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Symbole Du Sel Dans La Bible
Symbole Du Sel Dans La Bible
de Besançon
Perrichet-Thomas Christiane. La symbolique du sel dans les textes anciens. In: Mélanges Pierre Lévêque. Tome 7 :
Anthropologie et société. Besançon : Université de Franche-Comté, 1993. pp. 287-296. (Annales littéraires de l'Université
de Besançon, 491);
https://www.persee.fr/doc/ista_0000-0000_1993_ant_491_1_1373
"... Achille étale la braise ; au-dessud il étend les broches, qu'il soulève de leurs
supports pour verser le sel divin..." Homère (II, IX, 214) qualifie ainsi cet élément
huit siècles avant notre ère ; treize siècles plus tard, Sidoine Apollinaire (Ep. IX, 12)
écrivant à son cher Orésius en 481-482, le remercie de sa lettre "... qui porte en elle
beaucoup de ressemblance avec le sel d'Espagne extrait des montagnes de Tarragone.
Elle est en effet pour celui qui l'examine pleine d'éclat et de sel...". Entre ces deux
hommes s'écoule une période durant laquelle de très nombreux textes font état de la
valeur commerciale, rituelle et symbolique du sel.
Il n'est pas un aliment en lui-même, et ses rôles comme condiment et comme
conservateur sont les plus évidents, connus sans doute depuis les débuts de
l'agriculture ; au moins dans le monde méditerranéen et occidental, il forme avec le
pain la base de l'alimentation et Horace (Sat. II, 2, 17) n'hésite pas à dire que le pain
accompagné de sel suffit à calmer les cris de l'estomac. Il annonce même dans les
Satires (I, 3, 14) "... Je ne souhaite qu'une table à trois pieds, une coquille de simple
sel, une toge qui me défende du froid, si grossière qu'elle puisse être.
Nécessité du sel
1 . Ces deux comportements différents sont analysés avec précision par le Docteur CLAUDIAN,
Propositions pour l'analyse du comportement alimentaire de l'homme, Paris 1964.
288 Christiane Perrichet -Thomas
Indispensable à presque tous les humains 4 ainsi qu'aux animaux, surtout les
herbivores 5, le sel, depuis la plus haute Antiquité, a été l'objet de troc, de commerce,
de profit, de conflits et de lois.
2. Ainsi Strabon énumère les salines très nombreuses autour de la Méditerranée, ainsi que les
établissements de salaisons : III, 1,8; III, 2,6 ; III, 4, 6 ; IV, 4, 3.
3. Marc, 9, 49 ; Luc, 14,39.
4. Son usage est moins indispensable chez les peuples qui se nourrissent principalement de gibier.
5. C'est abondamment expliqué chez tous les Agronomes latins (Caton, Vairon, Columelle...) mais
les références sont trop nombreuses pour figurer ici.
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Le sel et l'État
Enfin le sel est l'objet de lois, de taxations, tant à Athènes qu'à Rome, ou chez
les Juifs, car dans la premier livre des Maccabées (I, 10, 29), Démétrius, roi de Syrie,
veut combattre l'influence d'Alexandre Balas sur le peuple juif ; aussi il écrit à ce
dernier en lui promettant l'exemption "... des tributs, des droits sur le sel. . .".
En Grèce, Aristophane (Ekk. 814) fait allusion à la fin du Ve siècle avant J.-C. à
un décret sur le sel, destiné à en faire baisser le prix, mais il ne fût pas appliqué. Nous
avons vu qu'Aristote (Econ. II, 2, 3) évoque aussi un droit sur le commerce du sel.
A Rome, la création des salines est attribuée par Pline (XXX, 89) au roi Ancus
Marcius 8 ; mais Denys d'Halicarnasse (II, 55), Tite Live (I, 33) et Plutarque (Rom.
