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FRANÇOIS DEBRABANT

ÉTAT ET COMMERCE EN MÉSOPOTAMIE AU III ÈME


MILLÉNAIRE AVANT NOTRE ÈRE

Mémoire
présenté
à la Faculté de s étude s supérie ure s
pour l'obte ntion
du grade maître ès arts (M.A.)

Département d'Histoire
FACULTÉ DES LETTRES
UNIVERSITÉ LAVAL

Mai 2003

V\OÏA^ (■:■
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f LIVRES RARfS
© François De brabant, 2003
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RESUME

Ce mémoire a pour cadre la Mésopotamie du sud au merne millénaire avant notre


ère. Il présente les relations existant entre l'État, alors une nouveUe forme d'organisation
politique, et un secteur d'activité économique : le commerce. Cette étude tend à
démontrer que les échanges longues distances entre la Mésopotamie et les régions
voisines étaient fortement reliés à l'État. Les raisons de liens si étroits sont à chercher
dans les besoins économiques et idéologiques des institutions étatiques. Pour le
démontrer, j'ai réalisé une étude comparative de deux produits de nature et fonctions
opposées : le cuivre, d'usage technologique, et le lapis-lazuli, destiné à des fins
idéologiques. Les points communs et les différences sur la manière et les raisons pour
lesquelles ces produits sont échangés viennent confirmer le rôle de l'État comme
principal instigateur des échanges longues distances à cette époque.

Michel Fortin François Debrabant


Directeur de recherche
TABLE DES MATIERES

Table des illustrations Ui


Chapitre 1 Introduction /
1 1 Cadre spatio-temporel 1
1.1.1 Contexte géographique 1
1.1.2 Contexte chronologique 3
1.2 L'État en Mésopotamie 5
1.3 Problématique 8
1.4 Limites de la recherche 9
1.5 Plan du mémoire 11
Chapitre 2 Concepts et théories 12
2.1 L'État : une nouvelle entité politique, une nouvelle forme de société 12
2.1.1 Le concept d'Etat 13
2.1.2 Matérialisation de l'État en Mésopotamie : la ville 16
2.2 Le commerce 22
2.2.1 Le concept de commerce 22
2.2.2 Indices archéologiques relatifs a u commerce mésopotamien 23
2.3 Théories explicatives 26
2.3.1 Diverses approches 26
2.3.2 La World System Theory 29
2.4 Modèle théorique de la présente étude 33
2.4.1 La cité-État, acteur économique central 34
2.4.2 Le réseau régional : spécialisation et complémentarité 36
Chapitre 3 Importations de cuivre et de lapis-lazuli en Mésopotamie et exporatàons
en échange ___ 40
3.1 L'origine du cuivre en Mésopotamie au lll eme millénaire 42
3.1.1 Magan 43
3.1.2 Dilmun 46
3.1.3 Melukkha 47
3.2 L'origine du lapis-lazuli en Mésopotamie au llleme millénaire 48
3.2.1 Une source majeure : l'Afghanistan 48
3.2.2. Trois routes commerciales possibles 50
3.2.3 Une consommation importante . 51
3.3 Exportations mésopotamiennes 53
3.4 Similitudes et divergences dans les processus d'importation du cuivre et du
lapis-lazuli 56
3.4.1 Similitudes 56
3.4.2 Divergences 58
3.5 Moyens de transport 60
Chapitre 4 Implications socio-économiques des échanges longues distances en
Mésopotamie 64
4.1 Importation du cuivre 64
4.2 Importation du lapis-lazuli 69
4.3 Exportations 71
4.4 Traits communs à l'importation du cuivre et du lapis-lazuli 74
4.5 Différences dans l'importation du cuivre et du lapis-lazuli 76
Chapitre 5 Des échanges étatiques 78
5.1 L'État, principal instigateur des échanges commerciaux 78
5.1.1 L'État, principal acteur économique de la société mésopotamienne 79
5.1.2 L'État, producteur des marchandises exportées 80
5.2 Le système régional : «centre» et «périphéries» à parts égales 82
5.2.1 Centres et périphéries 82
5.2.2 Spécialisation commerciale 84
5.3 Limites du modèle et remarques 87
5.3.1 Les agents de commerce au service de l'État . . 88
5.3.2 Limites du modèle 89
Chapitre 6 Conclusions 91
6.1 Rôle prépondérant de l'État dans l'essor du commerce 91
6.2 L'État mésopotamien renforcé par le commerce 93
6.3 Le commerce: un instrument de l'État mésopotamien 94

Sigles et abréviations 95
Bibliographie 96
TABLE DES ILLUSTRATIONS

Figure 1 : Carte présentant les principaux sites archéologiques


de Mésopotamie (site internet du Oriental Institute,
Chicago, 0 1 / 0 1 / 0 3 ) 3

Figure 2: Carte des principales routes commerciales entre la


Mésopotamie et les régions orientales,
(Moorey 1999, xxi) 44

Figure 3: Carte présentant la situation de Dilmun sur les routes


commerciales à l'âge du Bronze ancien
(P. Lombard et al. 1999, 25) 47

Figure 4: Carte dies principales sources de lapis-lazuti


(Potts 1994, 196) 50

Figure 5: Graphique présentant l'évolution chronologique de


l'uttiisation du lapis-lazuti
(Casanova 1998, 221) 53
CHAPITRE 1

INTRODUCTION

1.1 Cadre spatio-temporel

Le Proche-Orient compte parmi les régions du monde où se sont succédées un


nombre considérable de cultures et de civilisations. Plusieurs phénomènes culturels
majeurs trouvent leurs origines en Mésopotamie. C'est le cas, par exemple, de
l'organisation sociopolitique caractérisée par l'État et l'urbanisation.
Le sujet de mon étude porte donc sur l'État mésopotamien, et se limitera
chronologiquement au meme millénaire avant notre ère.

1.1.1 Contexte géographique

Étymologiquement, le mot Mésopotamie définit la région entre les deux fleuves.


Cette aire culturelle se situe ainsi entre le Tigre et l'Euphrate, soit du sud de l'Irak et de
la plaine susiane d'Iran jusqu'à la Syrie et la Turquie. Les deux fleuves, issus
d'Anatolie, traversent le plateau de la Djézireh pour continuer en direction du sud-est
vers l'tiak.
Le nord mésopotamien est bordé par les montagnes du Taurus (en Turquie) et
du Zagros (en Iran). Le relief pour le sud est inexistant : la Mésopotamie méridionale
consiste en une vaste plaine aUuviale creusée par les fleuves et leurs affluents. Les
crues régulières sont sources d'un alluvionnement important (Huot, 1994 : 7). C'est une
région semi-désertique dont la pluviométrie est irrégulière. Si dans le nord l'agriculture
sèche est possible ; au sud du 35eme parallèle les cultures nécessitent le recours à
l'irrigation, les précipitations descendant en dessous des 250 mm par an (Margueron et
Pfirsch, 1996 : 27-30).
Du fait de ses ressources en eaux, grâce aux fleuves, et en terres cultivables, la
production agricole constitue la principale richesse de la Mésopotamie. On retiendra,
en outre, que les Mésopotamiens exploitent et exportent aussi le bitume, utilisé comme
colle ou imperméabilisant. Cependant, la région est largement dépourvue de ressources
naturelles comme la pierre, le bois et les métaux. Par conséquent, les pierres sont
importées pour l'outiUage tithique (silex, obsidienne) amsi que pour la construction
(calcaire) ou la statuaire (diorite, dolérite) (Margueron et Pfïrsch, 1996 : 34-36). Afin
de pourvoir à son manque de cuivre et d'étain, la Mésopotamie doit donc aussi se
fournir auprès d'autres régions (Margueron et Pfirsch, 1996 : 35).
Dans le cadre de ce travail, je m'en tiendrai au sud mésopotamien. La raison est
dictée par la disponibilité des données archéologiques plus que pour des spécificités
historiques. Néanmoins, je n'éliminerai pas totalement le nord mésopotamien de mon
sujet d'étude d'autant qu'il n'y a pas de limite culturelle stricte entre sud et nord
mésopotamiens. Je ferai référence à cette région pour tilustrer mes propos concernant le
sud, soit en soulignant un point commun, ou au contraire un différence notable. Ainsi,
les données et l'analyse concernant le nord mésopotamien n'apparaîtront que de
manière partielle.
Par ailleurs, du fait du sujet même de mon étude, je serai amené à parler des
partenaires de la Mésopotamie dans ses échanges. En utilisant les noms actuels, il s'agit
des régions orientales de l'tian, de l'Afghanistan comme de la vallée de l'Indus. Pour le
secteur méridional, il s'agit du Golfe Persique, de Bahrein et de la péninsule d'Oman.
Figure 1 : La Mésopotamie et ses principaux sites archéologiques, the
Oriental Institute, Chicago, 0 1 / 0 1 / 2 0 0 3
httD://www-oi.uchicago.edu/OI/INFO/MAP/SITE/Iraq Site 150dpi.html

1.1.2 C o n t e x t e chronologique

Le ineme millénaire est à la fois rupture et continuité avec l'époque


précédente. Continuité, car on y observe un véritable développement de l'État qui est
apparu à la fin du \Y me millénaire comme système d'organisation sociale, politique et
économique (Forest, 1996: 121-147). La rupture, quant à elle, réside dans le
changement marqué entre l'Uruk (IVeme millénaire) et les cultures qui ont suivi :
effondrement des cités-États urukéennes remplacées par des civilisations sensiblement
différentes, notamment sur le plan architectural (Forest, 1996: 165, 207-209, 221,
224).
On observe ainsi une succession de pénodes relativement bien différenciées.
Suivant les époques, le territoire sera divisé entre de nombreuses cités-États, ou au
contraire unifié au sein de vastes empires. Ces changements politiques ont une
influence sur la géographie humaine et les organisations institutionnelles. Sans
chercher à occulter ces différences, il est néanmoins décidé qu'elles ne seront pas
directement abordées dans ce travail. En effet, les différences entre ces cultures sont
peu importantes au regard de leurs points communs notamment sur le plan des
processus socio-économiques (Kuhrt, 1995 : 31-44 ; Forest, 1996 : 207-211, 217-224).
L'ensemble de ces éléments culturels communs permet par conséquent d'étudier sur
une longue période le phénomène étatique de manière globale.

Cultures Dates (av. J.C)


Dynastique Archaïque I - II - III 2900-2370
Période de l'empire akkadien 2334-2218
Période post-akkadienne (aussi dite Gudea) 2218-2116
Période de l'empire dTJr III 2112-2004
Période dlsin-Larsa 2017-1763

Chronologie de Garelh et ai (1997 : 54-55, 94-95)

Le Dynastique Archaïque représente plus de 600 ans de l'histoire


mésopotamienne. Sur les tablettes de cette époque, on a retrouvé les listes des dynasties
régnantes, d'où le nom donné à cette période. De nombreux indices font penser qu'à ce
moment, le temple et le palais s'instaurent au sein de la cité. Chronologiquement, il
faut cependant souligner que le temple précède le palais. U est en effet déjà présent
dans la culture urukéenne à la fin du IV6™6 millénaire (Forest, 1999 : 1). Ces bâtiments
pubUcs s'imposent dans le paysage urbain et traduisent, de ce fait, des changements
idéologiques primordiaux. Us représentent des centres de pouvoir spirituel et temporel.
Le premier palais attesté demeure celui de Kish à la fin du Dynastique Archaïque II
(Postgate, 1994: 137-140; Margueron et Pfirsch, 1996: 125-129). Outre le
développement du palais et du temple, on remarque l'essor de manière significative de
l'utilisation de l'écriture. Étroitement associée aux élites dirigeantes, l'écriture nous
renseigne directement sur cette classe sociale (Forest, 1996 : 207).
Dans les siècles suivant le Dynastique Archaïque, le phénomène impérial
apparaît mais de manière épisodique : l'existence de l'empire d'Akkad et celui d'Ur III
totahsent à peine 250 ans en incluant les phases d'ascension et d'effondrement. La
norme sociopolitique générale pour le cadre chronologique retenu est donc la cité-État.
Puisque ce mémoire porte sur les grandes tendances économiques, sociales et
politiques, l'histoire événementielle, et particulièrement celle des hégémonies d'une
entité politique sur les autres, ne paraîtra qu'en second plan dans ce travail. Je cherche
en effeL à dégager les grandes tendances historiques sous-jacentes à l'histoire
événementielle, qui s'inscrit, elle, dans un cycle plus court. Selon Braudel (1984 :44-
49), l'histoire événementielle, qui se caractérise par le temps court, est trompeuse car la
chronique des faits et événements courts ne permet pas de rendre compte des véritables
tendances et transformations historiques. L'étude historique dans le temps long doit en
fait se concentrer sur les structures, qui sont des «organisations, des cohérences, des
rapports assez fixes entre réalités et masses sociales» (Braudel, 1984: 50). La
compréhension historique nécessite donc l'analyse des réalités sociales et économiques
plus que des événements politiques et militaires qui n'en sont que des manifestations
épisodiques. Mon étude se positionne dans cette perspective théorique prônée par
l'École des Annales.

1.2 L'État et le commerce

L'étude de l'État au m6™ millénaire avant notre ère en Mésopotamie revient à


s'interroger sur l'ensemble de la société d'alors dans cette région du monde antique.
Or, une recherche de maîtrise ne peut prétendre analyser une société dans sa totalité. Il
me semble suffisant donc de mener cette recherche selon une approche particulière. Me
Adams (1974) rappelait dans un de ses articles que le commerce et les échanges
longues distances ont parfois été négligés dans les sujets de recherche et qu'ils peuvent
nous apporter beaucoup. Il dégage ainsi plusieurs dynamiques d'études remettant le
commerce dans son contexte social et non plus simplement comme simple échange de
marchandises. Son article fut en partie à l'origine de nouvelles recherches dans ce
domaine au cours des dernières décennies (Curtin, 1984; Klengel, 1984 ; Algaze,
1989; Neumann, 1997).
Il m'est ainsi apparu intéressant d'étudier l'État sous l'angle des échanges
commerciaux. Les échanges longues distances s'accroissent de manière très importante
avec l'apparition de l'État. Des études démontrent que ces deux phénomènes sont liés
(Childe, 1961 ; Edens, 1992 ; Van de Mieroop, 1999). On remarque l'existence d'un
lien entre l'apparition de l'État et l'accroissement du commerce en Mésopotamie dès la
période précédant le m eme millénaire (Algaze, 1989 : 577-585). Les échanges longues
distances, que l'on peut qualifier de commerce si on ne lui confère pas tout le sens
moderne actuel, prennent une grande importance pour quelques raisons clairement
circonscrites. La Mésopotamie se révèle être une région pauvre en ressources naturelles
(Pollock, 1999 : 42-43), son principal potentiel demeurant l'agriculture par tirigation
pour obtenir une production importante (Postgate, 1994 : 177-179). Dès lors, il faut
importer toute matière première nécessaire à un système aussi complexe qu'un État. De
ce fait, l'étude du commerce peut nous donner une vision particulière de l'État
mésopotamien de cette époque.
S'il y a nécessité d'importations, celles-ci n'ont pas toutes la même importance.
On peut observer différentes catégories d'importations. En outre les réseaux peuvent
avoir plusieurs degrés d'importance (principaux, secondaires...).
La majorité des ressources acquises sont des matières premières, produits
transformés par la suite par les artisans des cités pour répondre aux besoins des élites et
des institutions étatiques dirigeant ces sociétés. Les besoins sont alors utilitaires et
économiques (cuivre et étain pour la production de bronze, bois d'œuvre, silex et
obsidienne entre autres). En parallèle, on observe aussi le commerce de produits ayant
une valeur symbolique et de prestige : lapis-lazuli, cornatine, or, argent, ivoire. Ceux-ci
servent à répondre aux besoins ostentatoires des élites dirigeantes (Crawford, 1991 :
139-150 ; Joannes et al. 2001 : 196-199). Ces produits importés de contrées lointaines
servent donc directement ou indirectement les dirigeants et par conséquent restent
contrôlés par eux. Le commun des mortels n'a pas accès à ces ressources pour son
usage propre. Il n'est amené à utiliser ces importations qu'en tant que travailleur au
service du palais ou du temple.
Les réseaux d'échanges empruntent généralement des routes commerciales
préexistantes qui peuvent être terrestres ou mantimes. En partant de la Mésopotamie du
sud, des hens se font dans toutes les directions, vers le nord et P ouest par les voies
fluviales et terrestres jusqu'en Syrie, Turquie et Liban actuels. Vers le sud et l'Est, les
échanges se font avec le golfe persique, l'actuel Iran ainsi que la vallée de F Indus
(Curtin, 1984: 64-65; Astour, 1995: 1401-1414; Ports, 1995: 1451-1456).
Cependant, ces échanges et les routes empruntées ne sont pas toujours les mêmes à
travers le temps. On observe d'importants changements suivant les différentes époques.
Si ces échanges ont une motivation économique certaine, il ne faut pas pour
autant oublier les perspectives politique et sociale qui sont certainement aussi
importantes voire plus fondamentales, à cette époque, que l'économie. En cela, il ne
faut pas se laisser influencer par la vision moderne, capitahste et libérale de notre
culture.
Par ailleurs, le commerce nous informe aussi sur le fonctionnement interne de
l'État. On observe une dichotomie entre produits utilitaires et de prestige. Quelles sont
les différences existant entre ces deux types de produits ? En outre, qui organise les
échanges, qui les contrôle ? Comment sont définis les besoins ? Quelle est la part de
l'initiative privée par rapport à Faction directe de l'État ? Ce dernier aspect de la
question semble malheureusement être beaucoup moins abordé dans la littérature
scientifique et ce fait peut représenter une faiblesse dans la présente étude.
Ces échanges longues distances impliquent aussi une contrepartie de la part des
États mésopotamiens sous forme d'exportations, contrairement au tribut versé, ou au
pillage suite à des guerres. Ces matières exportées sonL eUes aussi, sources
d'informations sur ces sociétés étatiques. Il s'agit d'une part de produits agncoles
comme les céréales, et, d'autre part, de produits manufacturés. L'organisation et le
potentiel agricole mésopotamiens permettent donc de dégager des excédents
exportables, tandis que les artisans spécialisés transforment les matières premières en
produits à forte valeur ajoutée (Crawford, 1973: 233-236; Van de Mieroop,
1999:176-192).

1.3 Problématique

Mon sujet de recherche consiste donc en l'étude des relations entre l'État et le
commerce en Mésopotamie au m™16 millénaire. Ceci nécessite de poser comme a
priori l'existence de tiens significatifs entre État et commerce à cette époque.
La manière d'étudier ce rapport État-commerce consiste dans mon travail à se
pencher sur deux catégories de produits importés : biens utilitaires et biens de luxe.
Dans chacun de ces ensembles je ne retiendrai qu'un produit que j'estime représentatif,
en l'occurrence le cuivre pour les produits utilitaires, et le lapis-lazuli pour les produits
de luxe.
Je ferai ici une remarque concernant ma définition du produit utilitaire. Par ce
terme, j'entends désigner les produits ayant une apptication technologique concrète
dans le cadre d'activités artisanales, agricoles ou encore militaires. Si son emploi peut
être courant, cela ne veut pas automatiquement signifier que ce type de produit est
facilement accessible à tous les membres de la société ou encore qu'il ait une faible
valeur aux yeux de ses utilisateurs.
J'oppose cette catégorie à celle des produits de luxe, qui eux, n'ont pas
d'application pratique directe. Les objets de luxe sont en effet essentiellement utilisés à
des fins ostentatoires. Leur rôle est primordial dans les sociétés hiérarchisées, mais
relève de l'ordre du symbolique, même quand ils prennent la forme d'objets a priori
utilitaires. Par exemple, on peut signaler en ce sens l'existence d'armes d'apparat en or
qui sont, de fait, inutilisables au combat (Huot, 2001 : 61).
J'utiliserai pour mon analyse un modèle interprétatif s'inspirant de plusieurs
théories et d'un modèle en particulier. Ce modèle est celui de Edens (1992) basé sur la
World-System Theory de Wallerstein (1976). Sa particularité est que l'échelle n'est pas
l'unité politico-économique d'une culture, comme la cité ou l'empire, mais l'ensemble
régional où interagissent différents partenaires. Ceux-ci se répartissent entre « centres »
et « périphéries ». De ce fait, la différence entre cité-États et empires mésopotamiens
est moins importante car leur action en tant que « centre » au sein du World-System est
la même. Pour modifier le modèle de Edens, je m'appuie sur travaux de différents
chercheurs comme Kohi (1996) ou Crawford (1997). Pour compléter l'analyse des
échanges, je ferai aussi appel à certains principes des théories économiques de Smith
(1776) et Ricardo (1817). Il s'agit d'adapter les principes économiques classiques
d'avantages absolus et d'avantages comparatifs aux réalités des sociétés précapitatistes
du Proche-Orient ancien.
La confrontation de cette construction théorique avec les données disponibles
permettra d'établir les relations entre État et commerce pour cette période. Les
questions sous-jacentes sont les suivantes : les produits sont-ils importés suivant le
même processus queUe que soit leur nature ? L'État s'implique-t-il dans l'importation
de ces produits ? Si oui, son rôle est-il identique pour les produits de base et de luxe ?
La participation éventuelle de l'État est-elle directe ou indirecte dans ces échanges
commerciaux ? QueUe était la contrepartie de ces importations ? Quelle était la nature
des relations entre partenaires de ces échanges ? Enfin, qui, au sein de l'État participait
à la transformation, à l'usage et à la consommation de ces produits importés ?
Ce travail de mémoire, sans avoir l'ambition d'une synthèse, veut présenter un
bilan et une interprétation des rapports État-commerce en général pour le HIeme
millénaire avant notre ère.

1.4 Limites de la recherche

Un certain nombre de limites s'imposent à ce travail. Je suis restreint dès le


départ par ma démarche dans le sens où je m'appuie sur les résultats, les conclusions et
les idées avancées par d'autres chercheurs. Je n'ai d'autres sources que les publications
scientifiques. Mon travail n'intègre pas l'analyse d'une collection ou d'un site
particulier, par conséquent je n'ai aucune prise directe sur les données archéologiques
brutes. J'ajouterai, concernant les textes scientifiques, que l'étude du commerce et celle
du rapport État-commerce n'ont été développées que relativement récemment au regard
des autres centres d'intérêt sur la Mésopotamie. De plus, il s'agit souvent de recherches
portant sur un point précis du commerce, ou sur les rapports avec une région bien
10

déterminée. Enfin, ces travaux peuvent présenter une certaine disparité entre eux,
certains étant plus poussés que d'autres sur les sources étudiées ou sur la méthodologie
employée. Ceci influence par conséquent la qualité des conclusions qui en résultent.
En outre, toujours à propos des sources, il faut signaler que la documentation
archéologique n'est pas homogène pour le cadre chronologique. Nous disposons de
plus d'informations pour la fin du Hf-"1116 millénaire. En ce sens, les textes cunéiformes
nous informant sur l'État comme sur les échanges commerciaux sont de plus en plus
nombreux vers la fin de la période retenue. Cela doit être gardé à l'esprit pour éviter
certaines erreurs, comme de voir une intensification des échanges parce que nous
disposons de textes les évoquant. Les textes anciens sont une source primordiale, mais
il faut garder une certaine réserve. L'absence de textes les évoquant ne signifie pas
l'absence de faits. De plus, les tablettes retrouvées ne sont peut-être pas toujours
représentatives, les découvertes étant souvent fortuites. À cela s'ajoute le fait qu'elles
évoquent souvent une situation à tin moment donné et il en faut un certain nombre pour
chacune des périodes pour pouvoir généraliser à une région ou une période un
phénomène relaté dans ces écrits.
Sur le fond même de mon étude, deux limites apparaissent clairement. Dans un
premier temps, la durée : il s'agit d'un travail qui couvre un ensemble de plus de 1000
ans. Par conséquent, cette étude entend retracer les grandes tendances générales, les
traits communs aux différentes cultures qui se succèdent. Les particularités propres à
chaque époque ou à certains contextes historiques courts (tensions politiques,
changement climatique de faible durée...), bien que connues de l'auteur, ne sont pas
prises en compte dans l'analyse générale.
Le deuxième aspect important concerne davantage la méthodologie. Aux vues
de la quantité de données à traiter, cette recherche ne s'attarde qu'à détailler deux
éléments caractéristiques du commerce : les échanges de cuivre et de lapis-lazuli. Bien
qu'ayant voulu sélectionner des produits particulièrement représentatifs de leur
catégone, l'étude de deux matériaux seulement sur la totalité des produits commerces
n'en demeure pas moins une limite qui doit nous retenir de tirer trop de généralités sur
un phénomène aussi complexe que les échanges longues distances.
II

1.5 Plan du mémoire

Ce mémoire se structure en cinq parties. Suite à cette introduction, je présente


dans le chapitre 2 les concepts et théories qui m'ont guidé dans "ma recherche. Ensuite,
je présente le modèle interprétatif qui en découle. Puis, dans le chapitre 3, je détaille les
données relatives au commerce : importations de cuivre et de lapis-lazuli, exportations
en échange, points communs et différences dans les processus commerciaux et enfin
moyens de transport utilisés pour les échanges. Ces informations doivent servir à
dégager dans le chapitre suivant les implications socio-économiques liées aux échanges
longues distances. Finalement, le chapitre 5 servira à présenter l'interprétation des
rapports entre État et commerce, tant à l'intérieur même de la société mésopotamienne,
qu'à l'échelle régionale. Ici sera vérifiera (ou non) la mise en application du modèle
interprétatif proposé dans ie chapitre 2. En conclusion, je présenterai dans le chapitre 6
quelques grandes lignes concernant le rapport État-commerce en Mésopotamie pour
cette époque. À cela s'ajoutera le bilan de la confrontation du modèle aux données
archéologiques et ses éventuelles limites.
CHAPITRE 2

CONCEPTS ET THEORIES

Avant de s'intéresser à la dynamique État-commerce au sein du monde


mésopotamien durant le ni ème millénaire avant notre ère, il convient d'abord de
présenter les concepts qui sont à la base de la présente recherche. Une définition
circonstanciée et appropriée des notions d' «État» et de «commerce» est donc
nécessaire, ces deux termes ne renvoyant pas toujours aux même réalités suivant les
interprétations des auteurs qui ont travaillé le sujet et surtout en regard du cadre spatio-
temporel particulier qui est le nôtre. La définition de ces deux concepts nous amènera,
en toute logique, à passer en revue les diverses théories mises de l'avant jusqu'à
maintenant et visant à expliquer les processus relationnels décelables entre ces deux
concepts en contexte mésopotamien. Cette démarche analytique débouchera sur
l'élaboration de mon propre modèle théorique qui m'a guidé tout au long de mon étude.

