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HD 17
HD 17
Horizons et débats
15e année
Horizons et débats
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No 17
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Bimensuel favorisant la pensée indépendante, l’éthique et la responsabilité
Pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains
Edition française du journal Zeit-Fragen
«L’agriculture et la démocratie directe» dans laquelle leurs idées se manifestèrent plies. En 1998, il y eut une nouvelle votation. garde à la frontière, en partie des prix fixes
suite de la page 1 clairement. Le texte ne différait que peu du Il s’agissait de supprimer d’ici à 2003, après et des contingents. Il est frappant de voir qu’à
projet parlementaire cité ci-dessus, mais il une période de transition, les derniers restes l’époque déjà, les paysans produisaient parfois
cercles artisanaux se mobilisèrent également contenait un engagement en faveur de l’éco- du régime du blé de 1929. Une «réglementa- trop de lait. De ce fait, le prix baissait et entrai-
pour défendre les nouveaux tarifs douaniers nomie du marché. Ainsi, le texte de l’initia- tion surannée», titraient les médias. nait une diminution du revenu des producteurs.
du Parlement. La votation eut lieu le 15 avril tive contenait la phrase suivante: Aujourd’hui, nous autres Suisses vivons Là aussi, la Confédération intervint à l’aide du
1923. Le peuple et presque tous les cantons dans l’abondance. Le choix des produits sur droit d’urgence. Les mesures prises étaient,
«[…] Toutefois, elle ne pourra attribuer ni
rejetèrent cette initiative populaire et s’expri- les étalages des boulangeries nous ravissent. dans la plupart des cas, des instruments réu-
à la Confédération, ni à un organisme privé
mèrent avec plus de 70% des voix en faveur du Quiconque se penche sur le développement tilisés dans les décennies suivant la Seconde
le droit exclusif d’importer du blé (mono-
maintien des mesures de sauvegarde. historique de la Suisse moderne est étonné de Guerre mondiale. Dans les années 30, elles
pole), les nécessités du temps de guerre
l’importance qu’accordaient les générations enfreignaient la liberté de commerce et d’in-
Comment continuer demeurant réservées.»
précédentes au «pain quotidien». Parmi les dustrie ce qui accentua la nécessité de créer
l’approvisionnement en céréales? Le Conseil fédéral et le Parlement accep- 20% des électeurs qui s’opposèrent en 1998 à une base constitutionnelle fiable. Ce ne fut
Alors qu’après la Première Guerre mondiale tèrent le défi et réagirent avec un contre-projet. la suppression du régime du blé de la Consti- pourtant qu’après la Seconde Guerre mon-
l’économie et la plupart des secteurs agricoles Celui-ci attribuait à la Confédération la régie tution, il est très probable que certains d’entre diale, en 1947, que la protection de l’agricul-
retournèrent progressivement à l’économie de dans le domaine de l’approvisionnement en eux avaient personnellement vécu la situation ture trouva son entrée dans la Constitution
marché, tel ne fut pas le cas pour la culture céréales pas à l’aide d’un monopole, mais par d’un Conseil fédéral prescrivant aux boulan- fédérale par la remarquable phrase suivante:
des céréales. La population avait compris l’im- des directives et des devoirs clairs: la Confédé- gers de stocker le pain frais et de ne le vendre
«Lorsque l’intérêt général le justifie, la
portance de la sécurité alimentaire. A la fin ration devait régler l’importation des céréales que deux ou trois jours plus tard (pour en
Confédération a le droit, en dérogeant, s’il
de la guerre, la Confédération tint à garder et établir les règles concernant le stockage. Il réduire la consommation). Ils appartenaient
le faut, au principe de la liberté du com-
le monopole d’importation pour les céréales encourage également la culture de céréales encore à la génération qui savait pourquoi la
merce et de l’industrie, d’édicter des dis-
et l’approvisionnement en farine panifiable panifiables et garantit le maintien de la meu- Confédération prélevait une redevance sur la
positions […] en faveur du maintien d’une
resta du ressort de la Confédération. Dans nerie. En outre, il garantit aux paysans l’achat farine fleur pour ainsi réduire le prix du pain
paysannerie saine, d’une agriculture per-
les fermes cela se passait de la manière sui- de leurs céréales à un prix fixe – notamment bis. Pour cette génération, la phrase du Notre
formante et de la stabilisation des proprié-
vante: les gerbes de blés récoltées furent la plu- aussi dans les régions de montagnes. L’écono- Père «Donne-nous aujourd’hui notre pain de
tés foncières paysannes.»
