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Méthodologie de la recherche juridique

Travaux dirigés – Rattrapage

La surveillance des salaries sur le lieu de travail

Christina Bostani

[21/5/2023]
Christina Bostani

La surveillance des salariés sur le lieu de travail

La vie quotidienne est marquée par des relations créant des problèmes juridiques divers.
Comme la majorité de la population adulte compte le travail comme partie intégrante de son
quotidien, il importe que les juristes s´occupent avec des questions y relative.
Il est évident que la vie professionnelle n´a pas été épargné de changements profonds liés au
progrès technologique. Des nouvelles techniques de surveillance ont fait leur première
apparition ce qui a bouleversé les relations de travail causant ainsi des polémiques provenant
de tous les acteurs qui y sont appliqués. Le législateur a dû faire face à des défis liés au
développement rapide des nouvelles technologies de l´information et de la communication et
il s´engage ainsi à régler les relations professionnelles et les problèmes juridiques concernant
la surveillance qui pourraient apparaître dans le monde du travail.
En législation luxembourgeoise la « surveillance » est définie comme étant « [t]oute activité
qui opérée au moyen d’instruments techniques, consiste en l’observation, la collecte ou
l’enregistrement de manière non occasionnelle des données à caractère personnel d’une ou de
plusieurs personnes, relatives à des comportements, des mouvements, des communications ou
l’utilisation d’appareils électroniques et informatisés » 1. Le « salarié » qui est l´acteur
primairement concerné est défini comme un « [t]ravailleur rémunéré qui en vertu d´un contrat
de travail fournit une prestation de travail à un employeur qui le paie et lui donne des
ordres »2.
Lors de cet essai, nous allons essayer d´examiner les différentes perspectives sur la
surveillance des salariés sur le lieu de travail, à savoir celle de l´employeur, du salarié et du
législateur. Pour arriver à ces fins il serait maintenant utile de s´interroger sur l´étendue
juridique de cette thématique.
Dans un premier temps, nous allons analyser la relation entre l´employeur et l´employé dans
le contexte de la surveillance sur le lieu de travail et leurs droits et obligations respectifs. En
un deuxième temps nous nous consacrerons de façon plus détaillée à la législation applicable
à cette matière.
1
A. GROSJEAN, « La surveillance des salariés sur le lieu du travail et les nouvelles technologies de
l'information au Grand-Duché du Luxembourg », J.T.L., 2012/3, n° 21, p. 70.
2
G. CORNU et M. CORNU, Vocabulaire juridique, 14ème éd., mise à jour par M. Cornu [et al.], Paris, PUF,
2022, p. 947.
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I. Une relation équilibrée entre les acteurs concernés


Nous commençons avec l´analyse des droits de l´employeur (A), en regardant les types de
surveillance qu´il peut utiliser et comment la surveillance est justifiable de sa part. Puis nous
passons au point de vue des salariés, donc des surveillés et leurs droits (B).

A) Les droits de l’employeur


Pour qu’une relation de travail ait lieu il faut impérativement deux acteurs, l’employeur et le
salarié. Dans cette partie nous allons nous vocaliser sur l’employeur.
L’employeur est défini par le dictionnaire consacré pour cet essai comme « personne
physique ou morale partie à un contrat de travail conclu avec un salarié. L’employeur exerce
des pouvoirs de direction, de contrôle et de sanction (…) »3. De cette définition ce qui semble
pertinent à explorer pour notre problématique est bien la partie concernant le pouvoir de
contrôle qu’un employeur peut exercer sur ses salariés. Le pouvoir de contrôle sera étudié
dans cet essai du point de vue de la surveillance.
Afin de bien pouvoir répondre à la problématique qui se pose lorsqu’on parle de la
surveillance des salariés sur le lieu de travail, il serait d’une grande utilité de s’interroger sur
ce que dicte le droit positif concernant les droits de l’employeur.
L’employeur peut exercer son contrôle sur ses salariés à travers des différentes techniques
comme la vidéosurveillance, le contrôle de l’utilisation des outils informatiques,
l’enregistrement des conversations téléphoniques, le système de reconnaissance biométrique
ou encore à travers des dispositifs de géolocalisation4.
Afin que l’employeur puisse exercer ces types de contrôle il doit tout de même se soumettre à
ce que dictent les différentes dispositions tant européennes que nationales à ce sujet. Le
règlement (UE) du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 5, plus spécifiquement
l’article 6 (a)-f)) met en place un cadre sous le quelle l’employeur doit se prouver conforme
afin de pouvoir exercer son contrôle sur ses salariés. Comme dicté sur le règlement
l’employeur doit avoir le consentement de ses salariés pas seulement afin de les surveiller
mais aussi afin de pouvoir en disposer des données qui en résultent de la surveillance 6 . Il est
aussi important que le traitement des données soit nécessaire afin que le contrant dont le sujet