25, 5) évoquent l'existence des salines d'Ostie dès l'époque de Romulus. Dès
l'origine, l'État romain se réserva le droit de vendre cette précieuse denrée et créa, par
conséquent, un monopole à son profit. Tite Live (II, 9, 6 ; XXIX, 37) y fait allusion,
ainsi qu'à un nouvel impôt sur le sel. Des changements interviennent bien sûr, et
justifieraient une étude particulière des textes juridiques 9, mais il faut surtout noter
que l'État, républicain ou impérial, a toujours contrôlé la vente ou la production du sel,
de diverses façons, soit qu'il exploite lui-même les salines, soit qu'il en confie
l'exploitation à d'autres, mais jamais il n'en a laissé le commerce vraiment libre. Il
semble en avoir toujours surveillé le prix, qu'il veuille en tirer un bénéfice, ou bien
qu'il désire mettre ce produit de première nécessité à la disposition de tous en le taxant
L'universalité géographique et temporelle du sel, sa récupération par le pouvoir,
permet de comprendre que sa fonction religieuse aille de pair avec son rôle
symbolique ; le sel fait appel à l'imaginaire, intervient dans des domaines
extrêmement variés, où il accompagne presque 10 toujours des symboles positifs : le
travail, la mer, la beauté, l'esprit ; il symbolise l'amitié, l'hospitalité, enfin... la
civilisation ; il est partie prenante dans les serments et les rituels.
Le sel et le rituel
Depuis la Bible jusqu'à Athénée qui nous apprend que "... chez les Phasélites,
on offre même en sacrifice des salines [poisson salé]..." (Deipno. III, 7, 13), le sel est
lié au rituel. La Bible (Lév. II, 13), non seulement précise qu'il faut saler toute
oblation, mais encore rappelle une offrande de sel faite à Yahvé. Un passage
d'Ezéchiel (43, 24) confirme la nécessité de jeter du sel sur le jeune taureau ou le bélier
offert en holocauste à Yahvé : "... Tu les présenteras devant Yahvé et les prêtres
jetteront sur eux du sel...". Dans Esdras (6, 9), le sel accompagne chaque jour les
sacrifices : "... Ce qu'il faut pour les holocaustes du Dieu du Ciel : jeunes taureaux,
béliers et agneaux, et aussi blé, sel, vin et huile, leur sera, sans négligence,
quotidiennement fourni.
A Rome, le rituel est semblable, car Ovide {Fast. 128 et 338) et Horace (Odes
III, 13, 25) rappellent l'un et l'autre l'obligation de mêler quelques grains de sel au
8. Celui-ci accorda aussi au peuple la distribution gratuite de six mille boisseaux de sel ; plus tard
Dion Cassius (XLIX, 43) raconte qu'Agrippa fit aussi une distribution "d'huile et de sel à tous les
citoyens".
9. Les principales références sont les suivantes : Gaius, Dig. III, 4, 1 ; Ulpien, Dig. LXVI, 17, 1 ;
Code Justinien, Dig. IV, 61, 11 ; Code Théodosien, VIII, 4, 17 ; XI, 203 ; XIV, 5, 1 ; Édit de
Dioctétien, III, 8 et 9 ; l'étude sera faite ultérieurement.
10. Π est aussi symbole d'aridité, de désert donc de mort, nous le verrons.
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froment, pour se concilier la bienveillance des dieux ou apaiser les Pénates ; pour
Ovide, le sel est associé au blé : "... Jadis l'homme se conciliait la bienveillance des
dieux avec un peu de froment et quelques grains brillants d'un sel pur...". Pour
Horace, l'idée est la même, mais il précise bien que cette association est suffisante :
"... Si une main qui n'a rien à expier a touché l'autel, elle a pu, sans qu'une victime
somptueuse l'eût rendu plus agréable, apaiser les Pénates hostiles avec un froment
pieux et un grain de sel pétillant. . .".
Démosthène (De falsa leg. 191) associe le sel et les libations. Denys
d'Halicarnasse (II, 25), à propos des Grecs, décrit le gâteau de froment, de farine au
sel et à l'eau ; ce gâteau sera mis sur la victime au commencement de la cérémonie des
sacrifices ; Ovide tient le même langage : "... Lorsque le prêtre offre sur mes autels le
gâteau, présent de Cérès, et le froment mêlé de sel, tu riras de tous ceux [les noms]
qu'il me donne..." (Fastes, I, 128).
