éco- ment dans un contexte de mondialisation, et de lui
nomiques, sociaux et culturels rencontrés par le Sénégal permettre d’acquérir l’apprentissage de la vie en
dans son effort de développement, et garde le souci commun, du travail en équipe et des bienfaits de la
constant de mettre les formations dispensées en relation coopération.
avec ces problèmes et leurs solutions. L’éducation natio- Pour les Etats-membres indiqués, la plupart de ces
nale sénégalaise se charge par conséquent : valeurs sont reprises dans les documents d’éducation
● de promouvoir les valeurs dans lesquelles la nation se nationale, les programmes et les instructions officielles à
reconnaît, c’est-à-dire la liberté, la démocratie pluralis- la fois comme des objectifs à atteindre à travers l’école
te, le respect des droits de l’homme, la dévotion au bien et comme supports indispensables de celle-ci. Dès lors, à
commun, le respect des lois et les règles de la vie socia- la question de savoir si les objectifs s’articulent avec le
le, le sens de la justice de l’équité et du respect mutuel ; programme, la réponse s’annonce ici positive.
● de faire acquérir la capacité de transformer le milieu Aussi bien dans les textes de politiques éducatives
et la société, et d’ aider chacun à épanouir ses poten- que dans les programmes et dans les manuels, lorsque
tialités ; cela est pertinent, il convient de noter que certaines
● de développer l’enseignement des langues nationales valeurs font l’objet d’une insistance particulière. On
et des cultures africaines ; pourrait citer par exemple :
● d’ouvrir l’esprit aux valeurs de civilisation. ● la prise en compte du milieu, des besoins des popula-
Dans les Grandes orientations de la politique éducative au tions, des besoins du développement des pays;
Mali on lit que: «la 3e République, convaincue que la paix ● la réhabilitation ou la promotion des langues natio-
est une condition sine qua non pour le développement nales et des valeurs culturelles africaines;
humanitaire durable, opte pour une éducation et une cultu- ● la formation d’un citoyen épanoui sachant faire
re de la paix». Elle stipule le droit à l’éducation comme usage de l’esprit critique, ayant confiance en lui,
droit fondamental dans sa Constitution. Elle opte égale- plein d’initiative, apte à agir sur le milieu et la

89
société pour les transformer, acquis aux valeurs de L’exploitation strictement pédagogique met l’accent
liberté, de démocratie, de la vie en commun, res- sur l’acquisition des connaissances. L’exploitation alliant
pectueux des droits humains, de l’environnement, l’éthique et la pédagogie met l’accent sur le caractère pra-
soucieux de la paix, recherchant le bien commun, tique, l’utilité directe, la vie quotidienne et l’environne-
le respect des lois et des règles de la vie sociale, la ment social et économique. La manifestation la plus
justice, l’équité, l’égalité entre les citoyens, le res- remarquable du deuxième pôle se trouve dans la collection
pect mutuel, tolérant, ancré dans les cultures afri- Sidi et Rama, et particulièrement dans le livre de lecture
caines et ouvert aux autres civilisations, et capable du cours moyen 2e année. Dans ce manuel, la plupart des
de s’adapter à toutes les situations nouvelles y textes étudiés ne sont plus destinés à l’acquisition de la
compris la mondialisation ou les mutations rapides langue. Ils ne sont plus une collection destinée à servir
du monde contemporain; seulement de support pédagogique avec des objectifs abs-
● l’importance du rôle et de la place des communautés traits et éloignés des réalités des enfants. Ils sont une véri-
et des collectivités. table leçon pratique de la vie, prenant appui sur « la pra-
D’une façon générale, ces axes seront exploités dans les tique de l’étude du milieu », encourageant « l’esprit
manuels. d’initiative », alliant rigoureusement « l’école à la vie, la
théorie à la pratique, l’enseignement à la production ». Ici,
V. LES VALEURS DANS LES MANUELS l’exploitation se situe au moins aux trois niveaux suivants:
1. l’acquisition de la connaissance ;
L’idée d’entraîner la perception des apprenants « face aux
2. la mise en scène de la vie, de la vie quotidienne et
réalités quotidiennes de leur environnement physique et
des problèmes y afférents ;
social afin de les aider à affronter les difficultés de la vie »
3. la mise en œuvre directe par le texte ou le reflet dans le
est dominante dans les programmes. Elle va caractériser
texte de certains des objectifs de la politique éducative.
essentiellement l’organisation thématique des manuels.
Ainsi, mon sixième livre de lecture, manuel de lectu- Depuis le titre des textes «A la maison communautai-
re des élèves des cours moyen 2e année au Togo est re», «L’Union fait la force», «Passons à la pratique»,
organisé en trois parties : «un geste humanitaire», etc., jusqu’au contenu de cha-
1. la culture et la tradition ; cun d’eux se déploie une leçon pratique de la vie. Y sont
2. la vie active ; illustrés les vertus et les exigences morales fondamen-
3. le retour à la nature. tales, la démonstration du travail en équipe, l’implica-
tion de la communauté toute entière dans le projet édu-
La première partie regroupe les thèmes, tels que la lectu- catif par les apports conjugués de l’expérience de
re, la famille, l’école, la patrie, loisirs et spectacles, à chacun. Si dans les anciens manuels, dont ceux d’histoi-
l’écoute du monde, voyages et transports. La deuxième re, on pouvait, par exemple, assister à l’éloge du guer-
partie comprend la santé, le commerce, les usines et rier, il n’est, dans les nouveaux textes, nulle part fait une
métiers, au village – à la ville. La troisième partie com- apologie de la guerre, de la haine, du rejet de l’autre. Au
prend les phénomènes naturels, les activités agricoles, contraire, le combat pour le droit des enfants, le rôle des
les paysages, les animaux, la chasse et la pêche. enfants dans leur apprentissage, la haine de la guerre, la
Le manuel de lecture Sidi et Rama du cours moyen solidarité et la paix trouvent une illustration fascinante
2e année du Sénégal est organisé en 11 thèmes, à savoir avec une mise en scène fort convaincante dans une pers-
l’école, les grands sentiments, les moyens d’informa- pective où les enfants eux-mêmes sont des acteurs,
tion, la ville et le village, traditions et cultures, santé et chaque fois qu’ils en ont la possibilité.
hygiène, l’environnement, histoires d’hier et d’aujour-
d’hui, l’artisanat et l’industrie, sports et loisirs, l’exa-
men d’entrée en 6e. VI. CONCLUSION
Certaines des préoccupations du Rapport Delors et Il ressort de cette étude, que les Etats considérés ici s’ef-
du programme-cadre du BIE sont reflétées aussi bien forcent remarquablement d’apporter une amélioration
dans les programmes qu’au travers des thèmes énoncés qualitative au contenu de leurs programmes d’enseigne-
dans les manuels. Si l’on s’arrêtait aux thèmes tels ment et de leur manuels scolaires d’une façon générale
qu’ils ont été énoncés, il est même possible d’affirmer et surtout au regard de l’enseignement des valeurs.
que cette prise en compte des nouvelles préoccupations Si des difficultés sont à signaler, elles ne se situeraient
de l’éthique internationale contemporaine est totale. pas au niveau des politiques éducatives et encore moins de
Mais à la lecture des manuels, par exemple, il appa- leur mise en œuvre, mais plutôt dans la transmission du
raît que l’exploitation pédagogique de cette prise en message pédagogique de l’enseignant à l’apprenant.
compte varie dans le temps et se renforce avec une Même à celle à cette échelle, ne sont en cause, ni la bonne
transformation qualitative progressive. Cette prise en volonté des enseignants, ni la qualité des programmes,
compte oscille entre deux pôles : mais les conséquences concrètes de la pauvreté sur la vie
1. un pôle alliant l’éthique et la pédagogie ; de l’école. Le décalage naturel qu’il y a entre le curricu-
2. un pôle plus traditionnel ou plus proprement péda- lum formel et le curriculum réel est ici renforcé par les
gogique. effets de la pauvreté, et profondément la qualité et la
90
consistance du curriculum caché. Les difficultés écono- Ndoye, M., dir. pub. Sidi et Rama. Lecture. Cours d’initiation 1ère
miques et financières des Etats rendent pénibles les condi- étape. Dakar, INEADE, 1990.
Ndoye, M, ; Conte, P., dir. pub.. Sidi et Rama. Lecture. Cours prépara-
tions matérielles de vie des enseignants, des élèves. Elles toire 1ère étape. Dakar, INEADE, 1991.
rendent aussi chronique le manque d’équipement, d’infra- République du Sénégal. Loi N° 91 – 22 d’Orientation de l’Education
Nationale du 30 janvier 1991. Dakar.
structures scolaires et de personnel qualifié et en nombre Sidi et Rama. Lecture. Cours élémentaire 1ère année. Dakar, INEADE,
suffisant. L’ensemble de ces difficultés peuvent entraîner 1999.
Sidi et Rama. Lecture. Cours élémentaire 2ème année. Dakar, INEA-
qu’un curriculum formel qualitativement au point ne DE, 1999.
débouche pas sur la formation qualitative espérée. Or, la Sidi et Rama. Lecture. Cours moyen 1ère année, 3ème étape. Dakar,
présente étude ne s’est intéressée qu’au curriculum INEADE, 1999.
Sidi et Rama. Lecture. Cours moyen 2ème année. Dakar, INEADE, 1997.
formel. De ce point de vue, elle ne saurait fournir que des Curriculum de l’éducation de base. Carnet de bord de l’enseignant (e).
indicateurs. Pour une approche plus adéquate, l’interaction Dakar, 1999.
Curriculum de l’éducation de base. Programme du sous - secteur.
entre les différents facteurs intervenant dans les systèmes Alphabétisation. Dakar, 1999.
éducatifs devra être prise en compte même dans une étude Curriculum de l’éducation de base. Education préscolaire. Petite sec-
tion. Dakar, 1999.
qui vise spécifiquement l’enseignement des valeurs. Curriculum de l’éducation de base. Education préscolaire. Moyenne
section. Dakar, 1999.
Curriculum de l’éducation de base. Education préscolaire. Grande
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Ndiaye, T.N. Initiation civique. Savoir pour agir. Dakar, EENAS, 1999. la Recherche Scientifique, Togo, S.E.U., 1986.