3
S. GUINCHARD et T. DEBARD, Lexique des termes juridiques 2022-2023, 30e éd., Paris, Dalloz, 2022
p.583.
4
Chambre des salariés, La surveillance sur le lieu de travail, Luxembourg, Chambre des salariés, 2014, p. 9.
5
Règlement (UE) n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des
personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces
données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données), J.O.U.E., n° L
119, 4 mai 2016, p. 1, ELI : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32016R0679
6
Ibid, Art. 6, a).
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est la personne surveillée pourrait se voir exécuté7. En surcroît, et toujours d’après le même
règlement, l’employeur doit à tout moment pouvoir prouver que le traitement des données de
la personne surveillé (salarié) est bien fondé sur une obligation légale (base légale prévue par
le RGPD8) à laquelle l’employeur doit se soumettre9. Finalement, le point f) du même article
6 de ce règlement de haute importance pour les normes juridiques nationales, dicte que la
surveillance par l’employeur doit faire preuve d’intérêts légitimes 10. Ceci signifie en d’autres
termes que la surveillance doit être conforme par les règles en place et ne doit pas servir des
fins illicites.
La loi nationale d’autre part, à savoir le code du travail (Art. L. 261-1) dicte entre autres les
façons avec lesquelles l’employeur peut exercer son contrôle à travers la surveillance dans le
cadre des relations de travail11. La loi en question dicte que tout cela qui vient d’être
mentionné par le règlement est à respecter aussi bien dans le territoire national 12. La loi
nationale en question précise sous le point (2) que les employeurs qui envisagent d’exercer
une telle surveillance (qui implique le traitement des informations à caractère personnel du
salarié) se voient aussi obligés13 s’il s’agit d’un contrat qui tombe sur le secteur privé (droit
privé) d’informer le comité mixte ou si cela existe, la délégation du personnel ou même
l’inspection du travail et des mines. D’autre part, si le contrat appartient à un régime
statuaire14 l’employeur devra informer les différents organismes de représentation du
personnel. L’information devra contenir d’après cette loi une description détaillé du
raisonnement ainsi que de la technique de la surveillance envisagé par l’employeur. Le
troisième point de cette loi nationale dicte le contexte sous le quelle la surveillance des
salariés peut être considéré comme justifiée. Il s’agit donc d’après le premier point afin de
rassurer que les salariés soient sécures et sains dans leurs lieux de travail 15 , afin de contrôler
que les salariés ont effectivement effectué le travail exigé et de pouvoir ainsi déterminer leur
salaire exact16 et finalement afin de pouvoir organiser le travail selon un horaire mobile17.
Ayant maintenant étudié ce que le droit positif dicte sur la surveillance que l’employeur
peut exercer sur ces salariés on pourrait se demander quelle serrait l’étendue de ses droits
7
Ibid, Art. 6 b).
8
C. TERWANGNE et K. ROSIER, Le Règlement général sur la protection des données (RGPD/GDPR) :
analyse approfondie, Bruxelles, Larcier, 2018, p.647.
9
Règlement (UE) n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des
personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces
données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données), J.O.U.E., n° L
119, 4 mai 2016, p. 1, ELI : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32016R0679,
Art. 6, c).
10
Ibid, Art. 6, f).
11
Loi du 1er août 2018 portant organisation de la Commission nationale pour la protection des données et mise
en œuvre du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la
protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre
circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données),
portant modification du code du travail et de la loi modifiée du 25 mars 2015 fixant le régime des traitements et
les conditions et modalités d’avancement des fonctionnaires de l’État, Mém. A, n° 686, 18 août 2018.
12
Ibid, (1).
13
Ibid, (2).
14
Ibid (2).
15
Ibid (3) 1.
16
Ibid, (3), 2.
17
Ibid (3), 3.
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dans la sphère plus pratique de cette problématique. Nous venons donc à l’aide du droit
positif national et européenne d’établir un cadre sous le quelle l’employeur a le droit
d’exercer son contrôle de surveillance sur ses salariés. Il s’agit donc pour la plus grande
partie de respecter la sphère de la vie privée du salarié tout en le surveillant pour les besoins
de l’exécution d’un contrat de travail. Il est tout de même possible de se demander où sont les
limites de la sphère de la vie privée du salarié et où commence le droit de surveillance de
l’employeur. La Cour d’appel a statué le 31 mai 2018 sur une affaire qui semble avoir la
même problématique de limites de la sphère privée du salarié qu’on vient de se poser. La
Cour d’appel a donc entre autres dicté que « en matière de droit travail, si les intérêts de
l’entreprise l’exigent et que certaines conditions sont remplies, il doit être permis à
l’employeur de porter atteinte à la vie privée de son salarié, ce d’autant plus qu’inviolabilité
absolue (…) »18. Sur cette affaire, le salarié aurait envoyé des documents appartenant de
manière confidentielle à l’entreprise vers sa copine. Ce dernier aurait été licencié par son
employeur avec préavis et pendant ce préavis il a dû rendre tout son matériel informatique à
son employeur y compris les fichiers s’y trouvant sur cet ordinateur. L’employeur aurait donc
aux fins d’un contrôle habituel (afin de pouvoir clôturer les dossiers déjà existants de son ex-
salarié) trouvé les courriels électroniques litigieux. Il a donc sur ce, licencié encore une fois,
cette fois sans préavis, son salarié pour faute grave. Le salarié aurait par la suite attaqué son
ex-employeur dans une première instance pour licenciement abusif en faisant recours à
l’article 14 de la loi du 2 août 2002 relative à la protection des personnes à l’égard du
traitement des données à caractère personnel. Dans une deuxième instance les juges ont jugé
que les courriels électroniques se trouvant dans l’ordinateur mise à disposition par
l’employeur ne constituent pas des informations à caractère personnel 19 et que son
licenciement pour faute grave était justifié. Il est donc possible d’en retirer de ce cas que la
sphère de la vie privée du salarié est très limitée lorsque celle-ci prend lieux aux lieux et à
travers les outils professionnels.
En outre, afin de souligner le caractère de place avantageuse de l’employeur vis-à-vis de
la sphère de la vie privée du salarié sur les lieux de travail l’arrêt de la Cour d’appel du 27
janvier 202220 en matière de droit du travail confirme encore une fois que la vie privée des
salariés sur les lieux de travail est très limitée. En effet, une salariée se voit licenciée avec
préavis pendant sa période d’essai avec une dispense de travail. Trois jours après son
licenciement avec dispense du travail, son ordinateur professionnel est saisi par la personne
responsable du matériel professionnel appartenant à l’entreprise. La personne en question
aurait constaté que l’ordinateur était allumé et a pu ainsi avoir accès à celui-ci. Il est ici
important de noter que la personne était chargée de clôturer les affaires au cours sur
l’ordinateur afin de pouvoir le réutiliser à d’autres fins. Tout de même et pendant ce
processus la personne aurait trouvé sur l’ordinateur des conversations (ouvertement exposées)
de l’application « WhatsApp ». La personne a donc lu les conversations et a découvert des
messages « racistes, discriminatoires, injurieux et pour la plupart, échangés pendant les