2.1 L'État : une nouvelle entité politique, une nouvelle forme de


société

L'État, qui est au point de départ de cette étude, renvoie à une réalité moderne
parfaitement connue de nos contemporains. Cependant, cette réalité s'appuie sur une
perception plus diffuse de l'idée d'État. Pour étudier l'État présent ou passé il est utile
d'en avoir une perception claire, une définition établie. Je partirai pour cela d'une
définition moderne pour, ensuite, présenter les conceptions théoriques moins
dépendantes du cadre temporel, et ainsi en retirer les principes généraux qui peuvent
s'appliquer à la majorité des structures étatiques, présentes ou passées. Par la suite, je
préciserai certaines particularités du cas mésopotamien et sa matérialisation
archéologique.
13

2.1.1 Le concept d'État

Dans une définition ouverte et moderne faite en science politique, l'État est une
organisation politique et administrative souveraine sur un territoire et une population
délimités (Debbasch et al, 1983 : 15-19, 22-23). Par conséquent, il a le monopole de
certaines prérogatives comme la justice, l'émission de monnaie et le prélèvement de
l'impôt, l'usage exclusif de la violence légitime (police et défense) et enfin la gestion
des relations internationales. Cette définition moderne peut être reprise en grande partie
pour les sociétés du ni6™6 millénaire.
Cependant comme elle demeure incomplète sur le plan anthropologique et
archéologique, plusieurs théories et définitions ont été avancées. Bien que parfois en
opposition, elles sont le plus souvent complémentaires. Je reprends donc les idées de
plusieurs auteurs qui posent avant tout l'État comme une forme particulière
d'organisation sociale. Ainsi, Haas (1982 : 20) définit l'État comme un type de société
dans laquelle on trouve une institution de gouvernement spécialisée et centrahsée. De
ce point de vue, c'est donc la société dans son ensemble qui est prise en compte.
L'institution dirigeante et normative n'en est qu'un élément parmi d'autres. Par
conséquent, l'État, de par son organisation poUtique et administrative, entraîne toute
une série d'implications sociales et économiques qui correspondent à une société type.
Cependant, il n'inclut pas comme éléments nécessaires une économie stratifiée ou le
monopole de l'application de la force.
Cette société étatique présente donc des structures politiques, économiques et
sociales particulières. Les auteurs s'entendent généralement pour retenir les éléments
suivants comme significatifs de l'État, même s'il ne les posent pas toujours comme
obligatoires (Childe, 1956 : 118, 140-154, 1961 : 85-97 ; Huot, 1982 : 99-101 ; Meyer,
2000 : 221). Il s'agit d'un pouvoir poUtique et retigieux centralisés, de l'usage d'une
forme d'administration, d'une hiérarchisation de la société, de la spécialisation
économique (producteurs, artisans, gestionnaires, clergé, miUtaires), du recours aux
échanges longues distances et de la création de centres urbains. Ceci implique en
conséquence certaines innovations, que ce soit sur le plan de l'organisation
(rationalisation de l'agriculture, planification du commerce) ou dans le domaine
14

technologique (outillage agricole plus performant, innovation artisanale). La question


de l'usage de la force et de la guene prête plus à controverse. Huot (1982, 98-106) et
Haas (1982 : 173-182) ne la posent pas comme prérogative de l'État. Service en
revanche lui donne une place centrale.
Service (1975) a développé une interprétation de l'État qui pose l'origine du
gouvernement dans Institutionnalisation du leadership central. Là encore l'État est
synonyme d'une forme particulière de société. Cependant, selon Service (1975 : 305)
ce système social présente beaucoup de points communs avec la chefferie hiérarchisée
et bureaucratique qui existait auparavant. On y retrouve ainsi la bureaucratie,
l'irrigation, les échanges longues distances (Service, 1975 : 290-308). On remarque que
Service (1975: 8) pose le politique comme organisant l'économie et non l'inverse. Ce
qui différencie en fait l'État de la chefferie est l'usage des moyens de coercition.
Contrairement à Haas, Service (1975 : 14-15) pose l'emploi légitime de la force comme
l'attribut essentiel de l'État. Ce qui est remarquable selon lui, c'est que l'emploi de la
force légitime est surtout institutionnalisée, contrairement à d'autres formes de société.
La loi est couplée à l'institution. La loi est un élément essentiel dans le fait qu'elle
définit et encadre la menace du recours à la force et son usage par rapport à l'État.
Cette force légitime et légale n'est cependant pas employée premièrement contre la
population de l'État par l'étite comme le voudrait une interprétation marxiste, mais
contre les populations voisines dans une volonté d'expansion (Service, 1975 : 190-
194).
L'importance que donne Service à Fusage de la force par l'État est justifiée.
Cependant si Fusage de la force est assurément un élément déterminant, il ne peut être
retenu comme seul critère. La force ne semble pas être un élément plus important dans
les premières sociétés étatiques qu'un autre. La religion, l'économie spéciatisée ou
l'administration pubtiquese retrouvent régulièrement et sont utilisées aussi de manière
égale par l'élite dirigeante. En outre, l'affirmation selon laquelle peu de différences
structurelles existent entre le stade de chefferie et celui d'État me semble aussi
exagérée. L'émergence de l'État se traduit sur le plan archéologique par de grandes
différences dans les vestiges et le matériel retrouvés, qu'il s'agisse de la nature des
\5

objets, ou de la proportion des vestiges. Ceci se perçoit surtout dans l'apparition de la


viUe que nous examinerons plus tard.
Cette nouvelle forme de société est donc hiérarchisée. À sa tête, on trouve des
élites politiques et religieuses qui se démarquent particulièrement du reste de la
population. Cela se manifeste clairement dans les vestiges archéologiques, notamment
les structures funéraires. La manière dont sont traités les dirigeants dans leur demeure
posthume nous informe sur leur rôle et leur pouvoir dans la société d'alors. Pollock
(1991) propose ainsi une interprétation du cimetière royal d'Ur. Les élites, qu'elles
soient poUtiques ou religieuses, concentrent en leurs mains une forte proportion de
biens matériels. Les produits de luxe y ont une place de premier choix, répondant
visiblement à de forts besoins ostentatoires. Pour cela il leur est nécessaire de posséder
un important pouvoir économique. L'idéologie mésopotamienne rend nécessaire le
contrôle de la richesse par les élites et cherche en même temps à le légitimer.
L'individu ou le groupe dirigeant possède de nombreux biens luxueux car cela reflète
son pouvoir politique et rehgieux, tandis que celui qui se trouve en bas de la pyramide
sociale et idéologique se voit privé de ces biens matériels (Pollock, 1991: 180). Cette
inégalité de répartition des richesses économiques entre différentes classes sociales est,
selon Pollock, la manifestation de l'instauration du pouvoir du temple et du palais
(l'État) au détriment du système social clanique et familial. Les institutions publiques
prennent peu à peu contrôle d'une grande partie des terres arables au détriment des
groupes familiaux (Pollock, 1991 : 177). Cette interprétation nous permet d'expliquer
l'interventionnisme économique de l'État que j'expliquerai dans les pages suivantes.
Dans la littérature se rapportant au sujet, on observe un certain consensus sur les
principaux paramètres définissant l'État (Service, 1975 ; Haas, 1982 ; Huot, 1982 ;
Forest, 1996 : 13). Je reprendrai ces paramètres dans ma conception de l'État. La
société étatique est hiérarchisée : existence de groupes sociaux inégaux dans l'accès
aux ressources et au pouvoir politique. On observe également une spécialisation
économique : producteurs agricoles, artisans, clergé. Enfin, il se met en place une
forme d'administration : fonctionnaires, gestionnaires utilisant des systèmes
comptables ainsi que l'écriture. Dans les pages suivantes la désignation d'Etat
recouvrira l'appareil pobtico-administratif et religieux dirigée par une élite restreinte.
16

Cette élite représente le principal acteur dans l'ensemble des échanges longues
distances.

2.1.2 Matérialisation de l'État en Mésopotamie : la ville

Sur un plan terminologique, en ce qui concerne ia Mésopotamie, les auteurs, tel


Forest (1996) ou Stone (1997), parlent parfois d'État ou de cités-États pour désigner les
mêmes entités poUtiques. La cité-État se définit comme un Etat rapporté clairement à
une seule viUe et a un territoire limite à sa périphérie. De ce fait on peut parler
effectivement pour cette époque de cités-États, en opposition à la taille des États des
périodes ultérieures. Slone (1997) s'attache à définir la cité-État, notamment sui le plan
économique et politique, en mettant en relation sa définition avec l'étude physique de
la ville (structures, aménagements). Elle établit de cette manière un hen entre la vtile et
l'État, ce qui est peut-être moins présent dans les autres recherches.
Cependant, au cours du m eme millénaire, les États ne demeurent que rarement
confinés à leur territoire. Us sont à tendance expansionniste et cela se traduit par des
conquêtes mititaires, ou par ia volonté d'établir des districts administratifs et des zones
d'influences économiques et diplomatiques. On remarque qu'à certaines périodes, les
conquêtes s'intensifient et touchent directement ou indirectement F ensemble de la
région ; le terme d'empire est alors avancé. En ce qui me concerne, j'emploierai le
terme d'État dans une acception très large qui inclut le concept de cité-État. Les
différences entre ces définitions ne portent à mon avis pas atteinte à l'analyse eu elle-
même.
Le concept d'État est directement hé à celui de la ville. Cette dernière apparaît à
la même période. En fait, l'État s'incarne dans la vtile ef inversement. Dans ce contexte
culturel l'un ne va pas sans l'autre. D'ailleurs il s'agit d'un phénomène d'évolution
simultanée (Huot, 1982 : 99).
Ce que Childe (1961) appelle la «révolution urbaine» est la traduction dans
l'espace de profonds changements politiques et sociaux. Plusieurs chercheurs
s'attardent à définir les composantes de la vtile. Différentes définitions présentent
17

néanmoins des points communs. Le premier à dresser de vastes critères définissant ia


ville en Mésopotamie demeure Childe (1961 : 85-95) qui retint les points suivants :

« une planification de l'espace de ia cité où siègent les élites


• une forte densité de population
• une spécialisation agricole et artisanale
• ie paiement de taxes aux dieux et au roi
• une architecture monumentale
• une stratification sociale où les dirigeants sont nourris par un surplus
• Fusage de F écriture
• l'émergence de la science
• ie développement des arts
• un commerce longue distance pour les importations de matières
premières
• l'affiliation par classe sociale et non plus par famille

Si ces critères ne sont plus totalement pertinents pour d'autres aires culturelles,
ils le demeurent pour ia Mésopotamie avec peut-être certaines nuances concernant par
exemple la disparition de l'appartenance à la famille ou au clan.
Le phénomène urbain constitue ainsi une concentration de population dans un
espace clairement délimité occupé de manière permanente. Cependant, plus important
encore, la ville dans son organisation physique reflète une spécialisation économique
(apparition d'artisans spécialisés, de fonctionnaires) et, de ce fait, une transformation
du mode de production agricole. De plus, il s'y opère ime accentuation importante de la
hiérarchisation sociale. À une élite dirigeante nettement détachée du groupe sont
conférées des charges et droits importants. Celle-ci se caractérise notamment par un
pouvoir politique et religieux. Une religion structurée et organisée est aussi un des
éléments de définition de la viUe mésopotamienne.
Enfin l'accroissement des échanges longues distances paraît constituer tin
facteur important chez beaucoup d'auteurs et est l'objet d'une présentation détaillée ci-
après.
18

Cette définition de la ville est complétée sur certains points par celles d'autres
chercheurs qui insistent sur différents aspects. Frick (1997 : 14-19) met davantage en
contexte la vtile dans son environnement direct. La ville mésopotamienne n'est pas
coupée du monde rural dont eUe dépend pour sa subsistance. La cité est en fait
l'élément central d'un système local intégré. Le système urbain gère la nouvelle
manière de produire des excédents agricoles. La cité reçoit une partie de cette récolte
en rétribution de cette gestion administrative. On discerne une relation de centre (la
ville) avec sa périphérie (des villages environnants rattachés à la cité). U apparaît donc
ici un facteur de réciprocité.
Fritz (1997 : 19-20) reprend sensiblement les mêmes éléments déterminant la
ville en Mésopotamie, mais il insiste en plus sur l'existence des fortifications dès le
II^"16 miUénaire. En outre l'architecture monumentale est désignée comme bâtiments
publics, les deux principaux étant le temple et le palais.
Sur un plan plus concret, Van de Mieroop (1999: 63-82) décrit les différentes
parties physiques de la vtile. Autour de la ville mésopotamienne se situent les champs
et les vergers nécessaires aux besoins vivriers. Par la suite, on retrouve hors des murs
de défense les faubourgs, lieux notamment d'activités artisanales nécessitant espace,
accès aux matières premières ou encore source de nuisances indésirables en centre-ville
(poterie, tanneurs...). Entourant le centre même de la vtile, les murs de défense sont
ponctués de tours et de portes monumentales. La viUe intra muros a une situation plus
élevée. Cela s'exphque par les reconstructions successives à travers le temps. Cette
hauteur artifïcieUe présente de fait un intérêt défensif notable. Le centre ville comprend
des zones résidentielles mais aussi les bâtiments importants. Cette architecture
monumentale se caractérise tout d'abord par le temple auquel par la suite s'ajoute le
palais. À la fin du ni eme millénaire, la ziggourat s'intègre au complexe cérémoniel
tandis que le palais est parfois complété d'une citadelle. La zone résidentielle de la
viUe, quadrillée de rues et canaux, se découpe en différents quartiers où l'on retrouve
encore des activités artisanales (joaillerie, métallurgie...).
On s'aperçoit que déjà dans la définition de la ville transparaissent les éléments
constitutifs de l'État mésopotamien, qu'il s'agisse de la structure sociale et
économique, comme des institutions administratives et politiques. Le temple et le
19

palais sont ainsi les deux principales entités politiques et administratives de la cité et de
l'État.
On retrouve les premières traces univoques du temple et du palais dans les
différents textes cunéiformes du IlFme millénaire (Huot, 1989 : 168, 175). À la tête du
palais se retrouvent des dynastes dont les titres en sumérien sont en, ensi, ou encore
lugal (Huot, 1989 :170). Ces dirigeants, de par leur statut, devaient assurément vivre
dans des résidences différentes de celles du commun des mortels. De même, le
phénomène religieux qui a une part importante de la vie sociale de l'époque, devait
s'établir dans des sanctuaires distincts des installations profanes. De fait, il s'observe
bien une architecture monumentale distincte des installations courantes. Cependant, s'il
peut être légitiment posé que ces bâtiments de grande taille se rattachent aux
institutions que sont le temple et le palais, un problème demeure. En fait, les fouilles
archéologiques ont mis au jour de nombreux bâtiments de grande taille, mais il est très
difficile pour la plus grande partie du fflclI,e mtilénaire de distinguer lesquels sont des
palais et lesquels sont des temples (Huot, 1989: 175, 186). Il n'existe pas de plan type
pour cette époque ni pour le palais, ni pour le temple. Jean Daniel Forest établit
cependant quelques critères qui semblent se retrouver au sein des premiers temples
mésopotamiens. U apparaît, selon lui, que le temple présente un plan étroit, mono ou
biceUulaire avec une galerie périphérique. Les bâtiments reposent généralement sur un
socle plein. Le sanctuaire est en lui-même isolé du monde profane par une enceinte.
L'ensemble religieux est aussi placé en hauteur, de sorte qu'il impose sa présence sur
tout le paysage urbain (Forest, 1999 : '89). L'interprétation de ces bâtiments
monumentaux se trouve confirmée lorsque sont découvertes des preuves tangibles
comme des statues votives ou des textes explicites. Or, dans nombre de cas, il n'a été
retrouvé aucun matériel se rattachant spécifiquement à une activité palatiale ou
religieuse.'De plus, les dimensions peuvent varier énonnément, de 30X15 m à 100X70
m (Huot, 1989: 177, 181).
Néanmoins, il peut être tenu pour acquis que l'architecture monumentale est à
rattacher à ces organisations. Le temple est l'institution qui est
chronologiquement la première. Il représente l'institutionnalisation du
idéologique et religieux. Le temple fut établi dans les sociétés complexes passe
20

jouer un rôle intégrateur qui bénéficie à Féhte. Cette dernière est devenue en effet
l'intermédiaire entre les dieux et les hommes. La religion officieUe se rattachait
directement à l'État (Forest, 1999 : 1). Si le temple était un lieu de culte, il était aussi
un centre administratif et économique. Van de Mieroop (Î999 : 217) le pose comme
centre de redistribution, auquel viendra s'adjoindre le palais plus tard. Les prêtres
détenaient indéniablement un pouvoir au sein de la cité. Ils étaient les principaux
détenteurs et utilisateurs de l'écriture avec les fonctionnaires du palais. De fait, ils sont
en charge de l'organisation administrative et de la comptabilité pubhque. Le temple
possédait ses propres terres et dépendances qu'il gérait à sa guise. Il employait nombre
de travaiUeurs, paysans et artisans, et nourrissait ainsi directement ou indirectement une
grande partie des citadins.
Le palais était ie deuxième centre de pouvoir de la cité. Il apparaît ne pas
présenter de caractéristiques architecturales propres en dehors d'une superficie
largement supérieure à celle des autres bâtiments de la cité (Margueron, 1982': 7).
Parfois des éléments spécifiques permettent d'identifier le palais : des briques
marquées au nom du roi, ou des tablettes cunéiformes que Fon retrouve dans une salle
du bâtiment, comme ce fut le cas à Mari (Margueron, 1982 : 6). Ce genre de
découvertes n'est malheureusement pas systématique. En outre, il peut arriver que le
lien entre le palais et le domaine religieux puisse apparaître dans F architecture
palatiale, ce qui peut entraîner une ambiguïté sur la fonction de l'édifice (Margueron,
1982 : 6). Cependant, bien que difficile, l'identification du palais et son interprétation
nous permettent de mieux comprendre le pouvoir séculier.
En tant qu'institution, le palais gagnera en importance au cours du IIIern
mtilénaire, au point de supplanter le temple. II sera le principal centre de pouvoir
politique dès le milieu du ni eme miUénaire, sans pour autant que le temple soit
marginalisé. À sa tête, le roi cumulait pouvoirs politique et religieux (les deux étant en
fait étroitement liés) ainsi qu'un certain pouvoir économique. On retrouve au sein du
complexe palatial, tout au moins à partir de la période d'Ur III, des services
administratifs, une intendance, des salles officielles et des appartements privés
(Margueron et Pfirsch, 1996 .172-173). Le roi avait pour obligation de nourrir ses
sujets et de les protéger de l'ennemi (Van de Mieroop, 1999 : 119). U menait la guerre,
21

faisait entretenir les canaux et les champs, rendait la justice, s'occupait du culte. Cette
dernière fonction était très importante, car le roi s'imposait comme l'intermédiaire
entre les dieux et les hommes. U devait s'assurer que les dieux étaient satisfaits pour
éviter que leur colère ne s'abatte sur la cité-État. Ainsi, le pouvoir du roi dans ces
domaines était illimité. Les sujets en retour devaient payer des taxes, se soumettre à des
corvées et à un service militaire. Comme le temple, le palais disposait de vastes
propriétés. Pour les entretenir, il mobilisait de la main d'œuvre artisanale et paysanne.
Pour gérer le domaine royal comme les affaires publiques, le palais faisait appel à un
corps de fonctionnaires important et spécialisé (Van de Mieroop, 1999 : 120).
L'administration variait cependant aussi par sa taille et ses fonctions suivant que
l'État auquel elle se rattachait était une simple cité, disposait d'un certain territoire ou
atteignait le stade d'empire. Les grands États et les empires plaçaient ainsi à la tête des
provinces conquises des gouverneurs directement responsables devant le roi.
Néanmoins, au cours des temps la situation ne fut pas homogène. À certaines époques,
les provinces, surtout les plus éloignées, conservèrent une relative autonomie. Pour les
assister, ces gouverneurs disposaient de toute une administration standardisée, civile et
parfois militaire (Margueron et Pfirsch, 1996 : 173-174).
Pour ce qui est de la gestion courante de la viUe, Van de Mieroop affirme que
les citadins détenaient une certaine autonomie. On remarque en particulier l'existence
de cours de justice, sous forme d'assemblée, propre à chaque quartier. Cependant, peu
de données sont disponibles à ce jour sur ces tribunaux et leur fonctionnement (Van de
Mieroop, 1999 : 122-124). Servant d'intermédiaires entre ces assemblées et le roi, on a
traces de deux fonctionnaires aux rôles visiblement importants, le président de
l'assemblée (gai ukken na) et le maire du quartier (rabianum), ce dentier faisant la
liaison entre le roi et les employés travaiUant sur les tenes du palais (Van de Mieroop,
1999 : 129). Il n'est pas possible d'affirmer, concernant ces deux personnages publics,
s'ils étaient nommés par le roi ou par les assemblées.
22

2.2 Le commerce

L'un des aspects essentiels du développement de l'État en Mésopotamie au


IIIerTC millénaire est l'essor considérable que prennent les échanges longues distances.
Ce terme est ici employé de manière synonyme à celui de commerce.
Le commerce est un concept social et économique qui se manifeste de manière
très concrète dans les sociétés humâmes. En effet, cette activité concerne directement
des biens matériels. Dans le cadre de recherches archéologiques, les échanges
commerciaux sont susceptibles de laisser des traces significatives Cependant, comme
pour l'État il est important d'en préciser la définition av.ant de s'intéresser aux études
proprement archéologiques et à la théorie.

2.2.1 Le concept de commerce

Le concept de commerce est différent suivant qu'on le considère dans le cadre


d'une économie moderne capitaliste ou dans le contexte d'une société ancienne pré-
capitaliste. Concernant les sociétés anciennes, on parlera de gain, qui ne doit pas être
confondu avec la notion de profit. Il faut plutôt rapprocher le principe de gain avec,
d'une part celui d'efficacité et, d'autre part, la notion de besoin à combler. Pour la
définition même du commerce, je reprendrai ici celle de Renfrew (1969 : 152). Selon
lui, pour les sociétés anciennes, le commerce doit être pris dans un sens très large. Il
s'agit des échanges, des mouvements de matériaux et de marchandises, effectués de
manière pacifique. Même si la réciprocité est sous-entendue dans l'analyse de Renfrew,
elle n'est pas forcément économique : il s'agit surtout d'un apport satisfaisant les deux
parties.
Cette définition va dans le même sens que celle de Meijer (2000 : 223). Pour
lui, le commerce est toute forme de trafic de marchandises ou de services entre
humains, régulé par le principe de gain, absolu ou relatif. Meijer insiste davantage que
Renfrew sur le principe de réciprocité qui est, de son point de vue, primordial. Les
efforts déployés par chaque partie doivent en effet avoir une motivation propre. Les
23

gains obtenus peuvent être économiques, mais aussi politiques, idéologiques ou parfois
simplement symboliques.
Ainsi ne sont pas inclus dans la définition des échanges les tributs et pillages
issus de la guerre car ce sont des échanges inégaux. Le présent travail s'attardera
uniquement à l'étude du commerce longue distance, échanges non belliqueux
impliquant des partenaires économiques relativement éloignés géographiquement.

