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Philippe Hugon
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Philippe HUGON 1
INTRODUCTION
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place à une reprise entre 1998 et 2000 (11 conflits par an), puis à une réduc-
tion depuis 2001 (cinq conflits par an en moyenne). En 2006, le spectre des
conflits continue de hanter la République démocratique du Congo (RDC), la
Côte d’Ivoire, la Somalie, l’Érythrée et l’Éthiopie ainsi que le Darfour, avec
une extension au Tchad voisin. S’expliquant largement par le sous-dévelop-
pement et par l’exclusion, les conflits sont, à leur tour, des facteurs d’insécu-
rité et de sous-développement traduisant l’existence de cercles vicieux et de
trappes à sous-développement et à conflits.
T G Te T G Te T G Te T G Te
Afrique 7 6 2 7 7 1,4 9 6 1,2 5 5 1
Monde 25 20 14 24 13 10 20 12 9 19 11 8
% 28 30 14 29 53 14 45 50 13 26 45 12
Source : statistiques de l’UCDP (Uppsala Conflict Data Program) cités par SIPRI (2005, p. 122).
T : total ; G : gouvernement ; Te : territoire.
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■ Conflits armés, insécurité et trappes à pauvreté en Afrique ■
Structurels
De sous-développement, caractérisés par la vulnérabilité et par l’exposi-
tion au risque des populations ayant une faible résilience du fait d’une in-
suffisance de disponibilité, de défaillances de marchés, d’absence de droits
et de capacités ou de dysfonctionnement dans l’allocation des ressources.
Chocs conjoncturels, exogènes ou endogènes
Liés à des événements subits et subis conduisant à une forte perturbation
du système et à une propagation non régulée.
Institutionnels et politiques
Caractérisés par des absences ou des défauts de prévention (cellule de
veille, systèmes d’alerte) et de régulation, par une instrumentalisation (des
jeunes sans emploi, du religieux ou de l’ethnicité).
Informationnels
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La question se pose de savoir quel est le poids spécifique des facteurs éco-
nomiques et du sous-développement dans l’explication des conflits et dans
le processus d’engrenage et de propagation non régulée qui les caractéri-
sent. La guerre doit être financée et peut avoir pour motivation la captation
de richesses. Les conflits sont favorisés par le sous-développement économi-
que, le chômage des jeunes, la pauvreté et l’impossibilité pour les États d’as-
surer les fonctions régaliennes de sécurité 2. Quatre-vingts pour cent des PMA
ont connu des conflits depuis quarante ans et un revenu par tête deux fois
supérieur divise par deux le risque de guerre (World Bank, 2003).
2. Nous résumons dans cette partie l’analyse développée notamment dans Hugon (2003-2006).
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Dans leur modèle théorique qui fonde leurs tests empiriques, Collier et
Hoeffler (2000) se placent dans le cadre utilitariste de Grossman (1991). Ils
opposent la rébellion, forme de criminalité organisée caractérisée par l’avi-
dité (greed), au gouvernement supposé légitime et recevant les doléances
(grievance). “To get started, rebellion needs grievance, whereas to be sustained it
needs greeds”. Les variables les plus significatives sont économiques. Les con-
flits sont d’autant plus probables que le niveau de revenu par tête est faible,
que la part des matières premières est importante dans les exportations et
que le pays est polarisé autour de deux grands groupes ethniques.
Ces facteurs ont été depuis affinés et complétés. La nature des matières
premières est centrale et les ressources du sous-sol, notamment les hydro-
carbures, sont davantage facteurs de conflictualité que les matières premiè-
res agricoles (Bannon, Collier, 2003). Les questions de crédibilité des
pouvoirs et de mesures redistributives vis-à-vis des groupes exclus sont cen-
trales pour expliquer les conflits (Azam, 2000). De nombreuses études con-
sacrées à l’Afrique ont cherché à spécifier les facteurs économiques de
conflictualité (Annan, 1998 ; Elbadawi, Sambanes 2000 ; Hugon, 2003 ;
Nour Abdel Lotif, 1999). Selon les tests d’Anyawu (2002), les principaux fac-
teurs explicatifs des guerres civiles africaines sont le faible taux de croissan-
ce du PIB, l’importance des ressources naturelles, la durée de la paix, le
fractionnement social et le nombre d’habitants.
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3. Note de la rédaction : Également connu sous le nom d’« or gris », le coltan (colombite-tantalite) est un minerai contenant
deux minéraux associés, la colombite et la tantalite ; le tantale, extrait de la tantalite, est un excellent conducteur d’électricité,
facilement malléable et très résistant à la corrosion, fort prisé dans la fabrication de composants électroniques, principale-
ment de condensateurs.