91
Politique sectorielle et réforme curriculaire
Mohamed Radi

I. INTRODUCTION 1. l’accès à l’éducation ;


2. la qualité de l’éducation ;
Le présent article a pour objectif d’établir le lien entre
3. le management de l’éducation.
reforme sectorielle et reforme curriculaire. Plus particu-
lièrement, la question de la nécessité de la reforme au La refondation (également appelée réforme ou harmoni-
Gabon sera développée. Néanmoins, dans un premier sation) curriculaire relève essentiellement du domaine de
temps il convient d’examiner, d’un point de vue théo- la qualité du système éducatif à réformer. Mais, elle
rique, l’origine des réformes éducatives en général ; ainsi n’est pas sans relation avec les autres aspects, dévelop-
que les liens qui existent entre les différentes compo- pés plus bas.
santes de la réforme éducative. La réforme souhaitée peut concerner un domaine
particulier, ou plusieurs domaines simultanément. La
II. ENJEUX ET CARACTERISTIQUES profondeur ou degré de changement désiré, peut aussi
DES REFORMES CURRICULAIRES varier en fonction de l’état du système et des priorités
dégagées par les autorités nationales (sous l’impulsion
1. Les différentes causes des réformes de partenaires techniques et financiers ou suivant la
Toute réforme se base, à l’origine, sur le constat d’un propre initiative du pays).
dysfonctionnement grave du système éducatif par rap- Il convient d’examiner, pour chacun des trois
port aux besoins et aux aspirations socio-économiques et domaines identifiés précédemment, à savoir l’accès à
culturelles d’un pays donné. L’invocation de la nécessité l’éducation, la qualité de l’éducation et le management
d’une réforme sera révélatrice de l’urgence à corriger les de l’éducation, quelles peuvent être les raisons objec-
déséquilibres et à rétablir l’adéquation du système édu- tives d’entreprendre des reformes.
catif par rapport aux attentes de la société.
Selon les pays, les efforts d’adaptation du système 3. Les objectifs, les actions et les moyens caractéris-
pourront avoir trois types de finalités : tiques d’une réforme du système éducatif
1. l’adaptation aux exigences du développement écono-
Dans le domaine de l’accès à l’éducation, les réformes
mique (besoins divers en main d’œuvre qualifiée) ;
viseront à réaliser davantage d’équité et/ ou d’efficaci-
2. l’adaptation à l’évolution socioculturelle de la socié-
té. Il pourra s’agir, par exemple, de corriger les
té (prise en compte des considérations linguistiques,
déséquilibres en matière de scolarisation et de réussite
promotion de l’accès à l’éducation des minorités, ins-
aux examens de fin de cycle ; ou les déséquilibres
truction civique ou religieuse, initiation à la démo-
entre milieux urbain et rural, entre les deux sexes ; ou
cratie et aux droits humains, etc.) ;
encore entre groupes ethno-linguistiques et culturels,
3. l’adaptation aux progrès scientifiques et technolo-
etc.
giques.
Pour résoudre le problème de l’accès à l’éducation,
A titre de fondement ou de finalité d’une réforme, les
la réforme peut toucher, par exemple, la structure du sys-
principes d’équité, d’unification systémique, de diversi-
tème, en optant pour la réduction ou l’allongement du
fication linguistique ou culturelle pour obtenir la paix
cycle d’éducation de base ou pour la création de nou-
peuvent également être invoqués.
velles branches ou de filières de formation dans le post-
fondamental. Selon le cas, il peut être question de
2. Les aspects du système éducatif touchés par une
contrôle et de gestion des flux par le biais de l’informa-
réforme
tion et l’orientation, au moyen d’examen de niveau ou de
L’élaboration d’une politique et d’un programme de concours de sélection.
réforme porte généralement sur une diversité d’aspects Dans le domaine de la qualité de l’éducation, la
du système éducatif que l’on peut ramener synthéti- réforme peut porter sur deux catégories de facteurs. La
quement à trois domaines. Ces derniers sont les sui- première catégorie est celle des facteurs institutionnels,
vants : tels que le curriculum, (c’est-à-dire les contenus, les
92
méthodes pédagogiques et les moyens didactiques); les 4. l’élaboration des programmes d’action;
personnels d’enseignement et d’encadrement pédago- 5. l’élaboration des plans d’opération et la mise au
gique et administratif; et l’organisation scolaire point du dispositif de pilotage de mise en œuvre, de
(rythmes scolaires et carte scolaire). Il existe une rela- suivi et d’évaluation.
tion de cause à effet «évidente» entre ces différents fac- La dernière étape, consacrée à l’évaluation, renvoie au
teurs. début du cycle d’élaboration des politiques et pro-
La deuxième catégorie de facteurs est celle des fac- grammes de réforme.
teurs individuels qui ont trait aux conditions de vie et de Les options arrêtées pour l’accès à l’éducation aux
scolarisation des élèves; notamment à leurs conditions différents niveaux ont un impact certain sur la qualité de
de vie socio-sanitaires et nutritionnelles. l’enseignement. Inversement, les choix qualitatifs,
Les réformes dans le domaine du pilotage straté- notamment les exigences d’apprentissage, ne sont pas
gique et de la gestion visent à soutenir le processus de sans effet sur l’écoulement des flux. Les capacités de
réforme consacré à l’accès et à la qualité au travers planification stratégiques en amont, et celles relatives à
d’une amélioration des capacités nationales en manage- la gestion du système en aval, jouent un rôle détermi-
ment du système éducatif. Il s’agit généralement d’ac- nant dans le processus de conception et de mise en
croître les compétences et de donner à l’appareil admi- œuvre du curriculum tout comme dans l’ensemble de la
nistratif de l’éducation les moyens d’assurer une politique éducative.
utilisation rationnelle des ressources humaines, phy-
siques et financières. 5. Autres conceptions de réforme de l’éducation
Les actions de réforme dans ce domaine portent sur
trois aspects : Les agences ou institutions de financement proposent
1. le renforcement des compétences des décideurs, des des démarches plus ou moins proches, mais avec des
cadres techniques et des gestionnaires du système; différences liées au mandat spécifique de chacune
2. la réorganisation de l’appareil institutionnel de pilo- d’entre elles (Banque mondiale, banques régionales,
tage du système au niveau central et/ou régional et USAID, Coopération anglaise etc.). Pour ce qui relève
local; de l’approche de la Banque mondiale, cette dernière
3. la modernisation des méthodes de planification stra- propose ce qu’elle appelle un Sector-wide approach
tégique et de gestion. (SWAP), suivi d’un Sector investment programme
(SIP). Les partenaires bilatéraux, quant à eux, ont nor-
Les moyens à disposition sont: malement tendance à privilégier les aspects linguis-
1. l’amélioration du système d’information; tiques et culturels dans le processus d’appui et d’élabo-
2. le recours à l’outil informatique; ration des politiques et stratégies de réforme. Or, ceux-ci
3. la simplification et le contrôle des procédures de sont des éléments qui touchent directement le curricu-
gestion administrative et financière. lum.
Pour élaborer un projet de réforme articulé de façon A la lumière du développement d’ordre général ci-
cohérente, différentes approches sont possibles. Le dessus, le cas concret de la réforme au Gabon représente
gouvernement peut gérer le recours à la réforme sans une illustration intéressante.
l’aide de partenaires techniques et financiers extérieurs.
Ou alors, il peut choisir de s’appuyer sur leur savoir- III. ANALYSE DU SYSTEME EDUCATIF
faire, utiliser leur expertise et/ou leurs ressources finan- AU GABON
cières. Les approches adoptées par les pays ou parte-
naires ont évolué dans le temps, mais elles s’inspirent En reprenant un à un les trois domaines définis précé-
majoritairement de la démarche développée par demment et en relevant pour chacun d’entre eux les élé-
l’UNESCO. ments pertinents qui appellent des mesures de réforme,
les conclusions suivantes peuvent être dégagées dans le
4. L’approche préconisée par l’UNESCO: cas spécifique du Gabon.
participation et « leadership » national
1. Etat des lieux du système éducatif gabonais
Aujourd’hui, UNESCO propose une approche sectoriel-
le et un processus d’élaboration des politiques et de pro- La question de l’accès à l’éducation au Gabon
grammes de réforme, ainsi qu’un processus de dévelop- En ce qui concerne la question de l’accès à l’éduca-
pement de l’éducation qui s’appuient sur le leadership tion, il apparaît qu’en dépit de la loi instituant l’obliga-
national et la participation. Cinq étapes principales ont tion scolaire jusqu’à l’âge de 16 ans, bon nombre d’en-
été arrêtées: fants quittent l’école prématurément (leur nombre est
1. le recueil et le traitement des données chiffrées et estimé actuellement à plus de cent mille individus). Par
documentaires; ailleurs, la proportion des redoublements reste très éle-
2. l’analyse sectorielle; vée (33% en 1995-1996) et se traduit par un taux brut
3. la formulation des politiques et des stratégies de de scolarisation de 150% (taux net 95%). Dans le
mise en œuvre; secondaire, le taux de redoublement est de 25% en

93
moyenne . Et le taux brut de scolarisation dans le pre- recherche- action aussi bien sur les options de politique
mier cycle est de 50%. On note l’existence de fortes éducative que sur les aspects pédagogiques ont été
disparités régionales dans la répartition des ressources menés. Il existe un manque de coordination à la fois
d’accueil et d’encadrement, ainsi qu’un taux d’échec intra et intersectorielle.
extrêmement élevé au baccalauréat et dans l’enseigne-
ment supérieur, malgré l’accès quasiment généralisé 2. La réforme du système éducatif au Gabon
aux bourses d’études.
Au Gabon, une prise de conscience de la nécessité de la
réforme a eu lieu. Toutefois, le processus d’élaboration a
La question de la qualité de l’enseignement gabonais
à peine été amorcé.
Pour ce qui est de la qualité, il y a manifestement un Le Gouvernement a souhaité l’appui technique de
grand décalage entre le curriculum prescrit, le curricu- l’UNESCO dans ce domaine. La coopération entamée
lum pratiqué en classe et les résultats atteints par les a permis d’esquisser le contour d’un projet qui com-
élèves. Ce déphasage est dû aux déficiences endogènes porte une première évaluation de la politique éducati-
(institutionnelles) et exogènes qui ont des répercussions ve en vigueur et qui ouvre quelques portes de
néfastes sur la capacité d’apprendre des enfants. Les réflexion sur les évolutions futures et les orientations
déficiences institutionnelles principales sont: de réforme. Il propose un calendrier et des modalités
● la faible efficacité interne fait que 40% des élèves de travail et de collaboration avec les partenaires exté-
du premier degré atteignent la sixième année; rieurs, ainsi qu’une évaluation financière du coût des
● le taux d’admission parmi les élèves des classes activités d’élaboration du programme de réforme. A ce
d’examen de CM2, 3ème et Terminale, sont de 31% stade, la validation et le financement du projet restent
(37% en 1998), 48% et 33% en 1995-1997 ; à être confirmés, avant le passage à la phase de la poli-
● l’effectif d’élèves par maître varie de 53 à plus de tique et du programme d’action qui en découle.
100. La sous-qualification des maîtres est estimée à
45% de l’effectif total ; IV. CONCLUSION
● la volonté d’introduire l’enseignement des langues
nationales dans le secondaire est manifeste ; En guise de synthèse, il peut être retenu que la question
● il y a nécessité de diversifier les filières du secondai- du curriculum occupe une place centrale dans un projet
de réforme national. La refondation curriculaire a des
re pour assurer la formation professionnelle ;
implications multiples en termes de politique linguis-
● l’enseignement des sciences doit être développé en
tique et culturelle. En outre, elle entraîne des consé-
vue de résorber notamment le déficit en enseignants
quences sur la mobilisation et la planification des
● on constate un taux de chômage de diplômés universi-
moyens humains, physiques et financiers. C’est pour-
taires aux côtés d’une pénurie d’enseignants, en parti-
quoi toute refondation curriculaire doit s’insérer dans
culier de professeurs de mathématique et de français ;
une vision globale du devenir du système éducatif.
● la définition d’une politique du livre scolaire en parti-
L’ampleur des dysfonctionnements, des déséquilibres
culier et du matériel didactique en général est urgente.
et des disparités que connaissent les systèmes éducatifs
Les déficiences individuelles principales dues aux fac-
de certains pays africains conduit à la nécessité d’une
teurs exogènes sont les suivantes:
réforme fondamentale qui touche aussi bien le curricu-
● la sous-alimentation et la malnutrition ;
lum que les autres composantes du système éducatif.
● l’absence de soins de santé primaire ;
L’intérêt de l’idée de réforme réside dans le fait qu’elle
● l’analphabétisme des parents ;
offre l’occasion d’une remise à plat de tous les aspects
● le problème de transport à Libreville ;
du système. C’est l’occasion de bâtir une nouvelle poli-
● l’enclavement de certaines localités rurales. tique, dont les options seront articulées entre elles et
répondront aux besoins et aspirations nationales.
La management de l’éducation au Gabon Plus les autorités nationales retarderont l’échéance de
En termes du pilotage stratégique et de la gestion, on l’engagement véritable dans la voie de la réforme, plus les
relève que l’administration de l’éducation se caractéri- problèmes s’aggraveront. Il n’est plus possible aujour-
se par la faiblesse des fonctions de planification straté- d’hui de réformer les systèmes éducatifs profondément
gique, de recherche et de gestion pédagogique, mais atteints par simples retouches isolées et partielles. On ne
aussi de gestion administrative et financière. On déplo- peut plus faire l’économie d’un projet de réforme qui
re l’absence d’une politique éducative clairement for- intègre l’ensemble des mesures dans une vision sectoriel-
mulée et les déficiences du système d’information; le, et qui s’appuie sur une programmation rigoureuse des
ainsi que l’état encore embryonnaire de la carte scolai- actions et des moyens pour en réussir la mise en œuvre.
re. La préparation et l’exécution budgétaires se trou-
vent en déphasage par rapport aux réalités et aux Note
besoins de fonctionnement du système. La gestion du 1. Chef de la Section des politiques et plans d’action natio-
personnel est archaïque. Enfin, il y a absence de plani- naux / Division des politiques et stratégies du Secteur de
fication éducative. Par ailleurs, peu d’études et de l’éducation/UNESCO, Paris, France.

