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Mondialisation et réforme de
l’éducation : ce que les
planificateurs doivent savoir
Martin Carnoy
Martin Carnoy
Paris 1999
UNESCO : Institut international de planification de l’éducation
© UNESCO 1999
Françoise Caillods
Co-rédacteur en chef
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Préface 9
Introduction 13
I. Où en est la mondialisation ? 19
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Bibliographie 97
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1. Le temps réel, en langage du spectacle, est le « direct », ce qui veut dire que les
informations sont échangées ou communiquées au fur et à mesure qu’elles sont
produites.
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2. Pour avoir une première définition des firmes transnationales, voir Barnet et
Muller (1974).
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également exposé par l’auteur, est le suivant : pour maximiser les profits
et protéger leur rendement, s’agissant en particulier du capital
intellectuel, les firmes et les capitaux mondialisés ont besoin d’un
appareil d’État efficace et d’une société civile bien développée qui
offrent un marché en expansion, des conditions politiques stables et
un investissement public régulier en capital humain (Evans, 1997 ;
Carnoy, 1993). Les études des années 1980 et du début des années
1990 révèlent que les régimes interventionnistes bien organisés des
nouveaux pays industrialisés (NPI) d’Asie représentent un élément
essentiel de leur rapide croissance économique (Amsden, 1989 ; Evans,
1995 ; Banque mondiale, 1993). Bien que le rôle interventionniste de
l’État ait été irrévocablement transformé par la crise économique que
traverse actuellement l’Asie, les capitaux d’investissements
internationaux et locaux ne cessent d’exiger une réglementation de la
part de l’État et d’autres mesures cohérentes pour restaurer la confiance.
Et au-delà du fait que les bureaucraties étatiques sont un élément
nécessaire à la réglementation et à la protection des actifs des
entreprises, il est probable que les sociétés ayant une forte identité
nationale et une cohésion de groupe procurent une stabilité qui permet
de mesurer le risque financier avec précision, d’accroître la productivité
grâce à des innovations dans la production en équipe et d’avoir des
établissements scolaires qui fonctionnent de manière assez satisfaisante.
Les coûts sociaux des États faibles sont parfois bien supérieurs à
ce qu’imaginent ceux qui tiennent le plus à ce que l’État ne soit pas
« sur le dos des gens ». Certains analystes qualifient de « capital
social » ce contexte sous-jacent de l’interaction économique et sociale
(Coleman, 1988). D’autres misent tout sur la « confiance »
(Fukuyama, 1995). Même la Banque mondiale, censée être un
établissement financier international, a « redécouvert » l’importance
de l’État-nation pour le capital social (Banque mondiale, 1997). Un
État bien structuré et efficace, qui surveille les « règles du jeu » et
applique une politique économique et sociale cohérente, attire des
capitaux et une main-d’œuvre très qualifiée. Un État inefficace les
repousse.
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La main-d’œuvre et la mondialisation
Peut-on parler d’une mondialisation de l’emploi ? À l’exception
des couches supérieures de la population active en général et des
personnels peu qualifiés dans certaines régions du globe, cela ne semble
pas être le cas. En 1993, malgré la panique mondiale suscitée par le
« flot » d’immigrants, seul 1,5 % (soit 80 millions) de la population
active du globe travaillait en dehors de son pays d’origine et – chose
surprenante – la moitié était concentrée en Afrique subsaharienne et
au Moyen-Orient (Campbell, 1994). Dans la même année, la libre
circulation des citoyens au sein de l’Union européenne a amené
seulement 2 % de ses ressortissants à travailler dans un autre pays de
l’Union. Ce taux est resté inchangé depuis le milieu des années 19804.
Contrairement à l’idée répandue dans l’opinion publique américaine
et européenne, relative à l’invasion de la main-d’œuvre bon marché
en provenance des pays du Sud et de l’Est, le nombre d’immigrés sur
l’ensemble de la population dépassait les 5 % uniquement en Allemagne
(près de 7 %) et en France, ce pourcentage était plus faible en 1992
qu’en 1986. Au Royaume-Uni, il était légèrement supérieur à celui de
1986 (Carnoy et Castells, 1997, Appendice I). La société américaine
a toujours été une société d’immigrés et les tendances actuelles
correspondent à une époque antérieure d’immigration libre (Portes et
Rambaut, 1996). Toutefois, le grand problème de l’immigration aux
États-Unis et en Europe est moins celui du nombre que de la
composition ethnique des populations immigrées. De nos jours, il y a
moins d’immigrés européens et les taux de natalité plus élevés chez
les immigrés non européens une fois établis dans leur pays d’accueil
rendent les sociétés de plus en plus multiculturelles et pluriethniques.