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Le rôle des conflits dans la faible croissance économique des pays africains
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■ Conflits armés, insécurité et trappes à pauvreté en Afrique ■
Celui-ci est considérable. On estime que les conflits entre 1945 et 1995
ont fait plus de six millions de morts dans neuf pays totalisant 160 millions
d’habitants (Soudan, Éthiopie, Mozambique, Angola, Ouganda, Somalie,
Rwanda, Burundi, Sierra Leone). Avec ses 13 millions de déplacés internes
et ses 3,5 millions de réfugiés, l’Afrique est deux fois plus mal lotie que
l’Asie, dont la population est pourtant cinq fois plus nombreuse (Commission
pour l’Afrique, 2005). Ce sont les pays limitrophes des zones de guerre qui
sont les plus touchés par les flux de réfugiés. Ainsi en Guinée, pays frontalier
de quatre pays en conflits (Libéria, Sierra Leone, Guinée Bissau et Côte
d’Ivoire), on estime le nombre de réfugiés à hauteur du dixième de la po-
pulation. Or, seuls les camps de réfugiés sont pris en charge par la commu-
nauté internationale, alors que l’essentiel des personnes déplacées sont
prises en charge au sein des réseaux familiaux.
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des États nations. Les sociétés africaines se trouveraient sur des trajectoires
longues traduisant un temps historique déconnecté du temps mondial. La
guerre serait, selon certains auteurs, un moyen de former les États, de réali-
ser une accumulation primitive et de jeter les fondements d’une accumula-
tion productive ultérieure (Bayart et al., 1997). Les États nations européens
se sont largement constitués grâce à la guerre, selon l’adage : « L’État fait la
guerre, la guerre fait l’État. »
On peut, au contraire, considérer que les guerres africaines sont des fac-
teurs essentiels de décomposition des États et de sous-développement éco-
nomique, non seulement en raison des destructions des hommes ou des
biens qu’elles entraînent, mais du fait de l’insécurité dans laquelle se trou-
vent les agents économiques. Elles conduisent à généraliser les migrations
et les réfugiés. Elles participent de la prolifération des maladies telles le
sida ; elles fragilisent les droits de propriété ou restreignent l’accès aux ser-
vices sociaux de base. Ainsi, les trappes à conflit et à sous-développement
s’auto-entretiennent. Dans un univers mondialisé, on ne peut prendre pour
hypothèse que le retrait des anciennes puissances coloniales laisse le champ
libre à une histoire africaine déconnectée du temps mondial. Les guerres
sont également un indice de l’affairisme et du clientélisme qui lie l’Afrique
au monde extérieur, parfois selon des relations de type mafieux.
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La sécurité ne peut évidemment pas être le fruit des seules mesures qui
s’en prennent aux manifestations, et non aux causes de la violence et des con-
flits. Les moyens sont diplomatiques et vont de la négociation (médiation)
aux sanctions (embargo, sanction contre les responsables). Ils sont militaires
par la présence de forces armées ou l’usage de la force. Ils sont politiques par
le respect des accords signés et la mise en œuvre de réformes touchant aux
racines de la conflictualité. Ils sont financiers en compensant les pertes de
ceux qui désarment et cherchent à se réinsérer dans une économie de paix.
Ces actions ne peuvent être viables que si les causes structurelles et les fac-
teurs profonds en termes de pauvreté, d’exclusion, d’inégalités régionales,
de non-respect des règles démocratiques, de non-transparence des circuits
économico-politiques ou d’insertion dans une économie mondiale criminelle
sont éradiqués.
La diplomatie qui demande temps, habileté et parole crédible, ne supprime
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On observe des médiations de chefs d’État, telles que celles des présidents
Omar Bongo ou Thabo Mbeki. La CEDEAO, avec l’ECOMOG (Groupe de la
CEDEAO pour le contrôle et la mise en œuvre du cessez-le-feu), a obtenu des
résultats significatifs au Libéria, en raison notamment du rôle du Nigeria. La
Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) est interve-
nue en RDC et l’Afrique du Sud, membre de cette organisation depuis
1994, joue un rôle de diplomatie de plus en plus affirmé. L’Union africaine
tend à jouer un rôle croissant dans la résolution des conflits, et tout derniè-
rement en Côte d’Ivoire. Néanmoins, elle manque globalement de moyens
financiers et de capacité logistique, comme on le constate au Darfour.
Ces actions régionales sont d’autant plus nécessaires que les conflits sont
largement transfrontaliers et produisent des phénomènes de contagion. À
elles seules, les relations bilatérales sont donc souvent inadaptées.
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BIBLIOGRAPHIE
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