18
CAL, 8e civ., 31 mai 2018, n° 67/18, n° 43972 du rôle, publiée sur www.justice.public.lu
19
CAL, 8e civ., 31 mai 2018, n° 67/18, n° 43972 du rôle, publiée sur www.justice.public.lu
20
CAL, 3e civ., 27 janvier 2022, n° 17/22-III-TRAV, n° CAL-2021-00184 du rôle, publiée sur
www.justice.public.lu
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heures de travail »21. Ainsi, l’employeur a décidé la mise à pied du salarié en question. La
salariée quant à elle a introduit un recours de « nul et non avenue » pour sa mise à pied en
raison des preuves illégaux22.
Les juges de dernière instance ont jugé que même si ces informations se trouvant sur son
ordinateur et sur une application dont le caractère est qualifié comme appartenant à sa sphère
privée, ses informations étaient toute de même facilement accessibles (ordinateur pas éteint et
application sans code) et pourraient ainsi être prise en compte comme une justification bien
valide pour sa mise à pied. Il est aussi important de mentionner que la salariée avant sa mise à
pied avait demandé une annulation de son licenciement dû à sa grossesse déjà entamée. La
salariée donc qui se trouvait même dans une situation de grossesse s’est vue perdre ses droits
sur toutes les indemnités qu’elle aurait pu acquérir dû à la mise à pied justifiée par les juges.
Sous guise de conclusion, nous pourrons établir éventuellement une corrélation positive entre
la relation de subordination entre l’employeur et son salarié avec la place avantageuse que
l’employeur détient sur la surveillance de ses salariés. Comme nous l’avons vu dans ces deux
arrêts, même des informations qui pourraient être aperçues à premier vue comme telles qui
appartient à la sphère de la vie privée du salarié elles peuvent vite être jugés contrairement et
coûter ainsi considérablement à l’avantage de l’employeur.

Nous venons donc de parcourir au long et au large l’entendue juridique tant en théorie qu’en
pratique du point de vue de l’employeur. Avec tous les différents moyens de surveillance
dont dispose l´employeur, rendus possibles par le progrès technologique/ numérique qui ne
cesse de se développer, il est crucial de se rendre compte des droits qu´ont les salariés et qu
´ils pourraient évoquer dans le cas où il y a un excès de surveillance de la part de l
´employeur.
En d´autres mots ; comment les salariés peuvent-ils se protéger ?

B) Les droits de l´employé


Une surveillance excessive par l´employeur risque notamment de violer le droit au respect de
la vie privée dont jouissent les salariés en tant que personnes physiques. En effet, à cet égard
les salariés sont tout d’abord protégés par la loi tant sur le niveau national qu´ à l´échelle
européenne. La législation impose des restrictions à la surveillance en général, prenant
comme exemple d´étendue européenne, le règlement général sur la protection des données
(RGPD) ou encore l´article 8 de la Convention des droits de l´Homme. Puis pour la
législation luxembourgeoise, on a par exemple la loi de 2002 ou encore les articles L-261-1 et
L-261-2 du Code du travail qui s´appliquent de manière plus spécifique au lieu de travail et
aux salariés, visant à garantir le respect de la vie privée des salariés au lieu de travail 23.
21
CAL, 3e civ., 27 janvier 2022, n° 17/22-III-TRAV, n° CAL-2021-00184 du rôle, publiée sur
www.justice.public.lu
22
Ibid, p.3.
23
E. FRONCZAK, « La protection de la vie privée, de l'image et de la correspondance du salarié. Perspectives
luxembourgeoise et européennes », J.T.L., 2018/1, n° 55, p. 8.
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L´objectif du législateur est de maintenir l´équilibre entre les intérêts de l´employeur qui
recherche le profit et risque dans le processus de violer les droits de ses salariés de l´un côté,
et le respect de la vie privée du salarié de l´autre côté24.
On peut y conclure que la surveillance ne doit être tolérée par les salariés que si certaines
conditions sont remplies. L´article 261-1 du Code du travail fixe cinq cas d´ouverture qui
permettent une surveillance sur le lieu de travail. La légalité de la surveillance, sous n
´importe quelle forme elle pourrait se présenter, est limitée à ces cinq scénarios, restreignant
par cela l´employeur dans sa volonté de surveiller ses salariés de façon que la finalité de la
surveillance ne peut en principe pas être de surveiller le comportement ou de mesurer la
productivité des salariés25. À défaut, la surveillance est jugée illicite soit par la CNPD, soit
par une juridiction du travail.
D´après Alain Grosjean, il faut faire attention à quatre grands principes qui doivent être
respectés en matière de surveillance sur le lieu de travail et de traitement de données à
caractère personnel. Premièrement, on a ce qu´il nomme le « principe de légitimité »26
renvoyant aux cas d’ouvertures cités par l´article 261-1 du Code du travail. La surveillance n
´est qualifiable comme légitime que si le système de surveillance a été introduit pour une des
cinq raisons mentionnées par cet article. Deuxièmement Grosjean évoque le « principe de
proportionnalité »27, ce qui signifie que la mesure de surveillance entamée par l´employeur
doit être absolument nécessaire pour l´obtention d´une finalité légitime et non pas opportune.
Elle devrait donc, comme le nom le laisse deviner, être proportionnelle aux finalités.
Troisièmement, il parle du « principe de finalité »28, qui dit que le traitement des données
collectées doit correspondre à la finalité initialement déterminée. Le dernier principe
mentionné est le « principe de transparence »29, selon lequel les salariées doivent être
informés qu´ils seront surveillés et les modalités de cette surveillance. L´employeur doit
avertir non seulement les salariés concernés mais aussi la délégation / les représentants du
personnel et notifier la CNPD. En tout cas, la vidéosurveillance cachée est interdite par
exception d´une ordonnance par le juge d´instruction en matière pénale30.
La surveillance sur le lieu de travail se caractérise par un rapport de subordination juridique 31
entre l´employeur et le salarié, c´est pourquoi le législateur prévoit que le consentement seul
ne suffit pas si la situation ne correspond pas à un des cas d´ouverture mentionnés ci-dessus32.