2.2.2 Indices archéologiques relatifs au commerce


mésopotamien

Plusieurs catégories de découvertes archéologiques permettent de déduire des


activités commerciales passées. Les premiers éléments objectifs alimentant ces
interprétations sont tout d'abord les produits échangés eux-mêmes. La Mésopotamie
étant grandement dépourvue de matières premières, en dehors de l'argile et de quelques
faibles ressources en pierre et en bois, il est facile de repérer les matériaux et produits
de sources exogènes. Cela s'applique aussi bien pour les produits utilitaires (métaux et
pienes à bâtir) que pour les produits de luxe (pierres semi-précieuses, métaux précieux,
ivoire).
Néanmoins, si ces éléments marqueurs sont primordiaux pour l'analyse et
l'interprétation du commerce, ils ne doivent pas être pris comme reflétant l'exacte
réalité passée. En effet, nombres de paramètres interviennent tant sur la quantité et la
répartition géographique que sur les conditions de découvertes des produits
commerces. Tout d'abord il convient de rappeler que certains matériaux, et par
conséquent les artefacts qu'ils composent, ne sont que rarement retrouvés. U peut s'agir
par exemple du bois d'œuvre, produit utititaire importé en Mésopotamie aussi bien
pour l'architecture et l'armement que pour la construction navale. Le bois ne se
retrouve que peu dans les foutiles archéologiques, ou alors sous forme de traces. En
plus des conditions de conservation difficiles après ensevelissement, on peut ajouter
aussi les incendies comme facteur de réduction substantielle de la présence de bois
dans les vestiges.
24

En ce qui concerne la catégorie des biens de luxe, la raison principale à sa faible


représentation dans les données archéologiques est autre. Les métaux précieux (or,
argent) comme les pierres serai-précieuses (lapis-lazuti, cornaline) ont très tôt fait
l'objet de recyclage et de pillage. Les pierres peuvent ainsi être retaillées ou montées
sur d'autres parures, tandis que ie métal est refondu. Une grande quantité de ces
produits a été retrouvée de fait dans des tombes intactes comme dans ie cas du
cimetière royai d'Ur.
Sur le plan archéologique, en plus des .artefacts, les structures des
établissements humains laissent parfois transparaître des activités commerciales. Ainsi,
dans les différents éléments composant la ville mésopotamienne, on remarque les
installations portuaires ou des canaux de circulation (Margueron, 1988 : 43-44). CeUes-
ci, se situant sur les fleuves comme sur la côte, traduisent dans le paysage urbain des
activités de transport de marchandises et donc d'échanges.
D'autres composantes de la ville permettent indirectement l'observation de la
forme et de l'ampleur des activités commerciales. Les quartiers d'artisans sont ainsi
directement dépendants du commerce pour les matériaux qu'ils utilisent et dans une
certaine mesure pour les débouchés que représentent les exportations. Les traces
laissées par une activité artisanale très importante ou non, ou encore très spécialisée,
permettent d'obtenir de l'information sur la nature et l'ampleur du commerce d'une
cité. Le marché est aussi un autre élément révélant l'existence du commerce. Dans le
cas mésopotamien, c'est l'absence de places de marché dans l'urbanisme qui retient
l'attention. Cette thèse a été développée par Polanyi et al. (1965 : 16). Cependant, si
Polanyi affirme qu'il n'y pas de marchés en Mésopotamie, il faut entendre qu'il n'y
pas de marchés dans la conception occidentale et notamment grecque. Polanyi cite
d'ailleurs Hérodote visitant le Proche-Orient aux environs de 460 av. J.C. C'est ici
donc une nuance à apporter à l'interprétation de Polanyi. Par ailleurs sui' un plan
archéologique, il doit être aussi admis que comme la plupart des marchés ne sont pas
des endroits construits, et qu'ils peuvent s'organiser ailleurs que sur de vastes espaces
dégagés, ils sont souvent difficilement identifiables dans les fouilles.
Un autre ensemble de structures significatives d'activités commerciales est
composé des silos et d'entrepôts. Si ces deux types de structures peuvent se retrouver
25

dans de simples communautés agricoles auto suffisantes, le nombre, la concentration et


l'emplacement de ces constructions peuvent avoir une signification commerciale dans
le contexte des cités-États du Ufmc millénaire avant notre ère. Del Olmo Lete et
Montero Fenollos (1998 : 300-302) s'appuient ainsi sur le nombre important de silos
retrouvés et sur un temple transfonné en entrepôt pour déterminer la spécialisation
commerciale de Tell Qara Quzaq à l'Âge du Bronze. La cinquantaine de silos à grain
mis au jour sur ce site dépasse largement le nombre nécessaire aux besoins de la
population locale. Il faut donc, y voir une spécialité économique, le commerce. Cette
interprétation est renforcée par la situation géographique de l'endroit. Les textes nous
informent en effet que cette région exporte à cette époque du vin, du bois, du cuivre et
des céréales à destination de Mari.
En complément des données proprement archéologiques, les sources
épigraphiques présentent un mtérêt majeur. Les textes cunéiformes traitent en effet de
divers aspects des échanges longues distances. Us permettent tout d'abord de préciser
les partenaires commerciaux, leur statut, leur rôle. On doit ainsi citer les institutions, le
palais, le temple, des hauts fonctionnaires. De plus, les textes fournissent des données
quant aux produits commerces, mais aussi sur leur provenance, via quels itinéraires et
par quels moyens. On apprend ainsi par les textes akkadiens que Sargon d'Akkad reçoit
dans le port de sa capitale, Agade, les navires de Melukkha (vallée de F Indus), de
Magan (Oman) et Dilmun (Bahrein) (Astour, 1995 : 1407).
Cependant, les textes eux-mêmes révèlent leurs limites. Tout d'abord, bien que
l'écriture existe depuis le début du IIIeme millénaire, le nombre de tablettes retrouvées
ne va croître de manière significative qu'à la fin de ce millénaire. De plus, les textes
relevant directement des échanges longues distances n'apparaissent que tardivement.
En outre, il est parfois difficile de déterminer la nature des échanges, rapports amicaux
ou inamicaux, ou encore la régularité des contacts. En effet, sur ce dernier point, les
écrits ne parlent que des échanges à un moment donné ; il n'est donc pas toujours facile
de déterminer s'ils sont l'exception ou la règle. Par ailleurs, le contenu des tablettes
masque souvent une certaine réalité en mettant l'emphase surtout sur le monarque ou la
ville. Enfin les textes sont très souvent reliés directement au palais ou au temple,
26
n'évoquant de ce fait que les activités les touchant. U est difficile donc de savoir par les
textes ce qu'il en était des activités issues d'autres parties de la société.

2.3 Théories explicatives

L'étude de ces données et la mise en application des concepts d'État et de


commerce ont amené différentes mises en perspective et interprétations de ce
phénomène économique de la part des archéologues. Il peut être tiré de ces différents
travaux plusieurs apports qui serviront à ia mise en place de mon interprétation du
rapport État-commerce.

2.3.1 Diverses approches

L'étude du rapport État-commerce a déjà été réalisée de différentes manières dans des
recherches précédentes. 11 en résulte que plusieurs auteurs mettent en relation l'État,
institution sociale et politique, avec le commerce, activité économique. Renfrew
(1977: 85-89) a développé dans les années soixante-dix plusieurs modèles interprétatifs
du phénomène commercial dans les sociétés anciennes. L'un d'eux s'applique aux cas
des sociétés complexes hiérarchisées. Je ne retiens pas du travail de Renfrew la
méthode d'analyse car elle est en effet basée essentieUement sur des outils
mathématiques et statistiques directement empruntés aux sciences économiques
(Renfrew, 1977: 71-81). Or, l'archéologie ne peut prétendre pouvoir collecter des
données quantitatives aussi nombreuses et incontestables que dans le cas d'études sur
nos sociétés contemporaines. La recherche archéologique est selon moi trop soumise
aux aléas de la collecte d'informations sur ie terrain, pour pouvoir utiliser directement
un instrument de l'analyse économique moderne. Il faudrait dans ce cas adapter l'outil
à la nature des données et surtout ne pas conserver ces résultats comme seule base de
réflexion à l'interprétation. Néanmoins, je considère comme pertinentes certaines de
ses affirmations (Renfrew, 1977 : 85) sur les mouvements des produits échangés. Il
soutient que n'est pas respecté, dans le cas de sociétés complexes hiérarchisées, le
principe selon lequel, plus l'éloignement est grand, moins importante sera la présence
du produit exporté par rapport à son heu d'origine. En fait, la plus grande concentration
27

de matériaux et de produits exportés peut se retrouver à de grandes distances de leurs


sources sans qu'on en retrouve la trace de manière significative entre les points
d'exportations et de destinations finales. Ceci s'explique par le fait que les
consommateurs de ces produits se trouvent au sein de ce que Renfrew (1977 : 85)
appelle les « central places ». Les exportateurs fournissent directement à ces « central
places » les produits commerces sans qu'il y ait d'intermédiaires. Il y a donc une
commandite de la part de certains secteurs géographiques auprès de régions éloignées.
Renfrew présente cette observation comme la preuve que les échanges sont planifiés et
contrôlés par ces « central places ». Ces établissements humains concentrent ainsi des
produits importés que l'on ne retrouve pas ailleurs que dans leur lieu d'origine. C'est la
première concentration.
Une deuxième concentration existe à l'intérieur même de ces établissements.
Les produits importés ne sont pas répartis équitablement parmi la population. Seuls les
individus et les groupes sociaux les plus favorisés ont accès de manière substantielle
aux importations (Renfrew, 1977: 86). Ces élites renforcent ainsi leur prestige social et
leur pouvoir économique par les échanges.
Ce modèle fournit des éléments intéressants pour l'explication du processus
commercial en Mésopotamie du sud où les « central places » sont les cités-États. Cette
théorie amène le présupposé que les gouvernements de ces cités sont parties prenantes
directement ou indirectement aux échanges. On peut donc parler dans une certaine
mesure de politique commerciale ou tout au moins d'implications des cités-États dans
les échanges longues distances. Plusieurs auteurs ont développé des interprétations en
ce sens.
Yoffee (1995a, b) relie directement l'action de l'État aux diverses activités
économiques, et en particulier aux échanges commerciaux longues distances. Le
commerce est générateur de ressources par les produits importés et les taxes perçues
sur les mouvements de marchandises. L'État est ainsi posé comme interventionniste,
comme l'affirme le titre d'un de ses articles (Yoffee, 1995a). On y parle déjà de
politique économique. Les recherches abordent donc souvent un aspect du rapport Etat-
commerce : soit le rapport de l'État avec une région partenaire spécifique, soit le
28

rapport de l'État avec un type particulier de produit importé, ou encore le rapport entre
l'État institution publique et un élément de la société.
Degraeve (1996) s'est ainsi interrogée sur les rapports unissant la Mésopotamie
et ses voisins du nord, en particulier le Caucase. L'étude combinée des textes et des
ressources géologiques permet de reconstituer les routes commerciales et d'identifier
les types de produits échangés. Cette étude traite donc de produits échangés entre des
régions distinctes. Je retiens l'idée de retracer un produit de par sa source géologique
dans le cas d'un minéral, et de compléter ces informations par les textes anciens. U
s'agit ainsi de la démarche qui sera appliquée au lapis-lazuli, dont la source géologique
est aisée à retracer. Cependant dans son étude, il est dommage que Degraeve ne
cherche pas à établir les implications sociales, politiques et économiques entre ces
sociétés et à l'intérieur même de ces cultures.
Une analyse plus poussée et complète est réalisée par contre par Potts (1994)
qui cherche à faire le hen entre échanges régionaux et implications locales. U analyse
aussi bien les motivations que la manière dont se mettent en place ces échanges. Là
encore, dans cette étude, le lien État-commerce est très présent. L'État est instigateur
et client du commerce. La démarche de Potts me sera utile dans l'étude de la
dynamique commerciale aussi bien interne qu'externe à l'État.
En parallèle à cette vision de l'interaction État-commerce, on peut se demander
quelle est la place des acteurs privés. Cette question, moins étudiée et beaucoup moms
documentée pour la période nous concernant est abordée d'une manière intéressante
par Neumann (1997). Son interprétation nous présente une autre manière d'envisager la
définition d'acteur commercial privé à la fin du III01110 millénaire en Mésopotamie. Les
nombreux textes épigraphiques de la période d'Ur III nous apprennent l'existence de
marchands privés, distincts des fonctionnaires mandatés, qui exercent une activité
commerciale significative. Cependant, ils ne forment pas encore une classe sociale
uniforme et importante. En outre, ces acteurs économiques n'ont comme principaux
clients que les deux institutions majeures de la ville : le palais et le temple. Ces
derniers, en cette fin de III61110 millénaire, commuent de concentrer la plus grande part
du pouvoir économique (Neumann, 1997 : 45-46).
29

2.3.2 La » World-System Theory »

L'étude du commerce dans l'Antiquité a donné lieu à différentes théories. Parmi


celles-ci, je retiens particulièrement la World-System Theory. À l'origine, cette analyse
théorique a été développée par l'historien et économiste Wallerstein (1976). Elle
concerne l'interprétation des relations internationales du monde moderne, soit du
XVI6™ au XX** siècle.
Selon cette approche, un centre culturel domine des périphéries qui se
retrouvent à des degrés divers sous son contrôle. Le monde systémique se répartit entre
États noyaux et zones périphériques. Le noyau est la partie du système où se retrouve
une importante institution étatique, généralement un ensemble d'États plus qu'un seul.
Ce noyau, ou « centre », présente une forte avance technologique ainsi que des
institutions politiques et économiques sophistiquées. Ceci lui permet de dégager un
surplus qui est exporté vers la périphérie. Cette périphérie se caractérise donc par des
structures plus faibles et moins complexes. Sa contrepartie dans ses échanges avec le
centre consiste essentiellement en des matières premières. Entre ces deux parties du
système se trouve la semi-périphérie qui sert à la fois de lien et de tampon. Elle intègre
géographiquement centre et périphérie et sert aussi à modérer les pressions politiques.
Enfin sur le plan temporel, les éléments du centre comme la nature des périphéries
peuvent évoluer. Des États peuvent s'imposer ou décliner comme acteur central du
système (Champion, 1995 : 4-6). De ce fait la notion de compétition entre les
composantes du centre et des périphéries existe selon Wallerstein (1976 : 231). L'État
dominant au sein du centre peut voir sa position remise en cause par une autre
composante du même centre. Par ailleurs, une compétition entre différentes périphéries
comme partenaire économique du centre est aussi envisageable. Cette compétition peut
se manifester sur le plan militaire et politique mais aussi économique. Ainsi, des
guerres et atiiances politiques peuvent être motivées par un besoin de contrôle de
réseaux commerciaux. Ceci serait logiquement un des moyens pour le centre de
contrôler sa ou ses périphéries. De même, une spécialisation économique peut
apparaître dans le but d'une plus grande compétitivité face aux concurrents. Les
périphéries chercheraient par ce moyen à s'assurer le partenariat du centre.
30
Algaze (1989) présente une analyse basée sur la World-System Theory pour la
période urukéenne au IV6"1" millénaire à propos des échanges liant Uruk et l'Anatolie.
Cette interprétation théorique fut ensuite reprise par Edens (1992) qui l'a mise en
application pour la Mésopotamie au IIIcmc millénaire, ainsi que de manière plus
générale par Champion (1995) pour les sociétés anciennes. Au IIIe™ millénaire avant
notre ère, les cités-Etats représentent en effet un degré de développement social,
politique et technique plus avancé et complexe que les autres cultures environnantes.
On peut supposer de ce fait une certaine hégémonie culturelle politique et économique,
comme on l'observe pour d'autres cultures contemporaines (Egypte, Vallée de lTndus).
Une différence est à souligner concernant F Antiquité. Champion (]995) comme
Edens (1992) arguent qu'il faut éliminer le présupposé capitaliste de l'économie dans le
cas mésopotamien. Ainsi, ils affirment contrairement à l'économiste Wallerstein
(1976), qu'une économie mondiale non capitaliste a pu exister avant les systèmes
modernes.
Sui" un plan plus ponctuel on remarque aussi dans l'analyse faite par ia World-
System Theory, que les auteurs opèrent une dichotomie entre les biens commerces qui
est ia même que celle que j'emploie dans ce travail. Ainsi, les biens se répartissent
entre produits utilitaires et produits de luxe. Ces catégories ne sont pas présentées en
opposition mais comme les deux extrémités d'un spectre (Champion, 1995 : 8). On
attire l'attention sur le sens social à donner aux objets en plus de leur fonction utilitaire.
Par conséquent, même les produits utilitaires peuvent avoir une signification sociale. Ils
jouent un rôle dans la reproduction sociale de l'État. En effet, un manque de matière
première n'est pas forcément un problème pour l'existence même d'un groupe humain.
Par contre, ce manque prend de l'importance dans ie cadre d'un besoin social. Le
manque de matières premières devient un problème important pour la structure socio-
économique qu'est l'État, organisme qui a ses besoins propres.
Cette interprétation théorique, bien que remise en cause dans son ensemble
comme nous allons le voir, m'a apporté certains concepts et principes qui me semblent
pertinents et seront repris dans ce travail.
Cette théorie vient souligner la part centrale de l'État dans les échanges commerciaux
mésopotamiens. Edens vient ainsi conforter ma vision d'un État mésopotamien
31

fortement impliqué dans les échanges longues distances. Lié à cela, je retiens l'idée
d'un système international organisé et cohérent qui englobe les échanges commerciaux
mais aussi les autres types de relations (qui ne seront pas analysés dans ce travail).
Dans ce système d'échanges, des spécialisations économiques s'opèrent sur les
produits exportés. Chaque région développe une spécialité dans un ou plusieurs types
de produit donné.
Par atileurs, la division concernant produits utilitaires et produits de luxe est
primordiale pour mon analyse et par conséquent, l'interprétation des échanges. De plus,
en ne les mettant pas en opposition, mais au contraire sur un même plan elle rend
légitime la comparaison entre ces catégories ainsi que la recherche de points communs
et différences.
Cependant, la World-System Theory, présente ses limites. S'il est acceptable de
voir dans l'ancien monde la Mésopotamie, l'Egypte et la vallée de ITndus comme
constituant des «centres» de grande importance, il ne faut pas sous-estimer les dites
«périphéries». Si elles paraissent secondaires, c'est peut-être aussi parce qu'elles ont
été moins étudiées. De plus, les afftimations concernant leur retard technologique ont
aussi été remises en cause par des travaux plus récents (Potts, 2000 : 48).
On remarque aussi que concernant la Mésopotamie et la vallée de l'Indus, des
échanges commerciaux existent entre ces cultures. Ici le modèle centre-périphérie ne
fonctionne pas. On se retrouve plutôt dans un rapport centre à centre.
Enfin, pour ce qui concerne la vision globale des relations dites centre-
périphérie, elle ne me semble pas adaptée à la réalité des données archéologiques
disponibles pour la région.
Une critique intéressante de la World-System Theory est faite en ce sens par
Kohi (1996). Tout d'abord, ce dernier conteste l'idée que le système de l'économie
internationale et l'empire politique soient proportionnés l'un par rapport à l'autre,
l'empire (le centre) rayonnant sur toute la zone du système (les pénphéries) (Kohi,
1996 : 145). De plus, l'idée d'empire est à écarter pour le lllcinc millénaire, car les
données rappellent que la cité reste l'unité définissant l'État (Kohi, 1996 : 146). Sur ce
point, cette affirmation est à nuancer aux vues de l'existence de deux empires au III0"3
millénaire (akkadien, Ur UI) représentant une période de plus de 200 ans. Un autre
32
point de la critique de Kohi, que cette fois-ci je ne retiens pas du tout, est le rejet de la
distinction entre produit utilitaire et produit de luxe (Kohi, 1996 : 147). L'affirmation
que cette classification fausse l'interprétation ne me paraît pas pertinente. En effet, je
pense que cette division entre produit utilitaire et produit de luxe est justifiée. Si
certaines marchandises ont parfois appartenu aux deux catégories, ce ne fut
généralement pas aux mêmes époques ou dans les mêmes proportions. Ainsi le cuivre
au chalcolithique était souvent utilisé pour des parures (Moorey, 1999 : 255-257). Mais
au ni c n i c millénaire bien que cette fonction ne disparaisse pas totalement, il en est fait
un usage technique indéniable pour la production d'outils, d'armes ou d'instruments
(Moorey, 1999 : 258). La catégone des produits de luxe me paraît, elle, plus fermée
encore pour le in cm " millénaire. Que ce soit le lapis-lazuli, For, l'améthyste, pour ne
citer qu'eux, il ne peut être véritablement fait usage de ces matières sur un plan
technique. Aucune arme, outil, ou instrument ne requiert spécifiquement Fusage de ces
matériaux. Par conséquent l'utilisation de ces produits de luxe ne s'explique que sur un
plan symbolique. Ainsi, comme ces deux catégories conespondent à des usages
clairement différents, il m'apparaît légitime de s'interroger sur la manière dont ils sont
commerces. Peut-être des différences significatives sont-elles à relever sur le commerce
de ces deux types de marchandises ?
En revanche, le présupposé théorique de Kohi concernant l'influence du
commerce sur la structure interne de l'économie des États me paraît tout à fait justifie
(Kohi, 1996: 147). Le développement du commerce amène, selon lui, une
spécialisation dans les productions déjà préexistantes. Ceci a un tinpact direct sur la
structure sociale et économique. Mais l'élément principal de la critique de Kohi
concerne les relations entre les différentes régions composant le système. Selon lui, le
principe d'un centre dominant, au niveau économique, les périphéries ne fonctionne pas
(Kohi, 1996 : 148). Centres et périphéries dans son interprétation développent des
relations étroites d'égal à égal. De plus, les périphéries ne restent pas toujours intégrées
à une seule sphère mais peuvent faire partie de plusieurs systèmes régionaux, ce qui
renforce leur autonomie par une diversification des partenaires économiques. Enfin,
Kohi remet en cause le principe d'avantage technologique, défendu par Edens (1992 :
125-132), qui le définit comme un avantage économique aux centres. Il développe,
33

pom'justifier ce point de vue, l'idée de transfert technologique (Kohi, 1996 : 150). Pour
Kohi, les périphéries parviennent rapidement à acquérir les innovations technologiques
utilisées par les centres (métallurgie, domestication), quand elles ne les développent pas
elles mêmes.
Les critiques de Kohi me permettent de développer une perception différente et
plus nuancée que celle que pose la World-System Theory des relations commerciales.
Les éléments structurels posés par Edens et la dynamique proposée par Kohi me
serviront, en les combinant avec d'autres données, à créer un modèle plus adapté.

2.4 Modèle théorique de la présente étude

Mon modèle interprétatif des relations État-commerce en Mésopotamie au iuemc


millénaire comporte deux parties articulées. L'une porte sur les relations entre l'État
mésopotamien et ses partenaires commerciaux plus ou moins éloignés : l'autre
concerne l'implication de l'État dans le processus commercial à l'intérieur même de la
cité. Les deux composantes de ce modèle sont cohérentes et permettent d'établir des
liens entre ces deux phénomènes socio-économiques.

Les critères d'analyse du modèle sont les suivants :

Eléments internes à l'Etat

Contrôle de l'État s u r les moyens de production agricole


Institutions spécialisées capables d'organiser des échanges
Financement par l'État de l'artisanat et des échanges D contrôle
de ces activités
Importations correspondant aux besoins technologiques et
idéologiques de l'État et de Félite dirigeante
34

É l é m e n t s du s y s t è m e régional

Importations répondant aux besoins de l'État


Absence d'hégémonie pohtique ou militaire du centre sur les
périphéries
Spécialisation économique basée sur le principe d'avantage
absolu ou comparatif, recherche de ia plus grande efficacité
Rôle initiateur du centre d a n s les échanges

2.4.1 La cité-État, acteur économique central

Plusieurs modèles interprétatifs existent pour expliquer le fonctionnement


interne de l'État par rapport au commerce (Brumfiel et Earle, 1990 : 1 -3):

1. le commercial development model, qui relie l'essor des échanges et


de la spécialisation au développement économique ;
2. le multifaceted adaptationist model, au contraire, met en relation le
commerce avec l'intervention directe du politique, dont le rôle est de
gérer au mieux l'économie ,
3. le political model qui pose aussi le politique comme intervenant
directement dans l'économie, mais cet interventionnisme est
essentiellement dû à des motivations propres à l'État.
C'est cette dernière construction théorique que je reprends pour l'appliquer au cas
mésopotamien.
La première affirmation est que l'élite bénéficie davantage de l'implication du
pouvoir public dans les échanges que la population de la cité. Cependant, les objectifs
visés par l'État, selon le modèle pohtique doivent être à mon avis reconsidérés. Ce
modèle pose en effet le principe selon lequel l'élite dirigeante utilise les échanges et la
spécialisation économique pour :
a) créer et maintenir une inégalité sociale,
35
b) réviser des coatitions politiques
c) établir de nouvelles institutions de contrôle permettant de faire face à toute
opposition sociale (Brumfiel et Earle, 1990 : 3).
Cette vision très conflictuelle (et très marxiste) des relations sociales me semble
enonee. Selon moi, un système aussi complexe qu un État ne peut fonctionner que par
adhésion de la majorité au système social. Pour durer, une société étatique doit acquénr
une légitimité aux yeux de ia majorité de ses membres, au risque sinon de péricliter. Le
processus d'intériorisation des valeurs et des croyances communes est beaucoup plus
efficace pour imposer des règles et une hiérarchie sociale que Fusage de la force
comme l'exphque Althusser (1976 : 72-73, 81-88). Si la seule méthode répressive ne
peut permettre à un ensemble social de durer, ceci n'exclut pas cependant l'existence
d'organes répressifs (armée, police) comme nous l'avons évoqué précédemment. En
outre, si dans ce modèle politique, les premiers bénéficiaires sont les élites dirigeantes,
le reste de la population doit aussi en tirer un profit (réel ou supposé), mais à un degré
beaucoup moindre.
Le deuxième point du modèle politique concerne le transfert de la production
agricole sous le contrôle des élites pour subvenir à ses besoins et lui permettre de
mettre en place de nouvelles institutions, accroissant ainsi son pouvoir. Ces institutions
sont en charge des principales tâches spécialisées de l'État : collecte des impôts,
organisation militaire, pouvoir judiciaire, application de la loi.
L'autre usage des ressources agricoles est le financement et par conséquent la
prise de contrôle de certaines spécialités artisanales ainsi que des échanges longues
distances. De cette manière, le pouvoir étatique renforce son contrôle du commerce et
en particulier du commerce de produits de luxe, marqueurs de prestige social (Brumfiel
et Earle, 1990 : 3). En plus de ce rôle, j'ajouterais celui d'instrument idéologique et
reUgieux, porteur de sens. Les produits de subsistance et technologiques ne sont, quant
à eux, que des instnunents au service du pouvoir. Or ce sont là, selon moi, les
motivations principales de l'État pour renforcer son contrôle du commerce : garantir et
contrôler les importations nécessaires au bon fonctionnement des institutions à son
service et aussi s'assurer l'approvisionnement en produits de prestige utilisés comme
marqueurs sociaux et politiques et comme objets porteurs de sens idéologiques et
36
religieux. Le commerce, placé sous le contrôle de l'élite dirigeante, sert à assurer les
ressources nécessaires à l'appareil technique et idéologique de l'État.
Plusieurs interprétations ont été proposées sur les moyens utilisés par l'élite
pour s'assurer le contrôle du commerce et des spécialités artisanales. Dans le modèle
que je propose, je reprends l'idée d'un contrôle de l'État sur ies forces de production
agricole dont l'objectif ne serait pas un usage coercitif mais plutôt un moyen de
financer la spécialisation et directement ou indirectement le commerce.