Les coutumes des Égyptiens ne diffèrent de celle des Juifs, des Grecs et des
Romains que dans la présentation ; en effet les prêtres du sanctuaire d'Ammon
apportent en présent de gros grains de sel naturel ; Arrien (Anab. III, 4, 3) insiste sur
la pureté du sel et précise qu'il servait aussi pour les sacrifices : "... La contrée [où est
situé le sanctuaire d'Ammonl renferme aussi du sel naturel, qu'on extrait en creusant.
Et c'est de ce sel queues prêtres du sanctuaire d'Ammon apportent en Egypte. Quand
en effet ils vont en Egypte, ils mettent ce sel dans des corbeilles tressées avec des
feuilles de palmiers, et ils l'apportent en présent au roi ou à quelqu'un d'autre. Ce sel
se présente en gros grains, aussi purs que du cristal. Les Égyptiens et tous ceux qui
sont très scrupuleux pour le culte, s'en servent pour les sacrifices, comme étant plus
purs que le sel marin. . .".
Le sel purificateur
Ce rôle est bien attesté dans la Bible, car c'est le sel qui, jeté dans les eaux par
Elisée (Livre des Rois, 2, 20-21), les assainit et éloigne la mort et les avortements qui
dévastaient la ville. Il est écrit : "... Apportez-moi une écuelle neuve, où vous aurez
mis du sel", et ils la lui apportèrent. Il alla où jaillissaient les eaux, il y jeta du sel et
avortement..."
dit : "...ainsi parle
De même
Yahvé Augustin
: j'assainis(Ep.
ces CVIII,
eaux, il14)
ne fait
viendra
allusion,
plus dans
de làune
ni mort
lettre nià
l'évêque Macrobe, à la purification par l'eau salée d'un sol souillé par le sang versé
non pas lors d'un sacrifice, mais par violence.
Et Marc dans son Évangile (9, 49) évoque le feu qui sale afin de purifier ce par
quoi le scandale arrive. Les pécheurs brûleront dans la géhenne, "... tous seront salés
par le feu...". Ceci n'implique pourtant pas la rédemption puisque personne, en
principe, ne sort de l'enfer. Le sel est associé au feu et l'image est évocatrice.
292 Christiane Perrichet-TJwmas
Le lien établi par le sel entre deux personnes est clairement exprimé quelques
siècles auparavant dans un texte d'Archiloque (Fr. 166), court mais éloquent : "... Tu
as violé un serment solennel, tu as trahi le sel et la table.
Dans la Bible de nouveau, le sel représente l'alliance du peuple juif avec Dieu.
En effet, il est écrit : "... Ne savez-vous pas que Yahvé, le Dieu d'Israël, a donné
pour toujours
fils..." (Livre àdes
David
Chroniques,
la royautéII,sur13,Israël
5). De
? C'est
même undans
pacteles
deNombres
sel pour lui
(18,et 11)
pour: "...
ses
Tous les prélèvements que les enfants d'Israël font pour Yahvé sur les choses saintes,
je te les donne, ainsi qu'à tes fils et à tes filles, en vertu d'une loi perpétuelle. C'est
une alliance
toi..." Enfin de
dans
sel le
pour
Lévitique
l'éternité(II,
devant
13) : Yahvé,
"... et tu
pour
ne toi
cesseras
et pourpas
ta descendance
de mettre suravec
ton
oblation le sel de l'alliance de ton Dieu...".
Hors de la présence de l'eau, le sel traverse le temps sans être altéré, sans
connaître la putréfaction, la décomposition ; c'est sans doute pour cette raison qu'il
symbolise la solidité, la pérennité d'une alliance que rien ne peut rompre.
Le sel est présent dans tous les actes importants de l'existence, puisque dès sa
naissance un enfant est frotté de sel (Ezéch. 16, 4), sans doute dans le double but de le
purifier et de le fortifier ; Yahvé, s'adressant à Jérusalem comme à une prostituée, lui
dit : "... A ta naissance, ..., on ne coupa pas le cordon, on ne te lava pas dans l'eau
pour te nettoyer, on ne te frotta pas de sel, on ne t'enveloppa pas de langes.