24
Ibid, p. 11.
25
A. GROSJEAN, « La surveillance des salariés sur le lieu du travail et les nouvelles technologies de
l'information au Grand-Duché du Luxembourg », J.T.L., 2012/3, n° 21, p. 76.
26
Ibid, p. 70.
27
Ibid, p. 71.
28
Ibid, p. 72.
29
Ibid.
30
E. FRONCZAK, « La protection de la vie privée, de l'image et de la correspondance du salarié. Perspectives
luxembourgeoise et européennes », J.T.L., 2018/1, n° 55, p. 10.
31
Ibid, p. 8.
32
A. GROSJEAN, « La surveillance des salariés sur le lieu du travail et les nouvelles technologies de
l'information au Grand-Duché du Luxembourg », J.T.L., 2012/3, n° 21, p. 71.
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Quelques autres droits dont dispose le salarié, sont notamment le droit d´accès et de
rectification définis par les articles 28 et 29 de la loi modifiée du 2 août 2002 33. Le salarié a le
droit de demander à l’employeur ou le cas échéant au responsable du traitement des données
d´accéder aux données qui font l´objet d´un traitement et il peut exiger que certaines données
soient rectifiées ou même effacées.
Ce qui est de plus c´est que la loi prévoit une limitation de la durée de conservation des
données à caractère personnel. Les données collectées doivent en principe être détruites après
un certain délai qui varie en fonction du temps nécessaire pour atteindre les finalités
initialement déterminées et du type de donnée. A titre d´exemple, la CNPD prévoit en général
une durée de 8 jours pour les enregistrements de vidéosurveillance. Toutefois, les données
peuvent être conservées plus longtemps à condition qu´elles soient anonymisées de façon
irréversible. Une exception vaut pour le cas où les données en question sont utilisées dans le
cadre d´une poursuite pénale34.
Supplémentairement, l´employeur n´a pas la permission de surveiller un salarié individuel, en
principe la surveillance doit rester générale. Une surveillance ciblée peut seulement être
permis dans le cas où il y a des indices qu´un salarié cause par ses faits des préjudices à l
´entreprise. En cas de procès judiciaire, l´employeur devrait être capable de démontrer qu´il y
avait des indices d´un comportement abusif ou nuisible à l´entreprise de la part du salarié en
question qui justifiaient de le surveiller de manière plus précise. C´est aussi une mesure pour
protéger les salariés de l´éventualité d´une surveillance abusive, voire discriminatoire. 35
Avant la modification de l´article 261-1 du Code du travail par la loi du 1 er aout 201836, l
´employeur devait préalablement à la mise en place d´une mesure de surveillance, demander
une autorisation de la Commission nationale pour la protection des données (CNPD). Après
ce changement législatif, il suffit d´envoyer une notification à la CNPD37.
Si les salariés estiment que les mesures de surveillance annoncées, voire mises en œuvre par l
´employeur ne sont pas conformes à la loi, ils (ou le cas échéant la délégation du personnel)
peuvent faire une demande, voire une réclamation auprès de la CNPD afin d´obtenir son avis.
S´il s´agit d´“une demande d´avis préalable“ introduite dans les 15 jours après le(s)
demandeur(s) ont reçu l´information d´un nouveau régime de surveillance, concernant les
salariés, de l´employeur, ce nouveau régime ne peut être introduit avant l´obtention de l´avis
de la CNPD qui devrait communiquer sa réponse dans le délai d´un mois partant de la date de
33
Chambre des salariés, La surveillance sur le lieu de travail – dialogue thématique, Luxembourg, Chambre des
salariés, 2014, p. 20.
34
Ibid.
35
E. FRONCZAK, « La protection de la vie privée, de l'image et de la correspondance du salarié. Perspectives
luxembourgeoise et européennes », J.T.L., 2018/1, n° 55, p. 13.
36
Loi du 1er août 2018 portant organisation de la Commission nationale pour la protection des données et mise
en œuvre du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la
protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre
circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données),
portant modification du code du travail et de la loi modifiée du 25 mars 2015 fixant le régime des traitements et
les conditions et modalités d’avancement des fonctionnaires de l’État, Mém. A, n° 686, 18 août 2018.
ELI : https://www.legilux.public.lu/eli/etat/leg/code/travail/20201101.
37
E. FRONCZAK, « La protection de la vie privée, de l'image et de la correspondance du salarié. Perspectives
luxembourgeoise et européennes », J.T.L., 2018/1, n° 55, p. 14.
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la demande. Si à n´importe qu´elle point un ou plusieurs salariés introduisent une réclamation