2.4.2 Le réseau régional : spécialisation et complémentarité

La deuxième partie du modèle proposé ici pose l'action de l'État comme se


prolongeant au-delà de ses limites géographiques. U est retenu ainsi que l'État, étant
interventionniste, s'implique directement dans les éch.anges avec les régions voisines de
plusieurs manières.
Tout d'abord, l'État a un contrôle économique sur les produits exportés, étant
propriétaire des moyens de production agricoles et artisanaux. De plus, parmi ses
instruments de pouvoir, l'Etat dispose d'un corps de fonctionnaires aptes à organiser les
échanges (gestionnaires, comptables, envoyés commerciaux, force militaire en charge
de la sécurité des voies de communication). Enfin les importations ne sont utilisées
majoritairement que par les institutions publiques ou l'élite dirigeante. Cette
implication de l'État dans les échanges s'explique par son besoin de renforcer ses
structures, ces besoins structurels ne pouvant être satisfaits que par le recours au
commerce.
L'action commerciale de l'État se met en place dans un vaste système régional,
principe que j'empmnte directement au World System Theory. Il existe des réseaux
ordonnés, organisés, où interagissent différents partenaires économiques. Ces
partenaires ne présentent pas tous la même importance économique, les capacités
commerciales et de production n'étant pas les mêmes. C'est en cela que la définition de
centre et de périphérie s'applique. Cependant, cette distinction ne prévaut que pour
l'économie et n'est pas forcément symétrique à une réalité politique ou un niveau de
connaissance technologique. Je reprends ici un élément de la critique de Kohi (1996).
37
Au sein de ce réseau n'existe pas une hégémonie marquée du centre sur la périphérie.
Ceci s'explique en partie par l'existence de plusieurs réseaux régionaux pouvant
cohabiter les uns à côté des autres. Dès lors, si dans chaque ensemble un centre rayonne
sur les périphéries, les éléments périphériques les plus éloignés peuvent appartenir à
deux systèmes différents, étant à égaie distance, ou iout au moins fortement éloignés,
des centres.
Si Fon rejette le principe de domination politique et économique des centres sur
les périphéries, quelle serait la nature des rapports unissant les différents intervenants
de ces réseaux ? Si le commerce existe, l'existence de ce commerce ne résultant pas de
Faction coercitive d'un pouvoir pohtique, alors la seule motivation restante doit être
économique. J'intègre ici un autre élément de la World-System Theory : la
spécialisation économique. Chaque région se spécialise dans un type de produit ou de
service particulier. Pour justifier cette spécialisation je fais appel aux théories
économiques classiques et aux principes énoncés par Smith (1776) et Ricardo (1817).
La raison de cette spécialisation serait à rechercher dans les concepts d'avantages
absolus et d'avantages comparatifs.
Avoir recours à des éléments des théories de Smith et de Ricardo peut sembler
audacieux ou juste simpliste pour analyser des données archéologiques relevant d'une
période pré-capitaliste. Cependant, ceci peut être justifié. En effet, quel est le point
commun entre une production industrielle du XIXe1™" siècle et une production agraire
antérieure à notre ère ? U s'agit d'une action humaine dont l'un des objectifs est la
recherche de l'efficacité. Pour ce qui concerne les cultures mésopotamiennes, parler de
recherche de profit au sens capitaliste du terme serait infondé. II n'existe pas à cette
période de véritable économie de marché régulée par la loi de l'offre et de la demande
telle que dans nos sociétés modernes. Mais l'idée d'efficacité économique y trouve tout
à fait sa place. La recherche d'efficacité dans leurs actes, leurs instruments ou leurs
outils n'est pas une fin en soi bien sûr, mais un moyen d'atteindre un objectif autre qui
peut être économique mais aussi politique ou idéologique.
Ma démarche à propos de ia pensée de Smith et de Ricardo est d'emprunter un
concept économique et de l'adapter à la réalité du réseau d'échanges longues distances
pré-capitalistes. Ainsi concernant le commerce extérieur, Smith (1995 : 773) affirme
3H

qu'un pays doit se spéciahser dans ia production où il est le plus efficace par rapport à
ses partenaires commerciaux (avantage absolu). Ricardo (1992: 153) affine cette
analyse en affirmant que tout pays doit se spécialiser dans le domaine où son
désavantage est le plus faible. En abandonnant la production de produits où ils sont le
moins efficaces économiquement, chaque pays peut consacrer les moyens de
production libérés à sa spécialisation propre. L'accroissement de la production où il est
le plus efficace lui permettra de dégager un excédent qui sera exporté. En retour, il sera
possible d'importer les produits dont la production aura été abandonnée dans le pays.
Au final la production totale de toutes les marchandises aura augmenté de manière
significative, bien plus que si chacun ne s'était pas spécialisé.
Appliqué au contexte des sociétés anciennes pré-capitalistes, ceci signifie que la
spécialisation économique permet aux différents membres du réseau régional
d'exporter soit la production de marchandises dont ils sont le mieux pourvus, soit la
seule production dont ils disposent. Le but reste d'importer les marchandises dont ils
sont dépourvus ou dont la production leur est ie plus difficile aux vues des moyens dont
ils disposent. Le gain pour chaque société est absolu s'il s'agit d'une production qu'il
lui est unpossible de réaliser sur son territoire (absence de matières premières
nécessaires, manque de main-d'œuvre, potentiel agricole trop faible). Ce gam est relatif
si la société importatrice dispose des moyens de production de la marchandise
importée, mais que celte production n'est pas ou peu efficace (temps investi trop
important, trop grande mobilisation de main-d'œuvre ou de ressources naturelles).
Le centre aurait un rôle initiateur et incitatif sur les périphéries concernant la
spécialisation et les échanges. Les périphéries s'engageraient dans le processus non
sous la contrainte, mais par intérêt, celui de bénéficier de l'importante capacité de
production spécialisée du centre. Chacune n'accroîtrait la production que dans les
domaines répondant aux besoins du centre. En retour, la périphérie y gagne une
diversification des produits disponibles, ainsi que la possibilité de concentrer ses
moyens de production sur les domaines qu'elle juge essentiels (produits exportables,
biens de subsistance, produits technologiques). Si une région ne possède pas les
capacités de répondre aux besoins de ses partenaires et/ou n'a pas d'intérêt à importer
certains produits, cette région reste en dehors du réseau commercial. L'appartenance au
CHAPITRE 3

IMPORTATIONS DU CUIVRE ET DU LAPIS-LAZULI EN

MÉSOPOTAMIE ET EXPORTATIONS EN ÉCHANGE

Passer en revue tous les types de produits utilitaires et de produits de luxe


importés en Mésopotamie au cours du Illcmc millénaire ne serait pas concevable dans
un mémoire de maîtrise. En conséquence, je ne retiens dans mon étude qu'un nombre
limité de produits importés le cuivre et le lapis-lazuli.
Ce choix se veut représentatif des grandes catégories de marchandises acquises
par le monde mésopotamien. 11 apparaît, en effet, selon moi une distinction nette au
seul des produits échangés entre produits utilitaires et de luxe.
Par produits utilitaires j'entends les matières premières et objets manufacturés
ou semi-finis ayant une utihsation quotidienne établie et qui ne portent pas de valeur
symbolique. Cela inclut les produits de base nécessaires à la subsistance (noumture) de
même que les éléments utilisés pour répondre aux besoins de base (vêtements) et
technologiques (outillage).
Le cuivre fait donc partie de cette catégorie de produits pour le m0"10 millénaire
car son utihsation est de plus en plus technologique. Je classe aussi l'armement
conventionnel, qui nécessite du cuivre, comme produit utilitaire car il s'agit d'un
élément nécessaire dans certains contextes politiques et économiques. Il existe certes,
en plus de cet .armement classique, une production que Fon peut qualifier de luxe
réservée à l'élite. Néanmoins, ces amies n'ont souvent qu'un rôle symbolique.
Réalisées dans des matériaux nobles comme For, l'argent ou l'ivoire, elles ne sont pas
utilisables au combat. Je n'intègre donc pas ce type particulier d'objet dans la catégorie
de l'équipement militaire classique des armées.
41

Par opposition : les produits de luxe sont constitués par l'ensemble des matières
premières et objets finis utilisés pour des besoins non essentiels à la vie courante. Ils ne
répondent pas généralement à un besoin biologique et leur utilisation est
fondamentalement d'ordre culturel. Us remplissent un rôle dans les sociétés complexes
sur le plan symbolique en étant porteurs de signification. Cela peut renvoyer à la
hiérarchisation sociale, à une appartenance identitaire, au pouvoir politique, ou encore
au domaine religieux. Dans le contexte mésopotamien du IIICIT1C millénaire avant notre
ère, c'est la fonction dévolue au lapis-lazuli. Il sert à marquer la hiérarchisation et à
afficher un sens politique et religieux.
Cette distinction entre produits utilitaires et produits de luxe semble être simple
à établir, d'autant que l'on peut légitimement supposer qu'il s'agit d'une distinction qui
existait de manière imphcite ou non pour les membres des anciennes sociétés.
Cependant, il faut garder toujours une certaine réserve en admettant que certaines
exceptions peuvent exister. Certains produits ne sont pas toujours aisés à classer, soit
par leur nature, soit par leur usage après transfonnation. De plus, il est établi que le
temps et Fusage peuvent transférer certains produits d'une catégorie à une autre.
Généralement il s'agit d'un produit de luxe qui devient produit utilitaire, ou tout
simplement cesse de remplir les fonctions symboliques d'un produit de luxe. Ainsi, si
au Chalcolithique le cuivre est surtout utilisé dans les parures, et par conséquent fait
partie des produits de luxe, dans les périodes suivantes son rôle deviendra de plus en
plus utilitaire. Par ailleurs, le lapis-lazuli, qui sera aussi l'objet de cette étude, est
assurément la pierre la plus précieuse du Proche-Orient antique alors que dans nos
sociétés actueUes, elle n'a plus qu'un rang secondaire dans les valeurs symboliques du
prestige.
Après avoir présenté les sources de ces importations, il conviendra de
s'intéresser aux exportations mésopotamiennes, nécessaire contrepartie de ces
échanges. Le détail de ce commerce nous amènera à examiner les implications socio-
économiques qui en découlent, et enfin les moyens de transport utilisés pour réaliser
ces échanges.
42

3.1 L'origine du cuivre en Mésopotamie au lll ème millénaire.

Pour ce qui est du produit utilitaire, je m'intéresserai donc au cuivre car ce


métal présente l'avantage d'avoir été commercé durant toute la pénode étudiée. Ce
métal appartient à la catégorie des produits utilitaires pour cette période. Il est bien
représenté dans la culture maténelle et recèle des données techno-économiques qui
nous autorisent à faire des observations sur plusieurs aspects de la société
mésopotamienne.
Le cuivre est Fun des premiers métaux à avoir été travaillés dans l'histoire de
l'humanité (Craddock, 1995 : 93). En Mésopotamie, on retrouve du cuivre natif
sommairement façonné pour la production de quelque rares outils et bijoux dès le IX0"10
mtilénaire avant notre ère (Moorey, 1999 : 255). Cependant, son exploitation véritable
ne s'amorce qu'avec la culture d'Uruk, au IVemc millénaire. L'usage du cuivre, surtout
sous forme d'alliage, demande de surmonter certaines contraintes techniques et
géographiques. En revanche, la maîtrise du cuivre confère un avantage technologique
certain : une plus grande productivité d'outillage et d'armes plus efficaces. Ainsi, au-
delà d'un simple métal, le travail du cuivre pose tout un ensemble de contraintes,
d'avantages et d'implications technologiques, économiques, sociaux et, par voie de
conséquence, politiques. Dans le but de percevoir les principaux paramètres reliés à
l'usage du cuivre dans la société mésopotamienne, il est nécessaire d'essayer de
répondre à quelques questions : d'où est importé le cuivre utilisé en Mésopotamie ? Par
quelle route transite le métal ? De quelle manière et par qui ce produit est-il
commercé ? Quel type d'exportation sert de contrepartie en échange ? Une fois
importé, quel processus économique s'apphque au cuivre ? Qui en fait usage ?
La Mésopotamie du nord (nord de la Syrie) et l'Anatolie s'approvisionnent en
cuivre dans les montagnes du Taurus (Yener, 2001 : 3). Dans le sud mésopotamien, du
Dynastique Archaïque jusqu'à l'Ancien Empire Babylonien, la grande majonté du
cuivre importé est issue de l'Est et du golfe persique (Potts, 1994 : 150 , Muhly, 1995 :
1505). Les différentes sources de cuivre avoisinant la Mésopotamie ne sont pas toutes
exploitées à part égale par les Mésopotamiens. Ainsi, le cuivre iranien n'est que peu
présent dans le sud mésopotamien au HIcmc millénaire (Ports, 1994: 150; Muhly,
43

1995 : 1505). Muhly (1995 : 1506) souligne que l'Iran du nord, se tournant vers l'Asie
centrale, aurait délaissé ses contacts avec la Mésopotamie. Celle-ci est alors contrainte
de se fournir ailleurs. Potts (1994 : 150) affirme quant à lui que ce changement serait
dû à l'effondrement du Proto-Élam ainsi qu'a ia facilité du transport par mer et par
fleuve du cuivre venant de l'Est. Le coût moindre du voyage devient un facteur
économique notable
U résulte ainsi des données archéologiques et épigraphiques que la
Mésopotamie du sud importe son cuivre au III0"10 millénaire avant notre ère de trois
sources distinctes.

3.1.1 Magan

Magan se trouve être la péninsule d'Oman (Muhly, 1973 : 225 ; Potts, 1992-
1993 : 391). Cette région a fait l'objet d'intenses recherches archéologiques qui ont
permis de documenter l'activité reliée au cuivre à travers les différents millénaires.
Magan disposait d'importantes ressources en cuivre. Les recherches ont localisé des
dizaines de mines antiques. Les analyses chimiques ont démontré que le cuivre
retrouvé en Mésopotamie au m0™ millénaire provenait en grande partie de Magan
(Montero Fenollos, 1998 : 46 ; Moorey, 1999 : 243). De plus, les textes mésopotamiens
font très tôt mention du cuivre de Magan (Moorey, 1999 : 245). Magan est présent de
manière importante dans la plupart des textes évoquant le cuivre au III millénaire.
Les textes de Sargon d'Akkad parlent ainsi des navires de Dilmun, Magan et Melukkha
venant s'amarrer au port d'Agade. Un écnt d'Ibbm Sin (2029-2006, Ur III) évoque de
même l'importation de cuivre de Magan. Cette région paraît être si importante dans le
commerce du cuivre que les Mésopotamiens parlent parfois de Magan comme de la
«montagne de cuivre» (Muhly, 1973 : 222-224).
Le cuivre de Magan est exporté en Mésopotamie par bateau. Suivant les
périodes, les contacts sont directs ou indirects. Pour déterminer cet aspect du
commerce, seuls les textes peuvent nous informer. Les textes pré-sargoniques, surtout
ceux du Dynastique Archaïque III, suggèrent essentiellement un contact indirect avec
Magan.
AA

NOTKS ïOK THE KEADES

Figure 2 : Carte indiquant les principales routes commerciales entre la


Mésopotamie et les régions orientales. (Moorey, 1999 : xxi)
45

En effet, il est surtout évoqué que le cuivre est en provenance de Dilmun, point
de passage sur la route du golfe (Montero Fenollos, 1998 : 43). Des contacts directs
avec Magan apparaissent avec l'Empire akkadien. Comme déjà dit plus haut, des
navires sont cités comme provenant directement de Magan. Durant la pénode suivante,
dite « Gudea », Dilmun est de nouveau cité régulièrement dans les textes. On parle du
cuivre de Dilmun .ainsi que des voyages à Dilmun. À l'époque d'Ur III, l'Empire
mésopotamien renoue des liens directs avec la péninsule d'Oman (Muhly, 1973 : 222).
Mais de nouveau, après la disparition de la dynastie d'Ur III, tout contact direct avec
Magan (ainsi qu'avec Melukkha comme nous le venons plus tard) disparaît (Moorey,
1999 : 246). Le lien demeure néanmoins par l'intermédiaire de Dilmun. Ainsi, s'il est
établi qu'un contact régulier pour le commerce du cuivre est maintenu durant tout le
III0"10 millénaire, la manière dont se font ces échanges varie dans le temps (Crawford,
1999 : 87-88). On remarque que dans les produits exportés de Magan, le cuivre
prédomine très largement. U est aussi fait mention d'autres produits comme la diorite,
ou du bois d'œuvre et de l'ivoire (ces deux derniers éléments ne provenant pas de
Magan), mais leur importance est autrement moindre (Potts, 1995 : 1456). U est à noter
que les contacts sont directs entre Magan et la Mésopotamie essentiellement lorsque
s'établissent les premiers empires, Empires d'Akkad et d'Ur III.

L'influence de ces échanges longues distances est majeure sur la société même
de Magan. Les contacts entre Magan et le sud Mésopotamien, mais aussi la vallée de
l'Indus et indirectement d'autres régions comme le nord de l'Afghanistan permettent
l'importation de produits exotiques (Potts, 2000 : 48). Ceux-ci profitent surtout à l'élite
locale mais aussi dans une certaine mesure au reste de la population. A coté de l'ivoire
d'Inde on retrouve aussi trace d'étain importé d'Afghanistan. Ce métal, essentiel à la
production de bronze, est plus présent à Magan qu'en Mésopotamie (Potts, 2000 : 48).
Cette société est ouverte sur de nombreuses régions au moins dès le milieu du III
millénaire, au point d'être qualifiée par Potts de trading culture (2000, 46). Les
échanges en eux-mêmes ont donc eu un impact significatif sur cette région.
46

3.1.2 Dilmun

Sur le plan géographique, Dilmun est le plus proche pourvoyeur de cuivre à


cette époque. U est maintenant établi que Dilmun est Factuelle île de Bahrein el ses
proches alentours (Crawford, 1997 : 141 , Montera Fenollos, 1998 43). Cette région
ne dispose pas de cuivre ni, d'ailleurs, de pratiquement aucune matière première
exportable. Dilmun remplissait en fait un rôle d'entrepôt, d'intermédiaire (Potts, 1995 :
1453). Sa position dans le golfe et ses ressources vivrières, notamment en eau douce,
dans cette région désertique en font un point de passage non négligeable sur la route
commerciale reliant l'Est au sud mésopotamien (Dalonguevtile, 1999 : 30 ; Cleuziou,
1999, 39-40). Comme nous l'avons vu précédemment, son importance change à travers
le 111CKC millénaire. Ainsi son rôle d'intermédiaire entre le sud mésopotamien et les
régions plus à l'Est, se fait surtout sentir au début et à la fin du millénaire.
Auparavant perçu comme dépendant économiquement de la Mésopotamie,
Dilmun était en fait plus indépendant qu'on ne le pensait. Les travaux de Crawford
(1997 : 704-708 , 1999 : 88-89) remettent ainsi en cause l'interprétation de Edens
(1992 : 127-129), selon laquelle Dilmun dépendait de la Mésopotamie du sud pour ses
ressources vivrières. Les importations de céréales n'étaient pas vitales pour Dilmun qui
avait une capacité de subsistance pour sa population.
Cependant il demeure acquis que Dilmun était très fortement hé au commerce et
ouvert sur d'autres régions, parfois très lointaines. Ainsi, il est établi qu'en plus de
contacts avec Magan et la Mésopotamie, Dilmun entretenait des liens étroits avec la
Vallée de l'Indus, deuxième partenaire commercial primordial de la Mésopotamie
(Crawford, 1999 : 86-89). Comme pour Magan, Dilmun joue un rôle dTntennédiaire à
différentes pénodes entre la Mésopotamie et la Vallée de l'Indus. Parmi les traces de
contacts entre Dilmun et la Vallée de l'Indus, on retrouve un système de poids à
Dilmun identique à celui de la Vallée de l'Indus (Postgate, 1994 : 217 , Muhly, 1995 :
1506). Au Ulèmc et II6"10 millénaire, Dilmun a donc su tirer profit des échanges longues
distances. Cette région, point de passage obligé de par ses ressources en eau, a pu
importer matières premières et produits dont elle était dépourvue. On remarque ainsi de
la pierre de construction et du bois d'œuvre exogènes, du lapis-lazuli d'Afghanistan, du
47
cuivre et récipients en albâtre d'Oman (Crawford, 1999 :86-88). En conséquence, ce
bilan vient relativiser l'interprétation de la World-System Theory qui pose les échanges
entre centre et périphérie comme étant défavorables à cette dernière.

-v- »3g HÉtiStej^


BADAKHSHAN
*y

F i g u r e 3 : Situation de Dilmun s u r les routes commerciales à l'âge du


Bronze ancien. (Lombard et al. 1999 : 25).

3.1.3 Melukkha

Partenaire commercial le plus éloigné de la Mésopotamie, Melukkha était


l'autre pourvoyeur principal de cuivre à partir du milieu du IIIeme millénaire. Melukkha
correspond à une région plus qu'à une ville précise. Il s'agit de la Vallée de l'Indus (D.
T. Potts, 1995 : 1456, Monterro Fenollos, 1998 : 49). Parfois, on associe à Melukkha le
port de Lothal (Figure 3) sur la côte du Golfe de Cambay en Inde, mais cela ne doit pas
être pris de manière exclusive (Monterro Fenollos, 1998 : 49).
Comparé aux deux autres partenaires commerciaux de la Mésopotamie,
Melukkha présente des différences importantes. Tout d'abord Melukkha est le nom
48
donné dans les textes mésopotamiens à la civilisation harappéenne. Contrairement à
Magan et Dilmun, il s'agit ici d'un centre culturel majeur. Son tinportance pohtique,
économique et culturelle est comparable à la Mésopotamie. U s'agit d'ailleurs d'une
culture urbaine et étatique. Sur le plan commercial, Melukkha se différencie de Magan
dans le sens où ses exportations sont diversifiées. En plus du cuivre, Melukkha exporte
en Mésopotamie bois d'œuvre, étain, or et pierres semi-précieuses (cornaline, îapis-
lazuh) (Dhavahkar, 1997 : 276).
Les contacts sont souvent indirects, mais parfois aussi directs, entre la
Mésopotamie et Melukkha. Les échanges sans intermédiaire sont cependant plus
restreints dans le temps que pour ceux concernant Magan. Us n'existent qu'à partir de
la deuxième moitié du millénaire, durant l'Empire akkadien. Par la suite, y compris
sous l'Empire d'Ur IU, les contacts ne se feront plus que via Dilmun (Muhly, 1973 :
230 ; Montera Fenollos, 1998 : 49).

3.2 L'origine du lapis-lazuli en Mésopotamie au lll eme millénaire

Le deuxième type de produit commercé au IIIcmc millénaire avant notre ère


constitue, comme expliqué précédemment, les biens de luxe. Parmi les objets de luxe,
j'ai retenu le lapis-lazuli qui m'apparaît représentatif de cette catégorie de produits.
L'avantage de cette marchandise est que sa source est facile à retracer. Les gisements
de cette piene sont, en effet, en nombre très limité à la surface du globe. De plus,
comme la plupart des pierres semi-précieuses, le lapis-lazuli ne peut être l'objet que
d'une consommation de luxe. U ne sert sous toutes ses formes qu'à la décoration, la
parure. Enfin, il se rattache particulièrement au Proche-Orient ancien et son utilisation
s'accroît surtout à partir du III0"10 millénaire avant notre ère.