part du temps battues en hiver dans les aires mie de marché n’y était guère comprise. Le ce jour» avait encore une toute autre impor-
de battage. Les grains de blé étaient mis dans mot «monopole», ayant dérangé de nombreux tance qu’aujourd’hui. Seconde Guerre mondiale: le plan Wahlen
des sacs de l’Administration fédérale des blés citoyens lors de la votation précédente, n’appa- Actuellement, il faut se demander si la Quand la Seconde Guerre mondiale éclata, le
avant d’être transportés dans les gares. Puis, raissait plus qu’en rapport avec l’importation suppression massive de la prévoyance éco- gouvernement suisse voulut faire mieux que
des fonctionnaires de l’Administration fédérale de farine pour les boulangeries. Le texte de ce nomique – pas seulement concernant le blé lors de la guerre de 14–18. On voulut mieux
des blés venaient payer l’argent du blé, le plus contre-projet était le suivant: – était vraiment raisonnable. Aujourd’hui, on préparer et organiser l’approvisionnement en
souvent dans le restaurant du village. Cette subventionne la culture du blé et la meunerie denrées alimentaires. En 1939 déjà, on prit les
«Art. 23 bis:
politique fut rapidement couronnée de succès. à travers la politique agricole générale avec mesures nécessaires pour promouvoir l’agri-
La Confédération entretient les réserves
Le taux d’autosuffisance en céréales augmenta une protection douanière minime à la fron- culture. En 1940, quand l’Allemagne hitlé-
de blé nécessaires pour assurer l’approvi-
de 16 à 30%, ce qui était toutefois encore trop tière. Le monde avant la Première Guerre rienne attaqua la France et la contraignit à
sionnement du pays. Elle peut obliger les
bas. Cela fut le début d’une politique agricole mondiale était pourtant tout aussi global la capitulation, la Suisse se retrouva encer-
meuniers à emmagasiner du blé et à faire
active et planificatrice de la Confédération, qu’aujourd’hui. On pouvait se procurer tout clée par les puissances ennemies de l’Axe
l’acquisition du blé de réserve pour en faci-
comme nous la connaissons en partie encore produit existant au monde. Mais ce n’était, et elle risquait d’être elle-même attaquée. Il
liter le renouvellement.
aujourd’hui. Et ce fut également le début d’une nous le savons bien, pas de longue durée. était difficile d’importer des marchandises.
La Confédération encourage la culture
politique agricole que le peuple souverain, Pour ce qui suit, revenons en 1929, quand A cette époque, Friedrich Traugott Wahlen,
du blé dans le pays, elle favorise la sélec-
suite à de nombreuses votations populaires, le fameux Vendredi Noir, le krach boursier professeur en agronomie à l’Ecole polytech-
tion et l’acquisition de semences indigènes
put directement influencer – jusqu’à nos jours. de Wallstreet entraîna une dépression écono- nique fédérale de Zurich, tint une conférence
de qualité et accorde, en tenant particuliè-
Entre 1926 et 1929, il y eut trois vota- mique de dimension globale aboutissant à la au cours de laquelle il présenta au public son
rement compte des régions de montagne,
tions populaires décisives, suite auxquelles Seconde Guerre mondiale. plan de la «bataille des champs». Il partait de
une aide au producteur cultivant le blé pour
le cadre et les points centraux de la politique l’idée que les paysans pourraient nourrir, avec
ses propres besoins. Elle achète le blé indi- Situation générale
agricole future étaient déjà perceptibles: pour un hectare de terre arable, jusqu’à dix fois plus
gène de bonne qualité, propre à la mouture de l’économie suisse dans les années 1930
assurer l’alimentation du peuple, le Conseil de personnes qu’avec un hectare de prairies
à un prix qui en permet la culture. Les meu-
fédéral, le Parlement et l’Union suisse des Au cours de ces années, ce furent avant tout pour y produire du lait et de la viande. C’est
niers peuvent être tenus de racheter ce blé
paysans voulurent transposer le monopole les Etats-Unis qui accentuèrent leur poli- pourquoi, il fallait augmenter massivement la
sur la base de sa valeur marchande.