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Cela ne veut pas dire pour autant que les femmes touchent le
même salaire que les hommes. C’est rarement le cas. Cela ne veut
pas dire non plus qu’elles abordent l’enseignement supérieur dans des
créneaux très porteurs, comme l’ingénierie, le commerce ou
l’informatique. Là aussi, c’est loin d’être le cas. Les femmes sont
encore terriblement sous-représentées dans les professions très
lucratives, même dans les pays les plus « féminisés », comme la Suède
ou les États-Unis. Mais la mondialisation semble amener
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7. Il n’y a pas eu non plus de perte nette d’emplois dans les industries de fabrication
à travers le monde. Au contraire, le Brésil, la Chine, l’Inde et le Mexique réunis
ont créé bien plus d’emplois dans ce secteur qu’il n’en a été perdu dans les
pays développés entre 1970 et 1995. Même si la croissance de l’emploi dans les
industries de fabrication s’est ralentie dans les NPI, elle n’est pas en déclin
(Carnoy, 1999, chapitre 2).
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La décentralisation
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Normes éducatives
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Mais cela ne veut pas dire que la politique éducative ne peut pas
appliquer des réformes d’équité dans un environnement économique
mondialisé. Depuis huit ans, l’État du Texas, aux États-Unis, utilise
un système d’évaluation qui récompense et sanctionne les
établissements scolaires, en se fondant financièrement sur les gains
des élèves dans la durée. L’attribution des récompenses est
essentiellement liée aux gains des élèves afro-américains et latinos qui
ont en général de moins bons résultats. L’Uruguay utilise des tests
nationaux dans les écoles primaires pour repérer celles qui ont besoin
d’aide parce que leurs élèves économiquement démunis obtiennent
de mauvais résultats. Le Chili et l’Argentine investissent massivement
et avec succès dans les écoles peu performantes.
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La décentralisation
C’est dans ce contexte qu’il convient de mesurer l’impact de la
décentralisation sur l’éducation dans les pays qui se sont lancés dans
les « réformes de la mondialisation » (McGinn, 1997). L’argument
majeur en faveur de la décentralisation est que si les municipalités et,
dans certains cas, les écoles se voient accorder une plus grande
autonomie de décision en matière d’éducation, le contrôle local des
programmes scolaires et des méthodes d’enseignement incombera aux
collectivités locales, au corps enseignant et aux chefs d’établissement
eux-mêmes. En principe, l’accroissement de la souplesse et la maîtrise
permettent une meilleure harmonisation des méthodes d’enseignement
avec la clientèle desservie et une plus grande responsabilisation quant
aux résultats scolaires obtenus. Si les autorités éducatives locales se
sentent – et sont jugées – responsables des services éducatifs,
soutiennent les réformateurs, l’enseignement sera de meilleure qualité.
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La privatisation
Pour beaucoup, le prolongement de ces réformes passe par le
financement public intégral des écoles privées au moyen de chèques
éducatifs. Bien que les analystes de la Banque mondiale affirment
que les écoles privées sont bien plus rentables que les écoles publiques
(Jimenez et al., 1988 ; Lockheed et Jimenez, 1996), les preuves à
l’appui de cette affirmation sont controversées (cf. Riddell, 1993) et
varient probablement selon le type d’enseignement privé (McEwan et
Carnoy, 1999). Mais au-delà de ces calculs de rentabilité, l’expérience
de la privatisation sur présentation de bons scolaires indique que ce
système tend à renforcer l’inégalité de rendement sans améliorer pour
autant les performances des élèves. Dans le cas du Chili, le pourcentage
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Cela ne veut pas dire que dans tous les pays les écoles publiques
sont aussi rentables que les écoles privées, même si l’on tient compte
des disparités au niveau des caractéristiques des élèves dans les
différents types d’écoles. Une étude assez poussée des effectifs urbains
de l’Uttar Pradesh, en Inde, révèle par exemple des écarts importants
de rentabilité au profit des écoles privées non subventionnées, surtout
parce que les enseignants y sont bien moins payés que dans le public
et, une fois encore, parce que le nombre d’élèves par classe y est bien
plus élevé (Kingdon, 1996). Mais si le gouvernement de l’Uttar Pradesh
décidait d’émettre des chèques éducatifs, le salaire des enseignants
serait-il révisé à la baisse conformément au niveau actuellement observé
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La technologie de l’éducation
La mondialisation est étroitement liée aux technologies de
l’information et de la communication. L’avènement d’Internet a
mondialisé l’information en temps réel à l’usage du grand public.
Beaucoup voient dans cet accès interactif à l’information un vaste
potentiel pour l’éducation. À leurs yeux, l’ordinateur, avec sa capacité
de traitement rapide de l’information en mode interactif, est un remède
à la médiocrité de l’enseignement. Si la mondialisation avait un impact
direct sur l’éducation, l’ordinateur et le réseau Internet seraient au
centre de cette révolution.