3.2.1 Une source majeure : l'Afghanistan

Le lapis-lazuli est une piene qui, dans l'ancien monde, présente la


caractéristique de ne provenir que d'un ensemble très limité de carrières. Celles-ci sont,
de plus, regroupées dans tm secteur relativement restreint du globe. Les trois
49

principales sources sont les monts Chaghai au Pakistan (Figure 4), le Pamir au
Tadjikistan et la province de Badakhshan en Afghanistan avec le site de Sar-i Sang
(Figure 3 et 4). Ce dernier gisement semble avoir été la source d'approvisionnement
majeure des anciennes civilisations, comme l'Egypte et la Mésopotamie entre autres
(Casanova, 1999 : 191-192). C'est en effet dans cette province afghane que le lapis-
lazuli semble avoir été travaillé très tôt et à travers une longue période. Dans les
vestiges archéologiques, on retrouve cette pierre à différents stades de fabrication : état
brut, déchets, semi-ouvrés, produits finis (Casanova, 1998: 287). À partir de l'Asie
centrale, se met peu à peu en place un réseau de centres et de relais qui va permettre de
diffuser cette pierre semi-précieuse jusqu'en Egypte.
À coté de l'Asie centrale, certains argumentent qu'une autre source de lapis-
lazuli a pu fournir les cités mésopotamiennes. Cette thèse est ainsi défendue par Brown
(2001). Selon cet auteur, il y aurait une source de lapis-lazuli en Iran. Les nombreux
textes cunéiformes évoquant le lapis-lazuli en provenance d'Iran seraient mal
interprétés (Brown, 2001 : 45). En fait, il ne faudrait pas percevoir cette région comme
un simple heu de transit, mais comme une source à part entière de lapis-lazuli pom la
Mésopotamie. Son argumentation repose sur les textes évoquant l'Iran comme source
même de cette pierre. À cela s'ajoute le résultat de l'analyse d'un échantillon iranien
qui ne correspond pas aux échantillons recueillis en Asie centrale. Enfin, des textes
économiques d'Ebla évoquent pour la fin du jjj cmc millénaire, une pénode où le pnx du
lapis-lazuli est extrêmement bas. Cela est dû alors à une très grande abondance de cette
piene bleue. Pom Brown (2001 : 45), un tel afflux ne peut se réahser que si les mines
d'origine sont relativement proches. Tout en cela indiquerait Ftian comme exportateur
de ce produit.
Je ne me rallie pas à l'interprétation de Brown pour différentes raisons. Tout
d'abord, aucune carrière antique de lapis-lazuli (ou même moderne), n'a été retrouvée à
ce jour en Iran. Il n'est pas fait état non plus d'autres pienes bleues pouvant
s'apparenter au lapis-lazuli. De plus, les résultats des analyses réalisées par Casanova
(Brown, 2001 : 46), ne concernent qu'un seul élément pour l'Iran ce qui est bien peu
pour déterminer une source de ce type de pierre.
50

-ï» Lapis LiUuFi mines

Canut m stxomiuy CRisbirc)


and primary (Rajpip)îO occurences

7ZA Small pebbles of secondary layouts (gravel fans)

Ft£:trv 36. Map shGwhif! .wtyar ««wren ol <nmcban .tnd laws totlh fBfter Tasï 1970*80: Kg. 2;.

F i g u r e 4 : Carte indiquant les principales sources de lapis-lazufi.


(Potts, 1994 : 196).

3.2.2. Trois routes commerciales possibles

Les textes ainsi que les voies d'importation en Mésopotamie des autres produits
commerces nous suggèrent, en partant des carrières, un cheminement vers le sud pour
atteindre la Vallée de l'Indus, région où s'établit la culture harappéenne, qui connaît
son apogée en 2500 av. J.C (Figure 5). On remarque dans ce sens la présence d'une
colonie harappéenne dans la province du Badakhshan. Cette implantation servait à
pourvoir la vallée de l'Indus en lapis-lazuli (Potts, 1992-1993 : 390 ; 1994 : 210). De
Melukkha, la pierre était ensuite expédiée par bateau vers le sud mésopotamien. Cela
est conforté par les textes qui évoquent les navires de Melukkha transportant, entre
autres choses, du lapis-lazuli (Muhly, 1973 : 309). Cette route paraît d'autant plus
plausible qu'elle emprunte la même que celle du cuivre à cette période, comme nous
51
l'avons vu précédemment. En outre, on se rappelle qu'à la période akkadienne, la
vallée de l'Indus et le sud mésopotamien étaient en contact direct et qu'à travers tout le
millénaire les contacts indirects subsisteront via Dilmun
Cependant, si d'autres routes reliant la Mésopotamie à l'Asie centrale étaient
possibles, il ne faut pas écarter ces itinéraires Une route partant du nord du
Badakhshan aurait pu traverser le Turkménistan pour ensuite atteindre le Nord-Est de
l'Iran et finalement la Mésopotamie. Seulement, peu de données concrètes viennent
étayer cette possibilité (Tosi, Piperno, 1973 : 16-17, 23 , Majidzadeh, 1982 : 59-62). Le
troisième chemin, partant toujours du Badakhshan, emprantait la rivière Hilmand
jusqu'à Shahr-i Sokhta, qui serait l'ancienne Aratta selon M. Tosi (cité par Casanova,
1998 : 287). De là, deux routes étaient possibles, l'une terrestre jusque Suse, l'autre
maritime jusque Dilmun et la Mésopotamie du sud (Tosi, Piperno, 1973: 16-17,
Casanova, 1998 : 288).

3.2.3 Une consommation importante

Le commerce de lapis-lazuli au IIIcmc millénaire avant notre ère présente des


particularités notables : la quantité, la qualité, ainsi que la répartition géographique.
Tout d'abord, le IIIcmc millénaire au Proche-Onent révèle une augmentation
importante dans la quantité de lapis-lazuti consommée. Les études statistiques menées
par Casanova prouvent que la quantité d'objets en lapis-lazuli est presque multipliée
par quinze entre le Chalcolithique et le IHcmc millénaire (1998 : 263-264) (Figure 5).
Cette augmentation s'accompagne aussi d'une diversification des styles, qu'il s'agisse
des perles ou des types de panires. Ainsi, on passe de onze types de perles à vingt-deux.
Mais cette évolution dans le temps se place dans un contexte géograpluque
déterminé. En effet, cette bnitale augmentation de la consommation de lapis-lazuli se
situe presque exclusivement en Mésopotamie et en Syrie. Pour le IUU11L millénaire, c'est
plus de 90 % de cette piene, sous toutes ses formes travaillées, que l'on retrouve dans
ces deux régions (Casanova, 1998 : 264). Or, elles correspondent au développement de
l'État comme nouvelle forme sociopolitique. Ces données sont cependant à replacer
52

dans le contexte de leur découverte. La majorité des artefacts de lapis-lazuli sont


retrouvés dans des tombes, le cimetière royal d'Ur ayant laissé une part très importante
de la quantité de lapis-lazuli attribuée au HP"1" millénaire. Les données provenant de
contextes urbains sont beaucoup moins importantes. Cela s'explique par le recyclage à
toutes les époques de cette piene semi-précieuse ainsi que par le pillage qui a très
certainement fait disparaître un nombre considérable d'infonnations.
La consommation de lapis-lazuli est très importante pour le m01110 millénaire
bien que certains auteurs soulignent qu'elle diminue de manière significative sous
l'empire akkadien (Garelli et ai, 1997 : 68). Plutôt que d'y voir une réduction dans le
commerce de ce produit, Casanova (entretien particulier, Paris, 12-2001) rappelle que
la capitale akkadienne n'a pas encore été identifiée fonnellement et qu'aucune tombe
royale de la dynastie d'Akkad n'a encore été retrouvée. Or, le lapis-lazuli se rattache
étroitement au centre du pouvoir, à la cour et à ia personne royale.
53

Le lapis-lazuli aa Proche-Orient ancien


da Néolithique à 1*%» du Bronze (ea nombre d'attestations)

F i g u r e 5 : évolution chronologique de Futifisation du lapis-lazuli.


(Casanova, 1998 : figure 125).

3.3 Exportations mésopotamiennes

Nécessaire contrepartie à ses importations de cuivre et de lapis-lazuli, la


Mésopotamie disposait de différents produits exportables.
Dans ses ressources propres, le sud mésopotamien bénéficiait de sa production
agricole et de sa production artisanale. Le fort potentiel céréalier des tenes iniguées par
le Tigre, l'Euphrate et ses affluents fait parfois affirmer que cette région était le
54
«grenier à blé» du Moyen-Orient. De par ses exportations en orge et autres céréales, la
Mésopotamie nourrissait en grande partie les régions périphériques. Cette affirmation,
sans aller jusqu'à ia démentir, doit fortement être nuancée.
Pour ce qui est des exportations par voie terrestre vers le Nord (Iran, Asie
Centrale, Turquie) comme vers l'Ouest (Syrie), on se rend compte que le coût de
transport à dos d'ânes et les problèmes logistiques rendent les exportations d'orge peu
rentables voire impossibles pour les destinations lointaines. Dans le secteur nous
concernant, la région du golfe persique et au-delà, le transport par bateau rend
l'opération plus réalisable. Néanmoins, les études récentes pour Dilmun (Crawford,
1997 : 703), comme pour Magan (Potts, 1995 : 1454-1456) tendent à relativiser la part
des céréales dans les exportations mésopotamiennes vers le golfe. Auparavant, on
supposait que la Mésopotamie exportait beaucoup d'orge vers l'Est pour différentes
raisons. Tout d'abord, ie fort potentiel agricole mésopotamien amenait logiquement à
percevoir Forge comme source d'exportation. Cela était renforcé par l'interprétation
faite des partenaires «périphériques» qu'étaient Dilmun et Magan. La vision de Edens
(1992 : 129) posait Dilmun comme dépendant des céréales mésopotamiennes pour la
subsistance de sa population. Cette dépendance serait due à une forte croissance de la
population de Dilmun au UIOTC millénaire, population qui aurait été essentiellement
urbaine. Les autres exportations de Mésopotamie citées dans les textes sont selon Edens
(1992 : 127-129) beaucoup moins importantes en quantité et relèveraient plus des
échanges de cadeaux de luxe entre élites. Il s'agit ici de vêtements et autres produits
textiles. Cette interprétation paraissait d'autant plus pertinente qu'à ce jour
pratiquement aucune trace quantitativement importante des exportations
mésopotamiennes n'a été relevée lors de fouilles à Dilmun, Magan ou Melukkha.
La vision de Edens est cependant fortement remise en cause par les travaux de
Crawford (1997) à Dilmun. Ces recherches ont démontré que Dilmun était en grande
partie autosuffisant sur le plan alimentaire. Le potentiel agncole de cette région avait
été largement sous-estimé (Crawford, 1997 : 703-704). Donc, si les céréales faisaient
partie des exportations mésopotamiennes vers Dilmun, elles n'en représentaient pas
l'élément principal. Quels étaient donc ces produits qui manquaient à Dilmun et qui
avaient assez de valeur pour être exportés sur une grande distance ? Une dormée
55
demeure : F absence de trace matérielle dans les fouilles de ces produits
mésopotamiens. U s'agissait donc par conséquent de produits périssables. Le recourt
aux textes est ainsi essentiel. Crawford (1973 : 233-236) dresse dans un article la liste
des produits mésopotamiens exportables ne laissant que peu ou pas de traces
archéologiques. En plus des céréales, on relève le poisson, séché ou fumé, c'était une
ressource abondante en Mésopotamie et souvent ignorée. S'ajoutaient à cela le travail
du cuir, la laine et le textile, en incluant les vêtements. Concernant les échanges avec
Dilmun, les textes nous informent qu'outre les céréales, le sud mésopotamien
exportaient laine, textiles et huile de sésame (Postgate, 1994 : 218 ; Potts, 1995 : 1453-
1454). Ces produits, périssables, avaient une forte valeur ajoutée et étaient relativement
faciles à transporter. De plus, ils ne pouvaient pas ou tout au moins difficilement, être
produits à Dilmun. Le cheptel existait à Dilmun (Crawford, 1997 : 703), mais n'était
pas assez important pom produire une grande quantité de laine. De même pour l'huile,
sa production nécessitait une très grande quantité de sésame. Le lin, pour la production
textile, ne semble pas être cultivé à Dilmun. 11 n'est cité dans aucune recherche
actuelle.
Les exportations mésopotamiennes concernant Magan paraissent avoir été de
même nature. U s'agissait d'orge, mais non en grande quantité, comme supposé
auparavant (Potts, 1993 : 424). À cela, s'ajoutaient de la lame, des vêtements, de l'huile
de sésame et du cuir (Postgate, 1994 : 218 ; Potts, 1995 : 1456). L'importation d'huile
de sésame est cette fois-ci attestée, en plus des textes, par des jarres de stockage
retrouvées à Magan. Ces poteries de style du Dynastique Archaïque III présentaient
des traces d'huile de sésame (Potts, 1993 : 425). Comme Dilmun, Magan paraît n'avoir
eu qu'un faible potentiel pour ces produits, d'où le recours aux importations.
Pour ce qm est de Melukkha, la situation est différente. Les deux principales
raisons sont la distance (Melukkha est le plus éloigné des trois partenaires
commerciaux) et la nature socio-économique de cette région (il s'agit là d'un centre
culturel important, égal à la Mésopotamie). Le type de marchandises exporté vers la
vallée de l'Indus n'est présentement pas directement étudié. Les textes cunéïfonnes, a
priori, ne font pas référence à la contrepartie mésopotamienne servant à payer le cuivre
de Melukkha. Rien n'empêche d'imaginer qu'il s'agissait de produits pénssables
56
comme dans les cas précédents, étant donné qu'ils n'ont pas laissé de traces
archéologiques. Vêtements et huile de sésame semblent exportables à de si grandes
distances du fait de leur forte valeur ajoutée. L'exportation de céréales est par contre
davantage matière à caution. L'orge avait une valeur ajoutée beaucoup plus faible et
son transport était plus difficile. En outre, la vallée de ÎTndus disposait d'un potentiel
agricole autrement plus important que ceux de Magan ou Dilmun et ne semble pas
avoir eu besoin de recourir à ce genre d'importation, même partiellement.
Sur un autre point des relations Mésopotamie-Melukkha, Potts (1995 : 1458)
évoque la possibilité de l'implantation de petits groupes d'harappéens en Mésopotamie,
de même qu'à Dilmun, dans le but de commercer. Cette présence harapéenne laisse
supposer des relations de nature particulière entre Mésopotamie et Melukkha, tout au
moins à la période d'Ur III.

3.4 Similitudes et divergences dans ies processus d'importations du


cuivre et du lapis-lazuli

3.4.1 Similitudes

Tout d'abord, ces deux produits sont l'objet en Mésopotamie, d'un commerce
croissant dès la fin du IVcmc, début IIF™0 millénaire. Le cuivre est de plus en plus utilisé
dès la période de l'Uruk. Pom ce qm' est du lapis-lazuli, l'essor de sa consommation
commence tm peu plus tard, 2700-2500 av. J. C, la plus grande utilisation de cette
pierre eut heu au milieu du III™10 millénaire (Casanova, 1999 : 197). Mais il est
important de souligner qu'il s'agit là de l'essor du commerce de ces marchandises et
non du commencement de ce type d'échanges. En effet, cuivre et lapis-lazuli sont
connus des Mésopotamiens au moins depuis le Chalcolithique ancien (Casanova,
1999 : 196 ; Moorey, 1999 : 255). Le cuivre est même présent occasionnellement sur
des sites mésopotamiens dès le VI0™ millénaire avant notre ère (Moorey, 1999 : 255),
U est alors utilisé pour la production de bijoux mais aussi d'outils. Ce métal peut être
travaillé à froid, quand il s'agit de cuivre natif, mais on le trouve déjà sous forme
d'alliage avec l'arsenic (Muhly, 1997 : 8). Le lapis-lazuli est lui aussi présent sur les
57
sites mésopotamiens au Chalcolithique, mais en des quantités encore moins importantes
que le cuivre, comparé à l'usage qm en est fait au IIIOTC millénaire (Casanova, 1998 :
263). L'établissement de l'État comme nouvelle forme de société semble être la raison
commune à l'augmentation de l'utilisation de ces deux produits et par conséquent de
leur importation. À propos du cuivre, Muhly (1997 : 8) parie littéralement
«d'explosion».
Le deuxième point commun au commerce du cuivre et à celui du lapis-lazuli
concerne la provenance de ces matériaux. Pom le sud mésopotamien, ces deux
marchandises proviennent de l'Est Pour ce qui est du lapis-lazuli, les seules et rares
sources s'imposent d'elles-mêmes. Si les cités-États veulent la piene bleue, il leur faut
se tourner vers l'Est. La situation est quelque peu différente pour le cuivre car plusieurs
régions minières existent. Néanmoins, pom le sud mésopotamien du incmc millénaire,
on remarque que ce métal provient aussi d'orient. Les zones géographiques sont
différentes de celles du lapis-lazuli (Asie Centrale), cependant, la dynamique des
échanges semble indiquer que le sud mésopotamien est, à cette période, résolument
tourné vers l'Est. En effet, le cuivre, contrairement au lapis-l.azuli, est disponible dans
d'autres régions relativement proches des cites-États : nord de l'Iran, Anatolie. Les
liens qui existaient auparavant entre ces régions et le sud mésopotamien (à la période
de F Uruk) semblent maintenant insignifiants pour ce qui concerne les échanges
commerciaux (Huot, 1989 :107). Par contre, concernant le nord mésopotamien, la
dynamique de l'importation du cuivre apparaît avoir été différente. Le cuivre, utilisé en
Syrie du nord, est dans ce cas issu du Taurus (Yener, 2001 : 3). Des réseaux d'échanges
de métaux liaient cette région de l'actuelle Turquie au nord mésopotamien. Quelques
cités-États, situées sur les axes de communication, semblent avoir joué un rôle
important d'intermédiaires. Ainsi, Mari représentait une ville commerciale de premier
ordre dans les échanges de métaux pour cette région (Montero Fenollos, 1997(b) 8-
10). L'Euphrate est ici employé pleinement comme moyen de communication.
Enfin, le troisième élément commim au commerce du cuivre et du lapis-lazuli
concerne la contrepartie mésopotamienne. Dans les deux cas, les cités
mésopotamiennes échangent les mêmes exportations pour obtenir le métal et la pierre
semi-précieuse. Cet aspect est plus difficile à analyser du fait de l'absence quasi totale
58
de traces archéologiques de ces produits en Mésopotamie comme dans les régions
partenaires. Les céréales semblent avoir eu une importance beaucoup moins grande
qu'on ne le pensait auparavant pour Dilmun et Magan (Crawford, 1997 : 703). Dans le
cas de Melukkha, le rôle des céréales mésopotamiennes comme bien d'exportation
paraît encore plus douteux du fait de la distance et de la capacité propre de ia vallée de
l'Indus à l'autosuffisance alimentaire Par contre, textile et huile de sésame demeurent
tout à fait crédibles comme matières exportables (Postgate, 1994 : 218). Us sont à
classer dans les produits à forte valeur ajoutée Percevoir ces marchandises comme des
contreparties payant le produit utilitaire aussi bien que le produit de luxe semble
pertinent. Textile et huile étaient consommés dans ces sociétés ; cependant ces
dernières ne disposaient pas du même potentiel de production que la Mésopotamie
quant à ces marchandises.

3.4.2 Différences

L'importation du cuivre et du lapis-lazuli présente néanmoins certaines


différences dans la manière dont ils sont commerces comme dans leur origine. Ces
dissemblances sont révélatrices de certains paramètres intrinsèques aux produits, mais
aussi, parfois, de particularités propres à la société qui l'acquiert ou le vend.
Le premier point a été évoqué précédemment à plusieurs reprises : il s'agit des
sources d'approvisionnement. Pour ce qui est du cuivre, ce métal très courant est
disponible en de nombreuses régions voisines de la Mésopotamie. On dénombre pas
moins de quatre sources directes possibles : le Zagros (Iran du Nord), l'Anatolie,
Magan et Melukkha (Moorey, 1999 : 245-249). Cela laisse donc mie certaine liberté de
choix dans les ressources. Par conséquent, les cités mésopotamiennes peuvent prendre
en considération différents critères pom établir leurs importations de cuivre. Ces
critères peuvent être économiques, politiques, stratégiques. Logiquement, le sud
mésopotamien choisira un approvisionnement qui lui sera le plus économique et qui ne
sera pas sous un contrôle politique ennemi. À cela, on peut ajouter que l'existence d'un
réseau ayant peu ou pas d'intermédiaires et g-arantissant un flux régulier de
59
marchandises est un facteur non négligeable pom une société ayant des besoins
croissants et continus en matières premières.
II en est tout autrement en ce qui concerne le lapis-lazuli. Les înfonnations
disponibles sont beaucoup plus fragmentaires que pom le cuivre Néanmoins, il est
certain que cette pierre provient d'Asie centrale et, plus précisément, d'un nombre
limité de carrières. Dans l'état actuel des connaissances, tout porte à croire que ia
source majeure était le Badakhshan (Casanova, 1999 : 191-193). On ne peut parler de
monopole d'une aire culturelle sur cette exportation, cependant la Mésopotamie devait
faire face ici à une source restreinte.
La seule variable sur laquelle les cités-États pouvaient jouer était la route
employée pour les importations. Mais même sur ce point, la liberté d'action du sud
mésopotamien est assez limitée. En effet, le contrôle mésopotamien ne s'exerce que sur
une partie de la route commerciale, c'est-à-dire celle se trouvant dans la zone
géographique relativement proche. Les sources de lapis-lazuli sont beaucoup plus
éloignées que pom le cuivre ; à vol d'oiseau, cela représente au moins 2500 km. Un
contrôle de la source à de telles distances serait techniquement très difficile et dans les
faits ne s'est jamais réalisé. En conséquence, comme le sud mésopotamien ne contrôlait
pas la totalité de la route commerciale, il se trouvait plus facilement privé de cette
marchandise si etie était retenue à la source ou bloquée à un endroit de la route
commerciale. La seule possibilité dans le cas d'une route coupée était de recourir à l'un
des deux autres itinéraires restants. C'est ici que Fon voit l'intérêt de la route maritime
du sud. EUe est celle qui était le plus contrôlable par les cités-États, étant donné son
tracé relativement direct avec l'Asie Centrale et son nombre relativement limité
d'intermédiaires
La deuxième différence notable que Fon remarque concernant le commerce de
cuivre et de lapis-lazuli se rapporte à la consommation de ces produits. Cela va plus
loin que la simple opposition « produit utilitaire / produit de luxe ». De fait, la
différence apparaît aussi entre la Mésopotamie et le reste du système régional de
l'époque. Le cuivre, produit utilitaire, était utilisé à travers tout le Proche-Onent à
différents degrés, n servait à la production d'outils et d'armes Son usage était
relativement uniforme. À l'opposé, le lapis-lazuli ne pouvait avoir qu'une utilisation
60
symbolique et ostentatoire. Il s'agissait d'un produit de luxe porteur de sens comme
nous l'avons vu. Il était un instrument renforçant la hiérarchisation sociale et
symbolisant le pouvoir relié aux puissances divines et bénéfiques. On remarque aussi
que ce sont essentiellement les régions de Mésopotamie et de Syrie qui importaient et
utilisaient cette pierre au ITr millénaire (Casanova, 1998 : 263-264), même si
d'autres cultures lui accordaient une importance certaine. On pense ici à F Egypte
notamment (Sureda, 1990 : 255-256).
Les motivations de l'importation de cette pierre bleue sont à chercher
uniquement dans la mythologie et la cosmologie mésopotamiennes. Ce qui est
significatif, ce sont les efforts et l'organisation déployés pour se procurer une telle
marchandise. En effet, d'autres pienes bleues existent aussi dans l'Orient ancien,
comme la turquoise. Mais il était primordial que ce fut spécifiquement cette piene qui
fut utilisée, même si les autres n'ont pas été négligées, comme la cornaline. On voit ici
que l'État mésopotamien accordait une importance primordiale au symbolique. Plus
qu'une simple vanité ou l'expression de luxe gratuit, il s'agit de la matérialisation de
l'importance accordée au religieux, élément directement relié au pouvoir politique.