de blés du temps de guerre en temps normal. tique de protection douanière. En 1930, ils production agricole aux dépens de l’élevage
La Confédération assure le maintien
Ils élaborèrent donc un projet constitutionnel élevèrent massivement les droits de douane bovin. Ce revirement d’envergure proposé par
de la meunerie nationale; elle sauvegarde
dont voici le texte: pour 20 000 produits d’importation à l’aide Wahlen ne plut de loin pas à tout le monde,
également les intérêts des consommateurs
du Smoot-Hawley Act. Les importateurs amé- en particuliers aux paysans habitués à la pro-
«1 La Confédération prend des mesures de farine et de pain. Elle surveille, dans les
ricains durent, par exemple, débourser 60% duction laitière. Son discours se termina sur la
pour approvisionner le pays en blé et limites de ses attributions, le commerce et
de droits douaniers sur la valeur des montres question suivante: «Voulons-nous perdre, pour
encourager la culture des céréales. les prix du blé, de la farine panifiable et du
suisses. Aujourd’hui, tous les historiens écono- un morceau de pain, notre liberté et notre
2 La loi peut attribuer à la Confédéra- pain. La Confédération prend les mesures
mistes s’accordent sur le fait que l’érection de indépendance?» Ce discours devint pour la
tion le droit exclusif d’importer du blé et nécessaires pour régler l’importation de la
tels murs douaniers (synonymes d’une inter- Suisse le programme et la perspective de pou-
des produits de la mouture de blé, sauf à farine panifiable; elle peut se réserver le
diction d’importation) n’a pas aidé les Etats- voir survivre, en cas d’urgence, sans l’impor-
observer les principes énoncés ci-après: droit exclusif d’importer ce produit. […]»
Unis à maîtriser la grave crise économique des tation de produits alimentaires. Les paysans
a. L’exécution de cette tâche sera confiée
La votation années 30. Cela a cependant eu de sérieuses suisses acceptèrent en fin de compte ces bou-
à une coopérative d’utilité publique
du 3 mars 1929 montre la direction conséquences sur l’économie mondiale. La leversements, ce qui leur apporta beaucoup de
soumise au contrôle de la Confédé-
à prendre dans la politique agricole quote-part du commerce extérieur de la Suisse, sympathie et de bienveillance et les aida dans
ration. En feront partie la Confédé-
Avec 67,3%, le taux de participation était à atteignant au début du siècle à 61%, s’effon- plusieurs votations de l’après-guerre – jusqu’à
ration ainsi que des groupements
nouveau très élevé. Le résultat était clair et dra lors de la Première Guerre mondiale et nos jours. En guise de soutien pour les pay-
économiques privés. Les cantons
évident – comme rarement. L’initiative popu- plus massivement encore dans les années sui- sans, on instaura le «service agricole», dans
pourront y participer.
laire (qui voulait explicitement interdire tout vantes. Certains domaines industriels, telle la les fermes pour les élèves et les étudiants.
b. Le prix d’achat du blé indigène sera
monopole) n’obtint que 2,7% des voix et ne fut fameuse industrie de broderies, disparurent L’armée suisse de milice prit en considéra-
fixé de façon à en permettre la culture.
adopté dans aucun canton. Le contre-projet fut presque totalement. Le tourisme ayant connu tion, dans les limites du possible, les énormes
c. Les prix de ventes seront fixés aussi
adopté par 66,8% des voix et par presque tous son âge d’or avant la Première Guerre mon- tâches imposées à la population rurale res-
bas que possible, mais de façon à
les cantons. Ce résultat montre la confiance de diale, et l’ayant à nouveau récupéré par la tée dans les fermes au cours de la guerre.
couvrir le prix d’achat du blé étran-
la population dans les autorités et sa compré- suite, n’était plus que l’ombre de lui-même, et Les communes et les entreprises industrielles
ger et du blé du pays, les intérêts des
hension pour la prévoyance étatique dans le ne connut un nouvel essor qu’après la Seconde cultivèrent les prairies jadis négligées, de
capitaux engagés et les frais. Aucun
domaine alimentaire. Cela illustra un aspect Guerre mondiale. L’industrie horlogère, bien même que les parcs publics, pour contribuer
bénéfice ne sera réalisé, si ce n’est
qu’on put observer encore souvent au cours ancrée en Suisse, n’était plus capable d’expor- à l’approvisionnement alimentaire.
pour constituer des réserves destinées
des décennies suivantes. L’initiative populaire ter à cause des droits douaniers américains, car Après peu de temps déjà, on constata des
à stabiliser les prix. Des mesures ten-
et son contre-projet avaient joué ensemble c’était son marché principal. Certaines entre- résultats impressionnants: la production de
dant à égaliser les prix de la farine
d’une manière fructueuse. Nous constatons prises réfléchirent à comment transférer leur blé doubla comparé à celle de 1939 et on
seront prises en faveur des contrées
aujourd’hui, que la démocratie directe mène production aux Etats-Unis, donc derrière les récolta trois fois plus de pommes de terre. La
de montagne.
très souvent à des propositions législatives et «murs douaniers» bloquant presque entière- production de légumes fut quadruplée – de
3 La loi règlera l’application de ces prin-
des décisions populaires très nuancées. ment les exportations suisses. Le Conseil fédé- sorte que l’approvisionnement alimentaire fut
cipes.»