94
La problématique du développement
du curriculum : le cas sénégalais
Souleymane N’Diaye

I. LE CONTEXTE NATIONAL SENEGALAIS 2. Rétrospective portant sur les orientations et conte-


nus de programmes (1962 – 1979)
1. Introduction
Divers réformes et tentatives de relancer l’éducation se
Le Sénégal est, en Afrique, un des premiers pays coloni- sont succédés depuis quarante ans. Ces évènements ont
sés par la France, bénéficiaire d’une scolarisation en eu lieu a des intervalles de plus en plus rapprochés ; au
français. Mais, en dépit des distinctions qu’il a accumu- début des années soixante tous les dix ans ; aux années
lées avec l’implantation de la première école normale quatre-vingt-dix, presque annuellement. Il serait abusif
d’instituteurs à Saint-Louis, puis à Gorée, d’une univer- et mensonger de penser et de dire que ces réformes ne
sité de prestige et de structures diversifiées de formation nous ont rien laissé comme idées fécondes et capacités
de cadres, le pays n’est scolarisé qu’à 68%. d’inventer. Néanmoins, la balkanisation du continent,
En matière de gestion de son système éducatif, il le tutorat exercé par l’assistance technique et l’insuffi-
est confronté à des disparités entre les régions, à des sance de ressources en recherche-action n’ont pas per-
rendements médiocres à tous les niveaux d’études, à mis jusqu’ici d’avoir les moyens de procéder à des dia-
l’incapacité de son enseignement technique et profes- gnostics approfondis, de déterminer les politiques
sionnel à s’adapter aux besoins du pays en matière éducatives en dosant les niveaux d’inculturation et
d’emploi, à une surpopulation au niveau de l’universi- d’acculturation.
té, notamment des facultés de droit et de lettres en Il est impératif de donner un contenu aux professions
comparaison avec les filières susceptibles de former de foi que sont celles de l’enseignement, en ce qui
des techniciens correspondant aux secteurs primaires concerne l’édification d’une école où l’on apprend à
du développement. apprendre et entreprendre, à se débrouiller dans n’impor-
Pour tenter de remédier à de telles insuffisances, les te quelle situation pour résoudre ses problèmes dans une
Gouvernements qui se sont succédés depuis les indépen- perspective de développement intégré et durable.
dances de 1960, ont entrepris plusieurs réformes.
Toutefois, peu d’entre elles étaient bien préparées, ou 3. Les interrogations à ce jour
construites autour d’axes fondamentaux, de paliers Comment formuler la problématique d’un système édu-
solides. catif qui ne serait pas une mauvaise copie de celui du
Depuis les États généraux de l’éducation et de la for- Nord ? Quelles interrogations peuvent traduire la perte
mation (1981), salués comme l’alternance politique de confiance des populations qui ne croient plus à la
récente et comme un témoignage de sagesse, aucune capacité de l’école de devenir un moyen de promotion
réforme n’a été menée selon les exigences d’un partena- sociale ? Comment rendre le sentiment qu’ont les ensei-
riat enrichissant, accordé à un suivi organisé. gnants que la distribution actuelle des savoirs et des
Au contraire, il a manqué, aux réformes recensées de savoir-faires ne permet plus aux élèves d’observer en
1962 à 1998, des points d’ancrage nécessaires, comme la profondeur les réalités qui les entourent, de comprendre
prise en compte d’une base curriculaire unificatrice des le monde, de connaître les autres en vue de les respecter,
réalités régionales et locales dans un pays diversifié, au les tolérer dans leurs différences d’origine, de langue et
regard de son climat et de sa couverture végétale, de sa de culture dans un cadre de vie égalitaire et démocra-
population multiculturelle, pluri-ethnique et plurilingue. tique ? Comment faire en sorte que l’accès à l’instruction
Au lieu de privilégier ces signes de croyance en soi et n’incite l’enfant à rompre avec les activités productives
de volonté de prioriser les stratégies qui libèrent culturel- dans son milieu, avec le mode de vie de sa communauté
lement et économiquement un peuple, on a souvent prêté de base ? Comment concevoir une nouvelle stratégie
plus d’attention aux innovations en vogue dans les pays d’organisation des programmes, de nouvelles pratiques
du Nord, parce que assuré que dans le train qui les pédagogiques, afin qu’elles contribuent à l’enracinement
amène, le financement extérieur et l’assistance technique du sujet dans son terroir, au développement d’une
seront du voyage. conscience citoyenne, à la capacité des Sénégalais de

95
résoudre leurs problèmes existentiels sans adopter des d’assurer à tous la liberté de penser, d’agir et de
solutions faciles d’oisiveté et paresse, de délinquance et s’engager à leur gré.
sans croire aux mirages de l’émigration ? 4. Elles auraient dû, chaque fois que l’âge et le niveau
de compréhension des bénéficiaires le permettent,
II. EDUCATION ET CHANGEMENTS DE SOCIETE les informer au sujet des objectifs et modalités de
Le Sénégal, à l’image de tous les pays du monde, est leur formation.
obligé de changer pour partager les défis et enjeux de 5. Elles ont maintenu les systèmes traditionnels d’éva-
notre époque. Ceux-ci encouragent à faire face aux luation sommative en décalage fréquent avec les dif-
impératifs en matière de développement, à renoncer à férentes natures d’apprentissage incluses dans les
compter sur l’aide extérieure pour résoudre les pro- programmes.
blèmes, à sélectionner les traditions pour se débarrasser
de certaines pesanteurs, à partager avec les autres les cul- III. REPERES, POINTS D’ANCRAGE
tures d’ouverture, à dominante scientifique et technolo- ET DIRECTIVES
gique, les stratégies de lutte contre la pauvreté, l’igno- Dans un pays très politisé comme le Sénégal, qui recon-
rance et la maladie. naît à la fois le multipartisme et la pluralité syndicale, il
Dans le but d’avancer dans cette direction, il est n’est plus possible d’introduire une réforme sans qu’elle
urgent de se doter d’une nouvelle perspective de la vie et fasse l’objet d’un débat national. Il a donc fallu satisfai-
de l’évolution, d’un nouveau regard sur l’école, ses pro- re à l’exigence de présenter à l’opinion publique en
grammes, la transmission de ses savoirs et savoir-faires, général, aux enseignants en particulier, le diagnostic
son rôle dans la transformation du milieu. auquel nous avons adhéré, en attendant un approfondis-
Sous la loupe, la réforme sénégalaises des program- sement ultérieur, de donner une idée de nos repères, de
me révèle que dans la recherche de qualité les dimen- nos intentions en matière de démarches heuristiques, de
sions suivantes ont été insuffisamment prises en comp- prise en compte de contraintes nationales d’ordre social,
te: économique et culturel, de la nécessité pour nous de
1. Jusqu’ici la définition du rôle de l’école a été abordée faire appel à l’Unesco pour être initiés dans l’ingénierie
davantage en termes de capacités intellectuelles, de de la construction des curricula.
données cognitives au regard de résultats attendus
dans des examens de fin cycle organisés autour 1. Le référentiel sénégalais
d’épreuves de connaissances. Or, il conviendrait
d’instaurer des tests de compétences fondamentales, Nous avons donc constitué un référentiel où on pouvait
transversales et disciplinaires qui mesureraient avec noter les indications de cette nature:
rigueur des savoirs, savoir-faires et savoir-êtres. Du Le cadre institutionnel et législatif
fait que les évaluations formatives ont été mal organi- ● définition et délimitation d’un cadre institutionnel et
sées et sont de fait incapables de révéler les aptitudes législatif par une citation d’articles de la Loi fonda-
techniques, esthétiques et les capacités et non révé- mentale (Constitution) relative aux droits à l’éduca-
lées du sujet, la notion de réussite a été au départ mal tion, à la laïcité, à la création des écoles privées, etc.;
abordée par l’école. L’environnement n’est jamais ● extrait des lois en vigueur: la Loi d’orientation
intervenu pour essayer d’aider les maîtres à refonder
(1991) et la Loi sur la décentralisation (1996).
les apprentissages et le système d’évaluation, afin de
favoriser, en même temps que le flux des élèves Les grands axes de philosophie éducative
entrant dans les lycées et collèges, l’orientation des ● extraits de la Lettre de Politique éducative sectorielle;
autres ayant échoué aux examens vers les secteurs de ● fidélité aux Etats généraux de 1981 et aux recom-
la productivité, parce qu’ayant des potentialités dans mandations issues de sa session d’évaluation (1997).
les apprentissages «pratiques».
Référence aux engagements pris à des niveaux suprana-
2. Au Sénégal, les réformes passées en revue ont porté
tionaux pour partager avec les autres les impératifs de
principalement sur les contenus/apprentissages. Elles
l’évolution du monde
n’ont pas abordé globalement toutes les dimensions
d’un curriculum, de manière systémique, ce qui ● orientations adoptées à l’issue des conférences de
aurait signifié qu’aucune composante du système ne Jomtien (1990) sur l’éducation de base, d’Alma Alta
peut être développée, améliorée sans être accordée à à propos de l’éducation environnementale et Bejing
la valorisation des autres. en ce qui concerne la promotion féminine ;
3. Ces réformes n’ont pas dégagé en préambule comme ● conventions adoptées en relation avec l’UNESCO au
postulat un certain nombre d’outils conceptuels: sujet des stratégies nouvelles en éducation, des
structuration, techniques de montage, traitement de langues nationales (Zimbabwe), de l’enseignement
chaque composante, prise en considération des parti- supérieur, dans le cadre de la CONFEMEN, des
cularités locales, indicateurs et descripteurs de quali- conférences régionales, dont l’une des dernières a
té etc. Elles n’ont pas réussi à mobiliser les parte- formulé des recommandations sur l’éducation à la
naires concernés dans un espace semi-autonome afin paix, aux droits de l’homme et à la démocratie.

96
Notre référentiel conceptuel a été à la fois ouvert A ces référents nous avons dû ajouter et intégrer les
et incitatif interrogations propres sur les exigences du développe-
Il a puisé les éléments suivants dans les recommanda- ment, sur la surcharge des programmes, sur l’échec
tions des Etats généraux de l’éducation et de la forma- scolaire, sur la dégradation du professionnalisme des
tion: enseignants, sur la gestion du temps scolaire et du temps
● l’exigence de confier à une «structure unique de pilo- libre des enseignés.
tage» (recommandations n° 7 et 19) la conception Dans un pays économiquement pauvre, où la morta-
d’un référentiel méthodologique qui précise les lité est élevée et l’encadrement médical insuffisant, où
objectifs, stratégies, actions majeures, l’échéancier et seulement un enfant sur deux va à l’école, où l’eau
les modalités de suivi et d’évaluation des réformes; potable et l’électricité ne sont disponibles que dans les
● la promotion de l’hygiène et de la santé dans et
villes, un pays qui importe l’essentiel de son alimenta-
autour de l’école; tion, le curriculum ne peut être qu’une réponse globale à
● le soutien accru aux actions de recherche de supports
des priorités de plusieurs natures (Figure 1).
didactiques, à une nouvelle politique de l’édition sco-
2. Options transmises aux Commissions techniques
laire (recommandation n° 8) ;
● la création d’un Institut des langues nationales et
au titre de directives structurelles et pédagogiques
l’introduction des langues nationales dans le système Se fondant sur les recommandations du Colloque de
éducatif (recommandation n° 8) ; Saint-Louis (1995), le Comité de pilotage a orienté les
● la promotion de l’éducation non formelle, compte commissions techniques vers les aspects suivants:
tenu du fait que notre pays a une vocation essentielle- ● l’intégration entre le formel et le non formel ;
ment agricole, pastorale et halieutique (recommanda- ● la priorisation des processus pédagogiques par rap-
tion n° 13). port aux contenus.