3.5 Moyens de transport

Le dernier aspect du commerce à aborder concerne la manière même dont les


marchandises étaient convoyées entre les différentes régions partenaires. L'usage des
voies de communication n'est pas le même, au IIIcmc millénaire, suivant les régions. Le
nord mésopotamien a eu beaucoup plus recours aux routes terrestres étant donné qu'il a
étendu ses relations vers le nord-ouest et l'est. Ainsi des échanges terrestres se sont mis
en place entre la Mésopotamie et les régions telles que FElam (Amiet, 1986 : î 71-172).
Le sud mésopotamien, lui comme nous l'avons vu, s'approvisionnait dans la
region du golfe et au-delà. À travers les siècles, la route commerciale Melukkha-
(Dilmun)-Mésopotamie ainsi que Magan-(Dilmun)-Mésopotamie semble avoir toujours
été identique. Le transport se faisait toujours par voie maritime (Muhly, 1973 : 308).
Les échanges entre le sud mésopotamien et l'Est s'effectuaient par bateau pour
le cuivre. Le lapis-lazuli, lui, était importé suivant différentes routes, mais la voie
61
maritime ne semble pas avoir été négligée, d'autant que ce moyen présente certains
avantages.
L'avantage du bateau est qu'il représente un moyen de transport moins coûteux
et plus efficace. Les navires ont en effet une très grande capacité de cargaison comparés
aux transports terrestres à dos d'ânes ou par porteur (Joannès, 2001 562) Les seuls
animaux de bât au lirnL" millénaire étaient l'âne et la mule. Ces animaux ont une
capacité de charge inférieure à 150 kg, nécessitent beaucoup d'eau et parcourent 20 km
par jour pom l'âne et 40 pour la mule (Fortin, 1999 : 159-160). Le chariot, lui, était
connu à cette époque mais était peu employé du fait du peu de routes carrossables
(Astour, 1995 : 1403). Tiré par des bœufs le chariot ne dépassait pas 15 km par jour
(Fortin, 1999 : 160,216).
Les déplacements terrestres en Mésopotamie ne présentent à première vue que
peu de contraintes. En effet, cette région, surtout pour le sud, est dépourvue de reliefs
importants. Néanmoins, les routes entre deux points n'étaient pas forcément en tigne
droite. Sur de grandes distances, des points de repères sont nécessaires et les animaux
servant au transport nécessitaient de nombreux points d'eau peu éloignés les uns des
autres, d'autant plus que le climat est sec voire très aride (Lebeau, 2000 : 158).
Passer par les mers signifie un moins grand nombre d'intermédiaires, des routes
plus directes, ainsi qu'une plus grande sécurité pour le commerce. On comprend tout
l'intérêt de la navigation, d'autant qu'en plus de la mer, les deux fleuves avec leurs
affluents permettent d'atteindre une très large partie du temtoire mésopotamien (Fortin,
1999 : 217). Les bateaux fluviaux avaient une capacité moyenne de six à quinze tonnes
de fret (Bass, 1995:1422), tandis que les navires qui s'engageaient dans le golfe
Persique à la fin du IU™2 millénaire pouvaient atteindre une capacité de 90 tonnes
(Joannès, 2001 : 562).
Les différents types d'embarcations sont peu documentés archéologiquement,
néanmoins, on connaît plusieurs grands types d'architecture navale. Pom la navigation
fluviale, trois catégories se distinguent. Tout d'abord, le radeau constitué de bouées
faites de peaux de chèvre ou de mouton cousues et d'ime structure en bois (Bass, 1995
1421). À travers les époques, les dimensions varient. Les capacités de chargement
pouvaient être particulièrement importantes. L'autre embarcation commune sm les
62
deux fleuves mésopotamiens était le quppu (nom akkadien du quffa arabe). Composé
d'une stnicture en osier, Fétanchéité du bateau était réalisée avec des peaux de bêtes
apposées sm l'extérieur (Bass, 1995 : 1422). Enfin des bateaux entièrement en bois
étaient aussi utilisés malgré la rareté de ce matériau. Les modes de propulsion sur les
fleuves et canaux étaient essentiellement à rames et pai halage. La voue était connue
mais était surtout employée en mer, son usage n'étant pas très propice sur les fleuves et
canaux mésopotamiens (Bass, 1995 : 1422). Les navires maritimes sont moins
documentés que les embarcations fluviales. L'usage de la voile est attesté et ces navires
pouvaient atteindre plus de 50 m de long (Bass, 1995 . 1425).
La constraction de navires à grande capacité demandait un investissement
financier, maténel et technique important. Cela laisse supposer que seul l'État, à cette
époque, a les moyens d'anner des navires de mer (Joannès et al. 2001, 122 : 562).
Concernant les navires, la question se pose de la nationalité de ceux-ci.
S'agissait-iS d'une flotte mésopotamienne ? Ou bien les navires étaient-ils annés par les
partenaires commerciaux ? La possibilité existe aussi que chaque région disposait de
ses embarcations, mais, dans ce cas, est-il possible de détemtiner la proportion revenant
à chacune ? Seules quelques infonriations issues des textes peuvent nous pennettre
d'avancer ime hypothèse sm ce point. Pom ce qui concerne les contacts avec Dilmun,
les navires semblent avoir été des deux nationalités. Les textes parlent de «voyages à
Dilmun» laissant entendre par là qu'ils sont organisés par les Mésopotamiens. Mais les
navires arrivant en Mésopotamie semblent aussi avoir été armés par Dilmun, comme
pourrait le laisser suggérer les textes datant du règne de Sargon d'Akkad (Muhly,
1973 : 221-223). Concernant les navires en provenance de Magan cela est plus difficile
à déterminer. Lorsqu'il s'agit de contacts directs lors des périodes impériales, on peut
cependant légitimement penser que l'initiative du voyage revint aux mésopotamiens
(Potts, 2000 : 46). Cette idée est renforcée par les textes évoquant un autre type de
relation : les campagnes militaires akkadiennes menées contre Magan, là encore pour se
fournir, entre autres, en cuivre (Muhly, 1973 : 224 , Crawford, 1991 : 148). Dans le cas
de Melukkha, il est plus probable qu'il s'agissait de navires provenant de la vallée de
l'Indus qui assuraient la liaison jusqu'à Dilmun et à l'époque akkadienne jusqu'en
Mésopotamie (Potts, 1995 : 1457). Melukkha, centre politique et économique
63
important, disposait en effet de moyens de transport et de structures plus développés
que Magan
CHAPITRE 4

IMPLICATIONS SOCIO-ÉCONOMIQUES DES


ÉCHANGES LONGUES DISTANCES EN MÉSOPOTAMIE

Les échanges longues distances ont entraîné de nombreuses répercussions


économiques et sociales au sein même de la société mésopotamienne (Yoffee, 1995 :
1390). C'est là certainement l'un des points les plus importants à analyser pom
comprendre que le commerce n'est pas tm simple échange de biens matériels, mais un
phénomène socio-économique qui traduit les perceptions et les centres de valeurs d'une
société autant que la structure de son économie interne.

4.1 Importation du cuivre

Le cuivre importé était utilisé de différentes manières. Cependant, quel qu'en


soit Fusage qui en était fait, la première étape était sa transformation en produits finis.
En effet, le cuivre dans sa très grande majorité, était importé sous fonne de lingots
(Potts, 1994: 147 , Moorey, 1999: 242). Par conséquent, mie classe d'artisans
métallurgistes était nécessaire à la production des objets à base de cuivre. Au regard de
la formation technique à acquérir et du travail à fournir pour la cité, ces artisans
devaient travailler à plein temps dans cette activité. En fait, l'existence de la
métallurgie présuppose tout un ensemble économique et technique existant à l'échelle
régionale. Yener (2000 : 2-4) présente les implications de cette technologie. A
l'origine, des connaissances techniques et géologiques sont nécessaires pom extraire le
minerai et le fondre en lingots prés des zones d'extraction. Pour cela il faut aussi tm
important approvisionnement en combustible : bois ou charbon (Yener, 2000 : 2) On
remarque, dans le cas de la métallurgie comme dans d'autres, que les artisans étaient
étroitement dépendants du commerce qui leur fournit la matière première de leur
65
travail. Pour les métallurgistes mésopotamiens, leur existence était directement reliée
aux importations de cuivre et de quelques autres métaux tels l'étain ou l'argent (Van de
Mieroop, 1999 : 185). Si la présence de petits atehers métallurgiques travaillant pour
les simples citadins est attestée, la grande majorité des artisans métallurgistes était
employée dans les complexes des grandes institutions (temple et palais), ou dans des
atehers autonomes mais travaillant pour l'État (Matthews, 1995: 462; Crawford,
1997 : 134 ; Van de Mieroop, 1999 : 179). Sur le plan archéologique l'existence des
ateliers est plus difficile à attester. En effet, peu d'études systématiques ont été réalisées
à l'échelle des cités. De plus, les ateliers sont difficiles à analyser dans le cas des
métaux. Le travail du métal à partir des lingots laisse beaucoup moins de traces qu'à
partir du rainerai même. Les scories, par exemple, sont tm élément significatif que l'on
ne retrouve essentiellement que lors de la fusion du minerai. En outre, le métal étant un
produit rare pom la Mésopotamie, le recyclage était d'autant plus important (Matthews,
3995 : 460). Néanmoins, des installations significatives du travail du métal sont parfois
mises au jour. Ce fut le cas ces dernières aimées à Mari En plus d'une quantité
importante de bronze, on retrouve aussi des structures de fours, de creusets et tuyères,
caractéristiques du travail du métal (Margueron, conférence au Musée de la
Civilisation, Québec, Novembre 2000). Par atileurs, l'existence archéologique des
produits finis et les nombreux textes évoquant indirectement l'usage des différents
métaux, complètent nos connaissances de ces ateliers.
Donc, indirectement, le temple comme le palais se trouvaient liés à Fusage du
cuivre et certainement aussi à son commerce. En effet, temple et palais, en plus de
centres de pouvoir religieux et politique, étaient aussi de véritables complexes
économiques intégrés (Postgate, 1994 :I25). Des tenes leur étaient rattachées, ainsi
qu'un personnel important d'ouvriers, gestionnaires et artisans spécialisés (Robertson,
1995 ; 444) Les quelques indices archéologiques amsi que les textes laissent apparaître
que si ces centres étaient contrôles par l'État, ils n'étaient pas forcément situes
physiquement près du temple ou du palais. Pom des raisons d'efficacité, ou pom éviter
certaines nuisances dues à des structures comme les fours et les fourneaux, les ateliers
pouvaient se trouver à la limite de la ville et parfois à l'extérieur (Matthews, 1995
460-461).
66
Les artisans métallurgistes avaient une place importante, car ces institutions
faisaient grande consommation de produits manufacturés (Van de Mieroop, 1999
181). Les produits manufacturés dans ces complexes artisanaux pouvaient êtte en métal
(cuivre, cuivre arsenical, bronze), ou sans être en métal pouvaient nécessiter des outils
métalliques pour leur réalisation. Même quand les objets pouvaient être réalisés au
moyen d'outils de pierre, l'outillage de métal était préférable, car il amène une
productivité et/'ou une précision accrue. On pense ici au travail de la piene pour la
statuaire ou à la production de bijoux.
En fait l'État de par ses institutions a eu un impact direct sm le développement
du travail des métaux en Mésopotamie. En effet, les élites, politiques, militaires ou
religieuses, de par leurs besoins en métaux, ont entraîné une concentration des
coimaissances métallurgiques dans les ateliers et ont poussé les artisans à une forte
amélioration de la qualité de leur production ainsi qu'à la recherche d'innovations
techniques (Huot, 1989 : 101). C'est ainsi au sem des cités-États mésopotamiennes,
dans une région dépourvue de toutes ressources minières, que les principales
innovations métallurgiques ont été réalisées durant le Uf™ millénaire. Toutes les
techniques du travail des métaux, à l'exception du fer et de l'acier, sont maîtrisées par
les métallurgistes mésopotamiens dès cette époque. Il en a été de même des alliages.
L'accroissement des connaissances répondait aux besoins propres de la cité-État. On
voit par exemple apparaître la technique de la fonte à la cire perdue pour réahser des
figurines délicates ou des bijoux (Huot, 1989 : 108). Il s'est opéré une diversification
dans les alliages tant pom la recherche d'efficacité, que d'esthétique ou de propriété
particulière. Différents alhages produisent une variété de couleurs utilisées pour les
bijoux, ou pemiettent encore un pouvoir réfléchissant pom la réalisation de miroirs
(Huot, 1989 : 108). Tous ces types de produits étaient essentiellement consommés par
les élites. D'autres techniques et d'autres alliages ont été mis au point pour répondre
aux besoms technologiques de FÉtat. Par exemple le moule bivalve et l'alliage du
cuivre et de l'arsenic, puis plus tard de l'étain, pemiettent la production d'amies plus
efficaces. Or, l'accroissement du besoin en armement était aussi un trait caractéristique
de l'apparition des cités-États comme nous le verrons plus loin.
67

Toutes ces innovations métallurgiques servaient donc directement l'État


mésopotamien Cela se perçoit clairement lorsque l'on détaille la production des
artisans mésopotamiens
On peut tout d'abord citer la statuaire de métal. Ceci concerne surtout les statues
de monarques mais aussi les figures religieuses Des pièces en cuivre et en bronze
particulièrement importantes ont été retrouvées en particulier pour les périodes
akkadiennes jusqu'à Ur III (Moorey, 1999: 260-261). Les statues, particulièrement
soignées, ont un très haut niveau de finition. On pense à la tête en bronze d'une statue
de Naram Sim, aux figures en cuivre représentant un chai de guerre ou un dieu posant
un clou de fondation (Sureda, 1990 : 368-374).
Cependant l'emploi des alliages à base de cuivre dans la société
mésopotamienne du IUcmc millénaire concernait surtout un usage utilitaire. Nous
l'avons déjà évoqué à propos des artisans travaillant pour le temple et le palais.
Deux autres aspects socio-économiques sont à ajouter. Tout d'abord, l'activité
agricole qui reste la base de cette société. Les teires se répartissaient entre propriété
«publique», se rattachant au temple et au palais, et propriété privée (Van de Mieroop,
1999 : 145). Le détail sur l'aspect de la gestion des terres demeure un sujet de
discussion. Pour ce qui concerne Fusage des métaux, il est probable que dans les
grandes propriétés publiques, l'outillage était de plus en plus en métal. Il ne faut
néamnoins pas surestimer la capacité des outils métalliques sur les précédents en pierre
et en argile. En effet les outils à lame de silex comme les faucilles en argile sont très
efficaces. L'expérimentation montre même que les lames de silex étaient aussi
efficaces que les lames de cuivre ou de bronze (Chabot, 2001 : 7-8). Néanmoins, le
métal présente l'avantage d'être réutilisable. La lame d'un outil en cuivre arsenical ou
en bronze peut être réaffutée et quand elle se brise, les morceaux sont recyclés et
fondus en de nouveaux outils. Le contrôle était important sur les grands domaines et
des textes établissent que les outils en métal étaient même pesés lors de leur retour
après utilisation par les ouvriers agricoles (Anderson, P. Chabot, J. Pélegrin, J, 2001).
Cela est aussi confirmé par des données archéologiques. Des fouilles ont mis au jour un
regroupement d'outils de métal dans le complexe d'un temple de telî Sifr, période d'Ur
III (Postgate, 1994 : 225-226).
68
Outre son usage pour l'activité agricole, le cuivre, el surtout ses dérivés, était
abondamment utilisé sm le plan militaire. Avec l'État, on voit apparaître la guerre au
sens moderne du tenne. L'année en tant qu'institution s'est développée en même temps
que FÉtat. Elle est un instrument au service du pohtique et au cours du Hf™ millénaire
gagnera une importance primordiale (Forest, 1996 : 221-223). U s'agit désormais de
corps d'années organisés et hiérarchisés. L'annement et l'équipement peu à peu se sont
standardisés et améliorés (Foster, 1993 . 26-28 ; Dalley, 1995 : 414) De ce fait, comme
la stratégie et l'organisation, la supériorité teclmologique est devenue une des
preoccupations de FÉtat mésopotamien. L'armement en bronze est incontestablement
plus efficace au combat que la simple piene taillée. Les alliages de cuivre et d'arsenic
(cuivre arsenical) pms de plus en plus à la fin du Uf™ miUénaire, de cuivre ct d'étain
(bronze) permettaient de fabriquer dagues, haches, pointes de lances et de flèches
(Moorey, 1999 : 262 ; Dalley, 1995 : 413-414 , Kuliri, 1995 : 36-39). Conséquemment,
l'importation du cuivre ainsi que de l'étain ne pouvait pas ne pas être une des
préoccupations de FÉtat mésopotamien qui se devait de détenir un armement efficace.
Ici, on peut même penser que les conflits entre cités ont été en s'accroissant du fait
même de la recherche de ressources en cuivre, nécessaire à l'armement. En effet, les
cités-États pom s'assurer leur approvisionnement en métaux ont cherché à contrôler
routes et réseaux d'échanges au détriment de leurs voisins et conemrenls. On peut donc
voir dans ce besoin croissant de cuivre, ainsi que d'autres produits, un facteur
aggravant les conflits entre ces États émergeants (Dalley, 1995 : 413). Dans la
perspective du World-System Theory de Wallerstein, ceci est l'illustration de la
compétition se développant au sein même des États formant le centre
(1976 : 231). Des indices en ce sens sont relevés pom le nord mésopotamien par Forest
(1996 : 203-204). Dans cet exemple particulier, on voit l'apparition de forteresses
contrôlées par les cités de la Diyala à des canefours stratégiques sur la route du cuivre
iranien. On peut néanmoins considérer ceci comme une illustration de ce phénomène
conflictuel.
69

4.2 Importation du lapis-lazuli

Dans le cas du lapis-lazuli, on remarque qu'il était beaucoup moins présent que
le cuivre dans Féconomie domestique de la cité-État mésopotamienne. Cela s'explique
par Fusage qui eu était fait el par les utilisateurs de ce produit. Le lapis-lazuli avait un
rôle idéologique et religieux. De fait, on ne le retrouve que dans ces contextes
particuliers. Il ne s'agit pas d'une marchandise ordinaire. Celle pierre n'était utilisée
que pour la production de bijoux, de sceaux cylindriques ou d'objets de prestige,
comme par exemple le célèbre étendard d'Ur. La très grande majorité des bijoux taillés
dans cette piene consiste en différentes fomies de perles. Seule une partie très
restreinte de la société avait accès au lapis-lazuli. Il s'agissait des membres les plus
éminents de l'élite politique et religieuse. Résumé de manière schématique, seul le
dirigeant de la cité et son entourage direct utilisaient cette piene. Au sein même de ce
groupe, il existait une très forte disproportion. On remarque dans le cas du cimetière
royal d'Ur, que les deux personnages les plus importants concentrent dans leur
sépulture 75 % du lapis-lazuli retrouvé pour cet ensemble archéologique. Le 25 %
restant se répartit entre les tombes des dignitaires de haut rang, soit 73 corps
(Casanova, 1998: 264-265). Aux informations issues de l'élude des contextes
funéraires, on peut ajouter quelques données archéologiques, cette fois bien ancrées
dans le quotidien de la cité. Il s'agit de morceaux bmts de lapis-lazuli retrouvés en
Syrie à Djebel Aruda et Ebla (Fortin, 1999 : 211). La quantité retrouvée à Ebla est
particulièrement impressionnante puisqu'elle dépasse les 23 kg. Un facteur tout aussi
important que la quantité est le heu où ils furent retrouvés. Ils se trouvaient en effet à
l'intérieur même du palais (Potts, 1994 : 199). Des découvertes identiques mais moins
spectaculaires furent faites en Mésopotamie du sud, à Ur et Larsa entre autres
(Casanova, 1999 : 199). Ces blocs non travaillés de lapis-lazuli sont la preuve que la
piene était transformée, soit en bijoux ou en sceaux, une fois anivée à destination. Des
artisans lapidaires avaient la tâche de fournir ie palais et le temple. L'État emploie donc
encore ici une main-d'œuvre spécialisée qui ne travaille exclusivement que pom lui.
Les grandes institutions étaient en effet les seules à consommer ces biens de luxe. Si la
majorité de ces ouvriers spécialisés oeuvrait dans les ateliers rattachés au temple et au
70
palais, une partie de la production provenait aussi de l'extérieur de ces grands
complexes. Mais là encore, cette production indépendante était acquise par l'élite et
devait répondre au standard imposé (Casanova, 1998 : 262). Les artisans lapidaires
travaillaient en plus du lapis-lazuli, la cornaline ou le cristal de roche. L'élite gardait le
monopole d'utilisation de toutes ces matières. L'acquisition, la gestion, la
transformation et Futih^lion des pienes semi-précieuses étaient une affaire politique
«étroitement et directement contrôlée pat les princes» (Casanova, 1998:260). Ces
pienes, surtout le lapis-lazuli, portaient en effet mie très forte signification idéologique
et religieuse. Tout d'abord, la mythologie mésopotaniiemie fait une pari importante aux
différents types de pienes (Bottera Kramer, 1989 . 355-364). Les pienes, suivant leur
nature, dégageaient des connotations symboliques. Certaines renvoyaient au «pays de
la montagne», lieu de désordre et de danger, alors que d'autres référaient au pays
civilisé, œuvre de dieux bénéfiques où la nature esl organisée, permettant à
l'agriculture et à l'artisanat de s'y épanouir. Or, cet artisanat comprenait notamment le
travail des pierres et des métaux précieux (Casanova, 1998 274) On remarque de plus
sa présence dans la liste le commerce. Dans la mythologie, les pienes précieuses
avaient aussi une place particuh'ère, symbole de luxe el de supériorité culturelle. Mais
surtout, elles étaient la preuve de la bénédiction des dieux envers les cités-États
opposées aux «peuples des Montagnes». De ce fait les pienes semi-précieuses, étant
reliées au monde du divin, avaient aussi un pouvoir magique. Chaque type de piene
avait un rôle détenniné notamment sm le plan curatif ou pour protéger celui qui le
portait de la sorcellerie et du mauvais sort (André-Salvini, 1999 : 377).
Le lapis-lazuli et la cornaline étaient les pienes les plus précieuses aux yeux des
Mésopotamiens. Le lapis-lazuli était même perçu comme «l'image de la perfection»
(André-Salvmi, 1999 : 376). Il est dans la mythologie l'attribut de plusieurs dieux
majeurs comme Enlil et Inamia/Ishtar (Bottera, Kramer, 1989: 277, 281, 321-322).
Enlil est présenté comme ayant une barbe de lapis-lazuli. Inanna, déesse sumérienne,
dont l'équivalent akkadien est Ishtar, porte de nombreuses parares serties de lapib-
lazuli qui sont autant d'instruments magiques la protégeant. Dans le mythe de la
descente d'Inanna/Ishtar aux enfers, la déesse est dépourvue de ses talismans et se
7!

retrouve sans protection magique contre Ereshkigal, déesse des Enfers (Botléro,
Kramer, 1989 : 282, 322 ; André-Salvini, 1999 : 378)
Au sein de ces États, ce sont les dirigeants qui étaient en étroite relation avec le
sacré. Ceci explique pourquoi le lapis-lazuli, ayant une connotation mythologique, était
l'apanage de l'élite, intermédiaire entre le monde lenestre et spirituel. Ce joyau était
associé à un monde d'ordre et de bonne gestion, il devenait donc ainsi le symbole du
gouvernement, du pouvoir public.

4.3 Exportations

Nous avons évoqué les répercussions directes et indirectes des importations de


cuivre et de lapis-lazuli sur la société mésopotamienne. Il convient maintenant de faire
de même pom les exportations mésopotamiennes. Elles ont aussi une incidence notable
sur la cite et sm FÉtat. Malheureusement, nous avons dû constater que Sa majorité des
exportations mésopotamiennes ne laissait que très peu de traces archéologiques une fois
arrivée à destination. Il en est de même sur leur heu de production. Les produits cités
par Crawford (1973 : 233-236) comme biens d'exportations ne sont que peu connus
dans leur production. Très peu d'études se sont portées sur le cuir ou l'huile de sésame.
Le textile a, en revanche, fait l'objet d'une attention particulière. Ce produit
manufacturé n'était pas uniquement destiné à l'exportation.