auprès de la CNPD concernant une mesure de surveillance litigieuse, les salariés demandeurs
sont protégés contre le licenciement pour cause de cette réclamation 38. Ceci constitue un droit
qu´ont les salariés et que l´employeur ne peut pas légalement réprimer.
Dans le cas où l´employeur entreprend un licenciement par conséquence d´une faute de la
part de l´employé, qu´il veut justifier par une preuve obtenue par le biais de la surveillance,
p.ex. par vidéosurveillance ou surveillance d´utilisation d´internet/ de la messagerie sur le
matériel de travail, le salarié concerné qui estime que la surveillance n´était pas conforme à la
loi, a la possibilité de faire comparaître son ancien employeur devant le tribunal du travail. Il
convient aux juges d´apprécier la licéité de la preuve apportée par l´employeur. La
jurisprudence montre que si la preuve est jugée illicite par son obtention par exemple, le
licenciement peut être déclaré abusif et l´employeur pourrait être condamné à payer des
dommages-intérêts au salarié licencié39.
Un employeur qui ne respecte pas la loi en ce qui concerne la surveillance de ses salariés,
risque des sanctions pénales, notamment des peines d´emprisonnement allant de huit jours à
un an et/ ou une amende de 251€ jusqu´à 125.000€. Il faut encore ajouter que le juge peut
condamner l´employeur á une cessation de la surveillance qu´il juge non-conforme à la loi 40.
On retient que la surveillance n´est possible qu´en quelques cas déterminés par la loi. Nous
allons aborder la législation de façon plus détaillée dans la partie suivante de cet essai.
La jurisprudence luxembourgeoise mais aussi celle de nos pays voisins montrent qu´en réalité
il n´est pas toujours très clair de savoir ce qui relève de la sphère professionnelle et ce qui
relève en revanche de la sphère privée du salarié. Ainsi en ce qui concerne la surveillance de
la messagerie électronique du salarié sur les outils informatiques professionnels mis à la
disposition des salariés par l´employeur, il est en principe présumé que les courriels sur le
compte professionnel sont de nature professionnelle et peuvent par conséquence être
surveillés par l´employeur41. Ainsi la CNPD recommande aux salariés d´indiquer dans l
´intitulé des messages privées qu´il s´agit de courriels « personnels » ou « confidentiels »
pour qu´ils ne puissent légalement être accédés par l´employeur42.
Prenant un exemple de la Cour d´appel de l´année 2018 a statué dans ce contexte que « [l]e
salarié a ainsi droit, même au temps et lieu de travail, au respect de sa vie privée qui implique
en particulier le secret de la correspondance dont font partie les courriers électroniques reçus
et envoyés par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail et ce

38
Chambre des salariés, « Surveillance sur le lieu de travail : Ce qui change avec la nouvelle loi », Socionews,
n° 6/2018, 20 août 2018, p.2.
39
E. FRONCZAK, « La protection de la vie privée, de l'image et de la correspondance du salarié. Perspectives
luxembourgeoise et européennes », J.T.L., 2018/1, n° 55, p. 11.
40
C. trav., art. L-261-2.
41
A. GROSJEAN, « La surveillance des salariés sur le lieu du travail et les nouvelles technologies de
l'information au Grand-Duché du Luxembourg », J.T.L., 2012/3, n° 21, p. 72.
42
E. FRONCZAK, « La protection de la vie privée, de l'image et de la correspondance du salarié. Perspectives
luxembourgeoise et européennes », J.T.L., 2018/1, n° 55, p.11
Christina Bostani

même au cas où l'employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de


l'ordinateur »43.
Nous résumons à ce point que la loi rattache beaucoup de conditions à la surveillance et
fournit par conséquence des possibilités de défense aux salariés pour lutter juridiquement
contre des abus effectués par leur employeur. À part du législateur, il y a encore d´autres
organes qui pourraient s´engager à protéger les salariés en matière de surveillance.
À l´intérieur de l´entreprise ou en général du lieu de travail, quelques structures sont mises en
place pour représenter les intérêts des salariés et ainsi pour défendre leurs droits, aussi leurs
droits relatifs au respect de la vie privée comme entre autres le secret de correspondance. Ce
sont notamment le comité mixte, voire la délégation du personnel ou encore l´inspection du
travail et des mines44 qui disposent d´un certain pouvoir de décision et cherchent à protéger
les salariés contre des mesures de surveillance abusives sur le lieu de travail.
Il ne faut surtout pas oublier la Commission nationale sur la protection des données (CNPD)
qui a déjà été mentionnée à plusieurs occasions dans cet essai.

Récemment, la pandémie a encore une fois attiré l´attention sur des questions juridiques liées
à la surveillance des salariés dans le contexte du télétravail. Pendant le confinement, la vie
professionnelle et la vie privée ont, pour beaucoup de gens, eu lieu dans le même endroit ;
leur domicile. Ceci avait pour conséquence que l´ancien régime de surveillance était pour la
plupart inutile et qu´un déséquilibre entre les intérêts de l´employeur et de ceux des salariés,
soit en faveur des salariés, soit dans leur défaveur suite à des nouvelles mesures de
surveillance qui ont été introduits brusquement et dont la licéité n´était pas toujours prouvée/
qui étaient excessives et qui ont portées atteinte à la vie privée des salariés.
Il se pose maintenant la question d’approfondir la problématique de la surveillance au lieu de
travail.

II. Les problèmes de droit causés par la surveillance

Ayant parcouru les différents angles juridiques basiques au sujet de la surveillance des
salariés, on pourrait approfondir notre analyse. A ces fins nous avons lors de cette partie
évoquer des différentes conflits des normes qui en résultent par la surveillance (A) ceci en
comparant des différentes normes en vigueur qui régissant la même matière. Dans un second
temps, nous allons nous plancher sur l’actualité de notre sujet ainsi que les complexités non
seulement juridiques mais aussi éthiques qui en résultent (B).
A) Conflit des normes par la surveillance des salariés

43
CAL, 31 mai 2018, n°67/18, n° 43972 du rôle, publiée sur www.justice.public.lu
44
A. GROSJEAN, « La surveillance des salariés sur le lieu du travail et les nouvelles technologies de
l'information au Grand-Duché du Luxembourg », J.T.L., 2012/3, n° 21, p. 71.
Christina Bostani