Ce 3 mars 1929, on traça les grandes lignes ral coupa court à de tels projets en recourant nettement meilleur que lors de la Première
Le 5 décembre 1926 eut lieu le refus du peuple en vue de la politique agricole des prochaines au droit d’urgence. Il s’avéra à l’époque déjà Guerre mondiale.
le plus serré de l’histoire de l’Etat fédéral: décennies. La devise était «Non à l’écono- que les Etats-Unis étaient capables d’exercer La troisième partie de cette série d’articles
366 507 oui contre 372 049 non. 14 cantons mie d’Etat», mais néanmoins des exigences une pression politique massive sur la Suisse. illustrera la politique agricole de l’Après-
confirmèrent cette opposition au texte proposé. et des tâches claires confiées à la Confédéra- En 1936, la Suisse réussit à conclure un accord guerre, période marquée – à nouveau et per-
Le taux de participation était de 72,7%, ce qui tion pour le maintien d’une agriculture effi- commercial avec les Etats-Unis qui améliora sonne ne s’en étonnera – par de nombreuses
est un score très élevé pour la Suisse. cace et la garantie de la sécurité alimentaire. un peu la situation. Quant au droit douanier votations populaires. Ce sera passionnant. •
Il n’en reste pas moins que dans les débats, la sur les montres suisses, il ne fut supprimé que Bibliographie
Le «pain quotidien», sujet d’une question «marché ou Etat» resta jusqu’à nos 30 ans plus tard, dans le cadre de l’AGETAC Popp, Hans. Das Jahrhundert der Agrarrevolution,
initiative populaire et d’un contre-projet jours un point de divergence. (Accord général sur les tarifs douaniers et le Berne 2000
Tout le monde était d’accord que l’Etat devait Après la Seconde Guerre mondiale, on commerce). – La population suisse se rendit de Kötz, Alfred. Neuere schweizerische Verfassungs-
prendre en main la gestion de l’approvision- vota à plusieurs reprises le maintien du plus en plus compte à quel point le pays était geschichte (mit Quellenbuch), Berne 2004
nement en céréales. Mais est-ce vraiment régime du blé, ce qui fut, sur le fond, presque vulnérable face aux crises globales. Linder, W. Bolliger, C. Rielle, Y. Handbuch der eid
nécessaire d’avoir un monopole en temps de toujours accepté par le peuple. Ce n’est qu’en genössischen Volksabstimmungen 1848–2007, 2010
paix? Les adversaires y voyaient un danger 1956 que les électeurs refusèrent – comme La politique agricole pendant la crise Hofer, Bruno. Volksinitiativen der Schweiz, 2012
pour l’ordre économique libéral. Ils étaient en 1926 – le renouvellement du régime du Pendant la grande crise économique des Rhinow, René. Schmid, Gerhard. Biaggini, Giovanni.