FIGURE 1. Quel curriculum ?

Philosophique :
Politique :
valeurs
charte
conception de la
orientations
vie
lois

Socioculturel Economique :
demande
QUEL CURRICULUM socioéconomique
nationale
besoins de
culturel
développement
Scolaire :
pratiques et habitudes
programmes en Scientifique :
vigueur contenus
questionnement du savoirs experts
non-formel connaissance
fondamentales

97
Le Comité de pilotage a pris des initiatives pour arbitrer le recyclage du personnel, une production et le recours à
des débats divisant les collègues sur plusieurs questions, de nouveaux instruments d’évaluation.
dont les suivantes: La mise en œuvre dans le passé d’innovations nom-
● les bases taxonomiques: il a fallu, à l’occasion d’un breuses et non coordonnées (étude du milieu non éclatée
séminaire (ITPIS), confectionner une base de com- en sciences, français langue seconde, mathématiques
promis qui sert depuis de la didactique de référence à modernes etc.) dans des écoles pilotes au Sénégal, dont
tous ; les performances ne se distinguaient pas de celles des
● la nature des compétences, en unifiant le langage et autres écoles, n’a pas amélioré la qualité de l’enseigne-
en évitant d’entrer dans le détail des capacités ment.
notionnelles (l’atelier de français a mis beaucoup de
temps pour s’accorder sur ce sujet). 2. Refonder ?
Nous avons sollicité de l’UNESCO une documentation La refondation conduit à tout raser, à reconstruire l’édi-
appropriée pour nous enrichir au sujet des manières fice scolaire, à remanier les programmes et les
d’enseigner moins tout en apprenant plus, d’introduire méthodes, le profil de l’enseignant, système d’évalua-
des démarches libérales dans des classes à gros effectif. tion, et, dans certains cas, à changer de médium linguis-
Nous avons aussi adressé aux membres des tique. Elle se décline en termes de ruptures.
Commissions une invitation à: La Guinée de Sékou Touré est l’exemple que l’on
● rendre les programmes moins encyclopédiques ;
cite souvent pour illustrer le passage brutal d’un type
● assortir à la pédagogie par objectifs une relation avec
d’école à un autre. Les caractéristiques de la refondation
des compétences et capacités à déterminer ; guinéenne étaient la suppression du français et son rem-
● concevoir des profils d’étapes et un profil de sortie de
placement par les langues locales, la transformation de
cycle ; l’école en cellule de production, la priorité de l’idéolo-
● réaménager l’organisation du travail scolaire de
gie sur la liberté d’opinion et d’expression du personnel.
manière à rendre possible le recours à la disciplinari-
té et à l’interdisciplinarité ; 3. Rénover ?
● introduire dans le dispositif programmatique une
remédiation des déficits recensés par les projets La rénovation consiste, au regard du diagnostic opéré,
PASEC et SNERS chargés de l’évaluation d’appliquer un traitement combiné qui concilie trois élé-
formative ; ments:
● considérer l’école comme un espace ouvert à la com- 1. supprimer ce qui est archaïque, inopérant et généra-
munauté éducative des alphabétiseurs et des anima- teur d’échec ;
teurs culturels ; 2. réaménager ce qui n’est pas suffisamment opération-
● penser à la continuité des études, mieux organiser nel ;
l’articulation entre l’élémentaire et le moyen, imagi- 3. introduire ce qui manque et qui peut générer plus de
ner des passerelles entre l’école et les projets alterna- performance.
tifs. La rénovation procède d’une démarche de compromis et
de régulation. En optant, par exemple, pour une utilisa-
IV. PROBLEMATIQUE DU CHANGEMENT: tion combinée du français et des langues nationales, les
JUSQU’OÙ ALLER DANS concepteurs du nouveau curriculum sénégalais ont choi-
LA CONSTRUCTION DU CURRICULUM ? si de rénover plutôt que de refonder ou innover.
Parvenu à un certain niveau de maîtrise du diagnostic et
obligé de choisir entre plusieurs dimensions dans la voie V. LES COMPOSANTES D’UN CURRICULUM
du changement, le pouvoir en place inévitablement 1. Typologie: un schéma parmi d’autres
conduit à faire le choix entre trois pratiques dans les En observant la Figure 2, il est facile d’y reconnaître les
réformes: composantes suivantes:
1. introduire des innovations dans les programmes ; 1. une composante d’idéation, de détermination des
2. décider d’une refondation du système ; objectifs généraux et opérationnels (A), en prévoyant
3. promouvoir une rénovation des composantes du cur- le traitement de plusieurs catégories d’apprenants (B);
riculum. 2. une composante d’organisation des contenus d’appren-
tissage qui mène à l’élaboration d’un programme (C);
1. Innover? 3. une composante méthodologique qui revient à savoir
Les innovations sont des changements limités dans la comment faire passer les contenus, changer de
mesure où elles n’ont pas pour effet de bouleverser manière d’enseigner et de former, en fonction du
toutes les composantes du système. niveau de la classe, des déficits à combler, des résul-
Elles exigent une nouvelle approche pédagogique tats attendus (D) ;
(par exemple, dans l’enseigenement du français, privilé- 4. une composante «moyens» qui appelle la mise à la
gier l’oral avant l’écrit, une approche globale ou mixte), disposition des élèves des supports écrits (manuels)
98
FIGURE 2. Les composantes d’un curriculum

Idéal de l'éducation = finalité des finalités

Finalités de l'éducation

Objectifs généraux et opérationnels (A)


Auto-évaluation de
l'activité didactique*
Modalités d'articulation
entre apprentissage
formel, non-formel et
Contenus : informel (I)
déterminés en Elève et groupe d' élèves :
fonction des aspirations, besoins, surdoués, Evaluation des
programmes des rattrapage, etc. (B) performances en fonction
intérêts des élèves des objectifs; instruments
etc. (C) et techniques à choisir ou à
élaborer (H)

Méthodes : choisies
en fonction des
objectifs, contenus,
niveau de la classe,
etc. (D) Lieu d'apprentissage :
salle de classe,
Moyens didactiques : bibliothèque,
choix et dosage laboratoire, etc. (G)
conditionnés (E)
Les formes ou modes
d'organisation de
l'apprentissage :
classes ou groupes,
cercles, etc. (F)

Contexte de l' apprentissage = contenus latents ou implicites (J) + qualité de la vie scolaire,
styles pédagogiques
Source : Wheeler, D., 1974.

ou non écrits (planches scientifiques, globes ter- suivrons pas dans ce traitement. Cette question sera
restres), des outils pour les manipulations, les expé- examinée dans le point (D), parmi les approches et
riences, les travaux pratiques etc. (E). Le problème le démarches qui conviennent dans les situations d’ap-
plus fréquemment rencontré est celui de l’absence de prentissage (F);
moyens adaptés et en quantité suffisante. 6. la composante «évaluation» est incontournable :
5. le schéma de Wheeler fait de l’articulation entre le avant la leçon (évaluation des prérequis), au cours
formel et le non formel un élément isolé: nous ne le des activités pédagogiques (évaluation des perfor-

99
mances, découverte des lacunes) et à la fin des 3. Le Livret- Programme- Horaire (LPH)
apprentissages (évaluation des profits tirés de l’ap-
Dans la logique de Jomtien 1990
prentissage, critères de certification) (H) ;
7. nous présenterons la dernière composante comme En août 1995, le Comité scientifique, devenu Comité
portant sur tout ce qui peut placer le maître et les de pilotage, reçu comme directive de chercher à remé-
élèves dans de bonnes conditions de travail: un espa- dier à l’inadaptation des contenus éducatifs, à la diver-
ce fonctionnel et incitatif, suffisamment de temps sité des innovations pédagogiques et structurelles, à
pour travailler, un établissement pourvu d’eau, l’imprécision du profil de l’enseignant polyvalent, aux
d’électricité, d’un terrain de sport, d’une biblio- pertes de temps découlant de la journée continue et des
thèque, acquis à la diversification des modèles d’ac- classes alternées en élaborant des programmes désor-
quisition, aux facilités dans l’intercommunication mais:
maîtres- élèves, élèves- élèves, etc. (G) ● plus pertinents ;

La notion de curriculum n’étant pas encore suffisam- ● flexibles ;

ment assimilée dans nos pays francophones à cause de ● intégrés ;

celle de programme, nous avons usé de beaucoup de ● référés aux besoins éducatifs fondamentaux ;

patience et de l’appui de Charles Delorme du CEPEC de ● équilibrés entre la théorie et la pratique.


Lyon pour en rappeler le contenu et tout ce qu’on peut en Anticipant sur le traitement de la composante formation,
tirer, afin de: le colloque dans sa recommandation relative aux curri-
● faire en sorte que notre projet éducatif apporte une cula nous demandait de:
réponse à nos interrogations au sujet de la société que ● mieux cerner le profil de l’enseignant polyvalent ;
nous voulons promouvoir, les valeurs que nous vou- ● sensibiliser les enseignants au sujet de la maîtrise
lons conserver, les enrichissements dont nous vou- des activités communautaires et de la nécessité de
lons bénéficier pour que l’école devienne un instru- flexibiliser les contenus-apprentissages ;
ment de progrès et que les élèves puissent aborder le ● imprimer à l’éducation une ligne d’action fondée sur
futur avec des capacités d’adaptation ; des besoins fondamentaux communs (au plan natio-
● développer chez l’élève les capacités cognitives, les nal) et des besoins spécifiques (propres aux régions
habiletés et les comportements qui font de lui un et à certaines catégories bénéficiaires) ;
sujet équilibré ; ● les familiariser avec la pratique du «vivre
● nous appuyer sur les ressources de l’éducation, de ensemble».
compétences acquises dans le formel et le non formel Il s’imposait au Comité de pilotage de se faire conseiller
pour participer au progrès scientifique universel et aider par une équipe polyvalente pour élaborer un
d’une part, et investir en aptitudes dans la transfor- planning sur le moyen terme, conduire une stratégie pro-
mation de notre milieu, dans des stratégies de déve- gressive et cohérente, instituer des commissions spé-
loppement intégré et durable ; ciales pour examiner les situations non prioritaires (par
● développer des pédagogies spécifiques, comme exemple, l’enseignement facultatif de l’arabe sensible
celles qui visent à lutter contre la dégradation de aux populations de certaines régions), travailler avec les
notre environnement, celles œuvrant en faveur de la moyens de bords.
promotion de la femme, de la réduction de la mortali-
té et de l’amélioration du cadre de vie des popula- Nos entrées dans la rédaction du programme
tions ; Le premier séminaire-atelier tenu en décembre 1996 et
● réorganiser la vie en milieu scolaire, afin qu’elle
marqué par une forte participation des projets nova-
devienne plus attrayante, que les apprentissages y teurs nous a permis, dès le départ, d’aller en guerre
deviennent plus fonctionnels, que les enseignants contre les entrées par le contenu, sans pour autant
soient plus motivés et que les populations aient négliger la matière, contre la pratique isolée des théo-
des raisons de donner assistance et appui au systè- ries d’avant-garde et d’accorder plutôt notre préférence
me. à une entrée combinant, par les processus actifs, la
mise en relation entre le contexte économique, social,
2. Récapitulatif des composantes culturel et l’action éducative scolaire, para et périsco-
et préparation des activités laire.
Si l’élément premier et fondamental a été l’élaboration Ceci fit apparaître la nécessité d’une approche
de nouveaux programmes, nous avons très tôt identifié systémique qui oblige l’enseignant de s’informer au
les autres composantes à traiter, les orientations à leur sujet:
fixer, la documentation à exploiter et les acteurs pres- ● du contexte national, de ses variables écologiques,

sentis pour aider le Comité de pilotage dans sa mis- humaines, économiques, culturelles, information-
sion. nelles etc.
En plus des programmes ci-après, Tableau 2 présente ● des cibles, à savoir les apprenants: qui sont-ils ?
les six autres composantes de notre curriculum de l’édu- quels sont leurs antécédents ? que désirent-ils
cation de base. apprendre ?

