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POSGRADO Civil
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Docente: José Gabriel Semestre 2017-I
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Revue “Recueil Dalloz”, París, 2014, pp. 1476 y ss.
préciser que ces faits remontaient à 1998, alors que les recherches en question
avaient lieu en 2010..., à une date, donc, où ces dettes avaient été entièrement
acquittées depuis longtemps. M. Costeja Gonzales demandait en conséquence à
l'éditeur de La Vanguardia de supprimer ou de modifier lesdites pages afin que
ses données personnelles n'y apparaissent plus. A tout le moins, arguait-il, il
faudrait le contraindre à utiliser certains des outils fournis par les moteurs de
recherche pour exclure l'indexation des pages concernées (1). En parallèle, il
requit que Google Spain et Google Inc. suppriment ou occultent ses données
personnelles des résultats de recherche. L'autorité de protection des données
espagnole (AEPD) rejeta la réclamation contre La Vanguardia, estimant que la
publication des informations en cause avait été légalement justifiée (elle avait
été ordonnée par le ministère du travail). Elle ne fut toutefois pas aussi clémente
à l'égard de Google (Spain et Inc.) estimant que, indépendamment du maintien
des données sur le site source, les exploitants de moteurs de recherche réalisent
des traitements de données et peuvent être qualifiés de responsables de
traitement ; qu'ils doivent endosser les obligations qui en découlent soit, en
l'espèce, assurer le retrait des données litigieuses et interdire leur accès lorsque
leur localisation et leur diffusion sont susceptibles de porter atteinte au droit
fondamental de protection des données et à la dignité des personnes au sens
large. Il faut remarquer que l'autorité espagnole précise que ce retrait peut être
prononcé sur le fondement de la simple volonté de la personne intéressée et
quand bien même les données ne seraient pas effacées du site « source ».
2. On s'en doute, Google n'a pas goûté l'injonction et a attaqué la décision ainsi
que M. Costeja Gonzales devant la « Cour nationale ». Eu égard à l'importance
des enjeux, celle-ci a posé plusieurs questions préjudicielles à la CJUE, pour
interprétation de la directive n° 95/46/CE applicable à la cause (2), ainsi que
des articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union protégeant
les droits au respect de la vie privée et des données personnelles (3). En
premier lieu, figuraient celles, centrales, des qualifications de l'activité du moteur
de recherche - « consistant à trouver des informations publiées ou placées sur
internet par des tiers, à les indexer de manière automatique, à les stocker
temporairement et, enfin, à les mettre à la disposition des internautes selon un
ordre de préférence donné » - et de son exploitant : procède-t-il à un «
traitement de données » ? En est-il un « responsable » au sens de la législation
concernée ? La Cour répond positivement à ces deux interrogations, ce qui
entraîne vers une troisième : l'exploitant du moteur peut-il être tenu de la mise
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Le Groupe « Article 29 », quant à lui, avait déjà ouvert une autre voie,
distinguant selon que le moteur de recherche tenait ou non une place
d'intermédiaire : il doit être reconnu responsable de traitement quand il collecte
les données de ses utilisateurs à dessein (collecte consciente d'adresses IP ou
d'historiques de recherche notamment) ; il ne doit pas l'être à titre principal, en
général et dans les autres cas, sauf à démontrer l'existence « d'une mémoire
cache à long terme ou des opérations à valeur ajoutée effectuées sur les
données à caractère personnel (comme l'établissement de profils de personnes
physiques) » (21). C'est cette voie que la Cour suit ici : l'exploitant du moteur
de recherche définit bien, par l'algorithme qu'il met en place et par ses créations
et organisations d'hyperliens, les moyens et finalités du traitement (22). La
conclusion est donc tombée, et c'est elle qui, entre autres, provoqua l'onde de
choc rappelée. Elle n'a pas de quoi dérouter, pourtant, certaines juridictions
nationales l'ayant retenue depuis quelques années (23). Elle repose, en outre et
à n'en pas douter, sur une interprétation téléologique respectable : pour la Cour,
la protection reconnue par la directive serait vidée de sa substance si on en
écartait ce pan énorme de l'activité numérique (24) ; or cette mise à l'écart ne
peut se justifier si on procède, comme la juridiction européenne, à une activation
spectaculaire, initiée en parallèle à l'égard des pouvoirs publics le 8 avril 2014
(25), de l'article 8 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union, adossé à
l'article 7. La protection effective du droit fondamental au respect de ses
données réclamait donc cette conclusion. Mais il faut aller plus loin et montrer en
quoi, à notre sens, la décision s'assoit sur une analyse juste des termes de «
moyens » et de « finalités » de la directive, au regard de la réalité de l'activité
des moteurs de recherche.