Le sel, produit indispensable à la vie, entre de ce fait dans le circuit commercial ;
il circule des régions productrices aux zones d'appel, et ses qualités propres lui
donnent une fonction religieuse qui l'amènent à symboliser l'alliance avec Dieu. Dans
le monde terrestre, il symbolise le travail, la mer, la beauté, l'esprit, l'amitié, le temps
qui s'écoule et l'hospitalité, enfin la civilisation.
A Rome toujours, le mot "sal" et ses dérivés représentent la mer, les flots salés
et même Thétys, l'une des Néréides. Virgile évoque les Troyens touchant terre, "...
leurs membres brûlés par la mer (sale)..." (En. I, 173), puis décrit les bateaux qui
"...sillonnent les flots salés (sales)..." (En. V, 158). Auparavant Cicéron écrit:
"...Rappelons que de l'hymen du ciel et de la terre naquirent l'Océan et Thétys
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(Saliciam)..." (77m. XI). En remontant dans le temps, dans Trinumus (820) de Plaute,
Neptune est invoqué par l'expression "...Salsipotenti et multipotenti Iovifratri...", ce
qui peut se traduire par " . . .Toi qui règnes sur les eaux salées, très puissant frère de
Jupiter...".
Plutarque analyse cet emploi du mot "sel", à sa manière : ". . Je pense aussi que
les poètes appellent Aphrodite "haligénée" (née du sel) et qu'ils ont forgé sur son
compte et répandu la légende de sa naissance dans la mer par allusion au pouvoir
régénérateur du sel..." (Quaest. Conv. V, 10, 4).
Le sel et l'esprit
Les Grecs, et plus encore les Romains, sont passés du commentaire sur la grâce
des femmes à celui sur l'esprit. Déjà Platon (Ph. 243d), dans un dialogue entre
Socrate et Phèdre, cherche un discours qui ait les qualités de l'eau douce pour effacer
des propos dont on pourrait dire qu'ils ont l'âcreté du sel. Mais avec Térence (Ban.
400), commence au 2e siècle avant J.-C. une liste d'auteurs qui s'allonge jusqu'à
Sidoine Apollinaire,
"...salsus..." caractérisent
au Veune
siècle
certaine
aprèstournure
J.-C. Led'esprit.
substantif
Horace
"...sal..."
(p. 271)etcommente
l'adjectif
le style de Plaute et ses plaisanteries (sales). Quintilien analyse les expressions de
Cassius Severus (Inst. Or. X. 1, 117), et de Cicéron (XII, 10, 12), et qualifie leurs
traits d'esprit ou plaisanteries (salis, salibus) d'amers et froids. Il expose aussi ce
qu'est le sel de la parole, du langage : comme il pimente la nourriture et stimule
11. Un traducteur qualifie la construction d'. . . "intéressante. . . "
294 Christiane Perrichet-Thomas
12. De off. 133 ; De or. II, 97 ; id. 216 ; 217 ; 221 ; 222 ; 228 ; 255 ; 270 ; Br. 128.
13. Au siècle dernier, Littré dans son dictionnaire, indique au mot "sel" : "...ils ne mangeront pas un
minot ensemble, se dit de deux personnes qui s'associent et desquelles ont prédit qu'elles ne vivront
pas longtemps ensemble. Pour connaître les gens, il faut avoir mangé ensemble plus d'un minot
de sel...".
Mélanges P. Lévêque 7 295
Le sel et la civilisation
Cette valeur rituelle s'ajoute à la nécessité physiologique quasi universelle et il ne
paraît donc pas étonnant que le sel soit le symbole de la civilisation. Homère (Od. XI,
123 ; XXIII, 270) à deux reprises, évoque dans les mêmes termes "...ceux qui ne
connaissent pas la mer et qui ne mêlent pas de sel aux aliments.