100
● de l’école: du programme actuel, de ses aspects posi- 4. Modalités introduites dans la confection
tifs, de ses lacunes ;
Une approche de flexibilité
● les orientations prioritaires dans le Plan national de
développement; Parmi les idées force que nous avons développées, nous
● des démarches analytiques qui conduiront à remédier comptons celle de la structuration des programmes en:
à l’insuffisance de la pertinence, de la flexibilité et de 1. la constitution d’un noyau, un socle unificateur de
la cohérence; à organiser de manière méthodolo- l’éducation de base qui contient tout ce que la classe
gique des ateliers et séminaires; à appliquer selon les d’âge 6-12 ans doit acquérir comme connaissances,
circonstances une approche disciplinaire inter ou plu- capacités et comportement dans un pays qui se veut
ridisciplinaire; à consulter ou à utiliser des personnes UNI dans sa diversité. Ce socle est prévu pour cou-
– ressources. vrir 75 % des apprentissages ;
Dans une situation de bonne gouvernance, toutes ces 2. l’introduction dans les apprentissage d’une approche
précisions pourraient être fournies et incluses dans un flexible, d’une dose de souplesse dans la pratique de
cahier de charges. l’observation, de l’écologie, l’adaptation à la vie éco-

TABLEAU 1. Récapitulatif des étapes de conception et de réalisation du Livret-Programme dans le curriculum de


l’éducation de base au Sénégal

1. Clarification du concept au travers des relations entre 4. Poursuite et élaboration du Livret-Programme autour
ses composantes dans un processus plus actif d’ap- des savoir, de savoir faire et savoir être sélectionnés:
prentissage et d’une nouvelle approche de la perfor- ● Prise en considération de facteurs nationaux et
mance et de la réussite: locaux d’amélioration des performances;
● Adoption de référentiels ; ● Appui scientifique et technique des partenaires;
● Élaboration d’une base taxonomique.
● Planification de rencontres avec des instances de
validation.

2. Définition d’un cadre conceptuel et d’un processus 5a. Développement et affinement des contenus/
d’élaboration de curriculum : apprentissages:
● Modèle de curriculum: a) les composantes; ● Examen des problèmes de langues d’enseigne-
b) les variables (écoles élémentaires, alphabétisa- ment;
tion ou projets alternatifs); ● Distribution des crédits horaires;
● Référentiel: a) universel; b) africain; ● Validation scientifique et pédagogique au cours
c) interne. d’un séminaire-atelier.
● Finalités et objectifs ;
5b. Préparation de l’expérimentation:
● Stratégie : approche PPO + compétences ;
● Adoption d’un schéma expérimental;
● Résultats attendus : profils d’étape et de sortie de
● Exercices de simulation;
cycles.
● Recyclage de maîtres appelés à tenir les classes
expérimentales.
5c. Mise en place d’un Comité de suivi de l’expérimen-
tation.

3. Conception et production de la composante Livret- 6. Planification de la phase expérimentale. Planification


Programme : de l’élaboration des autres composantes:
● Choix des structures : 75% socle national et 25% ● Formation initiale et continue ;
éléments adaptés aux régions et localités ; ● Supports didactiques – édition de manuels ;
● Approche disciplinaire puis restructuration et ● Évaluation formative et certification ;
recadrage autour de : a) compétences transver-
● Conditions de travail des enseignants et des
sales et fondamentales ; b) grands axes de la poli-
élèves ;
tique dans le pays,
● Agenda de réunions – désignation des chefs de
groupe ;
● Validation au fur et à mesure de livraison des pro-
duits.

101
TABLEAU 2. Récapitulatif des composantes et préparation des activités. 1

ACTIVITÉS ORIENTATIONS DOCUMENTATION ACTEURS ASSOCIÉS

1. Adaptation de la formation initiale et ● Réforme du programme des EFI et ● Tests et études du pôle de formation ● DEPEE, centre de ressources ;
continue aux nouveaux contenus et à des Plans d’action en formation continu sous l’égide de la DEPEE ; ● INEADE ;
la nouvelle méthodologie adoptée continue; ● Cahiers de charges du maître, du ● EFI ;
● Implantation de structures de perfec- directeur d’école, de l’inspecteur ; ● pôles régionaux de formation ;
tionnement dans les académies; ● Carnet de préparation d’une rentrée ; ● IGEN.
● Organisation du flow-up des établis- ● Bulletins d’inspection proposés à
sements de formation l’expérimentation.

2. Expériences pédagogiques avec les ● Amélioration des outils pédago- ● Documentation susceptibles d’être ● DEPEE ;
partenaires au sujet de l’enseigne- giques existants ; rassemblée par : ● INEADE ;
ment en langues Nationales ● Production ou choix de supports — La DAEB ; ● DAEB ;
didactiques ; — Le centre de ressources ; ● EFI ;
● Adoption d’un schéma — L’UNAL ; ● IFAN ;
expérimental ; — Les chercheurs et producteurs de ● CLAD ;
102

● Formation des maîtres de classes manuels ; ● ONG ;


pilotes ; — Le mouvement associatif. ● chercheurs privés ;
● Élaboration de guides méthodolo- ● organismes de coopération bi et mul-
giques. tilatérale ;
● CNOAP ;
● centre de ressources.

3. Amélioration de l’equipement didac- ● Adaptation des manuels aux orienta- ● Documentation disponible : ● INEADE ;
tique tions nouvelles du curriculum ; — à l’UCP ; ● CLAD ;
● Réduction de la pénurie en manuels ; — à l’INEADE ; ● IREMPT/UCAD ;
● Recherche de supports d’auto-forma- — à la DEPEE ; ● DAEB ;
tion pour l’élève. — à la DAEB ; ● centre de ressources ;
● Création d’un environnement plus — au MDEBLN. ● rédacteurs privés de manuels ;
lettré, susceptible d’inciter les élèves ● représentants de la profession des
à pratiquer plus de lecture ; libraires ;
● Définition des axes d’une nouvelle ● organismes de coopération bi et mul-
politique éditoriale avec l’appui de la tilatérale ;
CONFEMEN, de l’ACCT et des pay- ● Corporation de libraires.
sans.
ACTIVITÉS ORIENTATIONS DOCUMENTATION ACTEURS ASSOCIÉS

4. Adaptation de procédures et d’instru- ● Recherche de moyens pour mieux ● Rapport du PASEC et du SNERS ; ● INEADE ;
ments d’évaluation formative et som- évaluer les compétences et les capa- ● Études du PAPA et du PAPS sur l’ef- ● DEPEE, DAEB ;
mative des élèves, des maîtres et des cités reconnues comme fondamen- ficacité des programmes ; ● consultant en évaluation ;
formateurs en alphabétisation tales dans les curricula réaménagés ; ● Guide pédagogique BREDA sur ● UNESCO ;
● Pratique du bilinguïsme: leçons d’es- l’EPD. ● Spécialistes désignés par les projets
sai; d’alphabétisation ;
● Stratégies de la flexibilité : mise au ● ENS.
pas de divers types.
● Refonte des épreuves du CEPE et du
CFEE en vue de la prise en compte :
— des langues nationales ;
— du renfoncement du non formel dans
les écoles.

5. Redistribution éventuelle des crédits ● Prise de mesures visant à éviter les ● Production d’un séminaire sur le ● Gouverneurs de régions ;
horaires (déjà amorcée) temps perdus et augmenter le temps sujet (1996) ; ● DEPEE, INEADE ;
effectif de travail scolaire annuel ; ● Rapport du concultant requis pour la ● IA, IDEN ;
103

● Redistribution des crédits horaires en reprise de l’enquête sur la journée ● Fédération des APE ;
vue de faire de la place aux langues continue ; ● syndicats ;
nationales, de mieux réaliser les tra- ● Étude de cas : CDF, ECB. ● un économiste ;
vaux pratiques liés au développement; ● un sociologue.
● Dans le cas où la journée continue et
le double flux seraient maintenus,
mieux occuper le temps libre des
élèves et des enseignants.

6. Développement d’un nouveau parte- ● Implication réelle des partenaires ● Documentation adoptée à l’issue de ● CNOAS, APE, CONGAD ;
nariat—d’une nouvelle gestion de dans la préparation des : la Biennal de l’ADEA ; ● Syndicats ;
l’école1 — PRDE ; ● Étude à commander; contribution ● Chefs de projets ;
— PDE ; CONGAD. ● Ministère de l’intérieur ;
— CEM ; ● DEPEE, DAEB.
— Mise en place des coopératives ;
— Fonctionnement des tables de
concertation.

1. Cette idée, concretisée par l’existence de cellules d’écoles-milieu, équipes pédagogiques, etc., a été reprise pour être investie dans la mise en oeuvre du Plan Décennal (1998-2008)
FIGURE 3. La thématique

Le crédit

Tronc commun de thèmes


3/4 - lot prioritaire
- approche disciplinaire
- connaissances et aptitudes de base
1/4

Disciplines de
développement

nomique, sociale et culturelle régionale et locale. Ce ● la réduction de l’encyclopédisme du programme par


volet flexible peut prendre en charge 25 % des l’investissement des savoirs, savoir-faires et savoir-
apprentissages. Il doit être organisé dans un cadre êtres dans des domaines d’investissement suscep-
épistémologique qui garantit le respect de la rigueur tibles de rendre l’éducation fonctionnelle au service
scientifique. du développement, et susceptibles de relier l’école à
Cette approche de la flexibilité dans le respect des la vie et de faire entrer la vie dans l’école.
normes peut s’appliquer à l’observation du milieu phy-
sique, la botanique, la biologie, de l’économie, à l’intro- 5. Durée et structuration des apprentissages
duction des langues nationales (une langue dominante Au Sénégal, la durée de l’enseignement élémentaire est
par région ou bassin culturel). en principe de six ans, extensibles jusqu’à huit, avec
La pratique de cette flexibilité a été précédée d’une deux redoublements autorisés. Ces redoublements sont
monographie de chaque région, sous la présidence du observés surtout dans l’étape finale des cours moyens.
Gouverneur adjoint chargé du développement, avec la L’attention des concepteurs du curriculum a été
participation des services techniques de l’agriculture, attirée sur la volonté du ministère de réduire les redou-
l’élevage, la culture, la jeunesse, entre autres. Ceci a per- blements, notamment dans les premières et dernières
mis à la base du pays de dégager ce que chaque région années du cycle. La deuxième motivation était celle de
attend de l’école, d’organiser dans une perspective inter- rendre l’école plus performante, en combinant des
active la sélection des contenus, la diversité des instru- approches de maîtrise et une pratique du contrôle sur
ments didactiques et la contribution du secteur dans lesquels nous reviendrons au point VI du présent
l’élaboration des Programmes régionaux de l’éducation article.
(PRDE). La consigne donnée aux commissions techniques a
Element récapitulatif : Relevé des contributions des été d’organiser sur les six années, l’enchaînement des
Académies au sujet des 25% (Séminaire- atelier des 2 et contenus de manière à prêter attention:
3 avril 1998 à Dakar, locaux PAPA) ● au début de la scolarité aux antécédents du sujet: a-t-
il fréquenté une garderie, une école maternelle ? quel
Une stratégie de resserrement et de cadrage qui a abouti:
est le niveau culturel dans sa famille ? souffre-t-il
● à la contraction d’une volumineuse production disci-
d’un handicap ?
plinaire des ateliers (étude du milieu, français,
● à des profils d’étapes
mathématiques, éducation nutritionnelle et sanitaire,
CI-CP: étape I
langues nationales, arabe, projets novateurs et pro-
CE 1 et CE2 : étape II
motion de la femme) de 800 pages environ. Le res-
CM1-CM2 : étape III
serrement a ramené cette production à près de cent
cinquante pages; A chacune de ces étapes correspond une compétence
● à deux types de regroupement (Tableau 3): transversale à viser.