9. C'est pourquoi il est non seulement justifié mais plus efficace d'agir contre le
moteur.
Justifié, parce que le fait que ce dernier n'exerce pas de contrôle sur les données
à caractère personnel publiées sur les pages web sources est totalement
dépourvu de pertinence au regard de cette analyse : le traitement imputable au
moteur est celui qu'il réalise sur ses pages. En outre, il est de même indifférent
que le traitement opéré sur les sites d'origine soit licite, comme en l'espèce, et
que les données y demeurent accessibles, alors que le moteur serait sommé de
les retirer de ses listes. Enfin, on ne saurait reporter sur les sites sources la
responsabilité d'empêcher techniquement le repérage de l'information
personnelle par le moteur, en leur imposant l'utilisation des protocoles
d'exclusion (30) : il appartient au moteur d'endosser la charge du traitement de
l'information qu'il opère dans le cadre de ses activités ; il ne revient pas aux
autres de l'empêcher de mener une action défendue (31).
Il est plus efficace d'agir contre le moteur, de surcroît sur ses listes de résultats
se centralise l'information agrégée. Il serait vain de multiplier les interventions
auprès des éditeurs des différents sites, avec des discussions sur la légitimité de
la présence et du maintien de l'information blessante sur les sites d'origine
(32), ou de faire la course aux sites « miroir ».
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11. Est-ce à dire qu'il ne le puisse pas, de façon générale ? Il faut, tout d'abord,
préciser que la directive n° 2000/31/CE ne régit pas expressément la situation
des moteurs de recherche (39). Ensuite, le rapprochement de la présente
décision avec un autre arrêt de la CJUE rendu dans l'affaire Svensson le 13
février 2014 (40), en matière de droit d'auteur, incline à répondre de manière
nuancée. Dans cette espèce, il s'agissait de savoir si le fait de poser un lien vers
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un site - l'une des opérations réalisées par les moteurs - constituait un acte de
communication au public du contenu présent sur le site pointé. La Cour de
justice estima que tel n'était pas le cas, faute pour cette mise à disposition de
l'oeuvre d'être offerte à un « public nouveau ». Ainsi, pour les juges, le fait de
localiser la création présente sur un site et d'offrir les moyens d'y accéder
n'engendre pas une augmentation du public susceptible d'entrer en contact avec
l'oeuvre. L'intervention du relayeur apparaît ici neutre et ne déclenche pas d'acte
d'exploitation, directement dans le chef du poseur de lien. On assiste donc à la
floraison de solutions différentes qui pourraient être attribuées à la différence
des intérêts en présence, mais qui relèvent surtout d'une analyse poussée des
fonctions du moteur de recherche : le lien vers un site ne modifie pas
fondamentalement la perception, par le public, du contenu présent sur le site de
l'éditeur mais contribue seulement à offrir un moyen différent d'y accéder ;
l'agrégation et la hiérarchisation des résultats d'une recherche, ainsi que les
bribes de renseignements qui les accompagnent, recomposent l'image de
l'information présente sur internet et offre aux utilisateurs un service additionnel.
En sculptant les contours de l'information au travers de ses propres grilles
d'analyse et de présentation, fussent-elles réalisées par des procédés
algorithmiques, le moteur apparaît comme un acteur de troisième type dont la
Cour vient de mettre à jour la singularité (41).
Notes:
(2) Dir. n° 95/46/CE du 24 oct. 1995, relative à la protection des personnes physiques à l'égard
du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données.
(3) Sur lesquelles, Y. Padova et D. Lebeau-Marianna, Entre droit des données personnelles et
liberté d'expression, quelle place pour les moteurs de recherche ?, RLDI 2013. Etude 90.
(4) Prop. du Parlement européen et du Conseil relatif à la protection des personnes physiques à
l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, 25
janv. 2012, COM(2012) 11 final, sur laquelle E. Gattone, N. Martial-Braz et J. Rochfeld, Quel avenir
pour la protection des données en Europe ?, D. 2013. 2788 .
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(7) Art. 4, 1), Prop. préc. V. égal. G29, Avis n° 4/2007 du 20 juin 2007, sur le concept de données
à caractère personnel.