Après une première analyse des droits de l’employeur ainsi que du salarié il est possible de se
tromper en estimant que dans le cadre de surveillance des salariés la relation entre les deux
acteurs principaux est clairement définit et que ceci se reflète bien sur des normes en vigueur
à ce sujet. La réalité est toute de même loin d’être si utopique qu’elle semble en premier vue.
Cela étant dû aux principes fondamentaux et des normes en vigueur qui se voient s’affronter.
D’après la Déclaration universelle des droits de l’homme, un texte législatif d’importance
primordial, qui dicte que « [t]ous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en
droits »45 il est vite constatable que le fait d’intriguer sur la vie privée d’un individu en le
surveillant pendant l’exercice de son travail, peu importe le moyen, lui provoque un
sentiment de limitation de sa liberté46 qui lui était attribué par sa naissance et par le droit. Il
s’agit donc d’un véritable affrontement du principe fondamental de la liberté avec les normes
déjà mentionnées tout au long de ce travail qui donnent la liberté (exprimé sous forme de
droit) aux employeurs d’exercer leur surveillance sur leurs salariés. De plus, comme la
Déclaration des droits de l’homme de 1789 le dicte sous l’article 2 « [le] but de toute
association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme.
Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression. » 47 . Or, la
propriété citée implique le droit fondamental de la propriété ce qui n’inclue pas seulement la
propriété des biens acquis, mais aussi des biens qui résident dans la propriété de l’homme dès
sa naissance comme le droit à son image. Néanmoins, comme déjà mentionné, des normes
plus spéciales mises en place sur la protection de l’image de l’homme ont été depuis adoptés
depuis, encadrant ainsi la propriété de l’image de l’homme de telle façon que celle-ci perd
son caractère de liberté absolue et laisse ainsi la place aux employeurs d’exercer leur droit de
surveillance sur leurs salariés. Ceci principalement dû au principe de lex specialis derogat
legi generali48 qui dicte que la règle la plus spéciale, c’est-à-dire la règle qui est plus adaptée
à un sujet spécifique, prévaut de la règle générale. Étant souvent le cas en droit positif ceci ne
parait plus choquant alors qu’en effet il s’agit de deux normes qui se confrontent l’une avec
l’autre au « couts » du salarié pour la plus part du temps. De surcroît, au sujet de la
surveillance des salariés le concept de la vie privé est sans doute attachée. Ceci du fait que de
nos jours, la vie professionnelle avec la multitude des outils de surveillance des salariés a la
tendance à s’immiscer, souvent mais pas toujours de façon involontaire, dans la sphère de la
vie privée des salariés en question. Or, d’après la loi du 11 août 1982 concernant la protection
de la vie privée et spécifiquement son article 1er «[c]hacun a le droit au respect de sa vie
privée. Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire tout
mesures, telles que séquestre, saisi et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à

45
Déclaration universelle des droits de l’homme, 10 décembre 1948, article premier.
46
S. BOGORATZ, C. BAUER, « La vidéosurveillance du salarié : Pour une protection juridique nouvelle de
son image et de l’intimité de sa vie privée », 1994, disponible sous :
https://www-cairn-info.proxy.bnl.lu/article.php?ID_ARTICLE=LEGI_010_0014#no19 (consulté le 19 mai
2023).
47
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, 26 août 1789, article 2.
48
CJEU, 7ième ch., 7 décembre 2017, Eurallumina SpA – Commission Européenne, C-323/16 P,
ECLI :EU :C :2017 :952, §54.
Christina Bostani

l’intimité de la vie privée ; mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en référé. » 49.
Néanmoins, lors de la surveillance des salariés il est possible sur titre d’exemple d’avoir
accès à ces échanges de la vie privé lorsque celles-ci ont lieu à l’aide des utiles professionnels
comme nous l’avons invoqué sur le cas de la salariée qui s’est vue licenciée sans préavis pour
des motifs graves en raison des conversations classifiés comme racistes et discriminatoires
sur son ordinateur professionnel50. Néanmoins, il est évident que ces conversations étaient
telles qu’appartenant à sa sphère de vie et opinions privées, l’exercice desquelles, d’après un
point de vue, appartiennent à ses droits fondamentaux. Il en va donc de soi, de constater que
le droit à la vie privée se voit se limiter considérablement lorsqu’en parle des droits de
l’employeur ainsi qu’à l’utilisation de ces informations aux « couts des salariés ». En outre, et
toujours en se référant à la Déclaration universalise des droits de l’homme, il est impossible
de ne pas évoquer le droit à la dignité 51 qui réside également dans chaque individu. En effet,
la vidéosurveillance, étant un des utiles les plus appliqués par les employeurs, met en péril la
dignité des salariés qui en sachant qu’ils sont surveillés à l’aide des caméras se voient obligés
d’adapter leur comportement de façon que celui-ci ne risque pas de créer des conflits avec
l’employeur en résultant ainsi à une éventuelle perte de leurs identité vue au sentiment de
surveillance permanente ou pas52. Ceci venant encore une fois en contradiction avec les
normes en vigueur qui dictent qu’une surveillance des salariés est permis (sous des conditions
bien spécifiques) or, il n’est pas possible d’effectuer des contrôles continues sur la façon dont
les employeurs exercent ce contrôle de vidéosurveillance résultant ainsi, encore une fois à
une confrontation directe avec les principes fondamentaux des hommes (ici les salariés).
Finalement, le principe de non-discrimination régit par l’article 251-1 du code du travail dicte
que « [t]oute discrimination directe ou indirecte fondée sur la religion ou les convictions,
l’handicap, l’âge l’orientation sexuelle, l’appartenance ethnique, vraie ou supposée, à « une
nationalité, » une race ou ethnie est interdite. » 53. Or, il est possible de faire preuve d’une, ou
plusieurs, forme(s) de ce(s) discrimination(s) à l’aide de sousveillance en focalisant celle-ci à
certains salariés les rendant ainsi des victimes de discrimination. En addition de ceci, il est
très difficile, voire impossible de prouver une telle hypothèse comme les normes en vigueur,
n’autorisant surtout pas la discrimination mais en grande partie la surveillance constante des
salariés « protègent » les employeurs.
En concluant, nous venons de voir que malgré le cadre très bien juridiquement définit, la
surveillance des salariés n’épargne pas les confrontations des grands principes fondamentaux
des hommes avec des normes en vigueur de la surveillance des salariés.
Ayant analysé les différents conflits qui en résultent de la vidéosurveillance en termes des
normes juridiques nous pourrons nous poser la question sur ce qui est du présent.