La production textile connaît mie évolution particulière qui est à mettre en


relation avec l'apparition de FÉtat. Certes, cette activité artisanale existait déjà bien
avant la fin du IVcmc millénaire. On retrouve en effet des traces de production textile
dès le Néolithique (Barber, 1997 : !91). Mais avec l'État comme nouvelle structure
socio-économique, la production textile change dans sa nature même. Certes il persiste
une activité textile domestique, mais à coté de cela, l'essentiel de la production se
réalise dans les grands complexes économiques que sont le temple et le palais
(McCorriston, 1997 : 517). En effet, comme nous l'avons vu, ces deux institutions, en
plus de détenir de vastes propriétés foncières, contrôlent d'importants centres
d'artisanat. Comme pom' le travail du métal, il existait des complexes de tissages
intégrés. Les quelques éléments archéologiques caractérisant une activité de production
textile (fuseaux, fusaïoles, pesons de tissage) sont en effet retrouvés en relation avec les
72
complexes des temples ou des palais (Crawford, 1973 : 236 ; 1997 : 125). Comme le
reste de l'outillage nécessaire à la production textile était en bois, tels les métiers à
tisser, aucune trace n'en subsiste. Les textes sont néanmoins sources d'infonnalions
pertinentes sur le processus de production. La production textile ne demandait pas un
niveau de connaissance technologique aussi élevé que la métallurgie Cependant elle
nécessitait un important investissement en tennes de temps et de main-d'œuvre. Des
textes administratifs issus de la fin du IIfme millénaire et provenant de la région d'Ur,
nous informent sur le temps nécessaire au tissage. D fallait une journée entière de
travail à trois ouvrières pom prodmre 25 à 33 cm de tissu de 3cmc ou 4cmc qualité. Au
tissage, s'ajoutaient aussi les étapes de lavage (Van de Mieroop, 1999 : 185). Même si
nous ne disposons pas de données sur les autres activités artisanales, il peut être avancé
que la production textile était l'activité économique qui exigeait le plus de travailleurs
après la production agricole. En effet, à l'époque d'Ur III les archives de Lagash nous
informent que cette ville emploie dans le textile 6000 travailleurs (Postgate, 1994 :
235). Pour la même période, ce n'est pas moins de 13200 ouvriers qui sont recensés
pom la viUe d'Ur (Van de Mieroop, 1999 : 186). Sur la composition de ces travailleurs,
une remarque importante est à souligner. Il s'agit essentiellement d'ouvrières et dans
une certaine mesme d'enfants employés à plein temps (Me Coiriston, 1997 : 527).
La production textile des grandes institutions se répartissait en deux types de
produits : d'une part, la laine, issue du cheptel de moutons et à laquelle on peut aussi
ajouter le poil de chèvre, et d'autre part le lin. Le processus de tissage étant le même
pour ces deux types de fibres, il n'est pas possible de déterminer la nature du tissage
réalisé en se basant simplement sur les artefacts retrouvés (Me Coniston, 1997 : 522).
Le lin était tm tissu de luxe consommé par les élites de la cité ou exporté comme
produit à forte valeur ajoutée. U servait d'ailleurs aussi de cadeaux dans les échanges
diplomatiques. La culture du lin nécessitait des surfaces agricoles de bonne qualité ainsi
qu'une irrigation importante. De plus, son traitement demandait un travail long et
minutieux (Me Coniston, 1997 : 518, 522). Le rapport investissement/produit fini
n'était pas très avantageux. Cela vient renforcer l'idée qu'à cette époque, seule l'élite
utilisait ce produit, soit pour sa consommation personnelle de prestige, soit pour
l'exportation. On comprend par conséquent que comparé à la laine, le lin est un textile
73
qui ne fait pas l'objet d'une production intensive, certainement en raison des fortes
implications agricoles qu'il nécessite. À titre d'exemple, pom l'époque d'Ur 111, la
quantité de lin produite en Mésopotamie représentait moins de 10 % de celle de lame
(Joannès et a i , 2001 : 473)
L'usage de la lame ne représente pas la même dynamique socio-économique. Le
premier fait notable souligné par Me Corriston (1997 : 520), est que l'utilisation de la
lame n'est cornante qu'au début du Hf™1" millénaire, c'est-a-dire avec le développement
de FÉtat. Les textes évoquent clairement Fusage de la laine, tandis que les données
archéologiques démontrent que chèvres el moutons entraient peu dans F alimentation de
la population bien que l'élevage de ces ovins se soit intensifié à cette époque (Me
Corriston, 1997 : 521). En plus d'un accroissement du cheptel, on observe aussi à cette
même époque une diversification des races. L'objectif semble d'avoir été la sélection
des moutons fournissant plus de laine. Si l'usage de cette matière première est
relativement bien établi par les textes, son origine porte davantage à controverse. Le
fait est que peu de données sont disponibles à propos des vastes troupeaux nécessaires
pour fournir l'importante quantité de laine utilisée par les manufactures urbaines. À
titre d'exemple, Postgate (1994 : 235) cite un relevé comptable enregistrant 600 tomies
de laine pom la capitale à l'époque d'Ur UL Ce chiffre est d'autant plus impressionnant
que chaque animal ne produit à cette époque qu'une quantité limitée de laine. Les
textes mentionnent au maximum 1,2 kg par mouton (Joannès et a i , 2001 : 457). Me
Corriston évoque deux sources possibles pour les troupeaux, qui seraient d'ailleurs
complémentaires. D'une part, les cités se fournissaient auprès de pasteurs-nomades
élevant dans la steppe d'importants troupeaux destinés au marché urbain. D'autre part,
les institutions publiques, temple et palais, confiaient à l'année des troupeaux leur
appartenant à des bergers des villages alentour (Me Corriston, 1997 : 526). Si des textes
soutenant cette interprétation ont été retrouvés (Van de Mieroop, 1999 : 185), les
données sont encore peu nombreuses et peu établies. Néanmoins, les récents travaux
publiés par Fortin (2001b) fournissant un exemple de modèle illustrant ce rapport entre
cités et pasleurs nomades à propos de la production lainière. Selon Fortin, dans le nord
mésopotamien, des cités ont installé au UI™'0 millénaire des établissements le iong de
l'Euphrate et de ses affluents pom subvenir à leurs besoins agricoles croissant. Des
n A

élites mandatées par ces villes géraient ces postes de production céréalières (Fortin,
2001b : 36-37). Or, ces postes agricoles étaient des zones de contact pacifique entre
nomades et sédentaires. Les indices archéologiques retrouvés à Tell Atij, situé dans la
moyenne vahee du Khabour, laissent penser qu'un système mutualiste a pu se mettre en
place enlie ces deux catégories de population (Fortin, 200ib: 37-46). Les pasteuis
nomades d'alors fournissaient, selon Fortin, le cheptel nécessaire aux villes pour leurs
besoins notamment textiles. Les animaux étaient nomris el échangés dans ces zones de
contact que représentaient les postes agricoles établis le long du Khabour par les cités
avoisinantes (Fortin, 2001b : 42-48).
Deux théories tendent à expliquer l'expansion de l'artisanat textile à partir de la
tin du IV0™, début du III0™ millénaire. Selon certains, ce que Me Coniston appelle la
«Révolution textile» («Fiber Revolution)*) serait due à une intensification de l'activité
agricole, suite à une augmentation de la pression démographique ou à im changement
climatique (Me Corriston, 1997 : 533). L'autre vision de la «Révolution Textile»
Fexptiquerait comme répondant au besoin de dégager des surplus nécessaires à des
réseaux d'échanges. Cette seconde interprétation cadrerait parfaitement avec la
perception que Fon peut avoir à propos des rapports entre État et commerce. Peu de
domiées totalement établies permettent d'affirmer de manière certaine que la
«Révolution Textile» est à relier avec l'apparition de l'Etat et l'essor du commerce qui
l'accompagne. Cependant, on ne peut s'empêcher d'observer la simultanéité de ces
phénomènes. En outre, le textile représente la seule exportation à forte valeur ajoutée
que la Mésopotamie puisse produire de manière totalement indépendante. En effet, elle
dispose directement de tous les éléments nécessaires à la production . matières
premières, main-d'œuvre abondante et spécialisée, capacité d'organisation à grande
échelle.

4.4 Traits communs à l'importation du cuivre et du lapis-lazuli

Les processus économiques et sociaux concernant l'utilisation de ces deux


marchandises présentent plusieurs points communs. Tout d'abord, on remarque que ces
produits sont majoritairement à rattacher à l'État. Cuivre et lapis-lazuli étaient en effet
75
transformés par des artisans métallurgistes ou lapidaires qui travaillaient directement ou
indirectement pom les institutions publiques On peut affirmer que les artisans
lapidaires étaient employés uniquement par le palais ou le temple, soit directement dans
les complexes artisanaux, soit dans des ateliers autonomes mais n'ayant que l'élite
dirigeante pour clientèle (Casanova, 1998 : 262-263). Pour les métallurgistes, s'il
existait une petite activité privée au service des habitants de la ville, tous les indices
nous amènent à conclure cependant que la majeure partie de ia production était issue
des complexes artisanaux des grandes institutions (Montera Fenollos, 1997b. 12,
Joannès et a i , 2001 : 532). Il s'agissait de fabriquer les outils nécessaires aux autres
artisans des complexes, ainsi qu'à l'agriculture des grands domaines, mais aussi de
subvenir aux besoins croissants d'une armée dont le rôle sera de plus en plus
primordial.
Le deuxième élément remarquable à l'intérieur de la cité concernant le
commerce est la production des exportations. Les marchandises servant de contrepartie
aux importations de cuivre et de lapis-lazuli étaient les mêmes dans les deux cas. Il
s'agit pom la majeure partie de textiles et de produits agricoles (huile de sésame,
céréales) (Crawford, 1973 : 236-238 , 1991 :125). Ch\ ces deux types d'exportations
présentent elles-mêmes un point commun. Il s'agit dans les deux cas de productions
issues des grands centres artisanaux et des domaines agricoles publics. Seul FÉtat, par
ses institutions publiques que sont le palais et le temple, avait les capacités de produire
de tels produits en quantité importante et de manière régulière. En effet, ces activités
économiques nécessitaient une nombreuse main-d'œuvre, d'importants moyens
matériels de production, ainsi qu'une capacité d'organisation et les possibilités de
verser la rétribution des IravaiUeurs dès le commencement du travail. Les moyens
matériels de production devaient être aussi fournis dès le dépari : il s'agissait, pour
l'agriculture, de la tene et du surplus agricole qui servaient à accroître la production ,
pour la production textile, il s'agissait de la laine et dans mie moindre mesme du lin,
matières premières utilisées en très grande quantité.
76
4.5 Différences dans l'importation du cuivre et du lapis-iazuli

S'il s'avère que le processus économique de ces produits présente d'importants


points communs, certaines différences significatives apparaissent cependant, quant aux
relations entre État et commerce.
La différence notable existant entre cuivre et lapis-lazuli concerne l'utilisation
finale qui était faite de ces produits. Il ne s'agissait pas uniquement de la manière dont
ils étaient employés mais aussi par qui ils étaient consommés. Ainsi, ie cuivre était d'un
usage relativement cornant dans la société mésopotamienne du IIIcmc millénaire avant
notre ère (Huot, 1989 : 106). ti était employé sous forme d'alliages (cuivre arsenical,
bronze) surtout par les artisans, mais aussi par les ouvriers agricoles dont les outils
étaient fournis et contrôlés par les fonctionnaires (cuivre arsenical) (Anderson, Chabot
et Péîegrin, 2001) ainsi que par les militaires (bronze) (Moorey, 1999 : 258-259). Le
cuivre ne semble pas avoir eu de statut symbolique particulier en dehors de son
application technologique. U représentait un matériau primordial pom ce qui est de ses
utilisations et des conséquences stratégiques qu'elles entraînaient (économiques et
militaires).
À Fopposé, le lapis-lazuli se démarque en tout point du cuivre. L usage de cette
piene semi-précieuse, produit de luxe, était en effet l'exclusivité d'une minorité
restreinte de la société. Seule l'élite, et au sein de l'élite surtout les dirigeants, utilisait
le lapis-iazuli. Cette pierre représentait davantage qu'une matière première utilisée pom
la production de bijoux. Elle ne renvoyait pas uniquement à la notion de richesse
matérieUe et de pouvoir économique. Le lapis-lazuli symbolisait aussi quelque chose en
soi, contrairement au cuivre, qui n'avait d'intérêt que par ses usages. La piene bleue,
elle, n'avait pas d'application concrète particulière : en dehors des bijoux, elle servait
pour la création des sceaux cylindriques mais bien d'autres matériaux étaient aussi
utilisables. Sa spécificité était ailleurs, elle était porteuse de sens. Elle renvoyait à la
relation avec le surnaturel, avec le monde des dieux. Par conséquent, seul le dirigeant
était digne de la porter, ainsi que son entourage proche, car il était l'intermédiaire
choisi entre le monde profane et le domaine sacré. En somme, le lapis-lazuli était
l'exclusivité de F élite dirigeante non à cause de sa richesse matérielle, que tout
individu pouvait théonquemenl acquérir, mais à cause du pouvoir spirituel el politique
qu'il représentait.
La deuxième différence concerne les activités artisanales. On remarque que,
pour certaines, leur apparition est directement reliée au commerce. Par contre, d'autres,
qui existaient auparavant, n'ont été influencées que dans leius structures par les
échanges. Si l'activité mélatiurgique interne aux cités mésopotamiennes ainsi que la
production lapidaire étaient étroitement hées au commerce (nécessité d'tinportalions de
lingots de cuivre et de blocs de pienes semi-précieuses), il n'en était pas de même à
l'origine pom les produits exportés. En fait, le commerce n'a pas influencé la nature de
l'artisanat mésopotamien mais plutôt sa structure et sa taille. En effet, le travail du cuir,
la production d'huile, la production textile ou les activités de pêche existaient déjà
avant le développement du commerce. Cependant, la nécessité d'exportations devait
entraîner une amplification de ces productions due au besoin de dégager tm surplus
commercial, en plus de la part déjà destinée aux élites locales ou membres de la société
non directement productifs (gestionnaires, administrateurs, scribes). La Mésopotamie
du HI™ millénaire sc spécialisa dans le potentiel économique quelle possédait à
l'origine et ne chercha pas à développer de nouvelles activités.
CHAPITRE 5
DES ÉCHANGES ÉTATIQUES

Le modèle que j'ai décrit dans les pages précédentes présente l'État comme
interventionniste dans l'économie mésopotamienne du IU^16 millénaire. En fait, les
institutions étatiques, bien que ne créant pas le commerce, qui existait déjà, sont à
l'origine de l'essor des échanges commerciaux.
En suivant cette approche, il convient d'expliquer l'importance de l'État en tant
qu'acteur économique au sein de la cité mésopotamienne. Les importations sont liées
au fonctionnement économique mais aussi idéologique de l'État. Certaines catégories
d'importations doivent en effet permettre ou améliorer le fonctionnement des structures
économiques et administratives de FÉtat. Par ailleurs, d'autres importations répondent
à des besoins idéologiques, politiques ou religieux. Enfin, il est nécessaire d'exposer le
rôle essentiel que les institutions publiques jouent dans la production des exportations.
Dans un deuxième temps, la présentation du rôle commercial de FÉtat sera
complétée en l'élargissant à l'échelle régionale. Là, on s'aperçoit que les différents
partenaires commerciaux ne sont pas tant hés par des rapports d'hégémonie que par un
intérêt mutuel. Ceci les amène à effectuer une certaine spécialisation économique.
L'État a là encore un rôle primordial dans le sens où, étant à l'origine du
développement du commerce, il interagit directement avec les partenaires commerciaux
des régions avoisinantes.
Finalement, il nous faut aussi sortir du modèle interprétatif pom en considérer
les limites ainsi que les facteurs qui n'y sont pas intégrés.

5.1 L'État, principal instigateur des échanges commerciaux

Le modèle en deux composantes précédemment présenté doit donc être mis en


application dans le contexte mésopotamien du meme millénaire avant notre ère.
79
Tout d'abord, qui organise et contrôle le commerce du cuivre ? A priori, il
semble logique de se tourner vers ceux détenant le pouvoir économique et politique. En
effet, le commerce du cuivre était source de pouvoir économique et technologique,
mais nécessitait aussi à la base une capacité d'organisation et des ressources humaines
et matérielles. L'élite avait donc intérêt pour conserver ou renforcer son pouvoir, à
contrôler ce commerce, mais elle était aussi la seule à cette époque à pouvoir organiser
et administrer des échanges sur une si longue distance et de manière durable.

5.1.1 L'État, principal acteur économique de la société


mésopotamienne

La première partie de l'ensemble théorique concerne d'abord le fonctionnement


économique interne de la cité. L'un des présupposés est que l'État représente un acteur
économique primordial. Dans le cas de la Mésopotamie du III61"6 millénaire, on peut
affirmer à la lumière des données archéologiques et épigraphiques présentées
précédemment que l'État était Facteur économique majeur de la cité. Le secteur privé
existait mais ne concernait qu'une portion restreinte de l'économie et de ce fait n'a
laissé que peu d'indices sm le plan archéologique. En fait, la très grande majorité de la
population active de la ville travaiUait de manière directe ou indirecte pour le temple ou
le palais, c'est-à-dire FÉtat (Crawford, 1991 :150; Neumann, 1997: 45). Dans le
domaine agricole, c'était les ouvriers et gestionnaires en charge de la production des
grandes propriétés publiques. Dans les complexes artisanaux des institutions pubhques,
ou des atehers indépendants ayant comme seuls clients l'élite dirigeante, il s'agissait
des artisans de toutes spécialités (charpenterie, métallurgie, joailliers, tisserands)
(Matthews, 1995 : 458-459, 463-464). Au sein du palais et du temple même, on
retrouvait des fonctionnaires, scribes comptables et gestionnaires (Margueron et
Pfirsch, 1996: 173-174). Enfin, l'armée n'est pas à oubher, instrument exclusif de
FÉtat (DaUey, 1995 : 414, 420). Le présupposé du modèle théorique se vérifie.
Cette omniprésence de l'État dans l'économie se traduisait donc d'abord par
son contrôle direct sm les moyens de production agricole. C'est ici le deuxième
présupposé du modèle. U se vérifie en grande partie dans le sens où de nombreuses
80
terces agricoles appartenaient au domaine public, à savoir, les grandes propriétés
foncières du temple et du palais (Yoffee, 1995 b : 1394 ; Margueron et Pfirsch, 1996 :
168-169). Cependant, le modèle ici n'intègre pas la possibilité de la propriété privée.
Comme déjà mentionné, si elle ne représentait pas une part significative de la totalité
des tenes cultivées, elle existe néanmoins. Les textes épigraphiques nous le confirment
(Margueron et Pfirsch, 1996 : 168-169).
Suite à ces présupposés, il s'impose de vérifier les motivations de l'État à sa
forte implication dans le commerce. Il s'agit ici de l'intérêt de tout le système étatique,
mais cet engagement dans le commerce bénéficiait plus particulièrement à l'élite
dirigeante. Ayant rejeté l'idée du commerce servant à forger des instruments répressifs
contre la population, je vois plutôt le commerce comme un moyen de fournir les
ressources nécessaires au fonctionnement de l'appareil étatique ou à son amélioration.
Sm ce point, l'observation des données semble confirmer cette interprétation. Les
produits importés, dans notre cas le cuivre et le lapis-lazuli, étaient presque
exclusivement consommés par l'État. Il s'agissait ainsi du métal utilisé par les
employés des grandes institutions (outils agricoles et artisanaux), ainsi que par les
militaires. Pom ce qui est des produits de luxe, nous avons vu que dans le cas du lapis-
lazuti, il s'agissait d'un instrument symbolique du pouvoir, ce qui explique pourquoi il
est un monopole d'État dans son utihsation.

5.1.2 L'État, producteur des marchandises exportées

Concernant les exportations, l'implication de l'État dans le commerce se vérifie


là encore. Les marchandises exportées étaient en effet produites sous le total contrôle
de l'État qui s'exerçait par le monopole de fait dont disposaient les institutions
publiques sur les capacités de production à grande échelle. En effet, que ce soit par la
nature des produits, aussi bien que par leurs quantités, seules les institutions publiques
pouvaient fournir les marchandises exportables. U s'agit d'abord du textile qui
demandait, comme nous l'avons vu, énormément de main-d'œuvre, une capacité
d'investir dans les matières premières nécessaires pour débuter la production, ainsi
qu'une capacité de gestion efficace (Postgate, 1994 : 235 ; Van de Mieroop, 1999 :
81
186). Les autres exportations majeures, céréales et huile de sésame, nécessitaient aussi
des capacités de productions importantes. Cela impliquait aussi une main-d'œuvre
abondante, l'organisation et la gestion de la production, mais, en plus, il était nécessaire
de posséder des surfaces agricoles importantes. U s'agissait pour les céréales de
dégager un surplus suffisant qui puisse autoriser les exportations. Dans le cas de l'huile
de sésame, l'investissement était plus grand encore, dans le sens où cette production
demande plus de travail et que l'huile n'était pas un produit de subsistance essentiel.
Les besoins en huile d'une population étaient beaucoup moins importants que ceux en
céréales. Une forte production ne se justifiait que dans le cadre d'échanges. L'État était
donc le seul producteur majeur des exportations mésopotamiennes.
Cette interprétation de la relation État-commerce est renforcée par l'observation
de la chronologie. En effet, ces différentes dynamiques économiques que sont les
importations de produits utilitaires et de produits de luxe et l'augmentation de certaines
exportations, coïncident toutes avec le développement du phénomène étatique à partir
de la fin du IV6™6 millénaire. C'est ainsi que le cuivre, métal connu depuis de longues
périodes par les Mésopotamiens, est devenu l'objet d'un commerce important dès la
période de PUruk. De même le lapis-lazuti que l'on retrouve occasionnellement à
travers tout le Proche-Orient a vu son utilisation s'accroître considérablement. Les
vestiges du UI6™6 miUénaire nous livrent des quantités presque quinze fois supérieures à
ce qui était observé précédemment (Casanova, 1998 : 263-264) (Figure 6). En paraUèle,
les quantités de produits exportés augmentèrent paretilement. S'ils sont plus difficiles à
chiffrer directement du fait du peu de traces archéologiques laissées par ces
marchandises, on peut se baser sur l'augmentation de l'appareil de production. Le cas
du textile est le plus significatif. Le nombre de travaiUeurs employés par les centres de
production et la quantité de matière première utilisée, sont extrêmement importants aux
vues de la structure de la société (Me Corriston, 1997 : 520, 524-528). Il ne s'agissait
plus seulement de subvenir aux besoins de la communauté ni seulement de la demande
grandissante de produits de l'élite. Le but était clairement l'exportation.
Ce constat va donc dans le sens d'un État mésopotamien qui, contrôlant
l'économie, a transformé les structures et a développé le commerce dans le but de
répondre à ses besoins institutionnels. L'État était au centre des principales activités
82
économiques de la société mésopotamienne. Il contrôlait de grandes propriétés
agricoles, il était le principal employeur et client des différentes activités artisanales.
De manière directe ou indirecte, l'État mésopotamien contrôlait les moyens de
productions et consommait la majorité des produits issus des différentes activités
économiques. Certes, une forme de propriété foncière privée existait (Renger, 1994 :
169 ; Pollock, 1999 : 117, 119), de même que les petites activités artisanales au service
des individus (Van de Mieroop, 1999 : 179-181), mais FÉtat demeurait le seul acteur
économique majeur.

5.2 Le système régional : «centre» et «périphéries» à parts égales

Après avoir mis en application le modèle au niveau interne, il est possible de


poursuivre en observant comment se vérifie la construction théorique en la confrontant
aux données archéologiques. L'un des présupposés de départ est identique à celui du
modèle interne : FÉtat est interventionniste dans l'économie, et donc, ici, dans le
commerce. C'est le premier principe emprunté à la World-System Theory. Suite à cela,
on retrouve le principe de système régional au sein duquel interagissent différents
partenaires économiques n'ayant pas tous le même poids commercial dans le réseau.
L'observation des faits à l'échelle de la région semble conoborer cette perception.
Seulement, contrairement à l'interprétation de la World-System Theory, je ne perçois
pas une domination politique et technologique du centre sur les périphéries.

5.2.1 Centres et périphéries

Au III61116 millénaire, il existait un ensemble de relations commerciales régulières


établi autour du Golfe Persique. Indéniablement, tous les acteurs n'avaient pas le même
poids économique. On peut qualifier de centre le sud mésopotamien ainsi que la vallée
de l'Indus. En effet, comparés aux autres régions, il s'agissait ici de centres culturels
représentant une forte concentration démographique. Du fait de leur densité de
population, ces centres constituaient des acteurs économiques importants dans le sens
où ils importaient et exportaient des quantités de marchandises supérieures à leurs
83
voisins. Enfin, ils représentaient chacun une force pohtique et militaire importante.
Cependant, et ceci est primordial, ils n'exerçaient pas de domination politique
importante et durable sur les autres régions partenaires du réseau du Golfe.
Cette différence de mon modèle avec la World-System Theory se vérifie donc
dans les faits. Chaque membre du réseau, selon le modèle présenté, était autonome. U
n'existait sm le long terme aucune domination politique, militaire ou économique des
centres sm la périphérie. Chacun dans sa mesme a trouvé avantage aux échanges. La
périphérie dans la géographie pohtique et économique du Golfe Persique se constituait
essentiellement de deux régions : Dilmun et Magan. Ces deux régions culturelles
étaient moins densément peuplées et avait un potentiel économique moins important.
Cependant, comme nous l'avons vu, Dilmun et Magan gardaient toujours leur
autonomie vis-à-vis des centres. Elles n'étaient pas les vassales de la Mésopotamie,
contrairement à une interprétation antérieure (Edens, 1992 : 128-129). C'est en cela que
l'on peut considérer ces périphéries comme étant à part égales avec le centre d'un point
de vue politique. Les faits remettent ainsi en question un aspect essentiel de la World-
System Theory.
Cette autonomie était renforcée par la possibilité pom les deux régions
périphériques d'alterner ou de diversifier leurs échanges en établissant des contacts
commerciaux non pas seulement avec un mais deux «centres» : la Mésopotamie et la
vaUée de l'Indus. Ceci se vérifie dans les données archéologiques. U est établi que
durant tout le miUénaire, Dilmun comme Magan ont gardé des contacts étroits avec la
Mésopotamie et avec Melukkha à partir du milieu du m6™6 millénaire. Suivant les
périodes du millénaire, les relations de ces régions ont été plus marquées avec un centre
plutôt qu'un autre, mais ne se réduisaient jamais uniquement à la Mésopotamie ou
Melukkha. Concernant Dilmun, on observe ainsi que cette région était plutôt tournée
vers la Mésopotamie durant la première partie du UI6™6 miUénaire, à la fin du IIIe11
miUénaire Melukkha prend une importance considérable dans les échanges avant
qu'un rapprochement s'opère de nouveau avec la Mésopotamie. Cette dernière
tendance ira en s'accentuant dans les deux millénaires suivants (Eidem et Flemming,
1993 : 445-447). Magan semble par contre avoir été toujours plus proche
commercialement de la Mésopotamie que de Melukkha (Potts, 1990: 133-149).
84
Cependant, l'existence de contacts entre Magan et Melukkha est établie au moins dès le
milieu du III™6 miUénaire (Potts, 1993 : 426-427). Ces liens plus étroits avec la
Mésopotamie qu'avec la vaUée de l'Indus peuvent trouver une part d'explication dans
la spécialisation économique.