(8) Et pour certains excessive, V. concl. av. gén. N. Jääskinen, 25 juin 2013, § 29. Adde, en
France, J. Frayssinet, L'hébergeur et la fausse concurrence de la LCEN et du droit de la presse avec
le « droit d'opposition informatique et libertés », RLDI 2008, n° 1393 ; J. Le Clainche, Les moteurs
à la recherche d'un statut juridique, Légipresse 2011, n° 284, p. 368.
(9) Art. 2, b), Dir. préc. ; comp. la définition française, art. 2, al. 3, L. du 6 janv. 1978, mod.
(10) Pts 25 s.
(11) Pt 29.
(12) Comp. art. 3, I, L. du 6 janv. 1978 amendée ; art. 4, 5), Prop. de Règl. préc.
me
(14) V. par ex. TGI Montpellier, réf., 28 oct. 2010, M C. c/ Google France et Inc., RLDI 2011.
Act. 2317, obs. M. Trézéguet ; CCE 2011. Comm. 47, obs. crit. A. Lepage ; TGI Paris, réf., 15 févr.
me
2012, M Diana Z. c/ Google, RLDI 2012. Act. 2719, obs. M. Trézéguet ; CCE 2012. Comm. 54,
obs. A. Lepage.
(16) Concl. préc., § 72, se référant à G29, Avis n° 4/2007, supra note 7, p. 8.
(20) V. l'interprétation donnée de cette disposition par CJUE 23 mars 2010, aff. jtes C-236/08, C-
237/08, et C-238/08, Google France, D. 2010. 885, obs. C. Manara , 1966, obs. P. Tréfigny-Goy
, et 2011. 908, obs. S. Durrande ; RTD eur. 2010. 939, chron. E. Treppoz ; CCE 2010.
Comm. 88, obs. P. Stoffel-Munck, et Etude 12, par G. Bonet. Cette directive n'ignore pas, par
ailleurs, les moteurs de recherche, V. art. 2 et le renvoi à la Dir. n° 98/34/CE.
(22) Pts 33 et 40 ; V. égal., à titre d'esquisse, CJUE 6 nov. 2003, aff. C-101/01, Lindqvist, pt 25 :
« l'opération consistant à faire référence, sur une page internet, à diverses personnes et à les
identifier soit par leur nom, soit par d'autres moyens » constitue un « "traitement de données à
caractère personnel, automatisé en tout ou en partie", au sens de l'art. 3, § 1, de la [directive] »,
V. les obs. de C. de Terwangne, RDTI 19/2004, p. 67.
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e e
(23) TGI Montpellier, réf., 28 oct. 2010, supra note 14 ; récent, CE, 10 et 9 ss-sect. réun., 12
mars 2014, n° 353193 , AJDA 2014. 590 .
(24) Pt 30.
(25) CJUE 8 avr. 2014, aff. jtes C-293/12 et C-594/12, Digital Rights Ireland et Seitlinger, D.
2014. 1355 , note C. Castets-Renard , invalidant la Dir. n° 2006/24/CE du Parlement européen
et du Conseil, du 15 mars 2006, sur la conservation de données générées ou traitées dans le cadre
de la fourniture de services de communications électroniques accessibles au public ou de réseaux
publics de communications, et modifiant la Dir. n° 2002/58/CE, relative à la conservation des
données : la conservation des données était disproportionnée par rapport au but de sécurité
publique poursuivi.
(26) Pt 36.
(27) Pt 37.
(28) Pt 38.
(29) Pt 87.
(31) Pt 39.
(34) Pour le choix du statut d'intermédiaire, V. TGI Paris, réf., 15 mars 2012, supra note 14.
(35) Concl. préc., § 85 : la responsabilité devrait être « subsidiaire », par alignement sur la
catégorie de prestataires de services de la société de l'information et par analogie avec la
jurisprudence de la Cour sur les marques et les places de marché électronique.
(38) Pt 35.
(40) Aff. C-466/12, D. 2014. 480 ; RLDI 2014. 3371, obs. E. Derieux ; CCE 2014. Comm. 34,
obs. C. Caron ; V.-L. Benabou, Quand la CJUE détermine l'accès aux oeuvres sur internet. L'arrêt
Svensson, liens cliquables et harmonisation maximale du droit de communication au public,
http://vlbenabou.wordpress.com/2014/02/15/larret-svensson-liens-et-harmonisation-maximale-
du-droit-de-communication-au-public/.
(41) J. Grimmelman, « Speech Engines », 98 MINN. L. REV. 868 (2014), disponible sous licence
Creative Commons Attribution 3.0. : http://works.bepress.com/cgi/
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