Uhlmann, Felix. Öffentliches Wirtschaftsrecht,
d’accord avec une politique agricole active blé, pour lequel le Parlement voulait ériger années 30, la Confédération eut recours à de Bâle 2011
– mais pas avec «autant d’Etat». Les adver- un monopole également en temps de paix. nombreuses mesures dans le domaine agricole Halbeisen, Patrick. Müller, Margrit. Veyrassat,
saires qui avaient gagné la dernière votation, Plus récemment, on réduisit les tâches éta- qu’il mit en vigueur à l’aide du droit d’urgence. Béatrice. Wirtschaftsgeschichte der Schweiz im
lancèrent aussitôt une initiative populaire, tiques et les directives furent peu à peu assou- En faisaient partie des mesures de sauve- 20. Jahrhundert, Bâle 2012
No 17, 8 août 2016 Horizons et débats page 3
Le crépuscule de l’OTAN
par Thierry Meyssan
L’histoire de l’OTAN mée arabe syrienne combattait divers groupes
et ses a ct ivités «Contrairement à la Russie, les Etats-Unis sont restés un empire et terroristes dont Daesh à l’Est de Homs, l’ar-
actuelles permettent mée de l’air américaine est venue les cou-
de comprendre com- continuent à utiliser l’OTAN pour mener leurs alliés à la baguette. vrir durant quatre heures. Ce temps a été mis
ment l’Occident a L’objectif initial de faire pression sur les Soviétiques pour qu’ils à profit par Daesh pour détruire méthodique-
construit ses men- ment le pipeline reliant la Syrie à l’Irak et à
songes et pourquoi n’aident pas les communistes occidentaux à accéder au pouvoir l’Iran. Ou encore, lors des attentats du 4 juil-
il en est désormais let en Arabie saoudite (notamment en face du
prisonnier. Les élé- n’a plus de raison d’être. Il ne reste donc qu’une tutelle états- consulat états-unien de Jeddah, de l’autre côté
ments contenus unienne.» de la rue), Daesh a utilisé des explosifs mili-
dans cet article sont taires high tech dont seul le Pentagone dispose
Thierry Meyssan choquants, mais il aujourd’hui. Il n’est donc pas difficile de com-
(photo wikipedia)
est impossible de vare au terrorisme sur la base turque d’In- chacun d’un bureau au siège de l’Alliance prendre que d’une main le Pentagone combat
démentir les faits. Tout au plus peut-on s’ac- cirlik, organisant une campagne de terreur depuis le 4 mai. l’Emirat islamique dans certaines zones, tan-
crocher aux mensonges et persister à s’y en Serbie, puis accusant le gouvernement dis que de l’autre, il lui fournit des armes et un
tenir. serbe de la réprimer de manière dispropor- Ce que l’Alliance est aujourd’hui soutien logistique dans d’autres zones.
tionnée. L’enclume ayant écrasé la mouche, Chaque Etat membre est prié de s’armer
Lors de la réunion d’Istanbul, le 13 mai 2015, on constata dans les chancelleries que l’Al- pour participer aux prochaines guerres et d’y L’exemple ukrainien
les dirigeants de l’OTAN terminent un repas liance était en réalité bien lourde et peu consacrer 2% de son PIB, même si l’on est L’autre croquemitaine, c’est la Russie. Ses
bien arrosé. Ils se moquent des crétins qui efficace. On commença alors de profondes en réalité encore loin du compte. Ces armes «actions agressives […], y compris ses activi-
croient en leur discours de paix en chantant réformes. devant être compatibles aux normes OTAN, tés militaires provocatrices à la périphérie du
«We are the world». On reconnait sur cette il est prié de les acheter à Washington. territoire de l’OTAN, et sa volonté avérée d’at-
indécente vidéo le général Philip Breedlove, L’Alliance depuis le 11 septembre 2001 Certes, il reste des productions natio- teindre des objectifs politiques par la menace
Jens Stoltenberg, Federica Mogherini et de Avec la disparition de l’URSS, il n’y avait nales d’armement, mais pas pour très long- ou l’emploi de la force, constituent une source
nombreux ministres de la Défense (www.you- plus aucun Etat au monde capable de rivali- temps. Ainsi au cours des vingt dernières d’instabilité régionale et représentent un défi
tube.com/watch?v=m3vqLb3md_o). ser militairement avec les Etats-Unis, et donc années, l’OTAN a systématiquement poussé fondamental pour l’Alliance» (sic).
Le Sommet des chefs d’Etat et de gou- encore moins avec l’OTAN. Celle-ci aurait à détruire les usines aéronautiques militaires L’Alliance lui reproche d’avoir annexé la
vernement de l’OTAN vient de se tenir normalement dû disparaître, mais il n’en fut de ses Etats membres, sauf celles des Etats- Crimée, ce qui est exact, en niant le contexte
à Varsovie (7 et 8 juillet 2016). Ce devait rien. Unis. Le Pentagone a annoncé la création de cette annexion: le coup d’Etat organisé
être le triomphe des Etats-Unis sur le reste D’abord un nouvel ennemi surgit: le ter- d’un avion multi-rôle à un prix imbattable, par la CIA à Kiev et l’installation d’un gou-
du monde, ce fut en réalité le début de la rorisme. Puis, il frappa diverses capitales de le F-35 Joint Strike Fighter. Tous les Etats en vernement comprenant des nazis. Bref, les
débâcle. l’Alliance, obligeant les Etats membres à se ont commandé et fermé leurs propres usines. membres de l’OTAN ont tous les droits tandis
Rappelons ce qu’est l’Alliance atlantique. soutenir les uns les autres. Vingt ans plus tard, le Pentagone n’est tou- que la Russie viole les accords qu’elle avait
Bien sûr, il n’y a aucune proportion entre jours pas en mesure de produire un seul de conclus avec l’Alliance.