104
FIGURE 4. Connaître ma région

Connaître ma région

1. Environnement 2. Santé et 3. L'eau et son 4. Economie 5. La terre et son 6. Histoire et 7. Education 8. Frontières et
alimentation utilisation locale exploitation héritage culturel traditionnelle et problèmes
modernité transfrontaliers
Classement par niveau d'intérêt

TABLEAU 3: Le regroupement de la matière en domaines; le regroupement des domaines en sous-domaines ; et le


regroupement des sous-domaines en activités ou disciplines

Domaine Sous-domaines Activités

Étude du milieu ● Initiation scientifique et 1. Science ;


technologique ; 2. Technologie ;
● Histoire et géographie ; 3. Histoire ;
● Morale et éducation civique ; 4. Géographie ;
● Éducation environnemental 5. Morale ;
et à la vie familiale. 6. Éducation civique ;
7. Éducation environnementale ;
8. Éducation en matière
de population.

Apprentissages instrumentaux ● Mathématiques 1. Arithmétique ;


2. Géometrie ;
3. Mesures.

● Langues 1. Communication/lecture
et écriture ;
2. Communication/expression
et production orale ;
3. Communication expressive
et production écrite ;
4. Fonctionnement de la langue :
grammaire/
conjugation/orthographe.

105
FIGURE 5. Schéma intégrateur

DOMAINES
SAVOIR SAVOIR-FAIRE SAVOIR-ETRE
TAXONOMIQUES

Apprentissages instrumentaux Social Economique Culturel Moral et civique

Besoins d'identité et de
Besoins éducatifs Besoins d'amélioration de la Besoins d'acquisition de Besoins d'équilibre moral et
culture endogène fécondés par
fondamentaux qualité de la vie capacités productives civique
des apports extérieurs
106

● Parler, lire, écrire dans les ● Santé et hygiène du corps, ● L' eau; ● Utilisation de nos langues ● Respect des anciens;
langues d' enseignement de l' alimentation, de ● Les intrants économiques : nationales comme langues ● Solidarité communautaire;
(français, langues l' habitat, du village, du - Agro-économie d' enseignement; ● Paix et tolérance;
nationales) ; quartier; (activités agricoles, ● Partage de fonctions de ● Citoyenneté responsible;
● Sciences d' observation ; ● Les vaccinations, lutte pastorales, communication et de ● Civisme.
● Activités d' eveil; contre les grandes technologiques); conquête de la science et de
● Minimum de connaissance endémies ; - La pêche ; la technologie entre la
dans les arts et la ● Protection de - Le bétail et son langue maternelle et la
technologie; l' environnment; entretien; langue seconde;
● L' information. ● Éducation à la vie familiale ● Amélioration de la ● Valeurs, traditions et
et en matière de population ; productivité locale; coutumes au regard du
● Santé, travail et repos ; ● L' artisanat et son évolution progrès ;
● Éducation et formation. vers la modernité; ● Chants et danses de chez
● Commerce et industrie; nous ;
● Notion de développement ● Les jeux et le sport;
durable à éclater en ● Le théâtre;
paradigmes. ● Littérature orale et écrite.
FIGURE 6. Enchaînement des unités d’apprentissage

P1
ES
Unité terminale

Prérequis n EF
- fin
Unité n

Prérequis 3 EF
Unité 3

Prérequis 2 - fin
E
Unité 2

Prérequis 1 E
Unité 1

E
T1 T2 T3 T4 Tmax
T0

VI. L’APPROCHE QUALITE externes, bien au-dessus de la moyenne dans les dif-
férentes étapes et à la fin du cursus scolaire ;
Parmi les paramètres à prendre en considération dans
5. la faisabilité consiste à s’assurer de la possibilité
l’élaboration d’un curriculum figure nécessairement le
pour les chefs d’établissements, les enseignants et les
dispositif à mettre en place pour lutter contre l’échec et
pour maximiser les performances. élèves de travailler dans de bonnes conditions en
La qualité du programme se mesure au regard de six dépit des contraintes, obstacles et handicaps, parce
indicateurs: que disposant de toutes les ressources susceptibles
1. la pertinence assure une adéquation entre les appren- d’assurer la réussite ;
tissages et les besoins fondamentaux de l’apprenant 6. 1’efficience se mesure au regard de bons rendements
et de son milieu. Elle renvoie à la nécessité d’articu- qui croissent et qui durent sans coûts élevés, avec,
ler les acquis des composantes et sous-composantes comme fertilisants essentiels, l’intérêt des élèves, la
du système, l’environnement actuel et les change- motivation des enseignants, l’appui du milieu envi-
ments qui s’annoncent ; ronnant et la capacité des dirigeants de réaliser les
2. la cohérence crée une harmonie entre les contenus plans d’action formulés en termes de qualité et de
d’apprentissage, en dépit de leur souplesse ; bonne gestion.
3. la flexibilité vise à prendre en considération la diver- Nous avons pris en considération tous les facteurs de
sité physique, climatique, économique, ethnique, lin- réussite proposés par Ward Heneveld comme structu-
guistique, ainsi que les variables introduites dans les rants de l’efficacité et tous les déterminants d’une péda-
contenus- matières ; gogie active, à savoir: des objectifs clairs et opérationna-
4. l’efficacité sera fondée sur la concentration, sur des lisés, des activités hiérarchisées à la suite d’une
compétences transversales et des capacités discipli- séquence de motivation, une diversité des méthodes au
naires foncières, sur des rendements internes et regard des situations d’apprentissage et des difficultés; la

107
diversification et la fréquence des exercices, et l’évalua- Années scolaires Année d’études
tion assortie au besoin de remédiations.
Au travers des composantes déjà citées, on acquiert An 1 1 ère A 1ère
des moyens d’entrevoir des conditions propices de se An 2 2ème A étape
référer à des indicateurs de qualité. An 3 1ère A 2ème
Sénégal a saisi l’opportunité de la préparation du An 4 2ème A étape
Plan décennal de l’Éducation et de la Formation (PDEF
1998-2008) pour y insérer des objectifs, des stratégies et An 5 1ère A 3ème
des financements portant sur: An 6 2ème A étape
● le remaniement des programmes selon une approche
par les compétences ; D’Hainault appelle « évaluation extemporanée », la suc-
● des stratégies d’intégration entre le formel et le non
cession des ajustements et réajustements nécessaires du
formel ; programme, des stratégies éducatives et l’amélioration
● un dispositif d’amélioration de la formation initiale
de tous les outils d’accompagnement de l’expérimenta-
et continue ; tion du curriculum.
● un dispositif d’adaptation des supports didactiques ;
● des procédures et instruments nouveaux d’évaluation 2. La validation
formative et certificative ;
● la gestion des rythmes scolaires et des horaires.
Tout ce qui est conçu, au titre de l’élaboration du curri-
Il est fréquent que l’amélioration de la qualité butte sur culum, doit être validé à plusieurs niveaux:
un obstacle bien connu : les pénuries en mobilier, l’in- 1. Traitement pédagogique des observations faites sur
suffisance des supports didactiques, la formation incom- le Livret- Programme- Horaire (LPH), au niveau du
plète du personnel. Ce dernier obstacle est plus significa- Comité scientifique ;
tif que les autres et son traitement doit être considéré 2. Validation scientifique et pédagogique de l’ensemble
comme une priorité. Ceci met à jour la nécessité de don- des produits réalisés autour des composantes du cur-
ner plus d’appui aux établissements de formation (ENS riculum par un conseil élargi, en présence des unités
et EFI) et aux pôles de formation continue. centrales du MEN et de tous les inspecteurs
d’Académies et des IDEN ;
VII. ADOPTION D’UN SCHEMA EXPERIMENTAL 3. Validation institutionnelle en Conseil interministé-
riel: annulation des anciens textes et publication par
1. Le processus arrêtés des nouveaux programmes ;
En suivant les Conseils de Charles Delorme du CEPEC 4. Validation finale: présentation des produits, des
de Lyon, nous nous sommes entendus sur un scénario textes réglementaires et de tout l’appareillage péda-
d’expérimentation qui ne serait pas linéaire, mais plutôt gogique aux autorités, aux bailleurs de fonds, à
spiralaire et moins coûteux que les précédents. Nous toutes les communautés qui ont vécu avec le
avons fixé à quatre ans la phase de cette expérimenta- Ministère de l’éducation nationale (MEN) l’aventure
tion. du réaménagement du curriculum.

● Scénario linéaire VIII. DIFFICULTES RENCONTREES


L’expérimentation se déroule progressivement selon les
années scolaires et les années d’études (Tableau 4). Des difficultés se sont manifestées à plusieurs niveaux,
tout au long de cet effort de formulation et de
● Scénario combinatoire réflexion.
Ce scénario comporte des avancées, des moments de sta- Au début, il a fallu vaincre l’incompréhension de la
bilisation, voire de correction. part de certains institutionnels qui n’ont pas encore

TABLEAU 4. Scénario de combinaison progressive des opérations

Années scolaires
Année d’études A1 A2 A3 A4 A5 A6 A7 A8 A9
1ère étape 1 Année * + ▲ ❍
2 Année * + ▲ ❍
2ème étape 1 Année * + ▲ ❍
2 Année * + ▲ ❍
3ème étape 1 Année * + ▲ ❍
2 Année * + ▲ ❍
* = expérimentation; + = évaluation; ▲ = extension; ❍ = généralisation