Varron (De re rust I, 7, 8) décrit des régions "...où l'on ne connaissait ni le sel
gemme ni le sel marin, et où on le remplaçait par des charbons salés obtenus par la
combustion de certains bois. v".
Pausanias parle des Épirotes en précisant qu'ils "...étaient généralement
ignorants de la mer et de l'usage du sel. . ." (Pyrrhus, I, XII, 5). Le même lien, comme
chez Homère, est établi entre le sel et la mer.
Pour les Grecs, comme pour les Romains, ne connaître ni l'un ni l'autre
représente vraiment la barbarie.
Le sel négatif
Mais le sel est ambigu : il peut aussi être synonyme de mort, de sécheresse, de
mauvais augure, car d'après Festus, les potiers de terre craignaient "...de placer sur
une table une salière avec du sel...", cela portait malheur. De nos jours, renverser du
sel annonce un événement fâcheux que l'on peut éviter en jetant immédiatement du sel
par-dessus son épaule.
De fait, dès le commencement du monde biblique, la femme de Lot fut changée
en colonne de sel (Gen. XIX, 26), car elle n'avait pas cru en la parole de Yahvé et lui
avait désobéi (SG 10, 7) ; la mort purifiante est donc son destin, mais la mort est
aussi stérilité. Cette stérilité, c'est celle du désert, décrite dans les Psaumes (106, 34) :
". . .Π changeait les fleuves en désert,
Et les sources d'eau en sec,
Un pays de fruits en saline,
A cause de la malice de ses habitants.
et dans le texte de Jérémie (17, 3), ". . .la terre salée où nul n'habite. . ." est liée ". . .aux
lieux brûlés du désert. . .", et le feu de nouveau associé au sel.
Lorsque Yahvé veut manifester sa colère, il répand... le sel ; ainsi il dit :
". . . A lui, j'ai donné le désert pour demeure,
La plaine salée pour habitat..." (Job. XXXIX, 6)
". . .De même aux nations il donne sa colère en partage,
Ainsi a-t-il changé les eaux en sel..." (Ekkl. XXIX, 23)
"...Mais ses marais et ses lagunes ne seront pas assainis, ils seront abandonnés
au sel..." (Ezéchiel, XLVII, 11).
Mais les hommes aussi l'utilisent pour marquer leur pouvoir de perpétuer la
stérilité ; on le lit dans le Livre des Juges (IX, 45) : "...Toute la journée... Abimelek
donna l'assaut à la ville. L'ayant prise, il en massacra la population, détruisit la ville et
y sema du sel..." Comme on le lit chez Pline l'Ancien, dans les pages qu'il consacre
296 Christiane Perrichet-Thomas
au sel : "...Tout terrain où l'on trouve du sel est stérile et ne produit rien..." (H.N.
XXXI, 80).
Après avoir été symbole de désert, de mort, le symbole de vie peut resurgir ; en
cela le sel est symbole initiatique car il est associé au rite de passage qu'est le baptême.
Augustin, dans les Confessions, écrit : "... J'étais déjà marqué du signe de sa croix,
déjà assaisonné du sel divin, dès ma sortie du sein de ma mère, qui a tant espéré en
vous...". Le sel est posé sur la bouche de l'enfant, bouche qui exhale le souffle vital.
D est donc présent dans un sacrement qui a pour fonction d'effacer le péché originel, et
d'amener le nouveau baptisé à la vie éternelle au sein de l'Église.
Dans le domaine matériel, l'importance du sel soumis au contrôle de l'État
jusqu'à nos jours, est ressentie avec évidence. Dans le domaine religieux, la même
pérennité se manifeste du monde biblique à la fin de la romanité, tandis que dans le
domaine symbolique, des nuances se dessinent, le travail n'étant lié au sel que dans le
monde romain ; mais la mer, la beauté, l'amitié, l'esprit, la civilisation sont apparentés
au sel à Rome comme à Athènes.
Signe de mort pour le règne végétal, le sel est signe de vie pour le règne animal,
et plus encore pour les hommes, si nous suivons Pline (XXXI, 88) : "...sans sel, ma
foi ! on ne peut mener de vie civilisée.
Juin 1988