5.2.2 Spécialisation commerciale

Cette spécialisation est le concept important, à la base du système d'échanges


régional. En effet, ce système commercial ne s'est pas mis pas en place sous une
contrainte pohtique ou militaire ; en conséquence, la raison en est économique. C'est
ici que se vérifie le principe posé dans le modèle théorique. Les échanges se sont mis
en place par intérêt économique mutuel. Chaque partenaire s'est spécialisé dans un ou
plusieurs produits ou services.
Au Iff6"16 miUénaire, des liens réguliers ont été établis avec des partenaires
commerciaux parfois très éloignés. U s'agissait tout d'abord de Magan (péninsule
d'Oman) et de Melukkha (vallée de l'Indus). À ceux-ci, il faut ajouter Dilmun (région
de Bahrein) même s'il ne jouait qu'un rôle d'intermédiaire (Muhly, 1995 : 1505-1506).
Concernant les «périphéries», on observe qu'eUes se sont spécialisées dans un
type d'exportation principal. Magan et Dilmun, beaucoup moins peuplées que la
Mésopotamie ne représentaient pas des puissances politiques ou économiques
importantes. Elles ont étabti très tôt au Uf1116 miUénaire des relations commerciales
régulières avec le sud mésopotamien, mais aussi avec Melukkha (Potts, 1995 : 1453-
1455 ; 2000 : 44-48). Ces deux entités culturelles ne furent pas dépendantes des
ressources agricoles mésopotamiennes, comme il le fut d'abord avancé (Crawford,
1997 : 703-708). EUes ne furent pas non plus sous domination politique. Les quelques
raids que mènent les rois akkadiens contre Magan semblent avoir été sans lendemain
(Potts, 1995 : 1456). Il s'agissait donc de partenaires commerciaux à part entière et
indépendants.
Magan pourvoyait le cuivre nécessaire au sud mésopotamien. C'était
incontestablement la marchandise principale de cette région. Les nombreuses mines
85
antiques l'attestent, de même que le cuivre retrouvé en Mésopotamie à cette période ;
ceci est aussi confirmé par les textes.
Pom ce qui est de Dilmun, a priori cette région ne disposait d'aucune ressource
ou produit lui conférant un avantage économique sur ses partenaires. En fait, dans les
textes, cette région apparaît toujours comme un entrepôt, un lieu de transit. Il s'agissait
d'un point de relâche important sm la route commerciale du Gotie Persique. Dilmun
avait en fait un rôle de service plus que de fournisseur d'un type de marchandises
particulières. Cela pomrait apparaître comme une activité secondaire ; cependant, on se
rend compte qu'il n'en est rien après une remise en contexte. Tout d'abord sm le plan
géographique, on observe que Dilmun se situe sensiblement à égale distance entre le
sud mésopotamien et Magan, et pom ce qui est de la vallée de l'Indus, au tiers de la
distance Mésopotamie-Melukkha. En conséquence, sa situation était stratégique et
permettait de faciliter les échanges à une époque où les moyens de communication
n'étaient pas encore pleinement développés. Ceci était d'autant plus vrai pom la
navigation maritime. Cette région du Golfe était aussi dangereuse en raison de ses hauts
fonds de sable et coralliens et Dilmun représentait ici un amer sécuritaire
(DalongueviUe, 1999 : 28). De plus, l'un des problèmes de la navigation en mer
concerne les réserves d'eau douce. Ce problème est d'autant plus marqué que nous
nous situons ici dans une région désertique extrêmement aride et, par conséquent, peu
peuplée. Dès lors, le rôle de Dilmun prend tout son sens lorsque l'on considère cette
région au niveau local. Sa ressource importante au ni61116 et II6™6 millénaire avant notre
ère était l'eau douce, dont elle dispose en quantité abondante pom cette zone climatique
(Lombard et a i , 1999 : 30-32). C'est donc ici l'avantage absolu dont disposait Dilmun
sur le réseau des échanges commerciaux, à savoir une position stratégique et des
ressources permettant aux navires ou de continuer leurs routes ou de rallier leurs ports
d'attache.
Pom ce qui concerne le lapis-lazuli, cette piene senti-précieuse ne pouvait
provenir que d'Asie Centrale, la principale source établie se trouvant en Afghanistan,
province du Badakhshan (Casanova, 1999 : 191-194). Si plusieurs voies
d'acheminement sont envisageables, celle qui semble avoir été la principale aux vues
des données archéologiques et épigraphiques est celle passant par Melukkha, puis de
86
Melukkha par bateaux jusqu'en Mésopotamie en transitant ou non par Dilmun (Potts,
1992-1993 : 390 ; Casanova, 1998 : 288).
La contre-partie mésopotamienne au cuivre et au lapis-lazuli consistait
essentiellement en produits textiles (vêtements et tissus de laine), en huile de sésame et
dans une certaine mesme en céréales (Postgate, 1994 : 218 ; Potts, 1993 : 425 ; 1995 :
1453-1454). Pom ce qui est du textile et de l'huile, on peut parler de produits à forte
valeur ajoutée. Peu de données sont disponibles concernant l'huile, mais il en est
autrement pom le textile. On sait que s'il existait une petite production domestique
privée de vêtements, à coté de cela d'immenses ateliers travaillaient pom les
institutions publiques. Les complexes artisanaux produisant des vêtements employaient
des milliers de travailleurs et les chiffres comptables issus des textes totalisent parfois
de centaines de tonnes de textile. Le processus de production était extrêmement long et
demandait beaucoup de soin (Me Corriston, 1997 : 518, 522 ; Van de Mieroop,
1999 :185). On peut supposer que la production d'huile de sésame nécessitait aussi
beaucoup de main-d'œuvre, étant donné la quantité de ce végétal nécessaire à la
production d'huile. L'agriculture céréalière, spécialité de la Mésopotamie, exigeait
aussi une quantité importante de travailleurs. On s'aperçoit que le point commun des
exportations mésopotamiennes est qu'elles nécessitaient une main-d'œuvre importante
ainsi qu'une bonne capacité de gestion. C'est ici l'avantage dont disposait le sud
mésopotamien sur ses partenaires commerciaux, une main-d'œuvre abondante et
organisée. En effet, la Mésopotamie, comparée à Dilmun et Magan, était très
densément peuplée. Or, une main-d'œuvre abondante était primordiale pom avoir des
activités textiles et agricoles excédentaires. De plus, le potentiel agricole mésopotamien
en céréales, sésame mais aussi cheptel (nécessaire à la production de laine), était
largement supérieur à ses partenaires du sud dont le climat est très aride et où les
ressources en eau sont largement moindre. On ne peut prétendre qu'il y ait eu tm
avantage technologique, car tant pom le textile que pom la métallurgie, Dilmun et
Magan se révèlent avoir eu les mêmes connaissances que le sud mésopotamien et peut-
être parfois une certaine avance. La différence réside dans la capacité quantitative de
production, la Mésopotamie étant beaucoup plus peuplée et mieux organisée.
87
Si les autres partenaires du système d'échanges disposaient de ces capacités de
production, dans les faits elles en étaient beaucoup moins bien pourvues en quantité et
qualité. Par conséquent, les cités mésopotamiennes, disposant d'un avantage comparatif
particulièrement marqué, pouvaient proposer certains produits agricoles et textiles à
Dilmun et Magan. Ces régions pouvaient produire ces marchandises elles-mêmes, mais
en déployant des ressources et des forces de travail très importantes. U était donc plus
efficace d'avoir recours aux importations mésopotamiennes. Ce type d'échanges ne
remettait pas en cause l'autonomie politique ou économique des périphéries dans le
sens où il ne s'agissait pas de produits de subsistance ou technologique qui pouvaient
être un moyen de pression important contre elles. Les céréales représentaient certes un
produit de base, mais comme les travaux de Crawford (1997) et Potts (1993, 2000)
l'ont démontré, ces importations n'étaient que complémentaires à une autosuffisance
alimentaire bien établie.
Du fait de sa place économique centrale dans la société, l'État se trouvait
directement impliqué dans le commerce. En effet, la Mésopotamie était complètement
dépourvue des principales matières premières nécessaires au développement
économique d'une société complexe. Cela comprend d'une part les métaux utilisés
pom les outils des artisans spécialisés ou pom l'armement des soldats, comme le bois
d'œuvre indispensable à l'architecture monumentale. D'autre part, il faut ajouter les
produits de luxe, éléments ostentatoires et idéologiques, monopole de l'élite. Or,
comme le commerce pourvoyait aux besoins technologiques ou symboliques de l'État,
c'est de manière logique que celui-ci en a pris le contrôle pom le développer. En effet,
si les échanges longues distances existaient bien avant FÉtat en Mésopotamie (Algaze,
1993 : 319), leur importance était marginale. Mais avec l'apparition de l'État, le
commerce a pris un essor considérable et de nouvelles matières ont été importées
(Forest, 1995 : 143-147 ; Yoffee, 1995 : 289).

5.3 Limites du modèle et remarques

Si le modèle interprétatif présenté semble en fonctionner lorsque confronté aux


données archéologiques, il faut cependant relativiser la valeur d'un tel instrument
88
conceptuel. En effet, il ne faut pas passer sous silence les limites inhérentes à la
modélisation. Certains paramètres peuvent avoir été oubliés, d'autres ne peuvent pas
être vérifiés sm le terrain, faute de pouvoir collecter les données archéologiques
nécessaires. Enfin, la modélisation ne pourra jamais prendre totalement en compte
toutes les particularités culturelles et sociales et, par conséquent, les variantes que
ceUes-ci entraînent dans le fonctionnement socio-économique.

5.3.1 Les agents de commerce au service de l'État

Un des aspects de la relation État-commerce n'est pas abordé par la mise en


application du modèle que je propose. En effet, si FÉtat contrôlait le commerce, il
pouvait exercer son pouvoir de différentes manières. L'une des questions qui se
posaient est de savoir qui étaient les agents commerciaux mésopotamiens ? S'agissait-il
de fonctionnaires dûment mandatés par les dirigeants des cités-États ? Ou bien
s'agissait-il de commerçants privés agissant comme intermédiaires pour seulement
quelques clients importants, en Foccunence les élites politiques et religieuses
mésopotamiennes ? L'analyse qui est faite dans les pages précédentes laisse largement
supposer qu'il s'agissait d'agents publics au service de l'État, mais n'en apporte aucune
preuve irréfutable. Les indices portant à croire qu'il n'y avait pas de marchands privés
au m61116 miUénaire sont de plusieurs ordres. Tout d'abord, nous avons vu que l'État
était fortement relié au commerce par les importations qu'il consommait et les
exportations dont il contrôlait la production. Par conséquent, pourquoi aurait-il eu
recours à des intermédiaires privés pom le transport et le négoce de ces marchandises
qui le concernaient directement ? Le deuxième point allant dans ce sens sont les textes
épigraphiques qui, pom la majeure partie du nf1116 millénaire ne parlent jamais
clairement de marchands privés à propos des échanges longues distances, comme ce
sera le cas pour les périodes suivantes, notamment l'Ancien Empire assyrien (Joannès
et al., 2001 : 491). Bien sûr, il faut toujours garder à l'esprit le fait que les tablettes
connues ne sont peut-être pas représentatives de leur période. Néanmoins, on observe
en Mésopotamie du nord que, lorsque dans une conespondance royale apparaît l'agent
en charge de se procurer du lapis-lazuli pom son roi (entre autres marchandises), celui-
89
ci a assurément un rôle de haut fonctionnaire. En effet, en plus de remplir une
commande commerciale, il était chargé aussi d'un rôle diplomatique (Casanova, 1998 :
260). Rien n'empêche de penser que cette manière de procéder en Mésopotamie du
nord ait été le même dans les régions du sud.
Mais il faut aussi admettre d'autres possibilités. Tout d'abord, il peut y avoir eu
coexistence de marchands privés et de fonctionnaires remplissant des tâches
commerciales. En outre, la dichotomie entre marchand privé et fonctionnaire d'État
correspond peut-être à une vision trop moderne du commerce. Neumann (1997 : 43-53)
présente ainsi une analyse intéressante du statut de marchand pom la fin du IU6"16
miUénaire. Son interprétation est plus nuancée, car il rejette la division stricte public-
privé et dresse le portrait d'agents commerciaux aux statuts divers. Ces acteurs
économiques géraient leurs intérêts propres, la notion de profit commence à poindre,
mais ils demeuraient exclusivement au service du palais et du temple. Cette
interprétation rejoint celle de Greengus (1995 : 481-482), qui affirme que l'apparition
d'une classe de marchands privés eut lieu à partir de la fin du III61116 miUénaire.
Cependant, ces entreprises privées restaient toujours sous la supervision du pouvoir
public. Néanmoins, comme Neumann (1997: 43-53) le rappelle lui-même, les
informations dont nous disposons, sont peu nombreuses et fragmentaires. Dans l'état
actuel des connaissances il ne peut être apporté plus de détails de manière certaine pom
cette période.

5.3.2 Limites du modèle

Comme nous avons un aspect du commerce qui n'est pas abordé par le modèle,
il convient maintenant de s'intéresser aux limites inhérentes à l'utilisation du modèle
politique dans le cadre mésopotamien.
Pom ce qui est du fonctionnement du modèle, s'il ne semble pas y avoir de
problème à l'échelle de la cité, c'est concernant sa mise en application au niveau du
système régional que des réserves peuvent être émises. Tout d'abord, une des limites
concerne les centres. Le modèle explicatif admet l'existence de plusieurs centres. Le
principe que les périphéries les plus éloignées puissent appartenir à plusieurs systèmes
90
régionaux, et, donc, être en relation avec plusieurs centres, fonctionne. Mais il n'intègre
pas les possibles relations entre les centres eux-mêmes et, par conséquent, ne propose
pas une interprétation de la nature de ces relations. Or, on remarque que bien
qu'épisodiques (période akkadienne), des relations directes ont existé entre le sud
mésopotamien et la Vallée de l'Indus. Peu d'informations nous sont disponibles. On
peut raisonnablement supposer qu'il s'agissait de relations d'égal à égal, les deux
entités cultureUes formant des centres importants selon les critères de Edens (1992,
121). Les produits exportés par Melukkha étaient, en plus du lapis-lazuli et du cuivre, le
bois d'œuvre et la cornaline. Il n'y a pas de données directes quant à la nature des
exportations mésopotamiennes. La seule chose qui puisse être affirmée est qu'il
s'agissait de produits périssables qui n'ont pas laissé de traces archéologiques. On voit
donc ici qu'il n'y a pas réellement spécialisation de la part de Melukkha, ses produits
exportés sont assez diversifiés. Peut-être même y en avait-il d'autres dont la trace n'a
pas encore été retrouvée dans les textes ou dans les fouilles ?
La deuxième limite du modèle concerne surtout sa présente mise en
application : il n'a été mis à l'épreuve qu'à propos de deux produits. Le cuivre et le
lapis-lazuli sont certes représentatifs de leur catégorie, produit utilitaire, produit de
luxe, mais ne restent que deux exemples. Il serait nécessaire d'appliquer le modèle à
toutes les importations majeures teUes que bois d'œuvre, étain, plomb, diorite, or,
argent, cornaline, dans la mesure, certes, où Fon dispose de données suffisantes.
Enfin, la dernière remarque n'est pas réellement une limite, mais plutôt une
remise en perspective du commerce dans le contexte culturel. Il faut prendre en
considération que le commerce n'était pas le seul moyen pour la Mésopotamie de se
fournir en matières premières. Suivant les périodes culturelles, la guene, le pillage et le
paiement de tribut ne comptent pas non plus comme quantité négligeable. Ces échanges
inégaux étaient certes tiréguliers et non assurés pom les cités-États, mais représentaient
une source établie.
CHAPITRE 6
CONCLUSIONS

Ce rapide survol du commerce de deux produits représentatifs de leur catégorie


respective, en Mésopotamie durant le III6"16 millénaire, nous permet de tirer quelques
conclusions générales.

6.1 Rôle prépondérant de l'État dans l'essor du commerce

Les échanges en Mésopotamie avec les autres régions, parfois très lointaines,
existaient des mtilénaires avant l'apparition de FÉtat. Cependant, la quantité de
produits échangés demeurait relativement faible. En effet, les communautés agricoles
des périodes précédentes n'avaient nullement un besoin vital d'importation quelle
qu'elle soit pom leur subsistance (Forest, 1996 : 53-114). De plus, rien ne nous laisse
présumer que ces échanges étaient planifiés et que des réseaux organisés et rationalisés
existaient. Le commerce n'est nullement indispensable à l'individu mésopotamien,
mais il est primordial à la nouvelle fonne de société qu'est l'État. Ce dernier semble
être l'élément social, politique et économique qui a agi comme un catalyseur. À la base,
il n'a rien créé, mais a augmenté considérablement les échanges, dans une certaine
mesure les a diversifiés, et, pom se faire, a repris des réseaux existants, les a
rationalisés et contrôlés.
De plus, il a orienté les structures suivant ses besoins propres. U s'agit des
structures de production internes à la cité, comme les activités agricoles, et les activités
artisanales, tels la métallurgie, la joatilerie et le tissage. Dans le cas de l'agriculture, les
domaines pubhcs étaient les seules grandes propriétés capables de fournir un excédent
exportable. Pom ce qui est de l'artisanat, la situation varie quelque peu suivant le
secteur d'activité. Les exportations de textile étaient issues des complexes pubhcs. Les
92
productions métaUurgiques provenaient d'organismes publics pom l'essentiel ;
cependant, des ateliers privés étaient au service des particuliers. Le travail des pienes
semi-précieuses se faisait au sein des complexes publics, mais aussi dans des atehers
privés. Néanmoins, ces produits de luxe n'étaient consommés en dernier lieu que par le
palais et le temple.
En complément des structures internes, il faut ajouter l'implication de FÉtat
dans l'organisation commerciale régionale. U serait excessif de dire que le sud
mésopotamien a défini entièrement les rôles de ses partenaires commerciaux.
Cependant, ses demandes propres ont influencé la spécialisation et l'augmentation de
production de certaines exportations, ou le développement d'un type particulier
d'activités. Ainsi, Dilmun comme Magan ont eu leur activité économique fortement
influencée par le commerce qu'ils ont exercé durant tout le IIIèine millénaire avec le sud
mésopotamien. Il est certain que l'exploitation du cuivre dans la péninsule d'Oman
n'aurait pas eu la même importance sans les débouchées pom les exportations que
représentaient la Mésopotamie et la vallée de l'Indus. De même, Dilmun a connu un
essor économique particulier grâce à son rôle d'intermédiaire commerciale entre les
grands centres culturels. L'effondrement de la civilisation harappéenne est même
parfois interprété comme expliquant le déclin de Dilmun au lJeme miUénaire, cette
région perdant sa raison d'être commerciale (Lombard, 1999, 25).
Ainsi, la World System Theory qui a fortement influencé cette analyse peut
s'appliquer pour partie, mais ne se vérifie pas sm certains aspects. Le principe de
compétition entre éléments du centre est observable dans l'histoire mésopotamienne,
mais ne s'apphque pas pom les périphéries. En outre, la spécialisation économique est
posée comme pouvant résulter de pressions idéologiques, politiques et militaires ou
pour faire face à une compétition de concunents. Ceci ne s'applique pas à propos des
périphéries comme Magan ou Dilmun à la lumière des données actuelles. Au contraire,
cette spéciatisation résultat du bénéfice que retiraient les partenaires de ces échanges.
Les relations entre centres et périphéries ne se sont pas révélées forcément
désavantageuses à ces dernières.
Par ailleurs, le modèle interprétatif proposé dans ce travail présente une limite
dans la nature des relations entre les «centres». La Mésopotamie et la vallée de l'Indus
93
ont entretenu des relations sur de très longues périodes. Certes, ces échanges se
faisaient sur de longues distances et le plus souvent en ayant recours à un intermédiaire.
Mais lorsque le sud mésopotamien de la période akkadienne envoyait directement ses
navires jusqu'à Melukkha, ou comme le suggèrent plusieurs indices, apparaissent des
établissements harappéens en Mésopotamie même, la nature exacte des rapports
commerciaux reste à définir. On peut supposer une relation d'égal à égal, mais cela
reste à prouver.

6.2 L'État mésopotamien renforcé par le commerce

L'État mésopotamien a développé ainsi l'activité économique qu'est le


commerce en faisant preuve d'un important interventionnisme. Cela s'explique par ses
besoins structurels. L'appareil étatique nécessitait des produits spécifiques répondant
aussi bien à ses besoins utilitaires que symboliques. Il s'agissait dans un cas d'acquérir
outils et matériaux employés à la gestion concrète de la cité et dans l'autre de forger
des instruments idéologiques, marqueurs de l'ensemble de la structure sociale.
Par conséquent, tout dans le commerce longues distances du III61116 millénaire
avant notre ère en Mésopotamie nous ramène à FÉtat, que ce soit dans le processus de
développement, ou dans les objectifs recherchés.
L'État était le seul acteur social majem de la société mésopotamienne du III me
millénaire. Les institutions publiques par lesquelles il se matérialisait (le temple pour le
retigieux, le palais pom le politique) contrôlaient directement ou indirectement toute la
société. Il ne faut cependant pas y voir une forme de totalitarisme. L'organisation
sociale a connu en fait d'importants changements à cette époque. Pom l'heure les
seules constructions institutionnelles majeures existantes étaient le palais et le temple.
Elles se sont imposées de fait et non par la force en éliminant d'autres structures. Ces
évolutions continueront aux périodes suivantes, tandis que d'autres innovations se
mettront en place. Ainsi, dans le domaine des échanges, on vena apparaître des
institutions commerciales privées. Les guildes étaient de véritables organisations
commerciales regroupant une classe sociale distincte : les marchands. U ne s'agissait
plus ici d'agents publics au service de l'État mais bien de commerçants gérant leurs
94
intérêts propres (Garelli, 1995 ; Kulirt, 1998). Ceci ne signifie pas pom autant un
désengagement économique de l'État. Les institutions publiques étaient en fait les
principales clientes de ces marchands.

6.3 Le commerce : un instrument de l'État mésopotamien

Si le sujet principal de cette étude fut la nature des rapports ayant existé entre la
cité-État mésopotamienne et les échanges longues distances, il convient en dernier heu
d'opérer une certaine remise en contexte de ce phénomène. En effet, pom FÉtat, le
commerce n'était qu'un aspect parmi d'autres de l'économie de la communauté. L'État
était définitivement interventionniste. Présent dans toutes les structures de la société, il
disposait donc aussi d'autres moyens pom répondre à ses besoins.
Dans le cas de la nécessité d'acquérir les matières manquantes à la cité, il
pouvait avoir recours par exemple à la guene. Le phénomène militaire s'est développé
comme nous l'avons vu, suite à l'apparition de FÉtat. Sans aller jusqu'à affirmer que
l'unique raison d'être de la guene était de fournir des produits matériels, il est certain
que cela pouvait être une raison valable. Les motivations étaient souvent diverses,
toujours légitimes aux yeux de celui qui déclarait la guerre. Cependant, on observe une
constante : l'importance donnée dans les textes, en cas de victoires, au butin pris à
l'ennemi, et par la suite au tribut imposé aux cités vaincues. Certes, il s'agit d'une
manière incertaine et tirégulière d'obtenir ce qui manque à FÉtat, à son élite et à sa
société ; néanmoins, la situation de guene permanente qui ne cessera de croître à partir
du in eme millénaire, nous oblige à prendre en considération cette source
«d'importations». Il est notable à ce propos que toutes les dynasties régnantes n'ont pas
fait le même usage de l'outil militaire. Ici, une opposition apparaît entre l'Empire
akkadien et celui d'Ur III, que Forest (1996 : 241, 244) qualifiera respectivement
«d'État prédateur» et «d'État gestionnaire». Des différences notables, qui n'ont été que
peu abordées dans ce travail, transparaissent ainsi entre les États mésopotamiens. Après
avoir cherché à tracer les grandes lignes communes aux structures étatiques qui se
succèdent à travers cette période, il serait complémentaire d'opérer la démarche
inverse.
SIGLES ET ABREVIATIONS

AAAS Annales archéologiques arabes syriennes,


(Damas)
AASF Annales Academiae Scientiarum Fennicae
Akkadica Akkadica, périodique de la Fondation
assyriologique Georges Dossin (BruxeUes)
Am. Ant. American Anthropologist (Washington)
Ann. Rev. ofAnth Annual Review of Anthropology (Palo Alto)
Antiquity, a Quaterly Review of the Archaeology
Antiquity (Gloucester)
Archaeology, Archaeological Institute of
Archaeology America (New York)
Aula orientalis (Barcelona)
Au. Or. Current Anthropology
CA Les dossiers de l'archéologie (Dijon)
DA Expedition Philadelphia : University Museum of
Expedition the University of Pennsylvania (Phtiadelphia)
Iraq Iraq (Londres)
JWP Journal of the World Prehistory
Or Orientalia (Rome)
OE Orient Express (Paris)
Paléorient Paléorient. Interdisciplinary Review of
Prehistory and Protohistory of Southwestern
Asia (Paris)
SAS South Asian Studies
TMO Travaux de la Maison de l'Orient, Maison de
l'Orient (Lyon)
WA World Archaeology
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1
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