108
acquis une «culture du partenariat» et qui ont boudé autres acteurs: leur participation dans les ateliers et
l’idée de voir un Comité de Pilotage exercer ce qu’ils séminaires à un taux de présence de 80%;
considéraient comme une de leurs attributions. ● Amorce de relations partenariales à valoir à l’occa-
Ensuite, il a fallu essuyer la perte de temps précieux sion d’autres réformes.
pour concilier parmi les universitaires les différents points
de vue sur les théories de l’apprentissage, leur tendance à 2. Ce qui est en cours de réalisation
privilégier le nouveau langage de la didactique. Il a aussi
Le traitement des composantes suivantes:
fallu ménager un temps d’adaptation parmi les ensei-
gnants d’un niveau moyen qui n’étaient pas suffisamment ● Formation initiale et continue dans le formel et le
disposés à prendre en compte ce qui se passe dans une non formel;
classe, souvent pléthorique et mal équipée. ● Adaptation des matériels didactiques et nouvelle
Le manque de moyens, surtout de personnel et de politique éditoriale;
l’outillage nécessaire pour les saisies et la distribution ● Elaboration de procédures et instruments plus fonc-
des documents a représenté une autre difficulté majeure. tionnels formative et sommative, nouvelle politique
Dans un pays où il y a deux ou trois ministères de de la supervision pédagogique ;
l’éducation, la tendance de l’un à ignorer ce qui est fait ● Début de l’installation d’un observatoire ;
sous la responsabilité de l’autre a dû être contrecarrée ● Achèvement de la définition de la place des langues
énergiquement. nationales dans un bilinguisme positif ;
Finalement, un retard mis parfois à clarifier la posi- ● Harmonisation plus poussée du formel et du non for-
tion de l’État sur des questions sensibles a ralenti les tra- mel;
vaux. Ceci a affecté, par exemple, l’introduction des ● Conception et installation de passerelles entre les
langues nationales, étant donné la place du français dans écoles ordinaires et communautaires;
le pays et ses relations extérieures. ● Augmentation du flux de passage du 1er au 2ème degré.
Un Comité inter-états est constitués pour la réalisation
IX. BILAN DE L’EXPERIENCE SENEGALAISE DE de ces tâches.
REAMENAGEMENT DU CURRICULUM
Il est utile à ce stade de saluer les accomplissements, de 3. Ce qui reste à faire
souligner les efforts en cours et de rappeler les investis- ● Activités portant sur les progressions
sements qui demeurent à être faits. ● Poursuite du travail amorcé au sujet du bilinguisme
(français/ langues nationales)
1. Ce qui est acquis ● Poursuite du travail amorcé en ce qui concerne l’ara-
● Expérience dans la conceptualisation d’un curricu- be;
lum et sa division en composantes; ● Plan cadre d’amélioration du cadre de la vie scolaire;
● Elaboration d’un cadre conceptuel; ● Remobilisation des partenaires en vue de la poursuite
● Traitement de sujets de recherche- action: un accord de l’élaboration du curriculum ;
sur les notions de compétences et capacités, sur une ● La validation technique, sociale et institutionnelle en
nouvelle manière d’appréhender la réussite; temps opportun de chaque composante;
● Une manière de faire travailler plusieurs catégories ● Une campagne de communication étalée sur toute la
d’acteurs pour concevoir un projet éducatif multidi- durée de l’expérimentation afin de maintenir l’état de
mensionnel; motivation des enseignants ; de faire acquérir par les
● La pratique du resserrement, du cadrage, de la consti- parents le sens de leurs devoirs vis-à-vis de l’école ;
tution de domaines, sous-domaines et activités; de les rendre aptes à formuler des jugements objec-
● Adoption du Livret- Programme; tifs au sujet de la réussite ; de développer le partena-
● Organisation de son expérimentation; riat école-milieu ; d’améliorer la politique du moins
● Preuve de civisme des enseignants, chercheurs et d’Etat.

109
Annexe 1 :
Motions de remerciement

MOTION DE REMERCIEMENT A L’UNESCO MOTION DE REMERCIEMENT AU PEUPLE, AU


GOUVERNEMENT GABONAIS ET AU PRESIDENT
● Considérant le grand Programme I de l’UNESCO en
DE LA REPUBLIQUE GABONAISE
vue de donner un nouvel élan à la rénovation des sys-
tèmes éducatifs, de façon à ce que l’Education pour ● Considérant l’engagement du Gouvernement de la
tous devienne une réalité, et ce, tout au long de la vie; République gabonaise en faveur de la rénovation de
● Considérant l’adhésion et l’appui de l’UNESCO à la son système éducatif, dans la perspective, d’en
création d’un réseau B.I.E/ Afrique, en vue du ren- repenser les finalités, d’en améliorer la qualité et la
forcement de la coopération multilatérale, et de pertinence grâce à des réformes conçues de façon
l’amélioration de la qualité et de la pertinence des globale avec la participation de tous les partenaires
systèmes éducatifs africains; concernés;
● Considérant les objectifs spécifiques du réseau B.I.E/ ● Considérant la politique du Gouvernement en matiè-
Afrique comme autant d’actions et d’opportunités en re d’amélioration du système éducatif;
faveur du développement des compétences et de la ● Considérant d’une part, la pertinence de la «Politique
capitalisation des acquis; de refondation des curricula, processus de dévelop-
● Considérant l’importance stratégique du réseau pement curriculaire, réalités locales et défis du
B.I.E/ Afrique pour la participation de la communau- XXIème siècle», et d’autre part, l’utilité de la création
té internationale dans sa lutte pour l’éducation uni- d’un réseau B.I.E/Afrique;
verselle et la promotion d’une culture de l’excellen- ● Considérant les conditions favorables dans lesquelles
ce; le présent Séminaire-atelier s’est tenu, et les
Nous, participants du Comité des experts du Séminaire- échanges fructueux qui en ont résulté;
atelier pour la «Politique de refondation des curricula, Nous, participants du Comité des experts du Séminaire-
processus du développement curriculaire, réalités locales atelier de Libreville pour la «Politique de refondation
et défis du XXIème siècle», tenu à Libreville les 24, 25, 26 des curricula, processus de développement curriculaire,
et 27 Octobre 2000, réalités locales et défis du XXIème siècle», exprimons
● Remercions l’UNESCO et la Directrice du B.I.E. notre profonde gratitude au peuple gabonais, au
pour leur engagement et leur soutien en faveur de la Gouvernement et au Président de la République gabonai-
détermination de l’Afrique d’aller de l’avant, surtout se pour l’accueil chaleureux et fraternel dont nous avons
dans le domaine de l’éducation, comme une voie sûre bénéficié, exhortons le Gouvernement de la République
vers le XXIème siècle, gabonaise à poursuivre ses efforts pour la mise en place
● Apprécions hautement leur appui technique et finan- du réseau B.I.E/Afrique.
cier pour la tenue du présent Séminaire-atelier et leur
demandons de poursuivre leurs efforts tout en mobi- Libreville, le 27 octobre 2000
lisant leurs partenaires au profit du réseau B.I.E/ Les participants
Afrique.

Libreville, le 27 octobre 2000


Les participants

111
Annexe 2 :
Discours d’ouverture Prononcé le 24 octobre 2000
par S.E.M. André Mba-Obame, Ministre de l’éducation nationale,
porte-parole du Gouvernement du Gabon

Mesdames et Messieurs les membres du Gouvernement, vers les programmes, les horaires, les communautés vil-
Excellences Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs lageoises et urbaines, ainsi que les bailleurs de fonds.
et Chefs des Missions diplomatiques, Madame la Aussi, le curriculum devient cardinal pour accéder à la
Directrice du Bureau international de l’éducation, question de l’évolution de l’école. Sur ces entrefaites, il
Mesdames et Messieurs les représentants des Orga- devient opportun de considérer des nouveaux aiguillages
nisations internationales et interafricaines, Mesdames et politiques, à l’instar des lois, pour soutenir politique-
Messieurs les partenaires du développement et de l’édu- ment l’école de base. A cet égard, il nous faudra tenir
cation, Mesdames et Messieurs, les experts des pays compte de la dimension économique de nos systèmes
amis, honorables invités, Mesdames et Messieurs, éducatifs et du contexte de développement pour
C’est pour moi un insigne honneur et un grand plaisir connaître une école pratique et réalisable.
de vous souhaiter la bienvenue dans notre pays à l’occa- Parler de curriculum, c’est aussi regarder la compé-
sion de ce Séminaire- atelier sur «la politique de refon- tence acquise à l’école. Cette compétence doit actuelle-
dation curriculaire, le processus de développement curri- ment permettre à l’élève de résoudre des situations- pro-
culaire, les réalités locales et les défis du XXIème siècle». blèmes de vie, en tenant compte du développement de
Je voudrais tout d’abord remercier Madame la son pays. Elle doit non seulement lui servir, mais aussi
Directrice du Bureau international d’éducation pour sa servir à son pays.
présence parmi nous et surtout pour l’aide substantielle En cette période où l’accent est mis sur la refonda-
et variée de son Centre international d’éducation compa- tion des curricula qui engage bien sûr les enseignants, les
rée dans l’organisation de ce Séminaire- atelier. inspecteurs, les parents, les élèves, mais aussi nous, les
Je voudrais également exprimer ma gratitude à tous décideurs, il est de notre responsabilité d’y adhérer forte-
les organismes tant nationaux qu’internationaux qui ont ment tout en faisant, bien entendu, preuve de lucidité.
permis la tenue du présent Séminaire- atelier, particuliè- C’est pour marquer tout l’intérêt que nous accordons
rement à l’UNESCO pour son concours matériel et son à la politique et à la refondation curriculaire que le
appui moral. Gouvernement gabonais poursuit sans relâche ses efforts
Enfin, vous me permettrez de remercier tous les par- dans la rénovation et la reconstruction des curricula et
ticipants pour avoir répondu à notre invitation. Nous en l’école de base, parmi lesquelles nous pouvons citer la
sommes très sensibles. mise en œuvre des programmes de l’école élémentaire.
Ce Séminaire-atelier, qui s’inscrit dans le cadre des En effet, sur le plan pédagogique, les programmes de
expériences des différents pays présents à ces assises en l’école élémentaire ne constituent plus de simples cata-
matière de réforme curriculaire, de stratégies mises en logues de connaissances à transmettre. Ils sont devenus
place dans le but d’améliorer nos systèmes éducatifs, désormais de véritables outils d’apprentissage hiérarchi-
nous permettra de faire une évaluation des résultats des sés, conçus selon une approche curriculaire et reflètent
actions, en vue de faire le point du travail accompli et de les finalités et orientations données par les Etats géné-
dégager les perspectives d’avenir sur la base d’une ana- raux de l’éducation et de la formation, tenus en
lyse critique des acquis actuels. décembre 1983 à Libreville. Ils définissent le profil de
Cette rencontre d’aujourd’hui aura donc pour objec- sortie de l’élève à chaque palier, les objectifs généraux et
tif principal le partage de l’entreprise de réformes spécifiques à atteindre, indiquent les contenus et les
menées dans chacun des pays ici présents, ainsi que leur méthodes à développer pour leur réalisation.
mise en œuvre. Cette révision des programmes a eu pour corollaire la
Notre pays, le Gabon, est de ceux qui, aujourd’hui en conception de nouveaux auxiliaires didactiques tels que
Afrique, attachent une importance capitale à la rénova- les manuels scolaires. Aussi, l’école de base dispose-t-
tion ou à la reconstruction des curricula et l’école de elle maintenant, à tous les niveaux, d’un livre de fran-
base. Aujourd’hui, l’idée de curriculum cadre avec la çais, et d’un livre de mathématiques accompagnés de
volonté de «mettre à plat» ou «à découvert» les vues qui fichiers. L’éducation à l’environnement et l’enseigne-
orientent la décision ou la structuration de l’école à tra- ment des sciences de l’observation ne sont pas en reste
112
avec la publication d’un cahier d’écologie et la parution Séminaire-atelier devrait nous permettre de répondre
d’un livre de sciences, tous deux de niveau cours élé- aux interrogations et aux préoccupations des uns et des
mentaire, dont l’objectif est d’initier les enfants à la autres en matière de politique et refondation curriculai-
recherche, de susciter leur curiosité et de développer leur re, afin de mieux affronter les défis du XXIème siècle.
esprit de créativité. Relever ces défis au XXIème siècle demande une prise de
La réinsertion de l’éducation civique, comme disci- conscience et exige un usage judicieux des nouvelles
pline obligatoire et autonome dans notre système éduca- technologies de la communication, une expertise de haut
tif, a conduit nos chercheurs à repenser les programmes niveau pour le nécessaire accompagnement conceptuel,
relatifs à cette matière. A cet égard, dans l’école de base, méthodologique et instrumental des processus de chan-
cet enseignement intègre actuellement des matières, gement et la garantie du niveau scientifique.
telles que la morale, l’hygiène, le code de la route et Persuadé que votre réflexion sera sereine et féconde,
l’instruction civique naguère séparées...
je forme le vœu ardent que les conclusions de ce
Des cahiers d’activités sont disponibles depuis 1994-
Séminaire-atelier s’inscrivent de manière décisive dans
1995 et ont valorisé cet enseignement en favorisant la
le cadre du renforcement de la coopération en matière
compréhension des réalités mouvantes actuelles.
de politique et de refondation des curricula entre les
C’est donc en conformité avec cette volonté d’œu-
pays africains, avec - pourquoi pas ? - la création d’un
vrer pour la qualité et la pertinence des actions d’éduca-
réseau B.I.E-Afrique, avec l’implication des commis-
tion que mon département mène des réflexions et prend
des initiatives dans le sens de créer les conditions favo- sions nationales UNESCO et autres partenaires de
rables à l’atteinte de cet objectif. Aussi, je me réjouis que l’éducation, chargés de suivre ces échanges. A cet effet,
cette idée ait fait son chemin et ait rencontré l’assenti- je puis vous assurer que le Gouvernement gabonais ne
ment de Madame la Directrice du B.I.E., de co-organiser ménagera aucun effort pour abriter le siège dudit réseau.
avec nous ce Séminaire-atelier, avec la participation Sur ce, je déclare ouverts les travaux du Séminaire-
d’experts venus d’horizons divers. atelier sur «la politique et la refondation curriculaire,
Je voudrais terminer en rappelant ici la foi qui anime processus de développement curriculaire, réalités
mon pays dans l’avenir des politiques et refondations locales et défis du XXIème siècle».
curriculaires en Afrique, comme en témoigne notre pré-
sence à cet important Séminaire-atelier. Le présent Je vous remercie.