49
Loi du 11 août 1982 concernant la protection de la vie privée, Mém. A, n°86, 12 octobre 1982, ELI:
https://www.stradalex.lu/fr/slu_src_publ_leg_mema/toc/leg_lu_mema_198210_86/doc/mema_1982A18401.
50
CAL, 3e civ., 27 janvier 2022, n° 17/22-III-TRAV, n° CAL-2021-00184 du rôle, publiée sur
www.justice.public.lu.
51
Déclaration universelle des droits de l’homme, 10 décembre 1948, article premier.
52
S. Bogoratz, C. Bauer, « La vidéosurveillance du salarié : Pour une protection juridique nouvelle de son image
et de l’intimité de sa vie privée », 1994, disponible sous : https://www-cairn-info.proxy.bnl.lu/article.php?
ID_ARTICLE=LEGI_010_0014#no19 (consulté le 19 mai 2023).
53
Code du travail, Art. L. 251-1 (1).
Christina Bostani

B) La surveillance des employés en télétravail : enjeux juridiques et éthiques


Après une longue crise de COVID-19, la surveillance des salariés s’est étendue vers des
nouvelles dimensions et niveaux de surveillance. D’après les estimations d’Eurofound plus de
40 % des travailleurs européens54 ont vu leur domicile se transformer en leur lieu de travail et
vise versa. Or, ceci n’épargne pas la complexité de la surveillance mais l’accroît plutôt.
Alors que le télétravaille a gagné en popularité lors de la pandémie, il existait en tant
qu’alternative juridiquement soutenue depuis plus des 10 ans déjà 55. Afin de mieux
développer l’étendue juridique du télétravail sous l’angle de la surveillance des salariés il en
convient mieux d’explorer dans un premier temps la définition du télétravail comme présenté
sur la Convention du 20 octobre 2020 relative au régime juridique du télétravail. D’après ce
dernier, « [l]e télétravail constitue une forme particulière d’organisation de travail qui est
régie par les dispositions du Code du Travail ainsi que les stipulations de la présente
convention. ». Nous apercevons donc de cette définition que le télétravail n’est juridiquement
pas autrement articulé que le travail conventionnel malgré ceci il y en a des aspects qui le
différencie et soulèvent sa complexité sur ce qui concerne sa surveillance.
Un des principaux enjeux juridiques résultant de la surveillance des employés en télétravail
concerne la protection de leur vie privée. En travaillant à partir de son domicile, le salarié
ayant droit à une sphère de vie privée qui doit être respecté par son employeur 56 se trouve tout
de même en difficulté afin de clairement délimiter clairement les limites de sa vie privée et sa
vie professionnelle lorsque les deux prennent lieu au même endroit. Souvent, le fait d’utiliser
des dispositifs personnels afin d’accomplir son travail risque de dépasser les limites entre la
vie professionnelle et la sphère de la vie privée. Afin d’éviter cela, l’avis de l’UE consacrée à
cette partie de l’étude propose que « Le CESE reconnaît qu’il importe de définir clairement,
avant de mettre en place le télétravail, toutes les questions relatives aux équipements, aux
responsabilités et aux coûts. Il estime qu’en règle générale, les employeurs sont responsables
de la fourniture, de l’installation et de l’entretien des équipements nécessaires au télétravail.
L’employeur devrait prendre directement en charge les frais encourus en télétravail, en
particulier ceux liés à la communication (consommables, téléphonie mobile, internet). »57
limitant ainsi la possibilité d’un mélange de la vie professionnelle avec la vie privée du
salarié.
En outre, comme mentionnée pour le travail dit conventionnel, de même pour le télétravail, il
est primordialement exigé des employeurs à respecter le principe de transparence et de
54
Avis du Comité Économique et Social Européen sur le thème « Les défis du télétravail : organisation du
temps de travail, équilibre entre vie professionnelle et vie privée et droit à la déconnexion », 24 mars 2021,
J.O.U.E., C 220/01, 9 juin 2021, ELI : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?
uri=CELEX:52020AE5278&from=ES .
55
Site officiel de la Chambre des salariés du Luxembourg, accessible sous :
https://www.csl.lu/fr/vos-droits/salaries/types-demplois/teletravail/ (consulté le 20 mai 2023).
56
Convention du 20 octobre 2020 relative au régime juridique du télétravail, J.O.G.D.L., Mém. A, n°76, 29
janvier 202, ELI: https://data.legilux.public.lu/filestore/eli/etat/leg/rgd/2021/01/22/a76/jo/fr/pdfa/eli-etat-leg-
rgd-2021-01-22-a76-jo-fr-pdfa.pdf.
57
Avis du Comité Économique et Social Européen sur le thème « Les défis du télétravail : organisation du
temps de travail, équilibre entre vie professionnelle et vie privée et droit à la déconnexion », 24 mars 2021,
J.O.U.E., C 220/01, 9 juin 2021, § 1.10., ELI : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?
uri=CELEX:52020AE5278&from=ES .
Christina Bostani

communication58 sous du point de vue que le salarié surveillé en question doit être au
préalable informé sur tous les détails de la surveillance qu’on lui impose en tant
qu’employeur.
Du point de vue éthique, la surveillance des salariés, soutenue par un cadre juridique
spécifique, peut tout de même entrainer des conséquences négatives sur le bien-être
psychique et émotionnel des salariés59. En effet, le fait de se sentir constamment surveillé
semble avoir une corrélation positive avec l’augmentation du stress 60, le sentiment de
disparition de la vie privée résultant à une anxiété constante.
En concluant, la surveillance des salariés en télétravail soulève des enjeux juridiques et
éthiques complexes. Les employeurs se trouvent sous une obligation non seulement juridique
mais aussi éthique afin de faire preuve de respect vis-à-vis de leurs salariés, ce qui de nos
jours ne semble pas aussi simple que ça.