Ce que fut l’Alliance ce que fut le Pacte de Varsovie et une bande ces avions à tout faire et doit présenter des
Alors que les élites européennes étaient de barbus terrés dans une cave en Afgha- F-22 bricolés durant les foires d’armement. Le sommet de Varsovie
paniquées à l’idée d’une possible accession nistan. Pourtant, tous les Etats membres Les clients sont constamment sollicités pour Le sommet n’a pas permis à Washington de
au pouvoir des partis communistes, au len- de l’OTAN font mine de le croire, car ils financer les recherches, tandis que le Congrès colmater les brèches. Le Royaume-Uni qui
demain de la Seconde Guerre mondiale, en n’ont pas le choix: le seul moyen de pro- étudie la relance de la production d’anciens vient de mettre un terme à sa «relation spé-
1949, elles se placèrent sous «parapluie» téger sa population est de signer les com- avions car, probablement, le F-35 ne verra ciale» en sortant de l’Union européenne a
états-unien. Il s’agissait avant tout d’être en muniqués de l’OTAN, de tenir le discours jamais le jour. refusé d’augmenter sa participation à l’Al-
mesure de menacer les Soviétiques pour les unique obligé. L’OTAN fonctionne donc comme une liance pour compenser l’effort qu’elle a résilié
dissuader de soutenir les communistes occi- Malgré une abondante littérature histo- entreprise de racket: ceux qui ne payent pas au sein de l’UE. Londres s’est abrité derrière
dentaux. rique, les Occidentaux n’ont toujours pas devront affronter des attentats terroristes. son prochain changement de gouvernement
Les Etats de l’Ouest étendirent progres- compris que l’OTAN avait été créée par leurs Les Etats-Unis ayant poussé leurs alliés à pour éluder les questions.
sivement leur alliance, notamment en y joi- classes possédantes contre eux et qu’elle est devenir dépendants de leur industrie militaire, Tout au plus a-t-on pu prendre deux déci-
gnant en 1955 les Allemands de l’Ouest, sions: installer des bases permanentes à la
qui avaient été autorisés à reconstituer leur frontière russe et développer le bouclier anti-
armée. Inquiets des capacités de l’Alliance, «L’Alliance est aujourd’hui de toutes les guerres. C’est elle qui missiles. La première décision étant contraire
l’URSS répondit en créant le Pacte de Varso- aux engagements de l’OTAN, on procédera
vie, six ans après la création de l’OTAN. coordonna la chute de la Libye en 2011, après que le commandant en installant des troupes qui alterneront de
Cependant, avec la guerre froide, les deux de l’AfriCom, le général Carter Ham, eut protesté contre l’emploi sorte qu’il n’y aura pas de contingent per-
alliances évoluèrent de manière impériale: manent, mais que des soldats seront toujours
d’un côté l’OTAN dominée par les Etats- d’Al-Qaïda pour renverser Mouamar el-Kadhafi. C’est encore elle présents. La seconde consiste à utiliser le ter-
Unis et dans une moindre mesure par le ritoire des Alliés pour y déployer des soldats
Royaume-Uni, de l’autre le Pacte de Var-
qui coordonne, en 2012, la guerre contre la Syrie depuis l’instal- américains et un système d’armes. Pour ne
sovie dominé par l’Union soviétique. De lation de l’Allied Land Command à Izmir en Turquie.» pas vexer les populations qu’ils occuperont,
fait, il était devenu impossible de quitter ces les Etats-Unis ont accepté de placer le bou-
structures: l’OTAN n’hésita pas à utiliser le clier anti-missiles non pas sous leur comman-
Gladio pour organiser des coups d’Etat et aujourd’hui utilisée par les Etats-Unis contre ils ont cessé de la perfectionner. Pendant ce dement, mais sous celui de l’OTAN. Ce qui
recourir à des assassinats politiques préven- leurs élites. Le cas est un peu différent pour temps, la Russie a reconstitué son indus- ne change que sur le papier car le Comman-