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11. IBM a investi dans des écoles pilotes informatisées aux États-Unis, où
l’enseignement est entièrement organisé autour des ordinateurs, ainsi que dans
des laboratoires d’informatique d’écoles primaires utilisant le programme LOGO
dans des pays comme le Costa Rica, qui ne sont généralement pas intégrés
dans le cadre scolaire. Aucune de ces options n’a été soumise à une évaluation
objective de rentabilité.
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12. Même dans le cas du GED (examen en équivalence du diplôme de fin d’études
secondaires), aux États-Unis, les avantages semblent négligeables, ce qui fait
douter de la valeur des équivalences dans les pays où le diplôme de fin d’études
secondaires est déjà courant (Camerone et Heckman, 1993).
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Pour ceux qui ne sont pas les mieux placés sur le marché global,
la quête identitaire prend d’autres directions et ce, encore plus
manifestement que par le passé. Quand la recherche d’une autre
identité ne coïncide pas avec le territoire national existant, on cherche
aussi à redéfinir la nationalité. L’identité ethnique est évidemment une
option. Selon les termes du sociologue Gören Therborn : « Le fait
d’affirmer son identité ethnique, c’est faire fi du présent et de l’avenir
au bénéfice du passé, c’est penser et dire que le passé est plus important
que le présent ... Il est plus important de savoir qui étaient ses parents
que ce que l’on fait, ce que l’on pense ou ce que l’on va devenir ...
Ainsi, moins il semble y avoir de valeur dans le présent, plus l’ethnicité
a de l’importance, le reste étant bien égal » (Therborn, 1995).
L’identité religieuse est une autre direction pour les moins fortunés.
L’intégrisme religieux se propage dans le monde entier. Il rejette
l’autorité du marché et bien que les mouvements intégristes aient pris
l’État pour cible en tant que fondement du pouvoir, il y a une
contradiction intrinsèque entre l’intégrisme religieux et la définition
territoriale de la nation. Cette contradiction n’existe pas lorsqu’il s’agit
d’une communauté locale ou d’un mouvement mondialisé pour
l’identité religieuse. Mais le régionalisme religieux suppose évidemment
une communauté fondée sur l’exclusion. Même les mouvements
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mais elles s’engagent souvent dans cette bataille en pensant qu’il faut
donner une chance à leurs enfants d’apprendre ce qui est apprécié
dans l’économie mondiale.
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L’expérience des années 1980 et 1990 pose quatre jalons pour les
stratégies de l’éducation.
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Barnet, R.; Muller, R. 1974. Global reach. New York : Simon and
Schuster.
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Chung, Y.-P. 1990. « Changes in rates of return over time: the case
study of Hong Kong ». Exposé présenté à la réunion annuelle de
la Comparative and International Education Society, Atlanta,
Georgie (ronéo).
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Harrison, B.; Bluestone, B. 1988. The great U-turn. New York : Basic
Books.
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Rifkin, J. 1994. The end of work [La fin du travail]. New York :
Putnam.
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Planification de l’éducation
Généralité– contexte du développement
Économie de l’éducation
Coûts et financement – emploi – coopération internationale
Qualité de l’éducation
Évaluation – innovations – inspection
Président :
Lennart Wohlgemuth (Suède), Directeur, Institut nordique d’Afrique, Uppsala, Suède.
Membres désignés :
David de Ferranti
Directeur, Département de développement humain (DDH), Banque mondiale, Washington
D.C., Etats-Unis d’Amérique.
Carlos Fortin
Secrétaire-général adjoint, Conférence des Nations Unies sur le commerce et le
développement (CNUCED), Genève, Suisse.
Miriam J. Hirschfeld
Directeur, Division du développement des ressources humaines et du renforcement
des capacités, Organisation mondiale de la santé (OMS), Genève, Suisse.
Jeggan C. Senghor
Directeur, Institut africain de développement économique et de planification économique
des Nations Unies (IDEP), Dakar, Sénégal.
Membres élus :
Dato’Asiah bt. Abu Samah (Malaisie)
Conseiller d’entreprise, Lang Education, Kuala Lumpur, Malaisie.
Klaus Hufner (Allemagne)
Professeur, Université Libre de Berlin, Berlin, Allemagne.
Faïza Kefi (Tunisie)
Présidente, Union nationale de la Femme tunisienne, Tunis, Tunisie.
Tamas Kozma (Hongrie)
Directeur général, Institut hongrois pour la recherche en éducation, Budapest, Hongrie.
Teboho Moja (Afrique du Sud)
Conseiller spécial du Ministre de l’Education, Pretoria, Afrique du Sud.
Yolanda M. Rojas (Costa Rica)
Professeur, Université de Costa Rica, San José, Costa Rica.
Michel Vernières (France)
Professeur, Université de Paris I, Panthéon-Sorbonne, Paris, France.