58
A. GROSJEAN, « La surveillance des salariés sur le lieu du travail et les nouvelles technologies de
l'information au Grand-Duché du Luxembourg », J.T.L., 2012/3, n° 21, p. 76.
59
A. ALI, “L’influence du télétravail à domicile sur l’apparition d’un burn out chez le télétravailleur », Faculté
des sciences économiques, sociales, politiques et de communication, Université catholique de Louvain, 2021, p.
39.
60
A. ALI, “L’influence du télétravail à domicile sur l’apparition d’un burn out chez le télétravailleur », Faculté
des sciences économiques, sociales, politiques et de communication, Université catholique de Louvain, 2021, p.
39.
Christina Bostani

Bibliographie

Législation
Déclaration universelle des droits de l’homme, 10 décembre 1948, article premier.
Règlement (UE) n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la
protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la
libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la
protection des données), J.O.U.E., n° L 119, 4 mai 2016, ELI : https://eur-lex.europa.eu/legal-
content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32016R0679
Loi du 1er août 2018 portant organisation de la Commission nationale pour la protection des données
et mise en œuvre du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016
relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère
personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement
général sur la protection des données), portant modification du code du travail et de la loi modifiée du
25 mars 2015 fixant le régime des traitements et les conditions et modalités d’avancement des
fonctionnaires de l’État, Mém. A, n° 686, 18 août 2018. ELI :
https://www.legilux.public.lu/eli/etat/leg/code/travail/20201101.
Avis du Comité Économique et Social Européen sur le thème « Les défis du télétravail : organisation
du temps de travail, équilibre entre vie professionnelle et vie privée et droit à la déconnexion », 24
mars 2021, J.O.U.E., C 220/01, 9 juin 2021, ELI :
https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52020AE5278&from=ES
C. trav., art. L. 251-1 (1), L-261-(2).
Loi du 11 août 1982 concernant la protection de la vie privée, Mém. A, n°86, 12 octobre 1982, ELI:
https://www.stradalex.lu/fr/slu_src_publ_leg_mema/toc/leg_lu_mema_198210_86/doc/
mema_1982A18401.
Convention du 20 octobre 2020 relative au régime juridique du télétravail, J.O.G.D.L., Mém.
A, n°76, 29 janvier 202, ELI:
https://data.legilux.public.lu/filestore/eli/etat/leg/rgd/2021/01/22/a76/jo/fr/pdfa/eli-etat-leg-
rgd-2021-01-22-a76-jo-fr-pdfa.pdf.
Christina Bostani

Jurisprudence

CJEU, 7ième ch., 7 décembre 2017, Eurallumina SpA – Commission Européenne, C-323/16 P,
ECLI :EU :C :2017 :952, publié sur
https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf;jsessionid=C6E70AD1A3374C82ADCB
A993EB1C54DA?
text=&docid=197881&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid
=13298001 .

CAL, 8e civ., 31 mai 2018, n° 67/18, n° 43972 du rôle, publiée sur www.justice.public.lu.

CAL, 3e civ., 27 janvier 2022, n° 17/22-III-TRAV, n° CAL-2021-00184 du rôle, publiée sur


www.justice.public.lu.

Doctrines

Chambre des salariés, La surveillance sur le lieu de travail – dialogue thématique,


Luxembourg, Chambre des salariés, 2014, 108 pages.

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loi », Socionews, n° 6/2018, 20 août 2018, disponible sur :
https://www.csl.lu/wp-content/uploads/2021/02/socionews-n_6-2018_surveillance-sur-le-
lieu-de-travail.pdf (consulté le 21 mai 2023).
CORNU G. et CORNU M., Vocabulaire juridique, 14ème éd., mise à jour par Marie Cornu
[et al.], Paris, PUF, 2022, 1105 pages.

FRONCZAK, E., « La protection de la vie privée, de l'image et de la correspondance du


salarié. Perspectives luxembourgeoise et européennes », J.T.L., 2018/1, n° 55, pp. 8-14.
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technologies de l'information au Grand-Duché du Luxembourg », J.T.L., 2012/3, n° 21, pp.
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GUINCHARD, S. et DEBARD, T., Lexique des termes juridiques 2022-2023, 30e éd., Paris,
Dalloz, 2022,1474 pages.

TERWANGNE, C. et ROSIER, K., Le Règlement général sur la protection des données


(RGPD/GDPR) : analyse approfondie, Bruxelles, Larcier, 2018, 929 pages.

Autres

BOGORATZ, S. et BAUER, C., « La vidéosurveillance du salarié : Pour une protection


juridique nouvelle de son image et de l’intimité de sa vie privée », 1994, disponible sous :
https://www-cairn-info.proxy.bnl.lu/article.php?ID_ARTICLE=LEGI_010_0014#no19
(consulté le 19 mai 2023), pp. 17-24 .
Christina Bostani

Site officiel de la Chambre des salariés du Luxembourg, disponible sous :


https://www.csl.lu/fr/vos-droits/salaries/types-demplois/teletravail/ (consulté le 20 mai 2023).

ALI, A., “L’influence du télétravail à domicile sur l’apparition d’un burn out chez le
télétravailleur », Faculté des sciences économiques, sociales, politiques et de communication,
Université catholique de Louvain, 2021, 59 pages.

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