tifs, tandis que le Pacte de Varsovie enva- les Etats baltes et la Pologne, qui sont entrés trie d’armement et la Chine est sur le point deur suprême de l’Alliance, actuellement le
hissait à visage découvert la Hongrie et la récemment dans l’Alliance et en sont encore d’y parvenir. D’ores et déjà l’armée russe général Curtis Scaparrotti, est obligatoire-
Tchécoslovaquie qui avaient émis des vel- au premier stade de crainte des élites face aux a dépassé le Pentagone en matière conven- ment un officier américain nommé par le seul
léités d’indépendance. communistes. tionnelle. Le système qu’elle a pu déployer président des Etats-Unis. •
Avant même la chute du Mur de Ber- à l’Ouest de la Syrie, en mer Noire et à Kali- Source: Réseau Voltaire, 11/7/16
lin, l’Union soviétique mit fin à ce sys- La zone géographique ningrad lui permet d’inhiber les commandes
tème. Mikhaïl Gorbatchev laissa chaque Etat presque illimitée de l’Alliance de l’OTAN qui a dû renoncer à la surveiller
«Communiqué du Sommet de l’OTAN à Varsovie»,
1
«L’Asie appartient aux peuples …» de dollars de capital de la NDB n’ont pas des décennies, investi des milliards de dol- time et ne devrait étonner personne. Le plus
suite de la page 5 été affectés exclusivement au développe- lars en faveur du développement économique tôt on entreprendra des négociations directes
ment des pays membres de la BRICS, mais dans le monde entier, particulièrement dans entre les parties impliquées, le plus tôt on
L’initiative mondiale multidimensionnelle plus généralement à des pays en voie de les pays en voie de développement, il n’y a réalisera une solution gagnant-gagnant..
«One Belt, one Road» (OBOR), lancée en développement. Tout en exprimant une atti- eu aucune plainte, ni quelque mention que Il est en fait difficile de croire que qui-
2013 par le Président Xi Jinping, a ouvert de tude prudente et équitable envers la Banque ce soit de son immixtion dans les affaires conque extérieur à la région puisse avoir plus
larges perspectives à un développement accru mondiale (BM) et en lui offrant sa coopé- intérieures d’un pays, ou d’une volonté d’hé- d’intérêt pour une solution juste et durable
dans une grande partie du monde s’étendant ration, en même temps que l’assurance que gémonie de sa part ou de «supériorité». La que la Chine et les autres parties directe-
du Pacifique à l’Atlantique. L’essence de la NDB ne recherche ni à la concurrencer, Chine ne déploie pas non plus ses forces ment impliquées. Les facteurs d’escalade
cette initiative inclut le développement, la ni à la supplanter, mais plutôt à «aider» et armées dans le monde afin de garantir la devraient être mis hors de service et élimi-
connectivité et des profits gagnant-gagnant. «compléter» le système déjà existant d’ins- sécurité de ses investissements. nés. Le moyen d’y parvenir réside dans des
Contrairement à d’autres initiatives et projets titutions financières internationales (BM, Les pays asiatiques ont les connais- négociations directes entre les parties impli-
intégrés limités au libre-échange douanier, FMI), Batista a décrit, avec une touche de sances suffisantes, la sagesse et la volonté de quées et la mise en œuvre de l’initiative «One
et donc verrouillés pour les autres, l’initia- fierté, les avantages de la NDB. résoudre leurs conflits et gérer leurs relations Belt, one Road», pour laquelle la stabilité en
tive «OBOR» est élargie, ouverte et axée sur «Nous ne sommes qu’une simple banque dans l’intérêt mutuel, tout en préservant la mer de Chine méridionale est de toute pre-
le développement, sans adhésion formelle. technique, puisque les applications de prêt stabilité, en améliorant la compréhension et mière importance.