113
Annexe 3 :
Discours de clôture, Prononcé le 27 octobre 2000
par S.E.M. André Mba-Obame, Ministre de l’éducation nationale,
porte-parole du Gouvernement du Gabon

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et Chefs des tenant compte de ses particularités et de mettre en place les
Missions diplomatiques, honorables invités, Mesdames structures opportunes. Nul ne doute de notre détermination
et Messieurs, d’oeuvrer pour une rénovation, une reconstruction, voire
Vous voici au terme de vos travaux, après cinq jours une refondation de nos systèmes éducatifs pour participer
d’intense réflexion, de large concertation menées dans au développement économique et social de nos pays, et
une atmosphère sereine de dialogue, d’engagement et de d’apporter notre contribution au village planétaire.
responsabilité. Ce faisant, vous avez situé ces travaux Vos conclusions, il faut s’en féliciter, reflètent votre
dans leur véritable dimension, à savoir rassembler le capacité d’apporter à la politique de refondation curricu-
meilleur de vos compétences pour échanger, partager laire non seulement des solutions appropriées, mais sur-
vos expériences, pour confronter vos points de vue, les tout une méthodologie critique et objective.
harmoniser, et exprimer des orientations nouvelles et des Vos réunions de concertation ont permis de jeter les
solutions innovatrices à nos préoccupations et aux diffi- bases d’un réseau sur lequel reposeraient les échanges
cultés que nous connaissons dans le développement de d’informations, d’idées et d’expériences dans le dessein
nos systèmes éducatifs. d’améliorer la qualité de nos systèmes éducatifs. J’ai la
Je me réjouis de constater à travers le rapport général conviction que, dans cette oeuvre collective, les points
que vous venez d’adopter que l’option qui vous a servi de focaux sous-régionaux et le point focal régional, c’est-à-
cadre de travail, c’est-à-dire la politique et la refondation dire le comité de coordination, qui assureront désormais
curriculaire a été suffisamment circonscrit. En effet, le les coordinations générales, accompliront cette impor-
thème du Séminaire-atelier qui s’achève aujourd’hui a tante mission.
traité de «la politique de refondation curriculaire, proces- Il s’agit d’un édifice commun qui nécessite que cha-
sus de développement curriculaire, réalités locales et défis cun apporte sa pierre et que chacun soit animé du même
du XXI ème siècle». Il s’agit pour nous d’un problème pré- souci de bien faire. La taille et le nombre de nouveaux
occupant portant sur la conception même de l’éducation, projets nous l’imposent. Et le temps nous est compté, vu
de ses contenus et de ses finalités, de ses structures, des la demande de plus en plus croissante de nos populations
valeurs qu’elle inculque et l’esprit dans lequel elle est dis- scolaires. Comme je vous l’ai dit dans mon allocution
pensée. Vous avez mis en évidence et analysé lucidement d’ouverture, le Gabon, mon pays, est disposé à abriter
et sans complaisance les éléments susmentionnés. ledit réseau.
Vous avez souligné, entre autres, la nécessité d’éviter Aux représentants du Bureau international de l’éduca-
une rupture entre les différents niveaux d’enseignement tion, à l’UNESCO et à tous nos partenaires au développe-
notamment entre l’enseignement pré-primaire, primaire, ment, je vous réitère mes vifs remerciements pour votre
secondaire et supérieur, les difficultés générées par les soutien à l’amélioration du système éducatif. J’ai l’entière
rapports enseignants-enseignés, l’inadéquation forma- conviction que nous devons réellement travailler avec
tion-emploi, l’établissement de passerelles entre le for- vous pour que vos contributions multiformes nous per-
mel et le non-formel, l’introduction de nouvelles techno-
mettent toujours d’améliorer nos systèmes éducatifs.
logies de la communication, la culture de la paix,
Avant de vous souhaiter un bon retour dans vos pays
l’enseignement de nos langues nationales dans le systè-
respectifs, je tiens à nouveau à vous féliciter pour les
me éducatif et les rapports Etat-Monde.
résultats positifs auxquels vous êtes parvenus, grâce au
Vous avez su identifier les défis du XXIème siècle qui
sérieux et à la franchise qui ont caractérisé vos débats
nous attendent. Vous avez suscité des interrogations qui
combien riches et féconds.
nous interpellent. Vous avez su exprimer les angoisses qui
C’est sur ces mots que je déclare clos les travaux du
nous étreignent. A cet effet, le Séminaire-atelier de
Séminaire-atelier de Libreville sur «la politique et la
Libreville a apporté une contribution très appréciable en
refondation curriculaire, processus de développement
discutant des esquisses de solutions et en dégageant des
curriculaire, réalités locales et défis du XXI ème siècle».
perspectives d’avenir. Désormais, il appartient à chaque
Etat, à chaque institution, d’opérer le choix idoine en Je vous remercie.
114
Annexe 4 :
Liste des participants

François Mahougbé LABE Michel MBOUMI MOUELEY


Ministère de l’éducation nationale et de la recherche Directeur général des enseignements et de la pédagogie
scientifique Ministère de l’éducation nationale
Institut nationale pour la formation et la recherche en B.P. 06
éducation (INFRE) LIBREVILLE
B.P. 200 GABON
PORTO-NOVO
BENIN Cathérine NKIE
Directrice
Djibril DEBOUROU MAMA IPN
06 BP 2585 B.P. 813
COTONOU LIBREVILLE
BENIN GABON
debourou@bj.refer.org
Sahaloum Ould YOUBBA
Bè Didier KAM Directeur général
Directeur des inspections et de la formation des person- IPN
nels de l’éducation (DIFEP) B.P. 1583
01 BP 1456 OUAGADOUGOU BAMAKO
BURKINA FASO MALI
Ouri SANOU Mamadou SISSIMA
Directeur général de l’Institut pédagogique du Burkina IPN
(IPN) B.P. 1583
03 BP 7043 OUAGADOUDOU 03
BAMAKO
BURKINA FASO
MALI
Sanou.Ouri@liptinfor.bf ou Ipn@liptinfor.bf

M. Marie Joseph YOUGAM MALLALI Abel KOULANINGA


Directeur de la planification scolaire et universitaire Secrétaire général
REPUBLIQUE DU CONGO Commission nationale centrafricaine pour l’UNESCO
Ministère de l’éducation nationale
M. Joachim MANDAVO B.P. 1583
Directeur de l’Institut national de recherche et d’action BANGUI
pédagogiques REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE
REPUBLIQUE DU CONGO
André-Edgar BENAM
Eric DODO-BOUNGUENDZA Chargé de mission
Cabinet du Ministre Ministre de l’éducation nationale
B.P. 06 B.P. 98
LIBREVILLE BANGUI
GABON REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE
dodo.bounguendza.eric@caramail.com

115
Cheikh DIAKHATE Yao NUAKEY
Directeur Professeur
Institut national d’étude et d’action pour le développe- Institut national des sciences de l’éducation (INSE),
ment de l’éducation (INEADE) B.P. 8138
Bld. Martin Luther King LOME
B.P. 11228 TOGO
DAKAR
SENEGAL José del Carmen MARÍN GONZALES
1, square du Vieux-Chêne
Serigne FALL 1224 Chêne-Bougeries
Conseiller technique n°1 SUISSE
Ministre de l’alphabétisation, de l’enseignement tech- jmarin@dplanet.ch
nique et de la formation professionnelle,
Building Administratif Mohamed RADI
UNESCO
5ème étage, pièce 249
7 place de Fontenoy
DAKAR
75352 PARIS 07 SP
SENEGAL
FRANCE
maodofall@hotmail.com
m.radi@unesco.org
Souleymane N’DIAYE
John AGLO
B.P. 5483
Chargé du Programme Afrique
DAKAR
Bureau international d’éducation
SENEGAL
Case postale 199
1211 Genève 20
Abderamane KOKO
SUISSE
Secrétaire exécutif john.aglo@ibe.unesco.org
Comité interministériel pour l’éducation, la formation en
liaison avec l’emploi (CONEFE) Cecilia BRASLAVSKY
B.P.777 Directrice
NDJAMENA Bureau international d’éducation
TCHAD Case postale 199
1211 Genève 20
Goloun DEWA SUISSE
Chef de service du suivi pédagogique et de la formation c.braslavsky@ibe.unesco.org
S/c M. Abderamane Koko
CONEFE
B.P. 777
NDJAMENA
TCHAD

Adama NYAME
Directeur de Cabinet
Ministère de l’éducation nationale
et de la recherche
B.P. 398
LOME
TOGO

116
revue RÉFORME DES SYSTÈMES ÉDUCATIFS
trimestrielle
ET RÉFORMES CURRICULAIRES :
d’éducation comparée
SITUATION DANS LES ÉTATS AFRICAINS
AU SUD DU SAHARA
PERSPECTIVES publiée par le Bureau international d’éducation,
Case postale 199, 1211 Genève 20, Suisse
RAPPORT FINAL DU SÉMINAIRE-ATELIER
LIBREVILLE, GABON, 23 AU 28 OCTOBRE 2000
La table des matières la plus récente de la revue peut être consultée sur Internet : «POLITIQUE DE REFONDATION CURRICULAIRE,
http://www.ibe.unesco.org
PROCESSUS DE DÉVELOPPEMENT CURRICULAIRE,
RÉALITÉS LOCALES ET DÉFIS DU XXIe SIÈCLE»

«Dossiers » de Perspectives en 2001 — Volume XXXI

No 1, mars 2001 : La réforme de l’enseignement secondaire ▲▲ ▲▲▲▲


▲▲ ▲

▲ ● ● ● ●●●

No 2, juin 2001 : Le constructivisme en éducation ●● ●●




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▲▲▲▲▲▲

●●
No 3, septembre 2001 : Apprendre à vivre ensemble au vingt et unième siècle

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●●
No 4, décembre 2001 : L’autonomie de l’école et évaluation

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Tarifs annuels d’abonnements :


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Particuliers et institutions de pays développés, 180 francs français (numéro simple: 60 FF)


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▲ ▲


Particuliers et institutions de pays en développement, 90 francs français (numéro simple: 30 FF) ▲▲
▲▲▲▲ ▲ ▲
Toute correspondance concernant les abonnements à Perspectives doit être adressée à: Jean De Lannoy,
Service des abonnements UNESCO, Avenue du Roi 202, 1190 Bruxelles, Belgique.
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Perspectives, s’adresser à: BIE, PUB, Case postale 199, 1211 Genève 20, Suisse; courrier électronique:
j.fox@ibe.unesco.org BIE

COMMISSION NATIONALE GABONAISE POUR L’UNESCO


BUREAU INTERNATIONAL D’ÉDUCATION

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