Pour citer quelques initiatives verrouillées, sont décidées sur la seule évaluation de la la plus totale coopération. Cette opinion des Le Forum de Shanghai a été établi en 2005
référence a été faite à la Trans Pacific Par- qualité et de la crédibilité des projets, plutôt participants au Forum de Shanghai résonne et s’est transformé en très peu de temps en
tnership (TPP), incluant les USA, le Canada, qu’en posant des conditions idéologiques ou comme un message aux facteurs extérieurs une des conférences les plus connues et les
le Mexique, le Japon, l’Australie, les Philip- politiques ou en interférant dans les affaires à la région qui pourraient avoir l’intention plus influentes du monde. Traditionnelle-
pines, Singapour, la Malaisie, le Pérou, Bru- intérieures des pays qui ont sollicité le prêt», d’exploiter des problèmes non résolus à l’in- ment, les organisateurs en sont l’Univer-
nei et le Viêt-Nam. a déclaré Batista. Et d’ajouter que la NDB térieur des relations entre la Chine et certains sité de Fudan, une des universités les plus
traite chaque demande de prêt sous 6 mois, de ses voisins, pour leurs propres objectifs prestigieuses du monde et la Higher Stu-
Contribution importante contrairement à la Banque mondiale, où la géopolitiques. dies Foundation [Fondation d’études supé-
au développement économique procédure prend en moyenne 16 mois. La rieures] coréennes. Son organisateur exécutif
La preuve a été faite que la Chine apporte NDB n’a qu’une centaine d’employés, a pré- Trouver des solutions pacifiques aux est l’Institut de développement de l’Univer-
aussi une contribution significative au déve- cisé Batista, laissant au public le soin de com- conflits sans interventions américaines sité de Fudan. Le Forum lui-même est une
loppement économique au niveau mondial, parer ce chiffre à l’appareil bureaucratique Il va sans dire que la Chine n’est pas, et ne organisation non gouvernementale à but non
notamment à l’essor des pays en voie de déve- onéreux et surdimensionné de la Banque peut pas être, satisfaite quand, par exemple, lucratif qui tient ses symposiums chaque
loppement (coopération Sud-Sud), en modi- mondiale ou du FMI. les Etats-Unis tentent d’exploiter ce genre année en mai à Shanghai.
fiant les structures économiques obsolètes, et de problèmes, ou quand ils recherchent des En fait, le Forum de Shanghai est une réu-
en édifiant tout particulièrement des infras- Intégration intérieure et unité intermédiaires destinés à nuire aux intérêts nion de scientifiques indépendants, de philo-
tructures modernes. De cette manière, ni la reposant sur des avantages réciproques légitimes de la Chine. L’un de ces problèmes sophes et de penseurs en général, plutôt que
Chine, ni les nouvelles institutions financières Afin de promouvoir et d’exploiter énergi- les plus sérieux est le conflit avec les Philip- d’officiels gouvernementaux participant à
internationales financées par des capitaux quement son vaste potentiel lié au dévelop- pines en mer de Chine méridionale. la prise de décisions opérationnelles, ce qui
chinois ou dues à l’initiative chinoise (NDB, pement et, en particulier, exercer le rôle et La Chine propose à ses voisins impli- n’enlève rien à la valeur de ses conclusions.
BIIA) n’établissent envers les emprunteurs de les responsabilités intrinsèques dans la ges- qués dans le conflit de résoudre celui-ci de Bien au contraire. Il n’y a aucun doute que
discrimination basées sur des critères poli- tion des affaires mondiales en rapport avec façon pacifique en négociant directement, tout ce qui a été dit pendant le Forum de cette
tiques, ni n’interfèrent dans leurs affaires sa puissance économique, l’Asie doit tout sans aucune intervention extérieure. Les année a rapidement trouvé sa voie vers les
intérieures. d’abord accomplir son intégration interne tentatives d’internationalisation de ce pro- principaux centres de décisions du monde
Ce point a été soutenu par le Brésilien et réaliser son unité basée sur des avantages blème manquent de fondements juridiques entier, pour y être soigneusement examiné.
Paulo Nogueira Batista, vice-président de la mutuels. Toutes les initiatives chinoises sont et de justification politique. L’internationali- Si l’Asie est le centre du développement
Nouvelle Banque de développement (NDB). ouvertes aux autres parties et ne sont pas sation ne mène à aucune solution, mais plu- mondial du XXIe siècle, alors la Chine est le
Il a déclaré que, indépendamment du fait que orientées vers l’acquisition de privilèges, ni tôt à la méfiance inutile, à la détérioration de centre du développement en Asie et la grande
la NDB a été fondée par les pays membres vers la domination, ou l’isolement d’un autre l’atmosphère et à l’ajournement d’une solu- puissance montante. •
de la BRICS, ce n’est pas seulement la pays. Un exemple excellent en est l’initiative tion durable. Par conséquent, la position de Source: www.beoforum.rs
banque de la BRICS et que les 50 milliards «OBOR». Bien que la Chine ait, au cours la Chine envers l’internationalisation est légi- (Traduction Horizons et débats)
No 17, 8 août 2016 Horizons et débats page 7